The Legend of Zelda : L'Epopée d'Hyrule
Chapitre 52 : Doutes
Chapitre 53 : Corruption
Chapitre 54 : Trahison et réconciliation
Chapitre 55 : L'Epée de Légende
Épilogue
Bonus NOUVEAU !
La réunion avait été courte. Il n'était plus utile de se répandre en digressions, leurs objectifs étaient clairs : les Sages et Link devaient se rendre auprès de l'Arbre Mojo, les premiers pour être en sécurité, le second pour savoir pourquoi il n'arrivait pas à reforger l'Epée de Légende. Ils avaient donc eu à peine le temps de préparer leurs paquetages que le groupe avait quitté Toal en direction des Bois Perdus. Les adieux avaient été brefs, mais difficiles pour certains et c'est le coeur lourd que Kira avait regardé Jehd disparaître sur les chemins de la forêt. La jeune femme avait beau accepter que son fiancé ait un rôle primordial à jouer, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour lui qui était si maladroit. Mais sa place à elle, comme celle d'Hergo, était à Toal, à préparer les futurs combats.
Guidés par Sheik et le Loup, le groupe avançait sur les sentiers de Firone d'un bon pas. Comme ils l'avaient expérimenté quelques temps plus tôt, la magie de la forêt avait modifié les chemins et sans le Loup, la route des Bois Perdus leur aurait été complètement fermée. Il fallait seulement espérer que l'instinct de l'animal et celui de Sheik continuent à les mener dans la bonne direction. Ils avaient été finalement plus nombreux à quitter Toal qu'ils l'avaient prévu. Aux trois Sages, à Link et Zelda, s'étaient, bien évidemment, ajoutés Lovio et Hönir.
Celui-ci ne quittait que rarement des yeux le petit Sekiro perché sur l'épaule de Lovio qui avançait devant lui. Peu avant leur départ de Toal, Lovio était venu lui présenter Sekiro et lui apprendre qui était réellement cet oiseau. La surprise passée, le colosse avait eu du mal à cacher son émotion et s'était répandu en excuses envers son amie pour ne pas avoir su la protéger. Le petit oiseau était alors venu se frotter contre sa joue pour lui signifier combien elle était heureuse de le retrouver et qu'elle ne lui en voulait pas de ce qui était arrivé. Ce n'était pas de leur faute si elle était morte. Ce n'était pas eux qui avaient porté le coup fatal. Pour autant, cela n'avait pas ôté la culpabilité d'Hönir. Surtout, cela avait ravivé sa haine contre Ganondorf.
En chemin, les uns et les autres firent plus ample connaissance. Amelina était une Piaf plutôt enjouée et agréable à fréquenter. Niyo était plus discret et s'était retrouvé à cheminer aux côtés de Lovio qui avait décidé de lui conter toutes leurs aventures depuis le départ. Quant à Link et Zelda, ils ne s'éloignaient guère l'un de l'autre, discutant avec leurs compagnons. Seuls Sheik et Hönir restaient silencieux et attentifs, le premier en tête, le second fermant la marche.
Le soir finit par tomber et ils durent se trouver un endroit où passer la nuit. Un feu de camp fut allumé et ils dînèrent des provisions emportées avec eux. Hönir avait pris le premier tour de garde et s'était éloigné pour s'assurer qu'aucun monstre n'était en embuscade. Il avait fait le tour du campement quand un bruit attira son attention dans un fourré. Etait-ce un lapin ou un bokoblin ? Il était hors de question de prendre le moindre risque, aussi sortit-il son cimeterre et fit-il le tour du bosquet. Il brandit son arme, prêt à frapper.
- Salut !
Le Gerudo s'arrêta net en voyant Era, accroupi dans le fourré, qui lui faisait un petit signe de la main. Le colosse soupira avec agacement, rengaina son sabre et attrapa Era par le col de sa robe rose pour le soulever de terre.
- Qu'est-ce que tu fais là, toi ? On ne t'a pas dit de rester à Toal ?
- Mais qui va protéger ma Zelda si je ne suis pas à ses côtés ? Et Sheik ? Il va se croire abandonné !
Hönir leva les yeux au ciel et le relâcha brusquement. Era se réceptionna sur ses pieds, tourna sur lui-même pour s'assurer que sa robe n'était pas abîmée et frappa dans ses mains en sautillant sur place.
- Allons-y ! Ils doivent se morfondre sans moi !
Sans attendre, il tourna le dos à Hönir et se dirigea en bondissant vers le campement. Le Gerudo se désola d'avance pour Sheik qui avait espéré un peu de tranquillité. Il lui emboîta le pas pour rejoindre les autres. Évidemment, l'arrivée surprise d'Era avait projeté le chaos dans le campement. Il s'était jeté sur Zelda, se mettant entre elle et Link comme si ce dernier n'existait pas, et n'arrêtait pas de lancer des oeillades énamourées à Sheik. Celui-ci ne fut pas long à s'installer sur la branche de l'arbre le plus proche pour l'éviter, et ne cachait nullement que sa présence le contrariait, ce que semblait ne pas comprendre le jeune homme en rose.
Après une soirée plus animée que prévu, le campement sombra dans le sommeil. Hönir était le seul à rester éveillé. Il n'arrivait pas à dormir, trop préoccupé par la présence de Sekiro qui ne quittait pas Lovio d'une semelle. Assis sur un tronc d'arbre mort, il se pencha en avant, les coudes sur les genoux, et se prit la tête entre les mains un instant. Il fut tiré de ses pensées par la lueur d'une grosse luciole qui dansait devant lui lentement. Elle était plus petite que la fée qui accompagnait Link et il se rappela qu'elle accompagnait l'étrange Niyo. Il la regarda sans dire un mot, se demandant bien ce qu'elle lui voulait. La luciole se rapprocha et lui tourna autour.
Depuis leur arrivée à Toal, Ray avait observé le Gerudo de loin. Son visage, sa chevelure flamboyante lui paraissaient familiers. S'il avait raconté son histoire à Niyo, ses souvenirs de sa vie humaine étaient flous, et pourtant... Pourtant, ce jeune homme à la carrure impressionnante faisait naître en lui une nostalgie qu'il n'avait jamais ressentie encore dans sa vie de luciole.
Ray tourna et tourna encore autour d'Hönir. Parfois, au visage anguleux de ce dernier se superposait dans l'esprit de la luciole celui d'un charmant bambin, robuste, un peu casse-cou, mais dont le sourire était éclatant et le rire communicatif. Mais le Gerudo qu'il avait devant lui ne semblait pas rire beaucoup. Le pli entre ses sourcils et sa mâchoire souvent tendue démontraient qu'il avait de sérieuses préoccupations. Vu la situation, Ray devinait que c'était on ne peut plus normal, d'autant plus qu'il avait compris que ce Gerudo était le frère jumeau de Ganondorf, leur ennemi à tous.
- Tu es une curieuse petite bestiole, fit soudain Hönir en tendant un doigt vers lui.
La luciole se rapprocha et se percha sur le bout de son index sans quitter son visage de ses petits yeux d'insecte.
- Es-tu comme Sekiro ou comme Navi ?
Ray ne sut que répondre. Après tout, il n'était ni un esprit réincarné, ni une fée. Il n'était qu'un humain maudit dont les souvenirs s'étiolaient. Le Gerudo releva légèrement la tête pour regarder dans la direction de Lovio qui dormait, roulé en boule sur Tapis, Sekiro contre lui.
- Si Frambra ne m'avait pas connu, il ne l'aurait jamais approchée... Il ne l'aurait pas tuée... soupira-t-il. Je le hais tellement si tu savais, petite bestiole.
Il se passa la main sur son visage. Il ne savait pas pourquoi il parlait de cela à la luciole. Il aurait dû en parler avec ses amis, mais ce n'était pas des choses faciles à dire et ils avaient tous leurs problèmes. Et puis, cela n'avait jamais été son genre de dévoiler ce qu'il avait sur le coeur. Mais là, il ne s'agissait que d'un insecte, une simple luciole.
- A chaque fois que je me regarde dans le miroir, c'est lui que je vois. Je voudrais ne pas être son frère. Et puis...
Hönir détourna le regard pour fixer un point dans l'obscurité.
- Peut-être qu'au fond, je suis comme lui, lâcha-t-il au bout d'un moment. L'autre nuit, j'ai tué ce Goron sans une once de remords. Je voulais le tuer. Je me suis senti si puissant !
Il avait prononcé ces mots avec dégoût. Ni Lovio, ni lui n'en avait reparlé depuis, mais il avait bien vu qu'il avait choqué le petit Hylien. Peut-être même lui avait-il fait peur.
- Et si c'était en moi depuis le début ? Et si j'étais comme lui ? Si je n'avais pas été abandonné au désert, si j'avais été élevé par ces sorcières maudites, peut-être que je serais à sa place...
Ray sentit tout le désarroi d'Hönir, tous ses doutes dans ses paroles. Ce qu'il venait de dire sur le fait d'avoir été jeté dans le désert l'intrigua, comme si cela remuait quelque chose en lui.
- Mon père disait toujours que j'étais un don des étoiles, mais il avait tort. Il n'y a rien de glorieux en moi, juste la même obscurité que celle de ce monstre...
La luciole s'agita à ces mots et s'envola pour lui tourner autour avec entrain. Le don des étoiles ! A nouveau, le visage de l'enfant aux joues rebondies et à la force impressionnante lui était revenu en mémoire ! Il s'était revu, humain, tendant les bras vers un bébé gerudo à moitié mort de soif vers qui un fragment d'étoile l'avait conduit. Son fils ! Son fils né des étoiles ! Hönir ! Il se souvenait de ce prénom emprunt de gloire qu'il lui avait donné ! Ray en tourbillonnait de joie !
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le Gerudo.
Mais évidemment, Ray ne pouvait pas communiquer avec lui. La luciole aurait voulu tout lui expliquer, lui dire qu'il ne l'avait pas oublié, pas abandonné ! Mais combien d'années s'étaient écoulées depuis sa disparition ? Hönir était un homme maintenant, il n'avait souvenir que d'un adolescent, certes plus grand et plus fort que les autres. Hönir commençait à s'inquiéter du comportement de la luciole quand un bruit dans les bois le fit se lever d'un bond.
- Reste là. Je vais voir. S'il le faut, réveille tout le monde.
