Breath of the Wild : La grande histoire de la Princesse d'Hyrule
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Un groupe de trois Gardiens menaçait les survivants dans ces couloirs étroits et sombres du château d'Hyrule. Les cris de peur et de douleur fusaient de tous les côtés tandis que certaines pièces se voyaient remplies de corruption visqueuse, bloquant l'accès à certains endroits. Cela créa un véritable labyrinthe dans lequel personne n'était sûr qu'il y ait une sortie sécurisée. Ganon avait pris le contrôle du château dès son apparition, et il le fit savoir notamment avec cinq monolithes gigantesques qui avaient surgi de terre, tout autour de la forteresse. Ces derniers renfermaient de grands stocks de Gardiens que la Calamité déploya dans toute la zone centrale du royaume. L'endroit était désormais méconnaissable, il avait perdu sa beauté et sa grandeur qui le caractérisaient tant. Dorénavant, il ne s'agissait plus que d'un château terrifiant, rongé par la malice.
À la recherche de la sortie la plus proche, Link, Zelda ainsi que le père de cette dernière couraient en direction de l'extérieur. La garde rapprochée du roi venait de succomber aux rayons laser meurtriers de ces machines sheikahs, ce qui l'avait laissé seul face à l'ennemi, armé de son imposant espadon royal. Le héros croisa par chance son chemin et lui avait proposé de le suivre, avec sa fille. Link avait quelques difficultés à trouver un couloir qui menait à l'extérieur. Et quand bien même ils arriveraient à sortir de la forteresse, la citadelle entière avait déjà été ravagée par les flammes, et les créatures divines venaient de se faire corrompre à leur tour, bloquant ainsi toutes entrées visibles de loin. Elles s'étaient rangées du côté de Ganon lorsque leur pilote n'avait pu surpasser la puissance maléfique qui avait envahi leur machine de guerre. Il était donc impossible de se frayer un chemin facile d'accès. Pour trouver un moyen de fuir, la route allait devoir comporter un détour par la plaine d'Hyrule assez conséquent qui pourrait dissimuler leur présence grâce aux amas d'arbres présents à certains endroits.
Link, en avant avec la princesse, trouva enfin un passage vers une porte de sortie, dans l'aile ouest. Seulement, derrière eux, des bruits machinaux retentirent, ceux des mouvements rapides des pattes mécaniques d'un Gardien. La tension monta d'un cran, le roi d'Hyrule, essoufflé, rattrapa les deux jeunes gens qui couraient plus vite que lui. Le groupe arriva en haut d'escaliers en colimaçon qu'ils s'empressèrent de dévaler à toute vitesse. La panique se lisait dans les yeux de Zelda, son ami le comprit, et il lui prit une main pour la rassurer et l'aider à descendre rapidement les marches sans qu'elle ne chute et ne se casse quelque chose. Une fois presque en bas, Link se retourna vers le roi en retard qui, pour la première fois devant le chevalier, montrait de la peur sur son visage. Le blond tenta de l'aider à son tour tout en gardant un oeil sur Zelda.
Mais au moment où Link lui proposa son bras, une lumière éclatante jaillit du haut des escaliers. Un rayon percuta violemment le mur de la tour avant de l'exploser dans une fumée de poussière. Ce choc fit trembler le sol et Rhoam Bosphoramus tomba rudement en arrière, sur la colonne vertébrale. Il en lâcha sa lourde arme qui glissa jusqu'en bas et émit un geignement plaintif qui alerta la princesse et le héros. Le Gardien à leur poursuite n'était pas loin et n'hésiterait pas à déchaîner sa puissance sur eux, si cette machine corrompue arrivait à se frayer un chemin dans cette cage d'escalier trop étroite pour son corps de métal, elle la détruirait au passage. Link s'accroupit près du roi toujours au sol et qui n'arrivait pas à se relever. Celui-ci était à bout de souffle, le poids de son arme qu'il portait avait dû être un facteur de fatigue, mais le père de Zelda sentait également une vive douleur dans le bas de son dos. Une douleur qui l'empêchait de se remettre debout et de continuer sa route.
- Votre Majesté, encore un petit effort, lui demanda le chevalier. Nous serons bientôt hors de danger. Prenez ma main.
Il attrapa sa paume, mais ce ne fut guère pour ce à quoi il s'attendait.
- Link, protège ma fille, dit-il en ancrant son regard dans celui du héros, qui comprit qu'il souhaitait donner sa vie pour occuper leur ennemi et cesser de les ralentir.
Le coeur de Zelda rata un battement lorsqu'elle entendit la dure décision de son paternel. Elle ne pouvait pas le laisser se sacrifier pour eux, la prêtresse savait qu'elle ne supporterait pas sa mort et encore moins dans ces circonstances.
- Père, non ! refusa-t-elle. Vous ne pouvez pas...
- Fuyez ! rétorqua le roi d'Hyrule. C'est un ordre.
Link se résigna à écouter son supérieur hiérarchique. Il resta immobile quelques secondes, en réfléchissant, puis lui envoya un regard navré et se dirigea vers Zelda, pour poursuivre son chemin le plus vite possible. Dans ces moments-là, il fallait savoir faire la part des choses, et lorsque des vies devaient être sacrifiées, il fallait faire en sorte qu'il y ait le moins de perte possible. Le héros était le seul à pouvoir être objectif sur leur situation et penser à la suite. Son amante, elle, était bien trop tourmentée émotionnellement. Il s'agissait tout de même de son père... Link le comprenait, bien sûr. Mais le menaçant Gardien surgit du haut des marches, se tenant comme il le pouvait au reste de la tour de l'aile ouest. En apercevant cet homme, âgé et fatigué au sol, la machine n'eut qu'un seul réflexe : charger un rayon qui serait fatal au roi. L'endroit était bien trop étroit pour que Link puisse renvoyer le rayon de la machine avec son bouclier d'Hylia. De ce fait, il attrapa la main de la princesse et l'incita à le suivre sans se retourner. Zelda dut se plier au désir du héros mais garda les yeux fixés en arrière. Elle hurlait maintes et maintes fois en appelant son père, Rhoam Bosphoramus, dernière personne qui lui restait de sa famille. Le Gardien était presque prêt à tirer sur cette cible facile qu'il n'avait même pas besoin de traquer.
- Père ! criait Zelda, qui tirait Link dans la direction opposée à celle qu'ils devaient prendre.
Ses cris lui parvenaient très nettement. Rhoam fut pris d'un sanglot et versa une larme en entendant la voix de sa fille auprès de laquelle il aurait tant voulu s'excuser. Tout cela était bien trop tard, il n'avait pas ouvert les yeux assez tôt pour avoir l'opportunité de lui demander pardon en raison de son comportement bien trop strict envers elle. Il allait mourir avec un certain nombre de regrets, mais en contrepartie, il sauverait potentiellement la vie de Zelda. C'en valait ainsi la peine.
Ainsi, ses dernières paroles furent "pardonnez-moi". L'homme prit une grande inspiration et regarda sévèrement son ennemi, désormais prêt à l'achever en quelques instants. Puis, il ferma les yeux, pour la dernière fois, avant qu'un énième éclair lumineux n'envahisse la totalité des escaliers, dans un son qui caractérisait le feu destructeur des Gardiens. Le roi d'Hyrule s'en alla dans un autre monde, ce même monde où il rejoindrait son épouse.
- Père ! Non ! hurla la princesse en tendant un bras vers la victime du Gardien.
Un éboulement de pierres recouvrit les marches et épargna une vue atroce aux deux élus. La machine destructrice fut prise dans son propre piège et de nombreux morceaux de pierre lui tombèrent dessus après avoir abattu sa proie. Très vite, le Gardien fut endommagé et ne put continuer à poursuivre le reste du groupe. Assez éloignée de cette scène, Zelda fondit en larmes, résistant du mieux qu'elle le pouvait à l'emprise que Link avait sur elle afin d'éviter qu'elle ne rebrousse chemin. La princesse était toutefois incontrôlable, lui retenir l'avant-bras n'était plus suffisant, le héros dut ranger son épée de légende et passer ses deux bras autour d'elle pour la garder avec lui et renoncer à sa volonté. Exerçant tous deux une puissante force sur l'autre, les deux élus tombèrent à genoux simultanément mais la princesse se débattait encore.
- Laisse-moi... Laisse-moi, Link... pleura Zelda qui tentait de ses deux mains d'enlever un bras du blond qui entourait son abdomen.
- Je suis sincèrement désolé... répondit le concerné qui sentit à son tour l'émotion monter.
Les pleurs de son amie l'atteignirent profondément, il posa son menton sur son épaule et ferma les yeux, en lui répétant à l'oreille d'une voix tremblante qu'il était navré de ce qui venait de se produire. Zelda cessa de penser qu'elle pourrait se libérer en voyant qu'elle ne parviendrait pas à lutter davantage. Elle resserra les bras de Link autour d'elle en raison de toute la tristesse qui s'évacuait de son corps. La princesse continua à pleurer tête baissée, ses cheveux tombant en avant, sans lâcher le chevalier qui était tout aussi troublé qu'elle. Ils gardèrent cette position quelques secondes, Link avait pris le risque de ne pas voir venir le danger durant quelques instants. Il ne souhaitait pas faire preuve de trop de dureté avec Zelda qui n'était, de toute manière, point en mesure de courir. Il savait ce que c'était de perdre ses parents, sa réaction était tout à fait normale selon lui, le héros n'avait pas voulu brusquer les choses.
Ganon rugit soudainement, ce qui fit relever les yeux à l'Hylienne. La vision qu'elle eut ne vint qu'empirer les choses : Vah'Medoh volait au loin dans le ciel orageux, animée d'une vive couleur rouge et recouverte par endroits de corruption. Qui aurait cru qu'une telle chose aurait pu arriver ? Le Fléau arrivait à corrompre plus que des humains, et il ne s'était pas privé... Tout semblait s'être effondré, tous leurs plans, leurs espoirs, leur vie entière avait basculé.
- Mon père... Mon entourage... Mipha, Daruk, Revali... et Urbosa... Tous sont morts par ma faute... sanglotait-elle en repensant à toutes les personnes qu'elle venait de perdre cette nuit-là.
Link refusait de l'entendre dire qu'elle était responsable de toutes ces morts. Le seul coupable était Ganon, ils le savaient tous les deux. Mais Zelda ne pouvait s'empêcher de penser que rien ne serait arrivé si son pouvoir s'était éveillé bien plut tôt. Le héros se déplaça pour se retrouver en face d'elle, lui cachant ainsi la vue de l'éboulement récent en arrière. Elle vit à la place ses deux iris bleus dans lesquels elle se plongea. Le dernier prodige comptait bien lui faire comprendre qu'elle n'était en rien impliquée dans le décès de leurs amis, ni même dans celui de son père. Évidemment, le pouvoir du sceau aurait pu changer le déroulement des choses, mais personne ne pouvait assurer qu'il les aurait tous sauvés.
- Princesse Zelda... prononça le blond, affligé.
- J'ai tué... toutes les personnes qui m'étaient chères... ajouta la princesse qui pleurait toutes les larmes de son corps. Et maintenant, il ne reste plus que toi et je ne veux pas que...
Il interrompit l'Hylienne en portant avec tendresse ses deux mains sur ses joues humides. Si son absence de pouvoir avait coûté la vie aux quatre prodiges ainsi qu'au roi d'Hyrule, jusqu'où cela pouvait s'arrêter ? Zelda avait peur de tuer Link, lui aussi, à cause de son inaptitude à remplir son devoir. Elle pensait déjà avoir fait beaucoup trop de mal, et de dégâts autour d'elle.
- Ce n'est pas votre faute, je vous assure, dit-il en la regardant intensément.
Lorsqu'il sentit l'eau tiède couler jusqu'à l'intérieur de ses paumes, le héros s'approcha et la serra contre lui, dans le but de lui offrir du réconfort dans cet endroit devenu mortel et infernal. Zelda se laissa basculer en avant jusqu'à lui, toujours prise de larmoiements permanents. S'ils avaient su qu'ils en arriveraient là, seuls, et sans plus aucune personne sur qui compter... La philosophie du héros aurait, d'habitude, tendance à affirmer que jamais il ne fallait se résoudre à l'abandon, même si l'on se trouvait au fond du gouffre. Pourtant, en ce moment-même, Link ne cherchait pas à respecter cette façon de penser. Sans pour autant être dans le désir de se soumettre à la Calamité, il sentait tout de même leurs espoirs s'effondrer, et il ne possédait pas d'alternative à cela. Tout ce qu'ils devaient faire était fuir afin de ne pas mourir, l'idée de combattre et triompher n'était, visiblement, plus de mise pour le moment.
- Vous n'y êtes pour rien, lui murmura-t-il.
C'était plus fort que lui, ce moment de désespoir plus que total laissa échapper une larme, à lui aussi. Mais un bruit vint l'interpeller alors qu'il était toujours dans les bras de la princesse. Lorsqu'il entrouvrit les yeux, il constata que plusieurs personnes, certainement mal intentionnées, les encerclaient tous les deux. Ils étaient sept, tous sans arme et à égal distance les uns des autres autour des élus des déesses à environ deux mètres d'eux. Parmi ces nouvelles têtes, trois gardes royaux, un noble de la cour et trois simples civils. Tous possédaient un regard perçant en direction des deux Hyliens, pris au piège, et quelque chose d'inexplicable semblait les lier, tous les sept. Une tension plus élevée s'installa sans prévenir. Voilà le prix à payer lorsque l'on baissait sa garde, ne serait-ce que quelques secondes. Link sécha ses larmes, s'empara de son épée qu'il avait laissée au sol, près de lui, et s'adressa à leurs nouveaux ennemis en se redressant.
- Écartez-vous ! vociféra-t-il tout en sachant que ses interlocuteurs ne bougeraient pas un pied.
