La légende du phénix bleu

Chapitre 21 : Souvenirs ravivés   

Une heure était passée depuis la séparation de Link, Epon et Iria avec Gray. Avec leurs destriers respectifs, les trois premiers avaient traversé la plaine, ainsi que la forêt de Firone. Ils franchirent à présent le pont séparant cette dernière région de Latouane, et suivirent un sentier parmi les arbres environnants. La luminosité du lieu était faible à cause de la progressive tombée de la nuit. Mais cela ne rendait pas pour autant ces bois sinistres. En tout cas, pas encore. Epon, qui mettait les pieds dans cette région pour la première fois de sa vie, contemplait le paysage. Tout semblait si calme et paisible dans cette partie d'Hyrule. Encore plus qu'à Firone. La jeune hybride ne ressentait aucune présence maléfique dans les parages. Les seules créatures vivantes qu'on pouvait voir, si on excluait les trois amis, étaient quelques oiseaux perchés sur les branches en train de chanter, et des écureuils qui couraient rapidement sur le sol avant de grimper sur les troncs d'arbres, probablement à la recherche de nourriture.

Finalement, les trois jeunes gens arrivèrent devant une maison bien particulière, construite en hauteur dans un arbre. Un peu comme une grande cabane.

"C'est ici qu'habite Link," expliqua Iria à la demi-Zora, tandis que Link venait de descendre de sa jument avant de lui tendre la main pour l'aider à en faire de même.
La bleue, étonnée, observa la demeure du héros d'Hyrule. Elle n'imaginait pas du tout la maison de Link ainsi. En vérité, c'était bien la première fois de sa vie qu'elle voyait une demeure avec une telle architecture. Mais d'un autre côté, Epon trouvait cela...
"Trop cool..." fit-elle en descendant de son cheval à son tour pour s'approcher de l'arbre, afin d'admirer de plus près l'habitation.
Cette réaction fit légèrement rigoler Link :
"Je te trouve bien facilement impressionnable, Epon.
- Ce n'est pas souvent que je vois un truc pareil, en même temps ! se justifia la concernée en se tournant vers lui et Iria.
- Dans ce cas, je suis curieux de voir ta réaction lorsque tu verras le reste du village. Allez viens, c'est par ici." lui proposa-t-il alors qu'il s'avançait en direction de Toal, suivi par Epona et Iria.

Epon, tout en tenant les rênes de sa jument Hydrie, se mit à marcher juste derrière eux. Toal n'était pas le village le plus vaste, ni le plus animé d'Hyrule. Mais le côté rustique et campagnard des maisons, les champs de potirons qu'on y trouvait, la petite rivière qui traversait le village en faisant tourner un moulin à eau à proximité, l'odeur et les bruits de la nature... Tout cela donnait un certain charme à cette localité plutôt reculée.

"C'est vraiment différent du Domaine Zora, mais j'aime beaucoup !" complimenta la princesse aux cheveux bleus, ce qui fit sourire Link et Iria qui étaient heureux de voir que leur lieu de vie lui plaisait.
C'est alors que trois enfants, l'air joyeux, coururent en direction du trio.
"Link et Iria sont revenus !" s'exclama un petit garçon qui était suivi pas un autre plus jeune que lui, et par une jeune fille qui semblait légèrement plus grande et plus âgée.
Link et Iria reconnurent alors Fénir, Balder et Anaïs. Fénir avait littéralement bondi sur le blond pour lui sauter dans les bras. Link le rattrapa en manquant de tomber en arrière.
"Je suis content de vous revoir aussi, mais doucement quand-même !" dit Link.

Epon ne s'attendait pas vraiment à un accueil aussi mouvementé, mais voir ces enfants aussi heureux de revoir deux de leurs amis la faisait sourire. Ils étaient surexcités et se mettaient à parler tous en même temps à Link et à Iria pour leur demander comment s'était déroulé leur voyage. Cependant, au bout d'un moment, ils remarquèrent la présence de la demi-Zora.

"Qui est cette jeune fille ? C'est une nouvelle amie à vous ?" demanda Anaïs, intriguée, tout comme les deux autres garçons. Link fit alors les présentations et tous furent surpris en apprenant le statut de princesse zora d'Epon.
"La Princesse des Zoras ?!" firent vivement les trois enfants qui n'en revenaient pas.

Leurs exclamations attirèrent l'attention de bon nombre de villageois sur eux. Ces derniers se rapprochèrent alors, à la fois heureux de revoir Link et Iria, et étonnés d'avoir la visite d'une princesse dans leur village. Parmi tous ces gens se trouvaient les parents de Balder, Fénir et Anaïs, mais aussi un quatrième enfant aux cheveux courts blonds qui tenait un bébé dans ses bras. C'était Colin, avec sa petite soeur Liné qui avait tout juste cinq mois. Tous accueillirent chaleureusement le trio fraîchement arrivé. Néanmoins, Iria remarqua rapidement qu'il manquait certaines personnes.

"Où est mon père ? demanda-t-elle aux villageois. Et Ute ?"
Mais la plupart des Toaliens affichèrent un air triste devant cette question, ce qui surprit la jeune fille mais aussi Link et Epon. Colin s'approcha alors du trio et leur expliqua :
"Monsieur Bohdan est tombé malade il y a quelques jours. Il est actuellement alité. Quant à ma mère, elle est avec lui. Elle veille sur lui en ce moment."

En entendant cela, Iria se mit à courir en direction de sa maison, très inquiète. Link et Epon la suivirent. Ils ne mirent que quelques secondes pour atteindre la chambre où était allongé son père. Ute, la mère de Colin et de Liné, était assise sur une chaise à côté de lui. Sa surprise fut grande en voyant les trois amis débarquer ainsi dans la pièce.

"Link ? Iria ?"
Iria se précipita alors près de son père. Ce dernier avait une serviette humide posée sur son front et semblait dormir.
"Papa... murmura-t-elle, attristée de le voir dans un tel état.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Link à Ute. Il est tombé malade brusquement comme ça ?
- C'était il y a deux jours, expliqua la mère de famille. Bohdan aidait à la récolte de potirons et tout à coup, il s'est évanoui. Il a eu une soudaine poussée de fièvre et est devenu très faible. Nous avons fait appel à un docteur qui lui a prescrit un traitement. Mais je n'ai pas l'impression que ce soit efficace. Sa fièvre n'a pas l'air de baisser.
- Bon sang..." grogna Iria, frustrée.

Elle n'aurait pas dû laisser son père ! Si elle avait su, elle serait restée à Toal avec lui au lieu de partir avec Link. Celui-ci avait serré ses poings. Lui qui voulait s'entretenir avec le chef du village au sujet du fléau qui menaçait Hyrule, il ne pouvait rien lui raconter tant qu'il était alité comme cela. Quant à Epon, elle qui pensait que son séjour à Toal lui permettrait d'oublier un peu les mésaventures de ces derniers jours, elle se rendit compte que c'était loin d'être le cas.

"Je ressens une étrange énergie en cet homme, avoua-t-elle toutefois aux autres.
- Comment ça ? lui demanda Link.
- Je ne sais pas trop comment la décrire, mais j'ai l'impression qu'il renferme en lui une énergie qui ne lui appartient pas. Et je me demande si ce n'est pas à cause d'elle s'il est dans cet état.
- Tu veux dire... comme une sorte de malédiction ? demanda Iria en la regardant. Ça voudrait dire que nos ennemis auraient...
- C'est une possibilité, coupa Epon, les yeux rivés sur le père de la jeune Toalienne. Mais rien n'est sûr. Tout ça n'est qu'une hypothèse."

Iria observait toujours l'hybride, puis se tourna vers Link, avant de finalement regarder son père. Elle posa sa main sur le front de celui-ci d'un air attristé, pendant qu'Ute tentait de la réconforter en lui disant que Bohdan était un homme fort et qu'il allait finir par guérir de cette maladie.

Pendant ce temps, alors que l'obscurité nocturne envahissait de plus en plus les cieux du royaume, Gray venait de pénétrer à l'intérieur d'Orkidië. Il s'était séparé de Rutella et de son escorte quelques minutes plus tôt. D'ailleurs, la reine des Zoras lui avait offert une besace contenant divers fruits et quelques brochettes de poisson. Cette nourriture était à la base destinée à Epon, mais Rutella estimait que Gray en avait plus besoin qu'elle en cet instant. En y repensant, le jeune homme vêtu de noir afficha un léger sourire.

"On dirait ma mère," pensa-t-il alors qu'il avançait à travers les ruines de son village pour se diriger vers sa maison. Comme il s'y attendait, les quelques pièges qu'il avait posés autour de sa demeure avec l'aide d'Epon avaient attrapé quelques bokoblins qui étaient passés dans les parages, probablement pour piller son habitat. Certains d'entre eux se retrouvaient suspendus la tête en bas, pendant que d'autres étaient carrément transpercés par des piques acérées. Dans les deux cas, ils étaient morts. Mais ce qui surprit l'homme en noir, c'était cette silhouette qui se trouvait debout devant sa maison, le regard rivé sur cette dernière. D'abord méfiant, Gray fit apparaître un sabre dans sa main en fronçant les sourcils. Il s'approcha à pas lent en restant sur ses gardes. Mais au fur et à mesure qu'il avançait, il parvenait à distinguer les traits de cet individu, notamment cette longue chevelure dorée flottant au gré du vent qui lui paraissait plus que familière.

"Gabriel ?" s'étonna alors Gray en baissant son arme.
À l'entente de cette voix et de son nom, le blond se retourna et adressa un tendre sourire à son ami.
"Bonsoir mon ange. Je ne m'attendais pas à te croiser ici ce soir.
- À vrai dire, moi non plus. Mais je suis content de te revoir !" lui répliqua l'élu de Din en lui rendant son sourire.

Il était à la fois heureux et soulagé de voir Gabriel bien portant, chose qui était réciproque pour ce dernier. Suite à leurs retrouvailles, le plus jeune des deux invita le plus âgé chez lui. Plusieurs dizaines de minutes passèrent pendant lesquelles ils s'installèrent. Gray, aidé par son ami, avait allumé la cheminée ainsi que plusieurs lanternes afin d'éclairer l'intérieur de la demeure. Ils étaient à présent tous deux assis autour de la table, en train de déguster ensemble le repas que Rutella avait offert à l'argenté.

"Ces brochettes sont vraiment délicieuses ! complimenta Gabriel qui semblait se régaler. Les Zoras sont de véritables cordons bleus !
- Je suis d'accord ! acquiesça Gray. Epon a beaucoup de chance.
- En parlant d'elle, comment va-t-elle ? Et Link et Iria ?"

Gray lui exposa ce qu'ils avaient vécu lorsqu'ils étaient à Cocorico. Il ne lui raconta pas qu'il avait échappé de justesse à la mort pour ne pas l'inquiéter, mais expliqua qu'ils avaient réussi à protéger les habitants de ce village, ainsi que les Gorons de leurs ennemis.

"C'est vraiment une bonne nouvelle, répliqua le blond. Mais je suppose que la lutte est loin d'être terminée, pas vrai ?
- C'est le cas. En plus, certains de nos alliés ont pris cher à cause de toute cette histoire. Mais ce qui m'inquiète le plus..."
Gray avait bloqué dans sa phrase et détourné le regard en fronçant les sourcils.
"Gray ? l'appela alors Gabriel. Tout va bien ?
- T'inquiète, ça va. C'est juste que... ce fameux phénix bleu chez Epon... J'ai un mauvais pressentiment à ce sujet.
- Tu penses que cette mystérieuse créature en elle pourrait la mettre en danger ?
- C'est déjà le cas, étant donné que Gilgamesh et ses acolytes veulent la capturer ou la tuer pour ça. Mais je fais surtout allusion au fait que ce phénix lui-même pourrait nuire à la santé d'Epon.
- De quelle manière ? demanda Gabriel, intrigué par cette histoire qui semblait le dépasser un peu.
- C'est ce que je vais tenter de découvrir. Après le jour du massacre de notre village, j'ai pu sauver pas mal de livres parlant de toutes sortes de légendes hyruliennes. C'est en partie grâce à ces livres qui j'ai pu comprendre l'histoire sur la marque divine que je porte. Peut-être qu'en fouillant un peu dans ces bouquins, je pourrais en savoir plus sur ce phénix bleu et comprendre pourquoi Gilgamesh le convoite tant."

Gabriel ne répondit rien et observa son cadet. Gray avait pas mal changé durant toutes ces années. Son ange, comme il l'appelait, était plutôt réservé, voire timide lorsqu'il était enfant. Mais aujourd'hui, il découvre devant lui un Gray qui avait grandi, mûri, et qui était à présent habité par une grande détermination. Néanmoins, une chose n'avait pas changé chez l'argenté à ses yeux : son côté protecteur envers son entourage. Et cela se voyait beaucoup avec Epon.

"Si tu as pris le risque de revenir ici seul dans ce but, c'est que tu dois tenir énormément à cette petite princesse. Je me trompe ?" demanda le plus âgé avec un sourire un tantinet malicieux.
Gray, qui sentait clairement un sous-entendu derrière cette phrase, afficha un air blasé.
"Ce n'est pas du tout ce que tu crois, Gaby."
Cette réaction de sa part fit rigoler le blond qui se calma néanmoins rapidement, avant de regarder en direction de la cheminée avec un doux sourire aux lèvres.
"Personnellement, elle me rappelle Lyon, confia-t-il à Gray. Sa joie de vivre... son courage... sa combativité... sa sensibilité... J'ai vraiment l'impression de voir une version féminine de ton petit frère."

L'homme en noir observa Gabriel d'un air abasourdi. Ce que venait de dire son aîné, c'était exactement ce qu'il pensait dans le fond. C'était comme si le blond avait lu dans ses pensées. Il ne s'y attendait tellement pas qu'il ne savait pas quoi répondre face à cela. Il se contenta alors de détourner silencieusement son regard de lui. Gabriel, lui, n'avait pas lâché des yeux la cheminée. Mais selon lui, le silence de Gray en disait long sur la vérité.

"Tu penses la même chose, n'est-ce pas ? demanda-t-il alors au plus jeune. Tu revois Lyon en cette jeune fille. Ça expliquerait ton attachement et ton côté protecteur envers elle.
- C'est... hum... plus complexe que ça, en fait," admit alors l'argenté tandis que de légères rougeurs lui montèrent aux joues, à l'étonnement de Gabriel.
"Il s'est passé pas mal de choses après ce jour funeste qu'à connu Orkidië, continua l'élu de Din. Et... "

Il bloqua à nouveau dans sa phrase. Il regarda alors timidement Gabriel qui était dans un premier temps surpris par une telle attitude de sa part. Mais le blond connaissait son ange très bien. Il sentait qu'il avait envie de se confier, mais l'argenté semblait très gêné de le faire. Il fallait croire que Gray n'avait pas complètement perdu sa timidité malgré toutes ces années écoulées. Gabriel approcha alors sa chaise de celle de son cadet, et posa ses mains sur les épaules de ce dernier avec un sourire rassurant et bienveillant.

"Mon ange, tu n'as pas à te sentir embarrassé. Tu peux tout me dire, tu sais ?
- C'est plus facile à dire qu'à faire. Mais vu que j'ai pu en parler avec Rutella, je pense que je peux en parler avec toi aussi. Par contre, tu risques de me prendre pour un fou après ça...
- Crois-moi Gray, après tout ce que j'ai pu vivre depuis notre séparation, tu ne peux pas être plus fou que moi, je peux te le garantir !" admit Gabriel alors que son sourire s'était élargi.
L'argenté le regarda d'un air étonné, avant de finalement se détendre et de sourire à nouveau à son tour :
"Un fou qui se confie à un autre fou... Voilà un bien drôle de tableau !
- Plus on est fous plus on rit, comme on dit ! plaisanta le blond.
- Euh... je ne suis pas sûr que cette expression soit appropriée à la situation.
- Ça, je le sais bien ! Mais vu qu'on parle de fous..."

Gray ne put s'empêcher de rigoler intérieurement devant une telle réplique. Il était content de voir que Gabriel n'avait pas perdu son sens de l'humour plutôt singulier, mais néanmoins drôle. Finalement, l'homme en noir accepta de se confier à son ami d'enfance. Celui-ci fut tout d'abord surpris par ce que le plus jeune lui racontait, mais plus l'élu de Din avançait dans son récit, plus le blond en devenait attendri. Ce dernier ne s'était pas attendu à une telle histoire de la part de son ange, mais il trouvait cela adorable et comprenait de mieux en mieux ses motivations.

Il commençait à se faire tard. Il était temps pour les deux jeunes hommes de se rafraîchir avant d'aller dormir. Gabriel fut le premier à pénétrer dans la chambre. Vêtu d'une robe de chambre rouge bordeaux qu'il avait empruntée à Gray, le blond observa la pièce avec nostalgie. Étant donné qu'il s'agissait de sa demeure et de celle de son défunt père avant de devenir le refuge de son ami après le massacre d'Orkidië, revenir ici après toutes ses années lui faisait un pincement au coeur. Il s'avança alors doucement à travers la chambre, jusqu'à la commode sur laquelle était posée la photo que Gray gardait précieusement là. Celle où il était assis sur les genoux de sa mère lorsqu'il était encore un enfant. Un triste sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme.

"Tu nous manques, Nicole... pensa-t-il. Toi, Lyon, mon père, nos amis... Vous nous manquez tous.
- Gaby ?"
Le blond se retourna et vit que Gray venait d'entrer dans la chambre, uniquement vêtu d'un bermuda gris. Ce fut à cet instant que Gabriel remarqua le bandage recouvrant sa blessure au niveau de son torse.
"Gray..."
Le plus jeune, en voyant l'inquiétude du blond, lui adressa un léger sourire pour le rassurer :
"Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas une blessure grave. Elle ne me fait même plus mal maintenant, bien que ça picote encore un peu."

L'air grave, le plus grand se rapprocha de l'argenté et posa délicatement une main par-dessus le bandage. Il ferma les yeux tout en demeurant silencieux pendant plusieurs secondes, à l'étonnement du plus jeune. Mais Gabriel finit par rouvrir les yeux.

"Tu devrais faire plus attention, mon ange, lui conseilla-t-il.
- Tss ! Tu peux parler, toi !" fit Gray alors que son sourire s'était agrandi et qu'il avait légèrement écarté de sa main la chevelure dorée de son ami, révélant une vilaine bosse à droite de son front. L'expression sérieuse de Gabriel se transforma alors en un sourire un peu gêné.
"C'est... juste un accident, expliqua-t-il. Je me suis cogné la tête contre une porte ce matin à la citadelle.
- Je ne te savais pas aussi maladroit ! plaisanta le plus jeune pour le taquiner un peu.
- Ce sont des choses qui arrivent, tu sais ?"

Les deux amis se mirent à se taquiner et à rigoler pendant encore plusieurs dizaines de minutes, avant de finalement aller dormir. Gray s'était endormi rapidement. Mais Gabriel, à côté de lui, n'arrivait pas à fermer l'oeil. Il avait le regard rivé vers le plafond de la chambre, l'air maussade. De temps en temps, il contemplait l'argenté. Le blond sourit alors. Malgré toute cette histoire, ce qu'il avait vécu et ses inquiétudes, l'élu de Din parvenait à dormir paisiblement.
Ou presque.

Un moment arriva où l'argenté commençait à s'agiter dans son sommeil. Il se retourna dans le lit et semblait trembler comme s'il avait froid. Pensant que c'était réellement le cas, Gabriel s'apprêtait à le couvrir plus qu'il ne l'était déjà avec les draps. Mais il remarqua que quelque chose brillait au niveau de l'épaule droite de son protégé. C'était sa marque divine de Din qui luisait. L'homme à la longue chevelure dorée comprit rapidement : Son ange n'avait pas froid. Il était en train de vivre un cauchemar à cause de cette marque.

"Gray..." murmura Gabriel en se rapprochant du plus jeune pour le prendre dans ses bras et le blottir contre lui pour tenter de l'apaiser.
"Je suis là, mon ange..." lui dit-il en espérant que Gray l'entendrait et que de telles paroles, ainsi que sa présence le rassureraient.

