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Breath of the Wild : La grande histoire de la Princesse d'Hyrule

Ecrit par Azur

Chapitres 1 à 7   •   Chapitres 8 à 11   •   Chapitres 12 à 15   •   Chapitres 16 à 19   •   Chapitres 20 à 23   •   Chapitres 24 à 26   •   Chapitres 27 à 29   •   Chapitres 30 à 32   •   Chapitres 33 à 35   •   Chapitre 36 à 38   •   Chapitre 39 à 40
Chapitre 27 : Libre arbitre   up

Tu sais, Link, cela m'a beaucoup touché. Le fait que tu te confies à moi comme tu l'as fait lors de notre pique-nique. Je suis heureuse que l'on puisse se faire confiance. Aujourd'hui, je dois bien avouer que j'ai eu très peur de voir cela disparaître. Impa dit qu'il reste une part de Ganon en toi... Je veux que tu saches que je prierai la déesse Hylia pour que celle-ci te soit inoffensive jusqu'au jour où nous vaincrons le Fléau et qu'elle disparaîtra.

Je sais que tu refuserais, mais en aucun cas je ne repousse l'idée que tu puisses m'appeler simplement par mon titre. Car rares sont les personnes qui comprennent mes angoisses, et mes peurs. Et je crois bien que tu en fais partie. Je voulais donc t'en remercier, bien que je ne t'en aie encore jamais parlé...

Merci, Link. J'ose espérer que la prochaine fois, je serai capable de te le dire sans que tu ne sois inconscient...

Repose-toi.

Le héros ouvrit les yeux et ne vit que de simples rideaux rouges s'étaler devant une fenêtre. Son corps était enfoui dans un fauteuil de la même couleur. Lorsque son esprit fut pleinement éveillé, il reconnut alors l'endroit dans lequel il était. Link se trouvait toujours dans le bureau d'Impa, vêtu uniquement de son pantalon hylien. Sa tunique se trouvait contre lui. Il se souvint qu'il avait dû la retirer pour que la magistrate adjointe puisse agir sur son dos. D'ailleurs, celui-ci n'était absolument plus douloureux. Tout semblait avoir disparu. Il se redressa et reposa ses pieds sur le sol en enfilant son habit bleu. Sa tête tournait légèrement, quelques migraines vinrent le déranger mais celles-ci passèrent rapidement. Puis, il sentit que ses mains étaient d'une moiteur désagréable. Ce qui devait être dû à sa chaleur corporelle relativement élevée et au stress auquel il avait été confronté.

- Link. Tu es réveillé, s'exclama Impa qui venait d'arriver.

Il passa une main derrière sa nuque et découvrit son épée posée près de lui. Fort heureusement, il n'en avait plus peur. En se remémorant ses réactions, il eut presque honte de lui-même d'en avoir été effrayé.

- Comment te sens-tu ? demanda la Sheikah qui s'avança.
- Plutôt bien. Quelle heure est-il ?
- Bientôt minuit. Tu t'es évanoui durant une bonne heure.

Il avait terriblement envie de rentrer chez lui, ou dans sa chambre respective du château. Comprenant que cette soirée n'était pas terminée, il voulait partir se reposer pour de bon. Les nuits blanches n'étaient pourtant pas quelque chose de nouveau pour lui, mais la corruption l'avait épuisé. Et à ce sujet, il demanda à Impa si elle avait réussi son coup.

- Est-ce que...
- J'en ai retiré la grande majorité, oui, le rassura-t-elle.
- La grande majorité ? fit Link, dubitatif.

La Sheikah vit le doute s'emparer progressivement du visage du héros. Elle devait lui expliquer que le travail n'était pas totalement terminé, elle se justifia de sorte à ce qu'il soit compréhensif. Même si cela était dur à entendre, malheureusement.

- Tu as hurlé de douleur... Tu t'es soudainement levé et je n'ai pas pu terminer. Mais n'aie crainte, cela ne devrait pas complètement perturber ton quotidien...
- Vous voulez que je garde cette chose en moi ? prit peur le blond.

Impa haussa les épaules, témoignant de son incapacité à modifier le cours des choses. Elle en était désolée, mais le danger principal avait été éliminé, il fallait relativiser.

- Link, je ne peux plus rien faire, à ce stade. Constate-le par toi-même, tu n'as plus de blessure, et aucune ne risque de réapparaître non plus... J'ai fait tout mon possible.

L'Hylien regarda intensément ses paumes de mains, comme s'il avait peur qu'une aura maléfique en sorte subitement. Inquiet, il inspira longuement avant de resserrer les poings et de se lever. Les yeux noisette d'Impa l'observaient avec compassion. Le héros n'était pas seulement soucieux pour lui, mais également pour les autres. Qu'adviendrait-il d'un royaume dans lequel son élu lui-même était sous le contrôle du Mal ? Comment pouvait-il protéger la princesse tout en sachant que Ganon vivait encore en partie en lui ?

- Tu sais, ajouta la Sheikah, comme je l'ai dit à la princesse, il y a toujours certains moyens de contrer la corruption. J'imagine que prier la déesse Hylia pour qu'elle t'immunise serait la méthode du désespoir, mais sache que nous avons des preuves des miracles qu'elle a déjà pu réaliser par le passé et...
- Est-ce que je vous ai malencontreusement fait du mal ? À vous, ou Son Altesse ? l'interrompit-il.

Impa esquissa un très léger rictus dans un coin de ses lèvres, elle admirait son intense dévouement au devoir qui lui avait été confié. La soeur de Pru'ha prit appui sur la largeur de son bureau et hocha négativement la tête.

- Non, dit-elle.

Elle comprenait qu'il se souciait surtout de Zelda, en tant que chevalier servant, il se devait de s'assurer qu'il ne lui arrivait rien. Et si la menace s'avérait être lui-même en personne, il n'allait pas hésiter une seconde à s'éloigner d'elle s'il le fallait et à décider de se faire remplacer. Link allait devoir redoubler de vigilance sur ses actes et ses paroles dans les jours qui arrivaient.

- Elle va bien, Link, assura Impa.
Un soulagement naquit en lui.
- D'ailleurs, en ce qui concerne la princesse, elle risque de te parler d'une éventuelle... volonté de sa part d'aider Lambda.
- Comment ? Pourquoi voudrait-elle faire une chose pareille ? s'étonna le blond.
- Je crains que son histoire l'ait particulièrement touchée.

La porte du bureau, qui se trouvait dans le champ de vision de Link et qui était entrouverte, se déplaça lentement en suivant son axe de rotation. Et la magistrate adjointe, qui tournait le dos à celle-ci, ne semblait pas l'avoir remarqué.

- Pour sa protection, si elle souhaite se rendre au repaire des Yigas, tu dois refuser ! Cela serait beaucoup trop dangereux et...
- Dame Impa... la coupa Link qui regardait par-dessus son épaule.
- Non Link, si j'insiste, c'est que je sais comment cela se passe là-bas, j'y ai vécu dix ans. Et je ne pourrais accepter que la prêtresse royale se jette ainsi dans la gueule du loup. Avec ou sans ta protection. Nous ne pouvons pas faire confiance à cet homme.

L'expression du capitaine resta neutre. Zelda était entrée silencieusement. Elle afficha tout d'abord un discret sourire lorsqu'elle vit le héros réveillé et hors de danger. Puis, rapidement, elle prit Impa par surprise en intervenant soudainement. Il était vrai que la princesse était repartie assez brusquement après les explications limpides de Lambda, elle voulait venir discuter davantage avec la Sheikah ; mais celle-ci lui semblait complètement impossible à persuader.

- Ce que je ne comprends pas, c'est que tu l'as vue, cette petite fille, débuta Zelda. C'est tout de même déroutant de savoir que le fait qu'elle soit l'enfant de ce voleur te fasse employer ce ferme discours.

Impa se retourna en sursaut vers la blonde qui avait compris qu'elle parlait d'elle à Link. Le héros était ignorant de la situation et ne possédaient pas les révélations de Lambda. Il sentait une certaine tension dans la voix de la princesse et en conclut qu'elle et Impa avaient dû être en désaccord très récemment.

- Princesse, je ne vous ai pas vue entrer...
- Nous parlons d'une fillette de huit ans, Dame Impa. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte.

Elle soupira puis se dirigea vers la chaise de son bureau sur laquelle elle s'assit avant de répondre à la fille du roi avec un grand sérieux. Elle attrapa une pile de papiers administratifs qu'elle réajusta, ce qui lui permettait de réfléchir à ses propos qui - et elle le savait - n'allaient pas plaire à Zelda.

- Je ne suis absolument pas contre le fait de lui porter secours, dit-elle. Ce qui me gêne, c'est la façon dont vous allez vouloir vous y prendre. S'aventurer chez les Yigas qui doivent être des centaines, trouver en un temps record où se trouve la cellule de Lysia ainsi que la sortir de cet endroit terrifiant, le tout sans se faire repérer. Pardonnez-moi, mais personne ici présent n'est capable de réussir une telle mission seul.

Convaincue que cela était tout de même possible, la princesse fit quelques pas en avant comme pour insister sur l'idée.

- C'est pourquoi nous aurons besoin de votre aide. Vous connaissez parfaitement leur repaire, vous pourriez être notre guide et...
- Princesse. Je suis désolée, mais je vais être obligée de refuser. Vous voir mettre vos vies en péril à cause du monologue de cet homme, je ne le permettrai pas.

Voyant qu'elle ne changeait pas d'avis, elle en venait à croire que la Sheikah ne voulait pas agir et nier les faits. Il était clair que son passé avec Lambda n'arrangeait pas les choses, mais ce n'était point de lui dont il était question.

- Alors nous devrions rester ici ? La laisser se faire tuer et condamner à mort Gabriel ? C'est ce que vous voulez ? interrogea l'Hylienne.
- Par Hylia, ne l'appelez pas par son nom...
- Je sais pertinemment qu'il vous a fait du mal, autrefois. Vous avez de bonnes raisons de le haïr à ce point, mais...
- Ça oui ! J'ai passé des nuits entières chez le médecin du château à cause de lui. Les combats incessants l'amusaient. Vous auriez vu la joie qu'il éprouvait... Je n'ai jamais autant détesté une personne. "Dites à Impa que je lui ai encore échappé !", "Dites à Impa que je viendrai dans quelques heures !". Il me mettait en rage.

Il était tout à fait légitime qu'Impa en veuille autant au voleur. Il avait rempli sa vie de frustration constante de ne pas mettre la main sur lui. Link, qui préférait rester silencieux, commençait à comprendre de quoi il était question. Cependant, ni Impa, ni Zelda ne l'avait encore réellement persuadé.

- D'accord, fit la princesse, mais à ce stade, nous devons faire preuve de bon sens. Et personnellement, lorsque je sais qu'une petite fille attend que l'on vienne la secourir depuis plus d'un mois et qu'il ne lui reste que trois jours, mon choix est vite fait.
- C'est de l'imprudence, Princesse, répliqua Impa.
- Peut-être, mais cela en vaut la peine.
- Lambda n'en vaut pas la peine.
- Lysia, elle, en vaut sûrement la peine !

Zelda s'était légèrement emportée sur cette dernière phrase. Un silence mortel envahit la pièce et Impa avait les yeux fermés et ses doigts massaient ses tempes. Cette discussion allait mal finir... elle le sentait. Elle voyait une énième fois devant elle une princesse déterminée et prête à venir en aide à autrui, certes, mais elle était aussi par moment terriblement têtue.

- Que diriez-vous à votre père s'il apprenait toutes vos intentions ?
- C'est une menace ? s'étonna la blonde.
- Absolument pas, je ne permettrai pas de vous menacer de la sorte.
- Alors cessez de tout ramener à mon père ! reprit-elle avec un vif agacement.

Suite à la tension qui s'était installée, Link décida d'intervenir avant que la situation n'empire. D'un ton calme et presque imperceptible, il s'adressa à Zelda et Impa.

- Écoutez-moi, je pense qu'il se fait très tard et que nous devrions en discuter une prochaine...
- Non, Link, refusa catégoriquement la princesse. Le temps nous est compté. Une vie est en jeu.
- Pourquoi désirez-vous autant participer à cette folie, si elle devait avoir lieu ? demanda alors la Sheikah.
- Car le gang des Yigas me veut en personne depuis des années. Voilà mon plan.

Elle fut sidérée. La magistrate adjointe n'en revenait pas. Elle eut un mouvement de recul sur sa chaise lorsqu'elle prit conscience de sa stratégie qui, pour elle, était une pure folie.

- Vous voulez vous... livrer aux... ?

L'absence de réponse lui apporta la confirmation. Impa se leva, les mains plaquées contre son bureau, et la colère montant en elle. Les premières secondes, elle hésita à parler à la fille du roi comme elle s'apprêtait à le faire. Mais c'en fut trop pour elle, il était inconcevable que la princesse d'Hyrule se livre aux Yigas de son plein gré, même si cela devait être une ruse.

- Et une fois prisonnière de ces assassins, comment comptez-vous vous y prendre ? Ils vous tueront à la première occasion ! s'énerva Impa.
- Dame Impa, nous nous en sortirons, je comprends votre mécontentement mais...
- Non, vous ne comprenez pas ! C'est de l'inconscience, Princesse ! De l'inconscience ! Sauf tout votre respect, vous ne semblez pas réaliser le degré de dangerosité dans lequel vous vous mettriez ! Et la présence de Link ne suffira pas, je puis vous l'assurer !

Zelda essaya de garder une attitude calme afin de ne pas sombrer dans une fureur similaire à celle de la Sheikah. Par ailleurs, elle n'avait encore jamais vu Impa dans un tel état. C'était formel, elle n'allait rien laisser passer.

- Je ne désire guère me quereller avec vous, déclara Zelda. De ce fait, je vous prierai de bien vouloir atténuer votre ton et garder votre sang-froid.
Elle serra les dents et se rassit.
- Ce Gabriel est un criminel, Princesse.

L'Hylienne en avait assez. Traiter cet homme de criminel après avoir entendu une telle histoire, elle ne l'acceptait pas. Lambda était un criminel. Mais pas Gabriel. La personne qu'elle avait eue en face d'elle, il y avait encore quelques minutes de cela, n'était pas Lambda mais un père désespéré cherchant par tous les moyens de sauver sa fille. Un simple père, par toutes les déesses...

- Impa, taisez-vous, fit Zelda avec une fermeté qu'elle n'avait pas pour habitude d'adopter.
- Il ne mérite pas que...
- Impa, taisez-vous, c'est un ordre !

La Sheikah baissa la tête et s'exécuta. L'ambiance était de nouveau extrêmement pesante. Link croisa le regard de la princesse qui lui demanda de la suivre rapidement.

- J'en déduis que c'est vous, Dame Impa, qui manquez cruellement d'empathie.

Et sur ces mots, elle s'en alla furieuse avec le héros qui s'était abstenu de toute remarque. Il aurait voulu intervenir plusieurs fois, afin de ne pas rester spectateur de la scène ; mais au bout du compte, il ne savait même pas de quoi il était question et ne préféra pas en rajouter.

- Je l'ai connue beaucoup plus compréhensive ! maugréa Zelda en refermant la porte du bureau.

Elle et Link se retrouvèrent seuls dans un sombre couloir du château éclairé par de multiples torches enflammées. Le héros, constatant le silence nocturne qui régnait, répondit sur un ton toujours assez bas.

- Le sujet paraissait assez sensible.
- Désolée que tu aies dû assister à cela. De plus, j'ai été très impolie, je ne t'ai pas demandé si tu allais mieux...
- Tout va bien pour moi, je ne ressens plus de douleur. Pardonnez-moi d'insister mais je crains mal comprendre ce que vous envisagez de faire, concernant le repaire des Yigas.

Lorsqu'elle se mit à la place du blond, Zelda comprit qu'il se sentait un peu perdu dans toute cette histoire. Son avis, selon elle, ne pouvait qu'être du côté d'Impa car il n'avait pas assisté aux aveux de Lambda et de ce fait, les intentions de la princesse devaient lui paraître quelque peu mystérieuses et difficilement acceptables. Ce qui, dans un sens, était un peu vrai. Link ne voulait pas vraiment s'opposer aux volontés de la blonde mais quand cela mettait sa vie en danger, il faisait son devoir et n'allait pas hésiter à refuser. C'était, en tout cas, ce que pensait la princesse du chevalier.

- Il faudrait que je te raconte ce qu'il nous a dit, énonça-t-elle. Mais pour ce soir, tâchons de partir nous reposer. Je t'informerai de tout ce que tu dois savoir dès demain.
- Très bien, acquiesça Link.

Il expliqua son point de vue à l'Hylienne qui ne s'étonna pas de celui-ci, ce qui était différent avec celui d'Impa qui elle était présente lorsque les révélations avaient été faites et qui était restée impassible.

- C'est juste que... en tant que chevalier servant, je ne suis pas sûr que vous escorter jusque dans la base ennemie soit très pertinent. Vous comprenez ?
- Son histoire m'a atteinte. Et peu importe celui qu'il était autrefois, il faut aller sauver cet enfant.

Il répondit d'un léger hochement de tête.

- Link, j'ai l'ultime conviction que nous devons y aller... continua Zelda.
- Je me dois de vous protéger, mais si vous pensez que cette option est indispensable au bon déroulement du futur, je vous suis, rassura Link.

Il ancra ses yeux bleus dans les siens en se souvenant de leur promesse qu'ils s'étaient faite durant leur passage à Firone. Une promesse qu'il prenait beaucoup au sérieux. Il la rappela donc et lui fit comprendre qu'il ne l'avait pas oubliée.

- Je vous fais confiance.
Elle sourit.
- Je suis heureuse de l'entendre. Je sais que cela peut te paraître étrange, mais je ne saurai comment l'expliquer. Mon instinct me dit que...
- Je suis avec vous, Votre Altesse, assura Link qui lui montra qu'elle n'avait nul besoin de se justifier davantage. J'aimerais toutefois que nous réfléchissions à un plan un peu plus élaboré qui augmenterait nos chances de nous en sortir.
- Tu as raison.
Tous deux se turent. Zelda passa ses mains derrière son dos, tandis que Link jeta un regard derrière lui. Il se racla la gorge.
- Je... je crois que je vais aller...
- Oh, oui. Bien sûr.

Ils se saluèrent puis le héros partit d'un côté du couloir rejoindre sa chambre dans les seconds quartiers.

- Link ! Je... s'exclama soudainement la princesse.

Il se retourna vers la blonde qui cherchait ses mots. Le capitaine attendait la suite mais n'eut nul doute que Zelda voulait lui faire part de ses remerciements. Il ne savait pas s'il avait rêvé ou si la princesse lui avait réellement parlé pendant qu'il était inconscient, mais en remarquant la difficulté de cette dernière à lui transmettre un dernier message, il fit rapidement le lien.

