Breath of the Wild : La grande histoire de la Princesse d'Hyrule
Chapitres 1 à 7 • Chapitres 8 à 11 • Chapitres 12 à 15 • Chapitres 16 à 19 • Chapitres 20 à 23 • Chapitres 24 à 26 • Chapitres 27 à 29 • Chapitres 30 à 32 • Chapitres 33 à 35 • Chapitre 36 à 38 • Chapitre 39 à 40
Chapitre 12 : Tapi dans l'ombre
Chapitre 13 : Prise de parole
Chapitre 14 : Colère
Chapitre 15 : Le sacrifice
C'était l'aube. Les grognements des monstres dehors se faisaient plus qu'entendre, tout comme les bruits explosifs. Le soleil venait de se montrer et les soldats formés au maniement des canons s'étaient tous levés de leur dortoir par surprise. Le nombre de monstres avait plus que doublé... La mission : les repousser, quoi qu'il en coûte. Bienvenue à la Forteresse d'Akkala...
Son chef respectif, un homme aux cheveux châtain d'une cinquantaine d'années, alla trouver un dernier groupe de soldats en retard dans leur dortoir. Autant dire que son humeur n'était pas réjouissante.
- Qu'est-ce que vous foutez ? Batterie trois ! Et que ça saute ! cracha-t-il à ses recrues.
S'ils ne repoussaient pas cette horde de créatures démoniaques, tout Akkala allait être envahi, l'enjeu était de taille. L'homme continua son chemin d'un pas pressé. Arrivé à la troisième batterie de la forteresse, il vit l'agitation de ses troupes, un ciel orangé par le lever du jour ainsi qu'un amas de monstres venant de la mer d'Akkala. Les canons pouvaient tout juste les atteindre.
En première ligne, une dizaine de lynels d'argent s'avançaient avec la forteresse en ligne de mire, ils tiraient des flèches électriques qui, fort heureusement, n'atteignaient que la façade du fort sans causer beaucoup de dégâts. Si ces dix créatures coriaces parvenaient à atteindre les chutes sud d'Akkala, la situation allait être plus compliquée que prévu.
Le chef analysait le comportement de l'ennemi. Heureusement que la région était très peu habitée, car la horde venait d'arriver sur la terre ferme après sa subite apparition sur la péninsule d'Ourbillon. En effet, les monstres étaient restés plus d'une semaine là-bas, sans bouger, ils étaient inatteignables, un comportement étrange qui attirait l'attention de l'armée d'Hyrule.
- Ne vous arrêtez pas ! Faites-moi disparaître ces lynels ! cria le chef.
Son adjoint l'interpella derrière lui en vitesse.
- Chef ! Ils vont trop vite ! Il serait préférable d'opter pour la stratégie qu'a proposée le Capi...
- Ce n'est pas un gamin de seize ans qui va me dire ce que je dois faire, tu entends ?
- Mais vos hommes sont trop peu nombreux au sol, les canons ne servent presque à rien, si je puis me permettre...
Une cinquantaine, c'était le nombre de soldats envoyés sur le champ de bataille. Sachant que ces monstres étaient facilement le triple. Et contre dix lynels, les cinquante n'allaient pas faire long feu...
- Sa stratégie est du suicide ! termina le chef.
Tout à coup, une flèche électrique vint atteindre la poitrine d'un homme chargeant un canon. Il fut foudroyé sur le coup et tomba au sol sous les yeux de tous les autres soldats. Le projectile avait frappé l'armure et électrocuté le corps de l'homme. Les lynels arrivaient à grand pas, chaque tir de canon était vain, ils s'apprêtaient à lancer un assaut. Lorsque le chef vit des dizaines de flèches s'élever au-dessus de lui, il en conclut qu'il était déjà trop tard pour riposter depuis longtemps.
- Verrouillez les portes ! Fermez les accès à la région aux voyageurs ! ordonna-t-il.
Dans la seconde, une alarme fut donnée et les derniers combattants encore vivants rentrèrent. Tous les canons cessèrent le feu et tout le monde rentra à l'intérieur de la forteresse désormais piégée par un groupe de lynels qui n'avaient aucune intention de fuir tant qu'ils n'y avaient pas pénétré et anéanti toute forme de vie. Mis à part quelques recrues ayant réussi à s'échapper afin d'aller bloquer les chemins menant à Akkala, tous étaient bloqués pour un temps indéterminé, car il était inutile de combattre avec si peu d'hommes. Il leur fallait de l'aide, au plus vite.
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Une semaine de plus avait passé depuis le départ des prodiges, les quatre étaient rentrés chez eux et allaient se consacrer au pilotage de leur créature divine respective avec, dans un premier temps, l'aide des Sheikahs présents sur le terrain.
La dernière journée de leur séjour avait été bien calme. Mipha avait passé presque toute sa journée dans la bibliothèque avant que Zelda ne la rejoigne. Urbosa et Daruk en avaient profité pour visiter la Cité des Mouettes et se balader dans la plaine d'Hyrule. Link était resté à la citadelle après avoir déjeuné avec eux et Revali était rongé par sa découverte de cette nuit-là. Il était à présent temps pour la princesse de faire un premier point concernant le pilotage afin de régler les différents problèmes et observer les difficultés que pouvaient avoir les prodiges. Zelda s'apprêtait à aller voir Revali en premier.
Le départ était prévu pour midi environ, ce qui lui laissa le temps d'aller à bibliothèque royale. Zelda s'y installa avec un livre sur les créatures divines en plein milieu de la pièce. À cette heure-ci, il n'y avait personne, l'endroit était calme à la base, alors le fait que l'Hylienne soit seule lui plaisait encore plus, rien ne pouvait la déconcentrer. Elle avait pu enfin faire une nuit presque complète, ce qui la rassura et lui redonna des forces. Elle s'aperçut qu'un autre livre était posé sur sa table, il était encore ouvert. Zelda le referma en souriant en apercevant que l'ouvrage parlait de la faune d'Hyrule. Elle se rappela que c'était ce que regardait Mipha la veille. Décidément, la Zora était passionnée par ce sujet, tout comme la princesse.
Malgré l'heure, une personne pénétra tout de même dans les lieux. Trop concentrée, la blonde ne fit pas attention, seulement la personne restait debout en face d'elle, de l'autre côté de la table. Intriguée, Zelda releva les yeux et reconnut Edward.
- Bonjour, Votre Altesse, dit-il avec la plus grande des politesses.
- Euh... bonjour Edward. Vous venez souvent dans ces quartiers du château ? Il ne me semble pas vous avoir déjà croisé ici, fit la princesse.
- Je n'osais simplement pas vous déranger...
Elle fixa le poète des yeux.
- Oh. Je vous dérange, veuillez m'en excuser, je m'en vais.
- Non, non, il n'y a pas de mal, Edward, rassura Zelda. Vous vouliez me dire quelque chose ?
Le jeune homme se racla la gorge avant d'acquiescer.
- J'ai croisé votre chevalier servant tout à l'heure, apparemment, il souhaite immédiatement vous rejoindre afin d'assurer votre protection, informa Edward.
Stupéfaite par cette annonce, Zelda en referma son livre.
- Me... protéger ? Ici ? C'est insensé ! affirma-t-elle en fronçant les sourcils.
- Pourtant, c'est ce qu'il m'a dit...
La princesse se leva et sortit dans le couloir, elle vit Link en tenue de capitaine passer, il ne semblait pourtant pas vouloir rejoindre la bibliothèque. Zelda l'interpella tout de même en lui coupant sa route.
- Que fais-tu ici ? lui demanda-t-elle, nous avions rendez-vous à midi à la citadelle !
- Je...
- Non, laisse tomber ! Je me fiche de savoir ! Sache que je ne veux pas de tes services dans l'enceinte du château !
Link, la regardait avec de grands yeux.
- Ne me regarde pas comme ça ! Je ne crois pas t'avoir appelé, alors va-t-en ! continua Zelda, mécontente.
- Pardonnez-moi, Votre Altesse, mais je ne comprends pas...
- Ah oui ? Tu ne comprends pas ? Edward m'a tout raconté, alors cesse tes mensonges !
La princesse fit demi-tour et rentra dans la bibliothèque, les poings serrés. Le héros resta figé encore quelques secondes, que venait-il de se passer ?
- Mais... je n'ai même pas vu Edward aujourd'hui... marmonna-t-il.
Il était vrai que Link comptait s'excuser aujourd'hui pour tout ce qui s'était passé, mais cette intervention de Zelda le refroidit soudainement, qu'avait-il fait de mal ?
- Il est insupportable, pensa Zelda en retournant à sa place, devant son livre dont elle avait perdu la page, merci de m'avoir prévenue, Edward.
Le poète était resté là, à écouter la scène, indifférent.
- Je vous en prie, tout le plaisir est pour moi, répondit-il, je ferais n'importe quoi pour vous...
Zelda ne s'y attendait pas à celle-là... Son humeur était un peu moins bonne. D'ailleurs, fait étrange, elle ne s'en était encore jamais prise à Link d'une telle manière, pas même la fois où il avait anéanti le gardien... En réponse à Edward qui semblait la flatter, elle le remercia simplement.
- Je... c'est gentil.
Cela ne semblait pas être le résultat que le poète semblait vouloir recevoir.
- Je vous laisse à présent, passez une agréable journée, fit-il.
Agréable ? Elle n'en savait rien... Le poète sortit de la pièce et la princesse rouvrit son livre, cependant, elle ne cessait de repenser au héros. Son ressenti était assez particulier, c'était comme si elle s'en voulait, encore une fois.
- Par Nayru, ce n'est pourtant pas difficile de parler avec des mots... pensa-t-elle afin de se donner raison et d'éviter cette sensation.
C'était d'une partie à cause de cela qu'elle avait du mal avec lui, à chaque fois, il faisait l'innocent, il était neutre, comme s'il n'avait rien à se reprocher afin de faire culpabiliser les autres de s'en être pris à lui. Quel toupet avait-il ! Mais ce matin-là, il avait pourtant l'air de vouloir parler. Non ! Il était trop tard pour faire marche arrière ! Zelda s'était jurée de ne plus lui parler ! Mais elle venait de rompre la promesse qu'elle s'était faite... Il n'y avait qu'un mot pour désigner son état moral : perdu.
L'heure venue, Link était déjà présent sur place avec son cheval ainsi que celui de Zelda. Il s'était changé, il avait enfilé sa tunique bleue et emporté la lame purificatrice. Il avait également une main caressant la tête de sa monture et l'autre tenant les rennes du cheval blanc. Il vit la princesse arriver. Sans attendre, celle-ci grimpa sur son cheval tout comme Link dans un silence de mort, c'était son premier voyage en compagnie du héros.
- Nous passerons par Caroc et prendrons le chemin le plus direct pour le Village Piaf, indiqua Zelda, j'aimerais être rentrée pour ce soir.
Elle partit la première de la citadelle, Link la suivit. Après de nombreuses tentatives qu'il avait engagées, il ne parvint pas à faire marcher son cheval à côté de celui de Zelda, la princesse le faisait toujours accélérer. Le chevalier resta derrière, et puis après tout, cela lui permettait de mieux voir le danger arriver. Lorsqu'ils dépassèrent Caroc, le cheval de l'Hylienne commença à grogner, à secouer sa crinière de mécontentement.
- Enfin, calme-toi ! Désolé, mais je ne peux rien y faire... soupira Zelda.
Son cheval ne supportait pas le harnachement royal, sous le regard discret de Link. Le héros vit qu'il manquait cruellement de complicité entre la princesse et l'animal. Le jeune homme connaissait le secret pour améliorer ces liens. Confiance, attention, compréhension.
C'étaient les trois éléments à adopter pour une parfaite relation avec sa monture. Des chevaux n'appréciant par leur selle ou leur équipement, il en avait connus des tas. Comme celui de son père qui détestait que l'on se penche trop en avant sur son dos. C'était Link lui-même qui avait compris son problème ! Il avait souvent l'occasion de jouer l'écuyer lorsque son père rentrait de voyage et l'amenait avec lui aux écuries royales s'occuper de son cheval. Il adorait ces moments. Ces moments qui avaient lieu avant qu'il ne retire l'épée de légende de son socle, dans la grande forêt d'Hyrule... La situation du cheval qu'il observait devant lui était très connue, un simple manque d'empathie. Alors en plus d'une certaine mauvaise humeur de la part de la princesse, cela ne risquait pas de s'améliorer...
- Par Hylia, cesse de gesticuler de la sorte ! ordonna-t-elle.
- Peut-être devriez-vous essayer de canaliser son esprit sur autre chose, comme votre main par exemple, pour le calmer et l'apaiser... conseilla Link, un peu timide sur le coup.
Aucune réponse. La princesse se contenta de se redresser lorsqu'elle entendit sa voix. De plus, elle ne semblait pas l'écouter car elle ne posa aucune main sur le cheval comme le suggérait le chevalier. De toute évidence, le héros la mettait mal à l'aise. Elle prenait ses conseils comme des reproches, car c'était tout ce qu'elle connaissait depuis toujours : des réprimandes. Link soupira. Peut-être était-il trop tard pour se rattraper... Mieux valait ne rien dire, en fin de compte.
Au loin, dans le ciel, Vah'Medoh volait au-dessus du Village Piaf. Ce fut la première fois que Zelda voyait ça. Les Sheikahs avaient fait du bon travail. Encore fallait-il s'entretenir avec Revali pour savoir si tout se passait bien de son côté. Il était temps de mettre la théorie en pratique !
Le trajet avait duré trois heures à cheval. Trois heures de silence absolu - mis à part les grognements du cheval blanc de la princesse et les bruits de la nature -, et de cette abominable tension qui régnait dans l'air. Aucun danger n'avait pointé le bout de son nez, Link s'était senti assez inutile sur le moment. C'était la fin d'après-midi.
- Nous voilà arrivés. Je vais parler à Kaï, annonça Zelda, quant à toi...
Elle réfléchit à ce qu'elle allait lui dire pour ne pas qu'il la suive durant son entretien. L'Hylienne descendit de son cheval en première.
- Visite le village, ordonna-t-elle avant de partir en direction de la hutte de Kaï.
Link descendit à son tour de sa monture et attendit que la princesse prenne de l'avance, maintenant qu'il avait pleinement compris, il ne voulait pas la déranger une fois de plus. Zelda eut une nouvelle fois le droit aux salutations des habitants. Mais cette fois-ci, elle était un peu moins enthousiaste. Elle ne tarda pas à trouver Kaï qui semblait très occupé. En effet, le chef était assis au sol avec des plans et des documents posés devant lui. Les yeux plissés et le regard concentré, le chef n'aperçut pas la princesse s'asseoir en tailleur face à lui. Les documents au milieu se révélèrent être des plans des mécanismes de Medoh ainsi que quelques notes. Zelda pointa un élément particulier sur la feuille que Kaï scrutait avec attention.
- Le moteur fait des siennes ? Je réglerai ça avec ma tablette, fit la blonde.
La tablette sheikah était en effet accrochée au niveau de sa taille. Le jeune hibou, surpris, releva la tête.
- Nom d'un aigle ! Pardonnez-moi Votre Altesse, je ne vous ai pas vue arriver ! s'exclama Kaï.
- Vous me paraissez très impliqué, Kaï, constata Zelda.
- Je fais de mon mieux pour aider Revali.
- Comment s'en sort-il ?
Le chef observa le guerrier piaf discuter avec Link un peu plus bas.
- Bien. Très bien même. Tellement que j'ai peur qu'il néglige certains détails, vous devez connaître Revali maintenant alors vous voyez son caractère...
Zelda esquissa un petit sourire.
- Je vois, répondit-elle, alors ? Quel est le problème ?
Kaï sortit un autre plan caché par tous les autres et le plaça à côté de celui du moteur. Selon lui, l'aile droite de la créature était apparemment mal orientée, ce qui empêchait Revali de diriger convenablement la machine.
- Voyez ces engrenages, commença Kaï, ils sont censés donner un mouvement vertical à l'aile droite, seulement, nous observons un léger retard sur l'autre aile, ce qui dévie la trajectoire que prend Revali.
Le chef repassa au plan du moteur.
- Les Sheikahs sont allés vérifier dans le moteur si l'énergie était convenablement distribuée à toutes les parties de Medoh. Et il s'avère que non. Nous y remarquons une différence d'environ onze pour cent au niveau de l'aile droite.
- Intéressant... murmura Zelda.
- J'ai voulu jeter un oeil à la table des commandes, mais je ne m'y connais vraiment pas... et les Sheikahs me disent qu'ils ne peuvent pas accéder au contrôle de ces parties de la machine.
La princesse attrapa la tablette entre ses mains.
- La tablette sheikah pourrait peut-être régler ce problème, informa l'Hylienne. Elle réagit à la pierre guide, alors elle ne devrait pas être indifférente face aux créatures divines.
- Si vous le dites.
- Et concernant les variations de températures ?
- Il semble plus compliqué pour Revali de diriger Vah'Medoh lorsqu'il fait plus froid, apparemment, elle serait plus "lourde" à ce qu'il m'a dit.
- C'est normal, il n'y a pas de problème à se faire là-dessus.
- À vrai dire, je ne comprends pas vraiment pourquoi... avoua Kaï.
- Vous voulez que je vous explique ? lui demanda Zelda.
La princesse prit le verso d'un plan encore vierge et dessina un long trait sur la longueur de la feuille. Elle le coupa avec une flèche en diagonale pointant vers le haut.
- Ce trait correspond à une limite, c'est ici que la température baisse considérablement en un temps record en hauteur. C'est ce choc qui va perturber le moteur qui lui fonctionne mieux avec de la chaleur, mais attention, trop de chaleur pourrait engendrer une explosion des mécanismes, voilà pourquoi Revali ne doit jamais voler avec Medoh dans le Désert Gerudo !
Le chef, un peu perdu, écoutait et comprenait difficilement ce que disait Zelda.
- De toute façon, je l'ai prévenu sur ce point, continua-t-elle, donc, lorsque la créature dépasse cette limite, le froid pénétrera d'abord par son haut, c'est-à-dire dans le sens opposé de sa route, ce qui va rendre le maniement plus difficile. Tout simplement.
