Jeux de lumière, jeux d'ombre
Chapitres 1 à 24 • Chapitres 25 à 48 • Chapitres 49 à 72 • Chapitres 73 à 96 • Chapitres 97 à 122 • Chapitres 123 à 147
Link gravit la colline herbue et pierreuse sans mot dire. Derrière lui, Hérote tente tant bien que mal de tirer son âne qui renâcle à monter à coups de ses quatre pattes. Le dicton qui veut que l'âne soit têtu est à coup sûr vérifié. L'animal gris râle en essayant de ne point bouger mais le bâton et la carotte d'Hérote font leur effet. L'historien parvenant enfin à faire bouger les fesses de son animal se repose une minute en haut de la colline. Le duo (ou plutôt Hérote) a choisi de parcourir la colline afin d'échapper aux yeux des pillards ou des déserteurs. Malheureusement pour eux, les deux pillards qui avaient tenté de s'introduire dans la grange, les suivent à distance respectable. Après avoir obtenu des informations sur le chemin qui reste à parcourir jusqu'à la cité royale, Link profite de la courte pause pour demander d'autres précisions :
- Dis... Je m'interroge sur Aghanim. Comment a-t-il pu réussir à répandre le malheur dans le monde ? J'en ai une vague idée.
Bien qu'exténué par ses efforts d' "alpinisme", Hérote fait un large sourire :
- En fait, nous ne savons absolument pas d'où vient Aghanim. Mieux même, on ne voit jamais son visage ou ses mains. Il était habillé d'une longue robe à capuchon qui se rabat sur sa tête. Cependant, plusieurs témoignages sont formels : Aghanim a sauvé une partie du royaume des ravages de la peste. L'année où il prit le pouvoir, l'épidémie faisait de grandes destructions et semblait indestructible. Le roi était désespéré et impuissant à enrayer l'épidémie, de même que les habitants ou les mages. Et surgit alors Aghanim qui guérit assez facilement les habitants d'une grosse maladie. De plus, il a certains talents de persuasion à tel point qu'il put gagner la confiance du roi qui le fit entrer dans le prestigieux conseil royal. Mais... la gourmandise d'Aghanim est si grande qu'elle éveilla la méfiance des Grands du royaume. La reine elle-même se méfiait d'Aghanim. Elle pensait qu'il influençait trop le roi. Mais on objecta tout de même que les décisions du roi prises à partir des conseils d'Aghanim étaient bonnes pour la marche du royaume. Pas de décision cruelle, ni économique (impôts, finances, etc.). Un proche conseiller réfugié après la chute du roi m'a pourtant affirmé que la reine savait qu'Aghanim n'était venu que pour une raison précise : la Triforce. Il me dit encore que la reine était de plus en plus sûre au fur et à mesure qu'Aghanim passait son temps à questionner les gens sur la Triforce. Et puis... la reine disparut dans un autre pays à la faveur de la révolte des petits seigneurs. On murmura même que le roi aurait fait exécuter sa femme pour révolte contre Sa Majesté... Toujours est-il que je n'avais pas plus d'informations à ce sujet car la crise venait d'éclater... On me dit même qu'Aghanim aurait encouragé les seigneurs à mettre main basse sur la Triforce. Bref, la guerre éclata, le roi mourut mystérieusement et sa petite-fille s'évada quelque part. La dispersion de la famille royale eut pour effet d'installer les armées des mercenaires. Les sinistres commandants des mercenaires s'amusèrent malheureusement alors à piller le royaume d'Hyrule. Cependant, ils n'ont jamais investi la cité royale (le coeur de Link bondit à l'évocation de la cité royale). Une rumeur m'annonce toutefois que le mercenaire le plus cruel d'Hyrule, Angiflar, serait en train de diriger le siège (Link s'inquiète). Je pense qu'Angiflar, s'il prépare bien le siège, n'a pas encore capturé la cité. Euh... où en étais-je ? Ah oui ! Je voulais te dire qu'Aghanim a aussi mystérieusement disparu... au sens propre du terme. On répand le bruit qu'il serait en contact avec l'un des chefs des bandes de mercenaires... Voilà ce que je t'apprends. Le reste, je te le raconterai plus tard... finit Hérote en souriant.
Link aide ensuite à relever son guide. Non loin de là, deux guerriers marmonnent, d'abord Labroux :
- Explique-moi pourquoi ne pourrions-nous pas choper ces deux-là ?
- Bâtard ! Réfléchis un peu ! Tu ne vois pas que le jeune guerrier aux habits noirs est aux aguets. D'autant plus que nous avons échoué à les surprendre la nuit dernière ! Après ça, il se méfie ! Tout ça selon tes conseils ! Non ! Mieux vaut attendre le moment propice.
- Mais qu'est-ce que fait le maigre moustachu avec de l'or devant un pareil danger ?!
- Mmm... j'ai peut-être ma petite idée. Ils ne sont qu'un camouflet. Je pense même qu'ils ont reçu pour mission d'approvisionner un seigneur ou un chef des mercenaires. Le tout est de savoir lequel...
Le Héros du Temps et ses compagnons reprennent la marche en descendant la pente. En s'approchant d'une petite plaine traversée par un fleuve tari au terme de la pente, Link reste perplexe devant le vol des corbeaux ou d'autres charognards. La réponse ne tarde pas à venir au secours du cerveau de notre ami : les cadavres sont là pour accueillir Link, Hérote et l'âne.
Que de morts jonchés sur le sol et dans le fleuve ! Des corps dévorés par des charognards, des corbeaux, des chiens errants et des hyènes ! Des morts grimaçant de douleur. De froid. Du sang partout. Du sang qui ruisselle et qui se joint à l'eau pure du fleuve. Des membres tels que mains, têtes, pieds, jambes, bras, cuisses, gisent un peu partout. Des lances se déguisent en sinistres trophées dans la chair des morts. Des flèches déguisent les morts en hérissons. Des petits fanions tentent de ne pas tomber sous les coups du vent. Un doux bruit de dispute entre charognards se fait à présent entendre.
Link est surpris. Horrifié. Choqué.
Lors de sa quête contre Ganondorf et contre le masque de Majora, il s'était habitué à voir disparaître ses ennemis dans des nuages violets. Mais ce n'était que des monstres. Jamais des habitants d'Hyrule comme les Kokiris, les Gorons, les Zoras... Mais il se retrouve face aux cadavres. Cadavres qui ont perdu leur vie pour une raison que le Héros du Temps ne comprendra jamais. Il regrette un peu de ne pas être né beaucoup plus tôt. Il aurait pu sauver Hyrule. Mais que faire ? Ce qui est fait est fait.
Hérote inspecte déjà les corps tel un croque-mort. Ayant fini d'être halluciné par les cadavres, Link regarde mi-curieux, mi-mécontent. "Je suis choqué par les morts et Hérote se met à les fouiller ! Je ne le comprends pas..." Hérote finissant sa tâche, revient sur ses pas et sort ses cahiers. Il précise qui sont les deux camps qui se sont affrontés et donne des détails. Link n'a que faire de ces détails. Il voudrait revenir rapidement chez lui, chez Saria, chez ses amis d'enfance les Kokiris. Partager les insouciances des Kokiris. Il n'a qu'un voeu à faire : terminer rapidement sa mission et résoudre les problèmes qu'a eus le royaume de son amie, la désormais reine Zelda. Hérote finit de consigner ses écrits en un quart d'heure.
Ils quittent les corps pour se réfugier dans la forêt. Dans le royaume vert, Link a cru apercevoir des petits groupes de lucioles. Il se demande s'il ne s'approche pas des bois perdus, et donc éventuellement du village Kokiri. Son coeur bondit encore. Après les bois perdus, il n'a qu'à gagner la cité royale. Il frémit d'impatience lorsqu'il constate qu'un groupe vient à leur rencontre.
Des cavaliers et deux Gorons qui roulent doucement. Ils soulèvent de la poussière provoquée par les sabots des chevaux. L'un d'entre eux porte un fanion, symbole de l'appartenance à un pays ou plutôt à un seigneur. Hérote pâlit car il semble avoir lu le symbole du fanion. Soudain, Link, comme poussé par une main invisible ou par le destin, se porte au devant des cavaliers.
Ceux-ci les encerclent et leur demandent ce qu'ils sont venus faire par-là. Les deux pillards qui les ont suivis, prient pour que l'or ne soit pas volé. L'or leur appartient ! se disent-ils en choeur. Link répond qu'il est venu protéger le poète car celui-ci a eu vent des victoires du seigneur des cavaliers et veut chanter sa gloire. Le capitaine des cavaliers reste dubitatif tandis qu'Hérote jette un regard effaré à Link : un fou qui nous fera mourir ! Le capitaine ordonne de fouiller les affaires. Deux Gorons obtempèrent sans se faire prier et donnent des réponses positives : Hérote semble bien être le poète qui veut chanter la gloire de leur seigneur. Heureusement pour nos amis, les Gorons et les cavaliers sont illettrés. En voyant les curieux hiéroglyphes sur du papier, les Gorons ont la conviction qu'ils ont affaire au poète décrit par Link. Cependant, le capitaine ordonne qu'on les emmène chez leur seigneur.
Labroux et Humuys soupirent : on n'a pas trouvé l'or. Humuys émet l'hypothèse que le jeune guerrier et le fragile moustachu ont efficacement caché l'or au fond de leurs affaires. Pourtant, Labroux murmure pour lui-même : "L'or... Ils vont quand même le prendre... A notre nez en plus..." Humuys rétorque qu'il suffit d'aller au camp dudit seigneur. Labroux pâlit et crie. Son compagnon le calme en expliquant qu'il suffit de capturer des émissaires sans escorte ou encore d'être audacieux... Labroux se calme...
Link, Hérote, ainsi que leur âne, sont bien escortés jusqu'au camp...
Le camp comprend un bâtiment central, qui avait dû être une ferme, et des tentes montées autour du bâtiment à une distance respectable de celui-ci. En deçà des tentes, des palissades en bois ont été construites. A l'évidence, ces palissades ne servent pas à pérenniser la vie et la défense du camp, mais sont plutôt utilisées en vue d'une bataille. D'ailleurs, on n'a même pas songé à construire une solide porte en bois. Les chevaux ont dû être transférés ailleurs car on ne les remarque pas. C'est en ces termes que travaille le cerveau de l'historien Hérote. Le protégé de Link pâlit en s'approchant de plus en plus du bâtiment du fameux seigneur.
En se faufilant parmi les tentes et en escorte, Link et son compagnon croisent une grande majorité d'Hyliens, avec un grand groupe de Zoras et de Gorons. Un détail surprend Link : plusieurs Gorons sont bleus... Les soldats les regardent passer avec une indifférence parfois mâtinée de curiosité sur l'origine du jeune Kokiri. L'escorte quitte la cité des tentes pour entrer dans le bâtiment central.
La salle du bâtiment court sur une grande longueur et une courte largeur. On a disposé plusieurs chandelles sur des lances, donnant ainsi à la salle l'aspect du jeu des ombres et de la lumière. Point de meuble, un siège confortable. Siège sur lequel est assis le seigneur en question. On pousse Link et Hérote à se prosterner devant le Grand. Derrière le seigneur, un petit groupe de commandants militaires à qui on a annoncé l'arrivée d'un poète. En voyant ce poète, quelques personnes ricanent sous cape. Leur chef reste impassible. Ses yeux se posent sur Link puis sur Hérote.
Le seigneur est Goron bleu barbu. Il tient un drôle de sceptre en forme de parchemin roulé et dont les deux bouts sont taillés en hiboux. La masse du Goron est impressionnante et peut rivaliser avec celle de Darunia, chef de la tribu des Gorons du Mont du Péril. Il se nomme Michivélis.
Après explications fournies à Michivélis et finissant de jeter un oeil sur les parchemins jaunis en donnant l'impression qu'il sait lire (en réalité, il est également illettré), le seigneur goron déclare :
- Ainsi, vous êtes venus exprès sur mes terres pour me proposer vos services de poète ? Celui-ci (montrant du doigt Link) est votre garde du corps ?
Silence coupé par des signes de tête affirmatifs de la part des deux aventuriers.
- C'est d'accord. Je veux bien croire que vous n'êtes venus que pour chanter mes prouesses. C'est d'accord pourvu qu'on chante ma gloire partout et dépassant le roi. Mais... j'exige que vous me fassiez un court poème de gloire.
Silence coupé par un mouvement du doigt de Michivélis porté de gauche à droite du cou. On comprend.
- Sinon... Vous serez empalés et vous servirez d'épouvantails à la tête de mon armée.
Une goutte coule sur la tempe d'Hérote. Link n'est pas perturbé par l'avertissement. Il prouve qu'il est bien le Héros du Temps. Il ne sait pas pourquoi il est sûr d'échapper vivant du camp de Michivélis. Il jette un coup d'oeil à Hérote. L'historien tremble doucement. Michivélis ordonne un délai d'une heure pour préparer des extraits de poésie. Les soldats emmènent alors les deux compagnons dans une petite remise. On a évidemment pris soin de désarmer Link. On lui promet de les lui restituer en cas de succès d'Hérote.
Endroit quelque part non loin du camp
Labroux frémit d'impatience. Ses mains étranglent l'écorce d'un arbre. Il s'inquiète pour l'or. Humuys le rassure et le prie d'être patient. Cependant, il prie intérieurement que le destin leur offre une chance fortuite. Voeu exaucé : deux soldats envoyés en éclaireurs sont en train de rentrer au camp. Ils n'iront pas plus loin que le sabre de Labroux et la lance de Humuys. Exécution immédiate et froide. Ils n'ont qu'à prendre quelques vêtements trahissant l'appartenance au camp de Michivélis. Par expérience, Humuys sait que les deux soldats tués doivent être des éclaireurs, car ils ne portaient pas d'armes sinon des coutelas et une panoplie légère de protection. Humuys indique son plan : foncer vers le camp et jouer la comédie d'éclaireurs voulant donner des messages au seigneur Michivélis. Il faut donc être audacieux. Labroux est toujours inquiet mais devant l'assurance tranquille de Humuys, il consent.
Ils courent alors à une allure effrénée jusqu'à la porte. Humuys crie de laisser passer les éclaireurs de Michivélis. Un capitaine hurle alors aux autres gardes de laisser passer les "éclaireurs". Humuys et Labroux dépassent la porte sans être arrêtés. Labroux dit : "On y est !". Son compagnon émet un rictus de suffisance : "Bien sûr ! Les dieux nous ont entendus !". Ils disparaissent derrière les tentes et ralentissent ensuite. Le capitaine qui les a vus passer, se demande ce qui l'a chiffonné chez les éclaireurs. Il hausse les épaules de résignation. Il aurait dû se rappeler : les éclaireurs ne portent jamais d'autres armes que les coutelas. Or, les deux faux soldats de Michivélis utilisent la lance et le sabre...
Remise du bâtiment central
Link ne dit rien devant le désespoir. Il encourage cependant Hérote à jouer les poètes. Hérote, s'obstinant à regarder vers le sol, ne dit rien pendant une minute puis :
- Je vous ai menti...
Le Kokiri le regarde sans comprendre. Hérote poursuit :
- Je... En fait, je n'avais pas l'intention de vous guider jusqu'à la cité royale. Enfin... pas avant plusieurs jours... Je voulais être escorté par vous pendant plusieurs jours sans que vous me quittiez... Mon précédent escorteur n'a tenu que quatre jours... Je... je ne sais pas me défendre mais j'avais terriblement besoin d'un guerrier qui m'accompagne...
Hérote émet un hoquet de désespoir avant d'ajouter :
- Voyez ! On n'a même pas tenu une journée !
Baissant la tête, il dit frénétiquement :
- Je... je ne suis pas un poète ! Je ne suis pas un propagandiste ! Nous sommes morts...
Link, loin d'être mécontent du mensonge, sourit. "Je comprends sa passion. Comment lui en vouloir ? J'avais le pressentiment sans me l'avouer qu'il me conduisait loin de l'objectif que je m'étais fixé. Mais cette fois, je vais nous sortir de cette prison et je l'obligerai à me conduire jusqu'à la cité. Il me le devra bien !" Pourtant, le Kokiri n'a aucune idée comment persuader Hérote à se surpasser et à sortir du guêpier. Comme s'il était envoûté par un dieu, Link explique soudain à Hérote les raisons de se transformer en chanteur-poète : entrer dans l'histoire au lieu de rester passif à observer les événements, sauver la peau de Link et la sienne propre, survivre pour pouvoir continuer à raconter les événements d'Hyrule... Le tout dans une jolie rhétorique que les maîtres n'auraient pas reniée. Hérote, convaincu par les arguments, se met alors à fouiller sa sacoche et à écrire. Il dit :
- Heu... je me... rappelle les principes de poésie que j'ai lus ailleurs... Merci...
Link est surpris à son tour par les paroles qu'il a prononcées sans le vouloir. Il se demande s'il les a vraiment prononcées. Il est étonné de sa capacité à être orateur.
Une heure plus tard, chez Michivélis
Il fait face aux mines impassibles et silencieuses des dignitaires militaires de Michivélis. C'est également le cas de leur seigneur. Hérote se racle la gorge avant de se lancer. Il doit conquérir les mauvais coeurs de ses interlocuteurs, Michivélis en tête.
Link est resté emprisonné dans la remise en attendant l'issue de l'épreuve de Hérote. Il reste serein, nullement anxieux.
L'épreuve en question est terminée depuis un quart d'heure. Hérote ose lorgner vers Michivélis. Le Goron bleu ne dit mot. Soudain, il éclate de rire. Les dignitaires, tels des lèche-bottes, l'imitent. Michivélis se lève et répond à son prisonnier :
- Tu m'as bien charmé avec ta poésie ! Tu es digne de ton talent. Dorénavant, tu parcourras ma province en chantant mes louanges et mes exploits.
Hérote, plein d'émotions d'avoir réussi à surmonter l'épreuve, reste bloqué dans son mutisme. Il s'incline toutefois pour marquer sa soumission, puis sort. On vient de délivrer et de restituer à Link sa panoplie d'armes. Le héros sait que son compagnon a réussi à en juger par son sourire éclatant. Il répète : "Link... C'est... C'est comme si j'avais surpassé tout Hyrule !" ou encore : "Ceci est le plus grand jour de ma vie". Il fanfaronne mais cela reste compréhensible au regard du fil de la vie qui reste à Hérote. Tout à coup, un éclaireur, cette fois à cheval, galope vers le bâtiment en criant : "Alerte ! L'ennemi est à nos portes !"
Un remue-ménage se produit : un choc d'armes, des pas rapides, des cris, des ordres. Le Goron Michivélis sort en donnant des consignes d'ordre de bataille. Les ordres donnés, il se tourne en pointant du doigt Hérote et sourit : "Vous le chanteur ! J'allais vous oublier ! Qu'il nous accompagne ! Je veux qu'il témoigne de ma victoire ! Qu'on procure un cheval à Hérote et à son compagnon ! Je vous garantis un joli spectacle." Et de finir dans des rires. Hérote piaffe de joie : quelle aubaine d'être près d'un champ de bataille sans être interpellé ! Link devient méfiant : "Je me demande ce qu'attend Michivélis de nous ? Ils vont se battre ?"
Les préparatifs faits, le héros et son nouvel ami quittent à cheval le camp en compagnie des rangs des soldats gorons, zoras ou hyliens. Cachés dans une tente et regardant dehors, Humuys et Labroux ricanent. Ils savent qu'ils vont profiter de la bataille pour dépouiller Hérote. A condition bien sûr que Link soit éloigné et que l'historien soit démuni de protection...
Champ de bataille
Ils sont là sur une grande motte, devant la large plaine bordée par une forêt et un petit marécage. Hérote ouvre ses bras devant la vue qui surplombe la plaine et s'exclame : "Que ne peut-on rêver pareil spectacle ?" Link n'est pas enthousiasmé par les futures tueries si c'est bien le cas des cadavres qu'il a aperçus un peu plus tôt. De plus, sans se demander comment, ni pourquoi, il a l'impression malaisée que l'ennemi pourrait parvenir jusqu'à eux. Des gardes amènent le même siège du bâtiment. Michivélis ricane avant de s'asseoir : "Voici la bataille que vous allez chanter. Ah ! Ah ! Ah !" Derrière Michivélis, un autre Goron bleu qui lui ressemble un peu... Hérote s'assoit sur l'herbe et pose ses feuilles sur ses genoux en attendant d'observer le déroulement de la bataille.
Devant le groupe de Link, des rangées de lanciers, d'archers et quelques cavaliers sont en place. Ils donnent ainsi l'impression d'être vaincus facilement. Très loin de ces bandes, l'ennemi avance sur la plaine...
La bataille vient de commencer...
Hérote trépigne de jouissance. Il scrute scrupuleusement tout le déroulement de la bataille. Déjà des flèches perdues commencent à pointer leur nez au pied de la motte. Hérote écrit et écrit. Il ne semble pas avoir de crampe à la main. Quel contraste avec la peur avouée dans la remise du bâtiment central ! se dit Link. Derrière eux, Michivélis ne bouge pas, de même que ses "vassaux", impassibles.
L'ennemi avance de plus en plus rapidement et se révèle être une troupe de cavalerie. De magnifiques juments courent, encouragées par la furie des assoiffés de sang. On ne note pas de Zoras sur des chevaux ce qui est logique : jamais un Zora n'accepterait de monter à cheval. Des crépitements de flèche se font entendre. Des sagettes pleuvent dans le ciel avant de tomber au hasard sur des cavaliers comme en loterie. Certains cavaliers tombent, tués sur le coup ou écrasés par des sabots. Cependant, la première salve n'est qu'un avant-goût car la deuxième qui va suivre choquera Link. En effet, les archers de Michivélis n'hésitent pas à prendre pour cible les chevaux au lieu des cavaliers. Des animaux de course voient leur vie s'échapper à deux pas des troupes du Goron bleu. Avec une sorte de raffinement cruel, des Zoras ou des Hyliens armés de faux ou de lances se portent au devant des chevaux pour... sectionner jambes ou trouer coeur ou poumons des chevaux. Par moments, la hardiesse des Michivélistes est mal récompensée car il arrive que ceux-ci se retrouvent piétinés par quelques cavaliers. Malheureusement pour l'adversaire, de plus en plus de chevaux gisent sur le pré ou près de torrents taris, ce qui provoque une retraite des cavaliers. Michivélis a dû prévoir cette retraite car il fait lancer ses Gorons armés d'épines affûtées. Tel Link-Goron se lançant sur les pattes du Taureau géant à la tour glacée de Termina, des Gorons poursuivent les cavaliers. Certains réussissent à attraper les derniers fuyards. Suivent alors Zoras et Hyliens qui n'ont qu'à achever les cavaliers tombés à terre.
L'attaque ennemie n'est pourtant pas terminée. Des archers à cheval arrivent et criblent de flèches empoisonnées ou enflammées les Gorons, Zoras et Hyliens de l'armée de Michivélis. A la différence des premiers cavaliers, les archers à cheval refusent l'attaque frontale et préfèrent recourir à la chasse au sanglier : attendre que l'animal se voit encerclé sans espoir de mener une charge sur l'ennemi qui recule toujours. Le résultat est désastreux pour les troupes du Goron bleu. Leurs soldats se font abattre comme des lapins par les chasseurs. Il faut l'intervention des archers à arc long, troupe d'élite de Michivélis, pour faire reculer les archers à cheval. Les archers à arc long peuvent tirer très loin à raison de dix sagettes par minute. L'orage s'abat sur les archers à cheval sans les décimer. En une trentaine de minutes, plusieurs cadavres décorent la plaine. Link se retourne pour scruter la réaction du seigneur Michivélis. Celui-ci sourit, ce qui met mal à l'aise le Héros du Temps. N'y aurait-il pas un piège quelque part ?
A la gauche de Link, sur une motte plus haute que celle où est assis Michivélis, deux traqueurs palabrent :
- Dis Humuys. Que va-t-on faire vu que la bataille devient maintenant confuse ?
- Un chien reste un chien.
Labroux regarde Humuys sans comprendre. Son compagnon ajoute :
- Celui qui veille sur le moustachu est un chien. Pour couper le vieux de sa protection, il suffit de faire baver le chien. Tu me suis ?
Labroux sourit à pleines dents.
Les feuilles s'entassent sur l'herbe et sont bloquées par une petite pierre afin que le vent ne les envole pas. La bataille de plus en plus confuse, le regard de Hérote devient fiévreux à force de regarder, raconter et rédiger. Link entend une voix : "Voici les fameux hallebardiers !" Il plisse les yeux : des hallebardiers avancent en effet, tels des automates, hallebardes en avant. Il ne le sait pas mais les hallebardiers ont la réputation d'être parmi les meilleures élites en matière de guerre. Leur technique consiste à avancer quel que soit le sort. Si un soldat meurt, il est aussitôt remplacé par celui qui le suit. Ils forment ainsi un bouclier de hérisson. Ils avancent doucement comptant sur la faillite des munitions des archers et sur l'effroi des ennemis en constatant que les hallebardiers vont les engloutir. Pendant les combats opposant Michivélis à son ennemi, des sagettes tentent de disperser les hallebardiers. Peine perdue, le mur avance... Michivélis ne l'ignore pas. Il avait compté sur la mauvaise stratégie de son ennemi. Il avait fait tirer à pleins poumons ses archers pour donner l'impression à l'ennemi que leurs flèches allaient se tarir. Son adversaire n'allait pas tarder à activer ses hallebardiers. Michivélis savait qu'on tenterait de contourner son armée.
Il a raison. Un éclaireur à cheval se précipite pour annoncer la nouvelle. Il raconte avoir aperçu une colonne s'abattre sur les deux flancs. La plus proche parviendra dans une heure. La plus lointaine, plusieurs minutes après. Michivélis remercie l'éclaireur, puis se lève du siège. Il prend alors un casque doré dont il s'était coiffé. Link n'avait pas fait attention au casque. Le seigneur goron le passe à un autre Goron. La gorge de Link se gonfle : il s'agit bien du Goron bleu qui ressemble beaucoup à Michivélis. Tandis que le seigneur quitte les parages à cheval, le remplaçant se coiffe. Puis, il ricane : "Ha ! ha ! ha ! C'est moi Michivélis qui commande l'armée !" Hérote n'a pas suivi la scène et n'est donc pas au courant du changement de rôles. Link vient de comprendre. Le remplaçant ne sert de leurre que dans le but d'attirer l'ennemi dans le piège. Pensant que Link a compris, le remplaçant dit encore : "Notre seigneur est un grand stratège. Il avait réussi à s'allier à un autre seigneur il n'y a pas longtemps. Il lui fournira d'autres troupes avec lesquelles notre maître écrasera le parasite !" Il s'assoit sur le siège en avertissant Link qu'il ne s'échappera point avec Hérote.
Link est piégé... Hérote mourra du cynisme de Michivélis qui l'avait soi-disant gracié. "Je me demande comment nous nous en sortirons". Le remplaçant devient à nouveau indifférent à l'assaut de l'adversaire qui s'approche. Alors que Link est en train de réfléchir à un moyen de s'en sortir, il est frappé par un détail. Ce détail est une gourde. L'objet est porté par un Hylien. Il se demande s'il ne l'a pas vue quelque part. En revanche, il l'a formellement reconnue. "Pourtant, il faut que je m'en avise". Le héros dégaine alors. Par chance, l'attaque ennemie qui commence à s'abattre sur le flanc gauche de l'armée laisse croire que Link n'a fait que se défendre en dégainant.