- Merci à vous, répondit-il en lui offrant un sourire chaleureux.

~~~

Durant cette même nuit, de l'autre côté du royaume, Nell discutait autour d'un feu de camp en compagnie d'Alan. À vrai dire, ce dernier devait repartir bien plus tôt. Mais il fut rattrapé par ses émotions lorsqu'il expliqua son problème à la voyageuse. Ils étaient toujours au relais du pont de Tabanta, à l'extérieur. Seule la lumière des flammes éclairait leur visage. Alan restait toujours aussi fermé concernant les propositions de Nell. Premièrement, car il ne voulait pas la mettre en danger : Brad l'avait corrompu, lui aussi, et il profitait de ses instants de lucidité pour s'éloigner comme il pouvait des autres avant de changer d'état d'esprit. Et deuxièmement, il ne souhaitait impliquer personne d'autre dans cette histoire déjà bien trop complexe et urgente comme ça. Le cadet avait accepté de discuter un peu après s'être remis des paroles qu'il avait lui-même dites, mais lorsque l'on débutait une conversation avec Nell, difficile de l'arrêter.

- Vous avez eu de la chance d'être tombé sur moi, tout de même, jugea-t-elle.
- Ah oui ? soupira Alan.
- Bien sûr ! Tout le monde ne vous aurait pas aidé et nourri en vous retrouvant sur cette rive. Je suis une véritable chance, pour vous.

Il haussa les sourcils suite à la prétention dont la jeune femme faisait preuve. Et cela semblait l'amuser, en plus. Depuis qu'elle l'avait amené à ce relais, c'est-à-dire il y a trois bonnes heures, la fatigue ne semblait pas l'atteindre. Alors que du côté du vendeur de potions, il attrapait par moment des migraines atroces et il avait terriblement chaud. Son état ne s'arrangeait pas.

- Je n'étais pas censé rester, je vous signale, rappela Alan.
- Vous êtes littéralement tombé en sanglots après m'avoir raconté toute votre histoire...
- Pas besoin de me le rappeler.
- Je comprends mieux pourquoi vous êtes devenu aussi... désagréable.

Cette remarque ne plut guère à l'Hylien. De plus que Nell ne savait même pas la vraie raison pour laquelle il était si énervé.

- Et moi je ne comprends pas pourquoi je vous ai parlé de tout ça, relança-t-il.
- Il me semble que vous vouliez vous débarrasser de moi. Mais je crois que vous aviez surtout besoin de parler à quelqu'un...
Il ne répondit point.
- Ce que vous vivez est très dur, Alan, continua Nell. Laissez-moi vous aider, dans votre quête. Je manie très bien l'arc, vous savez.
- Vous n'avez rien d'autre à faire que d'accompagner un inconnu pour retrouver sa nièce ?
- Non.
- J'ai du mal à le croire.

La voyageuse l'observa jeter rudement une brindille dans les flammes, la tête baissée et le regard rivé sur l'herbe sous ses pieds. Il paraissait se forcer à froncer les sourcils, à rester coléreux. Comme si ce n'était pas ce qu'il voulait. Alan fut soudainement pris d'une toux désagréable durant une dizaine de secondes. Nell n'en tint pas compte.

- Pourtant, je vous l'assure, dit-elle. Je suis normalement en voyage pour la cité Gerudo. Il paraît que là-bas, on y vend de fabuleux bijoux. Ma famille vit au village d'Adeya tandis que moi, je suis partie vivre au petit village de Caroc pour les affaires. J'aimerais donc ramener quelques bijoux à mes parents et mes frères et soeurs. Mais je serai à la cité beaucoup plus tôt que prévu alors...

Le frère de Gabriel releva soudainement les yeux vers la jeune femme. Les souvenirs venaient de réapparaître dans son esprit. Le village d'Adeya... Il hésita à énoncer son hypothèse, par peur de se tromper de personne. Mais plus il la regardait, plus elle ressemblait à l'adolescente qu'il avait en tête. Cela ne pouvait être qu'elle. Comment avait-il fait pour ne pas la reconnaître directement ?

- Vous habitez au village d'Adeya ? Vous... vous êtes...
- Absolument, Alan. Vous ne me reconnaissez que maintenant ?
- Non ce n'est pas possible... Vous n'aviez que seize ans à l'époque...

Nell eut un mouvement de recul et porta une main contre elle suite à cette affirmation. Elle s'en amusa par la suite mais fut très étonnée de cette réaction.

- Eh bien j'en ai vingt-quatre, figurez-vous ! Je fais si vieille que ça ?
- C'est incroyable de... vous revoir après autant de temps.
- Vous nous avez sauvés, moi et ma famille, de cet incendie. Vous vous souvenez ? Nous n'avions plus rien et... vous... je ne sais par quelle générosité, vous aviez pris la décision de nous donner la moitié de vos provisions que vous aviez sur vous. Ensuite, vous êtes reparti. Puis quelques jours plus tard, vous êtes revenu pour nous offrir une somme de rubis monstrueuse pour de simples villageois comme nous... Comprenez donc qu'aujourd'hui, je souhaite vous aider en retour, c'est la moindre des choses. Je n'ai pas pu le faire à l'époque.

Cela changea littéralement le point de vue qu'Alan avait sur l'Hylienne. Cet événement lui était complètement sorti de la tête avec les années. Et pourtant, ses actes étaient inoubliables pour la famille de Nell. Le vendeur de potions apparaissait comme un héros à leurs yeux, ce que celui-ci refusa d'entendre, il avait fait ce qu'il pensait être le mieux. Le modeste et altruiste Alan de l'époque avait bien changé, depuis quelques mois.

- Comment se porte votre famille ? demanda-t-il, curieux.
- Très bien. Après cet accident et votre arrivée, nous nous sommes relevés. Et c'est grâce à vous. Sans votre bienveillance et votre générosité, je ne serai pas là aujourd'hui, j'en suis certaine ! D'ailleurs, comment étiez-vous tombé sur nous ? Que faisiez-vous dans un village si banal et peu visité ?

L'homme aux cheveux noirs n'en avait même pas parlé à son frère, mais il y avait huit ans, il avait décidé de faire le tour du royaume pour retrouver la mère de Lysia qui venait de disparaître. Mais il en conclut vite que rien n'allait résulter de ses recherches, et que la retrouver n'aurait peut-être pas servi à grand-chose durant cette période. Ce fut ainsi qu'il laissa tomber. Alan avait tellement eu d'espoir dans cette nouvelle famille qui semblait se porter parfaitement bien qu'il n'avait pas accepté que celle-ci se brise de cette manière. Il était furieux. Et il l'était toujours.

- La vérité c'est que j'étais... parti à la recherche de ma... belle-soeur de l'époque. Elle avait disparu et... enfin bref.
- Oh. Vous l'avez retrouvée ?
Nell insista sur le sujet mais Alan ne désirait pas continuer.
- Non, et je ne veux finalement pas parler d'elle.
- Elle est morte ? fit la voyageuse sans aucune retenue.
- Par toutes les déesses, Nell ! Non ! Elle n'est certainement pas morte, mais aujourd'hui, je me fous complètement d'où elle peut bien se trouver ! Et je ne veux pas parler de ça.
Elle se mordit les lèvres en comprenant qu'elle n'aurait pas dû être aussi curieuse.
- Désolée... s'excusa-t-elle.

Il venait d'élever de nouveau la voix sans aucune raison et des frissons le parcoururent. Soudain, il vit une aura violacée émerger de ses doigts. En un instant, il plaça ses mains derrière son dos et se releva rapidement. Il fut effrayé. Il le sentait... Il sentait le Fléau en lui, comme s'il pouvait jaillir d'une minute à l'autre. Mais tant bien que mal, Alan résistait aux différentes tentations que ce monstre lui ordonnait dans son esprit. Libre arbitre. C'était la chose essentielle à garder s'il ne voulait pas devenir comme Brad. Le cadet s'écarta du feu de camp et s'éloigna dans l'obscurité plus prononcée de la nuit à quelques mètres du relais. Il s'immobilisa et se concentra. Les poings serrés contre sa poitrine, il ferma les yeux et une série d'images passa l'une après l'autre dans sa tête. Il savait qu'elles ne venaient pas de lui, on les lui montrait, ou il voyait les pensées de quelqu'un d'autre. Dans tous les cas, il avait ce fort ressenti qu'elles n'étaient pas les siennes.

- Alan ? Que vous arrive-t-il ? interrogea Nell qui le rejoignit.
- Je...
- Vous êtes gravement malade, c'est ça ?
- On... va dire ça... gémit-il.

D'un air hébété, la jeune femme ne savait pas comment agir car le supposé malade reculait lorsqu'elle s'approchait de lui. Décidément cette rencontre était bien particulière. Entre les sautes d'humeur de l'homme qui allaient de la colère aux pleurs et les discussions incessantes de Nell, c'était un duo très original qui se reflétait.

- Le relais n'est pas complet, vous devriez aller vous reposer dans un lit pour le reste de la nuit.

Alan se tourna vers son interlocutrice, les yeux grands ouverts et une expression d'effroi sur le visage. De ce fait, la voyageuse se demanda s'il était atteint d'une quelconque peur du sommeil suite à son simple conseil d'aller dormir. Au point où ils en étaient, cela ne l'aurait pas étonnée. L'homme semblait dans un état de stress considérable, voyant qu'il ne tenait presque plus sur ses deux jambes, Nell l'empêcha de justesse de tomber. La corruption, déjà omniprésente dans son corps, commençait à s'approprier son lieu de résidence et l'utilisait comme un réceptacle qui permettait à la Calamité d'avoir une influence sur le monde avant même sa résurrection. Mais Alan luttait toujours. Encore et encore avant qu'il ne soit trop tard.

- Comment s'appelle-t-il ? lâcha-t-il soudainement.
- Que... comment ?
- Vous avez un mari ? Ou un amant ? Non ? Comment s'appelle-t-il ?
- Faras, mais...
- Il est en danger, coupa Alan. Il va lui arriver quelque chose...

Alors là, c'était la cerise sur le gâteau ! Que Faras venait-il faire dans cette histoire ? Et comment Alan pouvait-il être au courant qu'il était en danger ? Bien évidemment, Nell ne le prit pas au sérieux. Un homme retrouvé sur une rive et qui avait l'air parfaitement instable psychologiquement, comment la voyageuse pouvait-elle l'écouter ? Elle fut attristée de voir ce que le héros de sa famille était devenu. N'étant point au courant de la présence de corruption chez Alan, elle ne pensait pas que l'enlèvement de sa nièce pouvait autant impacter son physique tout comme son mental.

- Vous devez aller le retrouver ! Maintenant ! insista le vendeur de potions.
- Je suis désolée mais je ne vais pas retourner à la citadelle en pleine nuit juste parce que vous me le dites !
- Allez lui dire de quitter son laboratoire au château d'Hyrule ! Si vous partez maintenant, il est peut-être encore temps de le sauver mais... Ah !

Alan grimaça suite à la douleur qu'il ressentait soudainement au sein de sa poitrine. Il tomba à genoux sur le sol terreux. Nell fut cependant sidérée par ce qu'il venait d'entendre de sa part. Visiblement, l'homme savait des choses qu'il ne pouvait guère savoir jusqu'à ce moment précis.

- Comment savez-vous qu'il possède un laboratoire au château ? Vous êtes un prophète ?
- J'irai sauver ma nièce seul... Vous devez me faire confiance...
- Seul ? Par Hylia, vous allez vous faire tuer !

Il la poussa brusquement de ses deux mains afin de lui faire comprendre de prendre la route pour le château sans discuter.

- Allez-y et éloignez-vous de moi ! cria-t-il avant de disparaître en hauteur en parfaite verticale dans un amas noirâtre qui laissait une fine traînée derrière lui.

~~~

Le matin suivant, du côté de Faras, le Sheikah vivait une journée comme les autres, dans son laboratoire des quartiers de recherches du château. Tout se passait pour le mieux. Il finalisait ses travaux sur l'étude des nouvelles reliques que les chercheurs venaient de trouver. Contrairement à toute attente, le scientifique était très calme. Il était assis à sa table en train de relever les différentes informations qu'il avait pu noter sur un type de Gardien volant. Il entendait les oiseaux chanter à travers la fenêtre, puis il voulut faire une remarque à voix haute mais oublia qu'il était seul. Pru'ha l'accompagnait pourtant tous les jours, il s'était habitué à sa présence, mais il se souvint qu'elle n'était pas venue. L'aînée avait adopté un comportement très étrange depuis leur dernier passage au laboratoire royal. Elle n'était plus joviale et ne parlait plus. À croire qu'elle avait perdu la passion qu'elle portait pour son travail.

Trois coups frappèrent la porte d'entrée. Faras en conclut que son associée devait enfin être de retour. Mais lorsqu'il ouvrit, ce fut une toute autre personne qui se présenta à lui. Ce fut un grand homme brun, en tenue de chevalier, qui semblait porter une grande attention à tous les Gardiens désactivés disposés à l'extérieur du bâtiment, dans la cour. Sans même une salutation, il questionna le Sheikah.

- Dites-moi, vos machines là-dehors, où est-ce que vous les stockez en masse ?

Son air méprisant ne plut guère à Faras qui fut subjugué par la noirceur de son regard. Il s'agissait évidemment de Brad qui attendait impatiemment une réponse. Le chevalier était réapparu soudainement dans la partie ouest du château dans l'espoir de trouver ce qu'il désirait. Le Sheikah ne l'avait jamais vu auparavant, il l'interrogea donc sur sa profession.

- Vous êtes un chercheur ? Je ne vous reconnais pas, comment êtes-vous entré dans cette partie du château ?
- Aux dernières nouvelles, je me balade là où bon me semble. Répondez-moi, où est-ce que je peux trouver un grand nombre de ces trucs à cinq pattes ?

Le chercheur scruta les alentours afin d'y discerner une quelconque plaisanterie qui expliquerait cette situation si grotesque qu'il était en train de vivre. Il était dix heures du matin, une heure où tout le monde était au travail dans ces quartiers, d'autant plus que le festival avait toujours lieu et la population était déjà bien occupée. Alors pourquoi est-ce qu'un chevalier avec autant d'assurance venait-il le déranger ?

- C'est une blague, c'est ça ? supposa-t-il.
- Vous croyez vraiment que j'ai l'air de plaisanter ? Je veux une réponse, ou cela se passera très mal pour vous.
Faras hoqueta un rire qui prouvait qu'il trouvait tout cela pathétique.
- Ridicule, dit-il en refermant la porte et en laissant Brad dehors sans réponse.

Au même moment, l'associé de Pru'ha sentit une force invisible et intense le pousser vers l'arrière. Ce qui eut pour effet de le projeter sur le mur opposé de son laboratoire sur lequel il se heurta violemment. Fort heureusement, le choc fut douloureux mais cela s'arrêtait là. Brad pénétra aisément dans la grande pièce en ne cessant de scruter Faras tel un chasseur fixerait sa proie. Il ne portait pas d'arme, aucune épée, ni même un arc, il était simplement vêtu d'une armure de soldat banale qu'il avait toujours sur lui. À vrai dire, son esprit négligeait son hygiène de vie, il n'avait qu'une seule chose en tête : tout faire pour traquer et tuer les élus des déesses.

- Je te conseille de ne pas mettre en colère le Seigneur du Mal, souffla-t-il avec une voix basse et sépulcrale.

Le scientifique retomba sur le sol en percutant une caisse remplie de vis, arbres et rouages antiques. Il retira hâtivement ses lunettes de recherche de son visage pour agrandir son champ de vision et mieux anticiper les actions de son agresseur.

- Bien. Je pense qu'à présent, tu devrais me parler plus facilement, énonça Brad qui s'approchait doucement de lui. Je répète donc ma question.
Brad s'accroupit afin de se mettre à la hauteur du Sheikah.
- Où puis-je trouver des Gardiens massivement ?
Faras n'était pas stupide et comprenait qu'il ne pouvait strictement rien tenter pour le moment. Il dut se contenter de répondre au chevalier bien que cela ne lui faisait absolument pas plaisir.
- Les... les monolithes autour du château, selon mes recherches, devraient en contenir une grande quantité, seulement...
- Quoi ?
- Nous ne les avons pas encore localisés...

Tout à coup, Brad l'attrapa par le col et le souleva rudement en faisant glisser son dos vers le haut contre le mur froid. La carrure de l'Hylien ne correspondait pas à la force physique dont il faisait preuve. Où pouvait-il aller la puiser ? Le chevalier corrompu s'énerva et laissa ses iris évoluer en un rouge sang qui fit cauchemarder sa victime.

- Et tu crois que je suis venu ici pour que tu me dises ça, pitoyable Sheikah ?!
- Écoutez, je... je ne sais rien d'autre ! s'affola Faras qui n'en croyait pas ses yeux. Les fouilles sont encore en cours et nous ne savons pas encore tout !
- Soit. J'en conclus que tu ne me sers à rien. Et tu sais ce que ça veut dire ?

Brad resserra son emprise autour du vêtement de Faras et, dans un cri bestial, l'éjecta jusque sur la table au milieu du laboratoire sur laquelle le chercheur s'écroula dans un bruit sourd. Il roula sur le plan de travail jusqu'à chuter de l'autre côté et tomber une nouvelle fois au sol. Un corps humain était incapable d'émettre une énergie si négative et d'exercer une force si grande sur le monde extérieur. Il n'y avait qu'une seule explication à cela, et Faras était assez renseigné pour comprendre que Brad était habité par la rancoeur de Ganon.

Pendant ce temps, à l'entrée des quartiers de recherches, Nell - qui avait malgré tout fait la route pour rejoindre son amant - était épuisée. Elle s'était résolue à écouter Alan lorsque celui-ci avait littéralement disparu devant elle dans une nuée noire. La jeune femme fut effrayée et pensait qu'elle avait été confrontée à un être maléfique, un démon. Comment faire preuve de bon sens après une telle vision ?

- Ces quartiers sont réservés, vous ne pouvez y entrer sans autorisation, déclara un garde.
- Je suis la conjointe de Faras ! expliqua Nell. Dites-lui de venir me voir ne serait-ce qu'un instant ! Je vous en supplie !
- Les chercheurs sont très occupés ces temps-ci, revenez plus tard.

La voyageuse le regarda intensément afin de lui faire comprendre la gravité de la situation. Nul besoin de lui dire la vérité... Si Nell était ici, devant le garde, c'était à cause de la prévention fortuite et incompréhensible d'un homme qui s'était soudainement volatilisé devant ses yeux la nuit dernière. Autant dire que sa crédibilité en prendrait un certain coup...

- Il est en danger... marmonna-t-elle.
- Veuillez vous retirer, ordonna son interlocuteur.

Faras se releva difficilement de sa seconde chute encore plus brutale que la précédente. Qui savait jusqu'où le brun pouvait aller pour obtenir ce qu'il voulait... Essoufflé, le scientifique prit appui contre la table puis recula au fur et à mesure que Brad avançait vers lui. Il n'avait encore jamais eu affaire avec une personne corrompue, mais les écrits à leur sujet étaient nombreux, le chercheur avait autant de connaissances qu'Impa sur eux. Étant ignorant du stade de corruption dans lequel Brad se trouvait, Faras essaya tout de même de le raisonner.

- Vous sortez de nulle part... vous... m'agressez à l'aide d'une violence sans nom... Mais nous savons tous deux que... ce n'est pas réellement vous qui agissez en ce moment-même, n'est-ce pas ?
- Ce que tu tentes de faire ne sert à rien. Il est déjà bien trop tard, répondit Brad, l'air fier et les yeux toujours teintés de ce même rouge.
- Il n'est jamais trop tard pour changer les choses.
- Tu vois, Sheikah, je trouve que les choses sont très bien comme elles le sont maintenant.

L'air s'assombrit. De fines particules de corruption s'élevèrent dans celui-ci en sortant de terre. Brad inspira profondément et ses bras commencèrent à se faire recouvrir par l'aura si singulière de la Calamité.

- Je ne voulais pas m'attarder sur un stupide chercheur comme toi... dit-il.
La puissante contraction de ses muscles fit trembloter son corps.
- Mais cela en fera un de plus qui rejoindra mes rangs.

La vitre de la fenêtre située à la droite de Faras se brisa soudainement et ses éclats de verre furent projetés dans toute la pièce, laissant passer à vive allure une traînée noire qui vint s'effondrer sur le chevalier. Une masse obscure et dévastatrice. Exactement comme la forme spirituelle que Brad prenait par moments. Mais, étrangement, ce dernier ne fut aucunement surpris de l'arrivée inopinée de la chose bien qu'elle le fit s'abattre sur le sol. Le Sheikah en profita pour fuir, c'était maintenant ou jamais. Une silhouette se releva à travers l'émanation rosée que Brad avait créée autour de lui.

- Tu en as mis du temps, Alan ! s'exclama-t-il.
- Tu vas payer...

Le frère de Lambda poussa le chevalier sans attendre vers l'arrière d'un coup de pied porté sur son plastron. Il évacua toute la rage qu'il avait contre lui dans un hurlement de haine. Le brun fut obligé de reculer mais ne trébucha pas. Il s'amusa de la situation tandis qu'Alan s'apprêtait à se ruer sur lui une seconde fois.

- Tu as une sacrée résistance mentale, ma parole ! s'exclama Brad. Tu luttes tellement que tu as réussi à user de tes nouveaux pouvoirs tout en étant lucide.
- Regarde ce que tu m'as fait... souffla le cadet, affligé.

Alan reprit sa forme immatérielle avec laquelle il était arrivé et fonça en ligne droite vers son adversaire. Celui-ci utilisa la même technique que lui afin de l'esquiver en s'élevant de quelques mètres en hauteur jusqu'au plafond. Les yeux de l'oncle brûlaient de rancoeur et étaient similaires à ceux du rival de Link. Brad remit pieds à terre, se retourna en vitesse et, d'un geste de la main droite, fit jaillir de la corruption de celle-ci qui s'élança sur l'Hylien qui retrouva son corps physique et qui s'était stoppé dans sa lancée avant de détruire le mur du laboratoire, les mains à plat contre celui-ci. Alan rattrapa cette substance immonde qui était censée l'immobiliser et n'avait pas prévu qu'elle pénètre en lui de par les pores de sa peau. Il sentit une certaine difficulté plus poussée à résister à la tentation de s'adonner pleinement à Ganon. Il serra les dents, ce qui lui évita de crier, laissant uniquement échapper un grognement féroce.

