Breath of the Wild : La grande histoire de la Princesse d'Hyrule
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Chapitre 24 : La princesse de la sérénité
Chapitre 25 : Celui que j'étais
Chapitre 26 : Je t'aimerai deux fois plus
Ils trouvèrent l'endroit parfait. Au pied d'un arbre isolé près d'un petit étang au nord du château. Link transportait un lourd panier rempli de nourriture avec ses deux mains. Il se rendit compte que les seuls poids aussi lourds qu'il avait pour habitude de soulever, c'étaient bien ceux des espadons... Pas celui d'un simple sac de préparations d'un pique-nique surprise que la princesse avait organisé sans même lui en parler.
Avant de rejoindre le lieu d'adresse du fournisseur de cet étrange marchand de potions, Zelda tenait absolument à faire une pause au niveau de cet étang. Elle savait que de nombreuses études étaient menées sur la flore d'Hyrule, et l'Hylienne savait cette zone très généreuse en fleurs et en végétaux qui pouvaient présenter des effets particuliers après préparation. Ce fut pourquoi les élus des déesses marchaient vers le pied de cet arbre. Mais Link ne pensait pas s'y arrêter pour manger. Bien que cette idée le réjouissait, intérieurement.
- Ne t'en fais pas, tu vas adorer ! se réjouit Zelda qui marchait devant, la tablette sheikah en main.
Le chevalier ne prêtait pas réellement d'attention sur ce que la princesse disait, il était occupé à supporter le poids du panier qu'il n'allait pas tarder à lâcher. Car marcher à pas précipités pendant une heure en tenant toutes ces choses, même le héros d'Hyrule pouvait sentir la fatigue monter.
- De plus, cette vue du château est très jolie ! continua Zelda.
Cette dernière semblait être de très bonne humeur, malgré tout ce qui pouvait venir apporter de l'anxiété dans sa vie quotidienne. Link ne la voyait pas souvent ainsi, tellement qu'il avait remarqué cette rare joie dès la première minute. Il se demanda ce qui pouvait bien la faire autant sourire depuis le début de la journée. Il en profita pour lui poser directement la question.
- Vous m'avez l'air en pleine forme, Votre Altesse... dit-il en grimaçant à cause de l'effort constant qu'il continuait de faire.
- Contrairement à toi, tu as fait une nouvelle nuit blanche ? répondit Zelda sans même se retourner.
Il se demanda si cela était une plaisanterie. Après tout, Link avait toujours autant de difficultés à cerner l'ironie et les badinages de la princesse.
- Non, je porte seulement quelque chose d'assez lourd depuis un certain temps, figurez-vous... fit remarquer le prodige.
- Je t'ai demandé une dizaine de fois si tu voulais que je prenne le relais, je te signale, répliqua-t-elle.
- Plutôt une seule fois... marmonna Link.
- Le héros d'Hyrule ne va tout de même pas abandonner face à un vulgaire pique-nique ? rit la princesse.
Il ne voulait pas s'opposer à la bonne humeur qui envahissait Zelda. De ce fait, il se prit au jeu et répondit avec égaiement.
- Bien sûr que non, seulement, son contenu se devra d'être à la hauteur.
- Je ne m'inquiète pas pour ça !
Lorsqu'ils arrivèrent à destination, l'endroit était très paisible, seuls les bruits de la nature pouvaient se faire entendre. Link posa enfin le pique-nique et souffla une bonne fois pour toutes en prenant appui contre le tronc d'arbre. La princesse, elle, était déjà partie photographier les quelques parterres de fleurs naturels à proximité.
- Link ! Il faut que tu voies ces merveilles ! déclara-t-elle, la tablette sheikah devant ses yeux.
Décidément, le héros n'allait pas avoir de temps de répit... Il rejoignit la fille du roi avec la seule volonté de manger quelque chose en tête. Après avoir entrouvert le panier, il eut l'eau à la bouche sans même prêter d'attention à ce qu'il contenait.
- Rares sont les fois où j'ai l'occasion de voir autant d'espèces réunies, expliqua Zelda.
- Elles sont très jolies, répondit Link.
- Les fleurs d'Hyrule ne se contentent pas d'être belles, elles servent aussi dans beaucoup de domaines.
En effet, ces variétés étaient très utiles, de multiples études étaient menées sur elles afin de trouver le moyen d'amplifier leurs effets sur le corps humain. Le chevalier sentait Zelda passionnée, il tenta donc de s'intéresser à son tour à ces fleurs. Tout cela était toujours de nouvelles connaissances que la princesse pouvait partager.
- Et comment se nomme celle-ci ? demanda Link en montrant une autre fleur, isolée et d'une beauté incomparable à celle de ses voisines.
Zelda détourna le regard sur la fleur en question et fut d'autant plus émerveillée de voir cette espèce. Elle laissa de côté sa tablette un instant pour la contempler de plus près. Elle effleura ses larges pétales blancs et bleu azur avec sa main en prenant en compte sa grande fragilité.
- Celle-ci est ma préférée. C'est une princesse de la sérénité.
Link s'approcha et s'accroupit. Cette fleur avait attiré son attention car, contrairement à toutes les autres, elle paraissait unique. Elle semblait être la seule princesse de la sérénité de la zone.
- Son espèce est menacée, expliqua Zelda. Nous la cultivons intensément dans l'espoir de la sauver. Mais elles se font de plus en plus rares dans le royaume, malgré tous nos efforts... Je commence à sérieusement douter de sa survie, malheureux que cela puisse être.
La princesse approcha la tablette sheikah de la fleur et la photographia. Puis, dans un triste soupir, elle se releva et raccrocha la relique au niveau de sa taille.
- Tu as faim, j'imagine ? fit-elle.
Le héros afficha un petit sourire prouvant son impatience. Les deux élus s'assirent au pied du tronc de l'arbre. Link retira son épée de son dos et resta poli en se retenant d'ouvrir le panier de pique-nique, il ne voulait pas paraître grossier.
- Je ne sais pas si tu en as déjà mangé, mais je tenais à te faire goûter un de mes plats préférés ! s'exclama Zelda qui ouvrit le banneton.
La princesse sortit le plat et le duo put démarrer la dégustation.
- Un risotto aux légumes. Très bon choix, Votre Altesse, déclara Link.
- Visiblement, tu as déjà tenté l'expérience.
- Plus aucun plat d'Hyrule n'a de secrets pour moi.
Le chevalier fut étonné de voir que l'Hylienne avait apporté beaucoup plus qu'un simple plat à base de légumes. Il comprit soudainement d'où venait tout le poids qu'il avait dû porter.
- Vous aviez dit que ce n'était qu'un vulgaire pique-nique, pourquoi vous êtes-vous donné autant de mal à préparer ce repas ? demanda-t-il.
- Ce n'est pas vraiment moi qui ai cuisiné, à vrai dire... Cela aurait été un vrai désastre. Je me suis seulement contentée de remplir le panier.
Cette petite pause rendait forcément le voyage un peu plus agréable et convivial. L'idée de préparer un pique-nique ne serait jamais venue à l'esprit de Link. Après tout, c'était peut-être original, mais cela n'empêchait pas à Link et Zelda de se régaler.
- Je... vous n'avez peut-être pas cuisiné, c'est tout de même un honneur, fit le chevalier servant. C'est délicieux.
- Oh Link, je t'en prie... J'ai pensé que cela pouvait être une bonne idée, c'est tout.
Et c'en était une, il n'en avait aucun doute ! Le blond jeta un oeil vers la princesse et remarqua qu'elle n'était pas encore à la moitié de son assiette. Tandis que lui avait presque terminé. Sur le moment, il aurait voulu se réprimander lui-même. Comment était-ce possible de se goinfrer aussi rapidement ? Il avait beau travailler sur lui-même, rien ne fonctionnait. Zelda remarqua que cela le minait.
- Désolé je ne m'en rends pas compte... je... s'excusa Link, gêné. La gourmandise est un de mes plus grands défauts.
- Tu es pardonné, rit Zelda. Cela me rappelle ce dîner, il y a déjà dix ans. Tu étais déjà ainsi à l'époque !
- Je ne me souviens que très vaguement de ce jour-là, malheureusement.
- C'est normal. Ce n'était pas une soirée très passionnante pour les deux jeunes enfants que nous étions.
Cette soirée, le héros avait décidé d'essayer de l'oublier le plus possible. Tout comme le reste de ses souvenirs d'enfance qui étaient intimement liés à une plaie toujours ouverte aujourd'hui. Il n'avait trouvé que cette option pour tenter de passer à autre chose. Mais malgré de nombreux efforts, il lui était impossible de nier une si grande partie de sa vie. Link préféra changer de sujet pour éviter d'en parler. Ce qui allait à l'encontre des conseils que Daruk lui avait donnés, il en avait conscience.
- D'ailleurs, j'ai une question à vous poser, si cela ne vous dérange pas, dit-il.
- Oui, bien sûr, qu'y a-t-il ? interrogea la princesse.
- Sauriez-vous ce qui serait capable de provoquer l'apparition et disparition brèves et rapides d'une blessure ?
Zelda fronça les sourcils, intriguée par cette question pour le moins inattendue.
- Eh bien, non je ne connais rien qui puisse faire une telle chose... dit-elle. Que t'est-il arrivé ?
- Une brûlure est apparue au niveau de mon dos et... je ne vois pas comment celle-ci a surgi et disparu aussi vite, expliqua Link. Je préfère vous en parler au cas où cela aurait un quelconque lien avec vos visions ou autres.
L'Hylienne lui assura qu'elle n'avait fait aucun rêve qui mentionnait une brûlure passagère. Elle ne put de ce fait pas lui donner plus d'informations susceptibles de mieux lui faire comprendre ce qu'il s'était passé. La blonde émit donc d'autres hypothèses.
- Peut-être est-ce dû à quelque chose que tu as consommé ? Nous savons que certaines choses une fois ingérées sont capables d'avoir un effet sur notre corps ainsi que nos capacités. Qui sait, peut-être as-tu fait une découverte...
- J'apprécie beaucoup de cuisines du royaume, Votre Altesse, mais je doute avoir avalé quelque chose capable de me faire une telle plaie.
- On ne sait pas, Link. Il y a tellement de choses que nous ne savons pas encore sur la faune et la flore d'Hyrule... Par exemple, savais-tu que la consommation de grenouilles pouvait avoir des effets bénéfiques sur ton physique ? Ce ne sont que des théories, mais il nous faudrait quelqu'un pour expérimenter la chose. Tu serais la personne parfaite !
Zelda attendit une réaction de la part de son chevalier servant. Il fallait avouer que cela l'amusait de le voir réfléchir à la réponse la plus cohérente et polie possible afin de refuser cette demande. Dans un premier temps, Link ne savait toujours pas si la princesse était sérieuse et il la regarda dans un silence qui témoignait de sa perturbation. Mais il savait que jamais il n'allait accepter de manger une grenouille entière. Il trouvait cela répugnant. Link dut opter pour une réponse courte, simple et efficace.
- Non ? refusa le héros, peu sûr de lui.
N'importe qui pouvait constater cet espoir indescriptible dans ses yeux bleus de ne pas s'être trompé sur sa réponse. L'intonation que le héros avait prise fit rire aux éclats la princesse. Elle avait tenté de se retenir en plaçant sa main contre sa bouche ou en se mordillant les lèvres, mais il était déjà trop tard.
Évidemment que cette proposition était une plaisanterie, mais jamais Link n'avait réagi ainsi et Zelda fut obligée de tourner le dos à ce dernier afin de pouvoir se calmer. Car celle-ci ne s'en remettait toujours pas. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas autant ri, elle ne cessait de reprendre de grandes inspirations pour finalement terminer par des expirations saccadées due à son euphorie. Le héros, la voyant dans cet état, hoqueta à son tour des éclats de rires. Et après avoir essuyé quelques larmes et replacé une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille, Zelda reprit la conversation.
- Toutes mes excuses, ce n'est peut-être pas très élégant venant d'une princesse, mais je ne pouvais que m'égayer face à ton attitude.
- Si cela a pu vous amuser, il n'y a aucun mal, assura Link, le sourire aux lèvres.
Elle tourna la tête vers l'horizon, profitant de l'ambiance qui s'était installée. La blonde se sentait apaisée et sereine, état d'esprit qui était assez rare chez elle. À vrai dire, elle appréciait de plus en plus la compagnie de Link. Ils faisaient de beaux progrès, tous les deux.
- En tout cas, je ne t'avais encore jamais vu aussi expressif, depuis que nous nous connaissons, dit-elle.
- Je n'ai pas l'occasion de rire très souvent. Cela ne m'arrive que très rarement.
- Dans ce cas, je vais prendre cela pour un compliment.
Elle entendit que cela amusa le chevalier qui semblait un peu confus malgré tout.
- Pardonnez-moi si parfois... je peux paraître un peu trop renfermé sur moi-même, prononça-t-il en se forçant un peu.
Zelda voyait ce que Link tentait de faire, et elle comprenait que cela ne le mettait pas très à l'aise. Ce dernier était en train de mener un combat envers lui-même qui se distinguait de par son visage inquiet. La princesse ne voulait pas que le héros ne se fasse trop de mal et essaya de le rassurer.
- Si tu ne souhaites pas en parler, rien ne t'y oblige.
- Non, je... enfin si... balbutia Link. Je sens qu'il faut que je le fasse. J'en ai besoin, cela m'aidera peut-être.
- D'accord, et rassure-toi, je ne formulerai aucun jugement dédaigneux, continua Zelda.
Le chevalier se redressa contre le tronc de l'arbre et se prépara à enfin s'ouvrir à quelqu'un d'autre que Daruk. Une prouesse personnelle si cela s'avérait bénéfique. Link savait que lui et Zelda ne se faisaient pas entièrement confiance pour rien, alors il allait le faire.
- Il faut savoir que... ce n'est en aucun cas à cause de vous. Je n'ai jamais été très bavard, mais les choses ne se sont pas arrangées par la suite.
- Je suis au courant pour tes parents, je suis sincèrement désolée, fit la princesse.
- En réalité, il n'y a pas que cela.
Link démarra ainsi ses explications avec Zelda qui l'écoutait avec grande attention et compréhension. Car elle avait bien remarqué que la réponse à sa question lui coûtait beaucoup.
- Il y a aussi ce jour, où tout basculé, fit Link. Où ma vie a pris un tournant irréversible. Où j'ai compris que j'avais un chemin déjà tracé que je devais m'efforcer de le suivre, sans discuter. Au début, je n'y croyais pas. Puis, j'ai ressenti une certaine fierté, j'étais celui qui avait réussi ce que personne encore dans tout Hyrule n'avait fait. Aujourd'hui, je crois que je regrette en partie d'avoir eu la force de retirer cette lame de son socle.
Le prodige fit une courte pause. Il releva timidement la tête et jeta un discret regard vers Zelda qui resta sans voix. Il se demandait pourquoi il ne la regardait pas dans les yeux plutôt que de scruter l'herbe sous ses pieds... Mais il eut rapidement la réponse, il avait tout simplement honte. Et c'était cette honte qui l'empêchait de parler si ouvertement. Il fallait qu'il s'en débarrasse à tout prix. Alors il s'opposa à elle avec courage et continua son discours en s'exprimant cette fois-ci face à la princesse.
- Les jours qui suivirent, j'ai senti que la place que j'occupais pour le royaume entier n'allait pas être facile à tenir. Une angoisse si forte s'emparée de moi que j'ai refusé de sortir de ma chambre d'enfant durant des heures, sans poser une seule fois les yeux sur cette épée qui me terrifiait. Je n'avais que douze ans, et ma formation en tant que chevalier était déjà entamée, j'étais un cas exceptionnel et j'ai ainsi compris que tout cela n'était pas le fruit du hasard. Je suis le Héros élu des déesses depuis le jour de ma naissance, que je le veuille ou non. C'est la crainte de décevoir, de ne pas être à la hauteur et la peur de l'échec qui m'ont enfermé dans le mutisme le plus total.
Toujours autant concentrée sur les paroles de son chevalier, Zelda ressentit une certaine compassion envers lui. Elle ne s'était encore jamais posé la question de la réelle facilité d'être le héros lorsque l'on s'appelait Link.
- Les gens ne voient que ce qu'ils désirent voir. Un jeune homme talentueux, fort, courageux... comment ne pas placer toute sa confiance en lui ? Le Fléau ne peut rien contre un garçon si puissant, plus besoin de s'en faire ! Seulement, non. Je suis peut-être tout cela, mais au fond, dans la tête de l'enfant que j'étais à l'époque, je désirais simplement devenir chevalier, comme mon père. Et aujourd'hui je suis Héros d'Hyrule, Capitaine de la garde royale, Prodige du royaume et Chevalier servant de la fille de Sa Majesté. Et j'en suis tout de même fier, mais chaque jour, je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il se passerait si j'échouais un ou plusieurs de ces titres... Qu'est-ce qu'il se passerait si je ne parvenais pas à tenir le rôle auquel je suis associé depuis toujours ?
Link ignorait que ces derniers mots résonnaient très fort dans l'esprit de la princesse qui pensa s'entendre elle-même durant une seconde.
- Tu sais, Link, je te comprends. Nous ne sommes pas si différents, tous les deux. Je sais que c'est un bel effort que tu viens de faire. Et tu as des raisons tout à fait valables d'avoir fait ce choix du mutisme et de l'inexpressivité. Et contrairement à ce que tu pourrais penser, ce n'est pas un signe de faiblesse.
Il la remercia de s'être montrée aussi compréhensive. Le duo commençait involontairement à s'intimider et plus personne ne savait quoi dire. Aucun des deux élus ne continua la discussion, c'était déjà beaucoup de révélations de la part du héros...
- Bien, osa Zelda. Je sais à quel point la suite d'un tel discours peut être embarrassante. Je te propose que nous nous rendions chez ce fameux Alan qui pourrait posséder des informations sur le voleur de Lambda.
Link ne la laissa pas patienter plus longtemps. Ce pique-nique improvisé de la princesse lui avait permis de s'ouvrir. Chose qu'il ne se pensait jusque là pas encore capable de faire. Finalement, il se dit que cela avait bien valu la peine de porter un si lourd panier pendant une heure pour arriver à ce résultat. Il sourit, enfin soulagé. Ce fut à ce moment qu'il comprit qu'il venait de faire un très bon choix.
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Il n'y avait que la Vallée du Néant qui les séparait de l'endroit. Après une heure de traversée et un court détour au château, ils atteignirent une petite maison isolée sur le haut d'une colline de la plaine ouest d'Hyrule. Un petit bâtiment carré avec cheminée et murs de briques. De leur position, il semblait déjà y avoir quelqu'un devant la porte. Link et Zelda reconnurent le prodige Revali de par son écharpe bleue qu'il avait obtenue lors de son intronisation.
- À quoi bon me donner rendez-vous si c'est pour me laisser attendre devant la porte ? maugréa le Piaf en frappant de plus en plus fort à l'entrée.