Stupéfait, Kaï se rendit à l'évidence.
- Je pense qu'il serait préférable que vous alliez voir par vous-même, vous me semblez bien informée.
Revali venait de rejoindre Vah'Medoh dans les cieux. Comprenant que Zelda l'attendait, il alla la poser sur terre pour qu'elle puisse le rejoindre. Link, toujours sur la petite place en bois voulut accompagner la princesse mais il était déjà trop tard, elle avait fui en vitesse jusqu'à la créature divine.
- Je me sens très puissant avec cette machine sous mon contrôle ! Ce n'est pas pour me déplaire ! pérora Revali qui accueillit Zelda à l'intérieur de sa créature.
Le lieu pouvait ressembler à un labyrinthe pour n'importe quel inconnu qui s'aventurait à l'intérieur, il y faisait frais et l'odeur ressemblait à celle d'une cave. Lorsque la princesse arriva, le Piaf semblait tracassé, une première depuis que l'Hylienne le connaissait ! Mais ça ne l'empêchait pas de faire passer sa prétention avant tout.
- Comment t'en sors-tu au pilotage ? questionna Zelda.
- Ne vous faites pas de soucis pour ça, Altesse. Je suis devenu un professionnel en moins d'une petite semaine ! Je doute que les autres aient atteint un niveau tel que le mien...
- Je voudrais quand même jeter un oeil à cette aile déficiente.
La posture droite et sereine, le guerrier piaf acquiesça. Zelda se posta à la table des commandes et Revali ouvrit une trappe au niveau de l'aile droite révélant des tas d'engrenages et de rouages entremêlés ainsi qu'un fin tube transparent. La princesse alluma la tablette sheikah et accéda ensuite à la partie nommée "alimentation" de la créature. Elle remarqua effectivement une inégalité de répartition de l'énergie dont avait besoin Medoh pour voler. Elle décida de faire un test afin de s'assurer de l'origine du problème. La blonde enclencha le mécanisme de la partie de la créature concernée et demanda confirmation à Revali qui se trouvait sur le lieu en question.
- Est-ce qu'un liquide bleu vient se déverser dans le tube ? demanda-t-elle d'une voix portante.
De son côté, le Piaf aperçut cette étrange substance lumineuse arriver, mais les engrenages avaient un peu de mal à tourner.
- Le tube est rempli de moitié ! informa-t-il.
- C'est bien ce qui me semblait, pensa Zelda, il en manque...
Son idée était de tester la réaction de la tablette sur la table des commandes dans la partie "énergie". Elle colla la relique contre la table et elle vit le niveau d'énergie de l'aile droite augmenter.
- Il y en a plus ! s'exclama Revali qui scrutait encore le flux du liquide arriver.
La clé... Décidément, le surnom de la tablette prenait de plus en plus de sens dans la tête de Zelda. L'action qu'elle venait de mener n'était que pure intuition, une intuition qui avait visiblement fonctionné. Lorsqu'elle vit affiché "plein" sur la table, elle retira la relique qui s'éteignit sur le coup dans un bruit grave de moins en moins audible. L'énergie qu'elle avait fournie semblait être celle dont avait besoin la relique pour fonctionner. Désormais inutilisable, la princesse rattacha l'objet à sa ceinture.
- Ce n'était pas un problème comme ça qui allait m'empêcher de piloter correctement vous savez... dit le Piaf qui venait de rejoindre la princesse.
- Je sais bien, Revali, mais nous devons mettre toutes les chances de notre côté.
- Je me doute, Altesse, je me doute...
Il la regarda quelques secondes de plus dans les yeux. Ses poings se serrèrent. Quel était le mieux pour elle ? Devait-il en parler, oui ou non ? Son cerveau n'arrivait pas à se décider...
- Quoi ? demanda la princesse, étonnée de l'attitude du prodige.
- Rien.
- Dans ce cas, faisons un test ! déclara Zelda.
Revali s'exécuta. Il sortit à l'extérieur se positionner sur le dos de Vah'Medoh.
- Ça risque de secouer un peu, Altesse. Vous n'avez pas peur quand même ?
- Bien sûr que non, répondit Zelda, confiante.
- Ne vous vantez pas trop non plus.
- Te crois-tu bien placé pour me dire ça ? continua l'Hylienne avec amusement.
Le Piaf afficha un sourire narquois et s'envola jusqu'à sa place respective pour contrôler sa créature. Revali lui répondit tout de même en élevant la voix pour qu'elle puisse l'entendre.
- Je suis toujours bien placé, Altesse !
Soudain, la machine trembla et son cri fit bourdonner les oreilles de la princesse. Les pattes se détachèrent du sol, les ailes avaient l'air de fonctionner. En tout cas, en terme de démarrage, Revali maîtrisait parfaitement Medoh. Arrivé à plusieurs mètres d'altitude, le Piaf engagea un virage à gauche afin de tester si l'aile droite se levait correctement. Après avoir bu une gorgée d'un remède contre le froid, Zelda accéléra le pas vers les mécanismes. Le mouvement des engrenages était fluide, pas de saccades ni de blocage dans les rouages. La princesse avait apparemment résolu le problème. Il fallait néanmoins tester l'autre côté, si l'aile pouvait s'abaisser pour tourner à droite.
- Vers la droite maintenant ! cria Zelda afin de se faire entendre dans le bruit du vent et de la créature divine.
Les ailes de pierre changèrent subitement leur inclinaison, celle de gauche se leva et celle de droite s'abaissa. La princesse observa une petite baisse du liquide présent normalement dans le conduit alimentant cette partie de Medoh.
- Le liquide doit s'accumuler quelque part et doit rester bloqué... murmura-t-elle.
Quelques minutes plus tard, Zelda rejoignit Revali, la créature s'était stabilisée et passa en pilotage automatique tandis que l'archer s'assit avec la princesse près du bord afin d'observer le paysage.
- J'informerai les Sheikahs du problème, ils devraient le régler d'ici quelques jours, cela n'impactera pas ton pilotage, commença-t-elle, et puis, tu te débrouilles déjà très bien comme ça !
Ce n'était pas une habitude pour Revali de montrer un signe de gratitude, les remerciements, ce n'était pas sa tasse de thé - quand c'était lui qui devait remercier bien sûr. Ils contemplèrent quelques instants Hyrule. Cependant, Zelda commença à sérieusement se demander si quelque chose n'allait pas chez l'archer.
- Je trouve ça étrange, dit-elle, tu ne vantes pas de tes exploits à la manoeuvre de Vah'Medoh ? Je t'ai pourtant offert une sacrée occasion !
Revali n'avait pas l'air de vouloir rigoler, ses yeux restèrent plongés dans le paysage, jusqu'à ce qu'il se décide à enfin répondre.
- Altesse. Il faut que je vous parle de quelque chose...
Le visage de Zelda se referma brusquement. Elle n'avait encore jamais entendu le Piaf s'exprimer ainsi. Il avait l'air vraiment sérieux.
- Quelque chose ne va pas ?
- Je suis inquiet.
- Inquiet ? Toi ? Revali inquiet ?
- Pas pour moi.
- Oh. Et puis-je savoir pour qui tu t'inquiètes sans être indiscrète ?
Revali hésita.
- Je ne sais finalement pas si c'est une bonne idée... répondit-il.
Zelda opta pour une manière plus amusante et surprenante venant de sa part, ce qui attira l'attention du prodige.
- Tu ne veux pas parler à la Princesse de ton royaume ?
- Faites attention, Altesse, vous risquez de devenir comme moi à force !
- Je te fais marcher ! rit-elle.
Dans un ultime soupir, Revali sortit de sa poche un bout de parchemin chiffonné et le tendit à l'Hylienne. Celle-ci s'apprêta à l'ouvrir lorsqu'il la mit en garde.
- Altesse. Cela pourrait risquer d'impacter grandement votre moral. Ce qui est écrit, je ne sais pas qui en est l'auteur, mais croyez-moi...
- Quoi ?
- Il ne vous veut pas du bien. Enfin, c'est ce que ma grande capacité de réflexion m'a dit... ironisa Revali.
Zelda cessa de rire, bien que l'archer semblait détendre l'atmosphère avec son excès d'orgueil, il ne s'était jamais encore comporté de la sorte.
- C'est pour vous que je m'inquiète, Altesse. Et j'avoue que cela m'a surpris au début...
La princesse déplia lentement le morceau de papier avant de lire la phrase notée d'une écriture assez effrayante.
Trois mots. Une signature.
- J'ai découvert ça lors de notre dernière nuit au château, avec Daruk, continua Revali
- "Je veux" ? Comment ça "je veux" ? Comment peut-on oser parler ainsi ? questionna Zelda, et puis, c'est à peine lisible !
Les yeux de la jeune fille s'écarquillèrent devant la signature, ou plutôt, le symbole. Un triangle sans base. Comme sur le mur de pierre au château...
- Je vous avais dit que cela ne vous plairait pas... fit remarquer Revali.
- Tu en as parlé à qui d'autre ?
- Personne, Altesse.
- Ce signe... je... je l'ai déjà vu quelque part...
Abasourdi par cette affirmation, le prodige resta sans voix. Cela ne pouvait pas être le fruit du hasard. Peut-être que ce papier était une très mauvaise blague ? Pourtant, cela n'en avait pas l'air. Zelda ainsi que Revali avaient un mauvais pressentiment.
- Vous ne connaîtriez pas quelqu'un à la cour qui vous voudrait du mal ? demanda le Piaf.
Car oui, un message de ce genre n'était pas là pour demander à la princesse de venir prendre le thé... malheureusement.
- Tu sais, on dit beaucoup de mauvaises choses sur moi au château... De plus, je ne vois pas, non.
- Je vous en prie, Altesse ! Je suis sûr qu'il n'y en a pas autant que vous le pensez ! La meilleure des solutions c'est de les prendre de haut ! conseilla l'archer.
- Je doute que ce soit la meilleure...
Elle redirigea son attention sur le parchemin.
- Où l'as-tu trouvé ? interrogea Zelda.
- À l'autel. Quelqu'un que je n'ai pas vu l'a laissé tomber, volontairement j'imagine...
L'angoisse s'empara soudainement de l'Hylienne, la situation de Revali s'apparentait de plus en plus à celle qu'elle avait vécue.
- Quelqu'un ? Qui était-ce ?
- Je pensais que c'était un cerf au début ! Mais bon, un cerf à deux pattes... Je ne l'ai pas vu, Altesse. Il était tapi dans l'ombre.
Un silence s'installa, il hésitait à l'idée d'utiliser certains propos qui pourraient faire monter la panique chez la princesse. Mais il valait mieux prévenir ! Dire la vérité afin que Zelda soit la plus en sécurité possible.
- En fait, Altesse, on aurait dit un monstre à deux cornes acérées, à l'allure démoniaque, lâcha Revali.
Peut-être était-ce un peu trop brutal ? Peu importe, maintenant, elle savait. Personne ne croirait cette histoire... Les deux témoins en avaient conscience, et rares ceux qui leur feraient confiance là-dessus. Les autres prodiges peut-être...
- Je l'ai vu moi aussi, le soir du bal... informa Zelda.
Elle baissa les yeux, plaça le morceau de papier dans sa poche et s'adressa à son coéquipier.
- Mon père ne doit rien savoir !
- Vous en êtes sûre, Altesse ? Parce que...
- Il ne doit rien savoir, point final ! coupa-t-elle.
Ce serait de trop pour elle si son père apprenait cet étrange évènement. Car il le prendrait au sérieux, c'était ça le problème ! Sa protection serait renforcée au sein même du château... En d'autres termes, Link la suivrait partout ! Vraiment partout !
- Qui doit être au courant ? insista Revali
- Personne ! Sauf toi et Daruk, ce serait idiot de lui cacher la vérité alors qu'il était avec toi...
Zelda observa les yeux verts et perçants du Piaf.
- Dommage que ma tablette n'ait plus d'énergie ! Aucun prodige ne me croira quand je leur dirai la tête que tu fais !
Le changement bref et rapide de la princesse perturba le guerrier.
- Comment pouvez-vous rire après cela, Altesse ?
- Parce que c'est le seul moment de ma journée où je peux le faire !
- Nom d'un hibou, ne me dites pas que vous m'appréciez ?
- Pourquoi ne t'apprécierais-je pas ?
- Parce que je ne suis pas fait pour ça, je suis né pour combattre le mal plus que quiconque !
Il était clair que Revali ne voyait ou alors n'assumait pas son bon fond.
- Tu fais ressortir ton orgueil et ton mauvais caractère, mais tu ne veux pas révéler la part de toi qui est bien meilleure que ce que j'entends là, fit Zelda.
Avait-elle raison ? Il ne répondit que par un haussement de sourcils. La princesse continua.
- Tu te comportes très différemment avec moi qu'avec les autres prodiges, tu t'inquiètes pour moi, tu me laisses tirer une flèche avec ton propre arc... pourquoi ?
Revali reprit sans attendre.
- Parce que je n'ai rien contre vous, tout simplement.
- Et les autres prodiges ?
- Ils en ont tous pour ce...
La princesse remarqua qu'elle avait touché pleinement le coeur de ce qui le rongeait.
- J'ai compris, termina l'Hylienne.
Il était jaloux, juste de la pure jalousie qui se mélangeait à son caractère.
- Je ferai des efforts, Altesse. J'essaierai, du moins... ajouta-t-il, mais pourquoi tant de questions ? Je ne sais pas si vous êtes...
- Je suis toujours bien placée.
Un petit rictus apparut sur le visage de Revali. La princesse profitait pleinement de ce moment de pause où elle pouvait souffler ne serait-ce que quelques minutes. Mais évidemment, le message découvert par le Piaf ne la laissait pas indifférente. Revali décida alors de faire atterrir Vah'Medoh pour le reste de la journée. En rejoignant le village, lui et Zelda allèrent faire leur rapport à Kaï. Résultats du bilan : Revali débutait parfaitement le pilotage, il devrait s'améliorer durant les semaines à venir et un seul problème mineur avait été détecté au niveau du fonctionnement de l'aile droite de sa créature.
Le héros, laissé seul durant toute l'après-midi, attendait sagement le retour de Zelda sur la petite place où Revali l'avait provoqué un peu plus d'une heure avant. Il était assis sur le bord et balançait ses pieds dans le vide. Quelques enfants piafs l'avaient abordé, on lui avait même offert une petite statuette en bois en forme d'oiseau qu'il gardait précieusement dans ses mains. Quelqu'un derrière lui se racla la gorge afin de manifester sa présence. Link se retourna et remarqua que Zelda l'attendait.
- Nous repartons, fit-elle.
Le prodige s'empressa de se relever, il récupéra son épée au sol et suivit la princesse jusqu'à l'endroit où attendaient leurs chevaux.
~~~
Il devait être vingt heures lorsque les deux élus rentrèrent au château. Le soleil se couchait déjà en cette période de l'année. Quelque chose attira leur attention. Devant les grandes portes, un groupe de trois soldats s'agitait anormalement. Ils criaient si fort que Link put entendre leur conversation avec un garde royal.
- Vous devez amener du renfort ! supplia un soldat du groupe.
- Vous savez bien que ce n'est pas moi qui décide de ça, nous devons attendre la réponse de Sa Majesté ! répliqua le garde.
- Nous attendons depuis une heure ! Qui sait ce qu'il est advenu de...
Le chevalier coupa net sa phrase en apercevant Link sur son cheval, il ne fit même pas attention à Zelda et se précipita vers lui.
- Capitaine ! Capitaine ! Faites quelque chose, c'est urgent...
- Capitaine ! Le Roi veut vous parler sur le champ ! déclara un autre garde venu de la salle du trône.
- Que se passe-t-il ? demanda Zelda.
Elle se tourna vers Link qui était déjà descendu de sa monture et fonçait vers les quartiers principaux. Personne ne lui répondit, elle était comme invisible... Le héros pénétra normalement dans la grande salle, il s'agenouilla comme d'habitude et le souverain engagea la conversation qui risquait de ne pas être très joyeuse.
- Tu te demandes sûrement pourquoi je t'ai convié à venir voir ton roi si précipitamment...
Sa voix était étrange, il ne lui avait encore jamais parlé de cette manière, que s'était-il passé ?
- Relève-toi ! ordonna Rhoam Bosphoramus Hyrule.
Le chevalier s'exécuta.
- J'aimerais que tu me rappelles ton plan de défense en cas d'invasion. Celui que tu as ordonné de mettre en oeuvre à la Forteresse d'Akkala.
D'une petite voix néanmoins assez claire, Link commença.
- Privilégier les troupes au sol si la situation s'aggrave et abandonner les canons si nécessaire.
- Continue.
- Tripler le nombre d'hommes présents à Akkala.
- Merci. Et tu me confirmes que c'est bien cela que tu as ordonné à la forteresse ?
- Oui, Votre Majesté.
Étrangement, le roi en doutait.
- Est-ce un mensonge ? Car aucune troupe de renfort n'a rejoint le fort...
- Bien sûr que non, Votre Majesté, rassura Link, jamais je ne...
- Silence !
Le héros baissa les yeux, soumis aux ordres du souverain.
- Ce matin à l'aube, la Forteresse d'Akkala a été prise d'assaut par dix lynels. Étais-tu au courant ?
- Non, Votre Majesté, je suis allé...
- La région d'Akkala est envahie ! Nos hommes sur le terrain sont censés repousser la horde ! Au lieu de cela, personne ne peut sortir de sa base car au moindre pied dehors, ces lynels les éliminent en un coup ! Est-ce que tu trouves ça normal ?!
Link comprit. Ils n'avaient pas procédé comme il l'avait ordonné, et à présent, on s'en prenait à lui. C'était tout bonnement injuste. Le capitaine ne répondit point à la question du roi.
