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The Legend of Zelda : L'Epopée d'Hyrule

Ecrit par Caramelink/Miss Army, Nessy, Nouka et Nesumi
Chapitres 1 à 15   •   Chapitres 16 à 24   •   Chapitres 25 à 33   •   Chapitres 34 à 42   •   Chapitres 43 à 51   •   Chapitres 52 à 53
Chapitre 43 : Le Sage des Vents   up

Assis sur une pierre, Asphar contemplait ce qu'il estimait comme le plus beau spectacle existant au monde : le coucher du soleil. La journée avait été splendide. Le ciel avait été clair, sans aucun nuage. La lumière du soleil avait inondé les neiges éternelles de la chaîne d'Hébra, donnant, pendant quelques heures, un peu de sa chaleur aux êtres qui peuplaient ces lieux reculés. Maintenant que le crépuscule descendait sur Hyrule, les températures faisaient de même, mais ce n'était pas un problème pour le Piaf qui vivait ici depuis des décennies. Asphar aimait les montagnes. Il avait pourtant beaucoup voyagé à travers tout le royaume lorsqu'il était plus jeune, il avait parcouru tout Hyrule en long, en large et en travers. Il avait goûté au soleil du désert, au vent des plaines, au sable des plages... mais son coeur appartenait aux montagnes, et spécialement à la chaîne d'Hébra.

Du bout de ses ailes brunes blanchies par les ans, le Piaf caressa la courbure de son arc. Son fidèle compagnon ne l'avait jamais quitté depuis que, très, très longtemps auparavant, une princesse d'Hyrule le lui avait offert en signe d'amitié. Il avait raconté cela à un jeune Piaf autrefois, un conteur-né, avide d'histoires anciennes et héroïques. Cela et bien d'autres choses. Il lui avait parlé de sa rencontre avec ceux qui, comme lui, avaient été appelés à devenir Sages d'Hyrule, de son amitié éternelle avec Aëline, de son mentor Sahasrahla ou encore du rituel qui leur avait permis de maintenir le sceau du Banni. Au son de son accordéon, Asarim avait rendu hommage à ses amis depuis longtemps perdus : Orlène, Rosso, Guly. Aujourd'hui, Impa et Sahasrahla avaient disparu à leur tour, et une nouvelle légende voyait le jour. Peut-être Asarim l'écrivait-il déjà ? Les derniers évènements étaient malheureusement propices à faire des chansons.

Alors qu'Asphar se perdait dans ses pensées, le soleil avait fini par disparaître derrière le pic d'Hébra et le froid avait repris ses droits, mordant et impitoyable. Les étoiles constellaient le ciel nocturne comme autant de minuscules diamants posé sur du velours. Le Piaf se leva avant de finir congelé et prit son envol vers la vallée où se nichait sa maison. Ce soir, aucune lanterne n'avait été allumée pour l'accueillir. Lylia n'était plus là.

Son instinct lui indiqua soudain qu'il n'était plus seul. Il se retourna d'un bloc pour faire face à un couple de Gerudos emmitouflés dans des manteaux bien chauds. Asphar n'avait pas besoin de poser de questions pour savoir à qui il avait affaire : Ganondorf, le prince du peuple du désert. Il était simplement étonné qu'il vienne avec un seul garde du corps. Le sous-estimait-il à ce point ? C'était agaçant. Le Piaf n'eut aucune hésitation. Il banda son arc pour tirer ses flèches. Les deux autres ne bougèrent pas d'un pouce. Avant que les traits ne les atteignent, Ganondorf avait tendu la main et les flèches se brisèrent sur un bouclier magique.

- Ne bouge pas, dit-il à sa compagne. Je te le ramène.
- J'attends, mais ne sois pas trop long, répondit-elle avec un sourire satisfait.

Asphar tira une nouvelle salve, mais ses flèches subirent le même sort que les premières. Il allait devoir changer de tactique. Le Piaf abandonna son arc et, perché sur le toit de sa maison, fit appel au pouvoir que les Déesses lui avaient octroyé tant de décennies auparavant. Les vents répondirent à son appel et de fortes bourrasques s'élevèrent pour former une barrière protectrice.

- Crois-tu que tes courants d'air vont m'empêcher de t'attraper, vieille chouette ? se moqua Ganondorf.

Il s'écarta d'un pas sur la droite pour éviter le courant d'air tranchant comme un rasoir qu'Asphar lui envoya en réponse. L'air lui laissa cependant une longue coupure sur la joue et Ganondorf en essuya le sang de son pouce.

- Tu n'es qu'une relique du passé, comme l'étaient le vieux fou et la vieille toupie.
- Les Twinrova ne t'ont donc pas appris le respect dû aux aînés ? lança le Piaf.
- Je suis le prince du désert et bientôt le maître d'Hyrule, c'est à moi qu'on doit le respect.
- Apparemment, la mégalomanie vient avec l'esprit du Banni. Tout comme la défaite.
Asphar lança encore quelques attaques d'air, mais Ganondorf continuait d'avancer, les évitant avec une facilité déconcertante.
- Je m'ennuie, intervint la femme restée à l'écart, son sceptre en main. Arrête de jouer et apporte-le-moi.

Ganondorf eut un claquement de langue agacé, mais il n'oubliait pas le marché qu'il avait passé avec Zylia. De son côté, Asphar observa plus attentivement la Gerudo. Vu le ton qu'elle avait employé, elle n'avait rien d'un garde du corps. Il sentit un frisson de terreur l'envahir quand leurs regards se croisèrent et qu'elle lui adressa un sourire mauvais. Il recula sous le choc et perdit sa concentration. La barrière de vent faiblit. Ganondorf en profita pour bondir sur lui.

- Ne t'en fais pas, lui dit-il. Ta mort ne sera pas inutile. Ton pouvoir et celui des autres... Dès qu'elle les aura absorbés, elle pourra me la rendre.

Asphar n'avait évidemment aucune idée de ce que le Gerudo racontait, mais il comprit que s'il n'agissait pas rapidement, c'en serait fini de lui. Les vents autour de lui retrouvèrent leurs forces et il les utilisa pour prendre son envol. Ganondorf éclata de rire.

- Tu crois vraiment m'échapper ?

Il utilisa sa magie pour s'élever à son tour dans les airs et attraper la patte du Piaf. Avec sa force naturelle, il le tira vers le bas et le propulsa au sol. Asphar se rétablit avant le choc et négocia un virage serré, mais Ganondorf était déjà sur lui. De ses poings joints, il cueillit le Piaf en plein vol d'un coup surpuissant dans le dos. Cette fois, Asphar s'écrasa dans la neige. Il toussa et cracha du sang. Le choc avait été violent. Les Gerudos avaient déjà plus de force qu'un Piaf, mais celui-ci était une machine de guerre doublé d'un redoutable sorcier. Le Sage était perclus de douleurs, sans doute que son adversaire lui avait cassé quelques os.

- S'ils sont tous comme ça, ça va être facile.
La femme était devant lui et planta son regard violet dans le sien. A nouveau, Asphar sentit la terreur l'envahir.
- Zylia, il est à toi.
Asphar ouvrit grand les yeux de surprise.
- Zy... lia ?
- Oh ? Connaîtrais-tu mon nom ? Flatteur, va, minauda-t-elle en relevant la tête du Piaf du bout de son sceptre.

Asphar n'avait jamais entendu ce nom de sa longue vie, mais son instinct lui criait que l'être qui se trouvait devant lui n'était pas une simple Gerudo et qu'elle était encore plus dangereuse que Ganondorf. L'espace d'un infime instant, il crut voir derrière elle la pleine lune noire qui s'était levée quelques jours plus tôt. Il avait pris ça pour un funeste présage, mais désormais, il savait que c'était plus que cela.

- Le Héros se lèvera contre vous, réussit-il à dire.
- Je tuerai ce gamin, comme je tuerai tous les Sages, répliqua Ganondorf en rejoignant Zylia.
- Il n'est pas seul. Tu n'as aucune chance. Tu perdras, comme les autres avant toi.
Au prix d'un gros effort, le Piaf sortit quelque chose de la besace qu'il portait à sa ceinture. Entre ses plumes, se trouvait un médaillon ancien, patiné par le temps. Zylia ouvrit grand les yeux.
- Le médaillon des Secousses ! cria-t-elle.

Asphar réussit à appeler les vents une dernière fois pour empêcher les Gerudos de s'approcher de lui. Le médaillon était son ultime chance contre eux. Autrefois, Sahasrahla lui avait confié cette relique d'un autre temps pour qu'il la protège. Jamais il n'aurait pensé devoir s'en servir. Il le leva vers le ciel alors que Ganondorf tentait de passer les vents, le visage déformé par la haine. Sa main attrapa le Piaf, mais il était trop tard : Asphar prononçait l'incantation brève permettant de libérer la puissance du médaillon. Aussitôt, les montagnes tremblèrent dans un bruit assourdissant et partout, des plaques de neige se détachèrent de leurs flancs, s'entraînant les unes après les autres en de gigantesques avalanches n'épargnant rien sur leur passage.

Asphar regarda le ciel et sourit. Les montagnes avaient été toute sa vie et voilà qu'elles seraient son tombeau. La dernière chose qu'il vit avant d'être enseveli sous la neige fut les étoiles.

* * *

Le silence régnait à nouveau en Hébra. Les avalanches s'étaient déclenchées en chaîne à travers toutes les montagnes et le paysage était désormais méconnaissable. La vallée où Asphar avait vécu était ensevelie sous des milliers de mètres cubes de neige. Même les sapins séculaires avaient été emportés par la violence des éléments et d'eux ne subsistaient même plus les fières cimes. Il y eut soudain une nouvelle explosion et la neige fut projetée en gros blocs avant d'être dispersée. Du trou émergea une sphère de magie violette et rouge qui s'éleva dans les airs avant d'atterrir en douceur. Ganondorf posa les pieds sur le sol et s'enfonça dans la poudreuse. D'une main, il tenait Zylia contre lui. De l'autre, il maintenait l'aile d'Asphar. Le Piaf était inconscient, à peine respirait-il. Ganondorf le relâcha et son corps s'effondra à ses pieds. Zylia s'écarta de son compagnon et planta son sceptre dans la neige. Il s'en était fallu de peu qu'ils restent coincés, mais le Gerudo avait agi vite. Finalement, il était plutôt efficace. Elle s'agenouilla au sol et posa ses mains sur la poitrine du Sage.

- Tu t'es bien battu, reconnut-elle. Mais je reprends ce qui m'appartient.

Une sphère de lumière verte et dorée sortit de la poitrine du Piaf et Zylia la recueillit entre ses mains. Cela ne dura qu'une poignée de secondes avant que le pouvoir du Sage de l'Air ne soit absorbé par la déesse. Elle ferma les yeux, puis passa son pouce sur ses autres doigts qui crépitèrent un peu. Trop peu encore à son goût.

- En voilà un. Aux autres maintenant, dit-elle en se relevant, n'adressant pas même un regard au Piaf qui venait de rendre son dernier souffle.
- Il n'en reste qu'une, répondit Ganondorf.
Elle lui sourit avec indulgence et posa sa main sur la joue de son compagnon.
- D'autres se sont forcément éveillés. Il faut les trouver avant qu'ils ne s'allient et tentent de te priver de tes pouvoirs.

Elle fit glisser ses doigts de sa joue à ses lèvres. Il faisait de son mieux pour le dissimuler, et il y arrivait plutôt bien, mais elle devinait que ce simple geste dans ce corps qu'il désirait tant lui tournait les sangs. Elle se demandait si son frère serait aussi facilement manipulable.

- Rentrons. Cet endroit est déprimant, fit-elle en s'écartant pour reprendre son sceptre.

Elle attrapa la main du Gerudo et frappa le sol de son bâton. La seconde d'après, ils avaient disparu.

* * *

Loin de là, une jeune Piaf s'éveilla en sursaut. Son regard se porta aussitôt dans la direction de la chaîne d'Hébra dont on apercevait les sommets, même à cette distance. Avait-elle rêvé ou y avait-il eu une série d'avalanches là-bas ?

- Lina...
La Piaf se retourna, mais dans le petit bois où elle s'était arrêtée pour la nuit, elle était seule. Son feu de camp achevait de se consumer.
- Amelina.

Elle tourna encore sur elle-même et se figea en voyant Asphar. Elle plissa les yeux. Quelque chose n'allait pas. Elle tendit une aile dans sa direction avec appréhension. Elle passa au travers et elle recula d'un pas.

- Grand-père ?
- Ne sois pas triste, Lina. Les choses sont ce qu'elles devaient être. Je suis désolé de devoir charger des jeunes épaules de ce fardeau.
- Grand-père... Alors, c'est arrivé, dit-elle tristement.
- Il faut te rendre au coeur des Bois Perdus. Trouve Aëline, rejoins les autres, aide l'Elu de la Déesse à vaincre le Mal.

Amelina hocha la tête. Son grand-père l'avait élevée depuis qu'elle était sortie de l'oeuf ou presque. Il lui avait tout appris, à voler, à se servir d'un arc... Elle comprenait maintenant pourquoi il l'avait éloignée d'Hébra et du village piaf depuis que le château d'Hyrule avait été attaqué. Elle n'avait pas saisi sur le moment ses raisons de l'envoyer si loin pour une mission aussi insignifiante que de répertorier les plantes médicinales de cette région.

- Ganondorf voudra t'éliminer quand il comprendra qu'un autre Sage du Vent s'est éveillé. Prends garde à toi, petite oisonne. Il n'est pas seul. Un grand danger l'accompagne.
- Un danger plus grand que le Banni ?
- Je le crains. Je suis navré de ne pouvoir t'en dire plus, Lina. Fais attention à toi.

Asphar commença à disparaître. Amelina tendit à nouveau ses ailes aux plumes violettes vers lui, le suppliant de ne pas partir. Avant qu'elle ne puisse l'atteindre, il disparut en particules de lumière qui entourèrent la jeune Piaf d'une douce chaleur. La jeune Piaf ouvrit les yeux, les plumes caressées par une douce brise qui lui tira les larmes aux yeux. Tout cela n'avait été qu'un rêve, et pourtant, elle sentait que les vents étaient désormais avec elle comme ils avaient été avec Asphar.

- Merci, Grand-père. Je te promets que je ferai mon devoir, murmura-t-elle, la voix brisée par le chagrin.

Elle se leva et rangea ses affaires. Elle devait se mettre en route sans attendre.

Chapitre 44 : Le voyage de Niyo   up

Niyo, désormais hylien, marchait vers l'ouest. Une petite voix intérieure lui disait que c'était là-bas qu'il était appelé. Il entreprit donc sa marche, découvrant son nouveau corps durant le voyage. Il contemplait les plaines d'Hyrule, les grands arbres et les petits lacs, en se disant qu'il vivait un rêve éveillé. Depuis toujours, il voulait les voir en vrai. C'était désormais une réalité.

Alors qu'il traversait un chemin bordé d'arbres chargés de beaux fruits, il ressentit une sensation inédite : la faim. Son ventre grondait et Niyo ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait.

"Je redeviens un Tuamotuas ?" s'interrogea le jeune homme.

Il interrompit sa marche, s'assit en plein milieu du chemin et essaya de comprendre. Quand les Tuamotuas avaient faim, leur petite tête produisait un ronronnement terriblement drôle. Niyo ne connaissait donc pas la faim des Hyliens. Son attention fut soudain détournée par un bruit de sabots au loin et il se retourna. C'était la première fois qu'il voyait un Hylien, un cheval et une charrette. La charrette, tirée par un cheval brun, avançait à bonne vitesse et approchait de Niyo. Le conducteur s'arrêta à sa hauteur.

- Bonjour, jeune homme. Pouvez-vous vous décaler s'il vous plaît ?

Niyo ne comprit pas vraiment ce que disait l'homme. Il fallait dire qu'il avait un fort accent du nord, et que peu de monde le comprenait. L'homme répéta sa phrase, en vain. A la tête de Niyo, il comprit que Niyo n'en menait pas large. Il tenta de faire des gestes pour l'aider dans sa compréhension. Enfin, le visage de Niyo s'éclaira et il se leva, se décalant enfin du chemin. L'homme prit une petite pomme de sa charrette et la lui tendit. Niyo accepta son présent, bien qu'il ne sache ce que c'était. L'homme mima l'action de manger, et une nouvelle fois, le visage de Niyo s'éclaira. Il croqua dans la pomme, le jus sucré coulant sur ses lèvres. Il mâcha le morceau de pomme, appréciant la saveur unique. Le Sage n'avait mangé jusqu'à présent que des algues environnant son village. Il sourit à l'homme qui le salua d'un geste avant de repartir. Niyo continua sa route, se rendant compte que son ventre ne faisait plus aucun bruit.

Tout en marchant, Niyo observait le vol des oiseaux, le bruissement des arbres, la course frénétique des lapins des plaines. Il s'émerveillait de chaque petit cadeau de la nature d'Hyrule. Le jeune homme arriva à un pont enjambant une rivière tumultueuse. Avec ravissement, il le traversa, savourant le bruit de la rivière et l'air frais sur son visage. Le chemin se séparait peu après et Niyo ne savait où aller. Il décida de s'en remettre à la petite lumière en lui et suivit le chemin de droite, qui allait en amont de la rivière. Le soleil déclinait lorsque Niyo atteint un carrefour où quatre routes se croisaient. Un épais bois entourait le carrefour. Niyo s'abrita dans une petite clairière afin de se reposer un peu. Il était sale, trempé de sueur et avait faim. D'ailleurs, son ventre grondait encore lorsqu'il s'endormit.

Niyo fut réveillé par les rayons du soleil qui filtraient à travers l'épais feuillage vert. Au-dessus de la cime des arbres, les oiseaux chantaient allègrement, leur plumage coloré se mélangeant aux vives couleurs des fruits qui ornaient les arbres. Niyo se leva, les membres engourdis par la marche de la veille. Il attrapa une pomme dans un arbre. Il avait reconnu le fruit que l'homme lui avait offert et, avec un grand sourire, il croqua dedans. Immédiatement, il recracha sa bouchée : une famille d'asticots y avait établi domicile. Niyo posa la pomme et essaya avec une autre, qui avait le même genre d'habitants. Enfin, le jeune homme décida d'essayer un autre fruit qui se trouvait au niveau de ses chevilles. Il cueillit une framboise, qui était succulente. Il se régala de fruits rouges et de baies.