L'éclat de l'épée de légende scintilla sur ces mots. Link gardait un oeil sur chacun d'entre eux, en les menaçant de sa lame et en prenant soin de vérifier que Zelda n'était pas en péril. À un contre sept, il n'avait aucune chance, d'autant plus que ces êtres étaient corrompus... cela coulait de source. Le supposé leader du groupe, un garde royal à l'uniforme abîmé, se mit à ricaner du comportement pathétique à ses yeux du prodige qui ne se laissa pas déstabiliser.
- Héros élu des déesses. Chevalier porteur de la lame purificatrice. J'ai habité ton propre esprit, et tu penses encore avoir le pouvoir de me résister ? s'étonna le fidèle.
Le reste des corrompus eurent un rire moqueur tous ensemble. Ses paroles pouvaient être, au premier abord, déroutantes. Habiter son esprit ? Link comprit que Ganon parlait à travers cet homme, et il avait désormais l'opportunité de s'adresser au Mal s'il le souhaitait. Sa haine envers lui ne fit qu'augmenter suite à ce que lui et Zelda venaient de vivre comme atrocité. Le héros garda son calme pour le moment, donnant la possibilité au Fléau de continuer ses louanges envers lui-même. Il clamait haut et fort sa puissance supérieure, ce qui n'intimida pas le blond, le regard sévère.
- Je suis partout, insista Ganon. Dans toutes les têtes, toutes les contrées, et tous les temps.
La princesse, terrorisée, sursauta lorsqu'un individu à l'allure d'un paysan s'était rapproché en lui dévoilant des yeux rouges pénétrants. Link le repoussa d'un coup tranchant de son arme en diagonale. L'ennemi faillit toucher cette épée si odieuse et effrayante pour lui, il recula en fixant le héros. Ce qui étonna le prodige était qu'ils avaient l'avantage si le groupe les attaquait en même temps. Et pourtant, les autres corrompus restaient à leur place, comme si tout cela était un spectacle pour eux, un défi de celui qui oserait s'approcher le plus possible de la lame purificatrice. Le tonnerre gronda soudainement suite à cette tentative de la part du paysan, ce qui n'était pas pour rassurer Zelda qui ne savait pas d'où viendrait la prochaine offensive.
- Venez à moi, chers élus ! s'exclama le garde royal. J'attends votre venue depuis si longtemps !
La main droite de Link resserra son emprise sur le manche de son épée. Il mourait d'envie de faire taire cette entité maléfique qui contrôlait l'esprit de ce pauvre homme. Mais le blond ne se montrerait pas imprudent et resterait près de la prêtresse. Cette impulsivité naissante qu'il sentait l'envahir ne ferait qu'avoir raison de lui.
- Ganon... grogna le chevalier qui aurait voulu détruire la distance qu'il y avait entre lui et le corrompu d'une démarche déterminée et rapide.
Il le pointa du bout de son étincelante lame purificatrice.
- J'ai été choisi dès mon plus jeune âge pour te combattre, dit Link. Je suis celui qui doit lever cette épée légendaire au ciel, je suis celui qui trouvera toujours le courage de me dresser devant toi. L'âme qui, au fil des siècles, a toujours réussi à mettre fin à ta soif de vengeance et ta folie meurtrière.
Son discours lui déplaisait tant il savait qu'il était vrai et incontestable. Le Fléau avait toujours fini scellé, quoi qu'il arrivait. Cependant, sa dernière apparition remontait à dix mille ans en arrière, et cela n'était pas dû au hasard. Si Ganon avait attendu un lapse de temps si grand, c'était pour revenir avec une puissance incommensurable qui lui donnait la capacité de corrompre machines tout comme êtres vivants. Peut-être arriverait-il à surpasser la force du héros légendaire, cette fois-ci ?
- Nous sommes les personnes qui te terrasseront, continua Link, comme les précédents héros et les précédentes princesses l'ont fait, eux aussi. Alors en effet, nous viendrons à toi. Ce n'est qu'une question de temps.
Plus personne ne parla ensuite. Loin de vouloir se montrer supérieur à son adversaire, Link n'avait fait que lui rappeler comment s'étaient terminées les histoires de leurs ancêtres, jusqu'à maintenant. Après cinq secondes de silence, l'Hylien vit l'expression faciale du garde changer brusquement. Celui-ci inclina légèrement la tête sur le côté avant d'émettre un soupir condescendant. Link restait à l'affût du moindre de ses gestes, à lui et ses compagnons. Seulement, il n'avait pas d'yeux derrière le crâne, aussi prudent qu'il pouvait être, le héros ne pouvait pas surveiller les sept corrompus en même temps...
- Vous n'êtes que des faibles humains pathétiques, cracha Ganon sur un ton indifférent.
- Link ! s'écria tout à coup Zelda.
Les élus étaient dos à dos, et ainsi, juste derrière lui, la princesse vit trois des corrompus qui les encerclaient se ruer vers elle en même temps. D'une seconde à l'autre, sans même jeter un oeil à ce qui la menaçait, Link prit le bras de la blonde afin de la faire pivoter et la faire échanger de place avec lui. Cette dernière émit un hoquet de surprise lorsque Link l'avait faite se déplacer ainsi sans prévenir. Le prodige fendit l'air horizontalement durant sa rotation. Arrivé à l'ancienne position de Zelda, son épée entra un contact avec les trois hommes, déchirant de son éclat lumineux leur peau, un par un. Un filet de corruption reliait désormais les corps des trois corrompus à la lame blanche de l'épée qui aspirait la malice. La vivacité du héros venait une nouvelle fois de sauver la vie de son amante qui se retrouva face au garde royal par lequel Ganon communiquait avec son ennemi juré. Les trois blessés s'étaient étalés au sol, en agonisant. Atteints aux bras et au buste, leur corps ne pouvait se régénérer car leurs plaies étaient dues à la seule arme qui empêchait ce procédé dans ce monde. Il n'était donc plus que quatre à être en mesure de rivaliser avec Link, celui-ci attendait la prochaine offensive qui ne tarda pas à venir.
Un premier fidèle s'élança vers lui à sa gauche dans un nuage de gaz aux couleurs rouges. Le prodige n'eut aucun mal à le stopper en le faisant percuter son robuste bouclier d'Hylia. Grâce à cette solide défense, il put enchaîner en plongeant la lame purificatrice dans cette masse de corruption qui lévitait au-dessus du sol. Un cri de douleur vint meurtrir leurs tympans jusqu'à ce que Link retire son épée d'un geste vif du bras vers lui, faisant ainsi disparaître dans le même temps la malice de l'air et révéler au sol le corps physique d'un noble fait de chair et d'os, inconscient. Durant ce temps-là, le garde royal, chef du groupe et porte-parole du Fléau, ricanait haut et fort mais n'attaquait toujours pas. Quant à Zelda, elle ne pouvait que regarder le combat auquel elle n'aurait certainement pas eu la force de participer, d'autant plus qu'elle ne possédait ni sa tablette sheikah, ni tout autre arme dont elle aurait pu se servir.
Link se précipita ensuite dans la direction opposée où la princesse vit arriver le cinquième corrompu. Il s'agissait d'un second garde, brun, sous l'emprise du Mal. Ce dernier opta pour un combat à l'épée au lieu de se jeter sauvagement sur leurs ennemis comme l'avaient fait ses compagnons. Il fut le premier à porter le premier coup : un coup d'estoc qui avait frôlé de justesse le flanc droit du héros. Le blond abattit ensuite son arme à la verticale vers le biceps gauche de son adversaire, mais celui-ci bloqua cette attaque tout comme le héros contra celle qu'il porta au niveau de son visage l'instant d'après. Cet épéiste était rapide, Link ressentait une ardeur prononcée émaner de son corps, il pressentait la haine de Ganon à travers lui. Malheureusement, il commit une erreur qui allait lui être fatale, le garde royal prépara un coup de taille bien trop prévisible qui fut contré aussitôt. Le chevalier reprit l'avantage et lui lacéra l'avant-bras avant que de la malice ne s'en échappe pour rejoindre le coeur de l'épée de légende. Le corrompu tomba au sol, à son tour.
Soudain, une force inconnue le projeta sur le côté, à quelques mètres, Link en lâcha son équipement et souffla en raison de la brutalité de sa chute. Le sixième du groupe, un civil banal, se jeta immédiatement sur lui. Il attrapa le blond par la gorge et tenta de le frapper au visage de son autre main. Sans aucun doute, il possédait une force musculaire bien plus élevée que celle de l'Hylien, en mauvaise posture. Plus il serrait le cou de sa victime, plus le corrompu grognait telle une bête féroce. Cette dernière se débattit, mais en vain. Puis, le crâne du civil percuta brutalement du lourd métal et cela l'assomma sur le coup, libérant ainsi Link de son emprise. Zelda, munie du bouclier d'Hylia qui était resté par terre, venait de lui épargner une corruption certaine. Elle l'aida à se relever tandis que le septième et ultime fidèle se manifesta enfin suite à ces combats acharnés du héros.
- Bien, à nous deux, affirma l'ancien soldat.
Après avoir remercié la princesse, Link ne tarda pas à récupérer son arme et se présenter face à lui. Le dernier survivant était resté immobile durant tout ce temps car son corps était en train de se métamorphoser. Ses mains virent leurs doigts s'allonger de plusieurs centimètres tout comme ses ongles qui devinrent des griffes. Cette transformation était en train de remonter le long de ses bras. Le corrompu n'attendit pas plus longtemps, il fit deux pas en avant lorsqu'un violent coup de pied dans le bas du dos de la part d'un inconnu le fit accélérer sa marche d'un seul coup, lui faisant perdre l'équilibre dans le même temps. Le garde arriva juste en face du héros mais sa lame lui avait déjà transpercé l'abdomen avant même qu'il ne puisse user de sa nouvelle apparence.
Link retira son épée du corps qu'elle venait de pénétrer tandis que Zelda resta bouche bée face à la personne qui venait de leur venir en aide. Les deux amants firent face à une jeune figure blonde qui devait avoir un âge similaire au leur, son visage était sali par la boue. Ils n'eurent cependant aucune difficulté à la reconnaître.
- Edward ? s'étonna la princesse.
Le poète se tenait bel et bien devant eux. Ce même poète qui était décidé à disparaître de la vie de la princesse et du héros, quelques jours auparavant, à cause de ses actes. Pourtant, il était bien là et sa présence au château d'Hyrule était plus qu'incompréhensible. Link, qui s'avérait être la première personne qui lui en voulait sérieusement à cause de ce qu'il lui avait fait subir, ne put que le remercier d'un petit hochement de tête pour son intervention. Le Sheikah ressentit une certaine honte en croisant le regard de Link, personne qu'il avait tant méprisée silencieusement.
- Je connais une route qui nous mènera à la muraille d'Elimith avec le minimum de chance de nous faire repérer, informa Edward sans donner aucune explication.
Le héros réajusta sa tunique du prodige et répondit :
- Nous te suivons.
Cette réponse le satisfit. Le chevalier s'apprêtait à suivre leur nouveau compagnon de route lorsqu'il se retourna et remarqua que Zelda n'était plus parmi eux mais seule à l'écart, de nouveau tournée vers la tour qui s'était en partie effondrée et avait détruit les escaliers. Link la rejoignit un instant pour lui annoncer leur départ imminent.
- Ganon est trop fort pour le moment. Nous devons partir.
La princesse fixait l'effondrement, une patte du Gardien récemment détruit par celui-ci en dépassait. Zelda commençait à dénier ce qui était arrivé à son père. Au fond d'elle, la blonde savait qu'il n'y avait plus rien à faire, mais elle refusait de le laisser là. Le choc l'empêchait d'agir avec raison.
- Il est peut-être toujours vivant sous toutes ces pierres... dit-elle.
- Je suis sincèrement désolé, s'excusa Link, mais vous avez vu comme moi, il est trop tard.
Elle le dévisagea, bouleversée par ses propos qui faisaient entièrement référence à ce qu'elle refusait d'accepter.
- Comment peux-tu dire une chose pareille ?
Le blond ne faisait que lui rappeler la vérité, sous peine que la princesse s'emporte encore plus et commette une erreur en fouillant dans cet éboulement. Elle avait l'impression de l'abandonner... C'était un moment très dur pour elle, et cela le désolait. Mais ils avaient déjà failli laisser leur vie ici avec ce groupe de corrompus désormais étalés sur le sol, l'opportunité de pouvoir choisir ne s'offrait plus à eux.
- Suivez-moi, je vous prie, insista le héros avec un peu plus de fermeté.
Il lui attrapa une nouvelle fois le bras afin qu'elle le suive en vitesse mais cette fois-ci, la prêtresse ne se laissa pas faire.
- Non ! Lâche-moi ! s'exclama-t-elle. Je n'ai pas le droit d'abandonner mon père !
- Princesse Zelda, nous devons faire preuve de bon sens. Nous avons fait plus que sous-estimer sa puissance. Si nous restons au château, vous courrez de grands dangers. Et je me dois de vous protéger avant tout.
- C'est faux ! Tu n'es plus appelé à remplir ce devoir !
Sans attendre et pour être clair une bonne fois pour toutes, Link lui expliqua que devoir ou non, ce n'était guère pour cette raison qu'il forçait autant pour fuir. Par Hylia, il se trouvait à l'endroit même où était Ganon, cela était une raison valable pour partir, non ? Zelda semblait l'avoir totalement oublié. Celle-ci n'avait même plus peur, mais était juste prise de tourments légitimes et animée d'une peine profonde.
- Ce n'est pas juste pour respecter mon devoir que je me vois dans le besoin d'insister, mais parce que je refuse à titre personnel de vous voir mourir, vous aussi ! répliqua ainsi le prodige.
Ce fut la première et la dernière fois que Link avait haussé le ton sur son amie lorsqu'il était pleinement lucide. Tout simplement car jamais il ne se le serait permis avant, mais la situation faisait que leur vie était en jeu et aucun d'entre eux n'accepterait une mort supplémentaire. Zelda ne répondit rien, écoutant le héros qui, et elle le savait, avait raison. L'Hylienne sentait encore une vague intense de tristesse l'envahir à nouveau.
- Je ne le supporterais pas, ajouta Link d'une voix plus calme.