- Les soldats venus nous rapporter les faits nous disent que seulement une cinquantaine d'hommes étaient au sol, et que les canons ne cessaient de tirer, ton plan n'a pas été pris en compte. Je m'entretiendrai personnellement avec le chef de la forteresse lorsque le problème sera réglé. Son comportement est inacceptable, mais toi, tu n'y es pas pour rien non plus...
- Toutes mes excuses, Votre Majesté... s'excusa Link.
- Je ne t'ai pas nommé Capitaine de la garde royale pour que tes ordres soient négligés, tâche d'être plus écouté la prochaine fois.
Il était clair que c'était son âge qui faisait défaut. Un capitaine si jeune était inenvisageable pour beaucoup de personnes. Il n'était peut-être pas assez ferme, ou alors on ne le prenait pas au sérieux. Le roi informa que les renforts seraient enfin envoyés afin de libérer la Forteresse d'Akkala. Cela voulait dire que durant tout le conseil de guerre dernier, ses paroles avaient été oubliées ? Lors de son passage à Akkala, tout le monde se moquait de lui ? Les renforts allaient certainement libérer la forteresse durant la nuit, et Link comptait bien y retourner pour se faire vraiment entendre cette fois-ci.
De grandes responsabilités pesaient sur ses épaules : capitaine, chevalier servant, héros élu des déesses, il n'était pas tout ça pour qu'on ne le respecte pas ! Alors oui, le héros n'était pas du genre à bavarder, à crier ou se faire remarquer, mais là, c'en était trop pour lui. Il était peut-être l'espoir d'Hyrule, il restait avant tout un homme qui ne pouvait rester renfermé si fortement pour toujours, il fallait que ça sorte !
Brad, le chevalier qui ne le respectait pas...
La princesse qui s'en prenait à lui sans raison et le faisait culpabiliser d'être lui-même...
Et tous ces gens de la cour qui parlaient de lui...
Pour la première fois de sa vie, Link allait sérieusement réprimander un homme.
Dix carcasses de lynels, c'était ce que Link trouva en arrivant à Akkala. Le capitaine était accompagné de plusieurs adjoints. Tous étaient à cheval. La forteresse était devant eux, et son chef allait entendre le héros, ça oui... La horde avait été repoussée. Link avait réfléchi toute la nuit à comment s'y prendre, comment faire pour avoir l'air autoritaire ? C'était contre sa nature de prendre la parole de la sorte, disputer des personnes du triple de son âge...
Mais la situation était exceptionnelle, l'élu n'était pas capitaine depuis très longtemps, les gens ne s'étaient pas encore habitués à lui. Soit, ils allaient devoir ! Prononcer un discours était nouveau pour lui, mais depuis quelques jours, c'en était trop pour Link. Il se voyait se faire écraser par tout le monde malgré ses grandes responsabilités et ses titres. Ce jour-là, c'était le jour du changement !
Les portes de la forteresse s'ouvrirent. En entrant, Link sentit le calme qui y régnait. Un calme assez pesant tout de même. Il s'avança avec ses collègues sur un grand tapis rouge élégant similaire à ceux du château. Une femme vint aborder le prodige.
- Capitaine, nous vous attendions, fit-elle en s'inclinant légèrement devant Link.
Ce geste le perturba, c'était comme si les gens se soumettaient à lui, mais il était le plus haut gradé, c'était d'un côté normal... non ?
La femme l'accompagna dans une grande salle où cinq personnes attendaient dans le silence. Tout le monde était assis autour d'une table ronde. Link salua d'un signe de tête la direction. S'y trouvaient le chef de la forteresse (le grand fautif), son second, ainsi que trois représentants des chevaliers formés au maniement des canons : la femme qui l'avait accompagné jusqu'ici et deux hommes.
On lui avait réservé le siège principal, il croyait avoir la place du roi, ce qui le dérangea. En parlant du roi, il ne devait absolument pas le décevoir, c'était le souverain qui lui avait demandé de venir ici. L'heure de se prononcer avait sonné, les derniers bavardages s'estompèrent et Link prit la parole.
- Bonjour... commença-t-il.
Aucune réponse. Cela était évident.
- J'imagine que vous savez pourquoi je me tiens assis devant vous aujourd'hui. Hier matin à l'aube, dix créatures monstrueuses sont venues à l'assaut de la forteresse. Une dizaine de lynels. Hier soir, on me rapporte que vous tous, ici présents, appelaient à l'aide depuis votre propre camp. J'aimerais simplement savoir ce qu'il s'est réellement passé. Est-ce que les rumeurs sont vraies ? Je me tourne vers vous, chef de la forteresse.
Le héros déglutit en voyant l'homme. Il n'avait vraiment pas l'air commode. Mais il ne fallait pas qu'il cède devant lui.
- Sa Majesté est très déçue de votre comportement.
L'homme retenait sa colère, il ne supportait pas que Link lui fasse des réflexions. Pourtant, il en avait parfaitement le droit, il devait même le faire.
- Rappelez-moi votre nom, si vous permettez, demanda le héros.
Les yeux verts du concerné ne cessaient de le fixer, sans bouger. Quelques légers mouvements apparurent sur ses lèvres, signe qu'il allait répondre.
- Naël, maugréa-t-il.
- Messire Naël, Sa Majesté veut vous voir dès que possible. J'en viens à présent à ma plus grande interrogation. Pourquoi n'avez-vous pas exécuté mes ordres ?
Le second du chef se racla la gorge, lui, semblait plutôt apeuré. Ce n'était tout de même pas le capitaine qui lui faisait peur ? Il voulut prendre la parole à la place de Messire Naël.
- Si je peux me permettre... nous... nous allions exécuter les ordres, Capitaine, seulement... voilà...
- Voilà quoi ? reprit Link, indifférent.
- Nous avons opté pour une stratégie plus directe et sûre pour nos troupes, continua la représentante.
Pour le moment, Link gardait son calme, il n'y avait aucune raison de s'énerver, sa voix n'était pas très portante mais neutre et claire. Elle n'était pas menaçante mais directive.
- Pourquoi avez-vous fait ça ?
- La raison ne... ne vous plaira sûrement pas... prononça un des deux autres représentants.
- Bon sang ! Vous allez la fermer ! cria le chef qui venait de perdre patience.
Link se tourna vers lui tandis que les autres se contentèrent de baisser les yeux et de se taire. C'était le moment, il devait se faire écouter et respecter une bonne fois pour toutes. Ce fut Naël qui engagea la propice dispute.
- C'est moi le responsable ! Un seul tir de canon bien visé pouvait les faire déguerpir sans avoir à mettre en danger la vie d'hommes inutilement !
- Vous avez raison, vu le nombre qu'ils étaient. Sauf que je vous avais dit de tripler vos effectifs, et vous ne l'avez pas fait.
- Je n'en ai pas ressenti le besoin.
Link se détendit, il était clair que le chef cherchait à le provoquer.
- Cependant vous êtes restés une journée confinés ici sans rien pouvoir faire, vous allez toujours me dire que vous n'en ressentiez pas le besoin ?
- Si nous laissions la horde s'approcher, il n'y aurait pas seulement eu Akkala d'envahi ! Les lynels nous ont pris par surprise !
Cela avait l'air d'être un jeu pour lui, son âge plus avancé l'obsédait. Les autres membres présents écoutaient ce qui se disait sans intervention de leur part. Le héros devait à présent hausser un minimum la voix.
- Je suis donc venu ici pour rien ? Vous vous fichiez complètement des ordres de votre Capitaine ? Pourtant, il me semble que vous devez vous y plier...
- Je sais pertinemment ce que je dois faire, et je sais aussi très bien ce que c'est d'être capitaine de la garde royale ! coupa Naël.
- Je vous demande pardon ?
Un long silence s'abattit dans la salle, ce que disait l'homme était insensé pour Link, cependant, il s'expliqua.
- Ça alors, vous n'étiez même pas au courant que j'étais le capitaine de la garde royale avant vous... J'ai été choisi le premier pour ce rôle, depuis que le titre de Général a disparu en l'hommage de votre défunt père ! Et pour des raisons familiales, on m'a transféré à Akkala depuis quelques jours, je suis le chef de la forteresse à présent, et vous avez pris ma place !
- Vous êtes donc au courant qu'être Capitaine de la garde royale, c'est aussi être le chef de guerre ! Je vous le redemande, pourquoi ne m'avez-vous pas écouté ? insista Link.
Une certaine tension naquit. Le héros cerna pleinement les pensées du chef et prit un ton strict et fort qui le surprit lui-même.
- Ces monstres sont la manifestation même du Fléau ! Si c'est du fait de mon jeune âge, sachez que je suis tout de même votre supérieur hiérarchique, vous ne me pensez pas capable de prendre les bonnes décisions ? Le royaume tout entier compte sur moi, mais soit, que cela vous plaise ou non, ce sont mes ordres qu'il faut exécuter, et pas d'autres !
Il se leva, les choses avaient été dites clairement, il n'y avait aucune raison qu'il reste une minute de plus ici.
- Est-ce que je me suis bien fait comprendre, Messire Naël ? ajouta-t-il.
Le concerné, enfin décidé à ne rien rétorquer, baissa le regard dans un énervement difficilement contenu.
- Oui... marmonna-t-il d'une voix cassée.
Le capitaine en fut ravi. Il avait réussi son objectif premier. Il dégaina alors son épée de légende et tendit le bras qui la tenait.
- Si cela n'est pas une preuve tangible que je suis parfaitement légitime d'être Capitaine, alors qu'est-ce ?
Cette dernière phrase était-elle utile ou était-ce de la simple prétention à la Revali ? Dans tous les cas, il n'allait jamais recommencer ce qu'il venait de pérorer, lui qui chaque jour se battait pour ne pas à être acclamé héros, lui qui préférait accomplir son devoir dans le silence.
- Sur ce, bonne journée, termina Link avant de sortir de la pièce.
Les autres restèrent assis autour de la table, étonnés de ce qu'il venait de se passer. Le second tenta une approche envers Naël.
- Chef... nous...
- La ferme, coupa-t-il violemment.
Il avait honte de son comportement. Le héros s'était montré digne de son titre et Naël venait de s'en rendre compte. Il resta le regard dans le vide à réfléchir, son gros caractère faisait souvent des siennes mais il était convoqué par le roi et réprimandé par son supérieur, jamais il n'allait recommencer, bien qu'il avait du mal à accepter toute cette histoire.
- Si c'est pour agir de la sorte constamment, je préfère renoncer à ce poste ! déclara le capitaine en sortant de la forteresse.
Une pensée vint l'arrêter dans sa course, permettant à ses deux adjoints de le rattraper. Il n'avait toujours pas fait ses excuses à Zelda. Mais après tout... quelles excuses ?
~~~
Ce jour-là, Daruk avait préféré appeler la princesse au secours avant de ne faire plus de dégâts avec Vah'Rudania. Son pilotage ne lui était pas chose aisée. Sa machine n'arrivait pas à lui obéir complètement.
De ce fait, Zelda et son chevalier servant arrivèrent vers midi vers les mines du sud de la montagne. Sa tablette sheikah avait retrouvé de l'énergie grâce au réservoir que possédait la pierre guide, que Pru'ha avait découvert. Le seul problème auquel la princesse n'avait pas pensé, c'était que sa surconsommation de remèdes ignifus ces derniers jours faisait que leur effet perdait peu à peu d'efficacité sur son organisme. Ce fut un ressenti d'environ quarante-cinq degrés qu'eut Zelda avant d'arriver face au Village Goron dans lequel elle pourrait enfiler une combinaison anti-chaleur extrême.
Link, lui, n'avait donc pas eu ce problème étant donné que cela faisait plusieurs semaines qu'il n'était pas venu dans les parages. Il remarqua néanmoins l'état de Zelda qui s'efforçait de placer un pied devant l'autre. Sa peau était presque rouge et elle était essoufflée dans un air brûlant. Le héros ne pouvait pas la regarder comme ça, lorsqu'il voulut tenter d'aider l'Hylienne, celle-ci trébucha et tomba dans un geignement plaintif. Le capitaine accourut l'aider.
- Votre Altesse, tout va bien ? demanda-t-il, inquiet.
Elle le repoussa d'un geste de son bras gauche signe qu'elle ne voulait pas d'aide, malgré son état déplorable. La princesse se releva difficilement sur ses deux jambes et balaya sa tenue de la poussière qui avait pu se poser dessus. Son regard vint croiser celui de Link et elle l'interpella soudainement.
- Il a vraiment fallu une telle situation pour que tu m'adresses enfin la parole ?
- Vous... vous l'avez fait exprès ? se demanda le chevalier, étonné de cette remarque.
- Eh bien à ce que je vois, j'aurais dû bien plus tôt !
Elle ne l'avait évidemment pas fait exprès, mais décidément, qu'il ne lui parle ou pas, cela ne changeait rien à rien ! Que fallait-il pour qu'il se rachète un minimum pour elle ? Pris subitement d'une colère silencieuse, Link continua son chemin vers le village à quelques mètres sans attendre Zelda qui en fut très surprise tout de même. Son devoir de chevalier servant revenait néanmoins en première ligne, Link avait pris de l'avance mais pas assez pour que la princesse soit en danger, et ça, elle ne le savait pas. Il lui posa une dernière fois la question.
- Vous avez l'air mal en point, Votre Altesse, désirez-vous de mon aide ?
- Je vais très bien et je n'ai pas besoin de tes services ! lâcha-t-elle.
Je vois ça... pensa Link. Sa peau brillait de part la transpiration et ses mains étaient rouges d'hyperthermie.
Les deux élus atteignirent heureusement rapidement le village. Zelda fonça demander une tenue anti-chaleur, cela lui fit un bien fou lorsqu'elle s'en vêtit, cette épaisse protection venait rafraichir ses vêtements, et sa peau par la même occasion. Certes, ce n'était pas très pratique pour se déplacer, mais c'était la seule solution. Qu'importe son allure, elle ne voulait pas mourir de chaud ! Et puis cette tenue était faite pour ça après tout. Link la rejoignit sans évidemment la reconnaître directement en-dessous de cette protection.
- Votre Altesse...
- Quoi ? Les remèdes n'ont pas fait effet ! Je suis bien obligée ! rouspéta Zelda.
- Je voulais simplement vous informer que Daruk n'était pas au village... expliqua-t-il.
- Cesse de toujours faire l'innocent !
Non mais quel mauvais caractère ! Link se tut pour de bon et se contenta de suivre la princesse jusqu'au lieu de résidence du chef goron. Il était effectivement absent, et la créature était à l'arrêt. Zelda ne pouvait s'empêcher de voir une certaine volonté de comparaison dans le regard de Link, mais elle ne distinguait pas encore si c'était juste le reflet de son simple jugement. En d'autres termes, à travers les yeux du chevalier, elle se méprisait, se rabaissait. Car c'était ce qu'elle pensait d'elle en sa présence.
Après quelques minutes de recherches, ils retrouvèrent Daruk un peu plus loin, dans les sources chaudes, il se détendait dans l'une d'entre elles. Seulement, une fois le Goron plongé dans ces eaux chaudes, aucune façon de le faire sortir ! Le chef du village vit les élus se rapprocher, Zelda en avant, mais il referma ses yeux, signe qu'il profitait de sa situation jusqu'au bout.
- Bonjour, Daruk, fit-elle.
- Bonjour, Princesse... répondit-il sans attention particulière.
- Je... je te dérange peut-être ?
Daruk se redressa et ouvrit légèrement un oeil.
- Pas le moins du monde ! Vous n'avez qu'à me rejoindre, cette eau est incroyablement...
Il s'arrêta net lorsqu'il aperçut Link.
- P'tit gars ! Oh mais c'est vrai ! J'avais complètement oublié que tu serais là ! Ah ! Pardonne-moi !
- Bonjour, Daruk, répondit Link en souriant.
La princesse n'avait jamais vu un sourire si prononcé chez le héros. Daruk sortit de la source et accueillit le capitaine de sa fameuse tape dans le dos, celle-ci fit perdre l'équilibre à Link.
- Ton remède peut encore faire effet assez longtemps ? demanda le Goron.
Le chevalier acquiesça.
- Eh bah dans ce cas ! Reste pas là ! Plonge là-dedans ! affirma Daruk en poussant Link dans la source.
Ce saut inattendu éclaboussa les alentours. Zelda qui observait la scène, fut tourmentée lorsqu'elle vit que Link, tout habillé dans l'eau, riait aux éclats avec son ami. Elle se fâcha d'abord intérieurement face à une telle situation. Les mains posées sur ses hanches, elle rappela à l'ordre les deux fautifs.
- Je vous rappelle que nous sommes ici pour Vah'Rudania ! Pas pour s'amuser de la sorte !
Mais Daruk ricanait encore de la tête que tirait Link à cause de ses cheveux humides qui retombaient sur son front. Zelda se racla la gorge, mais il n'y eut aucune réaction.
- Bien. Continuez à faire les enfants, vous savez où me trouver ! termina la princesse, mécontente.
Elle s'en alla en colère vers la créature sur le flanc sud du volcan à pas précipités. Les deux amis cessèrent de rire en la voyant partir. Ils adoptèrent tous les deux un air plus inquiet et confus.
- Je crois... qu'on s'est mal comportés, p'tit gars... C'était peut-être pas le bon moment pour...
Link coupa le Goron.
- Ça me fait du bien de te revoir, je n'ai pas été très chanceux ces derniers jours, je n'ai pas soufflé une seule fois...
- Mais tu étais quand même en service...
- Son Altesse ne veut pas de mes services ! affirma le héros.
- Ah...
- Nous devrions la rejoindre, mais c'était le seul moment de la journée qui me permettait de rire un peu... avoua Link.
Avec la température extrême, Link et Daruk séchèrent en une seconde en sortant de leur bain chaud. Du côté de Zelda, celle-ci pénétra dans la créature divine et la positionna parallèle au sol pour obtenir plus d'équilibre. Il y avait effectivement beaucoup de modifications à apporter à la machine, des petits problèmes mais qui ensemble, influençaient le pilotage de Daruk.
- Vous voilà enfin, vous deux ! Daruk, j'aimerais que tu essaies de manoeuvrer Rudania ! ordonna-t-elle au chef lorsqu'il débarqua.