"Quelle charmante nourriture ! Les Hyliens ont bien de la chance de goûter à ce genre de mets."

Son petit déjeuner improvisé terminé, il se remit en route et emprunta le chemin qui le menait plus profondément dans les terres. La matinée passa agréablement vite et l'ancien Tuamotuas marchait vite, boosté par le regain d'énergie que lui procuraient les fruits. Ainsi, il atteignit un charmant petit village, avec des décorations dans les arbres. C'était des lampions colorés et des morceaux de bois peints accrochés sur un fil. Niyo observa le village à une distance prudente. Il n'avait pas réussi à communiquer avec l'homme hier, alors, que se passerait-il aujourd'hui ? Il était effrayé par la perspective de parler avec des Hyliens. Tandis que son esprit vagabondait dans l'univers immense des pensées, son regard se perdit sur le village. Son regard fut attiré par un tourbillon d'étoffes, de cheveux et de colère sortit d'une maison :

- Tu ne peux pas me marier contre mon gré !
- Ma fille, c'est la tradition ! répondit une voix qui provenait de la maison.
- Au diable vos traditions ! Je ne me marierai pas avec ce rustre !
- Il est très gentil... Son âge avancé t'aidera dans ta vie...
- Je n'ai que 20 ans, papa ! Il en a plus du double !
- C'est pour des raisons financières aussi... Tu seras riche, dans ta maison avec ton mari... C'est le rêve de toute jeune fille normale.
- Je ne suis pas une jeune fille normale ! hurla la demoiselle.

Cette dernière était de taille moyenne, brune avec la peau mate. Ses yeux bleus lançaient des éclairs. Sur ses épaules, un châle tissé avec soin était posé négligemment, mais avec style. Niyo l'observa avec de grands yeux. C'était la première fois qu'il voyait une aussi belle personne. Le jeune homme était sous le charme de cette créature d'une grande beauté. Il se reprit.

"C'est une jolie Hylienne qui n'acceptera jamais même de me regarder..."

Alors, tristement, il continua de l'observer. La jeune fille se rapprochait de la sortie du village et par extension, de Niyo, paniqué. Elle passa assez vite, s'arrêta un instant et recula pour observer le jeune homme. Elle l'évalua du regard avant de lui demander :

- Étranger... es-tu perdu ? Nous sommes à Naoru, village caché des plaines.

Niyo hocha la tête, fasciné par les cheveux qui ondulaient comme des serpents. La jeune fille lui sourit et Niyo ne comprenait pas pourquoi il était de plus en plus mal à l'aise. Une petite lumière jaillit de sa main et flotta à quelques centimètres de sa paume brune. La jeune fille observa le phénomène. La petite orbe de lumière scintillait plus ou moins fort et était plus ou moins grosse. La jeune fille parut comprendre ce que disait l'orbe. Elle dit doucement à Niyo :

- Tu ne peux parler, mais tu es la lumière... exactement comme dans les légendes... soupira-t-elle. Je serais heureuse de t'aider, mais je dois m'enfuir. Ma liberté sera réduite à néant si je reste. On se reverra, Lumière.

Elle siffla sur un ton particulier et, aussitôt, un cheval noir apparut. Elle le monta et salua Niyo avant de partir de son village. Le pauvre, sous le charme de la jeune fille, erra ensuite dans le village décoré de mille fanions et de lanternes rouges, bleues... De toute évidence, les habitants célébraient un quelconque événement. Niyo arriva au marché. Toutes sortes de produits étaient vendus sur les étalages : fruits, légumes, artisanat local, armes, potions et colliers magiques. Niyo aperçut une pomme et s'empressa de la prendre, de la croquer avec gourmandise avant de commencer à partir. Un homme l'attrapa par le col.

- Excusez-moi, mais vous devez payer cette pomme.
Le pauvre Niyo ! Il ne pouvait parler et se contentait d'observer l'homme d'un air terrorisé.
- Parle ! Allez, donne-moi mon argent !
Les cris alertèrent les vendeurs et les clients alentours. Un petit groupe se forma autour de Niyo et du vendeur de pommes.
- C'est un étranger, regardez ses vêtements, fit un petit homme.
- Pour sûr que c'est un étranger, affirma un autre.
- Et évidemment, ils ne connaissent pas la langue, continua une femme ronde.
- Ça doit être un gars du nord, théorisa le petit homme.
- Et mon argent ?! s'écria le vendeur.

Le pauvre Niyo ne savait plus où donner de la tête. Sentant l'hostilité des villageois, il s'enfuit aussi vite qu'il le put. Comme vous vous en doutez, il fut pris en chasse. Mais Niyo courrait vite, et malgré sa piètre connaissance du village, il les sema et se cacha à l'orée d'un bois qui surplombait le village. Les villageois ne le suivirent pas car la croyance voulait que les bois étaient hantés. Niyo se reposa de sa folle course poursuite, et s'assit près d'un petit lac. Il faisait frais dans le bois, sans doute à cause du peu de soleil qui filtrait à travers l'épais feuillage. La nuit tomba rapidement, ajoutant un peu de fraîcheur à l'air ambiant. Niyo tremblait de froid dans ses habits. Il se roula sur lui-même, faible, frigorifié et à moitié endormi.

Alors qu'il sentait la chaleur partir pour de bon, une petite lumière jaillit de son corps pour se mettre devant lui. Le jeune homme leva la tête et regarda la lumière, intrigué. Elle brillait doucement, d'une lueur rassurante et chaleureuse. Niyo la prit dans ses mains et sentit la chaleur l'envelopper de nouveau. Ça allait mieux. Soudain, des milliers de petites lumières s'allumèrent devant ses yeux ébahis. Un petit bourdonnement accompagnait les lumières chatoyantes. C'était des lucioles. Alors que Niyo contemplait le spectacle lumineux, une petite luciole s'approcha de lui. Elle lui parla avec la lumière émise par son corps et le jeune homme la comprit parfaitement. Elle était à l'écart des autres et ne s'était jamais intégrée réellement au reste des insectes. Niyo discuta avec la luciole qui interprétait sa sphère de lumière avec une facilité déconcertante. Ils en vinrent à discuter de leurs histoires respectives. L'Hylien raconta son périple avec une certaine mélancolie. La luciole riait aux moments drôles et prenait un air catastrophé pendant les moments les plus dramatiques. La luciole raconta à son tour son histoire.

Elle n'avait pas toujours été une luciole. Auparavant, elle était un Hylien plutôt robuste et charmant. Il était charpentier dans un village près du canyon Gerudo. Il avait un fils, né des étoiles d'après ses souvenirs. Un jour, la maison qu'il construisait s'était effondrée, tuant une famille entière. Les amis des défunts avaient alors engagé un sorcier pour maudire l'ancien Hylien. Ainsi donc, une nuit, le magicien avait jeté un sort au charpentier. Le mage s'était trompé dans sa formule, et au lieu de maudire le charpentier, il l'avait transformé en luciole, le condamnant à errer sous cette forme jusqu'à accomplir son destin. La luciole alors avait affronté les éléments et la solitude durant dix ans. Jamais il n'avait accompli un quelconque destin. Désormais, il vivait dans la forêt hantée de Naoru.

Niyo était ému. Il proposa à la luciole de l'aider à reprendre sa forme humaine, ce qu'elle accepta avec joie. Il appela son nouveau compagnon Ray, car la lumière de son ami ressemblait à un rayon dans la nuit. Finalement, ils se couchèrent tous les deux sur un lit de fougères, tandis que les lucioles continuaient leur ballet aérien. Niyo commençait à somnoler, bercé par la lumière environnante, lorsque tout fut plongé dans la pénombre. Le jeune homme se leva, Ray l'imitant. Toutes les lucioles s'étaient réfugiées dans les troncs creux et sous les feuilles. La lune, qui était blanche auparavant, était devenue noire. Niyo la contempla, apeuré par cette vision. Même s'il vivait sous l'eau, il savait que la lune ne devenait jamais noire.

"Il se passe quelque chose d'important... quelque part dans le royaume..." pensa le Sage.

Ray s'était réfugié derrière Niyo et tremblait de tout son petit corps. L'Hylien prit la luciole dans ses mains et la rassura longuement. Le temps que la luciole se calme, la nuit était redevenue normale. Les lucioles des bois étaient ressorties de leur cachette et brillaient à nouveau, comme si rien ne s'était passé. Niyo avait le pressentiment que le destin d'Hyrule était menacé par quelque chose de bien plus maléfique que Ganondorf. Il secoua la tête, chassant cette sombre pensée. Il se recoucha et contempla les lucioles qui dansaient dans l'air. Le sommeil finit par emporter le jeune Sage.

Au petit matin, les deux compagnons décidèrent de partir de Naoru. Ils allaient aller vers l'est, car la luciole n'y était jamais allée. Sans doute son destin s'y accomplirait. En chemin, Niyo et Ray discutaient allègrement, chacun appréciant la compagnie de l'autre. La route était faite de terre et de pierres. Ils marchèrent et volèrent respectivement, durant toute la journée, faisant des escales pour se reposer de temps en temps. Durant ces escales, la luciole apprit à Niyo les différents fruits comestibles et Niyo racontait des légendes de l'eau à Ray.

La nuit vint, lorsqu'ils étaient arrivés quasiment au niveau de la Grande Mer, l'endroit où avait toujours vécu Niyo. Une source de lumière attira les deux compagnons. Elle s'avéra être un relais de réfugiés. Ni l'un ni l'autre ne savait pourquoi il y avait des réfugiés à cet endroit, mais ils étaient assez sains d'esprit pour rester loin du camp. Leur confrontation avec les humains les avait mis en garde. Ils restèrent donc à distance prudente des Hyliens et se couchèrent sur l'herbe. Les étoiles brillaient fort dans le ciel, ce qui s'accordait avec leur lumière respective. Au bout d'un moment, tous deux s'endormirent, réchauffés par leur lumière.

Un rayon timide illumina les deux compagnons assez tôt. Leur sommeil perturbé par le soleil, ils décidèrent de reprendre leur route. Après un petit déjeuner composé de quelques fruits, ils se levèrent et contemplèrent les plaines qui s'étendaient à perte de vue, tel un immense tapis vert, puis ils se dirigèrent vers le chemin de la veille. Alors que Niyo et Ray commencèrent à marcher, leur attention fut distraite par un point violet qui s'approchait d'eux en volant. De plus près, il s'avéra que c'était une Piaf. Elle se posa près d'eux.

- Bonjour, comment t'appelles-tu ?
Niyo ne sut répondre. Elle continua :
- Je m'appelle Amelina. Tu viens de faire de la lumière, je me trompe ?
Niyo hocha la tête timidement.
- Tu en es un toi aussi, tu es la lumière des sept, alors... murmura la Piaf pour elle-même.

Chapitre 45 : D'une ombre à l'autre   up

Pendant ce temps au royaume du crépuscule, la princesse Midona était installée dans la salle du trône, lasse. Elle avait oublié ce qu'était la solitude, son âme sœur lui manquait terriblement. Elle était plongée dans ses pensées et son regard était vide quand Éloise sa servante vint la déranger.

- Votre Altesse, les gardes ont réussi à la retrouver.
Midona détourna son attention de ses pensées et se redressa.
- Sont-ils sûrs que c'est bien elle ?
- Oui, madame, lui répondit Éloise.
- Bien, préviens-moi dès qu'elle sera arrivée.
- Elle est déjà au palais, madame. Les gardes arrivent.
Midona se leva de son siège et fit signe à Éloise de quitter la pièce pour aller se poster devant la fenêtre.
- Et bien, il était temps. Tu pensais pouvoir te cacher longtemps dans mon royaume ? se dit-elle pour elle-même.

Les gardes entrèrent dans la grande salle accompagnée de la prisonnière. Midona fit face à celle-ci :

- Ta réputation te précède, Impa.
- Midona, ravie de te revoir. Peux-tu m'expliquer cela ?
Impa montra tour à tour les gardiens du doigt.
- Il fallait bien que l'on t'escorte ! Bien que je sois certaine que tu n'allais pas t'enfuir.
- M'enfuir ? Pour aller où ? Je ne pensais pas qu'après ma mort, je me retrouverais dans ton royaume et en plus, face à toi.
- Et bien, vois-tu, je pense que même après ta mort, tu peux être utile à la quête contre le Fléau.
- En tout cas, je te remercie pour une chose, tu m'as rendu mon corps de jeune fille.
Midona rigola et s'approcha de la Sheikah.
- Je suis ravie de te revoir, mon amie, dit-elle en l'enlaçant.
- Je ne suis pas sûre de partager ton enthousiasme. Pourquoi m'avoir fait venir ici et rendu ma jeunesse ?
- Mon amie, tu n'es pas sans savoir qu'un nouveau Sage de l'Ombre a été choisi, vu que théoriquement, tu le lui as fait savoir.
- Oui, la Déesse a choisi un jeune de Toal. Pourquoi ? l'interrogea Impa.
- Il va y avoir un problème avec son pouvoir.
- Un problème ?
- Je te rappelle que c'est moi qui t'ai tout enseigné. Le Fléau était déjà en Hyrule et le Crépuscule était dominant.
- Jedh est intelligent, il saura gérer les ombres, je n'ai pas peur pour lui.
- Je m'en doute bien, Impa, mais le combat qui arrive ne sera pas aussi facile. Il a appris de ses erreurs passées.
- J'ai toute confiance en Jedh, il y arrivera.
- Je l'espère pour lui, votre peuple n'est pas censé contrôler les ombres. Je ne pourrai pas lui enseigner comme je l'ai fait pour toi. Par contre, je connais quelqu'un que le pourrait.

Midona se retourna et regarda par la grande fenêtre.

- Quelqu'un en Hyrule ? l'interrogea la Sheikah.
- Oui, ma chère amie, même si je doute que l'on puisse dire que ce soit une personne. Connais-tu l'histoire du premier Sage de l'Ombre ?
- Je sais juste qu'il a disparu mystérieusement. Pourquoi ?
Midona fit face à son amie.
- Son esprit errerait en Hyrule. Le tout est de le trouver.
- Je n'ai jamais entendu parler de ça, tu es sûre que ce n'est pas une légende ?
- Il n'y a qu'une seule façon de le savoir, viens, suis-moi.
Midona sortit de la grande salle et se dirigea vers la pièce où elle avait transformé Frambra.
- Je vais devoir pratiquer un peu de magie, et je vais avoir besoin d'une goutte de ton sang, dit-elle en rassemblant des accessoires.
- Mon sang ? Je suis morte, je n'ai plus de sang !
Midona lui prit la main et sans hésiter lui enfonça rapidement une petite aiguille dans le doigt.
- C'est du sang, ça, non ?
- Tu n'as pas changé, grommela Impa.
- Mets une goutte de sang dans la fiole devant toi.

La Sheikah s'exécuta, puis s'écarta et observa la Princesse du Crépuscule mettre divers ingrédients dedans. Elle prononça des mots incompréhensibles, mélangea le tout, puis le tendit à Impa.

- Bois !
- Non ! s'exclama la Sheikah.
- Allez, ne fais pas ta cocotte mouillée.
- On dit "poule mouillée", très chère.
Impa saisit la fiole, enleva le bouchon, et but le liquide à la couleur douteuse.
- Beurk, c'est immonde.
- Ça se saurait si c'était bon, répliqua Midona.
- Et maintenant ?
- On attend.
La Sheikah regarda son amie de longue date avec de grands yeux.
- On attend quoi exactement ?
- Que tu établisses une connexion avec un ancien Sage en espérant tomber sur le bon.
- Toi et tes idées farfelues.
Après plusieurs minutes à attendre que quelque chose se passe, la Sheikah reprit un peu agacée :
- Il est censé se passer quoi ?
- Tu es la Sheikah la plus patiente d'Hyrule, mais en ma compagnie tu n'en as aucune, c'est quand même bizarre. Je me demande bien pourquoi ?
- Tu m'agaces, tais-toi donc !

Impa croisa les bras sur sa poitrine et fit mine de bouder. La seconde d'après, elle se figea. Midona s'approcha et passa la main devant les yeux de son amie qui n'eut pas de réaction :

- Eh bien tu vois, rigola-t-elle, je ne me suis pas trompée.

* * *

Impa se retrouva en une fraction de seconde hors de son corps, elle voyait Hyrule du ciel et se rapprochait de plus en plus vite de la terre. Elle ferma les yeux de peur de s'écraser au sol, mais en un instant, le vent qu'elle avait senti sur elle et qui lui avait coupé la respiration avait cessé. Elle ne bougeait plus. Impa se décida alors à ouvrir les yeux : autour d'elle des arbres, elle n'eut aucune difficulté à reconnaitre la forêt de Firone. Les arbres étaient les plus beaux de tout le pays, et l'odeur qui se dégageait de la forêt était incomparable. Un mélange de senteurs boisées et fleuries, c'était la saison des fleurs de silence, l'odeur était égale à celle du muguet. Soudain, elle entendit un craquement de branche et son regard fut attiré par une ombre. Celle-ci était passée derrière un arbre. Impa se dirigea vers elle. Au moment de se mouvoir, elle remarqua qu'elle ne marchait pas, mais flottait au-dessus de l'herbe.

La sensation était agréable, elle se sentait légère, cela l'amusait, elle n'avait jamais ressenti ça. Le poids de toutes les responsabilités qu'elle avait eues toutes ses années s'était évanoui, elle se sentait libre. Impa regarda un moment les rayons du soleil traverser les branches, et tendit la main dans leur direction. Elle était libre, mais ne ressentait pas la chaleur du soleil. Ce soleil qui lui avait tant manqué depuis son décès. Elle réalisa alors qu'elle était là grâce à l'enchantement de Midona. Elle reprit ses esprits et regarda autour d'elle. Il fallait qu'elle retrouve l'ombre qu'elle avait vue, elle était certaine que cela n'avait pas été un animal. Après plusieurs minutes, elle vit une personne allongée à la cime d'un arbre. Impa resta là un moment sans savoir quoi faire.