Brad s'approcha de lui en le voyant souffrir. Lorsqu'il fut assez proche, Alan n'hésita pas une seconde à le frapper à la tête à l'aide de la sienne. Le chevalier porta ses deux mains sur son front, à l'endroit du futur hématome. Puis, il s'empara de son ennemi par le cou et le projeta en l'air dans la direction opposée. Alan heurta le plafond mais évita la chute en se déferlant à nouveau sur le brun dans ce même amas noirâtre qui laissait entendre un rugissement de bête sanguinaire.

Brad puisa dans ses entrailles un maximum d'énergie pour contrer cette boule de malice enragée qui l'avait pris pour cible en formant une bulle de rancoeur autour de lui qui lui servit de bouclier. Il réussit donc à le repousser et l'oncle fut redirigé vers le sol. Furieux, la masse violacée et incontrôlable que formait Alan longea les quatre murs de la pièce en détruisant tout sur son passage dans un écho terrifiant. Il sortit ensuite de sa forme maléfique pour récupérer son physique, essoufflé.

- Vas-y, continue... laisse éclater ta rage... profite de tes nouveaux dons ! Mais rappelle-toi qui est ton véritable ennemi, Alan.

Le frère de Lambda ne lui laissa guère le temps de le manipuler et fit valser Brad à distance en le déplaçant et l'arrêtant juste au-dessus de la table centrale. Puis, il le fit s'abattre violemment sur celle-ci qui se brisa avec le choc. Alan se stoppa un instant dans son combat acharné et resta agenouillé. Ces pouvoirs... ils lui prenaient tellement d'énergie... La fatigue qui montait, le front en sueur, et le souffle saccadé, il écouta les paroles du chevalier corrompu.

- Je savais que tu viendrais. Comme tu savais que j'allais venir ici, n'est-ce pas ? dit-il en se relevant au milieu des restes de la table détruite.

Alan maintint la colère animée de son visage. Il avait raison, la vision qu'il avait eue montrait bel et bien cette situation même. Mais l'homme, en débarquant ici, pensait changer le cours des choses. Visiblement, à l'écoute des propos du chevalier, il n'avait fait que suivre ses volontés et cela l'énerva d'autant plus.

- Dorénavant, nous sommes liés, expliqua Brad. Le Fléau vit en partie dans nos deux corps. Mais toi... tu es tenace.
- Je ne te laisserai pas faire de mal à qui que ce soit !
- Tu crois que je suis venu ici pour tuer ce Sheikah ? C'est pour toi, que je suis ici.
Il le dévisagea.
- Alors tu l'as menacé car tu savais que cela m'amènerait à toi ? fit Alan.
- Nous faisons partie du même camp, à présent. Laisse ton esprit se livrer à tes véritables désirs...

Brad attira l'oncle vers lui d'un geste de ses deux mains en fermant les poings. Des particules l'attirèrent jusqu'au brun contre sa volonté puis ce dernier attrapa la mâchoire de l'Hylien qui n'avait plus aucun moyen de défense.

- Alan. Qu'est-ce que tu veux le plus à l'heure actuelle ?
- Je...
Il s'arrêta subitement. C'était comme si les mots voulaient sortir de sa bouche sans même lui demander son avis. Brad insista.
- Qu'est-ce que tu désires, au plus profond de toi ?!
- Je veux...
- Oui...
Il comprit son stratagème et refusa de se faire manipuler de la sorte.
- Non, je ne me laisserai pas...
- Dis-le ! cracha-t-il au cadet afin d'ajouter une pression qui allait lui faire dire ce qu'il voulait.

Le reste de sa raison qui lui était encore fidèle disparut. L'aura qui émanait du chevalier la fit s'évaporer en quelques instants. Il était trop tard, cela allait arriver à un moment ou un autre, la corruption s'empara de la dernière partie d'Alan qu'elle n'avait pas encore atteinte jusque-là : son esprit. Il avait résisté le plus possible, mais l'influence de Brad fut de trop.

- Je... veux voir... la défaite des élus des déesses, balbutia-t-il entre les doigts brûlants du chevalier qui lui tenait encore le visage.
- Seulement ? Tu veux beaucoup plus, n'est-ce pas ?

L'oncle retira soudainement toute expression de son faciès et opta pour une neutralité remarquable. Plus aucune peur, ni rage. Juste de l'indifférence. Ainsi, Alan bougea ses lèvres et d'une voix monotone, répondit.

- Je veux tuer les élus des déesses.

~~~

Ce jour-là était aussi le quatrième et dernier jour du festival d'Hyrule. La journée la plus chargée et la plus festive de toutes. Link était très sollicité durant la matinée, car les activités en préparation le concernaient fortement en raison de son titre de capitaine de la garde royale. Il devait s'assurer de la bonne organisation des duels. Il s'agissait d'une succession de combats entre chevaliers qui allaient se dérouler dans l'amphithéâtre et qui permettaient aux soldats de prouver leur talent en sortant victorieux de ceux-ci. Cela leur permettait parfois de monter en grade. C'était un évènement qui rassemblait généralement une vingtaine de personnes, et cela en devenait presque un véritable spectacle pour eux qui, normalement, n'étaient là que par curiosité. Le but n'était pas d'impressionner la population mais de satisfaire les chefs de sections.

En raison de l'indisponibilité exceptionnelle de Link, celui-ci demanda à la princesse si elle comptait sortir de l'enceinte du château ou de la citadelle. Zelda lui répondit qu'elle ne prévoyait pas de reprendre un énième voyage dans les prochaines vingt-quatre heures et qu'elle allait consacrer sa matinée à la méditation. La blonde demanda à son tour si le chevalier pouvait venir la rejoindre pour le repas méridien, afin qu'elle puisse lui raconter l'histoire de Lambda en toute tranquillité. Le héros accepta. S'il avait correctement compris, il ne restait que trois jours à partir de celui-ci pour agir au repaire des Yigas, il ne fallait donc plus attendre. Cela allait être son premier repas partagé avec seulement Zelda au château d'Hyrule. Le dîner fort ennuyeux qu'ils avaient passé ensemble durant leur enfance avait été vite oublié. Ce fut donc un honneur pour Link, comme l'avait été leur pique-nique, et il ne manqua pas de lui faire savoir de nouveau. Ils étaient dans une salle de réception vide et discutaient de la situation pressante.

- Je comprends que vous puissiez être affligée par cette histoire, fit Link qui venait d'entendre toute l'histoire.
- Je ne baisse pas pour autant ma garde, sache-le, rappela Zelda.
- Je n'en doute pas.

La princesse remarqua un étrange bijou autour du cou de l'Hylien légèrement caché par son habit de garde royale. Il était fait de pierres noires mais qui semblaient produire une lumière bleutée dans la pénombre.

- C'est... un collier ? osa-t-elle demander.
Link se souvint soudainement qu'il avait l'objet sur lui et afficha un air gêné.
- J'ai oublié de le retirer, dit-il en s'en emparant.
- Oh. Non, je n'ai rien contre le fait que tu portes un collier... Il m'intriguait, je ne te vois pas souvent le porter.

Le héros l'enleva de la vue de la princesse. Il semblait être très réticent concernant le sujet, l'expression de son visage s'était refermée à la mention du collier par Zelda. Ne souhaitant pas faire preuve à nouveau de mutisme devant la blonde, il lui fit part de brèves explications. Link se forçait légèrement à en parler, malheureusement, tout cela lui faisait encore du mal. Mais il ne voulait pas créer de nouveaux obstacles dans la bonne relation que lui et Zelda avaient installée entre eux.
- Ce sont des gemmes nox, dit-il. Il appartenait à ma mère. Je l'ai gardé en souvenir d'elle. Si je le porte c'est parce que...

L'Hylienne l'arrêta l'instant qui suivit lorsqu'elle comprit que le chevalier n'était pas encore en état de lui en parler et qu'il se faisait du mal intérieurement. Elle se pencha légèrement vers l'avant pour attirer son attention et le dévisager plus intensément.

- Link. Je te sens bouleversé. Je te le répète mais, je ne t'oblige pas à en parler.
Le héros fut soulagé, d'un côté.
- Dans ce cas, je préfèrerais effectivement éviter le sujet, pardonnez-moi...
- Je comprends.

Voyant qu'il n'était plus très apte à enchaîner la discussion, Zelda prit la décision de lui faire oublier les mauvais souvenirs que l'Hylien commençait à se remémorer en soulevant un point surprenant qu'elle avait devant les yeux. La princesse se redressa, un petit rictus dans le coin des lèvres.

- C'est la première fois que je ne te vois pas finir une assiette, fit-elle en souriant.
- Ne croyez pas que je trouve cela mauvais, au contraire. J'étais seulement très à l'écoute de votre histoire.
Cela lui fit quelque part retrouver une expression plus égayée.
- À ce propos, j'ai parlé avec Dame Impa, tôt ce matin, se rappela Link.

Zelda écarquilla les yeux lorsqu'elle entendit le nom de la magistrate adjointe. Elle haussa un sourcil. Elle ne s'était pas remise de sa dispute avec Impa, sa réaction l'avait choquée.

- Et ? fit-elle.
- Elle vous présente ses excuses pour son attitude d'hier soir. Cependant, elle ne reste pas immédiatement partante pour cette mission mais...
- Mais ?
- Elle a réfléchi, et a tout de même accepté d'étudier la question.
La princesse fut stupéfiée par cette affirmation.
- Je ne comprends pas comment tu as pu réussir à la convaincre...
- Je ne l'ai pas convaincue, Votre Altesse, c'est elle qui m'en a informé. Il paraît également que... Gabriel connaît un lieu secret qui se situerait sur le plateau du Prélude. Ce dernier serait une découverte remarquable en ce qui concerne la technologie sheikah.

Elle ne doutait pas de cette information. Gabriel l'avait bien dit, les mensonges ne lui serviraient plus à rien. Il était difficile de juger la sincérité de l'homme, mais après tout, il n'y avait encore jamais eu de site de fouille sur le plateau du prélude, le fait qu'un lieu secret y soit dissimulé était potentiellement cohérent. Son discours paraissait donc fiable.

- Je crois que Dame Impa a besoin de cela pour définitivement se faire un avis sur la question, expliqua Link. Si nous découvrons ce lieu et qu'il s'avère être une avancée considérable comme le prétend Gabriel, elle m'a dit qu'elle accepterait de nous guider dans le repaire des Yigas. La vie d'une petite fille est en jeu et la seule manière de la sauver, c'est de prétendre participer à l'Échange. Elle l'a compris. Elle voudrait simplement s'assurer que Gabriel ne nous manipule pas encore une fois d'une quelconque manière.

Zelda ne laissa pas cette opportunité lui passer à côté. Impa paraissait tout de même très fermée sur sa décision de ne pas agir comme la princesse l'entendait. Et pourtant... Peut-être étaient-ce les mots assez durs qu'elle avait eus envers la magistrate adjointe qui lui fit, après quelques heures, changer d'avis ?

- C'est d'accord, acquiesça Zelda. Nous partirons demain. Le plan devra également être établi. Et mon père ne doit être au courant de rien. S'il envoie d'autres personnes que nous sauver Lysia, je crains qu'elle ne survive pas. Je suis consciente que nous n'agissons pas convenablement, et je suis entièrement responsable, mais c'est une urgence.
- Bien, à vos ordres.

Chapitre 28 : Le même chemin   up

L'endroit était froid, sombre et lugubre. La température de la pièce n'était pas très élevée, ce qui donnait un air plutôt menaçant et angoissant à l'ambiance présente. Le temps semblait terriblement long ; le silence régnait et une légère brise traversait les barreaux métalliques de la cellule par moments. Cela donnait des frissons à la petite fille assise au sol dans un coin, recroquevillée sur elle-même, la tête nichée dans ses propres bras. Les yeux fermés, elle espérait chaque seconde se réveiller de ce terrible cauchemar, se retrouver allongée dans sa chambre, dans son lit, ou dans celui de son père. À vrai dire, n'importe quel endroit pouvait mieux lui plaire que celui-ci. Cela faisait tellement de jours qu'elle attendait...

On lui donnait souvent à manger la même chose, de simples aliments qui servaient à la garder en vie. Les délicieux ragoûts qu'elle préparait chez elle lui manquaient. De plus, on ne lui permettait pas de se laver, la blonde portait les mêmes vêtements depuis qu'elle était ici. Son hygiène était donc assez compliquée. Les autres prisonniers ne restaient jamais longtemps, ils n'étaient que de passage avant de ne plus jamais revenir. Un sous-fifre ou deux venaient les chercher, puis Lysia ne sut jamais où ceux-ci étaient transportés. Sa seule certitude, c'était qu'elle se retrouvait seule à chaque fois. Car elle, personne ne l'avait encore dérangée comme les autres, ce qui l'étonnait. Elle avait peur que son tour vienne chaque jour.

Lysia essayait de se changer les idées, de penser à autre chose. Mais la peur la rattrapait à chaque fois. Elle décida de sortir de sa poche l'objet auquel elle tenait le plus depuis sa naissance, un objet qu'elle gardait constamment sur elle, tel un porte-bonheur. Elle dégagea son visage de ses cheveux blonds et l'observa avec tendresse, comme si cette petite statuette lui faisait se remémorer de merveilleuses choses. On lui avait expliqué que la personne représentée sur cette dernière était une déesse, la petite fille n'avait pas encore totalement compris qui était réellement Hylia, mais elle s'y était beaucoup attachée malgré tout. Ce personnage la rassurait et dégageait beaucoup de bienveillance à ses yeux. Lysia afficha un petit sourire en se concentrant sur elle.

- Hé ! fit une voix d'un Yiga qui passait par-là.

Lysia sursauta en remarquant le sous-fifre l'observer de l'autre côté des barreaux. Celui-ci disparut soudainement sous ses yeux pour réapparaître à quelques centimètres d'elle l'instant d'après, accroupi. Effrayée, la blonde voulut se reculer davantage afin d'échapper à ce terrifiant personnage masqué qui la regardait, mais les murs l'en empêchèrent. Lysia, tremblante, baissa les yeux et chercha à retirer de son champ de vision l'assassin qui avait une serpe à la main. Il s'empara ensuite de la petite statuette de la déesse que la petite fille serrait fort entre ses doigts.

- Qu'est-ce donc, dis-moi ?

Elle s'affola lorsqu'elle sentit l'objet quitter ses mains. Elle n'osa évidemment pas s'opposer, et voir son porte-bonheur possédé par ce Yiga l'affligea. D'un geste brusque, le masqué fit disparaître la statuette de bois à l'intérieur de sa paume de main en refermant son poing dessus. Cette action fit gémir de peur Lysia, qui allait presque traverser le mur tellement celle-ci se poussait contre lui. Son visage était dissimulé derrière ses genoux pliés et enrobés par ses bras, laissant seulement son regard dévoilé en étant obligée d'observer le personnage devant elle.

- Tu mériterais la mort sur-le-champ pour avoir sorti cette chose chez nous... continua le sous-fifre. Pas de culte de la déesse ici, pauvre idiote !

Le bruit aigu de sa lame qui frottait contre le sol retentit dans les oreilles de la blonde. La forme circulaire de la serpe du Yiga s'approcha lentement de cette dernière qui plaqua ses paumes de mains contre ses yeux avant de sentir la pointe menaçante de l'arme venir lui chatouiller quelques mèches de cheveux et frôler sa peau. Elle respirait tellement vite et fort que le Yiga semblait s'en réjouir. Après avoir terminé de la terrifier de la sorte, il éloigna sa serpe meurtrière dans un petit ricanement malfaisant.

- Heureusement pour toi, ce ne sera pas pour tout de suite, ajouta-t-il. Mais ne t'en fais pas, d'ici quelques jours, ton heure sera venue. Tu auras le privilège de faire partie des sacrifices à l'effigie du grand Fléau Ganon.

Le fidèle se releva et sortit de la cellule de la même manière dont il était entré, confisquant ainsi l'objet que Lysia chérissait tant, sans même faire preuve de pitié. La blonde se leva soudainement et accourut jusqu'aux barreaux de sa prison dans un vain espoir de pouvoir récupérer son bien. Elle s'agrippa au métal avec insistance et tenta d'interpeller l'homme.

- Non ! C'est oncle Alan qui me l'a donnée ! fit-elle, sa voix d'enfant tremblante.

Mais le Yiga s'éloignait de plus en plus dans le couloir gagné par la pénombre du lieu. Il ne se retourna pas une seconde. La petite fille le supplia de tout son coeur de faire demi-tour, et ses yeux verts s'humidifièrent. On venait de lui dérober la chose qui lui faisait tenir le coup jusque-là, la chose qui lui redonnait le sourire chaque jour. Celle à laquelle elle s'accrochait, en attendant que l'on vienne la chercher. Ses doigts boudinés glissèrent le long des barres de fer sur lesquelles elle se tenait jusqu'à ce qu'elle lâche prise, une première larme sur sa joue.

- Rendez-la-moi... S'il vous plaît... murmura-t-elle, tête baissée.

Elle termina agenouillée sur le sol, le coeur serré et battant la chamade. Elle n'avait à présent plus rien qui pouvait la consoler dans ce cauchemar permanent dans lequel elle se trouvait. Ses pleurs silencieux et ponctués de brèves inspirations irrégulières créèrent de multiples sanglots qui dévalèrent son visage jusque dans son cou. Son esprit ne savait plus où se raccrocher et Lysia fut dévastée.

Elle repensa à cette journée où tout avait basculé. Elle, son père et son oncle visitaient le désert gerudo, région d'Hyrule que la pauvre enfant avait toujours souhaité voir de ses propres yeux, bien qu'il n'y avait pas de grands monuments historiques à contempler ni d'endroits très passionnants où aller, mise à part la Cité Gerudo. Mais comme celle-ci était réservée aux femmes, Lysia ne pouvait guère s'y rendre seule et cette destination fut mise de côté. Cependant, les vastes contrées sablonneuses et les ruines qui s'en élevaient par endroits laissaient la petite fille sans voix, elle avait passé de magnifiques moments à dévaler les dunes avec son oncle et à pousser son père dans l'eau rafraîchissante de l'oasis.

Ils lui manquaient tellement... Ils étaient ce qu'elle avait de plus cher. Tout s'était passé parfaitement bien jusqu'à l'arrivée du gang qui les avait pris par surprise au beau milieu du désert. Lysia sécha quelques chaudes larmes mais ce geste n'arriva point à la calmer. Elle garda néanmoins - du mieux qu'elle le pouvait - le silence pour éviter d'attirer d'autres membres du clan qui ne viendraient pas pour lui rendre sa petite statuette de la déesse Hylia... Mais ses pensées revenaient constamment à la même chose, encore et encore. Les émotions étaient trop fortes. Trop dures. Trop douloureuses.

- Papa... pleura-t-elle.

~~~

- Nous ne nous sommes encore jamais véritablement concentrés sur de quelconques fouilles à cet endroit. C'est un lieu isolé, le berceau du royaume d'Hyrule. Il est surtout habité par des moines qui consacrent leur vie au culte de la déesse Hylia. Mais après réflexion, les Sheikahs d'il y a plusieurs millénaires n'ont sûrement pas dû laisser de côté le plateau du prélude.

Le groupe venait de terminer de monter l'imposant escalier servant d'entrée au plateau. Accompagnée de Link, Zelda marchait en avant et discutait de cette fameuse découverte technologique tandis qu'Impa, en arrière, tenait sous surveillance Gabriel qui faisait également partie du voyage. Ce dernier avait ses bras attachés derrière son dos et la Sheikah l'incitait à avancer à l'aide d'une main ferme posée sur son épaule gauche. Il restait incroyablement silencieux et ne parlait que lorsqu'on le lui demandait. Il pensait que toutes les cartes avaient été jouées, et la princesse avait créé une nouvelle lueur d'espoir.

Cependant, Gabriel sentit pertinemment qu'une fois cette mission de sauvetage terminée, il n'aurait pas d'autres issues que de se rendre et se faire juger pour tous ses crimes. C'était le prix à payer. Il espérait pouvoir encore compter sur Alan pour - dans le cas où il ne pourrait guère - s'occuper de sa fille, une fois libérée.