Daruk s'exécuta et descendit la Montagne de la Mort à l'aide de Vah'Rudania. Son essai fut correct. La chaleur retombée, Zelda retira sa combinaison, ce qui lui fit prendre un grand bol d'air frais et tiède mais qui lui paraissait glacial avec la différence de température beaucoup trop haute de la région. Daruk s'arrêta au pied de la montagne, Zelda s'empressa de rejoindre le pilote qui était accompagné de Link.
- Eh bah ! C'est qu't'en as une sacrée chance, p'tit gars !
Zelda entendit le Goron parler à Link, elle ralentit sa course afin de mieux entendre la conversation, ce qu'elle n'aurait pas fait d'habitude. La princesse alla se dissimuler derrière un mur à proximité.
- Je ne sais pas si on peut appeler ça de la chance, Daruk... répondit Link.
- Il y a des inconvénients, j'suis d'accord, mais quand même, avoue c'est incroyable ce qu'il t'arrive !
Link détourna son regard.
- Incroyable, oui... marmonna-t-il.
- Bon, j'te l'accorde. La princesse, elle a pas un caractère très facile, surtout avec toi, mais il faut la comprendre, tu sais p'tit gars, de mon point de vue, vous...
Soudain, la terre se mit à trembler anormalement. Par réflexe, Zelda se plaqua contre le mur et glissa contre celui-ci jusqu'à tomber assise au sol. En levant la tête elle vit un gigantesque rocher en parfaite chute libre foncer droit sur Rudania. En une seconde, Daruk, non loin de là, déclencha son bouclier protecteur qui, à l'impact, vint exploser le morceau de montagne en mille morceaux. La princesse en eut le souffle coupé. Elle resta encore quelques secondes, assise là, perturbée par la tournure de la conversation que les deux amis avaient engagée. Ils parlaient d'elle, comment pouvait-on résister à la tentation d'écouter ?
~~~
Le Goron tenait absolument à déguster un gigot de caillasse avant que Link et Zelda ne repartent. En vérité, il voulait surtout leur parler, à tous les deux. Depuis qu'il avait pris conscience du malaise que ressentait la princesse avec son chevalier, il se jura de ne plus faire de bêtises à ce sujet et de les aider afin qu'ils se sentent mieux ensemble. C'était primordial, une des choses que le roi avait même dites : tisser des liens.
Sur un rocher près du relais du pied de la montagne, le trio s'assit où la pierre n'était pas trop étroite et tranchante. Zelda avait encore le nez dans sa tablette, elle s'adressa à Daruk.
- Tu fais des progrès, Daruk, tu devrais avoir moins de mal à piloter maintenant. Continue sur cette voie.
Link lui offrit un hochement de tête que le Goron interpréta comme des félicitations.
- Vous croyiez pas que le grand Daruk allait se laisser devancer, si ?
- Pas le moins du monde, répondit Link.
Zelda regarda le héros assis derrière elle, puis elle se replongea dans l'écran de sa relique dans un énième soupir.
- C'est pas souvent que je te vois comme ça p'tit gars ! continua le prodige.
Sous l'incompréhension, le capitaine se frotta la joue en attendant que son ami s'explique.
- Tu reparles ! se moqua-t-il avant de rire aux éclats.
Link se contenta d'un simple sourire forcé tandis que Zelda haussa les sourcils.
- Je trouve ça tout bonnement incroyable, pensa-t-elle.
- Disons que j'ai appris certaine choses ces derniers temps, formula le héros.
- Ah ça ! Tu m'as dit que t'avais disputé quelqu'un ! Ça te ressemble pas ! ricana Daruk.
- J'ai détesté ça.
- Dans tous les cas, ça me fait plaisir que tu parles à nouveau !
- Ça ne durera pas longtemps, une fois que nous serons partis, il ne dira plus rien ! ajouta Zelda qui vint pulvériser la bonne ambiance qui s'installait.
Link baissa soudainement les yeux, comme s'il redevenait muet à chaque parole que prononçait la princesse. Daruk fut d'abord choqué par cette intervention soudaine, mais il se souvint alors qu'il voulait justement parler de cette tension qui régnait entre les deux élus d'Hyrule.
- Princesse, appela Daruk d'une petite voix.
- Pardonne-moi, Daruk, mais je ne dis que la simple et pure vérité !
Le Goron, observa les yeux bleus remplis de honte du héros, puis ceux émeraude plongés dans la colère de Zelda.
- Ah ! Si vous saviez ! De mon point de vue, je vous trouve tellement de ressemblances !
Stupéfaite par cette affirmation, elle lança un regard interrogateur à son interlocuteur. Link tourna le sien vers le paysage, niant ce que Daruk avait dit. Aucun des deux ne souhaitait parler de cette histoire, de leur relation. Personne ne voulait avancer, faire un pas.
- Écoutez-moi vous deux, déclara le chef goron, je vous parle pas en tant que prodige, je vous parle en tant qu'ami, d'accord ? Si j'avais qu'un seul conseil à vous donner, c'est d'avoir une discussion entre vous. Oui Link, je sais que tu parles pas beaucoup et que c'est contre ta nature de bavarder à longueur de journée, et oui Princesse, ça risque de prendre du temps avant que ça s'arrange entre vous, mais moi j'y crois. Et en vous voyant, j'ai l'impression que je suis le seul qui garde espoir pour nos deux élus... Pourquoi pas repartir sur de meilleures bases ?
Sur ce monologue improvisé, Zelda décida de s'éclipser, Daruk avait dit tout ce qu'elle ne voulait pas s'avouer elle-même. Elle rejoignit le relais à quelques mètres.
- P'tit gars, il faut tu ailles lui parler ! insista le Goron.
- Je... je n'y arriverai pas...
- Écoute, je fais ça pour vous, je suis sûr que ça pourrait mieux se passer ! Il suffit de trouver les bons mots.
- Je n'ai jamais les bons mots, Daruk, tu en as la preuve.
Le blocage de Link se ressentait dans ses courtes phrases, le prodige Goron laissa les élus tranquille avec cette histoire. Il pensait que cela aurait pu les aider, mais la situation semblait vraiment plus compliquée qu'elle en avait l'air.
- Nous allons devoir rentrer, bonne soirée Daruk, termina le héros en se relevant.
- Link ! Attends. Dis-moi que tu vas lui parler. Je suis désolé d'insister, mais tu es mon p'tit gars, et je dois pas te laisser dans une situation pareille !
Le concerné soupira longuement, il jeta un oeil sur Zelda qui partait au loin.
- Alors ? Tu vas le faire, ou pas ?
~~~
Edward finalisait sa toute dernière composition destinée à Son Altesse. Il espérait qu'un jour, ses efforts seraient récompensés. Mais d'un autre côté, il savait qu'elle était inaccessible. Cependant, renoncer à ses rêves n'était pas dans son vocabulaire. Après tout, il avait sa propre chambre au château, comme tout grand noble fidèle au roi. Alors certes, c'était la chambre la moins luxueuse, mais elle était au château tout de même ! Zelda n'était peut-être pas si inaccessible que ça... Son âge similaire avec la princesse le poussait à continuer de la conquérir, il se démarquait de tous ces nobles prétendants d'au moins vingt-cinq ans qui étaient plus que repoussants, selon lui.
Le poète joua une dernière fois sa ballade à l'aide de son fidèle accordéon. La musique était sa vie, c'était sa source de bonheur. C'était là où il puisait son énergie. Sans elle, il n'était plus rien qu'un vulgaire jeune homme de dix-sept ans bon à rien à part rêver d'être aux côtés de la fille du roi. Ces pensées l'obsédaient, il n'arrivait pas à s'en détacher. Cela le divisait entre la tristesse de ne jamais pouvoir obtenir ce qu'il voulait tant, et la joie de pouvoir côtoyer ne serait-ce qu'une fois dans sa vie cette ravissante personne... Tout cela était un enfer ! Comment pouvait-il faire pour s'arrêter de penser à elle ?
Il était posté dans les jardins du château, assis sur un muret en pierre, il n'avait pas vu le temps passer, il faisait déjà nuit ! Le château était plongé dans le silence et l'obscurité, Edward voulut rentrer à cause de l'heure tardive. Il se dirigea vers l'entrée la plus proche du château lorsque, sans prévenir, on le frappa d'un coup sur la tête qui le fit tomber au sol dans un gémissement de douleur. Il en abîma son accordéon qu'il lâcha au sol. Sa vision s'altéra, il ne vit point son agresseur, mais ce qu'il allait retenir par-dessus tout, c'était qu'on venait de dérober son instrument de musique qu'il avait parfaitement en vue. Le poète voulut se relever en faisant abstraction de la douleur du point d'impact derrière sa tête. Sauf que, à ce moment précis, trou noir. Plus rien. Il s'était évanoui.
- ...
Le bourdonnement dans ses oreilles gênait sa perception auditive.
- Ré..ille .oi !
On lui parlait ? Mais qui lui parlait ?
- Réveille-toi, gamin !
Edward ouvrit les yeux dans un sursaut. Il était assis, mais voyait flou, une lumière à sa gauche l'éblouissait et l'odeur de la pièce était très désagréable. Une odeur de putréfaction immonde. Sa tête était lourde, si lourde qu'il ne pouvait pas la retenir de tomber en arrière. Une main froide vint lui attraper violemment les joues et les écraser contre sa mâchoire pour repositionner correctement son crâne. Cela donna un peu plus de lucidité à Edward qui retrouva une vue normale en quelques secondes. Pourtant, il ne vit guère le visage de la personne en face de lui.
Il faisait froid, les murs étaient faits de vielles planches de bois et les seules issues possibles étaient une porte dans le fond de la pièce et une trappe au sol. Mais le musicien avait les mains liées à sa chaise, il ne pouvait pas bouger. Son agresseur, immobile, restait debout devant lui. Sa tête était recouverte d'un lourd masque de pierre et il était habillé d'une vieille chemise ainsi qu'un simple pantalon de paysan. Le poète bougea ses lèvres tremblantes.
- Où... où suis-je ?
- La ferme ! ordonna l'être masqué.
Sa voix était grave et gênée par le casque. Mais ce qui était à présent sûr pour Edward, c'était le sexe de la personne devant lui, un homme. Soudain, tout en dévisageant le poète, celui-ci prit une autre chaise derrière lui et s'assit devant lui, penché en avant et les avant-bras posés sur ses genoux.
- Je t'ai observé, Edward, déclara-t-il.
Le concerné le regarda, inquiet. Il tenta de libérer ses mains, en vain. Les battements de son coeur s'accélérèrent.
- À qui ai-je l'honneur ? demanda Edward.
- Tu n'es pas en position de poser les questions, contente-toi de la fermer et de m'écouter !
Bon sang, mais où était-il tombé ? Que lui arrivait-il pour se faire attacher par un fou masqué ?!
- Comme je te le disais, je t'ai observé. Beaucoup observé. Je te connais assez à présent.
L'homme avait une façon de parler assez particulière, il découpait ses phrases étrangement, ce qui lui donnait une attitude très embarrassante.
- Vous m'observez ? Mais vous êtes un psychopathe ! Comment osez-vous...
- Tais-toi, par Hylia ! cria l'homme.
Edward perdait peu à peu son sang froid, il perdait son langage soutenu de poète, il perdait son attitude noble. Il paniquait.
- À présent, tu vas m'être d'une très grande utilité... continua l'inconnu en s'approchant de lui.
Le noble lui jeta un regard noir.
- Je sais qui tu es, je sais ce que tu as et je sais ce que tu veux, Edward.
- Vous mentez ! Vous ne savez rien ! Relâchez-moi sur le champ !
- Calme-toi, gamin, calme-toi.
L'homme se leva et attrapa un objet sur la table derrière lui. Tout à coup, le sang du poète ne fit qu'un tour lorsqu'il reconnut son accordéon entre les mains de son agresseur.
- N'y touchez pas ! Je vous interdis d'y toucher ! lâcha-t-il, furieux.
- C'est un très bel instrument que tu as là...
Le ton de l'inconnu ne lui disait rien qui vaille.
- Si vous faites quoi que ce soit avec mon accordéon, je vous...
- Qu'est-ce que tu vas faire ? coupa l'homme en se rasseyant sur la chaise de bois.
- Cet accordéon... c'est ma vie... je vous en supplie... ne...
L'agresseur attrapa subitement la dague attachée à sa ceinture et menaçait de trancher le soufflet de l'instrument.
- Non ! Je vous prie ! Pas ça ! supplia Edward.
La lame se rapprocha de plus en plus, la pointe entra en contact avec l'objet.
- Non ! Je ferai tout ce que vous voudrez, tout ! Par pitié ! pleura-t-il.
L'inconnu s'arrêta.
- Répète-moi ça !
- Je ferai tout ce que vous voudrez ! sanglota Edward.
- Bonne réponse, gamin !
L'accordéon fut reposé sur la table, ce qui soulagea un peu son propriétaire. Que voulait-il ? Et pourquoi lui ?
- Si tu fais ce que je te dis, tu seras récompensé, et crois-moi, tu ne veux pas passer à côté de ce que j'ai à te proposer...
Les dernières larmes du poète coulèrent, il devait écouter cet homme malgré lui, il répondit par un soupir caractérisant sa peur et son angoisse.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il.
- La chose que tu souhaites le plus au monde.
Instant de silence. Edward réfléchit longuement. Non. C'était impossible, il mentait, car il ne pouvait pas lui offrir un cadeau de la sorte.
- Si tu suis à la lettre ce que je vais te demander, tu seras l'homme le plus heureux du royaume ! déclara le masqué.
- L'argent ne m'intéresse pas !
- Ah ! Tu n'en as surtout pas besoin ! Pitoyable noble que tu es !
- Alors quoi ? Qu'est-ce que vous me donnerez en échange ?
L'intéressé se leva.
- Sa main, répondit-il, je te garantis sa main.
- Sa main ? Mais la main de qui ?
- Ne soit pas idiot, Edward ! La main de celle dont tu t'es épris !
Le noble pensait se trouver devant un véritable fou, parlait-il réellement de la Princesse Zelda ?
- C'est faux ! C'est impossible, vous ne savez pas de qui vous parlez !
- Je sais très bien de qui je parle, cesse de remettre ma parole en question, jeune sot !
Les gestes de l'homme étaient très brefs et rapides. Sa posture déterminée en disait long sur ses intentions, pas besoin de voir son visage pour comprendre cela. Il avait évidemment tout prévu.
- Je sais que vous n'en savez rien ! insista Edward.
- Par toutes les déesses, vas-tu m'écouter ?! Pourquoi lui aurais-tu menti alors ? cria l'inconnu.
Le poète fut bouleversé par ces paroles.
- Oui, je sais Edward. Tu lui as menti simplement pour créer des tensions entre elle et ce chevalier, j'ai raison ? Si c'est le cas, ce n'est pas très gentil de ta part...
Il planta sa dague dans la table, celle-ci resta fixe, puis il versa une boisson dans un verre.
- Comment savez-vous ? interrogea le poète, subjugué.
- Tu es jaloux ! Et la jalousie, c'est la plus grande preuve, gamin !
La substance dans le verre scintilla.
- Je peux te garantir un mariage avec Son Altesse ! N'est-ce pas ton rêve, Edward ?
- Quoi ? Non, non !
- Tu te fous de ma gueule ?! Tu serais capable de passer à côté d'une occasion pareille ?! Décidément, je ne comprends plus les jeunes, de nos jours...
L'homme referma la bouteille contenant l'étrange liquide rosé, tournant légèrement vers le violet. Sa proposition était inacceptable pour le musicien, encore attaché à sa chaise.
- Si elle n'est pas heureuse, je ne le serai pas non plus ! avoua-t-il.
- Ah ! Comme c'est touchant ! J'en pleure derrière mon masque...
- Je me fiche de votre mariage si mon amour pour elle n'est pas réciproque, est-ce que vous comprenez ?!
- Parle-moi sur un autre ton, gamin ! Rappelle-toi que tu n'es pas du tout en position de force !
Il attrapa le verre qu'il montra à Edward.
- Voilà la solution à ton stupide problème !
- De l'alcool ?
- Ce n'est pas du simple alcool, gamin...
Le noble comprit, cette substance brillait, elle était rose, c'était de l'alcool, pas un simple alcool.
- Du... du "vaï meets voï" ?!
- C'est exact !
C'était un véritable poison, faire boire une telle boisson à la princesse était un acte horrible, ce serait d'abord un faux amour, mais en plus de cela, temporaire.
- Non. Non, jamais je ne la ferai boire ça !
- Ce que tu peux être idiot...
Il approcha le verre des narines du poète qui y sentit une effroyable odeur de désir et d'amour artificiel. Il en recula sa tête et l'inconnu ricana.
- Cette chose est capable de tromper l'esprit de n'importe qui et de te faire aimer une personne au centre de ton attention. Si tu parles d'elle, si tu la vois, ou si tu l'entends, tu tomberas dans un amour fou et incontrôlable pendant plus de deux heures pour cette personne si cela fait effet assez longtemps...
- Vous êtes horrible...
- Enfin, Edward, ne vois-tu pas où je veux en venir ?
Il était clair que l'homme avait toutes les cartes en main, il pouvait détruire l'accordéon du poète ou encore lui donner ce qu'il voulait tant...
- Ce n'est pas à la princesse que tu vas donner à boire ce liquide... si tu fais ce que je te dis, Son Altesse n'aura plus que vers toi pour se tourner et c'est elle qui voudra ce mariage...
Il reposa le verre sur la table.
- Alors ? Tu es partant, Edward ?
Devait-il faire confiance à ce fou ? Il fallait avouer qu'il était très persuasif, mais il demandait là des actes horribles... Qui était-il pour pouvoir lui assurer un tel avenir ?
Edward n'avait pas l'impression d'avoir le choix lorsque son regard se posa sur son instrument de musique, mais était-ce seulement une impression ?
Pouvait-il réellement choisir d'écouter cet homme ?
