The Legend of Zelda: Le prisonnier du temps
Link galopa toute la nuit. L'angoisse de voir sa quête s'éterniser lui donnait des ailes. Cependant, en arrivant à proximité de son camp, il ne put résister à l'envie de dormir. Il passa donc une nuit seul dans son vieux campement. Il y dormit comme une masse, tout en rêvant de joyeuses veillées avec sa bande de voleurs de grand chemin ainsi que de sa bien-aimée.
Le lendemain, ou plutôt l'après-midi suivant (car il se réveilla vers cinq heures de l'après-midi), il fut en pleine forme pour accomplir la suite de sa mission. Il retrouva rapidement l'arbre Mojo et Fado qui l'envoyèrent récupérer l'émeraude Kokiri dans la hutte des savants fous où Pythagore s'efforçait de trouver des enchantements pour augmenter les pouvoirs de la pierre. Après avoir chaleureusement salué Thalès et récupéré la deuxième clef du saint-royaume, Link prit cette fois-ci le chemin de la citadelle des nuages. En chemin, il eut l'occasion de rencontrer les frères forestiers. En souvenir des soins qu'ils lui avaient prodigués dans le futur parallèle, il les aida à pousser leur charrette de bûches jusqu'à Saut-de-Roc. Ensuite, il fit un saut à la banque pour faire évaluer le cadeau que lui avait fait Minisha. Son intuition avait été bonne. Chacun de ces rubis argentés valait quelques centaines de rubis normaux. Il avait à présent une fortune sur son compte.
Après avoir fait ses petites affaires à Saut-de-Roc et avoir confié Getella à l'écurie, il partit pour la base secrète des Sheikahs. Il lui fallut donc affronter cet horrible pont invisible, mais en songeant à tout ce qui l'attendait au bout de l'épreuve, il ne trouva plus le passage si terrible que ça et le passa rapidement.
La première personne qu'il vit en premier fut Assandrel, qui était occupé à ranger le QG de l'Equipe d'Infiltration d'Elite. Le garçon se jeta au cou de son chef, heureux comme tout de le revoir en un seul morceau. Rick lui avait dit que Link était parti à la recherche d'un dragon et tous étaient persuadés qu'il y laisserait sa peau. Le voir en si bon état était vraiment soulageant. Link en profita pour lui parler du rubis volé.
- Ton rubis, c'est pas celui qui est gros comme mon poing et enchâssé dans une monture en or ?
- Je vois que tu t'y connais, en jolis cailloux.
- Ben, on avait quand même essayé de...
Mais le garçon se tut. Link avait compris le sens de son silence.
- Mais on l'a pas fait, quand même !
- Ben non, on s'est fait faucher l'herbe sous le pied. On avait lancé une expédition nocturne, mais une fois au sanctuaire de lave, on est tombés sur ces... espèces d'amazones du désert. Il y a eu de la bagarre, mais elles ont emporté le rubis et pris Rick en otage pour s'enfuir, tu te souviens ? Au final, on a été considérés comme des héros qui avaient tenté de protéger le sanctuaire. On s'en est assez bien tiré, en fin de compte.
- Oui, vu que Rick nous est revenu entier. Maintenant, je connais quelqu'un à qui je vais faire passer un sérieux interrogatoire.
- Tu vas interroger Rick ? Je peux venir écouter ?
- Ça t'intéresse tant que ça ?
- Il n'a jamais dit comment ça s'était passé, sa captivité. Je veux savoir ce que ça fait d'être prisonnier de ces filles jolies comme des feux ardents.
- C'est pas le moment de rire. J'ai quatorze jours pour rendre le rubis Goron à son peuple.
- Mais j'ai envie d'écouter quand même. On va voir les autres ?
- OK, on y va.
- Oh, au fait, je crois que tu devrais aussi aller parler avec le vénérable. Ils sont tous nerveux depuis quelques jours. Je crois qu'il y a un problème qui s'annonce.
Link acquiesça de la tête, puis les deux compères prirent le chemin de la chambre de Leïa, où Rick était censé passer le plus clair de son temps.
La chambre de la jeune fille était pleine, ce jour-là. Le vénérable, ainsi que le maître de la citadelle, étaient en pleine conversation avec Leïa, Rick et Atsui. Quand ils le virent entrer, ils bondirent tous de leurs sièges. Ils étaient tous convaincus que la rencontre avec le "dragon" dont Rick leur avait parlé se serait bien plus mal passée. Link eut du mal à expliquer que la créature qu'il avait rencontrée n'était qu'un premier-né épris de vitesse. Il eut encore plus de mal à leur annoncer que ce premier-né allait venir à la citadelle dans peu de temps. Quand, au bout d'une vingtaine de minute, il eut calmé les esprits, il se tourna vers Rick.
- Pour la suite des opérations, le chef des Gorons me demande de trouver le rubis Goron.
D'un bref coup d'oeil, il remarqua que le visage de Rick avait subitement pâli.
- Rick... est-il vrai que tu as été pris en otage par les voleuses ?
Rick ne se tenait plus debout. Il tomba carrément évanoui.
- Wow, lâcha Assandrel. Quelque chose me dit que tout ceci cache quelque chose.
- Un sérieux traumatisme, ajouta le vénérable Telavi. Aidez-moi à le mettre sur le fauteuil. Nous devons soigner ça... parce que je suppose qu'il détient des informations importantes ?
- Oui, s'il a été détenu chez les voleuses du Rubis, il doit connaître beaucoup de choses sur le bâtiment et ses habitantes.
- Je vois... on va essayer l'hypnose.
Mais le maître de la citadelle coupa net la conversation.
- Une minute... ces voleuses, ce sont les Géréduros ?
- Oui, annonça Assandrel. Nous avions eu le malheur de tomber sur elles sur le chemin du retour de leur larcin.
- Intéressant... Attendez un instant. Ces pilleuses représentent un danger permanent pour les peuples vivant dans et en bordure du désert. Nous devons soustraire un maximum d'informations de son interrogatoire. Atsui, si tu veux bien prendre note...
Et la séance d'hypnose commença. (Bon, comme il y a des jeunes âmes innocentes et sensibles qui lisent cette histoire, je vais censurer cette partie et faire un saut dans le temps, et reprendre l'histoire quarante minutes plus tard, laissez libre court à votre imagination).
Tous les hommes présents dans la pièce regardaient le jeune voleur avec pitié et compassion. Les filles, elles, affichaient plutôt un air exaspéré.
- Rick descend dans mon estime. J'aurais espéré un peu plus de bon sens et de tenue de sa part.
- Attends, Leïa. C'est pas comme s'il avait eu le choix. Qu'est-ce qui lui serait arrivé, dans le cas contraire ?
- Ces Géréduros sont encore plus dangereuses que ce que l'on nous avait rapporté. Il faut mettre un terme aux agissements de ces terroristes des sables. Link, c'est du devoir des Sheikahs de neutraliser ces dangers publics.
- Je vous souhaite bien du plaisir.
- Hein, que... pardon ?
- Mais vous êtes vraiment tous pathétiques, vous, les hommes ! Quels esprits mal tournés !
- Mais quoi, Leïa, qu'est-ce qu'on a dit ?
- Hem, laisse tomber.
- On ne laisse pas tomber !
Leïa semblait être vraiment énervée.
- Je ne pense pas que les Sheikahs sauront garder leur sang-froid face aux Géréduros.
- Et après, c'est nous qui avons l'esprit mal tourné, grogna Rick.
Link se rapprocha de la jeune fille.
- C'est la meilleure chose que nous puissions faire. Ils auront beaucoup plus de chance d'y arriver. Ils sont nombreux et entraînés, surtout face à la magie. Ils peuvent les vaincre.
Devant la mine fâchée de son amante, il ajouta :
- Tu préférerais que j'aille chercher le rubis tout seul ?
- Tu poses ne serait-ce qu'un seul pied dans leur repaire et je te tue !
- Alors c'est réglé ! Je pars pour le sanctuaire des sables demain. J'accompagnerai les troupes Sheikahs jusqu'à ce que nos routes se séparent.
Leïa avait l'air de s'être résignée, mais ne décolérait pas pour autant. Elle devait vraiment être de mauvaise humeur. Le vénérable Telavi débloqua la situation en demandant à l'elfe de le suivre dans une salle "spéciale". Link salua donc ses amis et accompagna l'ancien.
- Ta copine va beaucoup plus mal qu'elle en a l'air.
- Hein ?
- Tu as l'impression qu'elle est de mauvaise humeur, mais c'est pire que ça.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Il se passe que les fragments de Triforce se disputent la domination de son âme. Pour le moment, c'est le fragment de révolte qui la domine. Il y a quelques jours, elle était sous l'influence de la force et cherchait à nous donner des ordres. En résumé, elle nous donne du souci. J'ai peur qu'elle fasse une bêtise un de ces jours.
- Qu'est-ce qu'on peut faire ?
- Je ne sais pas vraiment, mais je pense qu'apporter la Triforce du courage pourrait équilibrer le tout. En attendant, elle va nous causer du souci. Il faut l'empêcher de sortir et subir ses changements d'humeur. Et ce n'est pas facile tous les jours. Depuis qu'elle est sous l'influence de la révolte, elle refuse d'écouter le moindre de nos conseils.
- Qu'est-ce que vous allez faire ?
- Avec ses trois Triforces, elle a assez de pouvoir pour raser la citadelle si l'idée lui venait à l'esprit. J'espérais que tu puisses la raisonner.
- Et ben, ça va pas...
- Et autre chose, les troupes de Ganondorf bougent.
Link s'arrêta. La conversation commençait à prendre un tour assez inquiétant.
- Ses troupes effectuent des escarmouches dans les villages pour capturer un maximum d'enfants et se rapprochent de plus en plus d'ici.
- Leïa le sait ?
- Oui, on le lui a dit. Elle est persuadée que c'est pour l'intimider qu'il fait ça. Les gosses, ce serait un instrument de chantage.
- C'est fort probable. Il est parfaitement capable de torturer des enfants dans le seul but de faire sortir Leïa de sa cachette. Dans combien de temps pensez-vous qu'il sera ici ?
- Ça va dépendre de ce qu'il sait de la base. S'il sait où se trouve la citadelle, je m'étonne qu'il ne soit pas déjà au pied de la montagne. S'il la cherche toujours, je pense qu'on peut être tranquille pendant quelques semaines.
- Il doit avoir sa petite idée. Après tout, le traître Aromir travaille pour lui. Il doit fouiller les montagnes environnantes et envoyer tous ses condors dorés.
- On ne craint rien de la part de ces oiseaux. La montagne est balayée par des vents violents. Aucun oiseau de cette taille ne pourrait les affronter. De plus, nous avons des avant-postes un peu partout pour surveiller les environs.
- S'ils passent ici, vous les verrez donc.
- Nous serons prêts. Maintenant, parle-moi sérieusement. Ta quête te prendra encore combien de temps ?
- Pour les fragments qui se trouvent encore en Hyrule, je pense que j'aurai réglé le problème avant deux semaines. Pour celui qui est à Alkantir, ça risque d'être beaucoup plus long. Je peux être piégé par le temps. Je vais tout faire pour revenir le plus vite possible, mais je ne peux rien promettre.
- Tant que les Triforces ne sont pas équilibrées dans l'âme de Leïa, je crains qu'elle ne soit pas capable de tenir tête face à Ganondorf. Il faut que tu sois de retour avant qu'il ne donne l'assaut.
- Je ferai tout mon possible. Mais que les Sheikahs soient également efficaces dans la prise du repaire Géréduro. Il nous faut le rubis le plus vite possible.
- Ça se fera. Rick nous a révélé l'emplacement de leur repaire.
- Heureusement qu'il a réussi à émouvoir une de ses geôlières et qu'il a pu s'enfuir. Au fait, est-ce que la séance d'hypnose affectera son traumatisme ?
- Il a pu en parler. Commencer à en parler, c'est chasser ses peurs, leur faire face. Il va déjà mieux et cela s'améliorera encore.
Sur cette promesse, les deux hommes retournèrent à la chambre de Leïa. La salle était vide, désormais. Leïa contemplait seule la vue de la citadelle. Le vénérable laissa les deux amants et partit de son côté.
- Link, j'ai peur.
- De quoi, mon ange ?
- Il me cherche, il utilise toute la cruauté et la malice dont il est capable pour me retrouver. Je sens qu'il va me trouver. Il va trouver la citadelle des nuages et il va venir m'y chercher. Et quand il viendra, je ne serai pas à la hauteur pour le vaincre.
Link était étonné de la confession de son amie. Etait-elle enfin sous l'influence du fragment de la sagesse ?
- Quand j'essaye d'utiliser mes pouvoirs, ça se dispute dans ma tête. Je mélange tout, j'ai la migraine et je m'évanouis après avoir fait trembler toute la montagne. Je ne saurai pas me battre s'il vient.
- Courage, le moment venu, tu auras le sang-froid nécessaire. Je te fais confiance. Et je reviendrai avec le dernier morceau de la Triforce. Tout sera équilibré et tu seras toute puissante.
- Tu le crois ?
- Je t'ai vue à l'oeuvre dans le futur, tout de même. Tu y arriveras, ne t'inquiète pas.
Leïa se jeta dans les bras de son protecteur. Après une longue étreinte et un baiser passionné, elle le remercia d'avoir autant confiance en elle. Ils passèrent à nouveau une belle nuit ensemble.
Vers sept heures du matin, Link fut convoqué dans la grande salle du conseil de la citadelle. Les Sheikahs guerriers étaient réunis pour une dernière supervision de l'opération "Géréduro". Link voyait à leur regard qu'ils étaient nerveux. Il eut un sourire. Il y avait de quoi être angoissé en sachant quel genre d'adversaires ils allaient affronter. Le vénérable Telavi fit signe de le rejoindre. L'elfe constata, à son grand mécontentement, que le duc Dalbe était également présent. Il n'allait quand même pas être de la partie ? Après discussion, la crainte de Link fut confirmée, le chef despotique de la communauté dirigerait l'opération. Il était à craindre qu'il n'agirait pas de main morte avec les voleuses. Link dut fixer le point de rendez-vous pour récupérer le rubis. Ensuite, les troupes se préparèrent au départ. Le duc fit un dernier discours d'encouragement, demandant à ses hommes de ne pas avoir de pitié envers les terroristes du désert et de ne pas se laisser piéger par leurs charmes. Il ne se gêna pas en relatant la triste expérience de Rick. Cela eut un effet assez spécial sur les Sheikahs. Ils étaient plus angoissés que jamais, mais plus un seul ne plaisantait sur la beauté légendaire des voleuses. Ils avaient tous un éclair de détermination dans le regard.
Après les derniers préparatifs, la troupe passa dans une salle étrange, garnie de grandes formes géométriques d'où émanait une lumière bleue. Link remarqua également sur le sol d'étranges dessins disposés en cercle. Toute l'équipe se plaça à l'intérieur. Alors, le duc fit apparaître un grand sceptre se terminant en une sorte de hochet et psalmodia une formule. La lumière bleue devint blanche. Elle fut de plus en plus aveuglante... Quand tout redevint normal, ils n'étaient plus à la citadelle, mais au milieu du désert de cendres. Link quitta le groupe, pria pour leur réussite et partit de son côté.
Il marcha pendant trois heures. Le sanctuaire était tellement loin, à pied. A un moment donné, il constata que le sol avait été retourné, comme si une taupe gigantesque était passée. Quelques minutes plus tard, il aperçut une silhouette masculine longer les tas de sable. C'était un homme aux cheveux de feu, dans une tenue légère de combat. Il tenait à la main deux sabres. Il s'agissait de Boru.
Link courut à sa rencontre, voulant lui demander ce qu'il faisait perdu au milieu de nulle part, mais celui-ci lui fit signe de ne pas bouger et de se taire. Ils restèrent silencieux quelques secondes, puis le sol se mit à trembler. Boru resta concentré, sabres préparés. Soudain, une chose énorme sortit du sol, poussant un long gémissement ressemblant à un cri de cochon égorgé. La créature était longue, verte, couverte de pustules et de longs poils noirs. Ces poils bougeaient, s'accrochaient au sable pour propulser un corps mou et couvert de bourrelets de peau, telle une chenille géante et monstrueuse. Il fonça sur le gardien du sanctuaire des sables. Boru bondit. En trois acrobaties, il se retrouva sur la tête du monstre et s'efforça de le lacérer de ses lames. Link regarda la scène d'un oeil impressionné. Il n'avait jamais réalisé que le gardien du sanctuaire des sables était aussi agile.
Les qualités d'acrobate ne furent pas d'une grande utilité à Boru. La bête s'agita dans tous les sens et fit tomber son agresseur avant de retourner sous terre. Link courut vers Boru pour s'assurer qu'il n'avait rien de cassé. Boru faisait à peine attention à l'elfe. Toutes ses pensées étaient dirigées vers le ver géant. Link voulut savoir ce que c'était que cette créature.
- Cette chose gardait TON trésor et elle s'est échappée. Par notre faute, elle a déjà ravagé une oasis et elle ne va pas s'arrêter là.
- Et le morceau de Triforce, qu'est-il devenu ?
- Elle l'a emporté avec elle. Elle l'a avalé sous mes yeux.
Link ferma les yeux. Il allait falloir éliminer le ver.
Les deux hommes se levèrent. Il leur fallait suivre les traces du monstre. Link était désolé qu'un accident pareil se produise. Jamais encore, par sa faute, autant de désastres n'avaient été provoqués. Il s'en voulait, de ne pas s'être suffisamment renseigné dans le futur parallèle sur l'histoire de ce fameux ver des sables. Car à présent, il se souvenait de sa discussion avec Boru au sanctuaire des sables. Boru lui avait parlé de ce ver. Il lui avait dit qu'il l'avait vaincu et qu'il avait gagné l'estime du gardien dans ce combat. Mais pourquoi donc ne lui avait-il pas demandé comment il s'y était pris ?
Les deux hommes marchaient silencieusement. Chacun réfléchissait au moyen de vaincre la créature. Link se demandait quel genre de point faible cette horreur pouvait-elle avoir ? Il essaya de se souvenir de la brève apparition du monstre. Il était couvert de poils et sa peau débordait de couches de muscles et de graisse. Les épées ne pouvaient pas faire grand-chose de ce côté-là. Les couches de peau fonctionnaient comme une épaisse armure flexible. L'elfe n'avait pas vu la gueule du ver. Y avait-il des points sensibles de ce côté ? Il demanda au gardien du sanctuaire des sables de lui en parler. Le descendant des Gerudos lui expliqua que l'extrémité du corps de la chenille se terminait en une énorme bouche en forme d'entonnoir garnie de millier de dents. Il n'avait pas eu l'occasion d'y distinguer autre chose. L'elfe en déduisit que cette terrible bouche était leur seul moyen d'attendre les entrailles de la bête. Si seulement ils avaient quelque chose à lui faire avaler...
- Boru... où pouvons-nous trouver des bombes, par ici ?
Le guerrier du désert regarda son interlocuteur d'un air étonné. A quoi des bombes pouvaient-elles servir ?
- Si on pouvait lui en faire avaler une... Ça pourrait l'amocher, non ?
Le gardien continua d'afficher un air douteux. Il avait affronté le monstre et savait à quel point il était résistant. D'un autre côté... les entrailles du monstre ne devaient pas être aussi solides.
- Les Gorons... ils exploitent diverses variétés de choux-pêteurs dans leur caverne pour les transformer en bombes de puissance variée. Ils en fabriquent bien qui sont capables de creuser des cratères de la taille de l'arbre Mojo. Ils doivent avoir de quoi faire ton affaire.
Link poussa un nouveau soupir. Le sanctuaire de lave était à des kilomètres de là. Le temps qu'il fasse l'aller-retour, la bête aurait le temps de raser au moins huit autres villages.
- Laisse-moi faire. Ma magie me permet de faire le trajet en moins de dix minutes. Continue de surveiller le ver.
Link n'eut pas le temps de répondre. Boru avait déjà joué un air sur son tambourin et disparut dans une tornade de sable. Link se retrouva seul dans le désert avec la bête qui évoluait sous ses pieds.
La bestiole était rapide. Link dut plusieurs fois se mettre à courir pour rester à son niveau. L'elfe s'épuisait. Le monstre n'était pas encore remonté à la surface. Il suivait une trajectoire rectiligne, se dirigeant tout droit vers un village nomade. Que faisait donc Boru ? Est-ce que cela prenait autant de temps, de se téléporter et de demander deux ou trois explosifs ? La chenille géante n'était déjà plus qu'à trois minutes du camp. Et les nomades, qu'est-ce qu'ils faisaient ? Ils ne voyaient pas la motte de terre qui s'approchait ? Ils ne voyaient pas le péril ? Mais pourquoi donc ne fuyaient-ils pas ? Link pouvait distinguer des ombres de chameaux et d'humains qui restaient plantés comme des piquets. "Mais fuyez, par tous les noms de dieux !" Link s'imaginait déjà le désastre. Un vautour volait déjà vers le futur lieu du sinistre.
Un vautour... en était-ce vraiment un ? Il avait une drôle de forme. Ce n'était pas non plus un condor doré. Le volatile changea de direction. Il volait vers Link. L'elfe pensa un instant qu'il s'agissait de Valoo, mais l'idée s'envola rapidement. Ce n'était pas un dragon. C'était un oiseau à tête humaine. Bientôt, l'elfe put distinguer les traits du visage. C'était Boru, ayant subi une nouvelle métamorphose. Il se posa à quatre mètres de l'elfe, tout en jetant un sac au sol.
- Voilà. J'ai réussi à prendre cinq petites bombes et trois grosses. Les petites ont assez de force pour trouer des murs de pierre de cinquante centimètres d'épaisseur. Les grandes peuvent faire disparaître une maison.
- Génial... Reste sous ta forme d'oiseau. Je vais grimper sur ton dos et on va l'attaquer par les airs.
- Comment ? Comment pourra-t-on l'affronter ?
- On va le survoler et sacrifier les petites bombes en les lassant près du monstre. Ça le poussera à sortir. Lorsqu'il sortira, vole de façon à ce qu'on survole sa gueule. Je tâcherai de lancer les grosses bombes dans ce qui lui sert de bouche.
Boru approuva de la tête. Ainsi fut fait. Le plan de Link marchait. Une petite bombe correctement lancée à quelques mètres de la tête du ver le fit sortir de son trou. Boru était assez adroit en matière de vol. Il arriva face à la gueule du monstre. Seulement, étant un peu trop nerveux, Link lança trop tard sa bombe et elle alla exploser sur le corps mou, sans faire de dégâts. Les deux kamikazes durent recommencer l'opération. Cette fois-ci, Link la lança au bon moment, mais sa trajectoire fut mauvaise. Le projectile creusa un énorme cratère dans lequel le monstre fonça se réfugier. Link poussa un cri de rage. Heureusement que le camp des nomades était encore à deux cent mètres du combat, sinon, ils auraient été désintégrés. Boru se ré-envola.
- Fais attention. Nous n'avons plus le droit à l'erreur.
- Tu crois que je ne m'en rends pas compte ?
Et le duo recommença son opération. Link dut utiliser les trois dernières petites bombes pour déloger la bête. Boru descendit en piqué. Link alluma la mèche de la bombe. "Je la garde jusqu'au dernier moment. Si jamais je rate mon coup, elle explosera entre mes mains, je retournerai dans le temps et nous recommencerons l'opération".
La bête sortit de terre, écartant ses milliers de dents oranges. Link sentit la gueule se rapprocher à une vitesse vertigineuse. Il devait saisir le bon moment. Celui, où Boru frôlerait la bouche à l'haleine pestilentielle. Le moment arriva. Link lâcha la bombe. Elle explosa une seconde plus tard. L'onde de choc éjecta Link de sa monture. Les deux garçons s'écrasèrent sur le sol. Une affreuse odeur de chair et d'éléments carbonisés vint se répandre. Une chose était sûre. Le monstre était vaincu. Les garçons restèrent allongés, complètements épuisés mais souriants.
- On l'a fait ! C'est... fini...
- Parle pour toi... Je dois aller retrouver mon trésor dans ses entrailles.
- Ha ha...
- Quelle odeur épouvantable, j'en ai envie de vomir.
- Et moi, mon appétit est coupé pour au moins une semaine.
Link se redressa, résigné à jouer au médecin légiste et se retourna vers le cadavre du monstre. Un phénomène étrange se produisit. Les restes du ver s'assombrissaient et durcissaient comme un morceau de viande dans le feu. Ils tombaient en cendres. L'elfe poussa un soupir de soulagement. Il préférait de loin les restes carbonisés aux entrailles dégoulinantes. Il s'approcha du cadavre dont il ne restait plus grand-chose. Le vent emportait les morceaux, petit à petit. Le jeune homme ne mit pas longtemps à voir un halo de lumière émaner de la cendre. Le petit fragment de Triforce attendait sagement son maître.
La suite des événements fut assez compliquée. Après une demi-journée de repos dans le village nomade qu'il venait de sauver, Link repartit pour la montagne solitaire. Il était sensé rejoindre les Sheikahs dans une zone rocheuse non loin. Les nomades, trop heureux d'avoir échappé à un carnage, exprimèrent leur gratitude en lui prêtant un chameau. Link les en remercia.
Le chemin du retour fut donc beaucoup plus court. Arrivant au point de rendez-vous, il tomba sur des Sheikahs assez embarrassés. Le repaire des Géréduros avait bel et bien été pris d'assaut. Les guerrières avaient été pour la plupart capturées et sans être blessées, mais les plus farouches, dont les principales meneuses, s'étaient fait Hara Kiri. L'une d'elle, juste avant de se trancher la gorge, avait annoncé que le rubis avait été "donné". Le duc Dalbe craignait que cela signifie que le joyau soit entre les mains de Ganondorf. Après une conversation aux aspects assez sombres, on décida de pratiquer un sortilège de détection via l'émeraude Kokiri toujours en possession de Link, (ne me demandez pas comment, ni pourquoi, l'idée leur en est venue). Le sortilège révéla que l'émeraude était toujours dans la forteresse.
Link suivit donc les Sheikahs au repaire des Géréduros, et après fouilles et interrogatoires approfondis, une jeune femme finit par avouer l'aménagement d'une crypte souterraine destinée à des rituels de sorcellerie. On découvrit l'entrée de la crypte dans l'âtre d'une cheminée. Seulement, la "crypte" était protégée par toute une série de pièges. Comme Link était le principal concerné par la recherche du Rubis, il fut désigné pour s'y aventurer tout seul. Après diverses énigmes et embuscades de monstres, il finit par trouver un autel sur lequel reposait la précieuse pierre.
Après, tout alla tout seul. L'elfe n'eut qu'à retourner à la cité des Gorons, rendre le rubis, supporter la cérémonie du frère de sang, les embrassades Goronnes (qui faillirent le tuer, il faut le reconnaître) et enfin recevoir le septième fragment de Triforce, le dernier se trouvant sur le sol hylien. Comme il reçut son héritage très tôt dans la matinée sans avoir pris un seul instant de repos après avoir quitté le village des nomades, il passa une journée entière au lit.
La nuit s'était recouchée lorsque le maître Darnia vint réveiller son invité d'honneur.
- J'ai eu de la visite aujourd'hui... des mercenaires de Ganondorf.
Ces quelques mots suffirent pour faire bondir Link en dehors de son lit.
- Des serviteurs ? Qu'est-ce qu'ils voulaient ? Qu'ont-ils fait ?
- Pour le moment, ils n'ont rien fait d'autre que de proférer des menaces. Ils sont à la recherche d'une personne réunissant la Triforce, mais ce n'est pas toi.
Link eut un regard étonné.
- Ils cherchent une jeune fille capable de changer de visage et qui serait l'arrière arrière-petite-fille du sorcier.
- Leïa...