- Sommes-nous arrivés ? demanda Zelda.
- C'est un peu plus haut que le Temple du Temps, répondit le père.

Link, lui, avait plutôt un bon pressentiment concernant cette recherche improvisée. Le comportement de Gabriel était tout sauf menaçant. Nul ne doutait qu'il avait dit la vérité mise à part peut-être Impa. Et quand bien même cela aurait été une énième manipulation de la part de l'aîné, sa présence ainsi que celle d'Impa assurait pleinement la sécurité de Zelda. Le héros leva les yeux et observa l'épaisse couche de nuages qui empêchait les rayons du soleil d'atteindre la terre.

- Le ciel ne semble pas être de notre côté, aujourd'hui... dit-il.
- C'est en intérieur, une sorte de sanctuaire creusé à même la roche, ne vous en faites pas pour ça, énonça Gabriel.
- Intéressant, marmonna la princesse qui scrutait l'écran de la tablette sheikah en entendant ces paroles.

L'ancien voleur entendit à sa gauche Impa souffler pour lui rappeler qu'elle restait et qu'elle souhaitait rester en froid avec lui. Elle n'était certainement pas là pour se réconcilier ou entendre des excuses qui n'allaient absolument pas la convaincre de passer à autre chose. Non, si la Sheikah était là, c'était bien car elle voulait simplement se prouver à elle-même que Gabriel pouvait être un minimum fiable avant de se jeter volontairement dans la base ennemie qu'elle savait labyrinthique.

- Je t'assure que je n'ai aucune mauvaise intention en tête, Impa, assura l'homme.
Elle referma durement son expression de visage et ne lui adressa aucun regard.
- Contente-toi de te taire et d'avancer. Je ne le répéterai pas. Et ce sera "Dame Impa" pour toi comme pour tous les autres.

Gabriel obéit. Il était en position de faiblesse et de toute manière, sa querelle qualifiée d'intemporelle avec la magistrate adjointe ne concernait plus l'homme qu'il était réellement à ce jour. Lui avait tourné la page, tandis qu'Impa rencontrait plus de difficultés à le faire.

- Essayons de ne pas perdre trop de temps. Nous éviterons ainsi la pluie, affirma Zelda. Une fois ce sanctuaire découvert, j'en informerai Pru'ha et ensuite, nous partirons immédiatement au repaire des Yigas dès que possible.

Une demi-heure plus tard, ils marchaient dans une partie surélevée du plateau réputée d'assez isolée et qui n'accueillait que très peu de personnes mis à part quelques chasseurs qui traquaient le gibier à l'arc dans la forêt en contrebas. Des premières gouttes de pluie commencèrent à tomber lorsque Gabriel informa le groupe qu'ils étaient arrivés à destination.

- C'est ici. Derrière cette végétation, déclara-t-il en parlant d'un mur rocheux.

Zelda fut la première à s'avancer vers la paroi. Elle approcha sa main vers le feuillage qui semblait dissimuler le passage. Elle s'attendait à toucher ce même mur dur et froid derrière, mais ce fut ses doigts, sa main puis le début de son avant-bras qui passa au travers. Nullement étonnée de la fiabilité des dires de Gabriel, elle fut tout de même stupéfiée. De l'autre côté, l'air paraissait dense et humide, il y faisait assez frais. L'Hylienne ne perdit pas une seconde de plus et se fraya un passage afin de pénétrer totalement dans cette sorte de grotte millénaire.

- Comment personne n'a-t-il pu remarquer ce passage auparavant ? se questionna-t-elle.
- Personne ne vient jamais dans les parages. Il n'y a rien à y faire... répondit l'ancien voleur.
Impa restait sur ses gardes. Elle ne fut pas très rassurée de voir la blonde s'aventurer la première dans cet endroit très sombre et inconnu.
- Princesse, laissez Link passer devant, on ne sait jamais ce qui...

Le héros la rejoignit en laissant légèrement passer la lumière du jour à travers la végétation, mais Zelda n'avait pas entendu l'avertissement de la Sheikah qui devait rester avec Gabriel.

- Je n'arrive pas à y croire ! s'égaya la blonde. C'est formidable, l'endroit a l'air assez imposant et les murs sont recouverts de cette même matière qu'utilisent les Sheikahs au niveau des sanctuaires ! Et cet escalier semble nous mener...
- Attendez ! l'arrêta soudainement Impa.

Sentant que la magistrate adjointe était assez tendue, Zelda la dévisagea une fois que celle-ci avait pénétré dans la cavité. Depuis leur récente dispute, elles n'avaient pas vraiment discuté de nouveau et la princesse évitait une quelconque remarque car cela était déjà une véritable chance que la chef de Cocorico accepte de les aider. Cette dernière avait d'ailleurs eu légèrement honte de son comportement envers la fille du roi et n'osait pas revenir sur le sujet.

- J'y vais d'abord avec lui, fit Impa, d'un ton plus calme. Je jugerai si cela est dangereux et si c'est encore un de ses odieux pièges.
- Il n'y a aucun danger... soupira Gabriel.
- Je préfère vérifier par moi-même.
Le frère d'Alan se permit ensuite de donner son avis concernant la réaction d'Impa.
- Il faudrait vraiment être con pour vous attirer dans un piège lorsque vous êtes mes derniers des derniers espoirs, dit-il.
- Surveille ton langage devant la fille de Sa Majesté !
Il se tourna vers la concernée et s'excusa.
- Pardonnez-moi.
- Bien. Attendez ici, si vous le voulez bien, continua Impa.

Zelda se tourna vers Link qu'elle savait également de son avis. Néanmoins, si cela était nécessaire pour qu'Impa se rassure davantage, ce n'était pas un problème pour lui, mais la princesse commençait à s'agacer de son comportement trop préventif à l'égard du père. "Nous devons nous rappeler que les souvenirs qu'a Impa de cet homme sont atroces." Cette phrase résonnait dans l'esprit de la princesse depuis que le héros l'avait dite peu après leur repas la veille. De ce fait, Zelda s'abstint de toutes remarques, une énième fois.

- Appelez-nous quand vous aurez jugé que tout est sécurisé... souffla-t-elle, impatiente.

Les marches de ces escaliers ne semblaient pas s'arrêter. Impa et Gabriel descendirent dans l'obscurité presque totale. Seule une faible lueur bleue émanait des murs, et du plafond, comme si une horde de rumys les entourait. Ils tombèrent sur une porte fermée, le symbole sheikah au centre de celle-ci. La magistrate adjointe passa sa main libre sur la façade et comprit qu'un mécanisme permettait à cette entrée de s'ouvrir. Malheureusement, il devait être désactivé et rien autour du duo ne ressemblait à quelque chose pouvant l'actionner. Il n'y avait aucun indice à disposition.

- Il faut la tablette sheikah, il me semble, affirma Gabriel.

La Sheikah s'agenouilla pour tenter d'ouvrir le passage sans avoir recours à la proposition de l'ancien voleur. Même si au fond d'elle, elle savait qu'utiliser la tablette s'avérait être une hypothèse très pertinente.

- Impa... continua-t-il avant de reprendre d'une manière plus appropriée. Dame Impa, je peux vous parler sérieusement ?
- Non, refusa-t-elle distinctement.

Il pencha la tête pour la gratter à l'aide de son épaule. Ses mains liées dans son dos commençaient à ressentir une certaine douleur. Le sang passait difficilement au niveau de ses poignets mais il n'en informa personne par crainte que l'on le pense animé par une volonté de fuir. Ce qu'il n'envisageait guère.

- Je ne cherche pas à ce que vous me pardonniez mais à ce que vous compreniez que je ne ferai plus de mal à personne, insista l'Hylien.
- Il me faudra plus qu'un simple vouvoiement de ta part pour me convaincre.
- Lambda est mort, vous l'avez dit vous-même.

Effectivement, elle avait eu ce discours, mais ce n'était qu'une simple manière de le faire parler. Une simple façon d'en savoir plus sur lui. Ce qui avait marché. Impa ne voulait tout de même rien entendre.

- J'ai un passé, certes, mais je ne suis pas mon passé, continua Gabriel.
- Le passé, Lambda, finit toujours par montrer le bout de son nez à un moment ou un autre. Tu es bien placé pour le savoir, n'est-ce pas ?

Elle tourna légèrement la tête à la fin de sa phrase pour le laisser remarquer son regard noir qu'elle tenait constamment avec lui. La Sheikah faisait évidemment référence au moment le plus dur que l'ancien voleur avait eu à vivre il y avait quelques années. Et il ne pouvait pas le nier, tout cela, c'était à cause de son passé.

- C'est laid, ça, Dame Impa. Mais je comprends votre colère.
- Sache que ce n'est pas parce que cette découverte sera comme tu nous l'as décrite que je ne serai plus en colère contre toi. Je ne fais ça que pour l'enfant qui risque de mourir.
- Et je t'en remercie.
Soudainement, Impa se releva en frappant d'un poing ferme contre la mystérieuse porte.
- Ne me remercie pas ! Et si tu m'adresses encore une fois la parole avec cet air innocent je...

Elle coupa net ses propos en se rendant compte de la colère dans laquelle elle se trouvait depuis la veille. Après un soupir qui la calma, la Sheikah décida de prendre sur elle, et de lui expliquer.

- J'ai vu ta fille, Lambda. Je lui ai parlé.

Ce changement de sujet si brusque perturba l'homme qui ne s'attendait pas à ce que l'on parle de Lysia sans le prévenir. Il sentit un lourd poids se former dans sa poitrine. De l'angoisse. Et de la peur. Il se tut et continua d'écouter ce qu'Impa avait à lui dire.

- La pauvre petite venait d'arriver dans sa cellule. Elle fut jetée là-dedans d'une façon que je ne saurais décrire. Lorsque je me suis approchée d'elle, costumée de cette même tenue rouge menaçante, je lui ai tout de suite fait comprendre que je n'étais pas celle qu'elle croyait que j'étais.
Gabriel ferma les yeux et inspira profondément. C'étaient des choses qui l'affligeaient beaucoup et il ne souhaitait pas perdre le contrôle sur ses émotions.
- J'ai posé ma serpe sur le sol, le plus loin possible d'elle afin de ne plus l'effrayer. Ensuite, je lui ai demandé son prénom. Sa petite voix d'enfant m'a immédiatement fait un pincement au coeur lorsqu'elle m'a répondu. Elle était en pleurs... Elle me répétait qu'elle voulait revoir son père, rien que son père...
Il se recula de quelques pas et tourna la tête sur le côté comme s'il voulait décliner ce que disait la Sheikah.
- J'ai retiré mon masque et j'ai essuyé ses larmes. Puis, je l'ai regardée dans les yeux en lui promettant que je la sortirai de là.
L'homme n'avait plus la force de répondre. Il expira avec tristesse avant de rentrer les lèvres et sentir l'eau envahir ses yeux dans une expression qu'il essayait de garder neutre.
- Et vint le jour où je terminai ma mission d'infiltration, continua Impa. Celle-ci ne s'était pas achevée comme je l'entendais et mon plan de la tirer d'affaire tomba à l'eau.

La magistrate adjointe attrapa subitement le bras du père. Ce dernier devait être vingt centimètres plus grand qu'elle, mais cela ne l'empêcha pas de dominer la conversation et d'augmenter l'importance qu'elle mettait dans ses paroles. Dans un regard déterminé et toujours coléreux, elle termina ses explications.

- J'ai toujours eu pour projet de la sauver, depuis mon retour au château ce jour-là. Je ne pouvais pas trahir une pauvre petite fille en danger de mort. Si je suis ici, ce n'est pas pour me convaincre d'aller la chercher ou non sous prétexte que Lysia est ta fille. Non, si je suis là, c'est pour m'assurer que tu as bel et bien changé et qu'elle est en sécurité avec toi si jamais ta peine suite à ton procès est allégée. Alors ne me parle pas, ne dis rien. Laisse-moi prendre les choses en main et me faire à l'idée que tu es véritablement Gabriel et non Lambda. C'est déjà assez compliqué pour moi comme ça, alors n'en rajoute pas.

Elle le lâcha brusquement puis fit naître un silence mortel dans lequel Impa retourna à la principale raison de leur présence ici. Elle balaya du regard la porte puis les parois du tunnel avant de replacer une main dans le dos de Gabriel qui l'incita à la suivre en arrière.

- Appelons Son Altesse, dit-elle.

Ainsi, Link et Zelda rejoignirent le reste du groupe en bas des escaliers. La forme et la structure de l'entrée verrouillée intrigua instantanément la princesse qui en conclut que celle-ci devait s'ouvrir de part un mécanisme dissimulé dans les murs qui tirait la porte vers le haut. Elle approcha avec précaution la tablette sheikah du grand symbole au centre. Une vibration se fit sentir sur les extrémités de la relique avant que le milieu de la façade de la porte s'éclaire d'un bleu caractéristique à la technologie sheikah.

- Parfait, s'exclama Zelda.

Une large pièce rectangulaire se dévoila, toujours dans la même luminosité bleutée. En arrivant, sur la gauche, était disposé un terminal conçu pour interagir avec la tablette. Et sur le sol, au centre, un cercle semblable à ceux également présents sur la base des sanctuaires dans tout le royaume se démarquait. L'esprit de la princesse était déjà en train de décrypter les moindres détails de l'endroit pour y discerner le plus de choses possibles.

- Analysons cette salle, dit-elle. Nous y trouverons peut-être davantage d'informations.

Impa ordonna à Gabriel de rester près d'elle, adossé contre un mur. Celui-ci s'exécuta et glissa le long de ce dernier jusqu'à s'asseoir à même le sol avant de soupirer longuement. De son côté, Link préférait surveiller l'entrée par laquelle ils venaient tous de passer. N'ayant que très peu de connaissances au sujet de cette technologie qui fascinait tant Zelda, il ne voulait pas lui faire perdre de temps. Épée dégainée, il posa la pointe de sa lame perpendiculaire au sol et garda la fusée de celle-ci entre ses deux mains.

L'Hylienne avait déjà fait un premier tour de la salle et ne trouva rien qui pouvait l'avancer au niveau des murs. Il y avait bien une seconde porte au fond, mais également désactivée comme l'avait été la première. Impa était restée près du terminal qui lui, ne pouvait pas recevoir de données extérieures en raison de l'absence du système de transmission à l'aide d'un liquide bleu coagulable, - autre prouesse de cette technologie -. Cela différait des pierres guides. Lorsque la fille du roi la rejoignit, elle plaça la tablette sheikah sur le terminal et l'écran s'alluma soudainement.

- "Processus de guérison défaillant. Vérifier la présence d'un corps dans l'eau régénératrice", que cela veut-il dire ? lut Impa par-dessus l'épaule de la princesse.
- Nous devrions mieux comprendre en ouvrant cette seconde porte. Seulement, je crains que cela ne soit pas possible. Elle n'est pas reliée au même système que la première, de ce fait, c'est la totalité du fonctionnement de cet endroit qui s'est retrouvé bloqué.

Les mots qui s'étaient affichés sur la tablette de l'Hylienne firent réfléchir la Sheikah. C'étaient bien là les seules pistes qui pouvaient donner une indication sur la raison de l'existence d'un tel lieu creusé dans cette partie isolée du royaume.

- Vous croyez que ce lieu est conçu pour guérir les blessures ? suggéra-t-elle.
- C'est une théorie très probable.
- Je crois que cela ferait deux heureux...

Elle pensait à sa soeur aînée et son neveu, Canel. En effet, la question de pouvoir jouer avec le temps ainsi que celle de la guérison avait toujours été un sujet important pour l'adolescent et sa tante. Pru'ha aurait été d'autant plus heureuse de pouvoir lui dire que ce genre d'action était enfin possible.

Quinze minutes passèrent quand le groupe termina ses recherches.

- Bien. La partie la plus intéressante semble donc inaccessible pour l'instant, affirma Zelda. Nous devons en informer Pru'ha et Faras le plus vite possible. Une fois que tout cela sera restauré nous pourrons mieux comprendre l'utilité de ce sanctuaire.

Gabriel, qui se faisait jusque-là aussi petit qu'il pouvait, se releva avec la seule aide de ses jambes. Il était temps de passer à la suite, à la véritable mission. Il voulut donc savoir si celle-ci allait effectivement avoir lieu.

- Votre Altesse, êtes-vous convaincue ? demanda-t-il, timidement et d'une politesse qui surprit tout le monde.

La princesse afficha un air indifférent. Elle avait fait son choix depuis bien longtemps, bien qu'elle était ravie de découvrir ce nouveau site technologique, ce voyage supplémentaire ne lui était pas nécessaire pour la persuader de l'aider.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut poser cette question, dit-elle en se tournant vers Impa.

La concernée s'entremêla les doigts en levant les yeux. Pour elle, il était trop tard, Zelda ne la laisserait jamais partir pour le repaire des Yigas seule, ce qui était son plan au départ. De plus, elle l'avait dit elle-même, s'y aventurer en solitaire était de la folie, y aller à plusieurs, cela l'était un peu moins. Le fait que la blonde veuille absolument participer à ce sauvetage la gênait encore beaucoup. Car c'était quitte ou double.

- Une réunion ce soir est primordiale pour mettre au clair notre stratégie, fit-elle. Et je vais vous demander une chose à tous ici présents.
Elle attendit que tous les trois aient une grande attention sur ses propos. Les élus n'avaient jamais vu Impa aussi sérieuse de toute leur vie.
- C'est moi qui commanderai cette mission. J'y tiens. Ce sera à mes ordres qu'il faudra obéir. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Merci, Dame Impa, énonça Zelda dans la foulée, soulagée d'entendre un tel discours.
- Par toutes les déesses, si Sa Majesté apprenait ce que nous sommes en train de manigancer...

Elle s'empressa de repartir en direction de la sortie sans attendre personne. Elle n'arrivait pas à réaliser qu'elle venait d'accepter. Impa dut vite s'arrêter en haut des marches du sanctuaire quand elle vit qu'il pleuvait des cordes à l'extérieur. Le sol devenait boueux par endroits et cela semblait n'être que le début. Le bruit incessant des gouttes de pluie qui s'écrasaient violemment par terre en diagonale remplaça le chant des oiseaux. La Sheikah décida de partir en avant avec Gabriel afin de trouver le passage le plus sûr pour la princesse, car le chemin en pente habituel était compliqué à emprunter, et sans prêter attention à où l'on marchait, c'était la chute assurée.

Les deux élus attendirent donc à l'entrée du sanctuaire. Link, qui était resté assez silencieux durant le voyage, avait les yeux rivés sur les noirs nuages qui arpentaient les cieux. Au loin, le temple du temps se confondait avec les rafales de vent grises qui balayaient la pluie. Zelda haussa les sourcils en contemplant cette averse assez surprenante étant donné les beaux jours qui venaient habituellement en ce milieu de printemps. Elle avait également remarqué que le héros n'avait pas vraiment su quoi faire à l'intérieur de ce mystérieux lieu. Il n'avait presque pas de connaissances sur les Sheikahs, et la princesse avait appréhendé le fait qu'il s'ennuie. Chose qui ne lui avait encore jamais traversé l'esprit auparavant. Mais après tout, peu importait la raison du voyage, Link se devait de la suivre, qu'importe s'il était intéressé ou non, il en était toujours ainsi. Seulement, la blonde avait remarqué sa gêne de ne pas pouvoir les aider et son sentiment d'ignorance qui le mettait mal à l'aise.

- Si tu es d'accord, un jour, je t'apprendrai quelques petites choses sur la technologie sheikah, fit Zelda. Ainsi, tu te penseras un peu moins inutile lorsqu'une situation comme celle-ci se représentera.

Étonné qu'elle ait pu déduire autant de choses rien qu'en l'observant, Link opina en hochant la tête. Il avait simplement peur de devoir passer des heures interminables à la bibliothèque. La princesse savait qu'il n'appréciait guère rester trop longtemps à lire encore et encore pour apprendre des tas de choses intéressantes, contrairement à elle. Il était clair qu'il fallait être passionné pour avoir la foi de dévorer autant d'ouvrages en si peu de temps comme elle le faisait parfois, durant son temps libre.

- J'en serai ravi, dit-il en répondant à sa proposition.
Zelda plissa les yeux et le dévisagea.
- Es-tu seulement sûr que le sujet t'intéresse ? demanda-t-elle, douteuse.
- Moins que la cuisine, je dois vous l'avouer, plaisanta l'Hylien.