Il ne fallut pas plus de temps pour que Rhoam Bosphoramus Hyrule ne révèle au grand jour la prémonition que Zelda avait perçue. Du moins, une partie. La cour en profita pleinement pour en détourner des choses fausses, de stupides rumeurs. Ce matin-là, le roi voulut réunir le Conseil de la Déesse Hylia, autrement dit, le groupe de personnes chargées de s'occuper des affaires concernant la légende, le Fléau, et Hylia. Impa en faisait partie, elle en était conseillère. La Sheikah avait bien prévenu Zelda que ce Conseil faisait partie de la cour, des nobles, et que leur attitude allait sûrement lui déplaire. Cette réunion était néanmoins obligatoire, classée urgente. Le roi et la princesse se firent face autour d'une table ronde, Impa aux côtés du roi ainsi que le reste du Conseil. Zelda se trouvait seule de l'autre côté. Tout cela avait une allure d'interrogatoire, une sensation très désagréable.
- Je ferai en sorte que tout se passe bien pour vous, avait promis Impa.
Ils étaient six sans compter le souverain. Six à regarder les notes prises par Zelda, ses impressions, ses ressentis sur ces étranges rêves. Leur analyse ennuyeuse à mourir dura cinq longues minutes, le temps que Zelda consacra à rester assise sans rien dire, à observer son amie faire en sorte que rien ne soit mal interprété, à dévisager son père qui ne l'avait même pas encore regardée dans les yeux depuis son arrivée dans la pièce. Il était clair qu'il avait radicalement changé. Cela se voyait sans l'ombre d'un doute.
L'ennui fit rêvasser Zelda, le regard dans le vide jusqu'à ce qu'un membre du Conseil l'interpelle enfin.
- Vous avez donc fait depuis ce jour trois visions, c'est bien cela ? demanda-t-il sans aucune forme de politesse engagée au préalable.
Zelda acquiesça et cacha un soupir d'ennui mortel. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé être dehors, à étudier les reliques...
- Angoisse incontrôlable, respiration rapide, transpiration abondante, ce sont les symptômes d'une vision très violente. En général, les premières prémonitions des princesses d'Hyrule sont perturbantes, mais à ce point...
- J'ai écrit exactement ce que j'ai ressenti, répondit froidement Zelda.
Son père lui fit un regard dur qui voulait sûrement dire qu'elle devait baisser d'un ton et parler respectueusement, telle une "vraie princesse"" comme celui-ci disait. Cependant, ces nobles semblaient douter des notes de l'Hylienne.
- C'est vrai, j'en ai été témoin, je l'ai retrouvée dans un triste état, affirma Impa.
Le témoignage de la Sheikah fit taire les soupçons, Zelda l'en remercia. Le même membre s'excusa.
- Nous devions nous assurer de la fiabilité de vos mots, Votre Altesse. Non pas que nous ne vous fassions pas confiance, mais nous avons déjà eu un cas où la concernée avait menti, dans le but de...
- De pouvoir sortir du château sans journal de suivi à entretenir... continua le président du Conseil.
Une princesse qui ment sur la gravité de ses visions pour pouvoir se déplacer librement... Durant quelques secondes, Zelda s'était un peu reconnue, c'était une chose qu'elle aurait très bien pu faire.
- Qui était cette princesse ? demanda-t-elle.
Le Conseil attendit l'accord du roi pour parler, celui-ci accepta.
- Il s'agissait de votre mère, Votre Altesse.
Le père de Zelda, en face d'elle, était gêné. La raison lui était inconnue mais la princesse fut très étonnée de voir le roi dans cette situation d'infériorité. Était-il lié à cette histoire ?
- Pourquoi ne voulait-elle pas être suivie ? continua Zelda.
- Je doute que ce soit le bon moment pour...
Le roi fut coupé par sa propre fille.
- C'était ma mère, j'estime avoir le droit de savoir, répliqua-t-elle fermement.
Un long silence s'abattit autour de la table, étrangement. Impa révéla un léger rictus sur son visage.
- Un stratagème pour... pour pouvoir se côtoyer... hum, bref...
Rhoam Bosphoramus reprit le dessus, il ramena le Conseil au sujet principal. La princesse ne pouvait s'empêcher de sourire. Son père et sa mère se voyaient en cachette ? C'était une chose qu'elle n'allait jamais oublier...
Les minutes qui suivirent furent consacrées à un récapitulatif des trois visions de Zelda, la première étant cette petite pièce vide dans laquelle elle et Link étaient prisonniers et la seconde, une nuit étoilée sur la plage. La dernière était plus orientée vers des sensations, des odeurs et des sons, il n'y avait pas d'images, juste un ressenti désagréable se transformant en sensation de bien-être en l'espace d'une seconde seulement, des chocs émotionnels très rapides. Au bout de la troisième prémonition, Zelda avait su gérer l'angoisse qui l'envahissait à chaque fois. Elle gardait néanmoins un petit mélange silencio-robusto à côté d'elle la nuit, pour éviter de déranger Impa si la situation devenait trop insupportable.
- J'aurai donc un journal de suivi ? questionna la princesse.
- Votre chevalier servant s'occupera de cela, nous allons devoir l'en informer, répondit le roi.
- Je refuse !
- Je suis dans l'obligation d'insister, ma fille ! Vous comprenez sûrement...
- Non ! Je ne comprends absolument pas !
Impa intervint pour calmer les tensions, elle rassura Zelda en affirmant que Link ne saurait que le strict nécessaire et parla au roi en lui disant que sa fille serait en parfaite sécurité en dehors du château. Les paroles du roi mirent cependant l'Hylienne de mauvaise humeur : ce n'était pas dans son habitude de répondre de la sorte à son père, mais après tous ses actes anticipés à l'avance et ses initiatives, elle le devait, ne serait-ce qu'une fois. Le groupe passa ensuite aux hypothèses.
- Votre Altesse, vous n'êtes pas sans savoir que ces visions vous donnent un aperçu global de choses qui vont vous arriver d'ici peu. C'est pourquoi, il est important que nous anticipions ces moments au maximum, expliqua un autre membre du Conseil. À vrai dire, le fait que ces situations dont elle rêvait allaient devenir réalité, Zelda l'avait compris elle-même, personne ne lui avait vraiment expliqué directement.
- Où pensez-vous que cet endroit pourrait être ? Cette pièce vide que vous mentionnez dans votre première vision... Au château ? Ou ailleurs ?
- Comment pourrais-je le savoir ? répliqua Zelda, tendue.
- J'ordonne un peu plus de coopération ! lâcha le roi.
Elle se rendit compte que son comportement tournait de plus en plus vers celui qu'elle avait adopté ce jour-là à l'autel, bien qu'ici, elle était beaucoup plus colérique et fatiguée. Disons que ce n'était pas sa journée... Zelda souffla profondément.
- Ce n'est pas au château, finit-elle par dire, je le sais, c'est tout.
- Dites-moi, Princesse, ces murmures, comment étaient-ils plus précisément ? demanda Impa.
Rien qu'en y repensant, la blonde sentit son sang se glacer.
- Ils faisaient froid dans le dos, je n'ai pas compris le langage, mais cela restait effrayant.
La Sheikah sembla tout de même satisfaite de la réponse, elle prit de nouvelles notes.
- Vous avez une hypothèse, Dame Impa ?
Elle se tourna vers le souverain qui attendait sa réponse. Embarrassée, elle jeta un regard vers Zelda et déglutit avant de finalement révéler ce qu'elle pensait.
- Je pense au... repère des Yigas...
Tout le monde fut surpris, le Conseil s'agita sur le coup, Impa prit appui sur la table pour énoncer ses explications.
- L'homme a tout l'air d'un assassin, non ? Et ces murmures, les Yigas prononcent d'effroyables discours durant leurs incantations, et tout cela se fait en chuchotant ! Pour moi, cette pièce se trouve au repère des Yigas...
Mais qu'est-ce que Zelda pourrait aller faire là-bas, et avec Link en plus ? Jamais la princesse ne s'aventurerait dans la base des ennemis de sa famille depuis des générations. Cela semblait complètement insensé, mais ce qui fut encore plus troublant, c'était le savoir d'Impa à ce sujet...
- Dame Impa, mais comment savez-vous tout cela ? demanda Zelda.
La Sheikah regarda l'Hylienne et balbutia des paroles incompréhensibles.
- De simples études, ma fille. Nous nous devons de surveiller nos ennemis, répondit le roi.
- C'est faux ! Vous-même aviez dit depuis ce terrible jour que plus jamais vous ne vous occuperiez d'eux et que vous laissiez cette tâche à faire hors du château ! Je n'avais peut-être que six ans, mais je me souviens très bien des moindres détails ! Il n'y a aucun livre mentionnant les Yigas ici !
Son père se comportait très étrangement : il ne répondait pas. Tout comme Impa. Zelda les voyait se regarder comme s'ils savaient quelque chose qu'elle ne devait pas savoir...
- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tout le monde me cache des choses ?! s'emporta la princesse.
Rhoam Bosphoramus Hyrule inspira et se pencha en avant. Il allait prononcer des mots révélateurs de la situation que Zelda ne comptait pas oublier.
- Je vous assure, ma fille, que vous ne voulez pas connaître la vérité. Nous devons garantir votre sécurité. Fin de la discussion.
- Soit. Qu'il en soit ainsi. Mais vos réunions ne pourront pas être bénéfiques dans ce cas, car je n'y participerai plus.
La blonde s'appuya violemment sur la table et se releva de sa chaise qui grinça contre le sol. Elle s'enfuit de la pièce en vitesse, furieuse. Elle n'en avait que faire de l'image qu'elle avait pu renvoyer, ou qu'elle avait le sang chaud, tout ce qui comptait ce jour-là pour elle, c'était de sortir faire ce qu'elle savait faire le plus. Et elle n'avait pas de temps à perdre.
Le roi avait honte d'elle ? Soit, ces nobles ne valaient pas mieux. Sa rébellion n'était pas digne d'une princesse exemplaire ? Soit, elle était la première concernée, connaître la vérité était primordial selon elle. Elle allait se faire fortement réprimander par son père ? Soit, dans tous les cas, Zelda avait besoin de se sentir libre de ses paroles et de ses actes juste une fois dans sa vie... Une seule fois...
~~~
Les prix des fruits du marché de la citadelle paraissaient chers pour le trio familial venu d'Hébra. Vingt rubis le lot de noix de coco, cela leur semblait un peu abusif. D'un autre côté, les gens qui vivaient ici étaient la plupart riches, ça ne devait pas les perturber. Cela faisait la quatrième fois que le couple et son enfant venaient au château, et la foule de personnes était toujours oppressante. Sur ce point, rien n'avait vraiment changé. Mais la famille n'était pas là pour les produits frais du marché...
- À quelle heure la garde royale sort-elle ? demanda le père à sa femme.
- Onze heures trente, il me semble... répondit-elle.
- Dans cinq minutes.
L'enfant tenait la main de sa mère pour ne pas se perdre. Ils se décidèrent à s'asseoir une minute sur un banc autour de la grande fontaine.
- Nous ne devrions pas le déranger pendant ses heures de travail, il ne sait peut-être même pas où il se cache...
- C'est notre seule chance ! Il est notre dernier espoir, nous devons tenter le coup, je n'abandonnerai pas ! déclara franchement le mari.
Sa femme commençait à douter, mais son inquiétude était si forte qu'elle renonça elle aussi à faire demi-tour. L'homme prit sa main gauche posée sur sa cuisse et la rassura. Il ancra son regard dans le sien.
- Écoute. On va s'en sortir, dit-il tendrement, nous allons le retrouver, d'accord ? Tout va bien se passer, d'après ce que l'on m'a dit, il n'est pas méchant, il acceptera notre requête.
Elle soupira avec désespoir.
- Quatre années, et rien ne nous est parvenu, c'est insensé... on ne peut pas disparaître comme ça...
- Nous devons rester forts. Fais-moi confiance.
Les portes principales du château d'Hyrule s'ouvrirent face à eux. Les bruits de pas synchronisés des gardes royaux s'approchèrent de plus en plus. Comme chaque jour, la garde royale sortait peu avant midi, c'était un rituel, une tradition. Vêtus de leur uniforme bleu marine et de leur béret, les gardes se rangèrent en ligne, face à la citadelle. Les personnes à proximité vinrent observer la scène qu'elles avaient, pour certaines, l'habitude de voir.
- Il est là, affirma le père.
Celui-ci se leva de son banc sans attendre, laissant sur ce dernier sa femme et son fils. La mère le rattrapa de justesse par le bras, il s'arrêta brusquement, tiré en arrière.
- Attends. Tu ne peux pas aller le voir comme ça ! fit-elle.
- Maëlle, c'est maintenant ou jamais ! Nous n'aurons plus l'occasion avant demain et j'en ai plus qu'assez d'attendre !
- Demandons au moins la permission à ces gardes là-bas.
L'homme tourna la tête vers les deux concernés qui gardaient les portes. Maëlle et l'enfant le rejoignit et tous les trois s'avancèrent timidement vers les deux hommes immobiles. Leur présence dans cette zone était déjà plus qu'étonnante car personne d'autre que ceux résidant au château ne s'avançait aussi loin de la place centrale.
- Excusez-moi... commença l'homme, nous aimerions parler au Capitaine, si cela est possible...
- Le Capitaine n'est pas en mesure de vous recevoir, répondit l'un des gardes.
- C'est vraiment urgent et...
- Je suis désolé, mais ce n'est pas possible. Veuillez circulez à présent.
Daniel... mais quel idiot...
Maëlle poussa son mari sur le côté et tenta à son tour de convaincre le garde.
- Bonjour, nous... voudrions vraiment parler juste quelques secondes au capitaine, il peut sauver notre famille, vous comprenez ?
- Je le répète une dernière fois, le capitaine n'est pas disponible et...
- Que se passe-t-il ? coupa une voix derrière les deux hommes.
Par chance, Link débarqua devant la petite famille désespérée, le garde expliqua la situation à son chef. De ses yeux bleus, le héros jeta un regard vers Maëlle et Daniel. Puis, il s'avança de deux pas qui suffisaient amplement à écarter les gardes de la discussion.
- Je peux vous accorder une minute, assura-t-il.
Le couple le remercia infiniment, une forme de soulagement se fit apercevoir sur leur visage, comme si un miracle se produisait devant leurs yeux. Ils se présentèrent et s'excusèrent de déranger Link, ils étaient vraiment très polis et très respectueux.
- Nous cherchons un chevalier... notre fils. Il ne nous a laissé aucune trace depuis quatre ans, et nous sommes terriblement inquiets pour lui. Nous pensions que vous pourriez le retrouver, avec votre... statut... expliqua Daniel.
- Vous devriez jeter un oeil au camp militaire, tous les chevaliers se retrouvent là-bas à un moment ou un autre.
- C'est-à-dire que... nous avons déjà essayé, mais en vain...
En effet, les chevaliers devaient être au camp à vingt-heures, tous. Mais à chaque fois, le chevalier disparu était introuvable. Et pourtant, si cette disparition n'était pas d'actualité, c'était qu'il devait montrer des signes de vie pour que les autres ne se rendent compte de rien. Un chevalier disparu n'était jamais resté caché pendant plus de deux jours. Quatre ans, cela commençait à faire beaucoup...
- Dans quelle section est-il ? interrogea Link.
- Nous... ne savons même pas ça... Nous sommes sincèrement désolés, s'excusa Maëlle.
Sans le numéro de section, le capitaine n'allait pas pouvoir faire des miracles, ce simple chiffre aurait pu diviser le nombre de chevaliers par six et ainsi limiter la zone de recherche. Mais Link ne pouvait pas laisser cette pauvre famille sans réponse et les laisser repartir sans plus aucun espoir.
- Dites-moi son nom et je ferai de mon mieux, je vous assure, rassura-t-il.
- Il s'appelle Brad.
Le héros eut un léger mouvement de recul. S'agissait-il vraiment de la personne à laquelle il pensait ? Link resta muet sur le coup, déconcerté par ce nom maudit pour lui. Les parents du chevalier n'étaient de toute évidence pas au courant de tout ce que leur fils avait fait envers lui et des propos qu'il avait entretenus contre son capitaine et la famille royale.
- Vous le connaissez ? demanda Daniel.
Ce prénom n'était pas courant à Hyrule, il était sûr et certain que Brad était ce même Brad que Link connaissait.
- Il me semble l'avoir déjà croisé... mentit en partie le héros.
Il préféra cacher la vérité dans un premier temps, il se disait qu'il valait mieux leur révéler tout le reste lorsque leur fils allait être de retour chez sa famille qu'il avait oubliée.
- Je lui parlerai dès que je le croise, je vous le promets, termina Link d'un ton rassurant.
- La Princesse Zelda nous a dit la même chose, informa Maëlle. J'ai l'impression de la revoir me parler lorsque vous nous faites une telle promesse, pas étonnant que vous soyez les élus. Nous vous remercions infiniment...
Y avait-il vraiment une telle ressemblance entre les élus ? Troublé par l'évocation de la princesse qui n'avait, de son point de vue, rien à voir avec cette histoire, cela rappela au chevalier que cette dernière refusait ses services pour la journée, sûrement était-elle encore assez fâchée par ce qu'elle avait entendu lors de sa conversation avec Daruk. Son "caractère pas très facile"... Elle n'avait pas oublié de faire la remarque au Goron et au héros que cela ne lui avait pas plu... La famille ne dérangea pas Link plus longtemps. Quelle situation étrange, rencontrer les parents de son rival et les trouver d'une gentillesse admirable, quelle ironie...
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Ce sanctuaire est celui de Tina'Kyoza, d'après les écrits sur la porte. Lui non plus n'est pas actif, comme tous les autres. La tablette sheikah ne semble pas réagir, pourtant, celle-ci coordonne parfaitement avec la pierre guide. Pru'ha a prouvé que l'ouverture des sanctuaires et la pierre guide étaient constituées des mêmes mécanismes. Alors pourquoi n'y a-t-il aucune réaction ?Si un jour je parviens à pénétrer dans l'un de ces vestiges, mon avancée serait considérable, ce qui n'est pas le cas depuis quelques jours, je commence à légèrement douter de mon utilité aux côtés du groupe ces derniers temps. Je ne leur apporte plus rien, ils se débrouillent très bien seuls. De plus, je ne suis pas souvent présente. Ce sont des Sheikahs, ils ne peuvent pas être mieux placés pour découvrir les secrets de ce peuple... Je ne progresse ni sur la tablette, ni sur les sanctuaires, les domaines qui m'ont été attribués. Mais je me dois de persévérer !