Labroux avance calmement, sabre à la main et ne se sentant pas perturbé par les bruits de l'attaque. Il va vers le groupe du nouveau "Michivélis". Link se dirige tout droit vers Labroux. Celui-ci est très surpris. Il ne pensait pas être repéré quand il avait suivi Hérote et Link avec son compagnon. La réaction ne se fait pas attendre. Il attaque maladroitement Link qui vaque à ses assauts tranquillement. L'expérience des combats contre les combattantes gerudos a très bien servi Link puisqu'il pousse tranquillement Labroux en esquivant ou en contre-attaquant ou encore en parant. Quelques mètres plus loin, Labroux prend son sabre à deux mains en intimidant son adversaire de ne point avancer. Soudain, une flèche perdue se plante au fond de la gorge de Labroux. L'issue devient dangereuse ! pense Link. Il faut que je sorte à tout prix Hérote ! Alors qu'il est en train de retourner vers son ami, un premier cavalier surgit furieusement accompagné de Gorons. "Non ! Il va falloir que je tue Hyliens et Gorons". La perspective dégoûte Link mais il n'a pas le choix. La mission importe plus que les scrupules !
Hérote poursuit son travail sous les yeux indifférents de "Michivélis". Il ne semble pas le moins du monde troublé par le recul de l'armée de son nouveau protecteur. Quelque chose bouge pourtant sur ses fesses. On tire sa sacoche ! Il se retourne en interpellant l'inconnu qui ose tirer sa sacoche. Abandonnant ses feuilles et sa plume, Hérote rattrape son objet à la barbe de Humuys qui grimace. Comprenant le danger, Hérote crie en jetant des regards éperdus autour de lui : "Link ! Link ! Où es-tu ? Viens ici !" Humuys ricane :
- Je crains que ton chien ne soit occupé.
Il lève alors sa lance à deux pointes dans l'intention de pourfendre verticalement le crâne de Hérote. L'historien lève en même temps instantanément sa sacoche afin de protéger son crâne. Humuys a voulu cela : changeant de mouvement, il lance sa lance dans l'estomac. "Michivélis" ne cille pas. Il ne se soucie pas du meurtre car son maître avait prévu la mort du poète sur le champ de bataille. A la différence que l'heure de la mort prévue a été avancée... Hérote tombe mourant sur l'herbe. Humuys en profite pour jeter des papiers et accessoires d'écriture de la sacoche. Il vérifie pour chercher de l'or. Sa tentative est vaine, il jette rageusement la sacoche et s'enfuit.
L'armée a réussi à repousser momentanément l'assaut sur son flanc gauche. Mais l'attaque n'était que la partie visible de l'iceberg : des troupes ennemies allaient venir dans un quart d'heure. Link qui a réussi, à son regret, à se débarrasser des assaillants, se précipite vers Hérote. Pour son malheur, Hérote gît sur le dos, l'estomac touché. Son teint pâlit petit à petit. Le sang coule de sa bouche. Link le réconforte en avançant l'argument : partir d'ici parce que "Michivélis" est à présent mort d'une flèche. Hérote le détrompe :
- N... non... Je ne peux plus bouger... S'il te... plaît... prends... ceci...", dit-il en indiquant les papiers qui jonchent le sol.
Link comprend qu'il ne lui reste plus qu'à ramasser les papiers et à les remettre au village de Haerf. L'historien n'a plus la force de téléporter ses notes. D'ailleurs, ses yeux supplient notre ami. Il s'éteint alors doucement. Link le laisse et ramasse les notes et la sacoche. Il sait que s'il prend le corps, il ne fera pas de vieux os en traînant difficilement sur les chemins courus par les bruits de la guerre. Il s'éclipse.
Village de Haerf
Tucyde est prévenu par un aubergiste qu'un jeune blond avec une jument veut le voir. L'aubergiste ajoute que ça concerne son frère. Thucyde soupire et abandonne sa table de travail pour descendre et sortir. Il plisse les yeux et remarque l'absence de son frère. Il craint l'événement : il est arrivé quelque chose à Hérote. Link confirme en signalant la mort de Hérote et ses dernières volontés. Il tend vers Thucyde la sacoche un peu rougie de sang. Il précise encore qu'il n'a plus de temps à perdre. Tucyde regarde pensivement la sacoche. Il interpelle Link avant qu'il ne monte à cheval :
- Mon frère vous a sans doute raconté nos pouvoirs ?
Link fait un mouvement de la tête.
- Très bien. Il ne connaît pas mes pouvoirs. Je peux vous le dire parce que ça vous concerne fortement. Je suis un peu comme Haerf. Je peux connaître les intentions des personnes sans en entrevoir vraiment les raisons. Excusez ma phrase sibylline... Je voulais dire que je peux avoir des prévisions auditives et comprendre ainsi le futur de tout ce qui concerne les personnes que je rencontre.
- Vous êtes un prophète alors ?
- Non... Enfin, je m'explique mal. Je précise que je ne connais pas le futur exactement. Je peux cependant en percevoir l'issue sans la comprendre. A partir du moment où je rencontre une personne, je perçois intuitivement un avenir sans pourtant le cerner...
- Je ne comprends toujours pas mais poursuivez.
- Eh bien. Je préfère vous dire que je ne comprends pas très bien ma vision mais je ne dirais qu'une chose : votre ennemi, semble-t-il, Ganondorf a déjà un fragment de la Triforce sans toucher la Triforce. Vous comprenez quelque chose à ça ?
Link est interloqué par les informations de Tucyde. Ganondorf aurait-il déjà le fragment de la Triforce avant même de pénétrer dans la salle de l'épée Excalibur. Voyant la mine surprise et perplexe de Link, le frère de Hérote préfère ajouter :
- Je crois même que Ganondorf a eu le fragment non pas dans votre époque (je ne comprends d'ailleurs pas très bien quelle peut être votre époque), mais dans notre époque. Vous comprenez encore ?
Link est englouti par le vertige : Quoi ? Ganondorf aurait-il le fragment, non seulement avant de toucher l'essence des trois déesses, mais en plus il l'aurait eu pendant le Grand Chaos alors qu'il n'était pas encore né ?!
Link remonte à cheval, le cerveau embué par les révélations. Tucyde ne dit rien et préfère le laisser partir et encaisser ses révélations. Se ressaisissant, Link décide malgré tout de poursuivre sa mission en évitant de faire une chose pour cette époque : aider les autres. En effet, la fille des bois maudits et Hérote étaient morts sans qu'il ait pu les aider. Il quitte le village sans même revoir Haerf.
Link évite tout ce qui pourrait l'amener à se porter au secours des gens. Ainsi pendant son périple, il évite des villages protégés ou non par la bulle des Sheikahs, maisons isolées, camps de nomades (qui sont rares d'ailleurs). Il dort autant que possible à la belle étoile. Il cueille et chasse. Il poursuit son chemin pour se diriger vers l'objectif de la mission : la cité royale et son trône de la famille Zelda. Parfois, il croise des groupes de personnes mais ce ne sont que des rassemblements pour des enterrements ou des scènes de pique-nique improvisées quand ils le peuvent, pour atténuer les malheurs du siècle. Link a rencontré des deuils, des morts, des cadavres. Il comprend mieux Sagatt et son ami le bibliothécaire myope : la période mérite bien son nom du "Grand Chaos". Rien à voir avec la tyrannie de Ganondorf dans le futur parallèle. D'après les indications de Hérote qui avait confié son chemin lorsqu'ils étaient prisonniers dans la remise du bâtiment occupé par Michivélis, Link devrait s'approcher du lac Hylia.
Il en a un peu marre de se reposer à la belle étoile. Il n'a pas encore l'habitude de se reposer en pleine nature malgré le fait qu'il dormait, chez les Kokiris, au milieu des bois perdus. Sa vigilance se relâchant et jugeant proche la fin de sa mission, Link décide pour une fois de se diriger vers une jolie bâtisse. La bâtisse se révèle être une auberge perdue au milieu de la forêt et du chemin humide. Il en a compris la fonction en espionnant par les fenêtres. Il a vu l'aubergiste et la jeune fille rousse servir des clients.
Il entre dans l'auberge en se promettant de ne point aider les personnes qui s'y trouvent. Il s'assoit au hasard sur un tabouret. Il pose ses bras sur une table ronde sur laquelle est posé un bol en terre cuite. Une jeune fille à la chevelure rousse s'approche après avoir servi un client. Elle ne doit pas avoir plus de 17 ans. Ses cheveux tombent sur ses épaules, elle porte une longue robe blanche avec des motifs rouges et jaunes. Elle a une superbe poitrine. Link se dit l'avoir déjà vue quelque part mais n'hésite pas à commander de quoi boire et manger. Elle lui sourit timidement et va vers l'aubergiste. L'homme qui tient l'auberge est un gros barbu avec des yeux doux. Il doit être son patron ou son proche parent à moins qu'il ne soit son père. Pendant que la fille va prendre de la nourriture, il arrive qu'un client siffle pour flatter la beauté de ses fesses ou de sa poitrine. Link n'est pas impressionné par la silhouette gracieuse de la rousse. Il a grandi dans un endroit où l'amour tient plus des relations platoniques que réellement se xuelles ou proches de celles-ci.
La rousse revient apporter un plateau de repas et une cruche d'eau. Deux clients sifflent avant que l'aubergiste ne menace de les chasser. Link remercie la serveuse d'un sourire gratifiant et commence à manger lorsqu'il se produit une chose. Un petit groupe de trois ou quatre Hyliens ou humains armés approche. On peut apercevoir dehors deux Gorons plus un personnage qui est en train de pisser devant un arbre. Celui-ci reste ensuite dehors. Les clients qui sont déjà présents palissent de même que l'aubergiste. La rousse montre des signes de nervosité. Link, sans se soucier de la scène, mange tranquillement. Le groupe prend place autour d'une table en commandant bruyamment. Ils lancent des propos obscènes à travers la salle. Ces propos s'adressent plus souvent à la femme. Les clients commencent à s'éclipser. Il ne reste que Link, le groupe et le couple d'aubergistes.
Le groupe fait partie des mercenaires, les soldats qui offrent leurs services aux clients. Le terme "mercenaire" devient de plus en plus péjoratif allant jusqu'à l'assimiler aux cruels meurtriers ou aux violeurs. La rousse tarde à venir servir, les mercenaires l'interpellent violemment : "Alors ?! Bouge-toi !" L'un deux commande des pichets de vin. Link tente de ne point s'en soucier. La rousse fait un timide mouvement pour chercher du vin sous le regard pâle de l'aubergiste. Des mercenaires lancent des plaisanteries grasses sur la rousse. L'un d'eux lorgne incessamment sur sa silhouette. Link boit doucement. Il espère au fond de lui-même que tout se passera bien.
La rousse dépose des pichets de vin. Un mercenaire en profite pour poser sa main sur les fesses de la femme. Elle se dégage instinctivement. On siffle. L'humain qui a touché les fesses plaisante sur l'état de la jolie silhouette de la jeune aubergiste. Un Hylien s'exclame qu'il serait dommage que la rousse reste enfermée à l'auberge au lieu d'être dehors. On rigole. Un mercenaire moustachu blond demande du jambon. En vérité, il a l'intention d'attraper la rousse. Celle-ci tremble ce qui réjouit le groupe. Link mange toujours doucement.
En revenant poser le jambon, la femme est happée par le moustachu. Celui-ci commence à poser ses sales pattes sur son corps. Elle tente de se dégager mais il la tient fermement. Le gros aubergiste fait un mouvement de panique mais un petit mercenaire dégaine et pose son épée mal taillée sur son ventre en souriant. Link, qui n'ignore pourtant pas les déboires de la rousse, essaie de se calmer. Il regarde alors obstinément la table. Elle crie pendant qu'on l'étend sur la table. Les malandrins rigolent. Le moustachu esquisse une embrassade sur le cou. La femme veut se dégager en vain. Link commence à être partagé entre la volonté de l'aider et la neutralité, afin d'éviter de voir la mort comme celle de Hérote. Cependant, il sait qu'ils font du mal à la femme. Il commence à avoir des pensées de héros. Il esquisse un début de mouvement. C'est alors que le fragment de la Triforce commence à briller : deuxième avertissement. En voyant le fragment briller, Link se ravise puis se rassoit. Il ne tient pas à se brûler ses ailes. Le fragment s'éteint rapidement.
Deux mercenaires commencent à relever la robe en rigolant sous les cris de la rousse. L'aubergiste est impuissant à venir en aide mais il sait pertinemment qu'il ne fait pas le poids face aux méchants. Un maigre Hylien aiguise son couteau. L'instinct prend le pas sur la raison, Link se lève soudain. Il se dirige rapidement, et d'une main vigoureuse, utilise le crâne d'un mercenaire pour prendre comme cible un mur. Il entend un craquement. En glissant, le mercenaire désormais mort laisse entrevoir un filet de sang faire de la peinture le long du mur. Link est ensuite surpris par sa violence. Il ne s'était pas attendu à être Ganondorf. Des mercenaires lâchent la femme qui s'enfuit à quatre pattes pour se réfugier dans les bras de l'aubergiste, ignorant le guerrier qui menaçait le gros barbu. Les soldats regardent d'abord leur camarade puis se tournent méchamment vers Link. Celui-ci n'a pas d'autre choix que de dégainer prudemment. On sort des armes.
L'entrée d'un personnage interrompt les préliminaires. Il a assisté à la scène depuis dehors et a décidé de mettre un terme en imposant sa présence. Il est vêtu de bottes en fer, d'un pantalon bouffant gris, d'une ceinture bleue et d'un pull protégé par une lourde cotte de mailles. Sa ceinture porte une épée classique. Il doit mesurer un mètre soixante-quinze. Son visage est taillé par une barbe rousse sans moustaches. Cette barbe est accrochée au menton. Il est chauve et a des sourcils épais roux. Ses oreilles sont humaines et l'une d'elles porte une petite boucle d'oreille. L'aura du personnage est charismatique. Il baisse une main, signe qui ordonne à ses soldats de rengainer leurs armes. Ses soldats ne se lassent pas encore de fusiller Link d'un oeil mauvais.
Il se faufile parmi les tables et les chaises ou tabourets, et se penche légèrement sur le mort adossé au mur. Il le considère comme un objet inutile : un de plus ou de moins pour lui. Il fait face à Link et aux aubergistes qui se serrent :
- Messieurs, ma miche. Veuillez entendre que je me présente, Niséro, grand commandant de l'armée des serviteurs d'Hyrule.
Le couple pâlit et tremble. Ils connaissent la terrible réputation de Niséro. Il a été l'un des capitaines de l'archerie de la garde du roi avant de s'engager comme mercenaire. Avec le temps, il a mis plusieurs pays sous sa coupe, abandonnant parfois une région pour mieux la réoccuper. N'a-t-on pas raconté qu'il a préféré massacrer tout un village afin de rechercher un traître ? Au lieu de rechercher l'aiguille sous le foin, il a préféré incendier le foin pour retrouver l'aiguille rouillée. Et Niséro est présent dans l'auberge.
Il fait reculer ses protégés afin d'être face au couple. Il ignore de ce fait Link. Il s'adresse à eux :
- Au lieu de servir dignement mon soldat, vous avez osé le... desservir. Ô la perte de chaque compagnon d'armes me procure plus de douleur que la perte d'un enfant... Il était le frère de chaque soldat de mon armée. C'est pourquoi j'estime être dans mon droit d'exiger une compensation...
Incrédule, Link se met entre le bar et le chef des mercenaires. Niséro aurait pu être furieux d'être interrompu. Il n'en fait rien. Il sourit. Le Kokiri déclare :
- J'ai tué votre Hylien. C'est donc à moi que vous devrez demander compensation.
- Ton nom ?
- Link, répond-il sans hésitation.
- Mmmm.... Je vois que tu es l'un des puceaux en voie de disparition...
A ces mots, les mercenaires s'esclaffent. Link fait des gros yeux d'incompréhension. Il ne connaît pas ce mot : que peut-il vouloir dire ? Comprenant la naïveté de son interlocuteur, Niséro explique :
- Les puceaux sont des soldats qui s'efforcent de respecter les règles de la guerre dictée par le vieux roi... Comme jurer de protéger l'orphelin et la femme... Ou encore, ne pas malmener son prisonnier... Bref, tu sembles être attaché à vouloir justifier ta conduite.
Niséro conduit ses bras sur le bar et s'y adosse. Le couple recule prudemment. Il continue :
- C'est différent. Tu es un soldat errant. Elle... une femelle qui doit protéger sa pudeur... Elle n'a pas su protéger sa pudeur sinon mon soldat ne serait pas mort...
- Hé mais attendez ! Vous n'avez tout de même pas vu ce qu'ils faisaient à cette femme ?! s'exclame Link.
- Dans ce cas, elle n'aurait pas dû balancer sa silhouette. Elle porte des vêtements trop moulants. Or, il arrive que mes soldats meurent à cause de leur audace se xuelle...
Link ne comprend pas ce que Niséro a voulu dire, cependant il sait que son interlocuteur a tort en ce qui concerne la mort du mercenaire. Le chef est complètement hypocrite et provocant. Il joue avec la souris. Cette souris c'est Link. Il poursuit :
- Comme compensation, j'exige qu'elle remplace mon soldat mort. Elle servira à quelque chose au milieu de trois ou quatre mille soldats.", sourit-il.
L'aubergiste sert fortement la fille. Celle-ci ne semble évidemment pas vouloir suivre Niséro. Link recommence :
- C'est à moi que vous parlerez et non à ces innocents. Alors ?
Le cruel Niséro le regarde d'un air bizarre et sourit ensuite :
- Vraiment ? Tu tiens à remplacer la femme ?
- Oui, lance-t-il sans réfléchir.
Un mercenaire esquisse un mouvement de protestation. Son supérieur le fait taire d'un regard méchant et irrité. Il a horreur d'être contredit. Il relance la conversation :
- Alors. Tu es prêt à me suivre ?
Link veut éviter à la femme des malheurs dont il ignore la nature. Il voudrait poursuivre sa mission mais il n'a pas le choix : il a sauvé la rousse et doit encore la protéger. Il accepte. Niséro se frotte les mains. Qu'a-t-il en tête ? se demande le Kokiri. Niséro va jouer avec Link dans son camp, pense le chef. Il dit alors à l'aubergiste et à la rousse qu'il les laisse. Il ordonne aux autres de débarrasser le corps et de l'abandonner. Les mercenaires obtempèrent à regret : la proie leur échappe ! La nuit est déjà tombée et on peut apercevoir une lune. Link monte à cheval et suit le groupe. Le cadavre est jeté parmi les arbres où des loups viendront le dévorer. Cette nuit, l'aubergiste et la jeune femme rousse s'échapperont de la maison. Niséro ne l'ignore pas et ce n'est que du menu fretin pour lui.
L'aubergiste est l'oncle de la rousse. Curieux paradoxe que la situation : le fragment de la Triforce est le symbole du respect du temps. Il est l'avertissement donné à celui qui risque de modifier le temps. Link a pourtant ignoré l'avertissement. Il vient de sauver une lignée. Et la rousse est l'ancêtre de Malon.
La lune éclaire toujours le groupe des cavaliers. Elle éclaire les visages sereins et le visage tourmenté par les questions, celui de Link. Que me veut-il ? Pourquoi tient-il à ce que je l'accompagne ? N'est-ce pas le même piège que celui de Michivélis lors de la bataille ? J'ai remplacé la pauvre aubergiste. Je pense donc m'en acquitter chez Niséro. L'océan de la forêt finit pour plonger dans un camp dressé par Niséro.
Et quel camp ! Un amas de tentes mélangées, sans ordre. Pas de palissades comme au camp de Niséro. Quelle confiance ! Apparemment, les mercenaires ne craignent pas une attaque. Ils jouent sur leur audace, leur cruauté et sur la peur des habitants face au courroux de Niséro. Au milieu du camp, une bâtisse en marbre blanc est esseulée parmi les tentes. Link a l'impression d'avoir déjà vu l'endroit. Il met du temps avant de comprendre qu'il s'agit du Lac Hylia qui n'est pas encore inondé. La bâtisse en question est un petit temple construit par des villages alentour. Il constitue donc un point de ralliement des villageois. Niséro l'a très bien compris : il a ordonné de dresser un camp afin... de piller les villages environnants. Link commence à pénétrer au camp. Et ce qu'il voit le révulse.
Des prisonniers sont enchaînés par des cordes en fer et portent une clochette comme des moutons. Des peuples de victimes et de bourreaux sont tous représentés : Hyliens, Humains, Gorons, Zoras. Il ne manque que des Sheikahs qui sont restés fidèles au roi, et des Gerudos occupées ailleurs. Des scènes de cruauté sont attestées par-ci, par-là. Un Goron s'assoit sur un humain à quatre pattes. On le menace de mort s'il se pose à plat ventre pour souffler. On a dressé des gibets pour pendre des malheureuses victimes. On entend des cris et des insultes vulgaires. On entend plus de cris féminins que de masculins. Il y a des bagarres pour des questions d'argent ou de butin. Link voit encore un Zora se faire brûler par les pieds : ne dit-on pas que les poissons craignent la chaleur ? On porte des chopines de bière chaude à Niséro et à ses compagnons. On souhaite vulgairement la bienvenue à Link.
Ils s'approchent enfin du petit temple. Ce temple sera détruit afin d'aménager un temple aquatique taillé sur mesure pour les Zoras. En effet, la parcelle de terre du futur Lac Hylia sera rétrocédée aux Zoras par une future reine. Les Zoras feront ensuite des travaux pour faire de l'endroit une zone purificatrice et religieuse. Pour cela, ils creuseront un fleuve venant d'au-delà des chaînes non loin du désert.
Devant la porte du temple, un petit personnage attend, les poings serrés sur ses flancs. Il est plus petit que la plupart des gens qui foisonnent au camp. Il porte des cheveux courts mais touffus, et des moustaches épaisses tombant lourdement jusqu'au coin des lèvres. Des sourcils épais ornent également le visage du petit bonhomme. Il porte des vêtements mi-militaires, mi-bourgeois dans une ambiance de deuil. Il a des oreilles hyliennes. Niséro descend de cheval et invite Link à s'approcher. Il lui présente Warguere. Il ajoute :
- C'était l'un des grands nobles de la cour du roi. Je suis fier de l'avoir à mon service. Il est mon bras droit.
Derrière le sourire du roux, le regard de Warguere se fait plus sombre. Un regard de haine. Lorsque Niséro se tourne vers son bras droit, Warguere détend ses yeux. Cela n'a pas échappé à Link. Il se remémore les renseignements de Sagatt sur la fonction et la hiérarchie des nobles à la cour et ailleurs. Sagatt lui a dit notamment qu'il arrive à certains nobles de haïr les autres personnes parce qu'ils ne supportent pas d'être sous les ordres d'une personne inférieure sur le plan juridique. Il y avait même des disputes. Souvent, de rares nobles très attachés à leurs prérogatives se plaignaient au roi du traitement à leur égard. Le roi les rabrouait ce qui donnait lieu aux récriminations inutiles des nobles. Et Link se retrouve devant l'un des nobles. Est-ce que c'est le même cas à cette période ? Il ne le sait pas.
Il pénètre dans le temple sur invitation de Niséro. L'unique salle du temple possède des murs verdâtres sans décor. Un autel semblable à celui du Temple du Temps est également présent. Mais, Niséro a souillé le temple en faisant aménager une sorte de chambre. En effet, il y a un lit mobile, une petite table, un tabouret confortable et... une cuvette à excréments. A en juger par la place du lit, Link pense que ce temple n'est réservé qu'au commandant des mercenaires. Logiquement, Warguere doit loger non loin du temple dans une tente. Le mercenaire roux s'allonge sur son lit et apporte un conseil :
- Prends des forces parce que demain, on doit lever le camp pour aller à la cité du roitelet. Et... inutile de t'échapper ou je serai très cruel envers mes prisonniers.
Le coeur de Link bondit à l'évocation de la cité royale mais son visage était tourmenté lorsque Niséro a menacé de s'en prendre à ses prisonniers si l'envie lui prenait de prendre le large. Il réfléchit à comment s'en débarrasser quand il aura des informations sur le trône royal. Il sort du temple sur injonction de Niséro qui y reste avec son bras droit.
Link ne sait pas où aller. Navi lui manque tellement ! Nul doute qu'elle aurait frémi à la vue des souffrances des victimes. Link aussi d'ailleurs. Il patauge dans le camp quelque temps avant d'être interpellé par un quatuor :
- Hé ! Le puceau ! Viens ici !
Le bruit a couru très vite parmi les mercenaires, pense Link. Il hésite mais les mines enjouées l'incitent à s'approcher prudemment. Il prend place sur un petit siège poussé par l'un des quatre mercenaires. Un des mercenaires qui l'a interpellé demande :
- Il paraît que tu es le nouveau chouchou de Niséro ?
Link opine prudemment. Des rires et des clins d'oeil fusent. Un soldat aux courtes oreilles s'amuse à lancer des dés. Un dé porte des couleurs différentes sur chaque face. Se méprenant sur les interrogations de Link, ce soldat explique :
- Ces couleurs sont des codes. Elles correspondent à des situations amusantes...
- Oui, approuve l'autre.
- Et d'ailleurs ces situations sont nos prisonniers et prisonnières... renchérit un Hylien.
- Tu vois cette face bleue ? Elle correspond à découper une main. Une verte, à fouetter jusqu'au sang...
Link pâlit de honte de côtoyer ces monstres. L'autre continue :
- En quelque sorte, nous sommes exonérés de tout reproche puisque c'est le destin qui décide. Donc, le jaune, la torture d'une femelle... Et le rouge...
Link, en ayant assez entendu, se lève et s'échappe parmi les tentes pourchassé par les rires du quatuor. Parvenant un peu plus loin des bourreaux, il souffle un peu en pensant : mais dans quelle situation me suis-je embarqué ainsi ?
Link utilise ses mains pour s'appuyer sur ses genoux. Puis, il s'étire et lève ses yeux pour admirer tristement la voûte étoilée. Il entend alors un gémissement venant d'une tente bleue. Intrigué par ces bruits, il décide d'en avoir le coeur net. Il se dirige donc dans la tente et y pénètre. Ce qu'il vient de voir l'indigne. La victime est laissée dans un état tel que la pudeur interdit de décrire. Il s'agit d'une jeune adolescente meurtrie. Elle gémit et pleure doucement. Elle est entremêlée dans des cordes qui la gênent atrocement. Link veut instantanément la délivrer. Une voix l'interrompt.
- Je te déconseillerais d'y toucher.
La voix provient d'un gars humain. Il porte des simples habits sans armure lourde, ni légère, ni cotte de mailles, en somme sans protection particulière. En revanche, il tient une lance rouge qui est le signe que ce gars a un statut particulier au sein de l'armée. Link apprendra plus tard que la couleur de la lance confère à cet humain une protection. Quiconque met la main sur lui sera puni. Son visage est longiligne et se veut aimable et poli. Il continue :
- Niséro a horreur qu'on vienne en aide à ses victimes personnelles.
Le Kokiri regarde d'abord la fille avant de se faire confirmer par son interlocuteur. Celui-ci continue :
- De toute façon, pour emmerder ceux qui ont osé aider ses victimes, Niséro fera torturer un groupe de vingt personnes prises au hasard. Alors, que choisis-tu ? De sacrifier un groupe pour cette fille ou de la sacrifier pour en sauver d'autres ?
Link se rend compte de la situation inextricable de son statut de héros. Il voudrait sauver cette fille mais ne peut pas se résoudre à abandonner les autres. D'ailleurs, il sait qu'il ne pourra rien faire s'il doit affronter une grosse meute de mercenaires pour délivrer une vingtaine d'éventuelles victimes. L'humain se présente :
- Je me nomme Longinus. J'ai été mandaté par Niséro pour te surveiller et t'empêcher si besoin est de t'échapper.". Et d'attendre un court moment sans réaction particulière de Link : "Entre nous, j'avais pour habitude de déserter les autres armées quand je sentais que leur chute surviendrait ou lorsque j'en avais besoin. Une anecdote : dans une armée de mercenaires, un chef de la guerre, dont j'ai oublié le nom, a libéré plusieurs personnes alors qu'habituellement il était vicieux. Vicieux, il l'était ! Il a libéré des victimes atteintes de choléra et les a envoyées à la mort. Curieuse libération !