Son cimeterre en main, il disparut dans le noir. Ray le regarda partir, partagé entre l'inquiétude et le bonheur. Quand Niyo saurait qu'il avait retrouvé son fils, il pourrait le dire au Gerudo ! Ray se figea soudain. Non. Il ne pouvait le dire à Hönir, pas pour le moment. Son fils était déjà écrasé par le poids des soucis, s'il lui révélait la vérité, cela ne ferait qu'en rajouter et il n'avait pas besoin de cela pour l'instant. En revanche, il pouvait faire part à Niyo des doutes d'Hönir. Peut-être son ami pourrait-il en parler un peu avec ce jeune homme, Link, ou encore avec Lovio. Tous les trois paraissaient proches de ce qu'il avait compris du récit de ce dernier. Eux pourraient peut-être l'aider puisque lui en était encore incapable.
Ghyni quitta la place et Lovio les yeux remplis de larmes, elle avait fini par se réfugier chez elle. Une fois dans sa chambre, elle se jeta sur son lit et pleura de plus belle. Elle frappa le matelas de ses poings.
- Reprends-toi ! Cela suffit de t'apitoyer sur ton sort, tu n'es pas un bébé.
Elle s'assit sur son lit et du revers de la main, effaça les dernières larmes qui coulaient. Ghyni se leva : elle était déterminée à changer et à devenir meilleure, pour Lovio. Elle retourna à la grande place de Toal, là où elle avait laissé Lovio, mais il n'y était plus. Elle se rendit alors à la bibliothèque, mais elle ne trouva qu'une porte fermée. Au loin quelqu'un l'appela, c'était Kira.
- Tu cherches le groupe ?
- Euh, oui, enfin je cherche Lovio.
- Ils s'en sont allés aux Bois Perdus, il y a peu. Je pensais que tu étais au cou...
Kira n'eut pas le temps de finir sa phrase que la jeune Ghyni courut vers l'entrée du village. Elle leva les yeux : le dôme de protection n'était plus actif, comment avait-elle pu passer à côté de ça ? Elle accéléra le pas de peur de ne pouvoir sortir du village. Elle s'arrêta, un peu essoufflée. Elle se tenait debout à quelques mètres du pont qui servait d'entrée quand un léger grondement se fit entendre. Elle leva les yeux : la barrière était en train de se refermer. Elle se remit à courir de plus belle, voyant à présent la protection au niveau de la cime des arbres. Celle-ci descendait plus vite qu'elle ne l'aurait pensé. Dans un dernier effort, elle sauta et glissa sur le flanc, tout en fermant les yeux. Elle passa le pont de justesse au moment même où la barrière toucha le sol. Haletante, elle se redressa devant Toal et sa protection. Elle avait réussi, elle était passée. Ghyni resta plantée là un long moment à regarder le village. Qu'avait-elle fait ? Elle avait encore désobéi et finirait par le payer. Sheik trouverait une punition à la hauteur. En pensant à cela, la Sheikah serra les poings.
- Au diable Sheik ! Je ne suis plus une enfant et je te le prouverai !
A ces mots, Ghyni se retourna et courut dans la forêt. Elle ne devait pas être loin d'eux et les rattraperait vite. Malheureusement au bout d'une trentaine de minutes, Ghyni n'apercevait toujours personne. Comment cela pouvait être possible ? Elle ralentit et regarda autour d'elle, mais rien, aucune trace. Pourtant un groupe de cette taille devait bien en laisser. Elle continua sa route en marchant. Après plus d'une heure de marche, la fatigue et l'angoisse l'avaient gagnée.
- Ce n'est pas possible, ils ne doivent pas être loin. Ou alors je les aurais dépassés ?
Paniquée à l'idée d'avoir perdu le groupe, la jeune fille s'aventura hors du sentier et s'enfonça de plus en plus dans la forêt. Après un long moment à tourner et chercher, la jeune fille s'assit au pied d'un arbre et ramena les jambes vers son torse. Elle s'était perdue, elle qui d'ordinaire avait un bon sens de l'orientation. Ghyni regarda autour d'elle une dernière fois avant de sentir les larmes lui couler sur ses joues. Elle était partie tellement vite qu'elle n'avait rien avec elle. Ni arme, ni nourriture. A bout de forces, la jeune fille s'endormit. Ghyni ouvrit péniblement les yeux. Devant elle, se trouvait une femme assise auprès d'un feu.
-Tu es enfin réveillée ?
La jeune Sheikah observa les environs, elle n'avait pas bougé, ce qui voulait dire que l'inconnue l'avait trouvée là.
- Tu as faim ?
Ghyni acquiesça.
- Viens près du feu, tu dois avoir froid, les nuits sont fraîches par ici.
La jeune fille approcha doucement et ramassa une branche au passage.
- Je ne te veux aucun mal, ne t'inquiète pas, lui dit la jeune femme. Je me présente : je m'appelle Zylia, je suis une Gerudo.
- Ce n'est pas très gerudo comme prénom, répondit Ghyni du tac au tac.
La Gerudo rigola.
- C'est vrai, je le tiens du côté de mon père.
- Moi, c'est Ghyni, je suis une Sheikah, dit-elle en s'asseyant autour du feu.
Après avoir fait plus ample connaissance et s'être rempli l'estomac, la Gerudo reprit.
- Que fais-tu ici dans les bois ? Je ne pense pas que tu te sois perdue, lui dit Zylia. Fuyais-tu un voï ?
- Je ne fuis personne.
La jeune Sheikah raconta alors comment elle en était arrivée là. Son récit évoqua tout, de sa rencontre avec Lovio à comment elle l'avait suivi jusque chez le Goron, leur retour à Toal et sa surprise quand il l'avait repoussée la veille.
-Tu l'aimes beaucoup, ce voï, et lui te rejette après tout ce que tu as fait pour lui. Chez moi, on lui ferait payer jusqu'à ce qu'il demande pardon.
- Je ne veux pas lui faire de mal, je veux qu'il m'aime aussi, dit la jeune fille en regardant le feu.
- Je pense que le problème ne vient pas de lui, fit remarquer Zylia.
Ghyni releva la tête et observa la Gerudo en attendant la suite. Si le souci n'était pas Lovio alors d'où venait-il ? La guerrière se mit debout les mains sur les hanches :
- Il est un peu plus âgé que toi, mais je pense que tu lui plais au vu de tout ce que tu m'as raconté.
- C'est vrai ? la coupa Ghyni.
- Oui, mais ses amis, ainsi que ton mentor ont dû le remarquer et lui interdire de te fréquenter.
Ghyni ouvrit de grands yeux. Ce que lui racontait la Gerudo avait du sens.
- La preuve : ils ne t'ont pas prévenue de leur départ. Pour eux, tu n'es qu'une enfant, alors que tu as accompli tellement de choses en compagnie de ton amoureux.
La Sheikah sauta sur ses pieds et leva le poing :
- C'est vrai ! Je les ai aidés à trouver la pierre au village Goron ! Sans moi, ils n'y seraient pas arrivés. Et sans moi, Lovio n'aurait pas retrouvé son ami Link !
Zylia se plaça devant Ghyni et lui tint les épaules.
- Je vais te dire même plus : je pense que ce Sheik est jaloux de toi.
- Jaloux ?
- Oui...
Un sourire mesquin aux lèvres, la Gerudo poursuivit :
- Au vu de ce que tu m'as dit, j'ai l'impression que tu es bien meilleure que lui ne l'a été à ton âge.
- Vous pensez vraiment ?
- Et comment cela pourrait être autrement, il n'est même pas Sheikah ! Il a pris la place qui te revenait de droit. Sans lui, ton amoureux serait en ce moment à tes côtés.
- Moi ? A la tête de la tribu Sheikah ! s'exclama la jeune fille. Mais... mais, je ne suis qu'une adolescente ! Jamais personne n'a été chef aussi jeune.
- Tu te trompes, il y a déjà eu une Sheikah de ton âge au pouvoir. Il y a de ça bien longtemps.
Ghyni ne savait pas quoi répondre à cette information.
- Tu n'étais pas au courant ?
A ces mots, la Gerudo tourna le dos à la jeune fille et alla s'asseoir près d'un arbre.
- Et bien, je vois que l'on te cache bien des choses...
Le silence regagna le petit campement de fortune où se trouvaient les deux femmes. Ghyni resta assise à repenser à ce que lui avait dit la Gerudo fraîchement rencontrée. De son côté, Zylia l'observait, murmurant une incantation inaudible. Grâce à cela, elle avait réussi à avoir les informations dont elle avait besoin. La jeune Sheikah était facile à manipuler, elle n'avait pas encore appris les techniques pour esquiver certaines magies. Et de ce fait, la jeune Ghyni n'avait pas non plus remarqué le charme qui dissimulait son aspect.
- Il se fait tard, je vais dormir. Profites-en pour te reposer aussi, lui dit Zylia.
A cela, l'acolyte de Ganondorf s'allongea et laissa la jeune Sheikah seule devant le feu.
Ghyni ramena les genoux à sa poitrine et posa le menton dessus. Les paroles de Zylia résonnaient en elle. "Sheik n'est pas un Sheikah"... "Tu es bien meilleure que lui"... "Lovio serait à tes côtés". La jeune fille sentait la colère monter en elle. Tout cela était de la faute de son mentor ! Elle en était persuadée.
La nuit fila à toute allure, mais Ghyni n'avait pas dormi, elle cherchait un moyen de se venger de ses soi-disant amis. Ils l'avaient tous rejetée à cause de son rapprochement avec Lovio.
- Vasaaq, jeune Vai. On dirait que tu n'as pas dormi.
- Effectivement, lui confirma Ghyni. Je cherche un moyen de leur faire payer.
- Leur ? l'interrogea la Gerudo.
- Oui, je veux qu'ils payent tous.
- J'aime ton caractère, jeune Vai. Je te verrais bien à la tête de mon armée.
- Votre armée ? dit la jeune Sheikah, surprise.
- Oui, j'ai une armée. Elle est constituée de personnes rejetées par leurs tribus.
- Et tu voudrais de moi comme chef ? lui dit Ghyni d'un air étonné.
- Je vois ton potentiel, mais cela se mérite. Prouve-moi ta dévotion et tu dirigeras mes troupes.
- Et comment je fais cela ? s'impatienta la Sheikah.
- Tes soi-disant amis sont en route pour les Bois Perdus si je ne me trompe pas.
- Ohhh mais oui, j'ai saisi : vous voulez que je mette ma vengeance à exécution, c'est ça ?
- Tu es perspicace, dit la Gerudo avec un grand sourire. Cela me plaît de plus en plus. J'ai une petite idée de ce que tu pourrais faire. Si tu es d'accord bien sûr.