- Qui est-ce ?
- Je me demande pourquoi il dit qu'elle est capable de changer de visage. Jusqu'à présent, il n'y...
Mais Link se tut, méfiant. Il ne devait rien dire au sujet de son amie. Ganondorf la cherchait, il envoyait ses soldats partout. Moins Darnia en saurait, mieux cela vaudrait.
- Elle existe, mais elle se cache. Désolé de ne pas pouvoir t'en dire plus. C'est mieux comme ça.
- Je comprends... mais en tout cas, cela signifie une chose.
- Quoi donc ?
- Qu'il ne sait pas que tu existes...
- Que quoi ?
- Il suppose que sa "descendante" parcourt le royaume, parfois en se déguisant, à la recherche des différents fragments. Il ne sait pas qu'il y a quelqu'un d'autre qui fait le travail à sa place. Tu es donc invisible à leurs yeux pour le moment. Ils cherchent une jeune fille en mouvement alors que c'est un homme.
- Qu'est-ce que tu leur as dit ? Quelque chose t'obligeait-il à leur répondre ?
- Ils vont surveiller la montagne. Ils sont prêts à nous attaquer, à faire du mal à mon peuple. La seule chance de survie de mon peuple, c'est que nous collaborions en la leur livrant.
- Je vois.
- Dépêche-toi de réunir la Triforce.
- Je sais. Ma quête est une course contre la montre depuis un moment, déjà.
- Il y a un passage souterrain un peu difficile qui peut te conduire au lac Hylia, village des Zoras. Passe par-là. Laruto trouvera un sort de téléportation pour te conduire rapidement où tu le désires.
Link remercia Darnia pour son aide, s'habilla en triple vitesse et prit le chemin du lac Hylia. Il erra dans le souterrain durant quatre bonnes heures, mais arriva vers minuit au bord du lac Hylia. Il était épuisé et était fort tenté de dormir jusqu'au petit matin, mais d'un autre côté, il avait faim et soif, et la conversation qu'il avait eue avec Darnia lui signifiait qu'il n'avait pas de temps à perdre. Il n'avait plus la force d'aller déranger Laruto. Il invoqua Valoo grâce à l'air enseigné quelques jours plus tôt par la magicienne Zora. Le dragon aurait la force nécessaire pour affronter les courants d'air qui protègent la forteresse.
"L'enfant du vent" réussit effectivement sa mission. Après avoir fait du surplace quelques instants contre les violents courants d'air, il passa la barrière et atteignit la citadelle. Les deux premiers-nés furent convenablement accueillis, logés et purent tranquillement préparer leur départ pour Alkantir. Leïa, ravie de pouvoir enfin rencontrer un des meilleurs amis de son père, resta joyeuse toute la nuit et voulut qu'il lui raconte toutes ses aventures.
Au petit matin, après un long échange de baisers et de promesses entre Link et Leïa, les deux premiers-nés prirent leur envol pour l'île légendaire.
Link ne le savait pas, mais en quittant la citadelle à dos de dragon, il avait révélé à son pire ennemi ce qu'il désirait savoir depuis des années : l'endroit où se dissimulait la citadelle des nuages.
Douze morts, c'était le bilan des attaques de la nuit précédente. Douze malheureux innocents occupés à entretenir les bateaux de pêche où à traiter les poissons dans la halle. De pauvres innocents qui avaient oublié ce qu'était la peur et qui n'avaient rien vu venir.
Le coeur de Raphaëlle bouillonnait de rage. Comment avait-elle pu être si naïve ? Comment avait-elle pu faire confiance à cette ordure ? Un être aussi malfaisant pouvait-il réellement digérer un séjour au purgatoire qui avait duré près de mille ans et venir embrasser la personne qui l'y avait envoyé ? Pourquoi donc avait-elle été assez sotte pour croire à ses paroles ?
La première-née balayait la place du regard à la recherche d'un objet à détruire. Un tas de briques lui bloquant le passage fit l'affaire. Elle le réduisit en poussière. Le traître, l'imposteur ! Et elle... pauvre stupide petite idiote prête à croire n'importe quoi pour combler son manque d'amour. L'envie de retrouver son ancien amant avait été plus forte que sa raison et son sens du devoir. Le monstre savait parfaitement que c'était son point faible et avait joué dessus pour mieux étendre son ombre sur l'île. Comme elle s'en voulait, de s'être laissée prendre par les sentiments.
Au fur et à mesure qu'elle avançait dans les décombres de la halle aux poissons, son coeur se durcissait. Elle voulait chasser les émotions et les sentiments de ce coeur qui l'avait si outrageusement abusée. Plus jamais elle ne voulait se laisser envahir par ce désir de passion.
La première-née utilisa ses pouvoirs pour soigner les blessés et dégager la place. Elle donna ses conseils et organisa les équipes de reconstruction du quartier du port. Lorsque tout fut mis en place, elle retourna au phare. Elle avait besoin de réfléchir et d'agir. Le temps s'écoulait plus vite dans le reste du monde. Un mois devait déjà s'être écoulé en Hyrule. Qui savait ce que Ganondorf avait pu commettre durant ces dernières heures avec la jeune Leïa entre ses mains. Il fallait qu'elle se lance à sa poursuite, qu'elle sauve Leïa. A la limite, elle récupérerait elle-même les deux morceaux de Triforce. Cela impliquait d'abandonner l'île. Et si Ganondorf revenait ? Les habitants d'Alkantir seraient sans défense. Il fallait qu'elle organise un quelconque élément de défense.
Toujours pensive, elle entra dans le grand salon du phare, endommagé par la brève résistance de Leïa. Elle était tellement concentrée qu'elle ne vit pas qu'un homme attendait dans le salon.
- Ainsi, tu n'es pas encore partie...
Raphaëlle sursauta et se retourna lentement. La voix... il avait le sadisme de rester sur les lieux de son forfait ? Il n'en avait pas encore fini avec elle ?
- Et toi, tu persistes à rester...
- Tu sais bien que je t'ai dans la peau, trésor.
- Plus moi, Ganondorf.
Raphaëlle portait ses gants magiques. Elle pensa "Fléau d'arme, mode vingt centimètres de diamètre". Le boulet garni de pieux apparut dans ses mains. Elle se retourna, le regard enflammé, vers l'hôte indésirable.
- Qu'as-tu fait de Leïa, ordure ?
- Elle m'a faussé compagnie dès notre retour à Hyrule. Je suppose qu'elle fait ce que vous aviez convenu... Elle doit rassembler les morceaux de la Triforce.
- Tu vois, le problème, c'est qu'avec le coup que tu m'as fait hier soir, je crois que je ne croirais jamais plus une seule parole sortant de ta bouche. Reste ici encore cinq minutes et je te pulvérise comme un château de carte.
Le sorcier eut un rire amusé.
- Si seulement c'était possible... Seulement, je crois bien que l'au-delà me soit interdit.
- On parie ? dit-elle avec un sourire carnassier.
- Tu n'as pas compris... pourquoi crois-tu que j'ai survécu aux assauts de tous ces misérables traîtres ingrats ? Pourquoi aucun d'eux n'a été capable de mettre un terme à mon existence ? Tous leurs efforts ont été vains et toi-même, malgré un souhait sacré, tu n'as pas pu m'emprisonner là-bas.
Raphaëlle serra son arme. Ce que le sorcier disait n'était pas faux. Où voulait-il en venir ? Etait-il là pour la narguer ? Elle regarda les cendres fumantes de la ville par la fenêtre. Dans un cri de rage, elle lança son arme dévastatrice vers son ennemi. Le boulet traversa le corps sans rencontrer la moindre résistance et alla écraser le fauteuil sur lequel Ganondorf était assis. Le sorcier eut un sourire triste.
- Ne va pas t'imaginer que je n'ai jamais désiré quitter ce monde. Après tant de déceptions et de trahisons, l'enfer me semble si doux. Seulement, quelque chose m'empêche de m'y installer pour de bon. Quelque chose me ramène inexorablement sur terre. Tu ne te débarrasseras jamais de moi.
Et le Gerudo s'effaça comme une ombre au retour du soleil. Il ne restait à sa place qu'un petit papier où l'on avait griffonné des incantations. Le sorcier, lors de son dernier passage, lui avait laissé un sort d'illusion. Avait-il essayé de lui laisser un message ? Etait-ce un piège de plus ou une prière désespérée de ce qui restait de l'homme qu'elle avait aimé ?
C'est à ce moment qu'une voix grondante se fit entendre à la fenêtre.
- Maître Raphie ! Quittez le champ de la fenêtre !
La première-née eut juste le temps de sauter sur le côté qu'un gigantesque dragon fonça tête baissée dans le salon, dévastant tout sur son passage.
- Espèce de taré ! Tu voulais nous tuer ? T'as vu ce que tu as fait à ce pauvre salon ?
Raphaëlle ouvrit les yeux. Le dragon était affalé dans une montagne de débris. Un homme se trouvait à ses côtés. L'homme... NON ! Pas encore un démon du passé. Cet homme, c'était... impossible, pas après toutes ces années. Et puis, ce n'était pas sa voix. Ce n'était pas lui.
- Qui es-tu, elfe blond ?
Le compagnon du dragon kamikaze se retourna vers la première-née. C'était fou ce qu'il ressemblait à Robin. Il avait exactement la même forme de visage, les mêmes yeux, la même façon de faire tomber ses mèches blondes sur le visage. S'il n'y avait pas eu la voix, elle se serait méprise sur le personnage.
- Maître Raphie, les coupa Valoo, pardon pour ton salon. J'ai toujours autant de mal à réussir mes atterrissages. Je te ramène le dernier des Gerudos maudits.
- Je peux répondre moi-même, merci. Je me nomme Link. Je suis la nouvelle réincarnation du héros éternel. Par ironie du destin, je suis également un descendant de Robin. Nous venons tout droit d'Hyrule...
- Attends une minute. Laisse-moi le temps de comprendre... Un nouveau héros... Robin est mort ?
- Mort il y a près de 500 années hyliennes. Je suis un descendant de son deuxième enfant, et la malédiction de Ganondorf pèse toujours sur moi. Il est revenu en Hyrule et menace à nouveau le royaume.
- Leïa... Ganondorf a enlevé la fille de Robin. Est-ce que tu l'as vue ?
- Oui, je l'ai vue. Elle va bien. Elle attend que je termine de compléter la Triforce du courage à la citadelle des nuages.
Et Link dut, une fois de plus, raconter son aventure dans les moindres détails. Il parla longuement de Leïa, de la quête de la Triforce et surtout, de ses craintes pour son combat futur avec le terrible sorcier. Raphaëlle ne le quitta pas des yeux une seule seconde, l'écoutant le plus attentivement possible, hochant parfois la tête. L'elfe soupirait de soulagement. La première-née lui apparaissait comme la personne la plus sage, la plus intelligente et la plus efficace qui soit. Cela le rassurait de pouvoir enfin se confier à une personne aussi responsable. Tous ses ennuis semblaient terminés. La première-née saurait quoi faire et réglerait tout.
A la fin de son histoire, la maîtresse de l'île se leva et regarda la mer à travers l'entrée creusée par le dragon.
- Pour le fragment de Triforce, je n'ai aucune idée de l'endroit où il se trouve. Je n'ai jamais songé un seul instant qu'il soit possible de briser la Triforce du courage, et encore moins que Robin en laisserait un morceau ici. Cependant... "un grand temple au-delà des flots et du temps". Il n'y a qu'un seul temple sur cette île, je l'ai fait construire pour y dissimuler la Triforce de la force et en faire un lieu d'initiation pour les descendants de Robin. Connaissant Robin, c'est l'endroit idéal pour y cacher un trésor de cette importance.
- Bien, alors j'irai à ce temple.
- Je viendrai avec toi, héros... si je dois te donner une formation d'urgence, il vaut mieux que je voie de quoi tu es capable.
Valoo, lui, ne proposa pas d'accompagner le descendant de son ami. Il était bien trop épuisé par sa longue course. Il resterait au phare pour protéger l'île en cas de retour des sbires de Ganondorf.
Link et Raphaëlle se mirent donc en route pour le temple des marées au milieu de l'après-midi, la première-née ayant insisté pour qu'il prenne des forces. L'elfe, trop impatient d'enfin obtenir le dernier fragment de Triforce, en oublia que le temps était particulièrement traître sur l'île.
Il devait être cinq heures de l'après-midi et l'air commençait à se rafraîchir lorsque le jeune homme franchit le gigantesque portail en forme de baleine. Tout comme Leïa le jour précédent, il nota la présence de vases au contenu régénérateur qu'il décida de préserver pour la suite des événements. Il ouvrit la première porte, et remarqua que Raphaëlle s'aménageait un petit siège douillet dans la salle d'entrée.
- Tu ne viens pas ?
- Et puis quoi encore ? Tu espères que je déjoue les pièges à ta place ? Tu te débrouilleras tout seul, mon petit gars. Non, je ne t'accompagne pas.
- Et comment tu comptes évaluer mes capacités si tu ne me vois pas à l'oeuvre ?
- Mais je te verrais à l'oeuvre...
Et en prononçant ces mots, elle sortit de son sac une boule de cristal. Après la prononciation d'une formule magique, des images commencèrent à apparaître dans le verre.
- Là ! la boule me montrera ta progression dans le temple. Bonne chance et songe à briller, tu es observé.
Link poussa un soupir. Ça ne lui plaisait absolument pas d'être observé de la sorte. Il renonça cependant à discuter avec la première-née. A son regard, il avait compris que cela ne servirait à rien.
Il franchit donc la porte, arriva dans la salle des machines et y ramassa le sac de bombes abandonné par Leïa le jour précédent. L'elfe observa le sac avec étonnement. La couleur, le symbole sur le tissu, la forme des explosifs, le briquet orné d'une flamme bleue... Ça aussi, c'était une de ses armes dans le futur. Avait-il déjà fait le voyage à Alkantir dans le passé ? Il eut un rire nerveux. Evidemment qu'il avait dû faire le voyage. Comment la Leïa du futur aurait-elle pu avoir la Triforce du courage au complet, sinon ? Il examina les portes nerveusement. Le temple n'avait pas l'air bien méchant, mais il le mettait tout de même mal à l'aise. Il l'avait déjà visité, c'était évident. Il répétait exactement les mêmes gestes. Il savait ce qu'il avait à faire. Dans cette pièce, il y avait un mécanisme permettant l'ouverture de portes qu'il devait maintenir en marche en coinçant les interrupteurs. Il savait tout. Comment pouvait-il se souvenir de tous ces gestes, mais pas du reste ?
Il resta silencieux quelques minutes, tentant de réfléchir. Il se sentait affreusement manipulé, prisonnier. C'était comme s'il n'avait plus le choix et devait avancer sur un chemin tout tracé. En fin de compte... peut-être qu'il ne pouvait pas changer le passé. Peut-être qu'il était condamné à ré-exécuter les mêmes gestes et à vivre l'histoire en boucle interminable. Il pensa une fois de plus aux commentaires du gardien du sanctuaire des glaces. Ce fatidique combat contre Ganondorf... était-il destiné à perdre, quoiqu'il arrive ? Est-ce que sa quête avait un sens ?
- Tic tac tic tac... on peut savoir ce que tu fabriques ? Ça fait un quart d'heure que tu tournes en rond dans cette pièce.
Link sursauta. La voix de Raphaëlle s'était fait entendre juste à ses côtés. Pourtant, elle n'était pas là.
- Laisse tomber, je te parle via ma boule de cristal. Remue-toi un peu. La Triforce ne viendra pas à toi comme ça.
- Oh ça va ! Je ne fais que réfléchir.
- Dans ce cas, on risque de devoir commencer par réviser ta stratégie d'exploration des donjons.
- Je me demande même si cela a un sens, de se tuer à réunir cette Triforce. Je crois que cela va se solder par un nouvel échec et une nouvelle contrainte de voyage dans le temps. C'est une boucle, Raphaëlle. Ma quête est vaine. Il n'y a qu'un moyen d'y mettre un terme, c'est d'accepter la fin du monde.
La première-née ne répondit pas. A la place, elle apparut à côté de l'elfe, qu'elle gifla royalement.
- Le monde n'est jamais perdu. Je sais ce que tu traverses. Robin a eu les mêmes problèmes que toi. Quand sa mère est morte, il s'est porté volontaire dans une mission suicide pour revenir suffisamment loin en arrière pour essayer de la sauver. Ça ne servait à rien car quoiqu'il faisait, elle finissait toujours par mourir, de façon de plus en plus violente. Il en est presque devenu fou. Quelques années plus tard, ce fut Diana qui mourut, démasquée et exécutée par Ganondorf. Robin et moi crurent un instant que nous ne pourrions rien faire pour la sauver, nous étions presque résignés. Mais par un étrange hasard, Robin mourut empoisonné par un sbire de Ganondorf très peu de temps après le drame, et après avoir soutiré du sbire en question suffisamment d'informations pour sauver la princesse. Et tu sais quoi ? Il l'a sauvée. Il lui suffisait simplement d'arriver à temps, en passant par les raccourcis des domestiques du palais. Il y a des choses qu'on ne peut pas changer parce qu'elles sont écrites, il y en a d'autres qui ne sont que le fruit du hasard. La réussite de ta quête ne dépend peut-être d'un seul détail que tu as négligé jusqu'ici. Le fait que tu te poses enfin la question est un nouveau pas vers la découverte de ce détail.
Link ne savait pas quoi dire à ce commentaire. La première-née avait vraiment le don de convaincre n'importe qui de n'importe quoi.
- En attendant, si tu n'es pas capable de faire ce petit donjon, ce n'est pas dans cette vie-ci que tu vaincras Ganondorf. Allez, zou ! Retourne au boulot !
Et le coach sadique retourna à son poste, laissant Link affronter les pièges du temple des marées.
Le parcours dans le temple des marées fut un jeu d'enfant. Link connaissait l'emplacement de chaque piège, chaque astuce. Il ne mit pas moins de vingt minutes à récupérer les deux clefs lui permettant d'ouvrir la salle de l'épreuve du vase géant. Il fit quelques pas dans la salle, sachant à l'avance qu'il lui faudrait escalader des échafaudages en triple vitesse s'il ne voulait pas finir grillé. Effectivement, l'énorme machine de guerre se mit en marche au bout de cinq secondes. Link avait déjà escaladé une échelle et courait vers la suivante.
L'elfe put constater, quoiqu'il ne perdre pas le moindre quart de seconde à se retourner et examiner le gigantesque canon, que les projectiles ne le suivaient pas à la trace. La jarre canonnière tirait ses salves selon un programme précis et minuté. La jarre tirait d'abord les canons du premier niveau, huit secondes plus tard, ceux du deuxième, huit secondes plus tard, ceux du troisième..., celui où il se trouvait, l'échelle se trouvant loin de lui. Il pesta. Il avait choisi la mauvaise échelle. Il y en avait une autre plus près, mais elle impliquait qu'il contourne celle qu'il venait d'emprunter. Les explosifs qu'il reçut dans le dos le firent tomber au sol, mais il ne prit pas le temps de faire l'évaluation des dégâts. Il lui fallait reprendre son ascension avant que la jarre ne recommence ses tirs au niveau 1. Grande chance pour lui, il gagnait une avance de 32 secondes, et le réflexe d'évaluer la distance entre lui et les échelles.
L'ascension ne fut pas une partie de plaisir. Il ne lui suffisait pas de repérer l'échelle la plus proche de lui. Il lui fallait une véritable stratégie de parcours, car la distance des échelles suivantes dépendait parfois de son choix, et il lui fallait prendre le risque de sacrifier de précieuses secondes pour obtenir un parcours plus rapide aux niveaux supérieurs. Ce ne fut qu'au quatrième essai, avec de nombreux bleus et brûlures, qu'il atteint un niveau en pierre hors d'atteinte des projectiles. Là, il devait simplement allumer une des bombes au moyen des torches proches de lui et en lancer une au milieu de la céramique folle furieuse. Fait étrange, c'était nettement plus simple que de lancer une de ces bombes dans la gueule d'un ver géant. Huit secondes après le lancer, la jarre canonnière explosa. Link, situé à bonne hauteur, ne fut pas inquiété par les débris. L'elfe redescendit tranquillement au premier niveau. Il y avait à présent un blanc dans sa tête. Il ne savait plus ce qu'il devait faire... à moins que quelque chose de spécial devait se produire ici, et qu'il ne se rappelait plus.
Alors qu'il se posait ces questions, une étrange lumière semblable à un nuage de fumée phosphorescent fit son apparition. Link resta sur ses gardes. Son instinct lui rappelait que quelque chose d'important allait arriver. Le nuage de fumée se contracta pour former une silhouette humaine. Le coeur de l'elfe se serra. La mère de Leïa apparaissait pour la seconde fois devant lui. Mais cette fois-ci, était-ce un piège ? Cela n'avait pas l'air d'être une des créatures du chasseur de rêves. Cette créature-ci avait l'air beaucoup moins réelle. Elle était translucide et flottait dans les airs.
- Mon amour, ma vie... tu es revenu ! Comme Leïa et Raphaëlle vont être contentes.
Link se mordit la lèvre. Encore quelqu'un qui le prenait pour son illustre ancêtre. Ça commençait à devenir sérieusement agaçant.
- Diana, je ne suis pas votre cher Robin. Je suis votre lointain descendant.
Le fantôme eut un air étonné.
- Robin, ne me prends pas pour une idiote. Tu sais à quel point ça m'énerve de ne pas être prise au sérieux.
- Le problème, c'est que je ne sais rien de vous, madame. Je vous l'ai déjà dit, je ne suis pas Robin, je suis un de vos lointains descendants.
- Ne te fiche pas de moi. Leïa ne peut pas avoir d'enfants. Elle n'est en Hyrule que depuis deux mois.
- Mais ce n'est pas de Leïa que je descends. Je descends de votre autre fils. Il n'est pas mort dans une embuscade, comme vous l'avez cru. Il a survécu, il a eu une famille d'adoption et de nombreux enfants. La preuve, je porte toujours le sang des Gerudos maudits en moi. J'ai perdu mes parents alors que je n'avais pas dix ans. Valoo peut vous confirmer toute l'histoire.
Mais le fantôme ne demanda pas d'explication supplémentaire. Elle s'était approchée du jeune elfe, une myriade d'étoiles scintillant dans ses yeux fantomatiques. Elle esquissa un geste pour caresser le visage du jeune homme, mais la main s'effaça comme de la fumée.
- Mon tout petit... si fort, si beau... le digne héritier des héros éternels... Robin aurait été si fier de toi. Enfin, je crois qu'il l'est. Je sens qu'il est en toi, le vaillant et intrépide premier-né.
La touchante scène fut brusquement interrompue par l'apparition d'une Raphaëlle en larmes.
- Diana... tu étais... depuis quand erres-tu dans ce temple ? Pourquoi ne m'as-tu jamais rien dit ? Pourquoi n'es-tu jamais revenue voir Leïa ?
- Raphaëlle !
Les deux vieilles amies entamèrent une grande et émouvante conversation. Link, se sentant un peu de trop, voulut partir à la recherche du fragment de la Triforce du courage. Maintenant qu'il n'y avait plus de machine pour éliminer les intrus, l'elfe pouvait explorer l'espace à loisir. Il y avait un passage menant à un couloir éclairé de torches. Il le suivit et arriva dans une salle impressionnante dont les murs semblaient constitués de milliards de petits cristaux scintillants. C'était une salle de choix pour garder un morceau d'or sacré. Seulement, sur le piédestal au milieu de la pièce, il n'y avait rien. Link examina l'objet sous tous ses angles, regarda dans les moindres recoins de la salle, tenta même d'invoquer le pouvoir de sa Triforce pour pouvoir repérer la moindre émanation magique, mais rien. Il décida donc de retourner dans la salle où discutaient les deux femmes.
Diana était en train de raconter à la première-née ses dernières aventures en Hyrule. Elle était d'ailleurs au passage de la naissance de son deuxième enfant. Link estima nécessaire de toussoter pour attirer l'attention de sa lointaine génitrice.
- Robin a caché un morceau de la Triforce du courage dans ce temple. Sais-tu où il l'a rangé ?
Le fantôme resta silencieux quelques secondes, un sourire rêveur sur les lèvres.
- Ainsi... c'était donc ça qu'il fabriquait quand il venait ici.
- Pardon ?
- Je croyais qu'il y faisait quelques aménagements en vue de la formation de son successeur. Il passait des heures ici avec les artisans lynnians.
- Tout le temple est sa création ?
- Non, répondit Raphaëlle. La majeure partie est de moi. Je ne pensais pas qu'il puisse y modifier quelque chose.
- Pourtant, je crois qu'il a aménagé un deuxième parcours à partir de cette salle. Quand je venais le chercher, il sortait toujours d'une trappe tout en haut de cette salle.
Les trois personnages levèrent les yeux. Il y avait effectivement un petit espace rectangulaire au-dessus de la corniche de pierre. Link salua les deux femmes et reprit vaillamment son exploration du donjon. Une fois la trappe atteinte, il jeta un dernier coup d'oeil aux deux vieilles amies. Elles suivaient son évolution d'un air intéressé dans la boule de cristal de Raphaëlle.
Link escalada un mur pendant une bonne minute. Plus il montait, plus il faisait noir et plus il était difficile pour lui de continuer. Il dut continuer un long moment à tâtons. Il lui semblait errer dans un labyrinthe. Il passait son temps à tourner. Heureusement pour lui, il eut tout de suite le réflexe de coller sa main droite au mur et de ne jamais quitter ce repère. Ainsi, il tournait toujours dans la même direction et n'aurait aucun problème à retrouver son chemin en cas de cul-de-sac. Au bout d'une quinzaine de minutes, il atteignit ce qui devait être une porte en métal. Il poussa la clenche et entra dans la pièce suivante qui, elle, était éclairée. L'elfe dut attendre dix bonnes secondes avant que ses yeux ne soient réhabitués à la lumière des torches, puis prit conscience que ces torches devaient brûler depuis des années et que pourtant, elles semblaient comme neuves. Il devait probablement y avoir un sort de feu éternel. Il examina la pièce plus en détail. Tout le sol semblait être pavé d'or. Il y avait une étrange plate-forme au milieu qui était entourée de hauts piliers de marbre vert disparaissant dans un plafond ténébreux. Le subconscient de Link lui suggéra que cette espèce d'autel avait un rôle capital à jouer, mais qu'il n'était pas encore opérationnel. Il fallait activer quelque chose. Trois petits piédestaux encerclaient l'autel. Il fallait faire quelque chose avec eux. Ils avaient chacun un motif différent à leur surface. Link remarqua ensuite trois portes derrière les piédestaux sur lesquelles étaient représentés les mêmes motifs. L'aventurier comprit tout de suite. Derrière chaque porte, il fallait trouver quelque chose lié au piédestal correspondant de la salle centrale.
Il commença par la pièce de droite. Il fut tout de suite arrêté par un profond précipice infranchissable. Il jeta un coup d'oeil aux murs. Il devait forcément y avoir un moyen de passer. Il remarqua vite une étrange oeuvre d'art. Cela ressemblait à un oeil enfermé dans un losange sur le mur gauche de la salle. Il avait déjà vu ce genre de chose dans le sanctuaire de lave, dans le futur parallèle. Il lui fallait viser droit dans la pupille et quelque chose se passerait. Il l'atteignit après trois essais. Une plate-forme flottante sortit du mur, invitant le jeune homme à traverser. Il atteignit l'autre rive sans difficulté et franchit une nouvelle porte.
La pièce avait un dallage en damier et plusieurs coffres étaient éparpillés sur les cases blanches. C'était étrange... pourquoi un pareil désordre ? Il sembla à Link que la disposition des coffres était volontaire. Il y avait un sens à cet éparpillement. Link s'approcha du coffre le plus près de lui et essaya de l'ouvrir. Il fut repoussé par une violente décharge électrique. Le coffre était piégé. Il regarda à nouveau la salle. Un seul coffre devait être bon, restait à savoir lequel.