Link ne dit rien.
- Enfin... Je ne suis en aucune façon lié à Niséro... Je suis indépendant moi ! Je te propose de te laisser t'échapper. Tu pourras partir du camp sans que j'en avertisse Niséro. Mais j'exige une compensation... J'aimerais avoir ton bouclier et ton épée.
Longinus sourit. Link s'interroge. Oui, cela pourrait être intéressant. La perspective de m'enfuir et de ne plus être enchaîné à cet ignoble Niséro m'enchante. Mais qui me dit qu'il ne me fera pas rechercher ? Dans ce cas, ma recherche de la cité royale deviendrait plus difficile. Mieux vaut attendre et accompagner Niséro vers la cité même si les cris des malheureux seront durs à supporter. Le Héros du Temps préfère décliner l'invitation de Longinus qui soupire. Cependant, Longinus lui répète qu'il pourra s'échapper quand il le voudra.
Un brouhaha fonce comme un nuage au milieu du camp. Link et son surveillant sortent. Ils remarquent un groupe de soldats agrippant un Hylien. En s'approchant, ils aperçoivent mieux la silhouette et le visage. Le Kokiri trouve que cet homme ressemble étrangement au marathonien errant sur la plaine d'Hyrule. Serait-ce un ancêtre du marathonien errant ? Des mercenaires, agrippant et molestant un peu le malheureux, l'emmènent au petit temple. Niséro et son bras droit en sortent. Le commandant des mercenaires porte une coupe de vin. Il exige des explications. Un sbire s'exclame :
- On l'a entrevu en train de détaler comme un lièvre !
- Il a essayé de délivrer une femme et un enfant !
- Mais il est con d'essayer de délivrer cette femme derrière quelques barreaux de bois ! Ha ! Ha ! Ha !
- Rapide mais analphabète comme une cervelle rouillée !
Un autre brouhaha s'approche également comme une poussière qui s'envole. On voit une femme aux couettes brunes et un enfant qui doit être son fils. Le visage de la femme a quelques bleus. Elle passe au milieu des malandrins, serrant la main du fils au regard silencieux. Elle veut se montrer digne. Link lui trouve en effet un air digne, semblable à celui de la princesse Zelda. Il l'admire. Le "marathonien" s'inquiète rapidement pour sa famille. Voyant son inquiétude, on ricane bruyamment. Niséro sourit férocement et se met devant le marathonien. Il prend la parole :
- Tu désires délivrer ta femelle et ton fils ?
Le marathonien bouge bruyamment la tête.
- Très bien ! Mais il faudra que tu t'en montres digne.
L'assemblée autour de Niséro, de la petite famille et de Link comprend. Les mercenaires lancent un vivat. Le bruit se propage et on abandonne jeux, victimes pour se presser autour de Niséro. Celui-ci claque des doigts dans un bruit particulier. Quelques malandrins s'écartent alors pour laisser place à un imposant Goron barbu violet. Ses regards sont vicieux et méchants. Il fait un large sourire. Il frotte ses grosses mains.
- Tu vois ce gros ? Il sera ton adversaire dans une course. Tu devras le battre. Ainsi, ta femelle et ton filiou seront libérés, tout comme tu auras la vie sauve.
Le pauvre marathonien hésite avant de prendre la parole : "Qu'est-ce qui me prouve que vous tiendrez parole ?"
Les narines de Niséro frémissent furieusement :
- Tu me prends pour qui ?! Je n'ai jamais l'habitude de parjurer ! Ne m'énerve pas avant que je ne change d'avis !
Le prisonnier accepte. Un gros tonnerre de cris fuse. Des paris commencent à s'engager. Des cris : "Je parie sur ce Goron !", "20 rubis en or sur le maigrelet !", "Dépêchez-vous ou la course va commencer !" Au train où les paris courent comme une traînée de poudre, on comprend qu'on mise énormément sur le Goron. On comprend qu'en cas de victoire du "maigrelet", la colère des perdants sera abominable. Link compte sur le charisme et la puissance de Niséro pour calmer les perdants éventuels.
La course aura lieu en dehors du camp, ou plutôt autour du camp et l'arrivée se fera au pied de l'entrée du temple. Les mercenaires se massent au seuil des murs fictifs du camp et on prend soin d'aménager l'arrivée en écartant les spectateurs. Niséro grimpe sur le toit du temple en compagnie de la femme, du garçon, de Warguere et bien sûr de Link. Seul Longinus reste en bas, sans se soucier de la compétition qui va suivre.
Le départ est indiqué au pied du temple. L'arrivée sera également au pied du temple. Interdiction est faite aux soldats de gêner sous peine d'effroyables tortures. Le marathonien a l'air frêle face au gros torse du Goron violet. Un silence s'installe. Le cri du roux donne le départ. Le maigrelet s'élance alors rapidement. Le Goron fait des petits échauffements, puis se met en boule. Des épines commencent à sortir. Le Goron violet roule alors très vite. Si Link pense qu'il arrivera difficilement à négocier le virage, il se trompe. Le Goron négocie parfaitement le virage à l'angle mort. Et il va drôlement vite !
Mais son adversaire ne se débrouille pas mal. Il court certes maladroitement mais on a l'impression qu'il fait corps avec l'air et la terre. On est émerveillé par la souplesse de sa vitesse. Rien à voir avec les marathoniens masqués et guerriers qui ont trucidé la fille du village de Haerf. Les coups de gueule des parieurs envers le Goron s'installent au fur et à mesure que le marathonien prend de plus en plus de distance avec son adversaire. Niséro siffle. Warguere persiste dans son mutisme. La femme et son fils restent silencieux. L'elfe aux habits verts note pourtant de la résignation dans les yeux de la femme aux couettes. Sait-elle que son mari court à la mort ? Link espère que non. Niséro l'a promis.
On observe aussi un net ralentissement au dernier virage. Où le marathonien veut-il en venir ? Sent-il que son adversaire est plus fort que lui ? En effet, ce Goron réduit de plus en plus la distance dans un accès de colère. Parvenu à l'angle du virage, le marathonien feint de glisser sans tomber. Le Goron dans un accès de meurtre se précipite tout droit vers le maigrelet. Le marathonien file soudain sous les exclamations bruyantes. Très surpris, le Goron freine inévitablement et instinctivement pour ne pas le laisser filer. Il freine mal et glisse sur les spectateurs. Le marathonien lance ses bras en signe de victoire. Mais l'autre ne démord pas et repart à l'assaut. Très humilié par sa défaite, il court vers le marathonien sans que le barbu roux ne songe à l'arrêter. Mieux, il boit une pinte de vin. Le pauvre homme regarde, pâle, le monstre arriver sur lui. Le Goron violet écrase son adversaire contre un mur du temple. Mort instantanée avec du sang sur le mur.
Niséro rigole bruyamment. Il déclare :
- Le nigaud !!! J'avais promis la vie à celui-ci et à sa famille ! Mais... mon fidèle Goron s'est laissé à l'instinct animal ! Ha ! Ha ! Ha !
Le sale hypocrite ! pense Link. Il commence à éprouver un sentiment qu'on appelle de la petite haine. Niséro lâche la coupe par terre tandis que ceux qui ont misé sur le Goron violet argumentent que la mort du vainqueur annule les paris. Chacun trouve son compte dans l'annulation des paris. Quant à la femme et à son fils, ils baissent la tête. Le fils ne dit rien, il se contente d'être silencieux et indifférent aux bruits qui l'entourent. Niséro continue :
- Bon. C'est pas tout. Ce nigaud a perdu. Qu'on mette donc cette femme dans mon lit. L'enfant servira de souffre-douleur.
Soudain, le bras droit du chef roux intervient :
- Pourquoi ces décisions ? Libérons plutôt la femme et son fils. La femme pour survivre deviendra une prostituée et son fils un futur délinquant.
Niséro le regarde silencieux puis rigole : "Que tu es formidable ! Oui ça me plaît bien ! Leur vie, au lieu d'être raccourcie, deviendra un enfer !" D'un signe, il ordonne de les libérer et de les emmener loin du camp, à l'ouest du futur Lac Hylia. Chacun sait qu'on ne doit jamais discuter les décisions de Niséro. On connaît ses colères terribles. Link se méprend sur Warguere : il n'a pas influencé Niséro pour sauver la vie des prisonniers mais pour prouver aux mercenaires qu'il sait influencer efficacement le barbu roux. Et il est très jaloux et secrètement haineux envers son chef. On commence à descendre du toit. La femme et l'enfant sont emmenés ailleurs sans provision, ni argent.
Link s'écarte un peu du camp pour dormir amèrement. Longinus le suit bien évidemment. Link commence à désespérer du monde d'Hyrule qui l'entoure.
Un vieux bonhomme hylien vient de s'écrouler. Il est épuisé. Il avait une chaîne en fer autour de son cou. Il marchait depuis quelques heures et vaincu par la vieillesse de son corps, il tombe par terre. En tombant, il a failli accompagner dans la mort deux autres personnes liées par le cou. Mais en prévoyant l'agonie proche du vieillard, ces deux personnes prennent des précautions en tenant la chaîne qui enserre leur cou. Le corps est à présent inanimé ce qui provoque le net ralentissement de la file des prisonniers puis son arrêt forcé.
Arrive un moment après un cavalier qui descend de sa monture. Il dégaine son épée tranchante. Mû par la colère et la violence, il tranche net la tête du corps afin qu'il n'ait pas à se fatiguer à déverrouiller la chaîne en fer. Deux autres compagnons, des Zoras, le rejoignent. Ramassant la tête et le corps, ils les jettent ailleurs. Le cavalier râle : "Mais qu'est-ce qu'ils ont à crever bêtement ?! La nourriture ne leur suffit donc pas !?"
Link, sur son cheval, grimace d'indignation. On ne respecte plus rien à cette époque. Finalement, préférant sombrer prudemment dans son mutisme, il se force à regarder tout droit sans voir. Mais quelque chose le dépasse et le force à regarder. A regret. En effet, un autre corps. Celui en miettes du "marathonien" est tiré par les pieds. Ceux-ci sont attachés à la queue d'un cheval. Tiré ainsi, le corps est de plus en plus déchiré inutilement. Assis sur sa jument, un cavalier humain chante des obscénités et une chanson à la gloire de Niséro. Il porte une pinte de bière qu'il boit en chevauchant. Link détourne rapidement la tête en se disant : je suis vraiment inutile... Tout ce que j'avais fait pour délivrer Hyrule des griffes de Ganondorf ne sert plus à rien maintenant ! Je suis conscient que je ne pourrai rien faire pour tous ces malheureux mais ce serait me faire tuer inutilement si j'ose leur porter secours... J'espère cependant que ma mission aura servi à quelque chose dans mon présent, chez moi. Oui... Il le faut...
S'il avait regardé attentivement, Link aurait remarqué d'autres mercenaires. Ces soldats-là d'origines diverses ne sont ni des sadiques, ni de cruels détenteurs de la guerre. Ils font certes la guerre. Ils sont certes au service de Niséro. Ils n'ont pas d'autre choix que de survivre dans une armée de malandrins en attendant de pouvoir s'en aller et fonder réellement un foyer. Mais ces soldats sont minoritaires au regard du nombre des malandrins qui règnent dans l'armée de Niséro. Ce sont pourtant d'excellents soldats et la plupart proviennent de troupes d'élite dispersées d'Hyrule. Cela explique en partie pourquoi Niséro a intérêt à les ménager en se montrant moins intraitable à l'égard des victimes. Cela explique aussi pourquoi il avait accepté la requête de Warguere concernant la femme du marathonien et son fils. Ces soldats ne sont pas dupes de la duplicité de Niséro. Ils attendent pourtant le moment propice pour "démissionner". Donc, ces mercenaires-là ne rejoignent pas le choeur des cruautés d'autres soldats. Ils se contentent d'être indifférents aux malheurs des victimes. Ils sont un peu égoïstes dans le fond.
Evidemment, derrière Link, chevauche Longinus armé de la fameuse lance rouge. Il semble indifférent à tout ce qui l'entoure. Il ne dit mot mais surveille de près les agissements du guerrier à la tunique noire.
Puis, petit à petit, on quitte le territoire du Lac Hylia pour déboucher sur la plaine d'Hyrule. Le coeur battant, Link connaît très bien le profil du sol et son environnement. Il note deux choses : la plaine est bien plus dense que dans son présent (donc les bois perdus et le village des Kokiris ne devraient pas être grands ; peut-être que l'Arbre Mojo n'est pas encore en pleine croissance...). D'autre part, il n'y a pas de trace de ranch de Malon. Cela produit sur notre ami une impression bizarre. Il sait qu'il évolue dans un environnement familier mais qui n'est pas le sien. C'est comme s'il avait évolué dans une sorte de Termina où il reconnaît les silhouettes de la Malon du ranch Romani, mais que ce n'est pas la même personne que dans Hyrule. De plus, la colline sur laquelle sera construit plus tard le ranch est plus dense. Link n'a pas encore vu les murs de la cité de son amie la princesse Zelda. Il veut vraiment savoir. Il est un peu frustré lorsqu'on décide de dresser un autre camp, juste entre le futur ranch et les futurs contours de la forêt Kokiri. Une heure de préparatifs terminée, Niséro décide de prendre son bras droit, Longinus, Link et un porte-fanion. On quitte le camp pour se porter au devant de la cité royale. Devant la cité doit se trouver le camp d'un autre mercenaire dénommé Angiflar. Remontant la colline, Link ouvre ses yeux d'étonnement.
La cité royale qui s'ouvre à l'horizon n'est pas la même que celle du présent de Zelda. La cité a plus des allures de forteresse perchée que de cité paisible. Ses murs font le double de celle du temps de notre ami. Des gros rochers tranchants bloquent les murs. Les douves sont évidemment présentes. Plus loin, et grâce aux yeux d'elfe, le Héros du Temps peut constater la présence d'un château beaucoup plus militaire et plus haut que chez Zelda. Le château est bâti en couleur ocre. Il remarque aussi la présence d'une énorme bulle qui entoure la cité. C'est la même que dans le village de Haerf. Il comprend que des Sheikahs doivent y être, aidant les habitants à résister aux mercenaires. Entre le futur ranch et les murs, un grand camp est dressé avec ses tentes, ses catapultes et scorpions, ses chariots. D'innombrables soldats s'attellent à la lourde tâche : soutenir un siège.
En descendant la pente, le groupe de Niséro se porte à la rencontre de l'autre groupe constitué de quatre personnes. Le chef a un visage pâle, des cheveux humides, une bouche sensuelle, des sourcils noirs et froncés. Ses habits sont à la fois noirs et violets. L'un de ses bras droits est goron et porte une barbe rouge inhabituelle. L'autre est un Zora habillé d'une longue cape bleue, d'une épée mince et de fausses moustaches portées vers le haut. Il semble dépoussiérer toujours ses habits. Enfin, le dernier porte un fanion violet et rouge.
La rencontre se fait entre le camp et le "ranch" car cela doit revêtir un rendez-vous neutre. Link assiste aux salutations entre chefs teintées de politesse hypocrite. Il apprend par la même occasion que le chef se prénomme Angiflar et les deux autres, Dorunia dit "Aenobarbus" et Pululu. Après un moment de conversation polie, on en vient à l'essentiel.
- Je suppose que nous devrons quand même aller causer à... l'autre commandant", demande prudemment Niséro.
La voix d'Angiflar se fait plus sèche :
- Oui.
Mais il désigne Link.
- Que fait-il là ? Est-il ton second ?
- En quelque sorte...", répond le chauve et barbu roux. Et tout bas, ricanant : "C'est un puceau... je m'amuse dessus".
Angiflar ne dit rien mais ne semble pas avoir envie d'avoir à ses pattes un gringalet qui ternirait la prochaine rencontre. Warguere adopte un compromis : Link sera envoyé un peu en espion et sera surveillé par Longinus. Le chemin que Link doit prendre n'a qu'une issue fermée, donc il doit rebrousser chemin, au retour où doit l'attendre Longinus. Ainsi, Niséro l'aura en quelque sorte à ses côtés tout en l'écartant du ténébreux Angiflar. On accepte à contrecoeur car le maître du camp semble être pressé.
On franchit le petit fleuve. Juste en bas des escaliers, on intime à Link de prendre un petit chemin. En le traversant, le Kokiri n'aura qu'à assister à la rencontre au village Cocorico sans être vu. Link y pénètre prudemment en remarquant que ce chemin sera bouché car il n'en avait jamais vu auparavant dans son présent. Parallèlement au cheminement, le groupe restreint de Niséro et d'Angiflar avec leur bras droit respectif gravit l'escalier archaïque menant vers Cocorico. Grimpant et finissant par franchir le chemin bordé de falaises, Link parvient enfin en vue de Cocorico. Il se tient à plat ventre afin de ne pas être repéré comme l'impose Angiflar. Il voit que Cocorico n'existe pas encore car il n'y a pas de maisons. Il sait maintenant que le nom "Village Cocorico" existe à l'époque du Grand Chaos. Peut-être, un village réservé aux cocottes avant de devenir un refuge pour Sheikahs. En tous cas, nulle présence d'autres escaliers, de porte verrouillée menant au Mont du Péril, rien qu'une vallée occupée par un autre camp. Seule la petite tour en bois est toujours présente comme au "bon vieux temps", sourit Link. Il s'assombrit en s'apercevant que le camp de Cocorico n'a rien à envier à ceux de Niséro et d'Angiflar car il a vu des corps pendus. Il serre ses poings un peu rageusement. Il est soudain intrigué par un cheval noir et son cavalier.
Impossible. Non.
Le cavalier lève un bras en guise d'orgueilleux salut : "Que les déesses vous saluent". Salut auquel répondent les deux chefs mercenaires.
Il est grand et imposant. Il porte une armure noire, une cape rouge. Il a le nez très aquilin et gros, le menton viril, les oreilles courtes, de gros sourcils, un regard perçant et brutal, les cheveux ras. Il adopte une attitude qui ne fait plus de doute pour Link.
Ganondorf, le seigneur du Malin !
A une différence très notable que ses cheveux et ses sourcils ne sont pas... roux mais marron ! Link est vraiment sûr qu'il s'agit du même démon qu'il a vaincu. Il le sait car il a reconnu sa voix et son attitude orgueilleuse. Le sang de Link remonte doucement et devient bouillant. "Ganondorf... Si tout le malheur tombé sur l'Hyrule est à cause de ce seigneur du désert... Lui qui m'a indirectement envoyé dans le passé... Lui qui est la cause de tous ces malheurs que j'ai vécus et vus... L'envie me prend de mettre fin aux jours de ce démon..."
Link dégaine son arc et une flèche. Il jure de l'éliminer. En pensant à ce meurtre qu'il va commettre, un fragment de Triforce brille d'une rougeur intense. Elle brille très fortement. Il s'agit du dernier avertissement. S'il passe outre, notre héros trépassera... Il n'en a cure et tend ses bras. A genoux, il vise Ganondorf...
Temps de Link
Les brumes s'élèvent enfin laissant entrevoir quelques îles. Ces îles n'intéressent pas la personne qui est assise sur une tortue sacrée, de la même race que celle qui avait été retrouvée morte sur les plages de l'île natale de Sagatt. Le soleil commence à percer les brumes de l'aube. Il est cependant concurrencé par la présence haineuse de l'oeil géant. La tortue nage comme un dieu, avalant les distances qui restent à parcourir pour atteindre l'île sacrée des Sheikahs. L'île où viennent méditer les Sheikahs. Et pourtant, l'île n'a plus lieu d'être puisque la dernière représentante des Sheikahs, Impa, est morte voici quelques jours. Cela, une personne ne le sait pas.
La reine Zelda est assise sur la tortue.
Alors que Link était parti depuis un jour dans le passé, ses amis vaquaient à diverses occupations, mais à vrai dire ils préféraient se contenter d'attendre le retour du héros. Rafaeli était resté avec les autres, Nuténa étant déjà rentrée chez elle. Elle avait cependant promis de revenir au château. Navi se rongeait les ongles, ou plutôt les ailes, très inquiète pour son ami Link. Parfois, Zelda était avec Navi, ou Sagatt avec la fée. Billo recherchait activement la moindre présence de la trace du trône dans les archives. Il espérait trouver un indice au cas où Link échouerait...
La reine était restée enfermée chez elle, conformément au rituel du deuil qui interdit à tout sujet de rencontrer le nouveau roi ou la nouvelle reine durant une période déterminée. Elle méditait sur les dangers pesant sur Hyrule et savait que rien n'était comparable avec la terrible menace de Ganondorf, de là où il était apparemment emprisonné. Mais était-il vraiment emprisonné dans les spirales de l'espace-temps ? Et s'il s'était échappé ? Elle s'inquiétait de plus en plus pour Impa. Elle était sûre que sa nourrice n'aurait pas manqué de venir à son aide car elle aurait vu la présence du fameux oeil. Elle savait aussi qu'Impa restait parfois pendant longtemps sur l'île sacrée. Les devoirs des Sheikahs sont plus sacrés que les préoccupations d'un habitant d'Hyrule. Enfin, Zelda avait appris qu'une partie d'Hyrule commençait à être inondée à cause des conséquences du réchauffement de l'iceberg géant provoqué par le mystérieux oeil.
Puis, parvint enfin le signal du médaillon qui orne la poitrine de la reine. Le signal signifie l'appel d'Impa. Elle savait que sa nourrice voulait la voir tout de suite. Prévoyant les fortes réticences de Billo, du chambellan et des autres personnes du château, la reine décida de s'enfuir incognito de sa demeure. A la faveur bénie de la nuit sans lune, Zelda s'était échappée du château à l'aide de ses dons de magie. Elle espérait qu'on s'apercevrait de son absence que très tardivement. Et aussi qu'elle serait de retour avec Impa le plus vite possible. Sinon, une meute se mettrait à sa recherche. Ayant parcouru les distances, la reine avait appelé la tortue géante pour se faire transporter.
L'île est enfin en vue. Elle la reconnaît pour l'avoir visitée toute petite en compagnie d'Impa. D'ailleurs, le médaillon a pour particularité de signaler la présence de la Sheikah en un endroit précis. L'ancienne princesse est vêtue en Sheikah. Comme dans le futur parallèle, elle s'est en effet travestie en guerrier Sheikah. A la différence près qu'elle n'a pas besoin de se couvrir le visage. Elle a donc toujours ses vêtements violets, la marque rouge de l'oeil trônant sur la poitrine. Ses cheveux d'or sont ondoyés par le vent océanique. Elle s'occupe de remettre quelques mèches derrière ses oreilles hyliennes. Elle se met debout et attend l'accostage.
L'aube est désormais terminée. Elle descend de l'animal qu'elle remercie. Elle hume la saveur du vent qu'elle aime beaucoup. Puis, elle parcourt du regard les alentours afin de scruter la moindre présence de sa deuxième mère. Elle sait que le médaillon est un des symboles du danger qui court sur Impa ou elle. Elle parcourt la plage. Des crabes pondent toujours des oeufs. Des sauterelles dévorent toujours des limaces vertes. Ne trouvant point Impa, elle commence à faire le tour de l'île. Le médaillon l'aide dans sa quête, agissant comme une sorte d'aimant.
Elle grimpe quelques rochers. Les vagues combattent les fières pierres. Elle écarte quelques rares buissons, de plus en plus inquiète. Et si sa nourrice se trouvait prisonnière sur l'île ? Cela expliquerait pourquoi Impa avait arraché son médaillon. En effet, le fait d'arracher le bijou indique au destinataire un appel. Afin de ne pas faire d'erreurs d' "appel" en arrachant involontairement le médaillon, l'appel met un certain temps à parvenir à son destinataire. Zelda sait donc qu'elle a reçu son appel plusieurs temps après le geste d'Impa. L' "aimant" se fait de plus en plus pressant. Intriguée, elle s'approche du lieu de la présence du médaillon qui se situe parmi des rochers qui ne peuvent pas cacher une personne, ni même le bijou au cas où l'ennemi le trouverait.
Elle s'approche alors de plus près pour en avoir le coeur net. Et... elle est prise d'horreur en mettant ses mains sur sa tendre bouche, les yeux écarquillés.
Le médaillon se trouve bien sûr parmi les rochers mais en compagnie... des restes osseux, dont un crâne très abîmé. La reine baisse les bras : découragement subit et début du désespoir. Elle reconnaît instinctivement sa nourrice bien-aimée Impa parmi les os. Elle en est sûre. Elle tombe brutalement à genoux. Se traînant à quatre pattes puis s'asseyant sur ses jambes, Zelda approche sa main tremblante vers le crâne. Aucun doute, il s'agit d'Impa. La certitude s'installant dans sa tête, Zelda sanglote brutalement. S'ensuit alors une pluie sur les os et surtout le crâne.
Pourquoi ? Pourquoi ? Et pourquoi ce médaillon est toujours avec Impa ???
Elle se calme. Elle peine à sécher ses larmes. Elle se ressaisit en tentant de devenir la sage, la détentrice du fragment de la sagesse. Elle réfléchit rapidement en mettant ses doigts sur les tempes de sa cervelle. Elle pense que l'ennemi s'est aperçu de la présence du médaillon. Comprenant son danger, l'ennemi avait sans doute ramassé le bijou pour le remettre en place parmi les os. A en juger par la poussière des os régnant depuis des jours et par le médaillon non souillé par la poussière, Zelda comprend que l'ennemi a activé exprès le médaillon afin de l'amener sur l'île. Elle ne comprend pas alors comment l'ennemi peut connaître les dons des deux médaillons. Seuls ses parents, elle et sa nourrice en connaissent l'existence et les dons. Cela implique que l'ennemi soit un proche d'Impa, de ses parents... Elle sait pourtant que sa nourrice n'a pas d'autres amis à part des Sheikahs déjà décédés sans descendance. Elle n'aurait d'ailleurs jamais mentionné les pouvoirs du médaillon aux Sheikahs. Les parents non plus n'en auraient jamais parlé. Mais alors qui connaît l'existence des médaillons ? Et si.... Ganondorf en connaissait l'existence ? Impossible... à moins qu'il n'ait alors le pouvoir de double vue qui permet d'espionner tout Hyrule... Elle frémit... Elle se rend compte en effet que les pouvoirs du seigneur du désert deviennent de plus en plus puissants et de plus en plus démoniaques. Elle sait cependant que ça pourrait être l'oeuvre d'un autre ennemi plus dangereux et plus puissant que Ganondorf.
Pour le moment, elle pleure encore avant d'agir. Soudain des bruits de pas s'approchent des oreilles de la reine, une ombre s'étend sur la jeune femme. Une voix dit : "Princesse... ou reine Zelda..."
Zelda s'exclame doucement : "Vous..."
Quelque part chez Pandore
L'astre solaire trône orgueilleusement au-dessus des montagnes couvertes de sapins. Il réchauffe pourtant le coeur froid des habitants de ces contrées sauvages. Il y a peu d'habitants dans ce pays, qui ne comporte au mieux qu'une dizaine de chalets en bois ou en briques. Rien de plus. Rien de plus si ce n'est un chalet en marbre jaune et blanc vieilli, un peu caché par d'imposants vieux sapins. La façade du chalet ne comporte qu'une unique entrée en forme d'escalier à l'intérieur de l'entrée. Un décor en forme de guirlande et de raisins, symbole de la joie et de la chaleur face au froid des hautes altitudes, donne le ton. Au-dessus de l'entrée, une terrasse, petite par sa largeur mais grande par sa longueur, ouvre largement sur une grande salle unique.