- Je ferais n'importe quoi, tant que mon Lovio me revient.
- Moi aussi j'ai une vengeance en cours. Il se trouve qu'une personne dans ce groupe a tué l'homme que j'aimais.
Jouant sur la sensibilité de la jeune fille, Zylia inventa cette histoire de toutes pièces.
- Ohh, je suis vraiment désolée pour toi.
- Cet homme se fait passer pour un Gerudo en plus, il est le mal incarné.
Ghyni avait tout de suite compris qu'elle parlait d'Hönir. Elle s'était toujours méfiée de lui depuis leur rencontre et il n'avait pas hésité à tuer un Goron sans aucun scrupule.
- Je vais t'aider, lui dit la jeune fille levant le poing pour affirmer sa décision. Je hais cet homme depuis que je l'ai rencontré, il a réussi à berner mon pauvre Lovio mais pas moi.
- Très bien. Dans ce cas, approche, lui dit Zylia en lui faisant signe du doigt.
Ghyni fit face à la Gerudo.
- A présent, tu fais partie de mon armée. En route, allons faire payer à ces Voïs.
La jeune Sheikah n'avait pas compris dans quoi elle venait de s'embarquer. Zylia cherchait à capturer Hönir et elle venait de lui offrir des Sages et les détenteurs de la Triforce sur un plateau. Intérieurement Zylia jubilait. Elle n'était qu'à quelques heures de tuer ce petit groupe et ainsi changer l'histoire d'Hyrule.
* * *
Aëline filait sur son balai à travers les arbres de Firone. Cela faisait plusieurs jours qu'elle avait trouvé refuge au coeur des Bois Perdus, auprès des Kokiris et de la protection de l'Arbre Mojo, mais en dehors du jeune prince Lars, aucun autre Sage n'était venu la rejoindre. Cela l'inquiétait d'autant plus que l'esprit d'Asphar était venu la prévenir que Ganondorf l'avait tué, aidé par une mystérieuse et dangereuse magicienne. L'héritière du Sage des Vents était éveillée à ses pouvoirs, cela, elle le savait aussi. Ce qu'elle ignorait, en revanche, c'était où elle se trouvait, ainsi que les autres Sages. Elle espérait que Ganondorf et son alliée l'ignoraient tout autant qu'elle.
Contre l'avis de l'Arbre Mojo, Aëline avait donc décidé de quitter la sécurité des Bois Perdus pour se rendre à Toal. Sheik et Link devaient y être retournés maintenant. Elle priait pour que les deux jeunes hommes aient retrouvé sa fille. Mais surtout, elle espérait que les nouveaux Sages aient été guidés vers l'Arbre Mojo et s'ils étaient dans la forêt, les Sheikah devraient le savoir. Elle fonçait droit devant elle quand une petite silhouette de bleu vêtue apparut, perchée sur une haute branche. Elle se stoppa net avant de rentrer dans la jeune Sheikah qui la regardait, complètement essoufflée.
- Vous êtes Aëline, n'est-ce pas ? demanda Ghyni en feignant d'avoir du mal à respirer.
- Et toi ? Qui es-tu ? répondit la sorcière après avoir approuvé d'un signe de tête.
- Je m'appelle Pruah, je suis envoyée par Sheik, du village de Toal.
Ghyni n'aurait jamais imaginé qu'il soit si facile de mentir. Jusque là, elle avait toujours eu des scrupules quand cela lui arrivait de travestir la réalité, mais maintenant, elle n'en ressentait plus aucun. Zylia lui avait confirmé qu'un Sage approchait, sentant son pouvoir, mais avait été incapable d'en dire plus. Ou ne l'avait pas voulu. Après tout, Ghyni savait que cette première mission pour la Gerudo était un test pour mesurer sa détermination. Zylia comprendrait vite qu'elle n'en manquait pas. Ghyni ne dévierait pas du chemin qu'elle venait de choisir pour atteindre son but : avoir Lovio pour elle seule.
- Il est arrivé quelque chose à Zelda ! continua-t-elle, un masque d'inquiétude sur le visage.
- Zelda ?
Le coeur d'Aëline manqua un battement et son trouble n'échappa nullement à Ghyni. La jeune fille avait frappé le point faible de la sorcière. Lovio lui avait parlé d'elle alors qu'ils se rendaient chez les Gorons. D'elle et de la princesse qu'elle avait élevée comme sa fille.
- Nous venions vers vous, mais nous avons été attaqués, reprit Ghyni. Sheik est resté avec elle et m'a envoyée vous chercher. Je suis contente de vous avoir trouvé si vite !
Ghyni tourna le dos à Aëline et lui fit signe de la suivre.
- Venez vite.
Sans se méfier le moins du monde, Aëline emboita le pas à Ghyni qui bondit de branche en branche. Elles cheminèrent quelques longues minutes en silence, la sorcière rongée par l'inquiétude, jusqu'à ce que Ghyni s'arrête au sol.
- Qu'y a-t-il ? Tu t'es perdue ? demanda la sorcière.
- Absolument pas. Nous sommes arrivées, répondit Ghyni en se tournant vers elle.
- Mais... où est Zelda ?
- Aucune idée, fit la jeune fille en haussant les épaules. Mais vous, vous êtes arrivée à destination.
Le sourire mauvais qu'elle lui adressa fit comprendre à Aëline qu'elle venait de tomber dans un piège. Elle leva le manche de son balai pour reprendre de l'altitude, mais Ghyni fut plus rapide. Elle sauta sur le balai, déséquilibrant la sorcière qui tomba à terre. La Sheikah lutta contre le balai qui essayait de lui échapper quand un rayon de magie violette le percuta pour l'envoyer au loin. Aëline s'était redressée, mais il était trop tard : Zylia venait de faire son entrée.
- Qui êtes-vous ?
- Des questions, toujours des questions, soupira Zylia, peu disposée à lui répondre.
Mais Aëline se moquait bien de son identité. Elle fit appel à ses pouvoirs magiques et lança un sort vers Ghyni, et un deuxième vers sa nouvelle ennemie. La Sheikah l'évita de justesse en bondissant, mais Zylia ne bougea pas d'un pouce. Le sort s'écrasa cependant sur une barrière magique.
- Vous, les Sages, vous vous croyez tellement supérieurs.
Aëline fronça les sourcils, réfléchissant à son prochain mouvement.
- Vous êtes celle qui a tué Asphar.
- Et je ne compte pas m'arrêter là, répondit Zylia avec un sourire cruel.
La déesse sombre avait retrouvé un peu de ses pouvoirs grâce à celui qu'elle avait volé à Asphar. C'était encore loin de ce dont elle était réellement capable, mais cela devrait suffire pour se débarrasser de ce Sage-ci avant de s'en prendre aux autres et de pouvoir capturer Hönir. Elle lança aussitôt sa magie de foudre contre Aëline qui ne bougeait pas. L'éclair transperça la sorcière qui disparut aussitôt, évanouie.
- Un mirage... cracha Zylia.
- Je suis le Sage de l'Esprit. Mon pouvoir n'est pas à négliger, qui que tu sois.
La voix d'Aëline sembla résonner tout autour d'elles et Ghyni chercha partout d'où elle pouvait provenir. Tout d'un coup, plusieurs Aëline apparurent, les encerclant. Toutes faisaient les mêmes mouvements en même temps.
- Des illusions. Plutôt amusant, reprit Zylia.
- C'est ce que nous allons voir.
Toutes les Aëline lancèrent le même sort sur Zylia et Ghyni, mais la déesse le para de son sceptre. Elle n'avait pas prévu que cette attaque soit une diversion, aussi fut-elle prise par surprise quand la véritable Aëline se matérialisa devant elle, les mains jointes en triangle. Le sort frappa Zylia en plein visage, mais Ghyni contre-attaqua, se jetant sur elle.
Zylia resta immobile, prise dans le sort du Sage. Aëline venait de frapper directement son esprit, lui faisant revivre le pire moment de son existence. Elle se revit, face à Hylia, cette Lumière dont, elle, les Ténèbres, était issue. Elle revécut le moment de joie immense où, forte de ses pouvoirs sans pareil, elle avait réussi à détruire l'Epée de Légende devant le Héros anéanti, baignant dans son sang. Mais juste après cette jubilation venait le désespoir car Hylia - ou plutôt sa réincarnation -, aidée des Sages de son époque et de ces maudits Sheikahs, avait réussi à la sceller au coeur du Néant, lui retirant ses pouvoirs avant de l'exiler pour une éternité de solitude. Elle se revit alors tomber dans le vide, encore et encore. Seule pour l'éternité. Elle se mit à hurler, encore et encore. Elle ne voulait pas retourner là-bas. Elle voulait sa liberté. A cette pensée, elle se souvint alors que la seule chose qui l'avait empêchée de devenir folle alors qu'elle dérivait dans sa prison de vide était la satisfaction d'avoir tué la réincarnation d'Hylia et ses alliés, l'exilée ayant brûlé leurs pouvoirs et leurs âmes. Cela, et l'espoir qu'un jour, elle réveillerait l'Avatar du Néant.
Cette pensée la sortit de l'illusion créée par Aëline. Si elle avait eu l'impression d'avoir revécu ses tourments pendant des heures, elle comprit que seule une poignée de secondes avait passé. Ses hurlements n'avaient eu lieu que dans son esprit. D'ailleurs, Ghyni ne s'était aperçu de rien, plaquant Aëline à terre avec une force que la Sheikah ne pensait pas posséder.
Ivre de rage, Zylia les rejoignit et avant qu'Aëline ait pu faire quoi que ce soit, elle posa le haut de son sceptre d'obsidienne sur son front. Aussitôt, le joyau noir au front de Zylia se mit à briller et Aëline hurla alors qu'on la dépossédait de ses pouvoirs. La déesse se fit un plaisir d'opérer lentement, arrachant au Sage le moindre morceau de sa magie et de son pouvoir. Quand Zylia eut terminé, Aëline gisait au sol, inanimée, mais la déesse haletait. Son corps mettait du temps à s'habituer au pouvoir qu'il venait d'absorber. Ghyni avait observé tout cela avec grande attention, surprise de voir que sa nouvelle alliée avait de tels pouvoirs, mais satisfaite aussi car plus Zylia serait puissante, plus facilement elle pourrait lui donner Lovio.
- Achève-la maintenant, Ghyni, ordonna la Gerudo en s'appuyant sur son bâton.