Cette réponse laissa échapper un court rire chez la princesse. Elle opta ensuite pour une expression plus attristée en repensant à ce qui allait se passer le lendemain, et tous les dangers qui allaient se profiler sur leur chemin. L'Hylienne ne savait pas pourquoi, mais quelque chose la poussait à se rendre là-bas, au repaire des Yigas. Quelque chose lui disait, au fond d'elle, que ce sauvetage pouvait être beaucoup plus important qu'il ne l'était déjà à ses yeux.

- Tu dois me penser insensée... soupira Zelda, en portant une main contre elle.

Le prodige fut déboussolé, il pensait avoir été clair : il lui faisait confiance et comprenait ses choix. Mais néanmoins, elle restait encore dérangée par la façon si brutale dont cela était tombé sur les épaules de Link. À peine avait-il été réveillé qu'on lui demandait de partir pour un des endroits les plus dangereux d'Hyrule. Un endroit dont il ne connaissait d'ailleurs, même pas l'emplacement. Ici encore, la présence d'Impa était primordiale. Le héros la rassura sur ce qu'il pensait de tout cela.

- Nous avons Dame Impa avec nous à présent, elle a vécu une décennie là-bas, je vous assure que cette mission me paraît déjà beaucoup plus abordable, bien qu'elle soit dangereuse.

Elle n'était pas étonnée qu'il réponde ainsi. Au fond, Zelda le savait, mais l'entendre était tout de même réconfortant. Car ce qu'ils s'apprêtaient à faire, ce n'était pas donné à tout le monde et cela n'arrivait pas tous les jours. Ne voulant guère s'attarder sur le sujet qui, d'un côté, la tracassait un peu - comme chaque membre de cette future mission -, elle partagea ses autres ressentis.

- Tu sais, je ne peux m'empêcher de me remémorer la fois où je suis venue prier ici pour la première fois... dit-elle avec peu de jovialité.
- J'imagine que... cela n'est pas une chose à laquelle vous aimez repenser...
- Effectivement.

Zelda contempla le dos de sa main droite qui était parfaitement normal. Cependant, cela ne semblait pas la réjouir, c'était là que le pouvoir du sceau devait manifester sa présence. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle espérait remarquer un quelconque changement qui témoignerait de son apparition.

- Sans vouloir être trop intrusif, ajouta Link, j'ai cru comprendre, notamment lorsque je vous accompagne aux différentes sources, que cela restait... assez compliqué.
Elle acquiesça en fermant les yeux.
- J'ai une question à te poser, Link.
- Je vous écoute.

Le blond sentit qu'elle hésitait à lui parler de ce qui la minait, mais la princesse savait également que Link ne ferait que lui répondre avec bienveillance comme il l'avait toujours fait, sans jugement. C'était ce que l'Hylienne appréciait en sa compagnie, ils pouvaient discuter sans avoir peur des pensées de l'autre. Cela leur permettait à tous les deux de lâcher prise, d'alléger en partie le poids qui pesait sur leurs épaules. Il fallait avouer que c'était assez agréable et utile s'ils ne voulaient pas être submergés par leurs problèmes. En parler était toujours une bonne solution, temporaire certes, mais lorsque l'un comprenait l'autre, les élus se sentaient un peu moins seuls.

- Toi, qui es devenu chevalier, qui as fait preuve de tellement de détermination et de courage depuis toujours que cela a fait de toi le maître de la lame purificatrice... Comment aurais-tu réagi si le maniement de l'épée et le fait de devenir chevalier ne t'avaient apporté que des échecs dans ta vie ? Si, malgré tous tes efforts, tu n'atteignais pas les objectifs que tu te devais d'accomplir et qu'on ne cessait de te répéter constamment que tu ne persévérais pas assez ?
Zelda releva le regard et fixa le héros.
- Dis-moi, aurais-tu choisi le même chemin ?

Dans un premier temps, c'était une question très pertinente, trouva Link. Mais elle n'était pas non plus anodine, le prodige réfléchit à une réponse qui apporterait son aide à la princesse et qui lui redonnerait du courage malgré dix ans sans progrès. Il fut touché qu'elle lui parle de cela, à lui. Urbosa lui avait déjà fait comprendre les difficultés qu'elle rencontrait, mais jamais Zelda ne les avait encore partagées avec son chevalier servant qui ne voulait pas s'en mêler, par peur de la mettre à l'aise. Link engagea une réponse qui, il l'espérait, allait l'aider.

- Si j'avais passé ma vie à fournir le plus d'efforts possibles et que la finalité continuait à être décevante, je pense que je m'arrêterais. Je me reposerais afin de repartir sur de meilleures bases et pouvoir réfléchir à chercher la solution au problème dans une direction que je n'aurais pas encore empruntée. Car lorsque l'on donne le meilleur de soi-même, je suis convaincu qu'on ne peut que réussir.

Se reposer ? Zelda n'était pas totalement convaincue... Elle ne pouvait pas se permettre de s'arrêter de méditer alors que Ganon pouvait surgir des entrailles de la terre à tout moment. Cette pensée vint lui glacer le sang.

- Je ne sais guère si c'est une réaction qui saurait être véritablement efficace... fit remarquer la blonde.
- Je ne dis pas que cela est la bonne solution, ce n'est que mon avis personnel, cela ne vaut rien, mais je pense qu'essayer ne peut être que bénéfique. Vous avez donné le meilleur de vous-même pendant une décennie, le problème ne vient pas de vous, mais peut-être du sentier que vous avez toujours emprunté. Comprenez-vous ?

Elle haussa les épaules en guise de réponse. Oui, d'un côté, elle comprenait. Peut-être qu'en réalité, plusieurs chemins pouvaient mener à la même finalité : éveiller son pouvoir. Depuis ses six ans, on lui avait appris à prier d'une certaine manière et Zelda la répéta toute sa vie sans se poser de questions. Link continua soudainement avec un air beaucoup plus embarrassé.

- Corrigez-moi de suite si cela vous semble déplacé de ma part mais...
- Oui ?
Il eut une sueur froide lorsqu'il comprit qu'il était peut-être déjà allé trop loin. La princesse attendait la suite et il ne pouvait plus reculer.
- Si je vous appelais... "Princesse...".

Il se stoppa subitement en se rendant compte de la proposition qu'il était en train de faire à la fille du roi en personne. Il s'appuyait sur des faits encore incertains et prenait le risque de se tromper sur toute la ligne. Rêve ou réalité ? Il allait le savoir dans quelques secondes. Bon sang... mais que faisait-il ?

- Si je vous appelais "Princesse Zelda", est-ce que cela vous conviendrait davantage ?
- Oh. Dis-moi, tu ne dormais pas, n'est-ce pas ? fit-elle, confuse.
- À vrai dire, je m'étais seulement assoupi et mon esprit a dû retenir vos paroles car elles me viennent souvent en tête... j'ai cru comprendre que vous désiriez que je vous nomme ainsi alors j'ai pensé que si cela pouvait vous aider à vous sentir plus à l'aise...

Étonnamment, la blonde rit en le voyant rougir de honte. Ce qu'il venait de faire n'était pas digne d'un chevalier servant, pour lui. Link crut qu'elle riait de l'absurdité de ses propos, que jamais cela n'était possible. Après tout, c'était peut-être une erreur.

- Mais ce n'était qu'un stupide rêve de ma part, alors je m'en excuse terriblement, je ne me serais jamais permis de...
- Non, Link, tu as raison. Cela me ferait très plaisir, confirma Zelda.
Une importante pression quitta soudainement le corps du blond. Ses muscles se décontractèrent et son esprit était comme libéré.
- D'accord.

La princesse fut très heureuse que le héros accepte une telle demande de sa part. Il lui redonna du baume au coeur. Bien évidemment, cela allait être très mal vu aux yeux de la cour. Mais ils allaient faire attention à ce que personne ne vienne faire obstacle dans leur amitié nouvelle.

