Breath of the Wild : La grande histoire de la Princesse d'Hyrule
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Chapitre 20 : Esprit de famille
Chapitre 21 : Inéluctable mystère
Chapitre 22 : Ce qui vit dans tes entrailles
Chapitre 23 : Dure réalité
Nda : Je tenais à préciser que Pru'ha est l'aînée et donc la grande soeur d'Impa car dans le chapitre précédent, j'ai écrit l'inverse, petite erreur de ma part, désolé. Bonne lecture !
Il y avait une certaine ambiance reposante lorsque le soleil se posait délicatement sur l'horizon ; et particulièrement dans ce coin reculé d'Hyrule où le mal ne semblait pas pouvoir surgir. L'air frais de la nuit imminente se levait peu à peu tandis que les habitants du village préparaient leur souper dont les odeurs sillonnaient les petits sentiers. Elimith avait toujours été un lieu magique, un endroit où l'on pouvait se sentir bien et en sécurité. Nombreuses étaient les familles qui changeaient de vie pour venir s'installer à l'écart de l'agitation du centre d'Hyrule.
- Ne force pas trop sur ta jambe droite, fit Pru'ha qui s'inquiétait pour son frère.
- Je vais très bien, ce n'est pas de moi qu'il faut se préoccuper, répondit-il.
Rodric et ses deux soeurs venaient d'arriver au village d'Elimith. Depuis tôt le matin même, ils avaient fait la route le plus rapidement possible. La blessure que le chercheur s'était faite le faisait boiter et il marchait difficilement. Fort heureusement, il avait été pris en charge sans délai par ses soeurs et son état ne s'était pas aggravé.
- Quelle étrange sensation, le fait de revenir ici... affirma Impa.
- Cela doit bien faire trois ans, pour ma part, ajouta Pru'ha.
- Et moi quatre...
Sur la rue principale, les habitants saluèrent la fratrie, étonnés de les voir ensemble. Mais tous savaient pertinemment pourquoi ils étaient ici. Leur père n'était pas n'importe qui. C'était un Sheikah digne et humble qui dirigeait avec soin son village.
- Dépêchons-nous, s'exclama le frère qui accéléra le pas vers la maison de son père malgré sa difficulté à marcher.
Il avait réussi à faire presque la moitié du royaume à pied, ce n'était pas quelques mètres qui allaient l'arrêter. La demeure se trouvait près de l'auberge et des champs qui s'étalaient presque à perte de vue. Impa s'empressa de frapper à la porte dans l'espoir qu'on lui ouvre rapidement.
- Ana ! C'est nous ! fit la jeune Sheikah.
Des bruits de pas se firent entendre à l'intérieur de la maison. Enfin, la porte s'entrouvrit pour permettre à deux yeux bleus de voir qui demandait à entrer. Ce fut un soulagement pour Ana de reconnaître Pru'ha, Impa et son mari. Cette dernière ouvrit la porte.
- Vous êtes là ! Comme je suis heureuse de vous voir !
Le trio rentra dans une pièce accueillante et chaleureuse dans laquelle l'odeur d'une délicieuse soupe à la citrouille se répandait. Ana, une jeune femme de taille moyenne, aux cheveux blonds et au regard perçant, se jeta dans les bras de chacun des trois arrivants. Elle termina par Rodric qui fut très heureux de la retrouver.
- Comment ça s'est passé ? lui demanda-t-il dans la foulée.
- Problèmes sur problèmes, je pensais que jamais je ne m'en sortirai... dit-elle, toujours enlacée par le Sheikah.
Quand il remarqua que ses soeurs les regardaient, le sourire en coin, il fit un petit pas en arrière pour légèrement s'écarter d'Ana qui ne prêtait jamais aucune attention aux personnes autour d'elle. En reculant, l'Hylienne aperçut que son mari boitait. Ce qui, dans un premier temps, l'affola.
- Par Nayru, mais qu'est-ce que tu as ?!
- Une simple petite blessure de rien du tout, ne te mets pas dans des états pareils, voyons... voulut rassurer Rodric.
- Une dague dans la cuisse, je n'appelle pas ça une "simple blessure de rien du tout", se permit Pru'ha.
- Ça, ce n'était pas nécessaire, madame la scientifique ! rouspéta son frère.
- Comment ça une dague dans la cuisse ? fit Ana.
Il soupira. Décidément, c'était plutôt la blonde qui avait plus peur que Rodric lui-même. Cela ne le surprenait pas, ce n'était pas comme si c'était une nouveauté chez elle...
- J'appellerais ça plutôt une petite lame ou un morceau de verre. Bref, dans tous les cas, c'est du passé, c'était un accident, termina-t-il.
- Où est notre père ? demanda Impa.
Le visage d'Ana se décomposa. Le vieil homme était très mal en point, il devait rester couché toute la journée, il n'avait même plus la force de marcher. L'Hylienne accompagna la famille dans la chambre de l'ancien chef de Cocorico.
- Il est très mal... répondit Ana avant d'ouvrir la porte.
L'ambiance se fit pesante, personne ne parlait. Ils entrèrent dans la chambre contenant de petits meubles en bois basiques. Sur le lit situé dans un coin de la pièce, le père d'Impa, Pru'ha et Rodric dormait. Et à ses côtés, Canel était assis sur une chaise près de lui, tête baissée et mains entremêlées. Pru'ha fut la première à s'avancer. Les larmes lui montèrent vite aux yeux lorsqu'elle vit l'état de son père qu'elle n'avait pas vu depuis très longtemps. Il était faible et avait le teint pâle, jamais elle ne l'avait vu ainsi, lui qui était toujours dynamique, joyeux et déterminé. La Sheikah inspira fortement et retint ses larmes. Son neveu, assis devant elle, releva les yeux sur sa tante qui put voir son regard animé par la colère et la tristesse.
- Tu m'avais promis de faire quelque chose... sanglota-t-il en dévisageant Pru'ha.
D'un air désolé malgré tout, elle voulut s'approcher de lui mais celui-ci la repoussa.
- Canel, je...
- C'était notre accord ! C'est moi qui ai découvert la tablette sheikah ! coupa-t-il.
La scientifique s'agenouilla devant lui pour lui parler plus distinctement.
- Ce n'est pas... si facile, Canel...
- Tu as dit que tu ferais ton possible pour le faire rajeunir ! Je sais que c'est possible ! Et regarde son état !
L'adolescent haussa le ton.
- Cela prend du temps, tu le sais bien...
- Non ! Ce que je sais, c'est que tu n'as même pas commencé !
Pru'ha posa une main sur l'épaule de son neveu.
- Canel, c'est dur pour tout le monde et...
- Laisse-moi ! fit-il en retirant la main de sa tante.
Il se leva de sa chaise et quitta précipitamment la pièce sans prêter attention à son père, sa mère, ou Impa. Pru'ha resta à genoux et baissa le regard sur le sol. Elle s'en voulait car ce que Canel suggérait était vrai, elle n'avait pas songé une seule fois à concevoir un système de rajeunissement comme elle l'avait promis depuis ce jour.
- Il s'en remettra, fit une voix presque inaudible.
La scientifique se tourna vers son père qui s'était réveillé. En le voyant lui sourire, elle ne put s'empêcher de l'embrasser, et les larmes coulèrent pour de bon.
- Je suis désolée... dit-elle.
- Mon ange, qu'est-ce que tu me racontes... tu n'y es pour rien... rassura le père.
- J'ai les capacités de te soigner, et je n'ai rien fait...
- Ne dis pas de telles choses, je vais déjà bien mieux maintenant que vous êtes là.
Pru'ha se recula, elle tenait néanmoins encore la main du vieil homme. Ce fut au tour d'Impa, celle-ci s'assit au bout du lit.
- Bonjour, papa... dit-elle, confuse.
- Pourquoi une telle tête ? Je n'ai même pas le droit à un petit sourire de la part de ma fille ?
La cheffe releva très faiblement ses lèvres.
- Il ne faut pas vous inquiéter pour moi, vous savez, ma belle-fille et mon petit-fils s'occupent très bien de moi, fit-il.
- Papa, tu es malade, et...
- Et ? Cela ne m'empêche pas d'être heureux de vous voir. Ne gaspillons pas ce temps précieux à penser à l'avenir. Vous êtes tous très occupés, ces moments valent de l'or.
Suite à ces mots, Rodric rejoignit ses soeurs.
- Ah... voilà mon fils. Alors, tes soeurs ne t'embêtent pas trop ? rit l'homme.
- Je suis le plus sage de nous trois, répondit le cadet.
- J'ai quelques doutes.
Cela amusa le Sheikah. Il posa une main sur l'épaule de Pru'ha, assise à côté de lui, qui essuyait encore ses larmes.
- Tu vas t'en sortir, n'est-ce pas ? demanda-t-il.
Le vieil homme n'eut comme réponse qu'un simple sourire.
- Nous essaierons de venir plus souvent te voir, à présent, assura Impa.
- Je suis fier de vous trois, votre mère l'aurait été aussi.
La fratrie se regarda, émue.
- Je vous aime, ajouta leur père.
- Nous aussi, fit Pru'ha.
Ils étaient tous très pudiques, et aucun des trois ne savait dire ce qu'ils avaient sur le coeur facilement. Ils ne se souvenaient pas avoir déjà dit "je t'aime" à leur paternel. Mais celui-ci n'avait pas besoin de mots pour le savoir.
- Je crois... qu'il faut que je me repose encore un peu. Ne vous sauvez pas avant mon réveil, d'accord.
Ils lui assurèrent que non et sortirent de la chambre. Ana referma la porte derrière elle. Ils se retrouvèrent à quatre dans le petit couloir.
- Je... je dois aller m'occuper de la soupe... déclara la femme de Rodric avant de partir pour la cuisine.
Pru'ha, la plus émotive des trois, se remettait à peine de ce qu'elle venait de vivre. Elle replaça correctement ses lunettes rondes et rougeâtres.
- Je ne sais pas quoi dire, dit Impa.
- Il n'a pas changé, répondit Rodric.
- C'est vraiment dur de le voir comme ça, termina l'aînée.
Impa s'appuya contre le mur.
- Peut-être devrions-nous rester ici deux ou trois jours, faire une pause dans notre travail et...
- Tu as peut-être raison.
Ils rejoignirent la cuisine et Pru'ha croisa le chemin de Canel qui en revenait. Ce dernier semblait triste et culpabilisait. Voulant s'excuser, il s'approcha de sa tante. Ils se dévisagèrent un certain temps, tous les deux étaient désolés pour l'autre. Finalement, Canel se jeta dans les bras de Pru'ha.
- Une promesse est une promesse, Canel, assura la scientifique.
~~~
Ils s'assirent tous les cinq autour d'une marmite posée sur un feu crépitant qui faisait cuir des omelettes aux champignons. Une légère fumée se dégageait du plat, les voyageurs arrivant au relais du pied de la montagne ne pouvaient que remarquer ce petit groupe formé de la famille de Brad, le héros et la princesse. Ils avaient fait le chemin du retour ensemble, car il semblait que leurs quêtes étaient liées. Cela était peut-être seulement une impression, mais trop d'éléments, selon Zelda, démontraient le contraire.
En effet, il y avait d'abord le fait que les élus et la famille se rencontrent à Ordinn, dans un endroit très particulier où personne ne venait habituellement. Ensuite, le voleur de Lambda avait demandé à ce qu'on lui livre la princesse sur la Montagne de la Mort. Et sur la carte qui appartenait certainement à Brad, un trajet en direction de celle-ci était tracé. Peut-être était-ce des coïncidences, mais il valait mieux avoir une piste plutôt que rien du tout. Et du côté de Zelda, c'était un pas de plus pour connaître la vérité cachée depuis beaucoup trop longtemps. Mais pour l'heure, il fallait se reposer et reprendre des forces, car le groupe n'avait cessé de marcher et voyager à travers le royaume, ce qui en devenait forcément fatiguant.
- C'est un honneur de faire goûter ma cuisine à Son Altesse et son chevalier rapproché, déclara Adrien qui laissait mijoter les omelettes dans la marmite.
- Sans vouloir te vexer, je ne crois pas qu'elle sera aussi bonne que celle du château, malheureusement, ajouta Maëlle.
- Ça, ce n'est pas à nous d'en juger.
L'oncle releva les yeux sur Link et Zelda, en face de lui.
- Je suis sûr que nous allons nous régaler. J'ai eu la chance de manger avec vous, Maëlle et Daniel, c'était délicieux, répondit la princesse.
- La cuisine de Daniel n'a rien à voir avec la mienne, je peux vous l'assurer, se moqua Adrien.
- Par Hylia... soupira le père de famille.
- Sauf que c'était moi qui avais préparé le dîner, ce jour-là, Ad', corrigea Maëlle.
Ce dernier haussa les sourcils et laissa échapper un léger rictus.
- Ah... dans ce cas, je n'ai rien dit, dit-il.
- Ma cuisine est si immonde que ça ? questionna Daniel, étonné que son beau-frère le taquine autant à ce sujet.
Les deux élus, de leur côté, se regardèrent en essayant de se retenir de rire. Link, un peu gêné, intervint.
- Pour ma part, j'aime toutes les cuisines. Aucune n'est mauvaise, c'est plutôt l'originalité qui diffère entre elles.
- Ah ! Retiens bien ça, Ad' ! fit le père.
- Même la cuisine goron ? interrogea Zelda.
En sachant que la nourriture des Gorons n'était rien d'autre que des pierres et des cailloux, le blond réfléchit à sa réponse. Il assuma tout de même.
- Vous seriez étonnée, Votre Altesse, dit-il.
- Non merci, sans façon.
Maëlle sourit. Elle ne pensait pas partager un second moment convivial avec Link et Zelda qu'elle admirait de part leur humilité et leur générosité. Au début, la barrière des classes sociales lui paraissait infranchissable. Mais après tout, cette barrière n'était là que parce que l'on décidait d'en mettre une. La châtaine en était persuadée.
Le repas prêt, Adrien servit le groupe dans de petites assiettes faites de bois tout comme les couverts prêtés par le relais.
- Excusez-nous, ce n'est pas du grand luxe, fit Adrien en tendant une assiette à la princesse.
- Ça n'a aucune importance, ne vous inquiétez pas, rassura Zelda.
Elle le remercia puis l'oncle servit Link.
- Dites-moi, Votre Altesse, que se passe-t-il avec le voleur Lambda ? demanda Maëlle. Nous n'avons pas reparlé en détail.
- C'est vrai. Je le croyais mort au Lac Hylia, compléta Daniel.
Visiblement, cette version erronée de ce qu'il s'était passé avait convaincu le royaume entier. Car après réflexion, pourquoi Lambda se serait-il suicidé ? Un homme inconnu de tous qui dérobait des trésors inestimables à la famille royale ne pouvait que vouloir en profiter. C'était un mystère que personne ne savait encore percer.
- Je ne le connaissais pas depuis son retour. Sûrement car mon père ne voulait pas me mêler à une histoire sûrement source de dangers. Soit, c'est trop tard, à présent. Il a commencé à laisser quelques traces de son symbole. Ensuite, il nous a envoyé des messages stipulant qu'il avait besoin de... moi.
- Et c'est hier qu'il est réapparu devant une foule de nobles inconscients... termina Link.
- Il a menacé de faire des victimes si je ne venais pas à Ordinn le rencontrer. Seulement, aucune trace de lui... et je ne veux pas que des innocents soient impactés à cause de moi, alors je suis venue.
- C'est... courageux, affirma Daniel.
Link n'en pensait pas moins, mais la princesse, elle, n'avait pas le même discours.
- Il ne m'a pas vraiment laissé le choix, dit-elle.
- Nous avons toujours le choix. Ce n'est pas le destin qui caractérise nos choix, mais l'inverse, nous sommes maîtres de notre destinée. C'est ce que je me dis.
Ces paroles étaient lourdes de sens, et c'était ce que Zelda admirait chez la petite famille. Celle-ci était gentille, généreuse et simple. Ils partageaient de grandes valeurs et des discours qui faisaient réfléchir.
- Ta petite intervention philosophique est passionnante, Daniel, mais j'aimerais plutôt savoir ce que pense Son Altesse de mon repas, fit Adrien.
Surprise de cette intervention à cause du fait que les paroles du père avaient plongé l'Hylienne dans ses pensées, elle répondit.
- Oh. C'est très bon. Sincèrement, je vous félicite.
L'oncle s'apprêtait à poser la même question à Link mais il ne le fit point lorsqu'il remarqua que celui-ci avait le regard levé vers le ciel, son assiette déjà vide. Le héros avait littéralement dévoré le plat en moins de cinq minutes. Un véritable record personnel.
- Pardonnez-moi, je vous ai servi, Messire Link ?
Cette dernière phrase le fit sourire d'un air gêné. Et à côté de lui, Zelda ne pouvait se retenir une nouvelle fois de rire malgré sa main qui essayait de cacher l'expression de son visage. Finalement, ce fut tout le groupe qui s'amusa de la situation.
- Je... ne me rends pas compte de la vitesse à laquelle je mange... expliqua Link, une main derrière la nuque.
Les minutes passèrent, le soleil avait terminé de se coucher et la nuit débutait. Désormais, ils n'étaient plus qu'éclairés qu'avec la lumière du feu duquel on avait retiré la marmite. Les deux élus ne pensaient pas autant parler avec leurs compagnons de route mais pourtant, ce fut le cas. Adrien était toujours présent pour ajouter une petite touche d'humour et taquiner son beau-frère, tandis que Maëlle ne cessait de s'excuser pour eux. Une situation assez drôle vue de l'extérieur.
- Ça m'a rappelé la première fois que j'ai vu Maëlle, c'était à la Cité des Mouettes. À l'époque, je n'avais que quinze ans, raconta Daniel.
- Quel jour ? fit cette dernière.
- Tu sais très bien que je ne suis pas très fort avec les dates...
Maëlle simula une grande affliction que son mari savait discerner d'une réelle tristesse.
- Je te fais marcher, c'était le 14 janvier, déclara Daniel. Je me baladais dans la foule de gens sur la grande place commerciale et tu vendais des fruits et légumes, avec ta soeur. Vous aidiez votre mère.
- Quelle mémoire, fit sa femme.
- Ma mère faisais aussi partie du marché de la Cité, ajouta soudainement Link, c'était bien avant ma naissance.
Surprise, Maëlle écarquilla les yeux face à cette affirmation du héros.
- Vraiment ? s'étonna-t-elle.
- Il y a 25 ans, d'après ce qu'elle m'avait dit.
- Comment s'appelle votre mère, si je peux me permettre ? demanda la châtaine.
Link ne s'attendait pas à une question de la sorte.
- Elle s'appelait Diane.
- Ça alors... ma mère avait une amie qui s'appelait Diane ! Seulement, elle...
Daniel jeta un regard préventif à sa femme, il avait remarqué que l'élu parlait de sa mère au passé. Bien sûr, Maëlle ne pouvait pas être au courant que les parents de Link étaient décédés, mais elle venait de faire le lien. Pour éviter de forcer sur ce sujet, elle préféra stopper sa phrase.
- Excusez-moi, Messire Link, je ne savais pas qu'elle était votre mère...
- Il n'y a pas de mal. C'est derrière moi, tout ça.
Pour la première fois de la soirée, un silence commença à s'abattre sur le groupe suite à cette discussion imprévue. Pour éviter de prolonger cette situation, Zelda décida de se lever.
- Il se fait tard. Nous devrions nous coucher si nous voulons être en forme pour rejoindre le château demain. J'ai passé une très bonne soirée.