Ghyni ne pouvait quitter les yeux noirs de Zylia, sentant toute son autorité malgré la fatigue qu'elle affichait. Si quelque part au fond d'elle-même sa conscience lui criait qu'il était encore temps de reculer, la jeune fille la fit taire, l'enfermant à double-tour dans un recoin de son esprit. Elle se releva lentement et sortit son couteau de son étui. Zylia attendait, sans un mot, qu'elle lui obéisse.
- Alors, te revoilà, toi.
La voix fit se retourner brutalement Zylia qui écarquilla grand les yeux en voyant Ash devant elle.
- Tu es morte, siffla-t-elle entre ses dents, ce qui arrêta Ghyni dans son geste.
- Toi aussi, à ce que je vois. Tu aurais pu mieux choisir qu'un zombie.
L'esprit de l'ancien Sage lui adressa un sourire ironique. Elle ne sous-estimait pas l'ennemi. Après tout, c'était elle qui l'avait tuée. Seulement, elle ne pouvait rien contre le fantôme qu'elle était devenu.
- A qui parles-tu ? demanda soudain Ghyni.
- Trop tard. Ils arrivent, fit Ash avec satisfaction.
Zylia entendit alors des bruits de course non loin d'elles. Elle se sentait encore trop faible, son corps ne s'était pas encore habitué au pouvoir volé à Aëline, sa tête tournait et voir Ash n'aidait pas.
- Ghyni, allons y.
- Mais...
- Maintenant.
L'ordre était absolu, Ghyni ne s'y trompa pas. Elle approcha de Zylia pour la soutenir et toutes les deux disparurent dans un nuage de fumée violette. Celle-ci s'était à peine dispersée que le Loup arriva, précédé du balai d'Aëline bien mal en point.
Le groupe allant aux Bois Perdus s'était remis en route pour leur destination dès l'aube, ne voulant pas retarder encore plus leur arrivée. Ils avaient déjà marché toute la matinée et firent une petite pause pour manger le midi. Alors que, selon Jehd, il ne devait leur rester que quelques heures de trajet, le Loup se sauva brusquement, comme attiré par quelque chose.
- Qu'est-ce qui lui prend à lui ? demanda Hönir en mettant ses poings sur ses hanches.
- Il est peut-être allé chasser ? supposa Jehd en mordant dans un bout de pain.
- Peut-être... répondit Link, perplexe.
Cette fuite soudaine l'intriguait. En général, le loup faisait un petit signe pour signaler qu'il partait chasser ou explorer les environs, alors que là, il était parti comme un voleur, sans un regard en arrière, comme si quelque chose l'avait alarmé. Mais personne ne semblait s'en soucier lorsqu'il fit un rapide tour du regard. Quand il croisa le regard de son ami Lovio, ce dernier lui rendit son air inquiet, lui signifiant qu'il n'était pas seul à penser que c'était bizarre. Link but une gorgée d'eau, puis s'apprêta à déclarer qu'il allait voir ce que le loup trafiquait.
- Je vais aller voir, déclarèrent deux personnes en même temps.
Link tourna la tête et vit que Sheik et Zelda s'étaient tous deux levés et se jugeaient du regard. Puis, la jeune fille se retourna et s'engouffra dans la forêt sur les traces de l'animal, suivie d'un Sheik de mauvais poil. Le jeune garçon soupira. Ses deux amis n'arriveraient donc jamais à s'entendre ? Il lança un nouveau regard au violet, qui lui fit signe de laisser couler. Il vit du coin de l'oeil Era qui s'apprêtait lui aussi à se lever pour les suivre, mais le regard de l'Elu des Déesses l'en dissuada. Déjà qu'il avait énervé tout le monde dès le réveil avec son arrivée surprise et clandestine, il avait intérêt à obéir. Peut-être que si on les laissait seuls un petit moment, ils pourraient enfin se dire ce qu'ils ont sur le coeur...
Zelda marchait comme une furie dans la forêt, voulant à tout prix s'éloigner de lui. Pourquoi fallait-il qu'il fasse la même chose qu'elle ?! D'après lui, il n'était pas la personne qu'elle cherchait, mais ce n'était qu'un mensonge ! Un mensonge qui faisait mal ! Elle savait ! Elle savait que c'était lui et lui aussi savait, mais pourquoi ne venait-il pas lui dire en face, au lieu d'être aussi désagréable avec elle ?! Soudain, elle vit la queue du loup derrière un buisson, ce qui fit instantanément disparaître sa colère. Elle se rapprocha de lui et s'accroupit à ses côtés tout en caressant son pelage. Il était assis et fixait un point devant lui, tourna la tête vers Zelda, puis continua à fixer son point.
- Et bien alors ? Qu'y a-t-il ? Pourquoi nous as-tu quittés brusq... commença la princesse en regardant dans la direction que fixait l'animal.
Mais la jeune fille ne put terminer sa phrase, voyant le corps gisant inanimé par terre. Ce corps aux courbes si familières. Elle se releva et avança doucement vers la personne. Quand elle reconnut ce visage qui l'avait bercée toute son enfance, Zelda tomba à genoux, les yeux lui piquant. Elle prit la tête d'Aëline entre ses mains pour la poser sur ses jambes et pleura à chaudes larmes tout en la berçant doucement.
De son côté, Sheik essayait de se calmer. Pourquoi était-il toujours obligé de s'énerver ? Ça ne lui ressemblait aucunement de perdre ainsi le contrôle. Il s'était arrêté dans sa course pour rattraper Zelda au moment où il l'avait vue bifurquer derrière un buisson. Il n'arrivait plus à avancer. Quelque chose au fond de lui le bloquait, l'empêchait d'avancer, tout comme ce quelque chose l'empêchait de parler franchement à Zelda. Au fond, il voulait la prendre dans ses bras. Lui dire qu'il voulait être son frère ! Mais au lieu de ça, il la repoussait toujours plus loin, lui lançant des piques, la rejetant inconsciemment. Dès le début, il lui avait dit ne pas être celui qu'elle pensait alors qu'il voulait lui dire le contraire ! Et il s'en voulait amèrement. Il se haïssait profondément pour ses actes. Et la colère revenait, en même temps qu'elle, cherchant toujours une certaine compagnie chez le frère qu'il était censé être. Sauf qu'au lieu de l'accueillir comme il se devait, c'était comme s'il la frappait verbalement, avec des mots qui lui écorchaient la bouche... et elle repartait.
Soudain, il frappa violemment l'arbre le plus proche de lui, voulant évacuer toute cette colère inutile qui le traquait. Et il frappa encore, et encore, jusqu'à avoir les jointures en sang. Tout ça, c'était sa faute. S'il n'était pas aussi mauvais avec elle, il ne ressentirait pas cette colère, et il n'y aurait pas toutes ces tensions dans le groupe. Des fois, il se disait qu'Impa aurait peut-être mieux fait de ne pas le trouver sur cette berge. Elle ne serait peut-être pas...
- Wrof !
Un aboiement le sortit de ses mauvaises pensées. Il tourna la tête et vit le loup qui lui lançait un regard noir. Puis il se radoucit en voyant la main du Sheikah. Il vint se frotter à lui et lui lécha doucement les traces de sang sur son poing. Ensuite, il fit comprendre au jeune homme de le suivre. Ce qui l'amena à voir Zelda, à genoux, serrant une Aëline inconsciente dans ses bras, pleurant sans retenue. Il pensa directement à une attaque des sbires de Ganondorf, sauf que la sorcière ne paraissait aucunement blessée. Prenant sur lui, il s'approcha de la jeune fille, inspira, et déposa une main qui se voulait réconfortante sur son épaule. Elle sursauta et releva un visage larmoyant vers le Sheikah.
- E-elle respire encore, m-mais elle ne s-se réveille p-pas... essaya d'articuler la princesse en caressant délicatement la chevelure du Sage. En, en plus, s-sa respiration est de plus en plus f-f-faible...
Mais Sheik ne l'écoutait plus. Son regard fut attiré par de petites traces de pas non loin. Il quitta la jeune femme pour s'en rapprocher et dit distraitement :
- Si elle respire encore et qu'elle n'est pas blessée alors ce n'est pas si grave.
Sauf qu'il avait dit ça sur un ton un peu trop inintéressé à son goût. Et il se maudit de toujours parler comme ça. Mais il se changea les idées en observant les traces. C'était des chaussures de quelqu'un de petit, peut-être la quinzaine d'années. Il releva la tête, et vit quelques cheveux... blancs ? Un Sheikah ? Non, aucun Sheikah ne pouvait sortir du dôme à part ceux ayant la clé. A moins que... Non, ça ne pouvait être Hergo, ce dernier ayant une pointure beaucoup trop hors norme et des cheveux roux. Ou alors... non plus, elle était restée à l'intérieur. Mais, elle avait déjà réussi à sortir une fois, pourquoi pas deux ? Il ne l'espérait grandement pas, car si c'était le cas... Et puis la colère revint... en même temps qu'elle.
- Sheik !
- Quoi ?! s'énerva-t-il en se retournant vers Zelda qui était à présent debout, le loup à ses côtés.
Cette dernière avait encore les yeux rougis, mais au lieu que son regard soit empli de tristesse et de peur, il y avait cette fois de la colère et de l'indignation.
- Tu ne m'écoutes même pas ! s'exclama-t-elle, sa voix partant dans les aigus.
Le Sheikah se releva, agacé.
- Non ! Je ne t'écoute pas ! Parce que quand tu parles, ce n'est que pour te plaindre !
Le garçon se rapprocha de quelque pas pour bien faire face à la jeune femme.
- Je viens de te dire que ce n'est pas si grave ce qu'elle a, ta chère maman ! Elle n'est pas blessée à ce que je vois, nan ? Alors on a qu'à rejoindre les autres et on avisera ! Il n'y a pas de quoi pleurnicher !
Zelda encaissa violemment le coup.
- Pas de quoi ? Pas de quoi ?! pensa la jeune femme surprise par les propos de Sheik.
- Oh ! Ou alors je sais ! Peut-être que mademoiselle la princesse n'est pas assez bien logée parmi nous ? Et tu veux aussi peut-être que nous exécutions le moindre de tes caprices ? Hein ? C'est pour ça que tu pleures ? Peut-être que nous sommes de piètre compagnie, et que tu préférerais être seule avec ton cher Link, comme l'autre jour dans le lac ?!