- Je suis conscient des difficultés que vous rencontrez chaque jour, et de la dureté dont fait preuve votre père. Sachez que, comme je vous en ai informé au sujet de vos visions, si je puis me rendre utile sur un aspect ou un autre à ce sujet, je...
- C'est gentil, mais je doute cette fois-ci que tu puisses faire quelque chose. Cependant, je n'oublierai pas tes conseils, sois-en sûr. Peut-être que je saurai en tirer profit.
- Je l'espère, Princesse Zelda.
Visiblement, Link allait devoir se faire à cette nouvelle appellation qui le perturbait lui avant tout...
- Aie en tête que cela est d'abord une demande de ma part, d'accord ? Ne te sens pas coupable de m'appeler ainsi. Je suis peut-être la princesse d'Hyrule, je suis également ton amie.

~~~

Le soir venu, la neige tombait encore abondamment à Hébra. Ici, personne ne voyait de différence entre l'hiver et le printemps à l'exception d'un ensoleillement plus fréquent. Les températures restaient très similaires entre les deux saisons. L'intimidante montagne d'Hébra au sommet perforé, comme la décrivaient les habitants, se dressait en arrière-plan. Le vent était glacial et incitait à rentrer chez soi, auprès d'un doux feu de cheminée.

Le soleil s'était couché depuis deux heures, et devant le petit village enneigé de Tabanta, deux hommes se tenaient debout, l'un à côté de l'autre. Ils avaient tous les deux une posture droite, immobile, et sereine. L'un regardait aux alentours si on les épiait, et l'autre fixait une maisonnette en particulier dans le village. Une habitation dont la cheminée laissait échapper une épaisse fumée qui se dispersait dans l'air froid de la région nordiste d'Hyrule.

- C'est celle-là ? fit l'Hylien qui observait la maison.
- Oui, répondit son binôme. Ne perdons pas de temps. Plus vite ce sera fait, plus vite nous gagnerons en puissance.

Dans la petite demeure, tout le monde était occupé. Maëlle disposait trois assiettes de porcelaine autour de la table, Daniel, non loin de son épouse, préparait le dîner tandis qu'Arthur, à l'étage, tentait de réparer en parfaite autonomie son hinox miniature conçu par son oncle. Le garçon d'une dizaine d'années l'avait malencontreusement cassé en voulant simuler un combat avec son jouet chevalier, créé également par les soins d'Adrien. Et ce, dans un silence remarquable toutefois assez triste. Le feu de la cheminée crépitait sous un chaudron de fer, et la douce odeur de nourriture s'empara de l'air ambiant de la pièce principale. Maëlle se retourna vers son mari en constatant qu'il ne s'y prenait pas de la bonne manière avec la cuisson.

- Tu fais beaucoup trop cuir la soupe... dit-elle en prenant sa place devant l'âtre de cheminée.
- Je fais de mon mieux... se défendit-il.
- Tu n'as rien retenu de ce que je t'ai appris, à ce que je vois.
- Je n'ai jamais été un as en cuisine, mais j'ai le mérite de vouloir bien faire.

Elle ne pouvait pas démentir cela, en effet. Néanmoins, le père de famille avait encore beaucoup de choses à apprendre. Le résultat n'était pas catastrophique, Maëlle avait rattrapé le coup. Cette dernière le remercia tout de même d'un tiède baiser sur la joue, ce qui sembla raviver une certaine joie chez lui. Daniel porta son regard vers la fenêtre à sa gauche et soupira en y voyant d'épais flocons de neige tomber à l'extérieur.

- Je vais encore devoir passer ma matinée à dégager la route du village, demain... dit-il.
- Arthur t'aidera, ça lui changera les idées, à lui aussi.

Les deux parents s'inquiétaient concernant leur deuxième fils qui, depuis quelques mois, ne dormait plus beaucoup et ne parlait plus. Ils pensèrent d'abord qu'il déprimait pour la même raison qu'eux, ce qui pouvait se comprendre, mais ils n'en étaient plus vraiment sûrs.

- Son séjour chez ta soeur l'a déjà bien aidé, non ? interrogea Daniel.
- Suzanne m'a dit qu'il lui paraissait un peu triste et qu'il restait très silencieux, changer d'air lui a fait du bien, mais je ne sais pas si cela était suffisant.
L'Hylien proposa donc une autre activité qu'il aimerait peut-être encore faire.
- Je pars avec lui pour le village piaf dès que je peux, énonça-t-il. Il adore m'accompagner pour le commerce.

On frappa à la porte d'entrée de l'autre côté de la pièce. La châtaine se dirigea vers celle-ci, laissant son mari seul avec la soupe... Elle ouvrit lentement la porte et sentit le froid mordant pénétrer à l'intérieur de la pièce. Et devant elle, se présenta un grand brun.

Son fils, Brad.

Il la regarda et lui sourit d'un air malveillant. La mère eut le souffle coupé et sursauta en reconnaissant le chevalier qu'elle recherchait depuis quatre années interminables d'absence. Maëlle prit presque peur tellement le choc fut grand. Lorsque l'espoir de le retrouver les avait quittés, le voilà qui débarquait devant leur porte en pleine tempête de neige. C'était inconcevable.

- Daniel... prononça l'Hylienne sur l'air de la surprise.

En entendant son nom, l'homme se retourna vers sa femme qui restait immobile et faillit tomber du tabouret sur lequel il était assis. Daniel se rappela cependant les explications que lui avait offertes Link en personne sur l'état de son fils. Il n'avait rien oublié, contrairement à son épouse qui se voyait envahie par la joie immense de retrouver son garçon chéri. Il n'arrivait point à se réjouir davantage à cause de ces pensées. Bien sûr, il mourrait d'envie de le prendre dans ses bras, ces dernières années avaient été très dures pour la petite famille, mais il ne pouvait pas, il ne devait pas ! Brad n'était plus le même...

- Maëlle, n'oublie pas ce que les élus des déesses nous ont dit... prévint le père.

Elle l'ignora et s'approcha un pas après l'autre du chevalier. Les larmes montèrent jusqu'aux yeux de la mère qui posa une main attendrissante sur la joue de son fils. Puis, elle fit de même avec son autre main pour finalement observer pleinement les traits de son visage qu'elle n'avait pas vus depuis si longtemps. Ceux-ci avaient d'ailleurs beaucoup changé.

- Par Hylia, mais où étais-tu passé... c'est un miracle... un véritable miracle...

La châtaine se jeta soudainement dans les bras de Brad et l'enlaça si fort qu'elle pouvait entendre les battements brefs et rapides de son coeur. Elle s'imprégna de sa chaleur, de son parfum, de tout ce qui le caractérisait. Brad porta un premier bras dans le dos de sa mère afin de simuler une certaine affection et un second au niveau du derrière de sa tête.

- Maëlle, non ! s'affola son mari.
- Oh... mon chéri, pleura-t-elle, je suis tellement heureuse que tu sois...

Elle s'arrêta tout à coup sans raison. Comme si ses cordes vocales avaient été coupées brusquement. À la place, elle hoqueta un étrange gémissement avant de se figer. Le chevalier se retira de ses bras qui retombèrent lentement pendant que de la corruption traversait la poitrine de Maëlle, les yeux écarquillés. Sa mâchoire inférieure commença à trembler et ses pleurs disparurent. Une aura maléfique l'entoura quelques instants et elle tomba au sol, inconsciente, ses cheveux encore agités par le vent violent passant par la porte toujours ouverte.

- Bonjour, papa, fit le nouvel arrivant.
- Brad, s'il te plaît... Brad, ressaisis-toi, mon fils ! répondit Daniel.
Il répondit négativement de la tête.
- Dites-moi, je ne vous ai pas trop manqué ?
- Papa ? Qui est là ? appela une voix venant de l'étage.
- Arthur, non ! Reste dans ta chambre et n'en sors pas ! ordonna Daniel.

Il s'empressa de rejoindre sa femme et s'accroupit devant elle. Une fine et ultime partie de corruption pénétrait encore par sa bouche entrouverte. Son teint était devenu soudainement très hâlé et en touchant son front, le père sentit que la fièvre l'avait envahie. Tout était allé si vite, sans prévention... Un véritable cauchemar. D'intenses émotions totalement opposées se voyaient naître chez l'Hylien qui prit la main brûlante de Maëlle dans la sienne et releva la tête vers Brad qui l'observait avec neutralité.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ?! fit-il, déboussolé.
- Elle s'en remettra, répondit son fils.

Une deuxième personne débarqua alors dans la maison. Cheveux noirs, yeux vert émeraude, l'homme se comportait exactement de la même manière que le soldat corrompu. Avec une démarche hardie, il se plaça aux côtés de son binôme.

- Et vous ? Qui êtes-vous ? lâcha Daniel par peur.
- Papa, je te présente Alan. C'est mon coéquipier, on va dire.

Alan fit quelques pas en avant en le dévisageant. Son regard perçant et sans expression aurait donné la chair de poule à quiconque l'aurait croisé. Son attitude très calme et sans aucun signe de brutalité contrastait avec le reste de l'aura qu'il dégageait. Cela était très perturbant, c'en devenait même presque malsain.

- Ne bougez plus ! Pas un pas de plus !
- Ne t'en fais, ce ne sera pas long, assura Brad en arrière.

Daniel sentit une très faible pression resserrer sa main. Il ramena son attention vers Maëlle qui entrouvrit les yeux. Elle était cependant comme paralysée et avait perdu le contrôle même de son corps.

- Maëlle... ma chérie, je suis là, d'accord ? Tu n'as rien ? s'inquiéta fortement son mari qui se pencha vers elle.
- Maintenant, fit Brad.

Il tendit un bras et l'originaire d'Hébra fut automatiquement attiré vers lui. Le brun plaqua son père en hauteur contre un mur dans une nuée de corruption qui changea l'air ambiant de la pièce en un endroit ténébreux tout autre. Alan se recula tandis que Daniel tentait en vain de se débattre pour parvenir à s'échapper de l'emprise qu'on avait sur lui.

- Lâche-moi ! Non ! Je ne laisserai pas le Fléau s'en prendre encore à ma famille !

Brad le lâcha et cessa l'exercice de toutes forces maléfiques sur le père de famille. Celui-ci s'écroula au sol dans un geignement de douleur. Cette lutte lui avait pris toute son énergie et il resta tête baissée, mains plaquées sur le froid plancher non balayé en amont. Il entendit à sa gauche les pas lourds et lents du chevalier qui s'approchait de lui. Pour la première fois de sa vie, il avait peur de son propre fils. Il avait peur qu'il lui fasse du mal... Dire qu'ils espéraient revoir leur progéniture depuis tellement de temps... et c'était ainsi que le moment tant attendu se déroulait, le comble...

- Mon pauvre fils... Je... je suis tellement désolé de ce qui t'est arrivé, bégaya Daniel. Je reste tout de même heureux de te revoir malgré tout... s'il te plaît, ne fais pas ça...

Brad s'accroupit pour se mettre à la hauteur de son père, agenouillé et mains jointes, qui suppliait la déesse Hylia de l'épargner lui, sa femme et Arthur s'il était encore temps. L'épéiste tourna la tête vers son associé et lui adressa quelques mots qui mirent Daniel dans une panique sans nom et une fureur qu'il ne pouvait guère manifester sous peine d'empirer la situation.

- Va t'occuper de l'enfant, dit-il calmement.
- Brad ! Aie pitié !

Alan se dirigea à l'étage sous les ordres du rival de Link. Le gérant du village comprit que personne ne viendrait les aider à ce stade. Qu'avaient-ils fait pour mériter un tel sort ? Comment leur fils était-il devenu ainsi ? Tous ces efforts, toutes ces recherches dans le royaume entier depuis quatre ans, tout ça pour qu'ils apprennent que depuis tout ce temps, la Calamité s'était emparée de Brad. Le désespoir naquit chez Daniel, et dans un dernier souffle avant le moment fatidique, il mut ses lèvres.

- Mon fils... mes fils... Je vous aime...

Deux iris rouges le fixèrent et ces mots furent ses derniers avant qu'une vague de rancoeur ne vienne l'envahir à son tour.

Dans un cri d'effroi.

Chapitre 29 : Dans la gueule du loup   up

C'est aujourd'hui que tout se joue.

Assis contre la paroi de pierre du canyon gerudo, Gabriel cherchait à se détendre, se reposer au calme, loin du bruit du relais situé un peu plus loin qui accueillait beaucoup trop de voyageurs à son goût. Plongé dans ses pensées, les paupières fermées, le père commençait à réaliser la situation critique dans laquelle il se dirigeait si les choses venaient à mal tourner. Il ne pouvait pas se permettre un futur si sombre, il le refuserait. Gabriel allait tout faire pour éviter cela.

C'est aujourd'hui que nous tentons le tout pour le tout.

Le plan avait été établi la veille, comme prévu. Et celui-ci était clair : le groupe de quatre serait divisé en deux. Zelda et Gabriel allaient devoir se présenter devant le repaire en prétendant participer à ce que les Yigas avaient nommé l'Échange : la princesse, contre Lysia. Une fois entrée et l'ancien voleur attendant devant le repaire, Impa et Link s'infiltreraient par un passage secret que la Sheikah avait emprunté de nombreuses fois. Celui-ci menait directement à la réserve des lieux. À l'intérieur, Impa partirait en direction des geôles tandis que Link irait, de son côté, retrouver Zelda. Tous comptaient sur la coordination de chacun pour mener à bien cette mission plus que risquée. Leur vie en dépendait.

Et que je risque de la perdre.

Ils avaient pris la décision de ne pas laisser l'aîné libre de ses mouvements jusqu'à ce matin-là. De ce fait, Gabriel avait toujours les mains liées, et depuis de longues heures, les courbatures étaient plus que présentes. Près du relais, il sentait qu'il était encore surveillé par Impa qui ne pouvait visiblement pas s'en empêcher. Il commençait à s'habituer à cette manie qu'elle avait de garder un oeil sur lui, après tout, elle avait de bonnes raisons de le faire.

C'est une chose que je ne peux accepter plus longtemps.

En ouvrant les yeux, il aperçut par la suite Link et Zelda rejoindre la Sheikah. Comprenant qu'ils allaient devoir prendre la route dans quelques instants, Gabriel sentit l'adrénaline monter en lui. Il se remémora tout ce que lui et son frère avaient fait pour en arriver là, et encore une fois, il regretta de ne pas avoir écouté celui-ci plus tôt. Mais peu importait, ce qui était fait était fait, et à présent, rien ne pourrait lui faire faire marche arrière. L'homme apprendrait de ses erreurs et celles-ci allaient le rendre plus fort face à l'ennemi. Il l'espérait.

Je le dis donc sans hésitation : je tuerai s'il le faut. Comme ces monstres tuent des innocents chaque jour. Veuillez me pardonner d'avance. J'ose espérer que vous comprendrez.

On l'appela. Gabriel termina sa prière et se releva avec difficulté avant de rejoindre le reste du groupe.

Puissiez-vous nous guider, Déesse Hylia.

Impa fut la première à le dévisager sans un mot. Elle soupira, sourcils froncés, puis dégaina un sabre de la défiance dans un bruit semblable à l'aiguisement d'une épée. Elle planta la lame tranchante et légèrement courbée dans le sol terreux du canyon.

- Retourne-toi, ordonna distinctement la magistrate adjointe.

Il se plaça dos à la concernée qui put observer ses poignets irrités par le frottement de la corde qui les attachait. Dans un geste brusque et contre sa volonté, elle coupa ses liens, libérant ainsi les mains du père qui fut enfin soulagé de pouvoir se retrouver complètement libre. Chose qui n'avait pas eu lieu depuis qu'il avait été amené au château. Gabriel remercia du regard Impa qui lui tendit soudainement le sabre qui l'avait libéré.

- Prends-le, allez, dit-elle en le laissant attraper le manche de l'arme.

Jamais elle n'aurait cru devoir armer l'ancien voleur de Lambda un jour, elle restait en partie méfiante bien que celui-ci prit le sabre avec une extrême délicatesse. Gabriel avait toujours su manier ces armes plus que les épées. Ceux-ci étaient plus légers, et plus faciles à utiliser. Il n'y avait aucun doute que l'homme était beaucoup plus efficace durant les combats avec ce type d'arme. La sensation fut très étrange, tenir un sabre en tant que Gabriel et non Lambda, cela était assez perturbant.

- Nous nous séparerons à l'entrée de la vallée de Caltice, rappela Impa. L'entrée du repaire est au fond. Tâchez d'être crédibles, les Yigas sont loin d'être dupes.
- Combien de temps pour se rendre jusqu'à leur cheffe ? demanda Zelda.
- Trente minutes au maximum. J'aurai un visuel sur la vallée, une fois que vous serez entrée, Link et moi nous rendrons sur-le-champ à la réserve, afin de nous synchroniser. Et les choses sérieuses pourront commencer.

Tout le monde semblait prêt. Seul le héros restait dérangé par la première partie du plan. Le frère d'Alan lui assura ainsi que les choses allaient bien se dérouler, du moins, le temps que le chevalier n'était pas aux côtés de la princesse pour la protéger. Car dans un sens, Link se dérobait à ses fonctions premières, et c'était le point qui le gênait le plus.

- S'il arrivait quoi que ce soit à Son Altesse Zelda, c'est que vous auriez failli à votre devoir, vous seriez le seul fautif. J'en suis conscient, fit Gabriel au blond. J'emploierai mes talents au combat dont vous avez été témoin pour qu'il ne lui arrive rien au cas où nous devrions faire face à un danger inattendu.
- Faites donc, répondit Link. Le cas échéant, je ne me le pardonnerai jamais.
- Ne sois pas si dur avec toi-même. Tout ira bien, je suis convaincue que notre stratégie est parfaitement réalisable, rassura Zelda.
Link entendit ses paroles mais ne pouvait que continuer d'appréhender cette situation qui avait forcément des chances de se produire.
- Je ferai au plus vite pour vous rejoindre lorsque vous serez entre les mains de l'ennemi, énonça-t-il à la princesse.

Zelda n'en doutait pas, elle retira toutes formes d'inquiétude sur son visage. Sa conviction de mener à bien cette mission était encore plus forte que la veille, plus les heures passaient, et plus cela lui hantait l'esprit. Une certitude qu'elle ne pouvait toujours pas expliquer mais qui était bel et bien présente. La Sheikah attendit que le silence revienne et prit les devants.

- Il est temps. Suivez-moi, déclara-t-elle avec prestance.

Comme prévu, lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée de la vallée de Caltice, chaque membre de la mission tenait son rôle. Le binôme composé de Link et d'Impa pénétra dans un tunnel à quelques mètres qui s'enfonçait dans la roche. Un couloir à peine assez large pour y passer convenablement. Le héros et la Sheikah durent se placer de profil afin de pouvoir s'y faufiler plus aisément. De plus, l'obscurité qui y régnait n'était pas rassurante. Du côté de Zelda et du père, ils prirent la route normale, l'unique chemin qui devait mener à une impasse où se trouvait le repaire, selon Impa. Mais rares étaient les personnes qui réussissaient à y accéder, car les voyageurs rencontraient à coup sûr un groupe de Yigas surveillant l'entrée en amont. La princesse marchait en avant, à l'affût du moindre mouvement.

- Comment vous sentez-vous ? demanda l'Hylienne à son coéquipier.

Gabriel ne s'attendait pas à ce que l'on s'intéresse à son état d'esprit avant d'entamer le début du plan, mais puisque la question avait été posée, il y répondit avec une fermeté montrant qu'il n'allait rien lâcher. Cela se voyait dans ses yeux lorsqu'il regardait devant lui, l'homme désespéré n'était plus. Il avait laissé place à un Hylien sûr de lui, et téméraire, comme il ne l'avait jamais été.

- Déterminé, déclara-t-il.
- Je vois...

Zelda tenait à rester relativement neutre dans ses échanges avec Gabriel. Car malgré le fait que les huit dernières années du père l'avaient touchée, celle-ci n'oubliait pas tout le reste, comme le rude combat qu'avait mené Link contre lui ou encore les différentes manipulations qu'il avait faites subir à Edward. Ces actes ne correspondaient peut-être pas à la personne que Gabriel reflétait à présent, mais l'homme avait tout de même pris la décision de reprendre ce cruel rôle de voleur. Une erreur qui lui coûterait peut-être encore aujourd'hui, la vie de sa fille.

- La vérité, c'est que j'ai également très peur, avoua Gabriel.
- Ce qui est d'autant plus normal.
Il accéléra le pas pour se rapprocher de la princesse qui restait devant, dos à lui.
- Je tenais à m'excuser pour le comportement et les propos que j'ai pu tenir envers vous, Votre Altesse.
- Vous étiez prêt à me sacrifier, vous deviez réellement me livrer aux Yigas, et cela ne vous a pas dérangé... Mais d'un autre côté, vous vouliez simplement tout faire pour retrouver votre fille, votre cas est sujet à débat. Vous le savez, n'est-ce pas ?

Il savait pertinemment à quoi Zelda faisait référence. Cela ne le réjouissait pas, mais il allait devoir passer par-là un jour ou l'autre. Passer devant tous ces gens, le roi d'Hyrule en personne ainsi que des témoins de ses crimes, et peut-être même des victimes. Pour l'aîné, il n'y avait pas de surprise sur ce qui allait lui arriver par la suite.

- Un procès... murmura-t-il.
- Inévitable, Gabriel.

En réalité, son sort lui importait peu, c'était par-dessus tout l'avenir de Lysia qui l'inquiétait. Il y avait toujours peut-être Alan pour rester aux côtés de la petite fille ? À vrai dire, Gabriel n'en était plus très sûr, car son frère n'avait plus donné de nouvelles depuis quelques jours et il finirait tôt ou tard par se faire retrouver à son tour, son visage était affiché partout dans la citadelle...

- Qui s'occupera de ma fille lorsque moi et mon frère seront condamnés à finir notre vie dans une cellule lugubre ? Ou pire ?
- Vous parlez comme si vous étiez déjà jugé. Votre cas est sujet à débat, c'est simplement ce que j'ai dit. Or, votre peine n'est donc pas encore certaine.

Pour l'Hylien, ce n'était pas la peine qui n'était pas décidée, mais sa sévérité. Il savait que certains prisonniers étaient parfois condamnés à mort, même si cela était beaucoup moins fréquent. Cette pensée lui donna des frissons et d'autres idées noires se succédèrent dans sa tête comme la façon dont il allait mourir, s'il allait être torturé... Ce n'était absolument pas le moment de se terrifier ainsi.

- À votre avis, allons-nous me juger moi, ou Lambda ? demanda-t-il en se doutant de la réponse.
- Cela dépendra de chaque individu présent. Je ne peux rien affirmer pour le moment.
- Ils ne connaissent que la cruauté dont je faisais preuve autrefois, je suis déjà condamné.
La princesse ne voulait pas confirmer ses dires, mais sa situation allait effectivement s'avérer compliquée.
- Si tout cela ne tenait qu'à moi, je vous laisserais vivre auprès de Lysia sans problèmes, il ne vous reste plus qu'elle et je sais à quel point vous l'aimez, expliqua Zelda. Seulement, je ne sais pas si vous aurez l'occasion de raconter votre histoire à tous les membres présents lors de votre procès.
- Je m'en veux terriblement...
- Nous aurons peut-être l'occasion d'en rediscuter prochainement. Nous devons nous préparer pour l'Échange.

Le sable chaud de la vallée disparaissait peu à peu sous leurs pieds, le duo s'arrêta lorsqu'une douce brise vint caresser leur visage avec les grains de sable qu'elle emportait avec elle. L'ambiance changea radicalement, ils se sentirent soudainement épiés. L'ennemi ne devait pas être loin, peut-être même qu'il les observait déjà, ce qui allait être relativement problématique. L'Hylienne baissa instinctivement la tête et fixa ses bottes. Les statuettes de grenouilles sur les hauteurs se faisaient de plus en plus nombreuses, et la marque des Yigas était disposée sur chacune d'elles, il ne leur tardait pas d'entendre un ricanement propre au gang.

- Maintenant, dit-elle.

Le père s'empressa de sortir une fine cordelette ainsi qu'un foulard de ses poches. Il se plaça face à Zelda, mais hésita à entreprendre de telles actions sur la princesse. Le voleur Lambda n'aurait eu aucun mal à le faire, mais à l'heure actuelle, il ne s'en sentait plus capable. D'un côté, il était désolé de devoir faire subir une telle situation à la fille du roi, mais les ordres d'Impa étaient clairs.

- Votre Altesse, c'est vraiment nécessaire ? interrogea-t-il.
- Impa a demandé de la crédibilité. Nous nous y emploierons.

La blonde ne perdit pas une seconde de plus et attrapa vivement le foulard des mains de Gabriel. Elle le noua si fort derrière sa tête que sa peau rougissait sous la pression du noeud. Le tissu l'empêchait de prononcer le moindre mot, c'était le but. Il n'y avait pas de seconde chance, elle n'avait pas le choix s'ils voulaient voir leur stratagème fonctionner. Dans le même temps, Zelda se décoiffa de sa couronne tressée afin de simuler une lutte de sa part. Une fois cette première étape effectuée, elle écarquilla les yeux afin de faire comprendre à son binôme qu'il était temps d'attacher ses mains derrière son dos. L'homme dut se plier aux ordres de la princesse.

- Pardonnez-moi d'avance, soupira-t-il.

Zelda leva les yeux au ciel - témoignant d'une certaine impatience - en remarquant la difficulté qu'avait Gabriel d'effectuer ce qui était pourtant prévu depuis le début. Comment pouvait-on être deux personnes aussi opposées dans une même vie ? Il finit par lier les mains de la princesse et resta derrière elle comme Impa l'avait fait pour lui il y avait encore quelques heures. Une dizaine de minutes s'écoula avant que leur présence ne soit enfin remarquée. Deux Yigas leur barrèrent la route soudainement, jambes fléchies. L'un faisait tournoyer sa serpe, pratique qui servait normalement à intimider l'adversaire, et l'autre bandait son arc à double encoche.

Zelda devait rester silencieuse et jouer la peur. Elle n'eut pas de difficulté à accélérer son rythme cardiaque et à faire monter une angoisse véritable dans tout son corps. Son coéquipier, lui, allait surtout devoir se retenir de ne pas bondir sur ces deux sous-fifres qui ne manqueraient pas de se moquer de lui. Il ne devait pas toucher à son sabre tant qu'il n'était pas en véritable danger. Et pour le bien de la mission, il allait devoir se retenir.

- Non... tu vois ce que je vois ?! déclara le premier Yiga.

Son interlocuteur supprima la tension qu'il produisait sur la corde de son arc. Il adopta une voix ironique et manifesta la forte surprise par laquelle il était animé.

- J'en crois pas mes yeux... dit-il.
- Je suis ici pour l'Échange, enchaîna Gabriel.

Cela coupa littéralement le souffle des Yigas. Derrière leur masque blanc, ils se regardèrent pendant cinq secondes silencieusement. Puis, ils éclatèrent de rire tellement ils étaient étonnés. Étaient-ils en train de se moquer de sa prestation ? Riaient-ils car quelque chose échappait visiblement au frère d'Alan ? Cette réaction le tourmenta, et leurs ricanements faisaient naître une rage en lui qu'il dut contenir.

- L'Échange ?! Le seul et l'unique ? voulut s'assurer le sous-fifre face à la princesse qui n'en revenait toujours pas.
- Oui, confirma Gabriel. Je souhaite retrouver ma fille en vous livrant la princesse d'Hyrule. C'était bien ça, non ?
Le Yiga à la serpe se redressa et prit à l'écart son associé de la journée.
- Le truc c'est que plus personne ne pensait réellement que le père de cette gamine allait vraiment venir... chuchota-t-il.
- À vrai dire, personne n'y a jamais cru, répondit l'autre fidèle.
- La date limite est aujourd'hui. Je suis dans les temps, ajouta le père.
D'une démarche dégourdie, le premier Yiga s'approcha de ce dernier afin d'y voir plus clair dans cette situation bouleversante.
- C'est quoi ton nom ? demanda le sous-fifre.
- Gabriel.
- Eh bien Gabriel, laisse-moi t'annoncer que comme personne ne croyait à ta venue, cette fille est déjà morte. On a pris de l'avance.

L'aîné eut soudainement quelques vertiges et faillit perdre l'équilibre. Une sueur froide le parcourut. Mais avant même d'avoir le temps de prendre cette affirmation totalement pour acquise, le Yiga continua.

- J'ai de l'humour, n'est-ce pas ?
Comprenant que ce n'était qu'une plaisanterie absolument ignoble, il lui offrit un regard furieux avant de déglutir en serrant les dents.
- Énormément... ironisa-t-il.
- Il y a juste un truc qui m'échappe.
Il bascula sur la princesse, décoiffée et yeux rivés sur le sol.

- Comment est-ce que tu as pu mettre la main sur la fille du roi en personne et arriver jusqu'ici sans problèmes ? On ne t'avait même pas précisé le lieu de rendez-vous, c'est pour te dire à quel point nous sommes étonnés de te voir ici...
Il jeta un discret regard à Zelda qui ne pouvait guère l'aider à répondre à cette question très délicate. Gabriel ne pouvait pas réfléchir plus longtemps et improvisa.
- La princesse est là, et je ne sais pas si cela se reproduira très souvent. Alors vous devriez être impatient de vous emparer d'elle, non ?

Le même Yiga à quelques centimètres de lui le scruta de la tête aux pieds puis tourna légèrement la tête sur le côté. Laissant ainsi sans réponse le père de Lysia qui attendait impatiemment de savoir si le doute continuait à envahir ses ennemis ou non.

- Qui es-tu pour me répondre sur ce ton ? Nous tenons ta fille en otage, je te rappelle.

Il se tourna ensuite de nouveau vers Zelda, la voir prisonnière ainsi le réjouissait beaucoup, comme tous les Yigas. C'était une élue des déesses, la descendante d'Hylia, l'ennemie principale de Ganon. Sans princesse, il n'y avait pas de pouvoir du sceau qui pouvait terrasser le Fléau. Cela résonnait comme une victoire dans l'esprit du sous-fifre. Sa joie excessive le laissa s'emporter.

- Et vous, Votre Altesse, vous m'avez l'air très effrayée... Les larmes montent ? Les frissons vous parcourent ? Votre coeur bat si fort... Est-ce votre sang de descendante de la déesse qui vous fait paraître aussi... faible ? Ou alors, ce n'est qu'un aperçu que vous souhaitez nous donner... Vous savez, un de mes amis a déjà failli mettre la main sur vous, il y a déjà bien longtemps. Il s'appelait Kal. Mais il est mort. Plus tard, Impa la traîtresse l'a tué. Vous la connaissez peut-être ?
Le second Yiga intervint.
- On ne devrait pas faire attendre la grande Katlyn plus longtemps...
Son sourire malveillant se devinait derrière son masque grâce à la voix dont il fit preuve en acquiesçant ces paroles.
- Pas faux. Suivez-moi. On va bien s'amuser.

Tout semblait se passer normalement à une exception près. Gabriel n'était pas censé entrer avec Zelda. Et pourtant, il dut la suivre. À ce moment précis, il sut que le plan n'allait plus pouvoir être suivi à la lettre. Pourquoi le laissait-on pénétrer sans problème dans le quartier général même des Yigas ? Ce fut dans l'incompréhension que le frère d'Alan et la princesse furent accompagnés jusqu'à l'entrée du repaire.

La salle dans laquelle ils arrivèrent était circulaire et comportait plusieurs passages de part et d'autre. Les imposantes statues des sept héroïnes voilées d'un drap comportant le symbole Yiga entouraient l'endroit. Au centre, une sorte de piédestal entouré de plusieurs torches enflammées. La pièce avait une allure de salle d'incantation maléfique, ce qui ne disait rien qui vaille aux deux infiltrés guidés par les Yigas tous deux excités à l'idée de présenter la prêtresse royale à leur cheffe. Ils empruntèrent l'entrée à leur droite qui menait à différents couloirs par lesquels ils déambulèrent rapidement. Un incroyable silence régnait, les lieux étaient assez vides en journée. Zelda comprit qu'ils pourraient rapidement se perdre s'ils ne se souvenaient pas du plan du repaire qu'Impa leur avait montré, chaque salle donnait sur deux autres, et ainsi de suite. Sur les murs étaient accrochés de nombreux masques, et une odeur de banane était omniprésente.

Une fois la grande salle commune passée, deux officiers s'occupaient de surveiller une porte à travers laquelle on pouvait entendre une voix furieuse crier. Zelda comprit que c'était derrière cette porte qu'était leur point de destination.

- Pauvre idiot ! lâcha la voix avant qu'un Yiga ne sorte de la pièce, évitant une dague qui vint se planter brutalement dans le bois de la porte.

La cheffe Yiga, assise sur un semblant de trône en simple bois banal, fit déguerpir un sous-fifre qui avait eu l'audace de venir la déranger en pleine matinée. Katlyn était toujours d'une grande taille et sa combinaison rouge se démarquait des autres Yigas car celle-ci était plus travaillée et légèrement différente sur certains aspects. Elle possédait une ceinture noire décorée de trois cercles blancs devant son abdomen et des griffes métalliques acérées étaient disposées à intervalles réguliers le long de ses avant-bras. Âgée maintenant d'une cinquantaine d'années, elle passait ses journées à se reposer sur ses lauriers.

- Qui vient me déranger une fois de plus durant mon...

Katlyn s'immobilisa à la vue de ses nouveaux invités. Elle crut rêver un instant. Elle attrapa son tranche-démons, arme à la lame circulaire et aux pointes aiguisées, et accourut maladroitement jusqu'à Zelda en lui attrapant violemment les joues, ce qui laissa échapper un gémissement de peur à l'Hylienne.

- Je n'ai pas eu l'occasion de beaucoup voir votre visage mais vous êtes la princesse d'Hyrule, je me trompe ? Seigneur Ganon, je ne pensais pas que cette simple enfant nous aurait ramené Son Altesse royale !
Elle vérifia la pression du tissu qui empêchait Zelda de parler et la lâcha.
- Vous êtes le père, je suppose ? suggéra-t-elle en se tournant vers ce dernier.

Gabriel confirma en jouant l'intimidé. La cheffe observa son sabre qu'il avait sur lui et ne lui prêta aucune autre sorte d'attention. Il lui était de toute évidence sans importance comparé à la princesse qui l'accompagnait.

- L'officier Mercior va vous conduire à la cellule de votre gosse.
- Me... conduire à sa cellule ? s'étonna Gabriel.

Quelle était l'utilité d'amener un inconnu jusqu'aux cellules des prisonniers ? Impa avait pourtant bien dit que les geôles étaient très difficiles d'accès et que seules les quelques personnes qui s'occupaient des sacrifices y avaient accès. C'était pour cela que la Sheikah devait s'occuper d'aller surveiller si Lysia était encore en vie et si les Yigas respectaient leur accord. Pourquoi donc l'amener là-bas ?

- Quelque chose ne vous convient pas, peut-être ? fit Katlyn.
Il déglutit en hochant négativement la tête.
- Mercior ! Ramène-toi ! ordonna-t-elle d'une voix criarde.
L'un des deux officiers qui gardaient au préalable l'entrée pénétra dans la pièce, son sabre tranche-vent à la verticale, pointe sur le sol.
- Amène-le aux geôles voir la prisonnière.
- Quelle prisonnière, grande Katlyn ?
- La seule qu'il reste, enfin !
- À vos ordres.

Mercior attrapa Gabriel par le bras et le tira vers la sortie. Le père et Zelda se regardèrent une dernière fois d'un air inquiet qui leur faisait comprendre à tous les deux que cette mission allait s'avérer un peu plus complexe. La princesse se retrouva donc seule en compagnie de la menaçante Katlyn. Elle dut s'avancer au milieu de la pièce, la blonde ne quitta pas la cheffe des yeux. Son impossibilité de parler ni de se mouvoir comme elle le voulait la rendait faible et soumise à son ennemie.

- Bien. À nous deux. J'aimerais apprendre à vous connaître, Princesse...
La Yiga tourna autour d'elle, mains derrière le dos. Brusquement, Katlyn tentait de croiser le regard de sa prisonnière qui fermait les yeux à chacun de ses essais.
- Seize longues années que nous essayons de mettre la main sur vous. Aujourd'hui est un grand jour ! Je vais pouvoir m'occuper personnellement de votre cas. Prosternez-vous, Princesse ! J'y verrai là toute votre lignée se soumettant au Seigneur Ganon pour l'éternité !

D'une main ferme, elle défit le noeud dans le cou de la princesse et retira le tissu des lèvres de cette dernière. Elle l'obligea à s'agenouiller et Zelda leva enfin la tête vers la cheffe, les larmes aux yeux. Il fallait dire que l'Hylienne était plutôt convaincante, Katlyn ne semblait se douter de rien. Mais d'un autre côté, la blonde ne jouait plus vraiment la comédie à ce stade de la mission.

- Ne me faites pas de mal... Je vous en supplie... la pria Zelda qui pouvait de nouveau s'exprimer, d'une faible voix apeurée presque grêle.
- Vous êtes faible et vous me suppliez de ne pas vous tuer ? Vous croyez que vous êtes ici pour quoi ? Déguster de nos délicieuses bananes ?

La Yiga se plaça à hauteur de la fille du roi et passa ses fins et longs doigts sur son front dissimulé derrière quelques-unes de ses mèches blondes. Et ce, d'une façon assez inoffensive. Mais dans cette situation, la lenteur et l'absence d'agressivité de cette action ne faisait qu'augmenter davantage la tension dans la pièce.

- Vous avez de très belles joues... dit-elle. Votre peau est si jeune et si lisse... J'en serai presque jalouse. Je me demande si, derrière cette beauté naturelle...

La lame de Katlyn vint jusqu'au visage de Zelda, une des pointes du tranche-démons rejoignit la joue de la princesse et se déplaça lentement vers son extrémité, laissant derrière elle une fine coupure qui libéra une goutte d'hémoglobine. Véritablement terrifiée, la blonde gardait son calme en restant à genoux et stoïque, sans réaction, bien que la douleur ne lui fasse se mordre la lèvre inférieure et plisser les yeux.

- C'est bien ce que je pensais ! Je le reconnais rien qu'à sa vue ! s'exclama Katlyn. Sous cette peau douce et fragile, coule encore le sang de la déesse Hylia. Je voulais m'en assurer. Vous êtes sa descendante, et au nom du grand Fléau Ganon, je me dois de vous tuer. Mais nous allons y aller étape par étape, d'accord ?