Edward observait leur conversation et s'impatientait. Cet endroit était bien le dernier dans lequel il souhaitait rester plus longtemps.
- Il est plus que temps de s'en aller, dit-il afin de les hâter davantage.
- Père... Pardonnez-moi... souffla Zelda avec affliction.
Ils furent tout à coup surpris par la terre qui trembla sous leurs pieds, cet événement fut celui qui les mit en route, tous les trois, vers leur destination. Le poète s'empara de l'arme d'un garde royal, immobile au sol. À l'accoutumée, il se baladait plutôt avec un instrument de musique, le Sheikah n'avait jamais aimé l'allure menaçante et provocatrice qu'avaient les armes de guerre, il ne savait pas vraiment utiliser d'épée de ce genre, mais cela était mieux que rien. Il partit en avant, sans trop s'éloigner des élus des déesses, pour leur indiquer le chemin à prendre. Malgré leurs différends, Link lui faisait confiance. Edward était leur seule chance de s'en sortir.
- Nous partons pour la muraille d'Elimith, informa le héros à son amante. De là-bas, vous pourrez vous rendre au village de Cocorico où vous serez en sécurité. Nous discuterons avec Dame Impa du déroulement du plan à venir.
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La protection du village avait triplé ses effectifs depuis cette nouvelle terreur qui s'était installée dans le royaume. Une dizaine de gardes sheikahs étaient positionnés à chaque entrée, pour assurer une sécurité optimale à tous les habitants. Leur plus grande frayeur était qu'un Gardien surgisse d'un côté et vienne brûler les maisons de Cocorico, ils espéraient tous pouvoir faire face, ensemble, à une machine aussi dangereuse lorsqu'elle était du côté de Ganon. Personne ne baisserait les bras. Il était presque minuit lorsque la totalité des paysans s'étaient réfugiés chez Impa, à l'extérieur, l'ambiance était triste. Les flambeaux éteints par la pluie et le vent fouettant les feuilles des arbres rendaient cet endroit à l'accoutumée paisible assez lugubre. Seule la demeure de l'ancienne magistrate adjointe était éclairée de l'intérieur.
Il devait y avoir une trentaine de personnes confinées dans cette même pièce. Il était parfois difficile de marcher sans bousculer quelqu'un, mais l'important était que personne ne se trouvait en danger de mort. Dans la partie gauche de la pièce, là où se trouvait une peinture accrochée au mur ainsi que quelques étagères de rangement, une quinzaine de Sheikahs patientaient dans un brouhaha désagréable. Certains s'asseyaient à même le sol pour calmer leur angoisse, en raison du manque de sièges, et d'autres restaient debout, discutant avec leur voisin de ce qu'il se passait. Quelques personnes avaient contesté les ordres de leur cheffe qui étaient de se réfugier tous ici, au même endroit. Ces oppositions avaient comme argument que si un Gardien animé de corruption venait à s'en prendre à eux, toute la population du village serait décimée en même temps... Les choses s'étaient précipitées d'un seul coup, Impa avait préféré s'assurer de la sécurité de tous de cette manière, et la soeur de Pru'ha ne changerait pas d'avis.
Au centre, Impa servait quelques boissons chaudes à ceux qui en désiraient. En l'espace de trois heures, la Sheikah avait dû gérer avec plus ou moins d'aide plusieurs crises de panique de Sheikahs pétrifiés par l'effroi ainsi que des comportements dangereux d'habitants qu'elle avait dû calmer, sous peine de mettre en péril toute la demeure. Et malgré sa jambe encore douloureuse, elle se tenait debout, pour elle et son village. Enfin, vers le fond de la pièce, se voyaient disposés quelques lits installés à l'improviste. Les personnes malades ou blessées y étaient allongées, comme Nell qui se remettait peu à peu de son état. Également de ce côté de la maison, Lysia et Arthur essayaient de ne pas penser au carnage en cours. Assis par terre, côte à côte contre un mur, ils sursautaient à chaque fois que Ganon poussait un rugissement. Mais la jeune fille savait qu'ici, auprès d'Impa, il ne pourrait rien lui arriver. Elle fut toutefois inquiète en observant son ami prendre de plus en plus peur. Malheureusement, Lysia ne savait pas quoi faire pour le rassurer.
- Ça va ? demanda-t-elle, peinée de le voir dans cet état.
- Je n'aime pas l'orage, avoua Arthur avec honte, en gardant les yeux fixés sur ses pieds.
Cette peur était tout à fait compréhensible à ses yeux : le bruit sourd, les flashs de lumières... Il y avait de quoi être effrayé, et encore plus pour un enfant. Lysia s'approcha de lui, jusqu'à coller son épaule à la sienne, et lui fit part de son expérience personnelle avec ce type de phénomènes météorologiques. La blonde trouvait qu'il n'y avait pas de quoi avoir honte, d'abord car jamais elle ne se moquerait de son nouvel ami, mais également car "la peur est un élément essentiel de la vie. Sans peur, il n'y a pas de courage", comme le disait si bien son père.
- Tu sais, moi aussi je n'aimais pas ça avant, dit-elle. Mais un jour j'ai osé regarder dehors à quoi ressemblait les éclairs. J'ai trouvé que c'était fascinant, même si le bruit est désagréable.
- Cet orage est différent, lui fit-il remarquer en relevant le regard vers elle.
Dans l'obscurité de cette nuit pluvieuse, Alan atterrit derrière un rocher sur le chemin qui menait à l'entrée sud du village de Cocorico. Son apparence et ses pouvoirs de corrompu pouvaient lui jouer des tours face aux autres qui seraient légitimes de le considérer comme un ennemi, il se devait donc de les dissimuler pour le moment, surtout lorsque tous étaient à l'affût du moindre signe de Ganon et de ses fidèles. Le voilà de retour ici depuis plusieurs jours... À vrai dire, il n'était resté que quelques minutes la dernière fois, le temps de déposer Nell, blessée, entre de bonnes mains. Alan était aussitôt reparti, à la recherche de son frère, mais avait néanmoins eu le temps de remarquer que sa nièce, Lysia, était en ces lieux. Ce fait l'avait rassuré. Depuis, il avait fouillé Hyrule toute entière afin de trouver Gabriel, mais ce ne fut que trop tard qu'il l'avait localisé... L'oncle n'arrivait même plus à prononcer le moindre mot, il tremblait en raison des récents événements. Les cernes sous ses yeux ainsi que son expression éreintée lui donnaient une allure de mort-vivant.
Chaque pas qu'il faisait dans cette herbe imbibée d'eau était un pas de plus vers Lysia. Un pas de plus vers un moment terrible par lequel il devait passer. Une réalité que l'homme se voyait obligé d'expliquer à la petite fille qu'il n'avait pas revue depuis qu'elle s'était faite enlever par le gang des Yigas. Il avançait, mais savait qu'il n'y arriverait pas. Il savait que rien ne pourrait sortir de sa bouche à l'instant fatidique. Comment était-il possible d'infliger une chose aussi cruelle à un enfant ?! Ces simples pensées faillirent le faire pleurer à nouveau, il ne voulait pas être celui qui lui dirait ! Pourtant, il était le seul à pouvoir le faire, le seul ayant connaissance de ce qu'il était advenu de son frère. C'était lui, et personne d'autre.
Alan frappa à la porte d'Impa sans motivation, animé d'une tristesse indéfinissable. Le bruit à l'intérieur de la demeure avait couvert ceux de sa main contre le bois de l'entrée, il décida donc de pénétrer de lui-même en tournant la poignée. La première chose qu'il vit ne fut qu'un regroupement de personnes qui lui cachait la vue, et aucun ne porta son attention sur lui. Tous bavardaient bruyamment. Bon sang, il se trouvait désormais dans la même pièce que sa nièce... mais comment allait-il faire ? Lorsqu'il s'avança un peu plus, après s'être excusé auprès de quelques personnes afin de se frayer un chemin, Alan tomba sur une femme sheikah qui semblait différente. Un peu plus petite que lui, elle boitait et possédait un air inquiet. L'oncle l'interpella, lui demandant où pouvait bien se trouver Lysia dans ce désordre.
- Excusez-moi, intervint-il, vous êtes la cheffe de ce village ?
C'était la première fois qu'il formulait des mots depuis ce terrible drame, au pont d'Hylia. Sa voix était blanche et faible, ce qui démontrait fortement l'état dans lequel il se trouvait. Impa se retourna vers son interlocuteur et lui répondit avec bienveillance. Devant elle s'était présenté un homme trempé de la tête au pied par la tempête, fatigué, et qui semblait désespéré. Pour sûr, il avait besoin d'aide. Il devait s'agir d'un réfugié d'un village voisin qui venait se mettre à l'abri ici. Après tout, la Sheikah accueillait toute personne en détresse ou en situation critique. Avec des bêtes mécaniques sous l'influence du Fléau qui rôdaient à l'extérieur, il valait mieux pour tout le monde rester cloîtré quelque part, et ne plus bouger, en attendant que cette fureur destructrice se calme.
- Dame Impa, c'est bien moi, confirma donc la cheffe à Alan. Par Hylia, vous m'avez l'air épuisé... Ne restez pas dehors, vous serez en sécurité ici et...
- Je cherche ma nièce, elle est ici, l'interrompit l'Hylien. C'est une... petite fille de huit ans, les cheveux blonds, yeux verts...
Elle plissa les yeux, réfléchissant si elle connaissait cette fille. La Sheikah porta une main contre elle, si un enfant se trouvait seul, dehors, ses chances de survie étaient extrêmement faibles... Elle espérait de tout coeur que cela ne soit pas le cas.
- Lysia ? proposa Impa.
- Oui ! C'est ça, elle n'est pas blessée ?
- Non, elle va bien, le rassura-t-elle. Attendez, vous êtes son oncle ?
Alan acquiesça, il ne fut guère intrigué par la question de cette femme qui, jusqu'à présent, ne le connaissait pas. Il cherchait surtout à savoir si rien de grave n'était arrivé à la fille de Gabriel, et par chance, elle était en effet saine et sauve. Il finit par regarder son entourage, dans toutes les directions, dans le but de l'apercevoir quelque part, mais en vain. La Sheikah, elle, semblait ailleurs, toujours restée sur sa question si banale aux yeux de l'oncle.
- Gabriel a un frère... s'étonna Impa.
Elle venait de prononcer son nom... Alan ne put se contrôler davantage et émit un triste soupir en baissant les yeux. La simple mention de son frère le faisait pleurer, ce qui arriva.
- Vous le... connaissiez... en effet... se rappela-t-il.
- Disons que nous sommes de vieilles connaissances, si je puis dire.
Impa le dévisagea à nouveau et constata les larmes sur le visage de l'homme. Cette réaction lui fit penser au pire concernant le feu père. Peu importait qui se tenait devant lui, l'Hylien était submergé par l'émotion. En effet, il savait qu'Impa n'avait pas toujours été de leur côté, autrefois. Son frère lui parlait souvent - en mal, à l'époque - de cette fidèle servante de la famille royale qui était la plus rusée pour le retrouver, et se mettre à ses trousses. Bien qu'aujourd'hui, tout avait changé, Alan n'en savait rien et pensait s'adresser à l'ennemie jurée de Gabriel.
- Que se passe-t-il ? demanda pressement la Sheikah. Ne me dites pas que...
L'absence de réponse ne fit que confirmer son hypothèse qui s'avérait juste : Gabriel était mort. Choquée, elle s'empressa de porter une main sur son épaule pour prouver son soutien envers lui. Cependant, la cause de son décès lui était encore inconnue, la Sheikah espérait que l'ancien voleur n'avait guère fait d'erreurs, comme un véritable suicide cette fois-ci, qu'il aurait perçu tel un rachat de ses fautes passées. Ce serait la pire des réalités ! Mais non, il n'était pas si stupide, il n'aurait jamais abandonné Lysia après tout ce qu'ils avaient vécu. Cette idée disparut rapidement de la tête d'Impa, assurée qu'il était mort autrement.
- Oh malheur... murmura la cheffe qui ne s'en remettait toujours pas.
- S'il vous plaît, sanglotait Alan, je... je voudrais parler à Lysia et lui dire que...
Des voix enfantines retentirent à sa droite. Quelques personnes durent se pousser afin de laisser passer deux jeunes enfants maladroits qui rejoignirent le centre de la grande pièce. En effet, il n'avait pas fallu plus de temps pour que Lysia débarque à toute vitesse vers lui, accompagnée d'Arthur, plus en arrière. L'oncle s'accroupit dans sa direction afin de la réceptionner en lui présentant un air de soulagement malgré ses pleurs. Heureuse de retrouver son oncle qu'elle avait hâte de revoir depuis si longtemps, elle lui sauta dans les bras sans attendre et le serra très fort. Accrochée de manière ferme à sa nuque, Alan se releva et la porta quelques instants.
- Oncle Alan ! s'écria de joie la petite fille.
- Lysia... prononça-t-il.
Leur étreinte dura encore de longues secondes avant que l'homme ne repose sa nièce qui possédait le sourire aux lèvres. Il resta à sa hauteur, un genou par terre. Se retrouver après autant de changements, de problèmes, et de dangers... cela s'approchait du miracle. Ils profitèrent donc de ce contact si important pour tous les deux, la tristesse profonde d'Alan qui avait ressurgi se mêla ainsi au bonheur de voir la petite fille en bonne santé.
- Par Nayru, tu vas bien... J'ai cru te perdre lorsque ces Yigas t'ont...
- Je suis contente que tu sois là ! ajouta la blonde, pour éviter le sujet, en posant une main contre la joue mal rasée de l'homme.
Derrière eux, Arthur avait le regard rivé sur Alan. Il était pétrifié, il reconnut avec horreur la personne qui avait failli lui faire du mal à plusieurs reprises, lors de cette nuit où il avait fui sa maison, en pleine tempête de neige. Le petit garçon devint soudainement pâle et s'écarta très vite de lui, ne comprenant pas pourquoi sa nouvelle amie avait embrassé cet homme effrayant à ses yeux. À l'inverse, Lysia, elle, s'étonna de le voir fuir de cette façon.