Après une dizaine de tentatives, il se demanda s'il n'allait pas finir par entrer par lui-même. Il y avait forcément quelqu'un, c'était pourtant prévu... En se retournant, Revali vit les élus arriver vers lui et soupira en voyant Link.
- En voilà une bonne surprise... Alors comme ça il n'y a pas que moi qui ai une commande à récupérer, à ce que je vois, déclara-t-il d'un air prétentieux.
Zelda salua le Piaf qui, dans un premier temps, ignora le héros. Il s'appuya sur la porte toujours fermée de la maison.
- Nous sommes ici pour l'affaire en lien avec le morceau de parchemin que tu m'as montré, Revali, expliqua la princesse. Nous savons à présent qui est le malfaiteur et nous sommes à sa recherche.
- "Nous" ? s'étonna-t-il.
La blonde ne comprenant pas sa réaction, manifesta une certaine évidence en se tournant vers son chevalier servant.
- Ne me dites pas que vous en avez parlé à... ce pitoyable chevalier, lâcha le Piaf.
- Revali, nous n'avons pas le temps pour toutes ces chamailleries, fit Zelda.
Link n'était aucunement blessé par les mots du prodige Piaf. Peut-être qu'il aurait répliqué auparavant ; mais le héros fit preuve d'une certaine maturité et évita de provoquer Revali qui n'attendait qu'une révolte de sa part. Il décida de ce fait de répondre indifféremment.
- Bonjour, Revali.
- Oh ! Bonjour ? Parce que tu parles, maintenant ? Et pourquoi me faire un tel honneur ? ironisa-t-il.
Link resta centré sur la raison de sa présence ici, comme le désirait la princesse.
- Tu es également à la recherche de Lambda ? demanda l'élu.
Ne voyant absolument pas de quoi Link parlait, Revali et son fidèle sang chaud se sentirent malgré tout provoqués par son air neutre et ignorant qu'il avait adopté. Il haussa le ton, se pencha vers le chevalier et en oublia quelques secondes la présence de Zelda.
- Écoute-moi bien, piètre soldat que tu es ! Ne joue pas à ça avec moi ! Je ne tolérerai pas une seule fois de plus que...
Il s'arrêta dans ses acharnements. En effet, il vit que la princesse commençait à s'impatienter et ne plus supporter son immortelle jalousie envers Link. Revali se redressa, replaça ses ailes derrière son dos, puis répondit finalement à la question.
- J'ai récemment commandé du matériel d'explosifs de qualité compatible avec mes flèches. Afin que celles-ci soient encore plus efficaces contre les hordes de monstres et Ganon lui-même. Seulement, comme vous pouvez le constater, Votre Altesse, personne ne répond à l'appel.
Zelda s'approcha d'une fenêtre et jeta un oeil à l'intérieur. Elle put observer une dizaine de fioles renversées sur un bureau ainsi qu'un désordre sans nom sur le sol et les meubles de la pièce. Elle en vint rapidement à une hypothèse logique.
- Il s'est passé quelque chose, ici, chuchota-t-elle les yeux toujours près de la vitre.
- J'ignore qui est ce Lambda, mais s'il est à l'origine de tous vos soucis, comptez sur moi pour m'occuper de lui, Votre Altesse, assura Revali.
Contrairement à la réaction que le Piaf attendait, Zelda le remercia et Link fit de même. Sans penser une seconde que le guerrier voulait assurer la protection de la princesse à sa place. Cela ne le gênait pas, après tout, c'était d'autant plus sûr en étant deux. Mais Revali n'allait pas céder au bout de quelques petites tentatives. Tout ce qu'il désirait, c'était un combat. Un affrontement permettant de montrer à tous que Link ne lui arrivait pas à la cheville. Il fallait pour cela le provoquer, le forcer à se défendre. Seulement, le héros n'était pas face à Brad mais à son allié prodige.
- Il faut entrer. Quoi qu'il en coûte, déclara Zelda.
- Vous avez raison. C'est inadmissible de me faire attendre aussi longtemps dehors, fit le Piaf.
Ce dernier porta un puissant coup de patte sur la porte d'entrée fermée. Mais celle-ci ne céda point. Il tenta une seconde fois, sans résultat.
- Elle est... verrouillée, fit-il.
Link voulut essayer à son tour. Il posa une épaule contre le bois et frappa trois coups consécutifs de plus en plus forts à l'aide de tout son poids. En vain. Le héros se tourna donc vers Revali.
- Essayons en même temps, proposa Link.
- Que je t'aide ? Ah ! c'est d'une plaisanterie...
- Par Hylia, j'aimerais sincèrement que tu te comportes autrement, Revali ! signala la princesse.
Il souffla et pensa à sa réputation devant la fille du roi. À contrecoeur, il vint en aide au blond en se positionnant comme ce dernier. Grâce à leurs forces deux fois plus efficaces, la porte s'ouvrit dans un bruyant craquement qui était celui de la planche qui bloquait l'ouverture depuis l'intérieur. Link, Zelda et Revali pénétrèrent ainsi dans la maison vide et silencieuse. Les personnes qui devaient être présentes ici avaient dû s'enfuir depuis un certain temps. Maladroitement, la princesse marcha sur quelques éclats de verre de potions brisées qui vinrent crépiter sous ses bottes. C'était comme si on était venu cambrioler...
- C'est étrange. Je sens comme un mauvais pressentiment, s'exclama Zelda.
Revali, lui, fouilla les quelques meubles encore en place afin d'y trouver son matériel d'explosifs qu'il avait réservé. En ouvrant un tiroir du bureau au centre de la pièce, il trouva une affiche. Un papier représentant Alan : yeux verts, cheveux noirs, joues creusées. Et au dessous du portrait, il y avait un mot stipulant que le royaume était à sa recherche.
- Eh bien ! Visiblement, notre Alan n'est pas vraiment un pauvre innocent, déclara Revali en lisant l'affiche.
Le Piaf montra se découverte à la princesse qui ne reconnut point le visage de l'homme. Et comme il était écrit, celui-ci était recherché pour vol chez la famille royale. Un motif que peu de brigands possédaient.
- Alan serait-il donc le voleur de Lambda ? Voler le Masque de Majora, ce n'est tout de même pas chose aisée... fit-elle.
- Ce vol a été commis récemment et d'après les dires des soldats ayant croisé le chemin du voleur, ce dernier semblait mépriser Lambda, expliqua Link. Ce n'est pas lui.
En tant que capitaine de la garde, le blond avait accès à beaucoup d'informations qui lui parvenaient très rapidement. Ce visage maintenant associé à Alan, il pensa qu'ils faisaient fausse route en suivant les traces d'un autre bandit. Il partagea son avis avec Zelda.
- Si je puis me permettre, Votre Altesse, je crains que nous nous sommes trompés d'affaire.
- Si Alan est le seul à vendre cette fumée si particulière, il a forcément rencontré Lambda, répondit-elle. Ce désordre n'est peut-être pas lié à lui, mais je sens que nous ne sommes pas sur une mauvaise piste.
- Elle a raison, tu devrais réfléchir un peu plus avant de parler... ajouta Revali.
Link ne jugea pas nécessaire de répondre et prêta plus d'attention sur quelque chose qui l'intriguait dans un coin au fond de la pièce. Le héros s'avança jusqu'à repérer une trappe jusqu'alors cachée par des caisses remplies d'ingrédients différents. Il retira les obstacles et tira sur la petite poignée afin d'ouvrir le passage. Il releva les yeux sur ses deux partenaires qui lui faisaient comprendre que le trio n'allait pas tarder à continuer à s'infiltrer chez le vendeur de potions.
- Soyons discrets, rappela Link. Je passe en premier. Revali, reste en dernière position. Nous devons rester prudents.
Le lieu était d'un silence effrayant. D'un calme si dérangeant qu'on s'y sentait menacé à chaque instant. Et en descendant par l'échelle qui succédait à la trappe, Link atterrit dans ce qui s'apparentait à une cave. Cette même cave où le poète s'était retrouvé piégé la première fois. Sur une petite table rectangulaire collée au mur de gauche, une bouteille d'alcool demeurait toujours ouverte. Une odeur envoûtante en sortait. Zelda qui venait de rejoindre Link n'eut aucun doute que la boisson en question était du "vaï meets voï". De plus, cela était parfaitement cohérent avec la potentielle présence de Lambda.
Soudain, du bruit retentit dans une autre pièce. Derrière la porte qui ouvrait sur un prolongement de cette petite cave. Link dégaina son épée sur-le-champ. Lambda ou non, il y avait bel et bien quelqu'un à proximité. Revali sortit également son arc de l'aigle qu'il portait constamment sur lui. Le milieu n'était certes pas très adapté pour des armes de distance, le prodige ne voulait que prouver qu'il était capable de combattre malgré tout.
- À quoi ressemble votre Lambda, au juste ? demanda Revali.
- Théoriquement, il devrait être grand et... le visage dissimulé, répondit Zelda.
- Attendez, c'est tout ?
Link entrouvrit lentement la porte et vérifia si la voie était libre. Mais il ne s'attendait pas à tomber face à quatre cadavres d'Hyliens gisant sur le sol. Les corps devaient être là depuis un bon nombre d'heures, voire plusieurs jours. Le chevalier s'approcha du massacre. Un pas après l'autre, il analysa la mystérieuse scène et remarqua que les quatre personnes mortes portaient des uniformes de garde, Link reconnut d'ailleurs deux d'entre elles. Ce qui le perturba. Mais lorsque Zelda et Revali débarquèrent à leur tour, un grincement de porte s'ajouta à l'atmosphère lugubre.
- "Je suis de retour", chuchota une voix de plus en plus audible. "J'ai besoin de vous. Je l'aime tellement, je ne peux pas l'abandonner." Est-ce que ça te dit quelque chose, Link ?
En regardant tout au bout du couloir sombre dans lequel le trio se trouvait, le blond fronça les sourcils et s'attendait à voir débarquer la personne derrière cette étrange voix masculine.
- Non ? Vraiment rien ? Décidément, toi comme la princesse, vous n'avez rien compris à mon message, continua-t-elle.
- Montrez-vous ! ordonna le capitaine.
- Il s'agit du message que j'ai fait écrire sur ta main, Link. Ça te rappelle des souvenirs, maintenant ?
Tout à coup, une silhouette apparut dans la pénombre au fond de l'allée. Lambda, toujours muni de son fidèle casque de l'Usurpateur, se tenait droit face aux élus et Revali. Link resserra son emprise sur le manche de son arme, prêt à agir à tout moment. Le voleur parlait d'un ton si calme et si serein que cela relevait d'autant plus de la folie dans laquelle l'inconnu paraissait baigner.
- Je savais bien que la princesse finirait par venir à moi d'elle-même. Une jeune femme comme elle si curieuse, déterminée, parfois un peu têtue... Cela me semble évident, maintenant.
- Vous êtes le voleur de Lambda, fit la fille du roi.
- Le grand voleur de Lambda serait préférable, Princesse Zelda.
Ce dernier avança lentement un pas après l'autre sans se soucier de Link qui pouvait intervenir. Sa carrure n'était pourtant pas très imposante : une taille quelques centimètres plus grande que celle du héros et des bras assez maigres. Lambda n'avait rien d'un combattant. Il semblait tout miser sur un certain charisme, sur de l'intimidation.
- Vous vous demandez sûrement pourquoi je me dévoile aussi facilement à vous... alors que bon... Je suis censé être mort depuis des années ! Une sacrée histoire, n'est-ce pas ?
Il n'obtint aucune réponse.
- C'est très simple : je n'ai plus de temps. Alors j'improvise, c'est ma dernière chance, dit-il.
- De quoi parlez-vous ? interrogea la princesse.
- Je vous assure, Princesse Zelda, que vous serez parfaitement au courant très prochainement ! ricana-t-il.
Revali ne put tolérer plus longtemps de rester immobile sans rien faire. D'un pas déterminé, il se fraya un chemin entre les quatre morts et s'arrêta à un mètre de Lambda.
- Je ne sais pas pour qui est-ce que tu te prends avec ton masque et tes discours incompréhensibles, dit-il, mais je te préviens : tu ne t'approcheras pas de Son Altesse !
- Aux dernières nouvelles, tu es un des ces quatre Prodiges, c'est bien cela ? répliqua le voleur. Tu es sous le commandement de la princesse, mais en revanche, je ne vois pas ce que tu as à faire dans cette histoire. Alors écoute-moi bien, Piaf...
Il attrapa Revali par son écharpe de prodige et le tira vers lui. À sa grande surprise, Lambda avait une poigne bien plus puissante qu'il ne l'imaginait. Le guerrier ne s'attendait pas à un si grand irrespect envers sa personne. Qui était cet homme pour se comporter ainsi avec le grand Revali ? C'était inadmissible.
- Si tu continues à te mettre au travers de mon chemin, je te ferai avaler toutes tes plumes de volatile jusqu'à la dernière... menaça l'homme masqué qui le repoussa en arrière.
Le Piaf sentit une rage monter en lui. Link dut le retenir de ne pas lancer d'attaque immédiate. Il fallait d'abord entendre ce qu'il avait à dire. La princesse, qui restait en retrait derrière les deux prodiges, restait muette. Elle se rendit compte de l'imprudence dans laquelle elle s'était mise avec le chevalier et Revali. Zelda se savait prise au piège, elle savait qu'elle ne pouvait pas fuir, car Lambda n'allait pas la laisser faire.
- Si l'on vous demandait de choisir entre la vie de la personne la plus importante du royaume et celle de la personne qui vous est le plus cher à votre coeur. Le choix est vite fait, vous ne trouvez pas ? continua l'inconnu.
- Cela fait des semaines que vous nous espionnez. Je ne compte plus les jours où je me demandais qui me voulait du mal. Je ne peux croire que vous ayez fait toutes ces horribles choses par amour. Je ne sais pas qui vous êtes, mais sachez que si vous ne nous dites pas clairement ce que vous désirez, votre sentence sera des plus strictes, prévint Zelda.
- Pas de ça avec moi, Princesse. Vous détestez profiter de votre titre ainsi, répondit Lambda. Ce que je veux, c'est la sauver avant qu'il ne soit trop tard. Et si vous ne me croyez pas, soit. Mais sachez que je ne mens jamais.
Il inclina la tête.
- Vous voyez ces quatre pauvres Hyliens ? Techniquement, je ne désirais pas les tuer, et je ne l'ai pas fait. Mais au bout du compte, je me rends compte que tout ça va s'avérer... compliqué sans un mort ou deux de plus... Je ne suis pas fou, je vous assure. Et ne me dites pas que c'est difficile à croire, si je fais tout ça, ce n'est plus par plaisir, vous pouvez me croire.
- Pourtant ton attitude donne l'impression du contraire ! répondit Revali.
- Mon... attitude ? Sûrement, mais ne nous fions pas aux apparences, d'accord ?
Aussitôt, le voleur dégaina un sabre de derrière son dos. Cependant, il ne le pointa pas instantanément sur ses adversaires. Il se contenta de passer une main sur le tranchant de sa lame puis de jeter un oeil sous ses pieds.
- Je n'avais encore jamais tué d'hommes depuis le procès de ce gamin. Je me suis rendu compte que... j'en étais capable lorsque cela s'avérait être une obligation. Je ne voulais pas en arriver là, mais comprenez que je n'ai pas d'autres options.
Un étrange silence naquit. Revali leva les yeux au plafond et essaya de rester calme. Il était le seul à avoir remarqué le piège dans lequel Link était tombé. En effet, juste au-dessus de sa tête, se trouvait une plaque de bois qui se démarquait de la pierre. Sans aucun doute, quelque chose attendait de tomber droit sur le chevalier juste au-dessus de celle-ci. Avant même que Lambda n'agisse, le Piaf se rua sur le héros et le tira d'affaire de justesse. Link fut poussé contre le mur du couloir et trébucha. Il put observer un flot de liquide inflammable - enclenché par une plaque au sol pressée par Lambda - couler à l'endroit où il se trouvait.
Le voleur vit son stratagème échouer. Revali en profita pour bander son arc et tirer une flèche sur le casque de pierre du bandit. Le projectile ne transperça pas le masque mais l'homme eut un fort mouvement de recul qui laissa un peu de temps au groupe pour agir.
- Votre Altesse ! Fuyez vite ! fit le Piaf.
Zelda courut vers la sortie tandis que Lambda se remit à marcher tranquillement vers elle, sabre à la main. Revali vint s'interposer mais ne possédait pas d'arme de contact. Le voleur prépara un premier coup tranchant vers le guerrier lorsque Link le contra juste à temps. Le Piaf repéra une autre porte qui menait à une salle plus grande sur sa gauche ainsi qu'un trou béant dans le mur de la même direction. Les deux passages donnaient sur la même pièce : celle où avait eu lieu la dispute d'Alan, Lambda et Brad.
Revali eut une idée, mais il devait la partager avec le chevalier déjà bien occupé. Link combattait rarement avec des personnes aussi rapides et vives. Les coups de Lambda étaient complexes et puissants, mais le héros bloqua néanmoins toutes ses attaques. L'étroit lieu où ils combattaient était bien trop inadapté : un couloir obscur ainsi que des corps sans vie au sol... À certains endroits, il y avait à peine la place pour marcher.
Link esquiva une frappe latérale de son ennemi et reprit l'avantage en ripostant par une suite de coups au niveau de la tête de Lambda qui étaient plus difficiles à éviter. Les lames s'entrechoquèrent encore et encore. L'élu fendit l'air et le tranchant de son épée frappa violemment le sabre du masqué qui fut déséquilibré et qui lâcha son arme. Puis, dans la foulée, Link le fit tomber à l'aide de sa jambe droite.
- J'avais oublié que tu étais le héros, fit Lambda.
Soudainement, il sortit d'une de ses poches une fine dague qu'il s'empressa de lancer droit vers Revali de l'autre côté de l'allée. Mais malheureusement pour lui, le Piaf avait déjà emprunté la porte qui menait à la fameuse autre salle, comme le passage créé dans le mur par Brad auparavant.
Lambda ramena son attention sur Link et récupéra son sabre avant que son adversaire ne l'attaque. Tout en reculant au sol, il contra les coups du héros et grogna sous son lourd casque. De son autre main, il tenta de blesser le chevalier aux pieds grâce à un second poignard qu'il cachait cette fois-ci dans sa botte. Mais dans le même temps, Link sentit des picotements dans son dos. Les désagréables sensations se faisaient ressentir de plus en plus et le héros comprit que sa mystérieuse brûlure venait de réapparaître.
Contrairement à la précédente fois, le blond souffrait tellement qu'il fit tomber l'épée de légende au sol en lâchant des geignements atroces. Link termina accroupi, il baissa sa garde et Lambda se releva furtivement puis l'attrapa par le col. Il le frappa dans l'abdomen une première fois ; une seconde fois, et une troisième fois jusqu'à ce que Link s'effondre et soit paralysé au sol par sa plaie. Le moindre mouvement de sa part le faisait ahaner de douleur. L'Hylien était allongé près des quatre cadavres. Conscient, il aperçut son épée près de lui. Seulement, dans l'incompréhension, il ressentit une terrible peur pour son arme. Et de ce fait, il ferma les yeux pour éviter de l'avoir dans son champ de vision.