Il testa les coffres. Seul celui le plus sur la droite accepta de s'ouvrir, mais il n'y avait rien à l'intérieur, à part une petite pierre violette destinée à être insérée dans la monture d'un autre coffre, mais apparemment pas n'importe lequel, à en juger par la décharge qu'il reçut en déposant la pierre. Il devait y avoir un ordre à respecter. Il fallait probablement les ouvrir les uns après les autres. L'éparpillement des coffres dans la salle devait être un indice sur l'ordre à suivre. Il y en avait huit en tout, et en prenant du recul, l'aventurier réalisa que, sur le damier, il n'y avait qu'un seul coffre par rangée de cases. Cela devait être l'indice, la façon de distinguer les coffres. L'elfe décida d'agir avec méthode et d'essayer diverses séries. Il commencerait par ouvrir les coffres de droite à gauche, du fond vers l'entrée (car le coffre qu'il avait réussi à ouvrir était également le plus éloigné de la porte qu'il avait franchie). Le premier essai fut le bond. Il ne mit pas plus de quatre minutes à tout ouvrir. Dans le dernier coffre se trouvait une grande statue en obsidienne sur laquelle était gravé le motif de la porte qu'il avait empruntée dans la salle principale. Il rebroussa donc chemin avec sa prise et posa la statue sur le piédestal correspondant. Le piédestal grandit alors en taille et la statue s'illumina au fur et à mesure qu'elle gagnait en hauteur. Lorsque la colonne s'arrêta de bouger, Link décida de prendre une nouvelle porte.
Au début, il n'eut qu'à emprunter un escalier peuplé d'insectes géants et carnivores. Cela ne lui posa pas trop de problèmes. Il n'avait qu'à les éliminer dès qu'ils s'approchaient trop de lui. Il prit soin d'agiter son épée avec le plus de rapidité et d'efficacité possible, histoire d'impressionner la première-née et le fantôme de son arrière-arrière-etc-grand-mère. Il finit par arriver dans une pièce à demi remplie d'eau. Le niveau de l'eau changeait régulièrement.
- Je me demandais pourquoi on appelait l'endroit le "temple des marées", et bien voilà ! L'astuce de la salle semble être basée sur l'effet de la marée.
Il regarda la salle en détail. Que devait-il faire ici ? Une plate-forme avec un coffre semblait l'attendre de l'autre côté de la pièce. mais comment y arriver ? Le bord était trop haut, même à marée haute. Il y avait des caisses en bois flottant sur l'eau. A nouveau, Link se fit la réflexion qu'elles étaient en trop bon état pour des caisses ayant pataugé près de dix ans dans de l'eau de mer. Toutefois, elles semblaient être son seul moyen d'atteindre l'autre rive. Il sauta donc à l'eau, atteignit la caisse la plus proche de son but, la poussa jusqu'au bord de la terrasse et monta dessus. Il n'eut plus qu'à attendre que l'eau monte pour sauter sur le sol de pierre et ouvrir le coffre, contenant une deuxième statue. L'elfe eut alors une mauvaise surprise. Il réalisa que la statue était trop encombrante pour nager avec elle et qu'il ne pourrait pas atteindre la sortie de cette façon. Il dut déposer la statue et former un parcours avec les caisses flottantes pour pouvoir atteindre la sortie sans avoir à remettre le pied dans l'eau. Une fois le pont de fortune établi, ramener la deuxième statue fut un jeu d'enfant (bon, les insectes géants du couloir avaient été remplacés par des limaces gluantes se laissant tomber du plafond sans crier gare, mais ça ne posait pas vraiment de problèmes, juste des p'tites surprises). Il put déposer sa prise sur le deuxième piédestal et prendre la troisième porte.
La salle ressemblait à celle du premier couloir. Il y avait un énorme précipice infranchissable, mais pas d'interrupteur à activer sur les murs. Il y en avait plutôt un au sol, près de lui, mais qui ne marchait que si on maintenait un poids sur lui. Heureusement, quatre statues de petite taille traînant sur la gauche semblaient parfaitement correspondre à cet usage. Un pont de lumière apparut, traversant tout le précipice. L'elfe put traverser en toute tranquillité et passer à la salle suivante.
Link vit immédiatement où se trouvait la dernière statue. Elle l'attendait gentiment sur un piédestal, derrière une barrière de rayons de lumière. L'aventurier comprit tout de suite qu'il ne pourrait pas passer la barrière. Les rayons étaient plus brûlants qu'une fournaise. Il devait trouver un autre moyen de passer. La réponse lui vint très facilement alors qu'il jetait un coup d'oeil à la salle. Tout un versant de mur était fort endommagé et apte à l'escalade. Link se résigna donc à affronter son vertige et à se déplacer en s'accrochant à un mur à plus de trois mètres du sol. Une fois de l'autre côté, il eut la joie de constater que la statue en obsidienne résistait aux rayons. Il put donc la déposer délicatement derrière la barrière de lumière et ré-escalader le mur sans difficulté. Il passa la pièce suivante tranquillement, mais au moment où il posa le pied sur l'autre rive, les statues qui lui avaient servi à activer le pont de lumière s'animèrent. Link ne comprit pas grand-chose. Ce ne fut que lorsqu'il vit qu'il était en train de tomber dans le vide qu'il réalisa ce qui venait de se passer.
Il sombra dans le noir et la douleur, puis se revit dans la salle aux rayons de lumière. Il utilisa toutes ses forces pour arrêter à cet instant précis son voyage dans le temps. Il ne maîtrisait pas encore très fort ce pouvoir et ne savait pas comment contrôler le voyage temporel. Cela eut pour effet qu'il s'effondra sur le sol, manquant de peu de se faire brûler par les rayons lasers. Il dut donc recommencer toute l'opération de récupération de la statue, revenir dans la pièce fatidique et guetter l'instant où les statues piégées se rebelleraient. Elles se manifestèrent à l'instant où il posa le pied sur le sol de pierre. Il dut faire des roulades pour éviter de se trouver pris au piège comme la fois précédente. Il déposa son trésor et dégaina son épée ainsi qu'une bombe. L'explosion de la poudre n'eut pas d'autres effets que de dérouter les automates un instant. Ce fut suffisant pour Link pour pousser une des statues dans le vide d'un coup de pied bien placé. Les trois statues restantes formèrent rapidement un cercle autour de Link. Il n'avait plus le temps d'allumer de bombe. D'un geste désespéré, il plongea son épée dans une bulle lumineuse sur le visage d'une des statues. Elle explosa en deux secondes. Il avait trouvé le point faible de ses adversaires et ne mit que quelques secondes à s'en débarrasser.
Lorsqu'il déposa la troisième statue sur son piédestal, un étrange rayon de lumière apparut sur l'autel. L'elfe y entra, sentant qu'une grande épreuve l'attendait. Il apparut dans une vaste salle de pierre sombre et éclairée d'une étrange lumière bleue. Dans le mur se trouvait une énorme statue de pierre représentant une sorte de visage couronné et ses deux mains. Après quelques pas, une voix grave et résonnante se fit entendre : "voici donc le nouvel élu... viens donc tester ta force...". Des traits de lumière parcoururent les pierres pour aller illuminer la statue. Les diverses pièces se mirent à léviter et foncèrent sur l'elfe. "Je me disais bien que ce donjon était trop facile".
Des nuages sombres couvrent la vallée et la plaine d'Hyrule. Une mer de tentes et d'enclos recouvrent le moindre brin d'herbe. L'armée du seigneur des ténèbres, l'armée de mort de Ganondorf assiège la montagne de la citadelle des nuages.
Pour le moment, c'est le calme avant la tempête. Ganondorf a ordonné à ses troupes d'encercler la citadelle, sans essayer de l'approcher. La seule tentative d'approche s'était avérée être un échec total. Alors qu'un groupe de soldats escaladaient bravement les parois de pierre, un éboulement de rochers sorti de nulle part les avait réduits en bouillie. La citadelle était impossible à atteindre. Elle était située sur un piton rocheux aux pentes abruptes et aux rochers tranchants. Le seul moyen d'y entrer était d'attendre l'activation d'un ascenseur par les maîtres de la forteresse. La citadelle était coupée du monde et rien ne semblait pouvoir l'atteindre, pas même les condors dorés. Un vent glacé et violent s'était levé et repoussait toute tentative d'attaque aérienne. Ganondorf fulminait et passait sa colère sur tout ce qui lui passait sous la main. La citadelle lui semblait imprenable. Il était si près du but, de la victoire, de la personne qui pouvait réaliser ses rêves, qui pouvait le délivrer des souffrances qui le rongeaient.
Car Ganondorf souffrait. Il était rongé, heure après heure, nuit après nuit par la pire des tortures. Une obsession l'empêchait de trouver le sommeil : celle d'un corps qu'il désirait serrer dans ses bras, une peau qu'il devait caresser, un parfum qu'il voulait respirer. Pour son plus grand malheur, il s'était très vite rendu compte que cette obsession ne pouvait pas se calmer avec n'importe quelle captive. Il avait bien essayé de se défouler sur quelques prisonnières du Bourg d'Hyrule, mais rien n'avait pu marcher. C'était ELLE qu'il lui fallait. Son visage hantait ses pensées. Il ne pouvait pas passer deux heures sans penser à ses yeux aussi profonds que l'océan, sa chevelure volant au vent et si douce quand elle se reposait contre son torse. Comment cela était-il possible ? Comment l'âme d'un homme aussi redoutable, aussi cruel, aussi insensible, aussi déterminé pouvait-il être assujetti par la pensée d'une femme qui l'avait trahi. Ganondorf finit par trouver une réponse satisfaisante. La garce avait dû lui jeter un sort d'amour fichtrement puissant.
La voix d'un de ses aides de camp lui annonça l'arrivée de ses deux "médecins", le mage Reicros et la mystérieuse Djingreï. Le premier était spécialisé dans les sorts d'envoûtement, la deuxième, en tant que télépathe, était la personne la mieux placée pour diagnostiquer l'état psychique du seigneur des ténèbres. Tous deux n'étaient guère enchantés de cette incroyable faveur de pouvoir psychanalyser et soigner leur maître. Quel cadeau empoisonné que de savoir que ce monstre de cruauté était envoûté par le charme d'une femme. Connaître ce secret scellait leur destin. Le seigneur Ganondorf ne prendrait jamais le risque de les laisser avec de pareilles informations. Ils étaient tous deux étroitement surveillés par des soldats qui mouraient d'envie de connaître la raison de leurs longs entretiens, mais à la moindre allusion, c'était la mort assurée. Il était également certain qu'une fois les maux du maître soulagés, il s'arrangerait pour se débarrasser de ses deux guérisseurs. Ils n'avaient aucune issue. Tout ce qu'ils pouvaient faire était de gagner du temps, aussi n'étaient-ils pas vraiment dérangés par la prolongation du siège. Reicros inclina la tête en guise de salut et s'enquit sur l'humeur et la santé de son maître.
- Vous devriez le savoir aussi bien que moi. Ne vous ai-je pas donné une assistante télépathe pour avoir à éviter ce genre de questions stupides ? Communiquez donc par la pensée, ça m'évitera de m'énerver devant vos commentaires.
Les deux guérisseurs se regardèrent d'un air entendu. Aujourd'hui, le maître était de très mauvaise humeur. Djingreï détecta immédiatement qu'il pouvait exploser à tout moment. Cette fois-ci, il fallait montrer que leurs recherches avançaient, sinon ils finiraient tous les deux dans une chambre de torture. Le message à son collègue envoyé, elle s'avança et commença à expliquer :
- Nous avons justement de bonnes nouvelles à vous annoncer. Nous commençons à cerner la source et la nature du problème. Nous sommes donc en mesure de commencer un traitement.
- Traitement ? Mais ce n'est pas d'un traitement dont j'ai besoin. Je ne suis pas malade, je suis ensorcelé. Je veux la dissipation du sort, et le plus vite possible.
Reicros se dépêcha de compléter les informations.
- Le sort est malheureusement trop complexe pour qu'il y ait une levée pure et simple du maléfice. Il faut procéder par plusieurs étapes. Pour cela, nous devons repérer tous les niveaux, et ça prend du temps...
- Cela fait deux semaines que vous me répétez la même chose.
- C'est que vous ne nous facilitez pas la tâche, mon seigneur.
Le seigneur des ténèbres était sur le point de foudroyer l'envoûteur. Saisissant l'ampleur du danger, Djingreï s'empressa d'envoyer dans l'esprit de l'enragé une sensation de douce brise sur les dunes de sable. L'effet fut presque immédiat. Le sorcier se rassit sur son siège. Reicros et la télépathe soufflèrent. La jeune femme continua de sonder l'esprit du maître. Il pensait à présent à de grandes dunes blanches dont le sable glissait lentement. Mais au milieu du décor, il y avait cette femme allongée. Son corps se laissait lentement engloutir par le sable tandis que ses cheveux frémissaient à la brise. Elle était immobile, souriante, sereine et incroyablement belle. La voyeuse poussa un soupir et s'adressa à Ganondorf d'une voix douce en lui prenant la main. Il fallait le garder calme.
- Seigneur, ce que mon collègue essaye de vous dire, c'est que nous aurions pu briser le sort il y a longtemps s'il n'y avait pas eu un certain problème. Votre esprit n'essaye pas de chasser ces images. Vous aimez penser à elle. A ce niveau-ci, ce n'est plus un envoûtement. C'est du véritable amour.
- Comment oses-tu dire ça ?
- Je vous en prie. Je suis parfaitement capable de distinguer ce qui provient du désir et ce qui est imposé. Le meilleur remède à ce genre de choses est le temps et la lassitude.
- Le temps... j'ai passé un millénaire à essayer de l'oublier.
- Vous n'avez pas essayé. Durant tout le séjour dans le vide infernal, vous vous êtes cramponné à l'image de la femme qui vous avait trahi, l'idéalisant ou la diabolisant. Vous deviez vous cramponner à cette idée pour résister à l'oubli du purgatoire. Vous n'aviez pas le choix, c'était le seul genre de pensées pouvant vous permettre de rester vous-même. Ce n'est que maintenant que vous pouvez vous permettre de l'ignorer, mais son image a eu le temps de s'encrer profondément dans votre âme. Pour l'oublier vraiment, il faut que votre esprit finisse par admettre qu'elle ne fasse plus partie de vous.
- Ça aussi, j'essaye de le faire.
- Vous n'avez pas utilisé la meilleure manière, alors.
- Pourquoi ne me jetez-vous pas un sort d'oubli, alors ?
- Parce qu'elle a tellement fait partie de votre vie que nous vous priverions du meilleur de votre passé. Cela provoquerait de trop gros dommages. Le vide serait trop grand, trop de choses seraient inexplicables.
- Alors quoi ?
- Alors, le mieux, ce serait de la faire venir ici. Si elle est près de vous, vous cesserez de vous en faire obsession. Votre idée de la femme idéale pourra se ternir et vous vous lasserez très vite de son visage. Vous serez alors guéri.
La jeune télépathe avait prononcé les mots magiques. Ganondorf en oublia toute la colère qu'il voulait déverser sur les deux impudents qui semblaient se moquer de son sort.
- Oui, si je peux me soulager une fois pour toutes, je cesserai de penser à ma vengeance. Il faut que je la fasse venir ici, que je la fasse souffrir, que je l'humilie...
Il héla un aide de camp pour qu'il aille chercher son serviteur le plus efficace. Moins de vingt secondes plus tard, le mercenaire Kidas pénétra dans la tente.
- Vous allez partir avec vingt hommes de votre choix pour l'île hors du temps. Peu importe les moyens que vous utiliserez, exterminez les habitants s'il le faut, mais vous me ramènerez la première-née vivante et en suffisamment bon état pour que je puisse m'en occuper moi-même.
L'homme sanguinaire acquiesça et sortit. Ganondorf, ayant retrouvé sa bonne humeur, sortit et réunit ses généraux. Il se sentait suffisamment en forme pour tenter une nouvelle méthode de siège.
- Combien de captifs avons-nous encore ?
- 116, Seigneur.
- Dans quel état ?
- Certains sont malades, beaucoup n'ont même plus de larmes pour pleurer, mais il y en a encore qui gémissent et ça agace les gardiens.
- Vous les ferez placer dans un enclos surveillé à vingt mètres de la montagne, bien en vue. Vous réduirez la nourriture au strict vital et vous arrangerez pour maintenir ces morveux en vie le plus longtemps possible. Vous relâcherez les cinq en plus mauvais état près de l'ascenseur de la citadelle. Si, à partir de demain, il n'y a toujours pas de mouvement à la citadelle, vous m'en égorgerez un toutes les heures. Pour sauver ces gamins, il faudra bien qu'ils tentent une sortie et c'est là que nous interviendrons.
Alors que le camp commençait à remuer des instructions du seigneur des ténèbres, ce dernier attrapa un de ses plus fidèles conseillers, le traître Aromir.
- Vous allez opérer quelques changements de grade. Placez Djingreï près de ma tente, au rang de deuxième conseillère. Quant au mage Reicros, je ne veux plus le voir. Faites-le disparaître.
Alors qu'un elfe courageux se lançait dans l'exploration d'une partie secrète d'un donjon secret, deux étranges dames (et pour cause, l'une est un fantôme et l'autre une première-née) regardaient de curieuses images dans une boule de cristal et les commentaient. Très étrange et peu banale scène en vérité.
R : Il grimpe vite, ce garçon.
D : Il a l'endurance de son papa.
R : Diana... Ce n'est pas ton fils, c'est le fils du fils du fils du fils... Je ne crois pas qu'on puisse encore parler d'un lien de parenté après une trentaine de génération.
D : Tu te trompes. Regarde-le. C'est le portrait craché de Robin. Moi-même, je m'y suis laissée prendre. De plus, à ce que tu me dis, il a hérité du statut de l'élu. S'il n'y a pas de lien du sang là-dedans, je veux bien nettoyer un nid d'orc.
R : Tu ne risques rien avec un pari pareil. Un fantôme ne peut pas nettoyer de nids d'orc.
D : Alors je veux bien aller hanter Ganondorf pendant un siècle.
R : Ça... on peut arranger.
D : Tu peux pas te concentrer sur le petiot ? Hé, on ne voit plus rien.
R : Il ne doit plus y avoir de lumière où il est. Attends un instant.
La première-née tapa un petit coup sur la boule de cristal. Les images y défilèrent en noir et gris.
R : Voilà ! Vision infrarouge.
D : C'est quoi, une vision infrarouge ?
R : Un peu compliqué. Disons que ce sont des rayons qui permettent de distinguer les formes, mais pas les couleurs. Alors, qu'est-ce qu'il nous fait ?
D : Il a l'air de ne pas y voir goutte.
R : Robin aimait ça, les labyrinthes obscurs. Il faisait exprès de s'y perdre pour pouvoir les explorer dans le moindre détail.
D : Mais lui... il n'a pas l'air enchanté.
R : Il a quand même les bons réflexes : il utilise la technique de la main droite.
D : La main droite ?
R : Ça vaut tous les fils d'Ariane du monde. Si tu avances sans lever la main du mur, tu es certaine de toujours tourner dans la même direction et si jamais tu décides de rebrousser chemin, tu mets ta main gauche sur le mur, tu fais le chemin en sens inverse et tu retrouves la sortie sans problème.
D : Mais ça peut faire perdre du temps...
R : Pas dans un labyrinthe aveugle. Il ne voit même pas par où d'autre il peut passer. C'est la seule bonne technique. Je me demande où il l'a apprise.
D : C'est de famille, Raph.
R : T'as pas envie d'aller hanter Ganondorf ?
D : Je préfère savoir que mon tout petit est le digne héritier de Robin.
R : A propos d'héritier... Pourquoi n'as-tu jamais donné signe de vie durant ton dernier voyage ? Leïa me demandait tous les soirs quand tu allais revenir. J'ai commencé par lui dire "dans une semaine", puis "dans une ou deux semaines", puis "peut-être demain", et au bout d'un mois, j'ai préféré dire que je ne savais pas. Tu te défoules à présent sur ce gamin, mais tu oublies ta propre fille que tu as abandonnée entre mes bras.
D : J'avais confiance en toi et en son potentiel. Elle était en sécurité avec toi. Et puis... je ne voulais pas lui donner de faux espoirs. La guerre civile prenait du temps, mais la terre d'Hyrule promettait d'être accueillante. Robin et moi, nous nous disputions souvent pour savoir si nous allions rentrer à Alkantir ou revenir habiter Hyrule. Je n'osais rien annoncer à Leïa de peur de contredire Robin. Je ne savais pas quoi dire à ma fille.
R : Comment ne pouvais-tu ne rien avoir à dire à ta fille ? Tu possèdes la Triforce de la sagesse, oui ou non ?
D : Déjà à l'époque, je ne l'avais plus.
R : Quoi ?
D : Hyrule était plongée dans une guerre civile. La princesse héritière, Zelda-Victoria, n'avait que 12 ans quand ses parents moururent. Un de leurs cousins refusait de jurer allégeance à une gamine et avait pris le pouvoir de force après l'avoir chassée. Beaucoup de gens contestaient son acte et pour garder son trône, il mena une politique particulièrement répressive. Ce fut à ce moment que nous arrivâmes. Nous protégeâmes la princesse avec plusieurs personnes fidèles, mais il fallait plus pour sauver le royaume. Il fallait que la demoiselle soit suffisamment forte et charismatique pour que le royaume l'accepte comme souveraine et se soulève pour de bon contre l'imposteur. Alors j'ai décidé de lui remettre la Triforce de la Sagesse. De cette façon, elle gagna en maturité beaucoup plus rapidement et en bien meilleure condition. Tout ce qu'elle aurait pu apprendre en dix ans, elle l'apprit en quatre ans. A 16 ans, à part son oncle et ses sbires, pas une seule personne dans le royaume ne contestait son retour sur le trône. Elle aurait même pu reconquérir sa place toute seule si l'oncle n'avait pas fait appel à la sinistre secte des Maltics. Ce furent eux qui nous séparèrent de notre deuxième enfant. C'étaient également eux qui surveillaient étroitement le ciel et nos veines tentatives de correspondance.
R : Les Maltics... ces fous existaient toujours, 500 ans après la disparition de Ganondorf ?
D : Oui, ils étaient toujours là... et ils occupaient toujours leur repaire à la frontière avec la Confédération de Termina.
R : ... La chaîne d'Ikana... Dis-moi, avez-vous réussi à vaincre la secte ?
D : Hélas, je n'en sais rien. Nous avons bien réussi à capturer le roi félon et ses plus proches serviteurs, mais je suis morte avant de voir ce qui allait arriver des autres membres de la secte.
R : Alors... ça pourrait expliquer son retour...
D : Raph, tu nous fais quoi là ? Pourquoi tu marmonnes ? Qu'est-ce qu'il y a ?
R : Rien, je m'interrogeais juste sur Ganondorf et ses alliés actuels. Tiens... Link est sorti du labyrinthe aveugle.
D : Ah ouais.
R : Sympa, l'architecture. Il faudra que je la reprenne dans mes prochaines modifications du donjon.
D : Pourquoi tu veux changer le donjon, toi ?
R : Parce que mon donjon ne m'a pas l'air assez compliqué. Link a fait le tour de ma partie en moins d'une demi-heure. Et puis, j'aime changer les épreuves d'un héros à l'autre, histoire qu'ils ne se transmettent pas les trucs. D'ailleurs, si Link a si facilement passé mon donjon, c'est probablement parce que Leïa lui a raconté ce qu'il fallait faire.
D : Effectivement, c'est pas du jeu. Mais comment vas-tu t'y prendre ?
R : J'invoquerai les dieux, comme tous les premiers-nés ont appris à le faire. Les dieux m'ont accordé le statut de protectrice de l'élu. Ils m'accordent les pleins pouvoirs dans la mesure où ils me servent à le trouver, le tester, le former et le protéger. Dès lors, je bénéficie de pouvoirs divins pour modifier à loisir ce donjon, que je considère comme épreuve de la reconnaissance des élus. C'est d'ailleurs pour ça que j'y ai caché la Triforce de la Force. C'est un peu une récompense pour le test. Et puis, j'ai eu l'aide des artisans Lynnians pour rendre tout ça opérationnel.
D : Et Robin, comment a-t-il pu créer cette partie ? Je n'ai pas souvenir qu'on lui ait octroyé ce genre de pouvoir. Les dieux lui ont accordé le pouvoir de voyage temporel et de réincarnation, mais rien d'autre.
R : Ça, c'est un mystère... A moins que... Il possède la Triforce de Favore et est lié à la déesse du courage. Il a dû invoquer la déesse pour avoir le droit de faire ses travaux.
D : Pourquoi ne m'avez-vous jamais appris à invoquer les dieux de cette manière ? Je possédais la Triforce de la sagesse, non ?
R : Oui, mais tu n'étais pas une première-née. Seule notre espèce possède le don d'invocation des dieux. Nous sommes leurs enfants, leurs serviteurs. Et ne te plains pas. Tu avais déjà l'aide de Naryu grâce à ta Triforce. Tu possédais déjà plus de pouvoir que n'importe quel mortel.
D : Pfff...
R : Bon, revenons-en au petit... le piège des coffres ! Je me souviens très bien de cette épreuve. Robin avait mis des heures à comprendre ce qu'il fallait faire.
D : C'est lâche de l'imposer à ses successeurs.
R : Bah, ça n'a pas l'air d'être un problème pour Link. Il a compris le truc.
D : Il est si intelligent.
R : Je ne sais pas trop. Tu sais, à ce que j'ai cru comprendre, il a déjà fait le temple des marées plusieurs fois. Même s'il est amnésique, les réflexes sont restés.
D : Comment ça ? Je ne l'ai jamais vu.
R : Ce n'est pas ce que tu crois... il est coincé dans une boucle de voyage temporel. Il est condamné à répéter son histoire jusqu'à ce qu'il ait réglé son problème, c'est-à-dire, Ganondorf.
D : Ah...
Les deux femmes restèrent silencieuses quelques instants, s'amusant à regarder le jeune homme massacrer les espèces de guêpes géantes.
D : Il se débrouille bien.
R : Il n'a absolument pas l'air concentré sur ce qu'il fait. Il se contente d'agiter son épée. Il ne se soucie absolument pas de l'endroit où son arme va frapper. Il va falloir réviser ça.
D : Comment arrives-tu à voir des choses pareilles ?
R : Ho, j'ai formé ton mari, je te rappelle. J'ai également guidé son père, et plein d'autres héros. J'ai vu tant d'escrimeurs et de guerriers. La moindre des choses est tout de même d'en avoir tiré un quelconque sens critique.
La première-née se tut un instant. De nombreux souvenirs de ses millénaires d'expérience lui revenaient en mémoire. Elle avait vu grandir et vieillir une bonne vingtaine d'élus, avec leurs talents et leurs faiblesses. Le premier-né revenait sans cesse avec une nouvelle vie, une nouvelle âme. Avec le temps, elle avait fini par admettre que tous ses élèves étaient différents, qu'aucun d'eux ne pouvait se prétendre la réincarnation d'un autre. A chaque époque sombre, un nouveau premier-né naissait avec les pouvoirs d'un héros éternel et un destin garni de combats. Ce Link n'était donc pas Robin, ni son père Léo, ni le héros du temps si populaire dans la culture hylienne. Il était simplement l'héritier de la malédiction qui pesait sur sa famille depuis plus d'un millénaire. Diana pouvait-elle comprendre une pareille chose ? Elle avait déjà compris que ce n'était pas son mari, mais elle semblait substituer le jeune homme à son fils perdu. Etait-ce cette obsession qui avait fait d'elle un fantôme ?