Link se leva à son tour suivi de la famille. Tous allaient dormir sur place, Adrien éteignit le feu et ils se dirigèrent à l'intérieur du relais. Sauf Link, qui comptait rester dehors. Il était évident que celui-ci voulait monter la garde pour la nuit, qu'importe son état de fatigue du lendemain. Lambda pouvait être partout, il fallait qu'il soit sur ses gardes à n'importe quel moment. Comme Maëlle était la dernière à rentrer, elle remarqua qu'il allait rester à faire le guet et s'approcha de lui.
- Vous n'avez pas sommeil ? interrogea-t-elle.
- Je dois monter la garde. Ce voleur est une menace qui rôde et je ne veux pas qu'il nous arrive de mauvaises surprises.
La dirigeante du village de Tabanta hocha la tête. Étant donné l'expression de son visage, elle voulait dire quelque chose qui lui tenait à coeur.
- Je voulais vous remercier pour ce que vous faites pour moi, ma famille et mon fils, dit-elle timidement.
Link ne la corrigea pas en disant qu'il n'était aucunement là pour Brad, il se contenta de le penser. Il voulait simplement protéger la princesse et dans le même temps, aider des parents à retrouver un être qui leur est cher. Mais le héros ne savait pas ce qu'il était capable de faire face à cet arrogant chevalier. Et il en ignorait encore plus la raison.
- Ce jour-là, à la citadelle, nous pensions nous faire rejeter. Mais nous avons été agréablement surpris par votre gentillesse.
- J'ai fait ce qui me semblait le mieux. Et vous ne méritez pas ce qui vous arrive, je puis vous l'assurer.
Ces mots touchèrent profondément la mère.
- Vous permettez que je... fit-elle à Link qui voyait qu'elle voulait le prendre dans ses bras.
- Euh... eh bien...
Mais Maëlle n'avait pas attendu qu'il termine sa phrase. La mère de son rival qui l'enlaçait, le comble... N'étant pas habitué à ce genre de choses, il resta immobile. Il suffit de quelques secondes à Maëlle pour le remercier à sa manière, et elle se retira et repartit. Le capitaine put comprendre à quel point cette histoire la tourmentait, et c'était normal. Il ne se doutait pas que Zelda allait également passer par une embrassade de la châtaine lorsqu'il vit la princesse arriver.
Après avoir "subi" les remerciements de la mère de Brad, l'Hylienne rejoignit Link qui avait le regard plongé dans l'horizon, vers Hébra.
- Ce sont de bonnes personnes, affirma Zelda. Ils ne méritent pas tout ça.
- C'est ce que j'ai dit à Maëlle, expliqua le blond.
Elle fit quelques pas vers le chevalier.
- Ils t'ont préparé un lit, mais j'imagine que tu insisteras pour rester ici...
- Ne vous inquiétez pas pour moi, je serai en forme demain, je vous le promets.
- Mais je ne m'inquiète pas, je voulais juste savoir si tu comptais nous réveiller en pleine nuit car tu tomberais de fatigue, ici dehors. Ne va pas croire que je m'inquiète pour toi, tu as résisté à un coup de sabot de Lynel alors...
Link la dévisagea puis lui confirma qu'il ne les dérangerait pas.
- Dans ce cas, à demain, termina Zelda en lui adressant pour la première fois un sourire chaleureux que le héros n'était pas prêt d'oublier.
~~~
On l'amena dans la salle du trône. Il était pétrifié, apeuré à l'idée que l'heure de son procès était venue. Le roi sortait d'une réunion avec le Conseil de la Déesse Hylia, il tenait à être présent. Dans l'immense salle des quartiers principaux se trouvait une dizaine de personnes, assises et n'attendant plus que lui.
Il était neuf heures du matin, et chaque jour passé emprisonné dans les cachots du château lui paraissait être une éternité. C'était un enfer, surtout que dans l'histoire, il n'était qu'une simple victime manipulée qui ne voulait juste pas perdre ce qu'elle avait de plus précieux à ses yeux. Jamais il n'aurait pu croire que sa vie allait prendre un tel tournant en si peu de temps. Et à présent, son avenir allait se décider. Il fallait être convaincant.
Il fut transporté par deux gardes royaux qui tenaient fermement attachées ses mains moites. Une semaine que le prisonnier en était un et à aucun moment il ne put se laver, ou même changer de vêtement. De ce fait, il était toujours habillé avec des vêtements d'Hylienne à cause de cette fois où il avait prévenu la suzeraine gerudo d'une attaque des Yigas. Il avait honte de lui, physiquement mais également moralement. Il avait fait des choses qu'il ne se pensait pas capable de faire. Et ce matin-là, il devait se présenter à son procès dans une tenue ridicule pour un noble poète de la Cour. Autant dire que les choses commençaient parfaitement bien...
Les deux gardes s'arrêtèrent net au centre de la salle, face au roi. Puis, ils détachèrent le détenu et se placèrent à proximité de celui-ci. Tout le monde se tut et donna la parole à un homme brun, fin et élancé : le magistrat.
- Messire Edward, Sheikah et poète officiel de la Cour de Sa Majesté. Vous êtes accusé, d'après les dires de Son Altesse Zelda, d'avoir collaboré avec le voleur de Lambda, d'avoir tenté de faire perdre le titre de chevalier servant à un prodige du royaume, et d'avoir des liens avec le gang des Yigas. En raison de l'absence de Son Altesse et du capitaine de la garde, nous nous contenterons du rapport écrit que la princesse nous a fait.
- Écoutez je... tenta l'accusé.
- Donc, nous allons commencer par la première raison de votre présence parmi nous. Votre collaboration avec le voleur de Lambda. Il paraît que vous l'avez aidé à parvenir à ses fins et à organiser son retour.
- Non, c'est faux je ne savais rien de ses intentions, répliqua Edward.
- Silence, vous n'êtes pas encore autorisé à parler, rappela le magistrat.
Le poète soupira. À chaque mot prononcé par l'homme, il voulait donner une explication claire et véritable. Rien que la vérité, c'était tout ce qu'il souhaitait dire. Le fait qu'on lui interdise de parler l'énerva d'un côté, mais d'un autre, cela le désespérait.
- Il est écrit que vous avez en quelque sorte... protégé la princesse sous les ordres de Lambda...
Le magistrat eut un léger rictus en trouvant cette situation ridicule et absurde.
- Et vous l'avez écouté... Qu'avez-vous à dire ?
- Comprenez que je n'avais pas le choix, se défendit Edward, j'ai été menacé avec une arme blanche, j'ai pris peur et je ne savais pas de quoi il était capable. Alors oui, j'ai fait ce qu'il m'avait dit de faire. Protéger Son Altesse de Yigas...
- Mais vous êtes également accusé d'avoir eu connaissance d'une de leur attaque à la Cité Gerudo d'une manière inconnue...
- Non, c'est Lambda qui m'a informé de cette embuscade, il m'a dit de prévenir la suzeraine pour éviter que la princesse ne soit capturée ou... tuée...
- Ce qui explique votre... tenue... se moqua indirectement le magistrat.
Le prisonnier acquiesça honteusement. Il sentait les innombrables regards posés sur lui.
- Supposons que vous ayez dit la vérité...
- Mais c'est la vérité ! coupa le Sheikah.
- Silence ! Supposons que cela soit vrai, comment expliquez-vous ce que vous avez fait au chevalier servant de Son Altesse ?
Il ferma les yeux quelques secondes, sachant pertinemment que sa version des faits ne serait pas prise au sérieux. Edward avait effectivement aussi été obligé de faire boire Link, mais d'un autre côté, sur l'instant, il n'eut aucun mal à le faire. Ce n'était pas comme si le poète appréciait le héros... Il était tout de même résolu à tout raconter, sans aucun mensonge.
- Il faut que vous compreniez que... chaque accusation que j'ai contre moi, c'est de la faute de Lambda. Cette fois-là, il voulait rendre vulnérable Son Altesse en la séparant de son chevalier qui devait la protéger.
- Êtes-vous au courant du pourquoi Lambda désire-t-il s'emparer de ma fille ? intervint le roi.
Surpris que Sa Majesté lui adresse la parole directement, Edward répondit par un non de la tête.
- Du... "vaï meets voï"... c'est bien cela ? reprit le magistrat.
- Je regrette ce que j'ai fait, je vous l'assure...
- Mais d'après le rapport, vous n'étiez pas contre l'idée de faire du mal au capitaine...
- Com... comment pouvez-vous dire cela ?
- Il paraît que vous êtes jaloux, Messire Edward et que vous... vous êtes épris de la princesse...
Soudain, des multitudes de chuchotements et des rires discrets retentirent dans toute la salle. Le poète ne pouvait pas être plus gêné qu'à cet instant précis. Il fut tellement partagé entre la honte et les remords qu'il laissa couler une larme malgré lui.
- C'est vrai mais... tenta-t-il.
Plus personne ne l'écoutait, tous étaient occupés à le juger, à crier au scandale. Tous, sauf le roi, indifférent. Celui-ci calma la foule.
- Silence ! Laissez-le parler, dit-il.
- J'étais effectivement jaloux de Messire Link. Mais en aucun cas je ne voulais lui faire du mal. Mais sur le moment, mon opinion sur lui ne pouvait que m'inciter à faire ce que Lambda voulait que je fasse. J'en suis navré... Je ferai tout ce que vous voudrez pour me rattraper !
Il aurait voulu remercier le roi de l'écouter et de prendre au sérieux ses paroles malgré sa tenue, ce dont on l'accusait et les sentiments qui l'agitaient. Mais la situation ne le permettait pas.
- Bien. Je pense que nous avons tous notre opinion sur cette affaire. Mais avant tout, une dernière question, Messire Edward, continua le magistrat. Lambda vous a-t-il montré son visage ?
- Je...
- Alors comme ça on parle de moi en mon absence ? fit une voix hautaine et soudaine.
Il surgit de nulle part, son masque sur la tête et une courte épée dans la main droite. Il provoqua un mouvement de foule, tout le monde se leva de sa chaise. Lambda apparut au milieu de la salle du trône, quelques mètres derrière Edward effrayé de revoir la source de son angoisse principale. Les deux gardes chargés de s'occuper du poète accoururent vers leur prisonnier par peur qu'il en profite pour s'enfuir. Tout à coup, le voleur s'approcha et leur ordonna de reculer.
- Ne touchez pas à un seul cheveu de ce jeune homme ! lâcha-t-il en pointant son épée sur l'un des deux gardes. À présent, c'est moi qui m'assurerai qu'il ne prenne pas la fuite !
Mais ils étaient deux contre un. De ce fait, ils ne l'écoutèrent pas et continuèrent de s'approcher d'Edward qui ne savait pas quoi faire. Voyant qu'il était ignoré, Lambda frappa d'un coup de poing au visage un garde. Celui-ci s'évanouit et s'écroula au sol.
- Gardes ! Ne le laissez pas s'échapper ! ordonna le roi.
Soudainement, le voleur s'empara du poète et plaça sa lame sous la gorge de ce dernier.
- Un seul d'entre vous qui approche et je repeins les murs avec son sang ! Je pense que vous n'aimeriez pas voir mourir la seule personne ici capable de vous donner un maximum d'informations sur ma personne...
Personne n'approcha de l'homme masqué. Le regard du souverain ordonnait à tous de rester immobile. Son plan fonctionnait, il avait un moyen de pression sur toute la salle. Son but était simple : ramener Edward avec lui.
- Ce serait dommage que je tue la seule personne ayant vu mon visage... continua Lambda. N'est-ce pas Edward ?
Le poète sentit que son agresseur forçait soudainement sur l'épée qu'il tenait en évidence à son cou, il était clair qu'il devait mentir. Il n'avait jamais vu le visage de Lambda, d'ailleurs, il ne savait même pas à qui il avait à faire. Mais cette fois-ci, le fait de dire la vérité lui coûterait sûrement la vie.
- Ou... oui... balbutia-t-il.
- Bien, l'accusé est d'accord avec moi, j'imagine que vous l'êtes aussi, Votre Majesté ?
- Relâche ce jeune Sheikah, Lambda ! fit le roi d'un ton rauque et charismatique.
Celui-ci se mit à ricaner d'une manière très provocatrice. Des dizaines de soldats mouraient d'envie de sauter sur l'une des plus grandes menaces d'Hyrule. Elle se trouvait devant leurs yeux et ils ne pouvaient rien faire, et ce n'était pas la première fois que cela arrivait.
- Vous savez ce que j'aime ici, au grand et somptueux Château d'Hyrule ? C'est que je pourrais presque me balader où je veux, quand je veux ! Dans tous les cas, vous ne m'attraperez jamais.
Il abattit un silence de mort autour de lui.
- Non mais c'est vrai quoi ! Regardez-vous, avec vos valeurs et vos réputations à tenir, pas une personne ici ne s'approche par peur de sacrifier ce gamin ! Vous êtes pathétiques...
Subitement, le voleur sentit qu'on le tirait vers l'arrière. En effet, deux bras étaient venus s'accrocher autour de son cou. Il dût lâcher son épée et Edward fut assommé avec seulement une fine coupure à la gorge. Lambda fut traîné au sol par un homme qui serrait sa trachée de plus en plus fort, il s'agissait du magistrat.
Une étrange odeur remplit soudainement la salle du trône. Puis, peu à peu, de la fumée apparut un peu partout dans la pièce. On avait placé des produits faisant office de fumigènes sous les sièges placés sur les côtés de la salle. Celle-ci ne tarda pas à devenir un labyrinthe à cause de la visibilité presque inexistante, le roi fut évacué sur-le-champ et tous les autres fuirent. On croyait à un incendie.
Le masque de pierre de Lambda l'empêchait de se débattre aisément. D'un mouvement agile, il attrapa le magistrat avec ses jambes et le fit basculer sur le côté pour reprendre l'avantage. Et sans attendre, le voleur frappa d'un autre coup de poing le noble qui resta au sol et saigna du nez.
Lambda se releva et marcha jusqu'à former un cercle qui englobait les trois corps inconscient d'Edward, un garde et le magistrat. Ensuite, il tenta de récupérer son épée perdue dans la fumée. Au moment où il empoigna le manche de sa lame, il entendit que l'on toussait non loin de lui. D'un pas discret, il voulut se diriger vers le corps du magistrat mais celui-ci avait disparu tout comme l'épée du garde toujours endormi. Un hurlement de plus en plus audible retentit derrière lui, Lambda esquiva de justesse le coup porté par son adversaire qui s'était relevé. Mais à peine s'était-il éloigné d'un seul mètre que le voleur ne le voyait plus. À présent, il pouvait surgir de n'importe où.
- Je ne te laisserai pas t'enfuir ! fit la voix du magistrat.
- Je peux t'assurer que tu n'iras pas bien loin non plus, répondit fièrement l'homme masqué.
Il sortit de sa poche une petite fiole contenant un liquide inconnu. Il jeta violemment celle-ci au sol et elle se brisa. Le contenu du récipient enflamma la poudre que Lambda avait disposée par terre. Un cercle de feu se forma autour de lui et du magistrat dont il put apercevoir l'ombre grâce à la lumière des flammes.
- Tu es un grand malade, tu le sais ça ? lâcha le noble.
- T'as pas idée...
Les deux hommes foncèrent l'un sur l'autre et commencèrent à se battre. Le combat s'avérait compliqué, c'était presque comme se battre dans l'obscurité. Le magistrat porta le premier coup en vertical que son adversaire contra. Celui-ci tenta de l'attaquer dans le dos mais il évalua mal la distance qui le séparait de sa cible et son coup vint seulement déchirer l'uniforme du noble. Le voleur dut reculer du fait de multiples coups latéraux de son ennemi. Il ne voyait que le bout de sa lame qui s'approchait...
Lambda fendit à son tour l'air devant lui, sa cible recula mais la température augmentait fortement derrière elle. Pris au piège par le feu qui lui barrait la route, il s'arrêta. Le magistrat eut le réflexe de s'accroupir pour éviter d'être surpris par une épée sortant de nulle part. Ce dernier profita de sa position pour se faufiler derrière le voleur en longeant le cercle brûlant.
- Je sais où tu te caches... fit Lambda.
L'homme rampant au sol décida de retourner au centre pour éviter de se faire brûler vif à cause d'un coup de pied qui le pousserait dans le feu. Lambda opta pour une nouvelle stratégie. Il s'éloigna du magistrat qu'il perdit de vue. Seul, il resta fixe et observa tout autour de lui s'il pouvait apercevoir le voleur qu'il entendait ricaner. Il se moquait ouvertement de lui et de la Cour indirectement. Une silhouette se forma devant le magistrat, et celle-ci ne l'avait visiblement pas encore remarqué.
- Pourriture... murmura-t-il.
Il fonça sur l'ombre et planta son épée dans l'abdomen de la personne qu'il pensait être Lambda. Car après coup, il fut choqué de voir qu'il venait de tuer un garde royal. L'homme, à peine relevé, porta ses deux mains sur sa blessure. Et il s'écroula de nouveau au sol tandis que le voleur surgit par derrière le magistrat et le poignarda par surprise.
- Tu ne m'as pas laissé le choix, pensa Lambda en regardant son adversaire mourir.
Aussi étonnant que cela pouvait paraître, il n'avait encore jamais tué personne jusqu'à cet instant précis. Bouleversé, il lâcha son arme teintée du sang de sa victime et se dirigea vers Edward qu'il réveilla après de nombreux essais.
- Comme on se retrouve, sale traître. Tu vas sagement me suivre et on va rentrer à la maison... Je crois qu'on doit parler, toi et moi...
Des lames qui s'entrechoquent. Un bruit métallique à chaque coup. Une nuit noire. Soudain, elle ressentit une agréable sensation d'être en sécurité, intouchable. Comme si un bouclier indestructible l'entourait et que personne ne pouvait le briser. Un ressenti si fort et si prenant que son esprit s'allégea pour laisser tomber tous ses problèmes pendant quelques instants. Puis, elle vit Link, sa fidèle épée dans la main droite prête à trancher ce qui passait à proximité. Il marchait doucement, prudemment, et avec détermination. Elle arrivait à sentir son souffle, elle pouvait l'entendre respirer, comme s'il était prêt d'elle. Les petites brindilles craquaient sous ses pieds, le vent soufflait à travers les arbres et la pleine lune éclairait faiblement le tout.
Face au héros et cette vague de sensations de bonheur, elle aperçut l'opposé absolu. Du malaise. De la peur à l'état pur. Une rage et une rancoeur sans nom. Son coeur se serra soudainement sous sa poitrine, et elle frissonna. Elle ne pouvait rien faire, elle était faible et inutile face à la scène à laquelle elle assistait. Deux grandes cornes courbées comme des griffes acérées semblaient prendre Link comme cible. Ils se battaient. L'un avec agilité et courage et l'autre avec force et déchaînement. Leurs épées ne cessaient de se rencontrer, tout comme leur regard lorsque le héros réussit à faire tomber le masque de son adversaire.
Une lumière éblouissante s'échappa de Link. L'angoisse continuait de monter dans tout son corps, sa respiration et son pouls s'accélérèrent.
Elle avait peur.
Elle était effrayée.
Elle était terrifiée.
N'oublie pas ; nous sommes partout.
Zelda se réveilla en sursaut. Son esprit mit quelques secondes à comprendre où elle se trouvait, car une chose était sûre, elle n'était pas dans ses appartements. Derrière les rideaux qui entouraient son lit, la lumière du soleil était déjà présente. Cela l'étonna, pourquoi avait-elle dormi aussi longtemps ? Il devait être 9h30 passé. Elle porta son regard de façon à observer s'il y avait d'autres personnes autour d'elle.