- Qu'est-ce qu'il lui prend ? se demanda-t-elle.
- Eh, petit ! C'est toi ? l'appela Alan avec une voix totalement différente de celle qu'il avait adoptée la dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés. Tout va bien, je ne te ferai plus de mal !
Arthur ne l'avait pas écouté et disparut de son champ de vision. Lorsqu'il se reconcentra sur ce qu'il devait dire à Lysia, il prit une grande inspiration. Plus il mettait de temps à lui dire, et plus cela serait difficile, il le savait. Mais d'un autre côté, il ne souhaitait pas que ce soit la première chose qu'il lui dise après plus d'un mois de séparation. Il y avait forcément un moyen indirect de le lui faire comprendre, car les mots étaient déjà une méthode trop violente pour lui. Il n'osait donc pas imaginer ce qu'il en serait pour elle... La voir aussi souriante augmentait sa difficulté à parler de cela.
Ne pas lui faire de mal, c'était ce qu'il voulait par-dessus tout car il considérait avoir déjà failli empirer les choses beaucoup trop de fois, bien qu'il eût été dépourvu de lucidité et de raison. Cependant, Alan n'avait pas le contrôle sur ce genre de choses, et il était trop tard pour éviter les blessures à long terme. Ainsi, deux options se présentaient à lui : lui dire lors de leur discussion actuelle, aussi dur que cela pouvait être sur le moment, ou taire le sujet jusqu'au moment où l'Hylienne allait s'en rendre compte d'elle-même en plus d'apprendre que son oncle ne lui avait rien dit depuis le début. Il était clair qu'entre ces deux solutions, celle qui lui ferait le moins de mal était la première.
- Écoute, Lyly, je suis désolé... pour tout... trouva-t-il comme début.
- Pourquoi tu t'es battu avec papa, l'autre jour ? s'interrogea soudainement Lysia avec un faux mécontentement. J'ai eu peur que vous vous blessiez !
L'homme s'en excusa avant de s'essuyer les yeux, il n'était absolument pas fier de la tournure qu'aurait pu prendre les événements de ce soir-là. Il en avait même oublié que Lysia se cachait dans la pièce d'à côté lorsqu'il s'était rué sur son frère.
- Il m'a dit que tu avais une maladie... ajouta sa nièce.
- On va dire ça... Mais je suis guéri, dorénavant, tu n'as plus rien à craindre de moi.
Ils se regardèrent dans les yeux, la blonde fut peinée lorsqu'elle le voyait continuer de verser les larmes. Alan était une personne très pudique au quotidien qui ne manifestait que très rarement ce qu'il ressentait, Lysia l'avait rarement vu pleurer. La dernière fois devait remonter au jour où la petite fille lui avait offert une potion très difficile à concevoir qu'elle avait préparée avec l'aide de son père, alors qu'elle était encore toute petite. Le résultat de la substance était de toute évidence plus que médiocre, mais le geste avait été présent et l'oncle fut très touché de voir que sa nièce, du haut de ses cinq ans, avait apporté de l'intérêt à sa passion et ses "enseignements" improvisés sans vraiment penser qu'elle en retiendrait quelque chose. À l'époque, il s'agissait de larmes de joie, l'Hylienne ne l'avait donc jamais vu démontrer sa tristesse ainsi. Par conséquent, c'était une réaction très lourde de sens pour elle et qui annonçait quelque chose de très fort...
- Je n'aime pas quand tu pleures, lui dit-elle à mi-voix.
Les personnes autour d'eux commençaient à se demander ce qu'il se passait en leur jetant des regards interrogateurs. Impa, parmi elles, savait qu'elle ne pourrait supporter cette vue plus longtemps. Une annonce aussi horrible faite à un enfant, c'était trop pour elle, la Sheikah décida alors de s'éloigner. Alan, bien qu'entouré de ce monde dont la curiosité semblait faire défaut, ne leur prêta aucune once d'attention. Il se racla la gorge avant de se lancer pour de bon.
- Je...
- Tu sais où est papa ? enchaîna Lysia en le coupant immédiatement. Il n'est toujours pas revenu, je m'inquiète...
Le sujet avait été abordé, il ne pouvait plus reculer. Les mains moites et le coeur qui s'emballait, l'oncle la regarda dans les yeux lorsqu'enfin elle s'aperçut dans son comportement que quelque chose s'était passé concernant son père.
- Écoute Lysia, je ne sais pas comment te le dire...
- Quoi ? demanda-t-elle avec de plus en plus d'appréhension.
Ses lèvres se murent mais ne formulèrent aucune phrase, laissant la petite fille sombrer dans une inquiétude qui ne cessait de s'amplifier à chaque seconde. Son visage se décomposait peu à peu et Lysia s'imagina le pire. Avait-il disparu ? Blessé ? Ou... mort ?! Cette idée la faisait cauchemarder, et la faisait tomber dans une peur panique. Elle sentit sa cicatrice soudainement la brûler au même moment. Mais cette blessure, plus qu'étrange, ne parviendrait pas à attirer son attention tant qu'Alan ne lui révélait pas la vérité sur Gabriel.
- Oncle Alan, où est papa ?!
Le bruit ambiant des autres habitants de Cocorico s'atténua lorsque certaines personnes anticipèrent la situation et comprirent à cette intervention de la jeune fille qu'elle et son oncle vivaient une terrible tragédie.
- Où est-ce qu'il est ?! insista Lysia pour faire avouer Alan.
Sa respiration saccadée l'empêchait de parler correctement.
- Il est... parti... sanglota-t-il.
- Il est parti où ?! s'enquit de savoir la blonde, les larmes aux yeux.
Elle lui attrapa les épaules et le secoua avec impatience, agacée par le temps qu'il mettait à lui expliquer clairement ce qu'il savait. Mais Alan posa son second genou au sol, baissa la tête, puis pleura, incapable de lui en dire plus que cet euphémisme. Cela avait suffi à la petite fille pour comprendre que son hypothèse était vraie. Lysia recula de quelques pas et porta ses deux mains dans ses cheveux, regardant dans le vide en espérant qu'elle ne faisait que rêver.
- Non ! Non ! cria-t-elle, effarée.
Elle fit taire absolument tout le monde dans la pièce, ce qui créa un silence qui alourdit l'atmosphère. Alan s'empressa de la serrer de nouveau contre lui pour ne pas la laisser seule après cette annonce choquante. Cela lui montra aussi qu'il serait son principal soutien pendant les mois à venir, afin de l'aider à accepter cette réalité. Sous les yeux des autres, tous atteints par la condition d'Alan et Lysia, ils s'étaient effondrés dans les bras de l'autre. Il ne lui restait plus que lui, et il ne lui restait plus qu'elle...
- Papa ! Non ! se mit-elle à hurler dans toute la demeure sheikah.
- Je suis désolé... Je suis désolé... répétait Alan à son oreille d'une voix larmoyante.
Ça ne pouvait pas être lui ! Pas après tant de choses vécues... Gabriel était un père, aux yeux de sa fille, avec beaucoup de tact, et c'était notamment pour cela qu'ils avaient pu créer cette grande complicité entre eux. Ils se comprenaient tant, et étaient constamment à l'écoute de l'autre, se mettant à sa place pour adopter la meilleure réaction possible dans les situations plus ou moins difficiles. De plus, elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait eu des fous rires incessants avec lui, mais également les moments plus sérieux et instructifs qu'il lui offrait afin qu'elle puisse en tirer des leçons de vie qu'elle utiliserait à l'avenir. Lysia avait reçu de son père des valeurs honorables telles que l'amour, la responsabilité et la tolérance. Elle songeait à tout ce qu'ils auraient pu vivre de nouveau, ensemble, après les rudes épreuves qu'ils venaient de traverser. Elle pensait pouvoir enfin retrouver un quotidien paisible aux côtés de lui et Alan, les deux figures masculines de sa vie qui lui avaient apporté tant de choses afin qu'elle puisse évoluer. Voilà d'où venait la maturité déjà si prononcée pour son âge. Gabriel le lui avait transmis tandis qu'Alan, lui, était là pour lui rappeler de ne pas être adulte trop vite et de profiter de l'innocence de l'enfance qu'elle ne retrouverait plus dans le futur.
- Papa... l'appela-t-elle encore, entre deux sanglots.
Malheureusement, il ne lui répondrait pas. Le désespoir de la blonde était perçu par tout le monde. En apprenant la mort de son père, c'était comme si une partie d'elle venait de disparaître, une force en elle qui l'aidait pour avancer qui s'en était allée subitement, sans qu'elle ne s'y attende. Quelques jours en arrière, Gabriel avait informé sa fille qu'il était parti sur une piste de sa mère et reviendrait vite pour lui dire si cette quête de vérité avait porté ses fruits. Mais ni elle, ni lui n'aurait cru que cet ultime voyage allait les séparer à nouveau, et pour toujours. Non... c'était toujours impossible à croire, il ne pouvait pas mourir !
- Papa... Je t'aime...
Alan resserra son étreinte sur Lysia qui fit de même. Pour lui, il avait une certaine part de responsabilité aussi. Il était au courant du danger que courait son aîné et avait mis bien trop de temps à secourir Nell jusqu'au village. Il aurait dû partir bien plus tôt de l'amphithéâtre et chercher à un meilleur endroit pour le retrouver. Étant donné qu'il n'avait strictement aucun indice d'où pouvait être Gabriel, cela s'était joué à l'instinct et l'oncle avait fouillé la mauvaise région d'Hyrule... De plus, s'il avait empêché la réalisation des desseins de Brad à l'Étape d'Hyrule, rien de tout cela ne serait peut-être arrivé. Il s'en voulait, et ces opportunités qu'il avait laissé passer à cause de son état de corrompu, il les regretterait toute sa vie.
- Je suis arrivé trop tard... et...
- Je veux pas qu'il m'abandonne... ! s'écria Lysia. Je veux pas qu'il me laisse toute seule !
- Tu ne seras pas seule, lui assura Alan. On va surmonter cette épreuve ensemble, tous les deux, tu comprends ?
Elle hocha négativement la tête, signe qu'elle refusait d'accepter leur sort.
- Non... non, je peux pas... dit-elle.
- C'est dur... Je sais... Très dur...
Les larmes de la jeune Hylienne mouillèrent le cou de l'oncle. Ce dernier pensait que lui parler de la raison de la mort de son frère et de la personne étant responsable n'allait qu'empirer les choses. Cette autre vérité allait donc attendre, même si, lorsqu'elle serait calmée, Lysia le harcèlerait de questions tout à fait légitimes mais dont les réponses étaient propices à accabler sa nièce davantage. Alan posa ses mains contre les joues humides de la jeune fille avant de lui adresser quelques mots qu'il jugeait importants qu'elle retienne malgré tout.
- Notre vie ne sera plus jamais comme avant. Je sais que, sans lui, nous ne trouvons plus aucun sens à notre existence. On nous a enlevé la personne que nous aimions le plus au monde. Ton père était quelqu'un de bien, Lysia, et nous nous devons de nous relever. Pour lui. Pour lui montrer, de là où il est, que nous sommes courageux. Car c'est ce qu'il aurait voulu. Je ne te demande pas de l'oublier, car c'est impossible, et tu sais pourquoi ? Car une partie de lui vit encore en nous. Et ça, personne, même la mort, n'est en mesure de nous la voler. Cette partie de lui dans notre coeur, c'est le reflet de l'amour que nous lui portons et lui porterons pour l'éternité entière. C'est tout ce qu'il nous reste, alors je voudrais que tu saches, Lyly, que ton père ne t'a pas totalement quittée. Et qu'il ne te quittera jamais complètement.
Lysia entendit ce discours et l'approuvait bien qu'en ce moment-même, ce n'était pas ce qui la consolerait. Elle avait fermé ses yeux et ne souhaitait même plus les rouvrir, trop bouleversée pour affronter ne serait-ce que la vue des autres personnes, ou de son oncle en pleurs tout comme elle. Comment pourrait-elle reprendre une vie normale après la mort de la personne qu'elle aimait le plus au monde ? À vrai dire, sa vie n'avait fait que dévier la normalité au moment où les Yigas avaient mis la main sur elle. La blonde, malgré les obstacles, avait toujours réussi à les surmonter, alors qu'elle était encore toute jeune... Il fallait un mental hors norme à cet âge pour affronter cette vie si rude qu'elle menait, mais Lysia le possédait. Alan connaissait sa nièce et était au courant de cela, mais cette nuit-là, ce résistant mental ne faisait plus le poids. C'était trop. Ainsi, l'homme prit la décision de rester chez Impa avec la petite fille le temps qu'il fallait, car tous les deux étaient sûrs d'une chose.
Ils ne se quitteraient plus jamais.
Les Monts Géminés étaient des montagnes jumelles, emblématiques de la région de Necluda. La légende disait qu'un majestueux dragon, Rordrac, esprit protecteur de Firone, s'était autrefois frayé un chemin à travers une seule et unique montagne en la fendant en deux. Derrière ce mystérieux endroit se trouvait la Muraille d'Elimith, un grand mur parfaitement bien défendu par une armée de vaillants soldats que les Gardiens ne parvenaient toujours pas à surmonter. Ce qui permettait à une grande partie du sud-est du royaume d'être épargné du massacre que ces machines commettaient sur leur passage. Avec la forteresse d'Akkala, la Muraille d'Elimith était l'un des derniers postes de défense à continuer de résister aux sbires de Ganon. L'objectif était donc là : atteindre cette muraille, passer par les hauteurs de Narisha et arriver au village de Cocorico en toute sécurité. Il s'agissait du plan le plus sûr pour Link, Zelda, ainsi qu'Edward qui les accompagnait toujours.
