The Legend of Zelda: Le prisonnier du temps
Link et Blanche arrivèrent sans gros problèmes à destination. On ne les avait pas vu arriver. Toutes les personnes présentes sur le balcon étaient bien trop occupées pour faire attention à un elfe des bois et une jeune Sheikah. Les deux jeunes gens quittèrent donc la corniche pour le large balcon et s'approchèrent de Sir Marsias et de Zelda.
- Marsias... vous êtes peut-être le premier chevalier du royaume, cela ne vous donne pas le pouvoir de dire ce qui est bon pour moi.
- Pourtant, je le dis... il faut croire qu'en temps de crise, rien n'est plus comme avant. Princesse, je vous en prie... Vous ne pouvez pas aider votre père ici.
- Bien sûr que si ! Il a besoin de ma présence, de mon soutien...
- Non... vous n'allez que le gêner.
- Silence ! Je ne vous permets pas. Je ne quitterai pas le château sans lui, vu ?
L'homme semblait désespéré de trouver une solution.
- Marsias... Je crois que tu n'utilises pas la bonne méthode, annonça Link.
La princesse et le chevalier se retournèrent vers le nouveau venu. Si le chevalier ne semblait pas fort surpris par cette intervention, la jeune fille avait le visage rouge comme une tomate et regardait le jeune homme avec des grands yeux. Link prit sa respiration et son courage à deux mains. Si Leïa était là, elle ne le lui aurait jamais pardonné, mais il fallait bien qu'il fasse quelque chose.
- Zelda... j'ai promis à ton père que je te ferai quitter le château. Alors... tu restes ici ou tu me suis ?
La jeune fille ne bougeait pas. Elle jetait des coups d'oeil hésitants du côté de son père et des remparts et semblait avoir perdu le zèle à s'opposer aux moindres paroles du premier Chevalier du royaume. Link décida d'en remettre une couche. Il était persuadé que s'il lui avait proposé la même chose dans la forêt ou au sanctuaire de pierre, elle se serait jetée sur lui sans hésiter. Mais ici, elle devait se montrer noble et forte. Elle était prise au dépourvu.
- Zelda, est-ce que tu m'as entendu ? JE t'emmène, TOI... toute seule...
- Heu... bien sûr... mais je... enfin...
Elle regarda encore son père.
- Je te suis, mais pas sans mon père. Il part avec nous.
- Et s'il ne veut pas partir... qu'il veut faire diversion pour que tu puisses partir discrètement, justement ?
- Tu m'aides à emmener mon père, oui ou non ?
- J'aimerai le sauver, mais il ne veut pas.
- Et bien, je ne veux pas être sauvée si lui reste ici.
- Bon, bon... mais je te préviens, ça va prendre beaucoup de temps pour le convaincre, et nous n'en avons pas assez. Des mercenaires de Ganondorf se sont introduits dans le château. Les hommes de ton père ne résisteront pas très longtemps.
- Raison de plus pour se dépêcher.
Reprenant toute son assurance, la jeune fille se dirigea vers son père. Résigné, Link et Blanche la suivirent.
A cet instant, on constata que des monstres commençaient à s'attaquer au portail avec un énorme bélier. L'invasion du palais ne saurait tarder.
- Papa... tu ne peux plus rien faire. Il faut partir, maintenant, dit Zelda en prenant la main de son père.
Le roi se tourna lentement vers sa fille.
- Mais pour aller où ? Ma place est ici.
- Elle est auprès de tes enfants et de ton peuple. Suis celui qui va survivre. Viens avec moi.
Link constata que la jeune fille avait décidé de sortir le grand jeu pour convaincre son royal père, yeux pleins de larmes, voix douce et tremblante, mains douces... Cela semblait marcher, le roi hésitait, mais pas encore assez au goût de Link. Il décida de s'y mettre à son tour.
- Majesté... dans moins de dix minutes, il sera trop tard. Il faut partir maintenant.
- Non, je dois rester avec mes hommes. Il est hors de question qu'ils meurent et se battent alors que je fuis comme un lapin craintif.
- Sir, nos hommes sont tous prêts à donner leur vie pour que vous puissiez vivre, ajouta le chevalier.
Le roi continua de faire la sourde oreille. On continuait d'entendre les monstres s'acharner sur la porte. Sir Marsias interpella ses compagnons d'armes. Tous s'approchèrent d'un air entendu. L'un d'eux annonça :
- Majesté, nous sommes du même avis que notre premier chevalier.
- Nous vous sauverons malgré vous.
Et avant que le vieil homme ne puisse faire quoi que ce soit, il fut empoigné par les deux bras et traîné à l'intérieur du palais.
- Direction les caves, annonça le capitaine des armées.
Il se retourna vers sa princesse.
- Problème résolu. On s'en va, princesse.
- Oui...
Elle semblait à présent afficher un air bougon et avancer lentement.
- Tu peux passer devant, je descends avec le héros du temps.
- Mais...
- Fais ce que je te dis, assure-toi que la voie est libre pour mon père. Je ne risque rien, j'ai Link pour me protéger.
Le chevalier partit donc. Link se sentait un peu coupable. Il réalisait à présent tout le mal que Sir Marsias se donnait pour être estimé de sa future souveraine, et le peu de gratitude qu'il recevait en retour. L'elfe avait pitié de lui, en même temps que la liste des reproches qu'il adressait à la princesse s'alourdissait. Comme osait-elle se montrer aussi cruelle, draguer d'autres personnes juste sous son nez ? Blanche de Val-Loix rentra à son tour à l'intérieur du château. Link était désormais seul avec la princesse héritière qui s'était agrippée à son bras. Il lui fit signe d'avancer rapidement, mais celle-ci semblait vouloir profiter de l'instant le plus longtemps possible et le ralentir. Le jeune guerrier sentit l'impatience le gagner. Elle était à son comble lorsque la jeune fille, d'une voix innocente, lui demanda :
- Link, au cas où ça tournerait mal... il vaudrait mieux nous embrasser maintenant, non ?
Link explosa :
- Et puis quoi encore ? Si ça tourne mal, ce sera entièrement de ta faute. Il y a parfaitement moyen de s'en sortir, mais on dirait que tu n'en as pas envie. Arrête de traîner et de me gêner en voulant jouer à la demoiselle en détresse, c'est la dernière chose dont nous avons besoin.
Zelda le regarda d'un air plein de reproches et de larmes. Cela ne faisait qu'augmenter la fureur du guerrier.
- Ecoute bien, princesse. Si ton père ne m'avait pas fait jurer de te faire sortir d'ici, je t'aurais déjà abandonnée. Maintenant, si tu tiens à ton royaume et à ta peau, tu la fermes, tu cesses de jouer à la princesse romantique et tu fais tout ce que je te dis.
- Link... Comment peux-tu...
Elle avait décidé de faire son grand numéro... Elle était sur le point de pleurer, et il était parfaitement visible qu'elle se forçait à gémir.
- JE ... NE... T'AIME... PAS ! Ma priorité, ici, c'est de sauver un royaume, et une certaine princesse héritière devrait songer à faire de même. Tu préfères attendre que Ganondorf t'attrape et te donne en pâture à ses mercenaires ?
- Il ne ferait pas une chose pareille.
- Moi, je te parie que si. La seule chose qui pourrait l'intéresser chez toi, c'est la Triforce de la sagesse, et comme tu ne l'as pas, il se débarrassera rapidement de toi.
Link s'arrêta soudain. Il avait distingué une ombre au bout d'un couloir qui venait de disparaître silencieusement. Et si c'était... Zut, si c'était effectivement Knil, il savait à présent qu'il était inutile de suivre Zelda. Il ne devait pas s'enfuir. Il abandonna Zelda pour se lancer à la poursuite de l'homme.
Link tourna dans le couloir où avait disparu la fameuse ombre, mais il était désert. Où avait bien pu passer le sinistre individu ? Il n'avait entendu grincer aucune porte, et il n'y avait aucun endroit où se cacher, aucune statue, armure ou meuble. L'elfe en conclut qu'en plus de se promener avec une épée empoisonnée, Knil devait être magicien ou bien, thèse plus vraisemblable, il avait rêvé.
- Link, je te prierai de répondre à mes questions et de cesser de m'ignorer.
- Hein, quoi ?
Il n'eut pas le temps de réagir. Zelda lui envoya une puissante gifle. Elle semblait à présent furieuse.
- C'est pour tout le manque de respect que tu viens de me donner. Maintenant, qu'est-ce que tu fabriques ?
- Je... je pensais avoir vu quelqu'un de louche. J'ai vu une ombre bouger sur le mur, mais visiblement, je m'étais trompé. Il n'y a personne dans ce couloir. S'il avait bougé, je l'aurais entendu.
- A moins que... ne restons pas ici. Descendons.
- Tu ne veux plus d'un instant romantique ?
- Tu l'as royalement gâché, crétin. Par ici.
Zelda poussa une porte menant à un escalier. Elle annonça que le passage serait plus long, mais plus discret. Ils pourraient se rendre au passage secret sans se faire voir. Elle saisit une torche, poussa Link dans les escaliers puis ramassa son ocarina et joua une douce mélodie. La porte se referma et un nombre impressionnant de verrous se mirent en place. On ne risquait pas de les suivre.
Le jeune aventurier s'étonnait quand même de la soudaine coopération de Zelda. Il y a quelques instants, elle lui avait semblé tellement infantile. Comment avait-elle pu changer d'attitude aussi vite ? Il n'hésita pas à lui poser la question. La jeune fille s'arrêta.
- Dans le couloir, tu pensais avoir vu quelqu'un, mais à ton arrivée, rien ne bougeait. C'est bien ce que tu m'as dit ?
- Oui, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
- Que entre les deux portes les plus proches de toi, il y avait une tapisserie, et elle est fausse. Ce n'est qu'une illusion. Ton suspect aura eu tout le temps de s'y cacher.
- Et alors ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? On aurait pu s'en débarrasser.
- Perte de temps. Cette salle est très particulière. Il y a là six mécanismes commandant les principales portes du château. A cette heure, il les a probablement ouvertes et les monstres sont déjà à l'intérieur.
- Génial... et nous, on arrive comment à la cave ?
- Hé hé hé... A ton avis... ces escaliers vont où ?
- Je ne vois pas...
- Ils vont des appartements du premier chambellan aux caves à vin. Je les ai découverts un jour que je devais faire une punition dans le bureau de ce noble fonctionnaire de mon père. C'était notre secret à tous les deux. Je n'ai rien dit à papa et il ne m'a plus jamais donné de punition.
L'elfe se dit que la jeune fille et son sens de l'intrigue le surprendraient toujours. Elle avait une humeur si changeante. Elle pouvait paraître la fille la plus nunuche au monde, et quelques secondes plus tard, terrifier ses interlocuteurs par son intelligence et ses menaces. Il allait lui falloir du temps pour apprendre à la connaître.
Les deux fugitifs continuèrent donc à descendre les escaliers sombres et étroits. Leur progression se faisait en silence et ils n'entendaient rien de plus que le bruit de leur pas, mais ils finirent par percevoir de grands bruits sourds. Ils s'approchèrent d'une meurtrière qui donnait dans le grand hall. Ils pouvaient voir la grande porte d'entrée trembler et d'infortunés soldats tenter de la barricader.
- Finalement, il n'a pas compris à quoi servaient les mécanismes.
- Peut-être qu'il n'y avait personne dans ce couloir. Beaucoup d'inquiétude pour rien.
- Ça ne changera pas grand-chose... les soldats ne tiendront plus longtemps.
- Les malheureux... on ne peut pas leur dire de fuir ?
- Non... malheureusement, pour le bien de tous ceux qui savent s'enfuir, ils doivent se sacrifier. Ganondorf s'attend à trouver beaucoup de monde dans le château. S'il ne voit personne, il se doutera qu'il y a une échappatoire, il la trouvera, et il pourra remonter jusqu'aux fugitifs.
Zelda poussa un triste soupir. A cet instant, un bélier pulvérisa une partie de la porte. Les deux elfes purent apercevoir une dizaine de moblins, lézards géants et autres monstres répugnants se précipiter dans la brèche... La résistance du château ne durerait plus longtemps. Après avoir versé une dernière larme, ils reprirent leur route.
Moins de cinq minutes plus tard, ils atteignirent les sous-sols humides et froids. Après avoir vérifié que la voie était encore libre, ils se mirent à fouiller la salle. Blanche avait indiqué à Link qu'il devait trouver un symbole de la Triforce près d'une caisse pleine de bouchons, mais dans cette obscurité... L'elfe constata que toutes les pièces étaient désertes et que toutes les torches étaient éteintes. Etait-ce une précaution des évacués ? Zelda l'appela. Elle avait trouvé la caisse, mais elle était bien trop lourde pour que la jeune fille puisse la déplacer toute seule. Après l'avoir poussée, les deux jeunes gens purent voir le fameux triple triangle. La princesse sortit son ocarina et rejoua l'air qui avait fermé la porte des escaliers. Un phénomène des plus étranges se produisit. Les pierres du mur se mirent à bouger, sortir de leur trou ou s'enfoncer, pivoter... mais elles finirent par former un passage vers un couloir illuminé.
Link et Zelda poussèrent un soupir de soulagement. C'était enfin terminé. Ils entrèrent dans le couloir. Quelle ne fut pas leur surprise de voir qu'une demi-douzaine de personnes les y attendaient. Il y avait plusieurs Sheikahs, mais aussi de simples citadins. Le coeur de Link fit un bond. Il avait reconnu le vieux Lucas, l'homme qui lui avait rendu son épée dans le futur parallèle. Le passage se referma derrière les deux arrivants. Blanche prit la parole. Sa voix tremblait.
- Nous avons une très mauvaise nouvelle... personne n'a vu Soraya arriver. Elle est toujours dans le château.
- Quoi ?
- J'avais chargé ces deux domestiques de préparer le passage. Ils ont vu passer un grand nombre de civils, même le roi et quelques-uns de ses chevaliers, mais ni Soraya, ni la jeune femme à laquelle je l'avais confiée.
- J'ai compris, dit Link. Je pars la chercher.
Il fut retenu par le vieux Lucas.
- Non, jeune homme... pas maintenant. Les troupes ennemies sont en train de passer le château au peigne fin. Ils sont trop actifs et trop nombreux pour le moment. Vous n'avez aucune chance de leur échapper.
- La princesse aussi, dans ce cas.
- Ne vous inquiétez pas... C'est ma petite fille qui s'occupe d'elle. Elle a grandi entre ses murs et connaît toutes ses cachettes. Elles sauront se dissimuler un temps.
- Tu veux que je les laisse se débrouiller ?
- Je n'ai pas dit ça... Juste que vous devriez attendre quelques heures, que les troupes se soient fixées, qu'ils aient interrompu les fouilles, qu'éventuellement, le sorcier ait évacuer la plupart de ses créatures.
- Et comment le savoir, si ce n'est en y retournant ?
- Ça, c'est pas dur, lança un Sheikah.
Ce dernier sortit de son sac un grand miroir qu'il déposa sur le sol. Après quelques incantations, d'étranges dessins apparurent à sa surface. Le Sheikah prononça : "Montre-moi le sorcier". L'image se tordit, les couleurs se mélangèrent puis disparurent. A la place, on voyait un groupe d'hommes se concerter dans un salon richement décoré que Link reconnut aussitôt. C'était la salle dans laquelle il s'était entretenu avec le roi. Ils entendirent également leur voix.
- ...rien d'autre.
- Hé bien, continuez. Vous n'avez certainement pas encore exploré tout le bâtiment. Ils n'ont pas pu tous se volatiliser, pas aussi vite. La petite sotte errait dans des couloirs près d'ici il y a moins de dix minutes. Elle ne peut pas avoir eu le temps de sortir.
- Oui mais...
- Ça suffit ! Je veux cette petite peste avant le coucher du soleil, ou vous irez parler de mes lézards avec Eresim.
- Oui maître.
Les mercenaires sortirent un à un de la pièce. Le dernier à se retirer était Knil.
- Stop, pas toi...
- Bien, maître.
- Le garçon qui escortait notre petite blonde... décris-le-moi.
Le petit groupe s'installa autour du miroir. L'homme qui l'avait sorti raconta à ses compagnons que l'objet était le trésor secret du chambellan et qu'il l'avait soustrait pour empêcher le grand sorcier de l'utiliser. Il expliqua que l'objet pouvait montrer n'importe quelle personne, à condition qu'elle se trouve dans le château. Link demanda s'ils avaient tenté de repérer la petite princesse. Blanche expliqua que justement, le miroir leur montrait une pièce et les deux filles, mais que personne ne savait où elle se trouvait. Ils ne l'avaient jamais vue. Zelda attira le miroir vers elle et lui demanda de lui montrer où se trouvait sa petite soeur. L'image se tordit et lui montra une toute petite pièce sombre dont le sol était jonché de coussins et de paniers de pâtisseries. Soraya et son chaperon étaient assis près de la fenêtre crasseuse. Visiblement, elle donnait sur un espace restreint, un conduit d'aération, peut-être, et c'était ce qui expliquait la pénombre de la pièce.
- Ah... je connais cette pièce. C'est la cachette des "enfants du château".
- Heu... vous pouvez expliquer ?
- Enfin, c'est comme ça que je l'ai appelée vers mes neuf ans. A l'époque, j'avais sympathisé avec le fils du cuisinier. En voulant échapper à mes précepteurs, nous nous sommes précipités dans un placard, et il s'est avéré que ce placard avait un double fond. Le mur a pivoté et nous sommes arrivés dans cette pièce. Le fils du maître-cuisinier a rassemblé tous les enfants vivant au château et ayant entre six et douze ans et leur a fait aménager la pièce. C'était notre cachette secrète où on se réunissait pour grignoter ce qu'on avait réussi à prendre en cuisine ou pour éviter les corvées. Tous ceux qu'on mettait dans le secret faisaient le serment de ne jamais en parler et de l'oublier une fois qu'ils devenaient des "adultes". On a initié Magda, et je suppose que mon successeur au titre de seigneur de la cachette a entrepris de mettre ma soeur dans le secret.
- C'est bien mignon tout ça, mais il faudra bien qu'on les fasse sortir de là. Elles ne peuvent pas y rester éternellement. Où se trouve cette fameuse cachette ?
Zelda expliqua tout ce qu'il fallait savoir pour la rejoindre. Le petit groupe passa encore quelque temps à évoquer leur nostalgie de l'enfance, puis Link attrapa le miroir et lui ordonna de lui montrer tour à tour Ganondorf, les mercenaires, puis les diverses équipes de monstres fouillant le palais royal. Il en conclut que les équipes de recherche commençaient à se lasser. Les créatures avaient fait des prisonniers tentant de fuir par les égouts et Ganondorf en avait conclu que les personnes qu'il cherchait avaient fui par-là. Dans un excès de colère, il avait mis à mort tous les captifs, mais au moins, la vigilance des gardes avait beaucoup baissé. Un grand nombre de créatures avaient été envoyées sur les rives du lac, à la recherche des fugitifs. En un mot, c'était le moment ou jamais d'y aller. Alors que Link se dirigeait vers la sortie, à la surprise de tous, Zelda se jeta sur lui et l'agrippa aux jambes.
- NOOOOON, LIIIIINK ! Ne pars pas. J'ai peur sans toi !
- Lâche-moi ! Qu'est-ce qui te prend ?
Blanche se leva pour calmer la princesse et la faire lâcher prise. La jeune fille pleurait à chaudes larmes et gémissait dans les bras de la nourrice.
- Il faut l'excuser, Link. Elle a des crises d'humeur.
- Des crises ? Est-ce que tu as idée du genre de scènes qu'elle m'a déjà faites ?
- C'est à cause de la Triforce... Sa mère lui a confié le fragment quand elle avait sept ans. Le pouvoir de la sagesse lui a donné instantanément une maturité d'adulte, et elle n'a pas eu à subir le processus de la fin de l'enfance, la crise d'adolescence... Quand elle a remis le morceau à sa soeur, elle a eu un choc. C'est comme si elle était retombée en enfance. Elle mélange tous les âges dans sa tête et a beaucoup de mal à rester stable.
Link fixa un moment Zelda sans savoir comment il devait réagir. Finalement, il lui tourna le dos et sortit. Bien qu'il ait pitié d'elle, il était hors de question qu'il reste dans ce couloir alors que la vraie porteuse de la Triforce était loin d'être en sécurité.
Il se dirigea vers l'escalier secret qu'il avait emprunté à son arrivée. C'était certainement le meilleur moyen de se rendre aux étages sans se faire remarquer. Cependant, il remarqua vite que des hommes équipés de lanternes évoluaient dans les caves. Il se cacha vite derrière des caisses et se mit à contourner les personnes à pas de loup. Il fut cependant vite rassuré. Ces mercenaires qui étaient censés fouiller les caves à la recherche de fugitifs s'étaient surtout concentrés sur la recherche et la dégustation des meilleurs vins. Ils n'étaient pas méchants et ne le remarqueraient que s'il venait les saluer, ce qui ne risquait pas d'arriver. Link n'eut donc aucun mal à rejoindre l'escalier et à s'y engouffrer.
Durant son ascension, l'elfe était attentif à tous les bruits et ne manquait pas d'observer les mouvements des gardes à travers les meurtrières. Cela lui serait bien utile pour sa sortie. Il finit par atteindre la porte qu'il avait empruntée avec Zelda. A ce qu'elle lui avait dit, il devait traverser le couloir où il avait cru voir Knil, prendre l'escalier d'en face, monter un étage... Enfin, il avait vu le chemin à suivre à travers le miroir, c'était l'essentiel. Il colla son oreille à la porte, espérant obtenir des renseignements sur les activités dans le couloir. N'entendant rien, il se risqua à déverrouiller la porte et à l'entrouvrir. La porte grinçait, mais il ne percevait toujours aucune réaction venant du couloir. Il l'ouvrit un peu plus et jeta un oeil. La voie était libre. Il s'avança, tous les sens aux aguets. Il entendait des voix dans des pièces éloignées, des grognements venir d'en dessous, mais rien qui ne puisse le déranger. Il marcha le plus vite possible vers le nouvel escalier, guetta à nouveau le moindre bruit pouvant lui signaler une mauvaise rencontre. Comme tout lui paraissait silencieux, il s'engagea. Seulement, alors qu'il était presque en haut, il entendit des voix. Elles se rapprochaient et il réalisa avec horreur qu'elles étaient en train de descendre les mêmes marches. Il fit immédiatement demi-tour et dévala les marches quatre à quatre.
C'était certainement une mauvaise idée, car les intrus comprirent tout de suite qu'on voulait les éviter et se lancèrent à sa poursuite. Link réfléchissait à toute vitesse. Il devait se cacher, mais où ? Il songea au faux mur que la princesse lui avait indiqué. L'atteindrait-il sans que ses poursuivants ne le voient ? Impossible. S'il prenait l'escalier de la cave, il pouvait peut-être s'en sortir, mais il pouvait alors oublier les deux filles. Sa meilleure solution était probablement de trouver une fenêtre donnant sur le lac et de sauter. Il arriva à l'étage inférieur et choisit de tourner dans le couloir à sa gauche. Derrière lui, les hommes criaient à la mobilisation. Link ne tarda pas à voir sortir de couloirs et de pièces adjacentes une vingtaine d'hommes vêtus de bures rouges et noires. Il était coincé.
- Tiens tiens... Toi, je te connais. Tu es le boxeur-né copain de la Gerudo des îles.
Link regarda l'homme qui venait de parler. Il dut faire un effort colossal pour ne pas lui sauter dessus. C'était le fumier qui avait tué Bjorn. Ainsi, il n'avait pas réussi à venger son ami.
- Tu as beaucoup de chance. Le patron te fait l'honneur de vouloir te rencontrer personnellement. Il t'attend.
Link n'avait pas le choix. Il devait les suivre. De toute façon, il n'arriverait jamais à leur fausser compagnie. Pourtant... il ne pouvait pas rester là. On allait certainement le forcer à dire ce qu'il était venu faire au château, révéler la présence de Soraya, du passage secret et probablement où se cachait Leïa. Bien évidemment, il était hors de question pour lui de parler, plutôt mourir. Hélas, il savait bien que la plupart des tortionnaires étaient parfaitement habitués à faire souffrir leurs victimes tout en les gardant en vie et, à ce qu'il avait compris, tout le monde ici savait qu'il fallait l'amener vivant au grand sorcier. Il n'avait vraiment aucune échappatoire.
Il suivait la petite troupe, étroitement surveillé par l'assassin de Bjorn et les mains liées derrière le dos. Chemin faisant, une légère curiosité lui vint à l'esprit.
- Au fait, j'ai le droit de savoir ce qui est arrivé à votre copain, celui qui s'appelle Eresim ?
- Il a été dévoré vivant par des Lizafos. Si ta copine veut des nouvelles, il faut qu'elle vienne se renseigner elle-même. Tant que tu y es... qu'est-ce que tu es venu faire ici ? Ne va pas me dire que tu venais bêtement pour venger ton copain.
- Et si c'était bêtement pour ça ?
- Dans ce cas, t'es le roi des cons et tu peux déjà faire tes prières. Mais je sais très bien que ce n'est pas pour lui que tu es ici...
- C'est toi qui est le roi des cons si tu t'imagines une seule seconde que je vais te le dire.
- Tu comptes jouer au malin ?
- Ouais, je vais jouer au malin.
Et c'était vrai. Link avait décidé de le pousser à bout. Il fallait qu'il le fasse craquer, qu'il lui donne envie de le faire taire une bonne fois pour toutes. Il fallait que cet assassin commette un second meurtre avant qu'il ne l'amène devant Ganondorf.
- Tu boites toujours, à ce que je vois.
L'assassin de Bjorn lui lança un regard noir. Comment aurait-il pu se remettre aussi rapidement du coup magistral que Link lui avait balancé il y a deux jours ?
- Ça me rappelle que je ne sais pas encore ton nom... Je dois t'appeler comment, le "boiteux" ?
- Continue comme ça et je te tranche la langue.
- Que ça ? Oh, j'ai peur !
- Tu vas la fermer, oui ?
- Bah, je ne demande pas mieux, moi... mais ton boss ne devra pas se plaindre que je ne sois pas bavard.
- Ta gueule !
- Et comment tu vas me faire taire, hein ? En me menaçant avec quoi ?
L'homme le regarda un instant, puis lui donna un violent coup au ventre. Sous le choc, Link tomba sur le sol, se sentant sur le point de vomir. Les gardes l'empoignèrent par les épaules et le redressèrent. Le boiteux en profita pour frapper le visage de l'elfe à gros coups de poing. Le jeune homme saignait du nez.
- Le boiteux, il se nomme Kidas, dit-il.
Il fit signe aux gardes de continuer le chemin. Les gardiens de Link avancèrent en le traînant sur le sol.
- On y est. Dans ton intérêt, reste toujours aussi bavard.
Quoi, déjà ? Oh non, dans sa panique, il n'avait pas réalisé qu'il était arrivé devant une porte très familière, celle qui menait à la salle dans laquelle se déroulait la fameuse vision. Link savait à présent d'où elle venait. La porte s'ouvrit. Link avait l'impression de revivre un rêve... ou plutôt de revivre un instant, car il était évident qu'il s'était déjà fait capturer de cette façon dans son précédent voyage.
Kidas le poussa sans ménagement à l'intérieur.
- On a attrapé ça au quatrième étage...
Il jeta son prisonnier en avant. Link ne put éviter de tomber sur le sol. En ouvrant les yeux, il réalisa qu'il était aux pieds d'un fauteuil, et qu'il y avait quelqu'un dans ce fauteuil.
- Tu vois bien qu'il y avait encore du monde dans ce château, Kidas. Quand on cherche, on trouve. Bon, vous pouvez nous laisser seuls, laissez-moi avec ce maraudeur.
Link vit Kidas et d'autres hommes en bures rouges sortir. Un des visages l'interpella... avait-il rêvé, ou s'agissait-il d'Aromir ? Question stupide... il était évident qu'Aromir devait se trouver parmi ces hommes. Pourquoi Ganondorf lui aurait-il confié la garde de prisonniers s'il n'était pas un de ses hommes de confiance ? L'elfe n'eut pas le loisir de réfléchir plus longtemps. Son ennemi venait de lui adresser la parole en lui donnant un petit coup de pied dans le ventre.