- Tu vas te décider ? lui lança une voix.
- Tu me vois ? s'étonna Impa.
L'individu se redressa et la Sheikah se retrouva face à une jeune femme d'une vingtaine d'années.
- Bien sûr que je peux te voir ! Quelle question ! Tu es Impa, anciennement Sage de l'Ombre, je ne me trompe pas ?
Impa ne semblait pas plus étonnée que ça, la jeune femme avait quelque chose de rassurant.
- A qui ai-je l'honneur ?

La jeune fille ricana un instant, son rire n'était pas étranger à la Sheikah qui l'observait attentivement. La jeune fille reprit son sérieux et dit :

- Je suis Ash, le premier Sage de l'Ombre.
- Mais tu es… l'Esprit de la Forêt ?
Impa hésita avant de continuer.
- Tu es l'esprit qui fait s'égarer les gens dans la forêt, ils finissent transformés en Skull Kid.
- Les légendes d'Hyrule me font bien rire, je ne les fais pas s'égarer, je les guide et les sauve de leur funeste destin.
Impa resta silencieuse. La jeune fille se leva et s'approcha de la Sheikah.
- Il y a peu, j'ai aidé un jeune homme à trouver son chemin, mais il était libre de ne pas me suivre.

Impa observait toujours la jeune fille. Celle-ci ne paraissait pas être un esprit, elle n'en avait absolument pas l'apparence. Elle voulut lui demander, mais la jeune fille répondit avant même qu'elle ne pose la question.

- Je ne suis pas plus vivante que tu l'es, mais j'ai appris au fil des décennies à ne pas paraitre trop... transparente.
Impa commençait à se sentir partir, sa vision se troublait.
- J'ai peu de temps devant moi, il me faut te demander d'aller aider le nouveau Sage de l'Ombre.
- L'aider ? Et pourquoi je ferais ça ?
- Pour Hyrule ! s'emporta Impa.
- Hyrule ? Je suis morte pour Hyrule et tous les autres aussi, alors à quoi bon ?
- "A quoi bon ?" Toutes ces décennies à errer t'ont brouillé le cerveau ! Tu veux que Ganondorf règne sur le royaume et que le chaos domine le monde ?
- Et pourquoi pas ? Cela changerait pour une fois.
- Regarde ta jolie forêt, je suis sûre que tu ne la quittes pas. Regarde-la bien et enregistre toutes ses belles couleurs, car si Ganondorf triomphe, tout cela ne sera plus. Si tu y tiens, retrouve Jedh et aide-le !

Sur ces mots, la Sheikah disparut.

* * *

- Te revoilà parmi nous, ma chère Impa.
- Oui et heureusement, je lui aurais bien botté les fesses.
- Je n'ai pas dit que ça serait facile. Alors il va l'aider ? demanda Midona.
- Pour être honnête, je n'en ai aucune idée. Et ce n'est pas "il" mais "elle". Elle se nomme Ash.
- Oh, je vois. Ash avait la réputation de ne pas être commode. Elle n'avait pas accepté d'avoir été élue Sage, mais elle a été la meilleure de toutes. Les ombres et elle ne faisaient qu'un. Un spectacle magnifique d'après les récits.
- Et bien, j'espère que ton sage prodige va se bouger et aider Jedh.
- Tu veux qu'on réessaye la potion ? Comme ça, tu pourras lui botter les fesses à cette ingrate.

Impa se contenta de foudroyer Midona du regard pour seule réponse, ce qui fit sourire la princesse. Tant d'années avaient passé, mais la Sheikah n'avait pas changé. Sa compagnie ne remplacerait pas celle de son loup, bien évidemment, mais au moins n'allait-elle pas s'ennuyer.

Chapitre 46 : Apprentissage   up

Impa avait disparu, laissant seul le premier Sage de l'Ombre. Celle-ci voletait de gauche à droite en marmonnant. De temps en temps, elle s'arrêtait, fixant toujours le même endroit.

- Toi, au moins, tu me comprends.

Perché sur une branche, un magnifique corbeau d'un noir de jais croassa en guise de réponse. Son bec était aussi noir que ses plumes. La seule chose qui le différenciait des autres, c'était ses yeux vairons, un oeil bleu comme le cristal et un autre vert émeraude. Ash était énervée, d'où ses va et vient. Comment cette Sheikah osait-elle lui faire la morale ?

- Elle devrait mieux que quiconque savoir pourquoi !
- Croa !
- Mon peuple a été banni et je devrais les aider contre Ganondorf ?
- Croa !
- Oui, je sais, j'y suis un peu pour quelque chose là-dedans, mais bon, je n'étais pas toute seule, je te rappelle !
A force d'aller et venir, elle commençait à avoir le tournis. Elle s'installa au pied de l'arbre. Avec une dextérité qu'elle avait mis des années à obtenir, elle saisit un petit caillou et le jeta devant elle.
- Grrrrrrr !
La jeune femme ramena ses genoux contre elle et y posa sa tête. Elle resta ainsi de longues minutes. Le corbeau sauta de sa branche et vint se poser à ses côtés.
- Penses-tu que je devrais les aider, Sariel ? lui demanda la jeune femme.
- Croa croa !
- Mais pourquoi ? Le schéma se répète sans arrêt, ils se réincarnent tous et les combats reprennent. Et si cette fois, on laissait les choses se faire ?
Le corbeau sautilla vers la jeune fille et essaya de planter son bec dans son spectre.
- Sariel, tu vas finir par te casser le bec à faire ça. Mais c'est bon, j'ai saisi le message.
La jeune femme se leva.
- Bien ! Voyons à qui je vais avoir à faire.

Elle leva le bras et pointa du doigt quelque chose qu'elle seule voyait. Elle finit par faire de petits cercles avec son index. Une image floue apparut devant elle : un homme assis à un bureau, des lunettes un peu trop grandes pour lui sur le nez.

- C'est donc toi que je dois initier aux ombres ? Finalement, cela peut être intéressant.
Le corbeau se mit à croasser de plus belle.
- Calme-toi, que veux-tu que je fasse avec mon apparence ?
- Croa croa !
- Comment ça ? s'exclama la jeune femme.
Le corbeau vola jusqu'à une branche et se posa face à l'ancienne sage. Il croassa et croassa encore entamant une conversation que seule la jeune femme pouvait comprendre.
- Très bien, dit-elle lassée de son compagnon. Je reprends : tu veux que j'aide le demi-Sheikah, et ainsi je ferais pénitence de mes actes ? Et comment je suis censée faire ça ?
Le corbeau reprit ses croassements.
- Que je lui apparaisse en rêve ? Et puis quoi encore ? tu n'as pas plus cliché ?
Son compagnon se mit à battre frénétiquement des ailes pour montrer son mécontentement.
- Je ne comprends pas pourquoi je devrais faire pénitence ? Je suis bien dans cette forêt, moi ! s'exclama-t-elle en montrant l'endroit où elle était. De temps en temps je m'amuse à faire s'égarer une ou deux personnes et puis, je suis bien avec toi.
Le corbeau émit un dernier croassement, puis s'envola laissant sa compagne seule.
- Très bien ! Va-t'en, je n'ai pas besoin de toi !!! cria Ash en croisant les bras sur sa poitrine alors que le corbeau avait déjà disparu.

* * *

Cela faisait des heures que Sariel était parti. Le soleil embrassait déjà l'horizon et la pénombre prenait de l'ampleur dans la forêt. Ash n'avait pas bougé d'un centimètre se demandant encore ce qui était le mieux à faire. Elle prit une profonde inspiration, bien que ses poumons ne se remplissent plus d'air depuis longtemps, et regarda le ciel. Tout en levant le poing, elle s'adressa aux Déesses.

- Très bien, je vais l'aider si c'est ce que vous voulez ! Mais cette fois, on le bannira pour de bon ! Il ne reviendra plus !

Ash se fit la promesse que cela ne devait plus arriver. Trop de gens avaient perdu la vie à cause du Fléau. Elle se retourna, regardant la place où elle était. Elle s'installa une nouvelle fois au pied de l'arbre. Elle se mit en tailleur, les paumes posées sur les genoux. Elle était prête à méditer et ainsi entrer en communication avec son nouvel élève. Elle ferma les yeux et se concentra un long moment. Quand sa conscience réussit à pénétrer celle du demi-Sheikah, elle se retrouva au beau milieu de son rêve. Il se tenait au milieu de la bibliothèque à faire les cent pas et à se parler pour lui-même, quand soudain une femme apparut derrière lui en l'enlaçant. Elle remonta ses mains sur le torse du jeune homme. C'est le moment que choisit Ash pour sortir de l'ombre. Elle avança tout en se raclant la gorge.

- Je ne veux point paraître impolie, mon cher ami, mais un ménage à trois, très peu pour moi.
Ash claqua des doigts et la jeune femme se trouvant derrière Jedh disparut. Le jeune homme ne comprenait absolument pas ce qu'il venait de se passer. Il restait planté là sans rien faire.
- Je vois que tu n'es pas un combattant ! s'exclama la jeune femme. Un autre se serait déjà rué sur moi.
Après avoir réalisé que son amie avait disparu et que la femme s'adressait à lui, il ouvrit la bouche pour en sortir les banalités habituelles.
- Qui êtes-vous ? Où est passé Kida ? Que voulez-vous ?
- Doucement cher ami, une question à la fois ! dit-elle tout en s'avançant vers lui.

Jedh n'était pas rassuré. Effectivement il n'était pas un guerrier et le combat et lui, ça faisait deux. La jeune femme se tenait maintenant en face de lui. Elle posa sa main sur son torse au niveau de son coeur. Celui-ci battait à tout rompre.

- Eh bien, je te fais tellement d'effet ou tu as peur de moi ?
Ash s'amusait de la situation, et du bout de l'index elle traça une ligne invisible vers le bas, s'arrêtant à la ceinture du jeune homme. Celui-ci déglutit bruyamment.
- Arrêtez ! osa-t-il dire, les joues en feu
- Es-tu sûr, cher ami, que c'est ce que tu souhaites ?
Jedh balbutia d'arrêter et lui enleva la main tout en tremblant. Ash lui tourna le dos en ricanant.
- Ne t'inquiète pas, Jedh, je ne suis pas là pour ce genre de plaisir, mais pour t'aider à maitriser les ombres.
- Maitriser les ombres, répéta-t-il difficilement.

Son coeur n'avait pas retrouvé un rythme normal, il était essoufflé et n'en comprenait pas vraiment la raison. La jeune femme ne le rassurait pas, mais de là à se mettre dans cet état ! Ash marchait maintenant en faisait un cercle autour de lui.

- Je m'appelle Ash...
- Le premier Sage de l'Ombre, s'exclama Jedh,.Vous êtes une femme ?
La jeune femme s'arrêta net devant le jeune homme et lui jeta un regard glacial. Celui-ci ne savait plus où se mettre ses joues devinrent rouges, il baissa la tête et regarda le sol.
- Je suis désolé, c'est que j'ai toujours imaginé que vous étiez un homme. Il n'y a pas grand-chose sur vous dans les livres. Du coup...
Ash le regarda, indignée cette fois.
- Ce n'est pas que vous n'êtes pas importante dans l'histoire, c'est juste que...
Jedh se tut. Il avait conscience que plus il essayait de rattraper la situation, plus elle empirait.
- Bien, reprit l'ancienne Sage. Comme je ne peux t'aider qu'en rêve, il serait bien que demain, tu nous emmènes dans un espace plus grand et de nuit. Et seul !
- Seul ? s'étonna le jeune homme.
- Je t'ai dit que je n'appréciais pas spécialement les plans à trois, dit Ash, un sourire narquois au coin des lèvres.
- Vous allez revenir tous les soirs ?
- Jusqu'à ce que tu comprennes comment maîtriser les ombres, très cher ami.

Sur ces dernières paroles, la jeune femme claqua des doigts et disparut, laissant Jedh à son rêve. Elle ouvrit doucement les yeux : elle était à nouveau dans la forêt. Un croassement lui fit tourner la tête.

- Te revoilà, sale bestiole !
Le volatile se posa devant elle et croassa.
- Je me fiche de ce que tu penses, je le fais pour moi et non pour Hyrule. Et puis, il va me falloir de la patience : ce garçon est frêle, ce n'est pas du tout un combattant. Bon, trêve de bavardages, allons sillonner la forêt pour voir s'il n'y a pas de quoi s'amuser un peu. Je sens que mes séances avec lui vont être rudes. Tu viens Sariel ? dit-elle en s'éloignant de l'endroit où elle s'était assise.
Dans un bruissement d'ailes, le corbeau croassa et prit son envol pour la rejoindre.

* * *

Cela faisait déjà plusieurs nuits que l'ancienne Sage de l'Ombre visitait les rêves de Jedh. Celui-ci progressait à petits pas.
- Grrrrrr, s'énerva-t-il. Mais pourquoi je n'y arrive pas ? Quand je vous vois faire, ça a l'air tellement facile !
- Tu ne crois pas assez en ton pouvoir, c'est pour cela que tu n'y arrives pas.

Ash s'approcha et se plaça derrière lui. Jedh ne savait toujours pas s'il pouvait lui faire confiance ou non. L'ancienne Sage l'intimidait énormément et il avait une sensation bizarre à chaque fois qu'elle se rapprochait de lui. Ash avança sa tête, glissant sa bouche à côté de l'oreille de Jedh. Elle lui effleura doucement le bras en descendant vers sa main, puis la lui saisit délicatement. Elle lui murmura à l'oreille tout en lui montant la main à la hauteur de sa taille.

- Je te l'ai déjà dit : une ombre, c'est fragile, mais c'est aussi très sauvage. Il faut que tu les respectes, mais il faut aussi que tu intègres qu'elles sont vivantes.
Ce contact rapproché ne plaisait pas au bibliothécaire. Il s'en dégagea rapidement.
- Oui, oui, je le sais bien, tu n'arrêtes pas de me le répéter, s'énerva-t-il.
Il tendit la main et se concentra sur l'ombre de l'arbre devant lui. Ash le regarda faire. Quand après quelques secondes, l'ombre changea et se transforma sous les yeux satisfaits de la jeune femme.
- Tu vois, mon cher, que tu peux y arriver.
Une goutte de sueur coula du front de Jedh et l'ombre éclata, redevenant celle de l'arbre. Ash s'avança et se mit devant le jeune homme.
- Tu penses trop, c'est ton plus gros défaut.
Ash ferma les yeux et la seconde d'après, derrière elle des monstres s'avançaient.
- C'est à toi de jouer maintenant, mon cher et tendre, dit-elle un sourire narquois aux lèvres.
- A moi de jouer ?! Mais...
Il n'eut pas le loisir de finir sa phrase que la jeune femme disparut, le laissant seul face aux monstres. Jedh paniqua.
- Je ne sais pas quoi faire ! Reviens, ne me laisse pas seul !

Il ne croyait pas les mots qu'il était en train de prononcer, lui qui se méfiait de l'ancienne Sage. Les monstres avançaient doucement vers lui. Il regarda autour de lui ne sachant quoi faire. Il regrettait que ce ne soit pas Hergo qui ait été choisi pour être sage. Finalement, Jehd ferma les yeux et se concentra. Il pouvait sentir sous ses pieds la terre trembler. Les monstres avaient beau n'être que des ombres, leurs déplacement ne se faisaient pas sans fracas. Il leva sa main devant lui, non sans trembler. Sous ses pieds, la terre s'agita de plus en plus. Jedh plissa les yeux fortement, se préparant à prendre la horde de monstres de plein fouet. Mais rien, le bruit et les tremblements cessèrent. Il ouvrit les yeux : les ombres avaient disparu. Il y était enfin arrivé.

Chapitre 47 : Retour à Toal   up

Cela faisait déjà deux jours qu'ils étaient arrivés à Toal, et Link et ses compagnons en avaient appris longuement depuis. En effet, dès la barrière franchie après trois jours de marche, Jehd s'était précipité sur eux pour leur asséner un long monologue leur expliquant tout ce qui s'était passé pendant leur absence. Malheureusement, il n'y avait pas eu grand monde pour écouter le pauvre bibliothécaire : Sheik s'était directement fait alpaguer par Hergo qui voulait lui raconter sa propre aventure, et le rouquin avait également entraîné Era qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. Quant à Zelda, elle était restée à l'écart, observant distraitement Sheik de loin, le Loup auprès d'elle. Il n'y avait eu que Link pour faire attention aux paroles de Jehd, sauf que l'Hylien était à ce moment plus occupé à essayer de distinguer son ami Lovio. En fin de compte, le bibliothécaire avait repris plus tard son discours, lorsque tout le monde lui eut enfin prêté attention. Ils avaient donc appris que celui-ci était le nouveau Sage de l'Ombre, ainsi que le nom de plusieurs autres, et le fait qu'Hergo ait ramené la pierre de chez les Piafs et soit revenu à l'aide d'un portail. Ah, et aussi que Jehd était maintenant fiancé avec Kida, mais cela était un peu moins important.

Durant les deux jours qui suivirent, la tension était extrêmement palpable. Mais pas une mauvaise tension ! C'était plutôt une tension nerveuse. Car ils s'attendaient à voir une tête violette surgir à chaque minute d'un fourré en criant "On est lààà !", mais rien ne venait. Il y avait aussi le fait que, aussi surprenant que cela puisse paraître, Sheik et Zelda faisaient tout pour s'éviter, comme bloqués par un mur invisible, ne se parlant qu'en de rares occasions. Alors, le premier s'entraînait avec Link en compagnie du Loup, et la deuxième passait ses journées avec l'étrange Era.

Mais ce matin, alors que Link s'asseyait à une table pour lire un livre sur les différentes techniques de défense à l'épée et que Sheik était assis en tailleur dans l'herbe, méditant calmement les yeux fermés, une longue chevelure blonde passa rapidement devant l'apprenti forgeron suivie de près par un tissu rose bonbon. Link leva les yeux et aperçut Zelda qui se postait devant le Sheikah, poings sur les hanches, imitée parfaitement par Era à sa droite.

- Apprends-moi à me battre, déclara la jeune fille.
- Apprends-nous ! nuança le porteur de bob rose.
Le Sheikah soupira imperceptiblement et ouvrit légèrement son oeil non couvert pour regarder à tour de rôle les deux énergumènes devant lui.
- Non, répondit tout simplement l'intéressé.