Les trois survivants fuyaient à pas de course un énième trio de Gardiens qui les poursuivaient depuis leur entrée sur la plaine du Cernoir. La muraille était visible au loin, ils allaient atteindre leur but, il ne restait qu'un dernier kilomètre à parcourir. Il devait être trois heures du matin, et la pluie battante ne s'était toujours pas achevée. Leur corps comportait quelques blessures, égratignures, et salissures dues à leur précipitation qui les avait parfois faits trébucher. Durant leur trajet, ils durent guider plusieurs personnes perdues sur leur chemin afin de mettre à l'abri le plus de monde possible. Mais plus aucune route n'était totalement sécurisée, jamais ils n'étaient sûrs que tous ces habitants du royaume allaient survivre. Link acheva un dernier bokoblin avant d'apercevoir les trois machines menaçantes se rapprocher dangereusement de leur position. À ce moment précis, le héros comprit qu'il devrait les combattre car leur vitesse était bien plus élevée que la leur, et la plaine dans laquelle ils se trouvaient ne comportait aucune cachette ou recoin dans lequel les élus et le poète pourraient semer leurs ennemis. Seuls des corps de soldats et de monstres croupissaient sur le sol, de tous les côtés. Dans leur course, Link se stoppa avec brutalité, ce qui fit s'arrêter ses deux compagnons. Le chevalier s'adressa à Edward en lui expliquant ce qu'il devait faire.
- Rends-toi à Cocorico ! lui ordonna le prodige. Ne reste pas là !
Cette directive troubla le Sheikah qui ne se permettrait pas d'abandonner les élus tel un lâche. La muraille venait de détruire le dernier Gardien qui avait tenté de l'assiéger, plus aucun ennemi n'était en vue jusqu'à là-bas. La voie était libre pour quelques instants. Edward savait qu'en fuyant, il se sauverait la vie car de l'autre côté de ce mur, il ne craignait plus rien, mais laisser Link et Zelda ainsi, c'était de la folie. Il était en effet préférable pour la princesse de rester avec le héros plutôt que de fuir avec lui, mais cela n'était guère sans risque. Le poète refusait de s'enfuir ainsi.
- Héros Link, je m'en voudrais de vous abandonner face à des ennemis si nombreux, lui dit-il. J'ai compté des dizaines de personnes sous l'emprise du Fléau nous pourchasser !
L'Armée des Fidèles s'était rassemblée en un seul et même groupe de deux centaines de personnes, tous à la poursuite des élus qu'elle s'apprêtait à retrouver d'une minute à l'autre. Cette dernière ne s'était pas encore manifestée, mais il était clair que le héros et la princesse ne pourraient pas semer autant de corrompus en même temps, d'autant plus que la Muraille d'Elimith ne tiendrait guère le coup. Il fallait tout d'abord éliminer ces Gardiens qui n'étaient plus qu'à deux cent mètres d'eux, la suite s'avérerait très compliquée, mais il faudrait faire face à l'adversité. Link devrait combattre.
- Dans ce cas, continua ce dernier, va te mettre hors de danger et informe Dame Impa que nous avons besoin de renfort immédiat !
Edward le dévisagea avec peine. Pour lui, il était impossible que ses compagnons tiennent jusqu'à l'arrivée d'une troupe de Sheikahs, mais sa mission était claire bien que le poète croyait de moins en moins à leur victoire. Face aux mots du blond, il ne put que lui obéir, il s'agissait de la dernière chose qu'il pouvait faire pour potentiellement l'aider.
- Vite ! Cours et ne te retourne pas ! lui intima le chevalier.
Le jeune homme quitta alors le reste de son groupe et se dirigea vers la Muraille d'Elimith sans même avoir le temps de les saluer, en laissant Zelda à contrecoeur avec Link. Les trois Gardiens furent de plus en plus proches, ils s'apprêtaient à viser les deux amants de leur laser rouge dans quelques mètres. Ces trois machines faisaient preuve d'une vitesse remarquable due à leurs cinq pattes articulées qui leur permettaient une capacité de traque redoutable. Le héros prépara sa lame qui brillait encore face à la malice qui animait ces bêtes mécaniques. Mais en regardant plus en arrière, dans la faille même des Monts Géminés, Zelda aperçut une foule de corrompus marcher lentement vers eux. Une fine brume de corruption s'en dégageait, ce qui, de loin, créait une masse rougeâtre qui progressait peu à peu, telle une tempête de sable dans un désert.
- L'Armée des Fidèles se rapproche ! prévint-elle. Tu ne pourras pas combattre autant de personnes, Link.
- Je n'ai plus le choix, répondit l'Hylien. Si nous nous dirigeons davantage vers la muraille, c'est Necluda tout entier que nous condamnons avec le reste d'Hyrule.
Soudain, un trait blanc et lumineux se rua vers lui et embrasa l'herbe à ses pieds. La princesse émit un cri d'effroi lorsqu'elle crut que ce rayon atteindrait Link qui avait subitement reculé de peur. Leurs ennemis venaient de les rattraper, et un combat acharné, à trois contre un, était imminent. À l'aide de son bouclier et de son épée, il parviendrait à détruire ces machines, il n'y avait pas d'autres options. Link fixa chaque Gardien d'un regard de colère noire. Ces choses avaient été conçues par le peuple Sheikah, fidèle de la famille royale, et voilà qu'il devait affronter ceux qui étaient censés être des alliés plus qu'utiles au vu de leur nombre dans la bataille contre Ganon. Tout cela s'était retourné contre eux...
- Pas une seule de ces choses ne vous fera du mal, Princesse Zelda, lui promit-il.
- Je t'en prie, sois prudent !
Avec courage, Link s'élança vers les trois Gardiens. Il pria la prêtresse d'aller se cacher derrière un petit mur qui venait de tomber en ruines, afin de ne pas attirer l'attention d'une des trois machines qui se focaliserait uniquement sur le héros. Ce combat serait sans doute l'un des plus coriaces qu'il aurait eu à mener durant sa vie. S'il souhaitait revenir victorieux, il n'y avait qu'une seule technique à utiliser : il devait déstabiliser son adversaire en lui sectionnant ses pattes de métal griffues avant d'attaquer son coeur antique même, disponible par-dessous le Gardien. Le tout, en prenant grand soin de ne pas se faire toucher par les rayons de ses deux semblables.
En prenant pour cible le Gardien le plus proche, Link bondit sur l'une de ses pattes et d'un coup vertical de sa lame étincelante, il l'arracha du corps mécanique de la machine, ce qui créa quelques étincelles au niveau de la partie détruite. Le héros profita de ces quelques secondes de faiblesse pour se dissimuler derrière lui et éviter les offensives des deux autres. Sans attendre, il coupa une seconde patte proche de lui, puis une troisième. Désormais dans l'incapacité de se déplacer convenablement, le Gardien tentait du mieux qu'il le pouvait de se mouvoir afin de viser Link. Celui-ci voulut s'occuper du quatrième membre lorsqu'une seconde machine le repéra et ne prit que quelques instants pour charger son feu destructeur. Des bruits brefs et significatifs aidèrent le héros à comprendre que le rayon du Gardien allait être tiré, d'une roulade au sol sur le côté, il parvint à l'esquiver. En se relevant, il surveilla si Zelda, toujours cachée, n'était pas confrontée à un danger qu'il n'aurait pas vu arriver. Par chance, elle semblait aller bien, Link reprit alors son combat en usant du temps de recharge du rayon pour terminer de détruire les dernières pattes du premier Gardien.
Le troisième et dernier ennemi qui, jusque-là, n'avait encore pas manifesté de manière distincte sa présence, décida de prendre la relève et il s'approcha de Link, encore concentré sur le premier adversaire qu'il avait à battre. Ce dernier s'apprêtait à charger son rayon, à son tour, car étant dépourvu de pattes, ce n'était plus que la seule chose qu'il pouvait encore faire. Mais au moment où le héros plaça son bouclier d'Hylia pour renvoyer et achever la première bête de fer, le troisième Gardien le blessa à l'aide d'une de ses griffes au bras gauche, celui qui tenait son bouclier. Le blond dut se reprendre de vitesse pour réajuster sa défense malgré la douleur et détruire le Gardien affaibli qui le visait. Par chance, il réussit à renvoyer son rayon qui avait failli avoir raison de lui. La première machine fut projetée en arrière et s'étala au sol, dans l'incapacité de fonctionner.
Cependant, l'Hylien n'eut aucun répit après cette première victoire. Les deux autres machines attaquèrent en même temps. Lorsque le chevalier se concentra sur la patte du Gardien de sa gauche qu'il détruisit en quelques coups d'épée, sans attendre, il fut attaqué par le second qui lui lacéra le dos de plusieurs coups de griffes déchirant sa tunique et le blessant jusqu'au sang. Link gémit de douleur avant de tomber à genoux, en mauvaise posture. Les deux machines commencèrent à le viser presque simultanément. Link ne pourrait guère renvoyer deux rayons à la fois, s'il ne trouvait pas d'autres alternatives, il ne s'en sortirait pas. L'élu se recula avec difficulté afin de garder ses deux adversaires en vue. Il serra les dents en voyant les secondes défiler et les bruits des machines s'accélérer, signe qu'elles allaient bientôt passer à l'action. Il perdait également en endurance en raison de l'énergie qui lui avait ôté ses récentes blessures. Ahanant, il présenta néanmoins son bouclier d'Hylia au premier Gardien en avant qui lui tira dessus subitement. Le rayon lumineux ricocha sur le fer et dévia de direction perpendiculairement, abîmant au passage le bouclier du héros.
Mais lorsque l'attaque de l'autre bête mécanique fut chargée, l'autre machine passa devant son rayon, la touchant elle au lieu du héros qui l'avait utilisée comme bouclier géant. Le Gardien en question, affaibli par son binôme, bascula sur le côté et le dessous de la machine fut accessible pour Link qui s'empressa de planter son épée en son sein, afin de détruire le coeur antique qui était la pièce maîtresse de ce robot sheikah. Mais le simple fait de bouger son bras blessé ainsi que son dos le faisait atrocement souffrir. Ses plaies étaient sans doute assez profondes et devaient être soignées dans l'immédiat, ce qui n'était guère possible. La seconde machine, elle, explosa et fut rongée par les flammes. Une fumée dérangea la vision du dernier ennemi encore en vie et cela laissa enfin quelques secondes pour le héros, essoufflé. Il était parvenu à bout de deux de ses ennemis, mais le dernier comportait encore quatre pattes grâce auxquelles il pouvait encore se déplacer. Au vu de son état, la tâche n'allait pas être facile. Soudain, deux mains vinrent se poser brutalement sur ses épaules, Link se retourna et aperçut Zelda à ses côtés qui le défendait de continuer son combat si rude.
- Assez ! dit-elle avec inquiétude. Arrête-toi ! N'y retourne pas, tu es au bout de tes forces !
Son amant se retenait de tomber par la simple force de son épée plantée dans le sol humide qui lui servait de point d'appui. Il alla chercher au plus profond de lui pour se relever. En criant, il s'appuya de toutes ses forces sur la lame purificatrice et tint de nouveau debout, mais il avait failli perdre l'équilibre en arrière. Zelda, à ses côtés, fut effrayée par son excès de détermination qui pouvait être très dangereux. Il ne semblait pas l'avoir écoutée et repartit au combat avec une vivacité et une vitesse bien moins efficaces.
- Link ! s'écria la princesse qui le vit repartir en direction du Gardien retrouvant sa proie.
Avant que la machine ne puisse recharger son feu de destruction, Link lui retira une seconde patte afin la déstabiliser. Il lui en sectionna une troisième, puis une quatrième avec bien plus de difficultés à porter les coups. Lorsqu'il voulut attaquer son dernier membre, le héros fut pris par surprise par un acharnement de rayons plus petits et moins puissants mais qui, à la suite, s'avéraient très dangereux. Il les bloqua tous, un par un, sans prendre le soin de les renvoyer à leur créateur, il souhaitait juste les contrer pour se protéger. Avec imprudence, Zelda rejoignit le prodige après cela, ce dernier voyait ses forces diminuer de plus en plus et se demandait s'il pourrait parvenir à renvoyer un dernier rayon qui, retourné sur son propriétaire, pourrait être fatal à la machine sheikah. Link repoussa les mains de la princesse qui l'incitait à stopper cette folie.
- Sois raisonnable, tu vas te tuer ! s'alarma-t-elle. Ne te sacrifie pas pour rien, nous devons fuir !
Le chargement du laser du Gardien corrompu débuta, ce qui fit relever les yeux de Link qui devait se préparer à le renvoyer parfaitement pour mettre fin à ce combat douloureux. Le héros avait du mal à respirer, le sang coulait le long de son bras ainsi que dans le bas de son dos. De la main qui tenait son épée, l'élu se retenait de tomber en prenant de nouveau appui sur son arme. De son autre main, il replaça son bouclier d'Hylia bien avant, paré à riposter à l'ultime attaque de son puissant adversaire désormais condamné à ne plus pouvoir se mouvoir.
- Je t'en prie, Link ! s'affola Zelda, les larmes aux yeux.
Au moment venu, le héros ferma les yeux afin de garder une concentration précieuse et ne pas se laisser submerger par ses douleurs physiques.
- Non ! hurla la princesse lorsqu'elle vit le rayon se ruer en ligne droite sur Link.
La lumière s'arrêta, comme prévu, au bouclier qui le repoussa en un instant jusqu'au Gardien. L'éclat du rayon aveugla Link comme Zelda et un bruit sourd retentit lorsque la bête mécanique fut aussitôt projetée sur le côté par une force inconnue. Son rayon, renvoyé, ne put ainsi l'atteindre et s'en alla vers le ciel. Le Gardien explosa un peu plus loin, mais cet événement restait tout bonnement incompréhensible. La princesse en resta bouche bée tandis que son ami regardait dans le vide, en s'obstinant à rester debout sur ses deux jambes, pour ne pas apeurer Zelda.