La nuit était à présent bien entamée. À Toal, les habitants s'étaient réunis pour partager le dîner ensemble avec Link, Iria et Epon. Durant ce repas, Epon s'était présentée plus en détails, sans pour autant mentionner sa marque divine ou le phénix bleu en elle, tandis que Link et Iria avaient expliqué que le royaume était menacé une nouvelle fois. Néanmoins, ils les rassurèrent en leur disant qu'avec l'aide de la princesse Zelda, de la Résistance, des soldats et de tous les autres alliés qu'ils avaient notamment à Cocorico et au Domaine Zora, ils mettaient tout en oeuvre pour arrêter cette menace. Mais malgré cela, la peur pouvait se lire sur le visage de certains, et particulièrement chez les enfants qui craignaient le pire. Il fallait dire que l'état du chef du village n'arrangeait pas les choses. Ce fut sur cette ambiance d'angoisse que tous repartirent en direction de leurs maisons. Iria était retournée chez elle auprès de Bohdan afin de veiller sur lui.

Chez Link, Epon, vêtue d'un pyjama blanc et rouge que lui avait prêté Iria pour passer la nuit, était allongée sur un lit que Link avait installé pour elle, non loin du sien. Elle observait le plafond de la modeste mais paisible demeure du héros d'Hyrule, qui était juste éclairée par une bougie trônant sur une table à proximité. La jeune hybride n'arrivait pas à trouver le sommeil. Elle s'inquiétait pour Iria et pour son père... Elle se demandait ce que faisait Gray et s'il allait bien... Elle voulait savoir si sa mère et son escorte étaient bien arrivées au Domaine Zora... Mais elle s'inquiétait également pour Link. Elle s'était légèrement redressée pour regarder en direction de celui-ci, qui était assis sur son lit, le dos collé au mur derrière lui, contemplant le ciel nocturne par la lucarne à sa gauche. Le blond observa alors la princesse et lui adressa un sourire bienveillant :

"Tu ne dors pas ?
- J'aimerais bien, lui répondit la bleue qui s'assit à son tour sur sa couchette. Mais il s'est passé tellement de choses aujourd'hui...
- Je te comprends. Comment ne pas être inquiet par rapport à tout ce qui se passe en ce moment..."

Un petit instant de silence s'ensuivit. Link avait détourné son regard entre-temps en serrant ses poings. Il ne le montrait pas, mais Epon parvenait à déceler une certaine inquiétude mêlée à de la frustration dans ses yeux. La demi-Zora se leva alors de son lit pour aller s'asseoir à côté du blond vêtu d'une chemise et d'un pantalon bleu ciel, qui affichait un air surpris en la regardant faire. L'hybride se tourna ensuite vers lui en souriant légèrement.

"Tu t'inquiètes pour la princesse du Crépuscule, n'est-ce pas ?"
Devant une telle question, le concerné resta sans rien dire pendant quelques instants, avant de finalement tourner son regard vers le plafond et de répondre :
"C'est le cas, en effet. Le fait de ne pas savoir si elle va bien ou non me rend fou.
- Ça se voit, répliqua Epon en regardant dans la même direction que lui. Et ça se comprend. Après tout ce que ces enfoirés de Gilgamesh et d'Envy nous ont raconté, il y a de quoi se faire du souci pour ce royaume du Crépuscule. Et aussi pour celui d'Hyrule d'ailleurs."

Un silence s'ensuivit. Link observait de nouveau le ciel sombre par la fenêtre. Le firmament obscur était couvert par quelques nuages menaçants, mais cela n'empêchait pas de voir la lueur de certaines étoiles. La demi-Zora regarda son homologue masculin de nouveau et décida de briser ce silence :

"Vous deviez être très proches, cette princesse et toi, pour que tu t'inquiètes à ce point pour elle."
Cette phrase fit sourire le blond :
"Midona et moi-même avons voyagé et combattu divers ennemis ensemble pour sauver ce royaume et le sien. On ne peut pas dire qu'on s'entendait spécialement bien au début, mais petit à petit, on a fini par beaucoup s'apprécier. Malheureusement, après avoir accompli notre quête et afin de préserver Hyrule et le Crépuscule, elle a brisé le miroir des ombres lorsqu'elle est retournée dans son monde.
- Mais maintenant, ce miroir et le passage qui relie les deux mondes ont été restaurés. Tu as une chance de la revoir.
- J'espère juste qu'elle va bien en cet instant, et qu'elle ira bien au moment où on la retrouvera," souhaita Link en regardant l'hybride aux cheveux bleus.

Celle-ci lui rendit son sourire. Mais c'était un sourire un peu triste. Sachant que Link avait déjà perdu le yéti et Matornia il y a quelques temps maintenant, elle avait peur qu'il perde aussi Midona. Le héros d'Hyrule ne s'en remettrait probablement pas si cela arrivait. Epon posa alors sa main sur le dessus de la tête du jeune homme et ébouriffa légèrement la chevelure blonde de celui-ci, qui était un peu abasourdi par un tel geste.

"Je sais que ce que je vais te dire va sonner complètement bateau et exagérément optimiste mais... On sauvera Midona ainsi que le royaume du Crépuscule. Tu peux compter sur moi pour t'aider à botter le cul de nos ennemis pour ça."
En voyait la mine complètement ahurie de Link devant de telles paroles, l'élue de Nayru ôta sa main de ses cheveux et le regardait à présent d'un air à la fois sérieux et déterminé.
"Link. Tu m'as aidée et sauvée à plusieurs reprises, continua-t-elle. Et même après avoir découvert ce que j'étais, tu continues à le faire, et tu es même venu me réconforter lorsque j'allais mal. Par rapport à tout cela, je te dois beaucoup. Depuis qu'on a quitté la Montagne de la Mort, je sens en toi cette inquiétude vis-à-vis de Midona et du royaume du Crépuscule. Alors le moins que je puisse faire, c'est de te rassurer et de t'aider à les sauver."

Le plus âgé fut extrêmement touché par de telles paroles, qu'il ne trouvait pas du tout bateau ou trop optimistes contrairement à ce que la plus jeune pensait. Il était rassuré de savoir qu'il pouvait compter sur elle pour affronter leurs ennemis et sauver ceux à qui ils tenaient. Il était aussi admiratif devant le courage et la détermination de la princesse aux cheveux bleus.

"Tu as failli me faire verser quelques larmes, Epon," plaisanta-t-il en souriant tendrement.
La jeune fille ne put s'empêcher de rigoler légèrement devant une telle réplique :
"Au moins, j'ai réussi à te rendre moins inquiet que tu ne l'étais tout à l'heure.
- C'est vrai. Tu es plutôt douée pour réconforter les gens. Et j'apprécie. Vraiment, merci. Pour ça, et pour l'aide que tu m'as apportée. Je suis content de t'avoir à mes côtés."

Le sourire du blond s'était agrandi lorsqu'il avait prononcé ces mots, alors qu'Epon se félicitait intérieurement d'avoir pu remonter le moral du héros d'Hyrule de cette façon. Les deux amis passèrent encore une partie de la soirée à discuter. Link raconta à Epon les différentes péripéties qu'il avait vécues il y a six mois en compagnie de Midona. Ses transformations en loup, les différents lieux qu'ils avaient visités, les terribles monstres qu'ils avaient dû affronter... Rien qu'en lui racontant toute cette aventure, le jeune héros avait l'impression de revivre cette dernière. Et la bleue était à la fois émerveillée et envieuse face à un tel récit. Mais finalement, la fatigue avait fini par gagner la princesse des Zoras qui s'était endormie, la tête posée sur l'épaule du blond. Celui-ci afficha un léger sourire en remarquant cela, tout en tournant une dernière fois son regard en direction de la lucarne. Il priait de tout coeur les déesses pour que toute cette histoire ne se termine pas en tragédie. Mais épuisé aussi bien physiquement que psychologiquement, il ne lui fallut pas plus que quelques minutes pour s'endormir à son tour, la tête posée par dessus celle de l'hybride.

Chapitre 22 : Ancienne légende   

Le royaume du Crépuscule était habituellement sombre et lugubre. Les ombres éternelles qui y régnaient donnaient un aspect effrayant à ceux qui étaient étrangers à ces terres. Mais depuis l'attaque qu'avaient subie la princesse Midona et son peuple, ce lieu semblait encore plus sinistre qu'avant. Dans la salle du trône du palais de ce royaume, Alvaro était assis sur le siège royal, un sourire narquois scotché à ses lèvres. Il contemplait avec fascination le cristal d'ombre qu'il avait dérobé à la souveraine de ce monde. Il réfléchissait à la manière de contrôler un tel artefact sans que les pouvoirs de celui-ci ne le consument. Mais tandis qu'il était perdu dans ses pensées, il remarqua une présence dans la salle en levant les yeux. Gilgamesh marchait lentement en sa direction.

"Je constate que tu t'amuses bien, Alvaro.
- Je ne pensais pas que tu serais revenu aussi vite, mon cher. Qu'en est-il du petit phénix et de ses petits amis ? Sont-ils toujours en vie ?"

Devant ce ton un tantinet trop moqueur au goût du faucheur, celui-ci fronça des sourcils. Il trouvait qu'Alvaro se donnait de trop grands airs depuis qu'il avait posé les pieds dans ce royaume des ombres, et mis Midona hors d'état de nuire.

"Le petit phénix comme tu l'appelles est toujours en vie, répondit-il. Toi par contre, tu risques de ne plus l'être si tu continues de te comporter comme tu le fais.
- Oh ? s'étonna faussement le violet dont le sourire s'était agrandi. Tu me tuerais, mon cher Gilgamesh ? Malgré que nous soyons alliés ? Ce serait vraiment du gâchis ! Surtout que c'est grâce à moi si nous avons pu entrer dans ce royaume. J'ai quand même réussi à reconstituer le miroir des ombres que cette charmante Midona avait pris soin de...
- Si tu as réussi à reconstituer ce miroir, le coupa l'élu de Lato, et si tu es parvenu à maîtriser cette princesse, c'est uniquement grâce aux pouvoirs que je t'ai généreusement offerts, Alvaro. Si tu ne les avais pas, Midona t'aurait probablement tué. Alors évite d'attraper la grosse tête et contente-toi de rester à ta place. Ton zèle et ton arrogance pourraient faire échouer ce que je planifie depuis bien trop longtemps, maintenant.
- Tu n'es vraiment pas quelqu'un de marrant. Tu le sais, ça ?" rigola Alvaro en se levant tout de même du trône pour s'approcher de Gilgamesh.
Il remit ensuite le cristal d'ombre à ce dernier lui demandant :
"En parlant de tes plans, tu es vraiment sûr que ça va marcher ? Déjà que la farouche Epon semble bien décidée à te mettre des bâtons dans les roues, rien ne nous garantira que ce que tu prévois de faire avec elle et son phénix bleu fonctionnera."

L'homme encapuchonné ne répliqua pas. Il gardait son air grave et avait même serré ses poings. Bien qu'il savait ce qu'il faisait et qu'il était plutôt confiant, il ne pouvait pas nier qu'Alvaro avait raison. Mais même s'il y avait des chances que ses projets échouent, il en avait déjà trop fait pour reculer maintenant. Et puis, il voulait réellement réaliser ses plans.
Il devait le faire. Pour elle.

Pendant ce temps, dans ce qui ressemblait aux cachots de ce même palais, Midona se réveilla en sursaut. Haletante, elle respira un bon coup en reprenant petit à petit ses esprits. Elle se remémora ce qui s'était passé avant qu'elle ne perde connaissance. Elle se souvenait de son face-à-face avec Alvaro, puis plus rien. Le flou total. Tout à coup, elle grimaça en se tenant le front. De soudains maux de tête la firent souffrir pendant quelques secondes.

"Bon sang... pensa la princesse des ombres. Il faut que j'arrête cet homme et vite..."

Elle observa ensuite autour d'elle, découvrant peu à peu le lieu dans lequel elle se trouvait ainsi que la position dans laquelle elle était. Plusieurs chaînes la ligotaient au niveau de ses poignets et de ses chevilles. La jeune femme tenta de se débattre pour les briser, en vain. Elle voulut alors se servir de ses pouvoirs pour briser ces liens qui la retenaient. Mais à sa grande et désagréable surprise, elle ne le pouvait pas. Une étrange et puissante énergie semblait émaner de ces chaînes. C'était probablement à cause d'elle si Midona ne pouvait pas utiliser ses capacités pour se libérer. Elle était donc coincée ici, dans les geôles de son propre palais et ne pouvant rien faire pour le moment.

"Tch ! La prétention de ce type me rend presque malade..."

C'est alors qu'elle entendit des bruits de pas lents, ainsi qu'une voix féminine chanter avec une certaine lassitude:

"La lumière fait place aux ombres...
Nos coeurs sont de plus en plus sombres...
La princesse de ce monde est en cage...
Elle ne peut plus déchaîner sa rage..."

Midona haussa un sourcil d'un air surpris, alors que ses yeux étaient rivés sur Leviah qui passait devant sa cellule. La blonde n'accorda même pas un regard à la princesse du Crépuscule. C'était comme si elle ne la voyait pas.

"Hey ! Toi là ! l'interpella la souveraine. Qui es-tu et que fais-tu ici ? Es-tu de mèche avec l'autre imbécile aux cheveux violets ?"

Mais tout ce qu'elle avait obtenu comme réponse de la part de Leviah était un second couplet aux paroles tordues :

"Le phénix bleu va mourir,
Le héros d'Hyrule va périr,
La volonté des déesses sera exaucée,
Le destin des deux royaumes est scellé."

Midona ne comprenait rien à ce que cette fille racontait, ni même pourquoi elle se comportait ainsi. Mais une phrase avait attiré l'attention de la princesse : Le héros d'Hyrule va périr. Parlait-elle de Link ?

"Tu n'as pas intérêt à faire de mal à Link, espèce de garce !"
Malgré cette menace, Leviah ne répondit pas et ne regarda même pas la Twili. Elle continuait juste de marcher sans vraiment savoir où aller.
"Hey ! Je te parle ! insista Midona en réussissant à se relever malgré les chaînes. Toi et l'idiot qui m'a emmené ici, laissez Link tranquille, tu m'entends ?!"

Hélas, la blonde venait de disparaître du champ de vision de la princesse, qui poussa un grognement tant elle était frustrée et agacée. Link, et probablement le royaume d'Hyrule étaient sans doute une nouvelle fois en danger, et la souveraine twili était impuissante pour l'instant. Elle devait trouver un moyen de s'évader de cet endroit et regagner le royaume de lumière au plus vite.

Loin de ce lieu, au royaume d'Hyrule justement, les rayons du soleil levant traversaient les vitres de la fenêtre de la chambre dans laquelle dormaient Gray et Gabriel, éclairant celle-ci d'une douce lumière. Le plus âgé des deux fut le premier à ouvrir les yeux. Ayant eu du mal à trouver le sommeil dans un premier temps, il avait finalement passé une bonne nuit paisible. Il observa alors la chevelure argentée de Gray sous son menton. Gabriel avait blotti son ange contre lui, et l'avait entouré de ses bras. Il espérait que Gray avait pu ainsi passer une nuit sans faire trop de cauchemars grâce à cela. En regardant son protégé dormir ainsi, le blond ne put s'empêcher de sourire tendrement. Il savait que son meilleur ami adorait dormir, et constata sans trop de surprise que ce trait chez lui n'avait pas disparu.

"Hum... ?"
Gray s'était mis à gigoter légèrement. Mais sentant que quelque chose, ou plutôt quelqu'un le gardait dans ses bras, il ouvrit doucement les yeux. Il ne lui fallut que quelques secondes pour découvrir qu'il avait passé la nuit dans les bras de Gabriel. Celui-ci lui adressa un sourire.
"Bonjour mon ange. Tu as bien dormi ?"

Mais la réaction de l'argenté fut vive. D'un geste, il poussa Gabriel et se dégagea rapidement de ses bras en reculant loin de lui, l'air visiblement gêné. Mais en faisant cela, le jeune homme tomba maladroitement du lit et se retrouva au sol, uniquement vêtu de son bermuda gris.

"Et merde..." fit il alors qu'il s'était fait légèrement mal au dos et aux fesses en tombant de cette manière. En voyant cela, Gabriel s'était redressé sur le lit. Mais devant une telle situation, il ne put s'empêcher de rigoler, ce qui énerva un peu le plus jeune qui rougissait d'embarras :

"Je peux savoir ce qui te fait rire ?!
- Désolé, mais la tête que tu fais est à mourir de rire !"
En voyant que son aîné se moquait de lui, Gray prit un air boudeur en croisant les bras. Ses rougeurs aux joues ainsi que sa gêne n'avaient pas disparu.
"Voyons Gray, pourquoi rougis-tu pour si peu ? lui demanda Gabriel en souriant. Tu faisais un cauchemar, alors j'ai voulu t'apaiser en te prenant dans mes bras. Tu utilisais bien cette méthode avec moi lorsque nous étions petits, tu te souviens ?
- Peut-être mais nous ne sommes plus des enfants, maintenant !" rétorqua l'élu de Din en détournant son regard, plus rouge que jamais, ce qui fit rigoler encore plus l'homme à la longue chevelure dorée.

Après ce réveil plutôt mouvementé, les deux jeunes hommes sortirent de la chambre. Quelques heures passèrent pendant lesquelles le duo déjeuna et prit un bain, avant de finalement se mettre à faire des recherches dans les livres que Gray possédait. Le nombre d'ouvrages à lire était élevé. Y chercher des informations au sujet du phénix bleu, c'était comme rechercher une larve de poisson dans l'immensité du lac Hylia. Cela risquait de leur prendre beaucoup de temps. Néanmoins, les deux amis avaient décidé de procéder intelligemment pour gagner du temps. Ils avaient commencé par mettre de côté les livres ne parlant pas de légendes ou de créatures mythiques. En faisant cela, le nombre de manuels à feuilleter s'était réduit de moitié. Les deux hommes s'étaient ensuite partagés les livres, et chacun de son côté commençait à survoler rapidement les ouvrages les uns après les autres. Le temps défilait. La lecture des livres s'enchaînait, sans trop de succès au début. Mais tandis que Gray était sur le point de proposer à Gabriel de faire une pause, le blond l'interpella au sujet d'un passage trouvé dans le livre qu'il était actuellement en train de regarder.

"Cette page raconte plus ou moins les origines du phénix bleu, dit Gabriel.
- Que dit-elle à son sujet ?"

Le plus âgé commença à lire à haute voix. Cette histoire racontait celle d'une personne répondant au nom de Kida. Il s'agissait d'une très jeune fille, qui avait la particularité d'être une hybride mi-humaine mi-zora et qui possédait une chevelure bleutée. Exactement comme Epon.

"Epon n'est donc pas la première hybride de ce genre à avoir existé..." constata Gray en croisant les bras pendant que son ami reprenait sa lecture.

Kida était une enfant connue pour sa sagesse et sa bonté, selon ce récit. Son rêve était de faire perdurer la paix à Hyrule, malgré qu'elle n'était pas une guerrière. Son tempérament doux et sa pureté faisaient qu'elle préférait la négociation aux batailles pour régler les problèmes. Cette jeune fille était également célèbre pour de nombreuses recherches qu'elle menait avec sa grand-mère, qui était une sorte de scientifique.

"Des recherches pour soigner diverses maladies, apparemment, commenta Gabriel.
- Mais quel est le rapport entre l'histoire de cette Kida et le phénix bleu, exactement ?
- J'y viens, mon ange."

Le blond poursuivit la lecture du livre. D'après ce qui était écrit, Kida ne possédait pas de pouvoir en particulier. Elle n'avait que son coeur pour la guider. Coeur que tout le monde qualifiait de pur. Elle était l'incarnation même de l'innocence, de la sagesse et de la paix. Dans son entourage, certains la surnommaient la prêtresse des eaux pendant que d'autres la qualifiaient d'enfant bénie des déesses. Néanmoins, le destin de cette jeune fille n'était pas aussi rose que ce que l'on pouvait croire. Une guerre avait tout à coup éclaté au sein du royaume de lumière. Les peuples s'entre-tuaient et les champs de bataille se faisaient de plus en plus nombreux sur ces terres. Les cadavres pouvaient se compter par centaines, et les gens dont le coeur était rempli de haine par milliers. Kida ne supportait pas de voir un tel carnage. Voir des peuples, autrefois pacifiques, se déchirer, lui était insoutenable. Elle avait donc décidé de prier les déesses. Din, Farore et Nayru. Les trois déesses qui, jadis, avaient créé les terres d'Hyrule avant d'y insuffler la vie. Elle les priait de toutes ses forces et de tout son coeur, pour espérer voir la paix revenir dans ce royaume qu'elle aimait tant.