Tout le monde était levé et devait certainement être dehors, prêt à repartir malgré le voyage qui n'avait rien donné. Confuse de son retard, la princesse se pressa pour rejoindre les autres qui l'attendaient. Link avait déjà sorti, nourri et équipé leurs juments qui étaient au relais depuis la veille. De plus, Zelda ne savait pas quoi penser du rêve qu'elle venait de faire, elle n'arrivait pas à comprendre sa nature. Était-ce une vision ou juste un rêve ? Impa lui avait enseigné quelques techniques pour essayer de savoir lorsqu'elle faisait des prémonitions et inversement. Mais elle allait encore faire attendre ses compagnons de route et décida de prêter attention à ces choses-là plus tard. Enfin prête, elle sortit et vit Link qui l'attendait sur sa monture.
- Désolée pour le retard, je ne comprends pas, d'habitude, ce genre de choses ne m'arrive pas et...
Elle regarda autour d'elle.
- Où sont passés les autres ? demanda-t-elle.
- Ils ont pris la route tôt ce matin, expliqua le héros, ils nous remercient encore de les avoir accompagnés et disent qu'ils poursuivront leurs recherches de leur côté, ils ne veulent pas nous déranger plus longtemps.
La famille était donc partie plus tôt que prévu. Et leur voyage n'avait pas donné de résultats fructueux. Zelda s'en voulait un peu car elle pensait qu'ils étaient partis à cause de son retard.
- Pour tout vous dire, je crois que Maëlle et Daniel se sont disputés, et qu'ils ont donc décidé de rentrer. Mais je ne sais pour quelle raison, avoua Link.
- Oh. J'espère que ce n'est pas trop grave...
- Je ne sais pas, après tout, cela ne me concerne pas. Je n'ai pas osé être plus curieux.
Avant de monter sur sa jument, la princesse prit quelques instants pour la caresser au niveau de sa tête, un geste que Link fut heureux de voir. L'animal ne montra aucun signe de rejet ou de peur. Zelda fut ravie de voir qu'elle arrivait enfin à créer un peu d'affection en prêtant un minimum d'attention à la jument. Car hormis ses besoins vitaux, la princesse ne prenait pas de temps supplémentaire pour tisser des liens, c'était ce que Link désirait voir changer désormais. Et ce premier geste de la part de la blonde était le début d'une nouvelle relation avec sa monture, il en était persuadé.
- J'ai remarqué qu'elle était très peureuse, le moindre geste brusque et il lui est facile de paniquer, expliqua le chevalier.
- Merci de l'avoir soigné pour ce matin, fit Zelda.
- Cela m'a permis de mieux la connaître. Et si vous voulez mon avis, elle raffole des carottes. Nous avons pour habitude de donner des pommes, ou d'autres fruits de ce genre. Mais je crois qu'elle vous appréciera d'autant plus si vous lui donner vous-même ce qu'elle aime le plus.
La princesse acquiesça en attrapant les rennes de la jument. Elle se rendit compte que Link lui avait déjà enseigné beaucoup de choses qui pouvaient paraître simples et évidentes sur l'entretien et les soins des chevaux. Les deux élus se remirent en route. Et pour la première fois, leurs équidés marchaient au pas l'un à côté de l'autre.
- Tu n'es pas trop fatigué, après la nuit blanche que tu as passée ? interrogea Zelda.
- J'ai dû dormir une demi-heure tout de même, mais je vous assure que je suis en forme, répondit le héros.
Il regardait droit devant lui, le regard qui semblait étrangement vouloir fuir. Une certaine gêne l'envahit lorsqu'il remarqua discrètement que la princesse le dévisageait toujours. Elle le regardait presque dans les yeux. Il se redressa, mal à l'aise.
- Tu es blessé ? fit-elle soudainement.
Link comprit qu'elle observait surtout l'hématome qu'il possédait juste au-dessus de l'oeil gauche. Par réflexe, il porta une main sur l'endroit en question. Il fut comme surpris de découvrir la blessure.
- Je... sûrement à cause de ce lynel... dit-il timidement.
- Non, je t'assure que tu n'avais pas cette ecchymose ce jour-là, releva l'Hylienne.
- Ecchymose ?
- Je veux dire un hématome, tu es bleu juste au-dessus de ta paupière...
Le chevalier ne sut pas quoi répondre. Il réfléchissait.
- Je... je croyais que cela... ne se verrait pas autant... bégaya-t-il avec un sourire gêné. Je me suis vaguement endormi cette nuit et... je me suis cogné la tête...
Sa mystérieuse manière de se comporter sauta aux yeux de Zelda. Link la fuyait du regard, ses explications étaient plus que médiocres tandis qu'il ne cessait de déglutir, comme s'il avait peur de quelque chose. La princesse en arriva vite à la conclusion la plus évidente.
- Link, je te l'ai déjà dit. Tu mens très mal, déclara Zelda.
- Mais je...
Il en fallait bien plus pour laisser la blonde croire à sa version des faits. Pour elle, c'était certain, son chevalier servant lui cachait quelque chose. De plus, la potentielle vision qu'elle avait faite ne la rassurait pas. La princesse pensait qu'il s'était battu, ce qui pouvait expliquer sa nouvelle blessure.
- Link, sérieusement, il s'est passé quelque chose, cette nuit ? demanda-t-elle.
Les yeux fixés sur l'horizon, le héros prit une grande inspiration et entrouvrit la bouche. Il laissa s'écouler quelques secondes.
- Non, finit-il par dire.
- Regarde-moi dans les yeux, ordonna-t-elle les sourcils froncés, prête à discerner la vérité du mensonge dans le regard de Link.
Le chevalier s'exécuta, pas très à l'aise.
- Nous en reparlerons, termina Zelda qui n'arrivait finalement pas à savoir.
- Vous m'avez l'air sceptique...
- Disons que j'ai mes raisons. Mais je ne peux encore rien affirmer à ce stade, j'attendrai de rentrer au château pour comprendre. Et je saurai si tu me mens vraiment... Si c'est le cas, je t'en voudrai toute ma vie...
- Votre Altesse, je...
- Voyons, je plaisante, Link.
Curieusement, le héros prenait toutes ses paroles au sérieux plus qu'à son habitude. Même les plaisanteries de la princesse qui, d'habitude, étaient parfaitement discernables d'une discussion sérieuse pour lui. Une chose était sûre, il n'était absolument pas serein.
~~~
Il n'y avait plus qu'une grande trace circulaire noire, signe que le tapis rouge recouvrant le sol était brûlé. Il restait également une flaque de sang dans laquelle baignaient deux cadavres d'Hyliens ainsi que des épées ensanglantées. Vision d'horreur pour le roi qui était revenu sur les lieux de l'attaque, une heure plus tard. Sans parler de l'immonde odeur qui se dégageait de la scène de crime. Personne n'avait rien vu arriver, personne ne l'avait vu arriver lui. Et ce jour-là, le souverain en payait une nouvelle fois les conséquences. Il avait la rage. En l'espace de quelques minutes, ils avaient réussi à perdre deux personnes, faire s'échapper un prisonnier, et laisser repartir Lambda dans la nature.
Rhoam Bosphoramus était dans une colère noire et désirait mettre un terme au petit jeu auquel le voleur jouait depuis toujours avec la famille royale. L'équipe chargée d'inspecter la scène de crime examina chaque petit détail susceptible de les faire avancer et qui les amènerait là où se cachait Lambda.
- Par toutes les déesses de ce monde, où est Impa lorsque l'on a besoin de sa présence ?! maugréa-t-il nerveusement.
- Vous l'avez congédiée, Votre Majesté, il y a deux jours, répondit son conseiller.
Le roi faisait les cent pas dans la salle du trône en tournant autour l'emplacement des deux morts.
- Et ma fille ? Où est Zelda ?
- Je comprends votre colère, Votre Majesté, mais je puis vous assurer que ce genre de choses ne se reproduira plus, affirma l'homme qui le suivait.
- Il souhaite nous humilier au plus haut point en commettant ces actes au sein même du château ! Il n'y a pas intérêt à ce que cela se reproduise !
Un des inspecteurs vint interpeler le souverain afin de l'informer de l'avancée des recherches.
- Votre Majesté, je crains que l'auteur de ces crimes est plus doué, je ne sais guère comment il a pu mettre en place une telle stratégie. Mais ce qui est sûr c'est que les produits qu'il a utilisés ne nous sont pas inconnus. En effet, cette fumée qui a envahi la pièce de manière abondante n'est pas le fruit d'une combustion classique. Celle-ci est particulièrement épaisse, nous avons retrouvé des traces du produit qu'il a utilisé. Les endroits dans lesquels on vend ce genre de fumigènes se comptent sur les doigts d'une main. Nous vous ferons un rapport de l'enquête afin que vous soyez au courant de toutes les informations nécessaires.
- Très bien, faites ce que vous avez à faire, mais je veux que l'on retrouve ce meurtrier !
Le fait que Lambda soit à l'aise dans le domaine de la chimie n'était pas étonnant. Il utilisait sans cesse des produits et des substances méconnues du monde entier pour organiser ses vols. Liquide inflammable, produits toxiques ou encore mélanges hallucinogènes... Rien ne lui échappait.
- J'ordonne que l'on double la surveillance du château, quiconque pénétrera ici devra être contrôlé, et ce à n'importe quelle entrée. La citadelle devra également redoubler de prudence ! lâcha le roi.
- Votre Majesté, et le festival de cette semaine ? Je crains qu'il soit difficile d'assurer une surveillance optimale dans une telle foule et un tel désordre... Lambda passerait inaperçu, cela pourrait lui être favorable et...
- Je n'annulerai pas le festival parce qu'un voleur menace de réapparaître subitement !
Le conseiller, un peu gêné de s'opposer aux intentions du souverain, devait tout de même lui faire comprendre que c'était mettre une nouvelle fois Hyrule en danger. Mais lorsque la colère envahissait l'esprit de Rhoam Bosphoramus, il était difficile de lui faire entendre raison.
- Votre Majesté... Il est plus qu'un voleur, voyez par vous-même... C'est un meurtrier à présent et...
- S'il faut un garde à chaque mètre carré de la ville je m'y engagerai sans hésitations ! Le festival est une tradition que l'on ne peut discuter. Les habitants du royaume entier se rassemblent pour célébrer leur pays, leur contrée, et en tant que Roi d'Hyrule, il est de mon devoir de prêter une particulière attention à ces coutumes. Est-ce bien clair ?
- Très clair, Votre Majesté, cautionna le conseiller, malgré lui.
Ce fameux évènement avait lieu dans trois jours et allaient en durer quatre. Une période que tout le monde attendait impatiemment pour sa joie de vivre, ce monde qui déambulait dans les rues de la citadelle ainsi que cet esprit de fête unique. Danses, chants, musique, commerce, artisanat, et ce du matin au soir. Soudain, contre l'attente de tous, un garde royal débarqua à toute vitesse dans la salle du trône, devant la scène de crime.
- C'est... un cauchemar ! s'écria le nouveau venu. Votre Majesté, la collection de votre famille ! On a volé le masque ancien !
Sans plus tarder et sans même demander plus d'explications, Rhoam Bosphoramus quitta la pièce avec son conseiller et le garde en direction de la salle d'exposition de la collection de la famille royale d'Hyrule. Une galerie remplie d'objets uniques datant d'époques lointaines et d'autres mondes selon les rumeurs et légendes. Un endroit des plus sécurisés mais tout de même parfait pour un voleur de trésors inestimables. C'était le troisième que l'on voyait disparaître. Lambda s'était déjà emparé du Trésor du Crépuscule ainsi que du Casque de l'Usurpateur. Il se servait souvent de ce dernier pour dissimuler son visage. Une énième humiliation pour le roi qui le voyait apparaître et réapparaître subitement avec cette relique ancestrale appartenant à sa propre famille depuis des générations...
En entrant dans la salle d'exposition, le souverain remarqua que le masque avait effectivement disparu. La dizaine de gardes présents dans les couloirs des alentours lui assurèrent qu'aucune personne n'avait pénétré à l'intérieur de la pièce.
- Nous surveillions toutes les portes... Je ne comprends pas comment...
- Vous tâcherez à présent d'avoir les fenêtres à portée de vue, garde ! coupa le roi.
- Nous sommes navrés...
- Quand le Masque de Majora a-t-il disparu ? demanda-t-il.
- Nous entrons toutes les trois minutes... Je dirais donc il y a quelques instants.
Gardant le mieux qu'il pouvait son calme sous peine d'être envahi d'une colère encore plus noire qu'elle ne l'était déjà, il prit une décision stricte. Il s'empressa de la partager à la garde royale afin que le message fasse le tour du château le plus rapidement possible.
- Fermez l'accès à l'enceinte du bâtiment, ce bandit est encore parmi nous. Il est désormais interdit d'entrer ou de sortir d'ici avant d'avoir mis la main sur lui.
Et quelques minutes plus tard, dans la galerie Est creusée à même la roche, quelqu'un sifflotait. Le bruit résonna contre les parois de la cavité. C'était un homme, un homme qui semblait totalement confiant pour quelqu'un qui tenait le fameux masque dans sa main droite. Cet objet aux grands yeux ronds et jaunes et aux couleurs particulières qui dégageait une atmosphère assez malsaine en le regardant.
Le voleur n'était pas réceptif à cette étrange sensation et prenait même plaisir à scruter ce masque. Heureux d'avoir réussi son stratagème. Il marchait lentement avec une attitude provocatrice. La sortie n'était plus très loin, l'homme choisissait d'emprunter ce chemin car c'était le plus négligé de tous. La surveillance y était presque inexistante, voilà comment pénétrer dans le château sans se faire repérer. Seulement, en apercevant la lumière du jour, le bandit remarqua trois gardes royaux postés au niveau de cette sortie.
- Alors ça pour une surprise... pensa-t-il.
Il décida de porter le masque en sa possession sur son visage, recouvrant ainsi ses cheveux noirs, ses yeux verts et ses joues creusées. Il semblait n'y avoir aucune gêne à débarquer devant trois personnes, une pièce de collection des plus rares sur la tête... Ce comportement troubla les gardes qui virent l'individu arriver petit à petit. De plus que personne ne sortait par la galerie Est ces temps-ci.
- Excusez-moi, vous... commença l'un des trois soldats.
Un autre l'arrêta en reconnaissant le masque.
- C'est Lambda ! Ne le laissez pas s'enfuir ! s'exclama-t-il.
Soudain, l'homme se stoppa.
- Qui ça, moi ? Lambda ? Enfin, c'est ridicule ! Et puis... je compte pas m'enfuir.
- Restez où vous êtes et posez le masque au sol !
- Oh ! On se calme, c'est le masque que vous voulez ? Je vous le donne sans problèmes !
Cette réaction était totalement inattendue. Le garde qui avait dégainé son épée le premier fit un pas en avant, son arme toujours devant lui. Le voleur prit quelques secondes pour réfléchir au geste qu'il s'apprêtait à faire. Finalement, il soupira et retira son masque qu'il tendit à son interlocuteur.
- Tenez. Prenez-le.
C'était beaucoup trop simple. Et quel était l'intérêt pour cet inconnu de rendre ce trésor sans aucune opposition de sa part ? Il était clair qu'aucun des trois gardes n'allait s'approcher, personne n'allait se faire avoir par cette ruse.
- Non. Vous allez le poser au sol et vous vous reculerez, ordonna le soldat.
- Comme vous voulez... C'est juste un morceau de bois qu'on m'a vendu à la citadelle durant la préparation du festival... rien de plus. C'est une réplique si vous voulez tout savoir.
- Je ne vous crois pas.
- Dans ce cas, venez voir ! insista l'individu.
Ils restèrent à leur place.
- Bien, dans ce cas je m'approche et vous verrez !
- C'est Lambda, ça ne peut être que lui, murmura le troisième garde qui gardait le silence depuis l'apparition de l'homme.
- Arrêtez avec Lambda, vous apprendrez que je suis beaucoup plus charismatique que lui ! Il croit que je fais tout ça pour lui, pour sa petite personne, quel naïf...
L'inconnu replaça le masque sur sa tête après s'être avancé. Prêts à l'arrêter, les trois soldats furent comme hypnotisés par l'apparence du masque de Majora qui dégageait une aura presque maléfique.
- Alors ? fit l'homme.
- Ce n'est pas une réplique. Vous êtes le voleur. Je ne sais pas si vous êtes Lambda, mais je vous arrête.
- Vous m'avez eu. Félicitations.
Il mit ses deux mains derrière le dos pour qu'on le fasse prisonnier. Un comportement encore jamais vu, comme s'il désirait être puni. On attrapa l'avant-bras de l'homme.
- Comment avez-vous pensé pouvoir nous avoir de la sorte... fit le premier garde royal.
- Au contraire, je pense que vous vous êtes bien fait avoir, ricana le concerné.
Ne comprenant pas ce qu'il voulait dire, l'appelé se tourna vers ses deux autres camarades qu'il vit s'écrouler au sol, les yeux animés de mouvements vacillants. Il eut à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'il remarqua que sa vision se floutait et qu'un léger picotement dans ses narines apparaissait.
- Le masque... il...
Et ce fut à son tour de tomber sur le sol froid et rocailleux. La dernière chose qu'il vit fut les grands yeux jaunâtres du masque de Majora. Le porteur de celui-ci, satisfait de son plan, sortit une dague de sa botte.
- On appelle ça de la science, chers amis...
Il referma un minuscule flacon disposé à l'intérieur de sa manche auquel il avait discrètement retiré le bouchon quelques instants avant. Une odeur particulièrement douceâtre qui s'était répandue dans l'air s'évapora jusqu'à disparaître. Respirant derrière le masque, l'homme ne craignait rien, il avait tout prévu. Tandis que les trois victimes pensaient à une magie noire sortie de ce masque démoniaque... Il s'accroupit et voulut trancher la gorge des trois corps inconscients au sol lorsque des bruits de pas précipités retentirent. L'individu leva les yeux et aperçut plusieurs silhouettes humaines.
- Merde... grogna-t-il avant de finalement fuir en courant vers la sortie.
~~~
Tu ne vas rien dire.
Vos stratagèmes ne pourront rester éternellement secrets.
Non, tu ne diras rien. Car ton devoir est de la protéger. Et lui dire, ce serait la mettre en danger.
Pas tant que je serai là.
- V... lte... ?
Tu es plus coriace qu'on ne l'avait imaginé. Honnêtement, je pensais réussir à te tuer. Mais peu importe, car tu n'es pas immortel. Je ne suis pas le premier à te le dire, n'est-ce pas ?
Qu'est-ce que vous lui voulez ?!
N'oublie pas ; nous sommes partout. Tout le temps.
- Vot... Alte... ?
Réponds !
Ne fais pas l'idiot, si tu tiens à elle.
- Votre Altesse ? Tout va bien ?
Elle reprit ses esprits, obnubilée par cet étrange dialogue depuis son retour au château il y avait deux jours. C'était comme des voix qui résonnaient dans sa tête en disant constamment la même chose. Le même échange. Et parmi les deux personnes qu'elle entendait, elle reconnaissait Link, mais impossible pour elle d'identifier l'autre personne. Zelda se trouvait dans la salle d'armes, à côté du héros qui venait de terminer une séance d'entraînement de nouvelles recrues. La princesse prit quelques instants pour se remémorer ce qu'elle venait faire ici.
- Vous êtes arrivée devant moi, et je vous ai vue vous figer pendant un instant, informa le chevalier.
- Non... je... ce n'est rien.
Link ramassa une épée en bois encore au sol et la rangea avec les autres.
- Vous vouliez me dire quelque chose ? continua-t-il en voyant qu'elle ne poursuivait pas la conversation.