Sheik fulminait. Il était en colère. Contre quoi ? Il n'en savait rien. Mais il avait envie de hurler. Zelda ne lui avait vraisemblablement rien fait, mais il lui cria tout ce qui l'agaçait chez elle, notamment le fait qu'elle ait passé ce moment si dérangeant avec le jeune Hylien. Zelda, elle, se prit comme une claque en pleine figure. Sous le choc, elle restait paralysée par les mots du Sheikah.
- Et puis, elle est sûrement tombée dans les pommes, ta tendre maman ! s'écria Sheik, au bord des larmes de fureur, enfin, c'était ce qu'il croyait. Alors maintenant arrête de pleurer comme une fillette !
CLAC !!! Le bruit retentit dans toute la forêt tellement la claque fut violente. Sheik ne l'avait pas vue venir, mais il la sentait dans sa joue gauche. Elle lui brûlait la peau. Et soudain, un liquide chaud coula paresseusement sur sa peau.
- Je. Ne. Suis. Pas. Une. Fillette !!! articula Zelda. Et tu n'as aucun droit sur moi ! Je fais ce que je veux, alors ne me dicte pas ce que je dois faire ou non ! Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens, ta mère est morte !
Sous le coup de cette dernière phrase, Sheik sentit un énorme poids sur ses épaules, ce qui le fit tomber à genoux. Le temps que la jeune fille se rende compte de ses mots, c'était déjà trop tard. Le mal était fait. Le Sheikah tomba sur son postérieur et ramena ses genoux contre son torse. Et, sans que Zelda ne s'y attende, un sourire apparut sur les lèvres du jeune homme. Un sourire dément.
- Oui... oui, tu as sans doute raison, rigola alors Sheik. Ma mère est morte. Je ne peux pas comprendre ce que tu ressens, je n'ai même pas eu le temps de la pleurer, devant prendre les rênes de Toal.
Le jeune homme comprit que le liquide coulant de plus en plus sur ses joues était des larmes. Zelda remarqua alors la main en sang de son jumeau.
- Oh ! Sheik... Je, je suis... commença-t-elle, regrettant ses paroles et ses actes.
- Non, tu as eu raison, la coupa-t-il, toujours souriant, mais regardant dans le vide. Je l'ai mérité...
Il releva la tête vers sa moitié, le sourire effacé.
- Je suis désolé Zelda. Pour tout. Je... je ne sais pas ce qui m'a pris. Je... je ne voulais pas te parler comme ça, ni aujourd'hui, ni depuis qu'on s'est rencontrés. Je... je crois que j'ai eu peur... peur du changement, peur du nouveau. J'avais peur que tu ne veuilles pas de moi, et je me suis mis dans ce foutoir tout seul, alors que toi, tu cherchais juste du soutien.
La jeune fille vint s'agenouiller à côté de lui et prit sa main blessée dans les siennes.
- Je ne t'en veux pas, Sheik ! dit-elle précipitamment. Tu as ton caractère et c'est normal, c'est....
- Non, ce n'est pas normal ! Je ne suis pas normal ! Je ne suis même pas un vrai Sheikah ! J'ai perdu ma mère et je lui ai succédé sans broncher ! Je suis désagréable avec les gens que j'aime ! Je me mets en colère pour tout et rien ! Et je ne suis même pas capable de te dire que... que je suis bien celui que tu cherches ! pleura-t-il soudain, évacuant tout ce qu'il gardait pour lui. Je... quand je t'ai vue l'autre jour avec Link, je...
Mais il ne put terminer cette phrase.
- J'ai l'impression d'être happé par toutes les responsabilités qui m'entourent ! Je perds ma famille, et dans la suite je deviens chef, découvre que je suis un prince et que j'ai une soeur jumelle quelque part dans le monde qui me cherche, que je suis un Elu des Déesses et que tout Hyrule repose autant sur moi que sur toi et Link ! C'est... c'est trop dur, c'est... !
Alors qu'elle voyait Sheik s'engouffrer dans un précipice d'accablement, Zelda fit ce qu'elle voulait faire depuis ce fameux jour où elle avait su qui il était : elle le prit dans ses bras. Elle l'encercla et le serra contre elle de toute ses forces, comme pour recoller tous les morceaux du Sheik d'avant qui avait éclaté le jour où son mental avait basculé, où il avait pris un coup tellement fort que ça avait complètement déréglé sa façon d'être. Elle le serra tellement fort qu'elle crut pouvoir le casser. Et contre toute attente, le Sheikah s'accrocha à elle comme à une bouée de sauvetage, essayant tant bien que mal de se calmer, doucement bercé par Zelda. Sheik ouvrit alors légèrement les yeux, toujours sanglotant et la vit. Il vit ce qu'il pensait ne jamais voir sur lui. Et maintenant qu'il avait la certitude de l'avoir, il reprit confiance en lui. Car maintenant, il savait qu'il était vraiment son frère, son jumeau, sa moitié. Il était un détenteur de la Sainte Triforce. Dès lors, tous deux surent qu'entre eux, ce ne serait plus pareil. Qu'ils pourraient enfin vivre comme ils auraient dû le faire depuis leur naissance. Se sentant enfin complet avec la présence de l'autre, comme apaisé.
Non loin, derrière un arbre, un froufrou rose bougea, mais personne ne le vit. La personne sourit tendrement en voyant les deux moitiés se réconcilier, ayant écouté et vu toute leur scène de violence. Il avait même failli intervenir, mais tout était rentré dans l'ordre. Alors, Era se retourna vers le campement tout sourire, heureux pour ses amis dont les mains brillaient d'une lueur dorée.
* * *
Au campement le retour de Sheik et Zelda paraissait long.
-Tu es sûr qu'il ne faut pas aller à leur rencontre ? demanda Lovio à Link.
- Laissons-leur enfin la possibilité d'être seuls et de se parler, lui répondit-il.
Le violet acquiesça et s'installa au sol à côté de Jedh et du tapis.
- Alors comme ça tu manipules les ombres ? lui lança ce dernier.
- Euh... oui... dit- le bibliothécaire gêné.
- Tu fais ça comment ?
- Je ne sais pas, je le fais, c'est tout.
- Ah, dit Lovio en hochant la tête en espérant en savoir plus.
- Tu vas le laisser tranquille, p'tite tête.
Derrière le jeune homme se dressait Hönir dans toute sa splendeur, accompagné de Ray la luciole.
- Mais tu n'es pas curieux de savoir ? Il pourrait te prendre ton ombre.
Lovio tapota celle-ci du doigt.
- Ce serait drôle de te voir danser. Enfin, voir ton ombre s'articuler sans que tu ne bouges, non.
- Non.
- Tu n'es décidément pas amusant, bouda le jeune homme.
La petite Sekiro, qui n'avait pas quitté Lovio depuis leurs retrouvailles, trouvait la scène amusante et sautillait sur place.
- Tu vois même Fram...
- Arrête ! gronda le Gerudo. Tu n'as pas le droit.
Hönir serra ses poings, il n'avait pas encore accepté que son amie soit de retour parmi eux sous cette forme. Le colosse tourna les talons et alla rejoindre Link qui observait la scène sans rien dire.
- Il n'est pas commode ton ami, dit Jedh, ça n'a pas dû être une partie de plaisir, ton aventure avec lui.
- T'inquiète. Sous ses airs de bokoblin, c'est un vrai nounours. Tu vas voir.
En disant cela, Lovio lança un clin d'oeil à Jedh. Le violet se tourna légèrement vers Link et Hönir, et envoya un baiser de la main au Gerudo. De ses mains, il fait un coeur.
- Tu me manques déjà mon bichon. Reviens t'asseoir auprès de moi.
Jedh éclata de rire, suivi par Amelina et Nyio qui observaient depuis le début.
- J'aurais dû te laisser rôtir chez les Gorons, s'exclama le colosse.
- Moi aussi, je t'aime, mon chou, ricana Lovio.
Le Gerudo était agacé par le comportement du jeune homme, mais en même temps il était soulagé de le voir se comporter ainsi. Depuis qu'il avait tué le Goron, Lovio ne l'avait guère taquiné de la sorte, il craignait lui avoir fait peur. Cela le rassura un peu. Tout le monde semblait se détendre aux frasques du jeune homme et pour la première fois depuis le début de cette aventure, il s'amusait enfin.
- Et bien, je m'en vais cinq minutes et c'est l'euphorie ! dit Era sortant de derrière un buisson.
- Tu étais encore passé où toi ? le réprimanda Hönir.
- Oh, tu sais, pas bien loin, ricana le jeune homme en tournant sur lui-même faisant tourner au passage sa jolie robe. Je suis allé me balader et je peux vous dire que ce que j'ai vu était tellement mignon !
- Tu as suivi Zelda, s'énerva Hönir. Tu ne peux donc pas rester à ta place.
- Je n'ai pas suivi Zelda, que vas-tu imaginer, ma princesse n'a d'yeux que pour le petit homme en vert.
Era continuait à danser et faire tournoyer sa robe, quand il s'arrêta et fit face au Gerudo.
- J'ai suivi Sheik, mon mignon.
- C'est pareil, Sheik ou Zelda. Tu ne devais pas quitter le campement.
- Je t'ai manqué à ce point ?
Era ramena ses mains sur ses joues feintant la surprise.
- Tu es trop chou.
Hönir ne sut quoi dire à l'énergumène qui se trouvait devant lui. Era s'avança vers lui et du bout du doigt, lui caressa la joue.
- C'est décidé, mon chou, on ne se quittera plus.
- Euh que... quoi...
Hönir n'eut pas le temps de finir sa phrase que les jumeaux étaient de retour accompagnés du loup. Sheik tenait dans ses bras le corps inanimé du Sage Aëline. Les aventuriers restèrent sans voix et regardèrent la scène sans bouger. Sheik déposa la sorcière délicatement sur le sol et recula d'un pas.
- Elle... elle est... commença Link.
- Non... dit-il, les yeux rivés vers le sol.
Un silence sans fin s'installa. Navi voleta jusqu'au corps d'Aëline et scintilla. La petite fée avait reconnu l'essence de la magie des Sages. Elle dansa au-dessus d'elle, observée par le groupe. Ray alla la rejoindre et scintilla de mille feux. Quand, sorties de la forêt, d'autres fées et lucioles vinrent les rejoindre. Elles s'approchèrent doucement du Sage et enveloppèrent son corps de leurs éclats. Zelda avait rejoint Link. A cet instant, elle avait besoin de son soutien et de sa présence. Elle lui prit doucement la main. Elle n'avait pas hésité et elle savait qu'il ne la repousserait pas. Le jeune homme appréciait ce contact, et en même temps il arrivait à ressentir la douleur qu'elle éprouvait à cet instant. Il resserra ses doigts sur les siens, comme pour lui dire qu'il était là pour elle. Zelda se rapprocha et posa sa tête contre son épaule tout en observant le ballet lumineux.
