Breath of the Wild : La grande histoire de la Princesse d'Hyrule
Chapitres 1 à 7 • Chapitres 8 à 11 • Chapitres 12 à 15 • Chapitres 16 à 19 • Chapitres 20 à 23 • Chapitres 24 à 26 • Chapitres 27 à 29 • Chapitres 30 à 32 • Chapitres 33 à 35 • Chapitre 36 à 38 • Chapitre 39 à 40
Chapitre 8 : Orgueil et bravoure
Chapitre 9 : Sagesse et bienveillance
Chapitre 10 : Liens
Chapitre 11 : Prémonition
Nda : Si vous avez lu l'avant-propos, vous savez que les souvenirs du jeu allaient être gardés à l'identique, seulement, ce chapitre est le premier à contenir un souvenir et ce ne sera pas le cas pour lui et tous les autres, finalement, ils seront modifiés à la façon de l'auteur pour apporter de la nouveauté. J'espère que cela ne vous dérangera pas.
Bonne lecture ^^
Le chemin passant par la plaine de Célès ainsi que le pont de Tabanta était le plus rapide afin d'accéder au village Piaf fondé autour d'une immense colonne de pierre à l'allure d'un perchoir. Le doux vent qui passait dans la région vint caresser la crinière des chevaux de l'escorte ainsi que celui de Zelda vêtue de sa tenue de voyage bleue. Ils venaient de s'engager sur le grand pont de Tabanta, un édifice terrifiant lorsque l'on savait qu'il était fait entièrement de bois et que le canyon à son dessous descendait à plusieurs mètres de profondeur. Des bruits étranges se faisaient entendre au fond de la grande faille. Les deux gardes et la princesse durent traverser en file indienne afin de ne pas prendre le risque de tomber.
- Heureusement que je ne crains pas le vide, s'exclama Zelda en regardant en bas.
Cela n'avait pas l'air d'être le cas pour ses deux compagnons de route qui, sous leur armure de soldat, semblaient n'avoir qu'une seule envie : regagner l'autre côté du canyon. La grande tour de pierre des piafs se fit apercevoir à leur droite.
- Le village est là-bas, Votre Altesse, informa le garde derrière Zelda.
- Pour quand devons-être au village de Tabanta ? demanda-t-elle.
- Son chef nous attend pour vingt heures, répondit l'autre garde.
Ils atteignirent enfin le bout du grand pont lorsque la princesse aperçut la zone d'Oriolo. Elle évoqua alors les cratères qui se dissimulaient derrière la colline. Ils s'avéraient être un site de recherches très intéressant. De plus, les Confins de Tabanta étaient la seule région qui présentait des cratères d'une telle ampleur, ce qui intriguait Zelda sur leur origine mystérieuse. Les deux chevaliers se mirent à soupirer lorsqu'ils aperçurent un autre pont étroit qu'était celui de Xaff. Dans le ciel, des Piafs volaient avec grâce et élégance. Un représentant du village attendait la princesse à l'autre bout du pont, une lance tenue par son aile droite.
- Mes salutations Votre Altesse, je me nomme Moba, je vais vous conduire jusqu'à notre chef, déclara le Piaf.
- Merci Moba, répondit Zelda, les mains sur les rennes de l'harnachement de son cheval.
Le garde Piaf conduisit la princesse jusqu'à l'entrée du village, une chaleureuse ambiance s'en dégageait. Tout était très paisible.
- Je vais garder vos montures, elles seront en sécurité, rajouta Moba.
- Vous êtes bien aimable, merci.
Zelda descendit de son cheval blanc ainsi que ses gardes. Après avoir traversé trois îlots sortant du lac Pipiaf, le coeur du village était accessible, tout en hauteur. Le chef devait sûrement se trouver à l'étage le plus élevé. La princesse escalada les marches en bois suivie des chevaliers. Les enfants du village semblaient intrigués de voir une nouvelle tête chez eux, Zelda leur souriait gentiment. Ici, la blonde ne ressentit aucun jugement de la part des habitants, les Piafs se contentaient de lui souhaiter la bienvenue. C'était un peuple bienveillant et cela réjouissait la princesse.
Le jeune chef Kaï attendait Zelda au sommet du village. C'était un sage hibou de vingt ans.
- Bonjour Votre Altesse, j'attendais votre venue, démarra Kaï.
- Bonjour, je suis ici au nom de la famille royale, continua Zelda qui venait d'arriver.
Elle aperçut sur l'autre rive du lac qui s'étendait sous leurs pieds, Vah'Medoh, au sol, à côté d'un site nommé les soeurs de pierre.
- La créature divine se porte-t-elle bien ? questionna Zelda.
Kaï se retourna en observant que la princesse regardait par-dessus son épaule.
- Les Sheikahs qui travaillent dessus ont réussi à la faire voler une fois, un vrai exploit !
Le chef du village était fier de la créature de son peuple, le fait qu'elle ne présentait au premier abord aucun problème technique majeur le soulageait, tout comme la princesse.
- C'est pour cela que venez, n'est-ce pas Altesse ?
- Effectivement oui. Vous le savez sûrement, mais quelqu'un doit piloter cette machine, un prodige, assura Zelda.
Kaï rit.
- Il doit bien y avoir plusieurs dizaines de Piafs qui pourraient se prétendre prodiges ! Mais si c'est l'un des nôtres qui doit affronter Ganon à vos côtés avec Vah'Medoh, il n'y a qu'une seule personne pour ça !
- J'aimerais lui parler si cela ne vous dérange pas.
Le jeune hibou s'approcha de la barrière qui entourait sa hutte et leva les yeux au ciel, il pointa du doigt un Piaf qui y volait.
- C'est lui, là-bas, comme chaque après-midi, il fait un petit vol avant d'aller s'entraîner à la zone d'exercice. Revali ! cria Kaï afin d'appeler le concerné.
Revali tourna la tête vers son chef en bas, il opta pour un sourire narquois et descendit à toute vitesse, son arc de l'aigle sur le dos. Il atterrit fièrement derrière la princesse.
- Tiens, en voilà une surprise... La Princesse d'Hyrule en personne qui nous rend visite ! dit-il.
- Bonjour Revali, je suis venue pour te parler, informa Zelda qui espérait une réponse positive à sa demande imminente.
Le guerrier piaf haussa les sourcils, la princesse était venue... pour lui ?
- Ah ! Vous êtes venue voir le plus grand guerrier de la tribu piaf, je suis flatté Altesse, ricana-t-il.
Il s'avança vers Kaï et attrapa un chiffon posé sur un petit meuble derrière le chef. Il prit son arc en main et le nettoya afin d'en faire ressortir son éclat le plus brillant devant la famille royale d'Hyrule.
- Son Altesse est venue pour demander tes services mon Revali, ajouta Kaï qui observait la scène.
- J'imagine que tu as déjà entendu parler du Grand Fléau... continua Zelda qui entrait dans le vif du sujet.
Revali cessa de frotter son arc lorsqu'il entendit cette phrase, un sourire se dessina sur son visage.
- Vous avez fait le bon choix, Altesse. Combattre Ganon ne me posera aucun problème, je le terrasserai dignement ! s'exclama-t-il.
Zelda prit un air confus, visiblement, Revali n'avait pas très bien compris.
- Je crois que tu as mal compris, je cherche des personnes aux talents exceptionnels qui contrôleront les créatures divines et épauleront le héros. Nous appelons ces gens les Prodiges, expliqua la princesse, j'ai pensé que tu pouvais en être un...
Revali, surpris, jeta son regard sur Vah'Medoh au loin. Il hoqueta un gloussement s'apparentant à de la déception.
- Pourquoi me limiter à piloter une machine lorsque je peux directement faire disparaître le Fléau ?
- C'est-à-dire que...
Zelda serra les poings et continua.
- C'est que c'est à l'élu détenant la lame purificatrice que convient ce rôle...
- La lame purificatrice n'est-ce pas ? Cette... épée... je vois... une simple épée...
Kaï comprit le fond des pensées de Revali.
- Écoute-moi Revali, tu ne peux pas refuser de donner ton aide à Hyrule, c'est le royaume entier qui est en danger ! reprit-il.
- Je ne veux pas qu'épauler un simple chevalier muni d'une épée alors que mes compétences sont bien plus utiles !
Zelda comprit que le Piaf allait refuser, mais il ne fallait pas, la survie d'Hyrule était en jeu, elle continua dans le sens de Kaï.
- Il est de notre devoir de protéger tous les êtres qui vivent sur ces terres de l'emprise du Fléau... ajouta alors la princesse dans l'espoir qu'il change d'avis.
Revali fut surpris de ces propos, pour lui, les Hyliens ne se contentaient que de leur sort. Il était, malgré lui, d'accord avec la blonde, il soupira en regardant de nouveau la créature divine.
- Je dois réfléchir. Je vous donnerai ma réponse demain... répondit-il désespérément.
- Je te remercie de bien vouloir étudier la question, finit alors Zelda.
Cela réjouissait Kaï que Revali allait potentiellement devenir un prodige, un champion représentant son peuple. Le guerrier s'envola pour la zone d'exercice sans dire un mot, tel était son caractère...
~~~
Le reste de l'après-midi, la princesse expliqua en quoi consistait pleinement le rôle de prodige au chef du village. Elle fit le tour des lieux et étudia quelques temps le sanctuaire qui s'y trouvait, l'heure pour elle et ses gardes de rejoindre la famille de Tabanta approchait. Kaï l'accompagna jusqu'à l'entrée de son village, les chevaux attendaient là auprès de Moba.
- Vous savez Votre Altesse, Revali est un peu capricieux, mais il vous sera d'une grande aide, il acceptera de vous rejoindre... avoua Kaï.
- Je l'espère, répondit Zelda, je l'espère sincèrement.
- Il commence à se faire tard, vous devriez y aller, vous êtes sûr de ne pas vouloir rester ici pour la nuit ?
- C'est gentil, mais nous avons déjà prévenu Tabanta de notre venue, je serai de retour demain pour la confirmation de Revali.
Kaï acquiesça et la princesse et ses gardes grimpèrent sur leur cheval, en route pour le village de Tabanta, dans la région d'Hébra. Elle enfila son manteau tenant chaud et se mit en route, remerciant encore une fois Kaï pour son agréable accueil. La route vers Hébra enfin visible, les gardes burent tous les deux la moitié d'un remède augmentant leur résistance au froid, les deux chevaliers frissonnèrent simultanément, la substance venait de faire effet.
- Content que mon mélange ait fonctionné ! affirma Zelda, le sourire au coin des lèvres.
Le garde en avant regarda celui en arrière.
- C'est vous qui avez préparé cela, Votre Altesse ? demanda-t-il avec étonnement.
- J'ai simplement mis en pratique mes connaissances à ce sujet, vous savez, les cuisines royales ne sont pas inaccessibles. Estimez-vous heureux que quelqu'un ait pensé à vous... répondit Zelda, amusée.
En effet, la princesse avait préparé ces deux fioles de potion la veille et en plaça une dans le sac de voyage de chaque garde. Ils étaient étonnés, ils pensaient que c'était une tâche dont Son Altesse ne s'occupait pas.
- Les effets se dissiperont lorsque nous atteindront le village, espérons qu'ils vous auront prévu des vêtements chauds pour la nuit, rajouta Zelda.
Cette préoccupation de la jeune fille envers son escorte surprenait celle-ci. Une princesse qui se souciait de ses gardes, ça ne courait pas les rues. Les chevaliers se devaient de garder leur armure, cela était obligatoire, comme ils devaient surveiller la chambre de la princesse durant la nuit glaciale, le froid pouvait les rattraper très rapidement.
Le village de Tabanta était très petit mais très accueillant, la lune venait d'apparaître dans le ciel noir dans la nuit débutante. La neige tombait presque constamment dans la région et le vent sifflait. Le chemin principal traversait le village, il était éclairé à l'aide de torches. La neige était ramenée sur les bords du chemin par les habitants. Une fois arrivés entre ces petites maisonnettes, la princesse aperçut une silhouette de femme se rapprocher. Soudain, deux autres ombres apparurent à leur tour. Il était trois, le manque de lumière n'aidait pas à distinguer qui c'était. La femme aux cheveux bruns s'arrêta devant Zelda, elle s'inclina.
- Bonsoir, Votre Altesse, je suis Maëlle, gérante des lieux, bienvenue au village de Tabanta. Nous vous avons préparé notre meilleure chambre, veuillez bien nous suivre.
Les deux autres personnes à ses côtés s'avéraient être un enfant ainsi qu'un homme, sûrement le mari et le fils. L'homme s'approcha des chevaux.
- Bonjour Votre Altesse, je suis Daniel. Je vais les emmener à notre écurie, renseigna-t-il.
- Merci beaucoup, remercia chaleureusement Zelda.
Elle descendit de sa monture et attrapa son sac de voyage suivie de ses gardes. Maëlle et l'enfant la dirigèrent vers une belle maison en bois isolée, la gérante ouvrit la porte.
- Voilà votre chambre, j'espère qu'il ne vous manquera rien.
La princesse entra et vit une belle pièce décorée avec un grand lit.
- C'est convivial, je vous remercie Maëlle ! affirma Zelda qui observait les murs.
- J'y ai passé toute la journée, déclara la femme, je suis heureuse que cela vous plaise.
- Oh, mais il ne fallait pas vous donner tant de mal...
Maëlle lui sourit.
- On ne nous avait pas menti, vous êtes d'une grande humilité, Votre Altesse. Voulez-vous dîner avec nous ce soir, afin d'avoir un peu de compagnie ?
- J'en serai ravie.
- Bien, nous habitons dans le chalet le plus proche, le repas sera prêt dans quelques minutes, informa la brune. A tout de suite.
Elle s'en alla rejoindre son domicile avec le petit garçon. Les gardes se postèrent devant la porte de la chambre de Zelda. Celle-ci ferma la porte et put écouter le calme qui sillonnait les murs, seul le bruit du vent qui zigzaguait entre les montagnes d'Hébra se faisait entendre. Elle posa ses affaires près de son lit et s'assit sur le matelas moelleux. En ouvrant son sac, elle prit une petite statuette de bois en forme d'oiseau sculptée par un enfant piaf durant l'après-midi. Il la lui offrit en remerciement d'être venue jusqu'à leur village. Cela paraissait à présent évident pour Zelda, les gens de cette contrée étaient d'une extrême gentillesse. Les gens de la cour ne l'était pas tous, leur statut social leur montait à la tête.
La blonde trouva ce geste si généreux de la part du petit Piaf que cela la touchait profondément. "C'est pour vous Votre Altesse !" avait-il dit avec gentillesse, comme il était attendrissant... Elle se décida de rajouter cette sculpture miniature à la décoration de ses appartements dès son retour.
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- C'est un honneur de vous avoir avec nous, Votre Altesse.
À table, Maëlle venait de servir le dîner. Une table fut dressée pour l'occasion. Le petit garçon venait de s'installer ainsi que Daniel. Les deux gardes avaient eu l'autorisation de manger avec eux sous l'insistance de Zelda. Effectivement, la situation au château n'était pas la même. Manger à la table de la princesse était extrêmement rare pour des gardes. Mais ici, aucune règle de ce genre ne s'appliquait. Néanmoins, par égard pour Zelda pensaient-ils, les deux gardes restèrent silencieux. Tous commencèrent à manger lorsque la princesse débuta une conversation afin de remplir le silence qui s'installait.
- Votre région est très belle, j'y mène quelques études sur sa faune très particulière, affirma la princesse, c'est très intéressant.
- Vous menez des études sur Hébra ? Génial, répondit Daniel.
- En effet, j'aurais voulu rester plus longtemps afin de les étoffer, mais je n'ai pas le temps malheureusement, il faut absolument que je vienne à bout de ma mission, la survie du royaume en dépend.
- Vous parlez des Créatures Divines ? J'en ai entendu parler, lorsque nous sommes allés à la citadelle il y a quelques années, ajouta Maëlle, de vrais colosses paraît-il...
- Il nous faut des personnes pour les piloter, alors nous recrutons les meilleurs.
- Maman, je peux en reprendre ? demanda le petit garçon en montrant le plat encore chaud.
- Tu n'as même pas fini ta première assiette, ne mange pas trop vite si tu ne veux pas être malade ! répondit sa mère.
Zelda eut une impression de déjà-vu. Les propos de Maëlle lui rappelaient quelqu'un, une situation qui étrangement lui était familière. Elle fit abstraction.
- C'est votre fils ? reprit la princesse.
- Oui, c'est Arthur, enfin c'est l'un de nos deux fils, répondit Daniel, en fait...
Il semblait alors gêné à l'évocation de son deuxième fils, mais il continua tout de même.
- L'autre suit la formation de chevalier au château, mais, il n'est pas du genre à donner beaucoup de nouvelles...
- Cela fait quatre ans que nous ne l'avons pas vu, il avait la vingtaine lorsqu'il est parti... poursuivit Maëlle.
- Je suis navrée, vous n'avez pas eu l'occasion d'aller le voir ? s'interrogea Zelda.
- Il est introuvable, nous nous inquiétons beaucoup pour Brad...
- Si par hasard je le croise, je vous en informerai, répondit la princesse de bon coeur.
La petite famille paraissait triste de ne plus le voir, la princesse eut de la peine. Pour elle, ne pas donner de nouvelles depuis quatre années était assez osé.
- Parlons d'autre chose Votre Altesse, ne vous tracassez pas avec nos problèmes, désirez-vous que je vous resserve ? demanda Maëlle.
- Merci, c'était délicieux mais je n'ai pas un très grand estomac...
Quelques minutes plus tard, Zelda rejoignit sa chambre, sa journée l'avait épuisée. La réponse de Revali la tracassait un peu, s'il s'avérait qu'il refuse, qui pourrait piloter Vah'Medoh ? La princesse n'en avait aucune idée et ce fut dans l'incertitude qu'elle s'endormit.
Le lendemain, en arrivant à la zone d'exercice au vol, un lieu enneigé où s'entraînait Revali, Zelda et son escorte arrivèrent de bon matin, le soleil était là, mais le froid également. Les gardes avaient bu le reste de leur remède pour ce matin et la princesse portait son manteau blanc en laine. Ils aperçurent Revali s'envoler par le biais de courants ascendants qu'il avait lui-même provoqués. Le guerrier n'étant pas au village, on avait dit à Zelda qu'il se trouvait sûrement ici. Sa technique était impressionnante. C'était en descendant de son cheval que Zelda le vit s'écraser au sol, elle fut surprise et se demanda si tout allait bien. La princesse s'approcha donc lentement quand il prit la parole soudainement.