- Oui, c'est vrai, c'était pour te tenir au courant que nous devons partir pour la source du courage, demain.
L'Hylien fut étonné de ce changement de plan. C'était imprévu, surtout que la région de Firone n'était pas la plus proche.
- Vous ne vouliez pas poursuivre vos recherches sur Lambda ? Avec tout ce qu'il s'est passé ici durant notre absence, je pensais que...
- C'est mon père ; il m'en a donné l'ordre, expliqua-t-elle. Disons qu'il ne vaudrait mieux pas que je lui désobéisse une nouvelle fois...
- Je vois.
La princesse semblait ne pas avoir terminé. Elle voulait surtout faire une proposition au capitaine.
- Je voulais également savoir... poursuivit Zelda. J'aimerais profiter de l'ambiance du festival qui a commencé depuis quelques heures. Afin de me changer les idées pour ce soir. Accepterais-tu de m'accompagner ?
- Ce que je vais vous dire vous étonnera peut-être, mais je crains que vous n'ayez pas besoin de ma protection. La sécurité est assurée dans chaque rue, chaque recoin. Votre père a triplé le nombre de gardes.
- Non, Link. Tu m'as mal comprise. Je ne parlais pas d'assurer ma sécurité. Je voulais dire que si tu comptais, toi aussi aller au festival... pourquoi ne pas s'y rendre ensemble au lieu d'être seul de notre côté ?
Link la fixa. Il s'attendait à tout sauf à cela de la part de la princesse.
- Tu avais prévu d'y aller ?
- C'est... la première fois depuis bien longtemps que... Vous... vous êtes la Princesse d'Hyrule, je ne saurais refuser.
- Oh Link, je t'en prie... j'aimerais que tu viennes de ton plein gré, sans te sentir obligé. Si tu n'as pas envie, rien ne...
En se reculant de quelques pas, Link faillit trébucher sur un bouclier qui traînait au milieu de la salle. Il se rattrapa de justesse, évitant ainsi la chute. Cela interrompit Zelda qui se mordit la lèvre inférieure pour se retenir de rire, elle ne voulait pas se moquer de son chevalier servant.
- Je leur ai dit mille fois de ranger leurs affaires après une session... fit Link un peu gêné de sa maladresse.
Mais cette scène qui s'était déroulée devant les yeux de l'Hylienne résonna soudainement comme une situation familière dans sa tête. Elle vit inopinément ces images défiler dans son esprit, encore et encore. Puis, elle ne pouvait s'empêcher de repenser à la blessure de Link. Cet hématome qui était apparu du jour au lendemain. Comme s'il y avait un lien.
- Ce n'est tout de même pas compliqué à comprendre, continua le capitaine.
Tu es un véritable obstacle.
Mais je suis plus fort que tu ne le penses.
Ce n'est tout de même pas compliqué à comprendre, Link.
Une vague d'angoisse s'empara du corps de Zelda et celle-ci, surprise, recula précipitamment jusqu'à ce qu'un mur vienne la stopper. C'était à présent une certitude, ces sortes d'appels intérieurs n'étaient rien d'autre que les effets d'une vision. Elle ne pouvait douter de ce point, Impa lui avait appris comment les reconnaître.
- Vous êtes sûre que tout va bien, Votre Altesse ? demanda Link qui s'inquiétait sérieusement.
La princesse le dévisagea.
- À quoi ressemblait-il ?
Le héros, ne comprenant pas, fronça les sourcils et s'excusa de ne pas faire le lien avec ce qu'elle voulait dire.
- Pardonnez-moi, mais je crains ne pas...
- Est-ce lui qui t'a fait cela ? fit-elle en parlant de la blessure de Link.
- Je...
Le héros détourna une nouvelle fois le regard et changea immédiatement de sujet.
- Excusez-moi, je crois que l'on m'attend...
Sur ces mots, il partit, laissant Zelda seule.
- Link ! Je crois qu'il faut que nous discutions ! insista-t-elle en se dirigeant jusqu'à l'entrée de la salle d'arme.
Mais le chevalier était déjà trop loin pour l'entendre. Tout venait laisser penser qu'il cachait véritablement quelque chose. L'Hylienne ne comprenait pas pourquoi Link refusait de lui parler de cette nuit-là.
- Link ! Par toutes les déesses !
Au fond d'elle, Zelda pensait que le capitaine savait qu'il pouvait lui faire confiance. Mais après tout, elle ne lui avait jamais réellement dit, ce n'était qu'une supposition. Frustrée de ne pas avoir pu mettre au clair cette histoire, elle soupira et s'en alla vers ses appartements avant de rejoindre la citadelle en fête, malgré tous les récents évènements des derniers jours.
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Le moment venu, sur la Grand-Place, les deux élus se retrouvèrent. Le festival d'Hyrule avait commencé. Les décorations et la musique étaient au rendez-vous. Et, sur toute la périphérie se trouvaient des multitudes d'activités en tous genre ainsi que des commerçants de chaque peuple du royaume. La grande fontaine centrale avait été décorée de grandes torches et de banderoles accrochées à son sommet.
- Merci d'être venu. Tu es parti si vite tout à l'heure, je croyais que tu n'allais plus te montrer jusqu'à demain ! s'exclama Zelda.
- Je m'excuse. Le capitaine adjoint devait absolument me parler, j'avais oublié qu'il m'attendait après l'entraînement...
Ils débutèrent leur tour de la place par le côté droit, en pénétrant dans la foule agitée avec la vive musique qui retentissait dans toute la citadelle.
- Il y avait longtemps que je n'avais pas vu la ville aussi joyeuse, déclara Link.
- Les festivités, la foule... ce n'est pas ta tasse de thé, n'est-ce pas ?
- Eh bien, je préfère le calme, c'est vrai.
Le héros réfléchit après coup à ce qu'il avait répondu et se corrigea.
- Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas heureux d'être là. Lorsque je vois autant de monde réuni, c'est souvent lors de combats. Alors tout cela me paraît étrange. Mais je préfère voir une foule de personnes dans ce contexte-ci.
- Rassure-toi, je comprends parfaitement. Si tu as commencé à te battre sur les champs de bataille à quatorze ans, il est normal que tu y sois habitué.
Le blond tourna brusquement la tête vers elle.
- Comment savez-vous que j'avais quatorze ans ? dit-il, surpris.
- Daruk le répète sans cesse. Il est fier, crois-moi.
Link passa une main derrière sa nuque.
- C'est Daruk... Cela ne m'étonne pas de lui...
- Dis-moi, Link. Ce n'est pas lui, là-bas ?
Zelda l'avait remarqué à l'intérieur d'un bar, par-delà une terrasse comblée de clients.
- En effet, je crois bien.
Le Goron devait en être à son sixième verre en une demi-heure. Décidément, il raffolait de la variété des boissons hyliennes. À lui seul, il devait avoir goûté trois alcools différents. La morphologie du prodige l'aidait à ne pas devenir ivre trop vite. Même si celui-ci commençait tout de même à ressentir les effets de ces verres qu'il avait bus. Du moins, les personnes autour de lui le remarquaient.
- Les Hyliens ont bon goût ! J'dois l'avouer !
Il termina un énième verre qu'il reposa rudement sur le bar.
- Daruk ? fit une voix derrière lui.
- Ah ! Vous voilà tous les deux ! Comment ça va les jeunes ? J'suis content d'vous voir ici ! s'exclama-t-il.
Link et Zelda qui tentaient jusque-là de ne pas se faire remarquer sourirent au Goron.
- Je vois que tu... profites bien de la soirée, ajouta le chevalier servant.
- T'as pas tort, p'tit gars ! C'est un jour de fête !
Le blond s'inquiétait un peu de voir son ami boire autant. Il était le premier à savoir comment un Daruk soûl pouvait réagir si l'on ne le modérait pas un minimum. Non pas qu'il deviendrait malveillant ou violent, mais ses paroles tomberaient rapidement dans l'excès et l'abus. Quelque chose que Link ne désirait pas vraiment vivre avec la princesse d'Hyrule à ses cotés. De ce fait, il allait rester très attentif.
- Heureuse de te voir parmi nous. Tes entraînements avec Vah'Rudania se passent-ils bien ? demanda Zelda.
- J'ai dompté la bête, Princesse. J'suis devenu le pro, répondit Daruk avec assurance.
- Oh. Très bien. Dans ce cas... c'est parfait.
Il attrapa son verre qu'il vit vide. Il le reposa donc et continua la discussion.
- Hé ! Mais dites-moi... Vous avez l'air de mieux vous entendre vous deux, depuis la dernière fois ! Content de voir que mon p'tit gars et vous, Princesse, m'ayez écouté !
- Daruk... tu me fais quoi là... pensa Link qui écarquilla les yeux et se mordit la lèvre.
- En effet, répondit la princesse. Disons que nous sommes passés à autre chose, c'est de l'histoire ancienne. Nous essayons d'oublier ce mauvais départ.
Le héros, mal à l'aise, acquiesça fortement cette dernière phrase comme pour faire signe au Goron de ne pas s'avancer sur ce sujet-là. Mais cette tentative fut vaine.
- J'suis fier de vous ! Non parce que... j'peux vous dire qu'avant que ça s'arrange, vous deux... c'était pas gagné ! Ah !
- Nous essayons d'oublier, Daruk... marmonna Link.
Link sentait que la bêtise n'allait pas tarder. Voyant que la princesse semblait gênée à son tour, il décida de changer de sujet de conversation. Car, les deux élus avaient tous les deux honte du comportement qu'ils avaient pu avoir l'un envers l'autre. Et ce n'était pas quelque chose qu'ils désiraient se remémorer.
- Tu as des nouvelles sur l'agitation des monstres, de ton côté ? tenta Link.
- C'est pas très gai... On a retrouvé une paire de cadavres de ces créatures, la galère pour se débarrasser de ces horreurs... Non parce que c'est pas ces dépouilles qui vont attirer les voyageurs !
- Non. En fait je parlais plutôt des hordes de monstres qui arrivent du nord, concernant le Fléau et...
Daruk pouffa.
- Oh ! J'en fais qu'une bouchée de ce Ganon ! Vous vous en faites encore pour ça ? Profitez de la fête, les jeunes ! Tenez regardez, allez danser avec les autres là-bas !
Il montra du doigt une dizaine de personnes qui dansaient près d'une petite scène installée pour les musiciens.
- Nous trouverons d'autres occupations, fit Zelda. Pour ma part, je ne sais pas danser et...
- Mais il s'agit pas de savoir danser ! Il s'agit de s'amuser ! Et si vous tenez tant à apprendre, Link vous montrera !
- Je...
Le visage du prodige hylien se décomposa en quelques instants. En dévisageant Daruk, il décida de clore cette discussion ici et de laisser son ami.
- Votre Altesse, je vous propose que nous continuions, déclara-t-il en fuyant jusqu'à la place.
Une fois dehors, il s'excusa pour ce qu'il venait de se passer.
- Excusez-le, nous connaissons un meilleur Daruk que celui-ci...
La princesse continuait de regarder ce groupe d'Hyliens qui dansait un peu plus loin. Puis, elle tourna la tête vers Link. Elle semblait étonnée.
- Alors comme ça, tu sais danser ? s'interrogea-t-elle.
- Je connais quelques pas, mais je n'ai pas dansé depuis des années... Et je ne le souhaite plus.
Le héros était de nouveau renfermé sur lui-même depuis quelques jours. Zelda n'arrivait pas à trouver d'explications à cela sachant qu'elle et lui avaient réussi à améliorer leur relation. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Désirait-il éviter de sympathiser avec elle sous peine que cela soit mal vu aux yeux de la Cour ? La princesse était un peu perdue.
- Alors... comment se fait-il que Daruk sache ? fit-elle.
- Il est mon ami et je pensais pouvoir lui faire confiance, répondit Link, déçu du Goron. Mais parfois il ne mesure plus ses mots...
- Tu ne voulais pas que je sache que tu sais danser ? Pourquoi ?
Il soupira discrètement, tout cela faisait remonter des émotions passées qu'il ne souhaitait pas retrouver. Link avait conscience qu'en évitant ce sujet, il favorisait son renfermement sur soi. Mais ces sentiments étaient si forts, et ces souvenirs si marquants. Il ne pouvait pas faire semblant plus longtemps en continuant d'en parler.
- C'est... compliqué, dit-il.
Ne voulant pas paraître trop indiscrète ou intrusive, Zelda n'insista pas plus. Si Link ne souhaitait pas en parler, elle n'allait pas le forcer. La princesse prit du recul et se rendit compte qu'elle voulait peut-être aller un peu trop vite, et que son chevalier servant ne désirait peut-être pas discuter de sa vie avec elle. D'ailleurs, après réflexion, elle non plus ne se voyait pas encore parler de ses problèmes avec lui. Elle décida donc de modérer sa curiosité pour les jours à venir.
- Tu me caches beaucoup de choses en ce moment, Link. J'ai bien réfléchi, et je me rends compte que tu as parfaitement le droit d'avoir des secrets, comme tout le monde. Je comprends que tu ne veuilles pas me parler de ce genre de choses, ou de cette étrange nuit sur laquelle tu es resté assez vague... Après tout, si tu juges que ce n'est pas nécessaire...
- Je dois vous avouer que l'histoire de cette nuit-là, c'est différent. Je vous dois des explications plus précises, annonça Link.
Il s'apprêtait à lui révéler la vérité lorsque son attention fut interpellée par une épaisse fumée blanche qui commençait à recouvrir l'endroit dans lequel les élus passaient. Celle-ci venait d'un des commerçants venus pour l'occasion du festival à proximité.
- Ce nuage de fumée... commença le blond.
- Quoi ? Rassure-toi, ce n'est pas un incendie, il me semble que c'est cet homme là-bas, informa la fille du roi.
- Votre Altesse, vous ne faites pas le lien ? Le rapport avec ce qu'il s'est passé lors du procès d'Edward... On y décrit une fumée exactement du même genre.
Ils s'approchèrent un peu plus.
- Cela pourrait être dû à beaucoup de choses, Link.
- Au contraire ! Des fumigènes comme celui-ci, vous ne pouvez en trouver qu'à un seul endroit à Hyrule ! s'exclama le marchand qui avait entendu leur conversation.
- Où pouvons-nous la trouver ? fit le héros.
Le marchand fut satisfait qu'on s'intéresse enfin au pourquoi il était là.
- Chez Alan, mes amis ! Je travaille pour lui.
- Vous... vendez de la fumée ? s'étonna Link.
- Détrompez-vous, c'est un moyen d'attirer la foule ! Avouez que cela a bien fonctionné sur vous ! Je vends des remèdes et des produits sortis tout droit des prouesses de l'alchimie ! Des mélanges inattendus concoctés par un professionnel qui vous apporteront des bienfaits phénoménaux !
Link et Zelda trouvèrent cette présentation de ses produits un peu abusive en remarquant que les potions qu'il vendait étaient communes dans le royaume. De simples remèdes contre le froid, la chaleur, ou pour obtenir une vitalité améliorée...
- Ce que je vends peut vous paraître banal, mais les potions d'Alan sont d'une double efficacité et il y ajoute une touche personnelle que vous ne trouverez nulle part ailleurs... s'expliqua le vendeur.
Tout cela pouvait être une potentielle piste. Ce n'était pas les produits en vente qui retenaient l'attention du chevalier mais toujours cette fumée blanche. Il avait le sentiment que celle-ci pouvait les conduire à Lambda. En effet, si le voleur avait utilisé ces fumigènes, Alan avait sûrement dû le rencontrer. Il expliqua ceci à Zelda. Elle était censée avoir un peu de temps de répit à l'aide de ce festival, mais des indices revenaient constamment à elle.
Comme si elle était destinée à percer le secret de cet inéluctable mystère.
Rien de tout cela ne serait arrivé s'il les avait éliminés avant de fuir. Jamais il n'aurait été en danger s'il avait gardé ce masque sur la tête ! À présent, il devait payer les conséquences de sa terrible erreur : un groupe d'enquêteurs hyliens à sa porte, prêts à l'interroger sans scrupule. Ne pouvant pas fuir, sa seule option était de se cacher ; ici-même. On frappait de plus en plus fort, ils allaient commencer à perdre patience. Et comme ils travaillaient pour le roi, ils n'allaient pas hésiter à entrer de force si besoin.
- Alan ? Nous venons sous ordres de Sa Majesté le Roi, nous devons vous parler ! expliqua l'enquêtrice chargée de l'affaire, une femme d'un certain âge aux cheveux courts et bruns.
Il reboucha en vitesse toutes les fioles sur lesquelles il travaillait mais n'eut guère le temps de les ranger. Il se précipita vers un coin de la petite maison où se trouvait une trappe cachée sous un lourd tonneau contenant des substances dangereuses. Après avoir poussé l'obstacle et relevé la plaque de bois, il y pénétra en vitesse. Mais face à ces quatre personnes, sa cachette n'allait pas être utile très longtemps...
- Il y a du mouvement à l'intérieur, déclara une voix devant la maison.
Le lieu n'était pas vide et personne ne venait accueillir le groupe, ce qui lui confirma qu'ils étaient au bon endroit.
- Nous savons que vous êtes là ! Ouvrez ! ordonna l'enquêtrice.
Alan descendit l'échelle et arriva dans une petite pièce sombre où un accordéon se trouvait encore sur la table disposée contre le mur de gauche. Il prit la fuite par une porte en face de lui, dévoilant un long couloir lugubre et froid qui donnait accès à d'autres pièces. Il fallait prévenir le reste de l'équipe.
- Eh ! cria-t-il tout en marchant d'un pas précipité jusqu'à une énième porte au fond de l'allée.
Dans un endroit deux fois plus grand que celui où Alan avait atterri en descendant par la trappe, se trouvaient trois personnes. Deux se tenaient debout autour d'une chaise où le jeune poète officiel de la Cour était assis, évanoui. Son visage paraissait défiguré, il saignait du nez et son faciès était recouvert de blessures.
- Stop ! Arrêtez ! s'écria Alan.
Les deux hommes qui semblaient torturer ce pauvre Edward se retournèrent, il s'agissait de Lambda et de Brad. Seul le rival de Link avait retiré son masque, il laissait transparaître une rage sans nom sur son visage. Et son regard était plus que malsain.
- Remets ton masque, toi !
- Je n'obéis pas aux ordres d'un bon à rien, répliqua Brad.
Alan attrapa le masque de Majora qu'il porta à son visage et tendit celui de pierre aux grandes cornes acérées à son propriétaire qui en avait assez de respirer sous un objet aussi encombrant.
- La ferme et remets ton masque ! Ils sont là !
- Ah ! Et c'est la faute de qui, selon toi ?
Le concerné jeta un regard noir à son interlocuteur, si la situation n'était pas si urgente, pour rien au monde il ne se serait retenu de le faire taire à sa manière. Son arrogance était plus qu'insupportable.
- Qui as-tu voulu tuer ? s'interrogea Lambda.
- Ce n'est pas le moment de parler de ça ! Ils vont nous trouver d'une minute à l'autre !
- Qui ?
- La garde ! Quelle question ! continua le chevalier corrompu. Si tu ne t'étais pas dégonflé et que tu les avais tués, on n'en serait pas là !
- Personne ne tue personne, c'est bien clair ?! fit Lambda qui haussa la voix.
- Oh ! Parce que monsieur s'en est privé, peut-être...
Le voleur attrapa Brad par le col et le plaqua contre un mur. Ce n'était absolument pas le moment de régler ses comptes, mais la brutalité semblait être la seule manière de le calmer.