- Debout gamin ! Tu ne feras croire à personne que quelques coups suffisent à te mettre à terre.
Bien qu'il ait envie de faire le contraire par principe de protestation, Link se redressa péniblement. C'était une mauvaise idée de rester sur le sol. Il y était à la merci du sorcier et cela accentuait sa faiblesse. S'il voulait tenir tête face au Gerudo, il fallait le faire debout.
- Ça faisait très longtemps qu'on ne s'était pas vus, n'est-ce pas, Robin ? C'est gentil de venir me rendre visite.
Link était moyennement surpris. Ainsi, Ganondorf le prenait pour son ancêtre. Aurait-il plus de chance de s'en sortir en se faisant passer pour lui ?
- C'est impressionnant de voir comme le temps n'a aucune prise sur les elfes... Tu n'as pris aucune ride.
Link continuait de se taire... Que devait-il faire ? Il devait faire terriblement attention à ce qu'il allait dire... le moindre mot pouvait trahir ses intentions, sa véritable identité.
- Sérieusement... Tu n'es pas venu ici pour me souhaiter la bienvenue, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que tu fabriquais ?
Un mensonge... un mensonge... il devait gagner du temps pour pouvoir réfléchir à un moyen de se sortir de là.
- J'avais juste oublié un truc.
- Quel genre de chose, on se le demande... Ne serait-ce pas un certain triangle d'or... ou une personne que je connais également ?
- Absolument pas.
- Ce qui nous mène à ma deuxième question, où est-elle ?
- La Triforce de la sagesse ? Aucune idée.
- Je ne te parle pas de ce stupide caillou ! Je te parle d'ELLE.
- Qui ça ?
- Tu sais parfaitement de qui je veux parler.
- Désolé, mais avec une question pareille, je pense à plusieurs personnes. Alors sois plus clair.
- Tu as gardé ton sens de l'humour, gamin. Puisque tu as plusieurs noms en tête, tu vas tous me les donner.
- Et si je n'en ai pas envie ?
Ganondorf fit un sourire mauvais. Il sortit d'une cage une sorte de limace géante et visqueuse et la déposa sur le sol. La bestiole fonça vers l'elfe et se mit à grimper sur ses jambes. A son contact, les vêtements de Link se mirent à brûler. Le jeune homme eut d'abord pour réflexe de tenter de se débarrasser de la bête, mais en saisit vite son intérêt. Il tendit ses poignets à la créature qui ne fit qu'une bouchée des liens. Une fois les mains libres, il la saisit à deux mains et la lança sur son ancêtre. Ce dernier eut pour réflexe de ressaisir la cage et d'y réceptionner la limace géante. Link tenta de profiter de sa diversion pour courir vers la fenêtre, mais le Gerudo lui barra la route. Avec sa grosse main, il le saisit à la gorge.
- Tu sais Robin... par le passé, j'aurais pu commettre un acte de faiblesse. J'en ai fait pas mal, et ils m'ont toujours conduit à ma perte. J'avais tant voulu avoir une famille... j'ai aimé une femme, je ne voulais pas la faire souffrir, alors je l'ai envoûtée. J'aurais dû la tuer pour m'avoir caché mon enfant, mais j'aimais la voir vivre. Résultat des courses : elle m'a trahi et soutenu le héros du temps. Plus tard, j'ai voulu récupérer ma fille, mais je ne voulais pas lui faire de mal. Alors elle en a profité pour s'enfuir et cacher sa fille. J'ai tenté d'apprivoiser cette dernière au lieu de l'écraser, elle a suivi le chemin de ses parents et m'a renvoyé illico dans le vide infernal. Ensuite tu es né... je t'ai récupéré très jeune, seul, blessé et abandonné au milieu des bois. J'ai fait un effort inhumain pour t'élever comme un fils et pour tout remerciement, tu as filé avec une première-née que j'avais laissée tranquille par sympathie et fait alliance contre moi avec un mage que j'avais pris sous mon aile. Toutes les personnes que j'ai appréciées se sont retournées contre moi. Mais cette fois-ci, j'ai retenu la leçon. Je ne ferai plus ce genre de bêtises. Je ne serai plus gentil.
- Vraiment ? Et Leïa et Raphaëlle, alors ? Tu n'as commis aucune erreur de ce côté ?
Ganondorf resserra son emprise sur la gorge de Link.
- J'en ai fait, mais je te promets que c'était les dernières. Malgré ton silence, je retrouverai Leïa et remettrai les choses en ordre. Ta fille se joindra à moi ou elle paiera pour tous les autres. Quant à cette première-née, parlons-en, de cette sale petite garce. Une petite peste qui vient me voler sous mon nez ce à quoi je tiens le plus. Lorsque j'arrive enfin à la coincer, elle me sort son grand numéro de séductrice. Une fois que je lui fais pleinement confiance et que je l'aime comme je n'ai jamais aimé personne auparavant, hop, elle introduit mes ennemis dans mon château et me poignarde dans le dos. Pour la vengeance, je lui ai pris sa fille adoptive comme elle m'a volé le mien, et à présent, oui, je pourrai la tuer, histoire d'être certain qu'elle ne me gêne plus, mais j'ai encore mieux en ce qui la concerne. D'ailleurs, je m'y mettrai dès que j'en aurai terminé avec toi.
Le sorcier lâcha le cou de Link et le laissa choir sur le sol. Le jeune homme se redressa pour voir son ennemi sortir de sa cape une énorme et imposante épée.
- Tu te souviens ? Quand tu étais un tout petit garçon, je t'avais promis que je t'apprendrais à t'en servir... Mmmh... Qu'as-tu fait de l'épée que tu as préféré utiliser ?
- Je... Elle est dans une crypte cachée dans le château. C'était ce que j'étais venu chercher.
Link supposait que Ganondorf voulait le provoquer en duel. Ce n'était pas vraiment encourageant, mais au moins, il était sûr de mourir sans avoir à révéler ses secrets. Après... il n'avait plus qu'à prier et à croire à son pouvoir de premier-né.
- Sauf que les cryptes, ça ne se situe généralement pas au quatrième étage. Il faudra m'inventer autre chose.
- Je ne sais pas comment ouvrir la crypte. Zelda m'avait parlé d'un livre où c'était expliqué et qui se trouvait dans sa chambre.
- Pour ça... je pense avoir ma petite idée. Inutile d'aller là-haut.
Le sorcier saisit son prisonnier par l'épaule et le tira jusqu'à la porte. Il interpella ses gardes et leur donna l'ordre de le suivre. Il emmena tout son petit monde dans le grand hall, devant la statue du héros des bois. Là, il empoigna la main droite du jeune homme et tira sur son gant, révélant ainsi la marque de la Triforce. Il poussa le garçon au sol. Au moment où Link toucha le pavé, celui-ci s'illumina, faisant apparaître un gigantesque dessin de la sainte relique. Au même instant, un grondement résonna dans la salle et la statue de l'elfe se mit à trembler. Son piédestal recula.
- "Au porteur de la Triforce, le passage vers le saint des saints s'ouvrira". Pas besoin de bouquin, c'est écrit sur le blason du roi. Après toi, petit.
Toujours en le tenant fermement par l'épaule, il le conduisit au pied de la statue. A l'endroit où elle se trouvait avant le geste de Link, il y avait des escaliers qui descendaient. Ganondorf ordonna à son prisonnier d'avancer. Ils arrivèrent ainsi dans une salle magnifiquement décorée. Ses murs étaient composés de grands vitraux colorés, et des douves pleines d'eau encerclaient une plate-forme dont les piliers étaient d'énormes statues de chevalier. Dans d'autres circonstances, le jeune homme aurait volontiers passé plus de temps à observer la salle et ses vitraux, mais son geôlier tordit son bras pour le faire avancer. Link remarqua que son épée était plantée au centre de la plate-forme.
- Retire-la !
- Pourquoi ?
- C'est un ordre !
- Tu n'as pas d'ordre à me donner.
- Tu es mal placé pour faire le malin, petit. Obéis ou je te garantis que les journées qui vont suivre vont être les pires de toute ta vie.
Link s'exécuta. Il s'approcha de l'épée, en saisit le manche et n'eut aucun mal à la retirer. Il sentit alors l'épée de son ennemi passer sous sa gorge. C'était une lame visiblement très tranchante qui lui éraflait déjà la peau.
- Maintenant, tu vas remonter en haut, au moindre geste suspect, cette crypte sera ta tombe.
- Dans ce genre de situation... ça ne vaudrait pas mieux ?
- Si je te tue, je récupérerai ta Triforce... c'est ce que tu veux ?
- De toute manière, c'est ce que tu comptes faire.
- Mais je préférerais le faire dans l'honneur et à la vue de tous. Tous ces imbéciles sont tellement douteux quant à mes chances de vaincre le héros du temps, le fameux héros éternel envoyé par les dieux pour protéger la terre du mal. Et toi aussi, tu as toujours préféré perdre avec panache. Je t'offre une dernière chance de t'en sortir... si tu me vaincs... aucun de ces imbéciles de la secte des Maltic ne pourra continuer mon oeuvre. Le marché semble honnête, non ?
Link ne répondit pas. L'idée le terrifiait, car il n'y était absolument pas préparé et pourtant, cela pourrait s'avérer très utile. Au moins, pour le combat final, il saurait à quels genres d'attaque se préparer... et si son fameux pouvoir ne se manifestait pas, au moins, il ne livrerait rien de compromettant, bien que Soraya et sa copine soient condamnées à mourir de faim. Résigné et la mort dans l'âme, il ramassa son épée et suivit la direction indiquée par son ancêtre. Il avait la sensation de s'avancer vers un échafaud, et il n'était pas très loin du compte.
Dès qu'ils furent hors de l'escalier, la statue du héros des bois reprit son ancienne place. Les gardes du sorcier encerclèrent le prisonnier.
- Les armes... amenez les armes de l'elfe, ordonna Ganondorf.
Un des gardes s'exécuta. Il arriva rapidement avec le bouclier, l'arbalète et le fléau. Le sorcier lui ordonna de donner les armes à son prisonnier. Quoique étonné, il obéit. Link réfléchit... parmi les armes à ses pieds, l'arme la plus efficace était le fléau, mais il n'arriverait certainement pas à le manier suffisamment rapidement. De plus, arriverait-il à atteindre son ennemi ? Non, Link se contenta de prendre le bouclier, histoire de se protéger. De toute façon, avec le monde dans la salle, il n'avait aucune chance de s'en sortir vivant. Le jeune elfe vit le Gerudo, qui lui semblait à présent mesurer au moins deux têtes de plus que lui agiter ses poignets pour se préparer au combat. Link réalisa à quel point il était musclé. Il n'avait décidément aucune chance. Tout ce qui lui restait à faire, c'était de se battre jusqu'à la mort. Toute la question était de savoir combien de temps il allait tenir.
- Bien, à présent, que tout le monde ici présent sache que ce gamin, que vous nommez tous le héros éternel, va tenter une fois de plus de renvoyer son ennemi mortel dans les enfers. J'espère que vous avez déjà fait vos paris. Robin, à toi l'honneur.
Link était terrifié. Il ne voulait pas, mais alors absolument pas se battre. Enervé par sa passivité, Ganondorf n'attendit pas que l'elfe se mette à bouger. Dans un cri de colère, il brandit son énorme épée qui semblait être faite de pierre. Par réflexe, Link saisit son bouclier pour parer le coup. Le choc fut rude, mais le bouclier tint bon. Le combat avait commencé.
Le géant Gerudo ne se découragea pas facilement. Il recommença ses assauts que Link préférait éviter au lieu de parer. Plus il bondissait sur le côté, plus son adversaire s'énervait et redoublait de violence. Link avait de plus en plus de mal à éviter les coups, mais au moins, il espérait que son adversaire se fatigue avant lui.
Ganondorf finit par se calmer. Link le sentit reprendre son souffle et comprit qu'il réfléchissait à un moyen de l'atteindre. Il fallait l'empêcher de trouver un point faible. En somme, il était temps pour lui de se battre. Il se rapprocha lentement en contournant son adversaire. Ganondorf lança une nouvelle attaque que Link para de son épée avec grand mal. L'elfe trembla. Son ennemi était définitivement beaucoup plus fort que lui. Il ne pourrait pas parer les puissants coups de son adversaire indéfiniment. Mais bon... de toute façon, il savait qu'il valait mieux mourir. Tout ce qui comptait dans ce combat, c'est qu'il sache comment le sorcier se battait. C'était la meilleure chose qu'il puisse apprendre avant de passer pour l'autre monde ou revenir dans le passé.
Les deux parents échangèrent encore de nombreux coups d'épée. Malgré sa taille imposante, Ganondorf se montrait assez agile, et le poids de son arme ne lui posait aucun problème. Il la maniait bien, alors que Link n'avait pas utilisé son épée depuis très longtemps. Après une tentative particulièrement violente qui repoussa les deux combattants, l'elfe remarqua que son ennemi souriait, mais comme ce sourire était désagréable... Il fit signe au jeune homme d'avancer. Link comprit que son ancêtre avait enfin une ruse, et que la fin du combat arrivait. Le jeune homme lâcha son bouclier pour mieux bouger et s'élança. Les épées se frappèrent, sans que l'une ou l'autre n'ait l'avantage, mais le sorcier lâcha une de ses mains et la tendit face au garçon. Une puissante boule d'énergie en sortit et projeta Link sur un mur. Le garçon eut l'impression d'avoir plusieurs côtes brisées.
- Tricheur !
- Je suis le seigneur du malin, tout de même.
- Ben voyons... et après, tu te demandes pourquoi nous t'avons tous lâché... il ne faut pas aller chercher loin. Qui donc voudrait de l'amitié d'un homme à l'esprit aussi malsain ?
- Merci de la leçon, gamin... va rejoindre les tiens, à présent !
Le Gerudo planta son épée dans le ventre de son descendant.
Link sentait le sang couler à flot hors de sa blessure. Son corps se vidait et les forces le quittaient. C'était une sensation plus étrange que douloureuse. Il n'arrivait pas à définir ses impressions. Il sentait que le froid le gagnait, mais sa blessure, étrangement, ne lui faisait pas vraiment mal... c'était ça, mourir ?
Le jeune elfe regarda un instant son ennemi partir d'un sinistre rire. Le sorcier appela Kidas, lui ordonna de préparer des oiseaux et de retourner à l'île de Raphaëlle. Il ne voulait pas savoir comment le mercenaire se débrouillerait, mais ce dernier devrait se débrouiller pour ramener la première-née vivante et si possible intacte. Qu'est-ce que le monstre avait l'intention de faire ? Semblant lire dans ses pensées, Ganondorf revint voir son descendant et lui chuchota :
- Les tourments éternels... Ça, c'est la plus belle des vengeances. Après ce qu'elle m'a fait subir... le vide infernal, les enfers, le purgatoire, il faut bien qu'elle sache où elle m'a envoyée... Je vais la garder ici, pour mon amusement, mais je doute qu'elle apprécie ce genre de divertissement.
A cet instant, la grande porte d'entrée s'ouvrit et Link put voir arriver Knil dans un assez mauvais état.
- Patron... les fugitifs, le roi, les civils...
- Qu'y a-t-il ?
- J'ai vu une bonne centaine de personnes errer dans la plaine Nord, celle qui est proche de la forêt. J'ai reconnu le roi parmi eux.
- Comment... les rives du lac ont pourtant été encerclées avant le début du siège. Nous aurions dû les voir.
- Pourtant, ils sont là, et j'ai l'impression qu'ils se dirigent vers la forêt. Enfin, à cette heure, ils ne doivent pas en être loin.
- Quand les as-tu vus ?
- Il y a deux heures... je survolais les plaines avec mon oiseau, mais il y avait des bons archers dans le groupe. Ils m'ont eu. J'ai eu un mal fou à me poser et j'ai dû revenir ici à pied.
- ENCORE UN CONDOR DORE ABATTU ? VOUS LE FAITES EXPRES OU QUOI ? CES CREATURES SONT TELLEMENT RARES ET DIFFICILES A DRESSER QUE VOUS VOUS PERMETTEZ DE M'EN PERDRE UNE TOUS LES JOURS. IL NE NOUS EN RESTE DEJA PLUS QU'UNE DIZAINE.
Le seigneur du mal semblait entrer dans une grande colère. Le fait de perdre des oiseaux était-il à ce point catastrophique pour qu'il en oublie qu'il avait repéré le roi et les survivants de son attaque ?
Link n'en pouvait plus... la douleur lui faisait enfin tourner la tête. Enfin le noir et l'oubli de la réalité... mais... il réalisa qu'il ne voyageait pas dans le temps... Il ne partait pas... son pouvoir ne se manifestait pas... Il allait vraiment mourir ? Il entendait résonner dans sa tête les cris d'un Ganondorf furieux qui se défoulait sur ses serviteurs et sentait la pierre sous son corps. Il devait agoniser depuis plus de dix minutes. Pourquoi ne se passait-il rien ? Link commençait à paniquer. En un instant, il avait peur de la mort. Il ne voulait pas partir maintenant. Il ne devait pas. Il devait prévenir le roi qu'ils avaient été repérés, ainsi que Raphaëlle. Pourtant, il était coincé là entre la vie et la mort et n'arrivant plus à respirer. Cependant, sa conscience était bien en forme, elle. Et quel que soit l'état du corps, elle refusait de le quitter. C'était tout bonnement insupportable.
Link eut comme un choc. Il comprit que son coeur s'était arrêté de battre, que tout son corps avait cessé de vivre. La panique fut plus grande que jamais. Leïa n'avait pas cessé de lui dire qu'il était un premier-né et qu'il revenait en arrière à l'article de la mort... cela avait déjà expliqué un phénomène étrange... mais était-ce vraiment vrai ? Maintenant, il doutait...
Soudain, il eut une sensation étrange. Il avait l'impression de ne plus avoir de corps, ne sentait plus rien, mais pourtant, il voyait tout. Il flottait au-dessus de son corps. Si Link l'avait pu, il aurait hurlé. Il était vraiment en train de partir pour l'autre monde. Il se sentait s'éloigner de plus en plus de son corps. Non ! Il ne voulait pas mourir !!!
C'est alors que tout se précipita. Les décors défilaient à une vitesse stupéfiante. Le mourant avait l'impression de faire son expédition kamikaze en sens inverse. Il se retrouvait dans la crypte, puis dans la salle où Ganondorf l'interrogeait, ensuite, le couloir où il s'était fait prisonnier, les escaliers fatidiques, les secrets, la cave à vin, le passage secret... STOOOOOOOP !!! Link se sentit ouvrir les yeux, la vie bouillonner dans son corps. Devant lui, la princesse Zelda pleurait dans les bras de Blanche de Val-Loix.
- ... C'est comme si elle était retombée en enfance. Elle mélange tous les âges dans sa tête et a beaucoup de mal à rester stable.
Link avait beaucoup de mal à réaliser ce qui venait de se passer. Il mit la main à son torse. Il n'y avait pas de blessure, il respirait convenablement, l'épée qu'il avait était celle au manche de bois. Alors que tous les habitants du souterrain à l'exception de Zelda le regardaient d'un air étonné, l'elfe n'était toujours pas sûr d'être bien vivant. Enfin, l'essentiel semblait s'être produit, bien qu'il ait du mal à le croire. Il était effectivement revenu en arrière.
Link finit par reprendre ses esprits. Sans fournir d'explications, il se prépara à retourner à l'assaut du château, mais se rappela au dernier moment les raisons de son ancien échec. Il devait trouver le moyen d'anticiper ce genre d'accident. La réponse lui sauta aux yeux. En regardant le groupe de fugitifs, son regard se posa sur le miroir sur le sol.
- Dites, je ne sais pas à quoi pourrait vous servir le miroir, mais moi, j'en aurais bien besoin pour vérifier si le passage est libre. Vous permettez que je vous l'emprunte ?
- Heu... bien sûr, puisque c'est pour la bonne cause. C'est vrai que nous n'avons plus rien à en faire. Vous suivre à la trace est parfaitement inutile.
Le Sheikah ramassa son précieux objet et le tendit à Link. Ce dernier ne put s'empêcher de se demander si dans le futur dont il revenait, les fugitifs avaient effectivement suivi ses mouvements. Quelle panique ils auraient dû avoir en voyant l'elfe contraint d'affronter Ganondorf. Le vieux Lucas souhaita une fois de plus bonne chance à Link, Blanche lui recommanda la prudence, Zelda lui sauta dessus pour lui donner de gros bisous sur la joue et pleurer sur ses épaules. L'elfe eut du mal à la renvoyer chez sa nourrice, mais il finit par se sentir prêt.
Après un sourire en signe d'encouragement à ses amis, il ressortit dans la cave à vin. Au début, le chemin était simple, il avançait comme il l'avait fait précédemment. Les gardes étaient toujours occupés à examiner le contenu d'un tonneau, probablement en espérant y trouver des choses plus intéressantes que les éventuels rescapés de l'invasion. Le sourire aux lèvres, Link atteignit sans problème les escaliers dérobés et monta au quatrième étage. Là, les choses se compliquaient. Link sortit le miroir et chuchota : "Montre-moi les couloirs derrière cette porte". Link put ainsi s'assurer que personne ne rodait à proximité. L'elfe sortit de sa cachette, et, à mi-chemin, passa le doigt sur la tapisserie pour trouver le passage secret dont Zelda lui avait parlé. C'était probablement le meilleur endroit pour attendre le passage de ses ennemis. Sa main sentit d'abord la tapisserie, mais réalisa que la toile s'enfonçait. Il la souleva et passa sa main sur le mur de pierre. Une partie était effectivement une illusion. Il s'y glissa.
Il était temps. Quelques secondes plus tard, il entendit des bruits de voix dans l'escalier. Kidas et ses collègues arrivaient. Link reprit son miroir et lui demanda de suivre la progression de ses ennemis. Au bout de deux minutes, Link fut certain que tout danger était écarté et continua son chemin. Cette fois-ci, il ne fit aucune mauvaise rencontre dans les escaliers et arriva à l'étage suivant sans problème. Il re-consulta le miroir un instant pour se rappeler la suite du chemin et s'engagea dans le couloir qu'il indiquait. De nouveaux bruits de voix lui parvinrent à l'oreille. Il eut juste le temps de se cacher derrière une tenture qu'il vit passer de nouveaux hommes habillés de l'uniforme de la fameuse secte. L'elfe attendit une minute pour être certain qu'il ne serait plus dérangé, interrogea le miroir et reprit son chemin. Au bout d'une dizaine de minutes, il arrivait enfin devant la porte du fameux placard. Il s'y engouffra et fit pivoter le fond de l'armoire.
Les deux jeunes filles sursautèrent lorsque la porte bascula. La plus jeune se blottit dans les bras de son aînée, en fermant les yeux. Dans leur tête, tout était fini. Elles allaient être capturées et leur avenir était plus qu'incertain. Cependant, la personne qui venait d'entrer semblait gentille et ne ressemblait pas à l'image qu'elles s'étaient faite des assaillants. C'était un beau garçon habillé d'une tunique vert foncé et aux cheveux dorés comme le blé. Magda relâcha sa protégée.
- Qui es-tu ?
- Quelqu'un qui a été envoyé pour vous sauver et vous permettre de vous échapper de ce château.
L'adolescente resta méfiante. On lui avait toujours dit de se méfier des inconnus trop gentils. La petite fille blottie dans ses bras examina à son tour l'inconnu, mais sans savoir comment réagir.
- Mon nom est Link. C'est le père de Soraya qui m'a demandé de la sauver.
La petite fille se détendit et se releva, toute fière.
- Tu entends, Magda ? Je suis une princesse en détresse et un courageux chevalier vient me sauver. C'est comme dans tes histoires.
- Minute, qu'est-ce qui te fait croire qu'il dit vrai ?
Link poussa un soupir. C'était parfaitement normal qu'elles se méfient. A leur place, il aurait certainement fait de même, mais l'heure ne s'y prêtait guère. Il devait trouver un moyen de les convaincre le plus rapidement possible.
- Pardon, Magda, mais qu'est-ce qui te fait croire que je suis un méchant ?
- Le fait qu'il n'y a plus que des méchants dans ce château à part nous deux.
- Il y a encore des gentils, ils nous attendent dans un passage secret par lequel tous les autres se sont enfuis. Regarde Soraya, ta soeur t'y attend.
Link sortit le miroir magique, le posa sur le sol et lui demanda de montrer aux jeunes filles où se trouvait la soeur aînée de la petite princesse. Elles purent ainsi voir le groupe de fugitifs en train de se tourner les pouces dans le souterrain, le vieux Lucas qui tournait en rond, Zelda qui séchait ses larmes et Blanche qui faisait mine de méditer. La vision rassura les deux demoiselles. Si le nouvel arrivant était un méchant, il aurait déjà livré ces gens-là. La petite gardienne de la Triforce était cependant très curieuse de connaître le preux chevalier qui allait la conduire vers la liberté. Elle lui posait mille questions sur sa vie : ce qu'il faisait avant, s'il avait déjà affronté des vilains pas beaux comme Ganondorf, s'il avait sauvé beaucoup de demoiselles en détresse, quel genre d'arme il aimait manier, son plat préféré... Si la jeune servante n'avait pas fini par lui passer la main sur la bouche, elle aurait continué son interrogatoire pendant des heures. La petite était absolument fascinée par le guerrier et voulait le voir en action. Pour protester contre sa mise au silence, elle s'agrippa au bras du jeune homme et fit tomber accidentellement son gant.
Elle poussa un cri de surprise. Elle pensait avoir été la seule avec sa grande soeur à porter le genre de tatouage qu'il avait aussi sur sa main droite.
- Comment t'as fait pour avoir ça sur la main ?
- J'ai ramassé un caillou doré dans la forêt, et ta soeur dit que ça fait de moi le héros qui doit sauver Hyrule.
- Trop cool !!! C'est le héros du temps qui vient me sauver ! Ouais !
La petite fille se mit à sautiller sur les coussins qui jonchaient la pièce.
- Arrête de sauter, tu vas finir par alerter les gens du château.
Dans sa tête, Link s'apitoyait sur son sort. Soraya était, en définitive, une version miniature de sa grande soeur, mais beaucoup plus bruyante et incontrôlable. Magda attrapa la gamine et s'efforça de l'immobiliser.
- Je croyais que tu étais la jeune fille la plus sage d'Hyrule, Soraya.
- "Sage" ne veut pas dire "amorphe". J'ai toutes les raisons de déborder d'énergie. J'ai toujours rêver de vivre une aventure de ce genre, mais le boulot de princesse m'en empêchait. Je sais bien qu'on est dans de sales draps et que c'est loin d'être un jeu, mais pour une fois qu'il m'arrive quelque chose d'intéressant, j'ai le droit d'être excitée.
L'elfe poussa un soupir. Pourvu qu'elle sache se tenir tranquille pendant le chemin du retour. Il ne tenait pas à se faire prendre une seconde fois, et encore moins avec elles. Pour la tenir tranquille, il s'efforça de lui expliquer la situation, le nombre d'ennemis qui se trouvaient dans les parages ainsi que les règles élémentaires de sécurité.
- C'est bien beau, tout ce que tu me dis, mais il y a un problème. Je constate que tu n'as pas ton épée. Comment tu veux te battre ? Il faudra bien que tu la prennes avant de partir.
- Mais j'ai déjà une épée.
- Elle ne te convient pas. En tant que princesse de la destinée, il est de mon devoir de t'indiquer les armes que tu devras utiliser contre le mal. Et je te dis que face à ce méchant sorcier, tu dois prendre l'épée de légende et pas une autre.
- Mais je ne peux pas aller la prendre. Il y a trop de monde dans ce château pour que je prenne le risque d'aller dans cette grande salle pour ouvrir le passage. Je ne pourrais jamais y arriver sans provoquer l'intervention musclée des hommes de Ganondorf.
- Mais qu'ils viennent, je sais les accueillir.