- Link ! cria Revali qui venait de réapparaître.
Lambda reçut une succession de flèches dans sa direction et fut obligé de changer de pièce en empruntant le mur détruit. Arrivant dans l'autre salle, le voleur fut de nouveau visé par de multiples projectiles de Revali. Il dut s'abaisser et se cacher derrière une grande table.
- Tu n'iras pas plus loin, fit le Piaf.
- Il faut avouer que je n'avais pas prévu que tu viennes perturber mes plans... murmura Lambda qui était en train de verser une substance dans une fiole vide.
Après cinq longues secondes, il se releva et envoya cette même fiole en direction de son adversaire qui eut le temps de décocher une dernière flèche et de la détruire en plein vol. Son contenu blanchâtre s'évapora instantanément dans l'air. Son carquois vide, Revali rangea son arc et chercha désespérément une arme telle une épée par exemple.
- Cela ne sera pas très équitable mais nous ferons avec... déclara Lambda qui lui, avait une lame qu'il s'amusait à frotter et aiguiser contre le mur tout en avançant.
Son arme causa un bruit strident qui semblait réjouir le voleur. En mauvaise posture, le Piaf ne savait plus quoi faire. L'homme masqué s'approchait de lui de plus en plus... À sa gauche, une simple caisse d'objets volés, et à sa droite, une vue sur le couloir par la porte qu'il avait laissée ouverte. S'il avait su ce qui l'attendait en venant chercher ce qu'il avait commandé... Mais du coin de l'oeil, il aperçut Zelda, tablette sheikah en main qui le regardait l'air apeuré de l'autre côté de la porte. Elle paraissait attendre un signal, le doigt paré à appuyer sur la tablette.
- Princesse Zelda ! C'est très aimable à vous d'avoir attendu que j'élimine ce Piaf ! s'exclama Lambda qui comprit que la blonde était également présente. Laissez-moi deux petites minutes et nous pourrons partir en direction du lieu de l'Échange.
Sans réfléchir, Revali attrapa une petite chaise en bois placée sous la grande table et la brisa difficilement contre le sol afin de récupérer un pied pouvant lui servir à se défendre. Même s'il n'était pas très adroit lors de ce type de combat... Cette action fit se moquer le voleur qui porta un coup vertical en se jetant sur le Piaf. Ce dernier plaça son morceau de bois perpendiculaire au sabre de Lambda. Mais il savait pertinemment que sa défense n'allait pas tenir longtemps. Le prodige s'empara des restes de la chaise qu'il jeta rudement sur Lambda afin de faire reculer le plus possible son ennemi en arrière.
- Ça suffit ! fit Zelda.
Tout à coup, l'Hylienne intervint et une explosion de couleur bleue jaillit du mur qui séparait la pièce et le couloir. Conséquences d'une bombe sheikah. Lambda, touché par les innombrables pierres projetées vers lui, fut recouvert de celles-ci dans un nuage de poussière grisâtre. Le voleur resta bloqué, le temps pour Revali de l'attraper une bonne fois pour toutes. Il le releva difficilement et garda fermement ses bras derrière son dos pour éviter toute tentative de fuite.
- Non... supplia Lambda en voyant que Zelda s'approchait pour effectuer l'action qui allait détruire la totalité de ses plans. Ce n'est pas ce que je voulais, je vous le jure...
- Tu t'expliqueras au château, répondit la princesse.
- Vous le regretterez... la menaça-t-il.
Celle-ci n'eut aucune pitié pour l'homme et à l'aide de ses deux mains, la blonde enleva le masque de sa tête. Lambda n'avait même plus la force de se débattre. Il sentit le masque glisser sur sa peau trempée de transpiration à cause de la chaleur que procurait l'objet sur sa tête. Il prit une grande bouffée d'air lorsque son visage fut révélé, puis il hurla de rage en voyant le casque de l'Usurpateur dans les mains de Zelda.
Elle et Revali découvrirent un homme aux courts cheveux gris, presque chauve, un regard perçant ainsi qu'une barbe mal rasée. Ses fins yeux verts et la forme de son visage tourmenta Zelda qui crut reconnaître Alan un bref instant. Son nez était fin et droit tandis que ses lèvres étaient charnues. Et au niveau de son cou, une cicatrice - de la forme du symbole le représentant - était présente. Lambda était vaincu, sa tête à présent dévoilée, il n'était plus capable de rien.
- Je dois avouer que... tout cela est bien dommage, termina-t-il, essoufflé.
Aussi étonnant que cela pouvait paraître, il n'avait plus aucun plan de secours pour se sauver. L'abandon et le désespoir ne tardèrent pas à l'envahir mais il refusa de montrer de tels ressentis. Il les cacha par sa colère.
- Je crois que... votre preux chevalier est mal en point... dit-il, un sourire malsain sur les lèvres.
La princesse ne lui accorda pas plus de temps, elle posa le masque rapidement sur le sol et accourut vers Link qui n'avait évidemment pas bougé. Elle s'agenouilla devant lui, celui-ci rouvrit les yeux tout en continuant de grimacer du fait de la douleur qui ne s'arrêtait pas.
- Par Hylia, mais que t'arrive-t-il ? s'affola Zelda inquiète en posant une main rassurante sur l'épaule du chevalier.
- ... Mon dos... gémit Link.
Elle eut une terrible peine pour le concerné. Voir cette lutte dans ses yeux, cette colère ainsi que cette peur... Zelda vit ses paupières vaciller et s'arrêter subitement, elle le vit serrer le poing tellement fort et respirer si rapidement qu'elle en eut des frissons de frayeur. Précipitamment, l'élue alla soulever la tunique du héros afin d'examiner son dos. Puis elle se souvint de ce qu'il lui avait raconté il y avait tout juste quelques heures. La brûlure était en effet réapparue et son état avait empiré. Zelda se leva brusquement en remarquant la blessure, choquée par son allure. D'étranges bruits presque imperceptibles accompagnaient la plaie. Une horreur que même le Piaf qui s'était rapproché avec le voleur n'osait pas regarder plus longtemps.
- Ah ! Je connais l'idiot qui a fait ça ! se venta Lambda.
- Tais-toi ! répliqua Revali qui le maintenait prisonnier.
La princesse plaça sa main à quelques centimètres du dos de Link et sentit une très faible force repousser son bras, jusqu'à ce que la brûlure commence progressivement à disparaître de nouveau.
- Ne touchez pas ! cria Link d'un ton qui ne lui ressemblait guère.
Zelda se recula et la plaie réapparut subitement.
- Nous allons te soigner, dit-elle, ne t'en fais pas.
- J'aimerais bien savoir comment vous allez vous y prendre, ajouta Lambda. Ce n'est qu'une question de temps avant que cette chose rejoigne son coeur... et là, il sera impossible de faire quoi que se soit !
- Et faites-moi disparaître cette épée ! hurla le héros à nouveau.
Il contracta chaque muscle de son corps en ressentant cette chose brûler sa colonne vertébrale. Zelda n'avait jamais vu Link dans un tel état. Elle ne le reconnaissait plus, il avait terriblement mal.
- L'épée ! insista-t-il.
La princesse se résolut à récupérer la lame purificatrice par terre en l'éloignant de lui. Brusquement, Link se releva, tenant à peine sur ses deux jambes. Il avait une gestuelle dépendante de son dos endolori : il se contorsionnait à chaque fois que sa blessure évoluait. Zelda tenta de l'aider en attrapant son bras pour l'aider à tenir debout mais il lui assura très calmement qu'il allait s'en sortir.
- L... Link... tes yeux... balbutia la blonde.
Les iris du capitaine avaient perdu leur bleu si particulier, à la place, ceux-ci étaient devenus rosâtres, tournant vers le rouge. La princesse comprit de suite ce qu'il se passait, elle en conclut qu'il fallait impérativement aller voir Impa. Elle allait savoir quoi faire. La Sheikah avait les connaissances nécessaires pour retirer cette corruption de Ganon qui s'était introduite dans le corps de Link.
Link commençait à sérieusement s'inquiéter de ce qui lui arrivait. On ne lui avait pas encore expliqué, Zelda voulait d'abord consulter Impa avant de l'informer de la situation. Comme elle ne savait pas si cette corruption de Ganon qui pénétrait de plus en plus dans le héros pouvait ou non avoir un impact sur sa lucidité et son raisonnement, elle préféra attendre. Simple précaution. Et elle ne tarda pas à voir ses hypothèses se confirmer. La douleur s'était bien calmée depuis quelques heures, mais une fois arrivé dans les couloirs du château, Link eut un mauvais pressentiment qui le fit ralentir, laissant ainsi Zelda passer devant, l'épée de légende entre les mains.
- Où m'emmenez-vous ? demanda Link, qui suspectait la princesse d'un air intrigué.
Cette dernière se retourna doucement vers son chevalier servant, cherchant désespérément à répondre quelque chose.
- Eh bien, je te l'ai dit. Nous allons voir Impa afin de l'informer que nous avons capturé Lambda, tenta Zelda.
- Je pensais que vous alliez l'interroger d'abord ?
Il ne remettait jamais en cause les décisions de la blonde. Ça ne lui ressemblait pas. Son regard, ses actions et le fait qu'il ne voulait plus porter son arme étaient devenus très inquiétants. En effet, Link tenait au moins deux mètres de distance avec Zelda, l'épée dans ses mains, qui fut dans l'obligation de lui répondre fermement, car elle ne souhaitait pas lui mentir davantage.
- J'en ai décidé autrement. À présent, contente-toi de me suivre, dit-elle.
Le héros l'écouta sans discuter. Mais tout à coup, il sentit une vague de chaleur l'envahir ; et son pouls s'accéléra anormalement. Ses yeux devinrent une nouvelle fois rouges un bref instant et Link perdit le contrôle de lui-même. C'était comme si quelqu'un d'autre venait de s'emparer de son libre arbitre.
- Dites-moi la vérité ! cria-t-il si fort que Zelda en sursauta sur place.
Le bureau de la magistrate adjointe n'était plus très loin. La princesse, bouleversée par le comportement du capitaine, l'attrapa par l'avant-bras et le força à la suivre. Elle pressa le pas.
- Cela m'attriste grandement, mais je n'ai pas le choix, Link, je ne fais que te venir en aide. Crois-moi.
- Je ne vous suivrai pas ! Pas tant que vous ne me dites pas réellement ce que vous comptez faire ! répliqua le blond.
- Je compte faire en sorte de pouvoir reparler à Link et non à cette facette de toi qu'a créée cette chose ! dit-elle en tenant toujours fermement son bras droit.
Link ne semblait pas pouvoir se calmer. Zelda le supplia d'essayer de reprendre le contrôle de son esprit mais la corruption faisait obstacle à sa raison. Jamais la princesse n'avait été si soucieuse ; et tout était arrivé si vite que les tonnes de questions qui pouvaient se poser ne lui vinrent en tête qu'à ce moment précis. Les élus arrivèrent devant la porte du bureau d'Impa. Zelda frappa, entra et expliqua la situation à la Sheikah qui fut tout de suite intriguée par la façon dont le héros la regardait.
- Que s'est-il passé ? fit Impa qui se leva brusquement de sa chaise.
La princesse ferma la porte derrière elle et s'approcha de la magistrate adjointe afin de lui parler sans que Link ne puisse l'entendre. Elle posa la lame purificatrice sur le bureau et jeta à Impa un regard qui témoignait d'une situation des plus urgentes.
- Je crains qu'une part du Fléau s'est introduite en lui, chuchota Zelda. J'espérais que vous puissiez agir.
- Par toutes les déesses... fit la Sheikah.
Impa observa le comportement du chevalier qui attendait près de la porte. Effectivement, elle savait quoi faire, mais seulement en théorie. Jamais elle ne s'était prêtée à la pratique. Cependant, de la corruption chez le héros d'Hyrule était bien plus grave que cela en avait déjà l'air. Si celle-ci parvenait à atteindre le coeur de Link, le sombre destin d'Hyrule ne pourrait plus être modifié. Il fallait agir en vitesse, le temps était un luxe dont ils ne disposaient plus.
- Je vais essayer de faire ce qu'il faut, assura Impa. Mais Princesse, il me semblerait préférable que vous n'assistiez pas à cela, dit-elle.
- Comment ? Que voulez-vous dire ?
- Il n'y a qu'un seul moyen de soigner la corruption, et je crains qu'elle ne soit pas très... séduisante.
Zelda se retourna vers Link qui s'impatientait. Le héros ne s'approchait pas car l'épée aurait été à proximité de lui, et il mourrait d'envie de fuir. Du moins, quelque chose en lui avait ce désir. Link n'était pas encore totalement corrompu, dans sa tête, c'était comme deux camps qui se battaient pour prendre le dessus sur l'autre. Il put, bien que très difficilement, se forcer à rester dans la pièce. Mais sa main droite ne cessait d'alterner entre la poignée de porte et sa tunique.
- Qu'allez-vous lui faire ? s'inquiéta la princesse.
- Attendez dans le couloir, cela ne devrait pas durer plus de quinze minutes.
- Impa, je ne peux pas...
L'Hylienne s'arrêta, car Impa insista sur le fait qu'elle devait sortir. Elle n'allait pas revenir sur ses propos. La Sheikah avait conscience de la grande volonté de la blonde de rester auprès de Link, mais ce dernier n'était en partie plus lui-même. Sa présence n'allait qu'empirer les choses.
- Très bien, soupira Zelda.
La fille du roi se dirigea vers la porte en regardant une dernière fois le héros qui, lui, la fuyait du regard. Son angoisse omniprésente, elle sortit du bureau, l'air penaud. Et une fois seuls, Impa posa ses yeux sur l'épée qui se trouvait devant elle. L'arme qui permettait d'absorber la rancoeur de Ganon était la seule solution pour sauver Link.
- Viens t'asseoir, fit la Sheikah. Je vais d'abord examiner ta plaie.
- Pas tant que j'aurai cette épée dans mon champ de vision, rétorqua Link.
Impa plaça la lame sous le bureau. Ainsi, Link sentit qu'il se calmait un peu plus ; il en profita pour vite s'approcher et s'asseoir dans un fauteuil dans un coin de la pièce comme convenu avant qu'une quelconque rage indescriptible ne vienne reprendre le dessus sur lui.
- Dame Impa... par pitié... fit Link, effrayé. Aidez-moi...
- Retire ta tunique. Je ne suis pas experte, mais je vais faire tout mon possible, c'est promis.
Le héros, les mains tremblantes, se défit de son habit de prodige et se retrouva torse nu. La blessure au contact de l'air se rétracta étrangement, ce qui raviva la douleur dans son dos. Link gémit et Impa s'assit à côté de lui. La benjamine scruta le dos du héros en approchant doucement sa main. Elle disposa celle-ci de manière à pouvoir observer la totalité de la corruption et ainsi conclure si cette rancoeur était déjà profonde dans le corps du blond.
- Par Hylia, comment t'es-tu fait une brûlure pareille ? s'étonna Impa.
- C'est Brad... cela ne peut être que lui.
- Qui ça ?
- Lâchez-moi ! ordonna soudainement Link d'un geste brusque qui stoppa la magistrate adjointe dans ses analyses.
Impa mit ses mains bien en évidence, stupéfiée. Elle regarda fixement le chevalier qu'elle non plus, commençait à sérieusement ne plus reconnaître. S'il n'était pas capable de mieux coopérer, les choses allaient devenir bien plus compliquées qu'elles ne devaient l'être.
- Link, pourras-tu le contrôler ? demanda la Sheikah. La corruption est encore proche de ta peau, c'est une chance. Mais je ne peux pas prendre le risque que tu réagisses ainsi lorsque j'approcherai...
- Quoi ? Lorsque vous approcherez quoi ? s'interrogea l'Hylien.
Dans un soupir, Impa se releva et demanda au héros de s'allonger sur le fauteuil. Il était temps. Link dut une nouvelle fois contracter de force ses muscles pour s'obliger à écouter la Sheikah ; et la contorsion terrifiante qu'il endura avant de se placer sur le ventre fit se décider la petite soeur de Pru'ha.
- Non, après tout, je n'ai pas le choix. Peu importe ta réaction, je dois impérativement le faire.
Elle s'empara de l'épée de légende qu'elle était partie récupérer, son tranchant émit un bruit métallique qui fit tilt dans la tête de Link.
- Pardonne-moi d'avance, dit Impa.
- Ne faites pas un pas de plus... non... je ne...
Le capitaine luttait malgré tout. Il tenta désespérément de rester allongé et de ne pas fuir ce qu'il allait devoir subir. Il savait que cela était la seule solution.
- Hâtez-vous ! Je fais... ce que je peux... Dame Impa, grogna-t-il en essayant de coopérer.
- Courage, tiens bon.
Il ferma les yeux, espérant de tout coeur qu'il allait pouvoir se contrôler jusqu'au bout. Mais malheureusement, la part de Ganon en lui ne restait pas indifférente à la lame qu'Impa tenait en main. La Sheikah l'avait approchée de beaucoup trop près de son dos pour que la corruption ne réagisse pas.
- Non ! Ne me touchez pas ! s'écria Link.
- C'est le seul moyen d'absorber cette répugnante chose, expliqua-t-elle. Un simple contact avec ta peau suffira.
- Éloignez-vous ! insista le héros en gesticulant rudement.
Impa dut relever l'épée à cause de ses mouvements brusques.
- Eh ! Link ! Je vais te blesser accidentellement si tu continues ! Essaie de penser à autre chose...
- Impossible. Où en êtes-vous ? fit le chevalier, les yeux toujours fermés.
Il ne restait plus que quelques centimètres ; puis quelques millimètres avant le contact. Soudainement, la lame purificatrice s'illumina dans une lumière éblouissante. La magistrate adjointe tenait fermement son manche avec ses deux mains. L'épée entra en relation avec l'épiderme de Link, au niveau de la plaie. La corruption fut automatiquement attirée et elle s'enroula autour de la totalité de la lame de l'épée jusqu'à disparaître en son sein. Mais cela procura une atroce douleur à Link qui ne put s'empêcher de hurler.
- C'est presque fini ! fit Impa, concentrée et désolée de ce qu'elle lui faisait subir.
La porte du bureau s'ouvrit tout à coup sur Zelda qui débarqua suite au cri de Link. Elle ne pouvait point rester à attendre dans le couloir en entendant son chevalier servant souffrir ainsi. Et la scène qui se déroulait devant ses yeux ne pouvait que l'inquiéter davantage. De multiples sons s'échappèrent de l'épée suite à l'absorption de la corruption. La princesse accourut aider Impa lorsque Link se leva. Il attrapa violemment la lame purificatrice, la jeta au sol et d'un coup de pied, la projeta le plus loin possible de lui.