Cette salle n'a point de cheminée comme le veut l'usage dans les habitations. Qui est l'architecte assez fou pour négliger l'usage de la cheminée ? On peut en effet grelotter (quel doux euphémisme !) pendant l'hiver. De plus, la cheminée n'étant pas construite, il n'y a pas de trou dans le toit par lequel peut s'évacuer la fumée d'un feu. Heureusement, il existe une petite salle protégée par de grands murs. Ces murs permettent de réchauffer la salle, tout comme d'atténuer les souffrances de la chaleur estivale. En fait, il n'y a pas d'uniques murs mais des doubles murs. Entendez par là que des murs ont été ajoutés et apposés sur d'anciens murs existants.
Dans cette salle, une bougie vacille, protégée par une boule en verre pour empêcher la fumée d'enlaidir la salle. Un lit simple, une table simple, un tabouret simple. On n'aurait pas soupçonné l'existence d'une riche personne dans ce chalet, à moins évidemment que ce riche ne soit modeste dans son orgueil. Une femme à la poitrine généreuse portée par un corsage. Elle porte toujours sa longue robe blanche barrée par une ceinture rouge et des sandales marron. Ses cheveux se promènent le long de son dos et tombent jusqu'à la couverture du lit. Si elle s'était relevée, ses cheveux seraient tombés jusqu'à ses fesses. Il s'agit de la redoutable et "succube" Pandore. Celle-là même qui avait affronté Sagatt à la dernière guerre, il y a une dizaine d'années. Elle était également la complice du savant, le créateur des deux créatures maléfiques qui répandaient la terreur dans une partie d'Hyrule. Elle est assise sur le lit, pensive, complotant contre les desseins de Sa Majesté Zelda et de ses amis.
Elle se lève. Elle pense à ses anciennes années de jeune guérisseuse, de manipulatrice. Elle se remémore avec plaisir son emprise sur des mâles et des femelles. Mais elle sait qu'une seule personne reste sourde à son emprise : Sagatt. Elle ne se voulait pas la complice du savant mais sa maîtresse, en lui laissant croire qu'elle n'était que sa complice. Elle rigole doucement. Elle sait également qu'elle ne pourra jamais mettre Zelda et Link sous sa coupe. Elle le sait grâce à certaines informations secrètes par des procédés secrets mais très simples à utiliser. Elle se garde donc de s'en prendre aux enfants. "Je préfère plutôt jouer à l'araignée avec mes proies." Elle esquisse un sourire. Surtout qu'elle est partie préparer un projet secondaire mais très utile. Et elle a réussi à mener à bien ce projet. Elle est bien contente de son voyage dans un endroit parfaitement inaccessible aux habitants d'Hyrule, à part certaines personnes bien entendu...
Elle se souvient aussi des paroles de la vieille voyante. C'était dans son village au moment où elle venait d'avoir une vingtaine d'années. Elle était jugée par les mâles du village comme la fille la plus belle et la plus sexy. Elle s'était amusée en dressant des garçons plus jeunes ou plus vieux. Des vieilles dames ou des jeunes filles jalouses la surnommaient "La Succube". Succube parce qu'elle aimait forniquer avec n'importe qui, pourvu qu'elle y trouve son intérêt et les moyens d'affirmer sa puissance. Au fil des années cependant, elle veillait à moins forniquer pour attirer les garçons frustrés se xuellement ou des obsédés. Bien des partenaires sortirent amers de leur état de sujétion face à cette femme. Elle n'hésitait pas à assassiner secrètement des personnes qui tentaient de se détourner d'elle ou de comploter contre elle. Au moment donc de ses vingt ans, alors qu'elle était une sorte de reine arrogante du village, une vieille voyante de passage lui avait lancé une prophétie :
"Vous régnerez encore des années. Vous serez plus proche des rois mais vous n'égalerez jamais les déesses parce que vous serez détruite atrocement par le Héros."
A l'époque, elle avait traité les prophéties avec mépris et ricanement. La prophétie la flatte parce qu'elle correspond un peu à la situation actuelle. Elle y repense de plus en plus et devient plus prudente lorsqu'elle agit. Elle commence à croire aux paroles de la vieille. Le héros ? De qui peut-il s'agir sinon de Link, le Héros du Temps ? Elle sait, d'après des sources, que Link a voyagé dans le temps pour vaincre le démon Ganondorf. A cette occasion, Link a été surnommé "Héros du Temps". Elle en est sûre : il ne peut s'agir que de Link, celui même qui la tuerait.
Soudain Jacsus et Maskus, deux complices maladroits et naïfs de Pandore, pénètrent dans la petite salle. Ils s'agitent en lui apprenant qu'un grand Hylien aux cheveux blancs est dehors. A juger par leur mine effrayée, Pandore comprend que cet Hylien n'est pas n'importe qui. Elle retraverse alors la grande salle pour se heurter au phénomène saisissant.
Le phénomène est un énorme aigle immaculé et blanc. Ses plumes irradient la lumière dans sa pureté. L'aigle a le regard totalement vide et neutre comme si tout ce bruit ne le concernait pas. Ses ailes papillonnent gracieusement comme ne le ferait aucun animal ailé. Sur son dos se tient debout un grand et jeune Intouchable : Rafaeli. Il se tient les bras croisés, le regard perçant, la mine sereine mais ferme. Il a l'air en colère. Il s'annonce :
- Veuillez permettre que je me présente. Je suis Rafaeli de l'élite des Intouchables. Inutile de vous présenter qui sont les Intouchables. Vous les connaissez déjà grâce à vos propres sources. Pandore !
Pandore ne dit rien mais bouillonne intérieurement de colère. Comment ce Rafaeli peut-il connaître son repaire et son nom ? Rafaeli... l'un de ses adversaires les plus ardus à combattre et à détruire... Elle l'avait oublié : Rafaeli est bien la quatrième personne qui résisterait à ses attaques de séduction. Elle se contente de l'observer, les sourcils menaçants. Rafaeli continue :
- Je n'ai rien dit à personne, pas même à Sagatt, de vos manoeuvres. Bien que j'aide mes nouveaux amis pour protéger mon nouveau pays Hyrule, je n'interviendrai nullement contre vous. Mais je tiens à vous avertir. Si vous continuez à comploter, vous vous trouverez face à moi. Et je n'hésiterai pas à vous mettre hors d'état de nuire. Je connais parfaitement votre projet. Mes pouvoirs d'Intouchable me l'affirment.
Il ordonne alors un demi-tour à son aigle immaculé (qui est en réalité son épée blanche pouvant se transformer à volonté.) Avant de quitter les parages, Rafaeli se tourne vers Pandore et lui sourit :
- Et la vie se xuelle ne m'intéresse pas. Nuténa me suffit.
Il quitte enfin les montagnes.
Pandore lui lance silencieusement un sale juron. "Très bien ! Tu te mets en route contre moi ? Dans ce cas, je changerai mon plan d'attaque : je ne bougerai point de mon repaire. En revanche, je préfère attendre les événements propices à te détruire. Car quelque chose me dit qu'un autre Ganondorf est à l'oeuvre et est bien plus puissant que l'ancien Ganondorf..."
Elle sourit méchamment.
Passé (période du Grand Chaos)
Il ne lâche pas des yeux son adversaire. Son ennemi juré. Ses yeux pétillent de détermination. Ses bras tremblent à peine, la flèche n'attend plus que l'ordre pour mettre fin aux paisibles jours de l'ennemi. Il vise... Ganondorf, celui qui est à cheval.
Link a soudain une pensée pour Zelda. Il se demande tout à coup si la princesse Zelda l'approuverait. Plus il met de temps à tirer, plus il doute des bien-fondés de son futur meurtre. Certes, Ganondorf est l'ennemi par qui les malheurs d'Hyrule sont arrivés. Mais justifie-t-il autant la mort ? Surtout si ce n'est pas le même Ganondorf. En effet, Link a aperçu une anomalie : au lieu d'avoir des cheveux roux, Ganondorf a des cheveux bruns. Fréquentant son amie Zelda depuis longtemps, Link sait que l'ancienne princesse n'aurait pas apprécié sa façon de concevoir un assassinat. Un assassinat qui peut bouleverser totalement la destinée d'Hyrule, puisque Ganondorf mort (si c'est le même...), la destinée du Héros du Temps n'a plus lieu d'être. Dans ce cas, il mourrait. Link secoue la tête et se risque à tout. Il retend les cordes de l'arc, prêt à tirer. Mais une réflexion interrompt rapidement la musculation de l'arc.
Je me demande si Ganondorf est vraiment derrière l'oeil géant, le monstre qui fait fondre l'iceberg géant et indirectement inonder tout Hyrule... Si ce n'est pas Ganondorf, alors qui peut être l'instigateur des nouveaux malheurs ? Zelda n'a-t-elle pas dit un jour : "Il vaut toujours mieux connaître la vérité plutôt que de lui échapper" ? Et si Ganondorf s'était échappé de la prison et avait choisi comme période le passé afin de titiller le temps, symbole du statut de Link ? Et si l'ennemi n'était qu'un ancêtre du seigneur du malin ? Comment savoir ? Il faut que je me dépêche de décider sinon les chances de réussite diminueront au fil des minutes et ce sera l'échec. La curiosité sort vainqueur du combat contre le dégoût : Link renonce à viser le cavalier et range ses armes. Il entend alors commencer les préliminaires à Cocorico.
Répondant aux saluts du cavalier, Angiflar s'exclame ironiquement :
- Je te remercie de ton salut, mais ne penses-tu pas que je ne peux pas parler à tes cuisses ?
Un mince ricanement se fait à peine entendre : Dorunia Aenobarbus.
Ganondorf, sans mot dire, descend de son cheval et toise le groupe :
- Mais je te reconnais ! Niséro ! Tiens... Tiens.... Tes femelles Gerudos t'auraient cocufié pour que tu quittes ton royaume ? Pauvre Gerudo !
Une grimace haineuse : Niséro. Il n'apprécie pas du tout qu'on lui rappelle la faiblesse de sa virilité au milieu des guerrières Gerudos. C'est l'une des raisons pour lesquelles il aime torturer des femmes car elles lui rappellent les Gerudos.
Link est abasourdi. Niséro est-il vraiment un Gerudo ? Nabooru, la sage de l'esprit, ne lui avait-elle pas dit qu'un mâle Gerudo ne nait que tous les cent ans (ou mille ans, il ne s'en souvient plus) ? Dans ce cas, Ganondorf n'est pas vraiment un Gerudo mais un usurpateur qui a régné sur les Gerudos. Cela expliquerait pourquoi Nabooru s'était méfiée de Ganondorf : en réalité, elle ne le considérait pas vraiment comme un Gerudo. A moins que le vrai Ganon ne soit né à l'époque de Link... Cela devient trop compliqué...
Ganondorf poursuit :
- Mon cher Angiflar... Voilà un bout de temps qu'on ne s'était vu... Surtout quand tu n'étais qu'un palefrenier aimant plus les juments que les femmes...
Ganondorf avait élevé la voix exprès pour que son camp l'entende. Peine exaucée : on rit bruyamment. Angiflar croise les bras et le regarde droit dans les yeux :
- Tiens ? Ne te rappelles-tu pas que notre vieillard de maître t'avais déculotté après avoir découvert que tu couchais avec sa fille ? Je ne crois pas que ton humiliation soit la moindre des choses...
Ganondorf avait oublié la riposte cruelle d'Angiflar. Son orgueil l'a mené trop loin. Il n'aurait pas dû évoquer l'ancienne fonction d'Angiflar. Puis, il repart sur des choses sérieuses :
- J'ai reçu ton message me demandant de te laisser tranquille pendant le siège de la cité royale... J'ai réfléchi. Je veux bien... Mais regarde plutôt en haut.
Le doigt est pointé sur la tour en bois. A son sommet, deux soldats et un humain malmené criant pitoyablement. A l'évidence, cet humain ne veut pas faire le grand saut. Angiflar se racle la gorge. Il sait que le malheureux humain était l'un de ses espions chargés d'informer son maître. Son nez crache deux bouffées d'air. Le bras se baisse, les deux soldats poussent l'espion dans le vide. Bien sûr, en tombant au sol, il ne sera que blessé, mais des mercenaires se chargeront de le lyncher. Ce qu'ils font cruellement et à coeur joie. Le "faux" Gerudo prend un malin plaisir à assister à la déconfiture de son rival. Niséro ne dit rien. Il se contente de se gratter sa barbe. En son for intérieur, il jure pourtant de torturer ce Ganondorf. Les plans d'Angiflar sont démontés. Le mercenaire commence à être humilié et il déteste sa situation. Ganon décide de l'achever :
- Ce n'est pas tout. Laissons tomber ce misérable insecte. Je viens vous annoncer une merveilleuse nouvelle : j'ai pris contact avec Aghanim, chambellan de Sa Majesté.
Il laisse tomber le silence afin de scruter la réaction. Prières exaucées : incrédulité parmi le groupe, surtout Angiflar. Celui-ci a les yeux exorbités, la bouche tremblante. Il se ressaisit assez vite et reprend son stoïcisme. Link a entendu parler du fameux Aghanim, le sorcier responsable du Grand Chaos. Il sait aussi que ce sorcier mourrait avant de laisser place aux mercenaires. Or, Ganondorf prétend avoir pris contact avec Aghanim. Peut-être qu'Aghanim venait de mourir ? Son intuition touche juste.
- Angiflar... Tu ne prendras plus jamais contact avec Aghanim... Je l'ai assassiné... (réaction désappointée d'Angiflar plus que jamais haineux envers son rival). En fait, il a été le premier à me contacter. Il voulait me parler de la fameuse Triforce !
- Cette vieille légende merdeuse !?, rigole Angiflar. Ne me dis pas que tu as cédé aux sirènes de cette légende ?! Laisse-moi te dire que la Triforce n'est qu'une histoire à endormir les gosses !
- Je n'en suis pas sûr... Sinon pourquoi Aghanim aurait pris la place de chambellan ?
Un petit doute parcourt Angiflar. La Triforce n'intéresse pas Niséro ce qui semble énerver Warguere. Warguere aurait aimé en savoir plus sur la Triforce, l'essence divine. Le mercenaire aux longs cheveux noirs dit :
- Peu importe... Lorsque j'aurai pris le trône, ma renommée s'en trouvera grandie...
- Peuh ! Ta renommée tombera en poussière lorsque j'aurai la Triforce. Je sais où elle se trouve...
Link est étonné. Sait-il où se trouve la Triforce ? Normalement, le trésor divin doit être caché au Temple du Temps. Mais après tout, la cachette n'est pas la même qu'à son époque. Peut-être que Ganondorf ment pour ridiculiser son rival direct. Ganondorf semble en avoir fini avec le groupe rival :
- Faites ce que vous voulez. Je n'interviendrai pas dans vos affaires, mais sachez une chose : j'ai horreur qu'on vienne m'espionner. Et un châtiment cruel s'abattra sur les espions. Angiflar, je suis désolé pour toi mais je partirai à la rencontre d'une nouvelle destinée. Une dernière chose : j'ai fait répandre innocemment le bruit que tu m'as mal espionné. Ta réputation en prend un coup, non ?
Les yeux de son rival se brouillent d'un amas de feux de haine. Il tente de rester serein mais il sait désormais qu'il vient d'être humilié durement. Le porc a osé humilier le puissant Angiflar... Il le paiera très très cher... Il dit encore une dernière fois :
- Sache aussi insolent, que lorsque je m'emparerai du trône royal, j'irai vers l'ouest, non loin du désert afin de ne point voir ta sale gueule avant que je ne te retrouve... (Niséro est de son avis).
Son rival ricane doucement. On décide d'arrêter les fausses négociations et de se quitter, sans le moindre degré de politesse. Link décide aussi de se dépêcher de quitter les parages s'il ne veut pas qu'Angiflar apprenne qu'il a assisté aux "négociations". Il quitte précipitamment les lieux et rejoint Longinus qui était en bas du village Cocorico. Mais il sait à présent quel chemin prendra Angiflar après avoir volé le trône royal et il est heureux d'avoir l'information. Il a hâte de quitter le passé et d'apporter l'information à ses amis. Le groupe des deux chefs descend doucement. Angiflar est humilié et décidé à prendre de force la cité royale quitte à faire des sacrifices. Il veut en effet que la cité soit prise rapidement pour répandre l'étonnement et la terreur dans tout Hyrule. Il se promet de laisser échapper exprès quelques prisonniers après l'éventuelle prise de la cité. Ces prisonniers iraient raconter le siège à qui veut l'entendre. Niséro devine les pensées de son compère. Il se demande en rigolant intérieurement si Angiflar parviendra à prendre la ville en une journée.
Plusieurs minutes plus tard, le siège commence...
On ajuste les catapultes, on les met à bonne distance des murailles de façon à ce que les jets des machines de guerre malmènent les grands murs. On compte les munitions de scorpions, prêtes à embrocher des assiégés. On se met en branle, on marche en colonne, en diagonale ou tout mouvement destiné à avancer vers l'objectif unique : abattre les murs et plus particulièrement la bulle qui protège insolemment la cité. En première ligne, des Gorons réputés pour abattre des grosses pierres sont avancés afin de se mettre en position de boule et de s'élancer en l'air pour mieux retomber sur le sol : il s'agit de la technique du Goron-Link qui avait cours à Termina. Mais pour les protéger, il faut bombarder les assiégés de flèches ou de pierres. Pour cela, plusieurs archers sont à l'oeuvre derrière les Gorons. Quant aux autres soldats, ils n'ont qu'à monter des échelles fabriquées pour l'occasion. Des diversions sont déjà préparées afin de dégarnir les garnisons de la cité. Pour plus de sécurité, on peut facilement avoir la cité en pariant sur la famine des habitants. Mais cela, Angiflar ne peut se résoudre à jouer du temps. Il veut frapper les esprits en prenant la puissante cité en une journée car il est tellement humilié par Ganondorf qu'il décide de se venger sur les malheureux habitants.
Tout cela, Niséro, le chef des mercenaires à la barbe rousse et chauve, l'explique à son otage Link. "Crois-moi. Il ne fera point de cadeaux aux habitants. Il a même refusé mon aide. Je sais qu'il épargnera de rares prisonniers pour qu'ils répandent l'effroi dans tout le royaume. Cependant... il était d'accord pour me verser les autres butins des autres cités en compensation du non-partage du butin royal entre nos armées. Et surtout, il est prêt à me livrer prochainement de nouvelles victimes...". Link ne dit rien, dégoûté. Voilà plus d'une heure que le siège a commencé à se préparer et à attendre les événements. Pour l'occasion, Angiflar s'est muni d'une cotte de mailles grise. Il supervise le siège avec une impatience non réfrénée. "Décidément, il hait Ganondorf et est décidé à faire payer la cité...", sourit Niséro. Warguere, son bras droit, fulmine en secret contre la naïveté de son maître dans ses négociations avec Angiflar. A la place du Gerudo, il aurait imposé quelques conditions à Angiflar, rien de plus ! Patience, l'heure du Gerudo sonnera !
Le siège commence enfin. On met échelles et cordes sur les murailles. Les assiégés n'ont aucune peine à les repousser. Les mercenaires partent à l'assaut tout en sachant qu'ils n'ont aucune chance de franchir la bulle protectrice. Cette bulle les tuera instantanément par simple contact. Mais leur but est d'occuper les soldats assiégés pour aider les Gorons et les archers occupés au labeur des sapeurs. On ne connaissait pas encore les bombes. La bulle n'a que deux points faibles : elle ne compte que sur les vies des Sheikahs, et des petites flèches peuvent traverser la bulle par intermittence. Mais surtout la bulle ne franchit pas l'extra-muros ce qui limite son efficacité. Des groupes établissent des ponts en bois pour permettre aux autres de traverser facilement les douves. Un énorme bélier sera à l'oeuvre contre l'imposante porte en métal noir. Pour cela, une tour en bois est prête à l'oeuvre et avance doucement.
Des rochers pointus mutilent les soldats qui s'efforcent de se protéger des assiégés et de ne pas tomber sur ces rochers au risque d'être gravement blessés. Cependant, ces rochers sont l'un des points faibles de la cité : en cas d'expulsion de ces grosses matières minérales, des murs tomberaient alors. C'est le travail de sapeur des Gorons que de détruire ces rochers. Les habitants de la cité l'ont très bien compris et c'est pourquoi ils font des efforts pour tuer les Gorons. Des feux ne peuvent rien contre cette race, mais peuvent brûler des archers. Malheureusement pour les assiégés et à l'énorme dégoût de Link, les archers sont vêtus de peaux de Gorons. Ces malheureux ont dû être exterminés et utilisés comme peaux de protection contre les feux. Il fallait alors être agile pour toucher le visage d'un archer qui ne soit pas protégé par la peau des Gorons.
Des machines de guerre projettent des pierres et armes de jet contre les murs. Mais la perspective de tuer ses propres soldats oblige Angiflar à changer son plan : prendre comme cible la bulle afin d'effrayer les habitants. Son nouveau plan marche à peine car des Sheikahs ont dû encourager les habitants à résister et à mourir dans la dignité. Angiflar sait pourtant qu'une partie des habitants a fui quelques jours avant le siège. On lance des diversions qui ne marchent pas pour deux bonnes raisons : on manque de machines de siège qu'on n'a pas eu le temps de fabriquer et la satanée bulle résiste aux assauts. D'ailleurs, Angiflar voit ses soldats brûlés par de l'huile bouillante. Des Sheikahs commencent à lancer des sorts qui impressionnent des mercenaires. Certains d'entre eux meurent foudroyés par ces sorts. Leur mort appelle les vengeances cruelles. Link assiste horrifié à une nouvelle tuerie sans pouvoir rien faire, sous le regard ironique de Niséro.
Deux heures passent ainsi et la porte résiste toujours au bélier qui d'ailleurs se casse. Seuls les sapeurs parviennent régulièrement à casser des gros rochers. Les Gorons ont à peine la peau abîmée par leur labeur. La seule chance d'emporter le siège repose à présent sur cette race. Angiflar, agacé par la résistance des habitants et la blessure continue de ses soldats, décide de sortir l'effroyable joker.
On sort alors des chariots d'enfants de diverses races. Ils pleurent, hurlent, crient. On les emmène sans égards vers les catapultes. Link devine le procédé mais ne peut pas y croire. Et pourtant, un enfant est mis dans une catapulte et l'instant après, il est jeté derrière les murailles. La bulle est également programmée pour laisser passer des personnes innocentes et c'est le cas des enfants. Mais en jetant comme des sacs des enfants derrière les murs, les Sheikahs ont oublié que ces innocents peuvent émouvoir les habitants à la vue de nouveaux cadavres frêles écrasés par la chute. Certains mercenaires vont jusqu'au sadisme à régler les catapultes afin d'écraser les enfants sur les murs. Ce n'est que hurlements, jets de "pierres frêles", horreurs.
Link dégaine rapidement ses armes tandis que Longinus met sa lance devant le héros. Niséro interrompt Longinus et dit à son otage :
- Tu veux les sauver ? Très bien ! Fais-le et tu ne seras plus qu'un nouveau sac jeté contre les murs ! Ou alors tu te feras tuer inutilement ! Que peux-tu faire contre mille soldats ?
Link n'ignore pas que Niséro n'a pas tort. Cependant, l'idée de rien faire lui donne des nausées parce que contraire à ses honneurs de héros. Et n'a-t-il pas pour mission de revenir à son époque avec des informations fraîches ? Il baisse les bras avec résignation. Il murmure :
- Vous n'êtes que des monstres...
- Stratégie, répond laconiquement le barbu Gerudo. Les enfants ne sont servis que pour émouvoir les habitants. Le dilemme se pose à présent : vont-ils continuer à résister et donc sacrifier les enfants ? Ou vont-ils cesser leur résistance et épargner ainsi leurs souffrances ? C'est de la tactique astucieuse.
Astucieux ? Astucieux de lâcheté oui ! pense le Héros du Temps. Il ne commence qu'à haïr vraiment ces monstres, les Niséro, les Angiflar, les Ganondorf et tous les mercenaires. J'étouffe ! Je veux partir d'ici ! Je veux abandonner le courage ! Fuir ! Fuir ! Fuir ! Niséro ajoute encore :
- Si tu remarques bien, même de rares mercenaires sont de ton avis. Ils n'aiment pas le procédé d'Angiflar.
Link remarque en effet certains soldats qui détournent la tête des catapultes ou qui préfèrent partir à l'assaut de la cité, ou encore qui font des remarques entre eux sur la cruauté surpassée d'Angiflar. Cependant, Link ne comprend pas pourquoi ces soldats suivent alors de cruels chefs. Niséro lui apporte la réponse :
- Tu vois mon porte-fanion ? Il était comme toi, un des puceaux qui croient aux règles du combat et de la guerre. Et pourtant.... Des soldats étaient venus massacrer sa femme et ses enfants. Le pire est qu'ils ont laissé ce porte-fanion assister aux tortures de sa famille... Ils l'ont laissé en vie. Il a perdu tout espoir et ne survit plus désormais qu'en suivant n'importe quelle armée. En gros, il a perdu le goût de vivre ! Il se moque à présent de tuer ses semblables ! Mais il n'a jamais torturé !
Link préfère ne rien dire. Tout lui semble très compliqué dans sa cervelle ! Quelques minutes après, un immense cri fuse. On a réussi à creuser un grand trou dans un mur. Un immense mouvement se précipite vers le trou, ordonné par le vil mercenaire aux cheveux longs. Link ne veut pas voir une boucherie s'abattre sur la cité martyre. De longs hurlements se font entendre de la cité. "Je n'ai pas envie de rester avec Niséro pendant longtemps. Je ne tiens pas à être le complice passif des atrocités !" Niséro est appelé par Pululu tandis que Link commence à éprouver le besoin de prier ses déesses. Il n'a pas eu beaucoup d'occasions pour prier. Pourtant, l'arbre Mojo lui avait expliqué la nécessité d'adresser des prières aux déesses. Il commence à prier fébrilement... Il demande de ne pas assister aux nouvelles atrocités. Il aimerait surtout partir de la maudite époque et rentrer chez lui, chez les Kokiris. Ses yeux commencent à être embués de larmes. Il supplie Farore, Din et Nayru de le délivrer des griffes de Niséro et de son camp. Fuir le plus tôt possible. Ses prières n'ont duré que quelques secondes... Et les déesses semblent l'avoir entendu car Warguere vient l'informer avec une grimace de colère qu'on lève le camp sur-le-champ et on quitte la plaine d'Hyrule. Link, étonné par ses demandes exaucées, commence à prendre courage.
Le petit groupe quitte alors le camp d'Angiflar pour aller chez l'armée de Niséro. Celui-ci dit à Link qu'Angiflar est décidé à aller vers l'ouest, vers le village riche non loin du désert des Gerudos. Cela suffit à Link pour rapporter ces faits à Zelda et compagnie. En quittant les parages, Link émet une triste pensée à la cité livrée à sac.
Nouvel ordre, nouveau massacre. Niséro ordonne ainsi l'extermination de tous les prisonniers capturés. Link est indigné et essaie par tous les moyens de ne pas entendre les cris de plainte. Il pense de plus en plus qu'il n'est plus digne de la pierre du Courage : non seulement, il n'a pas pu venir en aide mais en plus, il a préféré fuir la réalité. "Je veux partir d'ici ! Je veux quitter les monstres abominables !" Mais on le surveille de près et Link n'a pas envie d'être trucidé avant de parvenir chez lui. Warguere est aussi indigné mais pour d'autres raisons. Il estime que c'est du gaspillage de massacrer les prisonniers. S'il avait été à la place de son "maître", il aurait exigé d'Angiflar le partage du butin ou des compensations. De plus, laisser en vie des prisonniers lui permettrait d'être craint plusieurs années, puisque qui mieux que les prisonniers iront raconter les exploits militaires et cruels des chefs de compagnie ? Les morts ne parlent pas ! Niséro allait supprimer ses prisonniers, il s'en va chercher d'autres victimes, d'autres butins. Warguere ne le supporte plus ! Il supporte mal d'être mis sous le joug d'un roturier, lui qui est l'un des nobles de la cour.