R : Diana, il faut qu'on parle.
D : Qu'est-ce qui se passe ?
R : Il se passe que tu es un fantôme ! Ne tiens-tu pas à goûter au repos éternel, plutôt que de hanter ces couloirs en attendant de voir passer le prochain élu ?
D : Je ne sais même pas comment j'ai fait pour arriver ici. Tout ce que je me souviens, à mon décès, c'est que je pensais à ma fille que je voulais revoir. La mort a été si brusque que je n'ai pu faire aucune prière. Tu t'imagines peut-être que j'ai demandé au juge suprême d'aller hanter un temple désert pendant une dizaine d'annés ?
R : On ne prive pas les gens d'au-delà pour rien. Que s'est-il passé devant le juge ?
D : Mais je n'en sais rien. J'ai glissé dans un escalier, j'ai sombré dans le noir et la première image qui me soit revenue après ma mort, c'était les murs de ce temple.
R : Evidemment... nul ne peut révéler les secrets de l'au-delà, pas même un fantôme. Ce qui s'est passé, on te l'a fait oublier.
D : Hélas.
R : Ça ne veut pas dire que tu ne peux pas y retourner maintenant. Je vais invoquer les dieux. Je vais leur demander ce qu'il faut faire.
D : Tu es sûre que tu n'as rien de mieux à faire ?
R : Tu veux rester ici pour l'éternité ?
D : Je n'ai pas dit ça. C'est juste que... le petit doit passer avant moi. Aide-le à réussir sa mission, libère-le de sa prison du temps. Ce sera après que tu pourras m'aider à passer dans l'autre monde.
R : Tu as raison. Le gamin a un problème beaucoup plus important à résoudre. Où en est-il ?
D : Il fait de l'escalade.
En effet, dans la boule de cristal, Link était en train de contourner la barrière de rayons laser pour aller s'emparer de la statue. Une fois arrivé de l'autre côté, il resta quelques secondes immobile, puis sembla pris de vertige et manqua de tomber dans les rayons de lumière.
R : Ah... il a eu une réincarnation.
D : Hein ?
R : Tu n'y es certainement pas aussi habituée que moi, mais lorsqu'un héros éternel fait son petit voyage dans le temps, il reste figé un petit moment. J'appelle ça la "pause". Il s'immobilise soudainement, sans qu'on sache pourquoi. La durée de la pause varie en fonction du temps remonté en arrière et la dose de souvenirs à charger. Ainsi donc, il est mort... comment a-t-il pu mourir dans un donjon aussi simple ?
D : Bah, il n'y avait pas un précipice, dans la salle précédente ? Il a dû faire un saut de travers et tomber dedans. Quel mal à ça ?
R : Sauf que lorsqu'il affrontera Ganondorf, il n'aura pas droit à ce genre d'erreur.
D : Mais si. S'il meurt, il reviendra juste ce qu'il faut en arrière.
R : Non. Apparemment, il ne mourra pas. Il va survivre et devoir trouver un autre moyen de vaincre Ganondorf, mais cela entraînera la destruction d'Hyrule. Ce ne sera que lorsqu'il retrouvera Leïa qu'il pourra voyager dans le temps. A ce que j'ai compris, ce cycle s'est déjà produit deux ou trois fois.
D : Dans ce cas...
R : Nous ne pouvons l'aider qu'avant son affrontement avec Ganondorf. Après, ce sera tard et tu peux être sûre que ce présent n'existera que dans le souvenir de Link. Tout ce que nous pourrons faire, c'est aider Link à remonter suffisamment loin dans le temps.
D : Je ne te suis pas, là.
R : Si Link est condamné à faire son voyage dans le temps, il gardera probablement le souvenir de son échec, mais pas nous, vu que nous n'aurons jamais vécu toute cette période. Lui seul peut faire le lien avec le temps qu'il a transcendé.
D : Rien que d'y penser, ça donne mal à la tête.
R : Ce n'est pas à toi que Robin a raconté ses sept tentatives de sauver sa mère. J'ai cru devenir folle.
D : Hé... attends... tu as vu ? Les statues qui se sont animées et qui ont failli le pousser dans le vide ?
R : Quel réflexe, ce saut ! Quelque chose me dit que c'est à cet endroit qu'il est mort.
D : Oui. Dis... tu crois que le donjon va être encore long ?
R : Ça... ça m'étonnerait. Robin n'a jamais eu beaucoup de patience. Je crois que le cirque des trois statues ne sert qu'à ouvrir l'accès à l'épreuve finale. Hm, plutôt efficace, la méthode pour se débarrasser des armos. Robin n'aurait jamais planté son épée dans leur oeil.
D : Il est doué, il est digne de son pa... ancêtre.
Raphaëlle poussa un soupir. Dans la boule de cristal, Link activa le passage vers ce qui devait être sa dernière épreuve.
Le combat de Link se déroula dans une atmosphère absolument irréelle. D'abord, il y avait cette étrange lumière qui lui rappelait son premier grand combat depuis son réveil dans le futur parallèle, celui contre Sir Marsias. Ensuite, il y avait cet étrange bruit résonnant dans les murs. Il ne savait dire si c'était de l'eau qui s'écoulait ou des voix chantant dans un murmure. Et finalement, il y avait cette énorme statue qui flottait au-dessus de sa tête, tentant de l'écraser de ses poings. L'elfe avait d'excellentes raisons de rester bouche bée devant ce spectacle.
Une main s'écrasant à trois centimètres de lui le ramena à la raison. Il s'élança sur le terrain, restant constamment en mouvement pour désorienter la statue. Heureusement pour lui, son agresseur était un peu long à la détente, ce qui permettait à l'elfe de l'étudier en toute sécurité. Les mains de pierre semblaient posséder une zone plus fragile au centre. Il y avait des boules de cristal dont émanait une lumière turquoise. Link courut à l'autre bout de la salle, sortit son arbalète et visa ces fragiles boules. Le résulta fut d'abord concluant. La lumière verte devait être la magie qui animait les mains. Elles s'écrasèrent sur le sol. Ensuite, Link se dit que ce n'était finalement pas une si bonne chose, car dépourvue des mains, la tête passa à l'offensive. Deux puissants lasers rouges jaillirent des yeux et visèrent les pieds de Link. Le garçon hurla de douleur, mais réussit à trouver la force de faire une roulade pour échapper aux tirs. Il constata vite que la statue était assez limitée en rayons. Elle devait se recharger. Link devait en profiter pour neutraliser ces yeux laser.
La chose était malheureusement très compliquée. La douleur dans les jambes était vraiment trop dure à supporter et l'empêchait de se concentrer. Il ne pouvait d'ailleurs guère bouger. Ses pieds blessés le clouaient au sol. Il ne pouvait pas se battre, il allait mourir. Il aurait peut-être plus de chance dans son prochain essai.
"Debout ! Je t'interdis de te rendre !"
La voix de Raphaëlle avait hurlé dans la tête de Link, lui faisant oublier momentanément sa douleur.
"Il te faut oublier la douleur, sinon, tu n'y arriveras jamais. Quels que soient les coups que tu reçois, il te faut tenir plus longtemps que ton ennemi."
- Mais je voudrais t'y voir. Mes pieds ne peuvent plus me porter, ils ne sont plus que des moignons.
"Ça ne t'empêche pas de pouvoir tirer. Et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, il y a moyen de se régénérer dans ta pièce".
Se régénérer ? Link jeta un coup d'oeil à la salle. Des petits coeurs en gélatine traînaient un peu partout. Comment n'avait-il pas pu les voir ?
Un étrange bruit lui fit comprendre que les yeux laser étaient de nouveau prêts à charger. Il fit de nouvelles roulades pour éviter le tir. Dans sa manoeuvre, il dut heurter quelques-uns de ces coeurs en gélatine, car sa douleur disparut presque instantanément. Il lui semblait même que les pieds s'étaient reformés (mais évidemment, à présent, il était pieds nus). Il pouvait à présent tirer sans difficulté (hormis celle de préparer l'arbalète suffisamment rapidement). Il ne lui fallut pas plus de trois minutes pour neutraliser la statue. Alors, cette dernière se posa sur le sol, complètement immobile. Link flaira tout de suite une nouvelle attaque surprise. Il décida de l'anticiper en lançant une bombe dans l'orifice qui devait faire office de bouche. Il y eut de violents jets de lumière, puis la statue s'éleva à nouveau dans les airs, les mains avec elles. Mais elles n'attaquèrent pas l'elfe. Elles retournèrent à leur place dans les murs.
L'étrange voix résonna à nouveau : "Du premier coup ! Tu es certainement un vaillant héros, tu mérites récompense pour tes efforts". Une porte apparut comme par magie sous l'énorme statue-sniper. Link l'ouvrit. Il y avait une petite salle richement décorée de mosaïques en tous genres, dans laquelle attendaient, sur un piédestal de marbre rouge, le dernier fragment de Triforce et un coeur de cristal, dont l'elfe ne se priva pas.
Lorsqu'il assimila enfin le morceau doré, il sentit une étrange chaleur envahir son corps, une chaleur vive, brûlante même. Il lui semblait qu'elle ne demandait qu'à sortir de lui. Link ne sut pas trop comment il s'y prit, mais une violente lumière envahit la pièce, et la Triforce du courage apparut entière devant l'elfe. Elle était absolument magnifique, resplendissante d'énergie et de lumière. L'aventurier soupira de soulagement, sa quête de la Triforce était terminée. Il pouvait à présent confier les pleins pouvoirs à Leïa. Il lui sembla alors que le dénouement de son aventure était très proche.
Un téléporteur soudainement apparu ramena Link auprès de Raphaëlle et du fantôme. Cette dernière était au comble de la joie et ne cessait de répéter qu'elle était fière de lui, qu'il était le digne descendant des héros d'Hyrule... Raphaëlle la laissait faire. Elle devait juger important de la laisser se défouler. Après une bonne dizaine de minutes, Diana finit par se calmer. Elle déclara qu'elle était persuadée que l'elfe saurait prendre soin de sa fille et qu'elle n'avait plus à s'inquiéter. A ce moment-là, quelque chose d'indescriptible se produisit. La silhouette grise du fantôme devint lumineuse, presque aveuglante.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Diana, qu'est-ce qui t'arrive ?
- Je ne sais pas... je me sens... j'avais oublié qu'on pouvait se sentir aussi bien.
Link, inquiet, voulut s'approcher d'elle, mais fut retenu par la première-née. Celle-ci avait un visage plutôt réjoui.
- Ce n'est pas grave, ce qui t'arrive. Je crois que tu as enfin réussi à apaiser ton âme. Tu es simplement en train de passer dans l'autre monde.
- Quoi ? Mais hé... je veux savoir comment toute l'histoire de mon fillot va se terminer, moi ! Je ne dois pas partir comme ça !
- Je t'en prie, Diana... tu dois partir maintenant, où tu ne t'en sortiras jamais. Tu peux nous faire confiance pour tout mettre en oeuvre pour gagner. On finira par gagner. Pars en paix.
Link, comprenant tant bien que mal la situation, fit toutes les promesses imaginables au fantôme pour être sûr qu'elle parte tranquille. C'est ce qu'elle finit par faire, un doux sourire sur les lèvres et les yeux fermés. Elle disparut comme un souffle de buée dans l'air froid de l'hiver.
Les deux premiers-nés restèrent silencieux deux bonnes minutes, regardant fixement l'endroit où l'ancienne princesse hylienne se trouvait. Link eut même l'impression que la première-née se retenait de pleurer. L'elfe finit toutefois par briser le silence.
- Elle est vraiment partie, maintenant ?
- Heu... je crois, oui.
- Tu en es triste ?
- Je l'aimais bien... mais je me doutais bien que quelque chose de ce genre s'était produit. Ça fait bien des années alkantiennes que j'ai fait mon deuil. Je suis enfin tranquille. Je sais qu'elle va bien. Enfin, maintenant, reste à savoir ce qu'il en est de Robin. Ce n'est pas parce que c'est la Faucheuse qui l'a tué qu'il se sent mieux. Tu as intérêt à te montrer digne de lui.
La redoutable entraîneuse de héros s'était très vite remise du départ de son ancienne amie. Elle avait repris son regard sévère et regardait le pauvre Link comme un élève indiscipliné à corriger.
- Maintenant que le problème de la Triforce est réglé, on va régler celui de tes lacunes de guerrier. J'ai eu le temps de me faire une idée de ton style de combat et de tes compétences et j'y vois pas mal de lacunes.
- Y a-t-il moyen d'avoir des commentaires encourageants ?
- Comment peux-tu avoir un commentaire encourageant ? Quand j'ai soustrait Robin à la tutelle de Ganondorf, il se débrouillait déjà mieux que toi. Combien de coeurs de cristal as-tu en ta possession, hein ?
Link se sentit tout d'un coup tout petit. Etait-il si mauvais en comparaison au légendaire héros des bois ? Il dit d'un ton gêné que depuis sa résurrection dans la forêt, il devait en avoir acquis seulement deux, mais en avait plus dans le futur imparfait. Raphaëlle poussa un soupir.
- Lorsque Robin a affronté son ancêtre, il en avait 22, et encore, ce n'était pas gagné. Mon pauvre petit, je comprends parfaitement pourquoi tu te fais à chaque fois balayer par Ganondorf. Tu te reposes beaucoup trop sur ton pouvoir de résurrection pour affronter tes ennemis. Tu n'as aucune endurance. Tu n'es qu'un insecte pour le monstre. Enfin, passons, c'est un problème qui peut se régler facilement. Je connais un pays où ça s'amasse à la pelle. On retourne au phare prendre des affaires et on part pour l'île de Cocolint.
Link n'osa pas prononcer un mot. Raphaëlle avait ce fabuleux don d'imposer son autorité en une seule phrase et réduire ses interlocuteurs au silence en un seul regard. L'elfe se demandait comment une femme aussi puissante, aussi sage et aussi féroce ne pouvait-elle pas affronter Ganondorf. Lorsqu'ils furent enfin en dehors de l'île des marées, il se risqua à poser la question. Elle s'arrêta et son visage tourna au rouge.
- Une première chose : Défoncer la gueule à Ganon, ça a toujours été ton rôle. Tu es le héros éternel, tu te souviens ? Tu crois peut-être que ton statut de premier-né a fait de toi le maître du temps ? Tout au contraire, tu es devenu son esclave. Les dieux se servent de toi comme d'un contrepoids sur une balance et ni toi ni moi n'y peuvent rien. Nous autres les premiers-nés avons été créés pour protéger la terre, jusqu'à présent, il n'y a eu que Ganondorf ou Vaati qui se soient rebellés contre cette condition, mais ils n'ont pas pu s'échapper.
Link s'arrêta brusquement. Il était un outil ? Mais il n'eut pas le temps d'y réfléchir plus longtemps, car Raphaëlle continuait de se défouler sur lui.
- La deuxième chose, c'est qu'avec toute la volonté et la haine du monde, je ne pourrai jamais lever la main sur Ganondorf. Je n'y arriverai pas. Je l'aime encore, malgré tout ce qu'il m'a fait.
Link avait oublié que la première-née et le sorcier avaient été amants. Il resta silencieux, essayant de s'imaginer contraint d'affronter la belle Leïa dont il était fou. Il était certain qu'il ne se résoudrait jamais à la blesser. La réaction de Raphaëlle, qui, au début, lui avait paru parfaitement égoïste, lui semblait à présent la pire des épreuves. Il se jura de ne plus jamais y faire allusion.
Ils avaient à présent atteint un col d'où ils pouvaient à présent voir le village d'Alkantir. Ils restèrent figés de stupeur. La ville brûlait et Valoo, métamorphosé en gigantesque dragon, livrait un titanesque combat aérien contre huit condors dorés et leurs pilotes.
Le premier réflexe des explorateurs du temple des marées fut de pousser un cri de surprise et de stupéfaction. Link était littéralement cloué sur place. Il n'aurait jamais cru que Valoo puisse associer à ses talents de sprinter une aussi grande précision de vol et surtout, d'aussi puissants jets de flammes. Le dragon fonçait sur ses adversaires, les esquivait au dernier moment, les contournait en un seul mouvement et les transformait en torches humaines avant qu'ils n'aient compris ce qu'il leur arrivait. Il semblait à l'elfe que cinq condors et leur pilote avaient déjà subi la colère du dragon.
Raphaëlle, elle, voyait plutôt les dégâts causés par le combat. Les victimes du dragon s'écrasaient dans le village, propageant l'incendie de plus en plus vite, de plus en plus loin. Combien de personnes avaient eu la chance d'échapper à ce déferlement de feu et de violence ? La cité qui avait déjà souffert la nuit précédente ne serait bientôt plus qu'un champ de ruines. Il fallait qu'elle intervienne le plus vite possible pour éloigner ces monstres de son île bien-aimée. Elle se retourna vers son nouvel élève.
- Link... transforme-toi. On ne peut aider Valoo que sous notre forme de premier-né.
L'elfe la regarda, étonné.
- Heu... tu parles de quoi, par transformation ? J'ai jamais eu de transformation spéciale "premier-né", moi.
La jeune femme le regarda d'un air désolé.
- Je ne t'en ai jamais parlé dans ton futur ? Mais comment as-tu pu battre Ganon dans de telles conditions ?
- Ben, on l'a fait à deux, et encore, on a perdu des amis dans le combat.
- Bon... je vois. Après tout, très peu de héros ont réussi à se transformer. Je ne peux pas te blâmer de ne pas y être arrivé. On va devoir faire autrement. Tu vas garder ton arbalète prête à tirer, te rapprocher le plus possible des combats et viser les intrus isolés. Je vais essayer de les éloigner de la ville.
Et sur ces mots, une lumière blanche enveloppa la première-née. Quelques secondes plus tard, la demoiselle était devenue un ange plus blanc que la neige, qui s'envola immédiatement, une énorme hallebarde à la main.
Link se mit immédiatement en quête d'un poste de tir. Il escalada le plus rapidement possible les rochers près de lui. De là-haut, il avait une vue parfaite sur toute l'île. Il pouvait voir Raphaëlle porter secours à Valoo de manière assez efficace. Le fait qu'elle utilise une arme aussi longue lui permettait d'intercepter ses agresseurs alors qu'elle était hors de portée de leurs coups. Sa hallebarde faisait des ravages et faisait tomber les intrus de leur monture. L'elfe constata cependant que tous les condors avaient renoncé à affronter Valoo pour se tourner vers l'ange. En la cernant de toute part, ils l'empêchaient d'attaquer. De plus, Valoo, ayant peur de toucher son mentor, n'osait pas attaquer. Le sang de l'elfe ne fit qu'un tour. Il n'y avait que lui qui puisse sauver la situation. Il arma son arbalète et visa l'homme le plus menaçant.
Son tir n'atteignit pas sa cible, mais plutôt la tête d'un autre oiseau passant devant lui à ce moment. La bête dégringola avec son porteur. Il y eut un cri de colère et de surprise dans le groupe et Raphaëlle en profita pour en abattre un autre. Il ne devait rester plus que 12 volatiles. Trois des envahisseurs prirent le risque de se détacher du groupe. Ils avaient repéré Link et voulaient le neutraliser. Ils foncèrent sur l'elfe. Le jeune homme décocha une autre flèche et atteignit un de ses poursuivants. Valoo, profitant de l'isolation des condors, happa un des deux autres dans sa gueule. Link détourna les yeux pour éviter le spectacle du corps broyé par les puissantes mâchoires du dragon. Il n'eut pas le temps de préparer une nouvelle flèche. Son agresseur était sur lui. L'elfe n'eut que le temps de se plaquer au sol pour éviter le coup d'une puissante épée se terminant en harpon. Le sbire de Ganondorf sauta de sa monture et brandit son arme pour frapper à nouveau. Link s'était redressé et avait dégainé son épée pour parer le coup. C'est à ce moment-là que leurs regards se croisèrent. Tous deux arrêtèrent net leur mouvement.
- TOI !
Parce que l'ennemi se révélait être Kidas, l'assassin de Björn et le bourreau de Link. Le rencontrer ici ne dérangeait pas Link. Il pourrait enfin se venger. Le mercenaire, par contre, était un peu plus embêté.
- Tu es le blanc-bec de la forêt... Si tu es ici, alors la Gerudo des îles a renoué le contact avec la salope.
- Ne prononce plus un mot ou je peux te garantir que ta mort sera très longue et très douloureuse.
- Pauvre moucheron. Tu t'imagines vraiment que tu peux me battre ?
- La dernière fois, je ne t'avais pas cassé une jambe ?
La colère et l'énervement étaient parfaitement visibles sur le visage du mercenaire. A ce moment-là, les deux autres premiers-nés se posèrent à trois mètres des duellistes.
- Bon, Link, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? Tu vas me le dégommer vite fait !
- Tu veux que je le grille ?
- Non Valoo. La vengeance est un plat qui se mange froid.
- Pas très spirituel, comme jeu de mot, maître Raphie.
Pendant que Raphaëlle et Valoo se disputaient, Kidas, lui, faisait son possible pour s'éloigner discrètement. En moins d'une minute, il avait appris des informations terrifiantes qu'il devait rapporter à tout prix à son maître. Seulement, Link ne l'entendait pas de cette oreille. Il était à présent parfaitement prêt au combat et avait bien l'intention de faire payer le mercenaire pour tout le mal qu'il avait fait. Avant que son ennemi ne fasse un pas, il brandit son épée et commença le combat.
Le mercenaire para immédiatement le coup et riposta avec une dague cachée dans sa ceinture. Link, agile, évita le coup. Un grand nombre d'échanges de coups s'en suivit. Les deux autres spectateurs s'assirent sur des rochers pour mieux contempler le spectacle.
Le combat fut violent, et Kidas avait au début un certain avantage grâce à ses deux armes. Cependant, ses coups s'affaiblirent rapidement. Avait-il compris que s'il arrivait à vaincre Link, il aurait encore un dragon enragé et la féroce première-née à combattre ? Peut-être avait-il su, dès le moment où l'elfe avait été rejoint, que ses compagnons avaient péri et que cela allait être son tour ? Quelles que soient ses pensées, après seulement trois minutes de combat, le mercenaire ne fit rien pour éviter l'épée de Link qui se planta dans son coeur. Sa seule vengeance fut l'effet provoqué par ses derniers mots :
- De toute façon, vous arriverez trop tard à votre citadelle des nuages. A l'heure qu'il est, mon maître doit en avoir exterminé tous les habitants.
Raphaëlle ne laissa pas le temps à ses compagnons de paniquer. Elle ordonna à Valoo de conduire immédiatement son nouvel élève à l'île de Cocolint pendant qu'elle supervisait le sauvetage de son île. Elle promit qu'elle les rattraperait à temps et les chassa littéralement de l'île.
Le voyage à dos de dragon commença silencieusement. Tous deux étaient perturbés par les dernières paroles de Kidas. Fallait-il le croire ? Ganondorf connaissait-il vraiment l'emplacement de la citadelle ? Dans l'affirmative, avait-il réussi à s'en rendre maître ? Les premiers-nés voulaient croire que ce n'était que des paroles amères, du bluff pour miner leur moral... D'après ce qu'en avait vu Link, la citadelle était imprenable. Il n'expliquait son envahissement futur qu'à la capture de Leïa, mais... comment donc avait-il capturé cette dernière dans le futur parallèle ? Elle était sensée être à l'abri dans la citadelle, elle ne devait pas en sortir...
Le premier à rompre le silence fut Valoo. Il voulait rassurer Link, lui dire que la citadelle des nuages ne se laisserait pas prendre comme ça, que même si la montagne était assiégée, Ganondorf ne pourrait pas avoir ses ennemis à l'usure. Les Sheikahs connaissaient des sorts de téléportation qui leur permettraient de réapprovisionner la place en nourriture et en eau. "Ils résisteront", disait le dragon.
Link voulait le croire, mais encore une fois, l'expérience du futur imparfait le faisait douter. Oui, tant que leurs défenses secrètes tiendraient, la citadelle serait imprenable, mais en cas de trahison ? Link poussa un cri d'horreur. "RICK !"
- Quoi Rick ? Tu essaies de cracher quelque chose ? Fais gaffe à mes écailles ! C'est pas facile à nettoyer.
- Non, c'est un ami... enfin, je l'espère... Dans le futur parallèle, il a livré la citadelle des nuages à Ganondorf.
- Et tu penses qu'il va le faire à nouveau ?
- Je ne sais pas... Je ne le comprends pas. Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Il est en sécurité à la citadelle. Il ne craint absolument rien, personne ne risque quoi que ce soit. Pourquoi nous trahirait-il ?
- Tu n'as jamais songé à l'idée qu'il puisse préférer le camp des puissants ?
Link voulut lui répondre, mais juste à cet instant, un éclair déchira le ciel à une centaine de mètres d'eux. La surprise fit sursauter le dragon et lâcher prise à Link. L'elfe glissa de sa monture. Le temps que Valoo réalise l'accident, le jeune homme avait disparu dans les ténèbres de l'orage.
Combien de temps notre héros resta-t-il inconscient ? Nul ne le sait. Mais lorsqu'il ouvrit les yeux, il était allongé dans un lit confortable, et une jeune demoiselle rousse veillait à son chevet. La jeune fille ressemblait étrangement à Leïa et était ravie de pouvoir veiller sur lui. Il apprit ainsi qu'il avait été trouvé sur une plage de l'île de Cocolint, l'île du poisson-rêve, le grand Jabu. L'île était également envahie par des créatures sombres qui auraient plongé le poisson-rêve dans un coma profond. Sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait, notre elfe de grand chemin se retrouva chargé de réveiller le poisson-rêve. La jolie rousse (qui s'appelait Marine) accompagna le jeune homme à travers toute l'île pour amasser des instruments sacrés, combattre de puissants monstres, soulager la douleur du peuple. Au passage, Link acquit dix-huit coeurs de cristal et une bonne dose de bleu. Il dut également mourir une fois. Le dernier monstre qu'il eut à affronter était plutôt coriace.
Après un mois d'errance sur l'île de Cocolint et l'acquisition de huit instruments sacrés, Link atteint enfin le plateau central tartare où se trouvait l'oeuf sacré. D'après la prophétie dont lui avait parlé Marine, il ne pourrait réveiller la créature qu'en faisant jouer un air spécial aux huit instruments sacrés. Par un autre étrange hasard, la musique qu'il devait jouer était la douce et mélancolique musique de Leïa, celle qu'il devait jouer dans le futur parallèle pour entrer en contact télépathique avec la jeune fille. Elle s'appelait "ballade du poisson-rêve". Le coeur empli de questions, il activa donc le mécanisme des instruments et fit démarrer le concert. Après une merveilleuse mélodie qui semblait avoir arrêté le cours du temps, l'oeuf se fissura.
Un grand silence se fit, mais rien ne sortit de la coquille. Intrigué, l'elfe s'introduit dans l'oeuf. Une sombre créature en forme de chenille l'y attendait. Après que Link l'ait vaincue, la chenille se transforma en un repoussant sorcier jeteur de boules magiques. Link dut trouver le rythme pour lui relancer ses projectiles et le mettre à terre. Mais la créature ne s'avoua pas vaincue pour autant. Elle devint une énorme chose informe et tentaculaire qui tentait d'écrabouiller son agresseur en tournant dans tous les sens. Cette fois-ci, Link dut faire appel à toute l'agilité dont les elfes étaient capables pour éviter ses attaques. Il fatigua cependant très rapidement. Il parvint à se blottir dans un coin trop restreint pour que son ennemi ne puisse l'atteindre. Il ne trouvait pas de point faible au monstre. Il avait bien remarqué ce qui ressemblait à un coeur, mais la bestiole bougeait trop vite pour qu'il puisse l'atteindre.
- Transforme-toi !