- Il se passa quoi ? murmura Lovio à Jedh.
- Pour une fois, je n'en ai aucune idée.
Le corps de la sorcière quitta doucement le sol, porté par les fées. Navi se détacha des siens et ouvrit la marche.
- Où vont-elles Link ? s'inquiéta Zelda.
Link regarda la jeune femme dans les yeux pour la première fois depuis sa rencontre.
- Je ne sais pas, suivons-les.
Doucement le groupe entier suivit le cortège lumineux à travers les bois. Le spectacle était magnifique et en même temps, il dégageait une atmosphère mélancolique. Personne ne parlait suivant ainsi le corps de la sorcière comme si celle-ci rejoignait sa dernière demeure. Par moments, de nouvelles fées et lucioles venaient s'ajouter au groupe. Le spectacle était vraiment sublime, Zelda ne savait plus où regarder. Il y avait du bleu, du jaune, du rose, du vert. Il avait beau faire jour, l'effet était éblouissant. Elle continua de suivre sa mère adoptive, sa main dans celle de Link. Sheik était derrière eux, accompagné du loup. Il ne comprenait pas ce que pouvait bien trouver sa soeur à l'Hylien. Il jeta un oeil à Era qui collait Hönir. Après tout, Link n'était peut-être pas si mal comparé au loufoque Era.
- Lâche-moi, gronda doucement Hönir pour ne pas déranger le cortège.
- Oui, lâche-le, dit Lovio à Era avec de gros yeux.
- Roooohhh, vous n'êtes pas drôles, et puis bâti comme il est, je suis sûre qu'il a fait chavirer plus d'une personne. Regarde-moi ces muscles !
- Chut, à la fin, s'énerva Lovio. C'est la mère de Zelda devant, pas n'importe qui !!!
Era baissa la tête, le violet avait raison, ce n'était pas le moment de taquiner le colosse. Sa douce princesse avait de la peine. Elle avait retrouvé son frère, mais perdu sa mère. Un prix douloureux. Derrière eux, Amelina et Nyio marchaient sans dire un mot. Ils trouvaient leur compagnon de voyage bizarre et excentrique. Jedh fermait la marche du cortège, comme tout bon intellectuel, il cherchait à comprendre ce qui s'était passé. Sa conscience était-elle morte ? Comment feront-ils sans elle ? Son corps vivait, mais son âme ? Personne ne la remplacerait, il en était convaincu : son corps vivait encore.
- Tu te poses trop de questions ! fit une voix à ses côtés.
Le bibliothécaire tourna la tête, mais ne vit personne.
- Ash, c'est toi ?
- Rejoins-moi dès que tu peux.
Sur ses mots la jeune femme ne se fit plus entendre.
Après plusieurs heures de marche le groupe s'arrêta dans une belle petite clairière. Les fées déposèrent délicatement le corps du Sage au milieu de jolies fleurs bleues avant de se disperser.
- Des fleurs de sérénité, dit Zelda.
Au loin, une voix se fit entendre.
- Linkkkkk !!!
Le jeune homme tourna la tête et vit une petite silhouette les rejoindre.
- Link, enfin ! Nous vous attendions !
- Saria ! fit l'intéressé.
- Ohh qu'est-il arrivé à Aëline ? dit la Kokiri en découvrant la sorcière au sol.
Navi tournoya autour de la jeune fille.
- Oh je vois, dit-elle en baissant les yeux. Venez, nous allons ramener son corps au Vénérable Arbre Mojo.
Le groupe suivit religieusement Saria, se laissant guider à travers les Bois Perdus. À chaque virage, chacun avait peur de perdre les autres de vue et de finir perdu. Et ils savaient tous ce qu'il leur arriverait alors. À l'arrière, Jehd était de plus en plus nerveux. Il jetait des regards partout. D'un côté, il était surexcité à l'idée de pénétrer dans l'endroit le plus convoité par les historiens et chercheurs dû à la complexité de son accès, mais en même temps, quelque chose au fond de lui avait peur. Une peur angoissante. Tout ceci était beaucoup trop simple. Bien sûr, il y avait eu l'incident avec Aëline, mais il savait que ce n'était rien comparé à ce qu'il craignait. Quelque chose d'autre se tramait dans l'ombre. On les observait. Il le sentait. Il n'était pas encore maître de tous ses pouvoirs, mais il savait. Il voyait. Il voyait les ombres se mouvoir, lui parler, lui raconter des histoires, de sombres histoires. L'atmosphère était pesante dans cet endroit sacré.
À quelques pas devant lui, Sheik semblait réellement perdu. Il repensait à ce qu'il s'était passé avec Zelda, et il ne savait pas du tout comment se comporter avec elle. Il la regardait devant lui, parler avec Link et Lovio. Elle semblait calme, alors que sa mère était dans un potentiel état critique. Il s'en voulait de lui avoir parlé comme il l'avait fait, de s'être emporté. Il espérait qu'elle ne lui en voudrait pas trop...
- Et bah alors, mon chou, on broie du noir ? fit une voix à côté de lui.
Era venait de le rejoindre, au plus grand bonheur d'Hönir à qui il commençait sérieusement à taper sur le système.
- C'est à cause de ta princesse, c'est ça ? demanda l'énergumène en pointant du pouce la jeune femme.
Sheik fit semblant de ne pas l'entendre, n'ayant pas besoin d'un problème en plus.
- Si tu veux mon avis, commença le brun sur un ton moins enjoué que d'habitude en prenant le bras de Sheik dans le sien. Elle ne t'en voudra jamais autant que tu le penses.
Le Sheikah regarda son ami, surpris, sans pour autant le repousser. Il questionna Era du regard, mais ce dernier regardait autre part en commençant à sautiller comme une petite fille, accroché au bras du jeune homme. En le voyant aussi insouciant, Sheik ne put retenir un petit sourire. Son ami le remarqua et le fixa avec de grands yeux.
- Tu souris ! s'exclama-t-il avec un grand sourire.
- Non, c'est faux, déclara l'intéressé en se renfrognant.
Era continua pourtant à s'exciter tout seul. Mais il avait raison. Il avait souri. Ça faisait longtemps, et ça faisait du bien.
- Bon, maintenant, tais-toi ! s'énerva Sheik. Tu vas attirer l'attention !
- Tout ce que tu voudras mon lapin ! sourit le brun, s'accrochant un peu plus au Sheikah.
Ce dernier soupira, mais sourit intérieurement. Era avait beau être bizarre, il n'en était pas moins attachant. Et ce simple contact avec quelqu'un le réconforta.
Avant d'arriver à l'Arbre Mojo, le groupe dut subir les regards curieux des Kokiris lorsqu'ils traversèrent leur petit village, mais ces derniers subirent ceux de Jehd, Lovio et Era. Saria les fit passer dans un petit passage, duquel Hönir eut malheureusement du mal à sortir, ce qui les fit arriver dans une vaste clairière. Les fées et lucioles allèrent déposer Aëline devant un arbre gigantesque, puis repartirent dans la forêt, accompagnées de la petite Kokiri. Navi et Ray, quant à eux, rejoignirent leurs compagnons.
- Vous croyez qu'elle va s'en sortir ? demanda alors Zelda d'une voix tremblante.
Contre toute attente, Sheik vint passer un bras autour des épaules de la jeune femme, la serrant contre lui.
- Ne t'inquiète pas, je suis sûr que ce n'est rien, déclara-t-il en regardant le corps inanimé du Sage.
Zelda se blottit contre son frère, pendant que tout le monde les regardait, sans vraiment vouloir les déranger et poser des questions. Soudain, Link s'avança vers le grand arbre et se planta devant, l'air un peu fatigué.
- Vénérable Arbre Mojo ! J'ai suivi à la lettre tout ce que vous m'avez dit de faire avec tous les ingrédients nécessaires ! Mais ça n'a pas marché ! L'épée ne réagit pas, il ne se passe absolument rien ! dit-il en élevant la voix.
Mais rien ne se passa. Era s'approcha de Link.
- Tu sais, Link, je ne pense pas qu'il va te répondre, ce n'est qu'un arbre ! fit l'énergumène avec un petit sourire, alors que certains se tapaient la tête du plat de la main devant sa débilité.
- Je ne suis pas qu'un vulgaire arbre, jeune homme, déclara une voix sourde, ce qui eut le don de faire sursauter le brun.
Le blondinet sourit, et regarda l'Arbre Mojo qui venait de se réveiller.
- Que dois-je faire pour l'épée ? demanda-t-il en reprenant son sérieux.
- Entrez, je vous expliquerai à l'intérieur.
A ces mots, la bouche de l'arbre s'ouvrit jusqu'en bas, formant un grand trou dans le tronc. Sans se poser plus de questions, le groupe entra en prenant au passage Aëline pour ne pas la laisser dehors, et découvrit une immense pièce où avait été disposée une grande table ronde avec huit chaises de bois, dont trois étaient déjà occupées par Lars, le Sage de l'eau, Asarim, et un Kokiri inconnu. Sur la quatrième place occupée, il y avait une espèce de forme humanoïde faite de racines et de feuilles qui semblait être directement reliée au sol de l'arbre lui-même.
- Bienvenue à vous, commença l'homme-racine en mouvant ce qui devait être sa bouche. Je suis l'Arbre Mojo. Grâce à quelque petit tour de magie, j'ai réussi à transférer ma conscience dans un pantin que je contrôle, ce qui facilitera nos échanges.
Le groupe resta bouche-bée, mais ne fit aucun commentaire, laissant l'Arbre Mojo continuer.
- J'invite maintenant les trois Sages de votre groupe à venir s'installer avec leurs confrères, ainsi qu'Aëline, indiqua l'Arbre Mojo en désignant les chaises restantes autour de la table.
Sheik confia alors la mère de Zelda à Jehd, et Link remarqua qu'il y avait des symboles différents à chaque emplacement : une goutte d'eau chez Lars, un sablier chez Asarim, une feuille sur celui du Kokiri que l'Arbre Mojo présenta comme étant Fado, un soleil pour Niyo, une spirale là où Amélina s'assit et une Lune sur la chaise de Jehd. Celle d'Aëline avait comme symbole une sorte de Ying et Yang, mais sans les ronds à l'intérieur et les couleurs.