Le massacre n'a pas duré longtemps. On lève le camp en abandonnant les nouveaux corps. Link réfléchit au moyen de s'enfuir mais doit admettre qu'il a été frappé par l'apparition de "Ganondorf". Il aurait pourtant dû penser aux visions du frère de Hérote qui parlaient de la capture de la pierre de la Force par le seigneur du Malin. On avale plus facilement des kilomètres en raison de l' "allégement" des victimes. Le commandant barbu roux commence à s'enivrer. Peut-être pour oublier l'insulte de Ganondorf sur son origine ? Niséro n'en est pas moins lucide et conscient des ordres à donner. Le crépuscule tombant, il donne l'ordre de camper. On se trouve plus loin à l'est. Peu importe l'endroit d'où il disparaîtra, Link partira. Cette nuit ? Il y pense très sérieusement, à condition de se débarrasser de son surveillant dénommé Longinus, toujours avec sa lance rouge.
Tente de Niséro
Le camp est installé depuis longtemps. Warguere vient de terminer son inspection comme de coutume. Il retrouve le Gerudo enivré. Celui-ci n'arrête pas de débiter des idioties. Reconnaissant l'ancien noble, il l'apostrophe en des termes arrogants et vulgaires. Il déclare sans prudence que Warguere n'est plus qu'un noble sans rien, sous les ordres d'un mercenaire ! Il ne se méfie pourtant pas de Warguere. Niséro est installé sur un lit amovible et de confortables coussins. Il n'est pas encore dévêtu. Des chandelles font danser la luminosité des visages, l'un jovial de Niséro, l'autre méprisant de Warguere. Celui-ci avance doucement et contourne le Gerudo. En d'autres circonstances, Niséro se serait retourné pour ne pas perdre de vue son bras droit, mais il est à présent ivre. Le noble moustachu est maintenant derrière son désormais ancien maître. Des pensées font le marathon dans l'esprit de Warguere.
Toi... Sale misérable... Tu oses me réduire à rien. Moi qui étais l'un des plus puissants seigneurs de la cour du roi d'Hyrule. J'étais même l'un des opposants d'Aghanim. J'avais tout à perdre s'il avait pris son emprise sur le roi. Je m'étais hardiment opposé à lui. Il me faisait rechercher. J'avais très peu d'alliés sur qui m'appuyer. Mon audace en payait le prix. J'étais même près d'être capturé jusqu'à ce que je te rencontre ! Pour être plus prudent et pour que tu me serves d'écran, je me suis mis sous ton ordre à ta proposition. Tu t'es servi de mon origine sociale et de ma célébrité ! J'attendais le moment propice pour renverser Aghanim... mais celui-ci disparut ! Et puis... j'étais désemparé par l'éclatement du royaume. Mes alliés ont disparu... J'étais sans pécule... J'étais sous ton emprise... J'espérais même percer les secrets de la Triforce ! Je t'en avais parlé... Mais tu ignores orgueilleusement mes propositions sur la recherche de la Triforce ! Et l'entrevue avec Angiflar a fait déborder le vase !!!
Warguere, du haut de son visage, regarde le dos du roturier. Il tourne autour de lui-même pour rechercher discrètement une arme car il est toujours privé d'arme quand il pénètre dans la tente de Niséro. Un garde la lui confisque toujours. Par bonheur pour Warguere, un long poignard est accroché à un poteau de tente. Il s'en empare. Il s'assure que le barbu roux n'a rien remarqué. S'approchant de son ancien maître, Warguere ne bouge pas ensuite. Son poignard n'hésite pas un instant...
Une heure plus tard
Link n'arrive toujours pas à se défaire de Longinus qui le surveille discrètement à une distance respectable. Impossible de franchir le camp pour s'enfuir puisque des gardes sont apposés un peu partout pour empêcher surtout Link de partir ainsi que d'éventuelles désertions. La nuit ne donne pas naissance à une lune mais de très rares feux sont là pour donner un semblant de lumière au camp. D'ailleurs, c'est l'été. Qui se soucie du froid ? En déambulant au camp, Link est intrigué par un petit rassemblement et par la présence d'une lampe de feu accrochée à une grosse lance. Il esquisse un mouvement timide. Et... il vient de comprendre.
Le corps sans vie est allongé sur le sol. Il s'agit du barbu roux Niséro. Il est nu, la gorge coupée, le ventre éviscéré. Son corps mutilé donne ainsi la mesure de la haine de Warguere. Le corps n'est allongé que depuis une dizaine de minutes à peine. Un bruit courra bientôt dans tout le camp du coup d'état du noble Warguere. Celui-ci sera désormais le maître et c'est indiscutable. Le regard de Link croise soudain celui de Warguere qui n'est pas loin du corps. Le nouveau maître ne dit rien mais ses yeux expriment beaucoup leur sentiment. Link comprend qu'il sera éliminé s'il ne s'échappe pas au plus vite du camp. Car Warguere déteste tout ce qui se rattache à Niséro. Le héros s'éloigne doucement.
Que faire ? Il est en train de réfléchir profondément lorsqu'on touche son épaule. Il se retourne et reconnaît Longinus. Il dit amèrement :
- Vas-tu me livrer à Warguere ?
- Loin de là. Tu dois avoir deviné qu'il déteste les relations privilégiées volontaires ou non de Niséro. Mon heure viendra sans doute. Warguere, à en croire les bruits, préfère attendre l'aube pour nous exécuter. Il aime faire souffrir ses victimes dans l'incertitude. C'est sa méthode et il n'hésitera pas à nous l'imposer. Certes, il nous laisse libres dans le camp mais c'est pour endormir notre attention.
Longinus regarde Link. Puis :
- Je connais un moyen de nous échapper. Mais cela a une compensation...
Link se rappelle la récente proposition de son surveillant l'autre nuit et comprend tout de suite. Sans répondre, il se déleste de son bouclier et de son épée. Longinus sourit :
- Très bien. J'ai l'habitude de déserter lorsque les choses vont mal. Pour fuir, tu n'as qu'à te vêtir d'une légère cotte de mailles et surtout d'un casque cachant en partie ton visage. A la faveur de la nuit, tu ne devrais pas avoir de problème.
La remise des vêtements de guerre est aussitôt faite. Link ne reverra plus ensuite Longinus. S'accoutumant tant bien que mal à ses nouveaux accoutrements, le Héros du Temps se dirige vers l'une des sorties. Il retrouve un peu de vitalité et de courage, se demandant comment il n'avait pas encore trouvé une solution qui consiste simplement à prendre des vêtements militaires. Les événements des dernières journées lui ont sans doute bouché ses neurones. Adoptant une position qui se veut neutre, il commence à dépasser les gardes. En fait, ceux-ci sont trop occupés à discuter du coup d'état pour empêcher un soldat de quitter le camp. De plus, ils sont sûrs que ce soldat n'est pas Link. Le Kokiri est soulagé lorsqu'il se trouve très éloigné du camp. Malheureusement, il se résout à abandonner son cheval. L'animal aurait éveillé des méfiances. En son for intérieur, il pense que des mercenaires vont bien s'en occuper parce qu'ils ont besoin de plus de chevaux que de victimes...
Il parcourt du chemin pendant une partie de la nuit. Il pourrait en un rituel simple quitter le passé, mais il estime prudent de le faire à une grande distance du camp. L'aube commence à pointer son nez. Au camp, un hurlement se fait : il s'agit d'une terrible colère de Warguere frustré de remarquer que Link et Longinus ont disparu. Il ordonne des battues.
Manque de chance pour Warguere, Link vient à peine de faire le rituel de retour lorsque des cavaliers rapides l'ont déjà aperçu.
Link quitte le passé, soulagé, mais meurtri. Il décide de ne plus poursuivre l'aventure et de retourner chez lui...
Temps de Link
Temple du Temps
On prévient Sagatt qu'une lueur vient d'apparaître à la salle du socle d'Excalibur. Il était temps ! se dit Sagatt. En pénétrant dans la salle, le géant remarque la mine abattue de Link. Il comprend que le Kokiri a assisté à des choses horribles sans pouvoir rien faire. Il est suivi par Rafaeli ainsi que Veroga. Navi se précipite vers Link. Celui-ci lui sourit tristement. Il veut donner des informations aux autres en s'asseyant mais Rafaeli le prend par le bras.
- Link ! La reine Zelda a disparu ! Il faut la rechercher !
Abasourdi, Link écoute les explications rapides de Rafaeli. L'Intouchable était parti emmener Nuténa (sans leur dire qu'il était allé voir Pandore) et ce n'est qu'au retour qu'il a remarqué la disparition de Zelda. La reine avait dû s'enfuir du château pour rechercher probablement sa nourrice Impa. Elle n'avait sans doute pas voulu prévenir ses amis sinon ceux-ci l'en auraient empêché. Rafaeli et ses amis s'étaient reproché leur relâchement et s'étaient promis de délivrer Zelda, car Rafaeli sait à présent que Zelda n'était plus retournée chez elle depuis longtemps. Grâce à ses pouvoirs, Rafaeli a détecté la présence de la reine à l'île d'Anchoia, donc à l'iceberg géant !
Link, qui se rappelle tous ses bons moments passés avec son amie Zelda, ne peut pas se résoudre à l'abandonner. S'il n'a pas pu sauver les victimes dans le passé, il le peut maintenant puisqu'il n'est en aucune façon lié à ne pas modifier le temps. Il déborde soudain d'énergie. Sagatt sourit.
Quel curieux paradoxe ! Le mal qui vient de mettre Link à bout pendant le Grand Chaos redonne de l'énergie au Héros du Temps ! En enlevant Zelda, les méchants redonnent en fait plein de courage à Link.
Les yeux de Link brillent de détermination.
Tous sont devant la grotte de l'île d'Anchoia. Link, Veroga, Navi, Rafaeli et Sagatt font face à l'entrée, la mine grave. Si Rafaeli a raison en ce qui concerne la localisation de Zelda, ils doivent la délivrer et en même temps savoir qui est derrière l'enlèvement : Ganondorf ou un autre ennemi ?
Lorsqu'ils étaient venus pour la première fois sur l'iceberg, c'était en bateau car Rafaeli avait préféré rester "neutre" tout en aidant ses amis à dénicher une chaloupe. Là, dans ces circonstances particulières, Rafaeli a transporté quatre personnes à vol d'aigle lumineux. Link fut émerveillé par la transformation de l'épée blanche en un grand aigle immaculé blanc. L'Intouchable se sent un peu fautif de ne pas avoir été vigilant en allant chez Pandore au lieu de savoir si Zelda n'était pas partie du château. Le jeune Intouchable n'est même pas passé chez Nuténa pour lui donner les raisons qui l'amènent à aller à Anchoia. A présent, on est dans l'entrée de l'iceberg...
Link avait immédiatement changé de tunique troquant la noire contre la verte et il fut content de retrouver ses vêtements aux couleurs kokiriennes. Les autres n'avaient pas changé de vêtement sauf Sagatt qui est muni d'une longue cape qui le protège contre les morsures du froid de l'iceberg. Ils explorent rapidement la salle d'entrée avec la statue du Zora pêcheur. Ils remarquent que la porte qui avait été choisie par Link et Veroga la dernière fois, est bloquée par un écran électrique. On comprend. Rafaeli, sans s'interroger sur cet écran, recommande aux autres de prendre la porte par où étaient passés l'Intouchable et l'ancien soldat. Navi incite à la prudence. On obtempère et on sort les armes. Link avec son Excalibur, Rafaeli avec son épée lumineuse, Veroga et sa magie du vent. Sagatt ne porte qu'une épée ordinaire et pense que s'il veut survivre, il a intérêt à être derrière l'une des trois personnes présentes.
En franchissant la porte, ils se heurtent aux moblins. Ces monstres leur foncent dessus. Rafaeli et ses mille coups d'épée mettent hors d'état de nuire ces moblins. Cependant, ils ne sont que blessés car Rafaeli ne se trouvait pas en danger. On continue le chemin. Navi part vite en exploration avancée et revient en criant qu'il y a des stalfos.
En effet, il y a une dizaine de stalfos avec leur bouclier et épée habituels. Pendant que Rafaeli se charge doucement de deux stalfos, Veroga envoie une mini-tornade qui soulève tout à coup un squelette armé. Link amusé par la parade de Veroga lance une flèche de feu sur ce stalfos. Celui-ci périt aussitôt. Sagatt crie en se débattant tant bien que mal contre l'autre monstre. Link lui vient en aide en éliminant l'adversaire. Le géant lui conseille abruptement de ne pas gaspiller ses réserves de magie. Le Kokiri rougit. Il n'a pas remarqué tout de suite son excitation à réutiliser de la magie, alors que lors de son voyage, il avait volontairement exclu d'y avoir recours. Le héros reprend son calme habituel. Rafaeli ordonne aux autres d'avancer avec lui.
En avançant dans la troisième salle, Sagatt reconnaît l'endroit muni de mille piliers de glace. En effet, c'était dans cette salle que Rafaeli avait éliminé assez facilement un autre mini-boss sous la forme d'une grosse pieuvre bleue. En restant au même endroit et en utilisant au mieux sa puissance, Rafaeli avait été obligé d'éliminer la pieuvre qui tournait autour des piliers ! Dans cette salle, beaucoup de moblins et de stalfos patrouillent. Navi leur lance un cri imprudent : "Venez !!!". En lançant ce cri, elle est sûre que ses compagnons vaincront assez aisément ces mêmes monstres que dans les salles précédentes. Sagatt lui lance un regard ironique en souriant bizarrement. Les souhaits de la fée sont traités royalement : des hordes de monstres se heurtent au groupe.
Ce combat est plus intense que les précédents. Mais cela ne pose pas non plus de problèmes à Rafaeli ainsi qu'à ses amis, excepté Sagatt qui n'a vaincu que deux monstres... Une grande porte s'ouvre et laisse le passage à un groupe de minotaures blancs et de hache-viande. L'Intouchable conseille aux autres d'aller un peu au milieu de la salle et de s'aider en comptant sur l'effet de miroir des piliers de glace. Le conseil est payant. Alors que le groupe avance rapidement vers le centre de la salle, Link remarque soudain une des faces d'un pilier. Il regarde tout de suite en haut et s'écarte. Une grosse main vient s'abattre sur le sol.
- Soyez regroupés et prudence ! crie calmement Rafaeli tandis que Sagatt soulève vite par l'aisselle son ami kokiri.
Déjà, Rafaeli (et parce qu'il se trouve désormais en position de légitime défense) ravage les rangs des minotaures. On entend des cris de moblins, des cliquetis d'armes des stalfos. Pour corser le tout, des chauves-souris de glace s'amusent à se jeter sur le groupe. Grâce à Veroga qui élimine d'un coup de vent salvateur la glace qui entoure les chauves-souris, Link les élimine en tirant. Sagatt évite l'attaque frontale et verticale d'un hache-viande, bloque sa hache en posant son pied dessus et met son épée sur l'une des fentes du visage d'armure dorée. Certes, son coup n'est pas assez puissant pour gommer le monstre en armure mais il a le mérite de le priver d'une hache. Veroga aide d'ailleurs son ami en repoussant le monstre privé de hache. Link comprend à présent qu'il lui faut utiliser l'amour de Nayru pour se protéger. Cette magie ne permet pas de protéger tout le monde mais le Kokiri peut se débarrasser des monstres sans risquer d'être blessé inutilement.
Le groupe lutte ainsi contre des hordes de monstres pendant un moment. Il est évident qu'après l'apparition de la main géante, on a intérêt à capturer Link ou un autre membre du groupe. Un bruit siffle. Une ombre plane sur Veroga. Sagatt se jette sur la féline en la repoussant sur l'un des piliers. La main qui est tombée sur le sol est éliminée par Link. Cependant, une forme apparaît du sol. Une main géante bleue se détache alors du sol et commence à flotter vers le groupe. D'autres mains bleues apparaissent également. Link en élimine deux avec ses flèches. Malheureusement, ces mains ont aussi la faculté de disparaître pour réapparaître par surprise. Le puissant compagnon aux cheveux blancs se charge de les tuer et il offre un peu de magie pour que Veroga utilise la magie des murs de vent. Surprise de constater que Rafaeli connaît ses tours secrets, elle ne réfléchit pas et s'empresse de créer des murs. En se réfugiant derrière les murs (qui peuvent aussi se déplacer au gré des mouvements de Veroga), on trouve la solution anti-main bleue. Les mains sont rejetées en l'air et détruites au contact abrupt des murs. Mais ce n'est pas une solution anti-main géante classique et on doit se déplacer.
Le flot continu des monstres est en train de se clairsemer. Rafaeli perçoit alors intuitivement une inquiétude poindre dans son coeur. Il comprend qu'une minorité d'ennemis redoutables surgira tôt. En effet, Link voit pour la première fois plusieurs mains. Ce qu'il voit n'est que le revers des mains. L'Intouchable crie au groupe :
- Fermez les yeux !!! Ce sont des médusas ! Ils peuvent vous paralyser si vous les regardez !
- Mais et toi ??? s'exclame la jeune femme.
- Fermez vos yeux ! Je suis l'Intouchable. Ces médusas ne peuvent pas me paralyser.
On accepte tout de suite. Le combat devient inégal car une main du plafond apparaît. Les amis ne doivent leur "vie" qu'à leur intuition. Ils la trucident. Pourtant, des monstres en forme de blocs de glace viennent d'apparaître. Leur souffle de glace mortifie les murs de vent. Rafaeli peste : il avait oublié leur présence ! Il se reproche amèrement de se jeter dans la gueule du loup. Les moblins, en cassant les fragiles murs de glace, s'attaquent au groupe. Même si l'Intouchable est l'un des personnages les plus puissants d'Hyrule, de Termina et du Saint-Royaume, il ne peut pas se risquer à lutter seul sans blesser ses amis. D'ailleurs, une main bleue a réussi à pénétrer dans le périmètre protégé par les anciens murs du vent. Elle agrippe alors Sagatt. En entendant crier son compagnon, Veroga ose ouvrir les yeux en dépit des interdictions de Rafaeli. Au moment de se jeter sur la main bleue, elle rencontre soudain une médusa. Cette médusa présente rapidement sa paume. Cette paume a un oeil bleu. Et cet oeil paralyse Veroga et la transforme en pierre.
La situation devient désespérée car Veroga et Sagatt viennent d'être capturés par des mains. Submergé par le nombre des ennemis, Link ne peut pas éviter que les mains le capture.
Reste Rafaeli. Il peut décider de tout détruire puisqu'il n'a plus ses compagnons à qui il doit venir en aide. Mais il ignore justement où sont emmenés ses amis. Alors, il prend une décision folle : il attend d'être pris dans la gueule d'une main. Il baisse ses bras et attend qu'une main grise venue du plafond veuille bien cueillir un Intouchable... Rafaeli espère ainsi qu'en se laissant prendre, il atterrira à l'endroit où seront téléportés ses compagnons.
Mais son plan est déjoué...
Quelque part...
Il heurte le sol. Il masse son corps et son visage tordus par la main géante. Il se lève et regarde alentour. Tout est sombre. Le sol est une mosaïque grise et noire. On n'aperçoit même pas de murs. A croire qu'ils n'existent pas. Pas de trace de plafond non plus. Soit la salle dans laquelle il se trouve est énorme, soit la magie du lieu a supprimé toute trace de mur et de plafond. Il se tourne, essayant de scruter la moindre anomalie. Pas d'anomalie. Soudain, une lumière vient devant sa tête.
Navi.
Link est heureux de la voir. Il n'aurait pas supporté d'être encore esseulé.
"Link, tu vas bien ?"
Il répond par l'affirmative. Tout à coup, il ressent une vibration. Même la terre tremble. Prudent, il dégaine et protège un peu sa tête avec son bouclier hylien. Il se tourne encore pour enfin remarquer la fameuse "anomalie".
L'anomalie se présente sous la forme de deux yeux rouges et jaunes. Puis, ces yeux se matérialisent en... une sorte de fantôme en guenilles armé d'une faux. On ne voit ni sa main, ni ses pieds, rien que ses vieux vêtements en lambeaux. Link trouve que ce monstre ressemble fortement au gardien de la forteresse de pierre à Termina. Il l'avait affronté avant de l'éliminer grâce à ses précieuses flèches et l'arc des fées. Oui, pas de doute, c'est bien le même monstre, ou du moins son sosie.
Le fantôme lévite en l'air et tourne un peu autour de Link qui n'hésite pas à le quitter des yeux. Navi reste vigilante car elle connaît les pouvoirs du gardien de la forteresse : la téléportation. Le monstre aux yeux rouges et jaunes s'amuse avec sa faux en la tournoyant. D'une vitesse qui confond Link et Navi, il fonce sur eux, la faux prête à les abattre....
Ile d'Anchoia, une salle de l'iceberg
Leurs yeux se soulèvent enfin. La mignonne fille à la chevelure rouge et le grand policier chauve se lèvent sur leurs coudes. Leurs crânes leur font encore des tapages. Ils doivent attendre un peu avant de se ressaisir. Ils se regardent et embrassent du regard les environs. Que se rappellent-ils ?
Ah oui ! Ils se souviennent avoir été happés par d'énormes mains. En se faisant téléporter, le duo était tombé sur le sol, tête en bas ce qui a pour conséquence de les plonger dans le noir quelques moments.
Sagatt se remet debout et aide Veroga à faire de même en la prenant par les aisselles. Il s'enquit de sa santé. Réponse positive. Il commence alors à inspecter l'endroit. L'endroit est enfermé par de longs murs allant jusqu'en haut. Derrière le géant, un mur de glace bleue, devant lui, un autre mur également. A sa gauche, une grille énorme de plus de six mètres enfermant deux énormes ventilateurs à quatre hélices. Ces ventilateurs ne semblent pas être rouillés : viennent-ils d'être nettoyés pour la circonstance ou continuent-ils à fonctionner à différentes intervalles tous les jours ? Sagatt ne le sait pas mais il comprend que lui et son amie ont été téléportés dans une salle de la mort... En effet, à la droite du policier, un mur tapissé de pointes dures...
D'un instant à l'autre, les machines risquent de fonctionner... Que faire ? Veroga, comprenant la situation, fait remarquer à Sagatt une cavité tout en haut. Juste au-dessus de la cavité, une échelle en fer rouge est accolée au mur. Veroga explique :
- Il doit y avoir un interrupteur dans cette cavité. Il devrait actionner la descente de l'échelle.
- Très bien ma fille rouge. Mais comment fera-t-on pour actionner cet interrupteur ? Ne me dis pas que ta magie nous emmènera en haut ?!
- Si... mon géant ripou... sourit Veroga. Cependant, le vent ne fonctionne que sur moi. Mes pouvoirs ne peuvent pas fonctionner sur toi. Donc, il faut que je monte et trouve cet interrupteur, si je le trouve...
- Très bien... Vas-y tout de suite !
Veroga est en train de faire un rituel lorsque des loups blancs apparaissent à la cavité. Non ! Ils sautent. Un bruit fait bouger les têtes de notre duo. Un mécanisme de ventilateurs commence à se mettre doucement en place...
Devant le Temple de l'Esprit
Le ciel est bleu et dégagé de tout nuage. Le soleil brille joyeusement sur les sables des environs du temple à la déesse aux deux mains. Ces deux mains portent toujours deux coffres. L'un est déjà ouvert, l'autre encore renfermé... Les corbeaux ont déserté l'endroit depuis longtemps comme si leur instinct animal avait pressenti des choses affreuses à quitter au plus vite.
Le gros menhir avec ses deux frustes de piliers est toujours là également. On voit pourtant une trace de corde qui court sur le sol de la toiture du menhir. Si on la suit, on tombe rapidement sur deux corps pendus... Il s'agit de deux sorcières jumelles. Leurs langues sont bleues. Les yeux sont crevés et du sang dégouline sur leur visage. Le vent joue doucement à la balançoire avec les cadavres.
C'est dans un tel moment qu'est apparu le jeune Intouchable à la chevelure blanche d'une pureté sans pareille. Il observe rapidement l'endroit et comprend déjà où il se trouve. Il remet dans sa ceinture son arme blanche. Il est sur du sable, juste près de l'entrée de la "clairière sableuse" du temple. Et pourtant, aucun monstre des sables n'ose l'affronter. Ils ont senti instinctivement sa puissance et préfèrent penser à leur courte vie plutôt qu'au suicide.
L'oeil de Rafaeli est attiré immédiatement par une silhouette debout sur le menhir. Les sables sont soulevés par le vent. Il est surpris de retrouver une connaissance. La personne est munie d'une grosse carapace de fer entourant presque tout son corps, y compris son cou. Seules ses mains en sont démunies. On aperçoit une touffe de barbe sortant d'un casque et un gros nez d'ivrogne. Ses sourcils sont très touffus. Sa main porte une énorme hache.
Salbruttus ! L'assassin d'Impa !
Rafaeli ne peut s'empêcher de lui dire :
- Mais que fais-tu ici ? Sur ce menhir ?
- Salut le cocu ! Tu ne vois pas que je te trompe ?!
Rafaeli comprend que le mot "cocu" n'est pas anodin et il soupçonne un lien entre cette connaissance et Nuténa. Il se demande cependant pourquoi il est sur le menhir, devant le temple au lieu d'être à ses côtés... Salbruttus crie encore :
- Tu sembles réfléchir... Je suis désolé mais après avoir à tes côtés pendant un bon bout de moment, je préfère me lasser d'une vie aventureuse inutile et retrouver les joies de la puissance... Voilà pourquoi je te joue la comédie.
Rafaeli commence à être surpris... Cependant, il sait que son probable adversaire n'hésiterait pas à l'attaquer sans l'écouter.
Il a raison : la hache vole vers Rafaeli...
Salle de combat de Link
Le Kokiri n'a eu aucun mal à se défaire du fantôme. Certes, ce monstre est assez rapide. Mais si on reste vigilant, on peut parer à ses coups. Link a pourtant été blessé par des coups de la perfidie. Le fantôme a eu recours aux munitions de courtes faux de vingt centimètres à peine. Et ces faux lévitent très vite et tranchent aisément la peau. En invoquant l'amour de Nayru une nouvelle fois et en se protégeant grâce à son bouclier, Link n'a eu aucun mal à se défendre. Mais il ne s'était pas vraiment reposé depuis son retour éprouvant du voyage dans le passé. L'invocation lui a un peu coûté la santé. Et même muni d'un bocal dans lequel est enfermée une fée (Sagatt avait pensé à le lui remettre), le héros a refusé de l'ouvrir afin de soulager ses fatigues et ses souffrances. Son courage viendrait à bout de son adversaire.
En utilisant les munitions de lumière contre le fantôme, Link a éclaté la carapace fantomatique du monstre. Il n'a plus de magie et n'a pas de potion verte. L'amour de Nayru allait disparaître dans un instant... Et Link vient juste de vaincre son adversaire !
Une scène insolite se passe : le monstre éclaté en plusieurs morceaux fait apparaître des petits... fantômes armés également de faux. Ces mini-adversaires se jettent, droit au suicide vers la protection de Nayru. Au moindre contact, ils explosent. Rassuré par l'amour de Nayru, Link baisse un peu sa garde. Négligence fatale ! La magie de protection vient de se terminer et quelques fantômes qui allaient se heurter au mur bleu pénètrent le torse de Link. En explosant dans son torse, les monstres réussissent à faire des dégâts à la santé du héros. Link tombe par terre en avant... Le sang coule de sa bouche... Il laisse tomber son épée et son bouclier. Navi hurle horrifiée...
Par bonheur pour lui et sa fée préférée, il n'y a plus de mini-adversaires. Une fée rose surgit alors du bocal pour ressusciter le héros. Par malheur cette fois, un mini-fantôme attendait le moment propice. Il se jette alors comme un fou sur la fée et détruit le corps de la fragile créature ! Navi crie de désespoir car Link est à présent mort...