Elle referma son journal et le replaça dans sa sacoche de voyage. Elle en sortit ensuite quelques baies cueillies généralement dans les régions froides. C'étaient ses fruits préférés, elle s'empressa de les engloutir comme des petits remontants. Assise sur la base du sanctuaire, Zelda passa une main sur son front. Il n'était pas facile de rester en plein soleil, même durant le printemps. En repensant à ce qu'elle avait écrit il y a quelques secondes, la princesse reprit finalement son journal en main et scruta les pages pleines. Elle écrivait depuis qu'elle avait retrouvé Impa, sa grande amie qui lui cachait des choses selon elle... Et son journal se voyait entretenu depuis sa rencontre avec les prodiges. Elle put y relire ses dernières phrases.
Je suis allée examiner les reliques, mais sans grand succès...
Nous n'avons plus beaucoup de temps...
Il me méprise, j'en suis certaine...
De nouveau prise par la colère, elle arracha la page qu'elle venait d'écrire. Son journal ne faisait que la rabaisser, elle ne faisait que se rabaisser. C'était idiot d'en rajouter. Elle chiffonna le papier pour le ranger dans sa poche et l'oublier. Même ici, seule avec la nature, elle n'arrivait pas à se laisser tranquille elle-même avec toutes ces mauvaises pensées. Elle ne pouvait pas les fuir, elles restaient toujours là, elles la suivaient quoi qu'il arrive. Au loin, son cheval blanc grogna à nouveau, toujours pour la même raison : sa selle qu'il ne supportait pas. Zelda soupira puis alla la lui retirer de son dos et la posa à ses pieds.
- Tu es insupportable, chuchota-t-elle, comme tout le monde aujourd'hui...
Elle retourna au sanctuaire. Elle essaya de reposer la tablette sheikah sur la petite table, toujours rien. Rien ne servait de s'acharner, cela n'était jamais la solution, l'Hylienne le savait. Tout à coup, elle entendit derrière elle son cheval hennir puis croquer dans un aliment dur, ce qu'il n'y avait pas dans les parages. Zelda se retourna rapidement. Son cheval blanc portait de nouveau sa selle ainsi que son harnachement et celui-ci mangeait une carotte. Une main caressant son dos et une autre sa crinière, le héros calma le cheval, sûrement une technique pour lui faire accepter ce qu'il portait sur le dos. Il tourna sa tête vers la princesse et recula de l'animal aussitôt. D'une marche de plus en plus rapide, la blonde s'approcha.
- Je n'ai pas besoin de tes services aujourd'hui, qu'est-ce que tu ne comprends pas ? lança-t-elle à Link.
- C'est votre père, il m'a...
- Je me moque de ce que t'a dit mon père ! Oublie tout ce qu'il t'a dit ! Il me semble que tu dois aussi m'obéir ! coupa-t-elle.
- Je suis sincèrement désolé, Votre Altesse.
- Bien. Dans ce cas, rentre et laisse-moi travailler en paix, je ne veux pas de ta protection, c'est clair ?
Elle se dirigea vers son cheval pour retirer la selle que Link avait reposée.
- Écoutez, Votre Altesse, je m'excuse. Tout est de ma faute, je m'y suis très mal pris depuis le début, peut-être devrions-nous parler ?
La princesse inspira et ferma les yeux pour essayer de faire redescendre l'agressivité qui risquait d'un moment à l'autre d'accompagner ses propos. Seulement Link prononça la phrase de trop.
- C'est de ma faute et...
- Je me moque de tes pitoyables excuses ! Des semaines que j'ai attendu que tu m'adresses une phrase, un mot ! Et maintenant tu veux parler ? Je te ferai remarquer que c'est trop tard ! Je pensais être jalouse de toi et de tes exploits, mais tout compte fait, je constate que je suis plutôt heureuse de ne pas te ressembler ! Car non, nous ne nous ressemblons pas du tout !
Elle monta sur sa monture, prête à repartir.
- Et cesse de me suivre à la fin ! lâcha-t-elle avant de redescendre les colonnades antiques.
Abasourdi, le héros fut dépité. Il se voyait tout faire de travers. Après des paroles aussi sèches et dures, Link était à bout. Il avait très bien compris la leçon, il laissa Zelda prendre de l'avance sur lui avant de remonter sur son cheval et prendre le même chemin, en direction de la citadelle. Il devait faire une pause, faire le point. Le chevalier se rendit compte qu'il en avait peut-être besoin. Ce soir-là, Link rentra chez lui, dans la citadelle ouest.
Elle était en pierre et avait une toiture bleue, comme toutes les habitations de la ville. La sienne se dissimulait parmi toutes les autres mais était néanmoins l'une des plus grandes. Et elle lui appartenait à lui seul. Link ouvrit la porte en bois qui laissa place à une pièce de taille moyenne avec une table au milieu. Les rayons du soleil qui passaient à travers les fenêtres révélaient la masse abondante de poussière qui flottait dans l'air.
Mais il n'avait pas la tête à faire le ménage - chose qu'il devait faire depuis bien longtemps -, il fit quelques pas, puis, arrivé vers la table, passa sa main sur sa surface et attrapa une chaise à proximité. Link retira l'épée de légende de son dos et la posa devant lui. Il s'assit et la regarda longuement dans son fourreau. La lame purificatrice... La lame de pureté... L'épée de légende... Mais aussi le signe qui montrait qu'il était celui qu'il était à ce jour : le héros.
C'était cette épée qui l'avait mené là où il était, elle était le symbole de son destin inéluctable d'élu. Les émotions du chevalier prirent le dessus d'un seul coup dans la tête de Link. D'un large geste de son bras gauche, il poussa doucement son arme de la table et celle-ci tomba au sol. Il s'accouda au bord du meuble en bois et éclata silencieusement en sanglots, son visage caché par ses deux mains.
Il fallait que cela arrive, il était peut-être l'un des sauveurs du royaume, mais il restait d'abord humain, à quoi bon surmonter tant d'épreuves pour un résultat pareil ? Son mutisme était apparu en même temps que son nouveau rôle, lors de ses douze ans. Ce blocage envers les autres, cette peur de mal faire et de décevoir étaient en lui depuis des années à présent. Ses pleurs, étouffés par ses paumes de mains, lui paraissaient étrangers. Link n'avait pas l'habitude de se retrouver dans une telle situation, il en avait oublié ce que c'était de pleurer. Mais ces mots, ces mots prononcés par Zelda... il ne pourrait jamais les oublier...
Le héros colla simultanément ses mains à plat sur la table, il laissa enfin couler ses larmes ailleurs que dissimulées dans ses mains. En fermant les yeux, des idées noires lui vinrent à l'esprit. Comme l'envie de tout abandonner, l'envie de renoncer à son destin, de léguer sa place à un autre. Bien sûr que c'était impossible, ça l'avait toujours été... D'un point de vue extérieur, être le héros s'avérait être une chance, mais dans son cas, ça ne l'était pas.
Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je condamné ?
On frappa soudainement à la porte, chose qui n'était pas arrivé depuis des années. Link essuya ses yeux bleus encore humides et se leva pour ouvrir la porte, sans même ramasser la lame purificatrice. Il s'assura de reprendre un visage neutre face à la personne qui venait de frapper puis ouvrit.
- Messire Link ?
- Edward ?
- Pardonnez-moi de vous déranger mais...
- Non, il n'y a pas de mal, que se passe-t-il ? coupa maladroitement Link.
- Vous... que vous arrive-t-il ?
Son visage neutre n'avait pas fait long feu...
- Rien du tout, juste...
- Désirez-vous parler ? Ça ne me dérange pas, vous savez, je suis très à l'écoute.
Link s'arrêta brusquement, des souvenirs suivis d'explications lui vinrent en tête renvoyant le poète. La question de pourquoi était-il venu frapper chez lui disparut ainsi que celle de qu'il lui voulait. A la place, il se rappela quelque chose.
- Oui, on va faire ça, tu vas venir t'expliquer ! s'emporta le héros.
Il fit entrer Edward de force avant de claquer la porte.
- Je ne comprends pas... fit le poète.
Link attrapa ses épaules.
- Non, c'est moi qui ne comprends pas ! Qu'as-tu raconté à la Princesse ?! s'emporta-t-il.
- Enfin, je ne vois pas de quoi vous voulez parler...
- Ne fais pas l'innocent, je ne t'ai même pas croisé ce jour-là, pourquoi lui avoir menti ?! Réponds-moi !
L'accordéoniste nia ses paroles.
- Vous allez bien, Messire Link ?
Le concerné relâcha l'emprise qu'il avait sur son interlocuteur en voyant qu'il se laissait une nouvelle fois aller. Il en oublia les accusations qu'il portait au poète.
- Voulez-vous aller boire quelque chose ? J'ai tout mon temps vous savez. Dans des situations comme la vôtre, il ne faut jamais rester seul. Vous avez besoin de parler, n'est-ce pas ?
Pourquoi Link irait-il avec Edward ? Ils se connaissaient à peine... Encore bouleversé, il accepta tout de même, peut-être que cela allait lui changer les idées, ce qu'il n'arrivait pas à faire seul. Le poète posa une main dans le dos de Link afin de l'inciter à sortir et le suivre, ce qu'il fit sans rien dire. Il était comme dans un état second, le regard dans le vide, perdu dans ses pensées. Il en oublia même son arme.
- Pourquoi faites-vous cela ? demanda le héros en chemin pour le centre de la citadelle.
- Je veux juste vous venir en aide, je l'ai vu à votre visage lorsque vous êtes rentré chez vous et que vous n'alliez pas bien, expliqua Edward.
Arrivé au bar, les deux jeunes hommes s'installèrent à une table. Le lieu était très familier pour Link, ce qui faciliterait son ouverture envers le poète. Il se sentirait plus à l'aise. Néanmoins, le capitaine se demandait vraiment ce qu'il faisait ici avec le poète officiel de la cour. Il n'avait même plus la force d'y réfléchir, son esprit était hanté par ces mots...
... C'est trop tard...
... Je suis plutôt heureuse de ne pas te ressembler...
... Je ne veux pas de ta protection...
- Messire Link ?
Comme réveillé, le héros vit face à lui, le musicien qui attendait une réponse de sa part.
- Que puis-je vous offrir ? continua-t-il.
- Un... juste un jus de citrouille... répondit-il.
- Notre jus de citrouille ne provient pas de Cocorico, cela vous ira-t-il quand même ?
Il tourna la tête vers la gauche pour s'apercevoir qu'un serveur était également là. Link acquiesça avant de baisser les yeux, rivés sur la table.
- Alors, racontez-moi, qu'est-ce qui ne va pas ? débuta Edward qui croisa les bras.
Le chevalier resta muet.
- Je ne comprends pas et j'ai honte de ne pas comprendre, finit-il par avouer, je fais tout de travers ces derniers temps... Je ne sais pas comment réagir pour satisfaire tout le monde et...
- On ne pourra jamais satisfaire tout le monde, coupa Edward.
- Mais moi je suis le Héros, et c'est mon devoir de ne décevoir personne.
Link soupira.
- Voilà, le problème... C'est que c'est trop tard... continua-t-il.
- Messire Link... rien n'est jamais trop tard, il y a toujours de l'espoir, c'est ma devise ! Vous pourriez... apprendre de vos erreurs et en faire une force pour la suite, vous comprenez ?
- J'ai trop fait d'erreurs pour remonter la pente, avec elle...
- Vous parlez de Son Altesse ?
- Oui.
Les boissons arrivèrent à leur table.
- Et je crois bien qu'aujourd'hui, je suis allé trop loin, fit Link, je ne sais même pas pourquoi je te parle de ça, à toi...
- Parce que vous en aviez besoin, tout simplement.
Edward se redressa et ouvrit la grande sacoche qu'il portait avec lui.
- En vérité... J'ai peut-être quelque chose de meilleur... dit-il en parlant des boissons.
Il sortit du sac deux petites bouteilles en verre, remplies d'un liquide rosé.
~~~
... J'ai été odieuse avec lui aujourd'hui...
Une heure passa et on frappa à la porte de la chambre de Zelda. Le couloir était vide, peu de personnes étaient autorisées à venir dans cette partie du château... Sûrement Impa à cette heure-ci. Elle venait sans doute pour obtenir un peu plus d'explications sur ce matin-là, à la réunion... Soit, la princesse lui dirait tout, sans mensonge. Celle-ci ouvrit la porte et fut sidérée par la personne qu'elle vit face à elle. Décidément, ça ne lui avait pas suffi...
- Je suis de retour ! fit Link d'un ton clair et fort.
- Par toutes les déesses ! Je n'ai pas besoin que l'on me colle ! Pourras-tu le comprendre un jour ?! disputa la princesse.
Elle s'apprêta à fermer la porte lorsque le héros la retint.
- Non ! Attendez ! J'ai besoin de vous ! insista-t-il.
Link faillit trébucher à cause de ses propres pieds qui ne cessaient d'être mobiles.
- Et moi je n'ai pas besoin de toi ! Alors déguerpis ! cria-t-elle, furieuse.
- Je vous aime tellement... Je ne peux pas vous abandonner...
Zelda fut littéralement choquée par les propos de son chevalier servant, mais que lui arrivait-il ? Sur le coup, elle le poussa violemment en arrière de ses deux mains pour le faire fuir de ses appartements, Link perdit l'équilibre et tomba au sol.
- Je rêve ! Mais tu es ivre ! s'écria Zelda.
Le chevalier se releva difficilement.
- Si tu crois que cela me fera culpabiliser sur ce que je t'ai dit, ce n'est même pas la peine !
Il reprit appui sur la porte et s'approcha de la princesse qui put observer ses yeux de plus près...
- J'ai besoin de vous, répéta Link.
Zelda ne répondit rien, elle s'apprêta à alerter son père ou Impa du comportement de son chevalier servant, ce qui, d'un côté, l'arrangeait que Link soit dépourvu de ses fonctions auprès d'elle. De plus, courtiser la princesse d'Hyrule de la sorte était inacceptable de la part de n'importe qui. Mais quelque chose vint l'interpeller. En scrutant ses yeux, elle remarqua qu'ils avaient changé de teinte. De plus, ses pupilles étaient très dilatées. Ces deux symptômes s'avéraient être des signes d'ensorcellement puissant. La blonde le comprit immédiatement et d'un geste brusque, elle attrapa Link par sa tunique au niveau de son épaule et le poussa sur un fauteuil présent dans la grande pièce.
- Je suis... suis de... de retour, balbutiait-il.
- J'hallucine... pensa Zelda, je viens en aide à ce garçon.
Elle sortit d'un tiroir une fine pipette et une fiole. Elle s'approcha de son chevalier servant qui ne cessait de la regarder, une situation très embarrassante. Zelda préleva quelques gouttes du contenu de la fiole avec la pipette et plaça celle-ci au-dessus du visage de Link.
- Je vous aime tellement... Je ne peux pas...
- Silence ! Idiot !
Elle mit la tête du héros en arrière et ouvrit grand ses paupières afin de laisser couler le liquide dans son oeil. Il gémit sur le coup, Zelda répéta son action sur son autre oeil avant que Link ne s'évanouisse. Cet ensorcellement se voyait être semblable à un filtre devant les yeux. Ces quelques gouttes venaient les purifier et les nettoyer afin de supprimer tout effet négatif.
- Je te déteste, soupira la princesse qui rangea le matériel.
Elle ne l'avait jamais vu comme ça, cela ne lui ressemblait pas. On aurait dit un philtre d'amour très puissant. Cette démarche... ce comportement... et cette teinte brillante dans ses yeux...
Comme son nom l'indique Votre Altesse, cette boisson a le goût de l'amour ! Vous êtes encore un peu jeune pour boire ce genre de choses, sans vous offenser...
Du "vaï meets voï"... Décidément, qui pourrait avoir le plaisir de boire une telle chose ? Zelda resta debout, face au héros endormi. Il ne pouvait s'être infligé ça seul, premièrement car le "vaï meets voï" ne se vendait pas ici, et deuxièmement, Link l'avait déjà dit à Daruk le jour du bal, il ne buvait pas d'alcool. Peut-être qu'après leur dispute, il s'était finalement résolu à en boire ? La seule personne capable de lui donner des réponses, c'était lui... Mais après tout, pourquoi s'attardait-elle sur son cas ? Qu'est-ce qu'elle en avait à faire ?
Une chose vint perturber ses pensées, la main gauche du chevalier. En effet, celle-ci contenait des inscriptions sur sa paume. Dans quel niveau d'ivresse était-il pour s'écrire dessus ? Était-il devenu fou ? Zelda prit la main en question, l'ouvrit pleinement et vit que ces inscriptions étaient des phrases écrites à l'encre noire qui s'effaçaient déjà à cause de la moiteur de sa peau qui s'avérait être relativement douce.
Elle retourna la main de Link brusquement, ce qu'elle avait lu la tourmenta. Non, ce n'était pas lui qui avait fait tout ça, la princesse en était certaine. Désormais, elle était pleinement concernée par cette étrange histoire.
Je suis de retour.
J'ai besoin de vous.
Je l'aime tellement, je ne peux pas l'abandonner.
Signé du même symbole que Zelda ne connaissait que trop bien.
Mon Capitaine,
Je suis sincèrement désolé pour notre dernier rendez-vous, mon comportement fut inadmissible, j'en suis maintenant conscient. Je n'en ai fait qu'à ma tête, j'étais hanté par la jalousie... Sa Majesté m'a bien fait comprendre que j'étais le fautif, cela était évident, mais il m'a fallu du temps pour le comprendre, pardonnez-moi.