- Tiens ? On dirait que j'ai de la visite ! Je ne m'y attendais pas... ironisa-t-il le dos tourné à la princesse en se relevant.
- On m'a dit au village que je te trouverai ici, répondit la princesse, je suis venue pour...
Revali comprit de suite la raison de sa visite. Il se figea quelques secondes puis se retourna enfin vers Zelda et l'interrompit.
- Je sais très bien que vous n'êtes pas là pour admirer ma performance, Altesse.
- Je...
- Pourtant, vous devriez. Je suis l'archer le plus performant du royaume ! Et vous êtes d'accord pour dire qu'une compétence aussi bien maîtrisée avec moi ne doit pas se contenter d'être mise en arrière-plan... vous voyez ce que je veux dire ?
La princesse cernait de plus en plus le caractère de Revali, peut-être avait-il réfléchi. Il restait néanmoins assez orgueilleux... Et cela risquait de lui jouer de mauvais tours un jour ou l'autre. Tout à coup, Revali se retourna, s'accroupit et invoqua une tornade. Il s'envola avec aisance et rejoignit les cieux. Cette fois-ci, la princesse ne l'avait encore jamais vu voler si haut. Il se laissa planer quelques secondes et sortit son arc de l'aigle en plongeant vers le sol neigeux. Trois flèches explosives vinrent se décocher en même temps de son arme et toutes les trois allèrent se déposer dans une cible de la zone d'exercice, c'était un sans faute. Zelda fut admirative, cela la rassurait de voir que Revali était bel et bien à la hauteur. Mais il n'en avait pas fini. Une fois arrivé au sol, il provoqua de nouveau des courants qui le firent remonter une nouvelle fois au ciel. Ce fut un véritable feu d'artifice dans les yeux de la jeune fille, presque toutes les cibles placées au préalable dans la zone furent explosées par les flèches du guerrier. Il finit alors par se poser sur la barrière d'un ponton un peu plus loin, Zelda alla le rejoindre.
- Laissez-moi deviner. Vous voulez que je vous donne ma réponse ?
Revali ricana en remarquant que c'était le cas.
- Vous n'attendez que ça... Après tout, on me propose d'utiliser mes talents pour quelque chose d'autre que la survie de mon village... Quelque chose qui vise plus haut, n'est-ce pas ?
Le Piaf descendit de la barrière sur laquelle il était posé.
- Ce serait idiot de refuser...
Le soulagement de Zelda apparut sur son visage. Elle posa une main contre sa poitrine en signe de remerciement.
- Je te remercie, Revali. Dans la bataille qui nous attend, des talents tels que les tiens seront...
- Mais je vous préviens... coupa le guerrier.
Décidément, ce Piaf avait le don d'interrompre les phrases des gens...
- Vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous si vous vous rendez compte qu'il valait mieux que ce soit moi qui terrasse le Fléau... ce qui arrivera...
Revali prit son air fier et son regard perçant. Ce Piaf était prétentieux, certes, mais très doué.
Zelda lui fut tout de même reconnaissante.
- Alors dites-moi, quand serai-je reconnu comme Prodige ?
- Mon père, le roi d'Hyrule, t'a convié à une cérémonie d'intronisation ainsi qu'à venir passer un séjour au château dans une semaine afin de pouvoir établir de bons rapports entre tous les autres prodiges... et nous... les élus...
Le coeur de Zelda se serra en partageant ces paroles. Cela ne passa pas inaperçu aux yeux du Piaf. Celui-ci rejoignit la princesse et la pria de s'assoir au sol avec lui, sur un rocher.
- Vous ne l'aimez pas, n'est-ce pas, Altesse ?
- Non, c'est juste que... c'est compliqué.
- Je vais vous dire une bonne chose, lorsque l'on ne s'entend pas avec quelqu'un, c'est qu'on ne s'entend pas avec lui point final ! Mieux vaut ne pas essayer de changer sa première impression, ça pourrait faire des étincelles, en tout cas, c'est ce que je me dis... avoua Revali en plaçant ses mains derrière son dos.
La princesse ne répondit pas à ce sujet, une personne avec qui elle ne s'entend pas... Comment pouvait-elle le savoir après tout ? Il ne lui avait encore jamais parlé... Mais Revali semblait totalement comprendre que Link n'était pas très apprécié, ce qui, d'un côté, le réjouissait et lui laissait carte blanche pour s'en prendre à lui.
- Je serai là pour la cérémonie. Vous pouvez compter sur moi. Néanmoins, j'espère que les autres pilotes seront à ma hauteur... reprit le guerrier piaf.
Revali reprit son arc en main puis leva les yeux vers la princesse.
- Vous voulez essayer ? questionna-t-il.
Essayer ? De tirer à l'arc ?
- C'est gentil, mais je n'ai pas le temps, je dois rejoindre l'est alors...
- Même pas une simple petite flèche explosive ?
Pourquoi insistait-il autant ? Zelda ne savait pas si c'était juste pour essayer, comme il disait, ou alors s'il avait une autre idée derrière la tête...
- Je n'ai jamais utilisé d'arme... informa l'Hylienne, pourquoi me le proposes-tu à moi ?
- Je suis sûr que vous vous débrouillerez...
Décidément, elle ne comprenait vraiment pas...
- Allez, Altesse, ça ne doit pas être toujours très amusant vos devoirs de princesse d'Hyrule, si ? Voyez ça comme un cadeau de ma part envers vous, pour vous remercier de m'avoir choisi. Car je vous épaterai !
Vu dans ce sens et voyant le Piaf insister, Zelda jeta un oeil vers ses gardes. Si elle acceptait de tirer une flèche, ils allaient voir leur princesse tirer à l'arc... quelle drôle de scène tout de même...
- Laissez tomber. Je ne vais pas vous forcer... reprit Revali.
- Une seule alors, je dois me rendre au plus vite chez Daruk...
Le Piaf en fut très heureux, mais... pourquoi ?
- Vous avez fait le bon choix, Altesse.
Revali lui tendit son arc de l'aigle ainsi qu'une flèche explosive. Jamais la princesse n'avait tenu ce genre d'objet dans ses mains, qu'était-elle en train de faire ?!
Zelda se releva, plaça la flèche convenablement, et s'apprêta à bander l'arc.
- Plus bas votre main, vous aurez plus de facilité à viser, expliqua le guerrier.
La princesse s'exécuta, elle essaya alors de viser une des cibles encore présentes sur la zone d'exercice. Le Piaf, les mains dans le dos, observait Zelda fermant un oeil.
- Visez... et... tirez !
La blonde lâcha subitement la corde de l'arc et la flèche fusa en sifflant l'air jusqu'à atteindre de simples rochers. Une vive explosion eut lieu.
- Je te l'ai dit, je ne suis pas faite pour ce genre d'activités... soupira Zelda.
- C'est simplement une question de progression. Vous voulez retenter ?
- Il... il vaudrait mieux que j'y aille... fit la princesse.
Qu'allait penser son père s'il la voyait ? Il la penserait sûrement indigne... Ce n'était pas ce qu'une princesse se devait de faire ! Bon sang, qu'est-ce qu'il lui avait passé par la tête pour accepter ? Revali, déjà heureux qu'elle s'était prêtée au jeu, n'insista pas. Zelda le remercia une nouvelle fois pour son implication et ne perdit pas de temps, elle le salua. Décidément, ce Piaf avait beau être prétentieux, il n'avait pas l'air si méchant pour autant...
Il fallait à présent rejoindre l'est, la Montagne de la Mort. Le trajet sera long, mais elle et ses gardes devraient y être pour la fin d'après-midi. Zelda regagna les chevaux en arrière tandis que Revali disparut dans les cieux. Elle monta sur son cheval.
- Merci de ne raconter à personne ce que vous venez de voir, déclara Zelda à son escorte, allons-y.
Ils se mirent immédiatement en route.
~~~
En fin d'après-midi, ils dépassèrent le relais du pied de la montagne, ils y déposèrent leurs chevaux en raison d'un terrain beaucoup trop abrupte pour eux jusqu'au village Goron. La princesse en profita pour sortir des remèdes ignifus de son sac. Trois en tout.
- Prenez ça si vous ne voulez pas vous embraser, dit-elle d'un air amusé à ses deux camarades de route, toujours aussi étonnés.
Les gardes s'exécutèrent et le groupe s'avança dans les terres enflammées en direction du village Goron.
Les paysages rouges et rocailleux effrayaient les deux chevaliers. De la lave dans chaque recoin et des pierres instables qui pouvaient les faire chuter en un instant. La protection de la princesse n'était pas très impressionnante mais la jeune fille trouvait ça amusant bien que les monstres se faisaient de plus en plus nombreux dans les parages.
Le village Goron enfin atteint, Zelda aperçut Vah'Rudania sur la face nord du volcan. La machine ne bougeait pas, inactive. Rudania était la créature préférée de la princesse. Au fond du village, Daruk mangeait un gigot de caillasse dans sa grotte creusée dans la pierre, comme à son habitude. Les Gorons travaillaient de partout. Ils saluèrent Zelda qui se dirigeait vers le chef du village, le futur prodige.
- Princesse ? déclara Daruk avec surprise.
- Bonjour Daruk, répondit Zelda.
- Ça alors, je suis content de vous voir ! Vous avez bien grandi depuis le temps !
Le Goron posa son repas et se leva.
- Soyez la bienvenue au village goron, Princesse !
- Merci beaucoup. Je suis venue pour te parler.
Daruk vit que le sujet de conversation devait être sérieux au visage de la jeune fille.
- Avec plaisir, je suis à vous ! Oh ! Mais j'en oublie les bonnes manières, venez vous assoir !
Zelda prit place aux côtés de Daruk sur un grand banc métallique.
- C'est au sujet de la créature divine. T'a-t-on déjà dit à quoi sert-elle ? demanda la princesse.
- J'en ai entendu parler ouais, c'est une sorte de machine de guerre, c'est ça ?
- En effet, elle nous servira de renfort contre le Fléau.
- Ah, ce satané Ganon ! Je vois.
- J'aurai besoin de ton aide Daruk. À vrai dire, le royaume entier a besoin de toi.
Daruk ne comprenait pas où Zelda voulait en venir, il se gratta l'arrière de la tête.
- De moi ?
- J'aimerais que tu pilotes Vah'Rudania, j'aimerais que tu nous rejoignes dans la bataille, affirma la princesse.
Le Goron n'eut pas besoin de réfléchir plus longtemps, son grand coeur parla.
- Pas de problème, Princesse, je serai heureux de vous être utile.
- Merci beaucoup Daruk, tes talents seront très efficaces, je te le promets.
Le chef remarqua la joie de la princesse, apparemment, cela lui tenait beaucoup à coeur.
- Content que vous soyez heureuse, après tout, pourquoi refuserais-je ?
- Tu seras nommé prodige comme les autres pilotes dans une semaine au château, lui apprit Zelda, tu y séjourneras.
- Prodige ? Ah ! Ça me plaît bien ! Oh, mais dites-moi Princesse, vous avez pas trop chaud ?
- Nous avons bu un remède alors...
- Oh ! Vous embêtez pas ! Descendons la montagne ! La chaleur s'y fera moins forte !
Daruk se leva et Zelda dut le suivre. La princesse appréciait sa gentillesse, le Goron semblait vraiment rempli de bienveillance. Un peu plus tard, en début de soirée, Zelda et Daruk atteignirent le pied de la Montagne de la Mort suivis de l'escorte en arrière. Le Goron et la princesse rigolaient et cela détendait la blonde qui put penser un peu à autre chose.
- Tenez ! Ça vous dirait pas un repas au coin du feu au relais ce soir ? J'ai cru comprendre que vous en avez pour une nuit ici avant de rejoindre le Domaine Zora, alors si ça vous tente... proposa Daruk.
Zelda sourit.
- J'en serais enchantée, Daruk.
Le Goron sourit alors en retour.
- Oh, et ne vous inquiétez pas pour les autres pilotes, je suis sûr qu'ils accepteront ! En tout cas pour moi, il n'y a pas à s'en faire, je serai ravi de pouvoir vous aider !
- Merci beaucoup Daruk, remercia une nouvelle fois Zelda.
Le relais n'était plus très loin, Daruk regarda les rochers au loin.
- Vous m'avez l'air souriante, Princesse ! C'est grâce à moi ?
- Disons que Revali n'a pas accepté avec autant d'enthousiasme que toi.
- Ah bon ? Bah pourtant je vois pas ce qu'il y a de dérangeant à porter son aide au royaume... En plus, ici, il y a de plus en plus de monstres...
Il jeta un regard derrière lui vers les deux gardes un peu fébriles.
- Si j'étais vous Princesse, j'emmènerais une escorte plus impressionnante quand je m'aventure hors de l'enceinte du château.
Zelda jeta également un regard sur les chevaliers, cela lui rappela quelque chose.
- Cela sera réglé bientôt, je devrais avoir un chevalier servant...
- Ça vous plaît pas ?
- Ça me donne juste l'impression d'être très précieuse... et je n'aime pas ce genre de ressenti.
- Mais, vous êtes la Princesse, c'est pour ça, non ?
- Oui... ce chevalier sera sûrement quelqu'un d'aussi talentueux que toi pour assurer ma protection seul...
La princesse n'était pas pour cette idée d'avoir un chevalier qui la suivrait partout. Mais c'était une décision formelle de son père, alors aucune opposition n'était la bienvenue. La princesse rappela à Daruk quelqu'un.
- Ah ? C'est sûrement mon p'tit gars alors !
Soudain, il s'interrompit, le groupe s'arrêta net en percevant des bruits étranges.
- Hein ? C'est quoi ça ? déclara Daruk.
Cela ressemblait à des sons d'animaux, de chair déchiquetée... Daruk pensa immédiatement à des monstres, assoiffés de sang.
- En parlant de monstres... ils me fatiguent tous ! Allez ! Au boulot ! continua-t-il.
L'escorte se mobilisa et sortit ses armes en accourant vers Zelda pour assurer sa protection. Le Goron, lui, fonça vers le rocher qui cachait ses ennemis et attrapa son arme colossale. Il prit de l'élan et engagea un cri démontrant sa force considérable. Cependant, il arrêta net son geste et stoppa toutes sortes d'hurlements de sa part. Le Goron sembla soudainement désemparé.
- Ha ! Regardez-les déguerpir ! J'ai même pas eu besoin de faire quoi que se soit ! dit-il en posant son arme son épaule, l'air inquiet.
Zelda et les gardes le rattrapèrent.
- Daruk... Je ne vois pas de monstres... fit Zelda.
- Ils... ils sont partis ! répondit-il.
Il s'éloignait petit à petit du rocher en question, comme pour fuir quelque chose. Jamais la princesse n'avait encore vu le Goron dans un état pareil. Zelda tourna la tête et aperçut un chien mort de peur derrière le rocher. La jeune fille s'approcha et s'accroupit pour accueillir l'animal effrayé.
- Viens là, l'incita-t-elle gentiment.
Le chien se redressa sur ses pattes en remarquant Zelda, il conclut qu'il n'y avait plus aucun danger. Tout à coup, il sauta dans les bras de la princesse qui riait de la folie de la bête à lui lécher le visage et à aboyer en guise de remerciements.
- C'était lui que les monstres attaquait, il mangeait tranquillement lorsque...
La blonde se retourna vers Daruk, elle fut étonnée de le voir apeuré. Le Goron tremblait face au dynamisme du chien en face de lui. Lorsque celui-ci aboya, il bondit de peur et son bouclier protecteur apparut autour de lui. Zelda s'inquiéta un instant en voyant Daruk dans cette posture pour le moins surprenante pour un dur comme lui.
- Que se passe-t-il Daruk ? demanda la princesse.
Zelda prit le chien de ses bras et se releva pour aller voir le Goron.
- Ah ! Non ! Laissez cet animal loin de moi, Princesse ! s'emporta-t-il.
Le chien redescendit sur le sol et s'en alla en avant.
- Il... il est parti ? balbutia le chef goron.
- Euh, oui, répondit Zelda.
Daruk soupira.
- Je suis désolé, Princesse. Je vous ai menti, il n'y avait pas de monstres... C'est juste que ces animaux me fichent la chair de poule...
Le Goron, honteux, se fit petit.
- Tu as peur des chiens ? s'étonna la princesse.
- C'est pas très impressionnant, n'est-ce pas ?
Mais l'Hylienne était compréhensive, tout le monde avait le droit à ses peurs, pourquoi se moquerait-elle de lui ?
- Il n'y a pas de mal, Daruk. Je ne le dirai pas, c'est promis !
- Dites-moi, Princesse...
- Oui ?
- Le Fléau Ganon c'est pas... c'est pas un monstre en forme de chien au moins ?
Ganon ? Un chien ? Pourquoi pas, mais cela laissait Zelda assez perplexe. Elle fut surprise de cette question. Ses grands yeux ronds fixèrent ceux de Daruk pendant quelques secondes, la princesse se retenait de rire. Mais cela ne put durer plus longtemps, et Daruk, confus, se joignit à elle. Bien qu'il était un peu gêné.
Le crépuscule arriva et le relais du pied de la Montagne était calme, seuls quelques voyageurs venaient passer leur nuit. L'escorte de Zelda alla s'assoir à l'intérieur tandis que Daruk et la princesse étaient dehors autour d'une marmite sur le feu contenant un gigot de caillasse. C'était une ambiance très agréable, l'air pur devenait frais et la douce odeur des aliments cuits sillonnait les alentours.
- J'ai encore oublié les bonnes manières, déclara Daruk en tendant le gigot à la princesse, tenez, c'est pour vous, c'est un vrai régal.
Zelda fut surprise, ce n'était pas dans ses habitudes de manger de la pierre...
- Oh, c'est... c'est original... répondit-elle.
- Il y a pas meilleur, vous pouvez me croire !
- Je... Merci beaucoup Daruk, la princesse prit le gigot mais le regarda étrangement, elle ne pouvait pas manger ça...
Daruk comprit la situation embarrassante dans laquelle il avait mis la jeune fille.
- Vous en faites pas, Princesse, vous êtes pas obligée de le manger, je comprends, rassura le Goron.
- Je suis désolée... Merci quand même, mais je peux essayer de goûter, c'est la moindre des choses...
Daruk lui sourit, elle fit une grimace lorsqu'elle voulut faire plaisir au Goron et essaya de croquer dans cette étrange nourriture. Cela le touchait, mais il remarqua sa difficulté, il récupéra le gigot et le reposa sur le feu. Il les préférait encore plus cuits.
- Vous ratez quelque chose, Princesse ! En tout cas, j'ai connu des Hyliens qui aimaient bien ça ! Ah ! Sacré p'tit gars... Ça fait bien longtemps que je l'ai pas vu... Mais, comme c'est aussi un Prodige, je le reverrai bientôt ! C'est ça ?