- Ce qui est arrivé était un accident, tu entends ?! Je ne t'ai pas fait venir ici pour que tu décimes des êtres vivants avec ce qui vit réellement dans tes entrailles, Brad ! Mais si tu continues comme ça, tu finiras par devenir un obstacle sur mon chemin. Et là, je n'hésiterai pas une seule petite seconde à t'éliminer toi, s'il le faut. Alors tâche de te contrôler avant qu'il ne soit trop tard !
Les yeux du chevalier étaient devenus rougeâtres et sa respiration anormalement rapide. Ne voulant pas montrer sa soumission aux ordres de Lambda, il se contenta de ricaner. Mais il serrait les poings, luttant contre une envie folle de tout détruire autour de lui. Car, au fond de lui, il savait que ce n'était pas ce qu'il voulait vraiment.
- Montrez-vous ! s'exclama une voix.
- Ils sont descendus, bloquez la porte ! ordonna Lambda.
Alan poussa une lourde table contre l'entrée de la pièce, condamner l'accès de cette manière était leur seule option. Mais le sourd bruit du meuble sur le sol attira le groupe qui s'était introduit. Lambda relâcha Brad et rejoignit Alan afin de l'aider à retenir la table contre la porte, car on frappait de plus en plus fort de l'autre côté.
- Quand bien même nous arriverions à les retenir, ils connaissent notre planque, maintenant ! On ne pourra pas rester là ! déclara le porteur du masque de Majora.
- La ferme ! Contente-toi de les empêcher d'entrer ! fit Lambda.
Le pire scénario qui pouvait arriver tournait en boucle dans la tête du voleur. Tous ces stratagèmes, ces manipulations, ces sacrifices... tout cela ne pouvait pas n'avoir servi à rien. Rares étaient les fois où Lambda ressentait en lui cette sensation prenante, ces picotements, ces frissons. Rares étaient les fois où il avait réellement peur. Peur de ce qu'il adviendrait de l'avenir. Et après de nombreux coups portés sur la solide porte en bois, une épée d'un des gardes parvint à passer au travers et la fatigue commençait à se ressentir chez Alan comme chez Lambda. La table qu'ils retenaient reculait malgré tout et la porte s'entrouvrait petit à petit.
- Je n'aurais jamais dû voler ce masque ! fit Alan.
- Dis ça à ta fierté personnelle qui voulait absolument me montrer que tu étais aussi capable de dérober un de ces trésors royaux !
- Tu n'étais pas contre, je te signale !
- Et depuis quand tu t'intéresses à ce que je pense, Alan ?!
- C'est moi qui aurais dû prendre les commandes. Avec tes conneries, regarde où on en est !
Soudain, une aura rosée vint recouvrir lentement le sol. Elle avançait à la même vitesse que de la lave sur le flanc d'un volcan, ou qu'un serpent rampant discrètement vers sa proie. Elle dépassa les pieds des deux voleurs et traversa la porte jusqu'à arriver de l'autre côté. Lambda cessa toutes forces sur la table bloquant l'entrée lorsqu'il comprit d'où venait cette sorte de gaz rouge. Il venait de Brad, immobile et les yeux fermés.
- Merde... murmura-t-il.
- Qu'est-ce qu'il fait ? demanda Alan.
À ce moment précis, il réalisa qu'il était peut-être allé trop loin. Il ne voyait que maintenant la terrible erreur qu'il avait commise : rallier un monstre à sa cause.
- Il va les tuer... répondit Lambda.
Brad se mit à trembler de la tête aux pieds. Et après avoir rouvert les yeux, son masque du crépuscule tomba au sol et il explosa de rage. Et ce en détruisant littéralement le mur devant lui afin d'arriver dans le long couloir où le groupe de gardes et d'enquêteurs étaient. Il fut comme propulsé par cette aura maléfique qui lui semblait lui permettre de se déplacer dans l'air jusqu'à un point précis. Ce fut ainsi qu'il démolit le mur. Et ses iris étaient d'un rouge plus vif que le sang.
En l'espace de quelques secondes, et après d'effroyables cris d'horreur de la part des intrus qui tentaient d'entrer, un silence de mort reprit le dessus. Dans l'allée, les quatre personnes venues sous les ordres du roi étaient mortes. Brad qui volait toujours dans les airs sous cette sorte d'état spirituel s'écroula au sol et il put à nouveau retrouver son corps physique.
Le chevalier n'avait plus de souffle, comme après un effort intense. Lui-même ne savait plus ce qu'il venait de faire. Tout cela avait été plus fort que lui, et ce n'était pas la première fois que cela arrivait. Il regarda la paume de ses mains jusqu'alors posées à plat sur le sol. Sans grandes surprises, il y vit cette aura lui pénétrer à l'intérieur de sa peau jusque dans ses veines. Il sentit que cela remontait jusque dans ses bras, dans ses épaules, dans sa poitrine et dans son crâne. Ce qui eut comme conséquence quelques lourdes migraines.
Il se releva et put contempler le massacre qu'il venait de commettre. En tournant la tête vers l'immense passage dans le mur qu'il avait réalisé, Brad aperçut Edward, ligoté à sa chaise qui s'était éveillé depuis et avait assisté à la scène. Il dissimula le plus vite possible l'anxiété qui vint s'emparer de l'expression de son visage en la transformant en colère.
- Si tu racontes ce que tu viens de voir, je ferai la même chose avec toi, menaça Brad.
Edward n'eut en réponse qu'un froncement de sourcil.
- Qu'est-ce que...
Lambda courra observer ce qu'il s'était produit. Il ne voulait pas croire ce qu'il voyait. Un mort lui suffisait déjà amplement, et voilà que le compteur était monté à cinq. Son plan avait pris une tournure meurtrière sans qu'il ne s'en aperçoive. Après un long soupir, il se tourna vers Brad qui le dévisageait et le frappa d'un coup de poing au visage. Ce dernier, pris par surprise, eut un mouvement de recul.
- C'est comme ça que tu me remercies... dit-il.
- Parce que tu crois avoir aidé ? Tu crois que c'est ce que je veux, assassiner des gens ?!
- Le magistrat n'en dirait pas moins.
Le voleur savait pertinemment que cette histoire allait le suivre longtemps.
- Cet abruti ne m'avait pas laissé le choix, d'accord ? C'était la seule façon de m'en sortir !
- Tu élabores des stratagèmes hors du commun dans lesquels tu te coinces tout seul... En plus de ça, tu manipules, menaces et tortures des gens... et tu as le culot de me dire que tu ne veux pas de morts ? Excuse-moi ! Eux aussi, tu aurais voulu les faire souffrir peut-être ? s'énerva Brad. Tu sais quoi, tu es monstrueux.
- Bien, comme ça on est au même niveau, toi et moi !
Le chevalier, d'un geste de sa main droite, réussit à projeter Lambda en haut d'un des quatre murs de la pièce, il le tenait bloqué là avec une force inconnue.
- Je suis peut-être un monstre, mais en attendant, c'est moi qui suis en position de force ! Ça te change de d'habitude, n'est-ce pas ?
- Oh ! Brad, relâche-le, fit Alan.
Brad voulut d'abord ignorer ces mots, prêt à encastrer le voleur dans le mur. Mais il reprit ses esprits et lâcha Lambda qui retomba violemment sur le sol.
- Tu es de son avis ? Toi qui étais prêt à poignarder trois hommes ?
- Si j'avais eu le temps de le faire, on en serait à quatre morts au lieu de cinq, et personne ne serait venu jusqu'ici pour nous trouver ! Lambda est peut-être un sale con, c'est sûr, surtout quand il croit que tu as fait tout ça pour nous. Mais si tu t'en prends à lui, tu t'en prends à moi.
Lambda se moqua des paroles de l'homme, car il n'en croyait pas un mot.
- Je sais très bien qu'il se fiche royalement de ce que je veux, mais nous voulons tous nous débarrasser de l'élu de la lame purificatrice pour parvenir à nos fins, expliqua-t-il.
- Et toi ton raisonnement paradoxal me rend fou ! Tu veux sa mort mais tu refuses que l'on ne tue d'autres personnes... rétorqua Alan.
- Je ne veux pas sa mort ! Je veux qu'il cesse de suivre la princesse comme un petit chien.
- Parce que tu crois que ce qui vit à l'intérieur de Brad se privera de le tuer ?
- Une fois entre ses mains, ce ne sont plus mes affaires !
- Mais tu auras contribué au meurtre du héros.
Derrière son masque, Lambda savait qu'Alan n'avait pas entièrement tort.
- Vous parlez de moi comme si j'étais une bête sauvage sans cerveau, fit Brad. Je peux le contrôler.
- La petite démonstration que tu nous as partagée ne le prouve pas beaucoup, ironisa Lambda.
Il se retourna après ces paroles qu'il savait dures et son esprit se concentra sur tout autre chose.
- Où est le gamin ? s'interrogea-t-il.
Edward s'était enfui, il avait réussi à se libérer et avait profité de la dispute pour partir lorsque le trio avait le dos tourné.
- Brad, tu vas le chercher. Ensuite, on en revient à notre plan de départ, et je vous garantis que nous aurons tout ce que nous voulons. On réglera nos comptes en temps et en heures.
- J'y crois pas... maugréa le chevalier qui prit le chemin de la sortie.
Quant à Alan, celui-ci en voulait toujours autant à Lambda de collaborer avec Brad. Il ne comprenait plus son coéquipier. Il ne savait plus qui tuer et qui ne pas tuer, c'était d'un désordre sans égal. Et Lambda, fermé d'esprit, ne voulait rien entendre de ses propositions, le plan était le plan, point. De plus, leur temps était compté depuis le début. Il ne restait que quelques jours avant l'Échange.
- À force de concevoir des plans tordus, on finit par s'y perdre, et ça se retourne contre nous. Tu sais très bien qu'elle n'aurait jamais voulu te voir comme ça, lâcha-t-il au manipulateur avant de sortir lui aussi de la pièce.
~~~
Il se réveilla doucement dans un endroit assez particulier. Il se demanda pourquoi ne voyait-il pas ces roches rouges ? Pourquoi ne ressentait-il pas cette forte chaleur matinale qu'il avait pourtant chez lui ? La réponse : il n'était tout simplement pas chez lui, mais dans le même établissement que la veille. Daruk s'était endormi sur le bar, et personne n'était venu le réveiller. La clientèle se faisait tellement nombreuse durant le festival que le lieu n'avait pas fermé ses portes de la nuit.
Il se redressa et regarda autour de lui. Il n'y avait plus personne, les rayons du soleil matinaux traversaient les fenêtres jusqu'à se déposer sur les tables à l'intérieur. Difficile de se souvenir des derniers instants de la soirée. Mais il y avait une chose qu'il n'avait pas oubliée, c'était le comportement dont il avait fait part devant les deux élus des déesses. Daruk fut interpellé par ce qu'il se passait à l'extérieur, car il y avait toujours autant de mouvements.
Il sortit du bar. Peut-être allait-il pouvoir retrouver Link et s'excuser, car le Goron sentait une culpabilisation monter en lui plus il y réfléchissait. D'un côté, cela lui avait servi de leçon. Désormais, il allait faire plus attention à la façon dont il profitait d'une fête...
- Excusez-moi, vous auriez pas vu mon p'tit gars ?
Il demanda à de nombreuses personnes où le héros pouvait être. Mais en vain. Il fit le tour de la place environ trois fois avant de reconnaître une voix féminine parmi un groupe de Gerudos qui venait d'arriver.
- Urbosa ? fit-il en reconnaissant son amie prodige.
La suzeraine se tourna vers Daruk et lui sourit, elle ne s'attendait pas à le voir au festival d'Hyrule à une heure aussi matinale.
- Daruk ? Quelle surprise, que fais-tu ici si tôt ? demanda-t-elle.
- Moi-même je saurais pas vous le dire, répondit le Goron, gêné. J'ai peut-être un peu forcé sur les délicieuses boissons des Hyliens...
Cela ne l'étonnait pas du chef goron. Urbosa eut un rire jovial communicatif.
- Dites-moi, vous auriez pas vu Link, par hasard ?
- Eh bien, je viens d'arriver. Nous devons contribuer aux préparations de la représentation de ce soir, le peuple Gerudo est à l'honneur, aujourd'hui. Pourquoi ? Il s'est passé quelque chose ?
- C'est une longue histoire dans laquelle je suis fautif... J'ai peur de l'avoir un peu contrarié...
La suzeraine le prit à l'écart pour parler plus discrètement.
- Daruk, qu'est-ce que tu as fait ?
- Oh. Le p'tit gars m'avait confié ses plus lourds secrets, et je lui avais promis de rien dire à personne... et qu'il pouvait me faire confiance. Je me réveille ce matin et je sais pas où le trouver pour me faire pardonner...
Le voyant mort d'inquiétude à l'idée que Link pouvait potentiellement ne plus vouloir voir le Goron, Urbosa le rassura.
- Écoute, je ne sais pas ce qu'il t'a avoué de si personnel, mais s'il l'a fait, c'est qu'il a confiance en toi, donc...
- Il se sent trahi... pauvre p'tit gars. S'il savait à quel point je suis désolé... s'emporta Daruk.
- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Si Link a confiance en toi, c'est qu'il estime qu'il te connaît assez bien pour te parler de ses secrets. Et crois-moi, un jeune homme comme lui n'est pas du genre à raconter ce qui le tracasse. Donc pour moi, il sait que tu t'en veux et il te pardonnera.
Le prodige baissa les yeux, réfléchissant aux paroles de la Gerudo. Elle n'avait pas totalement tort, mais ce qu'elle ignorait, c'était que Daruk lui avait juré de faire attention. Et ce soir-là, il ne l'avait pas fait.
- Et puis... tout le monde fait des erreurs, l'important c'est d'apprendre d'elles et les comprendre. Ce que tu feras, Daruk. Alors ne t'inquiète pas, termina la suzeraine.
Mais la panique était toujours présente chez le chef goron. Son aspect fort et courageux que l'on pouvait avoir de lui disparut subitement.
- Je suis à Link ce que vous êtes à la Princesse, Urbosa. Est-ce que vous imaginez une seule seconde la perdre ? Si elle vous rejetait ? Ou si elle voulait vous oublier ?
- Non, bien sûr que non mais...
- Je me disais aussi. C'est pareil pour moi. Ce p'tit gars, je l'ai rencontré sur la Montagne de la Mort, je l'ai tout de suite trouvé très doué au combat mais néanmoins très réservé. Pas très bavard. Mais il avait une bonne tête et j'ai décidé que je l'aiderais. J'ai pas envie que tout soit gâché à cause d'une ivresse que j'ai pas contrôlée juste un soir !
Urbosa commençait à le voir désespérer et ne comprenait pas pourquoi il s'était mis dans un état pareil. Elle ne l'avait jamais vu comme ça.
- Enfin Daruk... Tu crois vraiment qu'il t'en voudra toute sa vie ? s'interrogea-t-elle.
- Je vous ai déjà parlé de mon frère Rudo ? demanda Daruk en savant pertinemment qu'il ne lui en avait encore jamais parlé.
La suzeraine attendit la suite qui pouvait peut-être expliquer l'état du Goron.
- Je lui avais fait une promesse à lui aussi, celle de jamais révéler à qui que ce soit sa maladie. Il
voulait pas que ça se sache. Et c'était son choix, je le respecte. Seulement, je l'ai dit à un Goron, un seul ! Le mauvais ! Quelques jours plus tard, le village entier était au courant et Rudo a plus jamais voulu m'adresser la parole jusqu'à ce qu'il soit trop tard et que cette maladie lui soit fatale. Il assumait pas son état et j'étais le seul à qui il pouvait faire confiance...
Tourmentée par cette rapide version de l'histoire, la Gerudo fut attristée pour le Goron qui s'était remémoré de mauvais souvenirs. Sa voix tremblait et il en avait presque la larme à l'oeil. Sans parler de ses profonds soupirs.
- Daruk, je suis sincèrement désolée pour ton frère...
- J'ai affirmé haut et fort dans un bar rempli de monde ce qu'il désirait absolument pas entendre ! Et avec la Princesse, en plus ! Une bien belle sottise ! s'affola le prodige.
Elle posa une main sur l'épaule de son allié afin de bien lui faire comprendre que tout allait bien se passer. Link n'était pas stupide, peut-être allait-il avoir besoin d'un peu de temps, mais jamais il n'allait laisser son meilleur ami ainsi. Pas dans l'état où Urbosa le voyait.
- Je connais Zelda, elle ne le répétera pas. Et aux dernières nouvelles, ils s'entendent bien mieux tous les deux, non ? dit-elle.
- C'est vrai... mais... confirma Daruk.
- Bien. Je suis fier d'eux, je savais qu'ils finiraient par s'entendre.
Le groupe de Gerudos appela Urbosa pour s'occuper du reste des préparatifs.
- Et donc, si tu veux mon avis. Link doit être avec elle, ils rentreront dans la journée, j'imagine. Tu auras l'occasion de lui parler, fit-elle avant de repartir.
- Je... je crois que je vais faire ça.
Malgré tout, le Goron était légèrement moins anxieux grâce à la Gerudo. Il se calma et décida de rester à la citadelle pour la journée comme elle lui avait conseillé. Il tenait beaucoup à Link et il ne méritait pas qu'on lui fasse la même chose qu'à Rudo. Daruk ne l'accepterait jamais.
~~~
Au nom de votre grandeur et de vos exploits passés...
... Et au nom du pouvoir suprême...
... Accordez-moi ce désir sincère...
... De vous prier par la plus grande honnêteté.
- Si je dois me présenter avec la plus grande des honnêtetés, alors je commencerai par ne plus prononcer ces phrases qui résonnent comme un mensonge dans mon esprit. Et à force de répéter la même chose, elles n'ont plus de sens et ne veulent plus rien dire. Je n'ai aucune envie de vous prier aujourd'hui, sauf tout votre respect. Je suis là, devant vous, car on m'y a obligé. Et c'est ce dont je souhaite me débarrasser. Je veux trouver l'envie de venir vous voir, de vous parler, de croire en vous. Je veux prendre plaisir à m'agenouiller dans cette eau pendant des heures, à méditer dans le but d'éveiller un pouvoir que je n'ai encore jamais vu. Est-ce possible d'avoir plaisir à effectuer une telle chose, me direz-vous ? Certainement pas, mais sans réponses de votre part, sans un seul mot, ou signe de votre attention à mes prières. Comment puis-je faire ? Comment puis-je en être sûre ? Suis-je réellement la personne capable de sceller le Mal ?
La statue inerte de la source du Courage ne réagissait évidemment pas aux angoisses de Zelda. Cette sensation de ne parler à personne, elle la connaissait très bien au vu des centaines de fois où la princesse était venue ici et aux autres sources dans sa vie. Mais ce jour-là, c'était la première fois qu'elle s'adressait à la déesse Hylia à voix haute. Malheureusement, sa conversation restait à sens unique. Elle en avait plus qu'assez pour aujourd'hui et cessa donc sa séance de prière qui avait durée presque deux heures.
- Je n'arriverai à rien si cela continue ainsi ! déclara-t-elle en laissant tomber ses avant-bras nus dans l'eau de la source.
Elle était en colère contre Hylia, et contre elle-même. Après de profonds soupirs de désespoir, elle releva la tête et regarda la statue dans les yeux.
- Répondez-moi !
Son cri résonna dans la cavité rocheuse, un écho qui se dispersa jusqu'aux oreilles de Link qui attendait, assis le dos tourné à l'entrée. Étonné d'entendre la princesse clamer ces mots durant une prière normalement plus que silencieuse, il jeta un oeil derrière lui pour voir ce qu'il se passait. Il vit que Zelda faisait demi-tour et sortait de la source. De ce fait, il se releva et l'accueillit.