Et là, ce fut comme une bombe à retardement qui explosa. Zelda engagea la bataille, et Sheik n'était pas prêt à lui laisser l'avantage. Tous deux se criaient dessus, l'une déversant nombre de questions, dont le blondinet ne put en comprendre que quelques-unes, dont "Pourquoi tu ne veux pas ? C'est parce que je suis une femme ? Tu me sous-estimes ? Tu ne me crois pas capable de tenir une arme entre les mains ? Pourquoi pas moi alors que tu entraînes ce gamin !?". L'autre perdant de plus en plus patience, contredisant chaque parole de la jeune femme, s'arrangeant pour ne pas se contredire lui-même. De plus, Era n'aidait pas en tout point ! Tantôt du côté de l'une, tantôt du côté de l'autre, se contredisant lui-même tout seul. Link soupira. Il aurait aimé que cela se passe autrement, mais les deux jeunes gens avaient tous deux un fort caractère et ne se laissaient pas faire aussi facilement qu'ils n'y paraissaient. De plus, ils se ressemblaient fortement, même si, et il en était sûr, l'un ou l'autre l'aurait contredit. Après tout, elle était la jumelle que Sheik cherchait. Mais ça, Sheik faisait visiblement semblant de ne pas le voir, n'étant sûrement pas prêt à accepter cette personne qui lui avait été cachée tout ce temps.

Soudain, une légère onde de mouvement sur la barrière attira l'attention de l'apprenti forgeron, annonçant l'entrée de quelqu'un dans la zone. Etait-ce enfin eux ? Le coeur de Link battit plus fort. Cela faisait deux jours qu'il angoissait en ne voyant pas l'équipe de Lovio revenir, et il espérait grandement que cela soit eux qui rentraient enfin ! Il ferma son livre et courut vers la source de l'onde lorsqu'au loin, traversant violemment la barrière, il aperçut la fameuse tête violette volant à toute vitesse sur le tapis. Celui-ci piqua et s'écrasa au sol, projetant son propriétaire qui fit un long roulé boulé. Link alla le rejoindre et découvrit un Lovio épuisé et aux habits sales et déchirés par endroits. Il le serra fort dans ses bras, lui demandant ce qu'il lui était arrivé.

- On est... rentrés, souffla alors l'intéressé avec un sourire et un pouce en l'air.
Link, paniqué, aida son ami à s'asseoir correctement par terre, et c'est là qu'il remarqua.
- Où est Hönir ? demanda-t-il en regardant l'endroit d'où venait le violet.
Ce dernier, quelque peu remis, fit alors un geste dramatique du bras, comme s'il s'évanouissait, et déclara, une pointe de tristesse dans la voix :
- Ô malheureux ! J'ai dû me résoudre à l'abandonner, ses blessures étant trop fatales pour faire quoi que ce soit !
- Quoi ?! Comment ça ? s'exclama l'épéiste dont la panique s'accroissait de plus en plus.
Le jeune homme regarda un instant son ami dans les yeux, inspirant une grande goulée d'air, et conta alors :
- Nous nous sommes fait attaquer la nuit dernière par des brigands non loin d'ici. Ils nous ont capturés, séquestrés, torturés ! Ils nous ont dérobé nos biens et voulaient nous faire cracher le morceau ! Mais, Ô que nous fûmes fidèles à notre engagement ! Nous tînmes bon et ne dîmes rien ! Mais Ô ! que cela nous porta préjudice ! Mon pauvre compagnon se fit torturer à ma place, m'épargnant le dur supplice qu'étaient le fouet et les coups ! Mais lorsque cette aube, il m'offrit l'occasion de me défaire de mes chaînes, ayant confectionné une clé avec un petit os trouvé au sol, me libérant avec alors que nos ravisseurs dormaient insoucieusement. Las ! Il ne voulut pas que je le libère, se considérant comme un fardeau pour moi, déclarant qu'il ne ferait que me ralentir ! Bien entendu, je ne voulus rien ouïr, ne voulant pas le laisser derrière moi. Malheureusement, il ne m'en laissa pas le choix, menaçant de mettre fin à ses jours si je ne partais pas sur-le-champ ! Je me suis alors exécuté, prenant Tapis et volant le plus vite possible, lui promettant de revenir avec du renfort pour le sauver et le venger de ces barbares ! jusqu'à arrivé à maintenant, dans les bras de mon sauveur !

Lovio était au bord des larmes à la fin de son récit, une main en l'air dramatisant encore plus la chose, donnant également envie de pleurer à Link, refusant d'accepter cette triste réalité. Hönir s'était sacrifié pour Lovio. Quelle bonté d'âme ! Il était sûr de la gentillesse cachée de ce semblant de coeur de pierre. L'apprenti forgeron s'essuya les yeux d'un revers de manche, reniflant au passage.

- On ne vous espérait plus, souffla Link avec un sourire, heureux de revoir son ami sain et sauf.
- Je te l'ai dit : prends des cours de théâtre, tu en feras pleurer plus d'un ! lança une voix rauque et un brin amusée non loin.
- En plus, tu m'as oubliée dans ton histoire, Lo-vi-o ! s'exclama une petite voix enfantine dont la moue se faisait entendre.
- Rôôôôôôh, ça va, hein ! Je peux pas tout faire non plus ! râla le violet, un sourire franc et narquois aux lèvres.
Link leva la tête en direction des voix et vit la carrure imposante d'Hönir contrastant à merveille avec la petite taille de Ghyni marchant lentement vers eux, eux aussi fatigués et dans le même état que Lovio. Une larme s'échappa de l'oeil de l'épéiste souriant de toutes ses dents.
- Ça fait du bien de vous entendre à nouveau ! Ça me manquait vos chamailleries, rigola-t-il.
- Vous revoilà ! s'écria une voix derrière, n'étant autre que celle de Jehd qui courait les rejoindre, suivi par le reste de la troupe marchant derrière lui.

S'ensuivit alors les mêmes explications que lors de l'arrivée de l'équipe de Link pour les tenir au courant des derniers événements. Ce dernier constata avec plaisir que Sheik et Zelda avaient arrêté de se prendre le bec, mais restaient quand même à distance respectable. Il apprit plus tard que le Sheikah avait finalement cédé à la demande de la blonde. Kida se tenait cette fois-ci aux côtés de son fiancé, et Hergo s'occupait avec le Loup, pendant que Link sermonnait Lovio sur le fait de lui avoir fait toute une scène, fausse qui plus et, en le regardant droit dans les yeux. Ce dernier n'arrêtait pas de s'excuser, sous les ricanements d'Hönir qui n'écoutait que d'une oreille les dires de ce pauvre Jehd. Le violet avait alors expliqué qu'ils s'étaient bien faits attaquer, mais par une horde de Moblins, et qu'ils avaient été un peu amochés. Leur fatigue était due à leur manque de sommeil, et le fait que Lovio soit arrivé comme une bombe s'expliquait par le fait qu'il voulait absolument jouer une farce à Link, et qu'il avait hâte de le voir. Il avait donc abandonné ses deux compagnons non loin de la barrière. Pendant que Lovio parlait, et que Jehd tentait désespérément de se faire écouter, Ghyni restait quelque peu à l'écart, boudant sur le fait que son Lo-vi-o ne l'avait pas mentionnée dans sa dramatique histoire. Elle était également harcelée par son père, arrivé dès que Jehd l'avait informé de son retour, qui la sermonnait pour être à nouveau partie sans rien dire.

- Bon ! vu que personne n'en a jamais rien à faire de ce qu'il s'est passé pendant votre absence, je pense que vous serez plus aptes à être intéressés par la décision que nous allons prendre en ce qui concerne la suite des événements ! s'exclama le bibliothécaire, énervé par ce non-respect dont faisaient preuve ses désormais camarades.
- Jehd n'a pas tort, tempéra Sheik, ramenant l'attention de tous sur leurs préoccupations premières. Nous avons désormais les trois minerais.

Le jeune homme se tourna vers Link qui sentit un poids peser soudain sur ses épaules. Non pas qu'il ait oublié ce qu'il devait désormais faire, mais il avait été tellement focalisé sur l'absence de ses amis ces derniers jours qu'il n'avait guère pensé à autre chose.

- Pourquoi il regarde Link ? demanda Era.
- Parce que maintenant, il a ce qu'il faut pour reforger son épée. Tu n'écoutes donc jamais ? soupira Zelda en levant les yeux au ciel.
- Bien sûr que j'écoute, mais seulement quand c'est toi qui parles, ma princesse.
Il se tourna vers Sheik, lui faisant aussitôt un clin d'oeil qui tira une grimace au Sheikah.
- Et toi aussi, mon chaton. Tes paroles sont de miel pour mes oreilles.
- Qui est cet énergumène ? demanda Hönir, incrédule devant cette conversation surréaliste.
- Personne d'important, expliqua Sheik.
- Comment oses-tu ? s'emporta aussitôt Zelda en franchissant les quelques pas qui la séparaient de son jumeau. Era est peut-être agaçant et un peu spécial, je l'admets, mais n'est-il pas ton ami ? Tu devrais avoir honte !
Sheik baissa les yeux vers Zelda qui n'était plus qu'à quelques centimètres de lui, toujours aussi impassible.
- Bon, écoutez... tenta Jehd qui savait que si ces deux-là commençaient à se disputer, ils n'en avaient pas fini.
- Ils se battent pour moi ! fit Era avec excitation en faisant de petits bonds dans sa robe rose.
Il se précipita aussitôt entre eux, leur attrapant une main à chacun, souriant de toutes ses blanches dents.
- Arrêtez ! Aucun de vous ne doit être jaloux, mon coeur et mon corps vous appartiennent à tous les deux. Je me partage volontiers !

Aussitôt, Zelda et Sheik réagirent dans un bel ensemble, s'écartant d'Era et récupérant leurs mains respectives. Si tous les deux avaient viré au rouge, ce n'était pas pour la même raison : Zelda était horriblement gênée par les paroles d'Era alors que la colère de Sheik, elle, était montée d'un cran. Il allait d'ailleurs sauter au cou du jeune homme quand le rire de Lovio retentit. L'ami de Link était pris d'un fou rire. Les larmes aux yeux, il était plié en deux, le souffle court et n'arrivait plus à s'arrêter.

- Vous allez tuer le petit Hylien, fit Hönir, avec néanmoins un petit sourire.
Lovio finit par terre, se tenant les côtes. Le voir dans cet état ravit Era qui éclata de rire à son tour, et réussit à détendre Sheik et Zelda.
- Je vais avoir besoin de vous, fit finalement Link à la jeune fille quand Lovio réussit à se calmer.
- De moi ? Pourquoi faire ?
Link jeta un oeil autour d'eux. Les autres avaient à nouveau fait silence.
- L'Arbre Mojo m'a dit que si je voulais redonner tous ses pouvoirs à Fay... à l'Epée de Légende, j'aurais besoin des larmes de la réincarnation de la Déesse Hylia... vous, quoi.
Link était un peu gêné d'en parler ainsi, mais il ne savait pas comment mettre plus de formes.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit avant ?
Link haussa les épaules. En vérité, il n'en savait rien. Zelda l'impressionnait autant qu'elle l'intriguait et il n'avait pas tellement osé l'approcher ou discuter avec elle depuis leur rencontre.
- Et après, vous pourrez enfin m'aider à retrouver mon frère ? demanda-t-elle en plongeant son regard dans celui de l'Elu de la Déesse qui s'en sentit intimidé.
- Et bien... je...
- Era m'a promis que quelqu'un pourrait m'aider ici, et depuis que nous sommes arrivés, personne ne veut répondre à mes questions ! reprit-elle, la voix nouée par la colère et l'émotion.
Link jeta un oeil à Sheik qui évita aussitôt son regard.
- Oui, nous vous aiderons, répondit Jehd à la place de son ami.
Zelda le regarda, essayant de savoir s'il mentait ou pas. Elle décida de lui faire confiance.
- Très bien. Allons-y, Link.
Sans attendre, elle lui attrapa la main et l'entraîna loin des autres avant que quiconque ait pu faire un geste ou dire quoi que ce soit.
- Où allons-nous ? demanda-t-elle au bout de quelques instants.
- A la forge.

Link prit finalement la tête, mais Zelda ne lâcha pas sa main et il ne fit aucun geste pour l'y obliger. Il sentait qu'elle en avait besoin et comprenait sa colère face à ce silence, ne saisissant toujours pas pourquoi Sheik ne voulait rien lui dire. Comme il était le seul, avec le Loup, à savoir la vérité, Sheik n'ayant visiblement pas plus parlé de cela à Jehd et Hergo depuis leur retour à Toal, il ne savait comment aborder le sujet avec son ami.
- Asseyez-vous, proposa-t-il à la jeune fille quand ils arrivèrent à la forge.
Celle-ci était moins imposante que celle où il avait fait son apprentissage à la Citadelle, mais elle était loin d'être minuscule. Deux maîtres forgerons y officiaient, l'un Hylien, l'autre Sheikah, ainsi que plusieurs apprentis. Tout le monde à Toal étant au courant de la mission de Link, on lui avait déjà réservé un endroit pour qu'il puisse travailler tout à son aise. Il ouvrit un coffre en bois pour en montrer l'intérieur à Zelda.

- Ce sont les fameux minerais sacrés ?
Elle effleura l'alzanine du bout des doigts et les recula, surprise.
- Je sens leur pouvoir. C'est vraiment étrange...
Elle laissa à nouveau ses doigts traîner sur les autres pierres.
- J'ai toujours eu des... dispositions pour certaines choses, reprit-elle doucement sans regarder Link. Je pensais que c'était parce que ma mère était une sorcière, une de ces Sages des légendes... Et puis, j'ai découvert que c'était plus compliqué que ça... Je croyais que si je retrouvais mon frère, ce serait plus simple. On partage notre pouvoir, tu sais. J'espérais qu'il pourrait me comprendre, me dire s'il fait lui aussi des rêves prémonitoires... Avec lui, je me disais que j'aurais moins peur de qui je suis, mais j'ai l'impression qu'il est si loin de moi, que je ne pourrais jamais l'atteindre...
Elle releva les yeux vers Link qui n'avait osé prononcer un seul mot. Un instant, après ce qu'elle venait de dire, il se demanda si Zelda n'avait pas deviné que Sheik était Gustave.
- Tu es l'Elu de la Déesse, son Champion, reprit-elle. Tu as la Triforce du Courage. Est-ce que tu l'as toujours su ? Comment tu vis ça, toi ?
Le jeune homme fut surpris par sa question, ne s'y étant pas du tout attendu. Il se passa la main derrière la tête, réfléchissant.
- Ça ne fait pas si longtemps que ça que je le sais... Même si ça donne l'impression que ça fait des mois qu'on court à travers tout Hyrule... C'est arrivé comme ça, quand je me suis battu contre Ganondorf.

Link regarda sa main où le symbole de la Triforce était apparu l'autre fois. Parfois, il avait encore du mal à se dire qu'il était vraiment l'Elu. Il ne se sentait pas vraiment plus capable que Hönir, Sheik ou même Lovio.

- L'Arbre Mojo, la vieille Impa... tout le monde attend de moi que je batte Ganondorf. J'essaye de ne pas trop y penser, je fais ce qui doit être fait. Je dois essayer. J'ai vu ce dont il est capable.
- Et ça ne te fait pas peur ?
- Si, bien sûr.
Zelda le regarda longuement, puis lui sourit gentiment. Elle semblait satisfaite de ses réponses.
- Alors, pourquoi as-tu besoin de moi ? C'est mon pouvoir ? Je te préviens, je ne le maîtrise pas toujours.
- Non, j'ai besoin d'une larme, répondit-il en se passant encore la main derrière la tête, gêné. Je la mélangerai aux minerais.
- Et tu comptes t'y prendre comment pour me faire pleurer ?
Devant l'air embarrassé de Link, elle se mit à rire.
- Je plaisante ! Tu sais que tu es mignon quand tu rougis ?
Cela fit rougir encore plus l'Hylien qui détourna les yeux.
- Est-ce que je peux rester pendant que tu travailles ?
- Heu... oui, bien sûr, mais vous savez, ça ne va pas être très intéressant et ça va prendre du temps. Je ne sais pas quelle température va être nécessaire pour que les minerais fondent et que je puisse les travailler.
- Et l'épée ? Où est-elle ?

Cette fois, Link déroula un linge dans lequel il avait rangé précieusement les différents morceaux de l'Epée de Légende. Zelda l'interrogea du regard et il lui donna l'autorisation de les toucher. Elle prit le pommeau en main et ferma les yeux.

- Tu l'as appelée Fay, n'est-ce pas ? demanda-t-elle. Elle est toujours là, je sens sa présence, mais elle est si faible...
- Alors, il faut que je me dépêche.
Zelda lui sourit et lui rendit le pommeau.
- Je crois qu'elle t'attend avec impatience.

Link hocha la tête et ôta son bonnet avant de remonter ses manches. Il remit le pommeau avec les autres morceaux de l'épée et se tourna vers le foyer. Le feu dans la forge brûlait bien mais il rajouta du combustible. Puis, il se mit au travail, préparant son matériel. Ce n'était peut-être pas sa forge, mais il avait ici tout ce qu'il lui fallait pour faire parler son talent. Après tout, c'était là sa première vocation et il avait toujours été doué. Il posa délicatement les trois minerais dans un creuset métallique qu'il déposa dans le feu de la forge. Zelda l'observa faire en silence, impressionnée par le sérieux qu'il dégageait soudain. Dès le moment où le bruit se répandit dans le village que le Héros reforgeait l'Epée de Légende, tout le monde défila à la forge. Leurs amis vinrent voir, mais comprenant que cela allait prendre du temps, ne restèrent pas. Pas même Lovio qui était le premier à savoir que, lorsque Link était concentré sur son travail, rien ne pouvait l'en distraire. Seul le Loup s'installa à côté de Zelda pour lui tenir compagnie.

Cela prit des heures et un feu de tous les diables pour que les minerais fondent enfin. Il faisait terriblement chaud devant la forge et Zelda avait dû s'éloigner de la température limite supportable pour un être humain. Link, lui, n'avait pas quitté son poste. Il avait fini par ôter sa tunique, ne gardant que l'épais tablier de cuir pour le protéger d'éventuelles brûlures, comme tous les autres forgerons qui avaient abandonné leur travail pour l'assister ou le regarder. La nuit tombait quand le moment arriva pour Zelda d'apporter sa contribution.