"La déesse Lato n'est pas mentionnée ? questionna Gray.
- J'avoue m'être également posé la question. Mais sur cette page, il n'y a rien sur celle-ci."

Ce fait intriguait Gray, mais il préféra attendre que Gabriel finisse sa lecture. À force de prières, les souhaits de la jeune Kida finirent par être exaucés. Mais d'une manière inattendue.

Le corps de la jeune fille s'était recouvert petit à petit d'eau, et des ailes de phénix commençaient à lui pousser sur le dos. Kida était en train de se transformer en un phénix aquatique alors qu'elle continuait de prier. Ce phénix qui avait pris sa place s'était ensuite envolé dans les cieux, déversant à l'aide de ses ailes une pluie bienfaitrice qui purifiait le coeur assombri des Hyruliens. Les incendies provoqués par la guerre étaient éteints. La végétation qui avait péri sous les flammes repoussait. Les cadavres des personnes tombées au combat étaient lavés, et avaient leurs blessures soignées même s'ils n'étaient pas ramenés à la vie. Les nuages noirs recouvrant le ciel du royaume avaient laissé place au soleil qui brillait de toute sa splendeur. Hyrule, bien qu'attristé par ses pertes, reprenait peu à peu sa lumière...

Au prix du sacrifice de Kida.

Son corps avait été désintégré au moment de sa transformation. De ce fait, lorsque le phénix d'eau s'était volatilisé, Kida avait également disparu. Elle était morte pour sauver Hyrule du chaos.

"Depuis ce jour, cette petite héroïne a été baptisée le Phénix Bleu, et quelques Hyruliens connaissant son histoire la vénèrent presque comme une divinité, termina Gabriel. Le récit s'arrête là."

Les yeux écarquillés de stupéfaction, Gray s'était figé sur place face à un tel récit. Il était doublement choqué. Les déesses n'avaient pas hésité à sacrifier la vie de Kida par l'intermédiaire de ce phénix bleu pour qu'Hyrule soit sauvé. Aussi, cette histoire était contradictoire avec celle des élus destinés à faire régner le chaos. Si les déesses de ce royaume souhaitaient vraiment que celui-ci soit détruit, pourquoi avoir exaucé le voeu de Kida qui était de le sauver ? Et Epon dans tout cela ? Elle aussi était surnommée le phénix bleu par certains de son peuple. Mais tous, y compris la demi-Zora, semblaient ignorer que ce phénix bleu avait probablement existé, et qu'il se trouvait aujourd'hui en elle.

"Je ne sais pas trop quoi penser de tout cela, confia Gabriel en détournant le regard du plus jeune. Ce phénix, même s'il a tué cette enfant d'après ce livre, est une créature invoquée pour sauver Hyrule de la destruction. Hors, Gilgamesh est un individu qui cherche à nuire à ce même royaume. Quel intérêt a-t-il de vouloir mettre la main sur le phénix bleu ?
- Peut-être qu'il veut s'assurer que personne ne puisse contrecarrer ses plans, supposa l'homme en noir. Ou peut-être qu'il cherche simplement à amplifier sa puissance en se servant du phénix bleu. Dans tous les cas, il faut l'empêcher d'atteindre son but."

En disant cela, Gray avait serré ses poings et regardait ailleurs en fronçant les sourcils. Gabriel crut voir dans ses yeux une certaine frustration mêlée à une inquiétude intense.

"Epon et son peuple sont au courant de l'existence de cette légende, raconta l'argenté. Mais ils doivent sans doute ignorer certains détails. Si Epon savait ce qu'il est advenu de Kida à cause de ce phénix, je pense qu'elle serait complètement terrifiée et abattue. Déjà que l'histoire des élus maudits l'avait ébranlée...
- Une telle réaction de sa part est compréhensible. Mais si tu veux mon avis, tu ferais mieux de lui révéler cette histoire. Au moins pour qu'elle sache pourquoi nos ennemis s'intéressent à ce point à elle."

Gabriel avait raison mais Gray hésitait vraiment. Epon souffrait déjà suffisamment avec tous les événements qu'elle avait vécus jusqu'à maintenant. Ce serait vraiment cruel de lui raconter qu'en plus de cela, une créature légendaire résidait en elle, pouvant réduire son corps en miettes si elle apparaissait complètement. Mais d'un autre côté, lui cacher un tel secret serait peut-être encore pire. L'élu de Din ne savait pas quoi faire. Il regrettait presque d'être revenu à Orkidië pour mener de telles recherches. Il aurait préféré ne rien savoir à ce sujet.

"Si tu tiens à cette princesse autant que tu me l'as fait comprendre hier soir, reprit Gabriel en voyant son ange aussi silencieux, tu dois lui révéler la vérité à son sujet.
- On n'est même pas sûr que ce soit totalement vrai, cette histoire. D'ailleurs, ça ne concorde même pas avec ce que j'avais découvert au sujet de Lato et des élus destinés à semer la destruction ! Est-ce qu'il ne serait pas plus judicieux d'avoir plus d'informations là-dessus, au lieu de dévoiler une vérité qui n'est peut-être pas si vraie que ça ?"

Gabriel afficha un tendre sourire en observant le plus jeune. Il le connaissait : Gray avait toujours tendance à tourner une discussion à son avantage lorsqu'il se retrouvait dans une situation qui le dépassait. Il ne voulait pas faire souffrir Epon en lui révélant cette histoire de façon brusque. Le blond avait très bien compris cela. Après, dans un sens, l'élu de Din marquait un point sur le fait que ce qu'ils venaient de lire ne correspondait probablement pas à la réalité.

"Très bien, tu as gagné, finit par dire Gabriel sans perdre son sourire. Si tu estimes qu'il est trop tôt pour lui parler de tout ça, je ne peux que respecter ta proposition. Je te conseille juste de ne pas trop tarder pour lui dire. Mieux vaut qu'elle apprenne ça de toi, plutôt qu'elle ne le découvre par elle-même en croisant le fer avec Gilgamesh."
Gray ne répondit rien. Le conseil de Gabriel était bon à entendre. L'argenté se disait qu'il avait encore un peu de temps pour réfléchir à tout cela avant de prendre une décision. Mais alors qu'il méditait là-dessus, il vit le plus âgé se tenir tout à coup le front en grimaçant de douleur.

"Gaby ? s'étonna l'homme en noir. Ça va ?
- Je... vais bien, répondit le blond avant d'observer son protégé avec un sourire qui se voulait rassurant. C'est juste une migraine passagère. Probablement à cause de tous ces livres que nous avons dû survoler...
- Je peux te préparer quelque chose pour soulager la douleur.
- C'est gentil mais... ça va aller. Ne t'inquiète pas pour moi, mon ange."

L'ange en question était surpris par cette migraine soudaine chez son ainé. Mais d'un autre côté, le fait d'être resté trop longtemps à lire des ouvrages pouvait effectivement expliquer ces maux de tête. Ainsi, il ne s'inquiéta pas plus à ce sujet.

À Toal, et plus précisément chez Iria, le père de celle-ci était toujours alité et semblait dormir profondément. Sa fille était assise à son chevet tandis que Link et Epon se trouvaient avec elle.

"Comment va-t-il ? demanda le héros d'Hyrule à son amie d'enfance.
- Il était très agité cette nuit, répondit cette dernière qui n'avait pas lâché son géniteur des yeux. Mais il s'est calmé vers la matinée. Sa fièvre m'a l'air d'être tombée.
- C'est une bonne nouvelle, affirma Link avant de se tourner vers Epon. L'étrange énergie que tu avais ressentie en lui hier soir, elle est toujours là ?
- Oui, répondit la demi-Zora en sondant l'énergie de Bohdan. Mais elle semble moins intense, comme si elle s'était affaiblie entre-temps. J'ignore ce que c'est et d'où elle peut provenir, mais j'ai l'impression que monsieur Bohdan lutte de toutes ses forces contre elle.
- Espérons qu'il sorte victorieux de ce combat," souhaita le blond en posant sa main sur l'épaule d'Iria.
Celle-ci le regarda, puis observa Epon, avant de reposer les yeux sur Bohdan.
"Link, Epon, je crains que vous ne deviez continuer votre voyage sans moi. J'aimerais rester auprès de mon père, le temps qu'il guérisse.
- C'est compréhensible, affirma Link en souriant. À vrai dire, j'allais te faire la proposition de rester ici. Avec Gray, nous continuerons à livrer notre combat contre nos ennemis.
- Je l'espère bien, répliqua la jeune Toalienne en lui rendant un faible sourire. Seulement, faites attention à vous. J'ai vraiment un mauvais pressentiment au sujet de toute cette affaire.
- Ne t'inquiète pas, assura l'élue de Nayru en lui souriant à son tour. Nous ferons attention. En tout cas, nous essayerons !"

Ce fut sur ces paroles rassurantes que Link et Epon se séparèrent d'Iria. Après lui avoir dit au-revoir et souhaité un bon rétablissement à Bohdan, le duo sortit de la maison. Ils traversèrent ensemble une bonne partie du village campagnard, tout en saluant quelques villageois au passage, avant d'arriver près de la maison de Link. Epona et Hydrie patientaient sagement à côté de celle-ci, tandis que les enfants du village étaient réunis devant la demeure sylvestre. Malgré leurs inquiétudes par rapport aux événements récents, ils ne purent s'empêcher de sourire à la vue de Link et d'Epon.

"Link ! l'appela Colin qui tenait sa petite soeur Liné dans ses bras. Alors ça y est ? Vous nous quittez déjà ?
- Et oui, lui répondit Link avec un léger sourire. Nous avons un ami à retrouver et probablement des ennemis à combattre en chemin.
- Vous allez revenir, pas vrai ? s'inquiéta Anaïs.
- Ne vous en faites pas, assura le héros vêtu de vert. La prochaine fois que nous reviendrons, ce sera pour fêter notre victoire. N'est-ce pas, Epon ?
- Évidemment !" approuva la princesse aux cheveux bleus en souriant.

Bien qu'elle savait que ce ne serait certainement pas facile, voir Link aussi confiant et déterminé motivait la jeune fille à vouloir sortir victorieuse de la bataille qu'ils allaient livrer pour sauver Hyrule.

"Je serais bien venu avec vous pour vous aider, fit fièrement Fénir. D'ailleurs, je ne te l'ai pas dit, Link, mais j'ai fait de sacrés progrès au maniement de l'épée !
- Menteur, répliqua Balder en regardant son grand-frère d'un air blasé. Tu n'arrives même pas à mettre Colin à terre lorsque vous vous entraînez.
- Mais, n'importe quoi ! s'indigna l'aîné. C'est même pas vrai, d'abord !
- Euh... si. C'est vrai, Fénir," enrichit Anaïs en le regardant à son tour, ce qui fit légèrement rire les deux adultes.
Link se tourna alors vers Colin qui souriait et posa sa main sur le dessus de sa tête :
"Je constate par les dires des autres que tu as fait des progrès.
- Je suis devenu un grand frère maintenant, raconta le plus petit qui avait ses yeux rivés sur sa jeune soeur. Et comme papa n'est pas là en ce moment, il faut bien que je m'entraîne pour protéger maman et Liné pendant son absence."

Voir Colin faire preuve d'autant de courage et de maturité procurait un sentiment de fierté chez le héros d'Hyrule. Cet enfant avait bien changé, passant d'un petit garçon timide et peureux à un grand-frère aimant, fort et sage. D'ailleurs, Colin n'était pas le seul dont il pouvait être fier. Fénir, Balder, Anaïs... Tout comme Colin, ils avaient plus ou moins mûri et s'étaient endurcis durant ces six derniers mois. C'est en souriant tendrement qu'il ôta sa main de la tête de Colin pour s'adresser aux quatre enfants.

"J'aimerais que vous me fassiez une promesse tous les quatre : Promettez-moi de veiller sur ce village pendant mon absence.
- C'est d'accord ! s'exclama Fénir.
- On te le promet, Link ! fit Anaïs.
- Tu peux compter sur nous !" assura Colin.

Les quatre enfants n'hésitaient pas à faire cette promesse à Link, sous les yeux d'Epon qui était attendrie par une telle scène. Le jeune homme semblait être un véritable modèle pour les enfants de ce village, et c'était touchant à voir. Finalement, après avoir salué tout ce petit monde, Link et Epon endossèrent leur destrier respectif avant de finalement quitter Toal, sous les yeux du groupe d'enfants qui les saluait vivement.

"Ce village et ses habitants sont vraiment sympas, affirma Epon en souriant. Toal va me manquer.
- Lorsque notre objectif sera atteint, je t'y emmènerai de nouveau, lui promit Link. Et on embarquera Gray avec nous cette fois."

Face à cette perspective qui l'enchantait, Epon adressa un grand sourire au plus grand. C'était avec un moral en légère hausse que le duo quitta la région méridionale de Latouane.

Chapitre 23 : Ombres et eaux sanglantes   

Cela faisait quelques heures que Link et Epon avaient quitté Toal. Leur destination était à présent Orkidië. Ils voulaient rejoindre Gray là-bas. Toutefois, Link demanda à faire un détour à la citadelle. Après l'attaque qu'avaient subie les membres de la résistance qui s'étaient rendus à la Tour du Jugement, il voulait se rendre à la taverne de Telma pour s'assurer qu'ils allaient tous bien. Bien évidemment, Epon accepta sans problème. Elle comprenait l'inquiétude de Link vis-à-vis de ses amis et alliés, et voulait donc lui accorder cette faveur.

Dirigeant respectivement Epona et Hydrie, Link et Epon franchirent les portes sud de la capitale d'Hyrule. Ils se dirigèrent ensuite vers les écuries se trouvant à proximité, avant de descendre de leurs chevaux. Mais alors qu'ils allaient les attacher, quelque chose attira l'attention de Link : À la place centrale de la cité, non loin de la grande et majestueuse fontaine qui trônait là, une foule se réunissait autour de quelque chose et des voix étonnées ou paniquées semblaient s'élever.

"Qu'est-ce qui se passe ? demanda la princesse des Zoras en remarquant l'agitation.
- Je ne sais pas mais c'est pas bon signe."

Délaissant un instant leur destrier, le duo s'approcha du lieu du chahut. Ils slalomèrent entre les nombreuses personnes attroupées là, et arrivèrent au devant la foule pour constater ce qui se passait. Sous les yeux horrifiés de Link et d'Epon, une garde zora se trouvait allongée au sol avec des multiples blessures sur tout le corps. En s'approchant d'elle pour l'observer de plus près, la demi-Zora aux cheveux bleus la reconnut :

"Loqa ?!" l'appela-t-elle en s'accroupissant auprès d'elle.
Deux villageoises étaient également là, probablement pour soigner la Zora, mais elles s'étaient écartées pour laisser Epon s'approcher.
"Loqa ! s'écria à nouveau la bleue.
- Princesse... Epon... ?" réagit faiblement la soldate, luttant pour garder les yeux ouverts.
Soulagée de voir qu'elle était toujours en vie malgré ses nombreuses plaies, l'hybride lui demanda doucement :
"Que s'est-il passé ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
- Votre Altesse... Le domaine... a été attaqué... Notre peuple... est en danger..."

Face à une telle nouvelle, les yeux d'Epon s'écarquillèrent de stupeur. Le Domaine Zora ? Attaqué ? Non ! Ce n'était pas possible ! Le corps de l'élue de Nayru bougea tout seul : se relevant rapidement tout en ordonnant à la foule de la laisser passer, elle courut en direction des écuries, sans doute pour récupérer son cheval et partir au galop en direction de son village. Link, surpris d'abord, garda néanmoins son sang-froid. Il regarda Loqa, puis les deux femmes qui s'étaient occupées d'elle avant leur arrivée.

"Prenez soin d'elle, s'il vous plaît !" implora-t-il avant de partir à la suite d'Epon pour grimper sur le dos de sa jument, et quitter précipitamment la citadelle à son tour.
L'hybride, sur le dos d'Hydrie, galopait si vite que Link avait du mal à suivre avec Epona. Une distance d'une bonne dizaine de mètres les séparait.
"Epon ! Attends-moi !" cria Link, espérant que la demi-Zora ralentisse.

Mais c'était peine perdue. La jeune fille ne l'écoutait pas. L'inquiétude était trop présente chez elle. Elle avait peur de la catastrophe qu'elle allait découvrir au domaine Zora. Link le voyait et le sentait rien qu'en voyant sa réaction suite à la révélation de Loqa à la citadelle.

"J'espère qu'il n'est pas trop tard..." pensa-t-il en serrant les dents alors qu'il ordonnait à sa jument d'accélérer son allure.

Le trajet jusqu'au Village Zora fut rapide. Epon avait sauté de son cheval pour se précipiter à l'intérieur du domaine, suivie par Link qui en avait fait de même. Des hurlements de panique se faisaient entendre, tandis qu'un spectacle surréaliste se déroulait sous leurs yeux. Des soldats, Hyliens, humains ou Zoras, affrontaient avec acharnement de nombreux agents du Crépuscule qui se trouvaient là. Beaucoup de villageois zoras couraient à travers ce champ de bataille pour se mettre à l'abri, alors que plusieurs cadavres humanoïdes jonchaient déjà le sol et les eaux du domaine, teintant ces dernières d'un rouge sanglant.

"Non... murmura Epon devant un tel carnage.
- Attention !" hurla Link en passant à côté d'elle après avoir sorti son bouclier pour parer le coup d'un agent qui voulait s'en prendre à elle.
Puis, dégainant son épée, le héros d'Hyrule l'embrocha d'un coup sec, le tuant immédiatement. Une autre créature semblable l'avait ensuite pris d'assaut en sautant, dans le but de le plaquer contre le sol. Mais le blond l'avait évité en bondissant sur le côté, avant de planter son épée dans le dos pour l'achever.

"Va rejoindre ta mère, Epon ! ordonna-t-il à celle-ci alors qu'il faisait face à deux autres agents du Crépuscule qui s'approchaient. Je m'occupe d'eux !"
L'hybride ne voulait pas laisser Link combattre seul, et était sur le point de lui proposer de venir avec elle. Mais en repensant à Rutella qui était probablement en danger, elle préféra lui obéir.
"Fais attention à toi !" souhaita-t-elle au plus grand avant de courir en direction de la salle du trône Zora, laissant derrière elle son ami, qui avait fait tournoyer son épée avant de se mettre en position d'attaque face à ses adversaires.
"Bande d'enfoirés... murmura l'Hylien vêtu de vert en adressant un regard haineux envers les monstres. Vous allez payer pour ça !"

Joignant l'acte à la parole, le jeune homme engagea un féroce combat contre eux. Au même moment, la princesse des Zoras courait aussi vite qu'elle le pouvait vers sa destination. En chemin, elle avait croisé des agents du Crépuscule qui avaient tenté de lui barrer la route. Mais elle parvenait à les neutraliser sans trop de difficulté avec ses armes ou ses pouvoirs. Elle avait également rencontré plusieurs cadavres gisant dans des flaques de sang. Des cadavres hyliens, humains, mais également zoras. Elle connaissait et avait côtoyé certains d'entre eux. Les voir morts dans de telles conditions lui donnait mal au coeur, et la jeune fille sentait des larmes lui monter aux yeux alors qu'elle continuait à courir à vive allure.

"Je dois rester concentrée. Je pleurerai les morts plus tard !" se dit-elle en passant brièvement son bras sur ses yeux pour essuyer les larmes qui y perlaient.