C'est alors qu'un halo de cercle violet vient d'apparaître du sol. Comme le ferait du sable mouvant, ce halo engloutit doucement Link. Navi est repoussée par des nuages malfaisants. Elle tente désespérément de secourir le corps sans vie de son ami, allant jusqu'à être prête à mourir. C'est terminé. Navi ne revoit plus le corps de Link.
En fait, l'âme de Link tombe dans le puits sans fond, auréolé d'une lumière noire virant au blanc pur mais néanmoins malfaisante...
Les ventilateurs se mettent en marche. Les loups sont d'attaque. Sagatt est obligé de défendre sa vie. Veroga utilise rapidement ses mouvements pour éloigner les monstres, ce qui est fait. Les machines ont déjà actionné leur marche. Elles soufflent de plus en plus fort. Pour protéger son compagnon, Veroga utilise un puissant vent anti-tornade. Elle dit cependant que s'ils ne parviennent pas en haut au plus vite, ils seront perdus. En effet, Veroga n'est pas capable d'user deux fois deux magies puissantes. Sagatt comprend. Les vents puissants se heurtent au mur du vent de la fille. Des loups poussés par la tornade se retrouvent happés par des pointes et meurent aussitôt.
Voilà qui me donne une idée ! se dit Sagatt.
- Veroga ! Nous allons attendre si possible la fin des ventilateurs mais surtout d'autres monstres.
- Tu as une idée en tête ?
- Oui, à condition que ces machines prennent une pause.
Quelques courtes minutes plus tard, les machines s'arrêtent au grand bonheur de notre couple. Sagatt sait par intuition que ce n'est qu'un répit. Il demande à Veroga de cesser d'invoquer la protection. Elle obtempère. D'autres loups viennent d'apparaître en sautant. "Parfait !" Sagatt ordonne à Veroga d'invoquer un rituel lui permettant de se téléporter en haut. Elle le regarde les yeux écarquillés :
- Hé ! Mais que...
- Fais ce que je te dis ! Vite !
La jeune fille ne se pose pas de questions et commence à invoquer rapidement son rituel. Sagatt doit attirer les loups au nombre de trois. Pour cela, il fait des moulinets en provoquant les lointains cousins des chiens. Il sait qu'il ne fait pas trop le poids face aux trois bêtes. Une bête oui, mais trois non ! Il n'a pas d'autre but que permettre à son amie de poursuivre tranquillement l'opération. Il esquive donc les attaques, tourne autour d'eux en les provoquant et en les insultant sans toutefois oublier de jeter un coup d'oeil sur les grosses hélices. Celles-ci commencent à travailler. Sagatt sourit en voyant une mini-tornade de vent soulever Veroga. Parvenue au milieu du long mur, elle se met à genoux et est soulevée soudain en l'air. Elle se jette dans la cavité.
Les hélices manoeuvrent puissamment. Sagatt se jette soudain sur un loup, le prend par les bras. Il abandonne momentanément son épée par terre. Il agrippe le loup en le mettant face au mur de tapis d'épines. Les machines n'ont qu'à pousser efficacement Sagatt accolé au loup. En lui servant de coussin, le loup protège Sagatt en se retrouvant au fond du mur de pointes. Le monstre gémit affreusement. Le géant attend patiemment que les hélices veuillent bien prendre leur pause. Veroga applaudit. Elle n'hésite pas à sauter sur l'interrupteur situé dans une cavité. Une échelle rouge descend bruyamment. Sagatt se dépêche d'y monter en prenant l'épée au passage.
Grimpant l'échelle, il jure en constatant que les machines reprennent leur labeur. Il met ses bras entre les barreaux d'échelle de façon à les tenir solidement afin de ne pas se retrouver au mur de pointes. Il s'accroche péniblement pendant que les vents jouent avec lui. Les pieds du policier se trouvent dans le vide et sont facilement soulevés. Mais il tient bon. Quelques moments plus tard, profitant de la "pause" des ventilateurs, Sagatt se presse de gravir les marches de l'échelle. Veroga se tourne vers la cavité pour scruter la moindre trace des prochains loups.
Gagné ! Les loups viennent d'entrer par la petite porte, toujours au nombre de trois. Elle n'a aucun mal à s'en débarrasser en envoyant ses rafales d'air sur ces monstres blancs. Sagatt vient la rejoindre. Il s'excuse galamment de ne pas avoir pu l'aider. Elle sourit sans rien dire. Ils avancent prudemment vers l'entrée de la cavité.
Devant le temple de l'Esprit
Rafaeli et Salbruttus combattent. L'ignoble meurtrier d'Impa combat à la façon d'un duelliste, c'est-à-dire en usant son arme d'une seule main. Il essaie vainement de toucher l'Intouchable, qui s'amuse à esquiver les mouvements de l'ennemi. En contrepartie, les coups de Rafaeli touchent un peu partout le corps de son adversaire. Les vêtements de fer ne peuvent rien faire contre les coups rapides et pénétrants du puissant personnage à la chevelure blanche. On voit s'ouvrir des entailles courtes mais profondes sur l'armure de Salbruttus. Ces entailles touchent même le corps du barbu. Celui-ci s'échine pourtant à vouloir toucher son adversaire. Parce qu'il ne se trouve pas en danger et par respect pour l'adversaire qu'il semble connaître, Rafaeli ne semble pas vouloir mettre fin aux jours de Salbruttus.
C'est le combat entre la souris et le chat.
Du côté de Veroga et de Sagatt
"Merdille !" Ainsi s'exclame le chauve en regardant la nouvelle salle. C'est la même que la précédente. Enfin, la même sur ses dimensions sauf qu'il n'y a plus de ventilateurs, de tapis hérissé ou de cavité. Seules d'étranges traces d'enduits blanchâtres ornent le mur en face de l'entrée de la cavité. Ces enduits se situent à plusieurs mètres du sol. Veroga soupire : elle ne trouve pas la moindre ouverture par où passer. Mais perspicace dans ses observations, Sagatt remarque un curieux dessin qui se forme derrière les enduits. Ces enduits blanchâtres sortent des murs verts. Sagatt recule plus loin pour mieux les observer. Il a compris. Ces enduits forment bizarrement les contours de la face d'un... ours en peluche.
Comme si Sagatt avait compris les significations du mur, ce dessin se matérialise doucement. Veroga se met en position défensive. Le géant n'a pas besoin de dégainer parce qu'il ne peut pas voler jusqu'en haut. Le visage d'un ours en peluche sort du mur. Mais il y reste accroché. Deux pattes apparaissent du mur. Ces pattes ont curieusement cinq doigts au lieu de quatre. Le visage semble sourire. Les pattes tendent leur paume. Elles imitent des mains qui tapotent un tambour.
Sagatt et son amie se retrouvent tout à coup plaqués sur le sol. Des pressions opérées par les pattes collent le duo au sol. Les pattes font des mouvements de va-et-vient en imitant les mouvements du musicien tapant sur le tambour. Des pressions invisibles menacent de rompre les corps déjà éprouvés par les premiers coups invisibles. Plus le corps est lourd, plus éprouvant est le coup invisible porté par l'ours. Et le géant en fait les frais. A force d'être déchiré par des coups de vents invisibles, Sagatt sent ses vêtements éclater en lambeaux, excepté son pantalon. En revanche, ceux de Veroga semblent résister aux coups. Et surtout, légère comme elle est, la féline peut se mouvoir plus aisément que Sagatt. Elle s'inquiète cependant pour son compagnon qui tente de se soustraire aux pressions invisibles. Des gouttes de sang commencent à poindre des narines de Sagatt. Oui la pression est atroce et si Veroga ne fait rien, il mourra écrasé. Elle pense avoir une solution mais elle veut plus de liberté de mouvement pour éliminer le visage de l'ours. Sagatt n'hésite pas à jurer plusieurs fois pour se maintenir en vie et espérer.
Demeure de Pandore
Le balcon est illuminé par le soleil dans un endroit glacial. Une femme plantureuse semble regarder dans le vide. Elle ne bouge point. Même ses complices n'osent l'interrompre, préférant attendre la fin de sa "contemplation". Puis, elle croise ses bras et esquisse un grand et mince sourire. Elle semble être rassurée par quelque chose.
Quelque part par-là
L'âme de Link, à présent éveillée, flotte toujours en bas. Le Héros du Temps n'est plus qu'un personnage nu. Mais la sensation de malaise et les environs ténébreux du puits lui tirent des hurlements. Il commence à devenir transparent se confondant de plus en plus aux couleurs noir et blanc. Déjà ses jambes commencent à être transparentes et à se colorer de traits noirs et blancs. Link continue à hurler, souffrant. Son avant-bras commence aussi à devenir transparent. Il hurle encore...
Continuant à hurler et à devenir de plus en plus transparent dans les abîmes des nuages blancs invisibles, Link voit inconsciemment son bras droit ne plus devenir qu'un bras aux traits noirs et blancs. En résumé, il perd des couleurs. Les couleurs sont le symbole de la vie et on est en train de les lui voler.
Dans les méandres de sa conscience désormais perdue dans le coma, l'âme revoit les scènes de sa vie. L'ombre du visage géant de Ganondorf, le magicien cruel Majora, les Kokiris, Saria, les adieux de Zelda après la défaite de Ganondorf, sa transformation en Goron, les abominations des mercenaires, ses combats contre les sorcières du Temple de l'Esprit, l'Arbre Mojo... Plusieurs scènes de sa vie que Link revoit dans un désordre le plus total. Une chose est sûre : il voudrait sortir du "puits" blanc. Il essaie inconsciemment de ne pas perdre espoir, donc ne pas perdre son courage. L'âme continue à pénétrer dans les tréfonds du puits blanc...
Une salle de l'iceberg géant
Ça fait longtemps que la reine Zelda est enfermée dans une salle. Elle dodeline sa tête pour reprendre conscience. Elle met ses mains sur ses tempes pour les masser. Elle calme les maux de sa cervelle, les yeux fermés. Elle respire calmement. Elle soupire enfin. Elle commence à regarder les lieux. Le lieu dans lequel est emprisonnée Zelda n'est qu'une petite salle ovale avec un plafond très bas. Aucune porte, aucune cavité, pas le moindre signe d'une craquelure des murs, se dit la reine. Elle a bien sûr remarqué une ligne blanche et lumineuse qui forme un cercle autour d'elle. Elle connaît ce cercle.
En effet, lorsqu'elle était venue chercher sa nourrice Impa sur l'île sacrée des Sheikahs, elle découvrit les restes de la pauvre Sheikah. Elle pleura. Et c'est alors qu'une personne était apparue derrière elle. Elle s'était retournée vers cette personne. Celle-ci n'était qu'un énorme amas de ferraille au gros nez rouge et à la barbe touffue, souriant presque toujours. Il lui avait notamment lancé :
- Votre Majesté... Je suis Salbruttus. Permettez-moi de féliciter votre nourrice. Sa chair a été bonne à manger...
Il ricana doucement, réaction qui eut pour effet de sortir la reine de ses gonds. En colère comme elle l'était, elle s'était élancée vers le monstre. Elle voulut notamment utiliser une petite boule d'énergie que lui avait apprise Impa. Mais Salbruttus avait prévu la colère de la fillette et avait déjà mis secrètement au point le cercle magique... La magie de Zelda perdit donc son efficacité. Elle reçut tout à coup le poing fermé qui s'abattit sur sa nuque.
Et Zelda se retrouve prisonnière. Elle s'en veut un peu de ne pas savoir garder son sang-froid en toutes circonstances. Elle sait pourtant qu'elle venait d'être bouleversée par la mort de sa nourrice. En revoyant le cercle magique, elle sait que pour la première fois elle ne pourra pas utiliser la téléportation à courte distance. Cette magie lui aurait permis de se téléporter en une autre salle. En revanche, elle est capable d'utiliser ses pouvoirs ancestraux pour connaître momentanément la situation du monde. Encore fatiguée, elle s'efforce d'ouvrir sa double-vue. Mais ce qu'elle vient de sentir la choque. Elle sent surtout une situation terrible et se dit : "Link est mort ?" Elle voit soudain le corps sans vie de Link flottant dans un endroit très blanc. Elle n'aperçoit plus que son bras et le reste du corps à l'exception de son torse et de son visage. Elle se répète : "Se peut-il que Link vienne de mourir et que j'aie vu son corps ou son âme ?"
Du côté de Veroga et de Sagatt
Le visage de l'ours s'amuse toujours à maintenir sa pression sur les deux compagnons. Sagatt veut se maintenir en vie et répète inlassablement des bribes de juron. Veroga réfléchit rapidement au moyen de sauver Sagatt. Se retrouvant à plat ventre, elle vient d'avoir une idée. Etant légère, elle se tourne rapidement sur elle-même, se mettant sur le dos. Sans quitter des yeux le visage impassible de l'ours, elle soulève légèrement ses jambes. Malgré la pression qui la colle sur le sol, elle continue à lever ses pieds un peu plus haut. Elle veut utiliser le principe de la feuille que lui avait enseigné un jour sa maîtresse de l'école du vent. Elle lui avait expliqué que la feuille pouvait être aspirée par l'air à tout moment à condition que deux airs se mettent sur les deux côtés de la feuille. Suivant les règles des airs, la feuille est subitement aspirée en l'air. Pour cela, il faut que l'air pénètre sous la feuille pour que celle-ci ait une chance d'être aspirée. Veroga est en train de mettre au point la magie de la feuille. En tenant soulevés ses pieds, sa main gauche crée un mini-vent qui plonge sous les jambes. A la faveur des pressions invisibles venues d'en haut et du mini-vent créé par la féline, Veroga se sent tout à coup aspirée en l'air. Ça marche ! sourit-elle.
L'ours a dû être surpris puisque ses grosses pattes ont cessé d'émettre des mouvements. Ce répit permet de sauver temporairement le géant déjà souffrant. Veroga vole vers le visage. Elle ne veut absolument pas laisser l'ennemi recommencer ses manies. Elle concentre ses pouvoirs dans ses mains croisées. Parvenue juste devant le visage, elle concentre très fortement son pouvoir dans ses mains et délivre une puissance insoupçonnée : des multitudes d'éclairs de tornade s'abattent sur l'ours. La fille aux cheveux rouges est rassurée. Si l'ours a un gros point faible, c'est bien sa très courte durée de vie. Le visage abattu par la force de Veroga explose dans un tonnerre de fracas dans une partie du mur. Ses pattes reliées au visage disparaissent également dans des explosions.
En descendant, la fille entend les remerciements ricanants de Sagatt.
Temple de l'Esprit
Rafaeli vient d'assener une grosse entaille douloureuse sur le torse du barbu. Le sang coule doucement du nez de Salbruttus. L'Intouchable ne dit rien et préfère attendre la prochaine réaction. Son adversaire sourit férocement et exécute un saut en arrière. Il se pose ainsi sur un menhir. Rafaeli reste perplexe par la "réaction" de son ennemi. Celui-ci, toujours ensanglanté par de multiples contusions et entailles qui courent sur son corps, dit :
- Hé ! Hé ! Hé ! Tu n'es pas très gentil... Tu te moques que je sois blessé mais te moqueras-tu encore lorsque tu verras un phénomène magnifique ?
Alors, Salbruttus tient son arme à deux mains et la soulève au-dessus de sa tête. Un halo sort de la grosse hache. Il forme alors une bulle jaune. Cette bulle devient transparente et révèle une forme. Rafaeli crie.
Il s'agit de Nuténa, sa compagne. Elle est enchaînée par les contours de la bulle, jambes et bras tenus par la bulle jaune transparente. Elle est donc enfermée. Elle est nue. Détail horrible : on voit exactement les mêmes blessures que Salbruttus. Nuténa regarde Rafaeli et baisse les yeux, honteuse, essayant de moins souffrir pour ne pas inquiéter son compagnon de lit.
Satisfait, Salbruttus sourit de plus belle.
Du côté de Link
Link est étendu sur le ventre. Il se réveille. Il s'accroupit sur ses genoux. Il regarde ses mains. Il s'aperçoit soudain qu'il est nu. Il embrasse du regard les alentours. Tout n'est que désert. Le ciel est orangé. Le vent souffle timidement sur les dunes de sable. Il lui semble qu'il n'y a pas de soleil mais il se demande d'où viennent la lumière et le ciel orangé. Ses orbites capturent une silhouette qui se profile à l'horizon.
Cette silhouette est imposante et semble être exactement vêtue de la même façon que Ganondorf lorsque le Kokiri avait rencontré Zelda pour la première fois dans les jardins du château. Sauf qu'il porte le masque semblable au masque de pierre de Termina. Sauf encore que ce masque laisse entrevoir deux minces trous. Cette impression... Link est sûr qu'il s'agit bien de Ganondorf, bien qu'il ne puisse pas voir son visage. Le mystérieux personnage s'approche. Il s'arrête et déclare :
- Je t'attendais. Link !
Son interlocuteur regarde le personnage masqué. Il se lève doucement et met son bras gauche derrière l'épaule pour prendre... l'épée ?! Link s'affole un court instant, oubliant qu'il est aussi nu qu'un ver. Le personnage croise ses bras et avec ses yeux qui observent l'attitude de Link, il dit encore :
- Hum... je t'ai fait enlever tout ce qui peut me nuire. Mais ne t'inquiète pas. Tu retrouveras tes chers vêtements bientôt.
Link, de plus en plus certain de se trouver face à Ganondorf, l'observe attentivement. Ça ne fait qu'à peine un an qu'il l'avait renvoyé dans une prison spirituelle avec l'aide de la princesse Zelda. Son interlocuteur semble avoir lu dans ses pensées puisqu'il continue :
- Voilà plus de deux mille ans que je t'attends.
- Hein ?! Qu'est-ce que tu viens de me dire ? s'exclame Link surpris.
- Hé ! Hé ! Hé ! Bienvenue dans mon royaume désertique. Tu verras que tes amis Rafaeli, Veroga et Sagatt vont crever comme de sales microbes ! Ces foutus microbes vont crever jusqu'à souffrance ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha !
Ganondorf hurle de rire plusieurs fois.
Un puissant seigneur du désert nommé Ganondorf jura fidélité au roi d'Hyrule. Il conspira secrètement contre son seigneur. Il réussit à éliminer le roi et à chasser les habitants de la cité royale. Il manqua de capturer la princesse Zelda mais grâce à Link, il réussit à rencontrer la Sainte Triforce l'essence sacrée des Déesses. Il la toucha. Elle éclata en trois morceaux. Cet événement fut le début de sa perte... car il croyait être à son summum. En fait, c'était le début de la légende du Héros du Temps, qui grandit de plus en plus dans son courage et son agilité guerrière. Le Kokiri et la princesse se liguèrent contre le seigneur du Malin. Et il fut chassé pour toujours dans les annales de l'oubli... Que ce soit dans le futur parallèle ou dans le présent, Link et Zelda réussirent toujours à l'empêcher de gouverner Hyrule. Et Link n'est plus qu'un fantoche se débattant dans les ténèbres noires...
Autrefois, j'étais à la droite de Sa Majesté le roi d'Hyrule. J'étais auréolé de gloire et de puissance. Plusieurs seigneurs me craignaient. Bien que j'étais inférieur au roi, je le servais avec mauvaise grâce.
Ainsi parle Ganondorf à Link qui l'écoute sans rien dire puisque privé de ses armes.
Mais il y avait une personne qui vivait à la cour et qui éblouissait la cour presque plus que moi. Il s'agit... de la gracieuse et glorieuse Pandore ! Celle qui illuminait de sa beauté diabolique toute la cour !
Puis, il y eut les rumeurs selon lesquelles Pandore elle-même faisait rechercher secrètement la Triforce... Celle-là même dont tu détiens un morceau... Moi qui n'étais qu'un seigneur puissant du désert, je ne pouvais pas laisser cette folle s'en emparer !
Ganondorf tape ses poings comme pour illustrer sa fureur contre Pandore.
Heureusement, à force de persévérance et de ténacité, je réussis à écarter cette gêneuse, qui disparut de la circulation aussitôt ! Je mûris mon plan afin de chasser le roitelet d'Hyrule... Et je le menai à bien. Zelda m'échappa avec sa nourrice... Tu étais arrivé... Je te sous-estimais mais tu m'avais bien aidé... Grâce à toi, je touchai la Triforce... (la main gantée de Ganondorf tremble). Mais au moment où je la touchai, elle éclata et une voix se fit sentir... Elle disait notamment... "Les élus au coeur pur sont dignes de recevoir en une seule fois l'essence divine. Les mauvais élus doivent ré-assembler les fragments pour la recevoir."
Ganondorf se tait un moment... puis hurle : "Pour qui se prennent ces pétasses !?" Link comprend que Ganondorf veut parler des déesses qui l'avaient empêché de s'emparer de la Triforce.
Alors j'ai commencé malgré tout à régner sur Hyrule, répandant la terreur et le chaos sur le pays... Je recherchais activement les détenteurs des fragments... J'ai capturé la princesse, je faillis même avoir ta tête... Mais tu m'as vaincu et emprisonné ici...
Finissant de l'écouter, le héros se demande s'il n'a pas à faire au Ganondorf du futur et non du présent. "Mais il vient de me dire qu'il m'attend depuis deux mille ans... Alors qui est-il vraiment ?" Ganondorf perçoit la perplexité de son adversaire et lui répond : "Je suis l'unique Ganondorf scindé en trois Ganondorf : passé, présent et futur... Je fus tué dans le passé, vous m'avez emprisonné dans le présent, vous m'avez chassé dans le futur. La prison spirituelle nous a fusionnés...". Link est pris dans un tourbillon de pensées qui l'assaillent. Il ne comprend plus rien. Il se trouve face à une situation irréaliste : un Ganondorf issu de trois ennemis uniques. Il tâte sa chevelure avec ses mains dénuées de gants. Il entend néanmoins un bruit. Il se retourne vers son origine.
Il revoit tous ses ennemis qui ont été vaincus et tués par lui : la reine Gohma, le roi Dodongo, le monstre du ventre de Jabu-Jabu, le fantôme spectral, Volcania le démon-dragon, Morpha, Bongo-Bongo, les sorcières jumelles fusionnées en une magnifique jeune femme. Sont présents également les quatre boss de Termina : le boss des Mojos, le boss des montagnes, le boss des océans, le boss de la forteresse. A une grosse différence : ces boss sont tous de la même taille que Link. La jeune sorcière du Temple de l'Esprit ricane : "Salut beau gosse ! Ryah ! Ryah ! Ryah !" Les monstres encerclent doucement Link qui tourne sur lui-même, un peu sur la défensive. Ganondorf déclare les avoir réunis afin de lancer une dernière offensive sur Hyrule, Termina et... surtout le Saint-Royaume. Il dit encore : "Depuis longtemps, le désert fut le symbole de la sauvagerie et du désordre, Hyrule le symbole de la civilisation et de l'ordre... Le désert doit vaincre. Cela n'a que trop duré...". Les yeux bouillonnent au fond du masque de Ganondorf.
Un autre ennemi inconnu apparaît dans un éclat de nuages violets. Le seigneur du désert déclare solennellement : "Voici ton ennemi à abattre. Je préfère encore m'amuser avec toi... Je ne veux pas me salir les mains à te combattre. Tiens morpion, voici tes parures." En effet, Link est soudain affublé de son célèbre bonnet et tout son arsenal, bouclier, épée Excalibur... Ganondorf et ses monstres disparaissent doucement, de même que les ténèbres s'abattent sur le ciel orangé... A quoi rime cette discussion inutile ? Ganondorf aurait pu aisément me voler mon fragment ! s'interroge Link. Mais je dois combattre et vaincre mon adversaire. Link dégaine avec plaisir son Excalibur...
Temple de l'Esprit
L'Intouchable bouillonne intérieurement. Les signes de sa colère commencent à poindre. Pourtant, il s'est juré de ne pas sombrer dans la colère sans quoi elle le mènerait à sa perte. Sa Nuténa souffre dans la bulle qui retient ses bras et ses jambes prisonniers. Elle est si belle dans sa nudité malgré ses blessures. Elle halète de souffrance et murmure : "Rafaeli...". Salbruttus assiste à la scène, souriant. Il baisse son arme. Sur le point d'attaquer son adversaire, il lui lance :
- Rafaeli... Apprends que Nuténa est si bonne que j'en jouis très aisément... J'aurais pu aller plus loin mais je ne voulais pas laisser ta fillette dans le coma...
L'Intouchable sent toute son énergie bouillonner de plus en plus. Il décide désormais d'éliminer son ennemi sans état d'âme et de sauver sa Nuténa. Il charge alors d'énergie son épée lumineuse. Des pointes d'électricité sortent de l'arme. Sans laisser de répit, Rafaeli s'élance très rapidement vers Salbruttus. Un tonnerre de vitesse soulève Rafaeli des sables tandis que Salbruttus, prévoyant le coup, se met un peu en défense. Pendant qu'il s'élance vers l'ignoble personnage, on remarque une boule d'énergie rouge et jaune sortir du corps de l'Intouchable. Il s'agit de la magie qui peut brûler très gravement tout ennemi qui le toucherait. Il compte lancer cette boule sur Salbruttus. Celui-ci brûlé succomberait ensuite aux multiples coups mortels de l'épée. Un combo en quelque sorte.
La boule rouge commence à sortir et devance désormais Rafaeli. Elle se précipite à toute vitesse sur Salbruttus debout sur le menhir. L'ennemi crie : "Merci beaucoup ! Je n'attendais que ça !". Et il se lance tout droit vers la boule d'énergie. Ils s'entrecroisent, Salbruttus pénétrant dans la boule. Rafaeli ne comprend pas mais sait que Salbruttus souffre car il gémit rapidement. L'Intouchable entend soudain un hurlement qu'il ne connaît que trop bien. Il s'agit des horribles cris de Nuténa. Les yeux de Rafaeli s'écarquillent, horrifiés. A en juger par les cris de la femme, il comprend qu'elle ne fait en quelque sorte qu'un avec Salbruttus. Que Salbruttus meure et elle meurt aussi.
Rafaeli ralentit subitement mais rencontre la hache de Salbruttus. La main gauche de Salbruttus tente d'abattre son adversaire. Rapide comme le vent, Rafaeli peut se déplacer d'un mouvement, parvenant à éviter l'arme qui heurte sur son bras. En s'entrechoquant à son bras, Salbruttus entraîne inévitablement son ennemi par terre. Il ne sourit plus et reste déterminé à écraser l'un des plus puissants du monde d'Hyrule...
Quant à Nuténa, continuant à souffrir atrocement, elle murmure néanmoins : "Rafaeli... Je t'en conjure... Fuis ! J'ai trop honte...". Et elle sanglote.
Une odeur d'ombre s'abat sur deux spectateurs. Ces deux spectateurs regardent la scène de l'enlèvement de Nuténa. Ils dirigent leurs yeux vers une sorte de baignoire géante. A partir d'une sorte de liquide, on peut assister à la scène. Cela équivaut à une boule de cristal. Un spectateur est assis sur un petit trône fabriqué avec de la poudre d'os d'Hyliens. Il porte une longue cape cachant à peine son visage : il a un visage de "lépreux" et des yeux de reptile. Il a la bouche mangée. Tout son visage est vert ou bleu ou un mélange des deux couleurs. Ce monstre ricane.
L'autre spectateur est un bel être. Son visage est un peu aquilin, le nez agréable, les yeux perçants et impressionnants de calme, les cils et sourcils minces, les cheveux ras sous lesquels on peut distinguer la naissance de petites cornes effilées, ses oreilles sont longues mais n'atteignent pas la célébrité des oreilles des Hyliens, sa bouche est très mince. Il porte des vêtements sombres mais éclatants dans un rouge sombre qui ressemble à la couleur du sang séché. Il a également des petites bottes noires. La peau de ce spectateur est marron clair. Il murmure :
- Le moment est enfin arrivé... Rafaeli... Tu nous sers beaucoup et surtout à notre maître.
Ce à quoi le monstre encapuchonné ricane bêtement en disant :
- En effet, il faudra remercier la Zelda qui est, cette fois, d'une affligeante bêtise... Elle est moins sage !