Il m'a conseillé de vous écrire afin de vous présenter mes excuses. Il veut, dans le même temps, que je vous dise qu'il regrette de vous avoir réprimandé au sujet de cette histoire. C'était injuste. Vous êtes très jeune pour être capitaine de garde royale, mais vous n'êtes pas arrivé jusqu'à ce grade par hasard. Lorsque la horde fut anéantie, je l'ai tout de suite compris. Mon mauvais caractère m'a envahi, je promets de ne plus vous décevoir par la suite. Je promets aussi d'exécuter vos ordres et de ne plus jamais les discuter.
Acceptez, une nouvelle fois, mes plus sincères excuses.
Messire Naël, Dirigeant de la Forteresse d'Akkala
~~~
- Je te l'avais pourtant dit ! Je te l'avais dit ! Bon sang !
- Vous m'excuserez, mais ce n'est pas dans mon habitude de faire ce genre de choses.
L'homme frappa de ses deux poings la table en bois autour de laquelle il s'était assis. Il empoigna avec fermeté une bouteille d'alcool pleine et l'exhiba vers son complice.
- Les deux ! Pourquoi est-ce que celle-ci est encore pleine ?! cria-t-il.
- Il était assez ivre comme ça !
Il se leva. Furieux, il s'approcha d'Edward qu'il plaqua contre un mur en positionnant son avant-bras perpendiculaire au torse du jeune poète. Un avant-bras qui lui paraissait d'ailleurs dur comme le fer.
- Tu es un incapable, Edward !
Le concerné fronça les sourcils face à cette affirmation. Cela ne servait à rien de répondre, cet homme masqué était bien trop supérieur à lui, dans tous les domaines. Il continua.
- Je vais devoir faire le sale boulot tout seul dans ce cas...
- Mais qu'est-ce que vous leur voulez à la fin ?! osa l'accordéoniste.
L'homme retira son emprise de son complice et recula. Celui-ci put se détacher du mur froid sur lequel il était collé.
- Tu n'es toujours pas en mesure de poser des questions, répondit l'inconnu.
Jamais Edward n'aurait cru vivre une telle situation, il se posait même des questions sur ses actes et ses décisions depuis sa rencontre avec cette personne. Pourquoi faisait-il tout ça ? Pourquoi n'aurait-il pas le droit de parler ?
- Sauf que j'en ai des tas à vous poser ! s'exclama-t-il.
- Et je n'y répondrai pas, Edward !
L'homme se rassit à la table en bois. Le poète scruta son comportement.
- Depuis le début, vous me manipuliez... commença-t-il.
Ce début de phrase fit relever la tête à l'être masqué. Edward marqua une courte pause avant de reprendre.
- Rien de tout ce que vous m'avez dit n'était vrai. Vous m'avez eu par les sentiments, par l'amour que je porte pour la Princesse Zelda...
- Tu avoueras que cela a bien marché, confirma l'inconnu.
- Vous êtes... malsain !
Sur ces mots, l'homme recula sa chaise et ouvrit un grand coffre posé au sol à proximité. Il en sortit l'accordéon du poète encore intact et le posa sur la table devant lui. Il prit sa dague dans une main et recommença à menacer d'arracher le soufflet de l'instrument.
- C'est une ruse, fit Edward.
- Tu en es sûr ? Qu'est-ce que j'en ai à faire de ton stupide accordéon ? Rien ne m'en empêche !
Le poète accourut vers la table afin de récupérer son bien précieux ; mais avant même qu'il ne puisse le toucher, l'homme plaça la pointe de sa lame sous la gorge du jeune musicien. Celui-ci s'immobilisa. Il savait pertinemment qu'il n'avait pas le choix, il ne se voyait pas vivre sans cet objet qui se faisait rare. Son accordéon se transmettait dans sa famille depuis deux siècles, il ne prendrait jamais le risque de le voir se faire détruire sous ses yeux, jamais...
Sa seule échappatoire : écouter les ordres de cet homme.
- Si vous faites ça, vous n'aurez plus aucun moyen de pression sur moi, tenta le poète.
- Ah oui ? Et qu'est-ce que tu as sous la gorge, Edward ?
- Alors pourquoi ne le cassez-vous pas ?
- Car tu seras encore plus faible que tu ne l'es ! Idiot !
Edward sentit la pointe du couteau remonter le long de son larynx et lui piquer la peau, juste sous son menton.
- J'ai une dernière mission pour toi. Après ça, je te laisserai partir. À toi de voir si ce sera avec ou sans ce vieil objet poussiéreux... fit l'homme.
Cette fois-ci, il n'aurait aucun scrupule à déchirer l'accordéon, cette ultime requête lui serait fatale, ou non. Edward, à contrecoeur, accepta très difficilement, lui qui voulait seulement reprendre sa vie normale à composer des chansons pour la cour, le roi et la princesse. L'inconnu retira délicatement sa dague de la peau du poète et commença ses explications.
~~~
Le chevalier ne pouvait être que terriblement confus de évènements récents, du moins, d'une partie. Il ne se souvenait plus du tout comment il avait atterri dans les appartements de la princesse. Pourtant, elle lui avait répété de nombreuses fois durant leur trajet jusqu'au Désert Gerudo. Mais non, rien. Ses souvenirs s'arrêtaient là où il avait commencé à boire anormalement en compagnie de ce poète corrompu. C'était l'une des seules informations que Zelda put connaître. Les deux élus s'étaient expliqués lorsque Link s'était réveillé, leur discussion fut très froide mais elle avait permis tout de même à la princesse d'avancer dans cette histoire. Le nombre de fois où Link s'était excusé pour tout ce qu'il avait dit pouvait bien se compter en milliers...
Ayant déjà bu une gorgée de cet alcool maudit, Zelda ne pouvait pas lui en vouloir, au fond. On avait dû lui faire avaler une très grande quantité pour qu'il eût fini dans cet état déplorable. Néanmoins, ce n'était pas pour autant qu'elle changerait son opinion sur le héros, elle le détestait toujours. Pourquoi une telle histoire aurait changé les choses ? Ce n'était pas la première fois que leur destin se liaient, et leur situation ne s'améliorait pas, il n'y avait pas de raisons pour que cela change. Les tensions des derniers jours s'étaient quand même un peu calmées.
Le sol sablonneux s'arrêta de trembler lorsque Vah'Naboris se coucha dans un hurlement sourd. Link et Zelda s'arrêtèrent devant la bête. Ils virent la silhouette de la suzeraine des Gerudos s'approcher d'eux.
- Tu... ferais mieux d'aller au Bazar Assek nous acheter des remèdes... fit l'Hylienne.
- D'accord, répondit simplement le héros.
À quoi bon demander à rester auprès d'elle ? Urbosa arrivait, elle avait sauvé Zelda plus d'une fois du danger qui rôdait dans la nature, et puis elle ne voulait pas de sa protection. Link ne réfléchit pas plus longtemps pour éviter une nouvelle dispute et il prit le chemin pour le bazar, zone commerciale du désert avec la cité. Une nouvelle fois, les deux amies se retrouvèrent dans la joie. Leurs territoires respectifs étaient tellement éloignés que les retrouvailles étaient à chaque fois intenses. Sans plus tarder, elles pénétrèrent à l'intérieur de Vah'Naboris.
- Je manie plutôt bien Naboris, Madame, j'ai plus de difficultés dans les virages surtout, informa la suzeraine.
- Je vais voir si je peux te faciliter la tâche.
Zelda prit sa tablette et s'approcha de la table des commandes. C'était une simple question de poids, les créatures divines avaient la capacité d'augmenter ou de diminuer leur masse au sein même des murs de la machine. Un point que la princesse avait toujours trouvé fascinant à étudier.
- Je peux diminuer le poids des pattes de Naboris. Ainsi, elle aura une meilleure maniabilité dans les virages.
- Vous m'épatez, Madame.
- Il n'y a rien de bien sorcier, tu sais.
Zelda utilisa sa tablette afin d'accéder à la partie "Masse et stabilité" de Vah'Naboris, des paramètres classés "professionnels" qui ne sont accessibles que par l'utilisation de la tablette sheikah. Voilà pourquoi les Sheikahs ne pouvaient pas toucher à ce genre de fonctionnalités. L'Hylienne diminua donc le poids des pattes de la créature sous les yeux ébahis de son amie. Un cri sourd se fit entendre, comme pour valider la modification qui venait d'être effectuée. La princesse se recula et replaça la relique sur sa ceinture. Elle expira enfin un soupir joyeux.
- Et voilà ! s'exclama-t-elle.
- Déjà ? s'étonna Urbosa.
- C'était juste une simple modification, rien d'autre.
La Gerudo vit ce timide sourire sur le visage de la fille du roi.
- Vous êtes heureuse, remarqua-t-elle.
- Je prends un certain plaisir à manipuler ces créatures légendaires, c'était mon rêve lorsque j'étais petite.
Elles se dirigèrent vers la sortie avant qu'Urbosa ne fasse une démonstration de son pilotage.
- Cela me fait plaisir de vous voir vous épanouir ainsi !
- J'y consacre du temps, je n'ai plus prié depuis... une bonne semaine. Père va être furieux...
- Votre père veut ce qu'il y a de mieux pour vous, selon lui. Mais n'oubliez pas que c'est vous qui devez vous sentir épanouie avant lui, c'est la meilleure façon de se préparer face au Fléau. C'est ce que je pense, et c'est ce que votre mère pensait aussi.
Un silence s'installa.
- Vous prierez en temps et en heures, Madame, ne vous angoissez pas pour ça, rassura la suzeraine.
Zelda s'en alla s'asseoir au pied d'une dune qui lui permettait d'être à l'ombre. D'ici, elle observerait Vah'Naboris. Elle sortit son carnet de notes pour pouvoir informer son pilote des choses à revoir et des bons réflexes adoptés. Les mouvements mécaniques des pattes semblaient déjà être opérationnels, pas de problèmes là-dessus. La princesse devait rester dans l'analyse et l'objectivité, mais elle ne put s'empêcher d'être émerveillée à la vue de cette gigantesque machine qui rôdait devant elle dans la vaste étendue du désert. Cette technologie antique était de jour en jour plus fascinante.
Elle sentit le vent chaud lui souffler au visage et vit quelques grains de sable se déplacer dans la même direction que l'air. Et soudain, c'était comme si le remède qu'elle avait avalé ne faisait plus effet d'un seul coup. Une sensation de mal-être extrême en l'espace d'une demi-seconde, le temps de faire prendre conscience à Zelda qu'elle ressentait la même chose dans ses prémonitions. Le mouvement de Naboris au loin devint moins net, plus difficile à percevoir distinctement. Que cela voulait-il dire ?
Avant même qu'elle ne soit prise par la panique, une voix vint stopper brusquement cet étrange sentiment qui n'était encore jamais apparu lorsqu'elle était éveillée et Zelda sursauta sans pour autant émettre de cri de peur, comme cela avait normalement lieu à chaque vision. Elle aperçut Link. Debout devant elle, il portait quatre remèdes contre la chaleur entre ses mains. La princesse le regarda sans dire un seul mot. Ne voulant pas déranger, le héros posa deux flacons remplis dans le sable, à ses pieds.
- Vous... vous en voulez peut-être un troisième ? Je pourrais tenir jusqu'à la fin de journée avec un seul alors... fit Link, timide.
L'Hylienne, ne sachant pas quoi dire, continua d'observer son chevalier servant poser un troisième flacon à côté des autres.
- Je ne sais pas combien de temps vous resterez dans le désert, alors je vous en ai acheté plusieurs, au cas où, continua-t-il.
Zelda voulut le remercier mais elle n'y arrivait pas, elle ne l'avait encore jamais fait. Au lieu de ça, elle se contenta de ranger les trois remèdes dans sa sacoche sans disputer le chevalier de l'avoir rejointe. C'était déjà ça... Link tendit également un petit carnet à la princesse. Intriguée, elle le prit toujours sans dire un mot.
- On m'avait chargé de le remplir, mais je crois que c'est contre vos désirs.
Zelda vit le nom du livre vierge, "Journal de suivi royal", la princesse se rappela de la réunion évoquant ce carnet et comprit.
- En effet, répondit-elle en le rangeant dans son sac.
- On... on parle beaucoup des Yigas dans les parages en ce moment... débuta Link.
Sachant où il voulait en venir, la blonde soupira profondément. Il ne se déciderait jamais à la laisser tranquille plus d'une heure, décidément... même après avoir abattu sa colère sur lui.
- Il me manque des renseignements sur Vah'Naboris, je dois aller à la Cité Gerudo ! mentit Zelda.
- Sauf tout votre respect, Votre Altesse, je crois que c'est une mauvaise idée.
- Je te demande pardon ? fit Zelda, étonnée qu'il remette en cause sa propre volonté.
- Je me dois de rester auprès de vous pour vous protéger. Je sais que cela ne vous convient pas, mais on m'a nommé pour ce rôle, je ne l'ai pas choisi.
La princesse se releva et fit face à son interlocuteur.
- Tu continues à faire l'innocent ? Après tout ce qui vient de se passer ?
- C'était un accident, on m'a dupé. C'était contre ma volonté, je m'en excuse encore...
- Je ne vois pas pourquoi Edward t'aurait fait subir de telles choses !
Elle n'avait pas révélé sa découverte après avoir endormi Link. De ce fait, elle devait faire semblant de ne pas comprendre. Zelda pensait qu'il valait mieux ne pas attirer le héros dans cette histoire, mais au fond d'elle, la princesse commençait à avoir de sérieux doutes sur le poète.
- Je ne vois qu'une seule raison, Votre Altesse, avoua Link.
La blonde jeta un rapide regard sur la machine antique que contrôlait encore Urbosa avant de clore la discussion.
- Ne t'avise pas de me suivre, ordonna Zelda sur un ton menaçant.
Elle se dirigea vers la ville tandis que Link alla retrouver la suzeraine. Arrivée à destination, elle pénétra dans la bibliothèque de la cité, une salle cachée dans les petites ruelles. L'air y était frais et les fenêtres qui se contentaient d'être de simples ouvertures rectangulaires dans le mur offraient un beau point de vue sur la place centrale agitée par le marché. Une seule personne était assise à une table, près d'une fenêtre, elle lisait un épais livre sur la technologie sheikah et les sanctuaires. D'une seconde à l'autre, Zelda le remarqua et s'approcha de la Gerudo concernée.
- Pardonnez-moi, vous êtes archéologue ? demanda la princesse.
La femme leva ses yeux noisette.
- En effet, répondit-elle d'une voix grave.
Tout à coup, elle vit la tablette sheikah, accrochée à la ceinture de l'Hylienne. Elle en fut stupéfaite.
- Mais... mais qui êtes-vous pour posséder un tel objet ?
- Je suis Zelda, la Princesse Zelda. Et je m'intéresse fortement aux sanctuaires, pensez-vous pouvoir m'éclairer sur certains points ?
- Je ne pensais pas vous rencontrer un jour... je me ferais un plaisir de répondre à vos interrogations, fit l'archéologue.
L'Hylienne s'installa face à la femme, puisqu'elle était là et qu'elle avait fui jusqu'ici, autant en profiter pour s'informer sur ce sujet.
- Dans deux jours, j'aimerais me rendre jusqu'au site historique des sept héroïnes, informa tout d'abord Zelda.
La Gerudo en face d'elle, toujours déroutée de savoir à qui elle parlait, l'écoutait attentivement.
- J'ai entendu dire qu'un sanctuaire y serait dissimulé, seulement je n'ai trouvé aucune piste dans les livres que j'ai lus sur la culture gerudo et son histoire... continua-t-elle.
La femme comprit, elle acquiesça d'un signe de tête et referma l'ouvrage devant elle afin de montrer sa couverture à la princesse.
- Voyez, ce livre contient des informations sur tous les sanctuaires du royaume...
- Les cent-vingt, je vois... marmonna Zelda.
- En effet, les cent-vingt, et effectivement, il y aurait bien eu un sanctuaire autrefois sur la zone des sept héroïnes, les déesses protectrices des gerudos. Seulement, de nos jours, il n'y est plus, mais j'ai réfléchi et vous n'êtes pas sans savoir que ces vestiges sont destinés au héros de la légende devant faire ses preuves ?
Elle ouvrit son livre vers le milieu pour y dévoiler des illustrations, des écrits sur les sept héroïnes ainsi qu'une suite de symboles en bas de page. L'archéologue visa du doigt le texte qu'elle lut à voix haute.
- Coeur, technique, endurance, savoir, envol, mouvement, grâce...
Une suite de mots qui, d'un premier abord, n'avaient pas de sens. L'histoire des Gerudos était très complexe à travers les nombreuses divinités que ce peuple priait, les différentes coutumes en fonction des périodes de l'année. Cela allait même jusqu'à un vocabulaire spécifique en fonction des heures de la journée. Toutes les Gerudos connaissaient donc l'histoire des sept héroïnes.
- Ce sont des vertus, sept vertus que les sept héroïnes se sont partagées entre elles.
N'y voyant pour le moment aucun rapport avec le sanctuaire, Zelda laissa parler la Gerudo en espérant qu'elle l'éclaire rapidement.
- "Les esprits des sept héroïnes doivent êtres guidés pour que l'accès à l'épreuve du Héros soit accordé".
- Vous... vous pensez que chaque vertu pourrait correspondre à un de ces symboles ? demanda la princesse scrutant les sept signes intrigants encore non évoqués.
- C'est une théorie. On retrouve ces symboles sur chaque statue, mais je n'ai pas encore résolu l'énigme... avoua la femme.
Heureuse d'avoir appris de nombreuses choses, Zelda remercia l'archéologue de lui avoir accordé son temps. Avant de repartir à contrecoeur, elle eut une dernière question à poser.
- Cela n'a sûrement aucun rapport mais...
Elle ouvrit sa sacoche de voyage.
- Est-ce que, par hasard...
Zelda marqua une courte pause le temps de trouver ce qu'elle cherchait. Elle termina en montrant une page de son carnet de recherche où elle avait redessiné le symbole qui la hantait depuis plusieurs jours. Celui dessiné sur la main de Link, celui gravé dans le mur du château, celui qui servait de signature sur d'étranges messages...