- Je croyais que tu avais la Triforce de la sagesse ? Que veux-tu faire contre une centaine d'hommes ? Je ne peux pas affronter toute une armée.
- Bien sûr que je l'ai, cette Triforce. Et contrairement à certains, je vais m'en servir. J'ai déjà réussi à endormir toute une classe rien qu'en me servant de ses pouvoirs. Je pourrai en faire autant avec ces maraudeurs.
- C'est une mauvaise idée. Tu ne te rends pas compte... Tu n'as pas idée de ce qu'ils peuvent faire. Ce n'est pas par manque de courage que je dis ça. Je suis juste lucide. Je me suis déjà fait coincer dans une vie parallèle, et je ne veux pas que ça recommence, pas avec vous.
Devant le regard interrogateur des deux filles, Link se mordit la lèvre. Comment leur expliquer ce qui s'était passé ? Bof, était-ce vraiment nécessaire. L'elfe se contenta d'expliquer qu'il avait déjà vécu une situation de ce genre et qu'elle avait très mal tourné. Cet argument sembla calmer les envies d'action de la petite princesse. Elle se résigna à être muette comme une carpe et à suivre sans discuter le guerrier.
Sentant que son équipe était enfin prête à sortir, le jeune homme sortit son miroir et scruta les environs. Plusieurs personnes passaient dans le couloir. Trois d'entre elles étaient visiblement de corvée nettoyage et s'approchèrent du placard pour y chercher de quoi nettoyer les crasses des fêtards. Il fallut encore attendre quelques minutes que quatre hommes terminent de comploter près de l'escalier, puis la voie fut enfin libre. Link confia le miroir à Magda, lui demandant de surveiller constamment les environs, pendant qu'il les conduisait vers les caves.
Le chemin se fit sans grande difficulté, jusqu'à ce qu'ils arrivent au fameux couloir du quatrième étage. Une voix puissante résonna dans tout le château.
- GRAND RASSEMBLEMENT DANS LE PARC DANS DIX MINUTES !!!
Des portes se mirent à s'ouvrir, des pas précipités se firent entendre tout autour des fugitifs. Link réagit au quart de tour et poussa ses protégées vers la tapisserie. Une fois cachés, ils reprirent le miroir pour s'assurer que personne ne les avait vus, ce dont ils furent vite rassurés. L'elfe s'interrogea sur l'origine de cette grande sortie. Rien de son ancienne expédition ne lui avait laissé imaginer une pareille animation. Qu'est-ce qui avait poussé Ganondorf à passer ses troupes en revue ? Il demanda au miroir de leur montrer le pire ennemi du royaume. Ils le virent traverser le grand hall à la statue du héros des bois, parlant d'un air agité à ses sbires. Knil était parmi eux, et le bras en écharpe. Il était visiblement revenu de son expédition de reconnaissance et avait à nouveau repéré les rescapés de l'invasion. Mauvais... le sorcier allait certainement lancer son armée à leur poursuite. En quelques minutes, tout le château semblait désert.
Link sentit Soraya lui tirer sur la manche.
- C'est le moment d'aller récupérer ton épée. Jamais tu n'auras de meilleure situation.
- Mais ils peuvent revenir à tout moment. Comme c'est une salle proche de l'entrée, nous aurons deux cents hommes sur le dos sans avoir eu le temps de réagir.
- Alors on ferme l'entrée...
- Hein ?
- Tu sais où on est ? Dans une pièce qui peut contrôler le système de fermeture des grandes portes du château, dont toutes ses entrées. C'est ce levier-là. Le temps qu'ils arrivent à ouvrir la porte, j'ai le temps de te faire une visite guidée de toutes les ailes.
- Comment sais-tu que ça fonctionne ?
- C'est ma soeur qui m'a appris, il y a deux ou trois ans. Alors ? Il ne faut pas traîner.
- C'est... possible. Laisse-moi vérifier qu'on ne risque vraiment pas de tomber sur un lézard.
L'elfe scruta le miroir un long moment, puis fit signe à Soraya de bloquer les entrées du château. Il put voir dans son miroir les portes se refermer doucement, alors que cinquante mètres plus loin, le sorcier reprochait à ses serviteurs leur incompétence. Les trois jeunes gens ne purent s'empêcher de rire. Ils gardaient le miroir fixé sur le sorcier, dans l'espoir de voir son visage lorsqu'il réaliserait qu'il avait été chassé de son fief si récemment conquis. Ils dévalèrent les escaliers tout en gloussant pour arriver devant le gigantesque carrelage à l'emblème de la Triforce. Link, se rappelant sa mésaventure, enleva son gant et toucha le dessin de sa main. Le passage vers la crypte s'ouvrit et le guerrier put aller chercher son épée en toute tranquillité et en profiter pour examiner les vitraux qu'il n'avait jamais eu le temps de regarder.
Soraya lui expliqua, en vrai guide professionnel, que la salle avait été construite en mémoire du combat du héros du temps, premier héros à avoir affronté Ganondorf à une époque où on avait décidé de construire le nouveau château sur les vestiges d'un vieux temple sacré où l'épée reposait. Les fresques représentaient les sages qui avaient soutenu Link premier du nom dans son combat. Le jeune homme se rappela subitement l'histoire racontée par Raphaëlle. Dans ce cas... son ancêtre, la sage Gerudo de l'esprit devait s'y trouver. Il la vit dans un décor orangé. Elle lui semblait courageuse, forte et déterminée. Elle ressemblait à l'image dont il s'était fait.
Après cette brève visite, ils se dépêchèrent de sortir de la crypte. Le passage se referma automatiquement. Link estimait qu'ils avaient perdu assez de temps et incita ses amies à courir vers la cave à vin. Cependant, ils eurent une mauvaise surprise en s'approchant de la pièce. Les fouilleurs de caisses y étaient toujours. Ils n'étaient pas dans un état brillant, mais suffisamment éveillés pour les voir passer et retenir la présence du passage secret. Link fut bien tenté de les tuer, mais les traces de lutte auraient prouvé la présence du passage secret dans les environs. Finalement, le jeune garçon eut envie de s'amuser un peu. Il fit signe à ses amies de se cacher derrières des tonneaux, puis s'avança vers les soldats.
- Dites donc... vous êtes au courant que le boss a convoqué tout le monde dans le parc il y a vingt minutes ?
- Que... vi on a entendu mec, et le paaatron, on s'en fout, il avait promis de la puissance, des richesses et des femmes, et on n'a eu ni l'un... ni l'autre... ni l'autre... Alors qu'il aille conquérir le monde avec des ours en peluche si ça lui chante, mais nous, on reste ici.
- Euh, les gars, le patron a l'air de mauvaise humeur. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de rester ici.
- Et alors ? Si mooooonsieeeeur le paaatron a envie de passer un savon à tout le monde, on est beaucoup mieux ici, non ?
- Non, parce que je pense que ceux qui se rendent au parc auront plus de chance que vous de rester en vie. Je vous signale qu'il compte prendre les présences.
Les ivrognes eurent enfin un éclair de peur dans les yeux.
- On va y aller et montrer comme nous sommes des bons soldats, ouais mec !
Les hommes se levèrent avec grande peine et se dirigèrent en titubant vers les escaliers.
- Et toi, tu viens pas ?
- J'ai été chargé par le patron lui-même d'aller chercher les retardataires. Dépêchez-vous d'y aller et j'oublierai que je vous ai croisés en train de vous saouler à mort.
- D'ac, capitaine.
Les alcooliques continuèrent leur chemin après lui avoir fait un salut militaire et disparurent. Les deux filles sortirent de leur cachette.
- C'est vraiment pitoyable, un homme qui s'abandonne à la boisson. J'espère ne jamais avoir à faire avec des hommes pareils.
- Ah, il faut espérer, répondit Link en souriant. Ces types-là auront du mal à justifier leur présence dans un palais fermé.
Ils continuèrent leur chemin et arrivèrent au symbole de la famille royale. Link joua l'air sur sa flûte et le passage secret s'ouvrit.
En les voyant arriver, les gens du passage réagirent différemment. Blanche de Val-Loix poussa un simple soupir de soulagement, le Sheikah sourit, le vieux Lucas serra sa fille dans ses bras et Zelda... serra tour à tour sa petite soeur et son beau chevalier au point de les étouffer.
Ensuite, ils pressèrent les aventuriers de raconter leur expédition. Link se contenta de désigner le miroir d'un air malicieux. Il posa le miroir sur le sol. Le sorcier avait terminé son puissant discours et se préparait justement à rentrer dans le château. Il parut d'abord peu surpris que les battants de la porte soient fermés, mais au fur et à mesure que ses acolytes s'efforçaient de l'ouvrir, les traits de son visage prirent diverses formes de rage terrifiantes ou ridicules.
Les fugitifs eurent droit à un très sympathique spectacle de la colère du seigneur diabolique. Ce dernier criait sur ses hommes d'être assez incompétents pour ne pas remarquer les maraudeurs qui avaient réussi à les expulser du château royal. Au bout d'un moment, ils se lassèrent de la scène, bien qu'elle leur procure un sentiment de revanche. Blanche proposa à tout le monde de se mettre en marche pour la sortie et une meilleure cachette, ce que tout le monde approuva. Link fit tout de même remarquer que Ganondorf allait certainement envoyer ses soldats à la recherche des rescapés, et qu'il valait mieux être en mesure de se défendre. Les hommes du groupe répondirent qu'ils étaient tous armés, à l'exception du vieux Lucas. Link décida de lui passer sa vieille épée qui lui était désormais inutile. Il savait à présent comment cette épée avait pu lui revenir dans le futur parallèle.
La petite troupe marcha une bonne vingtaine de minutes dans un couloir sombre, humide et plein de champignons douteux. Les jeunes filles passaient leur temps à gémir devant les végétaux plus répugnants les uns que les autres. Ils finirent heureusement par atteindre des escaliers et un air plus respirable. Les filles poussèrent des cris de joie et les autres des soupirs de soulagement. Ils arrivèrent à la sortie d'une toute petite grotte dans un monticule de pierre. La lande qui s'étendait devant eux semblait déserte.
- Bien, je crois que c'est le moment de décider de notre destination, annonça le vieux Lucas. Où pourrait-on aller pour échapper à la colère du sorcier ?
- Je pense, dit Zelda, que Ganondorf ne songera pas à aller nous chercher dans la forêt. Il l'a déjà incendiée et il ne doit pas s'attendre à ce qu'elle cache encore du monde. Il nous suffit d'aller demander de l'aide à l'arbre Mojo.
Sa petite soeur répondit immédiatement qu'elle mourrait d'envie de voir à quoi ressemblait ce fameux arbre géant dont un grand nombre de légendes parlaient. Elle ajoutait que d'après Link, c'était là-bas que son père et tous les civils s'étaient dirigés. L'elfe s'empressa de lui couper la parole.
- Je suis désolé de mettre ça sur le tas, mais je préférerais que tu me suives ailleurs. On a besoin de toi à la citadelle des nuages.
- Qu'est-ce que tu veux aller faire là-bas ? lui demanda Zelda d'un ton fort méfiant, pour ne pas dire agressif.
- A ton humble avis ? Leïa a besoin de la présence de Soraya pour se libérer d'un sort.
- Je m'en doutais ! Pourquoi faut-il que tu la fasses passer avant tout le monde ?
- Parce que Leïa est ma cousine, que je l'aime et qu'actuellement, elle possède deux fragments et est notre meilleur espoir pour vaincre nos ennemis.
- Deux fragments ?
Soraya devenait terriblement intéressée par la situation. Déjà qu'elle en était un peu le centre, le fait qu'on fasse allusion à des événements qui lui échappent l'excitait au plus haut point.
- C'est une longue histoire, Soraya, je t'expliquerai en chemin.
- Non, Link ! Tu n'emmèneras ma soeur nulle part ! Je suis son aînée et c'est à moi de choisir ce qui lui correspondrait le mieux. Je dis que ma soeur me suit à la recherche de notre père et que tu n'iras pas voir cette...
- Cette quoi ? dit Link de plus en plus échauffé. Vas-y ! Dis-le !
- Cette traînée, cette fille, petite-fille, arrière-petite-fille de garces en tous genre !
- Et bien, je répèterai tous ces mots à Leïa, et quand on aura sauvé le royaume, nous verrons comment nous riposterons aux insultes que tu viens de faire à notre famille ! Je suis un Gerudo maudit, je suis une réincarnation du héros éternel, un descendant de Ganondorf, mais aussi du héros du temps et du héros des bois. Princesse, je suis peut-être obligé de sauver le royaume, mais tu n'es pas inclue à l'intérieur.
- Tant pis pour toi, imbécile. Mais ma soeur ne t'aidera pas plus que moi.
- Noooon, je veux aller avec Link ! gémit la petite princesse, en s'accrochant à son bras.
Blanche de Val-Loix jugea bon d'intervenir avant que se produise une catastrophe.
- Ecoutez, les jeunes. De un, vous avez besoin les uns des autres. La discorde ne vous mènera à rien. De deux, je pense qu'il est dangereux de faire voyager les deux soeurs ensemble. Si vous vous rappelez bien, c'est toujours pour des raisons de sécurité que vous avez été séparées et je crois que cela doit toujours être d'actualité. Elisabeth, je pense que tu as raison de vouloir rejoindre ton père et je ne m'y oppose nullement, mais ta soeur doit être mise en sécurité. Elle sera beaucoup mieux à la citadelle des nuages dont seuls les Sheikahs connaissent l'emplacement.
Tout le monde se tut. Les personnes réfléchissaient ou se taisaient pour laisser les personnes concernées réfléchir. Tous finirent par conclure que la suggestion de la nourrice était la plus sage. On divisa le groupe en deux en fonction des destinations. Link, la petite princesse et sa nourrice partaient pour le mystérieux quartier général de l'organisation la plus énigmatique du royaume, ce qui excitait Soraya au plus haut point. Tous les autres, Sheikahs, civils et Zelda, tenteraient de retrouver les rescapés de l'invasion. Sur ce, la protectrice des princesses jugea bon de rappeler à quel point il était important de taire ce qu'ils avaient entendu à propos de ce fameux repaire. Tous firent le serment de ne jamais en parler.
Enfin, tous furent prêts à partir. Au début, ils marchaient ensemble, leur destination respective étant dans la même direction. Leur progression était lente, étant donné la présence d'un enfant et de personnes âgées dans le groupe. De plus, on constatait que la nuit approchait à grands pas. On commençait à s'inquiéter car tout le monde savait que les plaines étaient peu sûres durant la nuit et que les carnivores quittaient leur tanière pour piéger leurs proies endormies. Ce n'était définitivement pas une bonne idée de s'arrêter au beau milieu de la plaine.
- Savez-vous s'il y a des refuges dans ce coin-ci ?
- Il y a les ruines d'un village qui a été ravagé il y a plusieurs années, annonça un Sheikah... mais je ne sais pas où il se trouve exactement. Il n'en reste pas grand-chose qui sorte de terre. Il n'est pas simple à repérer.
- C'est mieux que rien, répondit Link. Au moins, nous saurons nous protéger des animaux sauvages.
Tout le monde approuva et vingt minutes plus tard, ils arrivèrent dans une sorte de champ de ruines envahi par la végétation. Les rares murs encore debout ne faisaient guère plus d'un mètre de haut quand on arrivait à les voir sous la mousse et le lierre. Le site était abandonné depuis bien des années. On réussit toutefois à dégager l'entrée d'une cave assez bien préservée et où ils pourraient passer la nuit.
Alors qu'une équipe s'occupait à faire un feu dans la cachette, une autre à faire un repas frugal, Link explorait le village. Il se demandait comment cet endroit avait pu être abandonné. Il semblait pourtant grand et assez important. De plus, il devait être au beau milieu des voies commerciales. Non, il devait y avoir une raison très spéciale pour avoir été déserté. Il s'approcha d'un bâtiment qui lui semblait plus attirant que les autres. Link y vit des pierres noires et des planches brûlées. L'édifice avait été incendié. L'elfe ne savait pas pourquoi, mais cela le rendait triste. Il avait l'impression de regretter le sinistre, de vouloir la maison comme elle était avant. Machinalement, il s'approcha de l'endroit où devait se trouver le foyer et s'assit à sa droite. En coup d'oeil, il remarqua un dessin d'enfant représentant un chevalier gravé sur une brique de l'âtre. Pourquoi donc était-il si troublé ? Il ne comprenait absolument pas. Certes, il y avait dû se passer un drame à cet endroit. Le bâtiment avait dû se consumer avec ses habitants, mais Link se sentait trop bouleversé pour être étranger à cet événement. Il décida de quitter le lieu avant de se mettre à pleurer. Il continua son exploration et arriva à un endroit où une multitude de pierres dressées se tenaient en rangées bien ordonnées. Qu'est-ce que c'était ? Il n'hésita pas longtemps, cela devait être le cimetière. Il fut immédiatement attiré par trois tombes nettement mieux entretenues que les autres. Pourquoi étaient-elles presque neuves alors que les autres étaient déjà recouvertes par la mousse et les inscriptions déjà presque effacées ? Il s'en approcha et voulut lire ce qui était gravé sur les pierres tombales.
Ici gît Euklid Pandragon
Né en 471 de la nouvelle Dynastie
Décédé en 498 de la nouvelle Dynastie
Emporté par la terrible épidémie qui sévit à la cité royale
Humble serviteur de la mémoire du royaume
Frère jumeau d'Uther Pandragon
sur la tombe suivante :
Ici gît Uther Pandragon
Né en 471 de la nouvelle Dynastie
Décédé en 501 de la nouvelle Dynastie
Protecteur du village de Wallax
Chevalier de l'étoile du crépuscule
Tombé au combat lors de l'assaut et de la ruine de Wallax
Sur la dernière tombe :
Ici gît Alicia Homéka
Née en 475 de la nouvelle Dynastie
Décédée en 501 de la nouvelle Dynastie
Tuée lors de l'assaut et de la ruine de Wallax
Epouse bien-aimée d'Uther Pandragon
Link se laissa tomber sur le sol. Il était en train de réaliser qu'il se trouvait sur la tombe de ses parents.
Link ne savait pas quoi faire... il cueillit des fleurs dans ce qui restait du cimetière et les posa sur la tombe de sa mère. Puis il s'agenouilla à nouveau devant la tombe de son père et resta silencieux pour se recueillir. Le silence ne dura cependant pas fort longtemps. Link entendit des bruits de sabots. Un troupeau de chevaux semblait approcher, mais Link ne les voyait pas. Il commençait à faire sombre, et la visibilité était devenue très réduite. Link commençait à devenir nerveux. Les chevaux étaient censés se trouver à quelques mètres de lui et il ne les apercevait toujours pas. Soudain, une voix rompit le silence.
- Tu es vraiment incapable de prendre soin de ton cheval, toi.
Link sursauta. Un homme venait d'apparaître à ses côtés. Ce dernier éclata de rire. Il s'agissait d'Hippophilos.
- Tu devrais voir ta tête, elle vaut la peine d'être immortalisée.
- Je n'ai pas envie de rire, Hippophilos, désolé.
Le premier-né regarda l'elfe, puis les tombes. Il comprit la situation. Il s'assit auprès de lui.
- Tu es le fils d'Uther...
- Tu connais mon père ?
- Pas personnellement, mais lors du sac du village, j'ai recueilli quelques chevaux qui s'étaient enfuis, dont le sien. Les pauvres bêtes m'ont raconté toute l'attaque. Le cheval de ton père m'a narré dans les détails la façon dont tes parents ont été exécutés. Je suppose que cela ne t'intéresse pas...
- Je ne pense pas que je veuille le savoir. Ce que je me demande, c'est comment il se fait que moi, je sois en vie alors que tous ces gens sont morts.
- Ça... le cheval m'avait dit qu'il avait vu son plus jeune maître allongé et inconscient sur le sol. Tu étais peut-être assommé et les assaillants t'ont cru mort. Enfin, je suis certain que tu es ce garçon. Ton cheval en est la preuve.
- Heu... tu peux expliquer ?
- C'était il y a quatorze ans... entre temps, le cheval de ton père est resté auprès de moi avec tout un troupeau. Il y a rencontré une belle et fougueuse jument et...
- Et quoi ?
- Il y a six ans, j'ai demandé à leur fille de retrouver l'enfant du maître de Pieguemal, et cette jument, c'est ton cheval.
- Getella ???
- Oui.
- C'est pas croyable...
- Tu as eu une vie incroyable, tu sais...
- Tu n'as pas idée.
Le premier-né tourna la tête.
- Ce n'est pas tout ça... devine qui j'ai récupéré il y a trois heures, galopant au beau milieu de la plaine ?
- Elle... elle va bien ?
- Bien sûr qu'elle va bien... sa queue est un peu roussie, mais rien de grave. Elle a eu la peur de sa vie lorsque l'écurie où elle se trouvait a pris feu, mais comme tous les chevaux paniquaient, ils ont réussi à faire un passage en force à travers les monstres. Certains y ont laissé leur peau, d'autres sont blessés, mais ta jument va bien. Je tiens juste à te signaler qu'elle commence à t'en vouloir de la mettre dans de pareilles situations.
- C'est pas ma faute...
- Possible, mais tu vas avoir du mal à la convaincre de te suivre, de plus qu'elle s'est trouvé un bel étalon parmi les rescapés des écuries.
- Ben voyons... et comment je fais ? Je n'ai pas ton pouvoir de communiquer avec les animaux.
- Reste près d'elle, cajole-la, joue-lui de la musique...
- Ça marchera ?
- Je ne sais pas... mais il faut que tu lui montres que tu tiens à elle.
Le premier-né se leva, frappa dans les mains et l'intéressée apparut à l'autre bout du cimetière. Link s'en approcha doucement. Getella le regardait fixement. Le premier-né s'effaça, comme pour laisser un vieux couple régler ses comptes. Link était terriblement embarrassé par la situation. Jamais de sa vie il n'aurait cru avoir à recoller les morceaux avec une jument. La situation lui semblait terriblement ridicule. D'un autre côté, il avait besoin de Getella, ne serait-ce que pour porter Soraya durant le trajet jusqu'à la citadelle.
- Bon, Getella, je ne pouvais absolument pas prévoir qu'une catastrophe allait se déclencher dans cette écurie. Je pensais que tu y serais bien à l'abri, bien nourrie, bien soignée. Ce n'est pas ma faute si un dingue a décidé de piller la ville...
Le cheval ne semblait absolument pas intéressé par les arguments de l'elfe. Le jeune homme tenta de s'approcher de l'animal pour le caresser, mais cette dernière recula de quelques pas.
- Ecoute, Getella, je n'ai jamais voulu qu'il t'arrive le moindre mal. Je tiens à toi... j'ai besoin de toi, je t'aime...
L'elfe se sentait complètement ridicule. Comme si la situation n'était pas assez compliquée, Zelda trouva le moment propice pour venir signaler à Link que le repas était prêt et qu'on l'attendait. Elle fut, évidemment, surprise de voir Link parler à un cheval. Elle ne se moqua pas de lui. Au contraire, elle trouvait absolument adorable qu'un homme puisse prendre le temps de cajoler un animal. Agrippée au cou du jeune homme, elle voulait le regarder réconforter son noble destrier.
- Zelda, je t'en prie, la situation est assez compliquée comme ça. On doit être seuls.
- Et bien, je veillerai à ce que personne ne vienne vous déranger.
- Zelda, c'est toi qui nous dérange... si tu vois ce que je veux dire. Va manger et dis aux autres que je viendrai plus tard.
La jeune fille partit, déçue. Cependant, Link n'avait pas l'impression d'en être débarrassé. Il était persuadé qu'elle était cachée derrière un mur pour continuer à l'écouter. Il décida de l'ignorer et de se réoccuper de la jument, un peu dépassée par la scène. Il s'en approcha et se mit à lui caresser l'encolure.
- Getella... Je suis désolé que tous ces événements te soient arrivés. Je suis désolé de ne pas avoir réussi à te protéger correctement...
Et Link continua, une heure durant, à chuchoter des mots doux à son cheval. Au bout de ce temps, l'elfe crut déceler de l'affection dans le regard de l'animal. Elle se mit à mâchouiller ses vêtements. Juste à cet instant, l'ami des chevaux réapparut.
- Lorsqu'un cheval s'attaque à tes vêtements, c'est qu'il t'aime bien. Je pense que tu as réussi. Eloigne-toi un peu pour qu'on voit si elle te suit.
L'elfe obéit. Le cheval le suivit instinctivement.
- Visiblement, elle a l'air d'accord. Tes problèmes sont résolus.
Link approuva. Il remercia le premier-né pour toute l'aide qu'il lui avait apportée. Ce dernier allait partir lorsque l'aventurier l'interpella.
- Attends un instant... avec Getella, j'avais complètement oublié un détail avec la tombe de mes parents. C'est toi qui les as si bien entretenues ? Les pierres funéraires sont comme neuves.
- Ce n'est pas moi. La dernière fois que je suis passé nourrir mes chevaux dans cette région, c'était il y a six ans.
- Mais alors... qui donc aurait pu entretenir ces trois tombes en particulier ?
- Aucune idée. J'aurais pensé que c'était toi. C'est ta famille, tu as grandi ici.
Link ne trouvait rien à dire à cela. Il ne connaissait pas son passé. Il avait tout oublié suite à ce terrible échec dans son futur antérieur. Etait-il possible que ce soit lui qui ait pris soin des sépultures de ses parents et qui les ait oubliés ? Cependant, une autre idée commençait à faire son chemin dans l'esprit du héros éternel. Elle était folle, peu probable, mais le jeune homme préférait de loin cette idée à la première. Il pensait à ce mystérieux cousin disparu qui voulait retrouver le village de ses ancêtres. Et si c'était lui ? Et s'il était toujours vivant... et qu'il venait régulièrement ici pour honorer sa famille ?
Le lendemain matin, notre jeune héros avait l'esprit assez embrouillé. D'abord, les piaillements des jeunes filles l'avaient empêché de dormir, et ensuite, il n'avait pas eu le temps de correctement assimiler les nouvelles qu'il avait apprises la veille. Il ne savait pas ce qu'il devait croire. Il désirait de tout coeur que son mystérieux cousin soit encore en vie et qu'il vienne régulièrement rendre hommages aux morts de Wallax, mais une petite voix au fond de lui-même lui disait que son amnésie lui avait fait oublier une vie entière, et donc la vérité à ce sujet. L'elfe sentait que cette vérité était bien moins émouvante que celle qu'il s'imaginait. Le jeune homme renonçait donc, temporairement, à enquêter sur le protecteur des tombes.
Ses objectifs, eux aussi, étaient vagues. Il ne savait plus ou mettre sa priorité. Devait-il protéger les rescapés de la cité royale, aller retrouver Leïa, se mettre à la recherche des morceaux de la Triforce du courage ? Il y a deux jours, il s'était engagé à aller retrouver sa douce amie. Il lui avait fait la promesse de vite la retrouver, mais à présent, il se demandait s'il n'avait pas mieux à faire que d'aller contempler ses beaux yeux et lui apporter la relique.
Les deux groupes se préparaient. Celui qui allait à la recherche du roi d'Hyrule prenait soin de rafler le plus de nourriture possible, cueillant les fruits et légumes sauvages qui poussaient dans ce qui restait des potagers. Link, Blanche et Soraya, eux, ne voulaient pas traîner. L'elfe installa la petite princesse sur la selle de sa jument et ils partirent rapidement.
Le voyage se faisait sans encombre. Ils tombèrent quelques fois sur des sales bestioles défendant leur territoire, mais qui ne faisaient pas le poids face à l'elfe. Au début, ils ne se disaient pas grand-chose. La petite princesse parlait toute seule, heureuse de pouvoir, pour la première fois de sa vie, monter à cheval. La petite fille rêvait d'aventures, de parcourir le monde avec un fidèle destrier et demandait à son garde du corps de lui raconter toutes ses batailles. Link dut en inventer une bonne dose et en adapter d'autres, mais au final, ce n'était pas embarrassant, et puis, cela les occupait. A la tombée de la nuit, ils arrivèrent au village de Saut-de-Roc. L'elfe était partisan de passer la nuit à l'auberge des bouquetins, mais Blanche voulait profiter de la nuit pour emprunter le chemin secret de la citadelle. Néanmoins, elle demanda à son coéquipier de laisser le cheval à l'écurie. Il ne saurait pas se déplacer sur les sentiers qu'ils allaient prendre. Link alla donc confier son cheval aux palefreniers, tout en leur faisant mille et une recommandations quant aux soins à lui prodiguer. Il ne voulait pas que Getella lui fasse un faux-bond de plus.