- Dame Impa, prononça Zelda, mais que faites-vous ?
- J'ai absorbé la quasi-totalité de la corruption, mais il reste une infime partie que je n'ai pas pu retirer à temps, expliqua la Sheikah.
- Pardonnez-moi... c'était plus fort que moi... s'exclama le héros.
Déroutée, la princesse remarqua que la brûlure dans le dos de Link avait disparu. Elle en conclut que le reste de la corruption devait s'être enfoncée plus profondément... Link resta debout et stoïque, figé. Et pendant que ses yeux versaient une dernière larme de douleur, il s'effondra sur le sol, évanoui. Et Zelda arriva trop tard pour amortir sa chute.
- Son corps ne supporte plus le choc qu'il vient de subir, cette réaction est tout à fait normale, n'ayez crainte, Princesse, rassura Impa.
- Est-il encore en danger ? Cette partie du Fléau toujours en lui, est-elle dangereuse ?
- Ce qu'il en reste s'avère, à mon sens, beaucoup trop petit et faible pour atteindre son coeur. C'est une certitude. Il est sauvé. Mais je ne peux en revanche rien affirmer sur les conséquences que cela pourrait avoir sur sa personnalité...
Son souffle ralentit, cela était comme un soulagement. Cette force maléfique avait puisé beaucoup d'énergie en lui, et la fatigue l'avait emporté. Ce fut semblable à un apaisement infini, il en avait besoin. Zelda et Impa le portèrent ensemble jusqu'au sofa rouge sur lequel elles l'allongèrent.
La princesse prit place à côté du héros inconscient. Elle savait que celui-ci ne souffrait plus en comprenant que les mouvements de son ventre se bombant lentement témoignaient d'une respiration calme et sereine. Mais malgré cela, la blonde n'était pas complètement épargnée de toutes inquiétudes, la Sheikah le remarqua très vite. Après avoir esquissé un léger sourire, Impa la rassura comme elle le pouvait.
- Autrefois, il y a dix mille ans, de nombreuses personnes furent aussi corrompues par la Calamité, dit-elle. Il est dit dans les livres que certaines d'entre elles ont su pleinement se libérer de ce mal en eux grâce à une aide divine. La déesse Hylia les aurait soignées, faisant de leur corps la prison de cette corruption totalement inapte à influencer leur vie dans le mauvais sens. Ces Hyliens étaient donc dotés de capacités maléfiques tout en restant eux-mêmes... Ces cas restent rares, mais si, par hasard, ce qu'il reste de Ganon en Link devait redevenir dangereux pour lui, j'aurai foi en la déesse Hylia... Dans le cas échéant, il faudrait faire du corps de Link un endroit tellement invivable pour cette partie du Fléau que celle-ci s'en irait d'elle-même. Autrement dit, un lieu entièrement apaisé, sain, et comblé d'émotions positives. Tout cela à un degré tellement élevé qu'il serait impossible pour une personne humaine de ressentir de telles choses...
- J'espère simplement qu'il s'en sortira le plus indemne possible malgré tout. Lorsque j'ai compris de quoi il était atteint, j'ai eu... très peur pour sa vie, avoua Zelda.
Impa ne put s'empêcher de constater l'affection grandissante qu'avait la princesse pour Link. En effet, depuis l'arrivée des élus dans le bureau, cette dernière semblait partager pleinement sa souffrance. Zelda avait toujours été de nature très empathique, parfois même trop. Mais cette manière dont elle regardait Link n'était pas anodine, et elle le savait. Ce qui permit à la blonde de comprendre qu'elle considérait le héros presque comme un ami. Depuis leur pique-nique, elle appréciait beaucoup plus discuter avec lui. Leurs conversations, les sourires espiègles qu'ils s'échangeaient fréquemment, ce bien-être si rare que ressentait Zelda, et la complicité qu'ils avaient installée entre eux aidaient à leur relation. La princesse ne voulait pas voir tout cela disparaître à cause de la même menace que celle à laquelle Hyrule toute entière devait se préparer.
- Il m'a dit qu'un certain Brad lui aurait infligé cela, fit Impa.
- C'est très probable. C'est un chevalier corrompu par le Fléau. Nous l'avions justement compris avant de nous mettre à la recherche du voleur de Lambda.
La Sheikah venait tout juste d'apprendre l'arrivée du voleur au château. Cette urgence ne lui avait pas laissé le temps de savoir qui s'était emparé de lui. Savoir que c'était en réalité Zelda en personne la dérangeait. Car l'Hylienne ne semblait pas prendre en compte le danger dans lequel elle s'aventurait souvent ces derniers temps.
- Vous l'avez donc capturé...
- En effet, confirma Zelda. Il patiente dans une salle hautement surveillée que je vienne l'interroger.
- Vous avez eu beaucoup de chance, Princesse. Se mettre aux trousses de cet homme ainsi... À ce point-là, ce n'est plus du courage mais de l'imprudence.
La princesse fit glisser son regard jusque-là tourné vers Link jusqu'à celui d'Impa. De l'imprudence ? Pour elle, le plus imprudent dans cette histoire, c'était la manière dont la Sheikah avait purifié le dos du héros... De plus, Zelda voulait aider comme elle le pouvait le royaume. Elle voulait faire sa part.
- J'en suis consciente, Impa. Mais je ne pouvais pas rester sans agir alors que nous touchions au but.
- Votre père n'est au courant de rien, j'imagine...
L'Hylienne haussa simplement les épaules, comme pour affirmer que cela était une évidence mais qu'elle n'y pouvait rien, qu'elle n'avait pas le choix.
- Princesse, comment pensez-vous qu'il agira lorsqu'il verra que Lambda est ici, enfin attrapé et que c'est vous qui l'avez ramené ? rappela Impa sans vouloir la brimer.
- Il sera furieux. Mais cela ne changera guère de son habitude. Il ne souhaite même plus que nous dinions ensemble, comme nous le faisions encore il y a quelques semaines. Je n'ai que des reproches comme interactions avec lui. Un de plus ne me tourmentera pas plus que les autres.
- Je suis pertinemment au courant de la dureté dont il fait preuve envers vous. Mais vous le connaissez...
- Si je dois être honnête avec vous, je vais faire en sorte de ne pas croiser son chemin. Afin de remettre au plus tard ses réprimandes.
Un silence s'installa, laissant la respiration de Link prendre le dessus dans la pièce.
- Puis-je aller parler à Lambda quelques minutes seule ? Vous n'avez qu'à rester ici avec Link et me rejoindre tout à l'heure, proposa la magistrate adjointe.
Zelda accepta et laissa Impa s'en aller, lui permettant de veiller encore quelques instants sur le héros et de pouvoir se remettre de la situation. Elle en profita pour ramasser l'épée de légende qu'elle posa près de lui ainsi que sa tunique de prodige, imprégnée de son parfum. Après l'avoir gardée quelques secondes en main, la princesse la posa sur Link endormi, le torse nu, afin de dissimuler ce dernier et préserver son intimité comme il l'aurait voulu en sa présence.
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Alan ouvrit les yeux et ne vit que de la boue. De la boue et sa propre main, recouverte de boue. Ses paupières étaient lourdes, et ses oreilles sifflaient. Ses sens se réactivèrent lentement. Il sentit une sensation de fraîcheur sur sa peau et comprit qu'il était trempé. Puis, en entendant le ruissellement de la rivière qui coulait juste derrière lui, il se rappela.
L'homme leva la tête qui donnait l'impression de peser le poids d'un lourd rocher. Depuis combien de temps était-il resté là ? Une question encore plus intrigante lui vint à l'esprit : comment se faisait-il qu'il était encore là ? Comment pouvait-il encore être vivant après avoir été emporté inconscient par le courant de cette rivière durant une durée indéterminée ? Pourquoi n'était-il pas mort, noyé ?
La rive sur laquelle Alan avait été recueilli semblait éloignée de tout. En examinant le ciel, il y vit le crépuscule, et juste en face de lui : les Hauteurs Gerudos. Il les reconnut de par la couleur de leurs roches si particulière. Il n'était pas bien loin de chez lui. La rivière s'avérait être, en toute logique, le fleuve Tamiand qui longeait la périphérie du Mont Satori. Il fallait remonter en amont pour retrouver le pont depuis lequel Alan s'était fait jeter.
Il prit enfin la décision de bouger. Le fabricant de potions se leva et ne manqua pas de faillir trébucher sur le sol boueux et glissant. Il se rattrapa de justesse en reprenant un certain équilibre avec ses bras. Mais une fois debout, c'était comme un feu de camp qui s'était embrasé en lui. La fièvre et les migraines ne tardèrent guère à le dévorer furieusement. Perdu et épuisé, Alan se pensait malade. Une chaleur bouillonnait en lui alors que des frissons frigorifiant son épiderme le parcouraient simultanément. Il fit quelques pas vers une route non loin de là mais dut s'arrêter subitement à cause d'une sensation désagréable à l'intérieur de sa poitrine, c'était comme si son coeur désirait s'enfuir.
- Ah... gloussa-t-il en sentant ces palpitations et son sang terriblement brûlant couler dans ses veines.
Suffisamment lucide, il comprit. Il rêvait. C'était la seule explication. Mais non... le rêve était impossible. Alan était incapable de reproduire un univers onirique aussi détaillé, si précis. C'était bel et bien la réalité. De ce fait, il tenta de comprendre en se remémorant la scène qu'il avait vécue juste avant de tomber à l'eau. Car il était vrai que celle-ci rejetait toutes formes de normalité. Tout à coup, il se souvint des paroles que Brad lui avait adressées.
Et ce fut un choc.
Mon corps est invincible, Alan. Il se régénère et guérit automatiquement de toutes les blessures. Ça a de bons côtés d'avoir...
- Excusez-moi monsieur, vous allez bien ? énonça une voix féminine.
Alan n'avait pas remarqué qu'une Hylienne, frêle et de taille moyenne, se trouvait devant lui et attendait une réaction de sa part. Elle était vêtue d'une tenue de voyage bordeaux neuve possédant quelques armatures en cuir au niveau des épaules et des hanches. Ses cheveux noirs étaient coiffés d'un chignon à moitié défait laissant s'échapper quelques fines mèches qui tombaient jusque dans sa nuque. Ses grands yeux ronds et bleus fixaient l'homme qui paraissait mal en point.
- Vous... êtes perdu ? Peut-être ? continua la femme en n'obtenant aucune réponse.
Alan la dévisagea, elle venait de l'interpeller au pire moment... Celui où l'homme comprenait tout juste qu'une chose monstrueuse s'était emparée de son corps. Et il ne savait pas quand celle-ci allait se manifester. Il ne souhaitait pas devenir un monstre.
- Vous... ne devriez pas trop vous approcher, dit-il, le regard inquiet.
- Sans vouloir vous offenser, vous me semblez dans un piètre état. Laissez-moi vous aider, cela ne me dérange pas.
La voyageuse s'approcha de lui mais Alan recula, refusant de faire du mal à une inconnue involontairement. Même si le voleur du masque de Majora n'avait aucun mal à ôter la vie de personnes quand cela était pour la bonne cause... En faisant un pas en arrière, il trébucha en raison du sol glissant imbibé d'eau.
- Par Nayru ! Mon pauvre, vous ne tenez même plus sur vos deux jambes, s'exclama l'inconnue qui rattrapa Alan par le bras.
Au même moment, le ventre de celui-ci se mit à gémir et se plaindre.
- Ça alors... et en plus vous êtes affamé. Je ne sais pas d'où vous tombez, mais je connais un endroit qui saura vous remettre sur pied ! fit chaleureusement la femme.
- Je n'habite pas très loin, je...
- Vous ne le regretterez pas, je vous assure.
Alan se releva presque sans aide et fit face au visage souriant de l'Hylienne qui se présenta. Elle lui tendit une main qui n'attendait que d'être serrée par l'homme.
- Je suis Nell, enchantée, dit-elle.
- Al... Alan, bégaya-t-il en niant la main de cette dernière.
Elle pencha légèrement la tête et plissa les yeux, comme s'il lui disait quelque chose. Peut-être que Nell le connaissait, en tout cas, lui n'avait aucun souvenir d'elle. Soudain, elle eut comme une révélation.
- Mais... vous êtes ce brillant marchand de potions qui habite sur le haut de la colline dans la plaine ouest d'Hyrule ! s'exclama-t-elle en lui montrant une certaine déférence pour son travail.
Ces compliments atteignirent à peine l'esprit d'Alan. L'homme ne la remercia pas, il était obnubilé par ce qu'il venait de comprendre et ne l'acceptait pas encore. La femme devant lui ne se doutait de rien.
- Je vous dois beaucoup, vous savez. Suivez-moi, fit Nell toute enjouée.
L'associé de Lambda refusa mais son interlocutrice insistait. Il observa un instant la saleté dans laquelle ses vêtements se trouvaient, et paradoxalement à ce qu'il laissait voir, il hocha négativement la tête en réprouvant l'aide de Nell en assurant qu'il allait très bien.
- Je m'en sortirai très bien seul. C'est très aimable à vous mais j'ai beaucoup à faire ces temps-ci, expliqua Alan.
- Une délicieuse omelette aux champignons suivie d'un exquis chutney de fruits, vous passeriez à côté de ça ? Je ne vous crois pas ! fit la voyageuse.
Il soupira et la dévisagea. Décidément, elle ne lâchait pas l'affaire... À peine s'était-il réveillé qu'une parfaite inconnue l'invitait à partager un repas sans avoir la moindre idée de comment Alan pouvait réagir avec elle. Même lui-même n'en savait rien, et c'était bien cela qui lui faisait peur.
- Écoutez, je vous ai vu échoué sur cette rive et votre état montre bien que cela fait un sacré paquet d'heures que vous êtes là. Laissez-moi vous aider, disons que ce sera ma façon de vous remercier. Et puis je vous laisserai ensuite tranquille et vous n'entendrez plus jamais parler de moi.
Finalement, il se résolut à bien vouloir la suivre, mais Alan la prévint qu'il s'en irait presque aussitôt arrivé. Ainsi, ils prirent la route jusqu'au lieu en question qui s'avérait être le relais le plus proche : celui du pont de Tabanta. Nell installa l'homme autour d'une table à l'intérieur. Il n'avait pas pour habitude d'être plongé dans une ambiance aussi chaleureuse, sans le moindre signe de froideur. Ils devaient être une dizaine dans la pièce. La jaune lumière des bougies réchauffait les coeurs et la douce odeur de légumes venant de plats cuisinés se promenait gracieusement dans l'air. Il n'avait rien à faire, la voyageuse s'occupait de tout, c'était important pour elle de le remercier de cette manière pour une raison qui lui était encore obscure, d'ailleurs.
Alan avait progressivement senti un début de colère incompréhensible l'envahir durant le trajet pendant lequel il était resté muet, laissant Nell parler dans le vide même si cela n'avait pas semblé la déranger... Mais il ne pouvait lutter contre ce changement radical d'humeur, c'était plus fort que lui. La femme débarqua avec une délicieuse omelette aux champignons comme elle l'avait promis. Elle posa l'assiette devant lui et posa ses mains à plat sur la table.
- Vous m'en direz des nouvelles ! s'égaya-t-elle.
Sans même un "merci", Alan la dévisagea. Comment faisait-elle pour rester toujours aussi joyeuse ? Souriante ? Bavarde ? C'était que cela en devenait presque énervant... Il la voyait bouger dans tous les sens, courir de droite à gauche. Elle ne s'arrêtait tout simplement jamais !
- Quoi ? Il vous manque quelque chose ? De l'eau peut-être ? Oui, je vais vous chercher de l'eau !
- Non ! Arrêtez. Ne bougez plus, coupa Alan à cran qui en avait assez de l'observer aller et venir. Asseyez-vous là, tiens, continua-t-il en montrant la chaise en face de lui. Ça vous arrive de vous asseoir dans votre vie, au moins ?
- Ça arrive oui... mais très rarement ! Je ne supporte pas l'inactivité.
- J'avais remarqué... maugréa l'homme.
L'odeur du plat qu'il avait devant lui arriva timidement jusqu'à ses narines. Il se décida finalement à le manger. Un plat offert, ce n'était pas tous les jours. Et puis, si cela pouvait aider à calmer la personne tumultueuse qu'il avait en face de lui...
- Vous paraissez bien préoccupé... Qu'est-ce qui vous presse tant ? s'interrogea Nell.
- J'ai soixante-douze heures pour sauver la vie de ma nièce, dit-il sèchement. Et je ne sais même pas si le moment venu, j'aurais changé de camp ou non.
- Oh... c'est... une bonne raison de... d'être...
L'indifférence d'Alan mit mal à l'aise Nell qui ne termina pas sa phrase. Celle-ci préféra changer de sujet. Et, comme si de rien n'était, elle reprit une conversation qui n'avait rien à voir en tenant sa tête à l'aide de ses deux mains, les coudes sur la table. Malgré le regard de l'homme qui lui montrait clairement qu'il ne désirait pas parler.
- J'ai toujours aimé aider les gens, c'est ma vocation, vous voyez ? Autrefois, vous êtes venu en aide à ma famille et je vous en serai éternellement reconnaissante.
- Combien de temps ? demanda l'homme, la bouche pleine.
- Oh... eh bien cela doit bien faire douze ans maintenant...
Douze ans, cela était cohérent. La période de sa vie la plus prospère avant que tout ne tombe en ruines. C'étaient les années où son marché fonctionnait à merveille, où il venait à peine d'acheter sa maison qui n'était pas d'un grand luxe, mais qui correspondait pleinement à ses attentes de l'époque. Les gens faisaient la queue à sa porte pour acheter ses produits qu'à présent, le royaume entier néglige.
- Et vous m'avez reconnu après douze ans ? fit-il.
- Je ne pouvais pas oublier votre visage, Alan. Mon père non plus d'ailleurs, expliqua Nell.
Il semblait avoir littéralement oublié ce jour si important aux yeux de la voyageuse.
- Je ne me rappelle plus, lâcha-t-il en rabaissant le regard sur son assiette.
- Oh. C'est... bien dommage...
Elle se recula dans sa chaise, légèrement déçue. Pour la première fois depuis leur rencontre, Alan ne voyait plus ce sourire sur ses lèvres. Nell fronça les sourcils, en se demandant si elle ne se trompait pas de personne. Si ce charmant et généreux Alan de l'époque était bel et bien celui qu'elle avait devant elle, dans ce cas à vu d'oeil, ce n'était pas le cas. Pourtant, c'était le bon visage, elle en était certaine.
- Dans mes souvenirs, vous étiez beaucoup plus sociable... comparé à aujourd'hui. C'est vrai, on aurait dit que la déesse Hylia vous avait envoyé nous aider ! Dites-moi, vous priez la déesse Hylia ?
- Tous les jours, répondit Alan.
- Vous avez raison ! C'est important, je trouve. Il faut avoir foi en elle si l'on veut survivre dans ce monde de fous. Je veux dire, avec tout ce qu'il se passe, comment voulez-vous faire ? Le Fléau Ganon n'est...