Un silence s'installa autour du feu, Daruk remarqua que la princesse semblait embêtée.
- J'ai dit quelque chose de mal, Princesse ?
Zelda releva les yeux sur le Goron.
- Non, non tout va bien. Seulement... Je trouve ce garçon assez neutre...
- Oh, Link ? Pourtant il est très gentil je trouve...
- Les seules fois où je l'ai croisé... j'avais... comme l'impression qu'il m'ignorait, qu'il me méprisait...
- Le p'tit gars parle pas beaucoup c'est vrai, mais vous inquiétez pas pour ça, il est peut-être un peu timide au premier abord mais, il reste pas muet pour toujours.
Zelda resta douteuse tout de même. Simplement lui dire bonjour, ce n'était pourtant pas si compliqué ? Pourtant le héros restait dans le silence... Daruk prit en compte le malaise de la princesse, il en était conscient.
- Vous savez Princesse... commença-t-il avec incertitude.
Zelda ne fit que relever son regard vers le sien. Le Goron continua dans sa lancée.
- Je sais ce que vous avez dû endurer dans le passé. Je veux pas vous rappelez ces mauvais souvenirs mais sachez que... si... un jour, vous... vous avez besoin de parler, et que je suis pas loin... je serai toujours à votre écoute...
Daruk n'avait pas l'habitude de parler ainsi, mais cela était une partie de sa personnalité qu'il ne dévoilait que très rarement. Cela réconforta un peu Zelda qui le remercia. Le dîner se termina calmement dans une ambiance pesante que Daruk essayait de dissiper en racontant des anecdotes de sa vie de Goron. Il confirma sa présence lors de la cérémonie et rejoignit son village. Zelda dormit au relais qui avait aménagé un lit isolé afin de préserver l'intimité de la princesse. Les deux gardes n'allaient pas dormir de la nuit pour assurer sa sécurité.
Lorsque l'aube débuta, ils se mirent en route pour aller rencontrer Mipha, la princesse zora.
- Père aura besoin d'y réfléchir, je le connais.
Mipha s'avança au bord de la cascade de Sera qui coulait dans un sourd bruit d'eau sous ses pieds. Elle observait le Domaine Zora en contrebas, sa lance dans la main droite. Elle portait une corde jaune enroulée sur ses épaules ainsi qu'un collier d'opale autour du cou. La teinte rouge de sa peau faisait ressortir les bijoux qu'elle avait sur le crâne, les hanches et les poignets.
- Penses-tu qu'il acceptera ta présence à nos côtés ? demanda Zelda, debout à côté de la Zora.
- Si telle est ma décision, il ne s'y opposera pas, je crois.
Zelda leva les yeux vers l'horizon.
- Nous aurons besoin de tes pouvoirs pour faire face au Fléau. Ton don de guérison pourrait nous être très utile, essaya de convaincre l'Hylienne.
Une interrogation vint à l'esprit de Mipha
- Votre Altesse, qui seront mes compagnons prodiges ? demanda-t-elle.
- Le goron Daruk, le piaf Revali, la suzeraine des Gerudos, Urbosa, et enfin...
Sa voix faiblit en volume, la princesse s'entremêla les mains et rabaissa le regard, les yeux plissés, elle sembla continuer à contrecoeur la fin de sa phrase.
- Le détenteur de l'épée de légende...
Le regard de Mipha semblait fuir soudainement.
- J'aimerais beaucoup vous rejoindre. Seulement, je ne peux pas... Mon... mon petit frère a besoin de moi...
Elle s'avança à l'extrême bord du haut de la cascade sous le regard de Zelda. En bas, dans l'étang où se déposait la chute d'eau, elle observa son domaine.
- Il n'a que vingt petites années, avoua la Zora, il est si jeune...
La princesse hylienne s'avança au même niveau que Mipha. En la voyant, elle se rappela que les Hyliens grandissaient beaucoup plus vite que les Zoras.
- Quatre ans, je veux dire, enfin, à peu près.
- Je comprends, Mipha.
- Je déteste mettre les gens dans l'embarras, mais je m'inquiète pour mon petit frère.
Tout à coup, de petits pas furent perceptibles derrière les princesses, c'était justement le petit prince zora qui venait voir sa soeur. Mais depuis combien de temps était-il ici ? À son regard, il avait tout entendu.
- Oh... Sidon... fit Mipha en allant le prendre dans ses bras.
- Tu pars...
- Non, Sidon. Je ne veux pas te laisser seul.
Les yeux du prince coulèrent.
- Je vais me débrouiller...
- Enfin, petit frère... comment...
- Si. Pars. Tu as le droit. Je ne t'en voudrais pas.
Mipha soupira profondément. Elle relâcha l'emprise qu'elle avait sur Sidon et lui prit les avant-bras.
- Dans ce cas, il faudra que tu sois fort, dit-elle tristement, tu comprends, petit frère ?
- Aussi fort qu'un lithorok ! s'écria le frère avant de divulguer l'éclat de ses dents à sa soeur.
La scène qui se déroulait devant les yeux de Zelda la toucha.
- S'il devait m'arriver quelque chose... commença Mipha.
Le petit Zora ne voulait pas penser à de telles choses, son attention était focalisée sur les paroles de Mipha.
- ... Et puis non, il ne m'arrivera rien...
La soeur s'en voulut de lui avoir fait penser à ce genre de situation, elle se reprit en changeant de sujet.
- Alors ? As-tu déjà remonté une cascade seul ?
Sidon ressortit un de ses plus beaux sourires et cela fit rire la Zora. Leur amour fraternel était si fort. Le frère sentit la présence de la princesse à côté d'eux, il se retourna vers elle et la dévisagea.
- Je te présente la Princesse Zelda, c'est pour l'aider elle et ses amis que je pars, informa Mipha.
L'Hylienne répondit par un grand sourire rassurant.
~~~
Un peu plus tard dans la journée, au Domaine Zora, Zelda remerciait encore une fois Mipha pour sa contribution à la bataille et lui partagea sa hâte de la revoir lors de la journée de la cérémonie d'intronisation. En réalité, la princesse hylienne voyait que la Zora semblait perturbée par quelque chose lorsqu'elle lui parlait des autres Prodiges. L'escorte attentait la blonde au niveau du grand pont qui menait au domaine. Son cheval blanc l'attendait. Il était temps de repartir si elle ne voulait pas que la nuit les rattrape.
- Nous repartons pour le château, demain, je partirai pour le Désert Gerudo avec des préposées pour une visite princière chez la suzeraine gerudo, rappela la princesse.
Les choses étaient claires, organisées et prévues à l'avance. Son dernier voyage ne devait pas prendre plus d'une demi-journée. Ce soir-là, elle pouvait enfin dormir dans sa propre chambre.
En arrivant dans la plaine d'Hyrule, au crépuscule, le château était enfin visible, juste en face des trois cavaliers. En arrivant, Zelda allait devoir informer son père des réponses des trois Prodiges, puis elle irait voir Impa dans le seul but d'avoir un peu de compagnie autre que deux gardes qui ne prononçaient pas un mot. La princesse leur fit remarquer.
- Vous êtes bien silencieux comme gardes...
Les deux hommes se regardèrent, intrigués par les pensées de leur princesse.
- Vous savez, j'ai toujours été ouverte à la discussion... continua-t-elle.
Aucune réponse ne vint contrer le silence qui succédait ses paroles.
- En tout cas, merci de m'avoir escortée, j'ai pu voyager en toute... sécurité, soupira-t-elle.
Elle hésita sur ce dernier mot en repensant à ce que Daruk lui avait dit, "une escorte plus impressionnante". C'était vrai que ces deux garçons avaient l'air plus peureux que vaillants, cela laissait sourire Zelda.
- Nous n'avons fait que notre devoir, Votre Altesse. répondit enfin un des deux gardes.
- Dans ce cas, merci d'avoir fait votre devoir ! termina l'Hylienne.
L'enceinte du château enfin atteinte vers vingt heures trente et les chevaux rentrés aux écuries royales, Zelda put se balader sans protection nécessaire, son père l'attendait avec impatience dans la salle du trône. Elle s'y dirigea dans la foulée. Le roi était là, debout en haut des escaliers qui longeaient chaque côté de la grande salle ronde. Des gardes royaux commençaient leurs nuits de surveillance dans chaque coin de la pièce.
- Ma fille ! Vous voilà enfin rentrée ! s'exclama-t-il.
- Bonsoir, Père... répondit-elle timidement.
- Eh bien, qu'en est-il des futurs Prodiges ?
La princesse posa une main contre sa poitrine en repensant à leur courageuse décision de la rejoindre au coeur de la bataille finale.
- Revali, Daruk et Mipha ont accepté le titre, affirma Zelda.
- Bien. Vous prendrez la route demain pour la Cité Gerudo, nous avons reçu la visite de deux soldates de la cité, elles tiennent à vous escorter, vous et deux servantes.
Zelda acquiesça.
- En attendant, pour le reste de la soirée, tâchez de ne pas perdre votre temps, consacrez-vous à la prière ! ajouta-t-il froidement en se retournant.
- Père, attendez ! fit la blonde.
Le concerné reprit sa posture antérieure.
- Je pensais... que l'on aurait pu... dîner ensemble, ce soir... s'interrogea la princesse.
Cela faisait plusieurs jours qu'un dîner entre le roi et sa fille n'avait pas eu lieu, Zelda avait fini par s'y habituer et par apprécier ces moments. Cela lui permettait de passer un peu de temps avec son père qu'elle ne voyait que très rarement durant la journée. De plus, elle savait que ces repas avaient une importance également pour lui. Mais malheureusement, elle sentait qu'en ce moment, il y en avait de moins en moins.
- Votre méditation est plus importante ! déclara-t-il en sortant définitivement de la pièce par une porte arrière.
Cela attristait grandement Zelda. Elle se dirigea vers le bureau d'Impa, les yeux rivés au sol. La Sheikah, était bel et bien dans son lieu de travail. Les fenêtres de la pièce laissaient passer une douce lumière orangée du coucher de soleil, cela donnait une ambiance très chaleureuse et spirituelle au lieu. Impa buvait son lait chaud du soir en scrutant des papiers officiels posé sur son bureau. On frappa doucement à la porte. La Sheikah leva les yeux et laissa entrer la princesse.
- Bonjour Dame Impa.
- Oh ! Princesse ! Comment s'est déroulé votre voyage ?
- Très bien, trois des Prodiges ont accepté, c'est... formidable, dit Zelda en s'approchant du bureau.
Impa voyait qu'elle restait debout. En effet celle-ci observait les papiers du magistrat, comment pouvait-elle s'y retrouver là-dedans ? La Sheikah la pria de s'assoir sur une chaise face à elle.
- Que faites-vous ? demanda Zelda.
- Je... je remplis des papiers pour... le conseil qui aura lieu demain !
La princesse se pencha sur le bureau et scruta les feuilles qui y étaient posées.
- Ces papiers datent d'il y a dix ans... Vous n'étiez pas magistrat à l'époque ?
- Non.
Impa changea soudainement de sujet.
- Vous désirez quelque chose, Princesse ?
Zelda fronça les sourcils en pensant à ce qu'elle allait lui demander. Elle se redressa.
- Pru'ha est au château, n'est-ce pas ?
- Dans son étude, oui ! répondit Impa.
Celle-ci comprit les intentions de l'Hylienne qui ne répondit rien sur le moment.
- Je n'ai plus le droit de vous en parler ici, Princesse... Et je doute que votre père serait très heureux de vous trouver avec ma soeur dans un lieu d'étude des reliques à cette heure-ci...
La princesse, fâchée, croisa les bras afin de le faire remarquer à son interlocutrice.
- Il faudra bien que j'étudie la tablette un jour ou l'autre, pour les créatures divines ! Je suis la mieux informée à leur sujet ! s'exclama-telle.
- Je ne vais pas vous interdire l'accès aux appartements de Pru'ha, mais je vous déconseille de...
- Pru'ha a-t-elle fait une découverte ? interrompit la princesse.
Impa soupira.
- Princesse, je vous déconseille vivement de...
- Merci beaucoup, Dame Impa !
Zelda sortit immédiatement du bureau de la Sheikah, malgré son silence au sujet des reliques, elle se doutait bien qu'elle avait manqué quelque chose durant son absence. Elle arriva rapidement dans le quartier de Pru'ha, un endroit où les Gardiens en réanimation étaient d'un nombre abondant. Elle rentra de ce pas dans l'étude de la scientifique qui sursauta sur le coup.
- Par Hylia ! Votre Altesse ! Plus jamais ça ! s'écria Pru'ha.
- Quelle est cette découverte ? s'empressa de demander la blonde.
Elle s'approcha de la tablette sheikah posée sur une table aux côtés de la Sheikah. Pru'ha l'attrapa entre ses mains et l'alluma.
- Ne bougez pas, déclara-t-elle.
La princesse, dans l'incompréhension, s'arrêta et observa son associée tendre de ses deux bras, la tablette dans sa direction, le dos de la relique vers elle.
- Faites-moi un joli ouistiti ! rit-elle joyeusement.
Un étrange bruit se fit entendre.
- Pru'ha, que se passe-t-il ? demanda Zelda.
- Venez voir !
La princesse s'approcha et se vit sur l'écran de la tablette.
- C'est... c'est moi ?! s'exclama-t-elle
- Cela s'appelle une photo, Votre Altesse. Elle fige une image dans la vie réelle ! Ce n'est pas incroyable comme technologie ?
Zelda comprit aussitôt.
- C'est un module...
- Ça s'appelle l'appareil photo !
La blonde prit la tablette dans ses mains, scrutant la photo avec attention.
- Je suis... subjuguée... marmonna-t-elle.
Pru'ha se déplaça de l'autre côté de la pièce, elle avait amené la pierre guide, elle fit quelques manipulations et appela la princesse pour qu'elle la rejoigne.
- J'ai une dernière petite surprise pour vous, révéla-t-elle.
Elle reprit la tablette et la posa délicatement sur la pierre guide, précisément à l'endroit où le signe sheikah était gravé. Soudain, sous leurs yeux, une timide réaction apparut entre la tablette et la pierre guide.
- Je pense que la tablette permet d'activer la pierre guide, Votre Altesse...
Zelda resta sans voix.
- La clé... pensa-t-elle.
Quelques minutes plus tard, après s'être entretenue avec Pru'ha, la princesse repartit pour la cathédrale dans l'obscurité de la nuit, elle partait une énième fois prier pour deux bonnes heures. Seulement, elle ne vit point qu'une étrange silhouette l'épiait derrière un mur.
~~~
Le lendemain, après une soirée de prière vaine, Zelda, accompagnée des deux soldates gerudos ainsi que deux femmes chargées d'être à ses côtés lors de la visite chez les Gerudos, avait emporté sa tenue royale avec elle : sa robe couleur bleu marine. Les chevaux ne pouvant pas se déplacer convenablement dans le désert et le relais du canyon étant fermé exceptionnellement, toutes les cinq devaient faire le voyage à pied jusqu'à la cité. Elles venaient d'atteindre la forêt du géant et se dirigeaient vers le sud.
- Nous arriverons en fin de journée, notre traversée du désert risque de se faire rude ! déclara une des deux Gerudos prénommée Mala.
- Je nous ai préparé des remèdes contre la chaleur ce matin en vitesse, rassura Zelda.
- Je parlais des monstres, Altesse, ils se font de plus en plus nombreux en ce moment.
Cela inquiétait la princesse, pas parce qu'elle se sentait en danger, mais parce que cela pouvait s'apparenter à un signe du retour de Ganon. Une fois l'amphithéâtre passé vers midi, le groupe fit un petit détour au relais de l'orée de la plaine afin d'y manger quelque chose. Elles repartirent en début d'après-midi en prenant la route du pont suspendu de Digdo. Le fait que Zelda allait revoir sa chère amie Urbosa qu'elle n'avait pas vue depuis quelques mois l'avait fait complètement oublier l'endroit où elle et ses compagnes de route passaient.
Dans le canyon... ce canyon...
L'entrée du désert apparut au loin, ainsi que le relais du canyon, le sanctuaire, et... ce site de fouille... Soudain, Zelda fut prise de vertiges en revoyant ce lieu. D'horribles souvenirs lui revenaient en même temps dans son esprit. Elle rabattit ses paupières quelques secondes et se secoua la tête afin de passer à autre chose mais rien à faire, ces pensées la hantaient...
- Quelque chose ne va pas, Votre Altesse ?
Mala remarqua l'étrange comportement de Zelda, elle s'approcha de la princesse et lui prit l'avant-bras comme pour la retenir de tomber au sol. L'Hylienne regarda la Gerudo d'un regard neutre et vide.
- Vous avez déjà trop chaud ? ajouta Mala, vous voulez faire une pause ?
- Non ! Pas de pause ! s'emporta Zelda dans un mouvement de recul.
Un long silence s'abattit, le groupe s'arrêta net. Hors de question de s'arrêter dans un endroit pareil, il fallait partir d'ici au plus vite ! Elle se reprit et rassura ses compagnons de route. Elles purent enfin entamer la dernière partie du voyage, l'aride désert, dernier obstacle avant la Cité des femmes. Les premiers pieds dans le sable, Zelda se sentit étrangement beaucoup plus à l'aise. L'après-midi se terminait mais la température ne baissait pas encore considérablement, la chaleur se faisait intense. Elle fouilla alors dans son sac qu'une des Gerudos portait pour elle. Elle sortit trois remèdes contre la chaleur, et les trois Hyliennes les burent. Une sensation de fraîcheur se propagea dans le corps de Zelda, ses pieds qu'elle avait retirés de ses bottes et plongés dans le sable semblaient marcher dans une mer glaciale durant quelques secondes.
- Le Bazar Assek n'est plus très loin, vous pourrez vous vêtir de votre tenue princière là-bas, Altesse ! informa Mala.
Soudain, une masse vint cacher les derniers rayons de soleil qui plongeait dans le visage de la princesse. Quelque chose sauta brusquement en l'air vers le groupe dans un bruit menaçant.
- Un lézalfos ! déclara l'autre Gerudo.
Les deux gardes frappèrent de leur lance le monstre avant même qu'il ne soit retombé sur le sol sablonneux. Mala, avec le lourd manche de son arme donna un violent coup sur sa nuque qui se brisa sous le choc. La Gerudo ne tua pas cette infâme créature d'une manière plus sanguinaire devant les yeux de la princesse.
- Qu'est-ce que j'avais dit... Le désert en est infesté ces temps-ci... termina la Gerudo en reprenant la route.