Link sursauta. Une voix avait résonné dans la salle. A qui s'adressait-elle ?
- A toi, petit elfe couard et niais !
A la fois surpris et vexé, l'elfe répondit :
- Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
- Tu ne crois pas que le moment est mal choisi pour discuter ? Je te dis de te transformer. Ta forme ultime de premier-né est bien plus endurante et rapide. De plus, tu sauras voler. La chose ne sait pas quitter le sol. Elle sera à ta merci.
Link poussa un soupir désespéré.
- Mais je ne sais pas me transformer ! Je n'ai jamais fait ça et n'ai jamais été au courant de ce détail. Je n'ai jamais utilisé aucun pouvoir de premier-né à part celui de voyage dans le temps (et encore, je ne le contrôle absolument pas).
- * soupir* Il est drôlement temps que tu t'y intéresses, alors. Leçon numéro un : Fais le vide en toi. Chasse toute idée, toute sensation, toute forme d'énergie étrangère...
- Il est effectivement temps que quelqu'un se décide à m'apprendre, en effet.
Et bien que notre héros soit énervé par l'arrogance de son mystérieux professeur et la présence de la chose à un mètre de lui, il essaya de se détendre. La voix continua son enseignement.
- A ce stade-ci, tu dois commencer à sentir le pouvoir de la Triforce. Dépasse-le. Ne fais plus attention à cette énergie concentrée dans ta main. C'est une autre source que tu cherches...
Cela lui sembla prendre une éternité, mais à un moment donné, il sentit un étrange picotement dans son cerveau. Le phénomène envahit tout son corps. Il lui sembla que sa peau brûlait, que les muscles de son dos se déchiraient, que ses os s'étiraient... Quand la douleur cessa, il était recroquevillé dans sa cachette et avait du mal à bouger.
- Ben voilà. T'en as mis, du temps. Tu vois, quand tu veux.
- Quand je veux quoi ?
- Mais c'est pas possible d'être aussi niais. Regarde-toi. Tu t'es transformé. Maintenant, sors de là et bats-toi ! Tu vas te tordre les ailes à force de rester coincer dans les latrines.
Renonçant à protester, Link s'exécuta. Il s'étonna d'abord de sentir quelque chose frotter les murs derrière son dos. Ensuite, il fut encore plus surpris de découvrir ses nouvelles capacités physiques. Il était à la fois dix fois plus rapide et agile, bien que quelque chose le freinait dans son dos. Il n'eut plus aucun mal à éviter les tentacules du monstre. En un bond, il atteint le coeur et brandit son épée. Il eut alors la surprise de découvrir que l'arme s'était transformée. Elle était à présent constituée de deux lames courbées et était si grande qu'elle devait faire la taille de l'elfe.
- Voici donc la véritable apparence d'Excalibur. Elle a de la gueule, n'est-ce pas ?
- Tu parles...
Et en un coup d'épée bien placé, il expédia la créature dans l'au-delà.
Les murs se mirent alors à trembler. Link constata que le plafond s'étirait, qu'une énorme ouverture sur un ciel étoilé se formait.
- Combat fort divertissant, mis à part le coup de la planque dans les latrines...C'est pas tout ça. Monte nous rejoindre et écouter nos belles paroles.
L'elfe poussa un soupir. Ce professeur était décidément insupportable. Et comment pouvait-il monter les rejoindre alors qu'il n'y avait ni escalier ni téléporteur ? C'est à ce moment-là qu'il remarqua un mur tenant plus du miroir qu'autre chose. Il vit enfin sa nouvelle apparence. Il eut un petit choc.
Il avait certainement grandi et gagné en muscles. Ses cheveux devaient avoir poussé d'une trentaine de centimètres et pris une teinte verdâtre. Sa peau était devenue blanche et recouverte de tatouages rouges et bleus. Il avait revêtu une armure de mythril moulante de la même couleur que la nouvelle Excalibur. Mais le plus impressionnant était certainement la paire d'ailes qui avaient poussé dans son dos. C'étaient de magnifiques ailes vert et or qui descendaient jusqu'à ses pieds. Il réalisa enfin que de nouveaux muscles s'étaient formés dans son dos pour pouvoir les utiliser.
La sensation d'étirement des ailes était absolument fabuleuse. Celle de les battre était une des choses les plus agréables qui soient. Sans attendre davantage, il prit son envol pour effectuer son baptême de l'air. Il s'envola dans l'ouverture du plafond pour arriver dans un endroit plus fantastique que tout ce qu'il avait vu auparavant.
Il avait brusquement dépassé le niveau des nuages et se trouvait sous une gigantesque voûte étoilée. Il marchait sur ce qui semblait être de la neige, mais qui ressemblait drôlement à des nuages. Devant lui, le sommet d'une montagne émergeait de l'étendue blanche. Sur ses rochers noirs, deux créatures prenaient leurs aises. L'un d'eux était un dragon aux écailles rouges-bordeaux, l'autre était une gigantesque baleine au corps recouvert de peintures colorées.Valoo (le dragon, vous l'avez compris) leva la tête et examina le nouvel arrivant.
- Bienvenue au mont sacré, Link, le lieu le plus saint, le plus pur qui soit sur terre.
Link s'approcha, prenant soin d'exhiber la nouvelle Excalibur au dragon.
- Qu'est-ce que tu as fait pendant ce long mois, Valoo ? Tu t'es prélassé dans ce sanctuaire ?
D'un discret coup de queue, le dragon fit disparaître plusieurs bouteilles et assiettes, puis répondit au héros éternel.
- Je me suis fait avoir par la foudre alors que je te cherchais. Jabu m'a récupéré et emmené ici pour me soigner. Il m'a défendu d'intervenir dans ton périple.
La baleine prit enfin la parole. Link reconnut la voix qui la narguait durant son combat.
- J'ai reçu, il n'y a pas si longtemps, un message de Raphaëlle me demandant de préparer un terrain d'entraînement pour la nouvelle réincarnation d'Alinktö. Elle avait de très importantes choses à faire et ne pouvait pas s'occuper de toi. J'ai dû improviser en quelques heures une petite île pleine d'énigmes, d'épreuves, de monstres puissants et de coeurs de cristal pour perfectionner tes capacités.
- Quoi... parce que Cocolint est...
- ... le fruit de mon imagination. Tout est pure invention sur cette île.
Valoo jugea bon d'intervenir.
- Link, Jabu le poisson-rêve est le dernier des premiers-nés à avoir reçu son pouvoir unique, et c'est certainement le plus puissant.
- Lors de la cérémonie de consécration...
- Tous les premiers-nés ont reçu leurs pouvoirs vers leur 60ème année d'existence, lors d'une cérémonie spéciale sur cette montagne. Jabu a vu passer bien des gens sur cette montagne et a longuement réfléchi à ce qu'il allait demander. Il est celui qui, à mon sens, a fait le souhait le plus judicieux...
- J'ai demandé le pouvoir de donner vie à tous mes rêves. Dès lors, il suffit que mes désirs soient suffisamment forts et précis pour qu'ils existent. L'île est née comme ça.
- Et que va-t-il lui arriver après ? Sa fonction principale de lieu d'entraînement est terminée, à présent.
- J'ai déjà d'autres projets pour elle. J'ai rêvé d'un triste cataclysme qui libérerait les pôles de magie sur toute l'île. Je vois des mutations... Des humains fusionneraient avec des animaux, d'autres humains assimileraient la magie de façon permanente et deviendront des mages, d'autres bénéficieront de mon amour et deviendront des Kokiris magiciens. Après cette période sombre, le champ de magie va se stabiliser. Il n'y aura plus qu'une source primaire de magie. Je catalyserai mon pouvoir créateur dans une pierre magique. La personne qui la trouvera pourra exaucer, un peu comme moi, son souhait le plus cher.
- Hé, vous êtes en train de créer une nouvelle Triforce et un nouvel Hyrule !
- Mes pouvoirs sont nettement inférieurs à ceux des dieux. Les pouvoirs de ma relique seront limités.
- Et les habitants actuels de Cocolint ? Que deviennent-ils ?
- Ils ne sont déjà plus...
- Quoi ?
- Ma volonté est toute puissante sur cette île. Je peux même y commander au temps. C'est la raison pour laquelle ce qui t'a paru un mois a, en fait, duré cinq jours. Valoo ne s'est pas reposé aussi longtemps que tu le pensais. Bref, depuis que nous parlons, Cocolint a déjà commencé à évoluer. Les pôles magiques des donjons ont explosé, la magie et le chaos ont commencé à se répandre. Les effets se font déjà sentir.
Link eut un pincement au coeur. Il pensa aux innocentes personnes qui souffraient déjà des raids des monstres dans les villages, des malheureux animaux du village du même nom, de cette gentille Marine qui pensait que le poisson-rêve pourrait sauver son île...
- Ont-ils vraiment vécu ? Ont-ils une existence propre ? Ils sont nés dans mon esprit... Je n'ai jamais su dire s'ils avaient une véritable existence, un destin qui leur est propre, une âme...
Link releva la tête. Jabu lui semblait à présent être une créature encore plus abjecte que Ganondorf.
- Je sais que ce que je fais, Link. Je sais que ces créatures souffrent, mais je n'y peux rien. Mon pouvoir m'échappe un peu à moi aussi. Ce que je crois au début être des rêves dégénèrent en épouvantables cauchemars. Je n'arrive pas à les chasser. Ils me hantent tellement par leur horreur qu'ils prennent forme alors que je suis encore endormi. Mais même dans cette horreur, il y a de l'espoir. Ces souffrances dureront un temps, puis l'équilibre s'installera. Les vivants oublieront ce qu'ils ont vécu et vivront des aventures incroyables grâce aux dons de la magie.
- Cela n'empêche pas que tous ceux qui vont subir les mutations souffriront plus que les damnés des enfers.
- Tu crois peut-être que je ne le sais pas ? Et tu crois que je suis la seule personne à torturer des innocents ? Tourne-toi vers tes ancêtres ? Qu'a fait Diana lorsqu'elle était sous l'emprise du masque de Majora ? Elle a capturé des Kokiris et les a torturés pour en faire des bêtes de combat. Plus simplement, Ganondorf... Durant des siècles, il a pris un malin plaisir à torturer mes beaux Zoras, mes plus beaux chefs-d'oeuvre. Je n'ai pas eu d'autre choix que de les sceller dans une calotte glaciaire pour les protéger de l'ignominie de ton ancêtre. Oh, et puis, il y a Robin...
- Ça va suffire comme ça, Jabu.
Valoo s'était redressé. Son allure était devenue beaucoup plus menace. Ses griffes et ses crocs avaient doublé de volume.
- Ganondorf a capturé Robin quand il avait six ans. Il lui a lavé le cerveau. Il en a gardé des séquelles toute sa vie. Il a trahi des gens, il a envoyé des cités à la mort. Ce n'était certainement pas le meilleur héros qu'Hyrule ait connu. Mais il t'a aidé à t'échapper vers l'océan. Il t'a sauvé de Ganondorf. Il a fait des sacrifices pour sauver la planète entière. Il a souffert plus que tout autre Gerudo maudit ou héros éternel. Souviens-en-toi. A présent, nous avons d'autres choses à faire que de nous lamenter sur le passé. Nous avons un avenir à préserver, je vous rappelle.
Les deux autres premiers-nés baissèrent les yeux.
- Je n'arrive pas à croire que pour une fois, ce soit moi qui fasse la morale. Mais je n'ai pas oublié que nous menons une course contre la montre et que notre champion n'est toujours pas prêt pour sa grande bataille.
- Parce que vous m'estimez toujours trop faible ? J'ai déjà affronté Ganondorf dans cette vie-ci. J'ai pu évaluer sa puissance et la comparer à la mienne. Je reconnais que je n'étais qu'une crevette lorsqu'on a croisé le fer, mais à présent, c'est amplement différent.
- Mon île imaginaire t'a bien servi, en fin de compte.
- J'ai vraiment gagné en endurance et en force. En plus, sous cette forme...
- Hop, hop... minute... On va te décevoir.
- C'est vrai, ça. Tu n'es métamorphosé que depuis cinq minutes. Tu ne maîtrises pas encore toutes tes capacités.
- Et n'oublions pas le principal. Dans l'oeuf sacré, tu as bien mis vingt minutes à te transformer. Ganondorf ne te laissera pas ce temps-là.
- Je ne peux pas rester ainsi ?
- Oh non... même équipé d'une Triforce, cette forme consomme beaucoup trop d'énergie. Elle écourtera ton temps de vie. Tu ferais mieux, dès le danger écarté, de reprendre ta forme humaine ou animale. Allez, pour redevenir un humain, il te suffit d'étouffer l'énergie concentrée dans ton crâne et de développer à la place le pôle situé au niveau du coeur.
Link poussa un soupir et s'exécuta. Il ne voulait pas prendre le risque d'écourter son cycle de vie de dix ans. La transformation lui coûta trente minutes d'effort. Lorsqu'il récupéra enfin son corps d'elfe, il s'effondra sur le sol, épuisé.
- C'est ton apparence la plus utile, mais aussi la plus fragile. Repose-toi une heure, on t'apprendra ensuite à utiliser une autre forme, celle de ton animal totem.
- Qu'est-ce que c'est encore ?
- Les premiers-nés possèdent un potentiel énergétique très spécial, qui peut se libérer de trois façons différentes, selon les capacités de son enveloppe corporelle. C'est pour ça que nous possédons une enveloppe corporelle métamorphosable, en fonction de la façon dont nous voulons utiliser nos pouvoirs. La forme ultime, que tu viens de quitter, utilise l'énergie à son potentiel optimal. Elle en gaspille beaucoup, mais tu as pu constater que ce n'est pas en pure perte. Il y a ensuite l'enveloppe normale, celle de simple et faible humanoïde mortel. Dans cette forme, ta consommation d'énergie est réduite au minimum. Il y a ensuite une dernière forme, animale, celle-là, durant laquelle tes forces peuvent se régénérer beaucoup plus rapidement. Il vaut donc mieux, après un violent combat, prendre cette forme.
- Vous... vous restez toujours sous votre forme animale ?
- A la base, oui, c'est notre forme animale, mais nos pouvoirs uniques leur ont donné un petit plus... Valoo, par exemple, a fait fusionner forme ultime et forme animale. En dernier recours, il améliore simplement ses talents de dragon. Quant à moi... j'aime bien être une baleine, c'est plutôt relaxant. Alors dans mes rêves, j'ai un peu modifié mon look.
Link voulut répondre, mais s'effondra de fatigue avant de placer le moindre mot.
Dans la nuit noire, une petite lumière se déplaçait dans la vallée. Deux cavaliers éclairés d'une petite lanterne tentaient de traverser l'étendue blanche. Il neigeait. Le sol était boueux et glissant. Les chevaux avaient du mal à progresser dans la vallée. A un moment donné, un des chevaux glissa. Son cavalier tomba. L'autre s'arrêta et courut à son aide.
- Mais puisque je te dis que je n'ai rien ! Arrête un peu de me coller. Tu n'es pas ma nourrice, que je sache.
- Ce n'est pas une raison pour...
- Ça suffit, Marsias. Examine plutôt mon cheval. Et tant que tu y es, cesse de me tutoyer. Nous n'avons pas gardé les vaches ensemble.
L'homme renonça et se retourna vers l'animal. Le malheureux boitait. Il ne pouvait plus se déplacer. Le chevalier sentit une larme couler sur ses yeux. Il détestait devoir abréger les souffrances d'un brave animal. Son compagnon avait cessé de râler. Il avait compris.
- On ne peut pas le laisser ici... Ganondorf pourrait le trouver. Il cherchera certainement à savoir ce qu'une aussi belle bête fait blessée dans cette vallée.
- Il ne peut plus avancer... Il ne peut pas nous suivre où nous allons. Avec un temps pareil, il va tomber malade et agoniser pendant des heures. Il est condamné, Zelda.
- Non...
La princesse avait répondu d'une toute petite voix. Elle avait envie de pleurer. La vie pouvait être si injuste. Pourquoi cette pauvre bête ? Marsias s'approcha de l'animal pour le calmer. Il passa sa main sur son encolure, enleva sa bride.
- On va déjà le desseller. On pourra toujours croire que c'était un animal en fuite...
Sa compagne approuva dans un mouvement de tête. Ils enlevèrent tout l'équipement de la jument. Ensuite, Marsias dégaina son épée. Zelda eut un mouvement de recul.
- Tu ne vas pas faire ça...
- Il souffrira moins longtemps.
- STOP !
Une voix avait résonné dans le vide. Les deux cavaliers regardèrent dans tous les sens. Il n'y avait personne, pourtant ils pouvaient voir que le sol était piétiné par de nombreux sabots, et qu'une buée flottait tout autour d'eux. Il y avait également une forte odeur de cheval. Quelle était cette diablerie ?
Dans un bruit sonore, un étrange personnage vêtu de pauvres haillons et d'un chapeau de paille apparut devant eux. Zelda poussa un cri de surprise. Elle l'avait déjà vu parler à Link.
- J'arrive à temps. Ne touchez plus à cet animal.
- Qui êtes-vous ?
- Mon nom ne vous servira à rien. Je suis l'ami des chevaux. Je mène les chevaux sauvages vers de meilleurs pâturages. Si vous ne pouvez plus vous occuper de ce pauvre bougre, confiez-le-moi. Je saurais le soigner.
- Je vous ai déjà vu... Vous connaissez Link.
- Un peu... Je connais surtout sa jument que j'ai hébergée quelques temps.
- Comment vous avez fait ? Je veux dire... Comment êtes-vous apparus, là, comme ça ? Vous êtes magicien ?
- Premier-né.
La princesse et le chevalier eurent un mouvement de recul. C'était la première fois qu'ils rencontraient un représentant de cette espèce, un vrai de vrai. Ils avaient toujours voulu croire que c'était une légende, un bluff de la part de Leïa. Ainsi donc, ce peuple de sorciers légendaires existait vraiment ?
- Et qu'est-ce que vous faites par ici ? C'est dangereux par les temps qui courent.
- Mon troupeau et moi pouvons passer inaperçus si nous le voulons. Je suis obligé de passer par ici. Je veux gagner au plus tôt la frontière avec Labrynna. Hyrule n'est plus sûr à présent. Mes compagnons le sentent. Ils sont nerveux.
- C'est vrai que les ténèbres ont sérieusement gagné depuis que...
- Hélas... Reverrons-nous jamais la lumière ?
- Que fabrique Link ? Cela fait plus de deux mois qu'il est parti.
- Il a dû lui arriver quelque chose. C'est la seule explication possible.
- Ganondorf connaît l'endroit où il s'est rendu. Si ça se trouve, il est tombé dans un piège.
- N'en parlez plus... Si Ganondorf a mis la main sur la Triforce du courage...
- Nous avons toujours Leïa.
- Et elle n'a rien fait !
Les deux hommes regardèrent Zelda avec surprise. Comment pouvait-elle dire ça ?
- Trois Triforces ! Elle possède trois fragments et elle n'est pas fichue de s'en servir. Ça devrait pourtant amplement servir pour nous débarrasser de l'armée de Ganondorf.
- Tu as entendu le vénérable, Zelda. Ses pouvoirs sont trop instables sans le dernier fragment. On ne sait pas ce qui se passerait si la puissance des reliques lui échappait. C'est trop dangereux. Souviens-toi, il y a trois semaines, quand ils ont tenté de sauver les prisonniers...
La princesse baissa les yeux. On lui avait dit que l'idée de départ était d'envoyer une petite tornade semer la panique dans les rangs de Ganondorf pendant qu'une équipe de Sheikahs sauveraient les enfants. La tornade en question devint rapidement si puissante et incontrôlable qu'elle décima les prisonniers, leurs geôliers et ceux qui s'étaient portés volontaires pour les sauver. Ironiquement, les effectifs du sorcier n'en souffrirent que très peu. Moins de 15 % de l'armée avait péri, par contre, à la citadelle...
- Je suis sûre qu'elle pourrait faire mieux si elle s'en donnait la peine, répondit la princesse avec amertume.
- Ça suffit. Ça ne sert à rien d'en débattre maintenant. Nous devons aller au sanctuaire des glaces, tu te souviens. C'est la seule chose à faire...
La jeune fille hocha la tête. Ils remirent donc l'animal blessé à Hyppophilos et remontèrent en selle, sur le dernier animal. Ils saluèrent le premier-né et repartirent.
Après un kilomètre, ils bifurquèrent vers la montagne. La neige avait recouvert la route, mais on pouvait encore en distinguer le tracé.
- Est-ce qu'on s'arrête à Saut-de-Roc ou au sanctuaire ?
- Ni l'un ni l'autre Marsias. Nous ne sommes pas loin de la citadelle. C'est la montagne voisine. Des troupes de Ganondorf patrouillent certainement dans le coin. Il ne faut pas qu'ils nous repèrent. On va laisser le cheval aller seul à l'écurie et on contournera le village par les rochers. Il ne faut surtout pas qu'ils se doutent de ce qui se trame si près de ce village.
Lorsqu'ils distinguèrent les premières lueurs du village, ils mirent pied à terre. Ils guidèrent le cheval jusqu'au chemin menant à l'écurie, le lâchèrent avec tout le matériel et s'engouffrèrent dans les fourrés. Après un petit parcours du combattant, ils escaladèrent la falaise et purent progresser au couvert des sapins. Ils doublèrent Saut-de-Roc. Couverts d'égratignures, de bleus et complètements trempés, ils atteignirent la moraine du glacier. Leurs coeurs se soulagèrent. Ils allaient bientôt être au sec et avoir des réponses. Ils accélérèrent le pas.
Soudain il y eut un bruissement d'ailes. Marsias poussa Zelda à l'ombre d'un gros rocher. Dans le tourbillon de flocons, ils virent six formes noires volantes passer. Au cri des volatiles, ils en déduisirent qu'il s'agissait de condors dorés et de mercenaires de Ganondorf. Ils ne les avaient pas vus. Marsias éteignit la lanterne et le couple s'avança silencieusement. Cela n'annonçait rien de bon. Comment Ganondorf était-il au courant pour le sanctuaire des glaces ?
A dix mètres de la porte, ils se tapirent entre les rochers. Les oiseaux avaient été enchaînés près de l'entrée et des hommes enveloppés dans des manteaux rouges les gardaient.
- Ce sont des Maltic, dit Zelda, de simples sous-fifres. On peut les neutraliser.
- Et après ? Ça m'étonnerait qu'il n'y en ait que trois à l'intérieur.
- Ce sera toujours ça de moins. Je ne sais pas ce qu'ils viennent faire ici, mais s'ils tuent le gardien, l'équilibre d'Hyrule en sera encore plus perturbé.
Le chevalier approuva. Ils sortirent des rochers et avancèrent silencieusement. La tempête de neige couvrit leur approche. Ils n'eurent aucune difficulté à assommer les gardes. Les oiseaux ne firent pas de grandes oppositions non plus. Les deux jeunes gens les libérèrent simplement de leurs chaînes. Les condors s'envolèrent immédiatement à la recherche d'un abri au sec. Ils tendirent ensuite l'oreille à ce qui se passait à l'intérieur du temple. Il régnait un silence de mort. Ils prirent le risque de pousser la porte. Il n'y avait personne dans le couloir principal. Le duo s'avança. Ils pouvaient voir au sol la trace de leurs ennemis. Le sol était trempé et couvert de neige. Ils ne devaient pas être entrés depuis longtemps.
Zelda et Marsias suivirent naturellement les traces de leurs ennemis. Ceux-ci s'étaient engagés dans un couloir de glace assez étrange, dont les murs semblaient renfermer des milliers d'images animées et qui éclairaient le chemin. Des brides de voix commençaient à arriver à leurs oreilles, mais rien encore de compréhensible. Le couple avançait, mais de moins en moins rassuré. Ils étaient en train de réaliser qu'ils ne savaient pas qui ils suivaient, et ce qu'ils allaient faire lorsqu'ils tomberaient sur leurs ennemis. Auraient-ils le pouvoir de les affronter, de les vaincre ?
Les voix se firent plus claires. Zelda pouvait à présent repérer, à travers les murs, des silhouettes en mouvement. Le couple s'arrêta. Si eux pouvaient voir leurs ennemis, ils pouvaient les voir aussi. L'unique avantage qu'ils avaient, pour le moment, était que les pourchassés ignoraient encore leur présence. Ils avancèrent encore plus prudemment.
Finalement, à l'approche de ce qui devait être la fin du labyrinthe, le duo comprit qu'il avait rattrapé ses ennemis. Ils étaient arrivés dans une grande salle éclairée par des flemmes bleues. Il y avait un grand autel, un homme aux cheveux bleu métallique y était installé. En face de lui, il devait y avoir sept personnes. Quatre d'entre eux avait l'uniforme des Maltic. Il y avait aussi une jeune femme aux cheveux châtains, un colosse aux cheveux roux et un jeune homme...
Les deux espions s'arrêtèrent sur le jeune homme. Dans la pénombre, ils faisaient certainement une erreur, mais il ressemblait affreusement à Rick...
... Et ce jeune homme était visiblement menotté. Il était prisonnier des autres. Cela renforçait les craintes de Zelda. Rick était-il vraiment tombé aux mains des sbires de Ganondorf ? Si c'était le cas... il avait passé aux aveux. Il avait été forcé de leur révéler l'emplacement du sanctuaire des glaces. Mais dans ce cas...
- Marias... je vais user de mes pouvoirs pour me cacher et voir ce qui se passe. Toi, fonce au sanctuaire de pierre. Il faut les prévenir, leur dire qu'ils ont été trahis, que quelqu'un connaissant les accès à la citadelle a été capturé... Vu le temps qu'il a passé dans la base, il doit en connaître pas mal de secrets.
- Te laisser seule ici ? Tu vas te faire tuer !
- Je ne prendrai pas de risques, ne t'inquiète pas. Dépêche-toi ! C'est une course contre la montre qui commence !
Marsias obéit. Il n'avait aucune envie d'abandonner sa promise dans un endroit aussi dangereux, mais il avait tout de même un bon sens des priorités. Qui savait ce que Rick avait déjà déballé ? Il partit sans un mot. Zelda murmura une formule magique et devint invisible. Elle s'approcha à pas de loup pour mieux écouter ce qui se passait.
Visiblement le grand roux menaçait l'homme près de l'autel.
- Que tu le veuilles ou non, j'aurai ce que je demande. A toi de choisir entre la vie et la mort dans de longues et inutiles souffrances.
Le gardien du sanctuaire des glaces ne répondit que par une imposition des mains sur son autel. Ses agresseurs perdirent patience. Le roux ordonna à ses larbins de saisir le premier-né. Mais alors qu'ils s'avançaient, la femme brune s'écria : "Il a appelé une créat..."
Une ombre jaillit du sol. Elle prit la forme d'un ange guerrier qui décapita sans aucune autre forme de procès le Maltic le plus proche. Zelda laissa échapper un cri de surprise. Sous sa peau blanche, ses tatouages, son armure et ses ailes, elle pouvait parfaitement reconnaître Link.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? hurla le roux. Djingreï, qu'est-ce qu'il nous a envoyé ?
- Je ne... je ne sais pas, maître... Je perçois rien. Cette chose n'a pas d'âme.
L'ange n'attendit pas qu'on se fixe sur sa nature. Il avait dégainé une énorme épée à lames torsadées et massacrait un des autres larbins.
Le maître se décida enfin à agir. Il lança une énorme boule de feu vers l'ange. Celui-ci eut le réflexe de s'envoler pour l'éviter. Le roux sourit.
- Morphéos, tu t'améliores... Tes dourgas sont de plus en plus perfectionnés. Celui-ci m'a l'air d'être une belle réussite. Seulement, comme tous les autres, je sais qu'il ne supporte pas le feu.