L'elfe se rappela que la seule fois qu'il s'était rendu dans la mystérieuse construction Sheikah, c'était dans la poche de son ami Rick et que celui-ci utilisait un chemin créé par l'ennemi. L'elfe aurait dû se douter que la base secrète des Sheikahs était bien plus difficile d'accès. Il se demanda comment ils pourraient bien y arriver.
La nourrice leur fit prendre le chemin du sanctuaire de pierre, puis, arrivant à un carrefour, choisit le chemin de gauche. Link se souvint l'avoir pris dans son futur antérieur. Il donnait sur les restes d'un pont de cordes au-dessus d'un précipice. Le jeune homme était étonné. Il n'avait pas remarqué la moindre trace d'un autre passage. La Sheikah s'approcha des deux bâtons de bois marquant le début du pont. Elle fit signe à la petite princesse de la rejoindre.
- A partir de maintenant, je vais te bander les yeux. Même toi, tu ne dois pas savoir où se trouve la forteresse.
La petite fille ne broncha pas et se laissa faire.
- A présent, je vais guider ta main vers une barre que tu ne devras lâcher sous aucun prétexte. Elle va te guider vers l'entrée de notre cachette. Je vais aller devant toi pour être sûre que tout va bien, mais attention, le passage qu'on va prendre est étroit, alors tu restes contre la rampe, et tu ne la lâches pas. Tu pourrais ne pas la retrouver, ou glisser.
Bonne élève, Soraya continuait d'obéir. Sa nourrice lui saisit la main, tâtonna un des bâtons et sembla agripper un objet dans le vide.
- Tu la sens ?
- Oui.
L'aventurier était étonné. Les mains des deux filles ne tenaient rien. Il fut encore plus surpris de voir Blanche s'avancer dans le vide. Ses pieds évoluaient sur... de l'air. Il la regarda d'un air inquiet. Elle lui sourit.
- Elisabeth m'a expliqué l'ampleur de ta tâche, lui répondit la femme. Tu as le droit de "voir", même si ce "voir" ne veut pas dire grand-chose. Tu peux constater que ce chemin est la fierté de notre peuple, notre plus fabuleuse création. Je te donne juste une précision. Sans la barre, la voie n'existerait pas. C'est pour cela qu'il ne faut pas la lâcher une fois que l'on s'y engage.
Curieuse, Soraya voulut enlever son bandeau, mais Blanche la retint de justesse. Toujours aussi peu confiant, l'elfe empoigna son guide invisible et s'avança sur un sol dur comme du verre qu'il ne voyait toujours pas.
Link n'avait pas aimé la promenade sur les corniches du château d'Hyrule, mais une fois qu'il était bien engagé dans la "passerelle Sheikah", il se mit à penser qu'il aurait donné toutes ses richesses pour pouvoir y retourner. Au château, au moins, il voyait ce sur quoi il évoluait. Ici, il tenait du vide et semblait marcher sur un pont de cristal qui pouvait se briser à tout moment à vingt mètres du sol, lequel était composé de rochers pointus et de minuscules arbrisseaux qui ne pourraient nullement amortir sa chute. A chaque pas, l'elfe craignait de poser le pied là où rien ne pourrait le soutenir. Heureusement pour lui, le chemin n'était pas tellement difficile. Il tournait légèrement, montait un peu, tournais dans l'autre sens. Link comprit que le chemin les emmenait à un endroit non visible depuis leur point de départ. Dans le noir, cela ne comptait pas, mais à la lumière du jour, on aurait pu repérer leur point d'arrivée.
Après un quart d'heure de sueurs froides, ils arrivèrent enfin à une abside naturelle dans la roche de l'autre côté du précipice. Pendant que Link se remettait de ses émotions, la guide enleva le bandeau des yeux de la petite princesse et se mit à jouer l'hymne de la famille royale sur un ocarina. Un phénomène semblable à celui des caves du château d'Hyrule se produisit. Les cailloux sortirent, s'enfoncèrent, la paroi semblait être faite en une gélatine tremblante et animée. La roche se divisa en deux parties qui formèrent des colonnes, laissant apparaître un sombre couloir.
- Nous sommes arrivés, annonça Blanche.
Elle sortit un petit cristal qui ressemblait à de la glace. Elle souffla dessus et il s'illumina, éclairant une bonne dizaine de mètres de l'escalier qui s'offrait à eux. Les trois compagnons s'y engagèrent. Les lieux étaient silencieux et vides. Durant leur progression, ils n'entendirent que le bruit de leurs pas sur la pierre, et cela donnait un son assez sinistre. Le chemin paraissait sans fin. Ils durent marcher vingt minutes dans cette ambiance sordide avant d'arriver dans une crypte sombre, froide et humide décorée de plusieurs colonnes simples. Pour Link, cette pièce semblait encore plus inquiétante que les escaliers, car son ouïe d'elfe percevait des respirations, des mouvements et des murmures. Des gens les épiaient dans l'ombre. Il fit part de sa constatation à sa guide. La Sheikah se risqua à signaler leur identité et à demander aux épieurs de se montrer. A nouveau, le silence et les respirations leur répondaient. Nerveux, Link dégaina son épée et se mit à faire le tour de la salle pendant que Soraya se blottissait contre sa nourrice. L'elfe se retourna pour voir si les deux filles allaient bien. Il vit que les yeux de la petite fille le regardaient avec terreur.
- Derrière toi !!!
Link n'eut pas le temps de se retourner. Plusieurs mains l'avaient agrippé et attiré dans la pénombre.
- Le chef est venu !!! Il est venu !!!
- Bienvenue parmi nous, Link !
L'elfe mit quelques secondes à comprendre que les mains qui lui donnaient des coups dans le dos et lui frottaient les cheveux étaient celles de sa petite bande de voleurs.
- Qu'est-ce que... vous foutez là ?
Blanche arriva avec son caillou lumineux.
- Link, qui sont ces gens ?
- Mes amis... Zelda les a envoyés ici.
- Mais... cette salle est sensée être gardée par des Sheikahs, pas par des paysans
- C'est une longue histoire, madame.
- Et nous vous saurions gré de ne pas nous appeler "paysans". Depuis quelques jours, nous sommes les membres de l'équipe d'élite d'infiltration des réseaux du peuple de l'ombre.
- Pardon ?
- C'est vrai, Link, si tu savais ce qui s'est passé pendant ton absence. Contrairement à ce que la rumeur populaire raconte, les Sheikahs sont loin d'êtres les sinistres agents secrets que nous nous figurions. Ils sont assez sympa, ont un bon sens de l'humour et nous ont proposé de participer à un "jeu" pendant notre séjour ici. Ils voulaient profiter de nos talents pour éprouver leurs systèmes de sécurité. Alors on joue, nous à infiltrer les quartiers ou récupérer les objets qu'eux, veulent défendre. Une fois que nous avons atteint notre but, nous faisons un bilan de notre expédition, leur signalons sur quelles failles nous avons joué pour qu'ils puissent s'améliorer. C'est un excellent entraînement pour tout le monde. Juste à l'instant, nous nous concertions pour la méthode à suivre pour notre prochain défi. On a choisi cette cave parce qu'elle est loin de tout et possède une isolation acoustique très surprenante.
La nourrice avait du mal à croire que ses collègues se livraient à ce genre de bêtises. Ce repaire secret, invulnérable s'était-il vraiment transformé en terrain de jeu, et ses occupants en gamins joueurs ? Link, lui, examina le visage de ses amis. Ils avaient l'air en forme, bien traités, c'était tout ce qui comptait. Il nota que deux personnes manquaient.
- Où sont Rick et Viktor ?
Les visages de ses amis devinrent plus sérieux et plus graves.
- Viktor est parti en mission de reconnaissance et Rick... (les visages devenaient soudain hésitants) il est au chevet de mademoiselle Leïa.
Le mot "chevet" résonna sinistrement aux oreilles de l'elfe.
- Chevet ? Qu'est-ce que...
- Ben... déjà, avant hier matin, quand tu es parti, elle n'allait déjà pas très bien. Elle était fatiguée, un peu fiévreuse. Mais hier après-midi, elle est subitement tombée dans une sorte de sommeil hypnotique. C'était terrifiant. Elle était en transe, prise de convulsions, semblait subir toutes sortes de tortures. Il y avait même des brûlures qui apparaissaient sur sa peau. Les experts en sorcellerie disaient qu'elle avait été envoûtée, que quelqu'un déversait sa colère sur une statuette à son effigie et que cela se répercutait sur elle. Ça a duré trois heures, puis tout s'est arrêté. A présent, elle dort et ne se réveille pas.
Comme Link s'en voulait. Après avoir été expulsé de son château, le sorcier s'était défoulé sur la seule victime à sa portée, son arrière-arrière-petite-fille. Pourquoi n'y avait-il pas pensé ? Tout ça, c'était de sa faute. Leïa avait souffert le martyre parce qu'il avait eu envie d'avoir une petite revanche sur Ganondorf. Il exigea immédiatement que ses amis le conduisent à la jeune fille. Les garçons se concertèrent un instant, soi-disant pour savoir qui avertir de son arrivée, mais quand ils firent signe aux arrivants de les suivre, ils avaient déjà la mine beaucoup moins grave.
- Il faut que tu ailles d'abord voir le vénérable Telavi, le doyen de la citadelle pour lui expliquer qui tu es. C'est lui qui s'occupe de protéger Leïa. Je pense qu'il y aura toute une série de formalités avant que tu ne puisses la voir. On va te montrer.
- Ça va aller, les coupa Blanche de Val-Loix. Je suis une habituée et un des membres les plus influents de notre communauté. Ça passera tout seul. Continuez vos jeux d'espions.
Les garçons devinrent subitement souriants.
- Justement... C'est dans le plan.
Zieck se dirigea vers les escaliers.
- Je pars annoncer votre arrivée et chercher Viktor.
- ... et le dîner par la même occasion, ajouta Rajick d'un ton entendu.
- C'est ça. Prenez tout votre temps.
Le garçon partit, le visage malicieux. Les autres se mirent en marche, tout en demandant à Link de leur raconter son aventure au château d'Hyrule. Le jour précédent, on leur avait annoncé que l'illustre cité avait été envahie. Leïa s'était fait un sang d'encre pour lui et était désespérée de ne rien pouvoir faire. Les habitants de la citadelle avaient vécu le drame "en direct" grâce à un mur enchanté qui transmettait les images. A nouveau, Link se demandait s'ils avaient pu voir son duel contre son ancêtre dans le mauvais futur.
Les nouveaux arrivants furent vite amenés dans une très grande salle ornée de bannières et d'élégantes sculptures. Le voyageur du temps eut un peu de mal à réaliser qu'il s'agissait de la salle du trône de Ganondorf qu'il avait si souvent vue en rêve dans son futur antérieur. Celle-ci était si propre, si belle, si élégante, rien à voir avec la sombre et sinistre pièce de ses songes. Au milieu de la salle, trois hommes l'attendaient assis sur des fauteuils installés sous un dais. Link reconnut immédiatement le vénérable Telavi, ainsi que le désagréable Duc Dalbe, le troisième lui était inconnu.
Blanche se dépêcha de se présenter et de saluer comme il se doit les membres les plus importants de la communauté de l'ombre et d'introduire ses protégés, en commençant par Soraya. Link fut très intrigué par le regard que le Duc posa sur la jeune princesse. Est-ce qu'il voulait dire "Oh non, un gamin de plus à garder, c'est pas un jardin d'enfant ici !" ou alors "ils sont fous de nous l'avoir confiée, je doute que les imbéciles qui peuplent la citadelle en prendront grand soin" ou encore "La princesse... serait-ce l'occasion rêvée d'étendre mon influence ?". En tous les cas, Link n'aimait pas le regard de l'homme. Ensuite, venait le vénérable Telavi, avec son corps d'homme centenaire, mais avait une lueur de malice dans les yeux. Le dernier était impassible, quoiqu'un peu fatigué.
Le vieux doyen de la citadelle accueillit les nouveaux arrivants chaleureusement. Il leur annonça qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour rendre leur séjour agréable et aider le jeune héros dans sa quête. Le duc d'Albe approuva par son silence et le dernier homme par un hochement de tête fatigué. Link profita donc de cette atmosphère pour demander comment se portait son amie. L'homme endormi se redressa en un bond. Il se présenta, d'une voix un peu embarrassée, comme le responsable des lieux et de la garde de la jeune fille. Il lui demanda de le suivre en un lieu moins surveillé. Il tenait à s'expliquer seul et tranquillement. Link et ses amis le suivirent, mais le vieux Telavi les retint sur le pas de la porte.
- Les garçons... vous, vous restez ici.
- Mais pourquoi ?
- De un, parce que notre cher Edh Gar ne veut s'expliquer qu'avec votre ami, et de deux parce que nous voulons vous tenir à l'oeil.
- Mais... on a des choses à faire.
- Nous aussi, jeunes étourdis, et c'est pourquoi je vous demande de rester ici durant l'entretien. Je sais parfaitement que votre objectif du moment n'est pas loin des appartements où dort votre protégée. Il faudrait me prendre pour un imbécile pour s'imaginer que je ne réalise pas qu'il s'agit d'un prétexte pour vous approcher de votre cible.
Les garçons se résignèrent, l'air penaud. Le vénérable doyen, lui, semblait s'amuser comme un enfant. Blanche de Val-Loix et sa protégée, elles, suivirent l'elfe. En quittant la pièce, la petite princesse ne pouvait pas s'empêcher de regarder avec fascination la bande de fureteurs.
Le gardien de la citadelle emmena ses hôtes dans un couloir.
- Bien, je suppose que vos amis vous ont déjà prévenues qu'elle avait eu un petit problème.
- Oui, et j'avoue que cela ne me surprend pas beaucoup. J'étais déjà au courant que Ganondorf lui avait jeté un sort.
- Et bien, après observation des symptômes, nous savons à présent quel genre de sort on lui a jeté... et nous savons aussi comment le briser. Seulement, les deux méthodes nous paraissent irréalisables dans l'immédiat.
- Pourquoi ?
- Le sort consiste à utiliser un élément ayant fait partie du corps de la victime, des cheveux, des ongles, du sang... et le mélanger avec une savante composition de terre ensorcelée et en former une statuette à l'effigie de la victime. Dès lors, tout ce qui arrive à la statue se répète sur le propriétaire de l'élément. Pour briser ce sort, il faut récupérer la statue et en retirer l'élément via des sortilèges. Le noeud du problème est là. Nous n'avons pas la moindre idée de l'endroit où peut se trouver cette statue.
- J'aurais été étonnée que vous en connûtes la cachette, mais vous avez parlé d'autres méthodes.
- Oui... mais elle paraît encore plus irréalisable... C'est de lancer un contre-sort en donnant à la victime une assez puissante source de magie pour lui permettre de couper le lien avec la statue. Mais nous n'avons rien de tel ici, et il semblerait que le sort ait réussi à l'empêcher d'utiliser celle qu'elle possède.
- Et si on lui donnait un autre morceau de Triforce ?
- J'avais cru comprendre que votre fragment n'était pas complet.
- Ça ne suffit pas ?
- Tant que le triangle d'or n'est pas complet, les pouvoirs des cailloux est totalement dérisoire. Non, ça ne suffira pas.
- Et la Triforce de la sagesse ? les interrompit la petite princesse.
Les deux hommes se tournèrent vers la petite fille qui avait visiblement envie d'être utile.
- On ne l'a pas.
- Moi, je l'ai, dit-elle en agitant sa main droite.
On pouvait effectivement y voir le fameux symbole dont le triangle de droite brillait. Link ne pouvait pas s'empêcher de se féliciter d'avoir insisté pour l'emmener. Le gardien de Leïa regarda la petite fille avec surprise.
- Evidemment, si la relique change de propriétaire sans prévenir... Oui, on pourrait essayer, mais sauras-tu te servir de ses pouvoirs ?
- Je sais déjà faire plein de choses avec, répondit l'enfant, fière de l'intérêt soudain qu'on lui portait.
- Bon... dans ce cas... veuillez me suivre.
Il leur fit prendre un grand escalier élégamment décoré de fresques et de statues, un long couloir puis un autre escalier. Ils arrivèrent à une porte gardée par quatre Sheikahs qui s'empressèrent de les laisser passer. La chambre dans laquelle ils entrèrent était absolument ravissante. Il y avait de très grandes fenêtres qui donnaient sur l'ensemble de la citadelle et les montagnes aux alentours. La pièce était éclairée, aérée et parfumée par de beaux bouquets. Elle était vraiment agréable à vivre. Link repéra immédiatement Rick qui était installé à une des fenêtres et en train de discuter avec une jeune Sheikah. Il se leva et se précipita sur Link pour le serrer dans ses bras.
- Un instant, j'ai vraiment commencé à paniquer, lui dit-il.
- Toujours entier, comme tu le vois. Allez, où est Leïa ?
Le jeune homme indiqua un grand lit à baldaquin dont les rideaux étaient tirés.
- Elle s'est réveillée il y a une heure, mais elle s'est rendormie tout aussitôt.
- Merci d'avoir veillé sur elle.
Link s'approcha du lit, pendant que Rick retournait à sa chaise près de la fenêtre. Etrangement, Rick semblait dix fois plus intéressé par la vue de la citadelle et de sa nouvelle compagne que par ce qui se passait dans la pièce. L'elfe tira donc les rideaux du lit. Sa bien-aimée y dormait à poings fermés, mais ses yeux rougis et une forte odeur de transpiration lui indiquait que ce sommeil était loin d'être tranquille. Le jeune homme prit la main de la belle endormie et lui secoua doucement la tête. La jeune fille se réveilla péniblement et fut surprise de voir Link auprès d'elle. Elle referma les yeux. Elle pensait faire un rêve. Link dut la prendre dans ses bras pour la convaincre que c'était la réalité. La jeune fille était bien trop fatiguée pour pouvoir manifester sa joie. Elle ne répondit à Link que par un maigre sourire.
L'elfe fit signe à Soraya que c'était à son tour de jouer. La petite fille s'approcha de la malade et lui prit la main. Le triangle sur sa main se mit à briller. Il y eut un puissant éclair bleu, puis tout redevint normal... à la différence que les deux filles avaient sensiblement changé. Le symbole de la Triforce avait disparu de la main de la petite princesse et celle-ci semblait avoir rajeuni. Leïa, elle, avait à présent une chevelure mauve claire, des yeux de la même couleur et sur sa main le symbole de la sagesse était venu briller aux côtés de ceux de la force et de la révolte. La relique avait donc changé de propriétaire.
Au même moment, à bien des lieues de là, une statuette s'était désintégrée dans les mains du personnage qui la tenait.
- Je vois... tu as réussi à mettre la main sur un nouveau fragment... Il est grand temps que je te ramène à la maison.
- Hé !!! Où est ma Triforce ?
- Là où elle devrait se trouver. La demoiselle que tu viens de sauver a été désignée par les dieux pour être la gardienne de la sainte relique.
- Mais...
La petite fille était terriblement déçue. Elle était tellement fière de posséder un objet sacré, et voilà qu'elle venait de le passer sans s'en rendre compte à une parfaite inconnue.
- C'est vrai qu'on aurait dû te le signaler, mais c'est ainsi. Lorsque les mages qui gardaient les sanctuaires ont compris que Ganon le Fléau était de retour, ils ont décidé d'utiliser les grands moyens et de mettre la relique à l'abri. Face à un gardien qui a tous les pouvoirs, l'ennemi éternel du royaume ne serait pas plus puissant qu'une fourmi. C'est pourquoi nous veillons sur cette demoiselle. En tant voulu, elle débarrassera Hyrule du mal.
Link se mordit la langue... il savait parfaitement que cet avenir optimiste pouvait tout aussi bien tourner au cauchemar. Il préféra se taire. Il s'assit auprès de sa dulcinée et la regarda attentivement. Sa nouvelle apparence n'était pas mal... Les cheveux et le regard pâle lui donnaient un air assez mystérieux et fascinant. Qu'est-ce qu'il aurait aimé être seul avec elle pour pouvoir lui témoigner sa joie de la revoir. Seulement, comment se débarrasser de tout le petit monde qui était entré dans la chambre ?
- Heu... monsieur Link, peut-on savoir vos intentions à présent ? Peut-on faire quelque chose pour vous ?
Le maître de la citadelle n'avait définitivement pas envie de le laisser tranquille.
- Mes intentions... il va falloir que je m'occupe de mon morceau de Triforce, mais avant toute chose, je veux avoir un sommeil réparateur. Il est quand même pas loin de onze heures du soir et j'ai passé la journée sur les routes.
Le message avait été clair. Edh Gar ouvrit une porte qui menait à une autre chambre tout aussi confortable que celle de Leïa. Ce serait donc sa chambre à chaque fois qu'il ferait un arrêt à la citadelle. Il ne jugea cependant pas qu'il était temps pour lui de se retirer. Lui, Soraya, Rick et sa nouvelle copine restaient dans la pièce à attendre que l'elfe prenne une nouvelle initiative. Link ne serait donc jamais seul avec Leïa ? Le jeune homme décida d'entamer une discussion avec la jeune fille, histoire de lasser les autres occupants de la pièce. Il se mit à lui parler des indications sur les étapes suivantes de son périple, de son passage au château d'Hyrule, du village de ses parents. Edh Gar emmena très vite la petite princesse vers ses futurs appartements. Rick et la Sheikah se révélaient être beaucoup plus résistants. Ils avaient envie de savoir ce qui était arrivé à Link et voulaient à tout prix l'aider pour la suite de sa quête. La jeune Sheikah, qui se nommait Atsui, s'empara de la liste des indications sur la position des fragments et entreprit de les analyser.
Le texte était le suivant :
"Les éléments du courage furent répartis entre ses amis qu'il estimait les plus dignes de leur garde. Ils furent huit à obtenir cet honneur. Parmi ses semblables, il y est un gardien de la mémoire qui garde ses souvenirs et ses trésors figés dans la glace. Il y en est un autre qui les raconte à ses protégés qui les garderont à jamais en eux et les transmettront de la même silencieuse manière à leur semence. Il y est encore un autre de ses semblables qui décida de protéger son souvenir dans un grand temple au-delà des flots et du temps. Un autre de ses semblables désigna le plus digne et le plus sage des mortels de la terre des sables pour veiller sur le trésor. Le peuple d'une autre de ses semblables érigea sa cité sur le bien qui lui avait été confié. Le dernier de ses semblables monta vers le ciel avec son héritage, et l'on n'entend plus de lui que sa voix se mêlant au vent en une douce mélodie. Le septième gardien, héritier d'une amitié millénaire, reçut sa part comme un symbole de fraternité. Le dernier, banni du monde des vivants mais refusé au royaume des morts, attend dans les ténèbres l'heure où il pourra révéler les secrets de son ami."
- Tu es sensé trouver les morceaux de la relique du courage grâce à ce charabia ?
- On dirait...
- Mon pauvre vieux... t'es pas sorti de l'auberge.
- Tu es très encourageant, Rick, quand tu veux.
Leïa examina à son tour le texte.
- Soyons logiques... Déjà, nous pouvons déduire du texte que le héros des bois a confié la Triforce à huit de ses amis.
- Ils doivent être morts, depuis le temps, ces amis.
- Tous, sauf... le dernier, c'est le fantôme à qui on a parlé dans la tombe du héros des bois, il était refusé au royaume des morts.
- Donc, les personnages existent bel et bien. Et chacune des phrases sont nos uniques pistes pour les trouver.
Link relisait le texte. Il devait procéder par déduction et élimination pour savoir qui était qui... Une phrase lui semblait parfaitement claire.
- "Le temple par delà les flots et le temps"... Je suis sûr que c'est le temple d'Alkantir. Il a confié un morceau à Raphaëlle, j'en suis sûr.
- Un de moins... comme l'île est à l'autre bout du monde, je te suggère de le garder pour la fin.
Link s'efforçait de se remémorer la carte de la tombe de son ancêtre.
- Il y avait un autre fragment dans la forêt, mais des moblins l'ont ramassé. Qui pourrait être son gardien ?
- "Il y en est un autre qui les raconte à ses protégés qui les garderont à jamais en eux et les transmettront de la même silencieuse manière à leur semence." Rien que le terme de semence, ça me fait penser à des plantes. De toute la liste, je pense qu'il est le mieux placé pour être l'habitant de la forêt.
- Mouais... je retournerai voir l'arbre Mojo pour lui demander de plus amples informations.
- A propos de l'arbre Mojo, le coupa Rick, il y avait une rumeur chez les Kokiris parlant d'un homme, ou un génie, qui pouvait faire pousser les plantes où et quand il le voulait. Ils l'appelaient Deku.
Le coeur de Link fit un bond. Deku, il en avait entendu parler il n'y avait pas longtemps. Hippophilos lui avait dit qu'il s'agissait d'un premier-né.
- Ce n'est pas une simple légende. Un premier-né m'a parlé de lui.
- Alors c'était probablement lui, le gardien.
La façon dont Leïa avait dit le mot "c'était" résonnait sinistrement. L'ami des chevaux avait signalé à Link que les premiers-nés étaient traqués. Etait-ce pour cette raison ? Qu'était-il arrivé à Deku une fois qu'on l'avait délaissé de son trésor ? Etait-il seulement en vie ?
- Bon ça nous en fait déjà trois d'éliminés... Encore cinq.
- Le premier a un lien évident avec la glace... Ça me fait un peu penser au gardien du sanctuaire des glaces, annonça Atsui. Il y est depuis une éternité. Je n'ai jamais entendu parler d'un de ses prédécesseurs. Mais on dit que ce temple est très étrange, car on a l'impression d'entendre des murmures à travers la glace.
- "Il y est un gardien de la mémoire qui garde ses souvenirs et ses trésors figés dans la glace". C'est lui !
- Super ! Tu as ta prochaine destination. Le sanctuaire de glace est près d'ici.
- Au suivant... le gardien s'est déchargé de sa fonction sur la personne la plus sage du pays des sables.
- Je vais aller interroger Boru.
- Qui ça ?
- Heu...
Link se mordit la langue. Quel imbécile il faisait ! Les autres ne pouvaient pas encore connaître le gardien du sanctuaire des sables. Enfin, l'elfe savait à présent comment il avait connu le jeune homme. Il était écrit qu'ils se rencontreraient. Link se dépêcha de rectifier :
- C'est une connaissance des gens du sanctuaire de pierre. Il vit dans le désert. C'est le responsable du sanctuaire des sables.
- C'est tout trouvé, alors.
- Bon... le suivant m'a l'air un peu plus dur... un peuple qui érige sa cité au-dessus d'un fragment.
- C'est sûr qu'il ne sera pas facile à déterrer, s'il se trouve en dessous d'une maison.
- Vraiment aucune idée, mais on a encore le temps pour y réfléchir.
- Le suivant aussi est pas mal... on dirait que le gardien a disparu de la surface de la terre.
- Attendez... je suis en train de faire un lien entre les six premiers... On parle de "semblables"... A en juger par Raphaëlle et Deku, il doit s'agir à chaque fois d'un premier-né. Je suppose que celui-là a pour pouvoir individuel de voler... Hippophilos m'a parlé d'une de ses relations qu'il appelait l'enfant du vent. Je pense qu'il s'agit de lui. Il doit passer sa vie dans les airs.
- Si tu veux mon avis, tu vas avoir un mal de chien à le trouver.
- Tes encouragements me vont droit au coeur, Rick. Visiblement, on peut le repérer grâce à une mélodie. Il faudra creuser de ce côté-là.
- Ça va pas être de la tarte.
- Le suivant... on ne fait plus allusion à un "de ses semblables". Il doit s'agir d'un mortel.