- Ça va aller ? s'inquiéta Link qui s'était éloigné de la forge un instant pour la rejoindre.
- J'ai appris à pleurer sur commande pour faire plier ma mère, ça devrait aller sans problème.

Link hocha la tête, comprenant qu'elle faisait la fière sans doute pour ne pas trop sentir la pression sur ses épaules. Il s'assit pour boire, la chaleur de la forge menaçant de le déshydrater. Il ne voulait pas finir comme une vieille momie. Zelda lui tourna le dos, ne voulant pas qu'il la voie pleurer. Elle n'eut pas beaucoup à se forcer, pensant à ses parents qu'elle ne connaîtrait sans doute jamais et à ce frère qui la fuyait encore et encore.

- J'espère que tu en auras assez, dit-elle en tendant à Link un minuscule bol dans lequel elle avait récupéré quelques larmes.
Link lui adressa un sourire réconfortant et, de façon inattendue, de son pouce sale, essuya les dernières larmes qui roulaient sur la joue de Zelda.
- Merci, Zelda.
Cette fois, ce fut elle qui rougit légèrement, surprise par son geste. Link se rendit compte alors qu'il avait certainement dépassé les limites et recula d'un pas, à nouveau gêné.
- Par... pardonnez-moi. Je... je n'aurais pas dû...
- Tu devrais mélanger mes larmes avant qu'elles ne s'évaporent, répondit-elle avec un léger sourire timide.
- Ah. Oui. Bien sûr.

Tout en se traitant mentalement d'imbécile, il retourna à la forge et versa une larme dans le minerai en fusion. Rien ne se passa. Il s'attendait à une forte lumière ou une manifestation quelconque du pouvoir de la Déesse, mais rien, si bien qu'il n'était pas certain d'avoir fait les choses correctement. Il fut tenté de verser tout le bol par précaution, mais l'Arbre Mojo avait parlé d'une seule larme. Il se remit au travail, jetant dans le minerai liquide les morceaux de la lame brisée, gardant le pommeau et la garde pour plus tard. Une fois que tout fut fondu et mélangé, il versa le liquide visqueux dans un moule rectangulaire. Exténué, sale et en sueur, Link ne tenait debout que par sa volonté. A l'aide de grandes pinces, il plongea le moule dans l'eau froide, et de la vapeur d'eau bouillante l'aspergea un instant. Puis, en tapant le moule sur l'enclume, il fit sortir une barre de métal encore rougeoyant qu'il commença à travailler au marteau. Zelda l'observait toujours, assise dans un coin, le Loup avec elle. Elle avait fini par s'endormir malgré le bruit du marteau sur l'enclume quand Link pesta tout ce qu'il pouvait connaître comme jurons.

- Qu'est-ce qui se passe ? dit-elle en se levant. Tu t'es blessé ?
- Ça ne fonctionne pas. Il faut que je recommence.
Elle sentit toute sa déception et la comprit. La barre de métal était devenue une lame sous ses coups de marteau, mais son ouvrage s'était brisé. Tout était à refaire.
- Tu es épuisé, Link, reprit-elle en attrapant son bras avant qu'il ne recommence. Tu devrais dormir un peu.
- Vous aussi, Zelda. Vous devriez être dans votre lit. Votre place n'est pas ici à cette heure et j'ai encore...
- Rien du tout. Dors quelques heures, prends du repos. Demain, tu pourras recommencer et tu verras, tout ira mieux.
- Zelda, je...
Elle ne lui laissa pas le choix, pas plus que le Loup qui poussa Link par derrière pour qu'il s'éloigne de l'enclume. Zelda l'attrapa par le bras et l'obligea à quitter la forge.
- Je ne peux pas laisser tout ça comme ça, protesta-t-il.
- Le Loup va veiller dessus si c'est ça qui te tracasse. Toi, tu dois dormir.
Elle le poussa dans la paille sous un appentis, dérangeant quelques cocottes au passage. Elle le rejoignit en sautant dedans.
- Mais... non ! Vous n'allez pas dormir là !
- Et pourquoi pas ? J'ai déjà dormi à la belle étoile, même avant de rencontrer Era. Cette paille est tout à fait convenable. A moins que tu aies peur de dormir à côté de moi ? fit-elle en le provoquant du regard.
- Non ! Bien sûr que non ! protesta-t-il avec un brin de panique, levant les mains devant lui.
- Très bien. Alors dors. A l'aube, après un bon petit-déjeuner, tu forgeras l'Epée de Légende. De toute façon, tu ne vas pas taper sur ton enclume toute la nuit et déranger le village tout entier.

Link ne sut quoi répondre et finit par capituler, surtout parce qu'il se mit à bailler à s'en décrocher la mâchoire. Il s'allongea dans la paille, surveillant que Zelda ne soit pas trop près. Il ne voulait pas d'ennuis avec Sheik !

- Link ? demanda Zelda alors qu'il allait sombrer dans le sommeil.
- Oui ?
Il y eut un silence, puis elle reprit doucement :
- Dors bien.

L'esprit du jeune homme était bien trop embrumé pour qu'il s'attarde sur cette hésitation. Une part de lui avait saisi qu'elle aurait voulu dire autre chose, mais l'autre, complètement exténuée, n'aspirait qu'au sommeil. Une longue journée l'attendait demain pour forger l'Epée de Légende et il devait bien prendre quelques heures de repos./p>

Chapitre 48 : Arrivées et changements   up

- Tu en es un toi aussi, tu es la Lumière des sept, alors... murmura Ameline pour elle-même.
Niyo ne comprenait pas vraiment ce que voulait dire la Piaf. Il sourit timidement, révélant de jolies fossettes sur son visage brun. Ameline lui rendit son sourire.
- Enfin... tu comptes aller où ? C'est dangereux de traîner en Hyrule par ces temps.
Niyo ne répondit pas. Comme dans le village de Naoru, un petit orbe se chargea de parler à sa place. La boule de lumière se contractait, changeait d'intensité. Étrangement, la Piaf comprit.
- Et bien, vu que tu n'as pas de destination précise, je te propose qu'on aille dans les Bois Perdus, suggéra l'oiseau.

Niyo hocha la tête, puis regarda son compagnon lumineux. Ray semblait déterminé lui aussi à faire quelque chose de productif. Et qui sait, peut-être qu'en chemin ils trouveraient comment inverser la malédiction qui pesait sur la luciole. Ainsi, les trois compagnons partirent vers l'ouest, en longeant une immense falaise. Elle semblait décrire une sorte de cercle. De nombreux ruisseaux et rivières partaient ici et là de la falaise. Quand Niyo vit toute cette eau, une vague de mélancolie le submergea. Il repensa à son peuple, mort, tué dans le but de libérer leurs proches. La lumière douce qui émanait de Niyo baissa progressivement jusqu'à être un simple halo à peine visible. Ameline remarqua que l'humeur du jeune Sage s'était assombrie. Elle essaya d'améliorer l'ambiance, sans grand succès.

Au bout de deux heures de marche, le temps qui était initialement radieux, tourna à l'orage. Tandis que les trois compagnons cherchaient un endroit pour se réfugier, la tempête se déchaîna. Ameline créa une sphère de vents qui empêcha la pluie de les gêner. Ray, dont les faibles ailes étaient trempées, vint se nicher près de Niyo. Au bout d'un moment à marcher, ils aperçurent une petite lumière qui brillait faiblement dans le noir. Cependant, plus ils approchaient, plus la lumière paraissait lointaine. Enfin, ils atteignirent la source de la lumière. C'était un village, tout simple, avec quelques boutiques et des maisons. Des champs l'entouraient. Seulement, malgré la rassurante présence de lumière, rien ne bougeait. Tout semblait figé dans le temps. Au détour d'un chemin, Ray aperçut des monstres qui dévoraient des villageois cachés dans leurs maisons. Il poussa un petit cri que même Ameline n'entendit pas. La seule personne qui ouït le bruit fut évidemment Niyo. Il regarda la luciole, intrigué.

Elle montra le carnage qui se passait quelques mètres plus loin. Frappé de stupeur, Niyo ouvrit grand les yeux et tapota l'aile droite d'Ameline. A son tour, il lui montra le festin pour le moins terrifiant. Ameline montra la sortie du village, tout en ne cessant d'observer bokoblins, moblins et lezalfos qui se régalaient. Les Sages battirent en retraite, mais Niyo tomba dans une flaque boueuse. Aussitôt, les monstres rappliquèrent. De la viande toute fraîche et qui venait à eux ! Niyo et Ameline se mirent dos à dos. La Piaf invoqua des rafales de vent et les envoya droit sur ses ennemis. Niyo, qui ne savait pas utiliser son pouvoir, fit du mieux qu'il put. Une idée lui traversa l'esprit, quoi qu'étrange. Il fit une boule de lumière qu'il avala. Il sentit son estomac bondir et virevolter. Ameline, pendant ce temps, était prise avec deux moblins particulièrement agités. Elle envoyait des vents trancher le visage des monstres, mais ces derniers résistaient ou esquivaient. La Piaf, sentant le danger approcher, s'envola très haut dans le ciel à l'aide de ses vents. Elle allait piquer vers ses adversaires quand Niyo recracha la boule de lumière qui était devenue très puissante. La déflagration fut telle que les monstres explosèrent. Ameline, trop haut dans le ciel pour être impactée, observa le phénomène, surprise. Elle battit des ailes sur place avant de plonger près de l'Hylien et se poser doucement à côté de lui.

- Et bien ! s'exclama l'oiseau violet. Tu es très puissant ! Comment as-tu fait ?
Niyo, qui était tout aussi stupéfait ne l'entendit même pas. Il observa ses mains, comme s'il prenait véritablement conscience de son pouvoir. Ameline posa doucement une aile sur l'épaule de l'Hylien. Ce dernier sursauta.
- Viens... peut-être que d'autres monstres ne vont pas tarder à arriver.
Alors, les deux compagnons ainsi que Ray, juché sur l'épaule de Niyo, repartirent vers le chemin des bois. Par chance, l'orage avait cessé.
- Je suis absolument sûre que c'était par ici ! s'énerva Ameline. Rooooh, on tourne en rond ! J'ai déjà vu ce caillou !

En effet, l'oiseau et l'Hylien s'étaient perdus dans les bois. Peu de temps après leur départ du Village Détruit, ils avaient pénétré une petite forêt. Là-bas, les arbres étaient espacés et les animaux chantaient. Un peu plus tard, les arbres étaient de plus en plus proches les uns des autres et plus aucun signe de vie animale se montrait. Le silence n'était troublé que par les branches mortes qui craquaient sous les pieds (et pattes !) du petit groupe. En forêt, vous croyez voir des chemins qui n'en sont pas. Rapidement, le groupe s'était perdu et Amelina perdait patience à mesure que le temps passait. Cette dernière en voulait à Niyo et le tenait responsable car il avait suggéré un chemin plus tôt, ce qui avait abouti à leur perdition. Elle se fâchait de plus en plus et finit par partir dans une autre direction, laissant Niyo et Ray. Les deux lumières se rendirent compte de la disparition de leur amie et paniquèrent. Ils la cherchèrent, mais ni l'un ni l'autre ne savait parler pour l'appeler. Ils tournèrent après un énième faux chemin et WHOUP ! Tous deux se trouvèrent la tête en bas, piégés dans un petit filet. Niyo se tortilla mais au lieu de se libérer, il attira la créature qui avait installé le piège.

Elle arriva, d'un pas lourd, un sourire béat qui révélait de petites dents tranchantes se dessinant sur sa bouche. Une massue à la main, il contemplait l'Hylien qui bougeait, paniqué. La créature coupa le fil qui retenait le filet maintenu à l'arbre d'un geste. Elle attrapa le filet et le mit sur son épaule, tel un sac à patates. Elle marcha un petit moment avant de s'arrêter devant une grotte. Le monstre posa le filet par terre, ce qui permit à Niyo de le voir correctement. C'était un troll vert, grand et costaud. Il était bâti comme une montagne. Pour seuls habits, il avait un casque et un vêtement autour de la taille, ce qui aurait pu rappeler Era à Niyo si celui-ci l'avait rencontré. Le troll alluma un petit feu et mit divers aliments dans un grand récipient en pierre semblable à une marmite.

"Avec un peu de chance, la créature n'est pas carnivore et m'invitera simplement à dîner" songea Niyo dans son ancienne langue.

Le monstre vert ajouta des racines, des baies et des champignons à sa préparation. Enfin, il se dirigea vers Niyo et l'observa. Il eut l'air de réfléchir longuement avant de prendre Niyo, détacher ses liens et le mettre dans la marmite. Ray tomba dans l'action et se réfugia entre deux cailloux, veillant à ne pas faire de lumière. Il observa le monstre essayer de mettre la marmite sur le feu, sans succès. Le feu prit et la créature chantonna en attendant que son repas cuise. Soudain, un vent violent se déchaîna et éteignit le feu. Quelques instants plus tard, Amelina arriva telle une furie et renversa la marmite. Niyo bondit et chercha Ray. La petite luciole vola jusqu'à son compagnon. Niyo claqua des doigts et la grotte devint très lumineuse, aveuglant temporairement le troll. Tout s'était passé si vite qu'il n'avait eu le temps de réagir, et gesticulait en hurlant de douleur pour ses yeux. Niyo prit l'aile d'Amelina et ils coururent hors de la grotte. Quelques minutes plus tard, les deux compagnons arrêtèrent de courir. Tous deux étaient essoufflés. Amelina prit la parole :

- Quel idiot ! Tu aurais pu te faire dévorer ! Je te laisse cinq minutes et tu te fais piéger ? Bravo !
Niyo baissa les yeux, honteux.
- Mer... ci..., dit-il d'une voix plutôt grave.
Ameline ouvrit grand les yeux. Avait-il parlé ?
- Niyo... TU PARLES !
L'Hylien sourit.
- Ou... i...
- Bon, comment va-t-on faire pour sortir d'ici ?
Niyo montra les ailes d'Ameline, puis le ciel.
- Quelle bonne idée ! Pourquoi n'y avais-je pas pensé ?!
Aussitôt, la Piaf s'envola. Elle redescendit rapidement.
- Il faut continuer tout droit ! Tu pourrais... tracer un chemin de lumière vers la sortie ? Tu crois que tu peux essayer ?

Niyo hocha la tête. Il se concentra et visualisa un chemin tout droit. Immédiatement, des petits cercles de lumières apparurent tous les dix mètres environ. Amelina bondit de joie. La fin de cette forêt touchait à sa fin ! Amelina, Niyo et Ray cheminaient à travers le bois en suivant les cercles de lumière. Enfin, les arbres s'espaçaient et les oiseaux revirent chanter. Amelina tendit l'oreille en écoutant les ragots des oiseaux, qui se racontaient des banalités.

La forêt se termina brusquement. Au-delà, un champ, avec quelques bosquets d'arbres par ci et là. La soirée venait de commencer, colorant le ciel de magnifiques couleurs. Niyo courut, heureux de voir des champs. Il tournoyait, les bras en croix, en éclatant de rire. C'était un endroit qu'il avait toujours voulu voir : les Vastes Champs d'Hyrule. Amelina le suivait en riant. D'un coup, Niyo disparut dans une onde de mouvement bleue. Amelina hurla. Était-ce encore un piège ? Elle rejoignit l'endroit où avait disparu Niyo en quelques foulées. Amelina observa le vide puis posa sa main en pensant tomber sur une barrière solide, mais elle perdit l'équilibre et tomba. Au lieu de retomber dans un champ, elle arriva dans un village singulier. Elle aperçut Niyo, entouré de villageois aux tenues étranges. L'oiseau violet se leva d'un bond et rejoignit son ami. Les villageois les observaient.

- Qui êtes-vous ? Comment nous avez-vous trouvés ? Que venez-vous faire ici ?
- S'il vous plaît, calmez-vous, nous ne vous voulons aucun mal. Je suis Ameline, petite fille d'Asphar, Sage des Vents. J'ai hérité de son pouvoir à sa mort. Et voici mon ami, Niyo, Sage de la Lumière.
- Qui nous dit que vous nous mentez pas ?
- Bien, dit Ameline.

Elle créa des vents assez forts pour ébouriffer les cheveux des villageois. Elle fit un petit signe à Niyo qui créa une boule de lumière entre ses mains. Les habitants de ce village qui n'était autre que celui de Toal, vous l'avez bien deviné, étaient fascinés. Une voix grave surprit tout le monde.

- Je sais qui ils sont. Qu'ils viennent dans la bibliothèque, demanda Hönir.
- GANONDORF ! s'exclama la Piaf. JE VAIS VENGER MON GRAND-PÈRE !
Aussitôt, elle commença à créer des vents. Hönir ricana.
- C'est vrai que je lui ressemble beaucoup, mais je ne suis pas lui.

Amelina était méfiante. Elle le jaugeait du regard. Puis, elle vit des différences entre les deux hommes, et son visage s'adoucit. Hönir leur fit signe de venir et Amelina, Niyo et Ray lui emboîtèrent le pas.

* * *

Depuis que Jehd avait rencontré Ash en rêve, il était très vite fatigué et devait s'allonger de plus en plus souvent pour faire des siestes. Son ami Hergo l'avait remarqué et il ne s'était pas gêné à le taquiner chaque fois avec. En guise de réponse le jeune bibliothécaire haussait à chaque fois les épaules. Jehd était épuisé. Il avait passé une partie de la nuit à s'entraîner encore avec Ash et voilà qu'il venait de discuter longuement avec ces deux Sages fraîchement arrivés. Ce qu'ils venaient de leur apprendre sur Asphar et ce qui se passait en Hyrule avaient mis Sheik en colère et celui-ci venait de partir en claquant la porte. Alors qu'Hönir emmenait les nouveaux venus se reposer dans la maison d'Impa, Jehd s'allongea sur un matelas de fortune qu'il avait ramené à la bibliothèque, car il y passait tous son temps, et s'endormit aussi tôt.

Il avait choisi de voir Ash dans une jolie clairière près du lac de Toal. Comme c'était son rêve, il avait embelli le paysage. Il s'était habitué au caractère de l'ancienne Sage et trouvait sa présence agréable. Il se surprenait même à regarder l'heure pour savoir quand il la retrouverait. Il se sentait bien avec elle, il avait l'impression de ne faire qu'un. Ash l'attendait assise sous un arbre, comme à son habitude. A la vue de la jeune femme, le visage de Jehd s'illumina.