Une journée s'apprêtait une nouvelle fois à s'achever, le groupe arriva devant la Cité Gerudo dont les commerces commençaient à fermer peu à peu. Derrière la ville, Vah'Naboris était couchée dans le sable, désactivée. La chaleur se faisait moins pesante depuis le bazar. Zelda put se vêtir de sa tenue royale sans inconfort.
- Nous y voilà. Le dernier Prodige... chuchota la princesse.
Contrairement à ses autres voyages, son angoisse était plus faible, Urbosa était avant tout une de ses plus grandes amies, il était évident qu'elle allait accepter. Les gardiennes des portes saluèrent la princesse et ses suivantes qui, elles, étaient habillées de la même manière. Zelda pénétra dans l'enceinte de la cité et arriva dans le palais royal. Urbosa était assise sur son trône entourée de soldates. Une intrigante relique était disposée à côté d'elle : le masque du tonnerre, objet ancestral du peuple gerudo.
- Soyez la bienvenue à la Cité Gerudo, Princesse d'Hyrule ! déclara Urbosa en apercevant sa jeune amie arriver.
La suzeraine la trouvait magnifique dans cette tenue, mais elle devait rester dans son rôle de reine malgré elle. Comme elle avait envie de la prendre dans ses bras après trois longs mois... Zelda esquissa un petit sourire dans le coin de ses lèvres lorsqu'elle vit la Gerudo l'accueillir.
- Merci à vous, Dame Urbosa, répondit-elle.
Cela ne leur ressemblait pas de parler ainsi entre elles. Cela leur faisait ressentir un drôle de sentiment, comme si elles ne se connaissaient pas.
- Je ne vais guère vous faire attendre plus longtemps, j'accepte de vous rejoindre, affirma Urbosa sans hésitation. Le peuple gerudo ayant un lien avec le Fléau, je le mènerai avec vous à sa perte.
Les regards se tournèrent vers le précieux masque, à la droite de la suzeraine. Celle-ci continua ses paroles.
- Le gang des Yigas s'agite de plus en plus ces temps-ci. Je ne veux pas leur donner raison.
- Sa Majesté le Roi d'Hyrule vous en sait gré, Dame Urbosa, suzeraine des Gerudos, soyez remerciée... répondit Zelda avant de s'incliner, elle et ses suivantes, en signe de gratitude.
La réponse officielle venait d'être donnée, Urbosa regarda ses gardes, tout le monde présent dans la salle, et se leva.
- Bien, j'aimerais m'entretenir seule avec Son Altesse Zelda, déclara-t-elle.
Les gardes disposèrent, ainsi que le reste des personnes. La princesse ancra ses yeux dans ceux de sa grande amie.
- Cessons ces officialités, venez par là, Madame ! affirma-t-elle de vive joie.
Elle prit Zelda dans ses bras quelques secondes.
- Quelle joie de vous revoir, Madame, vous m'avez tellement manqué !
- Vous m'avez aussi manqué, Urbosa.
L'Hylienne se sentait plus rassurée une fois leur rôle laissé tomber.
- Je vous trouve sublime dans cette robe, Madame.
- Merci beaucoup, c'est ma tenue officielle, même si je me sens plus à l'aise dans mes vêtements de voyage.
- Ne vous en faites pas, vous pourrez vous changer à l'étage. Nous organisons une fête ce soir, désirez-vous rester ?
- Avec plaisir, Urbosa !
La Gerudo déposa ses mains sur ses hanches.
- Alors ? Comment allez-vous, depuis trois mois ? demanda-t-elle.
- Fatiguée du voyage, mais heureuse de vous revoir ! répondit Zelda.
- Votre père fait des siennes, n'est-ce pas ?
Étonnée par ce que la suzeraine venait de dire, la princesse haussa les sourcils. Parlait-elle réellement du roi d'Hyrule ?
- Urbosa... non, ce n'est pas convenable de parler ainsi dans son dos. Je m'en voudrais trop.
- Vous venez quand même de confirmer qu'il faisait des siennes !
Les amies discutèrent bien cinq minutes de plus, ce qui détendit Zelda. Elles étaient heureuses de se revoir, comme à chaque fois que l'Hylienne visitait la cité. Sur la place principale, des Gerudos installèrent une grande table. Une fois Zelda changée, elle et Urbosa débarquèrent sur les lieux. Des musiciennes commencèrent à jouer un morceau sur une estrade montée sous les grands palmiers et l'ambiance se fit beaucoup plus accueillante.
- Oh ! Venez voir ça Madame ! s'exclama la suzeraine en se dirigeant vers le buffet, tirant légèrement son amie par le bras.
- Bonsoir, Suzeraine Urbosa, déclara la Gerudo derrière la table garnie de nourriture en tout genre.
La Gerudo la salua à son tour et chercha un aliment particulier sur la table.
- Vous devez absolument goûter... ceci ! dit-elle en attrapant un morceau de melon glagla coupé en lamelles.
- C'est un melon ? demanda Zelda.
- Exactement, ils poussent beaucoup dans le désert, vous allez adorer.
Urbosa rêvait de faire goûter à la princesse les spécialités de son peuple. Zelda n'avoua point qu'elle en avait déjà mangé au château. Après s'être régalée avec cette proposition, Zelda remarqua une boisson qui l'intriguait à l'autre bout de la longue table.
- Je peux goûter ce cocktail ?
- C'est du "Vaï meets voï", Madame, ça a un goût... spécial...
- Comme son nom l'indique Votre Altesse, cette boisson a le goût de l'amour ! Vous êtes encore un peu jeune pour boire ce genre de choses, sans vous offenser, informa la gérante du buffet.
Urbosa ricana, sous l'incompréhension de Zelda.
- Elle a raison, Madame. Une fois goûté, vous ne pouvez plus vous en passer, à boire avec modération...
- Je vois... répondit la princesse.
- Suivez-moi, la bijouterie diffuse sa nouvelle collection !
Urbosa se laissait de plus en plus porter par l'ambiance de la fête, la princesse en oublia presque la raison officielle de sa venue. Elle était surprise de remarquer cette bonne humeur soudaine que dégageait son amie.
- Elles sont magnifiques... déclara Zelda en observant toutes les pierres précieuses.
- Certaines renfermeraient même des pouvoirs... comme des remèdes ! ajouta Urbosa.
La princesse vit son attention captée par une bague.
- C'est de l'ambre ?
- Oui, ma pierre préférée, répondit Urbosa.
- J'aime beaucoup sa couleur aussi.
- C'est une pierre à graver. La bijoutière grave votre prénom dessus, et on dit qu'avec elle sur vous, il ne peut rien vous arriver, informa la Gerudo.
L'éclat de l'ambre se reflétait distinctement dans les yeux de Zelda. Son amie, pour qui rien ne lui échappait, voulut faire plaisir à l'Hylienne.
- Vous en voulez une, Madame ?
L'Hylienne, confuse, refusa poliment.
- Oh, non. Je ne peux pas accepter un tel cadeau, Urbosa.
- Pourquoi pas ? C'est une amie qui vous l'offre !
- Je te suis très reconnaissante, mais personne ne m'a encore fait un tel présent...
- Je trouve que vous le méritez, avoua la Gerudo.
- Non, je ne crois pas. Je ne saurais comment vous remercier si me faisiez un si beau cadeau.
- Bien. Mais vous ne vous en sortirez pas comme ça, Madame ! fit Urbosa, amusée.
Tout à coup, des Gerudos se mirent à danser lorsque la musique changea. La suzeraine ne passa pas à côté.
- Vous voulez danser, Madame ? demanda-t-elle.
- Oh... je ne sais pas danser, et je m'y sens observée... refusa Zelda.
- Comme vous voudrez, elles ont néanmoins l'air de s'amuser, c'est le principal.
La princesse observa tout ce monde et cette bonne humeur dans l'air frais qui s'installait dans le désert.
- Je n'ai jamais vraiment pris le temps pour des festivités de ce genre, tu sais, au château, ce sont des soirées très traditionnelles et très organisées...
La suzeraine comprit ce que voulait dire l'Hylienne soudainement devenue un peu tendue.
- Vous n'êtes pas à la cour ici, Madame, les Gerudos sont très ouvertes d'esprit. Le but de ces soirées sont d'oublier quelques heures la hiérarchie. Chacune danse, mange, et discute avec tout le monde.
Zelda répondit par un silence de réflexion. En effet, la relation qu'avait Urbosa depuis le début de la soirée avec les Gerudos était très particulière et différente de celle que connaissait Zelda avec son peuple.
- En parlant de manger, vous devriez avoir faim... installons-nous !
Urbosa emmena son amie vers deux places de libre autour d'une table. Effectivement, la suzeraine n'avait pas de place attitrée, elle s'installait où bon lui semblait. Une fois assises avec d'autres femmes, la Gerudo tendit une petite bouteille rose à la blonde.
- Tenez, goûtez-moi ça, déclara-t-elle.
Sur le moment, la princesse s'exécuta et versa un peu du liquide scintillant dans son verre. Lorsque la boisson atteignit ses lèvres, celle-ci fut surprise de l'intensité de cette substance, des frissons se propagèrent dans son corps à une forte vitesse, et son coeur eut la sensation de se soulever, elle reposa brusquement son verre et avala rapidement.
- Urbosa ! Qu'est-ce que...
La Gerudo riait aux éclats, Zelda venait de comprendre son stratagème.
- Du "Vaï meets voï" ? Tu m'as fais boire du "Vaï meets voï" ?
- Eh bien ? Vous ne trouvez pas ça bon ? Je vous avez dit que c'était particulier !
- Je croyais être trop jeune pour...
- Allons, Madame, il n'y a rien d'alarmant non plus !
Urbosa ne pouvait s'empêcher de continuer à rire. Zelda finit par se prendre au jeu bien qu'elle fut très surprise. Le grain de folie d'Urbosa de ce soir-là était nouveau aux yeux de la princesse.
~~~
Les étoiles commencèrent à apparaître lorsque la princesse et son amie décidèrent d'entamer une balade nocturne dans le sable fin du désert. La musique de la fête s'entendait en fond. Deux passants marchaient en sens inverse.
- C'était vraiment très bon Urbosa, vos spécialités sont délicieuses, dit Zelda.
- Ah ! Je savais que notre cocktail vous plaisait !
- Bon, il est vrai que cette boisson n'est pas mauvaise... avoua la princesse.
Le rire communicatif d'Urbosa résonna alors avec celui de l'Hylienne.
- Vous avez le goût de la fête, dans le désert ! fit-elle remarquer.
- C'est important pour nous.
- Je suis désolée de ne pas avoir voulu danser. Je n'ai jamais été habituée à ça. Parfois, face à de telles festivités avec ce rôle de princesse sur les épaules, je me sens...
Zelda chercha ses mots. Elle répondit dans un soupir.
- Je me sens prisonnière. Je ne m'ouvre pas à la nouveauté, j'ai été éduquée au milieu de stupides traditions sociales qui m'empêchent de vivre.
- Allons, Madame, ne vous rabaissez pas ainsi. Il y a un début à tout, vous savez.
La discussion prenait de plus en plus de place sur la promenade, si bien que les deux amies ralentir le pas pour mieux s'écouter.
- J'aimerais avoir le même état d'esprit que toi, Urbosa. C'est vrai, sur ton trône, tu étais tellement digne, et pendant la fête, tu étais comme passée sous un autre angle pour toutes ces femmes... Jamais je ne t'avais vue ainsi ! expliqua Zelda en regardant le sable.
- Vous ne m'aviez jamais vue aussi digne ? Pour ma part, je ne pourrais pas en dire autant... répondit la Gerudo en regardant Zelda.
Elle se remémora alors de vieux souvenirs.
- Je me souviens de vous il y a dix ans, Madame.
- Urbosa ? Je trouve quelque chose étrange... Tu m'appelles toujours "Madame" en ce moment...
La suzeraine avait cessé de suivre son amie, elle s'était arrêtée. Zelda se retourna en voyant que personne n'était à ses côtés.
- Dites-moi, vous deux, vous partez ? Vous en êtes sûrs ? s'exclama Urbosa en posant sa main sur le manche de son arme qu'elle portait.
Les deux passants, maintenant derrière elle, se retournèrent.
- Cessez votre petit jeu, rajouta-t-elle.
Dans l'incompréhension, les deux hommes se regardèrent quand Urbosa dégaina son cimeterre des sept joyaux.
- Je vous attends, dit-elle simplement.
Le comportement des hommes intrigua soudainement Zelda lorsqu'elle les vit se retourner, dos à elle et Urbosa. Un lent bruit de métal se fit entendre comme un couteau que l'on aiguisait. Tout à coup, après un ricanement bien connu de la princesse, ils foncèrent droit sur Urbosa, une serpe coupe-gorge à la main, leur identité de Yiga était révélée.
Un des assassins porta le premier coup qui fut contré par la lame de la suzeraine, les suivants furent également vains pour le Yiga qui hoquetait des gémissements de colère. Soudainement, il s'élança d'un saut furtif sur la Gerudo qui repoussa le deuxième Yiga derrière elle avant d'utiliser son robuste bouclier pour projeter son premier adversaire en arrière par la puissance du coup de sa serpe. Sans interruption, Urbosa frappa du manche de son arme l'abdomen de l'homme en rouge et l'attrapa par les épaules. L'autre Yiga resta au sol, se plaignant de douleurs. La Gerudo emporta son ennemi jusque contre le mur de la cité à quelques mètres de là et le plaqua violemment contre celui-ci. Elle plaça sa lame sous sa gorge. Le Yiga déglutit de peur.
- La princesse d'Hyrule vous regarde, je ne verserai pas ton sang ! Mais la prochaine fois que vous revenez dans le coin, je ne me priverai pas ! lâcha la suzeraine d'une voix effrayante.
- Vous ne savez pas ce qui vous attend, vous et le royaume entier, répondit le Yiga malgré sa situation.
- Ne t'avise plus jamais de prononcer un seul mot en ma présence !
- Urbosa ! cria Zelda.
Le second sous-fifre yiga apparut brusquement dans le dos de la Gerudo, avec la ferme intention d'éliminer la suzeraine. Lorsque celle-ci leva un bras au ciel et claqua des doigts sans même prendre la peine de quitter des yeux son premier ennemi, le Yiga hurla de douleur sous un déchaînement d'éclair soudain. Il s'écroula dans le sable. Urbosa jeta le Yiga au sol avec son complice, ils s'enfuirent aussitôt. Zelda, soulagée, vit Urbosa ranger son arme, la menace passée et les assassins disparurent dans une nuée rouge. Elle tourna son regard vers la princesse.
- "Regarde ma Princesse, une vraie petite dame...", affirma-t-elle, d'un air mélancolique.
- Quoi ? s'interrogea Zelda.
- C'est ce qu'elle me disait, elle me le répétait tout le temps... Et moi je voyais ses yeux, brillants de bonheur.
Urbosa semblait soudainement émue.
- Vous parlez de ma mère, c'est cela ? comprit Zelda d'une petite voix tremblante.
- Je suis admirative du courage dont vous avez fait preuve, à l'époque. Vous teniez votre rôle bien que la petite fille en vous pleurait de tristesse.
Ces souvenirs firent s'humidifier les yeux de l'Hylienne.
- Elle aurait été fière de sa petite dame, ajouta Urbosa, je l'ai été pour elle.
- Je... je ne sais pas quoi dire...
Elle se rapprocha de la blonde.
- Nul besoin de dire quoi que ce soit, je le vois bien, Madame. Sachez que vous n'êtes plus seule à présent, les prodiges seront là. Moi, je serai là.
Une larme coula le long de la joue de la princesse.
- Allons, Madame, ajouta Urbosa en allant réconforter Zelda désormais dans ses bras.
- J'ai... j'ai peur de ne pas être à la hauteur... avoua-t-elle d'une voix pleurante.
- Vous l'êtes, Madame, ne doutez pas de vous ainsi...
- Elle me manque tellement...
La Gerudo leva les yeux au ciel en laissant pleurer Zelda dans son épaule. Telle une mère réconforterait sa fille. Elle soupira tristement laissant les chaudes larmes de la princesse se mélanger avec les siennes qui venaient couler le long de sa peau.
"Ah... ma chère amie, si vous pouviez encore être à nos côtés..."
~~~
Le capitaine de la garde s'inclina devant le roi d'Hyrule, l'épée de légende dans son dos, un genou à terre et son béret dans sa main gauche. Il venait de rentrer de la forteresse d'Akkala, l'une des plus grandes bâtisses militaires du royaume.
- Les rumeurs sont-elles confirmées, Capitaine ?
Le chevalier hocha la tête.
- Combien de monstres ? questionna le roi.
- Le double.
- Je vois... c'est alarmant. Leur as-tu annoncé tes plans d'attaque ?
- Oui.
Le souverain réfléchit quelques secondes.
- Prévenez les chefs de troupes qu'une réunion militaire aura lieu dans quelques jours, nous renverrons du renfort vers Akkala et préparerons une bataille s'il le faut ! affirma le roi.
- Bien.
Le capitaine se releva.
- Une dernière chose, Héros. Prends ta journée dans cinq jours, tu y seras nommé Prodige du royaume.
Link acquiesça à ces paroles et sortit de la salle du trône sous le regard du roi.
C'était le grand jour, celui de la cérémonie d'intronisation des Prodiges. Urbosa était au château depuis deux jours. Zelda eut le temps de lui parler de la tablette sheikah ainsi que de l'appareil photo, elle en avait été épatée elle-aussi. Faras était arrivé tôt ce matin-là rejoindre Pru'ha afin d'étudier les nouveaux gardiens de la zone. Zelda, la tablette entre les mains, et Urbosa débarquèrent en vitesse sur la place de la citadelle pour l'arrivée de Daruk, content d'entamer son premier séjour au château d'Hyrule.
- La cérémonie a lieu dans une heure, j'espère que les autres ne tarderont pas... affirma la princesse.
Le Goron reconnut d'abord Urbosa au loin, de part sa plus grande taille, ainsi que Zelda. Il s'approcha d'elles précipitamment.
- J'espère que je suis à l'heure ! Je voudrais pas rater ma nomination de Prodige ! déclara Daruk.
- Bonjour Daruk.
- Bonjour Princesse, bonjour Urbosa !
Un carrosse bleu passa alors les portes de la ville. Sa teinte brillait au soleil.
- Voilà Mipha, souligna Urbosa.