Finalement, après plusieurs longues et pénibles minutes d'efforts, la bleue arriva à la salle du trône. À sa grande surprise, elle vit plusieurs agents du Crépuscule planer sur quelques mètres, avant d'atterrir dans le bassin d'eau. Une femme aux cheveux blancs et armée d'une lance combattait avec hargne les monstres qui se faisaient de plus en plus nombreux. Epon la reconnut aussitôt et accourut vers elle :

"Impa !
- Epon ?" s'étonna la Sheikah qui venait d'embrocher un autre monstre à l'aide de la large et longue pointe acérée de son arme. La demi-Zora avait invoqué un puissant jet d'eau pour balayer deux autres créatures sur le point d'attaquer la blanche.
"Que s'est-il passé ? demanda Epon à son ancien mentor, ses tonfas en main. Où est ma mère ? Et Finiel ?
- J'ignore où se trouve ton garde personnel, répondit la plus âgée. Mais sa majesté la reine s'est réfugiée dans sa chambre. Epon, rejoins-la et protège-la !"

Cet ordre ne se fit pas entendre deux fois. Laissant Impa s'occuper des monstres qui envahissaient peu à peu la salle du trône, la demi-Zora pénétra dans un couloir et se dirigea vers une porte en particulier. Elle ouvrit celle-ci, accédant ainsi à l'intérieur d'une vaste chambre similaire à la sienne, mais dans des tons plus rosés. C'était la chambre de la reine Rutella. Celle-ci était d'ailleurs assise sur le bord de son lit en tenant une dague, l'air nerveux. Mais en voyant sa fille débarquer dans la pièce, la souveraine des Zoras se leva brusquement:

"Epon ?
- Maman !"

Epon accourut vers sa génitrice et se jeta dans ses bras, visiblement soulagée. Elle avait eu peur qu'il ne lui soit arrivé malheur. Mais malgré tout, Rutella semblait bien se porter. La reine était également heureuse de voir la jeune fille en vie et bien portante.

"Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda la demi-Zora en se décollant de sa mère.
- Je l'ignore. Cette attaque était si soudaine qu'elle nous a pris par surprise. C'est probablement un coup de nos ennemis."

Epon fronça les sourcils. D'abord la citadelle, ensuite la montagne des Gorons et maintenant le Domaine Zora... Gilgamesh et ses acolytes ne leur laissaient donc aucun répit ? Alors qu'elle était en train d'y réfléchir, la porte de la chambre fut tout à coup défoncée, laissant passer quelques agents du Crépuscule qui avançaient lentement en direction des deux femmes. La bleue fit signe à sa mère de rester derrière elle tout en se dressant face aux monstres, ses tonfas en main. Restant calme, elle observa chacune des créatures présentes avant de passer à l'attaque.

Pendant ce temps à Orkidië, et plus précisément dans la maison de Gray, celui-ci continuait ses recherches dans les livres, pendant que Gabriel, debout devant un chaudron sous lequel était allumé un feu, surveillait la cuisson de leur futur repas. Voyant que ce dernier était suffisamment chaud, le blond éteignit les flammes avant de se tourner vers le plus jeune :

"C'est prêt mon ange. Je te sers une assiette ?
- Je veux bien, merci," répondit l'homme en noir sans lâcher son livre du regard.

Ce détail fit légèrement sourire Gabriel. Lorsque Gray était déterminé à trouver quelque chose, il était assez difficile de l'en dissuader ou de faire en sorte de lui changer les idées. Le plus grand appréciait cette persévérance, mais se disait que son protégé devait tout de même se ménager. Pensant que manger un morceau permettrait à son compagnon de prendre un peu de repos, Gabriel s'approcha d'un meuble à tiroirs se trouvant près d'une fenêtre, dans le but d'en sortir des couverts de table. Mais en jetant un coup d'oeil par cette même fenêtre qui donnait une vue d'ensemble sur le village désert, l'ami de Gray crut apercevoir une grande silhouette marcher dans l'allée centrale d'Orkidië.

"Gray, je crois qu'on a de la visite."

Celui-ci leva la tête d'un air étonné, avant de se lever et d'approcher de la fenêtre à son tour pour observer la silhouette en question. Le jeune homme s'était attendu à un bokoblin ou à un bulblin. Il y en avait qui venaient souvent dans ce village abandonné. Mais cette silhouette était trop grande pour être l'un ou l'autre. Était-ce un lizalfos alors ? À la grande surprise du duo, ce n'en était pas un non plus. L'individu qui approchait avait une démarche titubante, comme s'il se déplaçait avec difficulté. Plus il se rapprochait de la maison, plus les deux jeunes hommes parvenaient à le distinguer. Remarquant la peau bleu ciel et les nageoires que cette personne possédait, ils déduisirent rapidement qu'il s'agissait d'un Zora. Mais en le regardant mieux, Gray reconnut un Zora en particulier :

"Finiel ?" se demanda-t-il, alors que celui-ci venait de tomber à genoux au sol. Voyant cela, Gray et Gabriel se précipitèrent hors de la maison et accoururent vers le Zora. Celui-ci, armé d'une lance courte, semblait avoir bravement combattu pour arriver jusqu'à Orkidië. On pouvait voir quelques traces de sang un peu partout sur son corps, mais cela n'avait pas l'air d'être le sien. Il ne semblait pas blessé. En tout cas, pas aussi gravement qu'on pourrait le croire. Mais il avait l'air très épuisé.

"Finiel ! l'appela Gray en s'accroupissant près de lui et en posant ses mains sur les épaules du Zora. Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
- Gray... parla le soldat, haletant légèrement. Nos ennemis... Ils ont attaqué notre domaine...
- Quoi ? firent simultanément Gray et Gabriel à l'entente d'une telle nouvelle.
- Nous tentons de résister... continua Finiel. Mais bon nombre d'entre nous sont déjà tombés... Gray... Je te le demande à genoux... Aide-nous..."

L'élu de Din avait beaucoup de mal à y croire, mais l'état du garde personnel d'Epon témoignait de la gravité de la situation. Gabriel posa alors sa main sur le bras de son ange pour attirer son attention :

"Fonce vite au domaine Zora ! Je m'occupe de Finiel. On se retrouve là-bas."

Hochant la tête en guise d'acquiescement, Gray se releva rapidement et accourut vers son cheval Onyx à l'entrée du village, avant de l'endosser et de partir au galop.

Dans la chambre de la reine, au Domaine Zora, Epon venait de trancher la gorge du dernier agent du Crépuscule encore vivant. Le monstre s'effondra mollement au sol, alors que l'élue de Nayru balayait du regard les cadavres des agents qu'elle avait combattus. Il y en avait six au total. Et la jeune fille savait que d'autres allaient probablement arriver.

"On n'est pas en sécurité dans cette chambre, dit la bleue en se tournant vers Rutella. Il faut partir d'ici avant que d'autres monstres comme eux n'arrivent en plus grand nombre !"

Après avoir rangé ses armes, Epon attrapa la main de sa mère et sortit de la chambre avec elle en courant. Elle avait retraversé le couloir dans le sens inverse, avant de revenir dans la salle du trône. Mais elle et la reine firent face à un spectacle pour le moins surprenant : Link, parvenu jusqu'ici entre temps, ainsi qu'Impa faisaient face à Leviah. Mais celle-ci sanglotait. Son épée restait rangée alors que l'élue de Farore, en pleurs incontrôlés, semblait trembler de tous ses membres.

"Qu'est-ce que... ?" fit la reine des Zoras qui ne comprenait pas trop une telle attitude, tandis que sa fille avait rejoint Link et Impa, armée à nouveau de ses tonfas, prête à combattre leur ennemie.
"C'est quoi son problème ? demanda Epon aux deux autres.
- Elle était déjà dans cet état quand je suis arrivé là, répondit Link.
- J'avoue ne pas comprendre, confia à son tour Impa. Les monstres noirs que je combattais ont tout à coup disparu lorsqu'ils ont entendu les pleurs de cette femme."

Le héros d'Hyrule observa alors les cadavres de certains agents du Crépuscule au sol. Ces derniers s'étaient changés en cadavres humains ou hyliens, mais également en cadavre twilis, à la grande stupéfaction générale.

"Qui sont ces gens ? questionna la demi-Zora.
- Des Twilis... grogna Link alors qu'il observait à présent Leviah avec rage.
Les habitants de notre royaume ne lui suffisaient pas pour les transformer en monstre, il a fallu qu'elle s'en prenne aussi au peuple du Crépuscule.
- Quelle horreur..." murmura Rutella à l'arrière, horrifiée par un tel spectacle.

Mais soudain, la souveraine des Zoras se figea sur place alors qu'elle avait laissé échappé un cri de douleur mêlé à de la surprise. Du sang avait également giclé et taché le carrelage écaille de la salle du trône. Link, Epon et Impa s'étaient vivement retournés, et affichaient tous trois des airs horrifiés : une grande épée venait de transpercer Rutella et ressortait de son ventre, maculée de sang. Juste derrière elle se trouvait une silhouette plus petite que la Zora, mais qui se révélait être un humain d'assez grande taille, avec une longue chevelure violacée qu'Epon et Link reconnurent rapidement :

"Alvaro ?! s'écria Link, qui n'en revenait pas.
- Vous m'avez manqué, chers élus ! Je suis heureux de vous revoir en ces circonstances tragiques !" affirma-t-il alors qu'il enlevait lentement sa lame du corps de Rutella.

Celle-ci s'effondra ensuite au sol, alors que son sang se répandait rapidement par terre à cause de sa large blessure. Epon était figée sur place devant une telle scène. Tout son corps était tétanisé. Elle voulait bouger, courir vers sa mère pour essayer de la sauver. Mais elle n'y arrivait pas. Ce qui venait de se passer l'avait choquée.

"Non..."
C'était impossible ! Sa mère ne pouvait pas mourir comme ça. Elle ne voulait pas y croire !
"Non..."
Alors que des larmes s'étaient échappées de ses yeux pour couler le long de ses joues, Rutella utilisa ses dernières forces pour relever sa tête vers elle, et lui adresser un tendre sourire malgré sa douleur :
"E... pon... Ma... merveilleuse fille... Je... t'aime...
- Assez de parlotte ! proposa Alvaro en souriant et en plantant à nouveau et d'un geste brusque son épée dans le corps de la Zora, lui donnant ainsi le coup de grâce. Il est temps de passer aux choses sérieuses. Je ne m'attendais pas à ce que ma chère et tendre Leviah se mette à pleurer de la sorte. Mais soit ! Je suppose qu'elle a besoin d'un peu de repos !"

Link, Epon et Impa n'en revenaient pas. Cet homme aux cheveux violets venait d'abattre de sang-froid Rutella, la reine des Zoras, et il faisait comme si de rien n'était. Envahi par la rage et la tristesse, Link fonça vers Alvaro pour le prendre d'assaut.

"Attends !" voulut le freiner Impa qui craignait que la situation déjà critique n'empire. Mais c'était trop tard. Le blond enchaîna plusieurs attaques rapides que le violet parvenait à esquiver, un sourire narquois scotché à ses lèvres.

"Voyez-vous cela ? J'ai réussi à mettre le héros de ce royaume en colère !
- Salopard ! hurla Link, presque hors de lui-même. Rutella ne méritait pas ça !"

L'homme tout vêtu de vert ne laissait aucun répit à son adversaire. Il le bombardait à coups d'épée, espérant que l'un d'eux atteigne mortellement Alvaro. Celui-ci se contentait juste de parer ou d'esquiver pour l'instant. Il semblait amusé de voir Link aussi enragé. Mais le héros d'Hyrule n'était point la personne qui l'intéressait en cet instant. Tout en évitant les attaques, ses iris bleus s'étaient tournés vers Epon qui n'avait pas bougé de là où elle était. Le regard de la jeune fille ne lâchait pas le corps à présent sans vie de Rutella. Elle tentait de sonder l'énergie de sa mère, en espérant qu'il restait encore une lueur de vie en elle. Mais il n'y avait plus rien. La reine des Zoras, sa mère qu'elle chérissait tant, était morte sous ses yeux. C'est alors qu'un hurlement de la part de l'hybride résonna dans la salle du trône, mais également dans le reste du domaine. Ce cri de rage et de désespoir était si strident qu'il couvrait les pleurs de Leviah. D'ailleurs, celle-ci avait cessé de pleurer et observait la demi-Zora d'un air étonné, tout comme Impa, et tout comme Link et Alvaro qui avaient interrompu leur combat.

"Epon ?" fit la Sheikah en s'approchant doucement d'elle pour essayer de la calmer. Mais une aura bleue possédant des ailes de phénix entourait le corps de l'élue de Nayru, se faisant de plus en plus opaque au fil des secondes. La marque divine sur sa cuisse était également visible à travers le short blanc qu'elle portait. Le hurlement d'Epon devint de plus en plus fort, se faisait de plus en plus déchirant, et prenait un timbre de moins en moins humain. Les personnes présentes dans la salle du trône et dans le reste du Domaine Zora durent se boucher les oreilles.

"Bon sang... Epon..." pensa Link en s'écartant d'Alvaro pour observer la jeune fille.
Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait et se sentait impuissant face à la douleur de son amie. Impa, en revanche, semblait savoir plus ou moins ce qui se passait.
"Alors le phénix bleu n'est pas qu'une légende..." se dit-elle.
Elle avait tenté de s'approcher de son ancienne élève, mais une puissante force empêchait quiconque de s'approcher de la demi-Zora.
"Magnifique ! pensa Alvaro sans perdre son sourire. Absolument sublime ! Je savais que la mort de cette Zora la ferait réagir. Le phénix bleu est en train de revenir à la vie. C'est Gilgamesh qui va être ravi !"

Mais soudain, Epon, en une fraction de seconde, se retrouva juste devant Alvaro et lui infligea un puissant coup de poing dans le ventre, envoyant le violet s'écraser contre un mur à l'autre bout de la salle. Alvaro avait craché un peu de sang sous la violence de l'impact, et se retrouvait à présent à genoux au sol. Il se mit alors à rire, tout en se relevant lentement. Cependant, alors qu'il était sur le point de faire un commentaire sur ce retournement de situation, la demi-Zora se déplaça à une vitesse folle jusqu'à lui, et lui mit un violent coup de pied au visage, qui propulsa son ennemi une nouvelle fois sur plusieurs mètres. Mais cette fois-ci, une grosse main d'ombre sortit du sol et rattrapa Alvaro, l'empêchant de se cogner à nouveau contre un mur ou contre le sol.

"Il est capable de contrôler les ombres ou quoi ? se demanda Link face à cette scène qu'il jugeait ahurissante. Mais qui est ce type ?"
Debout sur la paume de cette main ténébreuse, Alvaro passa son poing sur le coin de sa bouche afin d'essuyer le filet de sang qui y coulait, puis adressa un sourire à Epon :
"Vas-y, ma belle ! Déchaîne donc ce petit phénix qui réside en toi !" lui proposa-t-il en descendant de sa main sombre avant de faire disparaître celle-ci et de se mettre en position de combat avec son épée.
Epon hurla à nouveau tandis que son aura brillait de plus en plus fort. Un oeil attentif pouvait remarquer que des traces de brûlures apparaissaient principalement sur les bras et sur les jambes de la jeune fille.
"Le phénix bleu est en train de consumer son corps, pensa Impa en fronçant les sourcils. Si ça continue, Epon risque de..."

Elle serra ses poings et ses dents en pensant à cette éventualité. Le regard de la blanche s'était tourné vers Link, qui ne lâchait pas Epon du regard et qui affichait un air inquiet. Lui aussi avait remarqué les blessures qu'infligeait une telle aura à la demi-Zora. C'est alors que la Sheikah vit le symbole de la Triforce luire sur la main gauche du héros.

"Ta main..." lui fit-elle remarquer.

Link, d'un air étonné, observa donc celle-ci. C'était comme si la Triforce réagissait avec ce qui était en train d'arriver à son amie aux cheveux bleus. En y repensant, ce n'était pas la première fois qu'il vivait ce genre de choses. Le jour où il avait rencontré l'hybride pour la première fois, sa Triforce du Courage s'était illuminée en même temps que la marque de Nayru d'Epon. Et la fois où ils se sont recroisés dans les plaines d'Hyrule, à l'intérieur d'un brouillard sombre dans lequel rôdaient des agents du Crépuscule, leurs symboles respectifs avaient également réagi dans une sorte de résonance. Sauf que cette fois-là, cela avait permis au brouillard de se dissiper. Un peu comme si la Triforce et la marque divine étaient parvenues ensemble à chasser les ténèbres qui entouraient leurs possesseurs.

"Peut-être que je peux faire quelque chose avec ça..." se dit le jeune blond alors qu'il regardait de nouveau Epon.

Celle-ci frappa Alvaro avec rage, toujours en poussant des cris atroces. Le violet parvenait tant bien que mal à éviter ses frappes, mais au bout d'un moment, il se prit un puissant coup de poing au visage qui l'envoya directement dans l'eau du bassin au centre de la salle. La demi-Zora voulut le suivre en plongeant à son tour pour continuer de l'attaquer. Mais une puissante bourrasque de vent la fit reculer, l'empêchant d'atteindre la mare. Leviah, après avoir calmé ses sanglots et séché ses larmes, s'était interposée pour faire face à la princesse des Zoras. Puis, elle chanta d'une voix lasse et mélancolique :

"Les larmes sont futiles...
La tristesse est inutile...
Regarde la mort en face...
C'est en elle que tu trouveras ta place..."

Mais ce chant n'eut que pour seul effet d'augmenter la colère d'Epon qui était déjà bien grande. Criant une nouvelle fois, elle fonça vers Leviah pour l'attaquer. Mais tout à coup, une main d'ombre sortit du bassin, attrapa Leviah par la taille et plongea dans l'eau avec elle, la faisant éviter un puissant coup de poing que la princesse des Zoras avait prévu pour elle. La fille aux cheveux bleus plongea alors dans l'eau pour les suivre, pensant qu'ils s'étaient réfugiés temporairement là. Mais en observant autour d'elle, l'hybride constata qu'il n'y avait personne sous l'eau. C'était comme si Leviah et Alvaro s'étaient volatilisés. Furieuse, Epon refit rapidement surface et s'éleva à deux mètres au-dessus du niveau de l'eau, en laissant échapper un puissant hurlement qui obligea Link et Impa de boucher à nouveau leurs oreilles.

"Bon sang ! s'écria Impa. Il faut qu'on l'aide à retrouver son état normal !"

Mais alors que Link allait lui répondre, Epon invoqua une multitude de jets d'eau dans tous les sens, détruisant quelques piliers de coraux au passage. La demi-Zora atterrit ensuite devant le trône Zora et continua de déchaîner ses pouvoirs. Ses jets d'eau se faisaient de plus en plus puissants, et avaient manqué à plusieurs reprises de toucher Link, Impa, et même le corps de Rutella qui gisait sur le sol.

"Et puis merde !" hurla tout à coup Link en se précipitant vers Epon.

Plusieurs jets d'eau avaient alors foncé sur lui. Mais le jeune homme parvint à les éviter de justesse, puis sauta sur Epon en l'attrapant pour la plaquer au sol. La Triforce sur sa main brillait à présent de toute sa splendeur, tandis qu'il s'était vivement adressé à l'hybride :

"Epon ! Pour l'amour du ciel, calme-toi ! Cette chose en toi est en train de te ronger de l'intérieur ! C'est probablement ce que nos ennemis veulent ! Ne leur laisse pas ce plaisir et reprends-toi, bon sang !"
La demi-Zora se débattit dans un premier temps. Mais son aura commença à faiblir, et la jeune fille se calma peu à peu.
"L-Link... ?"

Finalement, l'aura en forme de phénix avait complètement disparu une vingtaine de secondes plus tard. La Triforce et la marque de Nayru avaient également cessé de luire. Epon semblait avoir retrouvé ses esprits. Le calme plat régnait à présent dans la salle du trône. Voyant que cette bataille était terminée pour le moment, Link poussa un soupir de soulagement. Mais il vit que l'élue de Nayru sanglotait. Elle avait placé son avant-bras contre ses yeux pour cacher ses larmes, mais pleurait sans retenue.

"Maman... Pourquoi..."

Link était vraiment triste pour elle et s'en voulait de ne pas avoir pu éviter cette tragédie. Après le Yéti et Matornia, voilà qu'il venait de voir Rutella mourir. Des larmes étaient visibles sur ses joues alors qu'il s'était laissé tomber juste à côté de la jeune fille en fermant les yeux, comme pour empêcher plus de larmes de couler. En vain.