- Et bien te voilà enfin, le sermonna la Sage.
- Je suis désolé, c'est un peu l'apocalypse à Toal.
- Le village s'est fait attaquer ? s'inquiéta-elle.
- Non non, pas d'attaque en vue... c'est une expression. En quelques jours, la population a fortement augmenté.
La jeune femme fronça les sourcils ne comprenant pas où voulait en venir Jedh. Il le remarqua rapidement et reprit.
- Nous avons eu des nouvelles arrivées : mes compagnons, Sheik et Hergo, mais nous avons également deux Sages fraîchement débarqués, une princesse, un loup.....
- OK, je vois, la coupa Ash. Et tout cela te garde éveillé et t'empêche de venir me rejoindre.
A ces mots, la jeune femme croisa les bras sur la poitrine et lui tourna le dos.
- Mais non ! Que vas-tu imaginer ! Je compte le temps passé loin de toi !

Sans s'en être rendu compte, Jehd venait d'avouer à moitié qu'il appréciait que trop passer du temps en sa compagnie. Il se ressaisit et s'avança doucement vers l'ancienne Sage. Il la saisit par les épaules et la fit pivoter pour se retrouver face à elle. C'était la première fois que la jeune femme le vit enfin comme un homme et non comme un vulgaire rat de bibliothèque fragile. Elle ne pouvait détourner son regard. Il s'approcha doucement d'elle. Pris de panique, elle voulut le repousser mais elle était comme tétanisée. Cela faisait si longtemps qu'on ne lui avait pas prêté une telle attention ! Elle ferma les yeux et se laissa faire. Jehd se rapprocha et la prit dans ses bras. Elle resserra son étreinte et posa sa tête contre le torse du jeune homme. Il était, certes, un intellectuel, il ne manquait pas de muscles. Un court instant, elle oublia qu'elle n'était qu'un esprit errant dans la forêt. Elle releva la tête, le regardant au fond des yeux. Le jeune homme lui prit délicatement le menton et se rapprocha pour déposer un doux baiser sur ses lèvres.

- Tu es fiancé.
- Oui, mais je suis dans un rêve. Et ici, c'est pour toi que mon coeur bat.
Ash le repoussa doucement, elle ne voulait pas le vexer. A cet instant, elle ne ressemblait plus à la guerrière qu'il avait rencontrée, mais plus à une jeune fille innocente. Elle voulut s'écarter un peu plus de lui, mais Jehd le voulut autrement. Il la saisit par la taille et la ramena à lui. Ash dissimula son visage, elle ne voulait pas qu'il la voit aussi vulnérable et les yeux pleins de larmes.
- Je ne suis pas de ton monde. J'ai eu ma chance il y a bien longtemps. Je n'ai pas le droit.
- Et en quoi cela ne te donne pas le droit d'aimer ?
- Tu parles d'amour, alors que tu me connais à peine.
- Je sais exactement ce qu'il y a à savoir.
La jeune femme se dégagea pour de bon et alla s'adosser contre l'arbre.
- Jehd, je t'en prie, ne sois pas ce genre d'homme. Et puis, t'enticher d'un fantôme, est-ce raisonnable ? Pense à ta fiancée.
Le bibliothécaire voulut répondre, mais Ash reprit.
- Tu as une mission en tant que Sage, ne l'oublie pas.
- Je ne l'oublie pas.
- Il faut que tu te rendes aux Bois Perdus. Emmène les autres Sages avec toi, votre combat contre Ganondorf sera rude. Et il vous faudra apprendre à unir vos forces et vos pouvoirs.
Ash prononça ses mots les yeux remplis de larmes. Elle leva la main pour lui dire au revoir quand Jedh la stoppa. Il se plaça devant elle, les mains de chaque côté, comme pour l'empêcher de s'évader.
- Tu ne peux pas t'enfuir comme ça.
- Je ne m'enfuyais pas. Tu sais tout ce qu'il faut savoir et tu maîtrises enfin ton pouvoir.

Jedh ouvrit grand les yeux quand il comprit qu'elle lui disait adieu. Il plaqua alors ses lèvres contre les siennes et l'embrassa fougueusement. La jeune femme se laissa aller à son étreinte et l'embrassa en retour. Il la désirait tellement à ce moment et il sentait que c'était réciproque. Il sut à cet instant qu'ils seraient liés à jamais.

A son réveil, il se sentait différent. La nuit qu'il avait passée avec Ash avait tout changé. Il se sentait plus confiant et plus fort. Il aimait Kira de tout son coeur, mais son âme était désormais liée à Ash.

Chapitre 49 : Des légendes et des larmes   up

Lovio était assis dans l'herbe près de la barrière protégeant le village de Toal quand les deux étrangers arrivèrent. Etant tout de même assez loin d'eux, il ne put les distinguer correctement, mais il reconnut la grande silhouette droite et fière d'une Piaf au plumage mauve, et celle recourbée d'un Hylien moyen à la peau brunâtre. Dès leur soudaine apparition, ils avaient été entourés par une foule de villageois, attirant rapidement l'attention d'Hönir. Ce dernier s'était vite fait attaquer par la Piaf, et il supposa alors qu'elle l'avait pris pour son maudit de frère, Ganondorf. Après ça, Lovio n'avait pas pris la peine de suivre le dénouement de l'irruption des deux énergumènes, préférant reprendre la position qu'il avait avant d'être dérangé, ce qui veut dire couché en étoile sur le sol, les bras derrière la tête et Tapis lui tenant compagnie à côté de lui, tous deux contemplant les nuages dans le ciel.

La veille, il avait, comme tout le monde, été voir Link à la forge, mais il avait vite vu que reforger l'épée prendrait du temps et que son ami, absorbé dans son travail, n'avait pas besoin de lui, aussi était-il reparti. Il avait traîné un peu avec Hergo et Hönir, et ce matin, Link avait repris le travail. Il avait entendu les coups de marteau sur l'enclume de loin. Les autres étaient allés s'enfermer dans la bibliothèque avec le nouveau Sage de l'Ombre, laissant seul le pauvre Lovio. Mais, honnêtement, cela ne le dérangeait pas vraiment. Au moins, pouvait-il avoir son petit moment de répit à lui, laissant les choses importantes aux "grands". Le violet soupira, imité par un mouvement de soulèvement de Tapis. Il regardait les nuages avancer dans le ciel, rêvant d'aventures épiques et de voyages aux allures de contes de fées.

- Dis, Tapis, tu crois que le monde ne se résume qu'à Hyrule ? demanda Lovio sans vraiment y faire attention, attendant la réponse de son compagnon.
Après un petit moment, il souffla :
- J'espère que tu as raison.
Un brin de tristesse passa sur le visage du violet, quand tout à coup, une tête apparut au-dessus de lui, cachant le ciel bleu avec une tignasse de cheveux bruns et un grand sourire béat.
- Tu penses vraiment que le monde n'est qu'Hyrule ? lui fit remarquer le trouble-fête.
Lovio se releva sur les coudes au moment où la tête repartit, et il observa Era parader autour de lui en tenant sa robe rose du bout des doigts tout en fredonnant. Il le regarda un moment, trouvant vraiment le garçon étrange.
- Toi pas ? demanda Lovio, le regard perdu dans le vague. Je n'ai jamais quitté Hyrule, alors je me demande c'est tout...
Era s'arrêta de danser et s'assit en tailleur devant son ami, imité par Tapis qui se recourba pour adopter plus ou moins la même position. Le garçon commença alors à parler en faisant de grands gestes et avec le plus grand des sourires, faisant rêver le violet.
- Et si je te disais qu'au-delà de ce pays, se trouvent d'autres encore plus grands, remplis de populations toutes différentes, aux cultures variées et aux croyances discordantes, aux villes à l'architecture grandiose, comme venue d'un autre temps, me croirais-tu ? énonça-t-il avec un sourire malicieux à la fin et des yeux pleins d'étoiles.

Lovio ne savait quoi répondre. A vrai dire, il aurait bien voulu croire le jeune homme, lui qui n'avait jamais vu plus loin que les montagnes semblant encercler Hyrule. Mais le doute le prenait quand il se rappelait l'étrangeté du garçon et ses manières assez... spéciales de s'exprimer et d'exagérer les choses. Pourtant, ces derniers se dissipèrent à la vue de Tapis semblant s'enthousiasmer tout seul devant les paroles d'Era, comme en proie à d'anciens souvenirs. Alors, Lovio sourit à l'énergumène devant lui, l'incitant à continuer, au plus grand bonheur de ce dernier et de leur compagnon de tissu.

-Tu vois, à l'extrême sud-est du pays, se trouve une immense mer de sable, semblant infinie, où ne règnent que désespoir et chaleur accablante, pire que le désert Gerudo, commença Era, s'appliquant sur sa gestuelle, animant ses paroles comme si elles étaient vivantes.
- Comment cela peut être pire que le Désert Gerudo ?! Il n'y a pas pire comme endroit ! s'exclama le violet, ahuri devant la déclaration de son nouvel ami.
- Et bien, parce que ce n'est pas vraiment un désert, mais une mer de sable, comme je l'ai dit à l'instant. Là-bas, le sable y est animé, formant vagues et remous où y voguent des navires de pierres. Au-dessus fouette un éternel vent de grains de sable bouillants, brûlant la peau, s'incrustant dessous, et donc très mortel, appelé Khamsin. Personne n'ose s'y aventurer, sauf les plus téméraires, les voleurs ou les exclus, expliqua-t-il minutieusement.

Lovio eut alors des frissons d'effroi en l'entendant : une mer de sable où s'abat un vent mortel ? Oui, c'était définitivement bien pire que le Désert Gerudo, paraissant totalement inoffensif à côté avec ses petites tempêtes et ses petits sables mouvants. Era continua son récit, appréciant le regard que portait sur lui le violet, à la fois émerveillé et envieux.

- Mais hormis ce détail, plus loin encore à travers cette mer, alors qu'Hyrule n'est plus que visible par un petit point, se trouve une gigantesque cité jaspe ! Les habitants de là-bas sont en tous points différents des Hyruliens, sans pour autant s'en éloigner, les deux pays n'en formant à l'origine qu'un seul, faisant peut-être cousins les doyens des deux populations. Car en fait, cette cité se trouve dans le pays de Lorule, véritable île flottante dans les airs, à plusieurs kilomètres au-dessus de la mer, et presque aussi grande qu'Hyrule ! Les habitants du pays sont très friands de pierres précieuses, vouant presque un culte à leurs attributs, et la pauvreté y est rare. Mais la ville la plus flamboyante est la cité dont je t'ai parlé, capitale du pays et nommée Lorulia, en hommage à sa fondatrice, qui a également donné son nom à la famille royale. La ville est constellée de pierres précieuses, principalement couverte de jaspe sur les murs des maisons, mais également parsemées sur la route et les fonds des fontaines. Là-bas, la population porte d'étranges vêtements faits de riches étoffes blanches et bleues, contrastant avec leurs yeux et leurs cheveux. A l'image des Gerudos qui ont toutes les cheveux flamboyants, les leurs sont tous bleus. Sauf que lorsqu'ils naissent, ils ont les cheveux blancs, à l'inverse de nous qui les avons blancs quand la vieillesse nous gagne. Plus ils grandissent, plus leur chevelure s'obscurcit, pour finir presque noire avant leur mort. Ils ont en général les yeux verts, bleus, violets, ou jaunes, et, tu vas halluciner : ils peuvent utiliser la magie !
Lovio écarquilla ses yeux déjà bien ouverts.
- L-la magie !? Elle existe donc vraiment ?! demanda-t-il, ahuri par cette nouvelle.
- Oui ! Et elle est également utilisée en Hyrule ! Comment crois-tu que ce cher Sheik fait pour faire apparaître du vent avec sa lyre ? Et les Sages, tu n'y avais pas pensé ? Ils utilisent de la magie eux aussi, lui fit remarquer le jeune homme en robe avec un sourire narquois.

Lovio n'y avait vraiment pas pensé. Il se sentit bête d'un coup, et rentra sa tête dans ses épaules. C'est vrai : il y avait de la magie ici, sinon Tapis n'existerait pas, et Ganondorf n'aurait pas ses pouvoirs...

- Mais tu m'as dit que tous les habitants pouvaient utiliser la magie, ici ce n'est pas le cas, alors comment ça se fait ? questionna Lovio, intrigué.
Era se passa une main derrière la nuque.
- Et bien, dès leur plus jeune âge, les enfants de Lorule développent tous une certaine aptitude à la magie, mais différente selon chaque personne. Cela va de simples petits tours de passe-passe en faisant apparaître du feu en claquant des doigts, à pouvoir parler aux animaux ! Mais le peuple ne possède pas de grands pouvoirs. C'est la famille royale qui acquiert d'immenses capacités, comme de pouvoir commander les éléments avec un objet, rendant dangereuse son utilisation.
Era fit une pause bien à propos et reprit :
- Malheureusement, c'est à cause de cette disparité que Lorule s'est séparée d'Hyrule, s'exilant elle-même dans le seul endroit inaccessible à toute forme de vie extérieure, voulant la paix la plus absolue ! Ils se sont alors exclus, vivants dans les cieux, loin de tout, dans leur havre de tranquillité, interdisant l'accès à toute personne du monde extérieur...
Sur ces derniers mots, Lovio remarqua que le regard d'Era s'était assombri une fraction de seconde pour venir se faire très vite remplacer par son habituel enjouement.
- Cet endroit a l'air magnifique ! s'émerveilla le violet, les yeux pleins d'étoiles.
Il réfléchit, puis regarda Era :
- Mais, comment tu peux savoir autant de choses là-dessus, alors que personne n'a le droit d'y entrer ? demanda-t-il, tout de même sceptique.
- Parce que j'y suis déjà allé, pardi ! rigola Era. Quand ils m'ont vu arriver, ils ont directement accouru pour m'ouvrir la grande porte en rampant à mes pieds, moi, le Grand Era !
Lovio rigola à son tour en voyant son ami se lever et faire de grandes révérences à des personnes imaginaires.
- Mais oui, raconte encore plus de bêtises que tu ne le fais déjà, ironisa une voix derrière Era.

Lovio se pencha pour voir qui venait de parler, apercevant Sheik adossé à un arbre, non loin d'eux. Le jeune homme arrivait de la bibliothèque. Il venait de rencontrer Niyo et Amelina et d'apprendre la mort d'Asphar, ce qui l'avait très fortement contrarié. Il était sur le point de prévenir Link et Zelda à la forge, mais s'était arrêté en entendant les propos fantasques d'Era.

- Ce n'est qu'une légende, ce fameux pays dont tu parles, Lorule, déclara-t-il nonchalamment en se dirigeant vers les deux garçons d'un pas lent.
A ce geste, le Loup s'élança d'un bond vers Lovio pour venir lui lécher avidement le visage, ce qui lui provoqua un fou rire.
- Qu'est-ce que tu en sais, hein ? Et puis j'y suis vraiment allé ! Sinon, comment pourrais-je décrire l'endroit ? geignit Era en se retournant vers son agresseur.
- En lisant les livres parlant de la légende de ce fameux peuple de mages mystérieux, proposa le blond, d'un air las.
- C'est méchant de dire ça ! lança Lovio, défendant son nouvel ami après avoir repoussé un peu le Loup.
L'intéressé ne parut pas s'en formaliser, se contentant de regarder ailleurs.
- Moi, j'aimerais bien aller visiter ce pays ! Que ce soit une légende ou non ! Et j'aimerais aussi visiter tous les endroits que je ne connais pas en dehors d'Hyrule, faire un loooong voyage et connaître chaque parcelle de terre de ce monde ! déclara le violet avec un grand sourire franc. Et je voudrais vous emmener tous avec moi, pour que vous voyez ce que je vois, et que l'on profite tous de ce moment ensemble !
Devant cette déclaration, Era parut comme déboussolé. Il regarda un moment Lovio, comme s'il voulait vérifier qu'il avait bien entendu ses paroles.
- Tu sais, tu me fais étrangement penser à quelqu'un... dit-il simplement d'un ton anormalement sérieux, sans le moindre sourire, le regard posé sur le jeune homme, mais comme autre part, loin dans le passé.

Le temps sembla alors se rallonger, Sheik se tourna vers Era et l'observa, stupéfait du ton qu'avait employé son ami. Un ton que l'on utilisait généralement dans les moments sérieux, où la rigolade n'avait pas sa place. Lovio avait arrêté de rire et fixa l'étrange garçon comme si c'était la première fois qu'il le rencontrait, le détaillant minutieusement. Pourtant, il ressemblait à tout ce qu'il y avait de plus normal, hormis sa robe rose : cheveux bruns, yeux bleus, peau claire... et pourtant, tout dans son attitude paraissait étranger.

- Qui..., commença alors le Sheikah, sourcils froncés.
- Comment se fait-il que tu sois ici ? demanda soudain le brun, changeant totalement de sujet, son habituel ton enjoué et son sourire de retour, mis à part un léger accent pressant dans sa voix.
Le blond comprit alors et se justifia.
- Ils m'ont énervé, alors je suis sorti prendre l'air pour me calmer, et je vous ai vus, déclara-t-il en haussant les épaules. Et si tu veux tout savoir, j'ai commencé à vous écouter quand tu as commencé à parler de la mer de sable.

Les deux amis continuèrent de parler, Era taquinant Sheik comme à son habitude, alors que Lovio fixait toujours le garçon en robe, si bien que Tapis n'arrêtait pas de l'interpeller pour attirer son attention. Il trouvait ce garçon de plus en plus étrange, et pourtant tellement familier.

Soudain, un éclair bleu apparut dans le coin de sa vision, le sortant de sa léthargie. Il tourna brusquement la tête et vit avec surprise un Piaf massif au plumage bleu ciel se poser doucement au sol, semblant être passé au travers du dôme de protection. Ses deux amis l'avaient également vu, et Sheik accourut à la rencontre du nouveau venu, suivi par les petits sautillements d'Era. Tapis s'envola lui aussi, et glissa sous le violet pour le mettre sur lui dans le but de suivre ses compagnons. Une fois arrivé, il se retrouva dominé de trois têtes par le Piaf, alors même qu'il se trouvait à un mètre du sol avec Tapis.