- Link, tu peux emprunter la porte dans le fond avec le reste de tes amis, je te retrouverai derrière pour parler de l'épée.
L'intéressé acquiesça et le reste du groupe s'exécuta. La porte au fond de la salle menait à l'arrière de l'arbre où avait été installé tout le nécessaire pour forger.
- Alors, fit la voix de l'arbre. Dis-moi d'abord comment tu t'y es pris.
- Et bien... commença Link réfléchissant pendant que ses compagnons s'asseyaient dans l'herbe. J'ai fondu les trois pierres avec les morceaux de l'épée et j'y ai ajouté les larmes de Zeld...
- Je vois... je comprends pourquoi ça n'a pas marché... marmonna l'Arbre Mojo.
- Ah bon ?! Pourqu...
- Il fallait que tu verses les larmes de la réincarnation de la déesse Hylia. Or, je sens son pouvoir divisé... coupa encore l'arbre, agaçant un peu Link. Il y a ici une des deux parties, mais où est l'autre ?
Le jeune homme se retourna pour voir Zelda qui s'approchait.
- Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle doucement.
- Où est Sheik ? fit Link en regardant partout, sans pour autant le voir.
- Ici !
Le blond vit alors au coin de l'oeil le Sheikah sortir de derrière une immense racine et venir en courant.
- Désolé, je vérifiais qu'il n'y avait aucun danger, informa-t-il.
L'Arbre Mojo fronça ses sourcils d'écorce, mais ne releva pas.
- Bien, maintenant, refonds l'épée, fils de la Terre. Ce n'est pas une épée comme les autres, elle n'a pas besoin d'être modelée, déclara l'Arbre Mojo à la grande surprise de l'Elu. Pendant que le métal est encore en fusion, la poignée devra être au-dessus de la préparation, légèrement trempée dedans, et tenue par les Elus des Déesses, donc vous trois. Ensuite, une personne devra verser les larmes des réincarnations de la déesse Hylia sur le pommeau, et la magie de l'épée fera le reste.
Link acquiesça et se dirigea vers le fourneau pour se mettre au travail. Il brisa l'épée défectueuse qu'il avait essayé de reforger et en mit les morceaux dans le creuset pour tout refaire fondre après avoir mis de côté la poignée et la garde.
- A-attendez... quoi ?! s'exclama alors Sheik. Il faut les larmes de Zelda et... et moi !?
A cette question, Lovio pouffa, voyant mal le Sheikah froid et sans coeur pleurer.
- C'est exact. De plus, il faut que ce soient des larmes sincères, ajouta l'Arbre Mojo. Mais peu importe que ce soit de tristesse, de colère ou de douleur, il faut juste qu'elles soient sincères.
Sheik sembla alors se décomposer sur place.
- Si tu as besoin d'aide je peux donner un coup de main, fit Hönir avec un sourire sombre qui voulait tout dire, tout en faisant craquer ses phalanges.
- Je crois bien qu'il aura besoin de toi ! rigola le violet.
Le Sheikah fulminait. Qu'est-ce qu'ils pouvaient l'énerver ces deux-là ! Une main sur son épaule le calma instantanément, et il vit Zelda lui sourire.
- Ne t'inquiète pas, ça peut attendre jusqu'à ce que Link ait fini de faire fondre les métaux, lui dit-elle avec un grand sourire chaleureux.
Sheik la regarda comme s'il ne l'avait jamais vue auparavant. Elle ne lui avait jamais souri comme ça avant, et cela le rendit agréablement heureux. C'est donc après ça qu'ils attendirent. Et attendirent. Et attendirent encore. Et encore. Tellement que Link s'endormait presque devant le feu. Décidément, quelque chose ne voulait vraiment pas qu'ils reforgèrent l'épée... Alors que la nuit commençait à tomber, Sheik se sentit nerveux, car le blond venait de leur dire que la préparation serait bientôt prête. Il commençait vraiment à stresser, et ne savait pas comment il devrait s'y prendre pour pleurer. Puis, il eut une soudaine illumination.
- Zelda... l'interpella-t-il alors qu'elle était en pleine discussion avec Lovio et Era.
- Oui ?
- Tu... tu y vas en premier ? demanda-t-il, ne sachant pas vraiment comment le dire.
Elle lui sourit et lui répondit positivement avant de se lever et d'aller derrière une grosse racine pour un peu plus d'intimité avec un petit récipient. Brusquement, Sheik se leva à son tour, et se dirigea vers Hönir qui se faisait taquiner par les deux nouveaux inséparables. Le Gerudo leva les yeux sur le Sheikah, et l'interrogea du regard, pendant que Lovio et Era se turent.
- Hönir, gifle-moi, déclara Sheik sur un ton sérieux.
L'intéressé leva un sourcil, pendant qu'Era rigolait.
- Tu es sérieux ? fit Hönir avec un sourire.
Le Sheikah acquiesça.
- Mais pourquoi te mets-tu ça en tête, mon chou ? demanda le brun après s'être calmé. Il ne faudrait pas abîmer ton joli minois !
Ce fut au tour de Lovio de rire, puis il se stoppa instantanément avant de chuchoter quelque chose à l'oreille du colosse. Ce qui le fit sourire. Mais pas un sourire joyeux. C'était un sourire sadique.
- Très bien, je vais t'aider à te faire pleurer ! dit Hönir en se levant, toujours avec son sourire. Mais je ne vais pas te gifler !
Sheik commença alors à regretter sa décision, et encore plus lorsqu'il vit Zelda revenir les yeux rougis en lui tendant le récipient. Il le prit d'un geste mal assuré et se dirigea vers la racine, Hönir sur ses talons. Il pouvait sentir son aura sadique dans son dos, ce qui le fit frissonner. Les deux jeunes hommes revinrent quelques minutes plus tard, Sheik une grimace sur son visage rouge, Hönir un sourire des plus satisfaits aux lèvres. Zelda demanda alors à son frère ce qu'il s'était passé, mais ce dernier détourna le regard en lui disant qu'il préférait ne pas en parler.
- Fay n'attend plus que vous, déclara alors soudainement Link d'un ton grave en tenant la poignée de l'épée dans sa main.
La nuit venait de tomber et l'endroit n'était plus éclairé que par la couleur rougeoyante du métal en fusion, rendant l'atmosphère brusquement pesante. Sheik confia le bol de larmes à Lovio avant de suivre Zelda jusqu'au creuset, et les trois Elus l'encerclèrent en tenant le manche de l'arme. Les jumeaux tinrent tous deux la poignée tandis que Link avait la main posée sur le pommeau, mais laissant tout de même un petit espace de visible sur le haut. Hönir se plaça entre Zelda et Link, et Era entre ce dernier et Sheik, alors que Lovio arriva face aux deux jumeaux. Derrière eux, alors que tout le monde les avait oubliés, le loup et Tapis observaient la scène de loin.
Le violet versa alors les larmes sur le haut du pommeau. Celles-ci glissèrent lentement sur la main de l'Hylien, puis passèrent à celle de la princesse et celle du Sheikah. Elles se divisèrent en deux parties par la garde et coulèrent dans la préparation. Au début, rien ne se passa, ce qui affola Link, mais une soudaine lumière jaillit du creuset, aveuglant tous ceux trop proches. Sous le coup de la surprise, le blond saisit la main libre de Zelda et la serra dans la sienne. Era agrippa les bras de Sheik et Lovio, et Hönir soutint Link et la jeune femme en posant ses grandes mains sur leurs épaules. Le loup vint mettre son museau humide dans la main du Sheikah et Tapis s'enroula autour de Lovio qui venait de lâcher le bol à terre pour se cacher les yeux de son bras libre.
La lumière se calma jusqu'à s'éteindre. Le petit groupe n'était alors éclairé que par les signes de la Triforce qui venaient d'apparaître sur les mains droites des jumeaux et la gauche de Link. Mais une petite lueur interpella le regard de Lovio. Il fut le seul à la remarquer : elle venait de la main qu'Hönir venait d'enlever de l'épaule de Zelda. Bien qu'il porte des mitaines de cuir, on pouvait quand même voir une légère lueur en dessous.
Le pommeau de l'épée devint soudain lourd pour Zelda et Sheik qui portaient la majorité de l'arme. Link dut alors la prendre complètement en main alors que les jumeaux la lâchaient. Brusquement, de multiples lucioles illuminèrent la scène comme en plein jour, faisant pâlir les lueurs des Triforces. L'Hylien mit la lame dans sa main droite, la mettant horizontalement devant lui, et l'observa. Il sentait une force grandir en lui. Un pouvoir s'éveiller. Palpiter tel un battement de coeur. L'épée commença alors à luire faiblement et Link devint nerveux. Avaient-ils réussi ? Devaient-ils recommencer ? Tous les regards étaient posés sur lui et il avait une boule au ventre. Mais soudain, une vague de force plus puissante que ce qu'il avait ressenti avant le frappa de plein fouet. La bourrasque de pouvoir l'enveloppa tel le vent et faillit faire s'envoler son bonnet. Une larme glissa alors le long de sa joue et un sentiment de nostalgie l'envahit, comme s'il revoyait une très vieille amie. Il sourit.
- M... Maître...
Six jours plus tôt
Quelque part, loin à l'extrême sud-est d'Hyrule, une petite tête violette courait après un homme à l'âge avancé.
- Mais mon Père ! Il faut y aller ! Je DOIS y aller ! supplia le plus jeune.
- Non ! Tu n'iras pas, c'est trop dangereux, je te l'ai assez répété. La discussion est définitivement close.
- Mais...
- J'ai dit non. Tu es trop jeune.
Sans autre forme de procès, l'homme continua sa route à grand pas, semant le jeune garçon. Ce dernier s'arrêta net et serra les poings, tellement fort que ses jointures devinrent blanches.
- Cela ne sert à rien de vous énerver, jeune Prince, vous ne vous ferez que plus de mal, dit une mélodieuse voix féminine non loin de lui.
L'intéressé serra la mâchoire, puis se détendit soudainement lorsqu'il entendit une douce mélodie venant de la personne.
- Je le sais, Mira, c'est juste que... c'est inadmissible de m'interdire cela.
Il tourna la tête vers son interlocutrice, les larmes lui venant. La jeune femme était tranquillement assise sur un rocher, son fidèle Psaltérion positionné comme un violon entre sa jambe et son épaule, son archer glissant sur les fines cordes, uniquement maintenu par deux fragiles doigts plumeux. Elle avait les yeux fermés, concentrée sur sa mélodie, et son plumage violet-bleu virevoltait légèrement au gré du doux vent. Elle ouvrit doucement ses yeux vert-jaune, arrêta calmement son air, et planta son regard dans celui du jeune homme.