Le jeu de mot du monstre dénommé Preulé laisse de marbre Désavil qui sourit. Désavil replie alors son genou pour y poser sa main. Il continue :
- Ce sera un très bon spectacle.
Temple de l'Esprit
Nuténa a honte. Elle sanglote. Elle est capturée, humiliée, battue, prise en otage, elle souffre. Elle souffre surtout de voir Rafaeli en colère. Du sang coule de son nez et de sa bouche, qui se mêle aux gouttes de pleurs inondant son visage. Elle est impuissante à vouloir arrêter Rafaeli, bras et jambes emprisonnés par la bulle transparente.
Salbruttus vient d'abattre sa hache sur le sol sableux. Rafaeli, le buste penché devant son adversaire, veut riposter rapidement mais il se rappelle en quelques secondes que tant que Salbruttus sera blessé, Nuténa le sera aussi. Il se contente de faire un pas hyper rapide en arrière. Son adversaire éclate de rire et hurle des obscénités. Rafaeli réfléchit à un moyen de sauver sa chérie sans lui faire le moindre mal.
Il prend quand même un risque. Il fait illuminer son épée afin d'aveugler momentanément son adversaire. Celui-ci met tout de suite son bras devant ses yeux pour ne pas être aveuglé. Le moment est venu de se précipiter vers Nuténa. Rafaeli plonge son bras dans la bulle pour attraper celui de Nuténa. Mais lorsqu'il tire son bras, le contact de la peau avec l'air arrache un hurlement à Nuténa. Apeuré, l'Intouchable remet le bras de la jeune femme à sa place dans la bulle. Salbruttus finissant de se frotter les yeux, crie à l'intention de Rafaeli :
- Imbécile ! Tu crois que je vais te laisser faire une chose pareille sans rien faire ?! Nous avons prévu ta manoeuvre et te voilà puni ! Un bras brûlé en plus ! Tu fais souffrir inutilement ta chère femelle. Tu ne peux rien faire à moins de me tuer...
Rafaeli sent les veines de son cou se gonfler de colère et commence à éprouver de la haine envers l'ennemi. Il serre son poing rageusement.
Du côté de Link
Le Héros du Temps attend son nouvel ennemi qui s'approche. Celui-ci a un visage blanc et très maquillé. Il porte un bonnet vert surmonté d'une cloche et des vêtements verts en signe de dérision envers Link. Il a une bouche très rouge, des yeux efféminés, un visage ovale, des oreilles ouvertes et rondes. Il chausse des bottes vertes. Il tient surtout une faux constellée d'or et de diamants. Le curieux bonhomme s'adresse à Link, souriant sans montrer ses dents :
- Bienvenue dans mon royaume. Je suis le frère du fantôme que tu as tué (mais qui t'avait néanmoins éliminé). Je suis Cloun. Je ne supporte pas de voir mon frère se faire battre par un morpion. Prépare-toi car Seigneur Ganondorf m'a donné la permission de te tuer !
Suis-je vraiment mort ? Où est Navi ? Les ténèbres noires ont-elles quelque chose à voir avec ce personnage ? Quoi qu'il en soit, il faut que je le batte. Toutes ces interrogations assaillent le cerveau de Link. Il protège son torse avec son bouclier et tient son épée fermement de sa main gauche. Cloun commence alors une curieuse danse qui consiste à tourner sur lui-même en tapotant le sol et en agitant la faux. Il va de gauche à droite et vice versa toujours en faisant les mêmes mouvements. Méfiance ! se dit Link. Dommage que Navi ne soit pas là... Cloun agresse soudain le sol avec sa faux. Il crée une petite rivière de glace qui se précipite vers Link. Celui-ci fait un saut à gauche. Encore heureux !
Mais Cloun a prévu le coup et lance sa faux désormais constellée de flammes rouges vers le héros. Sans paniquer, Link découpe la faux en deux la privant ainsi des flammèches rouges. Cloun crie : "Hooooooo !!! Quel coup magnifique !!!" en mettant ses mains efféminées sur ses joues. Link sait que Cloun le prend pour un imbécile mais préfère ne pas avoir de réaction. D'ailleurs, la faux se reconstitue et revient vers son propriétaire. Le faux Kokiri gonfle son ventre sans pourtant arracher ses vêtements. Le ventre prend de l'ampleur allant jusqu'à devenir plus gros que la reine Gohma elle-même. Link comprend et doit s'en aller.
Il a vu juste. Cloun souffle un air glacé avec quelques flammèches rouges pendant longtemps, pour que Link courre pour être certain d'être hors d'atteinte du souffle de Cloun. Alors le bonhomme crée un cristal bleu orné d'un trou qui contient un coeur. Ce cristal tourne sur le sol et avance à grande vitesse menaçant de blesser Link...
Du côté de Veroga et de Sagatt
Veroga se penche sur Sagatt étendu sur le ventre. Le géant tente difficilement de se lever. Il ne le doit qu'au prix de grimaces et avec l'aide de Veroga qui prend son ami par les épaules. Sagatt grimace en lâchant des petits jurons sur sa santé. Finalement, il se met debout. Il se demande pourquoi il n'a pas pensé à amener des petites fées. Elles l'auraient massé à leur façon. La fille à la chevelure rouge sourit. Sagatt lui demande d'un air innocent mêlé d'ironie cruelle de lui masser le dos pour qu'il se sente mieux. Résignée mais contente de savoir Sagatt en vie et surtout moins blessé qu'il n'y parait, Veroga se contente de masser doucement son dos. Auréolé de bonheur, le policier dit doucement : "Encore... Encore... Oui, oui, par-là. Non, non, par-là... Là c'est mieux..." Ils sont ainsi dans la salle à effectuer des mouvements de bien-être. Veroga lui demande malicieusement si Magalène a effectué les mêmes mouvements sur lui. Celui-ci grimace et raconte qu'il s'était en effet fait masser le dos par la voyante en abusant de son amour pour le policier. Veroga regrette d'avoir demandé car elle s'aperçoit que Magalène a été mal récompensée de masser Sagatt, alors que celui-ci ne répondait même pas à son amour. Mais et si Sagatt n'était pas insensible à l'amour de Magalène ? Cela reste à prouver vu que le géant n'est qu'un ripou... Le "ripou" demande :
- Qui t'a parlé de Magalène ?
- Link, parce qu'il a cru bien faire. Il est un peu naïf, tu sais, répond Veroga en souriant.
- Ouais ! Ouais ! Bon, je me moque de Magalène mais il va falloir penser à Link, Rafaeli et Zelda.
- D'accord.
Ils sortent de la salle et trouvent la sortie sous forme d'un halo de lumière qu'ils empruntent sans prudence parce qu'ils n'ont pas le choix. En fait, ce halo les téléporte au Temple de l'Esprit...
Sagatt et son amie se retrouvent téléportés dans l'entrée du Temple de l'Esprit. Ils ne connaissent pas ce temple mais d'après les descriptions de Link, ils ont compris où ils se trouvent. Si Link est juste dans son récit de son aventure passée, le duo doit trouver la sortie à l'opposé des deux portes (l'une se référant aux anciennes aventures de Link enfant, l'autre à Link adulte). Ils voient la lumière du jour luire de l'entrée du Temple. Ils dirigent par conséquent leurs pas vers l'entrée mais un vortex d'eau y apparaît.
Alors quatre hache-viande apparaissent. Deux sont dorés, les autres sont vêtus en noir. A en juger par leur allure très lente, ce sont les monstres décrits par Link. Sagatt a intérêt à ne pas se faire décapiter net car il est encore un peu blessé. Veroga doit compter sur sa vitesse pour prendre le dessus sur les monstres. Elle demande à Sagatt de se diriger vers l'escalier pendant qu'elle essaie d'attirer les armures lourdes. Le géant exécute les ordres de l'habitante du Saint-Royaume. Elle se jette alors sur chacun des monstres en les frappant d'un pied afin de les obliger à la suivre. Lentement, les hache-viande, comme mus par un magnétisme, suivent la gracieuse féline. Elle les attire vers... le vortex d'eau. Et un par un, elle saute rapidement derrière eux pour les pousser dans le dos. Ainsi, le hache-viande est précipité vers le vortex et, déstabilisé par la furie de l'eau, il perd son arme. Veroga n'a plus qu'à utiliser des airs qui découpent la peau. Un coup, deux coups et un hache-viande de moins ! Elle répète très rapidement l'opération. Une fois tous éliminés, Sagatt descend l'escalier pour complimenter Veroga. D'ailleurs, le vortex prend la politesse de laisser le passage à nos amis.
Ils sortent enfin. Ils se heurtent à la chaleur insoutenable du désert et à l'immensité des sables avec pour décor des longs murs, un gros menhir, une grotte, ainsi que le parvis du temple. Ils repèrent Rafaeli bouillant de rage et un autre inconnu. En s'approchant doucement, ils aperçoivent alors Nuténa prisonnière de la bulle. Rapidement, le cerveau de Sagatt l'informe que Nuténa ne peut pas être délivrée si facilement, malgré la puissance de Rafaeli. Il a vite compris parce qu'il se base sur la psychologie des gens, et il lit sur le visage de l'Intouchable une marque d'impuissance et de colère. Apparemment, celui-ci n'a pas réussi à délivrer Nuténa. A moins que l'inconnu ne soit plus puissant que Rafaeli ?
Veroga, en revanche, n'a pas la profondeur d'analyse de son compagnon et veut se précipiter pour venir en aide à Rafaeli. Sagatt se jette à plat ventre pour attraper la cheville de la femme qui est en train de s'envoler. Tombée durement sur le parvis, Veroga adresse de durs reproches à son compagnon. Sagatt lui intime de se taire et d'entendre ses explications. De mauvaise grâce, elle s'exécute et à la fin, comprend les raisons de Sagatt. Elle s'inquiète alors pour Nuténa et Rafaeli.
Salbruttus a déjà entendu les pas car il vient de lancer au duo :
- Tiens ! Sagatt et Veroga ! Soyez les bienvenus dans le Temple de l'Esprit ! Je suis désolé de vous l'annoncer mais je ne suis plus votre compagnon. Je vous trahis. Désolé...
Salbruttus étonne fortement ses interlocuteurs. Ceux-ci restent bouche bée devant les provocations du meurtrier d'Impa. Il se tourne vers Rafaeli pour attendre sa réaction. Peine gagnée : l'Intouchable semble bouillir de plus en plus de rage en entendant le verbe "trahir". Pour enfoncer le clou, Salbruttus déclare encore :
- Oui... Je comprends votre surprise et votre étonnement. C'est que je suis fatigué de courir les pays.
Le géant se demande s'il a déjà entrevu ce personnage. Il ne le pense pas, donc il se demande pourquoi Salbruttus les a provoqués. Ce n'est tout de même pas Rafaeli la cible des provocations ?! Sagatt est de plus en plus persuadé que Salbruttus compte sur son "ancienne" et fausse amitié avec lui et Veroga pour mettre Rafaeli en colère. "Oui, j'en suis sûr !" Le policier met la main sur l'épaule de la fille pour l'inciter à ne point intervenir et à attendre les événements. Mauvais calcul ! Car, Rafaeli croit que ses amis ne veulent pas intervenir à cause de leur amitié pour ce Salbruttus. C'est pourquoi il commence à s'énerver. L'ignoble brute sourit : "Parfait ! Notre plan a bien marché ! Encore un effort, et tu y es..."
Salbruttus prend son arme pour entailler ses deux cuisses. Aussitôt, Nuténa crie en sentant les plaies de ses cuisses s'ouvrir davantage. Les yeux surpris, Sagatt et Veroga ne bougent d'abord pas. Le géant comprend tout de suite pourquoi Rafaeli n'a pas pu enlever sa femme. Nuténa est en quelque sorte physiquement liée à Salbruttus. Que celui-ci se blesse et Nuténa se blesse. Veroga, furieuse, veut quitter le parvis pour s'en prendre à Salbruttus mais Sagatt retient encore sa main.
- Lâche-moi ! s'irrite Veroga.
Sagatt n'obéit pas : "Ecoute Veroga. Si tu t'en prends à Salbruttus, tu t'en prends également à Nuténa." Et il lui explique rapidement la situation. Désespérée, elle crie :
- Que faut-il faire alors ?! Nous n'allons tout de même pas laisser souffrir Nuténa ! C'est ça ?!
- Certes... Il y a peut-être une solution pour cesser ses souffrances mais...
- Oui ?
Mais l'ancien soldat ne veut pas en dire plus. Ils entendent alors les paroles de Rafaeli qui les étonnent :
- Tu n'es qu'un misérable lâche ! Comment peux-tu t'en prendre à Nuténa ? Tu n'es qu'un sale traître ! Sale Link ! Sale Héros du Temps !
En choeur sort le même cri de Sagatt et de son amie :
"Quoi ?!"
Ils ont mal entendu Rafaeli ? Mais non, ils l'ont bien entendu s'adresser à Salbruttus en des termes très durs. Veroga rétorque que ce n'est pas le Link qu'elle connaît mais bien un cruel inconnu. Sagatt comprend mieux les agissements de Salbruttus mais ne voit pas pourquoi il se fait passer pour Link... Et comment l'illusion marche-t-elle sur Rafaeli ? Pourquoi elle ne fonctionne pas sur nous ? Ça aurait été la confusion la plus complète pour nous. Quoi qu'il en soit, Rafaeli est vraiment sûr de se retrouver face à Link, le Héros du Temps. Malheureusement, l'Intouchable est bel et bien prisonnier de la puissante magie de l'illusion. Cette magie fait totalement passer Salbruttus pour Link aux yeux de Rafaeli. Sagatt se demande si l'ennemi veut exploiter une nouvelle haine envers Link. Il en a peur car la puissance de Rafaeli est assez importante pour que le duo doive aider Link.
Salbruttus ricane derrière les poils touffus de sa barbe. Il semble rechercher quelque chose dans son armure. Sa main gauche fouille et sors rapidement une fiole rouge. Il déclare solennellement :
- Je vais boire la fiole qui me donnera de la force et éliminera mes blessures.
Il la boit alors. En réalité, la fiole contient du piment très fort. Ce piment ne fait que des dégâts minimes à l'estomac de Salbruttus mais incendie atrocement celui de Nuténa qui hurle désespérément. Le salopard ! pense Sagatt. Ce monstre s'est moqué de Link en buvant la fiole censée régénérer les blessures. Nuténa hurle toujours tandis que Rafaeli prend à la fois un air désespéré et haineux. Sagatt voudrait faire quelque chose mais il reste impuissant à dissiper les illusions qui entretiennent le cerveau de l'Intouchable. Veroga doit être du même avis que le géant car elle baisse doucement les bras et la tête. Salbruttus crie à Rafaeli :
- Viens Rafaeli ! Tu ne peux rien faire contre le héros ! Tu n'entends pas les souffrances de ta copine ?! Qu'est-ce que tu attends pour la délivrer ?!
Il bouge son index dans un va-et-vient pour narguer son adversaire. Il continue à le provoquer en insistant sur l'impuissance. Il attaque alors Rafaeli en jouant sur son impuissance à ne point faire du mal à Nuténa. Il veut l'attaquer avec sa hache à la verticale en ciblant la tête de Rafaeli. Celui-ci prend soudain un air triste et recharge son arme. Il la tient rapidement vers son ennemi et produit un halo d'énergie blanche qui transperce le ventre de Salbruttus. Malheureusement, le ventre de Nuténa l'est aussi...
Salbruttus est éjecté plus loin, poussé par la puissance de l'attaque de l'épée lumineuse. Il heurte un des piliers du menhir. La bulle d'énergie disparaît, délivrant ainsi la belle femme. Rafaeli se précipite pour intercepter Nuténa. Il la prend dans ses bras et s'accroupit pour allonger sa femme. Il émet des doux sanglots. Il s'en veut terriblement de l'avoir malmenée malgré lui. De plus, il l'a tuée... Car, sans rien dire et dans un silence à peine interrompu par les murmures du vent des déserts, Nuténa disparaît lentement dans des poussières violettes. Rafaeli regarde alors ses mains qui ne contiennent plus le corps de celle qu'il avait connue et aimée... Sagatt et Veroga se tiennent cois et tristes, et inquiets pour Rafaeli.
Du côté de Link
Link court pour éviter les attaques du gros cristal et plonge pour les éviter. Il faut attaquer son trou pour atteindre son coeur, pense le Kokiri. Il réajuste son bonnet et rengaine son épée et son bouclier. Il sort sa panoplie d'archer. Cloun glousse. Il se moque de la gaucherie de Link. Il reprend encore le combat en faisant gonfler son ventre. Il veut apparemment créer un air très glacé. Mais le héros se trompe car le monstre crée un amas de gros feux. Le vrai Hylien est forcé à encore détaler pour éviter les flammes ardentes. Cloun recrée un cristal bleu qui tombe sur le sol. Cet objet tourne sur lui-même pour avancer très vite sur Link.
Link a soudain une intuition : et si les ténèbres n'étaient là que pour protéger Cloun ? Mais comment faire pour les dissiper ? Il a une idée. Au lieu de tirer ses flèches de feu qui feront fondre à coup sûr le cristal, il préfère choisir des flèches de lumière. Il recule de deux pas. Il ajuste son tir et attend calmement. Il vise en priant que son tir réussira. Son doigt donne la bénédiction au travail de l'arc. La flèche naît majestueusement de l'arc pour aller à la rencontre du trou du cristal bleu. Quelle chance ! La flèche illuminée pénètre dans le coeur. La munition illumine soudain le cristal. En se reflétant sur ses faces, la lumière vainc les ténèbres. Cloun, horrifié par l'astuce de Link, veut s'échapper mais c'est trop tard. La lumière a pétrifié Cloun qui tombe par terre un moment. Il ne bouge plus pendant une minute. Un court laps de temps suffisant pour décapiter le crâne de Cloun. Exit Cloun !
La flèche de lumière ayant fait sa belle oeuvre, des nuages violets commencent à envelopper Link. Celui-ci n'a plus le choix : il doit attendre les motivations de ces nuages car il ne trouve pas d'autre issue pour s'échapper. Les nuages aveuglent Link. Il attend patiemment. Tout à coup, la forte lumière transperce les nuages qui prennent des couleurs orangées, voire jaunes...
Link entrevoit le ciel bleu. Et des nuages blancs ornant le ciel. Il entend des battements d'ailes. Non ? Serait-ce possible ? Il se tourne vers l'origine des petits bruits. Navi ! Il l'a enfin retrouvée. La fée est aussi surprise de retrouver son ami et se précipite pour tâter joyeusement le bonnet vert. Cependant, les yeux de Link repèrent quelque chose. Ils entr'aperçoivent un corps brun disparaissant petit à petit. Ils ont reconnu Nuténa. Link aperçoit alors Rafaeli prostré, les mains pendantes. L'Intouchable a les yeux rivés sur le sol. Quant à Salbruttus, il vient de disparaître dans un amas de nuages jaunes. Navi comprend qu'elle se retrouve devant le Temple de l'Esprit et l'annonce à Link.
Les orbites de Sagatt et de son amie n'en croient pas leurs yeux. Elles ont assisté à la disparition de Nuténa. Comme elles étaient occupées à méditer sur sa disparition, elles n'ont pas vu l'apparition de Link. Le géant et la féline aux cheveux rouges s'exclament :
"Link !?"
Les amis de Link restent abasourdis par son apparition. Link est surpris de se retrouver devant Rafaeli prostré sur le sol. Navi vole autour de Link en faisant remarquer que Rafaeli n'est pas dans son état normal. Elle s'approche alors du visage. Elle recule tout de suite après avoir vu le visage en colère et malheureux de l'Intouchable. Sagatt comprend maintenant où veut en venir l'ennemi. Il s'agit d'attirer la colère sur Link après avoir assisté à la torture de Nuténa par le faux Link. Il fait un mouvement en criant à Link de dégager sur-le-champ, mais celui-ci ne l'écoute pas car il est occupé à vouloir consoler l'Intouchable.
Rafaeli relève la tête et fixe les yeux du héros. Link ressent un malaise en se sentant scruté par l'Intouchable. Il dit alors ceci :
- Rafaeli, qu'est-ce qui ne va pas ?
Mais les nuages de l'illusion ne sont pas encore dissipés car l'ancien petit ami de Nuténa remarque un rictus souriant et cruel de Link qui dit ces fausses paroles :
- Qu'est-ce qui ne va pas ? Nuténa a crevé, point !
Et suit un ricanement de hyène.
Trompé par l'illusion, le puissant Intouchable gémit très fort. Il a la gorge nouée par des hochements de tristesse. Il se remémore rapidement tous ces bons moments passés avec la petite femme. Il ne verra plus son allure gracieuse, ne profitera plus de ses promenades avec elle sur la plage, de sa natation au gré de ses belles formes, de son chant, de ses bouderies, de sa cuisine... de son amour. Il revoit les souffrances de Nuténa torturée par "Link". Lorsqu'il l'a tuée, il a regretté fortement de ne pas avoir été plus vigilant. En se rappelant la disparition de sa femme, son cerveau bouillonne d'une extrême tristesse pour finir dans la douleur la plus affligeante. Rafaeli hurle alors. Son cri résonne sur les voûtes du Temple de l'Esprit.
Il aurait pourtant dû se souvenir de deux enseignements essentiels : ne jamais se laisser conduire par la haine qui obscurcit les réflexions. C'est ce qu'enseignèrent les anciens Intouchables. En effet, si Rafaeli n'avait pas été emporté par la haine, il aurait su qu'on pourrait ressusciter Nuténa grâce à l'emploi de la Triforce. Qui sait que dans son pays du Saint-Royaume, il n'y aurait pas un trésor plus puissant que la Triforce elle-même ? Rafaeli n'a-t-il pas révélé à Sagatt que si un Intouchable commence à éprouver de la haine, il devient un monstre ?
Rafaeli commence à vouloir commettre un meurtre et pas en légitime défense, règle des Intouchables qui permet d'éliminer physiquement des adversaires si l'on est acculé à la défense. Cette fois, pas de quartier pour le pauvre Link ! Il n'écoute plus les conseils des anciens Intouchables. Il n'a qu'un mot à l'esprit : massacrer Link. Oui, son cerveau le veut ! Il le veut ! L'Intouchable hurle de rage.
Un phénomène se produit. L'épée lumineuse quitte subitement son propriétaire et disparaît à l'horizon. Sagatt s'inquiète. Veroga également. Rafaeli s'enfonce doucement dans la terre en dégageant des tonnes de sable. Il attire les foudres du ciel. Chose curieuse parce que le ciel est toujours bleu. Ses yeux deviennent peu à peu noirs, ses dents commencent à être pointues, ses sourcils s'agrandissent un peu plus. Ses vêtements disparaissent, brûlés par des flammes noires qui entourent le corps de l'Intouchable. Ses mains se transforment en mains griffues, ses muscles se développent soudainement. Ses cheveux sont noirs. Ses pieds, désormais nus, sont aussi griffus. Un halo fait de flux électriques et de bulles de flamme tourbillonne autour de Rafaeli à une vitesse toujours plus grande. Le se xe de l'Intouchable a disparu. Des veines commencent à grossir sur la peau. Il hurle pour la dernière fois. Un cri énorme et terrible. Même des Gerudos sises dans leur village l'entendent, sans comprendre pourquoi, ni comment.
Link n'ose pas bouger, impressionné par la transformation de son ami. Navi s'est réfugiée dans son bonnet, mais l'a soulevé un peu pour assister à la "déchéance" de Rafaeli. Sagatt et Veroga lèvent leurs bras pour se protéger des assauts du sable.
La transformation est terminée.
Rafaeli n'est plus l'Intouchable. Il s'est rejeté lui-même en choisissant la haine. Il est devenu un monstre... voire un démon...
Quelque part
Un cri joyeux fuse :
- Nous avons réussi !
Ainsi a parlé Preulé, le monstre au visage de lépreux et aux yeux de reptile. Il tapote ses mains. Quant à l'autre, Désavil, il sourit. Il se frotte les mains avant de les enlacer plus intimement. Il les met alors au niveau de son nez. Il sourit de plus en plus. Preulé dit encore :
- Quel coup de maître de faire intervenir ton monstre. Le maître de l'illusion. Il s'est amusé à répandre l'illusion sur Link, Rafaeli et Zelda. Tous sont tombés dans le panneau. Link a cru être tué alors qu'il a bel et bien vaincu le fantôme. La reine croyait se trouver à l'iceberg géant alors qu'elle était bien au Temple de l'Esprit. Elle a même cru grâce à sa ridicule double vue que Link était tombé dans un puits blanc. Mais le must c'est bien Rafaeli ! Le maître de l'illusion a fait passer Salbruttus pour Link aux yeux de Rafaeli. Et... le voilà en pitoyable monstre !
Preulé avait fait un résumé mais Désavil le savait déjà. Preulé aime bien résumer. Désavil déclare à son tour :
- Certes, cet Intouchable est devenu un monstre, ou un démon. Mais ne sous-estimons pas Link. Il est capable de vaincre Rafaeli, car en devenant un monstre, il a perdu la majorité de ses pouvoirs. Link, avec l'aide de ses amis, n'aura pas de mal à vaincre Rafaeli. Peu importe qui mourra, Link ou Rafaeli, un de moins fera notre affaire. Bon, ce n'est pas tout. Notre maître sera heureux de montrer l'étendue de sa magnanimité en ralentissant l'activité de l'oeil géant. Une façon de donner une leçon à Hyrule entière...
Le silence tombe pour de bon.
Link recule instinctivement devant la stature ténébreuse du nouveau monstre. Ce monstre a pourtant des sentiments. Des larmes coulent le long de son visage. Il serre les dents, il fronce les sourcils. Link se demande ce que fera Rafaeli puisque son épée lumineuse est partie dans les cieux. Quelles armes ? Quelle magie va-t-il utiliser ? Link tourne la tête vers le policier et la féline en les interrogeant du regard. Navi crie :
- Hé Link ! Regarde !
Les yeux de Rafaeli se colorent de rouge. C'est le signe manifeste de sa colère. Il avance doucement mais solennellement comme s'il était déterminé à s'en prendre à Link. Il n'est point gêné par les sables. Il semble être en harmonie avec eux, au contraire. Il se fige tout à coup. Le calme avant la tempête.
Dans une action furieuse, Rafaeli s'élance, les griffes ouvertes. Il utilise son bras droit pour atteindre le visage de notre ami. Surpris, Link ne peut que se protéger grâce à son bouclier hylien. Il aurait dû riposter et pourtant, il hésite. Il ne veut pas blesser celui qui fut son ami. Son hésitation lui coûte cher car Rafaeli lance son bras gauche pour griffer Link. Celui-ci a le visage pétrifié d'horreur. Au dernier moment, une mini-rafale de vent intercepte le bras, qui est repoussé violemment. Link recherche l'origine du vent qui l'a sauvé : Veroga. L'ancien Intouchable fixe attentivement Veroga et son compagnon Sagatt. Il les prend alors pour des complices de Link. Ses yeux deviennent rouge écarlate.
Une aura se fait sentir à quelques mètres de la position de Rafaeli. Sagatt frissonne. "Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire contre Rafaeli. Je suis blessé et de plus, je n'ai plus bataillé aussi ardemment depuis longtemps. Je dois donc compter sur le courage de Link et l'agilité de Veroga, mais aussi sur ma perspicacité... Il vaudrait mieux que je m'éloigne un peu de la bataille sans pour autant abandonner mes conseils éventuels à donner. Veroga sait qu'elle sera poussée à éliminer le malheureux Intouchable. Elle n'ignore pas que la raison ne pourra jamais ramener Rafaeli à l'ordre. Encore une fois, il lui faudra déployer ses talents de disciple des vents."
Navi demande :
- Qu'allons-nous faire ? Nous ne pouvons tout de même pas tuer Rafaeli !
- Je ne sais pas, fait Link.