- Bonjour, Toaliens, je me nomme Asarim, conteur d'Hyrule, annonça solennellement l'intrus avec prestance.
- C-conteur d'Hyrule ?! V-vous êtes le célèbre Piaf Asarim ! s'exclama Lovio, des étoiles pleins les yeux. Vous êtes connu dans tout le pays pour vos récits et histoires semblant sortir d'outre-tombe !
- Merci pour cette attention, jeune Hylien, fit l'intéressé en amorçant une légère révérence. Dis-moi, nos chemins se sont-ils déjà croisés ? Tu me sembles étrangement familier.
Le violet allait répondre positivement, quand Sheik intervint brusquement :
- Célèbre ou pas, comment avez-vous fait pour traverser la barrière ?! Elle n'est pas censée être traversable ! s'énerva-t-il un peu. Et puis que nous voulez-vous ? Il y a assez d'intrus dans ce village !
Le Piaf haussa un sourcil, regarda le champ de force derrière lui et sembla la découvrir.
- Excusez-moi, mais je ne l'avais pas vu, expliqua Asarim d'un air nonchalant, puis il dit en se retournant : Je suis ici car j'aide une amie à moi à retrouver ses anciens compagnons.

A ces mots, le Sheikah regarda derrière l'énergumène sans pourtant voir ne serait-ce que l'ombre d'un individu. Mais à ce moment, un petit point blanc passa devant son regard pour venir se poser dans l'aile ouverte du grand Piaf.

- Voici Sekiro, âme vagabonde et solitaire ayant perdu son futur dans un passé tragique, mais cherchant à présent sa famille d'antan, déclara-t-il d'un ton grave en montrant le minuscule oisillon dans sa paume.
Sheik resta bouche bée. Était-il sénile ou fou ? il se le demandait bien. Mais à côté de lui, pendant qu'Era rigolait sans retenue, Lovio fit une remarque pertinente :
- N'est-ce pas un Shiro ? L'oiseau des âmes ? demanda-t-il en pointant du doigt la boule de plume blanche.
- C'est exact, affirma Asarim.
Bien évidemment, Era demanda alors ce qu'était un Shiro, exprimant tout haut la question que refusait de poser Sheik.
- C'est un petit animal, en général un oisillon, dans lequel on intègre une âme défunte pour qu'elle puisse revenir dans le monde des vivants finir la quête qu'on lui avait donnée, expliqua le violet.
- Ooooh ! fit le brun en robe pendant que le Piaf acquiesçait.
- Et d'ailleurs, je vois que vous avez déjà un Shiro que l'on ne voit pas de cette taille tous les jours, remarqua l'oiseau en désignant d'un signe de tête le Loup.
Ce dernier, assis à côté de Sheik, baissa humblement la tête, comme un salut que seul le Piaf pouvait comprendre.
- Mais du coup, ça ne nous dit pas ce que vous nous voulez, s'exaspéra le Sheikah alors que l'oiseau souriait devant le geste de l'animal.
- Et bien, je ne peux pas vous l'expliquer, mais cette chère Sekiro cherche ses amis, et nous venons de les trouver. Seulement, l'ancien nom de la défunte ne peut plus être prononcé, ce qui risque de ne pas nous faciliter la tâche, expliqua Asarim à son tour.

Sheik, énervé par cette accumulation d'arrivées inattendues et par le reste, allait s'emporter quand ladite Sekiro sauta pour voltiger tant bien que mal vers le jeune Lovio qui la rattrapa au creux de ses mains juste avant qu'elle ne chute. Le temps sembla s'arrêter alors que le violet regardait la petite boule de plumes et que les autres les observaient. Lentement, Sekiro cligna des yeux et Lovio sentit une pression sur sa tête, lui la faisant avancer sans qu'il ne le veuille vers ce petit être jusqu'à faire toucher leurs fronts, fermant alors automatiquement leurs yeux.

C'est alors qu'il la vit. Cette femme qui hantait son esprit depuis maintenant presque un mois. Cette femme élancée, à la chevelure de feu et aux yeux d'ambres, à la poigne de fer et à la lame meurtrière. Cette même femme qui avait jadis fait chavirer son coeur, mais qui avait également connu une funeste fin, égorgée comme un vulgaire animal par un homme qui l'aimait d'une bien triste manière. A ces brusques souvenirs, des larmes qu'il avait refoulées depuis longtemps lui chatouillèrent les yeux, mais pourtant, ce n'est pas cela qui les fit couler sans retenue. C'est le fait de la voir là, devant lui, dans un endroit inconnu, entourée de murs noirs aux inscriptions bleutées. C'est de la voir lui parler, mais de ne pas l'entendre. C'est de la voir vivante, lui souriant comme jamais elle ne lui avait souri. C'est cela qui le fit pleurer, qui lui fit se mordre la lèvre tellement fort qu'il faillit saigner, qui fit secouer ses épaules de violents sanglots, obligeant Era à venir le réconforter.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, ce fut ceux de Sekiro qui le firent céder. Ces yeux au regard tendre qui le firent s'agenouiller devant tant de culpabilité et de tristesse accumulées. C'est alors recroquevillé sur ses genoux, sanglotant bruyamment et tenant Sekiro contre son coeur qu'Asarim vint s'accroupir devant lui pour l'entourer de ses ailes, ainsi que pour lui délivrer un message dont lui seul put comprendre le sens.

- Je suis l'Esprit du Temps, celui qui parle aux âmes et qui les apaise. J'ai vu ton destin, et je n'y ai pas senti de pleurs, alors sèche tes larmes et affronte la vérité pour réaliser ta destinée.
Après quelque secondes, le Piaf se releva doucement, laissant le jeune homme se remettre de ses émotions. Il fit alors face aux deux autres.
- Ce qui m'amène enfin à mon but premier. Je ressens la présence de trois Sages dans ce village, ce qui ne devrait pas être le cas, déclara-t-il. Pouvez-vous m'indiquer leur emplacement je vous prie ?
Sheik releva un sourcil, surpris. C'est donc Era qui répondit à sa place.
- Trois sages ?! Je croyais qu'il n'y avait que Jehd ici ! s'exclama-t-il, surpris de cette nouvelle. Et puis, où devraient-ils être si ce n'est à Toal ?
- Dans les Bois Perdus, pardi ! dit une voix derrière eux, qui se révéla être le bibliothécaire. Nous devons expressément aller chez le Vénérable Arbre Mojo !
- Hein ? fit le brun en se tournant vers le nouvel arrivé. Faut encore partir ?
- Oui, mais on t'expliquera tout, pour l'instant, réunion dans la bibliothèque, déclara-t-il, puis dans la plus simple des simplicités : Oh, bonjour et bienvenue Maître Asarim.
Sheik et Era se regardèrent, perplexes. Maître ? Mais avant que l'un d'entre eux ait pu poser la moindre question, le Sage de l'Ombre était déjà reparti.
- Bon, je crois qu'on devrait y aller, non ? fit Era, ne sachant pas vraiment sur quel pied danser, avec Lovio encore tout sanglotant au sol.

Sheik acquiesça et s'en alla au lieu de rendez-vous sans un mot, seul. Le brun se tourna vers le violet, et posa une main réconfortante sur son épaule.

- Tu viens ? dit-il, un air peiné sur le visage.
Dans un reniflement sonore, le jeune Hylien se releva en s'essuyant les yeux rougis par le chagrin.
- J'arrive, informa le garçon avec un sourire forcé, laisse-moi juste régler un truc et j'arrive.
Era lui sourit chaleureusement et partit à la suite du blond en courant, ne voulant qu'une chose, taquiner son ami. Quant à Lovio, il se tourna vers Asarim, qui était jusque là resté silencieux.
- Merci... souffla le violet.
- Je vous en prie, fit le Piaf avec une révérence.
- Pas besoin de tant de manières, rigola distraitement Lovio, comme ailleurs.
- Si vous saviez... murmura l'oiseau. Sachez cependant que plus jamais Sekiro ne pourra être considérée comme un véritable être vivant. Allez de l'avant, messire, vous avez des amis qui ont énormément besoin de vous, ne les oubliez pas à cause d'un deuil désormais inutile.
Le violet allait dire quelque chose, mais le Piaf l'arrêta d'un geste d'aile.
- Je ne puis me permettre de rester plus longtemps et d'encourir à modifier le futur plus qu'il ne l'est déjà, déclara-t-il humblement en reculant de deux pas. Je vous dis alors au revoir, et très certainement à bientôt.

Puis, dans un battement d'ailes, il s'éleva dans les airs et traversa la barrière en un nouvel éclair bleu, éblouissant au passage le violet qui dut se cacher les yeux. Il cligna des paupières plusieurs fois, essayant tant bien que mal d'effacer le point noir imprimé sur ses rétines. Le jeune Hylien baissa alors la tête vers Sekiro, se retrouvant enfin seul avec elle, malgré la présence peu dérangeante du loup à ses côtés. Il regarda la petite boule de plumes blanches dans ses mains, et lui adressa un regard tendre.

- Maintenant je ne te quitterai plus jamais, mon amour... décida Lovio à voix haute en embrassant pour la première fois le front de l'animal, persuadé d'être vraiment seul.

Chapitre 50 : Coeur brisé   up

Ghyni avait passé la nuit, seule, dans sa maison. A son réveil, le soleil était déjà haut dans le ciel. Elle s'étira et repensa aux évènements de la veille. Après leur retour à Toal, l'adolescente avait été contrainte de retourner chez elle et de s'excuser auprès de son père. Elle avait envisagé les pires punitions, mais en rien ce qui l'avait attendue. La maison était déserte, il n'y avait personne. Elle avait fait le tour à maintes reprises, fouillé jusqu'au jardin, mais son père n'était pas là. Elle s'était alors rendue à la taverne, endroit où la moitié du village aimait passer du temps, mais il n'y était pas non plus. Elle avait questionné les amis de son paternel, personne ne l'avait vu depuis le départ des différents groupes. Ghyni avait alors fouillé tout le village, de la place au cimetière, de la bergerie à la forge. Exténuée, elle avait fini par se résoudre à retourner chez elle. Elle s'était installée sur un fauteuil à fixer le portrait de son père et sa mère accroché au mur et s'y était assoupie. La fatigue accumulée ces derniers jours et la recherche de son père dans tout Toal avaient eu raison d'elle.
Ghyni se rendit compte qu'elle regardait encore le portrait.

- Où peut-il bien être ? Le dôme s'est refermé de suite après le départ de tout le monde... murmura-t-elle pour elle-même.

Elle se mit debout et repartit aussitôt en quête de nouveaux indices. Elle se rendit à la chambre de son père et vérifia encore une fois qu'il ne manquait rien. A première vue non... Mais après avoir tout fouillé de fond en comble, il manquait un sac à dos et diverses armes.
- Mais pourquoi ?
Inquiète, la jeune fille sortit de la maison en courant : il fallait qu'elle en parle à quelqu'un. Elle vit au loin son ami Lovio en pleine discussion avec l'exubérant Era, elle n'avait absolument aucune envie d'être confrontée à cet hurluberlu. Il ne restait plus qu'un endroit : la bibliothèque. Elle accéléra l'allure, et se retrouva à bout de souffle devant la porte quand Sheik sortit en claquant celle-ci.

- Eh Sheik !
- Pas maintenant, gamine ! dit-il en continuant sa route.
- Mais c'est au sujet de mon père ! réussit-elle à dire.

Le jeune homme se retourna et lui fit face, le regard froid. Il en avait assez de tous ces problèmes qui s'accumulaient. Deux Sages venaient de les rejoindre, mais il avait appris qu'Asphar était mort, tué par Ganondorf, il n'avait plus de nouvelles du Sheikah qu'il avait envoyé à sa rencontre et voilà que cela continuait.

- Il a disparu, j'ai fouillé toute la maison et je ne l'ai pas trouvé.
Sheik croisa les bras sur son torse.
- Je n'ai pas le temps pour ça et puis, il ne doit pas être bien loin. Il doit être parti à ta recherche, encore une fois. Si tu avais respecté ta promesse et était restée bien tranquillement ici au lieu de désobéir aux ordres, il serait sans doute à la maison. Tu veux qu'on te traite en adulte, mais tu n'es décidément qu'une gamine.

A ces paroles, le jeune homme abandonna Ghyni. A bout de nerfs, la petite se laissa tomber à genoux et serra les points si fort que ses jointures devinrent blanches.

- Gamine !!! Je ne suis pas une gamine ! cria Ghyni frappant au passage le sol de son poing.

* * *

Après un moment assise, l'adolescente décida de continuer à chercher son père. Sans plus attendre, Ghyni se releva et observa le village. Tous semblaient être occupés à la tâche qui leur incombait ou flânaient. C'était le cas d'Era et Lovio qui discutaient, bientôt rejoints par Sheik et le Loup. Ghyni s'approcha d'eux discrètement et se cacha derrière un arbre pour épier la conversation. Era contait des légendes sur les mondes merveilleux au delà des frontières d'Hyrule. La petite Sheikah se délecta des histoires, toujours cachée.

Soudain, pendant la conversation animée des trois jeunes hommes, un éclair de lumière bleue apparut pendant une fraction de seconde avant de laisser place à un grand Piaf. Ses plumes pouvaient se confondre avec le ciel tant la couleur était ressemblante. Les trois garçons accoururent vers l'intrus, accompagnés du tapis et du Loup. Ghyni s'approcha elle aussi du nouvel arrivé. Le Piaf discutait avec Sheik, Era et Lovio, puis l'oiseau géant tendit l'aile et un oisillon se posa avec toute la délicatesse du monde dessus. Le Piaf semblait dire quelque chose à propos de l'oiseau, ce qui fit froncer les sourcils de Sheik et rire Era. Quant à Lovio, il paraissait intrigué. Ghyni se rapprocha plus, toujours sans faire connaître sa présence. Sheik eut l'air contrarié, puis l'oisillon battit de ses frêles ailes en direction de Lovio, manquant de tomber. Fort heureusement, le jeune homme vêtu de violet la rattrapa. Ce geste mobilisa toute l'attention de Ghyni vers l'Hylien et l'oiseau. Lovio amena l'oiseau contre son front. Ce simple mouvement eut pour conséquence un torrent de larmes chez le violet. Era, dans un élan d'empathie, réconforta son ami. Le Piaf aussi vint le réconforter. Il l'entoura de ses puissantes ailes, tandis que Sheik observait d'un air ennuyé. Ghyni ne comprenait pas les pleurs de Lovio lorsqu'il avait approché l'oisillon de lui. Le Piaf relâcha son étreinte et se releva, dominant tout le groupe de sa taille imposante alors que le jeune homme serra le Shiro dans ses bras, en prenant garde à ne pas l'écraser.

Ghyni quitta la scène du regard et observa les alentours. Jehd arrivait, d'une démarche assurée, et parla au petit groupe. Ils eurent l'air surpris de ce que disait le bibliothécaire, à l'exception de Lovio, toujours au sol, l'oisillon blotti contre lui. Era posa alors un bras réconfortant sur l'épaule de son ami, ils échangèrent quelques mots, avant que le brun ne se relève et suive Sheik qui venait de partir. Il ne restait plus que le Tapis, le Piaf, Lovio, et Sekiro. Puis, ce fut au tour de l'oiseau géant de s'éclipser, il ouvrit ses ailes et s'envola hors des limites de Toal.

Ghyni, saisissant sa chance, rejoignit Lovio à pas feutrés pour ne pas lui faire peur. Le jeune homme, qui se croyait visiblement seul, mit la créature dans ses mains et lui adressa le regard le plus doux qui soit, avant de dire à l'oiseau "Maintenant je ne te quitterai plus jamais, mon amour...". L'instant d'après, il couvrait le Sekiro de baisers. Ghyni était toute proche d'eux. Elle l'était suffisamment pour toucher Lovio rien qu'en tendant le bras. Elle avait donc parfaitement entendu les paroles du violet. Retenant sa colère, elle contourna le jeune homme et s'agenouilla en face de lui. Lovio leva les yeux :

- Coucou Ghyni...
- Bonjour Lovio.
Sa voix était posée et calme, et elle faisait de gros efforts pour ne pas laisser sa colère transparaître.
- Oh mais... tu pleures ! s'exclama-t-elle.
- Mais non... je vais bien... très bien même, répliqua l'Hylien en souriant à Sekiro.

Ghyni prit son courage à deux mains et passa ses bras autour du cou de son ami. Ce dernier la repoussa, préférant câliner l'oiseau plutôt qu'elle. Ghyni vit rouge. POURQUOI son Lovio préférait cette petite chose insignifiante à elle ? Pourquoi lui chuchotait-il de douces paroles ? Jamais il n'aurait fait ça pour elle. Après le violent rejet de Sheik, elle était à bout et elle lâcha prise, se retrouvant à la merci de sa colère et de son chagrin. Elle était prête à tout pour Lovio, pour qu'enfin, il ne regarde qu'elle et elle seule, qu'importent les obstacles...

Chapitre 51 : Sentiments naissants   up

Zelda ouvrit les yeux, Link ne se trouvait déjà plus à ses côtés. Elle se leva et s'étira un instant. Elle s'examina rapidement et frotta la paille qui était restée sur elle. Derrière elle, le marteau cognait le fer dans une jolie mélodie.

- Link est déjà au travail, il met du coeur à l'ouvrage à ce que je vois. Je ne peux pas rester sans rien faire, il faut que j'aille l'aider. Tu viens paresseux, dit-elle au loup qui était resté couché sur le lit de fortune qu'offrait la paille.
Zelda poussa doucement la porte de l'atelier et y passa la tête :
- Bonjour.
Au son de la voix, Link manqua de se frapper la main avec son marteau. Il se figea le temps que Zelda arrive jusqu'à lui.
- Bon... bonjour, Zelda.
La jeune femme lui sourit.
- Tu es bien matinal... tu aurais au moins pu me réveiller.
- Je n'ai pas osé, vous dormiez si bien.
Link se passa la main derrière la nuque l'air embêté. Voyant cela Zelda ne put qu'en rajouter un peu. Elle se rapprocha du jeune homme et lui embrassa la joue.
- Tu es pardonné.
Le loup entra dans l'atelier à ce moment, émit un bruyant bâillement et s'affala au sol.
- Et bien, il y en a un qui a de la motivation aujourd'hui, dit la princesse les mains sur les hanches en regardant le loup. Link rigola doucement.
- Il faut que je me remette au travail.
Zelda acquiesça et alla se placer sur une chaise derrière le jeune homme.
- De là, je ne te gênerai pas. Et puis, la vue n'est pas désagréable d'ici.