- La ferme ! cria Alan en frappant du poing la table qui émit un bruit sourd dans tout le relais.
Un silence de mort s'abattit dans tout le lieu, le gérant du relais tout comme les clients ne regardaient plus que l'homme, nerveux comme il ne l'avait jamais été. Mais dans l'instant qui suivit, il se rendit tout de suite compte du comportement qu'il avait eu. La voyageuse le fixa d'un air hébété, elle n'osait pas se retourner et constater toutes ces personnes qui se posaient des tas de questions sur ce qu'il se passait.
- Vos... vos yeux, ils sont... je crois qu'ils ont... balbutia Nell.
- Pardonnez-moi. Je suis instable. Je ne sais plus vraiment ce que je dois faire. Le mieux serait que je m'en aille. Avant que je fasse une quelconque bêtise.
- Non, c'est ma faute. Je suis trop bavarde. Je comprends que cela puisse vous gêner. Il me le dit souvent en plus...
Alan fit grincer sa chaise contre le sol et se leva, son assiette à peine entamée.
- Vous n'avez pas conscience de ce que je suis devenu. Et vous ne voudriez pas le savoir.
- Ne soyez pas si dur avec vous-même. Tout le monde fait des erreurs, c'est humain.
Après quelques hésitations, il replaça sa chaise sous la table et tenta de partir sous les innombrables regards pesants.
- Adieu, dit-il.
- Non ! Attendez ! fit Nell, qui le retint. Comment s'appelle votre nièce ? Je peux peut-être faire quelque chose ?
- Il n'y a que moi qui sois apte à la sauver.
Il sortit, cherchant à reprendre la route vers chez lui. La femme, peut-être un peu trop insistante, ne le laissa pas s'échapper et le rattrapa. Lorsqu'elle l'eut de nouveau dans son champ de vision, elle s'arrêta et laissa porter sa voix avec le doux vent frais venant d'Hébra.
- Sauf tout votre respect, Alan. Vous venez de dire que vous étiez instable... rappela la voyageuse.
Nell ne s'en rendait pas compte, mais sa curiosité allait trop loin. Elle ne connaissait qu'Alan vu de l'extérieur. Elle n'avait aucune idée de la lourde histoire dans laquelle elle désirait mettre un pied. Car une fois le doigt pris dans l'engrenage, c'était terminé, le retour en arrière n'était plus possible. Pourtant, c'était ce qu'elle s'apprêtait à faire, malgré les différents avertissements d'Alan.
- Ce que vous êtes collante ! Bon, très bien. Vous voulez savoir pourquoi ? Ouvrez bien grand vos oreilles, et vous n'allez plus vouloir m'aider très longtemps. Je vous le garantis.
- Je suis convaincue du contraire !
De toute manière, raconter cette histoire à une inconnue n'était plus de très grande importance. Si cela pouvait lui donner la paix... Il n'y avait plus rien à perdre.
~~~
Il avait l'air fier.
Ou alors il n'acceptait pas de se rendre et faisait croire qu'il avait tout prévu, alors qu'en réalité, il avait déjà abandonné depuis longtemps. La porte s'ouvrit sur Impa qui demanda à être seule avec lui dans la salle. Pièce qui d'habitude accueillait les réunions du conseil de guerre. Deux gardes surveillaient l'entrée et sur les murs, les portraits de tous les capitaines de la garde du siècle dernier étaient accrochés. Lambda les regardait tous avec mépris, en particulier les deux derniers : celui de Link et de son père. La Sheikah le laissa les observer et divaguer encore un peu, le temps pour elle de réaliser qu'elle voyait son visage pour la première fois.
Assis à la grande table du conseil, il était ligoté à sa chaise et ne disait rien. Il se gratta le côté du crâne à l'aide de son épaule et tourna la tête vers une des fenêtres du lieu, par laquelle il apercevait le plateau du Prélude. Pas une seconde il ne prêta attention à la présence d'Impa qui s'avançait lentement vers lui.
- Tu le reconnais, j'imagine ? Le portrait de cet homme ? fit la magistrate adjointe en parlant du père du héros.
Lambda se contenta de baisser le regard sur le sol.
- Il s'agit de celui qui t'a retrouvé mort au lac Hylia. Tu te souviens du jour de ton soi-disant suicide, au moins ? Ce jour-là, le royaume entier se pensait débarrassé d'une de ses plus grandes menaces.
Il afficha un faible rictus au coin de ses lèvres qu'il retira l'instant qui suivit. Impa était à présent debout face à lui. Elle se pencha légèrement en avant, observant son visage ridé avec dédain.
- Alors c'est à ça que tu ressembles, sans ton masque... murmura-t-elle.
Lambda releva enfin ses yeux jusqu'à planter son regard dans celui de la benjamine. Puis, il s'amusa à simuler la surprise d'un air ironique.
- Impa ! Je ne t'ai pas vue entrer, ça fait combien de temps déjà ? Depuis que j'ai réduit en bouillie la cuisse droite de ton frère ? Ah oui, quelques jours...
La Sheikah le gifla soudainement sans réfléchir. Le bruit résonna dans toute la pièce, apportant avec lui un silence tendu. Il l'avait méritée. Il méritait même pire. Mais Lambda n'avait montré aucun signe de douleur. Il était là, impassible. Ce qui énervait d'autant plus Impa qui pour une fois, ne s'était pas retenue.
- Je vois que ça te met en rogne... pouffa Lambda. C'était le but.
- Je ne compte plus le nombre de fois où nous nous sommes battus. Où je t'ai pourchassé dans toutes les régions possibles d'Hyrule. Alors dis-moi, que t'a fait Son Altesse pour que tu veuilles tant mettre la main sur elle ?
- Oups. Je viens de perdre ma langue. Désolé, je ne vais pas pouvoir répondre.
La patience d'Impa avait des limites, surtout lorsqu'elle retrouvait un vieil ennemi dix ans plus tard et qu'enfin, elle pouvait essayer de récupérer des informations auprès de lui. Lambda avait été fouillé, il ne possédait plus aucune arme sur lui. Pour une fois, il était en position de faiblesse. Sans plan de secours, sans défense, sans rien. Et cela ne semblait pas le déranger.
- Ça t'amuse... Même sans ton masque, tu arrives à garder une certaine carapace bien compliquée à percer. Tu es très fort, il faut bien l'avouer. Mais aujourd'hui, je te préviens : j'y arriverai. Je ne te laisserai pas t'en tirer ainsi. Tu ne sortiras pas d'ici tant que tu ne m'auras pas tout dit.
- C'est étonnant que la princesse ne soit pas là... Tu lui as dit de ne pas venir pour que tu puisses me torturer, c'est ça ? répondit Lambda en niant la détermination d'Impa.
Il fallait bien avouer que la Sheikah en mourait d'envie intérieurement. Mais elle ne désirait pas non plus se rabaisser au même niveau que le voleur. Le torturer physiquement était une façon beaucoup trop barbare d'obtenir des réponses. Elle allait opter pour une manière plus implicite que le voleur n'allait pas voir venir.
- Son Altesse ne va pas tarder. Un léger problème avec le héros d'Hyrule.
- Oh je vois... mais je ne parlerai qu'à elle. Je vais donc attendre qu'elle termine de s'occuper personnellement de son charmant preux chevalier...
- Alors ça, tu vas le payer très cher, répondit la magistrate adjointe.
Lambda ricana haut et fort, presque les larmes aux yeux tellement il se moquait de la situation. Ce fut à ce moment précis que son comportement de fou n'atteignait plus son interlocutrice. Parce qu'il était faux. C'était observable à des kilomètres. Cette réaction avait fait comprendre à la Sheikah que le voleur jouait la comédie. En prenant comme rôle, son propre rôle.
- Non... Quelque chose n'est pas normal, fit Impa. Je t'ai déjà entendu ricaner, mais pas de cette manière. Et puis, quand j'y réfléchis, beaucoup de choses ne tournent pas rond actuellement.
L'homme attendait la suite. Que tentait-elle de faire en prononçant de telles phrases ? Lambda sentit qu'il venait de franchir la limite à ne pas dépasser. Une erreur qui allait lui coûter sa réputation. Impa ancra son regard dans le sien et commença ses explications.
- Le grand voleur Lambda, le véritable, ne se serait jamais fait capturer. Le vrai voleur de Lambda n'aurait jamais laissé quelqu'un lui dévoiler son visage. Si tu es bien cette personne, alors en dix ans, tu as bien changé...
Dans un long soupir, il se redressa, concentré sur ce qu'Impa disait. C'était là le désavantage de se créer un personnage qui baignait constamment dans la spécificité et la précision. Lorsqu'il fallait rejouer ce personnage après autant de temps, il était difficile de le reproduire avec exactitude.
- Continue, fit Lambda, neutre.
- Que je continue ? C'est simple : ça ne marche pas, Lambda. Ça ne marche plus aujourd'hui. En une décennie, les choses ont changé. Mais toi, tu recopies indéfiniment à l'identique le passé. Je t'ai connu beaucoup plus intelligent que ça, beaucoup plus... toi.
- Je suis le grand voleur Lambda. Et je le serai toujours, rétorqua-t-il.
- Non. Tu ne l'es plus. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé durant ces dix ans, mais quelque chose a fait que ce jour-là, au lac Hylia, Lambda était bel et bien mort. Et il l'est toujours.
Elle venait de toucher à quelque chose de vrai, cela se remarquait sur le visage du voleur. Ces paroles ne le laissaient pas indifférent, elles étaient lourdes de sens. Bien plus que la Sheikah ne le pensait. Celle-ci faisait référence à un point sensible du passé de Lambda qui ne s'attendait pas à de tels propos. Il faisait tout pour dissimuler son émotion, concept qu'il avait essayé d'oublier depuis son retour.
- Tu... débuta-t-il.
- Quoi ? J'ai raison ? suggéra-t-elle.
- Tu n'as aucune preuve de ce que tu insinues.
- Elle est devant moi, la preuve. Et elle est irréfutable. Si tu en veux une autre, pas de problèmes : le voleur de Lambda n'a jamais eu de "concurrence". Alors comment expliques-tu qu'un inconnu ait dérobé le masque de Majora ?!
Le voleur sentit doucement la colère monter en lui. Une vraie, réelle et non simulée. Lambda n'était même plus le dernier en date à avoir volé un objet de la famille royale, chose impossible à accepter. Pourtant, c'était un fait qui ne pouvait guère être démenti. Il pouvait constater toute la haine d'Impa dans sa gestuelle, ses yeux noisette et dans le ton qu'elle employait. Il était vrai qu'elle en avait vu de toutes les couleurs avec lui. Elle devait être la personne qui avait le plus été investie dans les recherches et les opérations menées sur lui. Impa avait de très bonnes raisons de se sentir aussi furieuse. L'homme, les mains toujours attachées derrière son dos à sa chaise, déglutit et répondit nerveusement.
- Oh ! Très bien, tu veux une explication ? C'était Alan, mon frangin. Ce con a cru que j'allais le laisser diriger les opérations s'il me prouvait qu'il était tout à fait capable de m'égaler !
Satisfaite qu'il commence à parler, elle fit mine de le féliciter en applaudissant. Les informations n'allaient pas tarder à se révéler à elle avec de tels progrès. Finalement, Lambda n'était pas si flegmatique qu'il en avait l'air. Il suffisait de frapper psychologiquement au bon endroit, au bon moment. Sa situation désespérée qu'il essayait de nier depuis le début de cet interrogatoire reprenait le dessus sur lui. De ce fait, n'étant absolument pas habitué à se trouver sans masque, son visage était facile à analyser.
- Donc ce second voleur est ton frère, fit Impa. Je vois, on avance. Vas-y, continue, ne te prive pas ! Dis-moi tout !
- Attendons que le héros et la princesse aient terminé, tu veux ?
- Assez ! J'ai déjà assez attendu comme ça, Altesse ou pas, je serai au courant ! Allez, crache le morceau ! Qu'est-ce qui a fait disparaître le voleur de Lambda que tu étais ?
Des frissons le parcoururent à la surface de son corps tout entier. Son esprit lui confirmait lui-même ce que son interrogatrice formulait. Il avait une nouvelle fois peur. Au fond de lui, il savait qu'elle avait raison, il le savait très bien. C'était de là que venait cette peur qu'il manifestait en colère. C'était du déni pur, il ne l'acceptait pas. Il ne voulait pas y croire.
- Oh non, attends je sais ! Je dirais plutôt... qui l'a fait disparaître ? reprit Impa.
Brusquement, Lambda se leva avec rage mais fut malheureusement retenu par les liens autour de ses poignets qui l'empêchaient de bouger. Cette réaction fut néanmoins signe que la Sheikah avait vu juste.
- Ne t'aventure pas là où tu ne sais pas où tu mets les pieds ! C'est à la Princesse Zelda que je veux parler ! Compris ?! cracha Lambda.
- Son Altesse me racontera tout ce que tu lui diras, de toute manière.
Il la dévisagea, sa mâchoire inférieure tremblait, et son souffle s'intensifia. Faiblesse... Impuissance... Lambda serra les dents en s'empêchant de craquer devant Impa, ce qui le remplirait de honte aux yeux des autres. Il se pensait plus fort, plus tenace. Mais le grand voleur de Lambda était mort, laissant place à un homme affligé et désespéré.
- Je ne veux plus te voir. Sors d'ici, ordonna-t-il.
Impa resta à sa place, stupéfaite de l'état dans lequel le frère d'Alan s'était mis. Il avait repensé à tous ses stratagèmes qui avaient échoué, toutes les erreurs qu'il avait faites ces dernières semaines. Il ne pouvait à présent qu'affronter la réalité en face.
- Fous le camp ! cria Lambda.
La porte principale de la salle de réunion s'entrouvrit. Zelda débarqua précipitamment. Les derniers rayons du soleil presque couché traversaient les fenêtres et l'éblouit en entrant. Lambda put la reconnaître immédiatement et savait que le moment était venu. La princesse s'approcha d'Impa en portant quelques regards furtifs au voleur qui ne l'intimidait plus depuis qu'elle lui avait retiré son casque.
- Il est tourmenté, murmura la Sheikah. Je ne sais pas ce qu'il cache, mais c'est à vous qu'il veut parler. J'espère qu'il ne vous manipulera pas avec votre empathie.
- Impa ! Je ne suis pas idiote. Je serai totalement indifférente à son sujet, assura la blonde.
- Princesse, promettez-le-moi.
L'Hylienne n'était pas naïve, comment un homme ayant une telle réputation en Hyrule pouvait-il être une source de compassion ? Pourtant, Impa savait de qui elle parlait...
- Je...
- D'accord, intervint soudainement Lambda, tête baissée.
Impa et Zelda se retournèrent vers lui. Il avait les yeux fermés et hochait la tête de droite à gauche, comme s'il reconnaissait sa défaite. Il avait pour habitude de ne pas mâcher ses mots, mais à cet instant précis, il savait que s'il parlait, sa voix allait trembler et il allait perdre pied. Cependant, il était trop tard, deux choix se présentaient à lui : soit il ne disait rien et elle allait mourir, soit il tentait le tout pour le tout et racontait la vérité qui pouvait peut-être lui apporter une ultime solution.
Serrant les poings, il planta ses ongles dans ses paumes de main et opta pour la seconde option.
- C'est ma... ma fille. Elle est en danger, il me reste trois jours pour la sauver. Ce jour-là, tout allait pour le mieux, et ils ont débarqué... Le gang des Yigas a capturé ma fille. Elle est là-bas, dans leur repaire, toute seule, depuis plus d'un mois et... je ne sais même pas si elle n'est pas déjà...
Lambda referma subitement ses lèvres, il ne pouvait point continuer cette phrase. L'image qu'elle renvoyait était beaucoup trop dure psychologiquement à visualiser pour lui.
- Dis-moi son nom, son âge, et à quoi elle ressemble ! ordonna Impa.
Le voleur s'exécuta, sans rébellion.
- Lysia, elle a huit ans. Elle est brune, yeux verts, teint plutôt pâle...
Bien que cela ne lui plaisait pas, la soeur de Pru'ha fut stupéfaite de ces informations, elles étaient vraies.
- Il dit la vérité, fit la Sheikah à Zelda. Dans les derniers jours de mon infiltration, un groupe de Yigas est arrivé avec une petite fille en otage et l'ont enfermée dans une cellule. Elle s'appelait Lysia. Je n'ai pas eu le temps de la libérer, mais je sais qu'elle correspond à sa description.
La princesse voyait le mystère s'éclaircir en partie. S'il disait la vérité - ce qui s'avérait être le cas - une pauvre petite attendait que l'on vienne la chercher au coeur même de la base ennemie. Et les questions envahirent l'esprit de la blonde. Pourquoi les Yigas gardaient-ils Lysia en vie ? Comment était-elle arrivée là-bas ? Et quel était le lien qui l'impliquait, elle, Princesse d'Hyrule, dans cette folle histoire ?
- Pourquoi nous révéler tout cela maintenant ? demanda-t-elle.
- Vous croyez que j'ai le choix ? C'est évident ? Non ? Tout ce que j'ai fait, c'était pour elle ! "J'ai besoin de vous, je l'aime tellement, je ne peux pas l'abandonner". Ce message vous paraît-il plus clair ?
- Tu es un curieux paradoxe, Lambda... marmonna Impa.
- Et en quoi suis-je si concernée ? continua Zelda.
Lambda se remémora soudainement ce moment. Celui par lequel tout avait débuté, où il avait dû se décider. Ce moment où on lui avait enlevé sa fille, ce qu'il avait de plus cher à ses yeux...
Ce moment qui donnait son sens à l'Échange.
- Vous êtes le seul moyen de la sauver. Mais vous avez gâché tous mes plans. Et je devais vous garder en vie pour le moment venu. Je n'ai plus rien. Plus rien mis à part celui que j'étais. Alors j'ai misé sur mon passé pour tenter de sauver son futur. Oui, je ne suis peut-être plus le dangereux et odieux personnage qui dérobe des objets de valeur au royaume. Mais cela ne m'empêchera pas de tout faire pour sauver Lysia, et là, je n'ai plus d'idées. J'ai collaboré avec Brad, ce chevalier corrompu, mais il n'est jamais revenu. Tout comme mon frère qui a disparu. J'ai manipulé un noble pour qu'il se débarrasse du héros et pour qu'enfin je puisse mettre la main sur vous, Princesse Zelda. Des choses ignobles vous me direz. Mais je suis seul, vous comprenez ? Alors si je dois mourir pour tous mes crimes, tuez-moi si vous le souhaitez, mais sauvez-la en priorité ! C'est tout ce que je veux, dit-il, bientôt éploré.
Lambda se sentait incroyablement faible d'agir ainsi. Redevenir le voleur qu'il était après tant d'années lui semblait être une solution rapide, efficace, et intelligente. Et tout s'était retourné contre lui, au pire moment. Zelda emprunta la place à côté du voleur et croisa sévèrement les bras tout en se tenant parfaitement droite. D'une façon assez froide, elle lui ordonna de lui faire part de tout. Dans les moindres détails.