L'orage avait cessé, tout comme la pluie. Un silence mortel envahit ensuite l'endroit, et dans la fumée, deux silhouettes se relevèrent à eux. Celles de Maëlle et Daniel, le couple corrompu. D'une démarche lente, il arrivait à la rencontre des élus des déesses, sans précipitation. Le coeur de la princesse rata un battement lorsqu'elle jeta un oeil derrière la femme et son mari. Une armée de corrompus entière attendait que l'on leur ordonne d'attaquer. Durant le combat avec les Gardiens, la plaine du Cernoir avait accueilli plus de deux cents victimes sous l'emprise du Fléau, dirigées par les parents de leur ancien chef. Link reconnut sans hésitation le couple qui lui avait autrefois demandé son aide, en tant que capitaine de la garde, et auquel le héros avait annoncé le triste sort de leur fils. Leur visage aussi était animé de la rancoeur profonde de Ganon. Cette vision le terrifia lorsqu'il se souvint que ce couple de parents désespérés n'aurait fait de mal à personne, auparavant... La douleur le gagna à nouveau et le blond ne put réagir. Il resta dans la même position, un genou par terre, dans une posture de soumission qui plaisait fort bien à Maëlle. Cette dernière s'avança jusqu'à lui et l'attrapa par la mâchoire en le poussant à ancrer son regard dans le sien. Zelda, impuissante face à eux, fut paniquée par ce que ces corrompus pourraient faire subir à son amant.
- C'est lui, déclara Maëlle en dévisageant hautainement le héros. L'assassin de notre fils.
- Lâchez-le ! ordonna la princesse qui fut ignorée.
La châtaine émit un ricanement étouffé sans même mouvoir ses lèvres. Sa simple présence rendait l'atmosphère malsaine. Elle se retourna vers son fiancé sans lâcher Link qu'elle tenait à l'aide d'une seule main. Ses doigts brûlants se plantaient dans la peau des joues de l'Hylien, épuisé, qui se laissait faire.
- Il mérite le même sort qu'il a infligé à notre pauvre garçon, tu ne crois pas ? s'interrogea la femme en s'adressant à Daniel.
- Ne lui faites pas de mal ! s'écria à nouveau Zelda, qui sentit quelques larmes s'écouler de ses yeux.
La prêtresse accourut vers le blond mais fut de suite repoussée violemment par Maëlle qui la gifla. La jeune femme porta une main sur son visage, à l'endroit où l'on venait de la frapper, puis fondit en larmes lorsqu'elle comprit qu'elle ne pouvait pas sauver son ami qui lui, l'avait fait plus d'une fois. En attendant, Daniel faisait mine de réfléchir un instant, puis, il se tourna vers l'Armée des Fidèles qui patientait derrière eux, en silence. L'opportunité de venger leur fils s'était présentée, l'heure était enfin venue de mettre un terme à tout espoir pour ce royaume déchu d'avance.
- Non, je crois qu'il mérite pire, répondit le corrompu à la femme.
Maëlle approuva les dires de Daniel. Elle retira sa main des joues de Link qui gémissait de douleur. La femme esquissa un large sourire en apercevant le sang qui avait coulé jusqu'aux mains du chevalier. Puis, elle fit volte-face et retourna auprès du père de Brad. Les yeux levés vers le ciel nocturne, elle les ferma aussitôt en prenant une grande inspiration, profitant de ce moment de supériorité sur son principal ennemi. La princesse put ainsi se diriger vers le blond, de plus en plus mal en point. Elle lui fit tourner la tête vers elle, mais il n'avait même plus la force de tenir un contact visuel avec elle...
- Faible Héros, prononça ensuite la corrompue avec une fausse tristesse. Tu vas mourir.
Au moment où elle rouvrit ses yeux, dévoilant des iris rouges comme à son habitude, l'Armée des Fidèles entière, qui recouvrait la plaine jusqu'aux Monts Géminés, se rua en direction de Link. Tous foncèrent, au ras du sol jusqu'à lui. Cela forma une masse gigantesque de malice qui, peu à peu, dévorait l'étendue d'herbe et les ruines pour arriver en un seul et même point. Un rugissement bestial retentit dans leurs oreilles. Cette foule de centaines de personnes, tous l'esprit aveuglé, avait concentré une force maléfique si puissante et dense que la haine du Fléau prit la forme d'une bête sanguinaire fonçant droit sur l'Hylien. Cette forme monstrueuse arrivée à une dizaine de mètres du héros, Zelda, par instinct et par amour, s'élança devant le chevalier en élevant son bras droit.
- NON ! avait-elle crié.
Quelque chose naquit tout à coup en elle. Et sur le dos de sa main droite, un triangle d'or apparut. En l'espace de trois secondes, une boule d'énergie brillante se forma près de sa paume et une immense onde de choc lumineuse balaya toute la plaine, et décimant toute la malice d'un seul coup. Au contact de cette puissance nouvelle qu'avait libérée la prêtresse royale, tous les corrompus furent tués sur le coup. L'Armée toute entière fut écrasée par ce pouvoir. Maëlle et Daniel, en première ligne, avaient été les premiers à mourir.
Le pouvoir du sceau. Un grand dôme de lumière divine qui avait recouvert la plaine du Cernoir. Et ce, de par la main de Zelda elle-même. Elle venait de repousser une force de frappe si élevée que la princesse était passée dans un état second. Un état éveillé par lequel elle avait la capacité de manifester sa nouvelle arme contre la Calamité, sauvant ainsi Link de la mort. Car oui, cette puissance était celle qui parviendrait à sceller Ganon. Elle était la clé de leur victoire.
Zelda venait d'éveiller son pouvoir.
Lorsque le danger fut terminé d'être éradiqué, elle abaissa son bras et fixa longuement sa main, subjuguée par ce qui venait de se produire. Devant elle, des centaines de corps inertes s'étalaient un peu partout entre les carcasses de Gardiens et les ruines de bâtiments. Pas une seule goutte de sang n'avait cependant été versée, mais tous ces gens étaient bel et bien morts. La blonde s'excusa auprès des déesses d'avoir commis un tel massacre avec autant de victimes, elle fut dans un premier temps effrayée de ce que ce pouvoir était capable de faire. Mais quand elle perçut le bruit d'un corps s'écrouler derrière elle, Zelda n'y prêta plus aucune importance.
- Link !
Le héros venait de tomber en arrière sur le dos, la princesse se dirigea en vitesse vers lui en s'agenouillant à ses côtés. Elle passa une main derrière sa nuque afin de retenir sa tête qu'il ne parvenait plus à tenir lui-même. Le blond ne sentait plus ses membres, son souffle s'affaiblissant chaque seconde, il papillonna des yeux puis mit un temps avant de pouvoir regarder l'Hylienne intensément. Ses cris et son état la rendaient plus qu'accablée, elle craignait qu'il succombe de ses blessures.
- Pitié, Link, reste avec moi... supplia Zelda en laissant tomber ses larmes sur la tunique du prodige.
Elle voyait sur son visage qu'il résistait et faisait tout pour ne pas quitter ce monde. Il bougeait à peine le bout de ses doigts, mais refusait de faillir, même dans une situation aussi critique, à son devoir. Il se devait de se relever, pour elle. Rien que pour elle. Mais c'était impossible. Aussi fort que l'élu des déesses le voulût, il sentait qu'il ne réussirait pas à surmonter la douleur. Son rythme cardiaque se ralentissait de plus en plus, et son corps lui procurait une sensation étrange l'empêchant de sentir certaines parties de son corps plus atteintes que les autres.
- Je vais te soigner sans tarder, tu dois tenir bon, tu entends ?
- Princ... formula Link avant d'être repris d'une douleur violente dans le dos.
Le chevalier lui prit une main avec le reste des forces qu'il lui restait, Zelda la serra fort, comme pour le retenir de partir. Pour le retenir de l'abandonner ici, et qu'elle ne se retrouve seule. Link reprit ensuite, il fit un grand effort pour mouvoir ses lèvres et appeler son amie, avec une détresse dans la voix qu'il n'avait encore jamais exprimée jusqu'alors.
- Zelda... souffla le héros.
- Oui... oui, c'est moi... pleura-t-elle.
Elle posa son front contre le sien en sanglotant. Il pouvait toujours sentir son parfum... ce qui lui donna un triste sourire que la princesse lui rendit. Malgré ses souffrances, son amante arrivait à l'apaiser dans un moment si critique. Aucun des deux ne désirait quitter l'autre. Zelda fit tendrement glisser les doigts de Link le long de sa propre pommette froide, et sa main qui reposait sur ceux-ci suivit le mouvement. Le blond avait les yeux entrouverts et fut soudainement pris d'un sanglot à son tour en sentant la douce peau du visage de sa bien-aimée. Non... il s'interdisait de mourir, il n'imaginait pas dans quel état il la mettrait s'il la laissait là, à pleurer sur son corps en sang, inconscient. Il souhaitait juste sentir sa présence auprès de lui, sa présence qu'il appréciait tant depuis que leur relation avait pris un tournant amoureux. S'il devait y avoir une personne près de lui avant que son coeur ne cesse de battre, Link voulait que ce soit elle malgré tout. N'ayant plus la force de se redresser pour la prendre une dernière fois dans ses bras, il dut se résigner à cette idée et rester allongé par terre.
- Je... je suis désolé... ahana le héros mourant.
- Ne dis pas ça... ce n'est pas fini... je te le jure...
Le héros sentit soudainement qu'une toux lui torturait la gorge. Le sang qui tachait leurs mains ne les réconfortait pas dans l'idée que Link puisse s'en sortir. Le souffle de celui-ci vint caresser les cheveux blonds de la prêtresse qui s'était nichée dans son cou, en suppliant les déesses à travers ses larmes de ne pas le laisser mourir ainsi. Lorsqu'elle releva la tête, leurs lèvres se frôlèrent, puis Link fixa les iris verts de celle dont il s'était épris et descendit son regard avant de fermer les paupières en douceur. Cette action si minime affola Zelda.
- Link, ça va aller, regarde-moi !
Son exclamation ne lui procura aucune réaction, le blond semblait s'endormir de plus en plus profondément.
- Link... Ne me laisse pas, je t'en conjure... répéta Zelda.
Plus les secondes passaient, et plus elle le voyait s'en aller, quitter ce monde. Pourtant, Link n'était pas plus loin que dans les bras de la princesse, mais quelque chose en lui disparaissait. Elle repensa à toutes les personnes qu'elle avait déjà perdues, cette mort serait celle qu'elle ne pourrait jamais supporter. Les événements ne pouvaient pas être aussi tragiques, c'était insensé. Qu'avait-elle fait pour mériter de vivre la mort de son père, de sa mère, et à présent, du héros ? Zelda fut prise à nouveau de forts pleurs qu'elle manifesta de par sa mâchoire tremblante et ses sanglots qui venaient compresser sa poitrine. Dans le désespoir le plus total, elle posa brutalement son front contre la poitrine de Link et laissa échapper toutes les larmes qu'elle contenait encore en elle depuis le début de ces terribles heures.
- Ne meurs pas...
Elle fut d'autant plus dévastée lorsqu'elle ne perçut plus la fréquence extrêmement faible des battements cardiaques du héros. La vie quittait peu à peu son corps, et elle n'avait plus le moyen de faire quoi que ce soit. Celui qu'elle aimait profondément, l'ultime être qui savait la faire sourire et la rendre heureuse. Cette dernière personne l'abandonnait... à son tour.
- Je t'aime, Link... pleura l'Hylienne, sa voix étouffée car elle parlait dans l'habit bleu sali du chevalier.
Le silence créé par l'absence de pluie et la distance qui l'éloignait assez du château d'Hyrule était effrayant tant elle savait que plus personne ne saurait le briser. Zelda se voyait terminer sa vie dans une solitude profonde et sans fin qui ne ferait que la détruire davantage. Mais par miracle, un son très particulier fit son apparition alors que la princesse n'attendait plus rien qui sauverait Link. Un son provenant de l'épée de légende, posée dans l'herbe, à côté de lui et de son bouclier d'Hylia. Zelda se redressa et leva les yeux vers cette arme dont la lame se mettait étrangement à briller, à la manière d'une flamme vacillante. Au moment où la prêtresse fixa l'épée, sans comprendre la moindre chose à son comportement plus que déroutant, une voix qui provenait de l'objet parla en elle, dans son esprit.
- Qu'est-ce que... se dit-elle, sur un ton faible.
- Votre Altesse ! s'exclama un homme qui guidait un groupe de quatre Sheikahs dans sa direction.
Elle ne prêta aucune attention aux nouveaux arrivants de la Muraille d'Elimith qui venaient pour la secourir. Zelda restait obnubilée par cette aura qui émanait de la lame purificatrice. Pour tous les autres, il ne s'agissait en réalité que de simples bruits aigus, mais la blonde les entendait comme une langue divine, des mots venant des dieux, ou d'un de leurs messagers... Puis, tout à coup, un élément qu'elle avait oublié depuis plusieurs jours venait de lui revenir en tête. Ses yeux s'écarquillèrent en se souvenant de cet endroit mystérieux qu'elle, Impa, et Link avaient découvert en suivant le chemin que Gabriel leur avait montré. Les recherches sur l'utilité de ce lieu et sa technologie avancée avaient progressé, et Zelda eut un dernier espoir grâce à cela, sans pour autant être certaine que son plan fonctionnerait. Mais il fallait tenter le tout pour le tout.
- J'ai une mission de la plus haute importance à vous confier, déclara-t-elle aux Sheikahs qui attendaient que la princesse leur parle.
Les cinq hommes armés furent surpris par la réaction de la jeune femme qui avait repris soudainement un sérieux et un air directif alors qu'il en était tout autrement jusque-là. Zelda posa le regard sur le corps de Link, en pensant que s'ils tardaient encore, il serait peut-être trop tard et la puissance de la technologie sheikah ne pourrait peut-être plus faire effet. Le héros venait tout juste de mourir. Ainsi, s'ils se hâtaient, il y avait encore peut-être une chance de faire couler la vie dans les veines après que ses blessures soient soignées.
- Vous devez emmener ce garçon au Sanctuaire de la Renaissance, au Plateau du Prélude, où vous userez de la technologie sheikah pour le guérir de ses blessures à l'aide de spécialistes dans ce domaine, ordonna la prêtresse.
- Votre Altesse, et vous ? intervint le premier Sheikah.
- Ne vous faites pas de soucis pour moi, hâtez-vous !