La princesse des Zoras rejoignit le groupe. Les Prodiges se rencontraient petit à petit, et pour l'instant, les présentations étaient chaleureuses, une bonne nouvelle pour Zelda qui tenait tellement à ce que tout le monde se sente à l'aise qu'elle en oubliait elle-même. Mipha était un peu silencieuse dû au monde qui l'entourait sur la place. Les Zoras étaient bien moins bruyants que les Hyliens... Revali arriva de nulle part depuis le ciel, il en profita pour montrer sa technique aérienne de Piaf à toute la place.
- Eh bien, je vois que vous êtes déjà tous là ! Il ne manquait plus que le grand Revali ! se vanta-t-il.
- Vous m'avez l'air tous sympas ! Je vous aime déjà ! ricana Daruk.
- Bien, maintenant que nous sommes au complet nous pouvons y aller, reprit le Piaf.
Link arriva alors soudainement en tenue de capitaine.
- Ah... j'avais oublié celui-là... maugréa Revali.
- P'tit gars ! Comment tu vas ! Ça fait un bail dis donc ! s'écria le Goron.
Mipha adressa un tendre sourire au héros et Daruk lui tapota le dos, ils étaient les deux meilleurs amis de Link, qui malgré son inexpressivité, était très content de les revoir. La Zora et le Goron étaient ses seules connaissances. Le capitaine adressa un hochement de tête à tous les autres en guise de salutations.
- Suivez-moi, déclara Zelda, embarrassée par Link qui restait muet.
Le groupe arriva dans un couloir de la chambre d'hôte du château, cinq portes s'y dressaient.
- Notre suite la plus luxueuse vous est offerte pour votre dévouement, vous trouverez dans chacune de vos chambres un vêtement symbolisant votre titre de Prodige, informa Zelda.
Les champions s'engouffrèrent dans ces murs de pierre éclairés par une fenêtre au fond du corridor.
- Quand vous serez prêt, nous vous emmènerons dans les quartiers principaux où je vous attendrai pour vous expliquer l'emploi du temps de la journée.
Sur ces mots, Zelda laissa le reste du groupe se changer. Chaque Prodige avait son nom d'inscrit sur une des cinq portes. Daruk trouva dans sa chambre un amas de feuilles formant son lit comme tous les Gorons. On avait préparé un hamac à Revali tandis que Mipha avait un lit à eau et Urbosa possédait une décoration digne de sa culture. Link, quant à lui, avait une chambre luxueuse d'Hylien ordinaire. Il n'en demandait pas mieux. Il enfila sa tunique de Prodige qui lui allait très bien. On frappa alors à la porte du capitaine qui venait de rentrer dans sa chambre, la pièce la plus au fond. La porte s'ouvrit aussitôt.
- Eh bien, on ne peut pas dire qu'ils se sont cassé la tête pour ta chambre ! affirma Revali pénétrant dans la pièce.
Link, assis sur son lit, regarda le Piaf s'avancer lentement, les mains dans le dos. Il attrapa un petit collier de gemmes nox que l'Hylien avait posé sur son meuble. Seulement, Link ne mettait de collier, alors pourquoi ?
- Ta mère ?
Link hocha la tête positivement. Revali ricana.
- Allons... Le Héros d'Hyrule a un souvenir de ses parents avec lui ? Comme c'est touchant !
- Ils sont morts.
Le guerrier Piaf s'immobilisa, Link le dévisageait. Venait-il vraiment de parler ? Revali reposa le collier, un peu gêné.
- Tu veux me mettre dans l'embarras ? C'est ça ? Tu te décides à parler seulement pour me mettre dans une position désagréable ?
Le héros resta neutre et inexpressif. Un long silence s'installa entre les deux futurs Prodiges.
- En tout cas, en regardant ta décoration... c'est à se demander s'ils te voient comme leur sauveur...
Sur ces mots, Revali sortit de la chambre, enfin décidé à aller enfiler son vêtement bleu. Link alla récupérer le bijou sur son étagère, il y tenait beaucoup. Revali lui avait fait remonter de très mauvais souvenirs en tête...
~~~
Dans une petite pièce des quartiers principaux donnant sur la salle du trône, Zelda expliquait à ses nouveaux amis comment la cérémonie allait procéder.
- Bien, les représentants de vos peuples sont déjà prêts, ils vous attendent. Mon père va prononcer son discours, et lorsqu'il terminera, vous vous inclinerez et il viendra vers chacun d'entre pour vous remercier.
Du bruit se faisait alors entendre derrière la porte menant à la salle de la cérémonie.
- C'est la garde royale. Ne vous laissez pas impressionner pas leur nombre, ajouta Zelda.
- Il va y avoir du monde... s'inquiéta Daruk.
- Tout va bien se passer. Il vous suffira de vous poster devant le drapeau qui porte le signe de votre peuple.
Un garde ouvrit la porte de la pièce.
- Votre Altesse, il est temps, déclara-t-il
Dans l'immense lieu, des troupes de gardes en rang venaient assister à l'intronisation. Le roi d'Hyrule était là, debout sur un balcon qui surplombait la salle. Les futurs Prodiges avancèrent jusqu'à leur emplacement dans le silence et la princesse se plaça au centre de la pièce, au milieu d'une Triforce au sol. Encore quelques personnes parlaient dans le fond de la pièce jusqu'à ce que Rhoam Bosphoramus Hyrule prenne la parole d'une voix puissante et rauque.
- Guerriers d'Hyrule ! prononça-t-il d'un air autoritaire, en acceptant de vous présenter ici dans cette salle, vous acceptez également de mettre en danger votre vie, le royaume vous en est reconnaissant.
Tous étaient attentifs au discours et avaient les yeux rivés sur le souverain.
- Je vous nomme Prodiges du royaume ! Ayez la fierté de porter l'habit qui représente ce titre. La princesse Zelda a tissé ces vêtements comme elle a tissé le lien qui vous unit.
La princesse inspira fortement, la hauteur de l'emplacement de son père la mettait un peu sous tension.
- Ma fille !
Zelda hocha la tête.
- L'heure est venue de tenir le rôle auquel votre naissance vous destine. Conduisez les Prodiges à la bataille, combattez pour Hyrule, et protégez notre royaume du Fléau jusqu'à votre dernier souffle.
Les Prodiges s'agenouillèrent comme convenu. Le roi descendit les marches et s'approcha des cinq champions suivi de sa fille. Il commença par Daruk.
- Prodige Daruk, chef du peuple Goron, en prêtant main forte aux élus des déesses, vous faites la fierté de votre peuple et du royaume entier, ma fille et moi t'en savons gré.
Ses paroles restèrent les mêmes pour Mipha, mais il les changea quelques peu pour Link.
- Link, Héros d'Hyrule et Capitaine de la garde, ton implication dans la survie de nos peuples démontre ton grand dévouement. Sois-en une nouvelle fois remercié. En tant qu'élu des déesses, accomplis ton devoir. Toi et la princesse devrez combattre ensemble dans la plus grande efficacité et cohésion.
Revali souffla discrètement. Le regard de Zelda se décomposait petit à petit devant le capitaine. Une fois que le roi remercia personnellement chaque Prodige, il rehaussa la voix.
- Vous six, vous devez vous unir, ne faire qu'un ! Alors tâchez de vous écouter, de vous aider, et de vous faire confiance. Vous devez être une véritable équipe !
Le père de Zelda insista sur le mot "équipe". Daruk n'en était pas contrarié, lui qui n'attendait que de passer de bons moments avec ses nouveaux coéquipiers.
- Vous pouvez disposez, merci de votre présence, termina le souverain.
Le roi remonta tandis que les gardes partirent après avoir acclamé les Prodiges. Zelda leur adressa un sourire lorsqu'ils ne restèrent plus qu'eux dans la salle.
- Vous avez été parfaits, remercia la princesse.
- Vous aussi, Madame ! répondit Urbosa.
- Je vais devoir vous quitter un instant, nous nous retrouverons pour midi dans la salle de repas des quartiers principaux.
- Pas de problème, Princesse ! Nous allons aller à la citadelle, Link va nous faire visiter ! Hein, p'tit gars ? proposa Daruk.
Les Prodiges rejoignirent la place centrale de la ville tandis que Zelda alla saluer Faras, Pru'ha et Impa.
~~~
Dans les quartiers du château dédiés à la recherche, Impa et sa soeur observait Faras qui essayait de remettre en route un Gardien.
- Je vous dis que ça peut marcher, les filles ! insista Faras allongé sous la machine antique.
- Il ne possède peut-être pas assez d'énergie...
- Non, je suis sûr que cela peut fonctionner !
Pru'ha et Impa se regardèrent en soupirant et avec un léger sourire moqueur.
- Vous ne me croyez pas ?
Le scientifique les observait.
- Si, si bien sûr, répondit l'aîné.
- Votre frère me croit au moins, c'est déjà ça ! ajouta Faras.
- Mais Rodric n'est pas le seul à te croire ! Je me demande juste comment un si petit objet peut fournir assez d'énergie pour réalimenter une machine pareille... avoua Impa.
Faras inspira.
- Ce petit objet, comme tu dis, est un coeur antique ! Et j'ai réussi à l'ouvrir ! La question est seulement où le placer dans tout ce désordre...
Zelda arriva sur les lieux.
- Oh ! Princesse, comment s'est passée la cérémonie ?
- Très bien Dame Impa, les Prodiges ont été nommés.
Le Sheikah, couvert de souillures, se releva, le coeur antique à la main.
- Bonjour, Votre Altesse.
La princesse le salua et remarqua la sphère que tenait Faras entre ses mains.
- Qu'est-ce ? demanda-t-elle.
- Un coeur antique. Je pense qu'il pourrait servir à activer les Gardiens, seulement, vous étiez tous hypnotisés par cette tablette lorsque je l'ai découvert ! Et moi le premier... répondit le Sheikah en regardant désespérément la fameuse découverte qu'Impa tenait.
L'Hylienne s'approcha du coeur.
- Je peux regarder ?
- Bien sûr.
Zelda attrapa le matériau. La couleur jaunâtre qui en sortait l'intriguait.
- J'ai déjà vu cela quelque part... dit-elle en fronçant les sourcils de concentration.
Elle sépara le coeur en deux demi-sphères aussitôt et manipula quelque chose au centre de la boule.
- Que ? J'ai mis des heures à l'ouvrir... chuchota Faras à Pru'ha.
- Les Gardiens ne demandent pas tous la même quantité d'énergie, certains en ont assez avec ce que ce coeur contient et d'autres en demanderont plus... informa Zelda.
Elle referma le matériau en une seule sphère et le tendit à Faras.
- Essayez comme cela, dit-elle.
Le Sheikah retourna à son poste, sous le Gardien. Le coeur antique se mit soudainement à réagir dans ses mains et se fit comme aspirer dans la machine.
- Par Hylia ! s'écria-t-il.
Le Gardien se mit à trembler, Zelda, Impa et Pru'ha eurent un mouvement de recul. Son corps métallique tourna sur lui-même et une lueur orangée colora la machine de l'intérieur. Sur le coup, Faras se releva en vitesse et rejoignit ses associées.
- Princesse, vous avez réussi ! déclara Impa.
- Ses pattes n'ont pas l'air de fonctionner, ajouta Faras.
- Quelques modifications et il pourra bouger, répondit Pru'ha.
Mais lorsque le groupe s'approcha du robot, l'oeil de celui-ci changea soudainement de couleur et des rayons destructeurs furent tirés de partout. Dans un bruit assourdissant, ils heurtèrent les murs des tours aux alentours dans des explosions qui attirèrent l'attention des personnes à proximité. Pru'ha et ses compagnons allèrent se cacher dans l'étude de la chercheuse à proximité.
- Par toutes les déesses, il va falloir régler ce problème ! s'emporta Impa.
L'absence de fenêtre dans la pièce ne permettait pas au groupe d'observer la scène, surtout lorsqu'une forte détonation se fit entendre. Le silence réapparut. En ouvrant délicatement la porte, Zelda vit le Gardien détruit au sol et Link, un couvercle de marmite à la main. De la fumée se dégageait de la machine devenue carcasse. La princesse s'approcha de lui, furieuse.
- Tu as vu ce que tu as fait ? s'écria-t-elle en lui jetant un regard noir.
Link, sous l'incompréhension de la réaction de Zelda, resta figé.
- Nous avions réussi à le réactiver ! Et toi, tu arrives, et... tu le détruis !
La princesse soupira, elle s'était peut-être un peu emportée... Le reste des Prodiges arrivèrent avec d'autres Sheikahs des environs ayant assisté à la scène.
- P'tit gars ? Tu vas bien ? demanda Daruk en voyant le tas de débris devant lui.
Link hocha la tête, confus d'avoir pu mettre en colère la princesse.
- Vous nous avez sauvés, Prodige ! s'exclama un Sheikah.
- Je... je... balbutia-t-il, le couvercle toujours dans sa main gauche.
~~~
Dans une des salles à manger des quartiers principaux, le groupe de six se retrouva autour d'une table pour le déjeuner, leur premier repas ensemble. Zelda était en bout de table, Urbosa et Daruk étaient à ses côtés face à face suivis de Mipha et Link, Revali préférait manger sans personne devant lui. Le repas différait selon le goût et les cultures des différentes personnes. Daruk mangeait évidemment un gigot de caillasse et Revali un saumon meunière. Urbosa et Mipha tenaient à goûter la gastronomie hylienne, elles dégustèrent alors le même plat que Link et Zelda.
- Dîtes-moi, Votre Altesse, quel est le programme de la fin de journée ? interrogea Mipha.
- La première chose que mon père veut, c'est créer des liens entre nous, alors j'ai prévu une promenade dans les jardins du château... répondit la princesse.
Revali faillit s'étouffer d'étonnement. Il toussa sèchement.
- Des liens ? Avec lui ? Jamais, déclara-t-il en parlant du héros.
- Respire Revali... répondit Urbosa afin de détendre l'atmosphère.
Daruk sentit la princesse tendue avec l'affirmation du Piaf.
- Vous en faites pas, Princesse. Il s'en remettra ! ricana le Goron.
Il réussit à faire esquisser un discret sourire sur son visage. Mais pourquoi se moquer de Revali alors qu'elle aussi avait des difficultés avec Link ? Il fallait avouer que son mutisme était dû à quelque chose dans leur relation...
- Enfin, ce soir, nous avons organisé un bal en notre honneur, reprit la blonde.
- Une fête ? Génial ! déclara Daruk.
- J'avoue que cela me plaît bien, vous aimez danser, Daruk ? rajouta la Gerudo.
- Ah ! Je me ferais un plaisir de vous inviter !
Revali hoqueta un rire moqueur.
- Ça va être drôle à voir... prononça-t-il.
Les relations semblaient mitigées, Daruk et Urbosa se prêtaient au jeu, Mipha et Link restaient néanmoins silencieux, quant à Revali... Link se contentait d'observer ce qui se disait sur lui. En réalité, il portait beaucoup d'attention sur son assiette...
- Lorsque vous repartirez du château, l'accès aux créatures divines vous sera libre. Je passerai voir chacun de vous afin de noter vos progrès dans leur maniement, ajouta Zelda.
- Et combien de temps avons-nous pour s'entraîner ? Enfin, je dis ça pour les autres, moi je n'aurai pas de problème... répondit le Piaf.
- Certaines rumeurs disent que le Fléau pourrait s'éveiller cette année, d'autres disent dans quelques mois... En tout cas, dès que de nouveaux signes de Son retour se présentent, nous en tiendrons compte. Alors il ne faut pas tarder.
Daruk se remémora quelques phénomènes étranges au niveau de la Montagne de la Mort comme le nombre de monstres qui augmentait où même certains séismes anormaux.
- De mon coté, ça s'agite de jour en jour ! Il faut pas prendre le risque de pas être prêt ! renseigna-t-il.
- Je suis d'accord avec Daruk. Si nous ne pouvons pas prévoir le jour de Son retour, il faut s'entraîner au plus vite, ajouta Mipha.
- Nous nous y consacrerons dès le séjour achevé, Madame, le pilotage sera notre activité principale, termina la suzeraine gerudo.
Zelda fut admirative de la détermination des Prodiges, c'était un doute de moins dans sa tête. Une fois le dîner passé, la promenade dans les jardins put commencer. Voyant Mipha intéressée par la flore du parc de la forêt, Zelda eut le plaisir de lui transmettre quelques connaissances à ce sujet. Daruk passait son temps avec Link et Urbosa tandis que Revali se contentait de marcher avec eux, dans son coin.
Le groupe se sépara vers seize heures, le Goron proposa à Urbosa et Revali d'aller boire quelque chose à la citadelle. Link, malgré son jour de congé en tant que capitaine de la garde, fut interpellé pour une affaire urgente. Zelda invita Mipha décidément passionnée à la rejoindre dans les quartiers dédiés à l'étude de la biodiversité d'Hyrule où quelques chercheurs menaient à bien une expérience sur les insectes volt. Daruk posa rudement son verre sur le bar.
- Leurs boissons sont excellentes ici ! Je me demande bien pourquoi j'étais pas venu avant !
Urbosa et Revali se regardèrent, étonnés de la réaction du brave Goron.
- Vous croyez qu'ils nous reconnaissent dans cette tenue ? demanda Revali en regardant les Hyliens autour de lui.
- Même sans ton écharpe Revali, je doute qu'une Gerudo, un Goron et un Piaf en même temps dans un bar hylien soit très fréquent, ne t'inquiète pas, tout le monde t'a vu... répondit Urbosa.
Revali avait l'air rassuré, il avala en une gorgée le contenu de son verre. Mais quelque chose tracassait Urbosa.
- Ce n'est pas vraiment de ma notoriété dont je me préoccupe le plus... Je trouve Son Altesse Zelda un peu tendue, non ?
- Je lui ai dit qu'elle pouvait me parler si ça n'allait pas, avoua Daruk.
- Quoi ? Nous n'avons pas été à la hauteur ? se tâta Revali.
- Je ne crois pas que ce soit ça.
- Non, je me doute bien, dès qu'elle est venue chercher ma réponse, j'ai vu ce qui la tracassait !
Daruk ne disait rien mais savait très bien de quoi le Piaf parlait. A vrai dire, cela s'était bien vu après l'incident du Gardien.
- C'est ce chevalier le problème ! Voilà tout ! continua l'archer.
- Link ? s'interrogea Daruk.
- Qui d'autre ? Son rôle de capitaine lui est monté à la tête !
- Ne sois pas si dur avec lui, Revali, dit Urbosa.
Un homme se mit à fuir soudainement le bar.
- Hé ! Monsieur ! Vous n'avez pas payé ! Monsieur ! cria un serveur.
- Alors lui je vais me le faire ! marmonna Revali.
Le Piaf se leva sous les regards interrogateurs de ses amis, il courut vers le fautif, un grand brun en tenue de chevalier. Revali le rattrapa en moins de cinq secondes. Il mit une main dans son dos et le poussa brusquement vers le bar.