- Racontez-moi. Depuis le début. Et sans mensonges.
- Princesse Zelda, les mensonges ne me mèneront plus à rien.
OoOoOoO
Tout avait commencé lors d'un début de soirée d'été, en juillet, il y a dix ans. Cette fameuse époque où je l'ai rencontrée. Elle était sublime, je n'aurai jamais les mots pour décrire sa beauté naturelle. C'est elle qui a littéralement changé qui j'étais à cette période.
C'était un habitué de cet établissement. Il y venait presque toutes les semaines et cela n'étonnait plus personne. Il gardait la même place, au fond de la salle, isolé. Là où personne ne venait le déranger, ce qui permettait d'éviter toutes interactions avec autrui malgré les regards qui se posaient sur lui, quitte à paraître comme quelqu'un d'asocial. Ce restaurant proposait des plats exquis uniques, typiques du centre d'Hyrule. Ici à l'Étape, les Hyliens avaient le goût de la fête et la saison ne les aidait pas à se coucher à une heure raisonnable... Par Hylia, si Alan ne lui avait pas fait découvrir ce lieu, il ne viendrait pas y manger et les risques de se faire démasquer seraient beaucoup plus faibles. Mais après tout, personne ne connaissait son vrai visage, la plupart ne connaissait de lui que son surnom. Alors à quoi bon s'en faire de se promener sans masque ? Dans une heure, il allait disparaître de nouveau sans que personne ne s'en aperçoive.
Le voleur dégusta son plat qu'il trouvait évidemment délicieux. Sa petite table carrée sur laquelle il mangeait était placée juste à côté d'une fenêtre à travers laquelle on pouvait observer la belle ambiance de la ville aux dernières heures de la journée. Même s'il n'en avait rien à faire... Les yeux rivés sur son assiette qu'il dévorait sans même la savourer, il attrapa son verre contenant du vin des alpages, spécialité de la région de Firone. Le meilleur, selon lui. Il en but deux gorgées consécutives avant de le reposer devant lui. Puis, il jeta un regard sur les Hyliens qui l'entouraient.
Il connaissait presque la totalité des personnes présentes dans le restaurant. Comme ce vieux palefrenier qui avait travaillé au château d'Hyrule pendant trente ans. Il lui en avait fait voir de toutes les couleurs à celui-là... Et puis il y avait aussi ce fidèle marchand ambulant qu'il ne cessait de croiser lorsqu'il venait piller les réserves de minerais de la Mine du Sud, à Ordinn. Enfin, il y avait ce jeune homme et toute sa famille assis autour d'une grande table, tous souriants. Après réflexion, le voleur se dit qu'il n'aurait peut-être pas dû cambrioler leur maison... Pourquoi ? Car il n'y avait finalement rien d'intéressant, c'était une famille de paysans banale. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de perdre son temps là-bas ?
Dans les bruits aigus des couverts et le brouhaha de tous, il la vit soudainement du coin de l'oeil. Elle semblait s'approcher de lui. L'homme baissa les yeux et but une nouvelle fois une gorgée de son verre pour se cacher derrière. Il faisait tout pour éviter qu'elle l'aborde, il n'avait aucune envie de discuter ni d'avoir de la compagnie. Mais trop tard. La femme était juste devant lui. Elle fixa longuement le vin du voleur et afficha un air de dégoût l'instant d'après.
- Du vin des alpages ? Vous voulez rire ? s'exclama-t-elle.
- Il n'y a pas meilleur en Hyrule.
- Alors là, je suis outrée !
- J'en ai rien à faire. Merci, au revoir.
Il ne lui avait pas encore adressé un seul petit regard. Aucun. La femme esquissa un sourire malicieux et se replaça quelques mèches de cheveux avant de contempler son visage. Elle plissa des yeux.
- Oh. Monsieur est de mauvaise humeur, à ce que je vois, dit-elle avec amusement.
- Pardonnez-moi, mais vous êtes ? coupa le voleur.
- Madeline. Et je vais vous faire goûter une boisson bien meilleure que votre affreux alcool que vous vous forcez à ingurgiter. Cela vous dit ?
- Sans façon. Et pour qui vous vous prenez à...
Au bout du compte, il finit par la regarder. Madeline était blonde, la peau claire et lisse. Son visage avait une somptueuse forme arrondie, son sourire était étincelant, sa vision si perçante et intense. Le voleur scruta chaque cellule de sa peau, chaque expression de son faciès. Elle était séduisante. Terriblement séduisante. Il ressentit un lourd poids au niveau de sa poitrine. Un choc violent qu'il ne sut contrôler. Elle était d'une beauté sans égal, il ne pouvait pas le nier. Ainsi, avec de grands yeux ronds, il n'arrivait plus à se détacher de la profondeur des siens, grisâtres.
- Un problème ? interrogea Madeline.
Tourmenté, il examina ses fines lèvres roses qu'elle entrouvrait par moment. Chaque seconde qui s'écoulait lui paraissait être une éternité. Une pause dans le cours du temps. Cette sensation se diffusa dans tout son corps et il en eut des frissons.
- Je n'ai pas pour habitude que l'on vienne m'aborder ainsi.
- Vous êtes de nature solitaire, n'est-ce pas ? Ma présence vous dérange ?
- Je...
Quoi répondre à ça ? Il n'avait rien demandé... Une partie de lui souhaitait qu'elle reste, lui laissant l'opportunité de contempler inlassablement sa beauté hors du commun, pour lui. Une autre lui ordonnait de la faire fuir le plus vite possible, sous peine que tout cela se retourne contre lui.
- Étant donné la façon dont vous me fixez, je dirais que je suis la bienvenue à votre table, continua Madeline.
- Quoi ? Je ne vous... Par Hylia, c'est vous qui venez de me...
- Je vais nous chercher un bien meilleur alcool, d'accord ?
La blonde s'éloigna pour quelques secondes. Le voleur en profita pour regagner un maximum de lucidité sur ce qu'il lui arrivait. Quelle chaleur tout à coup... il passa une main contre son front et se redressa sur sa chaise. Il ne comprenait plus rien à ses ressentis ni à ses réactions. Il reposa doucement ses couverts sur la table afin de passer ses mains moites le long de ses avant-bras. Si Alan avait été là, il se serait moqué de lui pendant des jours. Madeline était déjà de retour, une bouteille de taille moyenne bien particulière à la main qui remplaça le vin déjà disposé à table.
- Je vois que vous ne faites pas les choses à moitié... fit l'Hylien en reconnaissant l'alphabet gerudo sur la boisson.
- Vous connaissez ? s'étonna la femme.
- Non, mais les Gerudos boivent rarement de l'eau plate, si vous voyez ce que je veux dire.
Elle plaça sa main sur le corps de la bouteille et sentit une forte fraîcheur. Elle l'ouvrit soigneusement. Elle remarqua à sa grande surprise que des écritures avaient été ajoutées à celles déjà inscrites sur celle-ci : "Vaï Meets Voï, à consommer avec une extrême modération". La blonde releva les yeux sur l'homme qui patientait.
- Je vous en sers ? Qu'en dites-vous ? Je peux m'asseoir ? demanda-t-elle.
Sur le coup, il cessa de réfléchir à comment agir pour éviter le moindre soupçon, le moindre questionnement sur sa personne. C'était comme si Madeline en face de lui l'incitait à rester lui-même et à assumer celui qu'il était vraiment ; un sentiment nouveau chez lui. Il en tenta l'expérience malgré tout, sans savoir pourquoi.
- Volontiers, répondit-il, se prêtant à présent au jeu.
Il termina rapidement son verre contenant un dernier fond de vin et l'avança vers la nouvelle venue. Celle-ci le prit et versa délicatement le liquide dans l'objet. Une fois ce dernier rempli de moitié, les centaines de fines bulles de gaz remontèrent simultanément jusqu'à la surface dans un délicieux crépitement. La boisson prit une couleur rose. Madeline rendit son verre à l'homme qui effleura un bref instant sa main en le reprenant. La douceur de sa peau était unique...
- Dites... Je vous sers un verre et je ne sais même pas qui vous êtes...
Il hoqueta un rire narquois. Le coin des lèvres légèrement relevé, il gratta sa fine barbe et répondit sur un ton énigmatique.
- Vous ne voudriez pas le savoir, assura-t-il.
- Ça alors ! Vous laissez souvent les gens sur leur faim en gardant cette fascinante part de mystère en vous ? se demanda Madeline.
Cette dernière une fois servie elle aussi, reposa la bouteille et se pencha légèrement en avant, les mains jointes et posées sur ses jambes, signe qu'elle lui prêtait une sérieuse attention.
- Disons que d'habitude, je me contente de passer inaperçu.
- Vous êtes un grand timide... c'est que cela est plutôt charmant, tout bien réfléchi.
- Si vous le dites.
Voyant qu'elle attendait tout de même une réponse, le voleur se décida de lui révéler son nom. Jamais il n'aurait fait une chose pareille dans d'autres circonstances. Ce soir-là, il avait opté pour oublier, et profiter. Mais quel inconscient ! Seulement, cette femme était arrivée tellement vite qu'il ne réalisait pas encore. Elle s'était invitée, sans lui demander son avis, et pourtant, tout lui paraissait aller pour le mieux. Tous deux savaient pertinemment qu'il n'y avait aucun doute : ils étaient sous le charme de l'autre.
- Je m'appelle Gabriel, avoua le voleur qui rougissait de plus en plus.
- Enchantée, Gabriel. En espérant que vous m'en voulez pas trop d'avoir débarqué aussi vite, répondit Madeline, souriante.
Elle aurait très bien pu être une envoyée du château chargée de le séduire et l'attraper, certes. Mais Gabriel n'en tenait pas compte. Ils goûtèrent donc simultanément le "vaï meets voï" sans se lâcher du regard. Lorsque le liquide entra en contact avec ses lèvres, l'aîné fut incroyablement stupéfait par la sensation que cela lui procurait, sa boisson à peine avalée. Il but une première gorgée et il sentit des papillons virevolter dans son ventre. Il toussota, le temps de se remettre de cette substance drôlement forte.
- C'est... surprenant, dit-il.
Madeline ne semblait pas du tout affectée par l'intensité de cet alcool. Elle le but sans aucune difficulté. Celle-ci se moqua gentiment de la réaction de Gabriel, complètement perturbé. Ses yeux brillaient.
- Merde... marmonna-t-il.
- Ça ne vous plaît pas ? Il est trop fort, c'est ça ?
- Vous ne me croyez pas être capable de boire cette chose ? Détrompez-vous. Néanmoins, vous m'avez l'air d'être une femme qui aime l'originalité, pour aller dénicher un truc pareil !
Elle haussa rapidement les sourcils.
- Et vous, vous m'avez l'air très sensible à ce genre de boisson.
- Que voulez-vous dire ?
- Laissez tomber, vous comprendrez bientôt, fit-elle.
Une heure plus tard, ils n'avaient pas bougé. La bouteille qu'ils partageaient était cependant à peine vidée, Gabriel venait tout juste de finir son premier verre qu'il avait du mal à boire et Madeline attendait pour passer à son deuxième. Leur discussion ne cessait de rebondir sur un énième sujet sans oublier le jeu de séduction qui allait avec, aucun des deux ne semblait s'en défaire ni s'en lasser. Le frère d'Alan, lui, se pensait atteint de quelque chose de brutal et de nouveau : le coup de foudre, tandis que la blonde semblait parfaitement habituée à ce genre de situation bien qu'elle ne s'attendait pas à tomber sur un homme aussi charmant que lui... Alors qu'elle ne faisait cela seulement pour s'amuser, rien de sérieux. Une façon de vivre assez déroutante mais tout semblait pourtant se passer pour le mieux.
Le "vaï meets voï" les emporta vite dans une grande euphorie et une perte de lucidité ; laissant place à une augmentation soudaine de l'attirance qu'il avait l'un envers l'autre ; aussi morale que physique. Leurs échanges s'arrêtaient à des compliments sur des compliments et ainsi continuellement. Tellement que cela en devenait presque ridicule. Les effets de cet alcool étaient devenus assez importants.
- Attendez ! J'ai mieux ! Beaucoup mieux ! s'exclama le voleur, en début d'ivresse. Vous pouvez garder un secret ? Je connais le grand voleur Lambda !
Madeline rit aux éclats, les larmes aux yeux. Elle aussi était sous l'emprise de la boisson et avait les yeux qui scintillaient. Un rien suffisait à la mettre dans un fou rire incessant.
- Je ne sais pas où vous allez chercher tout ça, Gabriel, mais vous êtes très drôle ! Et comment le connaissez-vous ? Vous avez vu son visage ?
- Ah ! Plus d'une fois, et vous savez pourquoi ?
Il fit mine de vérifier si personne ne l'écoutait à son insu et se pencha en avant dans l'optique de murmurer le secret à l'oreille de la femme. Cette dernière fit de même et ainsi, l'homme lui chuchota la vérité, absolument inconscient de ce qu'il faisait.
- Parce que c'est moi, le voleur Lambda.
Quelques secondes s'écoulèrent. Puis Madeline se redressa.
- Allez, cessez vos plaisanteries et racontez-moi plutôt cette histoire du chevalier et de la Sheikah, dit-elle.
- Comme vous voudrez !
Il se racla la gorge et se prépara à partager son anecdote lorsqu'il tourna légèrement la tête vers la fenêtre et y vit son frère, le sourire moqueur au milieu du chemin principal de l'Étape d'Hyrule. Il n'était pas censé venir... Alan avait parfaitement analysé la situation et ne se priva pas, depuis sa position, de taquiner son aîné.
Sa voix étouffée n'était pas arrivée jusqu'aux oreilles de Gabriel qui lui fit de gros yeux menaçants en retour. Heureusement, Madeline ne l'avait pas vu. "Merde ! Dégage d'ici !" Son regard lui disait. En l'espace d'un instant, la joie du voleur avait complètement disparu, Alan l'avait littéralement coupé dans son élan. Le cadet avait parfaitement compris et porta ses deux mains sur son abdomen tellement il riait.
- Quoi ? Que se passe-t-il ? s'interrogea Madeline.
L'homme replongea ses yeux dans ceux de la blonde.
- Rien d'important, j'en étais où ?
- Vous n'aviez même pas commencé...
- Ah oui... Alors... figurez-vous que je me trouvais dans la Forêt du Temps, non loin d'ici, et que le capitaine de la garde et une Sheikah proche de l'entourage de la famille royale se sont mis à me pourchasser pendant une bonne demi-heure ! Ils n'ont même pas su mettre la main sur moi !
Néanmoins un peu déçue par son histoire, la femme essaya tant bien que mal de s'y intéresser même si elle arrivait de moins en moins à se concentrer sur les mots. Son esprit s'égara vers d'autres pensées, elle se voyait tout de même tenir un peu plus longtemps ce "vaï meets voï" avant d'elle aussi basculer dans l'admiration et l'amour passionné que procurait cette boisson. En effet, Gabriel lui, avait déjà été emporté depuis bien longtemps.
- Vous aviez commis un crime pour que ces personnes soient à vos trousses ? demanda-t-elle.
- Je vous l'ai dit, je suis le voleur Lambda ! Ils rêvent de m'attraper, ils mettent absolument tout en oeuvre pour me capturer, ricana-t-il.
Madeline remarqua alors une étrange blessure sur l'homme, juste au-dessous de sa mâchoire inférieure, sur le côté droit.
- C'est une cicatrice ? demanda-t-elle.
- Oh. Euh... ouais. Un mauvais souvenir d'enfance ; malheureusement, elle restera avec moi toute ma vie. J'ai repris sa forme pour en faire mon symbole. Le signe du voleur de Lambda !
- Je vois. Vous ramenez tout à ce voleur, vous êtes en plein délire, et c'est normal.
Il tourna la tête vers le plafond, puis vers les autres personnes du restaurant ainsi que vers ses mains. Sa vision était floue, ou du moins, elle comportait quelque chose d'étrange, comme une sorte de filtre violacé qui lui faisait voir le monde d'une toute autre manière. Une vague de chaleur l'envahit, il ferma un instant les yeux afin d'essayer de retrouver une certaine lucidité, mais en vain. Et puis après tout, le voulait-il vraiment ?
- Je dois avouer que... j'ai l'impression que tout est rose autour de moi... comme si tout était... magnifique... balbutia-t-il.
Il regarda alors Madeline.
- Vous êtes magnifique, continua l'homme séduit.
Elle esquissa un tendre sourire, puis détourna le regard avant de rougir. Le prénommé Gabriel se laissa emporter par la douce expression de son visage qui l'envoûtait, puis en riant, il se reprit comme il put.
- Quoi ?! Qu'est-ce que j'ai dit ? Pardonnez-moi, mais j'ai la tête qui tourne et...
- Je crains que nous ayons un peu sous-estimé cette bouteille... ajouta Madeline.
- Ah c'est clair ! Nom d'un bokoblin ! Je sais pas comment je vais faire ! Je suis sûr d'être incapable de tenir debout !
La blonde, moins ivre que lui, en profita pour lui faire une proposition.
- Vous habitez loin ? Ma maison est à deux rues d'ici, si vous le souhaitez vous pouvez...
- Avec plaisir ! l'interrompit Gabriel.
Ainsi, le soleil couchant, il suivit Madeline. Alan, qui avait patiemment attendu que son frère sorte de son rendez-vous galant improvisé, fonça lui parler pendant que la femme marchait en avant pour lui montrer le chemin à prendre.
- Ça va, je te dérange pas ?
- Écoute Alan, je gère parfaitement la situation ! T'as pas à t'en faire ! répondit-il, tenant à peine debout.
- On devait aller pêcher, tu vois ? Comme tous les vendredis soir ! Mais je vois que tu as mieux à faire...
- Tu diras aux truites qu'elles peuvent encore m'attendre !
- Ma parole ! Mais t'es complètement rond ! Alors comme ça le grand voleur Lambda s'amourache ? On aura tout vu, je te l'avais dit que ça allait t'arriver un jour !
Gabriel comprenait que l'état dans lequel il était n'était pas dû à un degré d'alcool trop élevé. Aucune idée de ce que le "vaï meets voï" comportait - drogue ou quelconque ensorcellement -, mais dans tous les cas, ce n'était clairement pas une boisson normale. Cela réagissait comme un véritable philtre d'amour.
- Je suis pas soûl, c'est... autre chose. Si j'étais rond comme tu dis, je t'aurais déjà frappé depuis longtemps, et puis bon ça va, il y a pas non plus...
La blonde l'interpella soudainement. Il se pressa de la rejoindre.
- Je te laisse, frangin. On remettra la pêche à demain, t'es content ?
- Bon sang, Gabriel ! Tu vas vraiment l'accompagner jusque... Par Hylia, non, je ne veux même pas y penser !