"Je suis vraiment désolé, Epon..." murmura-t-il.

Impa, elle, s'était accroupie près du corps de Rutella et soupira profondément. Le peuple des Zoras venait de perdre leur reine, et Epon venait de perdre sa mère. De son côté, Gray venait d'arriver au Domaine Zora. Mais il avait écarquillé les yeux d'horreur en voyant le nombre de victimes qu'avait provoqué cette catastrophe. Parmi les survivants, certains soignaient les blessés, pendant que d'autres réunissaient dans un coin les nombreux cadavres recensés.

"Merde !" fit l'homme en noir en se précipitant en direction de la salle du trône.

Chapitre 24 : Tiraillés entre chagrin et colère   

Les yeux bleus de Gray s'écarquillèrent tandis que le jeune homme s'était figé sur place. Il venait d'arriver à la salle du trône du Domaine Zora. Mais la scène qui lui faisait face lui paraissait surréaliste. Plusieurs Zoras étaient réunis autour du corps de Rutella, allongée sur un drap blanc, tacheté de rouge à certains endroits. La large blessure qu'elle avait au ventre avait été bandée. Hélas, soigner une blessure ne suffisait jamais pour ramener une personne décédée à la vie. L'homme en noir ne voulait pas y croire. Il se disait que la reine de Zoras était juste inconsciente, qu'elle allait se réveiller au bout de quelques heures. Mais en remarquant les visages attristés et les larmes couler le long des joues des Zoras qui se trouvaient là, le soupçon d'espoir faisait place à la triste vérité: La reine Rutella n'était plus de ce monde.

"Bon sang... Non..." pensa l'argenté, n'arrivant pas à détourner son regard de la souveraine zora. C'est alors que de nombreux souvenirs se mirent à défiler dans sa tête. Des images qu'il aurait préféré oublier : le massacre de son village. Il revoyait les cadavres de l'entourage qu'il avait connu lorsqu'il était enfant. Ses amis... son père... son jeune frère... sa mère... En repensant à cette toute dernière, il avait l'impression de la voir à la place de Rutella. Le jeune homme se tint alors brusquement la tête, comme pris par un soudain malaise. Il se sentait réellement mal en cet instant et commençait à haleter. Mais une main se posant sur son épaule le fit revenir à lui. L'un des Zoras présents dans la salle s'était approché, l'air inquiet.

"Vous allez bien ?" lui demanda-t-il.
Gray le regarda d'un air étonné dans un premier temps, avant d'inspirer un bon coup et de hocher doucement la tête en guise d'acquiescement.
"Ça va. Merci... Où est votre princesse ?"

D'abord surpris par cette demande, le Zora fit signe au jeune homme de le suivre en direction du couloir menant à la chambre d'Epon. Une fois devant la porte de celle-ci, le Zora s'inclina de politesse devant Gray avant de retourner à la salle du trône, laissant l'élu de Din seul. Celui-ci, bien qu'appréhendant l'état dans lequel il retrouverait son amie, ne perdit pas de temps. Il frappa trois coups avant d'ouvrir la porte pour accéder à la chambre. Comme il avait pu s'y attendre, Epon était assise sur son lit, l'air maussade, et ses bras et ses jambes recouverts de bandages. Link était également présent, assis sur le bord du matelas, le visage grave. Mais une personne que l'homme en noir ne connaissait pas encore se trouvait avec eux : Impa. Gray ne s'attarda pas sur elle pour l'instant, car son regard était rivé sur Epon. Elle et les deux autres qui lui tenaient compagnie remarquèrent la présence de l'argenté.

"Gray," fit Link à sa vue en se relevant et en avançant de quelques pas vers lui.

Il était heureux de le revoir bien portant, et ce sentiment semblait réciproque si on se fiait au léger sourire que le plus grand lui avait adressé. Mais l'homme vêtu de noir s'était approché du lit de l'élue de Nayru. Les yeux attristés d'Epon se remplirent de larmes lorsque son regard croisa celui de Gray. Voir son amie ainsi fendait le coeur du plus âgé, qui prit doucement la jeune fille dans ses bras et la serra contre lui.

"Je suis désolé, Epon... Je suis vraiment désolé..."

Alors que la demi-Zora sanglotait silencieusement contre son épaule, les larmes s'étaient mises à couler des yeux du jeune homme. Gray s'en voulait terriblement de ne pas avoir pu empêcher une telle catastrophe. Il culpabilisait de ne pas être resté avec Link et Epon pour empêcher un pareil massacre. Mais surtout, il s'en voulait de ne pas avoir pu protéger Epon des blessures physiques qu'elle avait reçues. En repensant à cela, Gray sécha rapidement ses larmes avant de se décoller de l'hybride aux cheveux bleus, et d'observer les bandages qui recouvraient les bras de celle-ci. Doucement, il découvrit le bras gauche de l'élue de Nayru, et constata avec stupéfaction que plusieurs traces de brûlures y étaient présentes. La peau hâlée de la jeune fille n'était pas belle à voir à ces endroits.

"Bon sang... pensa l'argenté en serrant les dents.
- Il s'est passé quelque chose d'assez étrange avec Epon," intervint Link en se rapprochant d'eux dans le but de tout expliquer à Gray.
Mais celui-ci tourna son regard vers lui, l'air grave :
"C'est le fameux phénix bleu qui a provoqué ça, pas vrai ?" demanda-t-il au héros vêtu de vert à l'étonnement de celui-ci, d'Epon, mais également d'Impa.
"Tu es au courant de cette légende ?" demanda la Sheikah en s'adressant au concerné. Mais en guise de réponse, l'élu de Din adressa un regard noir à la jeune femme, montrant clairement une part de méfiance à son égard.
"Qui es-tu ?" lui demanda-t-il d'un ton froid.

Mais en s'attardant sur le physique et les vêtements de la blanche, en particulier sur le symbole d'un oeil larmoyant rouge qui figurait sur ceux-ci, Gray eut comme un choc. Ce symbole... il l'avait déjà vu. Il le connaissait !

"Je me nomme Impa, répondit celle-ci, préférant se dire que la méfiance du jeune homme était compréhensible. Je suis sous les ordres de la princesse Zelda.
- Tiens donc... fit Gray sur un ton sarcastique en se relevant du lit pour lui faire face. Et qu'est-ce qu'une Sheikah fabrique aux services de cette chère princesse après tout ce qui s'est passé ces dernières années, exactement ?"
À ces mots, Link afficha un air surpris.
"Une Sheikah ? répéta-t-il, un peu abasourdi. Je pensais que le peuple sheikah s'était éteint !"

Un silence régna suite à cette réplique. Gray observait Impa avec froideur alors que la Sheikah était étonnée par l'attitude de ce jeune homme. Finalement, elle finit par pousser un léger soupir, et croisa les bras en répliquant :

"Je vois que tu es au courant pour mon peuple...
- Bien sûr que je suis au courant pour ce peuple, répondit Gray alors qu'une certaine colère était visible dans ses yeux. C'est en partie à cause de vous si mon village natal a été rayé de la carte ! Ma famille, mes amis, et tous les habitants ont été massacrés parce que les monstres qui nous ont attaqués voulaient votre mort ! Et ni vous, ni cette femme qui nous sert de princesse n'êtes venus voir ce qu'il était advenu de ce village les années qui ont suivi.
- Un village rayé de la carte... fit Impa en détournant son regard, l'air maussade. Tu es donc originaire d'Orkidië..."

C'était à peine si Epon réagissait à cette conversation. Trop peinée par la perte de sa mère et de nombreux Zoras, elle n'avait pas envie d'écouter ce genre de dispute en cet instant. Link, de son côté, sentait que la tension montait entre Gray et Impa, et plus particulièrement du côté de l'élu de Din qui venait de serrer ses poings de frustration et de rage. Le blond ne comprenait pas totalement toute l'histoire au sujet d'Orkidië ou de la disparition des Sheikahs, mais selon lui, l'heure n'était pas aux règlements de compte. Il s'approcha alors de Gray pour se placer devant lui en posant ses mains sur ses épaules, et le regarder droit dans les yeux d'un air sérieux.

"Gray... Calme-toi s'il te plaît, lui conseilla-t-il. Nous venons de vivre une terrible bataille qui a eu raison d'un bon nombre d'innocents. On ferait mieux de tous se soutenir au lieu de se créer des conflits entre alliés."

L'argenté n'avait pas lâché Impa du regard. Au fond de lui, il savait que Link avait raison. D'ailleurs, cela ne lui ressemblait pas de perdre son sang-froid comme il venait de le faire. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher.

"Gray, l'interpella une nouvelle fois Link, le forçant à le regarder lui. Fais-le pour Epon ! Elle n'a pas besoin de voir son ami s'embrouiller avec son mentor. Surtout pas maintenant !"

À l'entente du mot mentor, Gray écarquilla les yeux en regardant à nouveau Impa. Alors c'était elle la fameuse Sheikah dont lui avait parlé Epon plusieurs jours plus tôt ? Celle qui avait appris l'art du combat à la demi-Zora ? Le jeune homme ne savait pas comment réagir devant cette révélation. Depuis la disparition d'Orkidië, il avait développé un certain antagonisme envers les Sheikahs et la famille royale d'Hyrule. Mais d'un autre côté, si cette Impa était au service de Zelda, cela faisait d'elle une alliée en plus d'être une forme de soutien majeur pour Epon. Alors qu'il avait détourné le regard de tout le monde, les traits de Gray s'étaient adoucis. Link la lâcha en souriant légèrement, content de voir que le plus grand l'avait écouté.

"Je tolère ta présence parce que tu fais partie de l'entourage proche d'Epon, dit toutefois l'homme en noir à l'adresse de la blanche. Mais n'espère pas recevoir de signe de gentillesse de ma part."

Impa demeura silencieuse et observa Gray qui n'avait d'yeux que pour le sol carrelé en cet instant. Bien qu'elle trouvait le comportement du jeune homme injuste à son égard, elle pouvait comprendre la rancoeur qui l'habitait. Après avoir perdu tout son entourage, et vécu seul pendant une bonne dizaine d'années dans un village en ruines, comment ne pouvait-il pas en vouloir à ceux qui étaient, d'une manière ou d'une autre, responsables de tout cela ?

C'est alors que la porte de la chambre s'ouvrit de nouveau. Les regards des quatre personnes présentes se tournèrent vers Finiel et Gabriel, qui venaient d'entrer.

"Finiel ? Gabriel ?" s'étonna Link.
Mais le Zora se précipita vers Epon pour la prendre dans ses bras et la serrer contre elle.
"Je suis soulagé de te revoir en vie, Epon... lui murmura son garde personnel.
- Finiel... répliqua tristement la jeune fille. Maman... Elle...
- Je sais," lui avoua le Zora en la berçant doucement pour la réconforter. Gabriel, lui, observa cette étreinte d'un air peiné, avant de se tourner vers les autres :
"Finiel est venu nous chercher, Gray et moi. Je ne pensais pas retrouver le Domaine Zora dans un état pareil. Nos ennemis sont vraiment cruels..."

Link serra ses poings, énervé. Il n'avait vraiment pas vu cette attaque de la part de leurs ennemis venir de la sorte au village zora. Il aurait tant voulu empêcher cela ! Empêcher la reine Rutella, ainsi que de nombreux Zoras, Hyliens et humains de mourir dans cette bataille ! Même le peuple de Midona, les Twilis, étaient mêlés à cela. Il craignait vraiment le pire pour la princesse du Crépuscule désormais. Le regard du héros se tourna vers Epon qui sanglotait toujours dans les bras de Finiel. Ce dernier pleurait également la perte des siens. Link échangea ensuite un regard avec Impa. Sa surprise avait été grande en découvrant les origines de cette femme, ainsi que le lien l'unissant à Epon. Mais il était encore plus étonné par ce qu'avait raconté Gray quelques minutes plus tôt au sujet du massacre de son village. Les yeux du blond se posèrent alors vers l'argenté, qui avait le regard perdu. Gabriel s'était approché de l'élu de Din en souriant légèrement. Mais Gray l'ignora et se mit tout à coup à marcher en direction de la porte.

"Mon ange ? l'interpella Gabriel d'un air surpris.
- J'ai... besoin de faire un tour, répliqua l'homme en noir d'un air froid. Ne me suivez pas."
Sans même laisser le temps à quiconque de répondre quoi que ce soit, le jeune homme quitta la chambre d'Epon, laissant derrière lui tous les autres qui affichaient des airs stupéfaits.
"Qu'est-ce qui lui prend ? demanda Finiel, étonné d'une telle réaction de sa part.
- J'aimerais bien le savoir, moi aussi," fit le plus grand des blonds en observant Link.

Ce dernier poussa un soupir, puis partit à la suite de Gray. Gabriel, plus qu'inquiet au sujet de son ange, fit de même en suivant Link. Il ne restait plus qu'Epon, Finiel et Impa dans la chambre. La princesse aux cheveux bleus s'était décollée de son garde personnel, avant d'essuyer ses larmes d'un revers de la main. Ce ne fut qu'à ce moment que Finiel remarqua les brûlures sur son bras découvert.

"Qu'est-ce qui t'est arrivée ? demanda le Zora d'un air horrifié. Qui t'a fait ça ?"
Epon demeura silencieuse quelques secondes, le regard détourné, avant de répondre d'une voix monotone qui ne laissait transparaître aucune émotion :
"Une saloperie qui se trouve en moi.
- Hein ? s'étonna Finiel.
- C'est à cause du phénix bleu, intervint Impa en se rapprochant des deux. Cette créature légendaire existe bel et bien et s'est visiblement réincarnée en Epon. Au moment où l'un de nos ennemis a assassiné sa Majesté Rutella, le phénix bleu a commencé à se manifester, consumant peu à peu le corps d'Epon. Si Link ne l'avait pas arrêtée à temps, elle ne serait peut-être plus parmi nous au moment où nous parlons."
Le Zora était véritablement choqué devant un tel récit. Mais ce qu'Epon ajouta ensuite l'ébranla définitivement :
"Cette sensation lorsque l'aura de ce phénix m'a enveloppée... C'était vraiment horrible... J'ai ressenti une douleur qu'aucun d'entre vous ne peut imaginer..."
La jeune hybride s'était recroquevillée sur elle-même, semblant trembler de peur.
"Tout mon corps me brûlait, continua-t-elle. J'avais l'impression d'être transpercée de partout... comme si on me torturait à l'infini. Mais le pire, c'était cette voix. Une voix si douce, mais pourtant si glaciale, qui me répétait : Laisse-moi me déchaîner. Sauf que je ne voulais pas que... que cette chose se déchaîne. Je n'arrivais plus à contrôler mes gestes et ma rage, mais je parvenais à retenir une partie de sa puissance...
- C'est la première fois que ce genre de chose t'arrive ?" l'interrogea Finiel, qui avait encore du mal à y croire.

Epon lui raconta qu'il lui était arrivé une chose similaire aux monts des Pics-Blancs, lorsqu'elle affrontait Gilgamesh et ses acolytes, puis au Village Cocorico lorsqu'Envy était apparu, et avait gravement blessé Gray. Mais la sensation à ces moments n'était pas aussi terrible que celle ressentie suite à la mort de sa mère. Son garde personnel ne savait pas quoi lui dire. Il ne s'était pas attendu à ce que sa protégée se fasse posséder par une créature légendaire, et qui plus est le phénix bleu.

"Impa... appela alors Epon en la regardant. Si tu sais pour le phénix bleu, tu dois être au courant pour ma marque divine, pas vrai ?"

La Sheikah, toujours les bras croisés, ne répondit pas tout de suite. Bien qu'elle avait fait croire le contraire à son ancienne élève et à la famille de celle-ci, elle était effectivement au courant pour l'histoire tournant autour des marques divines, des élus destinés à semer le chaos à Hyrule, et de la déesse Lato. Mais elle pensait et espérait que tout cela soit faux. Malheureusement, cette légende disait vrai, comme celle concernant le phénix bleu. Et à cause de cela, Epon se retrouvait à présent avec un très lourd fardeau sur ses jeunes épaules. Pour le coup, Impa s'en voulait de n'avoir parlé de tout cela à personne.

"Zelda le sait aussi ? demanda la princesse des Zoras.
- N'étant sûre de rien avant aujourd'hui, je ne lui en ai pas encore parlé, répondit la blanche.
- Et maintenant que tu sais que tout cela est vrai, tu comptes lui dire ?"

Impa réfléchit un instant. Bien qu'Epon était une personne respectable et bienveillante, la marque de Nayru qu'elle portait faisait d'elle une ennemie du royaume. De plus, avec le phénix bleu en elle, même s'il s'agissait d'une créature ayant sauvé Hyrule autrefois, la demi-Zora devenait à cause de lui une personne très puissante et dangereuse, aussi bien pour elle-même que pour son entourage. Ne rien révéler à Zelda, ce serait prendre un risque de mettre Hyrule plus en danger qu'il ne l'était déjà. Mais d'un autre côté, la Sheikah ignorait comment la souveraine d'Hyrule allait réagir face à une telle nouvelle.

"Pour l'instant, je ne dirai rien, finit-elle par répondre. Mais tôt ou tard, Son Altesse royale finira par l'apprendre. Et mieux vaut que ce soit de toi."

Epon détourna son regard d'Impa suite à cette réponse, l'air maussade, sous les yeux de Finiel qui était réellement inquiet pour sa princesse. Le Zora avait du mal à encaisser toute cette histoire d'un coup. Encore plus suite à la perte de Rutella.

Au même moment, Gray, qui s'était rendu dans un coin du domaine où il n'y avait personne, venait de frapper violemment son poing contre un mur en serrant les dents. Il était véritablement en colère et en même temps, une profonde tristesse l'habitait. L'élu de Din était à deux doigts de craquer. Les souvenirs d'Orkidië... L'attaque du Domaine Zora... Rutella morte... Epon plus désespérée que jamais... Et maintenant cette Sheikah qui sortait de nulle part... Cela faisait beaucoup en une journée pour l'argenté, dont les larmes perlaient de nouveau ses yeux bleus. Mais plutôt que de pleurer à nouveau, Gray préféra fermer les yeux en inspirant profondément à plusieurs reprises, pour tenter de se calmer.

"Gray..." fit la voix de Link alors que celui-ci s'était approché de l'homme en noir, accompagné de Gabriel.
- Je vous avais pourtant demandé de ne pas me suivre... rappela froidement l'élu de Din sans bouger de sa position.
- Mon ange, parla calmement Gabriel. Tu ne devrais pas te mettre dans un tel état. Je sais que c'est dur après tout ce qui s'est passé ici. Mais...
- Mais quoi ?! fit Gray en haussant le ton. Je devrais sourire en faisant comme si de rien n'était en devenant pote avec ceux qui sont en partie responsables du massacre d'Orkidië ? Faire en sorte de réconforter tout le monde, et leur redonner du courage pour affronter de nouveau nos ennemis, en sachant pertinemment que nous n'avons pas la moindre chance face à eux ?!"
Il s'était ensuite retourné pour faire face aux deux autres, serrant ses poings et ses dents, comme s'il était sur le point d'exploser.
"J'ai perdu ma famille et mon village lorsque j'étais gosse ! J'ai vécu dans la solitude depuis, et lorsque je trouve enfin un nouvel entourage auquel m'attacher, c'est pour le perdre à nouveau, merde ! Rutella est morte, comme beaucoup d'autres innocents avant elle, et Epon est dans un sale état à cause de ce satané de phénix ! Comment vous voulez que je ne me mette pas dans un état pareil après tout ça, surtout lorsqu'une Sheikah au service de Zelda se pointe pile à ce moment ?!"

Ni Link, ni Gabriel ne s'était attendus à voir Gray dans un tel état un jour. Lui, qui d'habitude était capable de garder son calme quand il le fallait, voilà qu'aujourd'hui il laissait éclater sa rage. Mais une telle attitude était très révélatrice de ce que l'homme en noir ressentait réellement : Il avait terriblement souffert suite à la perte de sa famille et de son village. Et voir ce qu'il était advenu du Domaine Zora, c'était comme revivre ce funeste jour où il avait tout perdu. Link se rapprocha doucement de lui, et posa sa main sur la joue de Gray, l'obligeant à le regarder :

"Je ne sais pas si je suis le mieux placé pour comprendre ce que tu ressens. Mais je pense que je n'ai pas besoin de l'être pour te dire que ni ta famille, ni Rutella, ni même Epon aurait voulu te voir dans un tel état de souffrance et de désespoir. Et puis..."