- "Le septième gardien, héritier d'une amitié millénaire, reçut sa part comme un symbole de fraternité". Ça me rappelle à fond la légende du héros du temps. On dit que le héros était devenu le frère de sang du chef des Gorons et que ses successeurs ont fait de même.
- Il me faut donc me rendra à la montagne solitaire.
- Oui... et bien voilà, on a fait le tour !
- Sauf qu'il y a toujours deux énigmes qui sont loin d'être résolues. Enfin... je vais déjà aller chercher ceux où nous avons des sérieuses pistes. Peut-être que j'en apprendrai plus là-bas.
- Bonne idée. A présent, prends du repos... Tu vas au sanctuaire des glaces demain.
Les jeunes se levèrent. Rick et Atsui décidèrent d'aller faire un tour. A présent que Leïa allait mieux, ils n'avaient plus rien à faire dans cette chambre. Les deux amoureux étaient donc seuls. Link prit sa douce amie dans ses bras.
- Tu m'as beaucoup manqué, tu sais...
Le lendemain matin, lorsque Link arriva dans la vaste salle à manger, il avait encore l'impression de dormir éveillé, d'être plongé dans un rêve. La nuit qu'il pensait avoir passée n'avait probablement été qu'un rêve, un trop beau rêve. Il n'en revenait pas que l'amour puisse être aussi merveilleux.
Ses amis voleurs prenaient leur repas en affichant un air triomphant. Link ne savait pas comment ils s'y étaient pris la nuit dernière, mais ils avaient réussi à subtiliser l'objet qui leur avait été désigné : la clef menant aux cuisines et à leur dîner. Pour y arriver, ils avaient su tromper la vigilance de quarante Sheikahs, franchi des labyrinthes de couloirs étroitement surveillés et forcé un coffre protégé par des puissants sortilèges magiques. Ils savouraient un repas durement gagné. Rick, tout comme son chef, semblait plongé dans une sorte de béatitude. Link lui demanda ce qui le rendait si rêveur. Il lui répondit simplement qu'Atsui avait tenu à passer la fin de la soirée avec lui. Il semblait parfaitement heureux de son sort et d'avoir rencontré la jeune fille.
L'elfe ne se soucia plus de ses compagnons. Il pensait au premier-né qu'il allait rencontrer dans peu de temps. A quoi donc pouvait-il ressembler ? Et pourquoi Zelda allait-elle le remplacer dans le futur parallèle ? Etait-il en danger de mort ? L'elfe aurait beaucoup de questions à lui poser. Il avala vite son repas, retourna chercher son équipement dans sa chambre, déposa un baiser sur les lèvres de son amante encore endormie et partit.
Il retourna au pont invisible et affronta le vide une nouvelle fois. Il prit ensuite le chemin du sanctuaire de glace. Il constata au passage qu'il n'y avait aucun rocher pour lui barrer la route comme dans le futur parallèle. Il se demanda quand et comment le chemin avait pu être barré. C'est donc toujours en se posant des questions sur les similitudes entre le présent et le futur parallèle qu'il arriva au fantastique bâtiment dans le glacier. C'était toujours le même, toujours aussi grand et impressionnant. Il entra à l'intérieur et eut la surprise de voir qu'une silhouette sombre l'attendait dans la pénombre. Intrigué, l'elfe décida de s'approcher. L'ombre l'interpella.
- Tu y ressembles terriblement, mais je sais que tu ne l'es pas. Quel est donc ton lien avec Robin ?
- Heu... lien... comment dire, je, enfin nous... Je suis aussi le héros éternel. Je suis son descendant.
- Sa fille aurait déjà eu des enfants ? Non, je reçois souvent ses rêves, et elle n'en a pas encore... Mais toi... tes rêves sont pour le moins étranges. Qui es-tu vraiment ? Qu'est-ce qui te lie donc aux Gerudos maudits ?
Link soupira. Une fois de plus, il raconta ce que l'arbre Mojo lui avait expliqué sur sa famille. Cela ne semblait pas vraiment convaincre son interlocuteur. Lorsque l'elfe eut terminé, ce dernier déclara :
- C'est une très jolie histoire, mais rien ne me prouve que tu dis vrai. Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. Retrouve l'héritage de ton ancêtre et rejoins-moi dans la salle sacrée. Si tu y arrives, j'accepterai de reconnaître ton ascendance. Sur ce, bon voyage dans ton passé.
Sur ces mots, il disparut dans un nuage de brumes. Link se retrouvait seul dans le grand hall aux voûtes sombres et aux murs qui renvoyaient son image à l'infini. S'il avait bien compris les volontés du gardien, il avait carte blanche pour se promener dans le sanctuaire et trouver le fragment. C'était intrigant. Il espérait vraiment que l'elfe aille le rejoindre après avoir trouvé ce qu'il était venu chercher ? Enfin, le jeune homme devait interroger le gardien du sanctuaire. Il allait donc jouer au jeu que lui imposait l'étrange individu. Un simple détail le perturbait. Le premier-né était parti en lui souhaitant "Bon voyage dans ton passé". Il y avait certainement un sens à cet avertissement. Cela annonçait certainement les épreuves qui l'attendaient.
Sans réfléchir d'avantage, l'elfe se mit en marche. Les lieux étaient comme dans le futur parallèle. Seulement, la seule issue qui était ouverte était celle dans laquelle il s'était réfugié avec Rick pour échapper à l'araignée de glace. Les autres portes étaient verrouillées et ne bougeaient pas d'un poil. Il se résigna donc à affronter le labyrinthe aux murs glacés.
Il passa dans le petit passage et eut son premier choc. C'était bien différent de son précédent passage. Les murs de cristal étaient de toutes les couleurs. Des images animées étaient enfermées dans les parois transparentes et une sorte de murmure faisait office de musique de fond. Link s'approcha du mur. Les images enfermées représentaient des scènes plutôt banales, mais souvent avec des détails insolites, comme la présence de créatures étranges, de gestes curieux, de réactions exagérées... C'était vraiment bizarre. L'elfe décida de ne plus y faire attention. Si cela se trouvait, c'était certainement un piège visant à le déstabiliser. Il continua donc son chemin. Le seul problème venait du fait que les galeries, à présent qu'elles étaient colorées, ne ressemblaient en rien à celles qu'il avait arpentées dans le futur. Il était complètement perdu, et les images qui tournaient autour de lui commençaient à le faire paniquer.
Une demi-heure plus tard, le désespoir commençait à le gagner. Il s'assit contre un mur pour tenter de se calmer. C'est alors qu'un détail dans une scène le frappa. Il y était présent... il parlait avec des personnages curieux. Il y reconnaissait aussi Raphaëlle et le fantôme de la tombe du héros des bois. Les autres étaient bizarres. Il y en avait un qui avait des ailes de chauve-souris, un autre qui ressemblait à un Kokiri géant, une petite fille qui changeait de taille lorsque l'elfe lui remettait un caillou doré... La vue de cet objet lui fit comprendre la situation. Le type qui lui ressemblait, c'était le héros des bois et il donnait les fragments de la Triforce du courage à ses amis. Comment cette scène pouvait-elle se trouver là ? Link se remémora la phrase du gardien : "bon voyage dans ton passé". Et si les images prisonnières de la glace étaient des souvenirs, comme écrit sur le parchemin ? Mais oui, c'était évident (façon de parler, ça vous paraît logique de voir des souvenirs coincés dans des parois de glace ?). Et si le premier-né avait laissé ses souvenirs dans les couloirs, certains devaient certainement montrer les endroits où les fragments devaient être entreposés. Une autre image sur le mur représentait d'ailleurs les couloirs où il était en train d'errer. Il voyait les passages défiler, pour s'arrêter dans un cul-de-sac où se trouvaient plusieurs statues. L'image se penchait ensuite vers le sol où l'elfe pouvait voir un coffre. Link se mordit la lèvre. "Dieux d'Hyrule, faites qu'il s'agisse de ce que je suis venu chercher".
L'elfe regarda la scène plusieurs fois pour être sûr du chemin à suivre et se mit en route. Vingt minutes plus tard, il atteignit le fameux cul-de-sac et son coffre. Le jeune homme pria une nouvelle fois et força la serrure avec son épée. Il poussa un cri de joie. Sur un petit coussin pourpre se trouvait effectivement un petit caillou doré qui se laissa absorber sans broncher. Link estima qu'il pouvait se reposer.
Il s'assit sur le sol et contempla les images. Il réalisa rapidement qu'il était présent dans chacune des scènes animées. Dans l'une, il se voyait en train d'affronter Ganondorf, dans une autre, il discutait avec un curieux homme masqué. Dans une autre encore, il était au contraire jeune et écoutait attentivement les leçons de Raphaëlle. Dans une quatrième scène, il se voyait occupé à se recueillir sur la tombe de ses parents. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Comment ses souvenirs à lui pouvaient se retrouver ici ? Il regarda mieux les images. Certaines scènes lui étaient effectivement familières. La scène près des tombes lui confirmait qu'il était l'entreteneur des sépultures de ses parents, mais d'autres lui semblaient improbables. Comment aurait-il pu rencontrer Raphaëlle dans sa jeunesse ? Link n'y comprenait rien. Le mieux était de retrouver le gardien du sanctuaire et de lui demander des explications. Il se leva donc, bien décidé à connaître les réponses à ce mystère.
Il n'avait pas fait dix pas que des ombres se dressèrent devant lui. Link dégaina son épée, mais un cri l'empêcha de frapper. Une des ombres se transforma en une jolie femme brune. Link reconnut immédiatement la mère de Leïa. C'était bien la personne qui reposait dans la tombe du héros des bois, mais ayant l'air plus jeune. Link dégaina son épée. Cela ne lui disait rien de bon. L'étrange créature le regarda avec tristesse.
- Mon amour... pourquoi ces armes ? Tu ne me reconnais pas ?
- Je reconnais l'apparence, mais je ne suis pas votre amour. Qu'est-ce que vous me voulez ?
- Mon amour... je veux juste être près de toi. Je veux que tu m'emmènes loin d'ici, que nous puissions être heureux. Nous n'avons été que trop longtemps séparés. Partons sur les routes comme au bon vieux temps.
- Je ne suis pas votre amour. Nous ne nous sommes jamais rencontrés. Et vous n'êtes pas celle que vous prétendez être. La mère de Leïa repose dans une tombe avec son mari.
Les yeux du fantôme se gorgèrent de larmes. Elle tendit ses mains pour étreindre le jeune homme.
- Mon amour... Pourquoi ? Reste avec moi... je suis trop seule. J'ai peur loin de toi. Réconforte-moi. Ne me laisse pas.
Link ne savait pas comment réagir. Cette apparition était peut-être une épreuve imposée par le gardien du sanctuaire. Comment devait-il y réagir ? Devait-il combattre l'ombre ou répondre à un test ? Dans le doute, il laissa la créature avancer. La créature passa ses bras autour du cou du jeune guerrier. Elle l'étreignit à l'étouffer. Plus l'elfe se débattait, plus elle serrait fort. Link n'eut donc pas d'autres choix que d'utiliser son épée pour frapper autant que possible son agresseur. La fausse maman poussa un cri de douleur.
- Pourquoi, pourquoi mon amour ? Je t'aime et tu m'aimes... Reste avec moi. Nous serons heureux pour l'éternité.
- Au risque de me répéter, je ne suis pas Robin ! Je ne te connais que par l'intermédiaire d'autres personnes. Nous n'avons jamais eu aucun engagement d'aucune sorte.
La créature n'écoutait pas. Elle serrait dans ses mains le bras gauche de l'elfe et y plantait ses ongles.
- Tu vas rester. Tu as juré d'être à moi pour l'éternité. Où que j'aille, dans une terre lointaine ou en enfer, tu me suivras. Je t'obligerai à me suivre et à m'aimer.
Link commençait à paniquer. Cet effrayant avatar de Diana-Zelda ne pouvait visiblement pas se faire convaincre par des mots. Elle était beaucoup trop entêtée pour que Link puisse la fuir.
La créature commença à se transformer. Ses doigts devinrent des griffes, ses dents, des crocs. Ses yeux étaient à présent ceux d'un chat. Ses cheveux poussèrent à une vitesse ahurissante et de façon désordonnée et elle grandissait en taille. Elle atteignit rapidement les 2 mètres. Ses bras s'allongèrent également, s'efforçant de harponner le malheureux amant. Link n'avait plus d'autre choix que de se battre. Il s'éloigna un premier temps, tira une flèche sur le monstre qui avait décidé de le poursuivre. Elle poussa un cri aigu et s'arrêta pour enlever la flèche. L'elfe en profita pour planter son épée dans son ventre. Le monstre disparut dans un hurlement désespéré et un nuage de fumée. Link poussa un soupir de soulagement et se mit à examiner l'état de ses plaies. Les griffes avaient pénétré la chair, mais pas profondément. L'elfe déchira sa manche pour en faire un bandage. Au même moment, il réalisa qu'il y avait une autre personne dans le couloir. En levant les yeux, il crut avoir une attaque cardiaque. Il s'agissait de Leïa et elle le regardait d'un air horrifié.
- Leïa ? Que...
- Comment as-tu pu, Link ? Comment as-tu osé lui faire du mal ?
- Leïa, je...
- C'était ma mère, Link, ma mère !!!
- Non, Leïa, c'était...
- C'était ma mère ! Tu n'as pas hésité une seule seconde à la tuer, la faire souffrir. J'ai tout vu ! Comment as-tu pu faire une chose pareille ?
- Ecoute, c'était un monstre qui tentait...
- Menteur ! C'était ma mère qui ne demandait qu'à voir sa famille réunie. C'est toi, le monstre ! Je ne veux plus jamais te revoir ! Je te hais !
La jeune fille fit volte-face et se mit à courir. Link se lança immédiatement à sa poursuite. Il la rattrapa rapidement et la prit entre ses bras. Alors qu'elle criait et se débattait, le jeune homme s'efforçait de lui parler doucement.
- Ecoute-moi, je t'en prie. J'ai vu une ombre se transformer en ta mère et me harceler au point de me perforer les bras. Elle s'est transformée en monstre et me menaçait. Que voulais-tu que je fasse ? Elle allait me tuer. Cela ne pouvait pas être ta mère. Celle qui t'a mise au monde repose dans une tombe aux côtés de ton père. La chose que j'ai tuée a pris son apparence pour me piéger. Il fallait que je la neutralise.
La jeune fille s'était calmée et le regardait à présent d'un air profondément triste.
- Tu me tuerais, moi ?
- Mais... pourquoi je te tuerais ?
- Parce que je suis sa fille, un monstre.
- Non, tu n'es pas sa fille.
A ces mots, Leïa recula de quelques pas et se transforma en une grande silhouette grise et brumeuse. La seule chose qui subsistait d'elle était ses yeux prêts à pleurer.
- Je ne vois pas pourquoi je te tuerais. Tu ne me menaces pas.
- Pauvre idiot... je suis encore plus dangereuse qu'elle. Ma mère a entaillé ta chair, mais moi, je te rongerai le coeur.
Ne sachant pas comment régler le problème, Link voulut détourner le regard et faire mine de partir à la recherche du maître des lieux. Le fantôme le retint par le bras.
- Tu ne comptes quand même pas me fuir ?
- Je ne veux pas avoir à t'affronter. Il est inutile de se battre.
- Si. Mon maître veut que je te retienne ici.
- Quel maître ?
- Le chasseur de rêves, le gardien du sanctuaire de glace. Il m'a donné la vie et m'a demandé en retour de te coincer ici.
- Et tu comptes m'en empêcher par tous les moyens ?
- Je ne décevrai pas mon créateur.
- Désolé, mais je dois vraiment te fausser compagnie.
Il frappa un bon coup dans le bras de la créature et se mit à courir. Il garda ce pas pendant une dizaine de minutes. Il entendait la chose déplacer de l'air derrière lui mais ne voulait pas se retourner. Si elle le rattrapait, il serait obligé de se battre.
Il finit par arriver dans la salle sacrée. Le chasseur de rêves était assis sur l'autel, les bras croisés et les jambes se balançant dans le vide. Il avait une peau gris clair et des cheveux bleu métallique. Il avait l'air sinistre.
- Tu es différent de Robin. Face à ce genre de situation, il n'aurait pas hésité à combattre et à éliminer la deuxième créature.
- Toi... Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? A quoi tu joues ? C'est quoi, ces créatures que tu m'as envoyées ?
Link entendit que le spectre de Leïa venait de le rejoindre, prête à le neutraliser. Le chasseur de rêves appela la créature. Elle vola docilement jusqu'à lui.
- Les Dourga sont mes créatures favorites. Lorsque je reçois un rêve suffisamment fort et riche en informations, je l'incorpore à un bloc de glace et je le sculpte. Les souvenirs et la force du songe lui donnent vie. Le rêve devient réel, vivant... Dourga 3 était une de mes plus anciennes créatures. Je l'ai créée à partir d'un songe de la princesse Diana, à l'époque de la troisième guerre de Ganondorf. Il racontait sa sensation de solitude et d'abandon. Elle était contrainte de se déguiser en mage noir et de servir son pire ennemi, ce qui impliquait de tenter de capturer Robin. Tu as dû affronter son désespoir, sa folie, sa peur d'être seule. Elle me manquera un peu, bien que sa présence me sapait sérieusement le moral.
Le gardien s'étira et continua :
- Dourga 52 a été créée aujourd'hui. J'ai reçu tôt ce matin un de tes rêves. Il était particulièrement riche en amour, en affection, mais aussi en peur de perdre celle que tu aimes. Tu crains que le moindre coup de vent ne l'emporte.
Link fronça les sourcils. Il n'avait pas fait tout ce chemin pour entendre cet homme lui faire des leçons.
- Si je t'ai imposé cette épreuve, c'était pour savoir à qui j'avais affaire. Les rêves, tu sais, c'est ton cerveau qui fait repasser tous les événements de la journée, parfois un peu dans le désordre, de façon chaotique... Mon pouvoir, c'est percevoir ce que voient les autres dans leur sommeil, de les capter, de les figer dans la glace. Tu as eu l'occasion d'observer ma petite collection pendant ton voyage, je me trompe ? Bien. J'ai commencé à enregistrer tes rêves lorsque j'ai commencé à découvrir ta ressemblance avec mon vieil ami, mais jamais aucune information ne pouvait répondre à mes questions. Depuis un peu moins d'une semaine, par contre, il y a tellement d'images dans tes rêves qu'ils en sont indéchiffrables. En apprenant d'une Sheikah que tu allais me rendre visite, j'ai voulu prendre mes précautions. Ça te va ?
Link dévisagea le premier-né qu'il considérait comme une sorte de savant fou du genre de Pythagore, mais en beaucoup plus dangereux. Il avait bien compris ce que le créateur de Dourga voulait dire, mais qu'attendait-il de lui à présent ?
Le chasseur de rêves sortit un bloc de glace de son manteau de fourrure. Il pouvait y voir un autre rêve emprisonné.
- A présent... en voici un que tu as fait il y a quatre jours. Je crois que c'est le plus riche depuis ton changement de comportement. Tu m'en as déjà expliqué une grande partie, mais je suis tout de même intrigué. Ton cerveau repasse des événements de ton passé (futur compris). Jusque là, c'est normal. Seulement il y a plusieurs scènes qui se répètent mais qui sont à chaque fois un peu différentes. Par exemple : Je sélectionne la scène du combat où tu perds ton ami Bjorn...
Link le vit faire défiler l'écran par imposition des doigts sur la paroi.
- La cinématique du combat est quasi la même partout, mais elle se déroule dans des lieux différents. Oh, c'est toujours la forêt, plus ou moins le même endroit. Cela dit, le combat se déroule une fois dans une clairière, et une autre fois dix mètres plus loin, dans les arbres, ou encore sur un sentier où des cadavres de mites géantes gênent le combat. Ce n'est pas la seule scène à avoir ce genre de bug. Il y a la scène de ta première "nuit" avec Leï...
- Hé ! Je t'interdis de regarder ce genre de truc !
- Pardon, désolé (mais tu en rêves beaucoup, je te signale). Il y a aussi la scène du duel avec Ganondorf à la citadelle. Là, c'est toujours le même endroit et elles se terminent toujours de la même manière, par ta chute dans le vide. Ce qui change, c'est la façon dont tu te bats et comment tu es expédié dans le précipice. Cette scène doit se dérouler de... quatre, cinq... onze, douze, treize façons différentes. Je n'avais jamais vu ce genre de phénomène. Robin avait parfois des visions à répétitions, mais pas à ce point.
Link s'approche du bloc de glace pour examiner ses souvenirs enfouis. Il en reconnaissait la plupart. Les mystérieux combats contre Ganondorf correspondaient à ses rêves dans le futur parallèle. Il fit part de sa constatation au gardien du bloc. Ensuite il lui demanda s'il avait une explication au phénomène.
- Oh... il y a une possibilité toute simple. Ton subconscient n'appréciait pas la façon dont les événements s'étaient déroulés et a essayé de modifier le cours des choses, mais sans succès. Cela peut aussi venir de toi. A la place de ton subconscient, tu es revenu en arrière pour l'affronter à nouveau, et cela s'est soldé par de nouveaux échecs. Remarque, pour échouer treize fois, tu dois être nul, ou lui, monstrueusement fort.
Link fit une grimace. Il fit mine de ne pas avoir relevé la remarque. Il ne savait pas ce qu'il devait penser de ses avertissements.
Link décida qu'il était temps de changer de sujet. Il avait laissé le premier-né faire étalage de ses pouvoirs, mais il était temps de revenir à la quête. Il exposa sa mission et les maigres indications du texte. Le chasseur demeura pensif.
- Que de nostalgie... Cela me rappelle le jour où il nous a convoqués, nous, ses plus grands amis, pour nous confier une partie de son trésor. Je m'en souviens bien... le souvenir a d'ailleurs été sauvegardé. Oui, je vois parfaitement ce que tu veux dire. Je reconnais tout le monde. Le mieux que je puisse faire, c'est te dire où ils vivent.
Il prit le parchemin.
- Je constate que certains passages ont été rayés...
- Oui, ce sont ceux dont j'ai déjà découvert l'identité, que je sais où trouver ou dont j'ai déjà trouvé le trésor.
- Je vois... Celui qui fait référence au sage du désert, il doit s'agir de Trésed. C'est celui qui a le plus d'affinités avec la région. Il erre généralement aux frontières du désert pour chercher à l'étendre. Les hommes du désert doivent connaître ses mouvements. Ils le prennent pour un dieu. Ensuite... je vois que tu as déjà croisé Raphaëlle et Deku. A ce propos, comment va-t-il Deku ? Cela doit faire huit jours que je n'ai plus aucun rêve venant de lui.
- Heu... en fait, le morceau qu'il gardait, je pense que c'est celui que j'ai subtilisé à une horde de moblins....
- Je vois...
Le premier-né baissa les yeux et garda le silence un instant.
- Il est donc mort. C'est assez inquiétant. Ganondorf aurait-il réellement eu vent de notre rôle actuel ? S'il a déjà réussi à avoir Deku, il pourra nous tuer aussi. Je devrais me cacher... Si tu vois les autres, préviens-les du danger.
Link approuva de la tête. Le gardien du sanctuaire de glace continua son analyse du papier.
- Ah... Minisha... Tu ne devrais pas avoir trop de mal à la trouver et la convaincre. Il te suffit d'aller à la ferme Loon, pas très loin du lac Hylia. Tu t'arranges pour aller dans le pré et tu verras, au milieu de tout, plusieurs rochers. C'est la cité qu'elle protège. Ah oui, il faut connaître un sortilège capable de te faire rétrécir au moins à la taille d'un pouce si tu veux franchir l'entrée.
- Ça va. Je connais la ballade des souris.
- Bon. Celui qui va te poser problème, c'est Valoo, l'enfant du vent. Il passe sa vie dans les airs. Il est impossible à localiser. A la limite, va voir la gardienne du sanctuaire de corail. Il passe la voir souvent. Je pense que c'est l'endroit où tu as le plus de chance de le voir se poser.
- Merci.
- Sinon, je vois que tu vas devoir aller rencontrer le chef des Gorons. Fais attention à toi, ils ont l'air sympa, mais ils ont un sens de l'humour que je trouve douteux.
- OK, merci du conseil.
- Bien, j'ai fait le tour. J'espère que tu n'auras pas trop de problèmes. Accomplis vite ta quête et débarrasse-nous vite de Ganondorf. Je me sentirai plus tranquille une fois qu'il sera envoyé ad patres.
Link opina. C'est à ce moment qu'il réalisa que son bras lui faisait étrangement mal. Ce n'était pas qu'il ne le sentait plus, mais plutôt qu'il ne percevait que des sensations froides et désagréables. Il enleva le bandage qui masquait la blessure faite par le Dourga 3. Les plaies étaient devenues bleu foncé. Le chasseur de rêve parut très embêté. Il expliqua sur un ton gêné que cette réaction au contact avec ses créatures ne se produisait que dans un cas sur cent. Les gens atteints de ce mal perdaient l'usage du membre atteint. Il était comme paralysé. Il avoua, confus, qu'il ne connaissait aucun remède. Les Sheikahs avaient déjà tenté de guérir cette maladie parce que quelques-uns des leurs avaient eu le malheur de trop traîner aux alentours du sanctuaire des glaces, mais n'avaient jamais réussi à guérir le mal. Link ne se fit cependant pas trop de soucis. Dans sa tête, il pensait que Leïa saurait résoudre le problème. Il remercia le premier-né pour ses indications et partit. Link dut cependant vite renoncer à retourner à la citadelle des nuages. Son bras paralysé l'empêchait tout simplement de passer la passerelle invisible. Il pestait de ne pas pouvoir atteindre quelque chose qui pourtant était si proche de lui. Qui aurait les compétences nécessaires pour guérir son mal, à présent ?
La solution ne lui vint pas tout de suite, mais une fois qu'il eut les noms en tête, il ne put plus les en enlever. Les deux elfes du sanctuaire des bois, Pythagore et Thalès, ils sauraient sûrement quoi faire. De plus, le sanctuaire n'était pas si loin et il en profiterait pour voir comment se portaient les autres réfugiés.
Il se cramponna à la selle de Getella et lui demanda de se rendre au sanctuaire des bois. Le trajet ne fut pas de tout repos. Son bras congelé ne lui facilitait pas la tâche. Non seulement il le faisait souffrir, mais ne lui était d'aucune utilité. Son bras gauche devait tenir les deux rênes à la fois, le maintenir sur la selle, enlever les cheveux qui lui tombaient régulièrement dans les yeux... Il était complètement exténué en atteignant les bouleaux et les buissons en fleurs qui annonçaient la proximité du bienfaisant arbre Mojo. Il eut juste le temps de voir des Kokiris sortir des haies qu'il tomba au sol. Il entendit les éternels enfants se presser autour de lui. Dans un souffle, il leur supplia de l'amener aux deux savants fous, puis sombra dans le noir.
Il se réveilla allongé sur un lit de mousse dans une pièce aux nombreuses et étranges odeurs. Son bras malade n'était plus froid, mais enveloppé dans de grandes feuilles qui sentaient la résine de pin. Il entendit rapidement des voix qui s'agitaient derrière un rideau. L'elfe était trop faible pour comprendre ce qu'ils disaient. Thalès apparut, suivi de près par la princesse Zelda. Cette dernière se jeta au cou du malade en réalisant qu'il était réveillé. L'elfe guérisseur eut beaucoup de mal à la décoller de son héros. Il finit par lui annoncer qu'il allait être contraint d'ôter la tunique du malade et qu'elle devait sortir. Elle obéit, rougissante, et disparut. L'elfe médecin s'approcha de son patient, le visage souriant.
- Non, je n'aurai pas à te déshabiller... Mais je pensais que tu n'aurais pas envie de l'avoir à tes côtés.
- Tu m'impressionnes, Thalès, personne jusqu'ici n'a jamais réussi à la faire bouger aussi rapidement.
- Vraiment ?
Le guérisseur sourit et enleva les bandages de feuilles.
- Qu'est-ce que c'était que cette blessure, tu as eu ça où ?