Et il envoya une rafale de sorts de feu. L'ange les esquiva tous, sauf un qui l'atteignit au pied. Celui-ci fondit comme de la glace dans une poêle brûlante. Le dourga ne renonça pas pour autant. Il slaloma entre les boules de feu pour attaquer son adversaire. C'est alors qu'un des Maltics survivants se jeta sur lui. Mal lui en prit car il y perdit un bras et la tête. Cela avait cependant donné le temps au magicien d'envoyer une boule de feu beaucoup plus puissante qui percuta l'ange de plein fouet. La créature fut désintégrée.
- Mon pauvre Morphéos. Tu viens d'envoyer à la casse ton plus beau bijou. A quoi cela t'a-t-il servi ? Tu vois bien que tu ne peux rien contre le grand Ganondorf.
- Il va détruire le temple, hurla Djingreï avec horreur !
En effet, alors qu'ils se battaient contre l'ange, le gardien du sanctuaire avait ramassé un ocarina et le portait à ses lèvres. Avant que personne ne puisse faire quoi que ce soit, il souffla dedans. Il y eut un son grave, très grave. Zelda crut que sa tête allait exploser. Puis, il y eut un grand silence, mais qui ne dura que quelques secondes. Des milliers de hurlements, de plaintes, de rires et de gémissements se mirent à résonner dans toute la salle et le labyrinthe dont était sortie Zelda. Elle constata avec horreur que les murs se fissuraient et que les images en sortaient, tels des revenants de leur cercueil. Ces images s'envolèrent en poussant des cris plus stridents les uns que les autres.
Ganondorf hurla de rage.
- Misérable vermine, tu viens de creuser ta tombe !
En quelques enjambées, il fut sur le gardien et l'éventra avec un grand sabre.
- Tu m'as peut-être privé de mes informations, mais au moins, tu ne m'enverras plus de cauchemars.
Le gardien du sanctuaire s'effondra sur le sol. Zelda fit tout ce qu'elle put pour qu'on n'entende pas sa respiration saccadée. Devant elle, Ganondorf s'était tourné vers ce qui lui restait de serviteurs.
- Jusqu'ici, le gamin n'a pas menti. Djingreï ?
- Il n'a jamais imaginé l'éventualité que vous perdiez, maître. Rien ne peut vous résister. Mais l'ange ressemble beaucoup au garçon dont il vous a parlé.
Ganondorf eut un sourire mauvais et se dirigea vers Rick.
- Tu as de la chance que ma télépathe lise les bonnes pensées. Maintenant, les choses sérieuses vont commencer. Tu maintiens toujours ce que tu m'as dit au campement ?
- Je maintiens ce que j'ai dit au campement. Le passage secret est toujours là où je vous l'ai indiqué et je vous suggère toujours la même stratégie. Bien sûr, ces conseils ne sont que ceux d'un misérable voleur de chemin opportuniste indigne de s'agenouiller devant le grand seigneur du malin.
- Il fait ce cirque pour ne pas prendre de coups.
- Tous mes serviteurs doivent me craindre... Il n'est pas idiot, le petiot.
Il fit un signe au dernier des Maltics d'emmener son prisonnier. Le groupe quitta la salle. Zelda attendit une vingtaine de secondes, puis courut au chevet du premier-né. Il respirait encore. Elle tenta de le ranimer en utilisant des sorts de soins. Le gardien se réveilla et saisit sa main.
- Laisse... mourir pour un premier-né n'est pas mourir. Je reviendrai dans une autre vie, un autre corps. Il y a plus urgent... Sans gardien, la barrière du froid et du sommeil va se briser. Il me faut un successeur, là, maintenant ! Accepte cette noble tâche qu'est la protection du sceau du sommeil glacé.
Une lumière envahit les deux personnages. Zelda sentit couler en elle une énergie très étrange, à la fois froide et brûlante, à la fois paisible et tortueuse. Le premier-né s'affaiblissait de seconde en seconde.
- A partir de maintenant, tu es la gardienne du sanctuaire des glaces, Zelda d'Hyrule.
- Morphéos... pourquoi... que voulait Ganondorf ?
- Il voulait avoir la confirmation des paroles de son prisonnier. Il voulait savoir qui était Link. Je ne pouvais pas lui dire. Il est notre dernier espoir. Leïa ne contrôle pas suffisamment ses pouvoirs pour protéger la citadelle. Zelda... la citadelle va tomber. Il faut sauver Leïa, il ne faut pas que Ganondorf la retrouve. Il connaît les moyens de la faire plier.
- Je sais... j'ai déjà envoyé un ami les prévenir.
- Une dernière chose...
Le premier-né faisait à présent un effort surhumain pour parler.
- L'ange... celui qui viendra... bientôt... c'est...
Il ne dit rien de plus. Il ferma les yeux. Morphéos, l'enfant des rêves n'était plus.
Lorsque Link revint en Hyrule, il eut du mal à reconnaître le pays qu'il avait quitté. D'abord, le pays entier était recouvert de neige. Les routes, les plaines, les lacs... tout avait disparu sous un épais manteau blanc.
Ensuite, il avait un certain malaise. Le froid, pourtant pas si mordant que ça, le rendait terriblement nerveux. Tout ce blanc cachait quelque chose de terrible, il le sentait. Valoo était tout aussi tendu que lui. Il répétait que l'ombre qu'il observait depuis des siècles avait encore progressé, qu'elle s'insinuait partout à présent. Il avait peur qu'il ne soit trop tard, que le pays soit condamné.
- Ce n'est pas possible, voyons. Nous ne sommes pas partis deux semaines. Comment aurait-elle progressé aussi vite ?
- Tu oublies quelque chose, Link. Nous avons passé une journée en Alkantir.
- Et alors ?
- Et alors, aurais-tu oublié la déformation temporelle ? Une journée en Alkantir, c'est presque deux mois ailleurs, puisqu'une semaine équivaut à un peu moins d'un an.
- QUOI ??? Tu pouvais pas le dire plus tôt ?
- Je croyais que tu étais au courant et qu'on te le répétait sans cesse. Je me souviens te l'avoir fait remarquer.
- Deux mois. Mais Ganondorf a dû avoir tout le temps d'envahir le royaume !
- Et le pire, c'est que le poisson-rêve a également dû avoir déformé le temps pour nous. Son royaume est aussi à la frontière de la réalité. Nous devons être au début de la nouvelle année, à voir le paysage. J'estime notre absence à... un peu près trois mois.
Link avait l'impression qu'on venait de le marquer au fer chaud. Quel imbécile il faisait. Evidemment que Leïa l'avait prévenu pour le piège du temps. Comment avait-il pu oublier ça ?
- Bon... jusqu'à présent, je ne vois pas d'armée ou de villages brûlés...
- C'est déjà ça. Allons vite à la citadelle. Nous devons unifier les Triforces le plus vite possible.
Mais à l'approche de la fameuse montagne, Link remarqua plusieurs choses étranges. Déjà, le vent qui était sensé être glacé et violent dans cette zone avait disparu. Ensuite, il ne distinguait pas les tours de la citadelle. A la place, il y avait un gigantesque glacier.
- Quelque chose cloche... Valoo, demi-tour. On va vers les bois.
- Hein ? Mais on ne devrait pas...
- Il s'est passé quelque chose ici. Quelque chose qui a rompu les enchantements de protections de la montagne et qui a recouvert les bâtiments de glace. Je sais qu'il faut savoir ce qui s'y est passé, mais j'ai peur d'un piège. Il ne faut pas qu'on y fonce tête baissée.
- Soit, mais que vas-tu faire dans les bois. Personne n'y vit en hiver, à part les créatures de la forêt. De plus, en cette saison, ils sont tous en hibernation.
Link n'eut pas à réfléchir longtemps à la question. Ils survolaient la plaine près du village de Wallax et l'elfe avait pu voir un filet de fumée sortir des ruines.
- Il y a quelqu'un à Wallax. Il pourra peut-être nous renseigner.
Valoo approuva l'idée de Link. Ils se posèrent un peu en retrait, par mesure de sécurité, et avancèrent prudemment. Ils ne pouvaient pas aller bien vite de toute façon car il devait bien y avoir 80 centimètres de neige.
Le filet de fumée provenait de la cave où il avait dormi des mois auparavant. Les deux premiers-nés pouvaient voir de nombreuses traces de pas sillonner le village. Quelqu'un donc y vivait. Méfiant, il continua de s'avancer, la main sur le pommeau de son épée. Enfin, il atteignit la fameuse cave. Il y avait à l'intérieur un petit feu sur lequel mijotait un petit récipient, une couverture, un sac mais aucun être vivant. Link examina les traces au sol. Les plus récentes semblaient se diriger vers le cimetière. Il les suivit donc pendant que Valoo, peu habitué à des températures pareilles, se réchauffait auprès du feu.
Arrivé au cimetière, il aperçut une silhouette affairée près d'une tombe. C'était visiblement un homme emmitouflé dans de chaudes fourrures et qui était occupé à enlever la neige qui était dessus. Link réalisa à cet instant qu'il touchait à la tombe de son oncle Euklid. L'étranger avait déjà déblayé les pierres tombales de ses parents. Le coeur de Link se serra. En un coup, il se rappela sa tentative de retrouver le cousin disparu, sa tristesse en apprenant qu'il avait disparu dans la grande forêt. C'était lui. Il ne pouvait y avoir que ce cousin disparu pour venir par un temps pareil entretenir les tombes des Pendragon. Link oublia toute méfiance et s'élança vers l'inconnu. Celui-ci, entendant les bruits de pas, se retourna. Link s'arrêta net. L'étranger n'était personne d'autre que Thalès.
Thalès regarda le nouvel arrivant d'un air surpris.
- Link ? Qu'est-ce que tu fais ici par un temps pareil ?
L'elfe concerné hésita à répondre. Il était trop perplexe pour dire quoi que ce soit. Qu'est-ce que le disciple du savant fou faisait dans des ruines enneigées, et sur les tombes de ses parents en plus. Il ne pouvait pas être...
- Mais ne reste pas planté là. Tu as vu comme tu es habillé ? Tu vas attraper la mort. Même les elfes ne sont pas immunisés contre le froid.
Thalès se désintéressa de son ouvrage de déneigement et se précipita vers l'aventurier.
- Allez, je faisais chauffer une soupe pour mon repas de midi. Viens te réchauffer. Regarde ta tunique, tu es trempé. Tes pieds vont geler dans moins d'une demi-heure.
Link retrouva l'usage de la parole.
- Thalès... toi, que fais-tu ici ? Pourquoi tu viens à Wallax malgré le temps ?
L'apprenti scientifique baissa les yeux et se tourna vers les tombes.
- Comme tu le vois, je viens voir ma famille.
- Mais tu... il n'y a personne qui vit ici.
- T'ai-je dis que je venais voir des vivants ? Mon père est mort il y a des années d'une épidémie de peste magique. Mon oncle avait insisté pour que le corps de son père repose là où il avait grandi. Moi, je vivais toujours avec ma mère en ville, jusqu'à ce qu'elle tombe malade à son tour. Je ne suis pas retourné vivre chez mon oncle car le village avait été attaqué par des pillards et ce qui restait de ma famille avait été massacrée. Je suis passé dans divers orphelinats et ai été virtuellement adopté par l'académie. J'avais envie de devenir un maître en chimie et en botanique. Lorsque je suis parti faire mon stage auprès de mon maître, j'ai décidé d'y rester. Je me suis dit que j'y apprendrais beaucoup plus de choses que dans l'académie muselée par les autorités religieuses.
Link avait envie de pleurer. Ce que Thalès lui racontait, c'était la vie du cousin disparu. Ainsi donc, la personne qu'il cherchait depuis des mois était à côté de lui. Il avait si souvent parlé à Thalès, lui avait parlé de sa famille... Si seulement il avait su qu'il en faisait partie. Que de temps perdu.
- Thalès, tu n'es plus tout seul... Ta famille n'a pas été totalement massacrée, et la mienne non plus. Nous sommes cousins. Je suis le fils d'Uther et tu es celui de son frère Euklid.
Son interlocuteur eut visiblement du mal à digérer la nouvelle. Il resta silencieux quelques secondes. Le coeur de Link, lui, battait à tout rompre. Il avait oublié qu'il se passait quelque chose d'étrange en Hyrule, que la citadelle et Leïa avaient disparu sous la glace. Il avait retrouvé son cousin. Il retrouvait ses racines. Il avait une famille et toutes les tempêtes de neige du monde ne pouvaient refroidir le feu de joie qui s'était allumé dans son coeur.
La seconde d'après, les deux elfes dans les bras l'un de l'autre, riant et pleurant de joie.
Les deux elfes étaient à présent dans la cave, occupés à boire la petite soupe que Thalès avait préparée. Valoo avait accueilli chaleureusement le nouveau venu, ravi que la descendance de son meilleur ami se porte bien. Une fois qu'ils furent tous bien installés, Link commença à demander à son cousin ce qui s'était passé durant son absence.
- Je sais qu'une immense armée a campé au pied de la montagne pendant près de deux mois. Ils ont levé le camp il y a quatre semaines, lorsque la neige a commencé à tomber. J'ignore où tous ces soldats sont passés.
Il ne put rien ajouter de plus. Le village Kodomo était vraiment très isolé du monde. Il avait su, lorsque les soldats du roi étaient encore là, que le pays avait été envahi, mais depuis, rien. L'arbre Mojo et le sage Fado n'en savaient pas plus.
Link hésitait sur la suite des événements. L'armée campant près de la montagne avait-elle réussi à conquérir la citadelle ? Etait-elle responsable de l'apparition du glacier ? Si la citadelle était prisonnière des glaces, Leïa y était-elle toujours ? Avait-elle réussi à s'enfuir ? Link devait demander de plus amples informations à quelqu'un d'autre, mais à qui ? Il ne voulait pas s'approcher des sanctuaires de pierre et de glace, trop proches de la citadelle. Les sbires de Ganondorf devaient toujours y roder. Il pensa à Laruto, mais se dit qu'en cette saison, son village ne devait pas être accessible. Valoo le lui confirma. En hiver, le lac était gelé et les Zoras hibernaient dans la vase. Comme ils ne savaient pas où était passé le roi, il ne leur restait plus que les gardiens du désert, Boru et Darnia. Evidemment, si le jeune gardien restait au sanctuaire des sables, il ne devait pas savoir grand-chose. Il ne lui restait plus que le chef des Gorons. Après avoir ramené Thalès au sanctuaire des bois, ils iraient l'interroger.
Le petit groupe finit donc le maigre dîner, rangea tout l'équipement de l'elfe scientifique, alla rendre un dernier hommage aux parents de Link et Thalès, puis s'envola pour la forêt. Tout y était effectivement très silencieux. La neige pesait lourdement sur les branches des arbres. Il n'y avait plus un seul bruissement de feuille, seulement des gouttes d'eau immédiatement étouffées à leur contact avec le manteau blanc.
- C'est sinistre, répondit Valoo. Ça m'a toujours stressé, l'hiver. C'est la saison de la mort.
- Moi, j'aime l'hiver, répondit Thalès. Les enfants sont tout fous, ils jouent comme des fous à toutes sortes de jeux. Avec mon maître, on peut faire des expériences qu'on ne peut pas faire en temps normal, car le froid freine l'avancée de certains sorts et poisons. On fait aussi des expériences sur le pouvoir léthargique du froid... Je ne m'ennuie jamais, en hiver.
- Attends... comment tu peux voir des enfants jouer si les Kokiris sont en hibernation ?
- Oh, ils n'hibernent pas longtemps... un mois, seulement. Pendant qu'ils dorment, on fait les expériences qui pourraient les choquer. Mon maître va être content de me...
- C'EST SEULEMENT MAINTENANT QUE TU REVIENS, DISCIPLE INDIGNE ?
Le groupe sursauta à ce cri. Le vieux Pythagore venait d'apparaître devant eux. D'où sortait-il ? Ils n'auraient jamais su le dire. Le vieux fou était vêtu de fourrures et portait un sac trop lourd pour lui. Il avait un regard noir.
- Maître, je suis ravi de vous voir. J'ai été coincé par les tempêtes de neige. Si j'ai su...
- Taratata mamibaba, trêves d'excuses bidons. Nous avons une semaine et demie de retard sur notre programme. Retourne immédiatement au labo et que ça chauffe dans les alambics ! Je vais t'en donner, moi, des parents à aller visiter !
- Oui, maître, tout de suite, maître.
Et Thalès, après avoir salué ses amis, partit d'un pas rapide vers sa chaumière, un sourire sur les lèvres. Le vieux fou se retourna vers les deux voyageurs.
- Et vous, vous tombez à pic. Il y a quelqu'un au labo qui demandait justement de vos nouvelles.
Link et Valoo se regardèrent d'un air étonné. Qui donc pouvait les chercher au sanctuaire des bois. Ils se dépêchèrent de suivre le vieux scientifique qui maugréait dans sa barbe.
L'intérieur de la demeure des chercheurs était bien chaud. On voyait qu'un feu y avait brûlé en continu depuis des jours. Les premiers-nés auraient donné n'importe quoi pour y rester des journées entières. Leur désir fut cependant de courte durée. Ils tombèrent immédiatement sur l'hôte de Pythagore. C'était Sir Marsias.
- Mais c'est le lutin... Elles se sont bien passées, tes vacances ? Tu pouvais traîner un peu plus longtemps, tu sais. L'avenir d'Hyrule n'est pas si urgent que ça.
- Marsias... je suis désolé, mais on...
- Pas d'excuses ! As-tu la moindre idée des conséquences de ton absence ? Oh, non, bien sûr, môssieur avait plus intéressant à faire.
- Oh, ça va, j'ai fait aussi vite que j'ai pu.
- Misérable...
Valoo jugea bon d'intervenir.
- Ça suffit maintenant. Ce n'est pas la faute de Link. Si tu voulais que les choses bougent, tu n'avais qu'à aller affronter Ganondorf toi-même.
- Je n'ai pas...
- Tu n'as pas les pouvoirs nécessaires ? Et qui les a, à ton avis ? On s'est donné un mal de chien pour former notre champion et ce genre de chose prend du temps. Si tu es incapable de comprendre ce que ça implique, tu la boucles et tu laisses faire les professionnels, gamin.
Link eut un sourire amusé en voyant la tête surprise de Sir Marsias. Visiblement, personne ne lui avait jamais parlé de la sorte. Valoo pouvait être un vrai dragon pour défendre ses amis. Cependant, le chevalier reprit très vite ses esprits.
- Mais ce n'est plus d'un champion dont nous avons besoin, et surtout pas de LUI, dit-il en pointant l'elfe du doigt.
- T'as mieux à proposer, peut-être ?
- Inutile de faire ton malin. Tu es grillé, lutin ! Depuis le début, tu étais avec Ganon.
Un silence de mort s'abattit sur la chaumière. Pythagore, dans son labo, semblait avoir cessé de râler sur son disciple. La tension monta brusquement. Les guerriers dégainèrent leurs épées.
- Répète ce que tu viens de dire !
- Ne joue pas au plus malin. Depuis le début, tu n'as fait que nous ralentir. Tu nous as subtilisé la Triforce de la sagesse, tu as séparé la famille royale, aidé le traître Aromir à s'échapper et le mieux de tout, tu as livré la citadelle des nuages à l'ennemi. C'est terminé ! Tu ne nous tromperas plus. Tu n'es qu'un de ces maudits mercenaires à la solde du ...
Le chevalier ne put pas terminer ses réprimandes. Valoo s'était transformé et avait plaqué le fiancé de Zelda au sol.
- NE REDIS PLUS JAMAIS ÇA, AVORTON !
Thalès sortit en courant du labo pour calmer les belligérants.
- Je vous en prie, pas de bagarre ici. Valoo, vous allez faire exploser notre demeure sous cette forme de dragon. Allez régler vos comptes dehors.
Valoo se calma un peu. Il reprit sa forme humaine, mais traîna le chevalier dehors en le traînant par une jambe. Sa colère n'en avait pas diminué pour autant. Il avait envie de massacrer le chevalier. Il se jeta sur lui pour le couvrir de coups.
- C'EST SI FACILE DE DECHARGER SA COLERE SUR LES AUTRES QUAND TOUT VA MAL. C'EST LA FAUTE A UN TEL, ÇA, C'EST LA FAUTE D'UN AUTRE...
- Valoo, je t'en prie.
- Laisse-moi faire, Link. Je commence à en avoir plus qu'assez de tous ces crétins qui nous tiennent responsables de tous leurs malheurs. Si tout a mal tourné pour les descendants de Ganondorf, c'était à cause de ce genre de raisonnement dès l'époque de Tamara et Link héros du temps. Le prochain qui me ressort le même refrain, je le bouffe !
- Arrête, je te dis. Il vient de dire qu'il était arrivé quelque chose à la citadelle. Laisse-le parler.
Mais Marsias ne pouvait pas parler, car un des coups de Valoo lui avait brisé la mâchoire. Heureusement pour eux, Thalès sortit à cet instant, lui proposant une potion de guérison. Link se dit que son cousin ne les avait apparemment pas quittés des yeux et les avait observés depuis la fenêtre. Bien que paralysé par la douleur, Marsias avala la potion d'un trait. Il retrouva l'usage de ses membres dans la seconde. Il voulut se mettre en garde pour se défendre, mais réalisa que son épée était restée à l'intérieur. Il pesta contre le sort qui s'acharnait contre lui et son pays.
- Marsias, je ne retiendrai pas Valoo longtemps. Dis-moi ce qui s'est passé durant mon absence.
Le chevalier commença par le regarder d'un air de défi, mais en voyant le deuxième premier-né commencer à se transformer, il craqua.
- Tu veux que je parle, d'accord. Cela fait exactement trois mois que tu es parti. Quatre semaines après ton départ, Ganondorf et son armée sont revenus. Ils savaient où était la citadelle, car ils l'ont encerclée aussi bien qu'ils le pouvaient. Ils avaient des prisonniers avec eux. Le sorcier les a massacrés un par un, et dès que les Sheikahs tentaient une sortie, ils étaient immédiatement balayés. Leïa n'a rien pu faire contre ça, au contraire, ses interventions étaient aussi catastrophiques que les assauts de l'ennemi. Mais nos malheurs ne se sont pas arrêtés là, car il y avait un traître à la citadelle. Ton "ami" que tu avais tellement recommandé pour entrer à la citadelle était à la solde de l'ennemi. Dès qu'on a eu le dos tourné, il a filé à l'anglaise. Et où l'a-t-on retrouvé ? Auprès de Ganondorf ! Il lui livrait les gardiens des sanctuaires un à un. Et il a également révélé l'entrée secrète de la citadelle. Les monstres de Ganondorf y sont entrés. On a évité la catastrophe grâce à l'intervention du gardien du sanctuaire des glaces qui a figé le bâtiment dans une glace magique. Mais le mal est fait ! Ton complice, et toi par la même occasion, avez vendu tous les secrets du royaume à l'ennemi. Comment aurait-il trouvé la citadelle, sinon ?
Link baissa les yeux. Marias n'avait pas vraiment tort en l'accusant. Il savait que Rick les livrerait, et il n'avait rien fait pour l'en empêcher. Il savait que la citadelle allait être envahie, comme il l'avait prédit pour le bourg d'Hyrule. Il n'avait rien dit, il n'avait rien fait. Il avait abandonné le royaume à l'ennemi.
Link se reprit très vite. Ce qui était arrivé était de sa faute ? Alors il allait tout réparer. Il avait la Triforce du courage, il maîtrisait enfin sa forme ultime. Il était prêt pour son combat final. Il interrogea encore Marsias pour savoir où se trouvaient les armées de Ganondorf et surtout, où était Leïa. Le chevalier fut d'abord réticent. Il ne faisait plus confiance à Link. Il était persuadé que l'elfe vendrait ces précieux renseignements à l'ennemi. Link dut user d'une incomparable diplomatie pour arriver à le convaincre qu'il n'avait trahi personne et qu'il était toujours de leur côté. Il lui répéta qu'il aurait pu offrir à Ganondorf les princesses d'Hyrule sur un plateau d'argent s'il l'avait voulu. Il dut lui faire comprendre que le sorcier serait déjà maître du pays s'il lui avait répété ce qu'il savait.
Au bout d'une demi-heure de plaidoirie, Sir Marsias accepta enfin d'enterrer la hache de guerre et de dire à l'elfe tout ce qu'il savait. La famille royale devait être sauve. Le roi et Zelda étaient à l'abri. Soraya avait quitté le pays en compagnie de deux Sheikahs aguerris lorsque Ganondorf avait assiégé la citadelle. Link eut un sourire à cette affirmation. Le futur parallèle lui avait appris qu'en fait, elle vivait déguisée parmi les enfants de la citadelle. Mais Sir Marsias ne s'arrêta pas là et annonça ce que Link redoutait : Aux dernières informations, Leïa était toujours prisonnière des glaces à la citadelle. L'elfe eut un frisson d'horreur. Il s'imagina un instant son amante dans un énorme bloc de glace, le corps se refroidissant d'heure en heure, son esprit s'éteignant comme une flamme en manque de combustible.
La résolution de Link fut vite prise. Il abandonna le chevalier sur place, demandant à Valoo de le déposer au sanctuaire des glaces. Il devait apprendre le moyen de briser la barrière du froid. Ensuite, il foncerait à la citadelle. Il ne pouvait pas supporter l'idée que son âme soeur reste plus longtemps plongée dans cette léthargie forcée. Elle pouvait certainement en mourir. Valoo, lui, était plus perturbé par l'ombre qui lui semblait à présent omniprésence.
- La terre est épuisée. Tu as vu les arbres de la forêt ? Un arbre sur trois était pourri. Et ce n'est pas tout... les attitudes du vieux fou et du crâneur, tu ne les trouvais pas un peu exagérées, désespérées ?
- Je trouvais qu'elles pouvaient s'expliquer. Le vieux fou est pareil à lui-même, il est resté seul longtemps et ses projets n'ont pas assez progressé à son goût. Cela m'aurait plus surpris qu'il ait accueilli Thalès avec du thé. Sir Marsias... à sa place, je crois que j'aurais réagi de la même façon. Je ne lui ai pas tout dit, après tout. Il a dû faire face à tout ce chaos sans comprendre ce qui se passait. Il a imaginé. Je ne lui en veux pas. Il n'a pas tort. Je savais ce qui allait se passer et j'ai laissé les événements se produire sans rien faire. Si je les avais prévenus, si je n'avais pas laissé Rick entrer à la citadelle... ils résisteraient peut-être encore.
- Reprends-toi, Link. Tu n'es pas le maître du temps. Les choses arrivent comme elles doivent arriver. Il y a des choses inévitables et ce qui est fait est fait. Tout ce qui est encore en ton pouvoir, c'est de t'adapter à chaque situation et de ne jamais abandonner. La vie continue encore... pour le moment.
- Tu ne m'encourages pas vraiment, là.
- Laisse tomber, ce que je voulais dire, à la base, c'est que les humains sont aussi affectés par l'ombre. Tu en perds même ton moral.
- Mais ce n'est pas à cause de l'ombre que je déprime.
- Oh, et puis zut, j'abandonne. Accroche-toi, on arrive !
Et le dragon, sans changer ses habitudes, descendit brusquement en piqué vers le sanctuaire sous le glacier.
Toujours aussi peu habitué aux surprises de son compagnon, Link vida ses tripes dès qu'il posa ses pieds sur la terre ferme. Tout en râlant sur le dragon, il s'approcha, hagard, de la porte du sanctuaire. Au moment où il toucha la poignée, le battant s'ouvrit sur Raphaëlle.
- Vous voilà, vous. Enfin de retour.
- Oh ça...
- Ne gaspille pas ta salive. Nous n'avons que trop traîné. L'entraînement de Jabu a-t-il été efficace ?