- Je crois que tu as oublié quelque chose.
Le brun jeta un regard démoniaque au prodige. Ce qui lui déplut.
- Ne regarde pas comme ça, abruti ! On boit, on paye ! reprit-il.
Revali poussa le chevalier vers la table de paiement, tous les clients du bar regardaient la scène. Il remarqua son vêtement bleu azur autour de son cou. Il se décida finalement à payer son verre puis à repartir d'un pas pressé.
- Eh bien, Revali ! ricana Urbosa.
- Quoi ? Je ne supporte pas ce genre d'attitude.
- Ah ! Tu es un bon, mon gars ! lui lança le Goron d'une tape dans le dos.
De leur côté, les deux princesses étaient assises au milieu d'une pièce remplie d'ustensiles scientifiques et de produits étranges, une drôle d'odeur de fleur accompagnait l'air ambiant. Elles observaient une fée dans un bocal posé sur la table.
- Ces petits êtres ont le don de soigner les gens... informa Zelda.
- Cela me fait penser à mon pouvoir de guérison. Quand j'étais petite, mon père disait que des fées venaient me bercer chaque nuit, ce serait de là que je tiens mon don. Mais c'est surtout une légende je pense... raconta Mipha
- Ton père sait parler aux enfants en tout cas.
- Il a toujours été protecteur, encore aujourd'hui, cela a été dur pour lui d'accepter ma décision de devenir Prodige. Mais il m'a fait confiance et je l'en remercie.
Le coeur de Zelda se serra sous ces mots. De toute évidence, les deux princesses n'avaient pas le même père.
- Mipha, je me demandais, pourquoi t'intéresses-tu autant à la faune et la flore ?
- Je trouve ça passionnant, pas vous ?
- C'est vrai.
L'Hylienne n'avait pas l'habitude partager son savoir, elle fut ravie de pouvoir discuter avec Mipha de ces sujets-là.
- Si c'est un sujet qui te plaît, sache que la bibliothèque royale contient des tas de livres qui en parlent.
- J'y jetterai un oeil dans ce cas.
Zelda lui sourit et alla ranger le bocal.
- Vous me semblez tracassée, Votre Altesse.
- J'ai l'air ?
- Si c'est à cause du comportement de Revali, il ne faut pas vous en faire, il finira par changer avec le temps.
La blonde regarda Mipha qui venait de se relever, elle ne voulait pas lui avouer la véritable origine de son embarras.
- C'est un grognon, il est comme ça ! termina la Zora.
Zelda ne pouvait que rire suite à cette affirmation. Mipha s'était ouverte à la discussion, cela la rassurait.
~~~
Les Prodiges et Zelda se retrouvèrent en fin d'après-midi sous un kiosque des jardins. Une petite heure les séparait de la soirée prévue ce soir-là. La princesse avait ramené la tablette sheikah. Daruk discutait avec Link de son imprévu et les autres étaient intrigués par la relique.
- Ça a l'air sérieux ça, p'tit gars... Vous êtes sûr que n'avons pas besoin de nos armes pour ce soir ? demanda le Goron en se tournant vers Zelda un peu plus loin.
- Ne t'en fais pas Daruk, c'est une tradition ici d'assurer une sécurité optimale pour les invités d'honneur, répondit-elle.
Daruk resta soucieux.
- N'empêche que toutes ces traditions, ça me met pas trop à l'aise... continua-t-il en en passant une main sur sa nuque.
Toutes ces coutumes, ces procédures traditionnelles, le Goron n'y était pas habitué, cela l'angoissait un peu.
- Voilà la tablette sheikah... déclara Revali en l'attrapant des mains de la princesse.
- C'est elle qui me servira pour les différents problèmes liés aux créatures divines, répondit Zelda. Malheureusement, nous n'avons pas encore tout découvert sur ses fonctionnalités...
Revali passa la tablette à Mipha qui l'observa avec admiration. Ce petit dessin sheikah en son centre était très étrange ainsi que sa forme inhabituelle.
- N'empêche qu'elle est capable de figer des images, ajouta Urbosa derrière la Zora, c'est épatant à voir !
- C'est incroyable, je serais curieuse de voir ça.
Une idée passa par la tête de la Zora.
- Votre Altesse, dites-moi. Pourrais-je vous demander une faveur ?
Elle se tourna vers Link ainsi que tous les autres. Le pauvre héros ne savait pas pourquoi autant de monde l'épiait d'un seul coup. Mipha s'expliqua.
- Accepteriez-vous d'utiliser la tablette pour créer une image de nous six ? demanda-t-elle sans accentuer le fait qu'elle voulait surtout garder un souvenir de Link.
En effet, le capitaine était un Hylien et les Zoras grandissaient beaucoup moins vite qu'eux. La princesse zora connaissait Link depuis qu'il avait quatre ans, elle voulait garder un souvenir de lui.
- Eh bien... J'imagine que nous pouvons essayer, oui, accepta Zelda.
- Génial, cela nous fera un souvenir, vous ne pensez pas ?
- Mais qui va prendre la photo ? demanda Urbosa.
- Pru'ha devrait pouvoir le faire, rassura la princesse.
La Seikah arriva toute joyeuse. Les Prodiges ainsi que Zelda descendirent du kiosque pour se poster sur l'herbe quelque part où un beau paysage pouvait se voir en arrière-plan, même si Daruk le cachait beaucoup...
- Oh ! s'exclama Pru'ha en positionnant la tablette correctement, ça va être compliqué à cadrer tout ce désordre !
Cette expérience était nouvelle pour tout le monde, Revali trouvait ça un peu stupide, Mipha était envahie par l'angoisse tandis que Zelda n'affichait pas un grand sourire. Seuls Urbosa et Link tenait une allure correcte.
- Alors déjà, Daruk, tu es trop grand ! Plus bas !
Le brave Goron s'exécuta sous les ordres de Pru'ha.
- Euh, Votre Altesse, vous êtes à un enterrement ? Souriez voyons !
Zelda changea de visage avec le soutien d'Urbosa derrière elle. Le Piaf, de son côté, croisa les bras en trouvant ça pathétique.
- Revali !
- On perd notre temps...
Il s'approcha plus du centre. Mipha, droite et immobile, tenait ses bras le long du corps. Le héros la mettait décidément dans tous ses états. Pru'ha gloussa en remarquant sa drôle de position.
- Mipha, on dirait une statue... Détends-toi !
- D'accord.
Link, lui, faisait tout pour se cacher derrière Zelda et Mipha, à croire qu'il n'aimait pas trop cette nouveauté, les photos.
- On ne triche pas, Link !
Tout le monde était enfin prêt. Cependant, Daruk remarqua le problème de la Zora qui respirait aussi calmement qu'elle le pouvait.
- Regardez tous pas ici ! Tout le monde est prêt ?
Le Goron prenait conscience de l'importance de ce moment pour Mipha. Sa demande envers Zelda prenait tout son sens. Soudain, il eut une idée.
- Faites-moi un magnifique, ouistiti !
Au moment où Pru'ha prit la photo, Daruk et ses gros bras bousculèrent tout le monde et toutes les positions prises à l'avance par les Prodiges furent perturbées. Revali eut la plus grande frayeur de sa vie et cela surprit Zelda. Pru'ha éclata de rire en visualisant la photo.
- Vous devriez voir vos têtes ! gloussa la scientifique.
- Je ne veux même pas imaginer... répondit le Piaf.
L'image prise par la tablette, malgré le désordre qui y régnait, plut fortement à Mipha. Link avait honte de sa posture tout comme Revali.
~~~
Le soir venu, les invités d'honneur laissèrent leur arme dans leur chambre. Daruk se plia tout de même à la tradition. Dans le couloir menant à la salle de bal qui avait été totalement aménagée pour en faire une véritable pièce encore plus somptueuse qu'à son habitude, le groupe se préparait à entrer. Impa arriva pour expliquer les dernières procédures que le roi lui avait transmises.
- Vous devez entrer en même temps, pour montrer votre groupe soudé. C'est ce que veut le Roi, déclara la Sheikah, il veut que vous arriviez en trois groupes de deux en file.
- Quoi ? Par deux ? maugréa Revali.
- Choisissez une personne qui vous accompagnera jusqu'au centre de la salle, ensuite vous ferez face à Sa Majesté qui entamera quelques mots.
Zelda proposa à Revali de l'accompagner afin qu'il cesse de se plaindre, ce qui fit rire Urbosa. Daruk proposa à la Gerudo de le rejoindre et ainsi, Link et Mipha allait arriver ensemble. Les duos se tenaient par le bras, prêt à entrer.
- Vous êtes tous si beaux ! Une vraie famille ! sourit Impa.
Dans la salle, de grandes tables étaient dressées sur les côtés afin de laisser un grand espace au centre pour la danse. Une partie était dédiée à la musique. Des musiciens étaient présents et se préparaient, leur instrument à la main.
Le premier duo pénétra dans la pièce sous les yeux de toutes les personnes invitées, tous des nobles. Revali fut fier d'être le premier à se présenter avec Son Altesse. Ils s'avancèrent jusque devant la table du roi et le saluèrent. Le second binôme débarqua. Daruk et Urbosa souriaient pour faire bonne impression et allèrent rejoindre Zelda et Revali. Enfin, Link et Mipha fermèrent la marche. Les six attendaient la prise de parole du roi assis à sa table face à eux. Il se leva et haussa la voix afin que toute la pièce l'entende.
- En ce jour si particulier pour Hyrule, je tenais à vous souhaiter la bienvenue à tous, Prodiges. Cette soirée vous est dédiée en signe de remerciement.
Le souverain marqua une courte pause. Un profond silence régnait dans la salle.
- Je tenais également à remercier nos musiciens de ce soir dirigés par notre fidèle poète officiel, Edward.
Le poète s'inclina légèrement.
- Je déclare le Bal des Prodiges désormais ouvert.
Sur ces mots, le roi se rassit. Les prodiges et la princesse allèrent s'installer à leur table encore vide. Impa mangeait avec le roi. Pour Zelda, ce fut bien la première fois qu'elle allait passer la soirée ailleurs qu'avec les nobles de la table de son père autour de laquelle elle était conviée habituellement. Une voix l'interpella pendant qu'elle se dirigeait vers sa place accompagnée des prodiges.
- Excusez-moi, Votre Altesse ?
Ils se retournèrent et Zelda remarqua une jeune figure blonde la fixer. L'homme était habillé d'un costume noir élégant.
- Bonsoir Votre Altesse, je suis Edward, poète de la cour, vous ne vous souvenez peut-être pas de moi.
- Oh. Si, bien sûr. Ravie de vous revoir.
Revali qui observait la scène comme ses camarades soupira lorsqu'il vit les yeux du poète briller de mille feux lorsque Zelda lui adressa la parole.
- Ça se voit à des kilomètres... chuchota-t-il à Urbosa.
Cela l'amusa de le remarquer.
- Je voulais simplement vous faire part de la joie qui m'habite de jouer pour vous ce soir... et pour les Prodiges aussi, évidemment.
- C'est bien aimable de votre part, Edward. J'en tiens compte.
- Bien, dans ce cas, passez une bonne soirée, termina le poète.
- Merci à toi, Edward.
Le jeune homme salua brièvement les Prodiges et jeta un regard sournois à Link. Il partit rejoindre sa troupe à l'opposé.
- Eh bien ! On peut dire qu'il était dans tous ses états ! reprit le Piaf.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda la princesse.
- Au moment où ses yeux se sont posés sur les vôtres ! Je vous jure, tous des sentimentaux ces Hyliens.
- Revali, je t'en prie, répondit Zelda, gênée de songer à de telles choses.
Une demi-heure plus tard, le repas entamé jusqu'à sa moitié, les couples commencèrent à se former pour danser. De grands lustres lumineux éclairaient la pièce. Avant même qu'Urbosa puisse terminer son plat, Daruk lui proposa de danser. La suzeraine accepta avec joie. Revali les observait partir rejoindre les autres duos de danseurs.
- Ils ont le rythme dans la peau ces deux là... affirma-t-il.
- Je suis heureuse qu'ils se prêtent au jeu, répondit la princesse.
Le Piaf prit cela comme une critique, ce qui révélait que dans le fond, Revali savait pertinemment qu'il ne se comportait pas comme prévu.
- Bon, d'accord, très bien. Mais je vous préviens, c'est la seule fois que vous me verrez danser, maugréa-t-il. Mipha, veux-tu te joindre à moi ?
Il opta pour un ton ironique sur la fin de sa phrase. La Zora n'avait aucune raison de refuser. Le binôme se leva et alla rejoindre les autres. Zelda fut ravie de voir les progrès du Piaf malgré lui. Sa joie retomba d'un seul coup lorsqu'elle se rendit compte qu'il ne restait qu'elle et Link autour de la table. Ce dernier était assis à côté d'elle.
La princesse devait absolument prendre l'initiative de lui parler, sans cela, une ambiance pesante allait s'installer et cela allait la mettre mal à l'aise. Bien qu'elle n'en avait aucune envie, elle engagea la discussion d'un ton froid et neutre, le visage indifférent.
- Je tenais à te dire que je m'étais peut-être emportée ce matin, au sujet du Gardien.
Le capitaine fit signe qu'il n'y avait aucun problème, mais ses lèvres restèrent collées, toujours aucune parole. Zelda évitait son regard inexpressif, l'Hylienne allait s'excuser, mais finalement, à la vue de la réaction de Link, elle changea ses plans.
- J'espère que ta tunique te va. À vrai dire, je ne savais même pas qu'elle était pour toi.
Link hocha la tête. Cela commençait à énerver la princesse qui, de son côté, se donnait la peine de lui parler bien que rien ne lui donnait envie de le faire alors que son interlocuteur ne se contentait même pas de la regarder.
Il me méprise, j'en suis certaine...
- Que faut-il pour qu'un jour tu m'adresses ne serait-ce qu'un mot ? lâcha froidement Zelda.
Link la regardait enfin, il ne comprenait pas.
- Il me semble que tu es au courant, non ? Mon père veut une parfaite harmonie entre nous tous ! Nos destins sont liés et toi... tu...
La princesse ne remarqua aucune manifestation du héros.
- Bien. Oublie ça. Je vois que tu n'en as rien à faire... soupira-t-elle.
L'inexpressivité du chevalier lui fit comprendre une chose, elle n'allait plus jamais essayer de lui adresser la parole. Impa apparut soudainement derrière Zelda.
- Héros Link, le Roi va parler pour vous, veuillez me suivre je vous prie, déclara la Sheikah.
La musique cessa, la danse s'interrompit un instant. Le roi se releva une seconde fois, face à Link qui attendait un genou au sol, la tête baissée. Un nouveau silence s'installa.
- Héros d'Hyrule, j'ai une dernière annonce à te faire. J'ai pris l'initiative de le faire devant la cour afin de te montrer mon immense gratitude envers tes exploits et ceux de ton père.
Cette surprise étonna tout le monde. Le coeur de Link se mit à battre plus fort dans sa poitrine.
- Ce matin, j'ai pu constater le dévouement dont tu as fait preuve pour mettre hors de danger mon peuple. Ton rôle de héros prend tout son sens. C'est pourquoi, à partir de demain, je te ferai officiellement le protecteur de la princesse. Tu la protégeras et assurera sa sécurité durant ses voyages.
L'annonce fit applaudir la cour, Link en fut choqué tout comme la princesse au fond de la salle. Son père tourna son regard vers fille, un regard qui disait tout, il n'y avait pas à discuter : Link allait devenir son chevalier servant à partir de demain. Zelda resta figée, sous le choc. Son père ne l'avait encore une fois pas prévenue. Et cela mettait fortement en colère la princesse qui devait malgré tout se plier aux ordres. Les Prodiges félicitèrent Link hormis Revali. En revenant à leur table, il n'y avait plus personne.
- Où est la Princesse ? signala Daruk.
Urbosa remarqua que la grande porte de la salle de bal était entrouverte.
- Je vais la chercher, restez ici ! déclara la Gerudo.
Sous le ciel étoilé, Zelda, furieuse, essayait de se calmer. Elle se mit à l'écart des gardes qui surveillaient l'entrée par laquelle elle était sortie. C'était dans ses moments-là que parfois, la princesse ne désirait qu'une seule chose : s'enfuir. Partir le plus loin possible, mais cela était fuir son destin. Elle ne le pouvait pas. Quel peuple voudrait d'une princesse indigne ? Sa place était ici, au château, il n'y avait pas d'autres issues.
En longeant un des murs de roche sur lesquels le château était fondé, l'Hylienne aperçut soudainement devant elle une ombre humanoïde avec des sortes... de cornes... elle disparut aussitôt.
- Qui est là ? cria Zelda, sous la colère.
Elle se rapprocha du mur afin de mieux se cacher et fit glisser ses mains contre la surface lisse de celui-ci tout en avançant lentement. La princesse s'arrêta net lorsqu'elle sentit un creux anormal passer sous ses doigts. Une étrange gravure se dessinait sur le mur. Il s'agissait d'entailles formant un triangle incomplet, deux traits en diagonale s'opposaient et se rejoignaient en leur sommet. Ce symbole n'était pas courant. Tout à coup, une main vint se poser sur l'épaule de Zelda, elle sursauta en apercevant Urbosa derrière elle.
- Tout va bien, Madame ? demanda la Gerudo.
- Oui Urbosa, je voulais simplement prendre l'air, c'est tout.
La suzeraine remarqua la colère de Zelda dans ses yeux.
- Je suis désolée que vous ayez appris ça de cette manière, Madame...
- C'est véritablement la pire des manières d'annoncer ce genre de choses !
- Je comprends.
- Eh bien, cela n'a pas l'air d'être le cas de père !
La princesse tourna le dos à son amie qui essayait de la calmer.
- De plus, ce n'est pas la première fois... continua Zelda.
- Vous devriez peut-être... lui parler ?
- Il ne voudra rien entendre. Urbosa... si tu savais... il a tellement changé...
La Gerudo en avait pleinement conscience, malheureusement, personne n'y pouvait rien.
- Pardonne-moi, Urbosa, mais j'ai besoin d'être seule.
La Gerudo laissa l'Hylienne avec ses pensées. De lourdes pensées. Qui aurait pu imaginer une telle chose ? Les chevaliers servants n'étaient pas une nouveauté chez la famille royale, mais pourquoi lui ? Ce personnage neutre l'insupportait plus que tout, rien de pire ne pouvait arriver. Elle plongea son visage quelques secondes dans ses mains avant de s'appuyer contre la paroi rocheuse, désespérée.