Ils ne se firent pas prier et s'exécutèrent comme si leur propre vie était en jeu. Zelda sécha ses pleurs, bien que toujours profondément affligée à l'intérieur d'elle, et récupéra le bouclier et l'épée de légende du héros. La suite de ce qu'elle devait faire était simple. Maintenant qu'elle était parvenue à éveiller le pouvoir de sceau, chose qu'elle tentait de faire depuis une décennie, la blonde se rendrait au village de Cocorico, expliquerait tout à Impa, puis se rendrait dans la forêt Korogu afin d'y déposer l'arme de l'élu, pour qu'elle soit en sécurité jusqu'à ce que Link se réveille et vienne la récupérer. Elle n'avait strictement aucune idée de la durée durant laquelle son amant devrait rester dans le sanctuaire qui le ressusciterait, mais l'Hylienne était sûre d'une chose : elle l'attendrait autant de temps qu'il le faudrait.
Puis, enfin, elle se dirigerait seule au château d'Hyrule, pour faire face à Ganon, le Fléau, qu'elle empêcherait de faire éclater sa rage sur le royaume.
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Peu après avoir ouvert la porte de la demeure de la cheffe sheikah, Zelda fut accueillie par cette dernière, et la serra contre elle. Ce geste toucha la princesse qui savait qu'elles n'étaient pas toujours d'accord et que leurs idées avaient beaucoup différé, dans le passé, notamment sur la question de son implication dans le sauvetage de Lysia. Mais Impa avait été aussi celle qui avait eu la tâche de s'occuper de l'Hylienne lors de son enfance, juste après la disparition de la reine... Leur étreinte ne dura que quelques secondes, de courts instants pendant lesquels toute la population du village de Cocorico observait encore l'arrivée si soudaine de leur princesse, dans un mutisme impressionnant. L'aube se dévoilait déjà à l'horizon, dehors, mais rien n'était terminé pour autant. Néanmoins, la fin de cette nuit, longue et brutale, ainsi que de l'orage qui s'y était installé, calmaient un peu les esprits de chacun. La lumière revenait, le soleil brillait toujours. Le soleil... Cet astre si essentiel, Ganon ne leur avait au moins pas enlevé cela...
L'épée de légende se tenait dans la main droite de Zelda, et le bouclier d'Hylia dans sa main gauche. Ces faits inquiétaient la Sheikah sur le cas de Link, absent. Impa, d'une main réconfortante, examina soigneusement les égratignures sur la joue de la jeune femme, l'air fermé. Par chance, la prêtresse royale semblait s'en être sortie avec de simples griffures et hématomes ici et là, et rien de plus grave. À première vue, la survivante allait bien, mais à l'intérieur d'elle, ses blessures morales, elles, n'étaient pas visibles mais s'avéraient profondes et irréversibles. Ce contact physique d'une personne qui lui était proche et chère la rassurait. Au moins, la Sheikah était toujours parmi eux... Zelda se sentait déjà un peu moins seule, sur le moment.
- Dame Impa... marmonna Zelda en croisant le regard de l'ancienne magistrate adjointe.
- Que s'est-il passé ? s'empressa-t-elle de savoir.
La blonde exhiba le dos de sa main droite, là où le symbole de la Triforce se dessinait et brillait d'une forte lueur sur la surface de sa peau. Impa fut subjuguée par cette vision, elle sut immédiatement ce que cela signifiait. Le pouvoir du sceau, celui qui avait la capacité de terrasser le mal, était enfin entre les mains de Zelda. La cheffe croyait que ce fait l'aurait réjouie, car il était signe de victoire, un dernier espoir dans ce monde ténébreux assiégé par la Calamité ! Mais son expérience avec ses nouveaux dons semblait l'en empêcher, car du point de vue de l'Hylienne, il en était tout autre.
- J'ai tué des centaines d'innocents... eut-elle honte de dire. Mon pouvoir s'est éveillé, mais...
Ses poings se serrèrent lorsque la vue de ce massacre sans nom qu'elle avait commis lui revint en mémoire. Puis, vint la vision du héros, inconscient dans ses bras. La princesse baissa la tête et sa voix trembla.
- Link n'a pas survécu... dit-elle avec affliction pour terminer sa phrase.
Certains Sheikahs dans la pièce qui écoutaient leur conversation en toute discrétion eurent un hoquet de surprise en entendant cette annonce plus que désastreuse. Impa garda son calme bien que le décès de l'élu de la lame purificatrice lui fît croire à la fin du monde. La fin du royaume d'Hyrule qui sombrerait dans le chaos pour toujours. Qui, hormis Link, pouvait faire face à Ganon ? Personne. Il était l'espoir d'Hyrule, celui qui pourrait sauver le peuple entier...
- Le Héros d'Hyrule est mort ? demanda en confirmation Impa qui ne pouvait croire à un tel supplice.
- Il est emmené en ce moment même au Sanctuaire de la Renaissance où, je l'espère, il y retrouvera la vie.
La cheffe joignit les mains, ferma les yeux et marmonna quelques paroles, comme pour prier la déesse d'épargner Link de la mort. En effet, si une personne parmi eux ne devait pas les quitter, il s'agissait bien de lui. Même la puissance des créatures divines et des Gardiens non corrompus n'aurait pu compenser en le remplaçant. Tout simplement car Ganon avait appris de ses erreurs passées. Dix mille ans auparavant, la technologie sheikah avait fait des miracles dès son éveil et il fut terrassé en très peu de temps. Voilà pourquoi le Fléau avait mis tant de temps à revenir, il avait acquis une force égale à celle du royaume et de ses machines de guerre pour pouvoir être à la hauteur. Ainsi, sans Link, le seul jeune homme à pouvoir rivaliser contre ce monstre en plus des prouesses des Sheikahs - qui n'étaient que secondaires -, les choses seraient bien trop complexes.
- Dame Impa, je n'ai que très peu de temps. J'aimerais que vous lui transmettiez un message simple, expliqua Zelda. Malheureusement, je ne serai pas en mesure de l'accueillir lors de son réveil, de ce fait...
La Sheikah plissa les yeux. Que la princesse insinuait-elle en disant qu'elle ne "serait pas en mesure de l'accueillir" ? Pourquoi Impa le serait-elle plus qu'elle ? Il était clair que Zelda avait déjà son plan en tête et le cachait toujours à son interlocutrice. La cheffe n'eut guère le temps de s'interroger plus longtemps lorsque la blonde partagea son message.
- Dites-lui de libérer les quatre créatures divines du mal qui les ronge, et de me rejoindre au château d'Hyrule, ensuite.
Une certaine détermination se lisait sur l'expression faciale de la jeune femme. Une détermination naissante que, quelques heures en arrière, Zelda n'aurait jamais soupçonnée. La mention du château d'Hyrule fit frémir Impa qui venait de comprendre les intentions de la prêtresse, accompagnée de son pouvoir divin. Elle qui pensait qu'elle venait les rejoindre afin de se mettre à l'abri, c'était en réalité, tout le contraire. La blonde ne faisait que passer quelques instants, elle allait à l'essentiel avant de partir continuer ce qu'elle avait à faire pour Hyrule toute entière.
- Princesse, que comptez-vous faire ? appréhenda la petite soeur de Pru'ha.
- Faire ce qui est de mon devoir, répondit la princesse avec confiance.
Voyant que la Sheikah restait assez perplexe à l'écoute de cette idée, Zelda ne tarda point à se justifier pour la convaincre de la laisser faire face à Ganon, en lui expliquant qu'elle n'allait pas se livrer à l'ennemi, mais qu'elle partait le contenir, le temps qu'il fallait. Impa n'avait que perçu une forte lumière blanche venant de l'extérieur lorsque Zelda avait utilisé le pouvoir du sceau, la cheffe n'avait pas encore été témoin de la puissance que recelait le sceau et s'inquiétait donc des dangers auxquels la princesse pourrait être confrontée sur son chemin. Loin d'être invincible et de se sentir ainsi, Zelda avait néanmoins acquis une confiance en elle plus prononcée qui ne ferait que lui venir en aide. La prêtresse se sentait forte et à la hauteur, sans pour autant tomber dans l'excès. Elle gardait une certaine humilité très importante qui était la preuve de sa grande sagesse.
- Je suis la descendante de la réincarnation de la déesse Hylia, je suis celle qui, aux côtés du héros, a pour rôle de sceller le Mal. J'accomplirai ma part et j'attendrai que Link effectue la sienne pour mettre fin à ce cauchemar.
Ses propres paroles lui faisaient remonter les larmes aux yeux de nouveau, mais l'avenir du royaume était entre ses mains. Si Hyrule voulait revivre des jours heureux et de paix, c'était le seul moyen. En retenant enfermé Ganon dans les murs du château, il n'aurait plus la possibilité de faire du mal aux habitants des régions plus éloignées, c'était un plan provisoire en attendant que le héros ne soit de retour, mais il était primordial aux yeux de la prêtresse. Zelda fit un pas en arrière pour manifester son besoin de s'en aller accomplir son rôle, déjà.
- Ce n'est qu'un simple au revoir, Dame Impa. Rassurez-vous.
La Sheikah émit un triste soupir lorsque l'Hylienne mentionna le fait de repartir, pour une durée encore indéterminée. Zelda devait se résoudre à prendre la route. Cependant, Impa insista pour lui redonner des forces avant son dernier voyage à travers le royaume. La blonde avait passé une nuit blanche plus qu'éprouvante, le nier serait faire preuve de mauvaise foi. La cheffe de Cocorico ne voulait pas la laisser partir dans cet état et alla fouiller dans ses réserves s'il ne restait pas une potion revigorante qui viendrait remplacer un sommeil plus que nécessaire. De toute évidence, ce genre de substance était à double tranchant, ces potions donnaient une forte dose d'énergie mais les effets une fois dissipés, c'était le total contraire... Néanmoins, il s'agissait d'éléments qui pouvaient faire l'affaire une fois de temps en temps, lorsqu'une urgence se présentait.
Zelda se résolut à boire un de ces flacons, en premier lieu pour rassurer la Sheikah qui se faisait beaucoup de soucis pour la princesse, bien que celle-ci fût loin d'être faible. Elle sentait déjà son affaissement disparaître dans tout son corps. Peut-être n'avait-elle pas véritablement eu besoin de ce don d'énergie, mais il participa tout de même à l'augmentation de la motivation de la blonde à suivre ses intentions. Elle remercia chaleureusement Impa pour tout, et se dirigea vers l'entrée de sa maison.
- Soyez prudente... souffla la femme sans essayer de la retenir, comme elle savait qu'il n'y avait plus d'autres espoirs mis à part le sacrifice de la princesse.
Cette dernière déposa le bouclier d'Hylia contre un mur à proximité, et garda l'épée de légende entre les mains.
- Au revoir, Princesse...
La fille du roi lui répondit avec un fin sourire rassurant. Avant d'ouvrir la porte et de quitter la demeure pour prendre la direction de la forêt Korogu, Zelda se retourna une ultime fois vers son hôte et les plusieurs personnes silencieuses depuis le début de leur entrevue. La princesse dévisagea chacun d'eux et en reconnut certains... D'une voix claire, audible et pénétrante, elle leur adressa quelques mots.
- Plus aucun innocent ne souffrira d'une nouvelle perte d'un proche, ou quoi que ce soit d'autre. Je ferai en sorte de vous protéger le temps qu'il faudra. Je vous en fais, à tous, la promesse.
Personne ne souhaitait croire aux adieux, mais qui pouvait réellement affirmer que ce n'en était pas ? Seul l'avenir le dirait. Zelda eut le coeur serré de devoir laisser les dernières personnes pour lesquelles elle avait une certaine affection. Ce moment était difficile mais elle s'obligeait à penser qu'il en valait la peine pour ne pas reculer et reperdre du temps. Ainsi, la blonde se mit en route, sereine, vers la grande forêt d'Hyrule, plus au nord. Là-bas, elle y déposerait la lame purificatrice qui avait perdu son maître. Et désormais, si un ennemi croisait son chemin, elle le repousserait d'un seul geste de la main.
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- Vous m'avez l'air d'une jeune femme plus que perturbée, prêtresse royale d'Hyrule.
Cette voix rauque et résonnante dégageait une aura emplie d'une sagesse et d'une maturité qui lui envahirent l'esprit. Le sol semblait vibrer lorsqu'il parlait, ce qui ajoutait une certaine intensité et importance à chacune de ces interventions. Par endroits, de petits êtres discrets faits de feuilles et de bois se camouflaient, se cachaient derrière les arbres, en observant le nouvel individu arrivé sur leur territoire. De ce fait, Zelda se sentait épiée, mais étrangement, cela ne l'avait pas mise mal à l'aise. Les gens ici ne semblaient pas la juger, c'était plutôt une bonne chose. La forêt possédait une densité assez conséquente qui cachait le ciel, seuls les rayons matinaux du soleil traversaient un peu ces amas d'arbres feuillus.
Elle posa un premier pied sur le piédestal si emblématique de l'épée de légende qu'elle venait rapporter. En douceur, elle posa l'arme au sol, près de son socle, et cette dernière crissa dans un bruit métallique bref sur la pierre. Après cette action, l'Hylienne leva la tête en admirant l'immense tronc d'arbre qui s'élevait face à elle. À chaque fois qu'elle était venue en ces lieux, même petite, Zelda ne parvenait point à s'empêcher de penser à toutes les époques que cet arbre avait vues. Toute son expérience passée et sa longue et durable vie l'ébahissaient toujours autant. Après tout, il était déjà présent il y avait de çà dix mille ans. Autant dire que lorsqu'il parlait, tout le monde l'écoutait, aussi longtemps qu'il le fallait.
- Vénérable Arbre Mojo... l'appela Zelda.