Il le laissa seul. Lui et Madeline arrivèrent au lieu en question : chez elle. Une grande maison, à l'allure d'un petit manoir. La femme poussa la grande porte d'entrée en bois et y fit pénétrer le voleur qui arriva dans une grande pièce munie d'une large table et de meubles somptueux.
- C'est une sacrée baraque que vous allez là, ça vous dérange si je vous pille deux ou trois...
La porte à peine refermée derrière lui, il sentit brusquement qu'on le poussa contre celle-ci. Madeline avait ses mains contre ses épaules qu'elle avait plaquées contre le bois. Elle le fixa avec des yeux brûlant de désir. Pendant cinq secondes, elle ne réagit point. Ni elle, ni même lui. Le coeur du voleur sauta un battement et s'emporta. Il observa longuement ses lèvres, si bien dessinées, s'entrouvrirent. Sans le remarquer, elles s'étaient approchées de quelques centimètres de lui. N'étant pas habitué à ce genre de situation, il laissa faire son esprit et porta une main dans ses longs cheveux blonds. Il lui replaça une fine mèche derrière son oreille. Madeline frissonna en ressentant la douceur de ses doigts lui caresser la peau. Tous deux éperdus, leur raison dévorée par l'ivresse, ils n'avaient que faire de la rapidité à laquelle cela avait été, de la façon et du regard des gens. Gabriel savait qu'au fond de lui, ce n'était pas seulement l'alcool qui lui faisait ressentir une telle sensation. Celui-ci n'était qu'un amplificateur de quelque chose déjà bien présent en lui qui s'était déclenché au moment où son regard avait croisé le sien. Et même sans raison claire, il le savait. C'était évident. Un Gabriel vraiment soûl ne réagissait pas aussi tendrement.
Madeline comprit qu'elle aussi, n'avait pas fait tout cela par hasard. Elle avait voulu précipiter les choses, ce qui était fait ; seulement, cet aura que le voleur dégageait était bien particulière et complètement différente des autres fois. Il se démarquait déjà de ses expériences amoureuses passées, elle le comprit au fur et à mesure de la soirée. La blonde posa alors délicatement ses lèvres contre les siennes et s'imprégna de son parfum qui ne pouvait être plus proche d'elle. Ils perdirent la notion du temps. Les choses enfin bien clarifiées, Gabriel fit durer cet instant unique et nouveau qui créa une montée d'adrénaline particulièrement forte en lui. Puis, il recouvra les hanches de l'Hylienne grâce à ses chaudes paumes de mains. Elle respira plus intensément, profitant pleinement du moment. Madeline l'embrassa tendrement au niveau de sa cicatrice, dans son cou, et remonta lentement jusque sur sa joue dans un silence apaisant. Il sentit simultanément son souffle lui chatouiller le visage. Il s'avança de quelques pas et elle recula. Il lui prit ses mains et lui sourit, la femme fit de même et se mordilla la lèvre inférieure. Ainsi, ils partirent en direction d'une pièce un peu plus adaptée à leurs occupations.
Ils étaient amoureux. Éperdument amoureux.
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C'était une femme plutôt directe, comme vous le comprenez... ce qui ne m'a pas déplu. De plus, il y a une chose que je ne regrette pas, c'est d'avoir sauté, la première année. Cet acte a changé ma vie sur bien des domaines. Le voleur, cruel et sournois que j'avais toujours été, avait disparu. Je le voyais dans ses yeux, j'en étais persuadé, je savais qu'elle m'aimait comme moi je l'aimais. Notre rencontre si spéciale en était la preuve concrète.
Au bout de quelques mois après cette première soirée, j'avais mystérieusement cessé toute activité illégale. Je n'en avais plus envie. Je voulais passer à autre chose. Madeline m'a proposé de venir habiter chez elle, dans cette même maison incroyablement grande, à l'Étape d'Hyrule. Je me suis dit qu'en faisant croire à mon propre suicide, le monde allait m'oublier et j'allais pouvoir mener une vie tranquille auprès d'elle et de la nouvelle famille que je venais de fonder. Alors, j'ai sauté du pont d'Hylia devant le capitaine de la garde. Et il y a cru. Ma vie changea à ce moment précis.
C'était ce que je voulais. Je pouvais enfin avoir la paix, et oublier celui que j'étais.
L'hameçon fut emporté par une légère force au fond de l'eau. Alan en était seulement à sa quatrième prise depuis une heure interminable. Tandis que son frère le devançait de cinq poissons, jamais sa pêche n'avait été aussi fructueuse que cet après-midi-là. Le ciel bleu, ensoleillé, se faisait de plus en plus rare en ce début d'automne. Les deux frères en profitèrent pour se détendre une dernière fois avant quelques mois en pêchant dans cette habituelle rivière près de chez Alan. Assis tous les deux sur un rondin de bois, ils discutaient de tout et de rien.
Cela faisait maintenant une année entière que Gabriel - qui ne souhaitait plus que son cadet ne le surnomme une seule fois Lambda - vivait avec Madeline à l'Étape d'Hyrule. Derrière toutes les moqueries d'Alan à ce sujet, celui-ci était tout de même heureux pour lui, peu de couples se rencontraient véritablement par coup de foudre instantané. Le vendeur de potions était persuadé que leur rencontre n'était pas le fruit du hasard. De plus, Alan fut d'autant plus étonné en découvrant que leur sublime lieu d'habitation appartenait à la famille de Madeline depuis des générations... Bref, les deux hommes étaient tous deux épanouis, simplement.
- C'est toujours bon, pour ce soir ? demanda l'aîné, qui réajustait la position de sa canne à pêche.
- Je ramène la boisson, comme prévu, assura Alan. Néanmoins, je te ferai remarquer que je ne comprends toujours pas pourquoi vous m'invitez... Je veux dire, en raison de quel événement ? Et viens pas me dire que c'est juste une soirée comme ça, je te croirai pas !
Gabriel eut un léger rictus qu'il eut du mal à dissimuler. S'il pouvait cesser de poser des questions et attendre encore quelques heures, cela serait parfait... Car il savait qu'il n'allait pas résister longtemps à la tentation de lui dire la raison de ce repas. Celle-ci le réjouissait tellement qu'il ne pouvait garder le secret devant son frère. De plus qu'il en avait été informé la veille même, et son coeur s'emballait toujours autant en y repensant. Un concentré de bonheur, de joie, mais aussi d'angoisse et de peur.
- Quoi ? On fête tes trente-cinq ans en avance ? proposa Alan qui essayait de deviner.
- Dis pas de conneries, tu sais très bien que je déteste fêter les anniversaires.
- Pourtant, tu as quand même bien bossé pour organiser celui de Madeline !
Il eut un rire ironique.
- Que veux-tu ? Je suis amoureux, j'y peux rien.
- Ah ! C'est un an plus tard que tu le reconnais ! Une belle avancée ! s'amusa le vendeur de potions.
Il ignora cette remarque et se concentra sur sa pêche, le regard rivé sur les ondulations de l'eau provoquées par le vent et le courant. Mais le cadet semblait vouloir insister, sa curiosité allait finir par le faire céder. Il le savait, cela devenait de plus en plus inévitable. Du coin de l'oeil, Gabriel comprit que son frère attendait toujours une explication. Après un soupir, il refusa encore une fois.
- Allez ! Je sais qu'il se passe quelque chose, frangin ! Je ne suis pas censé être au courant ? fit Alan.
- Disons que tu es censé attendre ce soir pour savoir...
- Oh ! Une grande nouvelle à m'annoncer... Vous allez vous marier ?
Gabriel le poussa sur le côté puis le décoiffa rudement, comme pour le punir d'avoir eu une hypothèse aussi peu probable. En tout cas, pour lui. Leurs taquineries fraternelles étaient décidément intemporelles. Après toutes les épreuves que les frères avaient endurées durant leur enfance ensemble, leur complicité s'accrut. Ils pouvaient compter l'un sur l'autre, c'était une promesse qu'ils tenaient.
- Tu dis vraiment n'importe quoi ! s'exclama-t-il. Arrête d'essayer de trouver, parce que...
Son regard toujours aussi insistant le fit craquer. Il avait besoin d'en parler tellement le secret s'agitait vivement en lui, avec la seule envie de sortir le plus vite possible. Il serra les dents, tentant désespérément d'empêcher les mots révélateurs de fuir de sa bouche.
- Et puis merde ça va, t'as gagné... lâcha-t-il. Si on t'invite ce soir, c'est car...
- Balance, vas-y.
- Tu vas être oncle, voilà...
Les yeux verts d'Alan s'écarquillèrent si vite que le choc qu'il ressentait parut comme une évidence pour l'aîné. Il en lâcha sa canne à pêche qui faillit tomber complètement à l'eau. Bouche bée, il se leva du rondin de bois sur lequel ils étaient assis. Une main sur le front et une autre contre sa hanche, ce fut une joie indescriptible qui montait en lui.
- Par Hylia, Gabriel...
- Je suis tellement heureux que je n'ai pas pu me retenir... Ça fait trois mois que je ne dis rien !
Alan faillit trébucher à cause d'un seau rempli de truites à ses pieds. Car il faisait les cent pas, réfléchissant à ce que tout cela signifiait. La famille allait enfin s'agrandir ! Depuis le temps qu'il attendait ça... Un rêve qui devenait réalité. Il partageait pleinement l'immense joie de l'ancien voleur. Le sourire jusqu'aux oreilles et le coeur léger, il lâcha comme un petit cri de victoire. Cri qui fit pouffer de rire son frère. Celui-ci se leva à son tour.
- Ah ! Alors ça pour une surprise ! s'exclama le futur oncle.
- À ce propos, tu es conscient que Madeline va m'engueuler, à cause de toi ?
- Rien à faire, je vais être tonton ! dit-il.
- Et moi papa ! continua Gabriel dans la même lancée.
Ils avaient l'air de deux Hyliens en pleine folie au beau milieu de nulle part, seuls au bord d'une rivière. Mais cela leur importait peu, cela ne les atteignait même pas du tout. Alan et Gabriel se regardèrent droit dans les yeux ; animés par une grande pudeur depuis toujours, ils ne savaient pas comment réagir ensuite l'un face à l'autre. Devant son petit-frère, l'ancien pilleur de trésors se contentait de se nicher bêtement derrière l'humour et l'ironie, évitant ainsi de dévoiler ses sentiments. Mais après une nouvelle pareille, difficile de les laisser dissimulés.
- Je sais pas quoi te dire à part... Félicitations ? fit Alan.
- Ah ! J'avais jamais entendu ça sortir de ta bouche de toute ma vie... répondit Gabriel qui atténua sa phrase sur la fin.
Un long silence s'installa entre eux. Le vendeur de potions voulut poser une main sur l'épaule de son frère en signe d'affection et de fierté. Arrivé à la moitié de son geste, il se résolut à opter pour autre chose.
- Viens par là, frangin... dit-il.
Alan, qui était légèrement plus petit en taille que lui, le prit finalement dans ses bras et le serra fort contre lui. Cela devait être la... deuxième fois dans toute leur vie ? L'occasion ne se présentant que très rarement, il pensa dans le même temps à tout ce que son aîné avait fait pour lui, à toutes les fois durant leur adolescence où il était à son écoute. À toutes les fois où la vie ne leur avait pas fait de beaux cadeaux. Ce geste servait à Alan pour le remercier pour toutes ces choses. Au moins, il avait la conscience tranquille de se dire que malgré la certaine retenue dont ils faisaient preuve quotidiennement, il l'avait fait tout de même. Gabriel ne le repoussa pas et resta muet, il n'en pensait pas moins.
Ils étaient fiers de s'avoir comme frères.
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Les mois passèrent. Tout se déroulait parfaitement bien. L'enfant que moi et Madeline attendions n'allait plus tarder à naître et nous avions pris un immense plaisir à préparer son arrivée. Ce fut dans les dernières semaines de grossesse de Madeline qu'Alan vint me ramener mes dernières affaires qui jusqu'alors traînaient encore chez lui.
Ce jour-là, je crois que tout bascula dans l'esprit de ma bien-aimée.
Ils s'assirent autour de la grande table de la salle à manger. Alan avait récupéré trois imposantes caisses en bois de chez lui qu'il avait ramenées chez Gabriel. Elles contenaient tout ce qui pouvait appartenir à son frère, hormis tous les objets dérobés qu'il ne souhaitait plus revoir et qui restèrent ainsi dans une petite pièce de sa cave. Parmi les choses rapportées : de vieux souvenirs de son enfance, des bibelots démodés, des livres poussiéreux... Les deux frères passaient leur temps à chercher s'il y avait un quelconque objet utile pour le futur nouveau-né. Quant à Madeline, elle se reposait à l'étage de la maison. L'atmosphère, en ce début d'après-midi, était très calme. Personne ne parlait vraiment, par peur de réveiller la future mère qui manquait terriblement de sommeil. Fort heureusement, Gabriel était là pour veiller à son confort le plus total afin qu'elle évite toutes ces insomnies qui l'empêchaient de se remettre en forme. Mais malgré cela, les nuits étaient longues, très longues.
Alan découvrit au fond de l'une des caisses une petite figurine de bois sculptée. C'était une petite statuette de la déesse Hylia. Le cadet l'avait complètement oubliée, il la regarda en souriant, comme s'il avait été téléporté dans ses plus tendres souvenirs.
- Je viens de retrouver ça, dit-il à son frère en lui montrant le petit objet. C'était à moi mais je ne jouais que très rarement avec. Tu crois que ça pourrait lui plaire ?
- Tu n'auras qu'à lui offrir, d'accord ? proposa Gabriel.
- Un cadeau de la part d'oncle Al' ! Tu as raison, ça sonne bien en plus !
L'aîné semblait préoccupé. Il garda le nez plongé dans ses vieilles affaires.
- Ne fais pas l'idiot... maugréa-t-il.
- Frangin, je te trouve sacrément plus tendu en ce moment. C'est l'arrivée du bébé qui te fait peur ?
- Qui me fait peur ? Pas du tout. Je veux juste que les choses se passent bien, et aussi... j'espère juste être à la hauteur...
Tous ses questionnements étaient parfaitement normaux. Être bientôt parent d'un enfant n'arrivait pas tous les jours, il était logique qu'il ressente de l'angoisse. Alan le rassura, mais cela ne fit pas disparaître sa mauvaise humeur pour autant.
- Bien sûr que tu le seras, assura l'Hylien.
- Qu'est-ce que tu en sais ? répliqua Gabriel.
L'ancien voleur releva des yeux impénétrables sur lui. Il voyait bien que la volonté du vendeur de potions était de lui permettre de mieux appréhender les prochains évènements, mais son mauvais caractère lui fit rejeter son aide. Le futur oncle tenta la taquinerie, mais bien qu'il ne l'assumait pas complètement, Gabriel était beaucoup trop stressé pour rentrer dans son jeu. À ce stade, sa vie pouvait changer d'une minute à l'autre sans qu'il ne s'en aperçoive.
- Depuis quand est-ce que mon frère n'a plus confiance en lui ? fit Alan.
- Depuis que j'ai appris que j'allais être père, figure-toi, lui répondit-il sèchement.
Alan reposa la petite statuette sur la table en lâchant un soupir.
- Écoute, c'est normal de réagir comme ça. Tu auras sûrement à t'habituer les premiers jours, mais au fil du temps, tu t'y feras. Crois-moi.
Un point se forma dans sa poitrine, en pensant à tous les problèmes et les dangers qu'il était capable de rencontrer, bientôt. Il essayait de rester réaliste, de ne pas trop se laisser guider par ses émotions afin d'être prêt le moment venu. Mais cela l'avait surtout enfoncé dans la peur. Peur de l'échec, de mal faire. Ce fut en remarquant ces choses que Gabriel comprit que sa personnalité avait beaucoup changé depuis bientôt deux ans maintenant.
- Et elle ? le questionna-t-il.
- Tout ira bien pour Madeline, frangin. Tu es là pour elle, non ?
- Bien sûr, mais les risques de l'accouchement sont...
- Gabriel, le coupa son frère.
Alan adopta un ton plus neutre, plus sérieux. Il ancra son regard profondément dans le sien, ce qui donna une certaine importance à ce qu'il formula. Avec une assurance et une certitude inégalables, le petit frère s'opposa fermement aux craintes de son aîné.
- Ça va bien se passer. Je te le promets.
Ses yeux s'humidifièrent très légèrement. La pression que lui et Madeline devait subir chaque jour - en plus évidemment de l'impatience et tout le bonheur que cela procurait - le mena presque à bout. Néanmoins, il n'abandonnerait pas. C'était simplement un mauvais moment à passer, tout se calmerait par la suite. Il le fallait, de toute façon. Gabriel fouilla une ultime fois ses affaires, pour ensuite les monter à l'étage. Mais au dernier moment, il tomba nez à nez avec un précieux bijou qui était resté caché au fond d'une caisse. C'était un collier d'ambre, avec de remarquables détails sur la chaîne. Il avait comme pendentif, le symbole de la famille royale d'Hyrule. Malgré le temps passé enfoui là-dessous, il ne semblait aucunement abîmé. Seulement, lorsqu'il le prit en main, l'Hylien eut presque comme un sentiment de dégoût en le voyant.
- Qu'est-ce que ça fout là ça ? demanda-t-il.
- J'ai dû mélanger quelques trucs sans m'en apercevoir, désolé... s'excusa Alan.
Il s'agissait du collier de la reine d'Hyrule, un de ses trésors volés qui lui était des plus précieux. Le voleur qu'il était avait eu beaucoup de mal à s'en emparer. Il s'était décidé à le revendre, car cela pouvait valoir une fortune, mais après réflexion, c'était un objet de collection unique qu'il voulait garder. Le fait de le revoir deux ans plus tard lui fit se souvenir de choses dont il ne voulait pas. Mais ses préoccupations du moment ne lui permettaient pas de s'attarder dessus. Il passa donc outre ce fait.
- Ce n'est pas grave, mais reprends-le, fit Gabriel. Tous mes vols, tous les objets que j'ai pu dérober autrefois, il faudra les rendre à leur propriétaire.
Alan fut stupéfié.
- Tu veux rendre ce que tu as volé à la famille royale ? Tu ne crois quand même pas qu'ils vont reprendre leurs biens et que ça va s'arrêter là ? Si tu veux à tout prix couper tout lien avec ta vie passée, il vaudrait mieux, selon moi, les laisser cachés là où ils sont. Là où personne n'arrivera à les retrouver. Ou alors, cachons-les à plusieurs endroits dans le royaume, pour qu'une personne au hasard tombe dessus. Comme ça, fini les problèmes pour nous.
- Soit, comme tu veux, mais je ne veux plus les voir.
Un bruit de grincement retentit soudainement dans le coin de la grande pièce. Au niveau des escaliers accolés au mur du fond, Madeline descendait lentement les marches en se tenant fermement à la rampe pour ne pas tomber.
- Ah ! Voilà ma marmotte qui se réveille ! s'exclama Gabriel qui posa le collier sur la table.