- Tout va bien ? demanda Link.
Elle eut un air dépité qu'elle ne pouvait cacher à son chevalier servant.
- Désolée de m'être donnée en spectacle de la sorte... ce n'était pas digne d'une princesse, s'excusa Zelda.
- Peut-être voudriez-vous faire un léger détour vers la baie ? Ce n'est pas très loin, et comme nous avons pris de l'avance, il n'est pas très tard donc je...
- Oui. Pourquoi pas, cela ne pourrait que me changer les idées. En route, Link.
La prêtresse passa rapidement devant et se mit en direction de la baie de Martha, une plage très réputée pour son calme et son éloignement du monde.
- Euh... oui, d'accord, fit Link.
Ils marchèrent tout d'abord sans discussions. Link n'osait pas demander ce qu'il s'était passé durant les deux heures passées et Zelda ne voulait pas encore parler de ses problèmes qui la rongeaient. Même si le héros se doutait que quelque chose n'allait pas avec toutes ces sessions de prière qui se terminaient forcément de la même manière... Il n'eut l'occasion qu'une dizaine de fois d'accompagner la princesse jusqu'à la source de la Force ou celle du château. Et bien qu'il voulait respecter le plus possible son intimité durant sa méditation, Link ne pouvait nier le fait qu'elle en ressortait constamment avec un air déprimé.
Leur chemin passait par d'étranges ruines qui attiraient l'attention des élus. La princesse s'était déjà renseignée sur cet endroit de Firone. Il faisait partie de ses lieux préférés grâce à son histoire et ses légendes plus que mystérieuses datant des siècles passés. L'Hylienne en profita pour soudainement mettre fin au silence qui régnait entre elle et Link.
- Ce sont les Ruines Soneau. Tu es déjà passé par ici ? commença-t-elle.
- Je viens très rarement à Firone, expliqua le chevalier.
Elle fut satisfaite de cette réponse, cela allait lui permettre de se replonger dans ces histoires passionnantes en les lui racontant.
- J'ai mené beaucoup d'études au sujet de ces ruines. Autrefois, selon les écrits de la bibliothèque, une ancienne civilisation y résidait. Les Soneau étaient un peuple à l'aspect très sauvage.
- Je n'étais pas au courant de leur existence, répondit Link.
- Potentielle existence ! Rien n'est véritablement sûr, mais c'est la théorie la plus probable que les spécialistes ont fini par adopter.
Toutes ces statues sculptées en forme d'oiseaux, de sangliers et d'autres animaux rendaient l'ambiance très particulière pour le prodige qui avait l'impression d'être espionné de tous les côtés de la forêt. Pourtant, Zelda ne paraissait aucunement dérangée.
- Vous avez beaucoup de connaissances qui me dépassent, Votre Altesse...
- Ne dis pas ça, nous avons juste des savoirs différents, toi et moi. Et puis, si tu passais un peu plus de temps à la bibliothèque, tu cesserais de te plaindre, fit la princesse, égayée.
- Ce n'est pas totalement faux...
Link eut un sourire incommodé. Lire n'était pas son activité préférée, il trouvait cela long, et n'arrivait pas à se concentrer. Des pensées venaient obligatoirement le déranger durant sa lecture, ce qui l'empêchait d'avancer et de prendre plaisir à lire.
Une demi-heure plus tard, la plage était à quelques mètres du duo. En réalité, Link avait décidé de venir ici pour parler à Zelda. Pour enfin lui avouer les évènements de cette fameuse nuit qui commençaient néanmoins à dater de quelques jours. Il savait pertinemment que la vérité expliquerait bien des choses pour la blonde.
- Cet endroit est sublime. La mer de Firone s'étend à perte de vue... fit Zelda.
Tout en continuant leur promenade sur le sable, Link poursuivit la discussion en espérant que la princesse ne lui en voudrait pas de lui avoir caché la vérité.
- Votre Altesse, j'aimerais vous parler... dit le héros.
- Je sais, Link.
- Vous... vous savez ? s'angoissa-t-il.
- Que tu veux que l'on discute de cette nuit-là, oui. Je t'écoute.
Il prit une grande inspiration, le temps de chercher ses mots. Il porta son regard vers le ciel, le moment était venu. Il espérait que cela n'allait pas les mettre en danger pour une quelconque raison. Puis, il débuta enfin des explications claires et précises.
- Je suis sincèrement désolé. Je vous ai menti, vous aviez raison. Je me suis bel et bien battu. Pardonnez-moi...
Zelda ne répondit rien, elle le dévisagea, attendant la suite.
- Voilà... en réalité, c'était Brad. Je me suis battu avec Brad. Je le connais depuis que je suis chevalier, et c'est quelqu'un d'absolument ignoble !
- Link...
- Votre Altesse, vous devez me croire. Je ne compte plus le nombre de chevaliers en formation qu'il a harcelés. Et quand je le regarde... quelque chose en moi développe une aversion considérable, et j'ai une furieuse envie de m'opposer à lui... Mais cette nuit-là, j'ai enfin compris pourquoi. Il n'est pas comme vous et moi, derrière son masque.
- Un masque ? Il avait un masque ?
- Avec deux cornes, oui, continua Link. Nous nous sommes battus pendant quinze minutes intenses, mais lorsque j'ai réellement approché mon épée de son corps, celle-ci s'est mise à briller d'une lumière éblouissante et c'est à ce moment précis que Brad a disparu dans un amas de couleurs noires et rosâtres.
- Alors... Brad serait le voleur de Lambda ? Comment est-ce possible ? Cela ne pouvait être lui, dix ans auparavant...
- Non. Si vous voulez mon avis, Lambda n'est pas seul, Votre Altesse. Et Brad est de son côté.
Tout s'expliquait, voilà qui donnait un sens à ces mots qui résonnaient en elle.
- Je ne vous ai rien dit, car j'ai pris peur lorsqu'il...
- "Ton devoir est de la protéger, et lui dire serait la mettre en danger", il a dit cela, n'est-ce pas ? fit Zelda.
- En effet, et l'éclat de mon épée prouve qu'il est lié au Fléau, je ne sais par quels... Attendez. Com... comment savez-vous ?
- J'ai quelque chose à t'avouer, moi aussi, révéla la blonde.
Elle porta son regard sur sa robe blanche qui traînait dans le sable, puis elle partagea avec Link tout ce qu'elle savait à propos de ses visions. Elle était au courant de ce qui s'était passé, elle ne demandait que confirmation. La princesse avait jugé que le héros était digne de confiance et qu'elle pouvait lui parler de ces étranges rêves qui étaient si importants pour leur avenir. Zelda précisa également la dangerosité de ces visions lorsqu'elles apparaissaient ainsi que leurs effets : comme les crises d'angoisses, ou les hallucinations.
- Enfermés ? Dans une pièce vide ? Vous êtes sûre ? demanda Link.
- C'est la toute première prémonition que j'ai faite, il y a déjà quelques semaines...
- Je ne savais pas que ce genre de choses pouvait être dangereux, s'étonna-t-il.
Tous les deux ressentirent un bien-être incomparable en eux, mentir et cacher la vérité étaient de lourds fardeaux à porter qui s'ajoutaient à leurs problèmes quotidiens. Ils ne doutèrent point que les aveux étaient une bonne décision.
- Si je puis faire quoi que se soit pour vous aider, concernant ces rêves, je suis à votre disposition, assura le héros.
- Je te remercie, Link, c'est très aimable à toi.
Il put, pour la seconde fois, observer ce sourire chaleureux qui était si rare de voir sur les lèvres de la princesse. Le blond en conclut que Zelda ne lui en voulait pas excessivement pour ce secret très mal gardé de sa part.
- Vous aviez dit que vous m'en voudriez toute votre vie si je vous mentais... Mais, dites-moi, vous n'êtes pas trop fâchée ?
- Ta décision était parfaitement légitime, je la comprends. Et encore une fois, Link, ce que je t'ai dit n'était qu'une simple plaisanterie.
Rassuré, son anxiété disparut enfin et il eut un long soupir de soulagement. Il était heureux de la manière dont tout cela s'était déroulé, il ne pouvait pas demander mieux.
- Mais il y a peut-être quand même une chose que nous devons encore mettre au clair, fit Zelda.
Les deux élus s'arrêtèrent de marcher pour porter une grande attention à ce qu'ils s'apprêtaient à se dire.
- À partir de maintenant, nous devrons tout de même essayer de ne pas garder pour nous des informations qu'il serait préférable de partager. Je veux que tu saches que tu peux me faire confiance, Link. C'est promis.
Le chevalier la regarda dans le blanc des yeux et lui fit la même promesse.
- Vous pouvez également me faire confiance, Votre Altesse.
Elle lui sourit, heureuse d'entendre une telle phrase qui avait beaucoup plus d'importance pour elle qu'on ne pouvait l'imaginer. Zelda fit alors demi-tour.
- Bien. En tout cas, c'était une agréable promenade. Il est temps de rentrer au château à présent. Suivez-moi, Héros d'Hyrule, déclara-t-elle.
~~~
Edward courait sans s'arrêter, prenant toujours les jambes à son cou. Il était seul au beau milieu d'une plaine à l'ouest du château d'Hyrule, en plein jour, son précieux accordéon qu'il avait récupéré entre les mains. Tout d'abord, il fallait qu'il se ressaisisse, ce qu'il avait vu lui paraissait irréel. Mais les douleurs qu'on lui avait infligées quelques minutes avant étaient bien véritables. De ce fait, le poète était sûr qu'il ne faisait pas un simple cauchemar. Puis, depuis la tournure qu'avait pris son procès, il avait décidé de ne plus se laisser faire. Assez d'être la victime qui s'était présentée au mauvais endroit et au mauvais moment ! Assez de jouer avec ses sentiments et ses faiblesses ! Le noble voulait mettre un terme à cette cinglante histoire. Il eut de la chance, Edward n'eut visiblement pas besoin d'attendre plus longtemps pour montrer qu'il était prêt à se défendre...
Une traînée noire se dessinait dans le ciel, comme le ferait une flèche explosive. Seulement, ici, c'était quelque chose de beaucoup plus imposant qu'un vulgaire projectile. Cela semblait venir de la maison de laquelle il s'était enfui. Edward prit peur et redoubla d'effort pour accélérer. Mais cette chose qui se déplaçait depuis les cieux le rattrapa et s'écrasa juste devant lui dans un bruit effrayant.
Le jeune musicien se stoppa net et tomba au sol.
- Seize ans et très bien dégourdi, à ce que je vois, fit Brad qui était apparu dans cet aura maléfique.
- Qui êtes-vous, à la fin ?! s'affola l'Hylien.
- Quelqu'un que tu n'aurais jamais voulu rencontrer.
Edward se releva de sa chute et fit face au chevalier qui s'approcha de lui lentement. Il protégea le plus possible son instrument de musique à l'aide de ses bras, mais Brad semblait mépriser ce comportement.
- Ne me dis pas que tu as pris le temps de récupérer... ce truc... le jugea-t-il.
- Je ne vous permets pas de parler ainsi de mon accordéon !
- Navré, je devrais m'excuser auprès de lui, peut-être ?
Brad prit l'objet en question des mains du poète.
- Non ! Par Hylia ! Rendez-le-moi ! ordonna-t-il d'un ton peu autoritaire.
En le regardant dans les yeux, et fier du geste qu'il s'apprêtait à faire, il lâcha inopinément l'accordéon et celui-ci s'abîma légèrement en tombant sur le sol. Et tout cela sous le regard d'Edward, choqué par cet acte qui pourtant n'était pas anodin de la part de Brad.
- Je ne saurais décrire l'effroyable geste que vous venez de commettre, marmonna le poète.
- À présent, tu vas me suivre et...
Brad voulut attraper Edward par l'avant-bras mais celui-ci se recula avant qu'il ne le touche.
- Je ne vous suivrai pas. Plus jamais. Je ne vous aiderai plus à atteindre vos objectifs ignobles, prononça-t-il.
- Tu crois être à la hauteur de mon pouvoir ?
- Non. Mais je ne me laisserai pas faire pour autant, cette fois-ci.
Le chevalier retira le masque qu'il portait et le jeta. Il leva les yeux au ciel et pouffa avant de s'envoler soudainement. Il tourna dans les airs autour de son adversaire. Cela créa une bourrasque de vent. Edward ne lâcha pas du regard la traînée noire qui se déplaçait près de lui. Malgré le fait qu'il n'avait aucune arme, il restait tout de même en position de défense, à l'affut de n'importe quelle offensive de Brad. Du moins, ce fut ce qu'il pensa sur le moment...
À peine avait-il atterri de nouveau qu'il le poussa violemment en arrière. Ce qui eut pour conséquence de faire perdre l'équilibre au poète qui se rattrapa de justesse. Il était stupéfait de la force que son ennemi pouvait posséder. Celle-ci était surhumaine. Monstrueuse. À son tour à présent de passer à l'action. Cela n'était pas dans ses cordes de se battre, lui qui n'était qu'un simple membre de la Cour du roi. Mais il le devait, s'il voulait avoir ne serait-ce qu'une petite chance de s'en sortir. Edward se rua sur Brad dans un cri de détermination et le frappa dans l'abdomen. Le soi-disant touché se pencha en avant et, dans la foulée, porta un coup de poing crocheté sur la joue gauche du poète qui eut terriblement mal à la mâchoire.
- Tu devrais déclarer forfait, à moins que tu veuilles que je t'amoche encore plus ! déclara Brad qui ricanait.
- Cela vous faciliterait la tâche, répondit le noble.
Ce dernier esquiva une autre frappe de son opposant et lança une pierre qu'il venait de ramasser sur son crâne. Cette fois-ci, Brad ne faisait pas semblant, il ne s'y attendait pas à celle-là... La colère monta en lui et ses yeux devinrent rouge vif. Sa main droite se plaça sur le cou d'Edward comme pour l'étrangler et le chevalier corrompu s'éleva dans les airs en gardant le poète sous son emprise. Ce dernier ne pouvait plus crier, ni même respirer. Ils montèrent jusqu'à quarante mètres de haut, et malgré le fait qu'il se débattait, Edward n'arrivait pas à retirer la force qui venait écraser ses voies respiratoires.
Soudain, Brad le lâcha avec un sourire fier et narquois. Et il retomba de plusieurs mètres de haut avant que son adversaire ne vienne le récupérer de justesse en amortissant la chute. Edward roula au sol, incapable de se relever pour le moment.
- Alors ? Tu veux qu'on se refasse un petit tour ? J'ai tout mon temps ! déclara le soldat.
- Brad ! Arrête ça ! s'exclama Alan qui venait de débarquer.
Le concerné se retourna et vit son allié.
- Tu n'as pas le temps de le tuer !
- Il ne tiendra pas plus longtemps avec la torture qu'on va lui infliger, autant le faire tout de suite.
- Ils arrivent, Brad. Suis-moi, tu ne dois pas rester ici. Laisse-le, nous n'avons plus besoin de lui. De toute manière, nous devons fuir maintenant que ces personnes sont mortes. Lambda n'en fait qu'à sa tête. Mais il est temps de s'imposer, nous manquons de temps et son plan est beaucoup trop long. Il faut passer à l'action.
Alan, contre le fait de collaborer avec Brad, tentait de le manipuler afin qu'il se fasse repérer par la garde et qu'enfin, il soit débarrassé de lui. Évidemment, il n'avait rien dit à Lambda qui lui était persuadé que le chevalier pouvait leur être utile. Edward venait tout juste de relever la tête. Fort heureusement, Brad ne le tua pas. Il ne fallait effectivement pas continuer à prendre des risques et il décida de suivre son soi-disant associé en abandonnant le poète sur la plaine. Un objet tapa contre le pied du chevalier : l'accordéon qui était toujours au sol. Sans réfléchir, Brad l'écrasa et reprit sa route.
- NON ! hurla Edward.
Il courut vers l'instrument détruit et examina avec horreur les dégâts. C'était fini, il était de toute évidence inutilisable à présent. Le poète ne trouva pas les mots pour décrire ce qu'il avait devant les yeux. Agenouillé par terre, les restes de l'accordéon entre les mains, Edward sentit une grande tristesse l'envahir. Ses yeux s'écarquillèrent, horrifiés. Une vague de frissons s'empara de lui.
Et les larmes coulèrent... On venait d'éradiquer en quelques instants la raison de vivre du noble. Sa vie semblait détruite, sans plus aucun sens. Cet accordéon, c'était tout pour lui. Les sanglots ne cessèrent guère. Impossible pour lui de reprendre ses esprits. C'était exactement cette situation de désespoir qu'il voulait éviter depuis le début. En prenant la fuite comme il l'avait fait, il pensait s'en sortir indemne avec son précieux objet.
Mais lorsque l'on croisait la route d'un monstre, on ne pouvait être sûr de rien.
Faras ignorait son associée qui ne cessait de lui dire que ce qu'il faisait ne servait plus à rien. Des semaines à étudier cette chose et aucun résultat. Penché sur son bureau du laboratoire royal, il avait le nez plongé dans cette technologie sheikah qui paraissait sans limite. Pru'ha, elle, était assise autour d'une table. Elle tentait de comprendre à quoi pouvait servir les cinq monolithes que les chercheurs avaient trouvés tout autour du château d'Hyrule, en creusant très profond.
- Faras, il vaudrait mieux se concentrer sur ce qui importe le plus et ce sur quoi nous avons déjà avancé, expliqua-t-elle.
- Je vais y arriver ! était persuadé le scientifique.
- Ce... truc n'a plus rien d'intéressant, tu as tout essayé et rien ne s'est produit !
Le sheikah grimaça derrière ses étranges lunettes. Visiblement, quelque chose tourmentait sa coéquipière qui n'agissait jamais ainsi. En effet, la soeur d'Impa avait toujours été très douce, joviale et drôle. Il était facile de savoir lorsqu'elle n'était pas en forme.
- Je te connais moins pessimiste que cela, ma chère Pru'ha.
- J'essaie juste de me focaliser sur l'important, Faras. Contrairement à toi...
Il s'arrêta dans ses activités et se retourna vers la Sheikah qui l'ignora. Elle jeta tout de même un discret regard à sa droite pour voir si Faras l'avait entendue. Celui-ci plissa les yeux en remarquant une étrange expression inhabituelle sur le visage de son amie.
- Quelque chose ne va pas. Raconte-moi avant qu'il ne soit trop tard pour aujourd'hui et que tu regrettes de ne pas avoir pu le faire, fit Faras qui s'assit face à elle.
Elle replaça le col de son long manteau beige puis refusa dans un premier temps de lui parler. Mais il ne bougeait pas de sa place, comme s'il attendait toujours qu'elle lui raconte. Ce qui agaça Pru'ha.
- Je ne suis pas du genre à parler de moi. Ça n'intéresserait personne.
- Arrête-moi cette modestie et dis-moi, insista le jeune chercheur qui referma le carnet de notes de Pru'ha devant ses yeux.
- Non. Laisse-moi travailler, s'il te plaît, refusa-t-elle en reprenant la page sur laquelle elle écrivait.
Faras retira ce qu'il avait sur les yeux, preuve qu'il prêtait une sérieuse attention à Pru'ha. Il lui montra ainsi de fins yeux couleur noisette. Il n'allait pas lâcher l'affaire. Elle posa le crayon avec lequel elle écrivait quelques notes puis dévisagea Faras dans un soupir. Tout bien réfléchi, peut-être que cela ferait du bien à l'aînée de s'ouvrir un peu. La scientifique n'était pas du genre à être facile à convaincre, mais tant pis, elle n'avait rien à perdre.