~~~
Les prodiges avaient rejoint leur chambre vers minuit. Daruk dormait déjà et Urbosa n'allait pas tarder à faire de même. Mipha faisait les cent pas, indécise à l'idée d'aller déranger Link pour le féliciter de son nouveau rôle ou de rester ici et de le laisser tranquille. Sa chambre était juste à côté de la sienne et la Zora avait peur de le déranger au cas où il dormait déjà. Elle se décida alors de s'approcher du mur afin d'écouter si Link sommeillait. Aucun bruit de pas ne se fit entendre, seulement, il y avait autre chose. C'était comme, des pleurs... d'une femme.
Les seules personnes autorisées à pénétrer dans cette suite étaient les prodiges et la princesse. Mais Zelda avait bien précisé qu'elle ne revenait plus les voir avant demain, alors... qui était cette femme qui sanglotait dans la chambre de Link ? Mipha se décida d'aller voir, elle sortit dans le sombre couloir et avança lentement vers la chambre de son ami.
- Je suis désolée... prononça la femme.
- C'est moi qui le suis.
La porte de Link était à moitié ouverte, Mipha la poussa doucement.
- Je t'aime, mon...
La voix féminine s'interrompit et la Zora put apercevoir son ami, assis en tailleur sur son lit, seul, un collier dans les mains.
- Tout va bien, Link ?
Ses yeux semblaient humides, mais il acquiesça. La princesse, confuse, referma la porte derrière elle et laissa le héros tranquille, mais pourtant Mipha en avait la certitude, elle avait bien entendu une femme pleurer.
Le lendemain, vers huit heures du matin, Zelda attendait seule autour de la table où elle avait mangé son déjeuner de la veille avec les prodiges. Elle s'occupait en écrivant quelques notes en rapport avec l'avancée des recherches (elle y avait également reproduit cet étrange signe gravé au mur ce soir-là), le silence régnait. La nuit avait été longue, impossible pour la princesse de fermer l'oeil après ce qui s'était produit quelques heures auparavant. De ce fait, l'Hylienne était assez fatiguée... Elle en voulait à son père pour ses prises de décisions improvisées et pour l'avoir laissée dans l'ignorance. Jamais elle n'allait pouvoir supporter d'avoir quelqu'un constamment en train de la suivre dans tous ses déplacements ! C'était impensable...
La nomination de Link avait eu lieu tôt ce matin-là, il y avait une heure à peu près. Mais Zelda n'avait même pas pris la peine de lui parler ou de le regarder dans les yeux. Elle jetait sans cesse des regards d'incompréhension au roi, mais en vain. Sa décision ne pouvait être remise en question. À partir de ce jour, Link était le chevalier servant de la princesse. Elle redoutait son prochain voyage hors du château...
La porte s'ouvrit sur Daruk, premier prodige à rejoindre la princesse pour le petit-déjeuner préparé en amont par des servantes. Zelda, toujours plongée dans ses notes, ne le remarqua pas. Il s'assit face à elle, l'observant avec une certaine admiration.
- Me dites pas que vous y êtes depuis hier soir ?
La voix du Goron était étrangement réconfortante ce matin-là de par ses basses fréquences qui la rendaient rauque et prenante. Daruk parlait doucement et calmement, une certaine chaleur dans sa voix venait détendre la princesse.
- Je fais beaucoup d'insomnies en ce moment, je me suis occupée, s'expliqua Zelda.
- Chez les Gorons, les insomnies sont des signes d'anxiété... chez les Hyliens aussi ?
Le prodige adopta un triste regard, il le voyait bien, il n'était pas dupe. Quelque chose minait Zelda, il comprenait mieux sa mise à l'écart de la veille.
- Quelque chose s'est mal passé, ce matin ? demanda-t-il, hésitant.
La princesse émit un profond soupir.
- On peut dire ça. Mais ce n'est pas important, cela n'a aucun rapport avec vous, ne t'inquiète pas.
- Princesse, vous pouvez tout me dire si vous en ressentez le besoin, l'oubliez pas... rassura Daruk.
Zelda le dévisagea quelques secondes, il la regardait tendrement. Évidemment que la princesse avait besoin de parler de son problème avec Link, cependant, aucun son ne sortit de sa bouche lorsque le moment venait. Quelque part, elle avait honte de le détester car leur destin était lié, mais c'était ce sentiment qui faisait grandir son mauvais ressenti envers le héros. C'était une boucle sans fin...
- Merci, Daruk, c'est très gentil de ta part, répondit poliment Zelda.
- Je sais que beaucoup de personnes pensent des choses fausses sur vous...
- Oui, ce n'est pas nouveau, ça a toujours été comme cela, je ne peux rien y faire.
- Un conseil d'ami : les écoutez pas, ce sont tous des abrutis... chuchota Daruk.
Zelda fut reconnaissante de ce que faisait le Goron pour elle, le fait qu'il la considère comme une amie la fit sourire. Quelle gentillesse de sa part... Lorsque le reste de l'équipe arriva et s'installa autour de la table, tout le monde observa Link du coin de l'oeil, Revali était jaloux, Mipha était encore perturbée par l'évènement de la veille et Urbosa connaissait le problème que Zelda avait avec lui. Daruk fut assez maladroit, il n'avait pas encore compris la vérité. Ainsi, le Goron parlait du nouveau rôle de Link à voix haute et sans cesse.
- J'aurais bien aimé être là, p'tit gars ! Dommage que tu aies été nommé si tôt... Tiens ! Mais ça me rappelle quelque chose...
Tout le monde avait le regard plongé dans son assiette. Le monologue de Daruk faisait mal à la princesse, et cela se voyait, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir, après tout, il ne savait pas...
- On m'a parlé d'un très ancien rituel pour les chevaliers servants...
Zelda déglutit à cause de l'angoisse qui montait, elle savait où le prodige voulait en venir.
- Pourquoi ne pas le reproduire ? En petit comité ? Entre nous quoi, pour notre p'tit gars ! Non ?
Link haussa les épaules, une façon de démontrer à Zelda qu'elle seule devait prendre la décision, ce qui lui déplut forcément. L'ambiance devint soudainement très pesante, on dévisagea le Goron pour cette annonce. Visiblement, la majorité des six personnes assises autour de la table n'en avait pas envie. Link fit comme s'il n'avait rien entendu. Depuis le bal, il avait pleinement compris qu'il n'était pas très apprécié par la princesse, malheureusement, son nouveau rôle de chevalier servant l'obligeait à rester auprès d'elle.
- Daruk... pensa Urbosa.
Le Goron vit le visage décomposé de Zelda, il était le résultat d'une grande fatigue à cause d'un manque de sommeil mais également à cause de lui, complètement ignorant de la situation.
- Vous m'avez pas l'air emballée, Princesse... c'était juste une proposition, il y a pas d'obligation... déclara-t-il.
La princesse mit quelques secondes avant de répondre. Après tout, si elle avait accepté de parler à Daruk, jamais il n'aurait mis l'Hylienne dans cette situation. D'un côté, elle pensait que tout cela était de sa faute.
- Très bien. Mais vite, faisons ça maintenant, nous devons encore parler de beaucoup de choses ! maugréa Zelda en se levant.
L'Hylienne sortit de la salle. Pourquoi avait-elle accepté ? Elle n'en savait rien. Trop de pensées se mélangeaient dans sa tête et elle voulut en terminer au plus vite avec cette histoire. Ce rite pouvait être une façon indirecte de montrer à Daruk le problème qu'à présent, tout le monde avait compris.
- J'ai dit quelque chose de mal ? s'étonna-t-il.
Zelda réapparut soudainement à la porte.
- Eh bien ? Vous venez ? rappela-t-elle froidement.
~~~
Ce type d'évènement avait lieu à l'autel, une place sacrée devant la citadelle du château. Zelda marchait en avant, elle arriva en premier sur les lieux. Il y avait encore la rosée du matin sur l'herbe de la plaine d'Hyrule qui entourait la petite place. L'air était doux et le soleil frappait agréablement. Link arriva en deuxième, lui qui n'avait pas connaissance de ce genre de rituel, resta debout face à la princesse sans trop savoir ce qu'il devait faire. Ils se regardèrent dix secondes, le temps que les prodiges se placent à côté des élus pour observer la scène.
- Agenouille-toi ! ordonna Zelda qui perdait patience.
Link posa un genou au sol et baissa la tête. La princesse connaissait pertinemment les paroles qu'elle devait prononcer, mais l'envie n'était pas là. Elle plaça son bras droit en avant vers le capitaine. À la grande surprise de tout le monde, Link voulut se prononcer.
- Votre Altesse, si vous n'en avez pas envie, vous n'êtes...
Zelda ne voulait rien entendre, pourquoi ce garçon se mettait-il à parler maintenant précisément ? La princesse était prête à effectuer le rituel, elle n'allait pas se stopper maintenant. Elle interrompit Link en énonçant les paroles sacrées adressées au héros et sa lame.
- Héros d'Hyrule, élu de la lame purificatrice, toi qui as prouvé ton habileté au combat et ta volonté infaillible, reçois la bénédiction de la Déesse Hylia.
La voix de l'Hylienne s'estompa progressivement lorsqu'elle termina cette première phrase, ce n'était pas très gai à voir...
- À travers les contrées célestes, par-delà les limbes du temps et les ténèbres du crépuscule, l'âme du héros et l'épée de la destinée ne font qu'un. En ce jour et pour toujours, que nos prières galvanisent sa lame et soutiennent ton bras.
Avant même que la princesse ne termine ses paroles, elle laissa retomber son bras dans un profond soupir malheureux. Cela lui faisait mal, mais elle continua, elle releva la main droite et s'adressa à la lame purificatrice.
- Lame de pureté, venue de l'aube des temps, gardienne sacrée d'Hyrule et compagne éternelle du Héros, reçois la bénédiction de la Déesse Hylia.
Du coin de l'oeil, Zelda vit que les prodiges parlaient discrètement entre eux, elle pensa alors que son discours n'était pas très convaincant. Il fallait en finir, c'en était trop. Si après une telle scène, Daruk n'avait toujours pas compris le véritable problème, il y aurait un souci. C'était si triste à voir, une certaine tension régnait dans l'air à chaque mot prononcé à contrecoeur par la princesse. C'était pourtant évident, non ? Zelda n'appréciait tout simplement pas Link. Elle entama la dernière partie du rituel.
- Par-delà les mers, dans sa quête du Pouvoir d'Or forgé par les Dieux, fidèle, intemporelle, ne quitte jamais le flanc du Héros. En ce jour et pour toujours, que nos prières galvanisent ta lame et soutiennent son bras.
Enfin. Le cauchemar était terminé pour Zelda. Elle regarda le héros, toujours agenouillé et les yeux fermés, elle repensa aux paroles de Revali, "lorsque l'on ne s'entend pas avec quelqu'un, c'est qu'on ne s'entend pas avec lui point final ! Mieux vaut ne pas essayer de changer sa première impression, ça pourrait faire des étincelles". Le Piaf avait beau être prétentieux, jaloux ou même orgueilleux, peut-être que ses mots avaient plus de sens que Zelda ne le pensait. Mais avait-il dit cela simplement pour s'opposer à Link ?
Le capitaine releva la tête lorsqu'il ne perçut qu'un lourd silence autour de lui. La princesse le regardait avec une certaine tristesse. Elle rejeta la faute sur elle, elle avait honte de sa prestation et de l'image qu'elle avait pu renvoyer. D'un coup, elle se retourna, en direction de la citadelle.
- Rentrons, dit-elle en s'éloignant.
Link se releva et la regarda partir. La vérité était qu'il aurait voulu la remercier de ce qu'elle venait de faire alors que cela était contre ses désirs, et pas simplement avec un hochement de tête... Malheureusement, elle était déjà partie.
- Tu as vraiment le don pour mettre mal à l'aise les gens... lâcha Revali hautainement avant de partir à son tour.
Urbosa voulut rattraper la princesse suivie de Daruk.
- Ce n'est pas ta faute, Link, crois-moi, soulagea Mipha en lui posant une main rassurante sur l'épaule.
Le héros avait un gros doute tout de même. Il resta immobile quelques secondes de plus au milieu de l'autel, il était en pleine réflexion. En y repensant, il voyait son comportement insupportable pour les autres...
~~~
Arrivant près de la grande fontaine royale de la place centrale, les prodiges avaient réussi à rattraper Zelda pleine de regrets. Le groupe fit une pause, observant l'agitation du marché et de la foule. Link les avait perdus, ce qui laissa l'opportunité à Zelda de s'excuser.
- Pardonnez mon déplorable comportement...
- Non, Altesse, je vous comprends, ne vous en faites pas, rassura Revali, à la grande surprise de tous.
Les regards épieurs autour d'eux se faisaient de plus en plus nombreux.
- Princesse, je... je suis sincèrement désolé, s'excusa difficilement Daruk, j'avais pas vraiment pris conscience de ça... mais Urbosa m'a éclairé...
Zelda assura qu'il n'y avait plus de soucis à se faire.
- Il a toujours été la source du problème, de toute façon ! relança le Piaf.
Mipha le regarda soudainement, furieuse. Personne n'avait vu la Zora comme ça auparavant.
- Madame, arrêtez de vous comparer, vous... Urbosa n'eut point le temps de terminer.
- Je préfère ne plus en parler. Maintenant que tout le monde est au clair à ce sujet, je suggère que nous partions étudier ensemble le fonctionnement des créatures divines, je vous expliquerai tout sur comment les piloter, fit la princesse.
Link retrouva son groupe au moment où celui-ci allait rejoindre le château, personne ne l'avait vu hormis Urbosa qui l'interpella.
- Il vaudrait mieux que tu ne viennes pas pour le moment, Link.
- Je m'en veux, Urbosa, je veux m'excuser ! s'expliqua-t-il.
- Je pense que pour elle comme pour toi, ce serait préférable que tu attendes un peu, d'accord ?
L'Hylien laissa tomber ses bras le long de son corps, dans le grand regret de ne pas pouvoir se racheter. Il se plia finalement aux conseils de la Gerudo. Il acquiesça difficilement, le regard encore peiné par son attitude. Urbosa partit pour le château tandis que Link était à présent seul au milieu de la foule. Il avait pris congé de son rôle de capitaine de la garde et les prodiges ne voulaient pas le voir, en tout cas, c'était le ressenti qu'il avait.
Le héros, désespéré, partit rejoindre un bar de la citadelle dans lequel il allait souvent passer ses soirées lorsqu'il était simple chevalier. Il y commanda sa boisson préférée et s'installa seul à une petite table isolée. Les clients n'étaient pas très nombreux, ce qui détendit l'atmosphère autour du chevalier. Il regarda son épée de légende dans son fourreau qu'il avait posé à côté de lui contre le mur. Il soupira profondément comme l'avait fait Zelda durant le rite. Il le savait très bien, son mutisme était responsable, mais il ne suffisait pas de se remettre à parler, ce problème était bien plus complexe que ça. Il but une gorgée du liquide devant lui et par-delà le gros récipient qui contenait sa boisson et cachait la vue de moitié à ses yeux, il vit pour son plus grand mécontentement un chevalier qu'il connaissait trop bien. Le jeune homme s'approcha, un verre à la main ainsi qu'un sourire narquois aux lèvres, c'était Brad.
- Bah alors ? Tu t'es fait rejeter par tes nouveaux copains ? En tout cas tout le monde a vu la scène mon gars ! commença-t-il, fier de lui.
Link l'ignorait, il regardait droit devant lui en se suppliant de l'intérieur de penser à autre chose que les stupides remarques de Brad. Il savait que s'il répliquait, il ne se contrôlerait plus.
- Monsieur est capitaine de la garde et il ne parle plus à ses bons vieux camarades ? continua le chevalier.
Le héros tourna la tête vers son interlocuteur, il hocha la tête pour désigner le verre que Brad tenait en main.
- Tu ne comptes pas le payer non plus celui-là ? relança Link.
Étonné de cette remarque, Brad reprit en ricanant.
- Ce pauvre Piaf te raconte sa vie, on dirait !
- Tu devrais faire preuve d'un peu plus de respect envers les prodiges de ton royaume.
- Ah ! Prodiges ! Vous n'avez que ça à la bouche !
Brad prit l'initiative de s'asseoir face au capitaine.
- Dis-moi, Link, est-ce que tu sais si ce Piaf te respecte au moins ?
Comment cet abruti pouvait-il être au courant ? L'espionnage ne faisait pas partie de ses devoirs de chevaliers. Le héros se pencha en avant, le regard provocateur.
- Ce que je sais surtout, c'est qu'en tant que capitaine, je peux te retirer ton titre de chevalier pour activités incompatibles à la bonne conduite d'un soldat d'Hyrule.
Link détestait Brad notamment pour cela, il ne se reconnaissait plus quand il lui parlait. Pourquoi arrivait-il à supporter Revali alors que lui... c'était comme instinctif de lui répondre ? L'insupportable chevalier se redressa en fixant Link du regard.
- Cesse de te méprendre à mon sujet, Link.
- Capitaine ! Je suis ton capitaine, tu entends ?
- Et moi j'ai trois ans de plus que toi.
- Tu es pathétique.
Brad se releva.
- Avec des têtes comme vous et une princesse pareille, le royaume est perdu d'avance... marmonna-t-il.
- Pardon ?
- Allez, Link, ne t'énerve pas, rends-toi à l'évidence ! Tu as la chance de devenir chevalier servant de la princesse, et elle ne veut même pas de toi ! Le comble...
Le héros comprit soudainement, Brad les avait espionnés durant le rite symbolique.
- Va-t-en, ordonna Link dans un calme qui n'allait pas durer.
- Le Fléau Ganon nous tuera tous, et on dira merci qui ?
Le capitaine se leva, attrapa son ennemi par le col et le tira brusquement vers lui. Les yeux de l'insolent changèrent de couleur pour une teinte plus sanglante. Tout le monde les regardait.
- Tu fais ton timide avec tes amis mais au final, il suffit de pas grand-chose pour te faire exploser ! se moqua Brad.
- J'ai dit va-t-en.
Après de longues secondes à se regarder dans les yeux, les deux rivaux se séparèrent pour de bon. Link se rassit, soupirant. Pourquoi s'attaque-t-il à lui ? Pourquoi Brad était la seule personne contre qui Link avait envie de se révolter ? Encore une fois, ce n'était pas du tout dans ses habitudes d'agir ainsi...
Brad s'en alla, et Link, voyant que les clients le regardaient, fuit dans la pièce derrière le bar afin d'être seul. Il s'assit sur la seule chaise présente et pensa à tout ce qu'il venait de faire. Il détestait ça, provoquer les gens...