Le regard de Link s'était tourné vers Gabriel derrière lui, faisant comprendre à l'argenté qu'il n'avait pas tout perdu le jour où Orkidië avait disparu, contrairement à ce qu'il disait. En voyant cela, Gray observa à son tour son ami d'enfance, qui lui avait adressé un triste sourire.

"Je ne pensais pas que tu avais autant souffert pendant toutes ces années, confia le plus âgé des trois. Mais je constate que cela fait sens avec ce que tu m'as raconté hier soir.
- Comment ça ? questionna Link, ne comprenant pas où Gabriel voulait en venir.
- Gray voyait Rutella et Epon comme une nouvelle famille. Bien avant le commencement de tous ces événements, à force de se rendre au Domaine Zora durant toutes ces années pour les observer de loin, Gray avait fini par s'attacher à la famille royale zora. Il revoyait sa mère en Rutella et son jeune frère en Epon, en quelque sorte. Perdre Rutella, c'était comme perdre sa mère une seconde fois."

Link comprenait mieux la réaction de Gray vis-à-vis de toute cette tragédie. Et il savait maintenant pourquoi ce jeune homme tenait autant à Epon. Néanmoins, un détail lui échappait :

"Pourquoi en vouloir autant à Zelda et aux Sheikahs ?" demanda-t-il à Gray. Mais suite à une telle question, l'homme en noir se recula de Link avant de lui tourner le dos en croisant les bras.

"Mon ange ? l'interpella Gabriel, attendant une réponse de sa part.
- Les monstres qui ont attaqué Orkidië l'ont fait en pensant qu'il y avait encore des Sheikah qui vivaient là-bas. Or, ce n'était pas le cas. Et une centaine d'innocents ont péri à cause de ça. Mais ce qui me rend dingue, c'est que la famille royale ne s'est même pas rendue sur les lieux du massacre, ne serait-ce que pour y déposer des fleurs en hommage aux victimes."
Le jeune homme regarda ensuite ses deux amis, avant de continuer :
"J'ai enterré les cadavres de tous ceux qui ont perdu la vie, ce jour-là. Y compris ceux de ma mère, mon père et mon frère. J'ai nettoyé les mares et les taches de sang qui souillaient les ruelles et les maisons. J'aurais très bien pu quitter ce village pour aller vivre ailleurs, mais je ne pouvais pas me résoudre à abandonner l'endroit dans lequel j'ai grandi. J'ai pensé et espéré voir Orkidië renaître de ses cendres. Plus de dix années se sont écoulées et j'ai attendu tout ce temps. Mais rien. Les seuls êtres vivants qui osaient pénétrer dans les ruines de ce village étaient soit des monstres, soit des bandits. La famille royale n'est jamais venue, et Orkidië est rapidement tombé dans l'oubli."

Link demeurait bouche-bée devant une telle histoire. Il ne s'était absolument pas attendu à cela. Quant à Gabriel, il avait détourné le regard, attristé en apprenant ce que son ange avait vécu pendant tout ce temps où ils avaient été séparés.

"Expliquez-moi comment je pourrais avoir du respect pour Zelda après ça," termina l'élu de Din en détournant son regard des deux hommes.

Link ne savait pas quoi répondre. Il était réellement désolé pour Gray, et aurait voulu remonter le temps pour empêcher le massacre de son village natal. Mais il se demandait également si Zelda était réellement celle à blâmer dans cette histoire. Gray semblait convaincu que c'était le cas, mais Link avait des doutes à ce sujet.

"Je ne sais pas quoi te dire à propos de tout cela, avoua-t-il à l'homme en noir. Mais tu devrais prendre un moment pour discuter avec Epon."
L'argenté afficha un air étonné.
"Ce que Gabriel vient de révéler au sujet de Rutella et d'Epon, je pense que tu devrais en parler à cette dernière. Elle vient de perdre sa mère et devient du coup orpheline. Je pense que le fait de savoir ce que tu ressens réellement pour elle lui ferait beaucoup de bien.
- Comme ça pourrait lui faire beaucoup de mal, contredit Gray sans le regarder. Tout dépend de la façon dont elle prendra une telle nouvelle.
- Tu ne le sauras pas si tu ne lui dis pas," affirma à son tour Gabriel. Mais alors qu'il venait d'achever sa phrase, le plus grand des blonds fut pris d'une soudaine migraine et se tint tout à coup le front en grimaçant de douleur.
"Gabriel ? s'inquiéta Link. Ça va ?
- Ça fait la deuxième fois que ça t'arrive, aujourd'hui ! dit Gray qui s'était rapproché de son ami pour poser ses mains sur ses épaules. Qu'est-ce que tu as ? Et ne me fait pas croire que c'est à cause de nos recherches de ce matin !"

L'homme à la longue chevelure dorée se contenta de sourire légèrement malgré la douleur. Link s'était alors approché de lui à son tour, dans l'intention de poser sa main contre le front de Gabriel, pour vérifier s'il avait ou non de la fièvre. Mais ce fut à cet instant qu'il remarqua la grosse bosse que le jeune homme s'était fait à ce niveau.

"Qu'est-ce que... ? fit Link. Comment tu t'es fait ça ?
- Juste une maladresse de ma part lorsque j'étais à la citadelle. Rien de grave...
- Gaby... murmura Gray, frustré que son ami ne lui dise pas d'où lui venaient ces migraines.
- Ne t'en fais pas mon ange, je vais bien..." tenta de le rassurer le concerné, dont le sourire s'était agrandi.

Face à son entêtement, Gray poussa un profond soupir. Link, lui, ne disait rien. Mais il soupçonnait Gabriel de leur cacher quelque chose. D'ailleurs, la bosse que celui-ci avait sur son front l'intriguait. De son côté, toujours dans sa chambre en compagnie de Finiel et d'Impa, Epon eut un sursaut et se tourna vivement vers un point de la pièce, à l'étonnement des deux plus grands.

"Epon ? s'étonna Finiel. Qu'est-ce qu'il y a ?
- ... J'ai cru ressentir une énergie malfaisante à l'instant.
- Une énergie malfaisante ? réagit Impa qui s'était mise en garde en observant dans la même direction que son ancienne élève. Où est-elle ?
- Elle est partie... répliqua la demi-Zora en se détendant légèrement. C'était instantané... Elle a disparu aussitôt que je l'ai ressentie. Peut-être que j'ai rêvé..."

Le Zora et la Sheikah s'étaient échangé un regard dubitatif devant une telle réaction de la part de la plus jeune. Tous deux trouvaient cela étrange qu'elle puisse détecter une énergie malfaisante, même si c'était pendant une fraction de seconde, alors que toute menace semblait écartée du Domaine Zora pour l'instant. Ils préférèrent se dire qu'Epon était encore sous l'effet de ses émotions, et que sa sensibilité aux énergies lui jouait des tours à cause de cela.

Chapitre 25 : Attendrissante confession   

Plusieurs heures s'étaient écoulées à Hyrule, et la nuit n'allait pas tarder à tomber. Le corps de la reine Rutella était allongé dans un magnifique cercueil blanc orné de saphirs. Plusieurs fleurs blanches décoraient le sarcophage. Epon se tenait debout devant ce dernier, les yeux rivés sur sa défunte mère. Elle avait demandé à son peuple et à ses amis de la laisser seule avec sa génitrice, pour se recueillir auprès de celle-ci. La demi-Zora avait séché ses larmes depuis un moment. Mais une profonde tristesse liée à une rage intense l'habitait. Elle revoyait encore cette image d'Alvaro transperçant le corps de Rutella avec son épée. À ces pensées, Epon serra ses poings et ses dents. Elle s'en voulait terriblement de ne pas avoir pu protéger sa mère à ce moment-là. Mais l'heure n'était pas à la culpabilité. De toute façon, réagir de cette manière n'allait ni ramener la souveraine des Zoras, ni arranger les choses. Poussant un triste soupir, la jeune princesse aux cheveux bleus se rapprocha de Rutella, et caressa doucement la joue de cette dernière. On pourrait presque croire que la défunte reine zora ne faisait que dormir profondément. Malheureusement, la triste réalité en était autrement.

"Pardonne-moi de ne pas avoir pu empêcher ça, maman..." murmura Epon alors que sa main avait délaissé la joue de sa mère pour saisir une main de celle-ci. Elle observait longuement Rutella, s'attendant presque à ce que celle-ci réagisse face à ce geste. Mais le corps sans vie de sa mère ne bougeait pas d'un cil. Epon se résigna donc à lâcher sa main avant de baisser sa tête, l'air maussade.

"Toi et papa me manquez énormément..." pensa-t-elle en fermant les yeux tandis que des larmes s'étaient mises à couler le long de ses joues. Mais tout à coup, une voix féminine aiguë et familière résonna dans ses oreilles :

"Quel triste spectacle ! J'en pleurerais presque !"

L'hybride aux cheveux bleus ouvrit les yeux et constata qu'elle n'était plus dans la salle du trône du Domaine Zora. Ou du moins, pas dans la salle du trône qu'elle connaissait. Le cercueil de Rutella avait disparu, et toutes les lumières éclairant la salle étaient éteintes. L'endroit apparaissait sur des tons sombres et bleutés qui lui rappelaient la psysalis de l'autre jour. Et sur le trône zora en face d'elle se trouvait assise une jeune fille aux cheveux roses, et toute vêtue de rose. C'était Alys. Epon comprit rapidement qu'elle était de nouveau plongée dans une psysalis, et que celle-ci avait l'apparence de la salle royale.

"Toi... grogna la demi-Zora qui avait lancé un regard noir en direction de cette fille.
- Eh bien ! Tu fais plutôt peur avec ce regard ! Et dire que tu versais des larmes il y a encore quelques secondes !"

Epon ne répondit rien et ne lâcha pas Alys du regard. La rose afficha un sourire mauvais en claquant des doigts. Une dizaine de statues armées apparurent un peu partout dans la salle. Mais elles étaient toutes inertes. Du moins, pour l'instant...

"Que dirais-tu d'un nouveau test, cher Phénix ? Une larme de Nayru est cachée quelque part dans ce domaine que tu chéris tant ! Tu ferais mieux de la trouver avant que les gardiens ne te suppriment à tout jamais !
- Je n'en ferai rien," répliqua alors Epon à l'étonnement de la rose, qui n'était pas sûre d'avoir compris.
Envoie tes connards de gardiens à mes trousses si ça te chante, continua la bleue en fixant Alys. Tente de me supprimer si tu penses pouvoir le faire. Mais je refuse d'être ton jouet une nouvelle fois. Allez vous faire foutre, toi et ta psysalis !"

La rose demeura bouche bée devant une telle réplique de la part de la bleue. Elle s'était attendue à n'importe quelle réaction de la part de l'élue de Nayru, sauf à celle-ci. Tandis qu'Epon ne bougeait pas de sa position, Alys s'était tout à coup mise à rire. Son ricanement à la fois amusé et sournois résonnait à travers toute la psysalis.

"Quand je pense que tu étais morte de trouille la première fois que je t'ai fait venir dans une psysalis ! dit-elle ensuite. Que s'est-il passé pour que ta peur de ce lieu s'envole, jeune fille ?"

Epon ne répondit pas. Mais elle avait la réponse à cette question : Le phénix bleu en elle. Après ce que celui-ci lui avait fait vivre précédemment, elle avait peur que cela se reproduise de nouveau. Elle était effrayée à l'idée de ressentir cette puissance la dévorer, et la douleur de son corps qui se consume. Cette peur dépassait de loin toutes ses peurs personnelles qu'elle avait déjà ressenties tout au long de sa vie, y compris celle des psysalis.

"Si tu ne réponds pas à ma question, je vais te faire parler, jeune Epon !" fit Alys en se servant de son sceptre pour réveiller ses gardiens.

L'atmosphère à la fois enchanteresse et sinistre de l'endroit devenait sanglante et malsaine. Et les statues, jusqu'à présent immobiles, commençaient à se mouvoir et à s'approcher de la princesse aux cheveux bleus. Celle-ci s'était contentée d'observer ces gardiens venir à elle. Mais elle demeurait immobile. Elle n'avait plus envie de fuir. Elle n'avait plus envie de se défendre. Elle voulait juste... en finir ? Alys, voyant que la demi-Zora n'était pas plus réactive que ça, afficha un air grave. Elle était déçue de voir qu'Epon n'avait plus peur de ses gardiens, ni de sa psysalis.

"Si tu n'as pas l'intention de faire d'effort afin de récupérer la larme de ta déesse, alors ta destinée est de mourir ici."
Sur ces mots, toutes les statues armées foncèrent simultanément vers la jeune fille, qui avait fermé les yeux en serrant ses poings.
"Epon ?" fit alors la voix de Link, tandis que l'hybride avait senti une main se poser sur son épaule.

La jeune fille sursauta en ouvrant les yeux. Elle observa ensuite autour d'elle : la psysalis avait disparu avec Alys et ses gardiens. Tout était redevenu normal. Le cercueil de sa mère était devant elle, et Link observait la jeune fille d'un air inquiet alors que sa Triforce du courage brillait sur sa main.

"Ça va aller ? demanda le blond. Tu semblais complètement en transe à l'instant."
Epon, se rendant compte qu'elle venait d'échapper à une mort probable, poussa un léger soupir, avant de regarder son ami et de lui répondre :
"Je vais bien...
- La nuit est en train de tomber, lui fit remarquer le héros d'Hyrule. Tous ces récents événements ont eu raison de nos nerfs. Tu ferais mieux d'aller te reposer.
- Je ne suis pas fatig..."
Mais avant qu'elle n'ait pu achever sa réplique, Link était passé devant elle en posant son autre main sur l'autre épaule de la plus jeune.
"Tu es épuisée et ça se voit. Je comprends ta peine et ta douleur après ce qui s'est passé. Mais il faut que tu dormes, ne serait-ce qu'un peu. Les Zoras s'inquiètent pour toi, Finiel le premier. Ils ont perdu leur reine, mais leur princesse est toujours là. Alors ne te laisse pas abattre et reste forte pour ton peuple."

La plus jeune observa son ami dans les yeux pendant quelques instants. Rester forte pour son peuple... Et dire qu'elle était prête à faire face à la mort il y a encore quelques secondes ! En y repensant, elle détourna son regard de Link en serrant ses dents, semblant honteuse. Qu'est-ce qui lui avait pris d'agir ainsi face à Alys ? Qui sait ce qu'il se serait passé si Link ne l'avait pas réveillée en cet instant ! D'ailleurs, comment le jeune homme avait-il fait pour faire sortir Epon de sa psysalis ? Les yeux noisette de l'hybride se tournèrent vers la Triforce de Link qui ne luisait plus à présent. Elle ressentait une énergie pure et lumineuse provenant de cette relique légendaire et sacrée. Peut-être était-ce grâce à elle si Link avait pu tirer Epon de son cauchemar ? Peut-être aussi que c'était grâce à elle si le blond était parvenu à calmer la jeune fille au moment où le phénix bleu s'était manifesté ?

"Epon... l'interpella à nouveau Link, voyant que celle-ci demeurait silencieuse.
- C'est bon, tu as gagné, répliqua la concernée en lui adressant un très léger sourire. Je vais aller dans ma chambre me reposer un peu."

Soulagé de voir que la jeune fille écoutait son conseil, l'homme vêtu de vert lui rendit son sourire, puis observa la princesse des Zoras lui tourner le dos et avancer en direction du couloir qui la mènerait à sa chambre. Une fois Epon disparue de son champ de vision, les yeux saphir du héros se tournèrent tristement vers Rutella. Le jeune homme ne le montrait pas autant que l'hybride, mais lui aussi était très peiné par la disparition de la reine zora. Elle était si gentille, si généreuse et bienveillante envers sa fille, son peuple, et même envers les inconnus. Et voilà qu'elle n'était plus de ce monde, désormais.

"Alvaro, pensa-t-il en fronçant les sourcils. Je le jure sur mon honneur de héros élu que je te ferai payer pour tout ça. Pour Rutella, pour les yétis et pour tous ceux que tu as fait souffrir."

C'est alors qu'il entendit des bruits de pas approcher de lui. Link remarqua avec étonnement que Gabriel était entré dans la salle du trône, et qu'il s'était approché de lui et du cercueil où reposait la défunte souveraine zora.

"Je m'étais plutôt attendu à voir Epon ici, admit le plus âgé des deux avec un triste sourire aux lèvres.
- Elle est partie se reposer dans sa chambre à l'instant, expliqua Link. Tu voulais lui parler ?
- Je voulais surtout lui apporter mon soutien suite au décès de sa mère. Et aussi la prévenir que je quitte le domaine pour rentrer chez moi.
- Tu t'en vas ? Maintenant ?
- Oui, répondit Gabriel. Je retourne à la citadelle. J'ai des choses à faire de mon côté. Gray est déjà au courant pour mon départ.
- Est-ce que c'est vraiment prudent pour toi de repartir à cette heure ? Surtout avec tes migraines à répétition ?
- C'est gentil de t'inquiéter pour moi, Link. Mais je vais mieux maintenant..."
Seulement, comme pour contredire sa phrase, l'homme à la longue chevelure dorée fut de nouveau pris d'un mal de tête et posa tout à coup sa main sur son front.
"J'ai parlé trop vite, on dirait...
- Tu ferais mieux de rester ici et de te reposer, lui proposa Link.
- Non, insista Gabriel. Ce... n'est pas nécessaire..."

Le plus grand enleva sa main sur son front et à cet instant précis, le plus jeune se figea sur place d'un air complètement abasourdi. L'oeil gauche de Gabriel venait de prendre une teinte rouge.

"Gabriel... Ton oeil..."
Le concerné ferma les yeux sous l'effet de la douleur provoquée par son soudain mal de tête.
"Qu'est-ce qu'il a, mon oeil ?" demanda-t-il ensuite à Link en les ouvrant.
Mais la surprise du jeune héros vêtu de vert s'agrandit en constatant que l'oeil de Gabriel avait repris sa couleur normale.
"Ton oeil gauche possédait une couleur inhabituelle à l'instant ! affirma l'hylien. Il était rouge !
- Pardon ? s'étonna Gabriel à son tour, en regardant Link. Comment ça, rouge ?"

Son homologue masculin ne répondit pas. Avait-il rêvé ? Gabriel semblait ne pas comprendre non plus. En constatant que la douleur chez le plus grand s'était calmée, et que cet oeil rouge qu'il avait cru voir ne se manifestait plus, Link poussa un léger soupir en croisant les bras.

"Laisse tomber. Je pense que la fatigue me joue des tours...
- Tu es sûr que tout va bien, Link ?
- C'est une question que je pourrais te retourner..." affirma le plus petit en détournant son regard de Gabriel.

Celui-ci lui adressa alors un léger sourire et assura qu'il allait bien, mais qu'il devait s'en aller. Il salua alors le héros d'Hyrule, avant de quitter la salle du trône. Link le regarda s'éloigner, mais demeurait quand même perplexe au sujet de Gabriel. Peut-être qu'il avait rêvé concernant l'oeil rouge. Mais les maux de tête à répétition dont souffrait l'ami de Gray, ce n'était pas normal.

* * *

En parlant de l'élu de Din, celui-ci avait passé plusieurs dizaines de minutes à contempler la plus grande cascade du domaine, le visage sombre. Il avait voulu s'isoler dans le calme, sans personne à qui parler. Le jeune homme en noir avait l'impression que le sort continuait de s'acharner contre lui, dans le but de lui faire perdre petit à petit les gens à qui il tenait. Voir Rutella morte, c'était comme revoir de nouveau sa mère mourir sous ses yeux. Pour ne rien arranger à la situation, Epon était désespérée et Gabriel souffrait physiquement en silence. En repensant à ces derniers, il se souvint de la conversation qu'il avait eue avec son ami d'enfance et Link quelques heures plutôt. L'argenté leur avait révélé certaines choses au sujet d'Epon, et les deux autres lui avaient conseillé d'en parler avec elle, pensant que ça l'aiderait à se sentir mieux. Mais Gray hésitait. Quelque chose au fond de lui le bloquait en cet instant. Il avait peur d'aggraver l'état de tristesse dans lequel se trouvait la demi-Zora. Néanmoins, d'un autre côté, il voulait qu'elle connaisse la vérité à son sujet.