~~~

- Bien. Nous y voilà. Tu possèdes toujours le chemin en tête ?

Link et Impa se situaient dans la réserve du repaire, salle la plus éloignée. Le passage secret ne donnait en effet que sur ce lieu et il n'y avait pas d'autres choix. Le binôme ne devait pas perdre plus de temps. Cachés derrière des piles de caisses remplies à ras de bananes, fruit que les Yigas chérissaient tant, ils se remettaient au point sur la suite du plan. L'odeur présente était très désagréable pour la Sheikah qui détestait ces aliments.

- Il serait assez gênant de l'oublier, dit le chevalier en répondant à la question.
- Parfait. Je t'accompagnerai jusqu'à la moitié du chemin pour me diriger aux geôles. Nous ne devrions pas avoir de mal à rester discrets si...
Au même instant, un groupe de trois Yigas débarquèrent. Le premier sous-fifre portait une lourde caisse de bois similaire aux autres stockées dans la pièce.
- Par Hylia... souffla Impa qui souhaitait justement éviter cette situation.

Les trois hommes en combinaison rouge débattaient sur leur légitimité à dérober quelques bananes par rapport aux autres membres du clan. Selon l'un d'eux, ils n'avaient pas eu leur portion quotidienne contrairement aux autres. Selon un autre, les règles étaient les règles, pas de vol dans la réserve.

- Vous en êtes à un point où c'est devenu une drogue, déclara le premier Yiga aux mains pleines. Les gars, vous savez pertinemment qu'en aucun cas nous devons voler dans les stocks de bananes.
Il entendit souffler derrière lui.
- Tu devrais prendre exemple sur Nao, continua-t-il. Lui au moins, il sait se retenir quand il vient ici.
- Tu parles ! Nao ne mange juste plus depuis trois semaines, je vous assure que c'est cette Gerudo qui lui a tapé dans l'oeil. Un amoureux de l'amour, ce type. Il devrait réviser ses priorités.
- Parce que tu es mieux toi, peut-être ? À sympathiser avec les Hyliennes quand tu es sous couverture ?
- Moi je sympathise avec les Hyliennes ? Simple tactique d'élimination. Quand on ne sait pas de quoi on parle, on la ferme, d'accord ?

Du point de vue de Link et Impa, le premier homme se dirigeait dangereusement vers eux. À moins d'un mètre, il s'arrêta et empila la caisse de bananes qu'il portait sur une autre, juste devant Link qui respirait le moins bruyamment possible. Malheureusement, un des fruits s'échappa de la boîte et tomba sur le sol, juste devant le héros, accroupi. Impa prépara son arme lorsqu'elle vit une main venir chercher l'aliment. Celle-ci tâta le sol, mais les doigts du Yiga tombèrent sur bien autre chose. Ce dernier sentit une matière en cuir glisser sous ses phalanges, comme une botte. Il ne touchait rien d'autre que le pied de Link. Intrigué, le Yiga décala quelques stocks avant de se présenter devant le binôme caché.

- Les gars... commença le sous-fifre.

Soudain, le sabre tranchant d'Impa passa au travers de l'abdomen du fidèle qui venait de les repérer. Un léger filet de sang coula le long de la lame, jusqu'à atteindre le bout des doigts d'Impa. Le souffle coupé, il resta immobile, portant ses deux mains contre son ventre lorsque la lame en ressortit. Celles-ci ne tardèrent pas à se teinter de rouge, puis il s'écroula en avant dans un bruit assourdissant, faisant ainsi révéler l'emplacement de Link et Impa à ses deux camarades qui avaient assisté à la scène. L'hésitation n'avait pas sa place dans cette mission. Le fidèle ne gloussa pas un mot, pas un gémissement, il restait au sol tandis que le héros et la magistrate adjointe jaillirent de leur cachette pour faire face aux deux autres ennemis.

- Dame Impa... fit Link en remarquant la flaque de sang qui se formait autour du Yiga éliminé par surprise.
- Crois-moi que je ne tue pas par plaisir, contrairement à eux !
- Alors ça pour un évènement inattendu... Impa la traîtresse et le héros réunis ! fit l'un des deux autres assassins.

Le dernier sous-fifre resté en retrait se concentra davantage sur la présence de Link. Personne ne pouvait voir son expression de visage derrière son masque mais nul doute à son comportement que ce n'était guère la première fois qu'il rencontrait le chevalier.

- Comme on se retrouve, héros d'Hyrule, dit-il.

Link, en position de combat, ne se laissa pas déconcentrer par ses dires. L'épée de légende attirait les regards, constater cette arme unique dans leur repaire, les deux Yigas n'y auraient jamais cru sans la voir de leurs propres yeux. Leur journée banale et redondante se transforma en une véritable opportunité de satisfaire leur clan et ainsi monter en grade pour devenir officier, ou plus.

- Il ne me reconnaît pas, c'est bien dommage, s'attrista ironiquement le second Yiga.
Leurs adversaires s'approchèrent des deux côtés, Impa et le héros se replièrent jusqu'à arriver dos à dos.
- Je suis celui que tu as épargné à la Cité Gerudo. Celui à qui tu as ouvert le bras, ça te rappelle quelque chose ?

Link ne pouvait que se souvenir de ce jour-là, celui où Urbosa s'était blessée à la hanche, celui où la Gerudo et lui arrivèrent juste à temps pour éviter tout autre danger à la princesse. Le Yiga n'avait toujours pas digéré cet acte qu'il considérait comme une offense. Il l'avait laissé en vie, comme si Link avait eu pitié de lui et l'avait considéré comme inoffensif, comme quelqu'un qui ne pouvait plus faire de mal à une mouche. La honte l'avait envahi, sa blessure au bras l'avait empêché de se venger.

- Je vais me faire un plaisir de te montrer que tu as eu tort de faire s'échapper un Yiga.

La raison pour laquelle le chevalier l'avait laissé fuir était évidemment tout autre que de la pitié qu'il aurait pu ressentir envers son ennemi, celui-ci développa une soif de vengeance incontrôlable qu'il n'allait pas tarder à dévoiler.

- Je me demande ce que la grande Katlyn penserait de votre présence ici-même, dans notre repaire. Elle serait furieuse et la princesse d'Hyrule que nous venons, selon les rumeurs, de capturer, ne ferait plus long feu très longtemps lorsque notre cheffe comprendra que tout cela n'était qu'une stupide ruse ! Il me hâte d'aller la prévenir.
- Je vous en empêcherai, répliqua Link, sur un ton ferme.
- Essaie pour voir.

Link engagea ainsi le combat tandis que sa coéquipière faisait de même avec l'autre assassin. Le premier coup fut brutal, le Yiga repoussa vivement l'épée du héros grâce à la forme circulaire de sa serpe avant d'abattre celle-ci au niveau de la tête de son adversaire. Le héros l'esquiva par-dessous d'un pli rapide et efficace de ses genoux et l'arme fendit l'air à quelques centimètres de ses cheveux blonds dans un bruit lui faisant comprendre qu'il avait échappé à la mort. Il en profita ensuite pour entailler le mollet du sous-fifre qui poussa un cri de douleur avant de trébucher. Mais cette fois-ci, il ne fuirait pas à cause de la blessure. La lame purificatrice légèrement teintée de sang sur sa pointe, Link se rua sur lui d'une attaque latérale puissante mais son ennemi roula sur le côté, frappa le chevalier à la tête de son pied gauche, puis engagea un saut périlleux en arrière qui l'éloigna de toutes offensives possibles de la part de l'élu des déesses.

Le Yiga ne lui laissa aucun répit et à peine relevé, le héros dut contrer une succession de trois coups en diagonale brefs et furtifs venant de la serpe de son ennemi. Link porta un coup d'estoc bien placé qui fit reculer l'assassin pour quelques secondes avant que celui-ci ne revienne chercher à lui trancher la gorge. Le héros fit une attaque circulaire et le Yiga changea définitivement de stratégie.

Impa, quant à elle, avait affaire à un personnage plus lent et prévisible. Cependant, ses coups, une fois portés, restaient très meurtriers et étaient placés de façon stratégique, ce qui empêchait à la Sheikah de prendre le dessus dans leur combat. De son sabre de la défiance, elle frappa horizontalement la lame du fidèle à deux reprises. Puis, à la grande surprise du Yiga, elle sortit deux fines lames de couteau triangulaire qu'elle avait dissimulées jusque là. En repoussant un coup vers le bas qui fit pencher le sous-fifre en avant, Impa planta sa première dague dans le ventre de son ennemi sans récupérer cette dernière. L'homme souffla en sentant l'objet froid et tranchant lui transpercer la peau jusqu'au foie. Il resta debout en regardant avec insistance le corps étranger qui venait de pénétrer dans son ventre. Incapable de raisonner, le Yiga s'agenouilla doucement et tomba raide sur le côté.

Elle ne s'acharna pas plus longtemps sur lui quand soudain, l'homme qu'affrontait Link dans le même temps, perdit l'équilibre jusqu'à Impa qui le poussa contre le mur et jeta son second poignard dans sa direction, lui détruisant l'épaule droite. Cette forme de combat était typique des guerriers sheikahs : dissimuler de petites lames invisibles pour son ennemi afin de le surprendre.

- Viens me chercher si tu peux... provoqua le dernier Yiga en vie malgré son état.