Rafaeli saute et tente de blesser Link au moyen de ses pieds griffus. Le Héros du Temps tend son bras armé du bouclier pour intercepter une jambe. Il riposte alors avec Excalibur. Cependant, il ne blesse que modérément l'autre jambe. Sa répugnance à tuer son ami freine son courage. Son adversaire, sans ressentir les morsures de l'épée, tombe sur ses bras. Il s'accroupit rapidement et cible le bas-ventre de la main gauche. Parade du bouclier ! Sans vigilance accrue, Link aurait les entrailles embrochées, mais la force de Rafaeli rejette notre héros en arrière. En l'air, le Kokiri perd son carquois de flèches et son arc. Il tombe durement sur le cou et les épaules. Ses muscles n'ont rien pu faire face à la dureté du menhir. Encore heureux que son corps soit aussi dur que le roc.
Veroga fait des mouvements de gymnaste en tournoyant en l'air. Elle protège Link. Le jus coule de la bouche serrée de Rafaeli. Il rétracte ses bras. Ses doigts sont crispés, prêts à attaquer. Comme un guépard, ses pieds lancent Rafaeli vers la jolie fille. Celle-ci croise ses mains qui créent une boule d'énergie, qu'elle lance rapidement sur Rafaeli. La bulle l'enferme et devient une vitre. L'Intouchable ne semble pas être affecté par la bulle mais les effets du soleil se reflètent sur les vitres qui le brûlent soudain. Terriblement furieux, il casse les vitres. Décidément, Rafaeli est trop fort, se dit Sagatt. Il prend une décision : ramasser arc et munitions qu'a laissé tomber Link. Il court alors.
Rafaeli ne se laisse pas faire par les minables tours de Veroga. Il ouvre la bouche et hurle un air aigu, qui hérisse les oreilles sensibles. Link doit mettre ses mains sur ses oreilles comme Veroga et Sagatt. Satisfait, Rafaeli donne un coup au ventre de la fille. Exit Veroga qui se retrouve sur le parvis du temple. Elle a fait un gros bond. Les cris aigus ne durent que quelques secondes, temps qui permet à Link d'utiliser le feu de Din. La magie gêne considérablement le monstre qui croise les bras et les met sur son visage. Link donne un coup horizontal dans l'estomac de Rafaeli. Il a compris qu'il n'a pas d'autre choix que de le tuer.
L'épée touche du coussin car Rafaeli regarde Link et attrape l'arme. Le gentil héros n'arrive pas à sortir Excalibur de l'estomac. Le démon met son bras droit en l'air. La flèche a touché le bras. Ouf ! pense Sagatt. Le géant n'a eu que le temps de tirer au hasard pour calmer les ardeurs de Rafaeli. L'oeil repère Sagatt. Le compagnon de Nuténa soupire et sort Excalibur. La paume de l'épée frappe la hanche gauche de Link. Celui-ci suffoque. Le nouveau démon commence à courir. Il ne pense plus à Link mais à ce microbe de Sagatt. Le policier, apeuré, fait volte-face et s'échappe.
Navi a une idée. Elle déclare à son Kokiri qu'elle ira sur-le-champ à la grotte de la fée de Nayru. Link acquiesce. La fée bat des ailes.
Rafaeli est sur le point de frapper Sagatt d'un coup d'épée lorsqu'il sent une explosion qui déchiquette son dos. Sagatt se laisse tomber sur ses genoux. Des perles coulent le long de son cou et de sa tempe. Pour le déchiqueter, Link a couru en lançant une bombe et pour accélérer l'imminence de l'explosion, il a encore invoqué Din. Les flammes ont fait exploser la bombe. Le souffle de l'explosion a atteint le dos de Rafaeli. Le Kokiri vient de sauver Sagatt mais est fatigué par la répétition de ses invocations.
L'Intouchable lance son épée. Excalibur vole et atterrit sur... un des flancs de Link. Il crie et met sa main immédiatement sur son flanc pour arrêter l'hémorragie. Il ne peut que poser genou à terre. Il veut se lever et tenir l'épée de légende mais n'en a plus la force. Rafaeli saute sur l'occasion : il se déplace à une vitesse surhumaine. Les griffes sont prêtes à étriper Link...
Navi intervient : l'aura bleue qui accompagne la fée immobilise le démon. L'aura de la fée de la grotte a pour fonction d'atténuer la souffrance et la colère de Rafaeli, mais ça ne fonctionne pas puisque sa haine est plus forte que l'amour. L'aura abandonne le combat mais n'oublie pas de guérir les blessures de Link. Navi a intercédé en faveur de son Kokiri préféré auprès de la fée détentrice de l'amour de Nayru. La grande fée a fait un choix désintéressé en venant au secours de Link. Alors qu'elle soignait le héros, l'aura a donné une information courte mais capitale : pour vaincre Rafaeli, il faut vaincre les ténèbres. Le Héros de la Destinée comprend.
Profitant de l'étourdissement de l'Intouchable, il se précipite sous le menhir en lançant à Sagatt : "L'arc !!! Vite !" Le géant veut rendre l'arme à son propriétaire, mais Rafaeli crache une lueur enténébrée sur le couronnement du menhir. En se fissurant, le bloc menace d'enterrer Link. Par bonheur, Veroga qui s'était relevée et avait assisté à la scène, lance ses dernières forces en pratiquant la magie de courte téléportation sur le héros. Une rafale de téléportation sauve à temps notre ami. Elle le téléporte sur... une des mains sculptées de la déesse du Temple de l'Esprit. La rafale a détruit le coffre non encore ouvert, mais non l'objet qui y est enfermé.
L'objet se révèle être le bouclier miroir. Navi comprend que Link n'est pas encore venu au Temple de l'Esprit dans son époque. En effet, le héros ne s'est approprié le trésor que dans le futur parallèle. Pétri de haine et de frustrations multiples, Rafaeli s'envole, droit au but : Link. Notre Kokiri n'en démord pas, il ramasse le bouclier miroir et lance à Sagatt :
- Sagatt ! Cible vite le bouclier ! Avec les flèches de lumière !
Link aurait dû penser qu'à moins d'être détenteur de magma, une personne ne peut jamais tirer des flèches de lumière. Il faudrait un miracle pour que la lumière devienne réalité avec une flèche. Or, le miracle existe : sans savoir et surtout sans magma, Sagatt voit la flèche s'illuminer. Oui !!! La flèche atteint son but en ricochant sur le miroir. Le bouclier rend la politesse à la flèche en l'accompagnant vers un autre but : Rafaeli. Juste au moment où celui-ci est devant Link, la munition de l'arc atteint son corps.
La lumière troue plusieurs endroits du corps de Rafaeli. Il hurle de dépit, de colère, de haine, de frustration. La lumière divine atteint le coeur du mal. Rafaeli explose en morceaux. La lumière illumine tous ceux qui ont assisté au combat.
Rafaeli n'est plus...
Château d'Hyrule
Tous sont réunis autour d'une table. Tous sauf Link et Navi. En effet, notre couple est allé se reposer dans une chambre d'amis. On a même pensé à rappeler Saria qui veillerait sur Link. A présent, Link dort dans une chambre, veillé par Saria. Navi bavarde avec la fée de Saria. Dans la salle habituellement réservée aux séances de réunion du roi, la reine, Sagatt, Rauru, Billo et Veroga ont la mine fermée et tendue. Zelda vient de leur raconter ce qui lui est arrivé. Elle leur a également relaté comment elle avait pu pénétrer dans le court passé de Link, à travers les archives du cerveau du Héros du Temps. Elle raconte tout : le voyage dans le passé, la bataille, la tentative de viol d'une aubergiste, les ignobles mercenaires, "Ganondorf", la fausse défaite face au fantôme, la rencontre avec Ganondorf, le combat contre Cloun et enfin contre Rafaeli. Une chose est claire : les héros ont perdu une bataille. Car ils ont perdu Impa, Nutena et Rafaeli. Le moral de Link est au plus bas, son courage s'en trouve ébranlé. Zelda a été indigne de sa sagesse en se précipitant au secours d'Impa au lieu d'en informer ses amis. Oui... l'ennemi est très machiavélique et plus victorieux que jamais. Il faut redresser la pente. Il le faut.
Zelda, qui se croyait enfermée à l'iceberg géant, fut en fait emprisonnée au Temple de l'Esprit. Lorsqu'elle avait remarqué la disparition des traces de cercle laissées par Salbruttus, elle décida de se téléporter à courte distance. En sortant du temple, elle assista à la détresse de Link. Sagatt et Veroga étaient autour de lui. On expliqua la situation à la reine. Celle-ci avait pris l'ocarina du temps et chanta pour téléporter tout le monde au Temple du Temps. Zelda avait conseillé à Link d'aller se coucher afin d'oublier un peu tous ces malheurs. Link avait acquiescé. La reine a fait rechercher Saria, pensant qu'une amie d'enfance serait plus utile qu'elle-même. Quand Link avait enfin plongé chez le marchand de sable, Zelda en a profité pour lire dans les "archives" du cerveau afin de comprendre ce qui lui était arrivé. Puis elle s'est fait remplacer par Saria, qui veille à présent sur son ami.
Sagatt est assailli par des milliers de pensées. Il pense à son enquête, à ses aventures, au récit de Zelda. Les bras croisés, la tête penchée sur le torse, il semble être perdu. Un tapotement de doigts de Veroga le "réveille". Sa Majesté aimerait avoir l'avis du géant.
- Deux choses m'interpellent : d'abord l'apparition de "Ganondorf" lors de son entrevue avec Angiflar et ensuite la rencontre de Link avec Ganondorf. Est-ce que c'est le même ? J'ai du mal à croire aux trois Ganondorf réunis en un seul. Quelque chose me gêne mais je ne sais pas quoi. Ce dont je suis sûr, c'est que l'ennemi a bel et bien été machiavélique à souhait. Il savait qu'en tuant Impa et en volant son médaillon, il pourrait attirer la reine quand il le voulait et où il le voulait. Il avait probablement le dessein de piéger Link, Rafaeli et nous. Dans quel but ? Assassiner soit Link, soit Rafaeli. Si l'Intouchable était bien la cible désignée, l'ennemi connaîtrait alors tout des origines et des pouvoirs de Rafaeli puisque ce n'est pas pour rien que des monstres ont capturé Nuténa. On voulait exciter la colère de Rafaeli afin de l'inciter à la haine et donc à se transformer en monstre.
Sagatt raconte ensuite à ses amis son entrevue avec l'Intouchable dans les jardins royaux. Il n'avait pas mentionné alors à ses amis le risque qu'ont les Intouchables s'ils font une chose affreuse.
- Vous comprenez mieux pourquoi la rencontre de Link avec Ganondorf m'intrigue ? Il me paraît difficile que, enfermé là où il était, Ganondorf puisse connaître tout des mondes de Termina, d'Hyrule et le Saint-Royaume. A moins qu'il n'ait développé un immense pouvoir. Veroga, tu es sûre que les prêtres des déesses ne connaissent pas les Intouchables ?
- J'en suis sûre, répond Veroga imperturbable. Les anciens prêtres oui, mais ils sont morts à présent. Gran-ma ne les connaît pas non plus.
- Donc, si personne ne connaît les Intouchables, comment notre ennemi a-t-il eu connaissance des pouvoirs de Rafaeli ? Comment savait-il qu'il allait se transformer en démon ? Autre chose me gêne : Pourquoi Ganondorf ne s'est-il pas emparé du fragment du courage ? Et surtout, pourquoi l'a-t-il laissé en vie ?
- Je suppose qu'il préférait voir Link combattre Rafaeli, propose Rauru, le sage de la lumière.
- Sans doute. Je pense plutôt que ce Ganondorf espérait la victoire de Link sur Rafaeli, d'abord parce qu'il est le seul capable de vaincre un Intouchable, mais aussi parce qu'il est le détenteur de la pierre du courage.
- Je vois... coupe Rauru.
- Tu ne vois rien mon vieux, ironise Sagatt. Là où je veux en venir, c'est qu'on sait, grâce à la prêtresse du Temple de la baie des Zoras verts, que quiconque voudrait pénétrer au Saint-Royaume doit avoir non seulement les trois cristaux mais aussi être le détenteur d'un fragment de la Triforce !
Le silence tombe sur la salle. Chacun comprend d'après les paroles de Sagatt que les pouvoirs de Ganondorf ont terriblement augmenté puisqu'il semble avoir le pouvoir de double-vue lui permettant d'observer les scènes sans bouger. Est-ce que l'oeil géant permet à Ganondorf d'être "la double-vue" ? Dans ce cas, il faudrait le détruire. Mais on a peur car l'oeil risque de faire fondre l'iceberg en quelques minutes avec à la clé, une inondation géante des terres d'Hyrule ! Il faut donc trouver une autre solution. Sagatt sourit malicieusement :
- Pendant que je réfléchissais dans le silence, j'ai eu une idée. Puisque cet oeil merdeux nous pousse à bout, je lui propose (et soyez-en assurés qu'il nous écoute en ce moment) deux excursions. Veroga et moi irons chercher l'autre trône ou le dernier cristal, pendant que Link ira se balader au Saint-Royaume.
Soupir de déception de la part des interlocuteurs. La reine prend la parole :
- Sagatt, puisque tu proposes ton idée, rien ne nous dit que Link puisse aller au Saint-Royaume sans les cristaux. De plus, j'ai complètement oublié les mélodies de la musique royale qui nous permet d'aller chez Veroga. Comment comptes-tu envoyer Link là-bas ? Pourquoi penses-tu qu'il fera une nouvelle aventure, lui qui est si abattu en ce moment ? Et pourquoi l'envoyer ? Vous pourriez y aller ensemble.
- Très bien, Votre Majesté (ces paroles irritent Billo qui n'apprécie guère les ironies de Sagatt pouvant manquer de respect à une personne royale). Si Link abandonne sa mission, il se rendra compte plus tard qu'il n'a plus de couilles (Zelda est un peu choquée par ce mot cru visant Link). Il comprendra qu'il n'est plus digne du courage légendaire. J'ai vu ses yeux lorsqu'il était de retour du passé. Sitôt un appel au secours de la reine et Link renforce sa détermination alors qu'il était perdu il n'y a pas longtemps. Si je veux l'envoyer là-bas, je veux qu'il se sente mieux dans un environnement plus à l'aise. Au Saint-Royaume, pas de monstres cruels, pas de l'espèce de Cloun et encore moins de mercenaires ! N'est-ce pas ma chère Veroga ?
- Oui...
- Sur les terres sacrées, Link n'aura plus qu'à rechercher deux boules qui ouvriront le Saint Temple des Déesses. Ça nous permettrait une bonne économie de temps perdu. De notre côté, nous n'avons plus qu'à choper le cristal et à en apprendre de belles sur le trône... Le plan est simple, Link prendra la boule. Que nous mourrons et Link détruira la boule. Que Link ait des problèmes et Zelda se suicidera ! (Effroi des gens qui écoutent Sagatt). Il faut que l'ennemi de rien du tout accepte notre chantage : qu'il nous laisse faire notre boulot qui est de connaître la vérité et il aura presque ce qu'il voudra. Il faut lui mettre la pression ! (Sagatt vient de remarquer que la reine semble déterminée à se suicider s'il arrivait malheur à Link. L'ennemi ne pourrait ainsi jamais pénétrer au Saint-Royaume).
Au fil du discours, Sagatt devient de plus en plus familier dans ses mots. Billo connaît son ami et sait que ce langage familier est le signe de l'excitation croissante du géant. C'est bon signe car Sagatt reprend espoir rapidement.
- ... Comment l'envoyer ? Diantre ! On n'a qu'à évoquer un petit voeu à la grande fée de la baie de l'iceberg.
- Tu oublies que les amis de la reine et elle-même n'ont pas le droit de demander un voeu à la fée ! s'exclame Veroga.
- Je n'oublie rien, continue Sagatt flegmatique et souriant. On n'a qu'à prendre un hurluberlu. Lorsqu'il fera un voeu, on le récompensera. Si c'est un fermier, une bonne terre. Si c'est un bourgeois, une exemption d'impôts, qui toutefois ne pèsent pas lourd. Si c'est un pauvre, un travail au château et de quoi prendre une retraite bien méritée... Si c'est...
- On a compris, coupe Zelda. Oui, si ce quelqu'un que nous récompenserons fait un voeu, Link sera envoyé au Saint-Royaume. Mais j'ajouterai que toi et Veroga l'accompagnerez afin de lui redonner courage. Ensuite, vous n'aurez qu'à revenir rechercher le cristal.
Oui, la perspective d'apprendre plus de choses au Saint-Royaume, ne serait-ce que quelques instants, m'enchante, se dit Sagatt. J'en profiterai pour poser quelques questions à la grand-mère de Veroga. Plein de choses en fait.
Billo commence :
- Mais un problème unique : Est-ce que Link va accepter ? Après tout ce qu'il vient de subir...
Une voix surgit :
- J'accepte tout.
Les têtes se tournent vers l'origine de la voix.
Link était sur le seuil de la porte avec Saria et deux fées. On ne l'a pas entendu ouvrir la porte. Le héros leur explique qu'il a entendu les encouragements de Saria. Saria l'a exhorté à ne point perdre espoir. à penser aux Kokiris, à Zelda, à tout Hyrule. Et Link a décidé d'aller informer ses autres amis afin de poursuivre la mission. C'est au début de la proposition de Sagatt d'envoyer le Kokiri aux terres sacrées que Link s'est arrêté juste devant la porte fermée. Il a alors écouté. Il a ouvert la porte lorsqu'on s'est inquiété des motivations du Héros du Temps.
Link n'a plus le visage un peu naïf qu'il avait il y a peu de temps. Zelda a l'impression qu'il a acquis une certaine maturité et une vision moins naïve du monde qui l'entoure. Il n'en reste pas moins qu'il a encore le coeur pur. Le Kokiri continue :
- Inutile de vous expliquer mes raisons. Je décide d'aller avec plaisir au Saint-Royaume.
La mine de l'ami d'enfance de Saria s'éclaircit d'un beau sourire.
On a choisi un vieux couple qui se présentera devant la grande fée de la baie des Zoras verts. Il doit présenter la requête qu'ont formulée Zelda et ses amis : être téléportés au Saint-Royaume et revenir ensuite. En échange, le vieux couple aura une très belle bâtisse dans laquelle ils finiront paisiblement leur vie.
Le voeu a été entendu : Sagatt, Veroga, Navi et Link sont téléportés dans l'autre monde. Seule Zelda reste chez elle afin qu'il ne lui arrive rien d'inquiétant. Cependant, la reine a promis à ses amis qu'elle ira aux terres sacrées une fois le dernier cristal retrouvé. En constatant le départ de ses amis et surtout de Link, l'ancienne princesse soupire et prie les déesses afin que Link ne soit plus démoralisé.
Saint-Royaume
Link et les autres sont téléportés exactement au même endroit que lorsqu'ils avaient découvert le royaume pour la première fois. Le ciel est toujours orangé. La première fois, ils étaient émerveillés par la couleur mais ils sont indifférents à présent. Ils se retrouvent à proximité du fleuve. Le pêcheur qu'ils avaient rencontré la dernière fois n'est plus là. Veroga annonce aux autres son intention d'amener Link d'abord à la grotte où il doit récupérer la boule bleue. On acquiesce. Soudain, Veroga a une attitude bizarre. Elle met ses doigts sur son front.
Elle demande alors aux autres de se taire. Elle s'accroupit ensuite sur le sol et semble être entrée en télépathie avec quelqu'un. On l'entend dire des mots : "Oui...", "Tu veux que je les amène là-bas ?", "Link ?... Ah d'accord...", et ainsi de suite. Elle se lève finalement. Elle leur déclare que Gran-ma vient de la contacter par télépathie. Elle leur explique qu'une réunion secrète entre les prêtres des déesses est en train de se tenir. Le moment est donc venu d'en connaître le contenu. Mais auparavant, Veroga précise que Link doit partir à la grotte tout seul. Pendant quelques minutes, elle fait répéter à Link le chemin menant à la grotte. Link pose quelques questions sous l'oeil de Sagatt. Navi discute également avec Veroga. Vient alors le temps de la séparation temporaire :
- Link... Je n'ai qu'un mot à te dire : reste courageux et vigilant, dit Sagatt.
- Oui, répondent en choeur Link et Navi. S'apercevant de leur réponse symétrique, ils éclatent de rire. Veroga s'avance :
- Link. Tu es sympathique avec moi. Je te souhaite de bonnes aventures. Tu sais ce qu'il te reste à faire ?
Veroga lui lance un clin d'oeil. Link gratte sa joue avec son index, gêné.
Link quitte les parages. Au début, on le voit hésiter sur le chemin à prendre mais Navi le reprend. Enfin, il disparaît à l'horizon. Veroga dit à Sagatt qu'il est temps d'aller "espionner" les prêtres. Le géant hoche la tête. Ils poursuivent à leur tour la route.
Quelques heures plus tard...
Ils ont parcouru un bon bout de chemin en esquivant les routes et les petits villages afin ne pas être répérés. Pourtant, le lieu de la réunion n'est pas si éloigné du centre du royaume dans lequel les prêtres officient d'habitude. On parvient devant un lac d'une blancheur inouïe. La couleur n'est pas l'apanage de la neige. L'eau du lac est simplement blanche mais on peut aisément s'apercevoir qu'elle est translucide. En s'approchant doucement, Sagatt est surpris de voir des petits poissons rouges se balader au fond de l'eau. Il secoue la tête, incrédule. Encore un effet de magie, se persuade-t-il. L'endroit est verdoyant et teinté de bleu, de jaune, de rouge. Tout ça sous la bénédiction du ciel orangé ! Cela donne un effet incroyable pour qui vient d'Hyrule. Les sapins ceinturent le lac.
Veroga pointe le doigt sur une maison accolée à la falaise. Sagatt comprend : il faut y aller. En allant là-bas, la féline explique à son ami comment elle doit s'y prendre pour entrer secrètement dans l'endroit. Ils contournent l'entrée de la maison (simple porte en bois). Sagatt constate alors que la maison est en fait de taille réduite. Veroga ignore la maison en tirant le bras du géant. Elle semble rechercher quelque chose parmi les buissons. Elle prend un air victorieux et fait signe à son ami de la rejoindre. Ordre exécuté.
Veroga dégage d'innombrables feuilles d'arbres qui encombrent ce qui semble être une cachette. La cachette est réduite mais permet tout de même à un grand humain comme Sagatt d'y pénétrer. La petite-fille de Gran-ma pousse le policier. L'endroit est sombre mais encore une fois, la femme s'active à déjouer les difficultés en allumant du feu sur une torche rouillée adossée au mur sur les indications de Gran-ma. Sagatt remarque que la cachette ouvre sur une petite fissure leur permettant de continuer. Ils continuent en marchant au pas de crabe. La fissure est si étroite que Sagatt doit baisser et relever la tête à plusieurs reprises. Quant à Veroga, pas de problèmes grâce à sa minceur gracieuse. Sagatt regrette un peu de ne pas être une femme à ce moment-là. Un halo de lumière brille sur un mur à la droite de Sagatt. Veroga lui intime de se taire désormais et de jeter un coup d'oeil dans le trou. Le géant jette péniblement ses yeux dans le trou.
Il voit une magnifique salle auréolée par plusieurs bougies qui flottent, et trois personnes. Deux hommes et une femme. Aucun doute, ce sont les prêtres Persétel, Babel et Isagène. Ces prêtres avaient trompé Link et ses amis en leur donnant de faux renseignements. Gran-ma leur avait révélé les agissements secrets de ces prêtres. Veroga voulant voir la scène se met devant Sagatt, poussant ainsi son dos qui touche le mur. Sagatt a envie d'étrangler cette fille mais se garde d'intervenir. Ensemble, ils regardent les prêtres boire du thé au safran.
Babel prend la parole :
- Veroga n'est plus de notre monde... Cela signifie qu'elle a quitté le monde.
Isagène acquiesce :
- Certes, mais il se peut qu'elle soit cachée quelque part, loin de notre cité. Enfin, si nous sommes là, nous le devons à la magie du lieu. Elle bloque la double-vue qui permettrait de nous espionner. Donc, nous pouvons parler sans crainte. Même si nous doutons que de telles personnes soient capables de maîtriser ce don.
Persétel ajoute :
- Oui... Cependant, restons prudents. Si une fuite se produit, il est à craindre que notre projet tombe à l'eau. Il ne faut pas que les Intouchables l'apprennent.
"Projet ?", se demande Sagatt. Heureusement pour lui, Babel intervient comme pour résumer les tenants et les aboutissants du projet :
- Oui... Frère et soeur, le projet... La fusion des trois mondes... Sous notre égide. Il va de soi que nous n'administrerons point les mondes comme des rois. Nous préférons insister sur l'unicité et la primauté du Saint-Royaume. En notre qualité de prêtre, nous écarterons les autres prêtres et nous instaurerons la vérité des déesses. Même si les Intouchables ne sont pas d'accord sur ce point...
- Sans aucun doute, répond Persétel. Nous n'avons jamais communiqué avec les Intouchables et pourtant vous savez mieux que moi combien fut grande leur horreur d'intervenir dans les affaires des deux autres royaumes Hyrule et Termina.
- C'est pourquoi rechercher le trésor nous apparaît nécessaire. Celui-ci serait caché dans notre royaume. Nous savons quel est ce trésor mais rien de plus, déclare à son tour Isagène. C'est pourquoi Veroga peut être dangereuse pour nous. En effet, alors que nous allions prendre rendez-vous avec notre ami Link et ses compagnons, Veroga leur aura sans doute révélé nos agissements. Elle nous avait certes prévenus qu'ils s'étaient perdus mais elle nous a trompés. Nous ne sommes pas assez méfiants.
"Merdille !", pense Sagatt. Juste au moment où il allait connaître le secret du trésor, Isagène se tait subitement. Il remarque un curieux mouvement de tête de Veroga. Elle essaie de prévenir son nez de commettre un crime : le bruit. Trop tard ! Elle éternue. Sagatt insulte Veroga. Les prêtres relèvent la tête vers l'origine du bruit. Inquiets, ils cherchent d'où il vient. Néanmoins, ils ne s'agitent pas comme des poules et regardent autour d'eux afin de retrouver l'origine du "crime" de Veroga. Babel pointe le doigt sur le petit trou situé en haut de la salle. Sagatt comprend. Il n'a pas le choix. Il prend les deux mains de Veroga et prononce la formule de retour. Veroga veut dire quelque chose mais leur téléportation brutale lui coupe la parole.
Château d'Hyrule
Zelda écoute un ouvrage lu par Billo. Elle a le visage posé sur son poing et semble être perdue. Tout à coup, une lumière bleuâtre illumine la chambre de la reine. Sagatt et Veroga apparaissent. Ils se disputent. Veroga crie :
- Mais enfin ! Qu'est-ce qui t'a pris d'utiliser la formule !? Nous aurions pu nous échapper et...
- Et toi ?! Imbécile de femmelette de mes deux ! Eternuer à un moment pareil comme ça ! Pourquoi tu n'as pas retenu ton nez ?!
- J'étais absorbée par les conversations, imbécile de macho !
"Silence !" Le cri vient de Zelda. Les deux compagnons se taisent et doivent donner quelques explications à la reine. Après les avoir entendus, elle attribue aux deux compagnons la même responsabilité dans leur déconvenue au Saint-Royaume. Elle dit qu'un même voeu ne pourra plus être tenté, mais que cependant on a assez appris des motivations des prêtres et qu'il faut désormais rechercher le dernier cristal. Le départ doit être fait sur-le-champ afin de retrouver Link le plus tôt possible. Sagatt acquiesce et s'excuse auprès de Veroga pour sa goujaterie. La féline rend son pardon à l'ancien policier. Celui-ci déclare alors :
- Le dernier cristal... Veroga, tu viendras avec moi ?
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "lesourd". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.