Quelques minutes de réflexion plus tard, il se rendit dans la chambre de la princesse pour avoir une conversation avec elle. Après avoir toqué à sa porte, il ouvrit celle-ci pour accéder à la pièce. Mais à sa désagréable surprise, Epon n'était pas seule : Impa se trouvait là aussi. Et à sa vue, Gray fronça les sourcils.

"Gray... fit la bleue en lui adressant un petit sourire.
- Si vous êtes occupées, je reviendrai te voir plus tard, Epon," dit froidement l'argenté en détournant le regard des deux femmes.
La Sheikah avait clairement compris qu'une telle froideur de sa part était destinée à son adresse. Poussant un très léger soupir, elle répliqua :
"J'allais justement m'en aller. Tu peux rester."
Une fois ces mots prononcés, elle s'adressa à Epon en souriant légèrement :
"Porte-toi bien. Et bon courage pour tout ça. On se reverra bientôt.
- Merci Impa, répondit la plus jeune. Toi aussi, porte-toi bien. Et sois prudente lors de tes trajets."

Le sourire de la blanche s'était tendrement élargi alors qu'elle se dirigeait vers la porte pour sortir de la chambre, passant ainsi à côté de Gray. Celui-ci n'adressa même pas un regard à la Sheikah. Cette dernière par contre, lui murmura une phrase :

"Quoi qu'il arrive, prends soin d'Epon."
Puis, elle quitta la chambre en fermant la porte derrière elle, laissant les deux amis seuls.
"Pas besoin de me le demander," pensa l'homme en noir, toujours avec autant de froideur.
Néanmoins, ses traits s'adoucirent aussitôt que la blanche était partie. Alors qu'Epon était assise sur son lit, Gray tourna ses yeux vers elle en avançant dans sa direction.
"Pourquoi tu te montres aussi peu aimable avec Impa ? lui demanda l'hybride aux cheveux bleus. Je peux comprendre que tu en veuilles un peu au peuple sheikah par rapport à ce qui est arrivé à ton village, mais Impa n'est en aucun cas responsable de tout ça.
- Je n'ai pas envie de parler de ça avec toi, Epon. En tout cas, pas maintenant.
- Pourquoi pas ?"
Arrivé près de l'élue de Nayru, le jeune homme s'assit sur le bord du lit à côté d'elle. Puis, il la regarda dans les yeux.
"Parce que ce n'est pas pour ça que je suis venu te voir."

Le regard de Gray était ensuite descendu au niveau des bras bandés de la jeune fille. En voyant cela, et pour le rassurer, Epon lui adressa un petit sourire :

"Ne t'inquiète pas pour ça. Impa m'a donné de quoi soigner ces brûlures. Elles devraient disparaître d'ici quelques jours grâce à ça."
Gray ne répliqua rien mais au fond de lui, il considérait ce qu'elle venait de dire comme une bonne nouvelle.
"Comment tu te sens, depuis ? demanda-t-il ensuite.
- Physiquement ou psychologiquement ? Dans les deux cas, pas très fort. Mais ça ira mieux après, je suppose..."
L'argenté afficha un léger mais doux sourire en observant la jeune fille, avant de détourner son regard d'elle :
"Il y a quelque chose... dont il faut que je te parle.
- Quoi donc ?"

Le jeune homme hésita un instant, avant de saisir doucement la main de la princesse dans la sienne, à l'étonnement de celle-ci.

"Tu sais comment j'ai su pour ton identité et ton statut de princesse zora, lorsqu'on s'est rencontrés au Temple Sylvestre ?"
En guise de réponse, Epon secoua la tête pour répondre négativement à une telle question.
"En vérité, ce n'était pas notre première rencontre à ce moment-là. La première fois qu'on s'est vus, ça remonte à des années. Tu étais encore une enfant à l'époque."

L'élue de Nayru demeura bouche bée devant une telle révélation. Elle et Gray s'étaient vraiment rencontrés par le passé ?

"Désolée mais je ne m'en souviens pas, répliqua la jeune fille.
- Notre rencontre a été très brève," expliqua son interlocuteur.

Il lui raconta qu'elle avait eu lieu il y a une dizaine d'années, quelque temps après le massacre d'Orkidië. Gray était âgé de douze ans, donc Epon devait en avoir huit. À l'époque, le jeune garçon se rendait de temps en temps à la citadelle d'Hyrule pour trouver de quoi se nourrir. Par chance, une vieille dame tenant une taverne acceptait de lui offrir de la nourriture. Mais un jour, alors qu'il se rendait chez cette personne, Epon, vêtue d'une simple robe blanche, l'avait percuté, et les deux s'étaient retrouvés au sol. Tandis que la petite fille s'était excusée de l'avoir renversé, Gray s'était remis debout et l'avait aidée à se relever. C'était en faisant cela qu'il avait remarqué la marque divine de Nayru sur la cuisse de la jeune enfant. Il avait voulu lui parler, mais des gardes zoras accompagnant la bleue l'avait interpellée et elle était partie les rejoindre après avoir salué l'argenté.

"Maintenant que tu me racontes ça, fit Epon qui ne revenait pas d'une telle coïncidence, je me souviens vaguement de cet instant. Alors ce garçon que j'avais bousculé sans faire exprès ce jour-là, c'était donc toi ?"

Gray acquiesça par un signe de tête. Mais son récit ne s'arrêta pas là. Intrigué par la marque divine de la jeune fille, et étonné que celle-ci soit accompagnée par des soldats zoras, l'argenté avait décidé de la suivre discrètement. Étant doué pour épier des personnes depuis son plus jeune âge, Gray était parvenu à les poursuivre jusqu'au Domaine Zora.

"C'est une fois arrivé là-bas que j'ai appris pour ton hybridité et ton statut de princesse zora, continua l'homme en noir. Et en écoutant quelques conversations entre certains Zoras, j'ai découvert ce surnom de Phénix bleu qu'on te donnait. J'ai également connu ta mère et ton père à ce moment-là."

Les yeux d'Epon s'étaient écarquillés de stupéfaction. Alors voilà pourquoi Gray en savait autant sur elle, lorsqu'ils se sont croisés au Temple Sylvestre à Firone ! Mais il y avait certaines choses que la bleue ne comprenait pas :

"Pourquoi es-tu resté caché pendant tout ce temps ?
- À vrai dire, je n'en sais rien. J'avais peur qu'on me chasse du domaine, peut-être ? Au final, sympas et bienveillants comme le sont les Zoras, j'aurais très bien pu me montrer."

L'élu de Din continua ensuite son histoire, en expliquant qu'il revenait souvent au Domaine Zora depuis ce jour pour les revoir, elle et sa famille. Il avait vu Epon grandir au fil des années, passer d'une enfant à une adolescente, puis à une adulte. Il l'avait vue passer par diverses épreuves, notamment le décès de son père un peu avant ses treize ans.

"Par contre, je n'ai jamais vu tes séances d'entraînement avec ta mentor, confia-t-il en croisant les bras. J'ignorais même que tu en avais une."

L'élue de Nayru réagissait à peine. En fait, elle était tellement choquée par ce que Gray venait de lui révéler qu'elle en avait perdu sa langue.

"Euh... Epon ? l'interpella l'argenté pour la faire revenir à elle.
- Alors... pendant tout ce temps... tu nous espionnais, moi et ma famille ?"
Devant une telle question, les joues de Gray s'empourprèrent alors qu'il regardait tout à coup ailleurs :
"Ne te méprends pas, hein ? Je ne t'espionnais pas ! Enfin... disons que je vous observais de loin... en faisant en sorte de ne pas me faire repérer...
- C'est ce que j'appelle de l'espionnage, affirma Epon d'un air un peu blasé. Et ce n'est pas très poli de faire ça.
- N'empêche, ça m'a permis de ne pas sombrer après ce que j'ai vécu."
Cette réplique étonna l'hybride au plus haut point.
"Comme tu le sais, j'ai tout perdu alors que je n'étais qu'un enfant, rappela le plus âgé. Que ce soit ma maison, mon village ou ma famille. Je m'étais retrouvé seul et quasiment sans défense, ne sachant où aller, ni quoi faire. Je m'étais longtemps posé la question de si j'avais envie de vivre ou non. Et puis finalement, à force de venir vous voir toi et ta famille, j'ai fini par m'attacher à vous. En Rutella, j'avais l'impression de revoir ma mère. Et en toi, je revoyais mon petit frère Lyon.
- Gray..."

La jeune fille était profondément touchée par cette confession de la part de son ami. Elle était vraiment triste pour lui par rapport à la solitude qu'il avait connue par le passé. Mais savoir que c'était grâce à elle et à sa famille si le jeune homme avait choisi de vivre lui faisait chaud au coeur.

"Ta mère était au courant de tout ça, reprit le plus grand. Elle était la seule du domaine à me savoir là pendant tout ce temps, et je ne l'ai appris que récemment. Mais jamais elle n'a cherché à me chasser du domaine, et jamais elle ne m'en a voulu ou ne m'a jugé pour ça. Elle était même heureuse que je sois devenu ami avec toi désormais, et m'a demandé de veiller sur toi et de te protéger comme si tu étais ma soeur."

Un tendre sourire s'était dessiné sur les lèvres du jeune homme qui regardait à présent Epon. Celle-ci, visiblement émue, laissa couler des larmes qui avaient perlé ses yeux.

"Voyons, ne pleure pas pour ça !" rit légèrement Gray alors qu'il séchait de ses mains les larmes de la jeune fille.
- Ce n'est pas pour ça que je pleure... avoua la demi-Zora alors qu'elle venait de poser sa tête sur l'épaule de l'élu de Din. Aujourd'hui, j'ai été entraînée dans une psysalis... et je n'ai même pas cherché à y survivre. Tout ça parce que j'ai peur de vivre avec ce phénix bleu en moi... C'est grâce à Link si je suis parvenue à en sortir."

Le jeune homme était surpris par cette attitude de la part d'Epon. Mais d'un autre côté, il la comprenait. Elle venait de perdre sa mère et de nombreux Zoras en une journée. Il était clair que son moral en avait pris un sacré coup. Si en plus, on rajoutait l'histoire du phénix bleu et celle de la marque divine de Nayru, cela faisait un lourd fardeau sur les épaules de la jeune fille.

"Tu as choisi de vivre grâce à moi malgré toutes les atrocités que tu as vécues, reprit celle-ci en s'accrochant aux vêtements de Gray. Et je te remercie en songeant à mourir... J'ai agi de façon égoïste envers toi, nos amis et mon peuple... Et je m'en veux terriblement..."
L'argenté ne savait pas vraiment quoi répondre face à cela. Néanmoins, selon lui, Epon n'avait aucune raison de s'en vouloir. N'importe qui à sa place aurait réagi pareil, lui le premier.
"Ne te blâme pas pour ça, la réconforta Gray en la serrant tendrement contre lui, un doux sourire aux lèvres. Tu as réagi sous le coup de l'émotion et de la tristesse. Ta réaction n'a rien d'égoïste. Ça démontre juste que tu n'es pas insensible face à tous ces événements."

Epon demeura silencieuse quelques instants suite à cette réplique de la part de l'élu de Din. Puis, doucement, elle entoura celui-ci de ses bras à son tour. En cet instant, elle n'avait pas envie de le lâcher. Elle voulait juste rester dans cette position qui lui faisait beaucoup de bien en cet instant. La confession que lui avait faite Gray en ce jour l'avait rendue heureuse. Elle avait l'impression d'avoir gagné un frère. Et c'était exactement ce dont elle avait besoin. Un frère pour la réconforter et l'aider à surmonter la perte de sa mère. Elle avait déjà ressenti ce sentiment avec Link, mais c'était encore plus fort avec Gray.

Celui-ci se contentait de serrer silencieusement Epon contre lui en fermant les yeux pour savourer cette étreinte. Il était soulagé d'avoir enfin pu dire ce qu'il avait sur le coeur à l'hybride, et se sentait à présent libéré d'un poids.

* * *

Quelques instants plus tard, Link arriva à son tour devant la chambre d'Epon. Il ouvrit doucement la porte de celle-ci pour vérifier si la demi-Zora allait bien. Et un tendre sourire se dessina sur ses lèvres. Sur le lit de la jeune fille, celle-ci s'était endormie dans les bras de Gray, qui dormait également alors qu'il était assis le dos collé à la tête de lit. S'approchant du meuble en prenant soin de faire le moins de bruit que possible, le blond prit doucement un drap et recouvrit délicatement ses deux amis avec. Link les trouvaient aussi adorable l'un que l'autre en cet instant. Il devina aisément que Gray s'était confié à Epon. Heureux de constater que l'argenté avait finalement suivi son conseil, le jeune héros vêtu de vert tourna le dos au duo et repartit dans le sens inverse. Arrivé près de la porte, il jeta un dernier coup d'oeil à ses amis sans perdre son sourire.

"Bonne nuit à vous deux," leur souhaita-t-il, avant de sortir de la chambre en refermant gentiment la porte derrière lui. Puis, il demeura quelques secondes devant la porte, l'air maussade. Ni Epon, ni Gray ne méritait ce qu'ils avaient subi par le passé, ni ce qu'ils subissaient à présent à cause de leur statut d'élus maudits. Le jeune héros en voulait aux déesses de les faire autant souffrir. C'est avec cette rancune au fond de son coeur que Link s'en alla en direction de la chambre dans laquelle il allait passer la nuit.

Chapitre 26 : Nouveaux ordres, nouvelle mission   

Quelques jours avaient passé suite à la catastrophe subie au Domaine Zora. Une magnifique cérémonie pour les funérailles de toutes les victimes de ce massacre, qu'ils soient zoras, humains, hyliens ou même twilis, avait eu lieu. De nombreuses personnes venues des quatre coins du royaume avaient fait le déplacement jusqu'à ce village aquatique pour y assister, y compris la princesse Zelda en personne. Certains avaient perdu des membres de leurs familles, comme Epon qui avait perdu sa mère, alors que d'autres avaient vu des amis ou des compagnons d'armes mourir sous leurs yeux. Dans les deux cas, la douleur de la perte des êtres chers était présente. De plus, le peuple des Zoras venait de perdre sa reine, et se retrouvait à présent plus désemparé et démuni que jamais. Mais tous savaient qu'il ne servait à rien de se morfondre, encore plus dans une situation aussi critique que celle-ci, où la menace qui avait ravagé ce domaine pouvait s'abattre de nouveau sur n'importe quel village d'Hyrule.

Une fois le rite funéraire terminé, Zelda, avant son départ pour la citadelle, avait demandé à Link de se présenter au château dans deux jours car elle avait une nouvelle mission à lui confier.

"Juste à moi ? Pas à Epon ou à Gray ? s'était étonné le héros d'Hyrule devant la princesse.
- Epon traverse une période difficile depuis le décès de Rutella. Je préfère qu'elle prenne le temps de se remettre de la perte de sa mère, et qu'elle reste auprès de son peuple pour l'aider à se relever après cette triste tragédie. En ce qui concerne Gray..."

La souveraine du royaume l'avait bloquée dans sa phrase en détournant son regard et en serrant ses poings. Gray... Zelda avait bien compris que le jeune homme en noir vouait une rancune à son égard et à celui d'Impa, à cause de ce qu'avait connu son village natal. Et elle ne voulait pas empirer les choses avec lui en cette période chaotique. Et puis, à en croire ce qu'avait rapporté sa garde du corps sheikah, Gray semblait très proche d'Epon. Ainsi, Zelda préférait que le jeune homme reste aux côtés de la princesse des Zoras pour la réconforter. Link, compréhensif des choix de la princesse, avait acquiescé et promis d'être présent comme convenu à son château.

* * *

Les deux jours avant le départ de Link pour la citadelle passèrent bien vite. Le jeune héros, après s'être préparé, se rendit à la salle du trône pour dire au revoir à Epon et à Gray. La demi-Zora se tenait debout à côté du trône, la main posée sur l'un des accoudoirs du siège royal et l'air un peu maussade. Gray et Finiel se trouvaient avec elle, et leurs regards se tournèrent de concert vers le blond qui s'était approché d'eux.

"Epon, Gray, Finiel, dit Link en leur adressant un léger sourire. Il est l'heure pour moi d'y aller.
- Justement, on t'attendait pour ça, affirma Epon à l'étonnement du héros d'Hyrule.
- Nous en avons discuté entre nous, expliqua Gray. Étant donné que cette histoire nous concerne, moi et Epon avons décidé de t'accompagner au palais d'Hyrule.
- Quoi ? Mais..." fit Link, surpris par une telle décision de la part de ses amis.

Il était vrai qu'étant des élus destinés à semer le chaos tout comme certains de leurs ennemis, la bataille qui s'annonçait les impliquait. Mais le peuple des Zoras venait de perdre sa reine. La princesse ne pouvait pas se permettre de laisser son peuple seul après ce drame. Cependant...

"Link, dit la demi-Zora en se tournant vers lui. J'en ai longuement discuté avec Finiel et plusieurs autres Zoras. Il m'est impossible de rester au domaine en sachant que nos ennemis peuvent à tout moment nuire à notre royaume. Et puis..."
La jeune fille avait serré ses poings en détournant le regard à l'étonnement du blond, mais également de l'argenté et du Zora.
"Epon ? s'inquiéta ce tout dernier en se rapprochant d'elle.
- Je ne pourrai pas faire le deuil de ma mère, tant que celui qui lui a pris sa vie ne sera pas puni."
Si Finiel avait affiché un air stupéfait face à une telle réplique de la part de sa princesse, Link et Gray, eux, savaient parfaitement à qui celle-ci faisait allusion.
"Je veux que cet enfoiré d'Alvaro paye pour ça, reprit l'hybride. Je veux également arrêter Gilgamesh, Leviah et Envy, et les empêcher d'accomplir leurs objectifs et de faire plus de victimes. Mais Alvaro... je veux personnellement lui faire regretter ce qu'il a fait à ma mère."

Link comprenait ce que la jeune fille ressentait. Lui aussi avait de la rancoeur envers le violet après que celui-ci ait tué de sang-froid le couple de yétis dans les Ruines des Pics-Blancs, et désirait les venger tout comme Epon qui souhaitait rendre justice à Rutella.

"Ta colère et ta tristesse sont légitimes, et je les partage, intervint Gray en croisant les bras tout en regardant la princesse. Mais ne les laisse pas t'aveugler au point de prendre des décisions insensées. Alvaro est quelqu'un de très dangereux et l'arrêter ne sera pas aussi simple."

La demi-Zora ne répondit rien. Ce que venait de dire son ami en noir, elle le savait déjà. Seulement, elle ne pouvait pas s'empêcher de vouloir croiser le fer avec l'assassin de sa génitrice et l'abattre. Alors qu'elle était sur le point de s'adresser à ses amis, une Zora arriva près du groupe et s'inclina de respect devant Epon. Il s'agissait de Loqa, celle qui avait bravé les plaines d'Hyrule jusqu'à la citadelle pour prévenir Link et Epon au sujet de l'attaque du domaine quelques jours plus tôt.

"Dame Epo... Ma reine, rectifia-t-elle avant de se redresser. Vos affaires sont rassemblées et votre monture, ainsi que celles de Sir Link et Sir Gray sont prêtes pour votre départ."

Ma reine... Ces mots sonnaient à présent étrange aux oreilles d'Epon. Rutella n'étant plus de ce monde, la couronne zora revenait de droit à sa seule et unique fille. L'hybride ne s'était pas préparée à devenir la reine de son peuple aussi rapidement. Mais dorénavant, elle devait endosser ce rôle de souveraine, même si ce n'était pas son souhait le plus cher. Prenant un air déterminé, elle répliqua à la garde Zora :

"Je te remercie, Loqa. Nous allons y aller."
La bleue se tourna ensuite vers Finiel.
"J'ignore pendant combien de temps je serai absente du domaine. Mais je compte sur toi et sur les autres soldats pour veiller sur le village pendant mon absence.
- Hum..."
Le Zora semblait hésitant à vouloir répliquer quelque chose à sa nouvelle reine. Celle-ci le remarqua et lui adressa un léger sourire qui se voulait rassurant.
"Arrête de t'inquiéter pour moi, Finiel. Je ne suis plus une enfant, désormais. Et puis, il est temps qu'on mette un terme à tout ce bordel qui frappe Hyrule."