Soudain, une sensation de colère s'empara du héros et d'un coup de poing, il frappa le mur derrière lui pour exorciser sa frustration et ses regrets. Tout l'énervait, lui-même s'énervait. Il était seul, il n'avait même pas eu le temps de s'excuser auprès de Zelda et il attirait les regards sur lui en violentant un chevalier. Dans un long soupir, il se calma et sentit la fatigue l'envahir.
~~~
Une étrange sensation traversa le corps de la princesse, perdue dans un endroit inconnu. La pièce était sombre, étroite et froide, du moins, c'était ce que ressentait Zelda qui se rendit compte qu'elle était assise par terre. Il n'y avait rien, pas un meuble, seulement une porte. Étrangement, Zelda ne pouvait pas se lever, une force l'attirait vers le bas, le sol était poussiéreux et les mouvements de pieds de la princesse faisaient crépiter les quelques grains de sable présents sous ses bottes.
Sans aucune raison, son sang se glaça et l'angoisse monta en elle. Sa respiration n'arrivait plus à être stable, ce qui fit monter sa panique. Les pieds ne servant point, Zelda voulut s'aider de ses mains, seulement, celles-ci étaient ligotées dans son dos par une douloureuse corde qui griffait ses poignets. Mais où était-elle ? Elle percevait comme des murmures à travers les murs, des chuchotements rejetant toutes formes d'impavidité chez la princesse, inquiète de sa situation alarmante. Après d'innombrables efforts, elle se découragea et cogna sa tête contre le mur sur lequel elle était adossée dans un gémissement de douleur.
- Aidez-moi ! cria Zelda.
Elle entendit du mouvement vers sa droite. Du mouvement absent jusqu'à ce moment-là. Elle tourna lentement sa tête sur le côté et vit ce garçon, ligoté comme elle.
- L... Link ?
Le jeune homme n'eut pas le temps de répondre que la porte s'ouvrit subitement dans un violent claquement. Une grande et fine forme humaine s'avança vers Zelda, une arme à la main, une dague ou une petite épée...
À la démarche de l'inconnu, la princesse comprit que ses intentions étaient mauvaises. Il leva soudainement son arme au ciel afin de préparer son coup. Il allait la tuer... Link avait disparu.
- Non ! Arrêtez ! supplia Zelda.
Au moment où la lame se rabattit sur elle, l'Hylienne se réveilla en panique dans sa chambre et laissa échapper un bref hurlement avant de se rendre compte que ce n'était qu'un rêve... La princesse n'avait encore jamais fait un tel cauchemar. Sa peau transpirait anormalement et ses mains tremblaient encore de peur. Jamais elle ne s'était retrouvée dans un tel état. Il devait bien être deux heures du matin, des bruits de pas accouraient dans le couloir à proximité.
Sa respiration ne se calmait pas. Face à ce constat, la blonde se leva et fonça ouvrir une fenêtre de ses appartements. Elle y passa sa tête afin d'y respirer l'air frais nocturne, seulement elle n'arrivait toujours pas à se calmer. Zelda savait qu'en tant que réincarnation de la déesse, les rêves ne devaient pas être négligés, mais celui-ci était si particulier... On ouvrit soudainement la porte de la grande pièce sans frapper.
- Par Hylia, Princesse, mais que vous arrive-t-il ?
C'était Impa, les cheveux décoiffés et habillée d'une chemise de nuit. La Sheikah accéléra le pas vers Zelda et vit la princesse presque trempée de sueur de par quelques cheveux blonds collés sur ses joues, son regard était vagabondant. Pour la femme, sa situation n'était pas due au hasard.
- Suivez-moi, Princesse ! déclara-t-elle.
- Impa... Je n'arrive... pas à respirer convenablement...
Elle attrapa la fille du roi par le poignet, l'incitant à la suivre dans son bureau bien que l'heure était tardive. Elles s'engouffrèrent dans les sombres et silencieux couloirs du château jusqu'à pénétrer dans le lieu de travail d'Impa. Celle-ci s'empressa d'allumer quelques bougies et une lampe afin d'y voir plus clair. Elle fit asseoir Zelda sur une chaise, la princesse ne cessait de garder une respiration forte qui soulevait sa poitrine sans arrêt. C'était comme une sorte de crise d'angoisse.
La Sheikah ouvrit précipitamment un tiroir de la grande armoire dans un coin de la pièce. Elle y trouva toutes sortes de flacons et de potions. Cependant, Impa hésita entre deux substances, leur nom était si complexe qu'elle ne se souvenait plus laquelle était la bonne à donner à Zelda. Elle attrapa finalement les deux potions et les montra à la princesse.
- Je ne sais plus... avoua Impa.
La princesse observa, malgré son état, les fioles. Elle prit celle dans la main gauche de la Sheikah, c'était comme une évidence pour elle. Elle s'empressa d'avaler une gorgée du contenu. Cela fit rabaisser son stress incontrôlable et l'Hylienne put enfin souffler pour calmer son coeur qui s'emballait.
- Décidément, ce mélange silencio et robusto nous aura servi... déclara Impa.
- Impa, que m'est-il arrivé ?
- C'est à vous de me le dire, Princesse, je vous ai entendue crier.
Zelda fronça les sourcils, concentrée.
- À vrai dire, je ne m'en souviens plus très bien...
- Vous n'avez pas pu vous réveiller comme cela par hasard ! insista la Sheikah.
Elle réfléchit, encore et encore. Tout était devenu subitement flou. Quelques détails lui revinrent à l'esprit. Une porte. Des murmures. Et... Link ?
- C'était un rêve, informa Zelda, il... il y avait une pièce, vide et étroite... une porte... et j'étais prisonnière... je suis désolé Dame Impa, je ne sais plus...
Zelda sentait son angoisse remonter en parlant de ce cauchemar. Juste son évocation la faisait frissonner. Son stress fut de nouveau remarquable aux yeux d'Impa qui la rassura.
- Non, c'est déjà très bien. Tout va bien. Je vais noter ces informations, et j'y réfléchirai demain, d'accord ? dit-elle en lui posant une main sur l'épaule.
La princesse acquiesça timidement d'un hochement de tête. Impa se leva et rejoignit son bureau.
- Il y avait Link ! s'écria soudainement Zelda.
Impa haussa les sourcils, le visage habité par l'étonnement.
- Vous êtes sûre de cela, Princesse ?
- Certaine.
La Sheikah laissa la blonde dans l'incompréhension quelques minutes le temps d'aller ranger la fiole qu'elle avait oubliée dans ses mains.
- Dame Impa, qu'est-ce que cela veut dire ?
- Pour qu'un rêve contenant le héros vous mette dans un état pareil, cela ne veut dire qu'une chose...
- Quoi ? Dites-moi !
- Le Fléau Ganon n'est pas seulement proche, il est imminent !
Cette annonce glaça le sang de Zelda. Comment est-ce qu'un cauchemar pouvait-il prédire le retour de la Calamité ? Impa se mit à chercher dans sa petite bibliothèque un livre, lorsqu'elle le trouva, elle l'ouvrit sur son bureau, feuilletant les pages d'une rapidité surprenante.
- Ce rêve, n'est pas un simple rêve, Princesse.
Elle leva la tête vers la concernée.
- C'était une prémonition !
- Impa ! Je ne comprends pas !
Zelda se leva de sa chaise, déterminée à aller rejoindre la Sheikah.
- Non ! Ne bougez pas ! Plus vous bougez, plus vous vous déconnecterez de ce monde onirique...
La princesse se rassit lentement, fixant la femme du regard, elle semblait grandement affectée par ce qui se produisait.
- Comment savez-vous tout cela ? demanda Zelda.
- De simples études.
- Pourquoi aurais-je prédit le retour de Ganon ?
- Laissez-moi quelques minutes pour réfléchir, Princesse... termina Impa, plongée dans les lignes de son ouvrage.
Zelda, contrariée, soupira en constatant son ignorance - encore une fois -. La situation avait l'air d'être grave...
Était-ce Impa qui s'emportait ou alors fallait-il réellement s'inquiéter ?
Le silence régnait dans le château, comme chaque nuit, c'était assez perturbant. D'habitude, ce lieu était constamment en action, pas la moindre seconde de répit. La princesse profita de ce calme pour fermer les yeux et penser à autre chose quant tout à coup... un homme... Oui, un homme ! Il y avait un homme !
- Un homme... chuchota Zelda.
La Sheikah entendit les paroles de la princesse, elle s'empressa d'ajouter ce mot à ses notes avant de se ruer de nouveau dans le livre.
- Une lame... continua l'Hylienne qui arrivait petit à petit à se souvenir.
Impa restait attentive aux énonciations de la fille du roi. Lorsque celle-ci revit la dernière scène de son rêve, elle fut reprise de panique.
- ... tuer... Il va tuer... Il va me tuer ! s'emporta Zelda en prenant de nouveau appui sur la chaise sur laquelle elle était assise.
Impa accourut auprès de la jeune fille qui rouvrit subitement les yeux, essoufflée de nouveau.
- Du calme, Princesse, tout est fini à présent. Vous m'avez donné assez d'informations comme ça. Vous avez été admirable, dit la cheffe.
Le souffle de la princesse s'affaiblit, elle laissa tomber sa tête en arrière.
- Toutes les princesses d'Hyrule avaient des visions, expliqua Impa, ce sont des avertissements de la Déesse, à ce que l'on dit. Seulement, ces visions se manifestent lorsque le moment fatidique approche ou au plus tard à la fin de l'adolescence. C'est de la pure mise en garde. Vous venez d'entrer dans une phase de présages.
Les explications de la Sheikah éclairèrent l'esprit de Zelda.
- À force de faire ces rêves, vous vous habituerez et vous ne ferez plus de crise comme ce soir. Rassurez-vous.
- Mais toutes les princesses ne vivaient pas à l'époque du Fléau ?
- Les visions de ces princesses ont fait en sorte que vous, aujourd'hui, soyez la plus prête possible à affronter... la Calamité...
- Que dois-je faire alors ?
Impa alla chercher son gros livre.
- Ce manuscrit rassemble les visions les plus probables chez les princesses d'Hyrule depuis des générations. Dans votre cas, vous avez rêvé d'une petite pièce dans laquelle vous avez été enfermée, et vous étiez avec le héros. Et ce n'est pas mentionné ici, je me demande...
- Impa... cette situation va-t-elle arriver ? interrogea Zelda.
Elle ne répondit pas directement en remarquant que cela risquait de remettre mal l'Hylienne.
- La... la science des rêves n'est pas une science exacte, Princesse. La chose qu'il faudrait retenir, c'est que Ganon arrive, et des signes vont apparaître dans tout le royaume... Et puis, je me demande bien comment les deux élus pourraient se retrouver enfermés dans une pièce vide et que...
Elle s'enfonçait plus elle parlait. Impa ne savait pas mentir.
- Faut-il en informer mon père ? continua la princesse en comprenant que la vérité n'était pas très optimiste.
- Je lui donnerai les informations au sujet du Fléau. Mais il ne faut pas affoler le royaume, cela doit rester entre nous, d'accord, Princesse ?
Pour commencer, les seules personnes au courant de ce qui s'était passé allaient être la princesse et Impa ainsi que le roi. Zelda en fut assez mécontente car elle redoutait que son père lui ordonne une consécration plus intense à la prière suite à la prémonition.
- Je ne comprends rien à ce qui m'arrive... avoua l'Hylienne, perdue.
- La première vision est toujours très angoissante, mais il y a une chose positive dans tout cela, Princesse.
Une chose positive ? Zelda avait prédit qu'elle allait se faire enfermer avec Link quelque part, elle s'était réveillée en sueur et en panique, et il y avait quelque chose de positif ? Impa continua en affichant un sourire inattendu.
- C'est que vous avez la confirmation que vous êtes une élue, ne doutez plus de cela maintenant, d'accord ?
Si ce que disait la Sheikah était vrai au sujet de ces visions n'apparaissant que chez les réincarnations de la déesse, alors effectivement, Zelda était l'élue. C'était une évidence pour tout le monde, mais pas pour elle. Alors peut-être que finalement, cette nuit-là lui avait été un minimum gratifiant afin de s'épanouir personnellement...
La princesse retourna silencieusement dans sa chambre après toutes ces péripéties. Mais, évidemment, même après s'être changée et lavée, impossible de dormir pour les heures qui lui restaient. Et cela allait faire deux nuits de suite qu'elle n'allait pas dormir. Elle s'assit en tailleur sur son lit.
Le lendemain allait être le dernier jour avec les prodiges au château. Aucune séance d'enseignement des créatures divines ne leur était imposée, c'était du simple temps à passer ensemble, encore une fois. Zelda attrapa son journal de recherche pour passer le temps. En feuilletant les quelques pages utilisées, elle y revit le signe qu'elle avait dessiné le matin même ainsi que la représentation qu'elle s'était faite de cette étrange silhouette, monstrueuse à première vue. En y repensant, la princesse se rendit compte de l'étrangeté de ce qu'elle avait vécu ce soir-là. Elle savait qu'elle n'avait pas rêvé. Mais avec tout ce qui se passait, elle n'avait pas la tête à réfléchir à ce qu'elle avait vu.
~~~
Pendant ce temps, dans la suite des prodiges, Revali était assis contre sa porte, dans le couloir et dans le noir presque complet. Il ne dormait pas comparé à tous les autres. Il avait l'habitude de se réveiller tard dans la nuit, il partait régulièrement s'entraîner à cette heure-là à sa zone d'exercice. Il trouvait le moment calme et en cohésion avec une concentration profonde. Parfait pour progresser encore et encore.
Alors depuis, son corps s'était habitué à se réveiller. Il profitait du silence que la nuit lui offrait. La porte en face de lui s'ouvrit doucement afin de ne pas perturber le sommeil des autres. C'était Daruk qui sortait de sa chambre. En chuchotant, le Piaf l'interpella.
- Tu as le sommeil léger à ce que je vois, Daruk. Je ne peux pas croire que tu m'aies entendu.
Le Goron referma délicatement la porte derrière lui.
- Il faut croire que si, répondit Daruk, ça t'arrive souvent de te lever en pleine nuit ?
- Je suis habitué.
Les deux prodiges se regardèrent quelques secondes.
- Et toi, alors, continua Revali, tu fais quoi ici ?
- Je n'ai pas encore dormi.
Daruk leva la tête vers la fenêtre au fond du couloir qui donnait sur un ciel étoilé.
- Ça te dirait une balade nocturne ? demanda-t-il à son camarade.
- Ça me ferait de la peine de te voir partir seul... soupira le Piaf.
Ils arrivèrent jusqu'aux grandes portes du château, vers la place centrale de la citadelle. Il faisait encore assez frais, mais Revali était habitué aux températures glaçantes et Daruk avait une "carapace" très épaisse qui l'empêchait d'avoir très froid, bien que quelques frissons le traversaient. Pas un seul signe de vie dans la ville au clair de lune. Seule la fontaine émettait son bruit d'eau ruisselante.
- Moi je parie que tu t'en veux encore pour ce matin, c'est pour ça que tu ne dors pas ! commença Revali.
- M'en parle pas, je peux être vraiment stupide parfois...
Le Goron passa un bras sur sa nuque, encore gêné.
- N'empêche que tu l'as bien mise mal à l'aise !
- Ah ! Et toi alors ? On peut pas dire que c'est une réussite non plus, je te signale !
Le Piaf plaça ses bras derrière son dos.
- C'est autre chose, ça n'a rien à voir, expliqua-t-il.
- Bien sûr que si ! Pourquoi t'acceptes pas notre p'tit gars ?
- Enfin Daruk, tu l'as vu ? Il ne parle pas, ça ne te choque pas, toi ?
- Il faut apprendre à le connaître, c'est tout !
Ils arrivèrent vers l'autel et s'arrêtèrent pour ne pas trop s'éloigner de leur lieu de résidence temporaire. Le Goron soupira en revoyant cet endroit.
- Notre pauvre princesse... Urbosa a raison à son sujet.
- Elle n'y est pour rien, je lui pardonne son comportement de ce matin, je la comprends, informa l'archer.
Son camarade lui afficha un sourire révélateur de son amusement intérieur.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle !
- Tu vois, t'as un bon fond, Revali ! Juste, essaie de le montrer plus souvent, quand nous sommes tous réunis !
- Je rêve ! Tu vas me faire la morale maintenant ?
- Je te dis ce que je pense, c'est tout.
Le Piaf pensait Daruk trop gentil et bienveillant à son goût. Celui-ci repensa au cas de Zelda.
- Je lui ai dit qu'elle pouvait m'en parler. Mais elle a pas l'air de vouloir.
- Enfin, Daruk ! Ça fait combien de temps que tu la côtoies ? Elle ne va pas s'ouvrir à n'importe qui comme ça ! fit Revali.
- Eh ben, avec moi, je pensais qui si !
- Pff... entre Urbosa et toi, vers qui crois-tu qu'elle va se tourner ?
- Je veux juste bien faire, si elle voulait pas de mon aide, elle me l'aurait dit.
- Tu vois, c'est là que tu te trompes !
Étonnement, le duo se souciait de leur princesse, ce qui n'était pas le cas de tout le monde. Tout à coup, une branche d'arbre craqua dans les arbres entourant l'autel.
- Tu as entendu ? demanda précipitamment Daruk.
- Oh ! Calme-toi, c'est juste un animal !
- On devrait rentrer, je le sens pas du tout d'un coup là...
Avant même que Revali ne puisse rétorquer, quelqu'un apparut dans l'ombre, derrière une des colonnes du lieu sacré. En pensant être en totale sécurité dans la citadelle, les deux prodiges n'avaient pas pris leur arme, seulement, ils avaient oublié qu'ils venaient d'en sortir.
- Un cerf ! Voilà tout ! rassura le Piaf en remarquant deux grands bois s'élevant sur la tête de l'être.
- C'est un bipède, Revali !
En voyant que le Goron sentait le danger arriver, il voulut en finir et s'avança jusqu'à l'inconnu qui disparut aussitôt en laissant tomber un bout de parchemin au sol, telle une feuille d'arbre. Ce qui étonna le Piaf. Revali s'accroupit et attrapa le bout de papier au sol. Sur celui-ci, une seule phrase était écrite, une phrase qui lui glaça le sang malgré son caractère téméraire car il n'avait pas peur pour lui, mais pour quelqu'un d'autre.
- Daruk, rentrons, dit-il en gardant sa petite trouvaille dans le creux de sa main.
Il n'en parlerait à personne d'autre qu'à la personne concernée. Il laissa de l'avance au Goron afin de vérifier qu'il n'avait pas mal lu. Non, le message était clair :
Je veux Son Altesse.
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Azur". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.