Link lui raconta toute son aventure dans le sanctuaire de glace. Thalès réfléchit quelques secondes, et se mit à lui expliquer d'un ton d'expert :
- Et bien... je ne suis pas sûr à 100%, mais en tout cas, j'ai pu analyser ton sang, mesurer le taux de magie qui y traînait, analyser l'état de la plaie... j'ai pu isoler le mal et te donner des potions de premiers soins. Tu n'es pas encore totalement guéri. Je pense te faire un remède à base de fleurs aritunières, ensuite, on va appeler Fado pour qu'il prononce un nouveau sortilège pour enrayer l'énergie négative qui y est entrée, et je pense qu'après une journée de repos, tout ira pour le mieux.
A ce moment-là, une voix grincheuse se fit entendre du côté du rideau.
- C'est ça, et reste à son chevet durant tout ce temps, pendant que tu y es. Vas-y, soigne ton copain. Ton vieux maître ne dira rien.
Thalès poussa un soupir.
- Il a besoin de soins, maître.
- Et moi, j'ai besoin des résultats de tes recherches qui n'avancent toujours pas. Combien d'expériences as-tu faites depuis le début du mois, hein ?
- Maître... ce sont les circonstances...
- C'est ça, bien sûr ! Une fois, c'est la visite trimestrielle aux parents, ensuite ce sont les copains qui sont malades, les réfugiés à loger et à soigner... Il te fallait entrer à l'académie de médecine du bourg d'Hyrule, si tu voulais faire médecin. Tu t'es engagé comme apprenti chercheur, C-H-E-R-C-H-E-U-R ! Et les chercheurs étudient les maladies rares, mais n'ont cure des vulgaires égratignures.
- Maître ! Vous n'allez pas me dire que ce garçon n'avait qu'une vulgaire égratignure.
Le vieux Pythagore entra dans la pièce. Il avait à présent des yeux malicieux.
- Hé hé... ça non, je crois que c'est ma plus belle observation depuis au moins vingt ans. Un phénomène de pétrification partielle, c'est absolument remarquable, inespéré...
- Il a sûrement d'autres choses à faire que de rester ici pour servir de rat de laboratoire, maître.
- Suffit disciple ! Quand le maître parle, l'élève l'écoute et retient son enseignement. Tu es vraiment décevant, ces derniers temps.
Thalès baissa la tête. Le vieil homme regarda son sujet d'étude avec déception.
- Dommage que le roi m'interdise de te garder en observation... Qui sait si le mal est vraiment enrayé... et si tu faisais une rechute, hein ? Ces gens se croient plus malins que les scientifiques. Heureusement qu'ils n'exercent pas notre profession, sinon ce serait le souk. Disciple... tu continues d'observer l'évolution de la blessure et de prendre note. Moi, je prends un dernier échantillon du sang contaminé et je me remets au boulot.
Ce qui fut dit fut fait, et Link et Thalès se retrouvèrent à nouveau seuls.
- L'ambiance est charmante ici. C'est tous les jours comme ça ?
- Oh... parfois... mais je m'y suis habitué. Il est maniaque au point de vue du travail, mais il a un bon fond. Il est gentil.
- OK, et à propos des réfugiés... Il y a beaucoup de monde qui est arrivé ici ?
- Au début, il devait bien en avoir 300, mais ils sont partis peu à peu, par groupes de 40. Ils avaient conscience qu'ils ne pouvaient pas tous rester entassés ici. Je crois qu'ils sont allés s'établir dans d'autres endroits de la forêt ou ont tenté de rejoindre d'autres villages. Ils disent que ça brouillerait les pistes. A présent, il n'y a plus que le roi et sa suite ici. Ils ont tous eu l'air horrifié en te voyant arriver en si piteux état. En quelques minutes, la rumeur s'est répandue et ils étaient persuadés que les troupes du sorcier encerclaient le sanctuaire et allaient donner l'assaut d'un instant à l'autre. C'était la panique. L'arbre Mojo a eu beaucoup de mal à calmer tout le monde et les convaincre qu'il n'y avait rien. Maintenant que tu es réveillé et que tu vas mieux, tu vas pouvoir sortir et dire ce qui s'est vraiment passé. Ils ont quand même paniqué quinze heures.
- Quinze ?
- Oui, tu es arrivé ici hier et tu as bien dormi. Il te fallait au moins ça pour récupérer.
Link acquiesça de la tête. Il attendit que son ami refasse le bandage. Une question lui vint à l'esprit.
- Pythagore... il n'avait pas dit que tu allais voir ta famille régulièrement ?
- Euh, oui, pourquoi ?
- Il y a si peu d'elfes de nos jours. Tu as de la chance de toujours avoir les tiens.
- Euh... oui, bien sûr. Evidement, avec la pression que me met mon maître, c'est déjà un miracle que j'arrive à les voir tous les trois mois. Et maintenant que le bourg d'Hyrule a été envahi... Je ne sais pas... J'ai peur de ne plus jamais voir ma mère.
- Pourquoi ?
- Mes parents sont séparés. Mon père est à la campagne, mais ma mère était au bourg d'Hyrule...
Link ne répondit rien, mais sentait la tristesse et la colère monter en lui. Si Ganondorf avait tué la mère de son ami, Link le lui ferait payer.
- Je te promets que Ganondorf regrettera ses tueries.
- Oui... Merci et bonne chance dans ce projet. Bon, essaye de te lever pour voir.
Link put se lever sans faire d'efforts. Il se sentait en excellente forme. Thalès fut surpris d'assister à un si prompt rétablissement. Link reprit ses vêtements et son équipement et sortit après avoir remercié son ami pour tous les soins qu'il lui avait donnés. Dehors, il fut accueilli par des chevaliers qui le tirèrent littéralement vers l'arbre Mojo. Là-bas, il dut faire à nouveau un récit de ses aventures pour rassurer les habitants du sanctuaire et leur faire comprendre que le monstre qui l'avait mis dans un état pareil était loin de la forêt. Les angoisses de la foule se calmèrent.
Le roi s'avança pour remercier Link de son zèle, lorsqu'un nouveau cri retentit. Trois hommes avaient vu un oiseau géant se poser en haut de l'arbre défendu. Les gens redevinrent nerveux. Tous savaient que les seuls utilisateurs de condors dorés étaient les sbires de Ganondorf. Link poussa un soupir et annonça qu'il allait voir de quoi il retournait. Il se fit rattraper en chemin par Sir Marsias.
- Attends... Zel... la princesse est dans l'arbre interdit. Elle participe à des rituels de magie avec le gardien du sanctuaire et d'autres Kokiris. Ils sont en danger. Je viens avec toi.
Link ne broncha pas. Un guerrier expérimenté ne serait pas de refus contre un serviteur de Ganondorf. Ils entrèrent donc dans les restes de l'arbre géant. Ils entendirent une jolie musique lointaine. Sir Marsias signala que la mélodie devait provenir de leurs amis. Ils se guidèrent donc au son. Ils grimpèrent de hauts murs de lianes, affrontèrent des labyrinthes de plantes, des plantes carnivores et des bestioles en tous genres, tout en se rapprochant de la mélodie composée de sons de harpe, de flûte et de violon.
- Comment ces Kokiris peuvent-ils arriver à un tel endroit du temple sans avoir à se battre ? C'est dingue !
- Pourquoi se donner tant de mal, aussi ? Pourquoi faut-il qu'ils fassent leur rituel au sommet de l'arbre défendu ?
Cette discussion fut interrompue par des cris d'enfants. Quelques secondes plus tard, ils virent débouler d'une pièce quatre jeunes Kokiris, dont Fado.
- Au secours ! Il y a... il y a un ...
- Un quoi ?
- Il y a un monsieur qui est arrivé. Il a capturé Thyma et mademoiselle Zelda.
- Thyma ?
- Une Kokiri... C'était l'ancien sage. Il a lancé une espèce de filet qui résistait à nos sorts et il les a capturées. Il va les emmener !
Sir Marsias s'élança. Link le retint.
- Une minute... au cas où on foirerait notre coup, je préfère prendre mes précautions. Il ne faut pas que je sois reconnu. Ma tête n'est vraiment pas appréciée, dans le camp ennemi. Ganondorf ne doit absolument pas savoir qu'un sosie de son arrière-petit-fils rode dans les parages.
Link sortit sa flûte de pan et joua le refrain Gerudo. Il se transforma en fille.
- Quoi ? T'as quelque chose contre les travestis, Marsias ?
- Ben... est-ce que cela te sera vraiment utile ?
- Je ressemble trop au père de Leïa. Ganondorf ne doit pas savoir qu'un nouveau héros est arrivé. Et oui, en tant que fille, je possède des qualités physiques non négligeables au combat.
- Hein ? Pardon ?
- Ne va rien t'imaginer. Je suis plus rapide et plus agile.
Le chevalier détourna la tête et reprit sa course. Les deux compagnons arrivèrent dans la salle des prières où ils retrouvèrent les deux prisonnières et leur agresseur. Link ne put s'empêcher de pousser un cri de surprise.
- TOI ?
Car l'homme occupé à lier les mains de la petite Kokiri n'était autre qu'Aromir, le mercenaire qui avait laissé la vie sauve à Link dans le futur parallèle. Le travesti fit signe à son compagnon de ne pas bouger. La situation était trop complexe pour être réglée en quelques coups d'épée. D'abord, en réalisant qu'il allait être dérangé, le ravisseur avait tiré une dague de sa ceinture et l'avait placée sous la gorge de sa prisonnière. Ensuite, Link ne savait pas comment traiter l'ennemi. Il ne pouvait quand même pas le tuer. Pourquoi ne pas le tuer ? Parce que dans le futur, il allait... mais qu'est-ce qui lui faisait croire que le futur serait semblable à celui dont l'elfe venait ? C'était trop dur... Il fallait gagner du temps. L'aventurier(ère) savait que son adversaire avait un bon fond. Il ne méritait pas de mourir.
Sans mettre de ton agressif dans sa voix, l'elfe demanda à l'homme de lâcher la petite fille. Pour toute réponse, Aromir se rapprocha du filet où était toujours emmêlée la princesse Zelda, sans quitter ses interlocuteurs du regard. Link réitéra son ordre.
- Laisse-les partir.
- Et pourquoi je les laisserais partir ? Elles sont ma meilleure défense.
Link décida de tenter, comme lors de leur dernière rencontre, d'avoir recours à la voie diplomatique.
- Aromir... qu'est-ce que tu espères ? Pourquoi es-tu venu ici ?
- Attends voir. Tu le connais d'où, ce type ?
- Tu le connais, toi ?
Le chevalier se retourna et regarda leur ennemi d'un air sévère.
- Sir Aromir de Foks... ou plutôt le traître de Mandagar. Il était un des plus puissants capitaines du royaume. Puis il a vendu des secrets d'état et pactisé avec la secte des Maltics. Il a livré d'autres capitaines, des légions, des villages, des forteresses avant d'être démasqué lors de la prise du château de Mandagar. C'est l'homme le plus haï et recherché du royaume.
- Vraiment ? Je me sens honoré d'avoir causé autant de mal à la royauté.
Link n'y comprenait plus rien, mais il tenait à garder la logique de laisser vivre Aromir en prévision du futur. Il devait essayer de le raisonner.
- Pourquoi ? Pourquoi as-tu fais ça ?
- Pour les avantages qu'il a pu en tirer, tiens.
Zelda semblait terriblement frustrée d'être ignorée. Aromir lui répondit en lui donnant un violent coup de pied au visage.
- Parce que je hais ce royaume, je hais ce roi, je hais cette politique de corruption, ce système pourri, ces capitaines qui imposent leur loi et que le roi n'est pas foutu de châtier. Ce roi est un incapable et sa fille, une erreur de la nature qui aura tôt fait de plonger le pays dans la guerre civile à sa montée au trône. Toute la terre d'Hyrule est une erreur. Elle n'ira pas plus mal avec Ganondorf qui, lui, saura imposer un gouvernement fort et sa loi.
- Tu crois vraiment que Ganondorf fera mieux ? Tu crois qu'il est ce dont Hyrule a besoin ?
- Ce type est complètement fou ! Il n'a pas idée de la nature et des intentions du sorcier.
- Aromir... crois-moi... Ton nouveau maître va te décevoir. Tu ne supporteras pas la vie qu'il te fera vivre. Tu vas haïr ce qu'il va faire d'Hyrule comme tu hais le royaume actuel. Tu as tort de croire qu'il réalisera ton idéal.
- Et quoi ? Tu espères que je vais lâcher mes otages et me rendre, comme ça ?
- Laisse partir Thyma. Elle n'y est pour rien. Elle est innocente. Ce n'est qu'une enfant.
- Une enfant qui a plus de quatre-vingts ans, corrigea la Kokiri, inconsciente de la manoeuvre que tentait l'elfe.
Aromir esquissa un sourire.
- Mon maître veut que je lui ramène la gardienne du sanctuaire, alors je la lui ramènerai.
- Il va la torturer ! Tu ne peux quand même pas le laisser faire ça.
Aromir grimaça. Il saisit une corde dans sa poche et attacha les poignets de la petite fille contre une grosse branche d'une seule main, tout en gardant sa dague plaquée contre sa gorge et en gardant les yeux fixés sur ses ennemis. Puis il tira son épée.
- Tu perds ton temps, gamine. J'ai choisi mon maître il y a déjà bien longtemps.
- Il est toujours temps de changer. Je ne te laisserai pas partir comme ça.
Zelda commençait à sortir de son filet.
- Mais ça va pas ? Comment peux-tu faire du bon sentiment avec l'ennemi public numéro 2 ? Tuez-le et qu'on en parle plus.
- Je suis d'accord, ajouta Sir Marsias en dégainant son épée.
- Non... il ne faut pas...
- La gamine aurait des scrupules ?
- Ne me traite pas de gamine, toi. Ecoute... Ne me demande pas pourquoi, mais je pense qu'il vaut mieux qu'il vive.
- Et pourquoi ça ? Pour aller raconter à son maître que les serviteurs du roi ont des remords à l'idée de tuer leurs adversaires, que nous sommes des chochottes ?
- Hé ho... vous deux...
- Je ne sais pas si je fais un bon choix, mais la chute de Ganondorf va peut-être dépendre de lui. Il faut qu'il vive...
- Hé ! Miss je-suis-la-plus-maline !
- Quoi, Miss je-suis-le-centre-du-monde ?
- Il s'est tiré.
- Qui ça ?
- A ton avis, idiote ? Le traître de Mandagar. Avec tes bons sentiments, tu l'as laissé s'enfuir.
- Heu...
Effectivement, Sir Aromir n'était plus dans la salle. Il s'était volatilisé sans que Link ne s'en aperçoive.
- Tu es fière de toi ? Qui sait ce qu'il va pouvoir dire à son maître, maintenant ?
- Que la princesse Zelda est vraiment facile à coincer et qu'elle est casse-pieds, à part ça, rien de fort intéressant.
- Très spirituel. A présent, comme vous avez vos épées tirées, libérez-nous.
- Oui Madame.
- Et tu me parles sur un autre ton, paysanne.
- Je te parlerai comme j'en ai envie, damoiselle en détresse. N'empêche que Thyma et toi êtes toujours ici. Si Sir Marsias était venu seul, je ne sais pas s'il aurait réussi à vous sauver. Je parie que cela se serait terminé dans un bain de sang.
- Non, Link serait venu avec lui et il aurait fait en sorte que tout se passe bien.
- Non mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce qui faut pas entendre ?
Sir Marsias semblait un peu largué dans la conversation, mais tenait à ne pas passer pour l'incapable de service. Il avait déjà libéré la petite Kokiri et tenait à se faire entendre.
- Marçy, Link ne serait jamais venu pour sauver cette fille. Je suis très bien placée pour le dire.
- Marsias, qu'est-ce que c'est que ces familiarités ? Qui est cette fille ?
- Personne !!! J'en ai ma claque. Je me tire. La prochaine fois, ne compte plus sur moi. Fais-toi capturer et pulvériser sur les rochers de la citadelle des nuages, je m'en fous ! Au revoir ! Marsias, je ne comprends pas comment tu peux continuer à la supporter. Tu mérites beaucoup mieux que cette erreur de la nature qui s'acharne à pourchasser un garçon qui la déteste.
Sur cet excès de colère, la fausse jeune fille passa la porte et s'en alla. Lorsqu'il fut presque arrivé à la sortie de l'arbre défendu, il reprit son apparence normale et annonça aux gens qui attendaient devant la tour végétale que Zelda et Thyma étaient saines et sauves. Il eut droit à des ovations et de chaleureux remerciements, puis passa chez Thalès récupérer ses affaires et son cheval, et partit sans attendre de voir les rescapés de l'arbre défendu sortir. Il était temps pour lui de continuer sa quête de la Triforce. Il tira son papier. Le fragment de Triforce le plus proche était celui de Minisha.
Link galopa plus d'une journée avant d'atteindre la fameuse ferme Loon qui avait plutôt l'air d'une grande étable d'alpage, bien qu'elle n'était installée qu'au sommet d'une colline. Ses murs étaient composés de gros rochers gris en boutisse et son toit était une savante composition de pierres plates. Comme c'était déjà la fin de l'après-midi, il décida d'y passer la nuit. Il fut chaleureusement accueilli par les fermiers, logé dans l'étable avec les animaux et quelques réfugiés. Il eut droit à un copieux repas composé de produits frais et à des compagnons forts agréables qui ne pensaient déjà plus à la ruine de la cité royale. Les nouveaux arrivants étaient des amis des fermiers et envisageaient de se faire embaucher à la ferme et d'en assurer les travaux quotidiens ainsi que le transport des marchandises jusqu'aux autres villages. Tous ces gens étaient optimistes et étaient persuadés que tout irait pour le mieux.
Les trois enfants de la ferme semblaient bien connaître Link. Ils dirent à Link qu'il les avait aidés dans le passé, alors qu'ils étaient perdus dans les landes et qu'ils se faisaient attaquer par des loups noirs. Ils lui vouaient une grande admiration et étaient disposés à exécuter ses quatre volontés en signe de gratitude. Ils lui offrirent d'ailleurs un objet en cristal rose qui semblait être un fragment de coeur de cristal. Intrigué, Link leur demanda où ils l'avaient trouvé. Ils lui annoncèrent qu'ils l'avaient ramassé lors d'une promenade dans les gorges à proximité du ranch. D'abord peu rassuré quant à l'idée que ces gosses d'environ dix ans se promènent dans des endroits aussi accidentés, il se résolut à l'explorer après avoir rencontré Minisha. Son fan club s'obstinant à rester à ses côtés, il en profita pour obtenir des renseignements sur l'entrée de la cachette de la première-née. L'elfe leur demanda de lui décrire les environs et les éléments insolites proches de la ferme. Les petits aventuriers lui indiquèrent immédiatement le groupe de roches aux formes irrégulières. Le jeune homme ayant appris tout ce qu'il voulait savoir, il voulut aller dormir, mais son public voulait encore lui parler. L'elfe ne dut son salut qu'à l'intervention de leur mère qui les envoya au lit. Link put enfin se reposer.
Au petit matin, il fut cependant réveillé par un des enfants, une petite fille rousse du nom de Marion.
- Link, Link ! On a besoin de toi !
- Mmmh ? Qu'est-ce qu'il y a ?
- Viiiite, c'est terrible !
- Qu'est-ce qui se passe, Marion ?
- C'est le chat ! Il a disparu...
- Un chat ! Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? Il se promène dans la campagne à la recherche de malheureux animaux à grignoter. Il reviendra.
- Nooooon, ça fait deux jours qu'il est parti. D'habitude, il revient toujours le soir. Il lui est arrivé quelque chose.
- Ecoute, Marion, si je le vois, je le ramènerai, mais chercher un chat dans les champs, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin et j'ai beaucoup plus urgent à faire. Je suis désolé pour ton chat. Je dois mener une enquête dans les environs. Partez vous-mêmes à la recherche de votre matou.
- OOUUIIN, je te déteste ! Je croyais que tu étais gentil et que tu aimais les animaux.
La petite fille partit en courant. Link se leva en marmonnant et s'habilla. Il eut droit à un bon petit déjeuner constitué d'omelette et de pain, puis prit ses affaires et sortit dans la prairie. Il ne mit pas longtemps à repérer ce qui servait d'entrée à la cachette de la première-née. C'était effectivement de bien étranges rochers. C'était des masses de rochers gris qui semblaient avoir été fondus à plusieurs reprises, déformés, sculptés... L'elfe joua la balade des souris et en fit le tour. Il repéra une entrée entre deux gros cailloux et s'y engouffra. Ce qu'il y découvrit le surprit.
Il se trouvait dans un couloir parfaitement aménagé. Les murs étaient droits et lisses et le sol, décoré d'un pavement en mosaïque. Le lieu devait être fréquenté, mais par qui ? Quelles créatures de cette taille pouvaient réaliser un travail pareil ?
Link continua son chemin et arriva dans une pièce plus grande. Le mini-elfe constata que la voûte de pierre était soutenue par l'entassement en colonnes ce qui devait être de simples cailloux, mais qui, à son échelle, semblaient peser des tonnes. Son analyse de l'architecture des lieux fut interrompue par des bruits suspects ressemblant à des couinements de hamsters. Intrigué, Link se mit à leur recherche. Au détour d'un couloir, il tomba nez à nez avec des créatures étranges. Elles ressemblaient à des souris, mais se tenaient sur leurs pattes arrières, avaient le pelage brun clair, un visage plus fin... et surtout, elles étaient habillées et parlaient.
- Spemtgonl tiasiaf aç, niamuh nu, ho ! Av aç tnemmoc, ruojnob ?
- Heu... vous parlez hylien ?
- Hihi... c'est vrai... Cela fait si longtemps que les humains ne viennent plus nous voir que nous en oublions qu'ils parlent une autre langue que le minish.
- Heu... le quoi ?
- Le Minish, c'est la langue des Minish.
- Ah... et c'est quoi, un Minish ?
- C'est nous, gros malin. Qu'est-ce que tu viens faire ici, si ce n'est pas pour rencontrer des Minish ?
Link regarda ses interlocuteurs d'un air perplexe. Jamais il n'avait entendu parler de créatures pareilles. Comment pouvait-on connaître l'existence de créatures intelligentes de la taille d'une souris ?
- Heu... on m'a dit qu'une certaine Minisha vivait ici, et je dois lui parler.
- Ah, Minisha... Par ici. Elle habite à l'autre bout de la ville. Ça va être un long trajet.
Les Minish semblaient très accueillants. Ils lui offrirent du sirop de framboise en cadeau de bienvenue et se mettaient en quatre pour lui rendre le séjour agréable. Au bout de vingt minutes, ils arrivèrent devant une porte décorée avec des morceaux de boutons. Une des minish frappa quelques petits coups avec sa petite patte puis ouvrit la porte. Il arriva dans une salle décorée avec des fleurs géantes (à son échelle). Une humaine de la taille des Minish était assise sur un siège construit à base de bouchons de liège et était occupée à faire de la dentelle. En voyant le nouveau venu, elle lâcha son ouvrage et s'élança pour le saluer.
- Efle rehc, étic al snad unevneib el tios.
- Excusez-moi, mais je ne parle pas le minish. Vous pourriez parlez en hylien ?
- Oups... c'est vrai, pardon. Je disais donc que je te souhaitais la bienvenue dans la cité. Quel bon vent t'amène ? C'est la première fois depuis au moins une centaine d'années qu'une personne étrangère au peuple Minish pénètre dans notre ville.
- Et bien... vous êtes Minisha, je présume... Je suis à la recherche des fragments de la Triforce.
La jeune fille eut un léger sursaut.
- Tiens, tiens, il me semblait bien que ton visage m'était familier. Tu es apparenté à Robin ?
- Oui, mais c'est assez éloigné. Je m'appelle Link, je suis son lointain descendant. J'ai hérité du statut de héros et je suis engagé dans une quête pour sauver le monde.
- Hi hi... le contraire m'aurait étonné. Tu es donc venu pour chercher le morceau que Robin m'a confié il y a 500 ans ?
- C'est tout à fait ça.
- Il va y avoir un problème...
Elle l'amena à une fenêtre qui donnait sur une énorme cour intérieure. Au milieu de cette cour dormait un gros chat blanc à taches grises. La première-née expliqua qu'elle avait caché le morceau sous une des pierres qui pavaient ce grand espace. Elle annonça aussi que le chat était celui de la ferme et qu'elle ne voulait absolument pas lui faire de mal. La bête n'était pas vraiment méchante, mais elle était tombée dans la cour il y a quelques jours et n'arrivait plus à en sortir. Personne n'osait s'approcher de l'animal qui était capable de les neutraliser avant qu'ils n'aient fait le moindre geste. Le félin avait d'ailleurs fortement endommagé les murs de la cité en tentant d'escalader les façades. On ne pouvait plus entrer dans la cour.
Link comprit immédiatement ce qu'on attendait de lui. Il annonça à la première-née qu'il pensait avoir une solution pour coincer le chat et le faire partir sans lui faire grand mal, à condition qu'il puisse atteindre le lieu où était coincé l'animal sans s'en faire remarquer. Minisha lui remit une carte qui avait été dressée la veille ainsi qu'une série de bracelets "artefact minish" qui lui permettraient d'évoluer dans les décombres. Link remarqua qu'il s'agissait là des fameux bracelets volants, ainsi que ceux de force qu'il avait récupérés dans son futur parallèle. Il ne put s'empêcher de sourire. Il était content de savoir comment il avait obtenu tout son équipement du futur parallèle. Rien que pour pouvoir expliquer son passé, il aurait fait le voyage.
L'aventurier se fit guider jusqu'à l'entrée de ce qu'il estimait être un passage possible. Là, il mit son bracelet de force pour pouvoir dégager les gravats qui lui gênaient le passage. Les couloirs qu'il empruntait étaient souvent fort encombrés. Il avait beaucoup de mal à avancer. De plus, certains planchers s'étaient effondrés. L'elfe dut une fois de plus revêtir son apparence féminine et les bracelets volants pour continuer sa progression. Après avoir franchi cinq pièces, il se mit à entendre des plaintes. Il devait y avoir certaines de ces souris humanoïdes coincées dans les ruines. L'elfe décida de mettre le chat de côté pour un moment et se mit à chercher les créatures en détresse. Il les trouva finalement derrière une porte qui avait été murée suite à la chute de pierres. Les Minish étaient prisonniers de la salle depuis deux jours. Ils furent terriblement heureux de voir enfin quelqu'un venir à leur secours. Après de longs remerciements, les petits êtres se dirigèrent vers la sortie et Link put reprendre son chemin.
Les couloirs qu'il empruntait à présent avaient été sérieusement endommagés. A plusieurs endroits, l'elfe eut la désagréable surprise de sentir le sol se dérober sous ses pas. Il traversa ainsi plusieurs étages. Les bracelets de vol furent sa seule garantie de ne pas se briser les os. Les étages inférieurs, eux, étaient encore plus dangereux. Le chat s'était visiblement réveillé et s'acharnait une fois de plus à escalader la paroi. Les murs tremblaient et des pierres de toute taille tombaient autour de l'elfe.
Link eut toutes les peines du monde à atteindre le niveau des caves. Là-bas, les murs étaient plus épais et ne risquaient pas de s'effondrer. Il eut la surprise d'y rencontrer d'autres Minish qui avaient dû s'y réfugier. Il leur expliqua la situation et leur promit de faire tout son possible pour ramener le calme dans la cour afin qu'ils puissent retourner chez eux. Pour le remercier de son aide, les créatures lui fournirent une réserve de coeurs énergétiques pour qu'il puisse se remettre de son parcours du combattant. Après cette pause ravitaillement, Link reprit son chemin. Les Minish lui indiquèrent un petit passage qui devait le mener directement dans la cour centrale. L'elfe se faufila donc dans le conduit, mais sous son apparence féminine. Au bout de quelques minutes de "ramping", il put enfin voir la lumière du jour. Il débarquait dans un tas de pierres, mais au moins, cela pouvait le dissimuler un moment tout en lui permettant d'observer les lieux. Son objectif se trouvait à l'autre bout de la cour, en train de miauler et de surveiller un trou. Il avait probablement repéré quelque chose qui bougeait. Peut-être avait-il réussi à blesser des Minish ?