En face d'elle, de nombreuses rides et plis se dessinèrent dans la vieille écorce d'un arbre millénaire qui bougeait ses branches. De magnifiques feuilles rosées tombèrent en douceur sur le sol fleuri du coeur de la forêt Korogu. L'ambiance paisible qu'installait cette présence si majestueuse donna des frissons à l'humaine qui venait perturber le sommeil de ce grand arbre, qui n'avait point l'habitude des visites princières depuis le jour de la venue du héros de la légende. Loin d'être ignorant de la situation urgente dans laquelle se trouvait le pays, l'Arbre Mojo restait étonné d'apercevoir la princesse et la lame purificatrice à sa souche. Pourquoi possédait-elle une arme si importante, et où se trouvait donc l'élu qui se devait de la manier ?
- Est-ce l'épée de légende que j'aperçois ? questionna le sage avec un léger brin d'étonnement dans la voix.
La princesse le lui confirma. Puis, elle lui expliqua les récents événements, comme elle l'avait fait avec Impa, quelques heures en avant. L'Arbre Mojo l'écouta avec attention, et il insista pour connaître les moindres détails.
- Pourriez-vous veiller sur elle une nouvelle fois ? lui demanda ensuite la prêtresse.
- C'est là mon rôle, Princesse Zelda, dit-il.
Elle lui offrit un tendre sourire.
- Je vous remercie, prononça-t-elle à mi-voix.
Le gardien de la forêt la pria de bien vouloir lui présenter l'épée de légende. Ne sachant pas ce qu'il comptait faire, elle s'abaissa tout de même pour récupérer la lame qu'elle avait posée au sol puis s'exécuta. L'Arbre Mojo contempla l'arme dans toute sa longueur, et ressentit toute la rancoeur du malin qu'elle avait déjà absorbée par le passé. Et l'esprit en son sein réagissait, cela ne faisait aucun doute. Il leur parlait.
- Le héros n'est pas mort, déclara le sage. L'épée elle-même m'en informe.
Zelda inspira longuement suite à cette affirmation, puis elle relâcha toute la pression en vidant ses poumons d'un seul coup. Elle était rassurée de voir qu'elle ne devenait pas folle, et que les mots qu'elle avait entendus sortir de l'épée durant son trajet jusqu'ici ne venaient pas de sa propre imagination. Cela lui redonnait espoir concernant Link et sa survie au sanctuaire. Si l'Arbre Mojo percevait aussi cette aura spirituelle autour de cette lame éclatante, alors la princesse se sentirait comprise.
- Vous l'entendez aussi ? s'enquit-elle de savoir.
Il acquiesça. Zelda avait toujours ressenti une sensation particulière lorsqu'elle posait ses yeux sur la lame purificatrice, mais jamais elle ne l'avait entendue prononcer les moindres mots jusqu'à ce jour-là. Peut-être était-ce grâce à l'éveil de son pouvoir ? Dans tous les cas, elle avait suivi son instinct en écoutant ce que l'épée lui disait et si elle ne l'avait pas fait, les choses auraient peut-être pu être encore pires. L'arbre majestueux l'informa que cette perception était normale. L'esprit protecteur de la forêt lui épargna plus d'explications, il savait que le temps leur était toujours compté.
- Replacez-la.
La princesse, au niveau du socle de pierre, s'empara à deux mains du manche de l'épée avant de la placer à la verticale devant elle, la pointe vers le bas. Une fois qu'elle serait remise à l'endroit où elle avait tant attendu que l'on vienne la brandir, seul le héros pourrait la retirer à nouveau, il serait impossible de faire marche arrière. L'Hylienne soupira et canalisa son stress.
- Ton maître reviendra, murmura la blonde en répondant enfin à ces appels de l'esprit de l'arme.
Zelda dut fermer les yeux pour contenir une nouvelle fois son émotion en songeant au chevalier qui l'avait quittée. En empoignant son épée avec laquelle il ne faisait qu'un, c'était comme une partie de lui qu'elle retrouvait. Des sensations que l'on ne pouvait guère décrire en détails, mais d'une manière ou d'une autre, elle percevait l'aura du héros. Cela lui réchauffa le coeur.
- Link... Je ne doute pas un instant que tu parviendras à la retirer de nouveau de son socle.
La pointe de l'épée pénétra à l'intérieur du bloc au centre du piédestal destiné à la recueillir. Le tranchant oscillait de chaque côté à cause des tremblements des mains de Zelda. Et une fois qu'un quart de la lame fut rentrée, une lumière blanche l'illumina un instant, ce qui fit lâcher ses mains à la prêtresse, surprise par l'éclat soudain. La lame purificatrice reconnut son socle dans lequel, cinq ans en arrière, elle reposait aussi avant qu'un jeune garçon de douze ans ne parvienne à la lever vers le ciel. Dorénavant, quiconque retenterait de s'en emparer le paierait de sa vie, s'il n'était pas ce même élu des déesses. Sous les yeux des Korogus dissimulés un peu partout et de l'Arbre Mojo qui fut reconnaissant de la délicatesse dont avait fait preuve la princesse pour cet acte lourd de sens pour tous, ils laissèrent tous durer un long silence justifié par l'importance de ce moment.
- Les choses ont été dures pour vous, je ressens une tristesse profonde vous animer... émit soudain l'arbre.
- Vénérable Arbre Mojo, selon nos recherches, la personne soignée par le Sanctuaire de la Renaissance peut être sujete à de l'amnésie lors de son réveil, en toute relativité avec la durée de sa guérison, répondit Zelda dans la foulée.
Elle hésita à partager ses sentiments avec son interlocuteur, mais se résolut à tout de même lui demander une faveur qui lui était chère à ses yeux.
- De ce fait, continua-t-elle, pourriez-vous transmettre quelques mots à Link lorsque celui-ci viendra à votre rencontre ?
L'Arbre Mojo fut tout ouïe.
- Pourriez-vous lui dire que... qu'il n'est pas simplement l'élu des déesses, mais aussi de...
- Un message si important se doit d'être délivré par vous-même, vous ne pensez pas ? l'interrompit-il.
Le sage avait manifesté un léger sourire discret durant ces paroles. Il était difficile de cerner les expressions faciales d'un être fait de feuilles et de bois, ses traits étaient subtils, et ses émotions cachées, mais la princesse n'eut pas de doute qu'il avait compris ce à quoi elle faisait allusion.
- Bien sûr... Vous avez raison...
- Sachez que je vois en vous une tristesse profonde, mais également un pouvoir puissant, reprit l'esprit de la forêt.
L'Hylienne hocha positivement la tête pour l'informer qu'elle avait conscience de ses capacités à freiner Ganon, et à le sceller lorsque cet instant serait arrivé. Néanmoins, elle ne restait pas pleinement confiante de la suite des événements, et cela se lisait dans ses yeux de manière très distincte. L'Arbre Mojo reconnut cette expression inquiète qu'il avait tant vue et revue sur le visage des ascendantes de la jeune femme. Il décida, comme pour toutes les anciennes princesses d'Hyrule, de lui partager les mêmes mots qui, à chaque fois, n'avaient jamais menti.
- Vous saurez faire face à l'esprit maléfique responsable de vos tourments. Je n'en ai aucun doute, Princesse Zelda.
Elle fut touchée par sa bienveillance.
- Merci, Vénérable Arbre Mojo.
Sa mission accomplie dans la grande forêt d'Hyrule, elle devait continuer son chemin, à présent, jusqu'à sa destination finale qu'était la citadelle. Dans quel état pitoyable la retrouverait-elle en foulant ses rues ? Arriverait-elle à supporter et se plonger elle-même dans une vision d'horreur telle ? Il s'agissait du chemin le plus direct jusqu'au château, un détour n'était plus de mise. En remerciant une dernière fois l'Arbre Mojo, Zelda fit demi-tour afin de ressortir le plus rapidement possible des bois perdus dans lesquels elle avait réussi à ne pas se perdre et se retrouver ici.
La dernière étape de son voyage en solitaire, la plus courte mais aussi celle qui lui demanderait le plus de courage et de confiance en elle, se voyait bientôt arriver.
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Et en effet, quelques heures plus tard, le moment fatidique approchait déjà à grands pas. Le jour s'était levé depuis un certain temps, mais les rayons du soleil ne pouvaient traverser ces nuages rouges qui recouvraient le ciel au centre du royaume. En ces lieux, la nuit et la journée étaient similaires. Il y faisait chaud, et l'odeur de la fumée d'incendie se propageait encore dans l'air. C'était un paysage en ruines, tout juste terminé d'être brûlé, un sillage de mort très peu attirant dans lequel elle devait passer pour atteindre son but. Quelques machines sheikahs se frayaient encore un chemin à travers les murs brisés et les cadavres calcinés de la Citadelle d'Hyrule. Il n'y avait aucun survivant. Personne. Les rues sombres et vides contrastaient avec leur allure d'avant la catastrophe, comment tout cela avait-il pu vriller au désastre aussi vite ? Les bruits stridents des rayons des Gardiens ne criaient plus, car ces derniers avaient tout simplement décimé tout être vivant encore en vie, et tout bâtiment encore debout face à eux.
Zelda évitait de baisser les yeux vers le sol afin de ne pas apercevoir les corps inertes des anciens habitants de la ville et ainsi être prise d'un haut-le-coeur. Elle gardait la tête haute et regardait droit devant elle, fixant les grandes portes d'entrée du château, son ultime lieu de destination. C'était la dernière ligne droite. Autour d'elle, dans un rayon d'un mètre tout au plus, elle avait usé de son pouvoir afin de créer un bouclier de lumière qui la protégerait des potentiels ennemis qui pourraient lui barrer la route. Ainsi, elle avait adopté une démarche lente, qui était notamment due à son esprit envahi par de multiples pensées, la faisant divaguer. Elle sentait le vent brûlant sur ses épaules nues, air qui provenait du déplacement de Ganon dans les airs. Celui-ci n'avait pas encore remarqué cette petite source de lumière qui s'avançait droit sur lui, dans cette citadelle détruite. Il ne tarderait pas à l'apercevoir...
En raison de la récente disparition de l'Armée des Fidèles, le Fléau n'avait plus de moyen de voir ailleurs qu'à travers ses propres iris. Les Gardiens n'ayant pas d'esprit, en tant que machine, ils ne lui permettaient donc pas de voir à travers eux mais seulement de les faire agir en son avantage, il en était de même pour les créatures divines. Contrairement à de véritables êtres vivants qui, eux, lui offraient une vision presque omnisciente des choses. Et bientôt, Zelda l'empêcherait de regarder plus loin qu'entre les murs du château d'Hyrule, là où il avait ressuscité. Mais pour cela, il fallait faire don de son corps et de son esprit. La princesse en avait parfaitement conscience et était prête à affronter le monstre qui se dresserait face à elle. À chaque pas de plus fait en direction du château, des frissons gagnaient la surface de sa peau. Elle arriva sans tarder sur l'ancienne place centrale, où s'étaient tenus un grand nombre de marchés, de festivals... toutes ces choses qui procuraient de la joie et qui n'étaient plus là. Zelda était comme plongée dans une autre dimension, plus sombre et sanglante, qui ressemblait beaucoup à sa vision de l'enfer. Elle n'y pensa guère plus de temps en raison de son arrivée imminente, près du Fléau.
Les grandes portes imposantes de la forteresse se dressèrent enfin à quelques mètres en avant. Ces grandes portes métalliques qui, désormais, marquaient l'entrée de l'antre d'un démon. Zelda se stoppa donc dans sa marche, ancra ses pieds dans le sol et les posa bien à plat sur les dalles de pierres. La blonde ne se cacherait plus, elle se montrait bien présente devant lui, armée d'un courage et d'une détermination sans faille. La prêtresse serra les poings lorsque son bouclier de lumière disparut tout autour de sa personne, prenant ainsi le risque de la livrer aux dangers les plus mortels qu'étaient les Gardiens. Paupières closes, elle songea une dernière fois à ses dix dernières années de vie passées, aux personnes qu'elle avait rencontrées et aux difficultés auxquelles elle avait été confrontée. Tous ses efforts, ses implications, son dévouement... c'était ici et maintenant que tout cela prendrait sens. Zelda souffla longuement, contrôlant avec soin sa respiration et son stress qu'elle parvenait à réguler. Ce fut au moment où Ganon - qui venait de la remarquer - émit un fort rugissement qu'elle faillit sursauter malgré tout.
La princesse releva la tête et ouvrit les yeux en les plongeant dans ceux de son ennemi. Dire qu'elle ne connaissait pas la peur face à cette vision terrifiante était un mensonge pur et simple, cependant Zelda ne se laissa pas envahir par celle-ci. Elle leva son bras droit et dévoila la paume de sa main à Ganon qui s'apprêtait à se ruer sur elle d'une seconde à l'autre. L'heure avait sonné, il était à présent temps de reprendre les choses en main et de sauver pour un temps Hyrule d'une menace qui ne cesserait de s'acharner sur ces terres autrefois paisibles.
Tu es notre lumière.
Celle qu'Hyrule vient de perdre, et retrouvera.
Je sais, au plus profond de moi, que tu ne cesseras de briller, et de donner espoir.
Ganon s'attaqua à la jeune femme et enveloppa Zelda de sa malice en ouvrant grand sa mâchoire de corruption qui lui servait à effrayer ses victimes. Simultanément, le pouvoir du sceau s'était manifesté de par la main de l'Hylienne et illumina toute la zone de sa luminosité aveuglante. Puis, le Fléau engloutit la prêtresse qui disparut tout à coup. L'aura démoniaque aux cornes de phacochère rugit une nouvelle fois en continuant à se déplacer tout autour du château d'Hyrule. Mais au bout de quelques secondes, il sentit sa force s'affaiblir. Quelque chose retenait sa rage destructrice, quelque chose faisait qu'il se sentait retenu ici-même, le privant d'une liberté de mouvement. Il fut atteint par le sceau. Désormais, Zelda s'était enfermée ici-même, avec lui, et le contenait. Elle contenait sa rage, sa rancoeur. Sa haine envers sa lignée et l'âme du héros, dont elle attendait déjà impatiemment le retour.
Car là était son destin, son devoir. Un sacrifice pour son royaume, et son peuple. Un sacrifice qui se définissait comme l'acte de bravoure le plus courageux de toute son histoire : la grande histoire de la princesse d'Hyrule.
FIN
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Azur". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.