- Tu t'es améliorée ? Ou bien est-ce une nouvelle composition ? demanda-t-il en se rapprochant d'elle.
- Sans me vanter, Jeune Prince, un peu des deux, sourit Mira.
Il sourit à son tour et lui fit signe de le suivre. Ils marchèrent un petit moment jusqu'à arriver dans une sorte de jardin. Elle s'assit sur un banc et lui dans l'herbe. Il prit entre ses mains la flûte qu'il portait en guise de collier et commença à en jouer, vite accompagné par son amie. Les yeux fermés, il se concentrait sur les notes à jouer, hasardant et les hachant quelque fois, faisant gronder au fond de lui un bruit sourd. Mira, elle, jouait de façon plus légère, comme à son habitude. Le garçon ouvrit les yeux et vit autour de lui un étrange ballet de feuilles virevoltant en cercle. Ce n'était pas la première fois que cela se passait, mais à chaque fois il ne pouvait s'empêcher de s'extasier devant ce spectacle.
- Vous aussi, vous vous êtes amélioré, Jeune Prince, dit doucement la jeune femme.
- Oh, je t'en prie Mira, arrête de me vouvoyer et de m'appeler "Jeune Prince"... souffla-t-il.
Son amie lui répondit quelque chose, mais il n'y fit pas attention, son regard attiré par une petite ombre au coin d'un mur qui disparut aussitôt. Le jeune garçon se leva, et alla en direction du mur, suivi par Mira qui lui demandait ce qu'il se passait. Il tourna à l'angle, mais ne vit personne. Il décida alors de suivre le chemin devant lui. Celui-ci était assez sombre, presque lugubre, mais il ne s'en détourna pas. Le chemin devint plus étroit, se transformant en couloir, puis, l'espace était devenu si mince qu'il lui fallait avancer de profil. Le jeune garçon se demanda où allait ce passage, lui qui connaissait vraisemblablement tous les passages secrets et autres chemins de la cité. Enfin, les deux amis purent sortir de cet interminable boyau et furent tous deux bouche bée devant le spectacle qui se dévoilait à eux : d'une petite corniche derrière les grande maisons, on pouvait apercevoir la mer de sable infinie qui s'étendait en contrebas, frappée par son perpétuel Khamsin (déf.: vent de sable brûlant). Divers oiseaux migraient vers des pays plus froids, et au loin, très loin, un point vert, deux points blancs, et un ciel bleu recouvrant le tout. De plus, une légère brise chaude soufflait sur eux, soulevant les cheveux de l'un, et les plumes de l'autre. Les deux jeunes gens étaient totalement sous le charme de cet endroit, tellement, qu'ils ne remarquèrent même pas la présence non loin d'eux.
- C'est beau n'est-ce pas ? demanda-t-elle, faisant sursauter les deux amis.
Le jeune homme se retourna vers la voix, et observa la personne désormais face à lui. C'était une dame très âgée vu sa peau, les taches sur ses mains, son dos voûté et son appui sur un frêle bâton. Elle avait les cheveux violet profond à la lumière, tirant même sur le bleu-noir, et des yeux bleus très pâles, renvoyant un regard tendre.
- Qui êtes-vous Madame ? demanda le garçon. Est-ce vous que j'ai aperçue avant ?
La femme ne répondit pas et se contenta de tourner la tête vers le paysage.
- Notre monde est sur le point d'entrer en guerre... murmura-t-elle comme pour elle.
- Comment ça ? Notre pays a toujours été en paix ! s'exclama le prince.
La femme secoua lentement la tête et regarda à nouveau le jeune garçon et son amie.
- Il y a une prophétie... et elle est sur le point de se réaliser...
- Quelle prophétie ? Expliquez-nous ! éructa-t-il.
Elle ne répondit rien, concentrant son attention sur la mer de sable. Le garçon fit de même, lorsque la vieille dame reprit d'une voix rauque :
- Il y a tant de choses que tu ne sais pas, mon garçon, tellement de choses... Un jour, tu comprendras enfin...
Le jeune garçon tourna la tête à nouveau vers elle.
- Mais pour l'instant, pars. Va explorer le monde et retrouver celui qui te fait défaut, même si pour cela tu dois désobéir à ton roi de père, souffla-t-elle, comme si ces paroles lui avaient coûté.
Le garçon redirigea son attention vers le lointain, envieux d'écouter les paroles de la doyenne. Puis, il se demanda quelque chose.
- Mais, comment savez-vous cela, Madame ? demanda-t-il à la femme en se tournant vers elle.
A sa plus grande surprise, elle n'était plus là. Disparue. Il se demanda alors si elle avait sauté dans le vide, voulant peut-être s'échapper de cet archipel des cieux dont la vie y était si monotone.
- Que faisons-nous, Jeune Prince ? interrogea Mira.
Il lui fit alors face, et du haut de son jeune âge, déclara :
- Nous partons, Mira. Fais tes bagages, mais n'emmène que le nécessaire, car notre voyage sera long. Ce soir, nous quittons ce maudit pays.
La jeune Piaf sourit et dit :
- C'est avec plaisir que je viendrai avec vous, Jeune Prince.
Et sur ce, elle commença à rebrousser chemin, pendant que le jeune homme s'assit au bord de la corniche, admirant le coucher de soleil. Mais avant que son amie ne s'engouffre dans le passage, il se retourna et l'interpela :
- Mira !
Elle se retourna et il lui sourit.
- Tutoie-moi, s'il te plaît, et désormais, appelle-moi Plume.
- Mais pourquoi tu fais ça ? s'exclama le prince Zora.
- Mêle-toi de tes affaires, le triton, et puis, reste pas assis devant ma porte, tu bouches le passage !
Sidon regarda de chaque côté et reprit :
- Je bouche le passage à qui ? Il n'y a personne ! dit-il en haussant les épaules.
- Tu m'agaces ! Va embêter quelqu'un d'autre, reprit le Kokiri.
- Mais je veux savoir pourquoi tu tortures ses pauvres poissons.
Le prince Zora se mit à quatre pattes et passa la tête et le haut du corps dans la maisonnette.
- Tu vas finir par détruire ma maison ! Ouste ! hurla le Kokiri.
- Je m'en vais si tu me laisses goûter.
Sidon montra du doigt le poisson qui était en train de cuire sur le feu.
- Je te laisserai goûter si tu enlèves tes écailles de chez moi !
- Marché conclu.
Sidon tendit le doigt au Kokiri devant lui, qui le serra en guise de poignée de main. Le prince Zora sortit alors doucement et s'installa en tailleur devant la maisonnette du jeune garçon. Le pauvre Sidon paraissait un géant dans ce village. S'il n'avait eu qu'un oeil, il aurait pu passer pour un Hinox. Mais un Hinox avec plus de classe, bien sûr ! Ce petit peuple avait été si gentil avec lui et son frère depuis leur arrivée. Il trouvait leurs petites fées tellement mignonnes qu'il avait demandé à l'arbre Mojo s'il pouvait en avoir une. Malheureusement cela était impossible.
Il passait ses journées à attendre l'arrivée de ses amis en observant ses habitants et avait découvert qu'ils faisaient cuire leurs poissons. Chose inimaginable dans son royaume ! Il avait hésité longtemps avant de demander à un des villageois s'il pouvait y goûter. Le Kokiri sortit de chez lui, un plateau dans les mains. Une délicieuse odeur fumée s'en dégagea.
- Voilà ! Et étouffe-toi avec ! fit le petit bonhomme.
- Ohhhhhh chouette, chouette, chouette ! Je vais enfin pouvoir goûter à ce plat, dit Sidon en frappant les mains d'impatience.
Le Zora prit doucement la brochette de poisson qui était posée sur le plateau et la porta à sa bouche. Avant de croquer dedans, il huma une dernière fois sa denrée. Il sourit et mit la brochette en entier dans sa bouche. Le Kokiri le regarda avec de grands yeux.
- Le pic qui tient les poissons ne se mange pas !
- Alors pourquoi le servir comme ça ?
- Pour un prince, tu n'es pas très futé ! s'agaça le Kokiri.
- En tout cas, cela est un délice. Nous, les Zoras, nous mangeons les poissons crus et je peux te dire qu'une bonne dorade bien fraîche, c'est presque aussi bon que ton poisson.
- Et ton poisson, quand tu le manges, il bouge encore ?
- Bien sûr, c'est là qu'il est le plus frais !
Le Kokiri, agacé, retourna chez lui et ressortit quelques minutes plus tard un plateau rempli de brochettes de poisson.
- Voilà ! Et file de chez moi maintenant.
- Ohhhh !!! s'exclama le prince Zora. Tout cela est pour moi ?
- Oui, mais fiche le camp maintenant.
- Mido, je te remercie mille fois pour ton amabilité et sois sûr que je te rendrai la pareille.
- Ohhh non ! Surtout pas ! Va voir ailleurs si j'y suis maintenant. Je suis sûr que ton frère te cherche.
- Non, il est occupé avec ses histoires de Sages. Je voudrais savoir comment tu fais pour qu'il soit aussi fumé.
- Non. Allez ouste ! fit le Kokiri en agitant les mains devant lui. Tes amis sont sûrement là depuis le temps.
D'un bond, le Zora se mit sur ses pieds.
- Mais oui, c'est vrai ! Ton délicieux poisson me l'a fait oublier.
Sidon ramassa les brochettes devant lui et en glissa deux dans la bouche au passage.
- Merci, bafouilla-t-il, la bouche pleine. Je file. A bientôt, Kokiri.
- Ne remets pas tes écailles chez moi, le triton...
Sidon se dirigea les bras chargés de brochettes vers l'Arbre Mojo, en engloutissant une de temps en temps, quand il se stoppa, ébloui par une forte lumière. Une fois sa vision revenue, il distingua devant lui Sheik et Zelda qui tenaient une épée, ainsi que Link. Sur leurs mains, la Triforce brillait. Brusquement, de multiples lucioles illuminèrent la scène, cachant les Triforces comme en plein jour. Link mit la lame dans sa main droite, la mettant horizontalement devant lui, et l'observa. A l'expression de son visage, il semblait concentré sur quelque chose que lui seul entendait.
Fin du tome 1
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par ses auteurs Caramelink/Miss Army, Nessy, Nouka et Nesumi. Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.