L'assassin se retrouvait deux fois plus blessé que lors de son premier combat avec le héros. Il ne voulait absolument pas perdre de nouveau face à lui, mais il était à présent incapable de se servir de son bras droit. Il en conclut qu'il allait être impossible de vaincre Link dans cet état. Le Yiga, lâchement, décida d'aller prévenir la grande Katlyn. Le héros était prêt à l'achever lorsqu'il disparut devant lui dans un ricanement malfaisant. Essoufflée, Impa, qui cacha ses mains tachées de sang derrière son dos, incita le héros à rejoindre aussi vite que possible Zelda. Les Yigas profitaient toujours de torturer leurs prisonniers avant de les tuer, il allait falloir cinq minutes à Link pour rejoindre Katlyn qui n'allait sûrement pas faire abstraction de cette tradition avec la princesse d'Hyrule.

~~~

Zelda était en pleurs. Et ce n'était guère de fausses larmes. Agenouillée et envahie par la terreur, elle en était à regretter d'être venue ici de son plein gré. Cette certitude, cette conviction qu'elle avait eue de mener à bien une mission aussi périlleuse... ne s'était-elle pas finalement trompée ? Katlyn lui faisait du mal, physiquement comme psychologiquement, et cela en devenait insupportable. Il fallait que cela cesse ! La cheffe Yiga semblait prendre un étrange plaisir malsain à former une quatrième entaille sur l'avant-bras de la princesse. En effet, Katlyn avait délié les mains de Zelda spécialement pour ces actes cruels. Une sensation horrible formée de picotements atroces lui faisait ressentir son propre pouls à travers ses fines plaies.

- Je passe une excellente matinée ! Pas vous ? fit la Yiga dans un faux étonnement.
Elle n'eut en réponse que des sanglots qui coulaient à flots sur les joues de l'Hylienne.
- Vous êtes moins faible que vous en avez l'air, mais pas assez forte pour résister.
Entre deux larmoiements, Zelda hoqueta un semblant de phrase.
- Par... pitié... pleura-t-elle.
- Non ! N'implorez pas ma clémence, cela ne vous mènera à rien. De plus, je suis restée très gentille jusque là, croyez-moi.

Lorsqu'une larme faillit glisser le long de son bras mutilé, elle se rendit compte de son erreur. Cette fois-ci, elle était allée beaucoup trop loin, et elle avait emmené avec elle des personnes qui lui étaient chères. Qui d'autre que la déesse Hylia aurait pu autant l'inciter à ne pas écouter Impa ?

- Je... commença la blonde.
- Cessez de pleurnicher pour ne rien dire ! la coupa Katlyn. Chaque seconde qui passe vous rapproche dangereusement de votre mort. Et je compte faire en sorte que celle-ci soit spectaculaire aux yeux de mon clan. Vous tuer ici sans aucun public ne serait pas vraiment symbolique, vous êtes d'accord, n'est-ce pas ?

Tout à coup, un sous-fifre apparut devant les yeux de la cheffe du gang. Celui-ci, blessé à la jambe et sur le haut du bras, l'interpella avec précipitation. Ce qui attisa sa curiosité. Une main portée sur la lame toujours plantée dans son épaule, il n'arrivait plus à formuler une quelconque phrase compréhensible.

- Grande Katlyn ! Il faut que...
Cette dernière s'avança à pas précipités vers lui.
- Quoi ? Parle !

L'homme dut reprendre un certain temps son souffle avant de pouvoir informer Katlyn de la situation, bien que celle-ci, en voyant le Yiga aussi blessé, venait de comprendre ce qu'il se passait au sein même de son repaire. La faiblesse n'était pas tolérée en ces lieux. Elle n'attendit point qu'il parle ; d'une poignée de main vigoureuse, elle arracha la dague de l'épaule du Yiga qui hurla sur le coup. Et dans un geste sec, la cheffe replanta la lame ensanglantée au niveau de sa gorge. Katlyn le laissa mourir douloureusement sur le sol tandis qu'elle retourna aux côtés de Zelda qui n'osait pas voir une telle scène, rien qu'à l'écoute du gloussement que l'assassin avait lâché.

- C'était Ozio, le Yiga que le héros d'Hyrule a épargné à la Cité Gerudo. Je suis sûr que vous pouvez me dire où l'élu se trouve en ce moment-même, Princesse.

Link ? Où se trouvait-il ? Si son ami avait parfaitement suivi le plan, il ne devrait plus tarder... Zelda ne croyait pas une seconde que le chevalier allait la laisser tomber, car son dévouement avait toujours été remarquable. Et s'il fallait désigner la personne la plus déterminée entre les deux élus, c'était bien lui. La princesse déglutit, ce qui calma ses pleurs. Elle fit abstraction de toutes douleurs et releva un regard noir à la Yiga qui attendait une réponse.

- Il arrive. Il arrive et vous ne pourrez plus rien faire. Chaque seconde qui passe vous rapproche de votre mort, à vous. Je ne l'ai encore jamais vu tuer un de vos hommes ou une de vos femmes, mais je n'ai nul doute qu'il vous éliminera sans hésitation.
Katlyn ricana.
- Vous avez cru pouvoir me berner comme ça ? Vous êtes à plaindre pour une telle stupidité. Vous êtes une très bonne comédienne, mais il est bien trop tard pour une quelconque mise en garde de votre part.

Elle s'empara des poignets de la princesse pour les relier derrière son dos, puis elle la releva. Après s'être avancée avec elle jusqu'au mur du fond, la Yiga poussa une partie de celui-ci qui pivota soudainement devant les yeux de Zelda d'un coup pied, ce qui créa un passage vers une pièce vide, et sans vie.

- Vous allez mourir, grogna la femme. Il va mourir. Et pour cette enfant...

Elle approcha son visage de son oreille pour lui murmurer ce qu'elle comptait infliger à Lysia après l'avoir enfermée dans cette petite pièce secrète. Cela en donna des frissons à la princesse qui fut totalement choquée des mots qu'elle lui adressa.

- Elle va crever après m'avoir supplié de l'achever quand la douleur ne lui sera plus supportable, chuchota Katlyn, le sourire aux lèvres derrière son masque.

La porte que surveillait au préalable un officier - à présent inconscient au sol - s'ouvrit dans le plus grand des calmes, laissant passer Link qui marchait sans précipitation vers la cheffe. Il dévisagea furieusement la Yiga de ses iris bleus et s'approcha avec l'épée de légende dans sa main droite. Sans attendre, Katlyn poussa Zelda dans la pièce secrète quand le héros fonça dans sa direction mais frappa dans le vide. Son adversaire s'était volatilisée pour réapparaître derrière lui et le jeta à son tour dans la pièce où la princesse était déjà. Link s'en voulut d'avoir fait preuve d'aussi peu d'anticipation et le mur de pierre se referma derrière lui, enfermant ainsi les élus.

Le chevalier posa ses mains à plat contre la pierre froide et commença à essayer de la pousser. Mais il était visiblement impossible de la faire pivoter, quelque chose de lourd devait venir bloquer de l'autre côté. Il se résolut à laisser tomber pour l'instant et se concentrer davantage sur l'état de Zelda qui l'inquiétait fortement. Celle-ci faillit perdre l'équilibre et semblait totalement désorientée par son environnement.

- Princesse Zelda, comment vous portez-vous ? fit-il en s'approchant d'elle.

La blonde ignora la question et restait tourmentée par l'ambiance qui l'entourait. Par ces murs, ce sol aux quelques grains de sable qui crépitaient sous leurs pieds, et ce vide si terrifiant qu'elle pensait avoir déjà vu quelque part.

- Non... marmonna-t-elle.
- Nous allons nous en sortir, nous vous en faites pas, rassura Link.
Zelda se souvint soudainement. Elle était déjà venue ici, d'une certaine manière.
- Non... je ne suis qu'une idiote ! Comment ai-je pu oublier une telle chose ?
- De quoi parlez-vous ?
- Une pièce vide dans laquelle nous sommes enfermés. Ma première prémonition m'a montré exactement cet endroit, je le sens. C'est ici.

Link, qui connaissait cette vision, n'avait pas réussi à faire le lien seul, il vit son amie s'affoler lorsqu'elle reconnut exactement la fissure qui arpentait le mur à sa droite. Cette précision vint lui confirmer qu'elle ne faisait pas fausse route. Le héros posa son épée au sol et plaça ses bras en avant pour lui faire comprendre que tout allait bien se passer. Il aurait voulu la rassurer davantage en posant une main sur la sienne, mais Link n'osait guère entreprendre ce geste de toucher la princesse ainsi sans son autorisation.

- Je vais nous sortir de là, dit-il.

Elle sentit brusquement son coeur accélérer son rythme cardiaque et son souffle qui était de plus en plus rapide. Comme la fois où elle s'était réveillée de cette même prémonition et où elle dut disposer de l'aide d'Impa pour la calmer tellement sa crise était violente. C'était ce qui était de nouveau en train de se produire. Recevoir des messages de la déesse dans ses rêves était très éprouvant et perturbant pour un être humain, dans le cas de Zelda, son corps manifestait cela en panique non contrôlée. Comme sa mère.

- Je crois que... je commence à paniquer. Voir ma vision se réaliser me... je ne me sens pas très bien.
Le teint de la princesse pâlit. Link devait impérativement faire quelque chose.
- Écoutez-moi. Je m'occupe de tout. Je suis votre chevalier servant, tant que je serai en vie, il ne pourra rien vous arriver. Que diriez-vous de vous asseoir pour reprendre votre calme ? Laissez-moi vous libérer de vos liens...
Il délia la corde qui l'empêchait de bouger ses bras. Zelda recula et percuta le mur derrière elle jusqu'à s'asseoir à même le sol.
- J'étais assise de la même manière dans ma...

La princesse dut reprendre sa respiration. Le blond s'accroupit, et avec une voix douce et contrôlée, il posa finalement une main sur l'épaule de Zelda qui sentit la chaleur de celle-ci la parcourir en des frissons qu'elle ne savait déterminer de bien-être ou d'angoisse.

- D'après ce que vous m'avez raconté, j'avais moi aussi les mains attachées, et quelqu'un devrait arriver, expliqua Link.
- Pour nous tuer, oui...
- Or, nous sommes totalement libres de nos mouvements. Rassurez-vous, nous pouvons changer le cours des choses. Votre vision n'était là que pour vous prévenir d'un danger, est-ce juste ?

Elle déglutit, et les tremblements qui l'agitaient ne cessèrent guère, cela était même pire. Malgré les essais du héros pour calmer Zelda, celle-ci n'y arrivait pas. Elle dévisagea son chevalier servant.

- Pourquoi ne l'avais-tu pas éliminé ? Le Yiga que vous avez combattu, toi et dame Impa, si tu ne l'avais pas épargné ce jour-là, à la Cité Gerudo, nous n'en serions pas là !
- Princesse Zelda, tout va bien se passer. Respirez.
- Link, pourquoi tu ne l'as pas tué ?
- Je vous en ai déjà parlé, je n'en étais plus capable sur le moment.
Elle recommençait. La princesse reportait de nouveau la colère née de sa frustration sur le héros qui fut pris au dépourvu, ne s'attendant pas à ce que l'Hylienne s'en prenne à lui.
- Mais regarde où cela nous a menés ! répliqua Zelda, coléreuse.

Insinuait-elle que tout cela était de la faute de Link ? Il avait une très bonne raison de ne pas avoir tué ce Yiga, la blonde ne savait pas de quoi elle parlait. Il ne voulut pas en entendre davantage et décida de passer à autre chose.

- Je vais essayer d'ouvrir le passage.
- Non, Link ! Je veux savoir ! Nous allons mourir ici à cause de...
- C'est un sujet très sensible, fit Link qui coupa la princesse pour la première de sa vie. Sauf tout votre respect, Princesse Zelda, je crains que l'angoisse vous fasse sous-entendre des choses que vous ne pensez pas.
- Pardonne-moi mais...
Zelda laissa s'écouler de nouveau quelques larmes.
- J'ai peur...
Le concerné eut soudainement une révélation et fouilla dans ses deux poches. Il en sortit une petite fiole au contenu bleuté qu'il s'empressa d'ouvrir.
- Cela pourrait-il vous aider ?

Elle reconnut immédiatement la potion et la but sans attendre. Elle allait lui permettre de l'apaiser, et de calmer son coeur qui s'affolait. Le liquide coula dans sa gorge et ce fut un soulagement instantané dans tout son corps.

- J'ai dit que si je pouvais faire quoi que ce soit pour vos visions, je m'y engagerai, énonça Link. J'ai entendu dire que ce mélange permettait de faire passer les crises de panique violentes. Je le garde sur moi depuis notre promenade sur la plage, en prévention de ce moment précis.

Zelda s'abstint de répondre et laissa son esprit se calmer, et se détendre. Après de fortes expirations qui laissèrent échapper son stress, elle dégagea son visage de quelques mèches, ferma les yeux, et laissa reposer sa tête contre le mur sur lequel elle était adossée. Il lui fallait quelques minutes pour se reprendre entièrement, le héros le comprit.

- Mon père est mort comme ça, dit-il sans réfléchir. Il avait le bras ensanglanté lorsque je l'ai vu pour la dernière fois, et j'avais infligé la même chose à ce Yiga. Pendant quelques instants, j'ai revu mon père à la place de cet assassin... et je n'ai rien pu faire d'autre que de le laisser partir.

La princesse fut de suite interpellée par ces propos. Link finit par s'asseoir à son tour sur le sol en continuant de parler de ses parents.

- Quant à ma mère... Le dernier souvenir que j'ai d'elle et moi, c'est lorsque nous dansions avant son départ avec mon père pour Necluda. C'est elle qui m'a tout appris. Elle m'a transmis sa passion pour la danse et les bals. Mais aujourd'hui, j'ai encore du mal à tourner la page avec tout cela. La danse me fait repenser à ma mère, je préférais donc rejeter le sujet.

Zelda s'en voulut de l'avoir d'un certain côté obligé à parler de tout cela, elle afficha une expression désolée en continuant de l'écouter, ne voulant pas le stopper dans son élan. Voyant que cela restait assez compliqué pour lui, ce fut à son tour de poser une main encore tremblante sur les genoux repliés du héros.

- Je sais que c'est encore quelque chose qui pourrait beaucoup me plaire, mais effectuer le moindre pas de danse me met dans tous mes états. Et je ne trouve pas la force en moi pour essayer à nouveau, même si je sais que c'est la solution qui m'aiderait à aller de l'avant.
Il soupira.
- Mes parents avaient décidé de changer de mode de vie. Ils voulaient partir vivre dans une région plus calme. Loin de toute l'agitation de la cour, et des nobles. Je crois que mon père m'avait parlé du village d'Elimith, c'est là-bas que nous devions emménager. Enfin, tout cela, c'était avant qu'un lynel ne s'en mêle et... Vous connaissez la suite de l'histoire.
- Pourquoi me parles-tu tant de cela ? interrogea alors la blonde.
Link ancra son regard dans le sien avec la plus grande des sincérités.
- Parce que vous êtes mon amie, Princesse Zelda.

L'entendre de sa propre voix la toucha énormément. Elle lui sourit chaleureusement, un magnifique sourire que le chevalier profita de voir sur ses lèvres. Le ressenti qu'il avait était toujours le même dans ces moments-là, il savait à quel point la vie de la princesse pouvait être compliquée, la voir sourire lui faisait très plaisir.

- Est-ce que vous vous sentez mieux ? demanda-t-il.
- Oui, grâce à ce mélange. Merci.
Ils se relevèrent ensemble, Link alla récupérer son arme à proximité mais fut stoppé par les paroles de la jeune femme.
- Tu as raison, je ne pensais pas ce que je disais, déclara Zelda. En aucun cas ce n'est de ta faute si nous sommes enfermés ici.
Il lui assura que ce n'était rien, et dans le même temps, remarqua les différentes plaies sur le bras de la princesse.
- Que vous est-il arrivé ? Que vous a-t-elle fait ?!
- Ce n'est rien de grave.
- Nous devons désinfecter ces plaies !
- Nous n'avons rien ici qui puisse nous aider.
Le héros remarqua la fine coupure au niveau de la joue de Zelda qu'il n'avait pas encore vue.
- Je suis terriblement désolé de ne pas être arrivé à temps. Cela vous aurait évité de souffrir autant...
- Que racontes-tu ? Tu es arrivé quand il le fallait, cesse de t'en vouloir à ce point. Je vais bien.

Ils se dirigèrent vers le passage refermé du mur de pierre. Personne n'était arrivé pour les tuer, tout s'était finalement arrangé concernant cette vision. La princesse en était rassurée.

- Je vous propose que nous sortions d'ici. Qu'en dites-vous ? proposa Link.
- C'est une bonne idée.
- La tablette sheikah ne peut que nous ouvrir la voie.
- Tu veux placer une bombe sheikah au niveau de la porte ?
C'était effectivement l'idée, mais cela ne semblait pas être possible selon la princesse.
- La pièce est peut-être trop petite pour l'explosion que cela va engendrer ? demanda le prodige.
- Non, cela m'a l'air faisable. Mais nous ne serons absolument pas discrets.
- Je serai là pour faire en sorte que personne ne s'en prenne de nouveau à vous. C'est mon rôle.
Link ramassa enfin son épée.
- Nous allons tous nous en sortir, c'est une promesse.

~~~

Dans l'un des derniers couloirs menant aux geôles, Gabriel ne se demandait même plus pourquoi on l'amenait dans les prisons. Il était clair que les Yigas n'avaient pas pour projet de respecter leur accord, le père devait agir coûte que coûte, lui aussi. Impa ne devrait plus tarder, si tout s'était bien déroulé de son côté. L'officier Mercior qui l'accompagnait le tenait toujours par le bras et Gabriel ne pouvait rien tenter pour sortir de là. Rien, à part courir. Courir aussi vite qu'il le pouvait pour atteindre le bout du couloir, accéder à la salle des sacrifices, et espérer ne pas se tromper de chemin pour trouver la cellule de Lysia. S'il ne faisait rien, c'était dans cette salle des sacrifices qu'on allait le tuer, il l'avait bien compris.

Dans un premier temps, Gabriel n'osa pas se défaire de l'emprise de l'officier. Mais il ferma les yeux un instant, et dans son esprit, il vit le doux visage de sa fille. Ses cheveux blonds ainsi que les traits de son visage, à sa grande surprise, elle lui fit directement penser à Madeline. Son coeur se serra, et ses pensées basculèrent sur le jour de la naissance de Lysia, et tout ce qui s'en suivait. Lorsque le frère d'Alan rouvrit les yeux, il avait fait son choix.

- Rien ne m'empêchera de revoir ma fille, dit-il à voix haute.

D'un coup sec, il se dégagea de la poigne de Mercior et prit ses jambes à son cou jusqu'au bout du couloir. Par moments, il regarda derrière lui pour observer l'avancée du Yiga. Ce dernier courait moins vite que lui, fort heureusement. Mais arrivé dans la salle des sacrifices, ce fut une toute autre histoire. L'ancien voleur ne voulut pas directement engager de combat contre un officier possédant un sabre tranche-vent qu'il tenait à deux mains, beaucoup plus long que son simple sabre. Il opta ainsi pour la fuite, chose qu'il savait bien faire, auparavant. Il était, dans un sens, dans son élément, bien qu'il fût tout de même un adversaire redoutable en combat.

La pièce était sordide, des piliers s'élevaient jusqu'au plafond de roche à égale distance les uns des autres, aux quatre coins du lieu. Au centre, une estrade qui n'était absolument pas faite pour la fête, ou la musique. C'était un tout autre spectacle qui avait lieu ici, et le bois taché de sang séché en témoignait. Gabriel avait le choix entre deux autres chemins, mais tous deux étaient fermés par des grilles. N'ayant pas le temps de réfléchir, il alla se cacher derrière un pilier.

... Papa...

L'officier Yiga débarqua, à la recherche du père. Il n'y avait pas d'issues, il allait devoir faire face à son ennemi, de toute façon. Il percevait sa position à l'aide du bruit de ses lourds pas qui se déplaçaient. Mais il avait peur. Peur de perdre. Et de mourir.

- Tu es un homme mort, déclara Mercior.

... J'ai peur...

OoOoOoO

- Papa...

Lysia et son père se baignaient dans un petit étang au nord du château d'Hyrule. Cette belle journée d'été était l'occasion parfaite pour la petite fille d'essayer d'apprendre à nager, ou du moins, les quelques premiers gestes. Bien qu'elle avait pied, la blonde rencontrait quand même quelques difficultés à mettre sa tête entièrement sous l'eau. Son père lui avait expliqué comment s'y prendre, mais quelque chose bloquait.

- Tu peux le faire, je t'assure, la rassura Gabriel.
- Je ne suis pas sûr de pouvoir...
- Je crois en toi, vas-y. Essaie de me chatouiller le dessous du pied, je ne bougerai pas, promis.
Ses cheveux à moitié mouillés, elle regarda l'eau transparente qui lui arrivait jusqu'aux épaules et aperçut son objectif, mais il était beaucoup trop loin pour elle.
- J'ai peur... avoua Lysia. Je ne suis pas courageuse...
Gabriel lui releva le menton avant de la reprendre.
- Lysia, le courage est une très belle vertu. Cependant, ce n'est pas le fait que tu n'aies peur de rien qui fera de toi un être courageux. Le courage, c'est la faculté à oser faire face à ses peurs. Tu comprends ? Sans peur, il n'y a pas de courage.
Elle soupira en acquiesçant. Gabriel lui prit les mains.
- On y va ensemble, d'accord ? lui proposa son père.
- D'accord.
- À trois. Un... deux... trois !

Ils se regardèrent mutuellement lorsque tous deux plongèrent sous l'eau dans une détermination sans faille.

OoOoOoO

- Sans peur, il n'y a pas de courage.

Gabriel sortit son sabre et se révéla à son adversaire qui en fut très étonné. Il s'arrêta à trois mètres du Yiga qu'il fixait avec rage. Il le pointa de son arme pour l'inciter à venir se confronter à lui.

- Il est temps d'en finir avec toutes ces conneries ! Ne sois pas lâche comme moi et viens te battre ! lâcha-t-il.

Cela fit rire Mercior qui s'en donna à coeur joie. Il porta la première attaque, son coup latéral n'atteignit pas Gabriel mais une ligne verticale blanche et tranchante se rua jusqu'à lui avant de s'écraser contre le mur derrière le père qui l'avait esquivée d'un pas de côté. Il ne savait pas quelle sorte de technique l'officier utilisait, mais cela ne l'intimida pas et l'Hylien profita de l'ouverture créée pour jeter un coup horizontal que vint contrer Mercior au dernier moment. Ce dernier riposta d'une attaque qui fendit l'air devant lui et fit reculer Gabriel. Il dut ainsi grimper sur l'estrade centrale carrée. L'ancien voleur se retrouva surélevé par rapport à son ennemi, et il en profita pour l'atteindre plus facilement par le haut. Le père frappa en visant la tête de l'officier qui se protégea en croisant sa lame avec le sabre de celui-ci. Gabriel retomba au sol, il était assez difficile d'atteindre le corps de Mercior quand le concerné possédait une arme aussi longue. Cela lui permettait de repousser son ennemi plus aisément, cependant, la vitesse lui faisait défaut, et il allait jouer ce point faible en particulier.

Gabriel passa rapidement derrière son dos puis toucha les hanches du Yiga qui gémit. Après une succession de coups encaissés par Mercior, il s'agenouilla et perdit son arme. Le père s'acharna sur lui en entaillant son masque sur le haut, la tête suivant la direction du coup. Puis il continua avec son revers et déforma le masque sur le bas. Au bout du troisième coup, le Yiga ne se laissa pas faire et l'attrapa furieusement par la gorge. Gabriel en lâcha son sabre et l'officier vint le plaquer contre un mur, prêt à l'étrangler. Mercior s'aida de sa seconde main pour renforcer la strangulation qu'il infligeait à l'Hylien dont les voies respiratoires étaient entièrement bloquées. La panique ne tarda pas à l'envahir lorsqu'il comprit qu'il était incapable de changer la donne.

Il sentit ses artères se compresser dangereusement, laissant son cerveau bientôt sans oxygène, et s'imagina son os hyoïde se fracturer. Sa vision se troubla subitement et Gabriel sentit qu'il allait perdre connaissance d'une seconde à l'autre. Mercior ne lâcha rien et dans un cri de rage, il faillit tuer le père lorsqu'une flèche vint se planter dans son omoplate. Le Yiga lâcha prise et se retourna. Il vit Impa munie d'un arc à double encoche bandé qui lui tira une seconde flèche dans le coeur. Mercior la dévisagea, puis scruta le projectile qui lui traversait la poitrine.

- Traîtresse... dit-il avant de s'étaler sur le sol poussiéreux.
La Sheikah se rendit auprès de Gabriel assis par terre, qui sentit de nouveau l'air lui remplir les poumons.
- Eh. Tu es encore avec moi ? demanda Impa.
Le père qui toussa brusquement confirma en malaxant sa gorge douloureuse.
- Je t'aurais bien laissé mourir, mais ta fille t'attend, continua la magistrate adjointe.
Elle lui tendit une main pour l'aider à se relever.
- Lève-toi, dit-elle.
- Merci, énonça Gabriel en acceptant l'aide de sa coéquipière.
- Je t'ai déjà dit de ne pas me remercier, Gabriel.
Impa lui montra le chemin à prendre.
- Lysia est par-là.

L'Hylien avait quelques traces d'étranglement qui lui restaient au niveau du larynx, il savait qu'on venait de lui sauver la vie. Il récupéra son sabre qui était resté près de l'estrade sanglante puis, lui et la Sheikah ouvrirent la grille qui bloquait l'entrée des geôles et le duo y pénétra. Mais lorsqu'ils débarquèrent dans l'ultime couloir des prisons...

La cellule de Lysia était vide.

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Azur". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 30.04.25