- Ce signe vous serait familier ? finit-elle par demander.
La femme approcha le journal de ses yeux et passa un doigt sur les traits dessinés du signe qui formait une sorte de pyramide. La Gerudo eut un léger rictus.
- Je connais ce signe, confirma-t-elle.
- Et à quoi fait-il référence ? Un peuple ? Une divinité ? Une autre vertu ?
L'archéologue fronça ses sourcils en voyant que la princesse ne savait aucunement de quoi elle parlait.
- Enfin non... C'est un symbole malheureusement bien trop connu du royaume entier.
- Qu'est-ce ?
- C'est évidemment le signe du Grand...
Un cri d'effroi se fit entendre depuis la place centrale de la cité. Un effroyable cri strident qui perça les oreilles de toute la ville. La princesse ainsi que la Gerudo jetèrent un oeil par les fenêtres de la bibliothèque. Elles virent avec stupeur un groupe de trois Yigas semer la terreur sur le lieu en question. Les passantes paniquées cherchaient toutes un moyen de se cacher de ces assassins.
- Nom d'un moldarquor ! s'écria l'archéologue.
Celle-ci ainsi que la princesse s'assirent au sol contre le mur des fenêtres. Link avait raison, les Yigas étaient d'actualité. Le sang de l'Hylienne se glaça lorsqu'elle pensa au massacre que ces monstres pouvaient faire au sein de la ville. Elle calma sa respiration avant de tenter d'écouter la scène depuis sa cachette.
- Que personne ne bouge ! hurla un Yiga, sa serpe mise en évidence.
Voyant qu'il ne se faisait pas écouter, il insista.
- Restez toutes immobiles ou nous vous tuerons une par une sans exception !
Toutes les soldates arrivèrent sur les lieux, elles réussirent à encercler le groupe d'assassins. Seulement, l'un d'eux disparut dans une fumée rouge et prit par surprise une guerrière gerudo qu'il poussa au sol. Celle-ci perdit sa lance et son visage heurta violemment le parterre en pierre.
La trentaine des femmes formées au combat s'apprêtèrent à attaquer lorsque le Yiga attrapa sa victime toujours au sol et mit sa serpe sous sa gorge.
- N'approchez pas ou elle mourra !
Toutes s'arrêtèrent en même temps.
- Mala ! s'écria une soldate.
Cette dernière ne put que gémir de peur, la lame l'empêchait de parler. Le silence régna enfin sur la place, les marchandes encore dehors étaient obligées de regarder la scène, et les soldates, lance en main, ne pouvaient pas risquer la vie de l'une d'entre elles prise en otage.
- Ne faites pas cette tête-là, ce ne sera pas long ! Enfin, si vous coopérez... fit un autre Yiga.
- On va faire les choses simplement, continua le dernier homme en rouge qui s'amusait à fendre l'air avec son arme, vous allez nous donner ce que l'on veut, et nous partirons, sinon...
Tout le monde avait compris cette horrible évidence.
- Nous nous verrons obligés de trancher la gorge de cette jolie Gerudo, qu'est-ce que vous en dites ?
La ville semblait morte, plus aucun bruit, plus aucun mouvement, en l'espace d'une minute, l'ambiance avait radicalement changé. Le trio avait bien prévu son coup, ils avaient profité de l'absence de la suzeraine pour s'infiltrer du seul côté non surveillé de la cité. Un sous-fifre yiga recula pour observer tout le monde.
- Nous recherchons la princesse d'Hyrule, nous savons qu'elle est ici !
Aucune personne ne se manifesta.
- Allez, Altesse ! Je suis sûr que vous ne voudriez pas voir cette Gerudo mourir par votre faute ! Montrez-vous !
- Si vous venez à nous, tout se passera bien pour tout le monde...
Leur voix étaient portées par un écho qui parvenait jusqu'aux oreilles de Zelda. Mala, la Gerudo prise en otage, se mit à laisser couler les larmes tellement sa peur prenait une ampleur considérable, cela brisa le coeur de ses camarades qui ne pouvaient rien faire pour elle. Un seul faux pas servirait à la tuer des mains du Yiga. Un "sacrifice pour le seigneur Ganon".
- Ce n'est pas digne d'une princesse ça, Altesse. Votre mère aurait été très déçue par votre comportement ! continua le Yiga.
Tout à coup, les deux Yigas furent poussés au sol de la même manière que pour la Gerudo. Entendant le bruit, le dernier assassin se retourna et put apercevoir Link et Urbosa. D'un geste vif et rapide, il trancha la gorge de Mala à l'aide de sa serpe et son sang gicla sur le sol. Une soldate réagit aussitôt, voyant que le héros et la suzeraine retenaient les deux autres Yigas, celle-ci accourut vers le meurtrier et elle transperça son abdomen avec sa lance. Ce dernier tomba également, hurlant de douleur avant de se taire à jamais.
Deux morts.
Les deux assassins restants disparurent sous les pieds de Link et Urbosa, leurs ricanements s'entendaient de partout. Le reste de la ville alla se cacher tandis que les soldates voulurent aider.
- Stop ! Reculez ! Nous nous en chargeons ! s'exclama Urbosa.
Le regard déterminé, le capitaine et la grande amie de Zelda se positionnèrent dos à dos et attendaient que le duo yiga les attaque.
- Reste du côté gauche, et si l'occasion se présente, n'hésite pas à les éliminer, fit Urbosa au héros derrière elle.
Le vent chaud du désert se leva, Link ferma un instant ses yeux pour éviter que les grains de sable ne s'y installent. À peine les avait-il rouverts qu'il vit une forme rouge foncer sur lui. Comprenant que c'était un des deux Yigas, il engagea un coup horizontal qui eut pour effet de repousser la lame de l'assassin. Urbosa s'occupa de l'autre qui fonçait également sur elle.
Sans lui laisser de temps de répit, le héros donna un coup en diagonal vers la gauche que le Yiga esquiva furtivement tout en continuant de ricaner. Il allait regretter de se moquer dans quelques secondes. Pris de plus en plus par la colère, Link donna un troisième coup vers l'extérieur cette fois-ci. Le Yiga s'accroupit, sa tête frôla de justesse l'épée du chevalier, il en profita pour faire trébucher Link qui plaqua ses deux mains sur le sol pour se rattraper. Le sous-fifre voulut en profiter pour lui porter un coup de serpe directement dans le crâne. Au moment où sa lame fendit l'air en direction de Link, le bouclier d'Urbosa vint s'interposer, ce qui sauva certainement la vie du héros. Ce dernier se releva sur ses deux jambes.
La suzeraine avait réussi à gérer deux ennemis en même temps. Lorsqu'elle ramena son attention sur le Yiga qu'elle combattait, celui-ci utilisait son agilité pour frapper Urbosa au visage à l'aide d'un coup de pied à la manière d'un uppercut de par un saut arrière. La Gerudo ramena le pied de l'assassin directement au sol avant qu'il ne puisse terminer son saut. Le Yiga tomba sur le dos et Urbosa voulut porter le coup de grâce mais l'adversaire roula sur le côté avant de disparaître et réapparaître dans le dos de la suzeraine. Du côté de Link, son ennemi venait de recevoir un coup dans l'épaule qui l'obligea à lâcher son arme qui tomba au sol. Le héros la poussa de son pied droit pour qu'elle soit hors de portée. Le Yiga grogna de rage et tenta un coup de poing direct que Link évita très facilement en reculant.
- Sois maudit, Héros ! fit-il, rouge de colère derrière son masque blanc.
Link dirigea la pointe de l'épée de légende vers le ventre de l'assaillant, qui sauta en arrière mais cela ne suffisait pas car le capitaine le poussa d'un coup de pied. L'assassin perdit l'équilibre sur quelques mètres et tomba contre un mur d'un bâtiment avant d'attraper une nouvelle arme beaucoup plus longue qu'une serpe : un long sabre comme les officiers yigas en possédaient.
- Approche, stupide héros ! provoqua l'homme en rouge.
Après avoir esquivé une nouvelle fois des coups tranchants, Urbosa frappa à la tête l'autre Yiga avec la poignée de son arme et enchaîna directement avec coup horizontal de son sabre. Mais celui-ci fendit seulement l'air car l'assassin avait baissé sa tête et reprit l'avantage en engageant un premier coup qu'Urbosa para, un second qu'elle contra et un troisième qui la heurta à la hanche, partie de son corps non protégé. La serpe trancha sa peau, assez pour que la coupure soit douloureuse et relativement profonde. Urbosa gémit en posant ses deux mains sur sa blessure qui se mettait à saigner. Elle lâcha son bouclier ainsi que son sabre.
- Goûte à ma lame, dit le Yiga d'un ton effrayant.
Celui-ci tenta le coup de grâce, du haut vers le bas, mais la suzeraine réussit une ultime esquive, elle bloqua le bras de son adversaire, attrapa son arme et la planta profondément dans son dos.
- Goûte à ta lame, ironisa la Gerudo avant de reposer ses mains tachées de son sang sur la coupure.
Trois morts.
- Urbosa ! cria une voix au loin.
- Madame ? Non ! Allez-vous-en !
Zelda débarqua pour venir en aide à son amie tandis que Link combattait toujours contre le dernier Yiga en vie.
- Ce n'est qu'une simple égratignure, Madame, cachez-vous ! ordonna Urbosa.
- Laisse-moi voir, je peux te soigner ! insista la princesse.
- Plus tard, Madame !
- Non, Urbosa ! Je ne peux pas te laisser...
La blonde trébucha d'un seul coup devant la Gerudo avant d'apercevoir le Yiga qui se ruait sur elle. Avant même qu'il ne puisse la blesser, l'assassin fut retenu par Link qui l'attrapa aux épaules de ses deux mains et le jeta dans la direction opposée. Il récupéra la lame purificatrice au sol et se prépara à en finir.
- Ne la touche pas, fit Link.
- Tu ne pourras pas m'en empêcher, répondit le sous-fifre.
Urbosa glissa le long d'un mur dû au fait que sa blessure lui faisait terriblement mal. Zelda accourut vers elle et arracha un morceau de drap au niveau d'une porte qu'elle disposa sur la plaie pour éviter que la suzeraine ne perde trop de sang le temps que Link termine ce qu'il avait à faire.
- Je vous ai trouvés. Les deux élus réunis devant moi ! Par Ganon, c'est un miracle !
Le héros ne lâcha pas des yeux son ennemi qui abandonna son sabre et s'éloigna chercher l'arme de son feu complice ainsi que la sienne, une serpe dans chaque main. Le Yiga ricana.
- Amusons-nous un peu, tu veux ? gloussa-t-il d'une façon malsaine.
Il bondit soudainement sur Link en portant le premier coup. Face à deux armes, l'ennemi était deux fois plus imprévisible. Par précaution, l'Hylien recula tout en contrant les attaques de l'assassin. Encaissant les coups, Link finit par riposter par surprise d'un coup vertical mais le Yiga esquiva d'un pas de côté. Celui-ci voulut trancher la tête du héros tout en préparant son autre arme au niveau des jambes du chevalier. Après avoir évité la première lame, Link écrasa de ses deux pieds le poignet du Yiga qui perdit une serpe. L'épée de légende vint éjecter la seconde lame puis, de son revers, vint entailler le bras de l'homme masqué qui hurla de douleur au sol. Link prit sa lame à deux mains et la leva pour le coup de grâce quand il se bloqua. Le Yiga ne se relevait pas, comprenant qu'il allait tuer, Link rengaina son épée.
- Va-t-en immédiatement, ordonna-t-il en l'obligeant à se relever puis en le repoussant rudement vers la sortie.
Le sous-fifre, une main sur son bras blessé, déguerpit, honteux. Urbosa n'arrivait plus à marcher seule, le mouvement de ses hanches lui faisait très mal.
- Nous allons te ramener au palais où je te soignerai, affirma Zelda.
La princesse passa son bras gauche dans le dos de la suzeraine pour l'aider à marcher.
- Link ! fit-elle.
Le héros s'empressa d'aider Zelda à faire avancer Urbosa qui boitait pour éviter un maximum la douleur. Il se positionna de l'autre côté, la Gerudo put prendre appui sur les deux élus et arriver au palais. La princesse garda une main compressant toujours le morceau de tissu imbibé de sang sur la plaie. Dans une petite pièce servant d'infirmerie près de la salle du trône, Link et Zelda firent s'asseoir le prodige sur un lit.
- Satané Yiga ! s'exclama Urbosa.
- Ça fait mal ? demanda l'Hylienne.
- À votre avis, Madame ? répondit ironiquement la suzeraine qui grimaçait de douleur.
Voyant que le tissu ne servait plus à rien, la princesse interpella Link, dans un soupir.
- Il va falloir nettoyer la blessure pour qu'elle se cicatrise sans problème d'infection par la suite. Link, il me faut de l'alcool, du tissu et une pommade cicatrisante !
- Tout de suite.
Le héros ouvrit l'unique armoire présente dans la pièce et y trouva ce qu'il voulait en fouillant. De l'alcool pour désinfecter, la pommade pour cicatriser et le tissu pour le pansement et le bandage.
- Allonge-toi, demanda Zelda.
- Vous n'auriez pas dû venir ici, Madame, j'ai eu tellement peur pour vous...
- Je vais bien. En attendant, c'est toi qui ne vas pas bien.
- Vous êtes consciente au moins que l'on vous a cherchée partout ?
Link ramena le matériel qu'il posa sur le lit et Zelda commença à nettoyer la plaie sous les yeux du héros et du prodige.
- Où avez-vous appris tout ça, Madame ? questionna Urbosa.
- J'ai passé beaucoup d'heures dans la bibliothèque. Sans vouloir t'affoler, c'est la première fois que je mets en pratique ce que j'ai lu...
La blessure commençait à piquer sous l'effet de l'alcool, Urbosa se retint difficilement de se plaindre de la douleur, l'entaille était profonde. Fort heureusement, elle n'avait touché aucun organe important. Cependant, la suzeraine garderait une belle cicatrice.
- Comment êtes-vous arrivés si vite ? demanda la princesse afin d'occuper l'esprit de son amie.
- Une Hylienne nous a prévenus, nous lui devons une fière chandelle pendant que j'y pense...
Link regardait par une fenêtre la place centrale, les deux Yigas morts avaient été évacués tandis qu'une dizaine de soldates entouraient le corps de la pauvre Mala.
- Link, appela Urbosa toujours allongée derrière lui, les Gerudos n'ont pas pour habitude d'apercevoir un voï chez elles...
Le chevalier se recula de la fenêtre.
- Il est vrai que je ne suis pas censé être ici... fit-il.
- Après ce que nous venons d'accomplir, tu as tout à fait ta place dans ma cité, je t'y autorise le passage, assura Urbosa.
Zelda haussa les sourcils, étonnée. Ce fut bien la peine de le fuir s'il avait accès à la ville...
- Évite cependant de trop te montrer, comme je te l'ai dit.
La princesse entama la dernière étape du soin de la plaie d'Urbosa. Après avoir posé du coton stérilisé sur l'endroit en question, elle noua le tout avec un bandage qui faisait le tour de la taille de son amie. Elle serra bien fort pour éviter tout risque d'infection plus tard.
- C'est fini, déclara-t-elle, essaie de te relever.
Urbosa prit appui sur le lit et s'assit au bord. Zelda aperçut l'état de ses mains, tachées par le sang de la Gerudo.
- Je ferais mieux d'aller me nettoyer... dit-elle en sortant.
Link se retrouva seul avec la blessée.
- Elle m'épate, dans ces moments-là, pas toi ?
Le héros approuva d'un geste de ses épaules ainsi qu'un hochement de tête. Urbosa l'observa, ne savant pas quoi dire.
- Oh... Link...
Il se tourna vers elle.
- Ça ne s'est toujours pas arrangé ? demanda-t-elle, désolée pour lui.
- Ça a empiré.
- C'est pour ça qu'elle est venue seule ici ?
- Oui.
La Gerudo tenta de se mettre debout, elle posa une main sur le pansement et une autre sur le bord du lit pour s'aider à se lever. Elle s'approcha ensuite de Link dont le visage se décomposait petit à petit en repensant à toute cette histoire.
- Je ne sais plus quoi faire pour me racheter, elle ne veut pas me voir.
- Je comprends que ce soit compliqué, essaie quand même de ne pas trop être dur avec elle, je ne dis pas qu'elle a raison sur tout, mais elle n'a pas la vie facile non plus, crois-moi, expliqua la suzeraine.
- Tu parles de son père ? interrogea Link.
- Il n'y a pas que ça, je ne devrais pas me mêler de tout ça, mais je suis sa plus grande amie...
Dépité, le capitaine prit l'ancienne place d'Urbosa, assis sur le lit.
- Si j'avais un conseil à te donner, Link, ce serait de lui parler en tant que toi : Link, et pas en tant que chevalier servant.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- J'entends par là que tu devrais aller la voir sans ton épée de légende, sans devoir de protection qui passe avant tout. Elle a l'impression d'être faible, ce qu'elle est face au danger extérieur.
- Elle ne veut plus me parler, tout le problème est là, Urbosa, dit Link.
Cette dernière soupira.
- Tout le monde dit que l'on se ressemble... continua-t-il.
- Et tu n'as jamais pensé que si tout le monde le dit, c'est qu'il y a une part de vérité ?
- Ce n'est pas ma manière de voir les choses.
- J'ai dit une part, Link. J'irai lui parler, ce soir. Je pense que cette attaque surprise des Yigas peut lui faire prendre conscience de certaines choses.
Zelda réapparut subitement dans la pièce.
- Urbosa ? Tu arrives à te mettre debout ? C'est une bonne chose, dit-elle.
La concernée ainsi que le héros ne disaient plus rien, ils la regardaient.
- Quoi ? demanda Zelda.
La suzeraine rit en assurant qu'il n'y avait rien.
En fin de compte, peut-être qu'ils se sont bien trouvés, tous les deux.
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Azur". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.