Finiel regarda la jeune hybride dans les yeux pendant quelques instants. Il était vrai qu'Epon avait bien grandi depuis. Et elle était devenue forte aussi bien psychologiquement que pour se défendre. Mais la voir quitter une nouvelle fois le domaine lui faisait un pincement au coeur. Il ne pouvait pas s'empêcher de se faire du sang d'encre pour elle, et priait à chaque fois les déesses pour qu'elle revienne auprès de son peuple saine et sauve. Néanmoins, il avait confiance en elle, et lui retourna son sourire pour lui faire comprendre qu'il n'allait pas la retenir.

"Sois prudente. Et vous aussi ! dit-il à l'adresse des deux hommes qui allaient accompagner la jeune fille.
- Nous le serons, assura Link en souriant à son tour. Et je veillerai à ce qui n'arrive rien à Epon.
- Comptez sur moi aussi pour la protéger, déclara Gray.
- Je peux me défendre par moi-même, vous savez ?" murmura la bleue à leur adresse d'un air un peu gêné, ce qui fit sourire un peu plus Finiel, qui semblait rassuré de savoir sa protégée aussi bien entourée.

Finalement, une fois les au-revoir faits à Finiel, Loqa et aux autres Zoras, Link, Epon et Gray quittèrent le domaine aquatique pour partir en direction de la citadelle d'Hyrule.

* * *

Pendant ce temps, au Royaume du Crépuscule, deux agents du Crépuscule avaient conduit Midona à la salle du trône du palais. La princesse de ce monde obscur avait toujours les poignets ligotés devant elle par les mêmes chaînes étranges et enchantées qui l'empêchaient d'utiliser sa magie. Une fois arrivées devant le siège royal sur lequel était assis Gilgamesh, les deux créatures jetèrent la jeune femme au sol, et se reculèrent pour la laisser face à l'élu de Lato. Après avoir retenu un gémissement de douleur en tombant ainsi, Midona releva la tête en serrant ses dents de rage, et observa le faucheur d'un air furieux. Celui-ci n'était pas seul. Alvaro, Leviah et Envy étaient également présents à ses côtés.

"Cette princesse ferait presque peur avec ce regard !" s'exclama joyeusement Envy en s'approchant de quelques pas avant de s'accroupir juste devant la Twili, avec un grand sourire aux lèvres.
- J'ai vraiment honte de m'être fait avoir par des individus aussi ridicules et stupides que vous..." murmura la princesse en se redressant et en reculant légèrement de la créature démoniaque positionnée juste devant elle."
Puis, elle se tourna vers Gilgamesh. Être privée de sa magie ne l'empêchait pas de ressentir une puissante force en cet homme.
"C'est toi le chef de cette bande d'imbéciles, n'est-ce pas ?
- Voyons, charmante princesse du Crépuscule ! intervint Alvaro d'un sourire moqueur. Ne vous a-t-on pas appris les bonnes manières ?
- Désolée mais face à un idiot arrogant tel que toi, un grand dadais vêtu d'une capuche blanche pour se donner un genre, une femme complètement tarée et un démon semblant aussi bête qu'immature, je n'ai pas spécialement envie de me montrer respectueuse. Encore moins après ce que vous m'avez fait !
- Soit ! répliqua Gilgamesh qui souriait face au répondant de la jeune femme. Ton respect envers nous ne nous est pas indispensable.
- J'ai du mal à croire que cette grande gueule aux airs aguicheurs ait aidé le héros d'Hyrule dans sa quête pour vaincre Xanto puis Ganondorf, il y a quelques mois !" fit Envy en attrapant Midona par l'arrière de la tête pour la jeter jusqu'aux pieds de Gilgamesh.

La princesse avait gémi de douleur en se retrouvant encore une fois au sol. Énervée, elle était sur le point de se redresser afin de lancer une réplique cinglante à l'adresse de la créature humanoïde démoniaque. Mais tout à coup, la lame d'une faux arriva à quelques centimètres de son front, prêt à fracasser son crâne si elle faisait un mouvement trop brusque. La jeune fille ne bougea donc plus et ne prononça aucun mot, laissant la parole à celui qui la menaçait :

"Tu peux nous insulter autant que tu le souhaites, Midona. Mais cela n'arrangera rien à ta situation. Comme tu as pu le constater depuis plusieurs jours, nous avons fait en sorte que tu ne puisses pas utiliser tes pouvoirs. De plus, moi et ma bande d'imbéciles comme tu l'as si bien dit vous avons, toi et ton peuple, en otage. Il suffirait que j'en donne l'ordre à Alvaro, Leviah et Envy, et ils pourraient tous vous exécuter sur-le-champ.
- D'ailleurs, certains membres de ton peuple ont déjà été tués à Hyrule, enrichit Alvaro en ayant pris un air plus sérieux. Quelques-uns ont même péri par la main de Link.
- Pardon ?! s'écria la princesse qui avait du mal à en croire ses oreilles.
- Bah ! Pour l'instant, ce n'est pas une grande perte ! continua le violet en haussant les épaules. Ma chère Leviah ici présente a juste transformé quelques Twilis en agents du Crépuscule, et les a envoyés au Domaine Zora. Malheureusement, ils n'ont pas fait long feu face à ton ami hylien et à ses compagnons."

Après avoir énoncé ces faits, Alvaro s'était tourné vers Leviah en souriant. Mais la jeune blonde, comme à son habitude, avait le regard las perdu dans le vide. C'était à peine si elle réagissait à ce qui se déroulait actuellement devant elle.

"Vous êtes vraiment ignobles... murmura Midona en regardant Gilgamesh dans les yeux avec haine. Tous autant que vous êtes. Vous servir de mon peuple qui avait enfin retrouvé la paix, et en faire des monstres destinés à mourir... Vous me dégoûtez ! Vraiment !
- Dommage pour toi, très chère, fit l'élu de Lato. Je n'ai pas fini de me servir de vous. D'ailleurs, il n'y a pas que ton peuple. Toi aussi, tu as ton rôle à jouer dans mon projet.
- Plutôt crever tout de suite !" cria la princesse qui n'avait clairement pas envie que ces gens se servent d'elle pour arriver à leurs fins.

Malheureusement pour elle, le faucheur ne lui laissa guère le choix. Se levant du trône, il s'était approché de la souveraine des ombres et l'avait attrapée fermement par le bras pour la forcer à se mettre debout. Puis, il plongea son regard vairon dans les yeux cramoisis de Midona, qui se figea sur place en voyant la marque de la déesse Lato briller sur l'iris gauche doré de Gilgamesh. La vision de la jeune femme se troubla ensuite, et sans qu'elle ne comprenne pourquoi, elle se retrouva dans un lieu sombre, avec uniquement une mare d'eau qui s'étendait à perte de vue et qui lui arrivait au niveau de la taille.

"Qu'est-ce que... ?! s'étonna-t-elle intérieurement en observant vivement les environs. Je suis où, là ?! Qu'est-ce que tu m'as fait, espèce d'ordure ?!"

Mais ce fut un silence complet qui lui répondit. Seuls quelques légers clapotements de l'eau dans laquelle elle baignait actuellement se faisaient entendre. Midona remarqua que ses poignets n'étaient plus ligotés. Elle tenta alors d'utiliser sa magie pour se sortir de cette situation, mais constata qu'elle n'y parvenait pas. Grognant de frustration suite à cette tentative infructueuse, elle se mit à réfléchir à ce qui se passait, jusqu'à ce que son regard tombe sur une silhouette flottant sur la mare, à quelques mètres de là où elle se trouvait. La jeune femme s'avança alors prudemment en cette direction, et sa surprise fut grande lorsqu'elle découvrit qu'il s'agissait d'une jeune fille, n'ayant pas plus de treize ou quatorze ans à vue d'oeil. Cette adolescente, au teint clair et semblant endormie, possédait de longs cheveux bleus lâchés, et était vêtue d'un débardeur blanc, ainsi que d'une jupe courte à volants à mi-chemin entre le bleu et le mauve. Elle portait également un collier composé de perles de couleurs différentes à son cou, et des bracelets du même style au niveau de ses deux poignets.

"Qui est-ce ? Et pourquoi est-elle ici ?" se demanda la princesse du Crépuscule, ne sachant pas quoi faire en cet instant précis. Elle voulait réveiller cette jeune fille, mais craignait qu'il ne s'agisse en réalité d'un piège tendu par le faucheur. Toutefois, quelque chose de pur semblait émaner de cette mystérieuse fille. Midona tendit sa main en direction du visage de la bleue. Mais au moment de la toucher, sa vision se troubla une nouvelle fois, et elle se retrouva à nouveau à la salle du trône de son royaume, juste devant Gilgamesh qui ne l'avait pas lâchée. Le symbole de Lato sur l'oeil de ce dernier ne luisait plus, et l'encapuchonné avait fini par libérer la princesse de sa prise. Celle-ci comprit rapidement ce qui venait de se passer : Ce qu'elle avait vu était une vision créée par le faucheur lui-même.

"C'était quoi, tout ça... ? demanda Midona en se remettant peu à peu de cette expérience plus qu'étrange. Cette fille... qui était-ce ?
- Cette fille est la raison pour laquelle j'ai dû agir comme je le fais, se contenta de répondre le concerné d'un air sérieux et déterminé. Elle est mon but à atteindre, et toi, ton peuple, ainsi que tes amis Hyruliens êtes ceux qui vont m'y aider."

Alors que la princesse du Crépuscule affichait un air étonné suite à une telle réponse, Alvaro ordonna à Envy et aux agents du Crépuscule présents de la ramener dans sa cellule. Chose que les trois créatures firent sur-le-champ, sous l'air grave de Gilgamesh.

"Tu es sûr que c'était une bonne idée de lui révéler le visage de qui tu sais ? lui demanda le violet en croisant les bras. Je pense que ça va embrouiller l'esprit de cette princesse twili plus qu'autre chose.
- C'était justement le but, Alvaro," affirma le faucheur en le regardant, ce qui fit sourire sournoisement son interlocuteur qui avait l'air d'apprécier les idées et les méthodes du faucheur.

* * *

Au royaume d'Hyrule, Link, Epon et Gray n'avaient pas mis longtemps à faire le trajet reliant le Domaine Zora à la citadelle d'Hyrule. Après avoir rapidement traversé la capitale, le trio se retrouva au château, dans lequel il fut accueilli par des gardes qui l'emmenèrent jusqu'à la salle du trône. La souveraine du royaume se tenait debout devant le siège royal, et afficha un sourire en remarquant l'arrivée de Link. Mais son sourire se transforma en un air surpris en constatant qu'Epon et Gray l'accompagnaient. Le trio fut également étonné de voir que Zelda n'était pas seule. Telma, Jedh, Moï, Lafrel, et Ash étaient également présents, tous agenouillés devant la princesse. Visiblement, et malgré ce qu'ils avaient vécu à la Tour du Jugement précédemment, les trois derniers avaient l'air de s'être remis de leurs blessures.

"Je ne pensais pas nous voir tous réunis aujourd'hui, avoua Link en se prosternant devant Zelda avant d'adresser un sourire à elle et aux membres de la Résistance.
- Quant à moi, je ne pensais pas que tu serais venu avec Epon et Gray.
- Altesse Epon, dit alors Lafrel en s'inclinant devant la demi-Zora. Mes sincères condoléances pour votre mère."

La compassion de cet homme et de probablement toute la Résistance envers elle faisait chaud au coeur à l'hybride. Elle leur adressa un léger sourire, mais se tourna ensuite vers Zelda pour s'incliner à son tour devant elle, tout en donnant un discret coup de coude à Gray pour qu'il en fasse de même. L'homme en noir n'avait pas envie de faire la révérence à la souveraine, mais l'heure n'était pas spécialement à la rancune. Levant presque les yeux au ciel d'exaspération, il imita l'élue de Nayru, tandis que celle-ci s'était redressée pour s'adresser à la dirigeante du royaume :

"Zelda, cette mission destinée à Link... Elle concerne nos ennemis, n'est-ce pas ?
- En effet, répondit Zelda avant de se tourner vers le héros vêtu de vert. Tout comme l'a rapporté la Résistance, nos ennemis sont parvenus à reconstituer le miroir des ombres. J'ignore comment ils s'y sont pris pour cela, mais le portail reliant notre monde à celui du Crépuscule est désormais ouvert.
- Est-ce que vous avez des nouvelles de Midona ?" demanda Link.
Malheureusement, Zelda secoua la tête pour répondre négativement à sa question.
"C'est pour cela que je t'ai fait venir, Link, répliqua-t-elle toutefois. Selon les rapports faits par les chefs de mes armées, nos ennemis se sont réfugiés au Royaume du Crépuscule et s'en servent comme quartier général. Certains soldats ont tenté de passer dans cet autre monde, mais des agents du Crépuscule se trouvant là-bas sont parvenus à les chasser, rendant toute tentative d'intrusion vaine. Si nos opposants parviennent à nous empêcher d'entrer dans le royaume de Midona, j'ai bien peur qu'il ne soit arrivé malheur à celle-ci et à son peuple."

Face à ces mots, le héros en vert serra ses poings de rage. Les souvenirs du couple de yétis abattu par Alvaro au manoir des Pics Blancs revenaient soudainement dans son esprit. Et si lui ou Gilgamesh avait fait subir le même sort à Midona et à ses sujets ? Non ! Il ne devait pas penser à de telles choses ! De son côté, Epon observait Link du coin de l'oeil, et sentait que cette nouvelle concernant la princesse du Crépuscule l'inquiétait encore plus qu'il ne l'était déjà. Elle reporta alors son attention sur Zelda et répliqua sur un ton déterminé :

"Dans ce cas, envoie-nous là-bas. Link, Gray et moi. Nous pouvons nous rendre dans cet autre monde et porter secours à la princesse Midona.
- Epon, l'interpella alors Gray. Les choses ne seront pas aussi simples que tu le crois. En n'y allant qu'à trois, nos ennemis auront l'avantage du nombre. Et vu que toi et moi, on ne connaît rien du royaume du Crépuscule, ils risquent également d'avoir l'avantage du terrain.
- Je me suis déjà rendu là-bas une fois, intervint Link en regardant ses amis et alliés, et j'ai retenu l'agencement des salles composant le palais royal de ce monde. Sa configuration ne nous posera pas vraiment problème si j'en fais un plan. Mais il est vrai que nous rendre là-bas juste à trois serait de la folie... Ceci étant dit, au point où nous en sommes, j'en viens à penser que les idées les plus folles sont probablement les plus efficaces."
Cette réplique de la part de Link étonna tout le monde, même Zelda.
"Zelda, reprit le blond. Si je me souviens bien, vous avez envoyé toute une troupe de soldats avec Ash, Moï et Lafrel jusqu'à la chambre du miroir des ombres, n'est-ce pas ?
- C'est exact en effet, acquiesça la princesse.
- Je pense que Gilgamesh et ses acolytes s'attendent à ce qu'on vienne en masse jusqu'à eux pour les affronter. À défaut de foncer dans le tas tous ensemble, pourquoi ne pas envoyer un premier petit groupe pour les affaiblir et par la même occasion retrouver Midona, puis lancer un second groupe ensuite, beaucoup plus gros, pour les mettre hors d'état de nuire pendant leur moment de faiblesse ?"

Tous s'échangèrent un regard devant une telle stratégie. En soi, l'idée de Link n'était pas mauvaise. Mais il fallait que le premier groupe soit suffisamment fort, à la fois pour tenir tête à leurs ennemis, affaiblir leurs forces et retrouver la princesse du Crépuscule.

"Je pense qu'avec Epon et Gray, nous serons en mesure d'accomplir cela.
- Il est vrai que les pouvoirs dont disposent Dame Epon et Sir Gray sont un réel atout pour ce genre de mission, répliqua Ash, un peu sceptique. Mais nos ennemis en possèdent des tout aussi puissants. Vous êtes vraiment sûrs de pouvoir réussir et survivre ?
- Si on s'y prend bien, je pense qu'il y a moyen, répondit Epon.
- Vous m'avez l'air bien sûr de vous, les enfants, constata Telma dont une certaine inquiétude pour le trio pouvait se lire sur son visage. Mais pour être honnête, je serais plus rassurée de savoir quelques soldats avec vous.
- Ce serait mal joué d'envoyer de simples soldats face aux monstres qui nous attendent dans cet autre monde, rétorqua Gray en croisant les bras. Déjà qu'ils ont du mal à protéger les villages du royaume, ils nous gêneraient plus qu'autre chose.
- J'ignore comment je dois prendre cette remarque envers mon armée, se vexa légèrement la princesse d'Hyrule devant cette pique désagréable.
- Dans ce cas, votre Majesté, fit l'homme en noir en la défiant du regard, repensez à ce qui est arrivé au Domaine Zora il y a presque une semaine, alors qu'il était sous la protection de vos soi-disant soldats.
- Gray, arrête ! lui ordonna calmement Link en se tournant vers lui. Ce n'est ni l'endroit, ni le moment pour parler de ça."

L'argenté ne parla donc plus. Mais il ne lâchait toujours pas Zelda de ce regard noir et plein de rancoeur qu'il arborait. Cette attitude avait surpris les membres de la Résistance, qui sentaient à présent une certaine tension s'élever dans cette salle. Epon, elle, ne savait pas quoi penser de la réaction de Gray. Elle savait que l'élu de Din vouait un certain antagonisme à l'égard de Zelda et des Sheikahs par rapport au massacre d'Orkidië. Mais elle s'était plutôt attendue à le voir garder son sang-froid plutôt que de se laisser emporter de cette manière. Quant à Zelda, elle savait également pourquoi Gray ne la portait pas dans son coeur. Mais actuellement, elle n'avait ni la force ni l'envie de confronter le jeune homme. Poussant un léger soupir, elle préféra laisser couler pour cette fois.

"Quoi qu'il en soit, je partage l'avis de Telma, affirma-t-elle. Même si j'ai confiance en vos capacités, vous envoyer là-bas uniquement tous les trois ne me rassurerait pas non plus. J'ai donc demandé à une personne digne de confiance de vous attendre à l'entrée du Désert Gerudo. Cette personne vous accompagnera et vous aidera dans cette mission.
- Une personne digne de confiance ? s'étonna Jehd en haussant les sourcils.
- À qui faites-vous allusions, votre Altesse ? lui demanda Moï.
- Ne vous souciez pas de l'identité de cette personne, leur conseilla Zelda avec un léger sourire. Sachez juste qu'il s'agit d'une personne douée aussi bien au combat qu'en stratégie militaire."

Alors que les membres de la Résistance s'échangeaient un regard interrogateur, Link et Epon eurent un léger sourire aux lèvres. Ils avaient une petite idée de qui était l'individu en question, et en seraient ravis s'ils voyaient juste à son sujet. Gray se doutait également de l'identité de cette personne mais contrairement à ses deux compagnons, il n'était pas enchanté à l'idée de voyager à ses côtés.

* * *

Au même instant, à Toal, et plus précisément dans la demeure où résidait le chef du village, celui-ci était toujours alité et semblait dormir profondément. Il ne s'était pas réveillé depuis le départ de Link et d'Epon, ce qui inquiétait de plus en plus Iria qui demeurait toujours assise à son chevet, priant les déesses pour que son père se réveille enfin. En outre, l'adolescente se demandait comment allaient Link et ses amis. Ces derniers lui manquaient énormément. De plus, apprendre la disparition tragique de Rutella lui avait miné le moral. Toutefois, préférant ne pas se laisser abattre, l'amie d'enfance de Link se leva de sa chaise, et sortit de la chambre de son père quelques instants pour aller se préparer une tasse de thé. Mais quelques secondes après qu'elle ait franchi l'encadrement de la porte, les yeux de Bohdan s'ouvrirent brusquement tandis qu'un fin filet de sang se mit à couler de la commissure ses lèvres...

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Kam-chan". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.