- C'est juste... que le séjour que j'ai passé à Elimith me tourmente. Mon père est gravement malade et j'ai l'impression... de tout faire de travers, avoua la Sheikah.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
La chercheuse replaça correctement ses lunettes rouges sur son nez. Après de légers balbutiements, Pru'ha se décida de partager la source du problème à son ami. Malgré le fait qu'elle n'aimait pas vraiment être le sujet de discussion.
- Je suis l'aînée de la famille... Toute mon enfance, on me disait toujours, de ce fait, que c'était à moi de montrer l'exemple, d'adopter le bon comportement... Mais aujourd'hui, je m'en veux terriblement d'avoir agi comme je l'ai fait pendant des années.
- Tu aurais voulu être plus présente, c'est ça ?
- Oui... exactement. J'ai privilégié mon travail... beaucoup plus que mon frère et ma soeur ne le pensent, expliqua Pru'ha. Et quand je vois mon père dans cet état, je me dis que peut-être si j'avais été là, j'aurais pu être alertée de sa maladie beaucoup plus tôt et peut-être aurais-je pu éviter tout cela...
Faras fut très compréhensif. Cette situation n'était pas nouvelle, la Sheikah n'était pas la seule à être rongée par des problèmes similaires.
- La culpabilisation est un des pires états dans lequel nous pouvons nous trouver. Ce n'est absolument pas agréable, on peut tous le confirmer. Alors pourquoi n'essaies-tu pas de la chasser de ton esprit ? De passer à autre chose ?
- Plus facile à dire qu'à faire, fit remarquer l'aînée.
- Regarde devant toi, plutôt que de regretter les erreurs de ton passé. Car justement, c'est passé, tu ne peux plus les modifier. Par contre l'avenir, lui...
Le scientifique lui fit un sourire rassurant qu'elle appréciait tant.
- Tu as sûrement raison, mais...
- J'ai toujours raison, tu le sais bien, amusa Faras.
Elle haussa les sourcils pour lui rappeler que cela était faux, et aussi de ne pas trop se jeter des fleurs comme il avait tant l'habitude de le faire, pour faire rire son associée.
- Il n'est jamais trop tard pour changer les choses, expliqua le Sheikah. Et je sais pertinemment que tu détestes rester sans rien faire dans une situation de ce genre. Alors n'abandonne pas !
- Je crains qu'il ne reste seulement quelques semaines à vivre pour mon père. Impa et moi avons, certes, beaucoup de connaissances sur le sujet, mais nous n'aurons jamais le temps de produire le remède, reprit la chercheuse. Il est d'une grande rareté et demande beaucoup de sérieux et de rigueur. Les chances que cela s'arrange sont moindres, et...
- Pru'ha, tant qu'il y a une possibilité...
- Si tu continues cette phrase, Faras, je raconte à tout le monde que tu te sers dans les stocks du labo !
Il rit.
- D'accord, d'accord, dit-il.
Pru'ha esquissa un léger rictus dû aux plaisanteries de son ami qui n'oubliait jamais de placer une petite touche d'humour régulière dans ses discours. De plus, son petit côté excentrique ne pouvait qu'amuser l'aînée, comme cela avait toujours été le cas.
Elle fut convaincue et allait écouter les conseils de Faras. "Un chercheur n'abandonne jamais". Jamais. Pru'ha n'entendait pas cette phrase tous les jours pour rien, il fallait tout mettre en oeuvre pour essayer de sauver son père. C'était décidé, dès son retour au château, elle partirait voir sa soeur et ensemble, elles trouveraient le remède adéquat qui ne semblait pas se vendre sur le marché hylien. Ce qui signifiait qu'il fallait redoubler d'efforts.
- Nous sommes sur notre lieu de travail. Ce qui veut dire que nous devrions nous y remettre ! ajouta la Sheikah qui essayait de retrouver une attitude professionnelle.
- Nous n'étions que de passage pour récupérer la tablette, je te signale. Notre lieu de travail est au château !
- Tu es infatigable, Faras...
Il se retint de lui dire qu'il le savait également. Il posa ses paumes de main à plat sur la table et se leva brusquement de sa chaise pour aller chercher son sac à dos qu'il avait posé non loin de là.
- Et puis, de toute manière, je vais devoir passer quelques minutes chez Nell récupérer des affaires, ajouta-t-il.
La Sheikah releva brusquement la tête vers son interlocuteur qui remettait ses extravagantes lunettes devant ses yeux. Celui-ci la remarqua et la dévisagea.
- Chez qui ? demanda-t-elle.
- Euh... Nell ?
Jamais elle n'avait entendu ce nom. Bientôt cinq ans que les deux chercheurs travaillaient ensemble et Faras n'avait pourtant jamais parlé de cette personne. La soeur d'Impa ne pouvait et ne voulait évidemment pas connaître toute la vie privée du chercheur, mais cela restait tout de même surprenant et elle ne put retenir sa curiosité.
- Qui est-ce ? fit Pru'ha.
- Eh bien, c'est ma... ma...
L'aînée comprit soudainement. Elle eut honte d'avoir posé une question qui avait une réponse si logique et prévisible. Gênée, elle coupa involontairement son associé.
- Oh. Je vois. Désolée, je... n'étais pas au courant que tu...
- J'ai dû oublier de t'en parler.
- Ce n'est pas grave, rassura son amie. Combien de temps est-ce que...
Elle eut l'impression que c'était son inconscient que venait de poser cette question. Comme si elle avait perdu un libre arbitre sur elle-même pendant quelques secondes.
- Trois mois. Pourquoi ? répondit Faras.
Pru'ha se leva de sa chaise avant même de répondre. Elle referma son carnet de notes posé sur la table et l'emporta dans sa poche de manteau. Et après avoir fait tomber son crayon sur le sol qu'elle ramassa rapidement, elle nia sa question.
- Pour rien. Je... je vais t'attendre dehors. Ramène la tablette sheikah que la princesse a déposée sur le bureau, et nous reprendrons la route. Nous continuerons l'étude des monolithes sur le site.
De toute évidence, Pru'ha avait l'air préoccupée. Faras ne comprit guère ce comportement. Regrettait-elle d'avoir parlé avec lui de son problème ? Ou peut-être avait-il dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? En la voyant mal à l'aise, il l'interpella une dernière fois avant qu'elle ne sorte du laboratoire.
- Dis, si jamais tu as besoin de parler une nouvelle fois, n'hésite pas !
Elle acquiesça et partit précipitamment à l'extérieur.
- Il est vingt heures ! On n'est pas pressés, à ce que je sache ! dit-il. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
La porte claqua sans que Faras n'obtienne la moindre réponse. Finalement, il s'empara de la tablette sheikah qu'il plaça dans son sac. Il fit de même avec toutes ses autres affaires avant de sortir lui aussi du laboratoire, inoccupé à cette heure-ci de la journée.
~~~
- Nous voilà rentrés ! s'exclama Zelda accompagnée de Link.
Les deux élus revenaient de la source du Courage. Ils arrivèrent au crépuscule à la citadelle, et le deuxième jour du festival était déjà bien avancé. Les Gerudos étant mises à l'honneur, celles-ci étaient beaucoup plus présentes ce soir-là.
- Nous devons retrouver Maëlle et Daniel, pour leur raconter ce que tu as vu, continua-t-elle.
- Vous... vous en êtes sûre ? Cela risque de leur faire un choc...
- Ce sont ses parents, Link. Ils ont le droit de savoir la vérité, malgré le fait qu'elle ne soit pas très réjouissante.
Les parents étaient effectivement présents, dans un petit restaurant hylien caché derrière un groupe de Zoras tenant en main de grands drapeaux à l'effigie de leur peuple. Le couple était assis à une table pour deux personnes et ne se regardait pas. Daniel pensait que cette soirée au festival allait lui permettre de se faire pardonner par Maëlle qui n'avait toujours pas tourné la page.
- Allons... tu n'as tout de même pas accepté de venir ici pour continuer à me faire la tête, fit le père, tentant de se racheter.
Sa femme lui jeta un regard furtif qui laissait voir la colère qu'elle ressentait. Elle croisa les bras, fâchée, et s'appuya sur le dossier de sa chaise.
- Tu n'aurais jamais dû entendre ça... fit son mari.
- Excuse-moi de ne pas être sourde, Daniel ! répliqua subitement Maëlle.
Il jeta un oeil autour de lui pour observer si on les avait entendus. Visiblement, non. Mais l'homme ne désirait pas partager à tout le monde cette querelle qui le fatiguait déjà beaucoup depuis quelques jours.
- Ma chérie... Nous ne sommes pas venus ici pour prolonger la dispute...
- Eh bien rentre seul à Tabanta, tu as un village à gérer, non ? Cela nous fera du bien à tous les deux ! lâcha la châtaine en plaquant ses mains sur la table.
Son mari soupira longuement, il trouvait qu'elle avait des mots assez durs. Elle souffrait tout comme lui, ce n'était point la peine de se faire du mal l'un envers l'autre en plus. Daniel prit le risque de prendre la main de Maëlle.
- Je suis désolé, d'accord ? s'excusa-t-il une énième fois.
Elle retira sa main de la sienne.
- Maëlle, je suis désolé...
Ses excuses ne changeaient rien à la situation. Celles-ci ne servaient strictement à rien face à la dure fermeté dont faisait preuve sa femme.
- Des jours que tu ne m'adresses plus la parole. Je ne sais plus quoi faire, désespéra Daniel.
- Comment as-tu pu dire une telle chose ? Comment peux-tu croire que notre fils est mort ?
Beaucoup de raisons étaient valables selon lui, comme le fait que Brad n'avait montré aucun signe de vie depuis des années. Il n'avait pas de preuves concrètes, mais après autant de temps à chercher en vain, Daniel se rendait à l'évidence.
- J'émettais une simple hypothèse... expliqua-t-il.
- Ne me mens pas, Daniel ! Surtout pas après tout ce qu'il s'est passé !
- Écoute, je n'en peux plus là... Je sature... Tout comme toi. Oublions ça et pensons à autre chose rien que pour ce soir.
- Tu crois que je ne vois pas clair dans ton jeu... répliqua Maëlle après un soufflement du nez.
- Quel jeu ? Je souhaite simplement que l'on aille mieux. Je t'assure.
Maëlle décida de scruter les yeux de son compagnon. Car elle seule pouvait y décrypter ses émotions, et elle en était fière. En effet, cela lui permettait de savoir ce qu'il ressentait. Et en prêtant attention à ses iris, elle y vit de toute évidence de la tristesse, des regrets, mais surtout de la fatigue. Presque que de la fatigue morale. Il était tout aussi épuisé qu'elle. Elle le savait bien, mais le fait de le voir sur le moment l'aida à se calmer un peu.
- Je ne peux pas penser à autre chose, répondit l'Hylienne. Je ne pourrai pas être tranquille tant que je ne saurai pas.
- Je sais bien, mais...
- Non, Daniel. J'ai fait semblant pendant quatre ans, je ne peux plus ignorer, dorénavant, expliqua Maëlle. Je sais qu'il n'est pas mort, je le sens. Alors nous devons continuer les recherches !
- Une pause... rien qu'une pause, ma chérie... la supplia son mari. À quand remonte la dernière fois où nous avons réellement pris du temps rien que pour nous ?
Elle ne pouvait pas non plus nier ce fait. Il avait raison, Maëlle baissa le regard. Et, malgré le fait qu'elle en voulait à son époux, finit quand même - bien que cela lui était difficile - par lui prendre la main dans laquelle elle entremêla ses doigts avec les siens. La châtaine n'arrivait pas à croire qu'elle allait finalement lui pardonner.
- Par Hylia... soupira-t-elle.
- Je n'étais pas au mieux de ma forme, continua son mari. Tu es la première à savoir que je peux dire beaucoup de bêtises quand...
- Ne me fais plus jamais un coup pareil, tu entends ? dit-elle.
Daniel acquiesça d'un hochement de tête. Ils se fixèrent dans le blanc des yeux, mutuellement. Ils n'avaient plus besoin de mots pour comprendre les sentiments de l'autre. Tous deux espéraient remonter cette longue pente abrupte, ensemble.
- Allez, courage Link ! fit une voix qui s'approchait petit à petit du couple. Si tu n'oses pas, je le ferai à ta place, de toute manière !
Le couple se tourna vers les deux élus qui avançaient doucement vers leur table. Link n'était absolument pas à l'aise avec ce qu'il s'apprêtait à faire tandis que Zelda était persuadée que c'était la meilleure décision à prendre. Elle se força donc, elle et le héros, à parler aux parents de Brad. Ne comprenant pas pourquoi les deux jeunes Hyliens se tenaient devant eux, un soir de festival, Maëlle et Daniel haussèrent les sourcils.
- Bonsoir, je... commença difficilement Link.
Non, il ne pouvait pas faire une telle chose. Ils ne pouvaient pas leur dire la vérité sur leur fils. Comment s'y prendre pour dire à des parents que leur enfant est animé par une force maléfique ? La princesse qui se tenait à ses côtés insistait, et le couple face à lui se demandait ce qu'il voulait bien leur dire... Le blond n'avait pas d'autres choix.
- C'est au sujet de Brad.
Maëlle eut un mouvement de recul et plaça ses deux mains contre elle par réflexe, tellement le choc était fort. Daniel, lui, était tout aussi tourmenté mais gardait cependant une certaine raison lui permettant de ne pas se réjouir trop vite. Car étant donné l'expression de Link, il ne venait pas annoncer des bonnes nouvelles. Mais qu'importe ! Il fallait savoir.
- Je vous préviens. Cela risque de vous heurter grandement, fit le héros qui ne voulait pas qu'ils se fassent de fausses idées.
- Nous voulons tout sauf rester ignorants, déclara le père de famille.
Link porta un dernier regard vers Zelda avant d'entamer les explications de cette dure réalité.
~~~
- Alors comme ça nous n'attendons même plus Lambda ? fit Brad à Alan qui marchait devant lui.
Les deux hommes se trouvaient sur le pont de Jahd, en direction du sud, au désert Gerudo. Près du lieu de l'Échange, là où tout devait se dérouler. C'était ce que le chevalier semblait croire en suivant son "allié".
- La nuit ne va pas tarder, nous devons au moins rejoindre la forêt de Dalite si nous voulons être là-bas à temps, répondit Alan.
- Réponds à ma question, insista le brun.
Un silence naquit entre eux. Ce qui attira forcément l'attention de Brad qui était loin d'être un idiot. Il se doutait que quelque chose n'était pas normal. Tout était si soudain, et si incohérent. De ce fait, il rattrapa Alan qui dût s'arrêter.
- On ne va pas là-bas, n'est-ce pas ? comprit Brad.
Ne savant plus quoi faire pour lui mentir, le porteur du masque de Majora resta là à le regarder. Puis, il reprit sa route mais en plaçant une main contre son avant-bras gauche pour vérifier s'il possédait toujours son arme dissimulée. Ce n'était plus qu'une simple question de quelques minutes avant que Brad ne se rende compte du mensonge.
- Retire ton masque, que je vois ce que tu manigances ! ordonna le chevalier.
- On n'a pas le temps pour ces conneries, contente-toi d'avancer.
Alan cessa d'entendre les pas de Brad derrière lui. Il serra les dents à l'idée qu'il ne voulait plus le suivre. Car il savait que si c'était le cas, le moment était venu pour lui de passer à l'action.
- Ne m'oblige pas à m'énerver ! déclara le soldat. Enlève ce masque de ton visage, je ne le répéterai pas.
Soudain, Alan sortit une dague de sa manche avec une rapidité extrême. Puis, il tenta de blesser le chevalier qui esquiva son coup. Les deux hommes échangèrent de place et adoptèrent une position défensive.
- Tu ne peux pas continuer avec nous, fit Alan, sa lame pointée sur son adversaire.
- Je me demandais quand est-ce que tu te révolterais ! Tu en as mis du temps !
Brad fit un pas en avant.
- N'approche pas ! déclara Alan.
- On dirait que tu as peur de moi, je me trompe ?
- Tu es une menace que je dois impérativement éliminer si nous voulons la récupérer !
Comme d'habitude, l'Hylien pouffa et se moqua ouvertement de l'attitude de son ancien coéquipier. Son ignorance et son imprudence allaient le conduire à sa perte, il en était certain. Il se disait toujours que la peur menait à faire des choses stupides, il en avait le parfait exemple devant lui.
- Ne me dis pas que c'est avec ça que tu comptes me tuer ? Ne sois pas stupide, je t'en prie.
Alan resserra son emprise sur son arme.
- Cette dague est faite de gemmes nox, elle est en contact direct avec les âmes défuntes et repousse les mauvais esprits ! Autrement dit, ce que tu as en toi ! dit-il.
- Des années que je me traîne cette chose, Alan. Des années ! Je sais la gérer. Mais tu vois aujourd'hui, avec ton comportement, je me demande si j'en ai simplement l'envie...
Brad passa brusquement dans le dos du masqué en lui volant son arme. Il l'attrapa par les bras, lui retira son masque de sa tête et plaça la dague sous sa gorge. Alan ne pouvait plus bouger, il sentit la fine arrête tranchante de l'objet lui caresser la peau, juste au niveau de son cou. D'une manière très prétentieuse, le chevalier lui chuchota quelques mots à l'oreille.
- Mon corps est invincible, Alan. Il se régénère et guérit automatiquement toutes les blessures. Ça a de bons côtés d'avoir une part de Ganon en soi, tu sais, pérora-t-il.
L'homme aux yeux verts grimaça.
- Qu'importe la situation dans laquelle tu te trouves, la vie restera toujours indifférente, injuste et cruelle. Et c'est quelque chose qui me plaît particulièrement. Comment cet idiot de Lambda a-t-il pu croire que j'allais l'aider alors qu'à côté de ça, je peux posséder toute une armée entière ?
- Alors tu retourneras ta veste le moment venu, c'est ce que tu me dis, c'est ça ? se doutait Alan.
- Elle est déjà retournée. Depuis très longtemps. Et tout ce qui vient s'opposer à moi, je l'élimine.
Le chevalier faisait pression sur la gorge d'Alan qui prit son courage à deux mains et le frappa à la tête à l'aide de la sienne. Insuffisant pour reprendre l'avantage, mais il put tout de même se libérer et s'éloigner de lui rapidement.
- J'ai vu clair dans ton jeu depuis le début, affirma l'homme.
- Et regarde où cela t'a mené, Alan, ricana Brad. À ta mort !
Brad se rua à l'aide de cette même aura rosâtre jusqu'à la poitrine d'Alan à une vitesse incomparable. L'Hylien traversa le corps du voleur qui fut littéralement projeté en arrière et son crâne heurta brusquement le pont sur lequel ils se tenaient. C'était comme si on lui avait puisé la totalité de sa force, il ne pouvait même plus ouvrir les yeux. Alan s'évanouit. Le Mal avait pénétré son coeur pendant quelques instants. Une sensation qu'il ne souhaitait à personne de ressentir. Il sentit comme une terrible oppression l'emprisonner sans laisser aucune échappatoire. Une rancoeur si forte qu'il fut rongé par de noires pensées jusqu'à ce qu'il perde connaissance.
Le soldat corrompu profita de cette situation pour jeter le corps inconscient d'Alan dans le fleuve qui coulait sous ses pieds. Celui-ci se ferait emporter par le courant et Brad n'aurait plus de problèmes à se faire avec celui qui ne s'était pas fait avoir par son double jeu. Il ramassa également la dague et le masque de Majora qu'il jeta aussi à l'eau. Cela avait beau être un objet de collection unique, il n'en avait rien à faire.
- Je le trouverai et le tuerai moi-même... pensa-t-il en portant un dernier regard morbide en contrebas.