Link n'hésita pas longtemps. Il fit tout son possible pour sortir des décombres sans faire de bruit. Heureusement pour lui, le chat faisait suffisamment de bruit pour couvrir ses agissements. Il put se redresser sans attirer l'attention du félin. Ceci fait, il sortit rapidement sa flûte pour jouer la ballade des souris. Le chat l'entendit et se retourna, mais l'elfe avait déjà repris sa taille originelle. L'animal ne put rien faire d'autre que de hérisser ses poils et de cracher. Avant de s'occuper de la bête, Link s'avança vers le pavé que lui avait indiqué Minisha et le retira. Le fameux morceau d'or l'y attendait sagement. L'elfe n'eut qu'à l'assimiler. Ensuite, il s'assit sur le sol, en attendant que le chat cesse de se méfier de lui. Lorsque l'animal se décida enfin à venir le renifler, le travesti le prit dans ses bras et joua à nouveau sa ballade. Il rétrécit ainsi avec son compagnon temporaire.
A peine eut-il récupéré sa minuscule taille qu'il entendit des cris de joie résonner partout autour de lui. Les Minish sortaient de partout en sautillant. Link eut droit à une fête Minish en remerciement du grand service qu'il leur avait rendu. Les souris humanoïdes tinrent à lui offrir toutes sortes de filtres qui pourraient lui être utiles durant le voyage. Link prit ainsi trois nouveaux flacons dont les potions pouvaient soigner ses blessures ou le guérir d'éventuels empoisonnements. Ensuite, un autre Minish s'approcha de lui avec une grosse bourse.
- Tiens... je crois que ça a toujours fait plaisir aux humains à qui nous en avons offert.
Link ouvrit le sac de sa main droite, la gauche continuant de garder le chat qui commençait à s'endormir. Dans la sacoche, il devait y avoir une vingtaine de rubis d'une couleur argentée. Sa mémoire défaillante ne lui permettait pas de se souvenir de la valeur de ces joyaux, mais s'il devait se fier aux paroles de son donateur, cela devait représenter une somme considérable. Il remercia encore une fois les Minish pour leurs généreux cadeaux, puis prit congé et se dirigea vers la sortie. Il fut cependant arrêté à quelques pas de la sortie par Minisha.
- Euh... Je voulais te dire... Je suis désolée que tu aies eu à te mêler de nos affaires. Je sais que j'aurais pu m'occuper du chat, mais... Tu vois... ces derniers temps, je préfère rester discrète.
- Tu te caches ?
- Oui.
- Continue... c'est une sage solution. J'ai déjà eu l'occasion de constater que vous n'étiez pas en sécurité, vous, les premiers-nés. Je sais ce qui vous traque et je sais également que l'un des vôtres a déjà succombé.
- Hein ? Qui ?
- Deku.
- Oh, non... pas toi Deku.
Le visage de la jeune femme commença à se voiler de larmes. Link jugea bon de se montrer rassurant.
- Il n'y a pas de raisons que les disciples de Ganondorf te trouvent. Personne n'est au courant de l'existence d'une cité et d'un peuple pareil. Ils ne te trouveront jamais ici. Reste cachée jusqu'à ce que je règle le problème.
- Merci. Bonne chance, Link.
L'elfe salua encore une fois sa nouvelle amie et retourna dans le monde des humains.
L'elfe était presque arrivé à la ferme quand il vit arriver en trombe la petite fille qui l'avait supplié de retrouver son animal de compagnie. Marion était tellement contente de revoir son chat qu'elle sautillait d'impatience en attendant que le guerrier le lui rende. Pour le remercier, elle lui remit un autre fragment de coeur de cristal.
- Une minute, toi... d'où sortez-vous tous ces objets ?
- On les a ramassés dans la gorge, on te dit. On en avait trouvé trois morceaux dans une mini-grotte, mais il n'y avait pas de quoi faire un coeur entier.
En lui-même, l'elfe se dit que les autres morceaux devaient toujours se trouver dans les environs et prit la résolution d'aller inspecter les lieux. Il attendit que la petite fille soit rentrée dans l'étable pour partir pour les gorges. Seulement, il n'avait pas fait une dizaine de mètres qu'il tomba sur un autre visage familier. Un jeune homme dont les cheveux bruns flottaient au vent traînait près des écuries. Il s'agissait de Rick, mais qu'est-ce qu'il pouvait bien fabriquer ici ?
Le garçon avait remarqué la jeune fille. Comme il avait réalisé qu'elle le regardait, il sourit et s'approcha d'elle.
- Salut beauté. C'est drôle de te trouver là... A vrai dire, je venais ici pour chercher un ami qui te ressemble beaucoup. Je suppose que mes informateurs n'étaient pas bien malins puisqu'ils n'ont pas su faire la différence entre lui et toi... Mais puisque je suis là, je peux savoir ce qu'une jolie fille comme toi fait dans un endroit comme celui-là ?
Link était perplexe. "Il m'a reconnu ou pas ? A quoi il joue ?". Il se rappelait une scène dans le futur parallèle où Rick lui avait parlé d'un vieil événement où il s'était couvert de ridicule alors que Link était sous son apparence féminine. Et si c'était ça ? L'histoire était-elle en train de se répéter ?
Rick commençait à sortir son regard charmeur.
- Je t'accompagne quelque part, ma belle ?
Des gouttes de sueur coulèrent dans le cou de Link. Jamais il n'aurait cru qu'un jour, il se ferait draguer par son meilleur ami.
- Je te trouve bien timide, jolie môme. Il faut se détendre, voyons. Je te fais peur ?
Link leva la main pour empêcher son ami de le toucher et sortit sa flûte. Le jeune Casanova fut surpris en voyant l'instrument, mis encore plus du spectacle qui s'offrit à lui lorsque sa future conquête joua le refrain Gerudo.
L'elfe de grands chemins redevint lui-même, un jeune homme d'une vingtaine d'années, sous les yeux ébahis de son ami.
- Ah, heu... Link ?
- Qui veux-tu que ce soit ?
- Mais... euh... comment ?
- C'est plutôt à moi de te demander ce que tu fais loin de la citadelle des nuages.
- Mais je...
Le coureur de jupons ne savait plus quoi dire, tant il se sentait humilié d'avoir dragué son ami. Il mit une bonne minute à retrouver l'usage de la parole.
- Il y a beaucoup d'étranges et inquiétantes nouvelles qui sont arrivées à nos oreilles. D'abord, le gardien du sanctuaire des glaces a signalé que tu avais été atteint d'une maladie incurable, ensuite, des échos du sanctuaire des bois nous informaient que des hommes de Ganondorf se sont infiltrés là-bas et pour finir, les Sheikahs ont raconté que les Maltics organisent des pillages un peu partout en Hyrule. Il paraît qu'ils massacrent la population, en ne laissant vivre que deux ou trois personnes, de préférence des vieux ou des mères et emmènent les enfants.
- Quoi ? Mais pourquoi ? Que font-ils donc ?
- Je n'en sais pas plus que toi. C'est un peu pour ça que je commençais à paniquer et qu'il fallait absolument que je te parle.
Link regarda son ami sans savoir quoi dire. Il comprenait parfaitement que le jeune homme soit dans cet état suite à ce genre de nouvelle. Il n'aurait voulu être à sa place pour rien au monde, sachant ce que l'avenir pouvait lui réserver.
- Bon, ben, tu m'as retrouvé maintenant. Qu'est-ce que tu comptes faire ?
- Te demander ce que nous devons faire, tiens. J'ai de plus en plus de mauvais pressentiments. Leïa aussi panique. Qu'est-ce qui t'a pris de lui raconter des histoires d'horreur ? A présent, elle est persuadée que la citadelle des nuages va être attaquée sous peu et veut s'en aller.
Link se mordit la lèvre. Rick avait parfaitement raison. Ce n'était peut-être pas une très bonne idée d'avoir tout raconté à Leïa. Cependant, que pouvait-il faire d'autre pour la mettre en confiance ? Et de plus... si la citadelle allait bel et bien être attaquée, autant que ses habitants y soient préparés.
- Rick... je suis désolé, mais du futur où je viens, la citadelle a bel et bien été envahie. Je ne peux pas vous dire de quelle façon car je ne m'en souviens absolument pas.
Link fit signe à son ami de le suivre loin de la ferme. Il ne voulait pas prendre le risque que les fermiers entendent ce qu'il avait à dire. Il ne fallait absolument pas plonger le peuple dans la panique.
Les deux garçons se dirigèrent donc vers les gorges que Link avait pour projet de visiter. Chemin faisant, l'elfe de grand chemin racontait tout ce qu'il savait sur l'occupation de la forteresse dissimulée dans les montagnes. Il ne pouvait pas dire grand-chose, à part ce qu'il avait appris durant sa brève exploration des lieux et les dires entendus de Rick et Djingreï. Il n'apprenait à Rick rien de bien intéressant et il s'en voulait à présent de ne pas avoir cherché à mieux s'informer avant son voyage dans le temps.
Son compagnon ne lui en voulut pas. Ce que Link lui disait semblait lui suffire. Il changea le sujet de la conversation sur l'état de la quête de la Triforce. Link put lui annoncer avec fierté qu'il avait déjà acquis deux nouveaux morceaux, dont un dont les indications leur avaient paru peu claires. Il expliqua son intention de bientôt partir pour la montagne solitaire puis le désert. Il montra ensuite les deux morceaux de coeur de cristal et annonça qu'il était occupé à aller chercher la suite du trésor. Le jeune voleur approuva le projet et lui proposa de l'accompagner. Les deux garçons partirent donc pour les gorges.
Arrivés sur place ils rencontrèrent le propriétaire de la ferme Loon. Ce dernier expliqua qu'il était à la recherche de son fils et qu'il était persuadé que, malgré ses interdictions, le gosse s'était aventuré dans les gorges. Le pauvre homme était terriblement inquiet. Non seulement, les risques d'éboulement et l'étroitesse des chemins constituaient une grave menace, mais la gorge était également réputée pour être hantée. Les habitants de la région étaient convaincus qu'un fantôme terrifiant y vivait. Le fermier était donc persuadé que son fils était en danger de mort, mais n'osait pas descendre, par manque de souplesse dans ce genre de terrain. La venue des deux aventuriers le remplissait d'espoir. Les deux garçons, pour le rassurer, lui promirent de revenir avec le jeune casse-cou, puis s'engagèrent dans l'étroit chemin.
Les pentes étaient effectivement assez escarpées. On devait avancer sur un fin sentier longeant un fossé parsemé de gros rochers tranchants et dont l'inclinaison de la pente était de plus de 70 °. L'air y était humide. On pouvait voir monter des nuages de brouillard depuis les profondeurs et tout était silencieux.
Les deux aventuriers commencèrent à avancer lentement pour éviter de commettre le moindre faux pas. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, ils commençaient à distinguer sur le sol des traces de pas. Il s'agissait de petits pieds. Ils devaient forcément appartenir à un enfant.
- Au moins, il était entier quand il est passé par ici, lâcha Rick.
Au même moment, des gémissements parvinrent aux oreilles des 2 jeunes hommes. Ils reconnurent tout de suite les plaintes d'un enfant. Oubliant le morceau de coeur de cristal, ils s'élancèrent vers l'origine du bruit. Après un parcours du combattant, entre des rochers plus acérés les uns que les autres, ils aperçurent enfin quelque chose bouger. Un pied remuait sous de grosses pierres. Le gamin était coincé. Link et Rick arrivèrent à la rescousse.
- Hé, petit... ça va ? Tu n'as pas trop mal ?
- Dégagez ! Vous êtes en train de tout gâcher.
- Hein ?
- Laissez-moi jouer tranquillement. Je ne vous ai rien demandé !
- Pardon ? Tu es blessé et coincé sous une énorme pierre. Il faut qu'on t'aide.
- J'ai pas besoin d'aide. Les blessures, c'est pour semblant. Et j'ai envie de jouer tout seul.
Les deux sauveteurs restèrent quelques secondes complètement déconcertés. Au bout d'un petit moment de silence, le gamin ré-interpella ses perturbateurs de jeux.
- Vous êtes toujours là ?
- Ouais.
- Pourquoi vous restez ?
- Ben... parce qu'on ne va quand même pas remonter sans toi alors qu'on a promis à ton père qu'on allait te ramener vivant.
- Papa ? Qu'est-ce qu'il me veut ?
- Il est inquiet, figure-toi. La zone est suffisamment accidentée pour que tu puisses te rompre le cou. Il a peur qu'il t'arrive quelque chose de grave.
- Ah...
Le gosse resta silencieux un petit moment.
- Je remonterai, mais pas avant d'avoir vu le fantôme chanteur.
Link poussa un soupir d'exaspération. Le garçon, qui s'appelait Denis, sortit de sa cachette en quelques mouvements. Il raconta que son frère, sa soeur et lui avaient découvert l'existence du fantôme il y a quelques mois, en même temps que les morceaux de coeur de cristal. Ils ne l'avaient jamais vu. Ils avaient entendu à trois reprises un chant assez impressionnant, lent et mélancolique se mêler au vent qui circulait dans la gorge, et une fois, son ombre passer sur les rochers. Denis voulait absolument en savoir plus à son sujet et avait entrepris de se cacher dans les gorges pour pouvoir le surprendre.
Rick commençait à lui faire un sermon sur les risques de jouer aux chasseurs de fantômes, quand Link eut un choc. Il se rappelait le texte... "et l'on n'entend plus que de lui sa voix se mêlant au vent en une douce mélodie". Ce fantôme chanteur... pouvait-il s'agir de l'enfant du vent ? Il interrompit son ami dans son discours pour demander au gamin sans peur dans quelles circonstances on pouvait le voir. Denis lui expliqua qu'ils l'entendaient généralement par temps nuageux, ou de grand vent. Ils avaient vu son ombre par un jour aussi ensoleillé que celui-ci.
L'elfe s'assit sur un rocher, tous sens aux aguets. Il annonça aux deux autres que rencontrer le fantôme n'était pas une si mauvaise idée. Rick lui fit remarquer qu'attendre au fond de la gorge à longueur de journée n'était qu'une perte de temps. Les deux garçons se lancèrent dans un débat animé sur la méthode à suivre et oublièrent tout le reste. Ce n'est qu'une demi-heure plus tard, lorsque le petit garçon se mit à crier, qu'ils s'arrêtèrent.
Le petit garçon avait remarqué une ombre qui glissait sur les rochers à une vitesse stupéfiante. Link eut le réflexe de lever les yeux, mais il fut aveuglé par le soleil, et ne pouvait rien voir. L'ombre sembla descendre dans la gorge et s'éloigner de l'astre du jour. Link put enfin observer le propriétaire de l'ombre. Ce n'était certainement pas un fantôme... mais plutôt un gigantesque dragon aux écailles rouges. Alors que Rick déclarait que ce n'était pas la créature qu'ils recherchaient, une étrange mélodie se fit entendre de l'endroit où l'animal légendaire avait disparu. Elle semblait être composée de puissants grondements qui résonnaient comme de l'orgue. Nul doute que le chanteur était le dragon.
Les trois voyageurs restèrent silencieux quelques secondes, d'abord par mesure de sécurité (déranger un dragon dans sa complainte, ça peut l'énerver), ensuite dans l'espoir d'entendre à nouveau l'air majestueux. Ce fut Denis qui parla en premier.
- Ben ça... je ne pensais pas l'entendre chanter par un temps pareil. D'habitude, il attend que le vent se lève.
- Il vole en tout cas trop haut pour que nous puissions l'interpeller.
- T'es pas bien ? T'as quand même pas l'intention de nous inviter à son repas ? Je suis sûr qu'un dragon pareil se nourrit de proies humaines ou de gros bétail.
- Hé... ça explique la disparition régulière de nos vaches...
- La ferme ! Parle pas de malheurs !
- Silence, vous deux ! S'il s'agit de notre premier-né, il n'attaquera personne. Denis, rentre chez toi. Rick, je dois aller au lac Hylia. Je pense que la gardienne du sanctuaire de corail pourra m'aider.
- Lac Hylia ? Mais c'est de l'autre côté de la montagne.
- Non, c'est juste de l'autre côté de la gorge.
Les deux aventuriers se retournèrent vers le gamin, visiblement fier de se montrer plus instruit que les adultes.
- Tu pouvais pas le dire plus tôt ?
- Vous m'aviez rien demandé.
- Link... c'était un dragon... les premiers-nés ne sont pas des dragons, quand même. Ça ne peut pas être le type que tu cherches.
- Peut-être qu'il a demandé de pouvoir se transformer en ce genre d'animal.
- Je continue de dire que c'est une mauvaise idée.
- Alors remonte avec Denis, puis retourne là où tu sais pour veiller sur Leïa et n'en bouge plus. Au fait... tu ne m'as pas expliqué comment tu étais sorti de là. Les Sheikahs t'ont laissé partir comme ça ?
- Ben...
Sa gêne faisait clairement comprendre qu'il était parti en douce. Les gardiens de la base secrète des Sheikahs n'allaient certainement pas apprécier cette escapade.
Après un soupir résigné, le fugueur accepta de ramener le gosse et d'assumer les ennuis qu'il allait avoir en retournant à la citadelle. Denis, pour souhaiter bonne chance à son nouvel ami, lui fit cadeau du troisième fragment de coeur de cristal. Puis ils se séparèrent. Link entendit encore une fois Rick lui crier du haut du sentier de ne pas tarder à venir les rassurer, puis l'elfe se retrouva définitivement seul.
Link continua l'exploration de la gorge en silence. Après quelques minutes de descente, il ne tarda pas à trouver, brillant sur le sol, le dernier morceau du précieux joyau. Il s'arrêta pour assembler les pièces du puzzle. Les quatre fragments, une fois réunis, se mirent à briller. Quand la lumière s'estompa, les fêlures avaient disparu et les morceaux collaient entre eux. Le coeur de cristal semblait neuf. L'elfe fut donc parfaitement heureux de pouvoir, une fois de plus, augmenter son endurance. Il se calma cependant. Il dut se rappeler que tous les trésors qu'il avait accumulés durant son voyage dans le temps ne l'avaient probablement pas suivi. Il était redevenu faible et était donc contraint de tout recommencer à zéro. Où donc trouverait-il suffisamment de coeurs de cristal pour pouvoir tenir tête face à Ganondorf ? Il allait certainement être obligé de parcourir le royaume à la recherche de puissants adversaires à terrasser pour obtenir cette force.
Au fur et à mesure qu'il avançait, Link était de plus en plus soucieux de son prochain affrontement avec son ancêtre. Il se rappelait le commentaire du chasseur de rêves. "Pour perdre 13 fois, il devait être terriblement fort ou toi, vachement nul". Le premier-né n'avait peut-être pas tort. Et s'il avait sous-estimé sa force lors de son précédent voyage ? Perdre 13 fois ne lui semblait pas si impossible. Link se souvenait de son pseudo-combat au château d'Hyrule. Il devait à présent admettre que son ennemi était nettement plus fort que lui. S'il devait le ré-affronter dans l'instant qui suivait, il ne tiendrait pas dix minutes. L'elfe commençait à vraiment douter de lui. Il ne pouvait pas réussir. Il ne voyait pas comment acquérir la résistance nécessaire alors que l'ennemi se rapprochait de la citadelle et de Leïa. Il avait besoin d'un miracle.
Link s'assit sur un rocher quelques instants. Il avait l'impression qu'il allait pleurer de se sentir aussi impuissant. Il passa une bonne demi-heure à se dire qu'il n'arriverait à rien. Il était complètement désespéré. Il avait honte de lui-même, lui en qui tant de monde avait fondé tant d'espoirs. Il resta donc assis à broyer du noir jusqu'à ce que le soleil se mette à chauffer sa tunique. Lentement, un nouveau, mais maigre espoir se mit à naître en lui. Les premiers-nés étaient sages. Ils pourraient certainement l'aider. Il était inutile d'arrêter maintenant. Ses ancêtres avaient tous réussi à vaincre le sorcier, pourquoi pas lui ? Ils avaient tous dû se trouver, à un moment donné, aussi faibles que lui. Ils avaient tous eu le temps de s'entraîner et trouver la force de vaincre le seigneur du mal.
Il se releva donc et continua sa descente vers le lac Hylia. Il atteignit ses rives une heure plus tard. Les alentours étaient déserts. Les Zoras, visiblement, vivaient encore au fond du lac. L'elfe sortit sa flûte et joua la symphonie Zora pour se transformer en créature des eaux et plonger dans les eaux encore bleues du lac.
Le lac était bien différent de sa visite dans le futur parallèle. L'eau était toujours aussi claire, mais bien plus peuplée. De nombreux petits poissons nageaient en banc et s'échappaient à son approche. Il y avait également beaucoup plus d'algues et de grands crustacés, dont certains semblaient avoir l'habitude de chasser les Zoras. Link se débarrassa de ces derniers à coups d'épée soigneusement orientés vers la partie molle des mollusques. A condition de viser leurs points faibles, ces bestioles ne constituaient pas une grande menace. Link ne mit pas beaucoup de temps à trouver le village des poissons humanoïdes. Le village était semblable à ses souvenirs, constitué d'amas de roches, de restes de coquillages et de coraux, et agrémentés de plantes marines. Les Zoras étaient nombreux à évoluer dans l'eau et Link ne put s'empêcher d'admirer la grâce de leurs mouvements. Seulement, il sentait que quelque chose clochait. Il n'arrivait pas à dire pourquoi, mais les Zoras n'avaient pas l'air de bonne humeur. Ils semblaient tous malades. Ils faisaient des grimaces, comme s'ils étaient indisposés par une odeur infecte ou qu'ils étaient tous atteints de gastro-entérite. L'elfe était désolé de les voir aussi mal dans leurs écailles.
Il en aborda un pour lui demander où se trouvait Laruto. Il fut immédiatement conduit à une maison plus imposante que les autres par la luminosité qui émanait de ses parois nacrées. Il fut rapidement introduit auprès de la gardienne du sanctuaire de Corail. Laruto était toujours la même, quoiqu'en meilleure santé, et portant pour unique tenue un grand collier orné de gros saphirs.
- Cela devait faire une éternité qu'aucun humain métamorphosé ne s'était plus aventuré dans les eaux du lac. Je n'étais même pas née lorsque le dernier héros est venu solliciter l'aide et les connaissances du gardien du sanctuaire de corail.
- Et bien, soyez honorée d'être celle qui aide le nouveau héros.
- Mais c'est déjà fait... On t'a déjà dit que tu étais pas mal, en Zora ?
- Heu... on peut parler de choses sérieuses ?
- Oui, bien sûr. Pourquoi es-tu là ?
- Je cherche un premier-né.
- Parce que tu t'imagines que les Zoras fréquentent ces mythiques sorciers ? Un peu de sérieux. Ils ne sont qu'une légende.
- Ils ne sont pas une légende. J'ai déjà eu l'occasion d'en rencontrer plusieurs, et un pas plus tard que ce matin.
Laruto fut surprise de cette réponse. Elle ne se serait jamais attendue à cette réponse.
- Pourquoi poursuis-tu ces sorciers ? Il faut les éliminer ?
- Pas du tout, au contraire.
- Mais...
- Ils n'ont rien de diabolique et de malfaisant, à part Ganon, bien évidemment. Ils nous aident à prendre soin d'Hyrule.
- Je m'excuse, mais en tant que grand sage et gardienne du sanctuaire de corail, je n'arrive pas à y croire. Comment auraient-ils fait pour échapper à mes sorts de détection des créatures magiques ?
- Ils se cachent. Ganondorf a décidé d'exterminer la race.
A la mention du sorcier, la Zora se mit à trembler.
- Ne mentionne jamais son nom. Il est interdit de le prononcer dans ces eaux. Cela nous porte malheur. Bon... et en quoi je pourrais t'aider à propos de premiers-nés dont j'ignorais l'existence ?
- Et bien... on m'a dit que l'un d'entre eux passait régulièrement près du lac. Il se nomme Valoo.
La gardienne rosit et s'exclama :
- Le noble Valoo n'a rien d'un premier-né. C'est un esprit protecteur et c'est un dragon !
- Probablement a-t-il demandé de pouvoir se transformer en dragon.
- Ce n'est pas un sorcier qui complote contre les déesses.
- Mais qu'est-ce qui te fait croire que les premiers-nés complotent contre les déesses ? Les premiers-nés sont des gens très bien.
- Tu insultes notre esprit protecteur !
- Alors j'irai discuter de tout ça avec lui, et m'excuser si je fais erreur. Comment puis-je le rencontrer ?
- Il est hors de question que je laisse un inconnu faire du mal à notre protecteur.
- Je ne lui veux aucun mal. Je dois lui demander où se trouve la Triforce du courage.
Laruto resta silencieuse et regarda son interlocuteur d'un air boudeur. Link soutint son regard. Au bout de cinq minutes d'un dialogue silencieux, la femme poisson consentit à présenter l'elfe au puissant dragon.
Ils nagèrent tous deux jusqu'à la rive et Laruto sortit sa lyre. Elle joua un air qui ressemblait fort à la mélodie que Link avait entendue quelques heures plus tôt, mais en beaucoup plus doux. Elle l'incita à l'accompagner à la flûte de pan.
Le soleil commençait à se coucher. Les nuages se coloraient d'orange et de rose et la lumière donnait une apparence étrange aux rochers du lac. Du point de vue de l'elfe, c'était un magnifique phénomène. Les deux musiciens jouèrent de la musique jusqu'à ce que le soleil disparaisse et que le ciel se tapisse d'étoiles. Alors, seulement, le dragon répondit à l'appel de la gardienne du sanctuaire marin. Le grondement magnifique de sa voix se mêla à la mélodie de la lyre. Puis, une ombre plana au-dessus du lac et finit par se poser à quelques mètres des deux invocateurs.
Le dragon était encore plus impressionnant que ce que Link s'imaginait. Il devait être quatre fois plus grand qu'un homme normal, ses pattes étaient garnies de griffes de la taille d'une main et ses écailles semblaient être constituées de métal rouge.
L'énorme créature fixa les musiciens de ses grands yeux jaunes. Elle ne poussa pas le moindre son. Laruto s'avança de quelques pas en baissant la tête.
- Seigneur Valoo, ce jeune homme a exprimé le désir de vous parler au sujet de la Triforce. Libre à...
- C'est bien, Laruto. Je m'occuperai de lui. Merci de l'avoir guidé jusqu'à moi.
Une voix puissante et grave avait surgit de nulle part. Link avait du mal à croire que c'était l'esprit du ciel qui venait de parler, sans ouvrir la gueule. Les paroles avaient du être soufflées par les narines ou autre chose, les déesses savaient comment.
- Seigneur, il s'agit du nouveau héros d'Hyrule. Nous avons tous besoin de lui. Ne lui faites pas de mal.
- Mais je n'ai aucune intention mauvaise à son égard. Ne t'inquiète pas, petite joueuse de lyre. Il est en sécurité avec moi.
Laruto recula, étonnée de la bienveillance du dragon à l'égard du jeune homme qui l'avait traité de premier-né. Link, comprenant que c'était son tour, s'avança.
- Seigneur Valoo, je...
- Pas ici. Grimpe sur mon dos. Nous parlerons loin des créatures de la honte de notre espèce.
Link obéit et escalada, non sans mal, le dos de l'imposante créature. En effet, les écailles étaient tellement lisses que l'elfe ne trouvait aucune prise pour s'accrocher. Il finit par se cramponner au cou du dragon. L'animal étendit ses longues ailes mauve pâle et s'envola avec son passager.
Link n'aurait jamais imaginé subir un vol aussi mouvementé. Non seulement le mouvement des ailes du dragon menaçait de le faire tomber à tout moment, mais son porteur volait à une telle vitesse que Link se sentait aspiré vers l'arrière. Il dut faire un effort inimaginable pour ne pas tomber dans la minute qui suivit l'envol de Valoo. Après ce temps-là, il sembla à Link que le dragon avait arrêté sa course. L'elfe ouvrit les yeux. Le dragon ne remuait plus des ailes. Il se contentait de planer à plusieurs centaines de mètres du sol. De là où ils se trouvaient, le lac Hylia avait une taille d'oeuf de caille. Le dragon prit alors la parole.