Pour toute réponse, Link ferma les yeux, invoqua sa forme de premier-né et dix secondes plus tard, il avait revêtu sa forme ultime. Son coach hocha la tête.
- Bon, c'est déjà un bon avantage. Reprends forme humaine, ne gaspille pas ton énergie.
Son visage s'assombrit.
- Dix secondes... c'est trop.
Link la regarda d'un air scandalisé. Avait-elle la moindre idée des progrès qu'il avait faits en temps de transformation ?
- Ganondorf aura le temps de te transpercer cinq fois le corps. Il ne te donnera aucun cadeau. Et reprends forme humaine, bon sang. Tu uses ta vie et tes forces à vitesse grand V.
Link s'exécuta.
- L'idéal serait que je possède ma forme ultime avant d'engager le combat.
- Tu comptes lui fixer un rendez-vous, peut-être ?
- Pourquoi pas ?
Raphaëlle éclata de rire.
- Ce n'est pas tout ça. Je viens de voir la gardienne du sanctuaire...
- Ce n'est pas Morphéos, le gardien ? la coupa Valoo.
- Morphéos a été assassiné il y a quelques semaines.
Link sentit à cet instant un souffle brûlant dans sa nuque. Le dragon venait d'avoir un choc. Il avait visiblement compris de quoi Link était responsable.
- C'est une greluche blonde qui a pris sa place. Elle a lancé la barrière du sommeil éternel sur la citadelle pour sauver Leïa.
Le coeur de Link en prit un nouveau coup. Zelda était devenue la gardienne. Son futur parallèle était vraiment en cours de réalisation. Jusqu'où cela irait-il ?
- Link, tu m'écoutes ? Je vais te passer mes gants pour que tu puisses t'introduire dans la citadelle. Les flammes sacrées viendront à bout de la glace. Uses-en avec parcimonie. Il ne faudrait pas réanimer les vilains par la même occasion. Retrouve Leïa et remets-lui la Triforce du courage. C'est ta priorité absolue.
- Pourquoi ?
- Parce que la carence en énergie revitalisante est devenue critique dans ce royaume.
Le dragon hocha la tête d'un air qui voulait dire "Qu'est-ce que je disais !".
- Je suis désolée, continua la première-née. Je n'avais pas réalisé que la situation était aussi grave. J'aurais dû comprendre plus tôt à quel point la Triforce était vitale pour le monde. C'est de ma faute. C'est moi qui avais voulu séparer les fragments par mesure de sécurité. Maintenant, Hyrule tombe en miettes. D'ici douze heures, la réunion des fragments ne changera plus rien. On ne ressuscite pas ce qui est mort.
- Bon, ça va. Je me rends immédiatement à la citadelle. Passe-moi ces gants.
Et elle lui tendit ce qu'il demandait. C'était ces fameux gants en matière indéfinissable qu'il avait un jour ramassés dans le sanctuaire de corail, et qu'il portait visiblement sur lui lors de son dernier échec.
A cet instant précis, Link sentit que les dés étaient jetés. Dans les heures qui suivraient, le sort d'Hyrule serait tranché. Soit il triompherait de Ganondorf, soit il serait une fois de plus condamné à revivre son aventure. Dans le deuxième cas, il était certainement condamné à vivre une quête sans fin.
- Bon, attendez-moi à la croisée des chemins. J'ai une dernière chose à régler.
Et il descendit vers Saut-de-Roc. Là, il s'acheta de quoi écrire. S'asseyant à une table, il se mit à écrire :
"Link,
si tu es en train de lire cette lettre, c'est que ce que je prédisais s'est accompli..."
Link eut l'occasion de voir que les habitants du sanctuaire de pierre s'étaient déjà cloîtrés dans leur temple et avaient déjà disposé leur entrée magique. Il put tout de même entrer sans avoir à repasser les épreuves qu'il avait dû accomplir dans le futur parallèle. Il put remettre sa lettre au sage Voltère et assurer ainsi ses arrières en cas d'échec.
Ce n'était pas qu'il était sûr d'être prisonnier d'un cycle sans fin, mais il était terriblement angoissé à l'idée de se jeter dans la gueule du loup. Il avait tellement envie de fuir. Là, au moins, il était sûr de ne pas répéter l'histoire. Mais une autre image lui hantait l'esprit, celle de la jeune femme qu'il avait tant aimée prisonnière d'un bloc de glace, la chaleur de son corps disparaissant, son âme s'éteignant. S'il n'intervenait pas rapidement, elle allait mourir, et Hyrule avec elle. Il avait abandonné le royaume une fois déjà, il n'allait pas recommencer. Il finit par se résigner et se rendre au rendez-vous.
Quand elle le vit, Raphaëlle vint le serrer dans ses bras.
- Je sais ce que tu ressens. Je sais ce que c'est que de passer le point de non-retour. Tu dois garder espoir et courage.
- Quand je pense au nombre de fois où j'ai pu échouer...
- Tu n'as certainement jamais été aussi bien préparé. Surtout garde ton sang froid. C'est le plus important.
- Dans cette calotte glaciaire, cela ne devrait pas être trop dur.
- Allez, ne t'inquiète pas. Je t'accompagnerai.
Et dans un éclat lumineux, elle se transforma en la minuscule petite fée que Link avait rencontrée dans son futur parallèle.
- Je vais rester dans ta poche pour te conseiller. Je ne veux pas que Ganon suspecte ma présence. Ce sera un effet de surprise pour le combat final.
- Merci.
L'elfe se tourna ensuite vers Valoo. Il n'avait jamais vu le dragon dans le futur parallèle. Qu'est-ce qu'il pouvait bien être devenu ?
- Je vais voler autour de la citadelle pour surveiller les environs. Il ne faudrait pas que nos ennemis profitent de ta brèche pour entrer.
- Et après ? Je veux dire, si jamais ça tourne mal...
- J'improviserai... je suppose que je vais essayer de sauver ce qui peut encore l'être.
Et sans rien ajouter de plus, le vieil ami de Robin s'envola. Les deux autres premiers-nés restèrent silencieux quelques instants.
- Le problème avec lui, c'est qu'une fois posé, il est tout sauf discret.
- Oui, si des sbires de Ganondorf rôdent dans le coin, ils savent déjà que nous sommes là.
- Raison de plus pour se dépêcher.
Et la première-née se dirigea vers le pont invisible.
- Euh... Raphaëlle, comment tu es au courant pour ce pont invisible ? C'est sensé être un des plus gros secrets du peuple Sheikah.
- Tu sais, ce pont est ici depuis près de mille ans. Il existait déjà lors de mon dernier combat.
- Mais euh... à ce que j'ai compris, Ganondorf connaît aussi ce chemin. C'est par ici que ses hommes se sont introduits dans la citadelle, non ? On ne risque pas de tomber sur eux en passant par ici ?
- J'y ai pensé. J'avais envisagé d'entrer dans la citadelle par le glacier, maintenant que les vents enchantés ont été supprimés. Mais je crois qu'on sera plus discrets en entrant par ici, et on gaspillera moins d'énergie.
Link se résigna. Il devrait affronter le vide vertigineux, quoique depuis qu'il avait appris à voler de ses propres ailes, son angoisse du vide avait légèrement diminué. La peur était cependant toujours là. Cela devait résulter du traumatisme de sa défaite face au sorcier et de sa chute dans la rivière glacée, une centaine de mètres plus bas. Quoique puisse dire Raphaëlle, l'angoisse d'échouer lui serrait toujours le coeur. Devant elle, il se refusait pourtant à faire état de crise de vertige. Il avança donc, le plus rapidement possible.
Il arriva rapidement à l'entrée de service qui était grande ouverte. Il n'eut qu'à faire quelques pas pour voir les effets de la malédiction jetée par Zelda. D'énormes statues de glace encombraient le couloir. Il s'agissait pour la plupart de créatures chimériques, moblins, gobelins, hommes hybrides... Link compta une cinquantaine d'ennemis. Puis, il repéra un groupe d'humains. Il y avait Fordnonag, Knil, quelques maltics, mais surtout, un jeune homme enchaîné solidement : Rick. Le sang de l'elfe ne fit qu'un tour. Il mit les gants de Raphaëlle et s'approcha de son ami.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je vais libérer mon ami.
- Mais tu es fou ! Il est encerclé d'ennemis. Tu vas les décongeler en même temps.
- Trois maltics ne me font pas peur.
- Et si jamais d'autres ennemis arrivent ? Que diront-ils en voyant les cadavres de leurs amis ?
- D'ici là, j'aurais rejoint Leïa et plus rien ne nous résistera.
- Je te trouve bien optimiste.
- Je ne le laisserai pas entre leurs pattes. Je change mon futur ici et maintenant.
Et sans attendre de réponse de son mentor, Link envoya une boule de feu sur Rick. L'effet fut immédiat. La glace s'évapora et le jeune prisonnier s'écroula sur le sol. Le jet de Link fut si précis que les ennemis à ses côtés restaient toujours dans leurs cercueils transparents. Son ami le prit entre ses bras et entreprit de le ranimer. Le garçon ouvrit les yeux, hagard. Il mit quelques secondes à reprendre ses esprits, mais une fois qu'il eut compris où il se trouvait, il s'éloigna brusquement de son ami. L'elfe fut étonné de cette réaction.
- Je suis désolé... si désolé.
- De quoi, de leur avoir révélé l'entrée de la citadelle ?
- Ils... il y avait une fille tellement envoûtante... elle lisait dans mon esprit comme dans un livre ouvert. Je ne voulais pas... Ils m'ont volé bien plus d'informations que je voulais en donner. Il y a eu des morts à cause de moi. Pardon, Link, pardon.
- C'est pardonné. Tu es libre, maintenant. Viens avec moi.
- Tu me... ? Après ce que...
- Tu t'es fait capturer, on t'a arraché ces informations contre ton gré. Ce n'est pas vraiment comme si c'était de ta faute.
Link ne savait pas trop comment traiter Rick. Dans le futur parallèle, Rick avait avoué avoir volontairement livré la citadelle afin d'éviter une bataille sanglante. Le mal avait été miraculeusement contré grâce à l'intervention de Zelda. Ils s'en tiraient plutôt bien. Il n'avait pas à punir Rick pour cet acte. Cependant, le jeune voleur était rongé par la culpabilité.
- Je n'avais pas confiance... je ne pensais pas que tu reviendrais... Plus de 2 mois s'étaient écoulés, les morts s'accumulaient. Avec tout ce que tu m'avais raconté, je doutais de tes capacités de victoire. Pardonne-moi.
- Et on ne peut toujours pas crier victoire !
Raphaëlle avait fini par perdre patience et était sortie de la poche de Link.
- Je te rappelle que tu mènes une course contre la montre et que les larbins de Ganon savent que tu es ici. Tu n'as plus une seconde à perdre !
Link comprit le message et se remit en marche. Rick trottinait à ses côtés, toujours marqué par sa cryogénisation. Il voulait savoir quel était le plan de son ami. Link lui répondit simplement qu'il allait retrouver Leïa et que tous leurs ennuis seraient résolus. Il ajouta également que si les choses tournaient mal, il aurait la consigne de tout faire pour se faire enrôler dans les rangs de Ganondorf, car la résistance aurait besoin d'une taupe. Rick hocha la tête. Cela semblait limpide pour lui. C'était une façon pour lui de se dire qu'il n'avait pas vraiment tout gâché avec sa mauvaise collaboration.
Les garçons progressèrent sans trop de problème. De temps en temps, la glace obstruait le passage. Elle bloquait toutes les portes, mais cela ne résistait guère aux gants magiques. Ils n'avaient que deux problèmes. Le premier était qu'à chaque utilisation des boules de feu, l'air dans la citadelle se réchauffait, et qu'à la longue, ils risquaient bien de décongeler leurs ennemis. Le deuxième était qu'ils ne savaient pas où était Leïa, et que la citadelle était grande et envahie par la glace.
Nos héros se rendirent très vite compte que Leïa n'était pas dans sa chambre. Cela faisait enrager Link car cela impliquait de fouiller la citadelle pièce par pièce, avec tous les risques que cela entraînait. Il supplia Rick de réfléchir à l'endroit où elle pourrait se trouver. Le traître énuméra son emploi du temps. Elle se levait tard, mangeait dans sa chambre, se montrait très peu. Lorsque les hauts responsables de la citadelle voulaient lui parler, ils le faisaient dans sa chambre ou dans les quartiers supérieurs. Le groupe se dirigea donc vers le niveau suivant.
Au grand dam de Link, les pièces se succédaient, les humains cryogénisés aussi, mais toujours pas la moindre trace de son amoureuse. Il commençait à paniquer. Est-ce que Ganondorf avait mis la main sur elle, malgré tout ? Rick voulut le rassurer.
- Je peux te garantir que lorsqu'on m'a traîné dans la citadelle, elle y était toujours. Et je n'avais pas marché quarante mètres que la vague de froid est arrivée. Il ne l'a pas trouvée, ne t'inquiète pas. Il n'a pas pu y entrer.
- Mais alors où est-elle ?
Rick eut le regard attiré par une fenêtre translucide. Il s'en approcha, mais ne put rien voir à travers.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Nous n'avons pas vu le vénérable Telavi, ni le duc Dalbe dans tout ce petit monde.
- Et ?
- Je sais que lorsqu'ils discutent tous les deux, c'est sur un large balcon, près de la haute cour, juste au-dessus de la rivière. Si ça se trouve, ils s'y trouvaient au moment de la congélation.
- Et tu crois que ma fille adoptive serait avec eux ?
Link s'arrêta, n'écoutant plus ses compagnons. De nombreux souvenirs lui revenaient en mémoire, ceux de son combat et de sa défaite contre Ganondorf. Il se revoyait croisant le fer, le regard furieux de son ennemi... tout ça se déroulait sur un grand balcon à la balustrade de marbre. Juste en dessous coulait la rivière. Il ne devait pas s'agir d'un hasard. S'ils s'affrontaient à cet endroit précis...
- Elle est là-bas ! Elle est sur ce balcon. Il faut qu'on se dépêche.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils n'eurent qu'à courir un grand et sombre couloir, pour arriver en face de ce qui ressemblait à un énorme bouchon bleu-gris translucide de glace. Le balcon était derrière, avec tout le glacier.
- Je ne voudrais pas vous décourager, mais ça va demander beaucoup de boules de feu.
- On va décongeler toute la forteresse, avec ça.
- On va réanimer les monstres.
- Pas le choix... et puis, nous avons le temps. Avant qu'ils ne sachent où nous trouver, nous aurons remis la Triforce à Leïa.
- Il n'y a plus qu'à espérer qu'elle soit vraiment là.
Mais Link était confiant. Son coeur et son instinct (ou mémoire instinctive, peut-être. Il avait déjà vécu cet instant, après tout.) lui criaient que celle qu'il cherchait était toute proche de lui. Il lança ses boules de feu sans hésiter.
Très vite, des craquements se firent entendre. Il y avait également de l'eau qui ruisselait de partout. Tout était en train de fondre. Link continua de plus belle, mais la glace devant lui résistait. Il y en avait tant. Bientôt, on entendit un inquiétant écho. Il y avait des bruits de pas, d'armures, des vociférations. Les trois secouristes se regardèrent et comprirent que leurs ennemis approchaient.
Heureusement, l'espace sur le balcon commençait à se libérer et les formes de prisonniers des glaces à apparaître. Ils n'en avaient plus pour très longtemps. Rick se retourna vers ses amis.
- Ecoutez... je crois que si je les intercepte maintenant, je peux vous faire gagner une ou deux minutes.
- Comment ça ?
- En les baratinant avec des informations, mais je crains que je risque de les mettre sur leurs gardes.
Link réfléchit à toute vitesse tout en s'épuisant à balancer des boules de feu. Il était faible d'user tant de pouvoirs. Il avait besoin de repos. Il accepta la proposition de Rick. Après tout, il était dans leur intérêt commun que Rick reste bien en vue dans le camp ennemi. Le jeune disparut dans le couloir.
Raphaëlle interrogea son disciple.
- Qu'est-ce qui te fait croire qu'au contraire, il ne leur dira pas de se grouiller ?
- Plus ils arriveront tard, plus je serai faible, je le sens. S'ils débarquent avant que j'aie atteint Leïa, au moins, ils ne pourront pas la ravir durant le combat.
- Ne dis pas ça. Puise tes forces dans la Triforce si tu fatigues, mais récupère ma fille.
- Mais ce n'est pas votre fille.
- Je l'ai élevée toute seule pendant près de 10 ans, c'est tout comme. Mon enfant à moi était mort-né. Ah tiens...
- Quoi ?
- Tais-toi et continue de faire fondre la glace. Concentre toute ton énergie dessus. Je sors faire le guet.
L'elfe se remit au travail. Il ne lui fallut pas plus de 5 secondes pour libérer le duc Dalbe. Ce dernier resta sans connaissance sur le sol. Link n'avait pas de temps à perdre avec lui. Il continuait sa progression. Tout fondait à vue d'oeil autour de lui. La température augmentée par magie avait raison du glacier. Il pouvait même voir le ciel à travers la paroi de plus en plus fine. Devant lui, deux silhouettes commençaient à se préciser. Leïa devait être à 1 mètre de lui... 80 centimètres, 60, 40...
- Dépêche ! Ils arrivent ! Ganon est chauffé à bloc !
Zut ! Link aurait espéré pouvoir avoir en plus le temps de se transformer. C'était trop tard. Dans une ultime boule de feu, il la délivra de son cercueil. Elle s'effondra dans ses bras, inconsciente. Comment la réanimer ? Il tenta le tout pour le tout et invoqua l'énergie de la Triforce du courage. Il en avait bien besoin pour se redonner des forces, mais il était encore plus urgent de réanimer son amour. L'énergie se mit à s'écouler vers le corps froid. Ce fut à ce moment-là qu'une voix tonna comme l'orage.
- VOICI DONC CELUI QUI ME GENE DEPUIS PRES DE QUATRE MOIS !
Link releva la tête. Le sorcier était là, au milieu de l'entrée, lui barrant la route. L'heure de vérité, celle où l'avenir d'Hyrule allait se jouer était venue. L'elfe jeta un bref coup d'oeil autour de lui. Aucune trace de Raphaëlle ni de Rick. Le duc reprenait péniblement connaissance entre les deux adversaires. Le troisième prisonnier de la terrasse serait libéré des glaces d'une minute à l'autre. Leïa, entre ses bras, était toujours inconsciente. Ganondorf lui laisserait-il le temps de la réanimer ? Peu probable, car il avait sérieusement intérêt à ce que son ennemi soit handicapé par sa protection. Link se mordit la lèvre. Devait-il donner sa Triforce à sa nouvelle gardienne ou la garder pour affronter le sorcier ? Avec cette relique, sa victoire était certainement assurée, mais tout le sort d'Hyrule dépendait de la rapide réunification des quatre fragments de la sainte relique. Ganondorf affichait un sourire mauvais.
- On ne m'aurait pas prévenu, je t'aurais vraiment pris pour mon arrière-petit-fils. La ressemblance est vraiment troublante. Elle est si forte que j'ai envie de te faire payer pour sa trahison.
Dans sa main, apparut comme par magie l'énorme épée qui avait déjà pourfendu Link lorsqu'il s'était fait capturer au château d'Hyrule.
- Si tu pouvais lâcher cette jeune fille... aucun de nous deux ne voudrait la blesser durant notre affrontement.
Link se mordit la lèvre. Il ne lui laisserait pas le temps de lui donner la Triforce. Instinctivement, il la serra encore plus contre lui, comme pour en faire un bouclier humain. C'était sa dernière chance désormais. Ganondorf ne lancerait pas les hostilités tant qu'il risquerait de toucher Leïa. Il devait profiter de ce délai pour se transformer. L'ancêtre commençait à s'énerver.
- Lâche cette fille immédiatement, misérable lâche.
- Pour une fois que les rôles sont inversés, tu pourrais faire durer l'instant !
Ganondorf se retourna. Raphaëlle était apparue comme par enchantement à un coin du balcon. Elle avait son apparence d'ange blanc. Ganondorf trembla un instant à la vue de cette créature qu'il avait tant chérie, mais un sourire pervers apparut vite sur son visage.
- Alors c'était vrai... Le gamin n'avait pas menti. Tu es venue me supplier de te pardonner, mon trésor ?
- Comme si l'un de nous avait envie de te supplier ici. Je ne suis ici que pour une seule chose...
- La fille de Robin ne t'appartient pas, c'est auprès de sa famille qu'elle restera.
- Robin n'est pas son père, imbécile !

Un silence de mort s'installa sur la citadelle. Le coeur de Link avait fait un bon et lui avait fait perdre toute sa concentration. Leïa n'était pas la fille de Robin ? Ce n'était pas une Gerudo maudite ? Ça pouvait changer tant de choses pour son avenir. Ganondorf, lui aussi, fut marqué par cette affirmation.
- Tu mens ! Elle n'aurait pas été désignée comme élue de la Triforce si ses ancêtres n'avaient détenu qu'un seul fragment de la toute puissante relique. Je sens le sang des Gerudos couler dans ses veines.
- Oh, bien sûr qu'il coule dans ses veines puisque... c'est ta fille !
Link perdit à nouveau toute sa concentration. De toutes les révélations que Raphaëlle pouvait faire à cet instant, celle-ci était la pire. Il sentit le corps de son amante trembler dans ses bras. Elle était consciente. Avait-elle entendu ? La première-née continuait ses révélations.
- Je t'ai menti, oui. Je t'ai menti le jour où nous nous sommes retrouvés à Alkantir, lorsque je t'ai dit que notre enfant était mort-né.
La main du Gerudo se mit à trembler. L'emprise sur son épée se relâcha et elle tomba dans un bruit sourd sur le sol.
- L'enfant de Diana était né depuis une semaine lorsque je perdis les eaux... Deux mois avant la date prévue. Robin n'était pas là. Diana et moi étions seules. C'était la panique. Mon accouchement dura quatre interminables heures, quatre longues heures durant lesquelles nous ne pensions qu'à l'enfant à naître, et pas à celui qui... qui était en train de s'étouffer dans sa chambre. Lorsque tout fut fini, Diana s'endormit et moi, je montais voir comment allait son enfant. Ce fut là que je vis que l'enfant était mort, et par ma faute. Alors j'ai réparé comme j'ai pu, en remplaçant son enfant mort par le mien. Ils n'en ont jamais rien su. J'étais de toute façon toujours là pour m'occuper de mon enfant.
Link sentit un liquide chaud sur sa main. Leïa pleurait. Il se ressaisit immédiatement. Puisque Raphaëlle semblait avoir trouvé le moyen de gagner un temps précieux, il allait revenir à son idée de départ de remettre son fragment à la jeune fille entre ses bras. Il se re-concentra à nouveau pour faire appel à la magie divine. La fille de Ganondorf lui saisit la main. Elle savait aussi ce qu'elle devait faire. Le sorcier ne faisait plus attention à eux. Il avait le regard perdu dans le vide. Ce dernier se mit à avoir un rire nerveux.
- Fichue famille... et je le savais... Dès que j'ai vu cette gamine, j'ai senti qu'elle était plus proche de moi que n'importe quel autre de ces traîtres bâtards.
Il rejeta la tête en arrière, son rire devenant de plus en plus fort.
- Ainsi, leur gosse était mort et ils ne le savaient pas ? C'est vraiment trop risible. Quelle vengeance insolite. Et c'est toi qui m'offre cette vengeance... Raphaëlle, mon petit ange... Notre famille est enfin réunie... Après tout ce temps, toutes ces trahisons, toutes ces souffrances inutiles... Quand je pense que j'ai retourné la terre entière pour ça.
Link sentit sa main lui brûler. La Triforce du courage était enfin en train de changer de propriétaire. Une lumière blanche enveloppa la jeune fille. Elle se mit à léviter. Raphaëlle faisait tous les efforts possibles et imaginables pour ne pas trahir son intérêt pour ce nouvel événement. Il fallait qu'elle maintienne l'attention de Ganondorf.
- Et c'est ici... au sommet du monde, au-dessus de tous ces cadavres...
Le rire nerveux se muait en larmes. Link n'en croyait pas ses yeux. Après tout le mal et toute la violence dont il savait ce monstre capable, les pleurs étaient la dernière chose qu'il attendait. Toute cette angoisse pour un pauvre fou... Il était soudain si pitoyable.
Raphaëlle sentit toute sa haine fondre plus vite que le glacier de la citadelle. Elle non plus n'avait jamais vu le sorcier pleurer. Un tel aveu de faiblesse la bouleversait. Elle quitta la balustrade pour prendre le sorcier dans ses bras.
- Ganon... oui, nous sommes tous là... tous ensemble...
- Tout ça pour ça... J'ai failli... Mon amour, pourras-tu jamais me pardonner ?
Leïa avait fini sa métamorphose et revint sur le sol. Elle avait à présent l'apparence que Link avait contemplée dans le futur parallèle. Tout chez elle était plus blanc que la neige des montagnes et de cette apparence tranquille émanait une douce lumière. Elle prit la main de son amoureux.
- On fait quoi, maintenant ? On ne peut pas l'occire comme ça.
- Je t'avoue que je n'y comprends plus rien.
- Moi non plus... Raphaëlle !
La première-née releva la tête pour regarder sa fille.
- Regarde-moi dans les yeux et dis-moi la vérité, Raph.
- L'enfant de Robin et Diana est mort par ma faute... Je n'étais pas digne d'en avoir un... Je leur ai donné le mien.
- Non !
Leïa était désemparée. L'idée d'être responsable dès sa naissance de la mort d'un innocent, plus l'idée d'être la progéniture de ce... sorcier... l'horrifiait. Elle se regarda d'un air de dégoût. Link la prit dans ses bras.
- Ne te méprends pas. Je me fiche des circonstances de ta naissance et de qui sont tes vrais parents. Ça ne te change pas. Tu es toujours toi. Tu es la fille la plus courageuse, la plus forte, la plus douce que j'ai jamais rencontré et je t'aime, malgré tous les ancêtres que tu puisses avoir.
- Son sang coule dans mes veines...
- Il coulait déjà dans tes veines avant, tu te rappelles ? Il y a juste 3 générations de décalage. Il coule dans mes veines aussi, et alors ? On ne marchera pas dans ses pas et on s'aime de toute façon.
Leïa, pour toute réponse, se blottit contre lui. Le premier-né ne savait plus quoi faire. Il ne comprenait plus rien à ce qui se passait. Tout ceci était loin de se passer selon les prévisions du futur parallèle. Venait-il de changer son futur ? Avait-il commis l'acte qui bouleversait tout ? A voir son ennemi en train d'enlacer la femme de sa vie dans ses bras, Link sentait que la fameuse bataille finale s'envolait. Ganondorf n'était pas prêt à commencer un violent combat où se jouerait l'avenir du monde.
Ils restèrent tous silencieux une longue minute. Le duc d'Albe, reprenant doucement connaissance, se mit à ramper vers le vénérable pour s'assurer de son état. Personne ne faisait attention à lui. Raphaëlle posa sa tête contre celle du Gerudo.
- C'est fini, Ganondorf. On va rentrer, tous les deux. Tu vas venir chez moi. Nous finirons notre vie ensemble, paisiblement. On va oublier tout ça.
- Ensemble...
Il passa une main dans ses cheveux, huma son parfum.
- Je suis si fatigué...
Il ferma les yeux... mais les rouvrit immédiatement. Une lumière rouge-feu s'en dégageait.
- Hors de question...
Raphaëlle releva la tête. Link et Leïa regardaient la scène avec surprise. Ils ne reconnaissaient pas cette voix grave et métallique.
Une aura inquiétante enveloppa le seigneur des ténèbres. Raphaëlle lâcha son protégé en poussant un cri. Il l'avait brûlée.
- Ote-toi de mon chemin, vermine, gronda-t-il.