- Tais-toi et aide-moi plutôt à descendre... le gronda gentiment Madeline d'une voix imperceptible et éraillée qui témoignait de son manque de sommeil.
Le futur père accourut jusqu'aux marches et en monta quelques-unes afin de l'aider à descendre. Il déposa un doux baiser sur son front puis lui prit la main pour qu'elle obtienne un autre point d'appui. Madeline n'avait pas pensé que porter un bébé était si épuisant. Elle savait qu'elle n'allait pas être en pleine forme, mais delà à avoir besoin d'aide pour ne pas tomber dans les escaliers... Dans tous les cas, Gabriel était là pour s'occuper d'elle, et cela la rassurait.
- Tu as pu dormir quelques heures ? demanda-t-il dans le même temps.
- Oui...
- Tu veux que je te prépare quelque chose ?
- Un thé serait parfait. Merci.
Il l'accompagna jusqu'aux trois-quarts de l'escalier puis la laissa continuer lorsqu'elle le lui dit. Il s'exécuta ensuite et se dirigea vers la cuisine. Madeline s'approcha de la grande table de la salle à manger. Sortant du lit, elle était encore décoiffée et porta une main dans ses cheveux tandis que l'autre était contre son ventre. Elle n'avait pas été prévenue de la présence de son beau-frère. De ce fait, elle était un peu gênée d'apparaître comme ça devant lui.
- C'est qu'il est serviable quand il s'y met, ma parole ! déclara Alan qui n'avait pas bougé.
- Tu as vu ça...
- Et toi, comment vas-tu ? Toujours aussi fatiguée ?
- J'essaie de compenser en dormant un peu plus. Mais je reste tout de même crevée... D'ailleurs, excuse-moi, mais je ne savais pas que tu viendrais, fit Madeline.
- Ça va, il n'y a pas de mal, et puis je ne reste pas longtemps. Une livraison de Necluda arrive chez moi ce soir, je ne faisais que passer, expliqua l'Hylien.
La blonde jeta un oeil aux affaires disposées de part et d'autre de la table. Elle tomba sur ce fameux collier d'ambre qui lui sauta aux yeux. Bien naturellement, elle fut curieuse et l'examina.
- C'est à lui, ça aussi ? demanda-t-elle.
- Oh. Euh... ouais, répondit Alan. Enfin c'était à lui, ce n'était pas censé être là.
- Il a l'air vraiment très précieux. Il ressemble beaucoup à celui que portait...
- La reine d'Hyrule, la coupa le cadet, oui... En fait, c'est celui-là...
- Quoi ?
Plongée dans l'incompréhension, Madeline fronça instinctivement les sourcils en essayant de comprendre comment le collier de la reine d'Hyrule pouvait être entre ses mains en ce moment même. L'instant d'après, Gabriel fut de retour, une chaude tasse de thé à la main qu'il tenait par le bout des doigts pour ne pas se brûler. Il s'expliqua rapidement.
- C'est un bijou que j'ai volé pendant cette période de ma vie où l'on m'appelait encore Lambda. Mais tout ça est terminé à présent, annonça-t-il.
- Attends. Gabriel. Quoi ?
Elle agita vivement la tête de droite à gauche, comme pour essayer de remettre les faits en place dans son esprit. Madeline se demanda si elle ne rêvait pas, si elle ne s'était finalement pas décidée à s'endormir. Face à elle, l'homme vit que quelque chose n'allait pas, qu'elle était perturbée. Pourtant, il pensait qu'elle savait.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Je te l'ai dit plusieurs fois, tu ne t'en souviens pas ? la questionna-t-il.
- Je pensais que... tu... plaisantais... marmonna la blonde avec de grands yeux, l'air attristé.
- Enfin, Madeline, tu me vois plaisanter ainsi pendant deux ans ? Oui, je ne vais pas te mentir maintenant, j'étais le voleur Lambda, et c'est une partie de ma vie que je regrette beaucoup à présent. Mais je ne le suis plus, aujourd'hui. Je suis quelqu'un d'autre.
Elle baissa les yeux jusqu'au sol, réfléchissant à ce qu'elle venait d'entendre. Le voleur Lambda ? Elle était tombée amoureuse du voleur Lambda ? Une vague de frissons la traversa subitement suite à cette pensée. La vérité n'avait jamais été démentie, dès le premier jour. Et ce n'était que deux années plus tard qu'elle s'en rendait compte...
- Le royaume entier est à ta recherche... continua-t-elle.
- Justement, plus maintenant. Je suis mort pour eux, ce qui me permet de passer à autre chose et de pouvoir vivre en paix, à tes côtés et aux côtés de notre enfant.
Son pouls s'intensifia.
- Par Hylia... C'est le grand voleur Lambda qui m'a mise enceinte...
- Je t'en supplie, ne vois pas les choses comme ça. Je ne te l'ai jamais caché. Je suis vraiment dangereux pour toi, là ? Tu as changé ma façon d'être dès que nos regards se sont croisés.
Malheureusement, elle commençait à en douter. On ne pouvait pas faire confiance à un criminel, un voleur des plus doués qui arrivait à dérober des objets de valeur dans l'enceinte même du château d'Hyrule. Madeline le voyait, il était très sérieux. Soit, mais comment être sûr qu'il ne lui jouait pas un mauvais tour depuis leur rencontre ? Comment savoir s'il ne la manipulait pas ? La femme se tourna vers Alan, qui observait la scène.
- Et toi ? Tu ne dis rien ? Ton frère est le plus grand criminel du royaume et ça ne te pose pas de problèmes ?
- Eh ! Gabriel vient de te dire qu'il ne l'est plus, répliqua-t-il. Il avait une bonne raison de devenir ce qui l'était à l'époque, crois-moi.
- Ah oui ?
Gabriel jeta un discret regard vers son frère qu'il lui fit signe qu'il pouvait lui raconter sans problèmes. Cela allait peut-être les aider à faire comprendre à Madeline pourquoi il avait un si lourd passé. Il serra les poings et inspira un grand coup.
- Nos parents nous ont abandonnés quand Alan est né, j'avais deux ans. C'est un vieil homme qui nous a recueillis en pleine nature. Il nous a nourris, et c'est grâce à lui que nous sommes ici aujourd'hui. Il est mort quand j'avais seize ans. En tant que grand frère, c'était à moi que revenait la responsabilité de veiller sur Alan. Nous n'avions pas d'argent, aucun rubis. Je me suis alors mis à voler pour survivre et... ensuite je me suis pris au jeu et tu connais la suite...
La blonde, contrairement à toutes attentes, n'était pas plus compréhensive. Cela venait même la terrifier davantage. Ces explications la firent craquer. Prise par de nombreux sanglots, elle fut dévastée. Elle n'arrivait plus à voir le futur père comme avant. C'était beaucoup trop compliqué. Gabriel voulut la rassurer, lui montrer que tout allait bien, que c'était du passé... Il essaya de poser une main sur une de ses épaules.
- Madeline, mon coeur, je...
- Non ! Ne me touche pas ! renonça brusquement l'Hylienne en se reculant.
- Je t'en prie... Je comprends que cela puisse te faire un choc, mais ne me rejette pas... Je suis Gabriel, ton...
- Tu disais vrai depuis le début... et moi, j'ai nié tes paroles... Comment ai-je pu être aussi bête ?! lâcha-t-elle, les larmes coulant sur ses joues rosées.
Ces mots l'affectèrent. Terriblement. Comment pouvait-il lui prouver qu'il avait changé ? Les preuves n'étaient pas déjà assez nombreuses ?
- Ces deux années de vie commune ne t'ont donc rien fait ? fit Gabriel. Tu en restes à mon passé ? Un passé que je déteste typiquement car j'avais peur qu'il cause ce genre de situation ! Madeline, nous attendons un enfant, et j'en suis tellement heureux. C'est la meilleure chose qui ne m'est jamais arrivée...
Perdue, étourdie, et choquée, elle décida d'arrêter là.
- Pardon mais... je vais prendre l'air, dit-elle avant de se diriger vers l'extérieur.
~~~
Mon passé, mon foutu passé était revenu tout gâcher. Absolument tout. Tout se passait pourtant si bien.
Nous ne le savions pas, mais cette dispute avait eu lieu quatre jours avant la naissance de notre fille, Lysia. Ce jour-là, vers midi, le médecin était venu à la maison pour l'accouchement. Celui-ci s'est très bien passé, j'étais rassuré. Mais Madeline, elle, ne me parlait plus. Lorsqu'elle eut Lysia dans ses bras, je ne voyais aucune émotion sur son visage. Je ne comprenais pas. Sa propre fille... notre fille... Elle ne voulait même plus me voir. Quelques heures après, elle fut prise de nouveau de fatigue et s'endormit pour le reste de la journée. Et les jours suivants, elle ne voulait plus de mon aide.
Comme si je n'existais plus.
Un énième éclair illumina la pièce plongée dans l'obscurité de la nuit. Puis, le tonnerre gronda. Il pleuvait fort, et le vent soufflait en rafale. Rares étaient les fois où les tempêtes déchiraient le ciel ainsi. Il était trois heures du matin, et Gabriel, allongé sur le côté dans son lit, se réveilla soudainement. Il vit de là où il était les gouttes de pluie s'écraser violemment contre la fenêtre de la chambre grâce à la faible lumière de l'extérieur. Un autre éclair jaillit et le tonnerre hurla de nouveau. Des pleurs se firent entendre dans la grande maison. L'homme, fatigué, comprit que sa fille venait d'elle aussi se réveiller. Il se frotta les yeux pour se forcer à ne pas se rendormir et se lever pour aller la rassurer. Il savait que Madeline n'allait pas y aller à sa place, et de toute manière, c'était déjà un grand exploit qu'elle accepte de dormir de nouveau avec lui... De plus, il eut une sueur froide lorsqu'il sentit que personne n'était allongé à côté de lui. Il ne percevait aucune respiration, ne sentait plus son parfum. Elle n'était pas là.
Du moins, elle n'était plus là. Gabriel était seul. Il en conclut qu'elle était finalement repartie dormir dans la seconde chambre, à l'autre bout du couloir. Ainsi, il se redressa et posa ses pieds nus sur le sol. Lysia pleurait toujours, de plus en plus fort. Madeline, qui devait être encore plus près de la chambre du bébé, ne semblait pas se réveiller. Le père se précipita vers la pièce en question où se trouvait sa fille.
- Que se passe-t-il, ma petite fille ? dit-il tendrement en s'approchant de Lysia, en larmes.
Il la sortit de son berceau et posa sa tête contre son épaule. Il la calma en plaçant une main rassurante derrière son crâne et en déposant un baiser sur sa joue. Elle cessa instantanément de pleurer, ses sanglots humidifièrent légèrement le cou de Gabriel. À ce moment précis, l'homme eut comme un mauvais pressentiment. Lysia semblait replonger dans le sommeil dans ses bras, mais il n'arrivait pas à arrêter de penser à Madeline. Quelque chose ne tournait pas rond.
- Tout va bien, je suis là, continua-t-il de chuchoter à sa fille.
Soudain, l'orage qui faisait toujours rage dehors retentit une nouvelle fois, le tonnerre gronda. Il sentit Lysia qui s'agrippait - comme elle pouvait - à son père suite au sourd bruit qui terrifiait ses oreilles.
- Je suis là, je suis là, répétait-il.
Comprenant qu'elle n'allait pas réussir à dormir avec autant de vacarme, il la prit avec lui quelques minutes, le temps que les choses s'apaisent. Le fait de sentir sa présence suffisait déjà à l'apaiser. Gabriel ne se pensait pas aussi efficace, mais pourtant, il l'était. Lysia restait nichée au creux de son cou.
- Que dirais-tu d'aller voir maman ? Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûr qu'elle ne dort pas...
Doucement, il sortit de la chambre pour se diriger vers celle où Madeline devait être. Elle ne pouvait être que là... Elle avait accepté de dormir avec Gabriel mais s'était rendue compte qu'elle n'était finalement pas encore prête, voilà l'explication, non ? Le père, un pas après l'autre, s'approcha de la porte dans le noir. Malgré tout, il avait peur. Peur de remarquer que le lit de la seconde chambre était vide, couverture bordée, oreillers parfaitement bien placés sans le moindre signe de vie.
Il s'empara de la poignée de porte, le bébé toujours dans ses bras. Et son cauchemar devint réalité. Ce mauvais pressentiment était bel et bien réel. Il n'y avait personne. Il resta stoïque quelques secondes, ne voulant pas croire ce qu'il voyait. Il n'y avait qu'ici que la mère pouvait être... sinon, à quel autre endroit pouvait-elle être au milieu de la nuit ?
- Non... fit Gabriel.
Il tourna lentement la tête jusqu'aux escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Il y vit une faible lumière qui en émanait. De la lumière en bas... Le père tenta de garder son calme, elle ne pouvait pas disparaître ainsi du jour au lendemain, il se faisait des idées... Ses paupières encore lourdes, il descendit jusqu'à la salle à manger avec Lysia qui ne disait plus rien. La lumière venait en réalité du chandelier posé sur la table qui était allumé de trois bougies.
- Madeline ? dit-il en chuchotant pour ne pas perturber son enfant.
Il ne reçut comme réponse que la pluie battante à l'extérieur qui ne cessait guère. Gabriel s'approcha de la table, quelque chose semblait y être posé. Un papier, un parchemin vierge, ou presque. Un éclair surgit avec le même bruit sourd qui l'accompagnait. Son coeur sauta un battement. Il comprit l'instant suivant ce qu'il se passait. C'était exactement ce qu'il redoutait. L'ancien voleur sentit soudainement ses émotions prendre le dessus sur lui. Lorsqu'il fut assez près du papier pour le prendre, une larme coula sur sa joue avant tout. Il savait ce qu'il y avait écrit même avant de lire... Gabriel resserra l'emprise qu'il avait sur Lysia, elle était encore trop petite pour comprendre, elle n'allait sûrement pas s'en souvenir, mais son père fut terriblement affligé.
Il baissa courageusement le regard sur le parchemin et lut le mot inscrit. Puis, il pleura.
Désolée.
Juste "désolée". Sa fille sentit que la poitrine de son père s'agitait anormalement, et que son souffle était irrégulier. Lysia se remit alors à pleurer à son tour, elle avait perdu l'aura rassurante de l'homme.
- Je suis désolé... je suis... si désolé... sanglota-t-il à Lysia. Tu ne mérites pas ça... pas toi...
Sa voix tremblait, il resta de longues secondes à enlacer son bébé, il était tellement abasourdi de ce qu'on venait de lui faire, à elle. Ils étaient pourtant si heureux... ils s'aimaient tellement... cet acte était incompréhensible. Comme une véritable trahison.
- Comment a-t-elle pu faire une chose pareille... Comment... a-t-elle pu t'abandonner... C'est de ma faute... la Déesse me punit de mes actes passés... balbutia-t-il, éploré.
L'orage continuait, l'obscurité perdurait. Les ténèbres. Mais cette faible lumière, ce chandelier devant lui, il repoussait le noir. Il survivait au néant, et au désespoir. Gabriel allait imiter ces bougies. Il devait le faire pour elle. Malgré cette tristesse grandissante en lui, il allait tout faire pour son bonheur. Il reprit ses esprits et les yeux fermés, toujours en pleurs, l'Hylien chuchota quelques mots à Lysia, même si elle ne pouvait point les comprendre.
- Mon petit coeur... Ma petite Lysia... tu mérites tellement que l'on t'aime... Si ta mère a renoncé à cela, alors je le ferai à sa place. Je t'aimerai comme un père doit aimer sa fille et je le ferai à la place de maman aussi. Je t'aimerai deux fois plus... Je te le promets... Nous allons vivre de grandes choses ensemble, je t'offrirai une vie merveilleuse, et remplie d'amour.
Je t'aime.
OoOoOoO
- Vous comprenez pourquoi, huit ans plus tard, ces Yigas m'ont mis en rage ? Ils m'ont pris la personne que j'aimais le plus au monde. Ils m'ont pris ma fille ! Ma pauvre petite fille ! Voyant que ma détermination à la récupérer était sans failles et que j'étais prêt à tous les éliminer s'il le fallait, ces assassins m'ont alors proposé un marché. Lysia, contre vous, Princesse Zelda. Voilà ce que j'appelais l'Échange. Pour moi c'était la seule solution pour la ramener en vie, je ne pouvais m'accrocher qu'à cela. Alan m'avait prévenu, il n'était pas d'accord avec mes intentions. Les relations entre mon frère et moi se sont alors dégradées car je n'en ai fait qu'à ma tête. Si mon passé était destiné à me suivre indéfiniment, alors j'allais en tirer profit. Du moins, je pensais pouvoir en tirer profit. C'est ainsi que dix ans plus tard, je dus remettre ce casque sur la tête. Et que je dus à nouveau me nommer Lambda. J'étais désespéré, je tentais le tout pour le tout. Mon but premier n'était pas de vous voir entre les mains de ces ordures, Princesse, mais comprenez que je n'avais pas le choix, si je voulais retrouver ma fille. Je ne pouvais pas rester là sans agir... Je l'aime tellement, il m'était inconcevable que Lysia soit abandonnée une seconde fois. Alan me l'avait dit, mais j'ai fait erreur sur erreur et voilà où j'en suis aujourd'hui. Faible, démasqué, et prisonnier...
Zelda, qui l'avait écouté du début à la fin avec attention, pouvait observer toute la détresse de l'homme sur son visage. Elle restait immobile, mais cette histoire l'avait attristée. Impa, qui était également restée là, prévint immédiatement la princesse.
- Princesse, vous aviez dit que vous feriez preuve d'indifférence à son sujet... dit-elle.
- Impa... comment peux-tu avoir le même discours après une telle histoire ? s'étonna fortement Zelda qui fut choquée de voir que la magistrate adjointe n'avait aucunement été touchée.
- Je ne peux pas me réconcilier avec cet homme. Vous ne comptez tout de même pas l'aider ?
Brusquement, la fille du roi se leva.
- Par toutes les déesses ! La vie d'une petite fille est en jeu, Impa ! Tu l'as vue de tes propres yeux ! Tu lui as parlé ! Est-ce moi qui suis en excès d'empathie ou alors est-ce toi qui en manques cruellement ? lâcha-t-elle avec énervement avant de sortir de la pièce d'un pas précipité.
Dans un soupir, la Sheikah voulut la rattraper mais Zelda referma la porte juste avant qu'elle ne puisse la rejoindre.
- Impa... l'interpella tristement Lambda. Par pitié... Je connais un lieu, sur le plateau du Prélude, qui n'a encore jamais été découvert. C'est un endroit qui vous sera très utile dans vos recherches sur la technologie antique. Ce serait une avancée remarquable, je te l'assure. Vous ne voudriez pas passer à côté d'une telle découverte. Si je vous y amène, est-ce que cela te sera suffisant pour accepter ma requête ? Accepteras-tu d'aller la sauver ?
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Azur". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.