Link baissa la tête, rouge comme une pivoine. Il se demandait ce qui pouvait bien arriver à la jeune femme. Elle était tout le contraire de son jumeau et pourtant, elle lui ressemblait tellement. Il secoua la tête pour sortir de ses pensées et se remit au travail. Zelda le regarda faire et sentit le regard du loup peser sur elle. Elle lui jeta un coup d'oeil.

- Quoi donc ? Ne me regarde pas comme ça. Je n'y suis pour rien s'il est... Oh, laisse tomber.

Elle préféra ne pas insister et reprit son observation alors que Link réactivait le feu. L'ancien héros était à la fois amusé par le manège des deux jeunes gens et un peu mélancolique. Les voir se tourner autour de la sorte lui rappelait cruellement qu'il en avait été de même pour lui et Iria à leur âge, bien avant qu'il ne rencontre Midona. Midona... Chaque jour qui passait, le manque se faisait plus vif. Il s'inquiétait également pour le Crépuscule. Sa princesse devait avoir beaucoup à faire là-bas et ici, la menace ne faisait que grandir. S'il avait pu la contacter, il lui aurait demandé si elle connaissait la signification de cette pleine lune noire qui s'était levée quelques nuits plus tôt. Au creux de lui, son instinct lui soufflait que c'était encore différent de la menace que Ganondorf représentait, mais évidemment, il ne pouvait encore en savoir plus.

* * *

Cela faisait des heures que Link travaillait le fer. Zelda était sortie de la forge pour chercher de quoi manger et boire. Il ne fallait pas que Link fasse un malaise. A son retour, elle trouva le jeune homme à sa place en train de frapper le métal de toutes ses forces. Le loup n'était plus là, sans doute était-il reparti vers Sheik. Elle n'arrivait pas à détourner le regard. Il était debout devant elle, torse nu, dégoulinant de sueur. Du revers du bras, il enleva une goutte qui le gênait sur le front. La scène parut durer une éternité. La jeune femme ne remarqua pas qu'elle le regardait avec insistance et fut sortie de sa torpeur par un nouveau bâillement du loup.

- Euh, je suis de retour, dit-elle gênée.
Elle sentait ses joues s'empourprer et baissa la tête.
- J'ai de quoi manger. Tu viens ?
Elle pressa le pas en passant à côté du jeune homme et se dirigea vers l'établi. Link posa le marteau et la rejoignit. Maladroitement, elle sortit de son panier les plats qu'elle avait été chercher à la taverne. La présence de Link ainsi vêtu ne la laissait pas de marbre. Elle saisit la tunique qu'il avait posée la veille et la lui jeta.
- Tu pourrais te vêtir un peu pour manger, dit-elle sans le regarder.
Le jeune homme enfila rapidement sa tunique, il sentait bien qu'il mettait mal à l'aise la princesse. Il changea de sujet :
- Quelque chose ne va pas avec l'épée.
Il observa celle-ci posée sur la pierre.
- Comment ça ? demanda Zelda.
- Ce n'est pas la première fois que je reforge une épée et c'est assez rapide normalement. Mais là, les éléments ne fusionnent pas.
- Ils ne fusionnent pas ! C'est bizarre ! Tu n'as rien oublié de faire ?
- Non je ne crois pas. L'arbre Mojo m'a dit de me rendre sur les terres bénies des trois déesses, celle engloutie de Nayru et le sommet perpétuellement soufflé par les violentes bourrasques de Farore. Que j'y trouverais les minerais sacrés. A cela, il me fallait une larme de la réincarnation de la déesse Hylia.
- Et c'est tout ? insista la jeune femme.
- Il avait parlé de grenouille, d'éclat d'étoile, d'écaille de dragon, de vingt et une nuits au clair de lune. Mais c'était la recette de son engrais.
- Il doit bien manquer quelque chose.
- Oui, mais quoi ?
- Ramasse tes affaires, prends les ingrédients, nous allons voir l'arbre Mojo, dit la jeune femme impatiente.
Link leva le doigt en attendant son approbation pour parler.
- Qu'y a-t-il ?
- Je peux me rafraîchir avant ? lui demanda-t-il.
Zelda rougit rien qu'à l'image de Link nageant dans le lac de Toal.
- Oui... oui, fais donc, je vais prévenir les autres.

Zelda regarda Link s'éloigner de la forge, son coeur cessant de battre la chamade. Elle tourna les talons pour se diriger le coeur du village, un peu embarrassée. Zelda finit par trouver Jehd et Hergo qui discutaient devant la bibliothèque. Elle leur expliqua en quelques mots les problèmes que rencontrait Link pour reforger l'épée.

- Il faut donc que nous partions voir l'Arbre Mojo, conclut-elle.
- Je vous accompagnerai, dit le rat de bibliothèque en remontant ses lunettes sur son nez. J'étais justement en train de dire à Hergo que je dois m'y rendre et rejoindre les autres.
- Les autres ? Les Sages, tu veux dire ?

Jehd hocha la tête et Zelda sourit légèrement en pensant que Lars était là-bas, lui aussi. Elle avait tellement de choses à lui raconter et était sûre qu'il en était de même pour lui. Son sourire disparut quand elle aperçut la tête blonde de Sheik de l'autre côté de la grand place, en compagnie du loup, de Lovio, d'Era et d'un grand Piaf qu'elle ne connaissait pas. Le jeune homme arborait un visage préoccupé, comme d'ordinaire.

- Et bien, Jehd, je te laisse annoncer ça aux autres. Je vais voir si Link a préparé ce qu'il doit emmener, fit-elle précipitamment en les abandonnant sans qu'ils aient le temps de répondre.
Zelda n'était pas fière de partir de cette façon, mais elle n'avait aucune envie d'affronter Sheik ce matin. Vu sa tête, il allait encore lui dire des choses désagréables et elle ne pourrait pas s'empêcher de lui répondre, aussi valait-il mieux l'éviter.
- Je ne fuis pas. C'est juste que je ne veux pas me prendre la tête avec cet imbécile, marmonna la princesse pour elle-même.
Elle soupira.
- Mais bien sûr ! Mais qui crois-tu convaincre ? C'est évident que tu le fuis ! Mais pourquoi est-il comme ça ? Pourquoi ne peut-il s'empêcher d'être désagréable dès qu'il m'adresse la parole ? Pourquoi il ne me dit pas ce qu'il a à dire ? Est-ce que je suis si décevante que ça ? continua-t-elle d'une voix enrouée par la tristesse.

Elle ne comprenait vraiment pas le comportement de Sheik. S'était-il fait une idée si précise de qui elle devait être qu'il était déçu de la réalité ? Ou bien était-il vraiment contrarié par son existence ? Lui en voulait-il pour ce qui était arrivé à leur mère ? Parce qu'il était évident pour elle que Sheik était bien ce jumeau qu'elle cherchait depuis qu'elle avait eu connaissance de son existence. Tout son être le lui criait et depuis leur rencontre, Era ne cessait de lui rabâcher qu'ils se ressemblaient. Pourtant, Sheik restait silencieux sur le sujet et se refusait à lui confirmer ou lui infirmer qu'il était bien son frère.

- Hé, Navi, non ! entendit-elle tout d'un coup.
La voix de Link et son rire la tirèrent de ses pensées. Sans s'en rendre compte, elle était presque arrivée au point d'eau.
- Mais arrête ! reprit le jeune homme en riant à nouveau.

Intriguée, elle s'approcha doucement. Ce n'était pas tant qu'elle cherchait réellement à arriver sans bruit, mais elle ne voulait pas vraiment le déranger. Elle l'aperçut enfin derrière les roseaux qui bordaient la rive. Il était dans l'eau jusqu'à la taille, les cheveux mouillés plaqués en arrière, dégageant son visage et ses oreilles pointues. La petite fée jouait à rebondir à la surface de l'eau pour l'éclabousser. Le spectacle la fit sourire avec tendresse. Link n'était pas bavard, mais avec lui, tout semblait plus facile. C'était d'ailleurs vrai pour quasiment tout le monde si elle y réfléchissait : son ami Lovio ne jurait que par lui, il avait réussi à se lier d'amitié avec le frère jumeau de Ganondorf et avec Sheik, il était devenu l'ami de Lars et Sidon...

Elle laissa traîner son regard sur le jeune homme. Il était l'Elu de la Déesse, son champion, et elle, elle était la réincarnation d'Hylia. Etait-ce pour cela qu'elle se sentait proche de lui ? D'après les légendes qu'Aëline lui avait racontées toute son enfance, ils étaient faits pour se rencontrer et combattre ensemble le Banni, ils l'avaient déjà fait de nombreuses fois par le passé. Mais était-ce seulement cela ? Link était quelqu'un de profondément gentil, elle l'avait compris dès le départ. Il était prévenant avec elle et elle trouvait adorable qu'il puisse se montrer aussi timide ou emprunté lorsqu'il lui parlait. Cela la gênait parfois pourtant, parce qu'elle estimait qu'elle n'était pas une princesse, qu'il pouvait lui parler normalement.

Navi éclaboussa encore Link qui lui renvoya une gerbe d'eau. L'eau sur son corps faisait ressortir ses muscles, le grain de sa peau, et Zelda sentit à nouveau son coeur battre la chamade dans sa poitrine. Link était bien moins musclé que certains des garçons du Village de la Jeune Fille Bleue qu'elle avait connus et à qui elle avait trouvé du charme. Il était moins grand aussi. Pourtant, il se dégageait de lui une certaine force et alors que ses yeux glissaient sur ses bras, elle se surprit à penser qu'elle aimerait qu'il les referme autour d'elle ou encore se blottir contre lui. Elle avait bien failli cette nuit, et rien que ce souvenir la fit légèrement rougir. Soudain, Navi fut devant elle, s'agitant dans un bruit de clochettes.

- Zelda ? fit Link qu'elle ne voyait plus.
- Non... oui... je ne voulais pas...
La jeune femme recula et, légèrement aveuglée par l'éclat de la fée, perdit l'équilibre. Dans un cri de surprise, elle se retrouva à son tour dans l'eau.
- Princesse ? Mais... vous allez bien ?
Link voulut avancer vers elle pour l'aider à se relever, puis se souvint qu'il n'avait plus que son caleçon. Il se figea, le rouge lui montant aux oreilles.
- Je suis désolée ! s'exclama-t-elle en évitant de le regarder. Je pensais que tu avais fini et je t'ai entendu jouer avec Navi et...
Zelda s'était mise à parler très vite si bien que Link ne fut pas sûr de tout comprendre.
- Vous ne vous êtes pas fait mal ? demanda-t-il gentiment.

Il avait fini par approcher, lui tendant la main. S'il était au moins aussi gêné qu'elle, il n'avait pu la laisser assise dans l'eau de la sorte. Zelda leva la tête vers lui et hésita longuement. Elle n'arrivait pas à quitter ses yeux bleus. Elle finit par accepter sa main et se leva. Elle était presque aussi trempée que lui maintenant.

- Merci, Link, murmura-t-elle. Je t'assure... je ne veux pas que tu crois que...
- Oh non ! Bien sûr que non ! Princesse, je...
- Arrête de m'appeler comme ça et de me vouvoyer. Je ne suis pas une princesse !
- Mais... vous êtes la fille du roi et...
- Et alors ? Je n'ai pas été élevée comme une princesse, tu sais ? J'ai grandi dans un petit village, seulement élevée par ma mère... par Aëline. J'ai couru dans les bois, je me suis écorchée les genoux, j'ai grimpé aux arbres, j'ai joué dans la boue, je...
- Je crois que j'ai compris, fit-il sans réussir à retenir un léger rire à l'entendre lui donner tous ces exemples.

Tout d'un coup, Link la trouvait moins impressionnante, plus à sa portée. Finalement, elle était sans doute comme lui : elle détenait un pouvoir qu'elle n'avait pas demandé et aurait peut-être préféré ne pas porter toutes ces responsabilités sur ses épaules. Il se rendit alors compte qu'il n'avait pas lâché sa main, mais elle ne semblait pas vouloir lui rendre la sienne non plus.
- Regarde !
Zelda désigna du menton leurs mains jointes et sur lesquelles brillait le symbole de la Triforce. Link ne l'avait pas revu sur sa main depuis le duel avec Ganondorf, après la mort de Frambra. Zelda, elle, semblait voir la sienne pour la première fois. Il la trouva très belle alors qu'elle souriait de ravissement à cette découverte, et fut captivé par son regard quand elle le releva vers le sien. Ils restèrent de longues secondes ainsi, sans arriver à quitter les yeux de l'autre. Finalement, Zelda détourna la tête la première, mais laissa sa main dans celle de Link.

- Je sais bien que je ne suis certainement pas le genre de princesse que vous attendiez, toi et Sheik, dit-elle un ton plus bas.
- Mais... pas du tout !
- C'est gentil, Link. Peut-être que je te conviens comme je suis, mais lui... Je vois bien qu'il aurait préféré que je sois autrement.

Link fronça légèrement les sourcils : peut-être devrait-il avoir une petite conversation avec Sheik. Son ami devait parler à Zelda et le plus tôt serait le mieux. La situation ne pouvait pas durer.

- Je crois qu'il est maladroit, c'est tout. Tu sais, il a perdu sa mère adoptive il y a à peine quelques jours et il s'est retrouvé à prendre sa place. Il a appris des choses sur lui qui l'ont bouleversé et... s'interrompit-il avant de dévoiler la vérité sur l'identité de Sheik sans le vouloir. Vous finirez par vous entendre, j'en suis sûr.

Zelda lui adressa un léger sourire un peu triste malgré tout. A sa grande surprise, elle lâcha sa main, faisant disparaître les symboles de la Triforce, et se coula contre lui, nichant son visage contre son épaule. En la sentant contre sa peau nue, il se tétanisa aussitôt, hésitant sur la conduite à tenir et se disant que ce n'était pas convenable vu qu'il ne portait que son caleçon.

- Juste deux minutes, murmura-t-elle, son souffle rencontrant la peau humide de Link.

Le jeune homme jeta un coup d'oeil paniqué aux alentours, de peur que quelqu'un ne les surprenne, mais ils étaient toujours seuls, Navi voletant autour d'eux. Avec une grande douceur et sans vraiment réfléchir, il resserra ses bras autour de Zelda, ignorant si elle pleurait ou si elle retenait ses larmes. Curieusement, il n'avait aucune envie de la lâcher tout de suite et une de ses mains se mit à caresser lentement le dos de la jeune fille dans un geste rassurant. Il aurait bien voulu dire quelque chose, mais il n'avait pas les mots. Pour une fois, il regretta de ne pas être quelqu'un de plus loquace, avec le vocabulaire adéquat. Aussi espérait-il que son étreinte suffise à apaiser Zelda.

- Allez, ça suffit, décréta-t-elle soudain en se recomposant une expression plus détendue. On va attraper froid et on ne combattra pas le Mal avec un rhume.
Elle s'écarta brusquement de Link, mais il devina qu'elle était un peu gênée par la situation. Lui n'était plus si sûr de l'être.
- Zelda.
- Merci, Link.
Elle lui sourit et, en vitesse, déposa un baiser au coin de ses lèvres. Pas tout à fait sur sa bouche, mais pas tout à fait non plus sur sa joue.
- Ne perdons pas plus de temps, les autres doivent nous attendre. Jehd vient avec nous au fait.
Elle lui tourna le dos pour rejoindre la rive. C'était heureux car le jeune homme sentait qu'il n'aurait pas été loin de la ramener contre lui.
- Je vais me changer et je te rejoins à la forge. Il ne faut pas oublier les minerais et le reste.

Elle lui adressa un petit salut de la main sans le regarder et fila hors de vue. Link se retrouva soudain tout seul dans l'eau. Il souriait, autant amusé qu'heureux de ce qui venait de se passer, touchant l'endroit où elle l'avait embrassé du bout des doigts. Il finit par sortir de l'eau à son tour pour se sécher et s'habiller en vitesse, puis s'éloigna du plan d'eau pour rejoindre la forge.

* * *

Sur la rive opposée, Sheik s'éloignait vers le village d'un pas rapide. Il était venu chercher Zelda et Link pour les prévenir qu'une réunion se tenait à la bibliothèque et leur présenter Niyo et Amelina. Zelda... Le jeune homme s'était presque convaincu qu'il était prêt à lui parler et à lui révéler la vérité avant qu'ils partent tous pour les Bois Perdus. Mais ce qu'il venait de voir à l'instant l'avait surpris. Il ne s'était pas attendu à ce que Link et Zelda se rapprochent de cette façon, ni à voir les symboles de la Triforce sur leurs mains.

Il regarda la sienne. Il était censé posséder un morceau de la Triforce, comme sa jumelle, et pourtant, ce pouvoir ne s'était jamais éveillé, pas même en étant aux côtés de Link. L'avait-il vraiment ? N'avait-on pas inventé toute cette histoire ? Après tout, les légendes parlaient toujours d'une princesse, réincarnation de la déesse, pas d'un prince. Le pire étant qu'il ne comprenait pas pourquoi tout cela le contrariait autant. Jusqu'ici, il avait été parfaitement heureux d'être un Sheikah, même sans souvenir de son passé, alors qu'est-ce qui avait changé ? Parfois, il ne se reconnaissait plus. Il était soupe au lait, agressif, injuste... Il avait tellement à réfléchir, à anticiper. Ces derniers temps, tous les événements s'étaient enchaînés à une telle vitesse qu'il n'avait pas eu le temps d'y penser, mais sa mère lui manquait. Il aurait voulu qu'Impa soit là pour le conseiller. Mais aujourd'hui, il était seul avec ses responsabilités et tout le monde comptait sur lui. Il les voyait discuter, plaisanter, se rapprocher, faire des plans d'avenir comme si le monde n'était pas sur le point d'être détruit et il les enviait de cette insouciance. Lui ne pouvait pas se le permettre. Lui ne devait jamais perdre de vue sa mission. C'était ce qu'on avait toujours attendu de lui.

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par ses auteurs Caramelink/Miss Army, Nessy, Nouka et Nesumi. Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 30.04.25