- Je me demandais si tu allais arriver un jour.
- Vous m'attendiez ?
- Tu peux me tutoyer... Robin était mon meilleur ami et je tiens à traiter de même son descendant.
- Vous... tu sais ?
- Je sais, mais malheureusement, je l'ai appris trop tard. J'aurais repéré son fils plus tôt, j'aurais peut-être pu empêcher le suicide de Robin. Hélas, le petit avait déjà dix ans. Il était le portrait craché de son père et celui-ci était enterré depuis déjà huit années. Le gosse était heureux avec sa famille adoptive. Je n'ai pas eu le courage de lui dire la vérité. Pour une fois qu'un Gerudo maudit pouvait profiter d'un bonheur familial, je ne voulais pas l'en séparer. Il grandit dans l'ignorance, mais je le surveillais, comme je fis pour son enfant, et tous les suivants. En me confiant un des morceaux de sa Triforce, Robin était parfaitement conscient qu'un jour, il aurait fallu invoquer les déesses. Je savais qu'un héros finirait par venir me demander cette relique. Je savais qu'un de ses descendants viendrait réclamer le trésor de son ancêtre. Et c'est toi qui as gagné le gros lot. C'est bizarre... cela fait tellement longtemps. Je n'arrive pas à dire si je suis soulagé ou triste.
- En donnant le trésor de Robin, tu perds plus qu'un fragment de Triforce, n'est-ce pas ?
- Tu as raison... Tu sais, tu as le franc-parler de ton ancêtre. Lui aussi, il ne se gênait pas pour balancer la vérité toute nue à ceux qu'il avait en face de lui. Je me souviens de la première fois où il s'est retrouvé face à Anya la faucheuse, c'était mémorable. La pauvre, on ne l'avait jamais démontée de la sorte et je crois qu'elle ne s'en est jamais vraiment remise. Il faut dire qu'elle venait de happer la vie de sa mère. Robin avait parcouru des milliers de kilomètres, son périple avait duré des années, il venait enfin d'arriver au village où sa mère était soignée, il l'avait à peine aperçue dans un jardin, ils avaient à peine échangé un regard, s'étaient à peine souris... et Anya est arrivée par derrière, comme à son habitude, a posé un doigt sur la nuque de Tanis et Pouf !
- Elle est vraiment sinistre, cette faucheuse...
- Ah... tu as entendu parlé d'Anya ?
- Un fantôme m'a parlé de la façon dont Robin est mort.
- Ah, je vois. Quoi qu'il en soit... c'est tout de même fou ce que tu me fais penser à mon ami. Tellement de souvenirs remontent en moi. Ça ne m'était pas arrivé depuis une éternité. J'ai l'impression de me réveiller d'un interminable cauchemar. Que c'est bon de pouvoir enfin parler comme avant.
- Cauchemar ? Tu as vraiment vécu mille désagréables années ?
- Un peu plus ou un peu moins, c'est si lointain. Je crois que le départ de Robin pour Alkantir a marqué le début d'une bien triste période. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite. J'étais de nouveau seul. Je n'avais plus ce compagnon avec lequel je parlais pendant des heures au-dessus des nuages, loin de cette terre dévastée. Sans Robin, ce n'était plus du tout la même chose. Et j'ai commencé à voir Hyrule sous un autre jour. Comme j'étais seul, je me suis mis à faire un peu plus attention à ce que je survolais...
- Tu as passé toute ta vie dans le ciel ?
- Bien sûr que non ! J'ai toujours voulu être libre comme l'air, j'ai donc obtenu le pouvoir de me transformer à loisir en dragon. Mes amis me surnommaient l'enfant du vent. Mais il est vrai que ça doit faire un bail que je n'ai plus repris ma forme humaine. La dernière fois doit remonter à quelques temps après que Robin m'ait donné son trésor. Ma forme humaine m'avait servi à cacher le caillou. Je n'ai jamais vraiment aimé la terre ferme des humains... elle me dégoûte moins, vue du ciel.
Link ne savait pas tellement quoi dire. La conversation commençait à tourner au vinaigre. Valoo semblait être légèrement misanthrope sur les bords, et il n'avait pas vraiment envie de se laisser saper le moral.
- Pourquoi la terre te dégoûte ?
- Il y a quelque chose de pourri dans le royaume d'Hyrule.
- Hein ?
- Tu n'as pas l'habitude et je suis sûr que tu ne le verras pas du premier coup. Mais ça fait des siècles que j'observe la terre et j'ai eu le temps de la remarquer, la pourriture. Il y a une erreur qui se cache sous les pierres, qui empoisonne la terre et se goutte dans ses fruits. C'est une immonde vermine qui s'infiltre partout, telle une poussière que des ouragans ne pourraient pas arracher. Vu d'ici, on dirait une ombre qui s'étend comme celle de la nuit. Elle mine tout et entraîne ce qu'elle affecte dans la déchéance.
- Est-ce Ganondorf qui en est le responsable ?
- Non... Ça a commencé bien avant lui. Le processus a débuté quelques décennies après la mort de Robin. Le mal est remonté des entrailles de la terre et n'a cessé de s'étendre. Il a, à présent, atteint la cime des arbres et le coeur des pierres qui ornent les tours des forteresses humaines. Il a atteint les âmes des habitants de ce pays. Un grand nombre d'Hyliens, Zoras et Gorons sentent cette plaie sans arriver à la voir, et cela cause leur chute.
- Peut-on combattre cette ombre que tu décris si sinistrement ?
- Non... cette horreur est à la fois vieillesse et faiblesse. Elle te minera à ton tour, comme toute forme de vie. Il est vain de la combattre. C'est comme... c'est un processus inévitable. La progression de l'ombre est aussi inexorable que le temps. Et lorsqu'Hyrule tombera en poussière, l'ombre continuera de s'étendre aux autres terres.
Link poussa un soupir. Quelle plaie d'être tombé sur un dragon qui se prend pour un poète maudit. Valoo parlait par énigme et ça énervait Link car il n'y comprenait rien. L'elfe n'avait vraiment pas besoin d'une séance de démoralisation alors qu'il était déjà en quête désespérée des conseils et de la force pour vaincre Ganondorf. Le premier-né volant continua.
- Je hais la terre pour se laisser faire de la sorte. Je hais cette nature passive qui se contente de subir les fléaux, les uns après les autres.
Link pensa aux paroles qu'Aromir lui avait servies deux jours auparavant. Peut-être que le mal l'avait aussi affecté, à sa manière. Cette ombre allait-elle pousser les habitants du royaume à s'entre-tuer ? Il était, à présent, évident pour l'elfe que l'ombre devenait une priorité.
- Mais... as-tu une idée de son origine ?
- Je pense que cela est dû à une carence générale de l'énergie vitale de la nature. Durant des milliers d'années, l'énergie de la terre devait avoir une source qui lui permettait de se renouveler et la terre de se régénérer. La nature perd ses forces et se détruit peu à peu. Après la mort du héros éternel, quelque chose a dû se rompre.
- Quelque chose... Et si c'était un certain objet doré ?
Valoo resta silencieux quelques secondes.
- Réflexion très pertinente. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Pourquoi n'ai-je pas fait le lien ?
- Le problème résiderait donc dans la Triforce.
- Maintenant que tu as fait jaillir la lumière, tout devient si clair. La rupture de la Triforce du courage... C'était ça ! Lorsque la femme de Robin est décédée, il en est devenu fou. La Triforce n'a pas pu garder sa stabilité dans les mains d'un tel porteur. Quand il vit ce qu'il avait fait, il prit la décision de cacher les fragments et de se suicider. C'est ce qui a brisé l'approvisionnement en essence régénératrice. Les fragments de la Triforce... Leur véritable rôle n'est pas de rendre l'un ou l'autre mortel surpuissant, mais d'assurer la prolongation de la vie de la Terre. Quels idiots ! "Si un coeur pur la touche, la terre connaîtra son âge d'or. Si le coeur est noir, il sera empli de ténèbres et sera voué à la destruction". Ce ne sont pas les souhaits qui apportent la prospérité, mais la Triforce unie dans un monde de paix. Au contraire, quand l'âme est mauvaise, la Triforce se sépare, voir se brise, et la terre se meurt de ne plus recevoir la force de se renouveler. Que nous sommes stupides de n'avoir vu dans ces reliques qu'une source de pouvoir ! La Triforce est la source de notre vie. Force, sagesse, courage et libre-arbitre ont été trop longtemps séparés et la tienne a été trop affaiblie par sa division. Séparées, les reliques ont perdu leur fonction principale. Tout devient si clair.
Link sourit. Il avait réussi un magnifique coup d'éclat. Non seulement le dragon ne déballait plus ses répliques négatives, mais il semblait tout à coup reprendre toutes ses forces. Le mystère qu'ils venaient de résoudre allait leur permettre de sauver le monde. Tous deux reprenaient courage.
- En résumé, il nous suffit de réunir la Triforce et ce problème d'ombre sera réglé.
- Direction ma cachette ! On a un monde à sauver ! Ah... c'est comme au bon vieux temps. C'est comme lors de l'époque du troisième règne de Ganondorf. Je me souviens encore du jour où Raphaëlle, Robin et moi avions posé le pied en Hyrule pour la première fois depuis neuf ans. A cet instant-là, nous avions le feu sacré... et je sens qu'il revient !
Le dragon reprit son allure agitée, ce qui poussa Link à puiser dans ses ultimes forces pour ne pas être éjecté de sa monture. Valoo volait à une vitesse incroyable et le souffle du vent gelait les oreilles de l'elfe. Notre pauvre héros n'aimait définitivement pas ce moyen de transport. Soudain, Valoo se mit à descendre en piqué. Le sol et ses rochers tranchants se rapprochaient à une vitesse vertigineuse.
- Valoo, tu nous fais quoi, là ?
- Je vais à ma cachette.
- C'est vraiment nécessaire de s'y rendre en fonçant sur les rochers ?
- Détends-toi. Je sais parfaitement ce que je fais.
- Mais comment tu veux que je me détende ? Je suis sur le point de m'écraseeeeeeer !
Le dragon s'était brusquement redressé à un ou deux mètres seulement des rochers. Il filait à présent au ras de ceux-ci, toujours à une vitesse folle. Link avait du mal à garder les yeux ouverts, mais il voyait les hauts rochers taillés par l'érosion défiler dans son champ de vision. Il eut un haut-le-coeur en s'imaginant la violence qu'aurait un crash à cette vitesse.
- Ecoute, Valoo, c'est pas que je n'ai pas confiance en toi, mais je le sens mal. Va moins vite.
- Si je vais moins vite, je connais certaines vermines qui vont repérer ma trajectoire. A la vitesse où je vole dans ce labyrinthe de résidus de roche, ils n'auront le temps que de voir une brève ombre.
- Certaines vermines ? Les hommes de Ganondorf te cherchent ? Ils sont à ta poursuite ?
- Poursuite n'est pas le mot qui convient pour la bonne raison qu'ils ne savent pas me suivre. On a déjà fait une course et je les ai littéralement cloués sur place. C'est à croire que les condors dorés ne savent faire que du saut en parachute. Ils ne m'auront jamais, ne t'inquiète pas.
- Mais... ils surveillent cet endroit ? Tu n'as pas peur qu'ils trouvent...
- Ma cachette n'est pas ici. Je viens ici pour un peu brouiller les pistes, puis je passe en deuxième vitesse, devient invisible à l'oeil nu et je sors par une sortie spéciale. Après, toujours aussi invisible, je fonce à ma cachette.
- Est-ce vraiment nécessaire, cette partie de cache-cache ?
- Bah, les Maltics deviennent tous dingues au bout d'un mois et Ganondorf est alors obligé de les remplacer par des petits nouveaux qui doivent tout réapprendre à zéro. C'est un peu ma méthode à moi pour décimer les rangs ennemis. Ah, cramponne-toi, je vais enfin pouvoir accélérer.
- On ne va pas encore assez vite à ton goût ?
- Non, on trottine, tels qu'on est là.
- G... je sens que je vais vomir...
- Eh ! Gerbe pas sur mes écailles !
- Ne va pas plus vite, j'ai déjà du mal à rester cramponné.
- Accroche-toi à mon cou tout en mettant tes genoux juste au-dessus de mes omoplates et de mes ailes. Tu auras une meilleure prise.
- Tu pouvais pas me donner ce conseil au début ?
- Déso... Robin avait tellement l'habitude. J'avais pas réalisé que ça allait être ton premier vol.
Le dragon ralentit l'allure pour que Link puisse s'accrocher, puis reprit de la vitesse. Quelques instants plus tard, ils volaient à la vitesse du son dans une large vallée.
- Pour atterrir...
- Hein ? Quoi ? Tu vas quoi ?
- Tiens-toi bien. Je m'en voudrais un peu de t'éjecter.
- Tu vas faire quoi ?
Mais le dragon ne répondit pas. Il fit un virage si serré que Link crut que ses bras allaient être arrachés à leur prise. Le dragon s'engouffra dans une faille étroite où il ralentit brusquement. L'elfe fut effectivement éjecté, passa par-dessus le cou du dragon pour aller plonger dans un lac souterrain.
- C'est pas plus mal que tu sois déjà à l'eau. La Triforce est dans un coffre de métal au fond de cette pièce d'eau.
Link eut du mal à retrouver ses sens, mais il finit par se rendre au bord de l'eau. Le choc du vol lui avait donné un sérieux tournis. Il s'allongea sur la plage de gravier pour récupérer, non sans en profiter pour se vider de son dernier repas. Quelques secondes plus tard, il entendit des pas d'humain à côté de lui.
- Ne te sens pas ridiculisé. Robin était dans le même état après son baptême de l'air. Quelques pas, puis retournement des tripes. Ça se passe toujours comme ça.
- Aargh... mais pourquoi tu infliges à tes passagers un traitement pareil ?
- Hé ho, c'est pas avec des tripes aussi frêles que ça que tu tiendras face à Ganondorf. Tu dois apprendre à t'accrocher, mon vieux.
- Qu'est-ce que tu insinues ?
- Moi ? Rien. Je pense juste que tu as intérêt à suivre un entraînement sérieux si tu tiens à affronter ton ancêtre un jour. Je ne te trouve pas très résistant.
Link ne répondit rien. Il n'avait pas eu à expliquer son problème d'impuissance et cela le soulageait. Le dragon semblait d'ailleurs prêt à l'aider à combler cette faiblesse. L'elfe se retourna donc et... réalisa qu'il ne parlait plus à l'imposante créature, mais à un humain. Le premier-né avait repris sa forme humanoïde. Il était désormais un homme d'une quarantaine d'années avec une longue tignasse emmêlée de la couleur de ses écailles et habillé d'un pantalon en haillons. Link se sentit bizarre. Il ne se souvenait pas l'avoir rencontré depuis son réveil dans le futur parallèle, mais son visage lui semblait si familier. L'elfe était persuadé de connaître ce visage. Comment donc s'était-il fixé dans son esprit ?
- Quel genre d'entraînement veux-tu que je suive ?
- Je sais pas. C'est Raphaëlle, le coach sportif, pas moi. Il faudrait que tu ailles voir la mère adoptive de Robin.
- Heu... Raphaëlle a adopté Robin ?
- Ouais, si on veut... La vraie histoire, c'est qu'elle lui a proposé de le ramener à sa vraie mère, et durant le voyage qui a duré plusieurs années, il s'est développé entre eux une relation du genre mère-fils. Elle lui a appris la vie, le combat, toutes ces choses qu'une mère doit enseigner à son fils et que Ganondorf avait royalement négligé. Je pense sérieusement que si quelqu'un peut faire de toi un redoutable guerrier, c'est bien elle. Tu dois aller t'entraîner sur Alkantir.
- Bonne idée.
- Euh... sauf qu'il y a un léger problème. Alkantir est une île hors du temps. Hyrule ne sera plus que poussière quand tu reviendras, si la Triforce n'est pas rapidement réunifiée.
- Ça veut dire ?
Ben, qu'il va falloir faire court. Je pense que le degré de maladie du royaume est grave, voir bientôt irrémédiable. Je crains que d'ici quelques mois, il sera trop tard. Or, deux mois ici, ce n'est qu'une journée à Alkantir. On n'aura jamais le temps.
Link ne s'inquiéta pas longtemps de la réflexion du dragon. Après tout, il suffisait de ne pas suivre l'entraînement sur Alkantir. Sans se poser davantage de questions, il alla plonger au fond du lac chercher le morceau suivant de la Triforce. Il ne lui en restait plus que 3 à trouver.
Valoo le reconduisit à la ferme Loon. Le dragon était prêt à conduire Link partout où il désirait, mais ce dernier réussit à lui faire comprendre que, pour des raisons sentimentales, il préférait l'équitation. (Qui ne préférerait pas les chevaux à un dragon chauffard ?)
- Comprends-moi... de ma famille, il ne me reste que Getella. C'est l'enfant du cheval de mon père. Nous devons rester unis, nous sommes de la même famille...
Devant la couche de bons sentiments que l'elfe avait étalés, Valoo ne pouvait que respecter son choix. Il se proposa toutefois de mener Link à Alkantir. L'elfe accepta. Etant donné la rapidité du dragon, il pourrait être sûr de faire le voyage dans un temps record, même si le prix à payer était assez dur à supporter.
Après avoir discuté des détails du voyage, l'elfe prit congé de l'enfant du vent. Il reprit enfin son périple sur une monture bien plus facile et confortable que la créature volante. Il n'avait jamais été aussi content de la retrouver et le lui témoigna par un long câlin et de nombreuses gâteries. Getella était absolument enchantée de cette attention soudaine.
Le lendemain matin, Link repartit en pleine forme sur une jument débordante d'énergie. Il devait à présent partir pour le désert et obtenir ce qui lui manquait. Link galopa une journée entière avant d'atteindre la montagne solitaire. Il arriva donc au village des Gorons à la nuit tombée. Les géants de pierre lui firent bon accueil. Il se trouvait parmi eux un groupe de réfugiés hyliens qui s'occupèrent immédiatement de soigner le cheval. Link, lui, fut invité à dîner avec le grand chef des Gorons, le sage Darnia. Ce dernier avait été averti par un messager royal de l'arrivée du nouveau héros et tenait à le recevoir avec les plus grands égards.
Ce fut donc autour d'un festin bien arrosé que Link put exposer sa requête. Mais au fond de lui-même, il se rendait compte que tout cela était trop facile. Effectivement, le maître Darnia apporta vite de mauvaises nouvelles.
- Pour le trésor, ce ne sera pas aussi simple. Il y a un problème de protocole à régler.
- Je le sentais, que c'était trop facile.
- Disons que... (le gardien du sanctuaire de lave cherchait les mots les plus corrects) Enfin, connaissez-vous les récits des exploits des précédents "héros" d'Hyrule ?
- Euh...
- Le premier héros, Link "héros du temps", instaura par ses hauts faits une grande tradition entre ses successeurs et le peuple des Gorons. Lors de sa quête, il chassa les Dondongos du mont du péril pour nous sauver de la faim. Pour le remercier, mon ancêtre Darunia le Puissant fit de lui son frère de sang et lui offrit le rubis Goron, notre plus précieux trésor. Par la suite, chacun de ses héritiers revint renouveler les fraternités en accomplissant un exploit aux yeux des Gorons. Léo, tout comme lui, rechassa les Dondongos. Robin nous délivra d'une malédiction, Link II sauva la vie de notre ancien, Alexandre chassa des démons de la montagne... Enfin, ils ont tous gagné notre estime en accomplissant de hauts faits. Il serait contraire à cette tradition que nous vous remettions le trésor de Robin sans que vous nous prouviez votre mérite et votre noble ascendance.
Link déglutit. Il avait peur de comprendre où Darnia voulait en venir.
- Alors j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est que pour une fois, le héros du temps arrive alors qu'aucune calamité ne frappe notre peuple...
Link ne put s'empêcher de se remémorer une scène du futur parallèle, où Ganondorf tenait le village sous sa coupe et était prêt à faire périr les Gorons dans d'atroces souffrances.
- ... la mauvaise, pour vous, est que notre conseil a trouvé une épreuve de substitution.
"Bingo", pensa Link.
- Cela doit faire bien quatre mois qu'un maudit voleur a commis le pire des sacrilèges en nous volant le rubis Goron. Les indices nous portent à croire que cet abject personnage était un adepte de la magie noire, probablement un serviteur du repoussant sorcier. Si tu nous ramènes notre précieux trésor ou nous livres le voleur, nous te donnerons ce que tu es venu nous demander.
- Est-ce que vous êtes conscients que je suis en train de mener une course contre la montre pour permettre au Royaume d'Hyrule de se régénérer et de vaincre Ganondorf à tout jamais ?
- Seulement l'identité du voleur... si nous savons qui il est et où il se trouve, nous irons le châtier nous-mêmes. Pour un héros d'Hyrule, cela ne doit pas être si compliqué.
- Je suis un guerrier, pas un détective !
- Dans ce cas, je crains que vous ne méritiez pas l'héritage de Robin.
Link poussa un soupir d'exaspération. Darnia avait vraiment une tête de type obstiné qui ne se raisonne pas. L'elfe n'insista pas et quitta la salle d'un pas lourd. Comment retrouver ce rubis ? Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Il pouvait toujours demander à sa bande de voleurs si cela leur disait quelque chose, mais avaient-ils seulement entendu parler de son existence ?
Il ruminait ainsi dans sa tête jusqu'à ce que la lame d'une épée ne vienne se placer contre son ventre. L'aventurier leva les yeux. Sir Marsias était devant lui et le regardait d'un air assassin.
- Heu ? Salut Marsias. Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Tu as insulté Zelda...
- Quoi, t'as fait ce chemin juste pour me demander de lui présenter des excuses ?
- Comment as-tu osé ?
- Ecoute, n'importe qui peut craquer un jour ou l'autre. Je n'ai aucune patience et je peux pas supporter ses caprices, c'est tout. Range ton épée et laisse-moi passer. J'ai déjà assez de problèmes comme ça.
- Ne va pas t'imaginer que je laisserai passer l'affront que tu as fait à ma princesse.
- "Ma princesse" ? Mais dis donc... pourquoi es-tu donc si possessif ? Elle représente tant à tes yeux ?
Le chevalier prit un air gêné.
- Non, c'est pas... c'est pas ma princesse, mais qu'est-ce que je dis ? C'est...
Link tenta de profiter de la confusion du chevalier pour s'éclipser, mais le protecteur de la princesse d'Hyrule l'agrippa par le col de sa tunique.
- Pas si vite, gringalet !
- Tu sais ce qu'il te dit, le gringalet ?
- Le roi veut que tu prennes ça.
Et le chevalier lui donna un parchemin scellé par le sceau royal.
- C'est quoi ?
- T'as qu'à te débrouiller, monsieur-je-suis-le-plus-malin.
- Zelda a vraiment une mauvaise influence sur toi, tu sais ?
Sir Marsias ignora la remarque et fit demi-tour en prenant soin de faire claquer sa cape dans le visage de Link.
L'elfe s'assit sur un rocher pour étudier le document que son rival lui avait apporté. Le parchemin n'était rien de moins qu'un laissez-passer signé de la main du roi. Il ne pouvait pas y avoir de meilleur moyen d'obtenir la coopération des Hyliens. Mais est-ce que ça pourrait l'aider chez les Gorons ?
Alors qu'il se posait la question, un jeune Goron s'approcha de lui et se mit à lire par-dessus son épaule. L'elfe rangea rapidement le papier et dévisagea le perturbateur.
- T'as montré ça à notre chef ?
- Tu crois que ça me rendrait service ?
- Bah, si tu cherches à mettre en colère le grand Darnia, oui. On n'est pas des sujets du roi d'Hyrule, nous. Les Gorons, ainsi que les Touharegs, sont des peuples alliés, ravis de pouvoir faire du commerce et de soutenir Hyrule en cas de pépins, mais il est hors de question que les humains nous donnent des ordres et que le roi nous considère comme des serviteurs. Nous n'avons pas d'ordre à recevoir ni des Hyliens, ni de leur roi.
- Merci de me prévenir. Je ne l'ai pas montré, car je viens juste de le recevoir. Heureux de t'avoir rencontré avant de retenter des négociations.
- Quel genre de négociations ?
- Darnia ne me donnera le trésor de mon ancêtre qu'à condition que je retrouve le voleur du rubis Goron.
- Je te souhaite bonne chance.
- Mais comment il veut que je m'y prenne, moi ? Le monde est grand. Le joyau est-il seulement en Hyrule ?
- Pour ça, je peux te rassurer, le rubis goron dégage une aura magique. S'il se trouve hors du périmètre du champ de magie des sanctuaires d'Hyrule, il devient une simple pierre. Son voleur n'aura aucun intérêt à le faire sortir du royaume.
- Sauf s'il n'est pas au courant de ce détail et qu'il ne s'en est rendu compte à des centaines de lieues d'Hyrule. Il aurait parfaitement pu le jeter sur le bord du chemin.
- Bah, la pierre est une des trois clefs sacrées du Saint-Royaume. Avec un bon sort de détection sur une des deux autres, tu devrais pouvoir la localiser.
- Pourquoi Darnia l'a pas fait, alors ? Et comment connais-tu toutes ces choses, d'abord ? C'est pas à la portée de n'importe qui, de connaître les clefs du Saint-Royaume.
- Bah, parce que je suis pas n'importe qui. Je suis le gardien du sanctuaire des sables.
- Tu... c'est pas sensé être des hommes du désert, les gardiens de ce sanctuaire ?
- Mais je suis un homme du désert.
- Rectification, t'es un Goron.
Link regardait à présent son interlocuteur avec la plus grande méfiance. Il disait vraiment trop de conneries pour ne pas se moquer de lui. Qui pouvait-il donc être ? Le Goron répondit tout de suite à sa question en faisant apparaître de nulle part le tambourin de...
- Boru ?
- Que... tu me connais ?
- Heu, non, on m'avait parlé de toi à plusieurs reprises. (Je t'ai bien connu dans le futur parallèle mais est-ce que ça compte ?) J'avais oublié que tu traînais loin du sanctuaire que tu es sensé garder. Enfin, c'est tant mieux, car il fallait que je te parle tôt ou tard.
- Ah ?
- Oui, à propos d'un certain trésor légué par Tresed au plus digne et plus sage des mortels de la terre des sables ...
- Ah, un morceau d'or qui dégage une puissante aura magique ?
- Oui, tu sais où il est ?
- Heu... quelque part dans le sanctuaire des sables, je suppose. Le grand esprit du désert l'a confié à un gardien il y a quelques siècles. Il paraît que c'est l'objet le plus précieux qui soit dans mon sanctuaire. Il faut que j'aille voir. Ça doit être dans le bazar de mon prédécesseur.
Link ferma les yeux. C'était quoi, ces gardiens de m***** ? Il commençait sérieusement à en avoir marre, de la quête.
- Boru, pour la survie de notre terre, il faut que la Triforce du courage soit réunie au plus vite. Tu dois immédiatement aller chercher ton fragment.
- Ça risque de prendre du temps... et puis il va falloir que je prenne congé de maître Darnia et ça va pas être du gâteau. Enfin, je devrais avoir retrouvé le fragment avant que toi, tu ne ramènes le rubis goron. On se retrouve ici dans... deux semaines ?
- Heu... pour le rubis... c'est quoi, les autres clefs ?
- D'autres pierres. Il paraît qu'il y en a une chez les Kokiris.
Link poussa un soupir de soulagement. Ça ne serait pas trop dur de la trouver, cette pierre-là. Et comme ça, il aurait une excuse pour aller voir ses amis à la citadelle. Leïa commençait sérieusement à lui manquer et il pourrait toujours demander à Rick s'il avait entendu parler du vol du rubis goron. Les choses étant claires et organisées, les deux garçons se saluèrent et se séparèrent. Boru partit négocier son retour auprès de son mentor et Link repartit pour la forêt Kokiri.
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "El Wap". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.