Leïa appela sa mère naturelle, celle-ci lui répondit qu'elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Link, ayant un mauvais pressentiment, se remit à invoquer ses pouvoirs de premier-né. Il allait l'avoir, sa bataille, mais quelque chose lui disait qu'une très mauvaise surprise se préparait.
Ganondorf se changea un instant en un gigantesque brasier. Lorsque les flammes diminuèrent, elles révélèrent un sorcier métamorphosé. Il avait encore gagné en taille et en muscles, avait une armure de feu et des ailes nimbées de flammes. Son visage avait vingt ans de moins, mais était déchiré par un regard aussi rougeoyant que le brasier d'une forge.
- Ganondorf...
D'un geste brusque, il envoya Raphaëlle contre un mur.
- N'utilise plus jamais ce nom, petit rat ! Cette misérable enveloppe terrestre était un lamentable échec. Elle était incapable de satisfaire mes ambitions et a souillé ma puissance de ses sentiments stupides ! Moi, Ganon, celui qui écrasera les dieux, je vais reprendre les choses en mains.
Link se mordit les lèvres. Il avait oublié que Ganondorf, lui aussi, était un premier-né. Léger imprévu... sous une forme ultime d'ange, le sorcier serait beaucoup plus difficile à battre.
1 A quoi vous vous attendiez avec une héroïne baptisée Leïa ? Quand je pense que cette idée de révélation last minute me trotte en tête depuis le jour où j'ai choisi ce prénom pour mon héroïne...
Ganon décida de commencer par éliminer sa plus grande menace, la gardienne de la Triforce. Il fonça vers elle, mais Link sut pousser sa protégée à temps. Furieux, l'ange déchu saisit l'elfe à la gorge et le souleva au-dessus du sol.
- Et c'est ÇA qui est sensé m'envoyer dans l'autre monde ? Vraiment pitoyable...
Il serra son emprise sur le cou de son jeune adversaire, décidé à l'étouffer. Link sentit l'air lui manquer. Un instant, il crut qu'il était perdu et que tout serait à recommencer, mais soudainement, il sentit la main le lâcher. Leïa s'était décidée à réagir, avait agrippé Ganon au visage et lui enfonçait ses doigts dans les yeux. L'ange déchut hurla de douleur, mais finit par attraper les bras de la jeune fille et la fit tomber sur le sol.
- Pas de ça avec moi, petite sotte. Attends ton tour.
Pour être sûre que la demoiselle ne l'entrave pas durant son combat, il l'assomma d'un coup de pied au visage. Il se retourna ensuite vers Link, un sourire mauvais sur les lèvres. Le jeune homme comprenait maintenant pourquoi Raphaëlle s'inquiétait tellement du temps qu'il mettait à atteindre sa forme ultime. Le sorcier ne lui laisserait jamais dix secondes pour se transformer. Il était trop fort et trop rapide.
Encore une fois, tous deux se trompaient. Alors que le premier-né diabolique s'apprêtait à frapper le faible garçon, une massue vint s'écraser sur son crâne. Raphaëlle s'était remise de ses émotions, s'était métamorphosée et avait su trouver une arme solide. Elle cria à Link de lui passer ses gants, pour qu'elle puisse se défendre plus efficacement.
Le chevalier, bien que dépassé par les événements, lui obéit, tout en tentant d'acquérir la puissance nécessaire à sa propre métamorphose, mais impossible de se concentrer avec tout ce qui se passait autour de lui. La mère de Leïa avait attrapé ses gants et matérialisé entre ses mains un redoutable fléau garni de piques et parvenait à tenir son ennemi en respect. Le duc d'Albe qui, jusqu'ici, avait fait le mort, ramassait le vieux chef des Sheikahs et l'emmenait à l'intérieur du bâtiment. Au moins, il dégageait les lieux. Leïa aussi reprenait connaissance. Elle regarda les divers belligérants, puis se tourna vers Link d'un air désespéré.
- Tu... qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu ne te bats pas ?
- J'essaye, mais je n'ai aucune chance si je ne possède pas ma forme ultime, et je ne l'atteindrai jamais si on me déconcentre toutes les dix secondes.
- Pardon... mais je me sens inutile, qu'est-ce que je peux faire ?
Link la regarda d'un air étonné. Elle était inutile ? Elle ne savait pas quoi faire ? Avait-elle seulement compris qu'il avait préféré consacrer son précieux temps à lui remettre la Triforce de la sagesse plutôt qu'à se transformer ? Elle ne pouvait rien faire ? Au contraire ! Elle pouvait tout faire !
- Leïa ! Mais c'est toi qui peux agir. Tu as la Triforce au complet !
- Hein ? Mais depuis quand ?
Et voilà, Link avait une fois de plus perdu toute sa concentration avec cette vague de déprime.
- Je te l'ai passée il y a trente secondes. Utilise-la, par tous les dieux !
Intriguée, la jeune fille regarda sa main droite. Les quatre fragments y brillaient. Link sentait l'impatience le gagner. Il prit la main de la jeune fille.
- Ecoute, fais-moi confiance et fais ce que je te dis. Tu vas y arriver. Je souhaite que Ganon soit pétrifié à l'instant même.
Leïa était surprise par l'attitude de Link, mais pas autant de Ganon qui venait de réaliser la menace. Il ignora Raphaëlle et son fléau et s'envola pour neutraliser la gamine une bonne fois pour toutes. Terrorisée, la jeune fille tendit un bras vers lui. L'ange déchut s'arrêta net. Il était changé en une énorme statue de basalte, qui tomba sur la terrasse en un bruit sourd.
- Hein ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
Link poussa un soupir. Même si la jeune fille avait encore du mal à réaliser ce dont elle était capable, elle avait quand même su éviter le pire. Il posa un baiser sur sa joue en la félicitant. Raphaëlle, elle, n'avait pas l'air contente du tout.
- Bon, le petiot ! Qu'est-ce que tu as fabriqué sur Cocolint ? Je pensais que tu avais eu droit à un entraînement de circonstances. Tu n'as rien foutu de tout ce combat ! Comment as-tu osé faire courir le moindre risque à Leïa ? Tu es sensé la protéger, pas t'en servir comme d'un bouclier.
Link baissa les yeux, gêné. Leïa avait le sourire aux lèvres. C'était une façon assez insolite de clore la bataille. Soudain, un étrange bruit fit taire la première-née. Des rayons rouges émanaient de la statue, et d'étranges sifflements s'en échappaient.
Ce n'était pas terminé.
Une nouvelle fois, Link recommença à canaliser ses pouvoirs. Il devait le faire, cette fois-ci. Il devait neutraliser Ganon maintenant, ou il ne le ferait jamais.
Leïa eut immédiatement le réflexe de se mettre entre Link et la statue qui commençait à frémir. Raphaëlle la força à se retirer.
- Ne gaspille pas les pouvoirs de la relique. Link doit le faire tout seul.
- Mais...
- Je sais qu'avec toi, il a toutes les chances de réussir, mais sa condition de premier-né lui impose d'instaurer l'équilibre seul. C'est difficile à comprendre, mais c'est comme ça.
Link ferma les yeux et s'efforça de ne pas écouter les deux filles. Il n'avait pas besoin qu'elles le stressent plus qu'il ne l'était déjà. Il essaya d'oublier tout ce qui se trouvait autour de lui, tous les bruits inquiétants, toute cette tension... il devait être particulièrement calme pour pouvoir faire jaillir son pouvoir du plus profond de lui-même. Ce n'était vraiment pas facile, car Leïa commençait à s'agiter et sa mère à crier pour la calmer.
Mais il finit par sentir cette étrange chaleur, cette ivresse de puissance qui envahissait son corps. Il sentit son corps se métamorphoser doucement. Il sentit les ailes lui pousser dans le dos, ses muscles doubler de volume... En même temps, cela commençait à crier autour de lui. Il en déduisit que son ennemi s'était libéré. Il ouvrit les yeux. Leïa retenait Ganon dans une sorte de boule lumineuse. Un coup d'oeil à Raphaëlle lui fit comprendre qu'il avait réussi sa transformation.
- Dans dix secondes, Leïa va briser sa prison. Nous allons nous éloigner d'ici pour éviter de te gêner. Nous te souhaitons bonne chance.
Ce qui fut dit fut fait. Très vite, la boule de lumière vola en éclat comme si c'était une boule de cristal. La première-née saisit Leïa dans ses bras et s'envola avec elle loin de la citadelle. Ganon, furieux, déploya ses ailes pour se lancer à leur poursuite. Link comprit qu'il était temps d'intervenir. Ganon s'envola, Link le suivit. Le dément comprit très vite qu'il était suivi. Il tourna la tête pour voir son ennemi.
- Mais si ce n'est pas ce vieil Alinkto... j'espérais ne plus jamais revoir ta précieuse tête de rat.
Il eut un sourire mauvais et s'arrêta. Il tendit un de ses bras et une épée rougeâtre, ressemblant à l'arme que Ganondorf utilisait auparavant. Link prépara sa gigantesque épée. Les deux premiers-nés foncèrent l'un sur l'autre.
Ganondorf semblait avoir un avantage certain, car il déployait beaucoup plus d'énergie que son adversaire. Il était habité par une rage furieuse. Mais avec son entraînement sur Cocolint, Link avait compris à quel point ce déploiement d'énergie était inutile. Il savait que son ennemi finirait par se fatiguer. Il commença donc par laisser son ennemi se défouler, tout en l'évitant le plus possible. Effectivement, après seulement deux minutes d'agression intensive, Ganon commença à s'essouffler. Link en profita pour passer à l'attaque. L'ange déchu était tellement occupé à reprendre son souffle qu'il n'arrivait pas à se défendre correctement. Link put donc toucher son adversaire à plusieurs reprises, mais aucun de ses coups ne sembla causer de mal à son ennemi.
L'ex-sorcier décida de changer de stratégie. Il sentait ses forces disparaître trop rapidement. Il fonça vers la terrasse, se posa et prit sa forme animale, celle du gigantesque Minotaure que l'elfe avait affronté dans le futur parallèle. Link le suivit, hésitant. Il avait un avantage certain pour le moment, mais il savait qu'en la gardant, il s'épuiserait à son tour. Il valait mieux affronter le monstre sous forme humaine ou animale. Mais ses autres apparences lui semblaient tellement dérisoires... Un simple elfe ou l'animal qu'il cachait en lui n'était rien par rapport au monstre devant lui.
Résigné, il se décida à risquer sa vie en gardant sa forme d'ange.
Le combat ne fut pas vraiment compliqué. Link comprit tout de suite comment s'y prendre avec le monstre. Il fallait être suffisamment rapide et précis pour pouvoir se trouver dans le dos de la bête au moment où elle levait ses énormes bras griffus. Cela lui permit, en quatre essais, de trancher les nerfs vitaux de son ennemi. Le monstre s'immobilisa un instant, puis s'effondra, se recroquevilla et se changea petit à petit en un tas de cendres. Link se posa et reprit sa forme humaine. Il s'approcha avec méfiance de sa victime. Il n'était pas sûr que Ganon soit hors d'état de nuire. La cendre finit par se disperser sous l'action du vent. L'elfe laissa échapper un cri de surprise. A la place de l'énorme bête, il y avait Ganondorf... mais incroyablement changé. C'était le cadavre d'un vieillard de 90 ans qui gisait à ses pieds. Link pensa aux nombreuses leçons de Jabu. C'était donc ça, ce qu'il voulait dire par usage abusif d'énergie et de vie.
Il entendit du bruit derrière lui. Il se retourna. Raphaëlle et Leïa étaient de retour. Il leur fit un léger sourire. Elles, elles eurent un mouvement de recul. L'elfe pouvait voir de la stupeur, voir de l'horreur dans leurs yeux.
- Link... qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
Link ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Ce ne fut que lorsque Leïa se jeta en pleurant dans ses bras en gémissant qu'elle l'aimait encore qu'il comprit qu'il y avait un problème. Il jeta un coup d'oeil vers Raphaëlle qui fuyait son regard. Elle était plus soucieuse de celui qui avait été son seul amour. Elle s'agenouilla à côté du Gerudo, passant sa main sur son visage. Elle finit par parler.
- C'était un humain, et déjà vieux... il devait être si fatigué de vivre. Etre possédé par un premier-né comme Ganon, cela devait être très dur.
- Comment ça, possédé ?
- Tous les premiers-nés ne vivent pas de la même manière... Certains n'ont pas de buts bien définis dans leur existence. Ceux-là errent sur terre pour dispenser leurs bienfaits ou malheurs. et possèdent des enveloppes corporelles personnelles qui ne vieillissent pas par l'usure du temps. J'appartiens à cette catégorie, comme Valoo. Ensuite, il y a ceux qui ont un rôle très précis à jouer dans le déroulement des choses et dont la personnalité demeure enfouie dans le corps de mortels en attendant leur heure. Ganon et toi, vous en faites partie... Tu es un elfe à part entière, mais au fond de toi, il y a quelqu'un d'autre : Alinkto. Si la situation se faisait cruellement sentir, il se serait réveillé. Cela n'a pas été le cas cette fois-ci. Enfin... tu as encore de la chance d'être un elfe, ça te permet de t'en tirer mieux que Ganondorf, beaucoup mieux. Alinkto a bien calculé son coup en se réincarnant dans des elfes.
- Vous pouvez me dire ce qui cloche, à la fin ?
Raphaëlle tendit une main et fit apparaître un miroir. Link le prit, comprenant enfin que son physique avait dû changer. La surface polie renvoyait l'image d'un visage parsemé de rides et aux cheveux argentés. Il avait vieilli de 40 ans en un quart d'heure.
- Tu es un elfe... tu vis plus longtemps que les humains. Contrairement à ce que tu penses, tu as vieilli de plus d'une centaine d'années. Tu as gardé ta forme angélique plus longtemps que lui. Enfin, la vieillesse te va bien, ce n'est pas si mal. Et tu dois avoir encore une bonne cinquantaine d'années à vivre. Ganondorf était un simple humain... Les capacités de son corps étaient bien plus limitées. Cela a dû sérieusement jouer dans le combat. Ganon a dû l'oublier et c'est pour ça qu'il s'est si vite épuisé. Lors de sa prochaine réincarnation, il ne fera peut-être pas cette erreur.
- Quoi ? Ganon va ressusciter ?
- Hélas. Il fait partie de la balance du monde. Il a un rôle particulièrement crucial dans l'ordre du monde. On a parfois besoin de cruelles calamités pour rétablir un équilibre. Regarde ce monde épuisé par l'absence de sa source de vie. Si Ganon n'était pas revenu, personne n'aurait jamais pensé à réunir la Triforce. Il a terminé une ère en procédant à un grand nettoyage. Maintenant, la gardienne de la sainte relique va en construire une nouvelle avec ses pouvoirs. C'est comme ça que cela se passe depuis la nuit des temps. C'est ce qui s'était passé à l'époque de Robin et aussi à celle du héros du temps. Quand le monde aura besoin d'un grand nettoyage, il reviendra, et le héros éternel aussi pour mettre un terme au grand nettoyage, mais ce ne sera certainement pas pour toi. C'est ainsi que vont les choses. Je suis désolée, ce n'est pas très gai de prendre un nouveau départ avec des paroles pareilles.
Link n'avait rien à répondre. Quelque chose au fond de lui sentait que c'était parfaitement évident et que cela ne pouvait pas se passer autrement. L'elfe se sentit tout d'un coup terriblement mélancolique et fatigué. Etait-ce une conséquence de sa vieillesse rapide, ou le fait que la nature du héros éternel se soit réveillée en lui, ou encore le fait qu'il avait enfin clos un cycle infernal de combat ?
Leïa serra Link dans ses bras.
- Et bien... ce n'est pas si grave... La première chose que je vais faire, c'est rendre à Link toute sa jeunesse.
Link la saisit par la main.
- Ne gaspille pas ta magie pour moi... Cinquante années, c'est bien suffisant pour moi, si tu les passes à mes côtés. Hyrule a bien plus besoin de tes talents qu'un vieil elfe.
Leïa le regarda d'un air étonné. Link prit son courage à deux mains.
- Leïa... veux-tu vivre avec moi les dernières années de ma vie, même si je suis un vieillard ? Tu sais... tu peux rajeunir mon corps, mais je ne pense pas que tu puisses faire de même pour mon âme.
La jeune fille le regarda avec des yeux humides. Elle commençait à comprendre où il voulait en venir. Raphaëlle détournait les yeux. Elle n'était pas triste, simplement émue par une telle déclaration.
- Veux-tu vivre avec moi et m'aimer comme je suis ?
La gardienne de la Triforce se blottit contre le vieil homme.
- Je t'aime comme tu es et je ne veux pas vivre loin de toi... mais...
- Mais ?
- Tu sais... il y a quelqu'un qui... enfin... je devais te le dire mais... je suis enceinte ! Tu veux que ton fils te voit comme un grand-père ?
- Tu sais, de toute façon, il est condamné à nous perdre très vite. La malédiction des Gerudos maudits tient toujours.
Il y eut un silence gêné. Mais Leïa sourit et reprit la parole.
- Et bien... voilà une bonne façon de commencer cette nouvelle ère. Je vais lever la malédiction.
- Ah oui, ce n'est pas une idée idiote.
- "Ce n'est pas une idée idiote, il est condamné à nous perdre...". C'est tout l'effet que ça te fait d'être père ?
- Ben... en fait, j'étais aussi père dans mon futur parallèle. Le temps de la surprise est déjà passé.
- Quoi ? Tu veux dire que dès le début, tu savais qu'entre nous deux, ça finirait comme ça ?
- Heu, je ne te l'avais pas dit ?
- Tu m'avais dit qu'on était sortis ensemble, pas qu'on avait couché ensemble ! Espèce de vieux pervers lubrique !
Et alors que les montagnes prenaient les couleurs rose-orange du crépuscule, que deux amoureux se chamaillaient sur la terrasse d'un édifice sur le toit du monde, une nouvelle ère commençait.
Le petit Ayamé regarda le cadran solaire. Il devait être cinq heures de l'après-midi. Il pouvait enfin interrompre la sieste de son père. Il rangea les outils qu'il avait dans les mains et se dirigea vers le pavillon dans les arbres. Son papa n'était pas au rez-de-chaussée. Le petit garçon grimpa donc l'échelle qui menait à la mezzanine. Son père était allongé dans le hamac et dormait paisiblement. Il avait les traits d'un vieil elfe, très vieil elfe, avec quelques rides et des cheveux blancs comme des nuages. Son visage serein donnait presque envie au gamin de le laisser tranquille. Mais non, un engagement était un engagement. Il avait promis de donner des cours d'escrime à son ami et à lui. Arthur avait dit qu'il viendrait vers 5 heures. Il fallait être prêt.
Ayamé secoua donc le hamac de son père.
- Papa, réveille-toi. Il est cinq heures.
Pour unique réponse, l'elfe se retourna de l'autre côté, tout en continuant de somnoler. Mais Ayamé ne se découragea pas.
- Papa papa papa papa papa papa papa papa papa papa...
Le vieil elfe déclara forfait et se leva.
- Il n'y a donc pas moyen de dormir dans cette maison ?
- Tu avais promis qu'à cinq heures tu nous donnerais des cours.
- Ils sont arrivés, Arthur et son papa ?
- Ils ne vont pas tarder. Il est cinq heures.
- Bon, de toute façon, tu vas m'empêcher de me rendormir. Je descends. Va chercher le matériel.
- J'ai déjà tout préparé dans le jardin.
- Alors descends. Tu n'as plus rien à faire ici. Va guetter l'arrivée de nos invités.
Le petit garçon obéit et disparut en un clin d'oeil. Le vieil elfe s'étira, mit sa tunique et descendit à son tour. Au moment où il posa le pied sur la pelouse, la voix de son fils retentit.
- ILS SONT LAAAA !
Une minute plus tard. Le gamin courait avec un autre enfant du même âge dans tout le jardin. Un homme d'une trentaine d'années apparut derrière eux. Il avait des cheveux bruns mi-longs en bataille et était vêtu d'une tunique raffinée.
- Bonjour Link.
- Bonjour Rick. Bon voyage ?
- Comment veux-tu que ça se passe avec un petit monstre comme Arthur ? Qu'est-ce que c'est dur de s'occuper d'un enfant, pas vrai ?
- A qui le dis-tu ? Comment vont les autres ?
- Tous débordés. La reconstruction des villages prend tellement de temps et il y a si peu de monde. Lors de cet hiver, il y a 8 ans... il avait été si rude. Il y avait eu tant de pertes. Le froid a détruit le royaume. Heureusement que la nature reprend vie et que nous avons tout en abondance.
- Leïa a fait du bon travail. Elle a été à la hauteur de la tâche. La prophétie disait vrai : "l'union de la Triforce apportera l'âge d'or".
- Où est-elle, maintenant ?
- Elle a décidé, il y a deux jours, d'aller apporter ses bénédictions dans un royaume voisin, Holadurum ou un truc du genre. Ce pays a aussi été grandement affecté par toutes les calamités de Ganondorf. Elle est accompagnée par deux premiers-nés de ma connaissance. Je ne sais pas combien de temps ça va prendre.
Les deux enfants revinrent vers les adultes. Ils réclamaient leur leçon d'escrime. Link proposa à son vieil ami d'aller l'attendre au pavillon. Rick ne se fit pas prier. Le voyage avait été assez épuisant. Link le rejoignit deux heures plus tard. La nuit commençait à tomber et les enfants allumaient des flambeaux dans le jardin.
- Je dois t'avouer quelque chose, Rick... je me sens tellement vieux et fatigué que j'ai l'impression d'être un grand-père.
- Tu sais, techniquement parlant, tu pourrais être arrière-arrière-arrière-grand-père.
- Je n'ai quand même pas vu tant de temps défiler.
- Je croyais que...
- Oui, lorsque Leïa m'a rendu la mémoire sur tout ce temps n'existant que dans mon esprit, ça m'a fait un vrai choc. Je n'avais pas fait le voyage trois ou quatre fois comme je le pensais, mais 14 fois. En additionnant tous ces futurs ensemble, j'ai bien dû vivre 20 ans de souffrance et de désespoir en l'espace de quelques secondes. Je suis toujours là, mais suis-je toujours en bon état ?
- Je vois bien que ça t'a fait quelque chose. Tu n'es plus l'elfe de grand chemin qui régnait en maître sur les plaines et les forêts il y a moins de dix ans. Mon meilleur ami est devenu mon grand-père.
- Je sais. Beaucoup de gens m'ont fait cette réflexion. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, cela ne me dérange pas.
- C'est vrai qu'après les combats, je me demandais pourquoi tu avais demandé à Leïa de ne pas te rajeunir. Pourquoi tiens-tu tellement à rester vieux, faible et fatigué ?
- Tu veux vraiment savoir ? Avec le recul, je dirais que j'ai choisi cette voie pour enfin être tranquille. Tu sais, toute cette aventure pour sauver le monde et tuer Ganondorf, ce n'était pas à moi qu'on demandait de le faire, c'était à un premier-né. Durant tout ce temps, je n'existais plus. J'avais fait place au héros éternel. Je n'étais plus moi, mais rien qu'un prisonnier d'un destin imaginé par les dieux. Je crois que la vieillesse était le prix à payer pour redevenir Link, simple bandit agissant comme bon lui semble.
- Ça... Les grands de ce monde t'ont vite laissé tranquille. Ils t'ont presque oublié. A ta place, je prendrais ça comme de l'ingratitude.
- Ils avaient mieux à faire. Zelda est devenue la gardienne du froid. Elle s'est enfin trouvée quelque chose à la hauteur de ses responsabilités et prend son rôle au sérieux. Ensuite, le roi est décédé... Il a fallu refaire tout le gouvernement. Il y avait tellement peu de survivants de ce rude hiver qu'ils ont dû réformer le royaume tout entier. Hyrule est devenu un état socialiste.
- J'ai toujours du mal à le réaliser...
- Et au fait, pas de nouvelles de Rajick ?
- Ah si ! Le mariage avec la princesse Soraya est prévu pour la fin février de l'année prochaine. Je n'aurais jamais cru qu'il devienne roi un jour.
- Moi non plus. Tu l'imagines assis sur un trône ?
Il y eut du bruit sur la pelouse. Ayamé applaudissait Arthur qui faisait voler des torches par la pensée.
- Il a hérité des talents de sa mère. Bon, il ne lit pas les pensées des autres, mais je trouve ses pouvoirs plutôt impressionnants. Le jour où il a fait voler son assiette de champignons pour la première fois, Djin et moi étions vraiment stupéfaits.
- Ca promet.
- Ca ne te fait vraiment rien de savoir que tu ne vivras probablement pas assez longtemps pour voir ton fils se marier et avoir des enfants à son tour ?
- Je vous fais confiance pour prendre soin de lui.
- La mort ne te fait pas peur ?
- J'ai passé tellement de temps à lui échapper. J'avais l'impression que je ne trouverais jamais le repos éternel, avec ce foutu pouvoir de premier-né. Enfin, maintenant, le problème est réglé.
- Comment ça ?
- Tu te souviens de la tombe de Robin des bois ?
- Là où il y avait cette...
- Oui, là où il y avait l'araignée géante. Le spectre nous avait dit que Robin avait quitté ce monde avec l'aide d'une première-née pouvant donner la mort d'un simple signe de la main.
- Ah oui... et alors ?
- Alors, j'ai rencontré cette Anya la Faucheuse.
- QUOI ?
- Nous avons parlé trois bonnes heures. Finalement, nous avons fixé ensemble la date de notre prochain et dernier rendez-vous.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Que je sais exactement le jour et l'heure de ma mort. J'attends cet instant avec impatience. Mais je suppose que toi, tu n'as pas envie de le savoir.
- Ah ça non, alors ! Je ne peux pas supporter l'idée de faire le décompte des jours qu'il me reste à passer avec toi. Surtout, garde la surprise.
- Tu as l'air triste.
- Mais bien sûr que je suis triste ! Et encore... pense à Leïa si elle savait ce que tu viens de me dire.
- Je ne lui ai pas dit non plus. Je la crois capable d'aller neutraliser la faucheuse pour me garder le plus longtemps possible sur terre.
- Est-ce que tu réalises le mal que tu vas nous faire en partant comme ça ?
- Nous devons tous partir un jour, Rick. Autant que ce soit dans les meilleures circonstances possibles. J'ai décidé de ne pas affronter cet instant comme un ennemi, mais comme un passage.
- Donc, aucun regret ?
- Non... je me sens en paix. Je ne me suis jamais senti libre et tranquille. J'ai cessé de défier le temps, je marche tranquillement à ses côtés comme on suit un cours d'eau. L'elfe que je suis n'a jamais rien désiré de plus.
- Bon...
Rick resta silencieux. Le calme fut troublé peu de temps après par les deux enfants qui venaient réclamer des histoires de leurs parents.
- Racontez-nous une histoire d'avant le grand hiver ! Racontez-nous comment vous viviez dans les bois.
Les deux hommes se regardèrent avec un sourire. Puis Rick commença sur un ton amusé
- Bon, alors je vais vous raconter comment on a mis tes parents ensemble, Ayamé.
- Vous les avez fait se rencontrer ?
- Disons que si je n'y avais pas mis mon grain de sel, je suis sûr que tu ne serais pas encore né.
- UNE MINUTE, RICK ! QU'EST-CE QUE TU ES EN TRAIN D'INVENTER ?
- Mais c'est la stricte vérité. Tu étais tellement coincé qu'il a fallu qu'on te mette la pression pour que tu te décides enfin à lui parler.
- Ca ne va pas se passer comme ça, je vais raconter comment tu as dragué ce qui te semblait être une innocente jeune fille à la ferme Loons.
- Tu n'oseras pas !
- Tu me mets au défi ?
...
FIN
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "El Wap". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.