Il adopta une posture droite afin de se préparer à disparaître dans les airs lorsqu'il sentit des démangeaisons dans ses poumons, à sa grande surprise. Ses mains se mirent à trembloter involontairement et Brad fut atteint d'une forte toux incessante durant quinze longues secondes. Une fois celle-ci terminée, il n'y prêta pas plus attention. Il partit trouver et attendre le bon moment pour frapper. Pour éliminer son plus grand adversaire qu'il l'avait fait fuir lors de leur dernier affrontement.
~~~
Cette révélation laissa le couple bouche bée, incapable de réagir. Ils ne voulaient pas y croire, c'était beaucoup trop dur à accepter. Malheureusement, c'était la triste vérité et Link en était éperdument désolé tout comme Zelda. Tout sauf être ignorant ; Daniel avait obtenu ce qu'il voulait... À présent, les élus attendaient une réaction de leur part qui mit un certain temps à arriver. Maëlle avait les larmes aux yeux, ce qui était tout à fait compréhensible. Et Daniel, lui, ne savait plus où poser le regard, perdu. La mère se leva de sa place et s'en alla sans même dire un mot d'un pas précipité, avant de se mettre à pleurer.
- Comment est-ce arrivé ? demanda courageusement Daniel.
- Nous... ne savons rien d'autre, répondit Link.
L'originaire d'Hébra ne cessait de bouger sa tête de droite à gauche, il refusait de penser que son fils était devenu un monstre comme le héros lui avait décrit. Toutes ces années d'absence, pour au final réapparaître sous cette forme.
- Il doit bien y avoir un moyen de le guérir, non ? Vous êtes le chevalier purificateur, votre lame, elle absorbe le mal et le repousse, n'est-ce pas ?
- Bien sûr, seulement tout cela semble être à l'intérieur de lui, expliqua Link. L'épée doit être en contact direct avec la corruption et donc...
Daniel vit très bien à quoi le capitaine faisait allusion. Mais il n'était pas encore prêt à l'entendre.
- Il... il faut que j'y aille, je... Pardonnez Maëlle... c'est très dur pour nous et...
Daniel sentit soudainement l'émotion l'envahir. Il en perdit ses mots et ses yeux devinrent humides, à lui aussi. Zelda s'approcha du père de famille et posa une main sur son épaule afin de le rassurer.
- Link et moi comprenons votre souffrance et sommes de tout coeur avec vous. Si vous avez besoin de quoi que se soit, nous serons là, assura la princesse.
- Je... merci.
L'Hylien s'en alla rejoindre sa femme, en espérant toujours se réveiller de ce cauchemar. Zelda le regarda partir, puis se tourna vers Link qui passa une main derrière sa nuque, confus.
- Je t'assure que nous avons bien fait, fit-elle.
- Leur situation m'attriste grandement, Votre Altesse. Je n'ai pas l'impression de les avoir aidés, expliqua le prodige.
- Tu crois que cela ne m'atteint pas, moi aussi ? Link, ce sont ses parents. Je ne connais pas Brad, c'est peut-être une personne exécrable, mais cela ne justifie pas le fait qu'ils n'aient pas le droit de savoir. Maintenant qu'ils sont au courant, ils pourront aller de l'avant même si cela prendra un certain temps. Tu comprends ?
Malgré la volonté de persuasion de la princesse, le héros doutait encore légèrement du fait de l'état dans lequel les parents de son rival avaient terminé. Bien entendu, il ne faisait que rapporter des faits concrets qu'il ne pouvait guère modifier. Mais cette situation rendit Link mal à l'aise. La fille du roi le rassura.
- Ne te rejette pas la faute, tu n'y es pour rien.
Plus tard dans la soirée, aux alentours de 21 heures, Zelda fut interpellée par un homme qui semblait préoccupé. L'ambiance festive ne l'atteignait pas du tout. Il poussait les personnes sur son passage afin de se frayer un chemin jusqu'aux douves du château, là où il allait pouvoir être au calme. Car il n'était pas d'humeur à faire la fête.
La princesse reconnut le poète qui avait très mauvaise mine et fut surprise de voir ce qu'il tenait en main. Elle lui avait promis de lui ramener son accordéon dans l'état dans lequel il avait toujours été... Et ce n'était point une simple manière d'obtenir des quelconques informations au sujet de Lambda, elle voulait vraiment tenir sa promesse. Mais il était trop tard. De plus, Edward ne pensait pas au fait qu'il pouvait se faire repérer et renvoyer dans les cachots par un garde. Par chance, il put rejoindre l'endroit qu'il voulait atteindre : un simple banc isolé de la place au bord des douves, adossé à un mur de pierre.
- Excuse-moi quelques minutes, fit Zelda à Link qu'elle laissa seul.
- Où allez-vous ? demanda le héros.
- Je m'absente un instant. Essaie de ne pas trop te perdre, tout seul ! plaisanta la princesse afin d'éviter d'attirer l'attention de Link.
En effet, l'Hylienne ne pouvait pas l'ignorer. Le jeune Sheikah avait fait beaucoup de mal aux élus, mais la blonde eut tout de même de la peine pour lui. Mais elle ne se pensait pas naïve ou trop empathique pour autant. Car Zelda ne désirait pas lui pardonner entièrement en allant lui parler, mais seulement le rassurer un minimum en montrant un peu de tolérance envers lui et ses actes. Car il n'avait pas fait toutes ces choses véritablement de son plein gré. Le simple fait d'entendre la musique du festival était devenue une torture pour lui. Car il était, d'habitude, la source de cette musique. Cela lui rappelait de très beaux souvenirs, mais d'un autre côté, il voyait cette vie qu'il vivait jusque-là derrière lui, comme si plus jamais il n'allait pouvoir retrouver ce sentiment de bonheur. Et bien naturellement, après le déni, vint la colère.
- Non... marmonna Edward, une main sur le front.
Il posa les restes de son accordéon sur le banc et commença à s'énerver. Pourquoi lui ? Pourquoi méritait-il tout cela ? Qu'avait-il fait de mal dans sa vie banale de noble pour avoir croisé la route de ces personnes malfaisantes ? Sans réfléchir, il se mit à enchaîner une suite de coups violents sur le mur à proximité afin d'évacuer toute cette fureur qui l'envahissait.
- NON ! cria-t-il.
Son hurlement passa inaperçu, couvert par les rires et les bavardages lointains. Edward posa son front contre la pierre inerte et froide puis ferma les yeux qui laissèrent une nouvelle fois s'écouler quelques larmes de colère, cette fois-ci. La souffrance du poète était si forte que Zelda crut la ressentir en le voyant dans cet état, lorsqu'elle arriva.
Cette dernière s'assit discrètement sur le banc, les yeux rivés sur le pauvre jeune homme qui ne l'avait pas encore remarqué. La princesse ne savait pas par où commencer, ni comment réagir. Confuse, elle serra les poings, cherchant désespérément à dire un mot. Même si cela n'allait pas pouvoir changer le cours des choses, Edward avait besoin d'aide.
- Je comprends ta réaction... Tu y tenais beaucoup et...
Soudainement, le poète se tourna vers elle, surpris de la voir. Son coeur palpita fortement sous sa poitrine. Un véritable choc de voir celle dont il s'était épris à côté de lui.
- Que faites-vous ici, avec un sot comme moi ? Je ne suis plus rien, à présent. Plus rien. Ne perdez pas votre temps, Votre Altesse. Je vous en conjure... fit Edward qui séchait ses pleurs.
- J'aimerais te dire quelque chose, insista Zelda. Viens t'asseoir.
- Je vais être renvoyé dans les geôles, nul besoin de me prévenir, j'irai là-bas par moi-même.
- Je comptais faire en sorte que tu y échappes, justement. Mais si tel est ton souhait...
Edward pensait que la princesse était venue pour lui dire de retourner dans sa cellule pour l'attente d'un autre procès. Mais visiblement, il se trompait. Dans l'incompréhension, il récupéra son accordéon et à son tour, il s'assit sur le banc, à côté de Zelda.
- Je ne suis pas là pour empirer la situation, Edward. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais je tenais à m'excuser.
- Vous... excuser ? Ce serait plutôt à moi de m'excuser, personne ne saurait décrire le déshonneur dont j'ai fait preuve. Tout bien réfléchi, je ne suis pas moins indigne que Sire Link...
La princesse savait qu'elle n'allait pas réussir à sortir le Sheikah de cette impasse dans laquelle il était pris au piège. Il ne trouvait plus de sens à sa vie, comme si toute joie avait disparu de sa réalité.
- Tu aurais dû en parler, Edward, au lieu de suivre les ordres de cet individu.
- Je n'ai fait que les mauvais choix qui se proposaient à moi...
- Écoute, fit Zelda. Je ne suis pas là pour te pardonner, mais je ne veux guère te condamner plus longtemps. Je pense que tu es intelligent et qu'il est temps que tu te reprennes. C'est pour cela que je t'accorde une seconde chance.
Le poète la regarda avec étonnement. Maintenant, voilà qu'on lui proposait une opportunité. Chose à laquelle il ne croyait plus du tout depuis le passage de Brad.
- Votre Altesse, je...
- Il n'y aura plus de procès, ni de sanctions pour toi, Edward. De plus, j'essaie de toujours garder mes promesses, alors ne t'inquiète pas pour ton accordéon. Je ne pourrai pas t'assurer que tu retrouveras exactement le même, mais celui que tu recevras sera en bon état, assura l'Hylienne.
Le noble en eut des frissons. Cela s'apparentait à un véritable miracle, Zelda faisait preuve d'une telle gentillesse qu'il se demanda s'il devait accepter un tel cadeau de la part de la fille du roi en personne. Ces instruments n'étaient plus très nombreux dans le royaume alors de ce fait, ils étaient très chers. Tellement que cela était un grand luxe d'en posséder un. Et Edward, même étant noble, ne pouvait plus s'offrir un tel objet. Il fut très touché du geste de la princesse.
- Merci infiniment... vraiment. Je vous suis d'une telle reconnaissance que...
- Mais il va falloir que tu me prouves que j'ai eu raison de te faire éviter tout cela, prévint la blonde.
- Ils n'ont plus aucun moyen de pression sur moi. Je doute qu'ils s'en prennent à un homme qu'ils penseront encore désespéré. Alors je vous promets que vous n'entendrez plus jamais parler de moi.
- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire...
Elle ne termina pas sa phrase, car elle était beaucoup trop perturbée par la façon dont le poète la dévisageait. Elle se souvint du jour du bal où Revali lui avait fait remarquer. Zelda se sentit très gênée.
- Par pitié, ne me regarde pas avec ces yeux. Tu me mets très mal à l'aise...
- Toutes mes excuses... je suis sincèrement désolé, je...
Edward se leva.
- Je ferais mieux de rentrer, dit-il.
- Link n'aurait pas eu le même discours que moi, Edward. Il t'en veut encore beaucoup, alors essaie de ne pas trop le provoquer comme tu as déjà pu le faire.
- Il ne me reverra plus jamais.
- Je ne te demande pas de disparaître, voyons ! Il faut juste un peu de temps pour que les choses se calment et que ta vie redevienne comme elle l'était, expliqua Zelda.
- J'ai besoin d'une pause, de m'isoler quelques temps et laisser cette histoire derrière moi. Cela sera mieux pour tout le monde.
La princesse avait fait le point avec le poète qui ne pouvait pas réparer ses erreurs, mais qui allait éviter d'en faire de nouvelles. Sa présence suffisait à l'apaiser, Zelda ne pensait pas autant changer l'état d'Edward. Celui-ci ne voulut pas prendre plus de temps à l'Hylienne.
- Au revoir, Votre Altesse. Ce fut un honneur de parler avec vous.
- Edward, je...
Le Sheikah était déjà reparti. Décidé à ne plus réapparaître avant quelques jours. Zelda repensa à tout ce qu'il avait fait, mais ne regretta pas son choix de le laisser sans punitions supplémentaires. Elle était persuadée qu'il ne lui fallait qu'un peu de temps.
Elle n'était pas trop empathique, c'était seulement du bon sens, une simple volonté de venir en aide à quelqu'un. Elle se le répéta dans son esprit pour se convaincre que ce n'était point une erreur.
~~~
Vers les alentours de 22h30, Zelda était allée voir son père et avait décidé de rester dans ses appartements. Tandis que Link s'accorda une pause et put rentrer chez lui, à quelques rues du festival. Des jours qu'il n'était pas rentré. Il posa son épée sur la table, ce qui, par ailleurs, lui rappela de mauvais souvenirs. Car la dernière fois qu'il avait effectué cette action, il était tombé en sanglots juste après...
Bref, il pensa à autre chose, comme au fait de se mettre à ranger le désordre qui dominait la maison, ou de cuisiner un bon plat. Lorsqu'il voulut s'asseoir, il ressentit une terrible douleur dans son dos et grimaça suite à cette sensation désagréable. Ce qui lui paraissait plus étrange était que celle-ci venait juste d'apparaître. Il n'y avait rien eu à signaler durant la journée.
Link tenta de repérer l'endroit qui lui faisait mal en passant difficilement son bras derrière lui. Il eut un gémissement de douleur et se redressa brusquement lorsqu'il toucha la zone en question. Ne comprenant pas ce qui avait pu causer cela, le héros se dirigea en vitesse vers un miroir. Il retira sa tunique de prodige et sentit le tissu glisser péniblement sur sa peau brûlante et endolorie de par ce qui semblait être une blessure. Une fois son dos à l'air libre, il se retourna pour que celui-ci se retrouve face au miroir.
Il tourna le plus possible sa tête pour observer le reflet. Il y vit une imposante brûlure qui parcourait la totalité de son dos en diagonale, de son épaule droite jusqu'à sa hanche. Surpris d'une telle découverte, Link n'en revenait pas. Qu'est-ce qui avait bien pu causer une telle chose ? Et sans qu'il ne le remarque jusqu'à ce moment précis ? Maintenant qu'il avait conscience de l'existence de cette marque, il avait l'impression de ne sentir plus qu'elle.
- Qu'est-ce que... marmonna-t-il, complètement tourmenté.
Le héros resta immobile, il cherchait à quel moment cela avait pu arriver. Mais on frappa à la porte. Link se pressa de se rhabiller et se dirigea vers sa porte d'entrée. Lorsqu'il voulut attraper la poignée, il reconnut la voix de son ami.
- P'tit gars ? T'es là ?
Link prit quelques secondes pour réfléchir à s'il accordait ou non à Daruk d'entrer. Sa main resta sans mouvements au-dessus de la poignée ; et finalement, il céda. C'était plus fort que lui, il ne pouvait pas ignorer son plus grand ami malgré tout. Le héros ouvrit la porte et se présenta avec un regard indifférent au Goron.
- Ah... je t'ai enfin trouvé, p'tit gars... fit Daruk, mal à l'aise.
Link, fidèle à lui-même, resta silencieux. Ce qui eut pour conséquence d'installer une certaine tension entre les deux habitants du royaume. Le raclement de gorge du chef qui succéda ne pouvait qu'être la manifestation de son mal-être.
- Je... je peux entrer ? demanda-t-il, timidement.
Link se recula afin de le laisser passer. Daruk pénétra au bout de sa troisième tentative de passer le palier de la porte beaucoup trop petit pour sa carrure.
- Je te dérange pas longtemps, je passais juste m'excuser pour la dernière fois, dit-il.
- Tu ne me dérange pas, Daruk. J'étais à peine rentré.
Le Goron observa une expression d'une neutralité impressionnante sur le visage du héros. Ce qui semblait signifier qu'il ne désirait pas discuter.
- Écoute, Link... commença de ce fait Daruk.
- Tu n'étais pas dans ton état normal, je suis bien au courant. Je suis conscient que tu n'aurais pas dit ça si tu avais été sobre, répondit Link dans la foulée, pour clore cette conversation le plus vite possible.
- Justement... à propos de sobriété... c'est de ça aussi que je voulais m'excuser, tu vois. Je me suis encore laissé aller et à cause de moi, j'ai mis la princesse au courant pour...
- Ne te fais pas de soucis avec Son Altesse, je lui fais confiance, ce n'est pas à cause d'elle que je t'en veux, c'était pour toutes ces personnes autour de nous, Daruk...
Le prodige le savait pertinemment, il s'en voulait toujours autant terriblement.
- Pardonne-moi, p'tit gars...
Link hocha négativement la tête. Pas qu'il n'acceptait pas les excuses du Goron, mais à cause de sa frustration qui grandissait en lui.
- Je ne devrais même pas réagir ainsi, expliqua-t-il. Pas après autant de temps. Cela me rappelle que je n'ai toujours pas tourné la page. Je crois qu'en fin de compte, je m'en veux plutôt à moi-même.
Daruk comprit l'état d'esprit du héros. Lui qui s'en voulait tellement se rendit compte que Link lui-même également était la raison pour laquelle ce dernier était parti si vite de ce bar. C'était bien plus qu'une sensation de trahison à laquelle il désirait échapper ce soir-là, c'était plutôt à cause d'un mélange de frustration et de tristesse profonde qui durait depuis beaucoup trop longtemps.
- Tu sais, je pourrais comprendre que tu ne veuilles plus trop me dire toutes ces choses après ça... fit son ami Goron. Mais le conseil que j'aurais à te donner, c'est d'arrêter de tout garder en toi. Ça fait que te freiner !
L'Hylien gardait le regard baissé ainsi qu'une main contre son front ; témoignant de sa fatigue physique et psychologique.
- Dis-moi, j'ai une question, continua Daruk. Tu as vraiment confiance en la princesse ?
Le chevalier ne prit que très peu de temps pour réfléchir à cette question. Il était clair que depuis leur retour, les deux élus avaient grandement gagné en complicité mutuelle. Sans même se l'avoir dit directement, ils savaient à présent qu'ils pouvaient se parler sans jugement de la part de l'autre.
- Je... oui, enfin je pense.
- Dans ce cas, ce que je peux te dire, c'est qu'il faut pas que tu aies honte de tes problèmes. Si tu continues à t'ouvrir à elle, peut-être qu'un jour, elle finira par avoir une place égale à la mienne à tes yeux.
Daruk sentit que ses mots qu'il venait de prononcer ne lui ressemblaient pas. Il s'en amusa légèrement.
- Oh bah ça alors... On aurait cru entendre Revali... dit-il.
- Son portrait craché, en toute humilité, répondit Link, un faible rictus aux lèvres.
- Ce que je veux dire, c'est que je comprends que tu veuilles pas en parler, je respecte ton choix. Mais essaie de voir ce qui pourrait t'aider le plus, tout de même...
Cette option, Link ne l'avait encore jamais envisagée. Il n'avait pas pour habitude de se livrer aussi facilement. Sa façon d'être discrète, modeste et silencieuse ne l'aidait pas à prendre cette décision.
- Allez... je te laisse... finit Daruk. Encore désolé, p'tit gars. S'il y a bien quelqu'un qui doit décider si tu acceptes de parler ouvertement de tout ça, c'est bien toi...
Celui-ci posa soudainement une main dans le dos du capitaine. Chose que le concerné n'avait pas vu venir. Il se prépara à la douleur que cet acte allait engendrer du fait de sa brûlure en fermant les yeux et en serrant les dents. Mais il fut d'autant plus surpris lorsqu'il ne sentit que l'immense paume de main du prodige se poser quelques secondes contre sa colonne vertébrale.
Il n'avait strictement rien ressenti de douloureux. Link attendit que le Goron s'en aille. Puis, précipitamment, il retourna une seconde fois examiner son dos. Dos qui, de par une raison qui lui était obscure, ne présentait plus aucune blessure particulière.
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Azur". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.