Les Portes du Temps - Destins Croisés
Chapitre 26 : Le Héros du temps
Chapitre 27 : La volonté d'Hylia
Chapitre 28 : Le palais du Mal
PARTIE 5 : Le Guerrier Sanguinaire
Chapitre 29 : Un passé éludé
Chapitre 30 : Le masque des ténèbres
Chapitre 31 : Le Poisson Rêve
Les ruines de Célesbourg laissèrent plus d'un Hylien pantois. Le roi tout particulièrement eut beaucoup de mal à accepter la nouvelle, comme si ce mirage ne pouvait être qu'une farce. Mais la réalité était bien là, sans Ordinn pour maintenir la cité dans un temps figé et lointain, elle n'était tout simplement plus. C'est sur cette triste révélation bien dure à avouer et à accepter que le duo repartit de suite, ne préférant pas s'attarder sur une mission, au final, plus que réussie. Beaucoup plus qu'ils ne l'auraient espéré, leur curiosité ayant porté ses fruits. Bien décidés à obtenir l'accord du deuxième dragon, à savoir Lanelle, Link et Zelda apprêtèrent le Célestrier vermeil pour un nouveau voyage. Un voyage qu'ils avaient déjà réalisé, et qu'ils refaisaient avec un plaisir non feint et encore moins dissimulé. Leur monture les déposa en fin de matinée, suite à leur décision de venir quérir Lanelle. Connaissant déjà le chemin à emprunter, la ballade fut un réel plaisir. La discussion n'eut guère le temps de s'installer puisqu'en une petite heure, le duo parvint au coeur de la vallée de Lanelle. Le ciel clair et dégagé laissait une excellente prise au vent. Le paysage défila à une vitesse plus ou moins modérée. Quelques instants de silence furent comblés par une contemplation sans faille et admirative de la mer de Lanelle brillant telle un saphir. Link et Zelda n'auraient pas pu éprouver plus de plaisir lors d'un voyage à refaire. Retourner au coeur de cette idylle, de ce rêve débordant de réalité, là où nul n'avait besoin de s'éveiller. Le Célestrier déposa les deux amis non loin du village qu'ils connaissaient par coeur, son architecture et organisation atypique ne pouvant pas s'oublier facilement. Ils franchirent rapidement la rue principale où siégeaient ici et là des Hyliens occupés à bavasser, leurs robots leurs tenant joyeusement compagnie dans un capharnaüm ambiant des plus maîtrisés. Les passants saluèrent parfois le duo qui s'empressa de répondre poliment. Ils ne connaissaient que très peu les villageois, mais leur amabilité demeurait. Link et Zelda se dirigèrent de suite vers le temple de Lanelle, à l'écart du centre du village. Une rue soigneusement pavée menait à ce lieu sacré, par-delà des hauteurs rocheuses dominant la vallée. Ils gravirent quelques marches, s'arrêtant parfois pour admirer les pilastres en pierres de sable. Le bâtiment comportait une unique pièce servant d'entrée, dallée avec soin pour une construction semblant dater d'une lointaine époque. Elle menait par la suite à une petite cour où sommeillait le dragon de Lanelle, avec la plus grande insouciance et une sagesse inégalable. Achevant de gravir les marches, le duo pénétra le temple, admirant les différentes fresques et multiples couleurs sur les murs. L'endroit était assez coloré, qu'il s'agisse de l'intérieur ou de l'extérieur, les mêmes teintes se retrouvaient sur les robots de la vallée, ce qui n'avait rien d'étonnant étant donné qu'il s'agissait là de la création même de Lanelle. Sans s'attarder sur la splendeur des lieux immensément grands, Link et Zelda parvinrent dans la cour du dieu protecteur.
La vue était imprenable, la vallée d'aussi haut, paraissait une immense plaine. Les lacs et étangs étaient reliés entre eux et quelques cours d'eau allaient se jeter dans la mer. Un merveilleux mélange; la campagne était magnifique et le village, en osmose avec la nature, n'avait rien à lui envier. Lanelle ne jurait pas avec le paysage. Son corps marron zébré ici et là de blanc allait à ravir avec son large et ample vêtement pareil à un kimono jaune et or. Un barbe blanche nuageuse et aussi presque vaporeuse cachait une grande partie de son visage. Ses yeux témoignaient d'une infinie bonté. Ainsi rassurés par un tel portrait d'un si grand dieu, Link et Zelda s'élancèrent dans la conversation,
"Ô grand protecteur Lanelle, nous venons quérir votre infinie sagesse en espérant que vous nous accordiez un service d'une grande valeur, expliqua la princesse Zelda en se courbant poliment face à l'imposante créature.
- Si vous ressentez le besoin de nous mettre à l'épreuve, nous sommes tout ouïe et nous vaincrons tous les obstacles sans faillir, nous sommes prêts à vous prouver notre courage et notre détermination ! ajouta Link en se courbant à son tour. Il aida par la suite Zelda à se relever. Lui tenant délicatement la main. Elle lui jeta un bref regard puis focalisa son attention sur le dragon. Le jeune Hylien n'y fit guère attention.
- Mais de quoi parlez-vous, voyageurs ? Je ne vous ai jamais vus ici, ni même entendu parler de vous. Pourquoi venir me quérir ? Je vous aiderai du mieux que je peux si cela s'avère nécessaire, accepta le dragon ne sachant guère ce que ses deux étranges visiteurs pouvaient bien lui vouloir.
- Nous savons que vous êtes l'un des messagers de la déesse Hylia. Elle nous a chargés de venir la rejoindre au coeur du Saint Royaume, sur lequel elle règne sans injustice. Nous avons déjà obtenu l'autorisation d'Ordinn et sa bénédiction. Une fois la vôtre obtenue, nous aurons rendu visite à tous les messagers et la porte de la vérité nous sera enfin ouverte, expliqua la jeune princesse, suppliant presque le dieu qui analysait les paroles de la jeune fille en prenant une pose dubitative.
- Et la bénédiction de Firone ? Vous en avez bien besoin non pour poursuivre votre quête ? Le Saint Royaume est scellé, je le croyais pourtant libre d'accès à qui sait le mériter. Le triangle d'or n'apparaît pas à tous aussi facilement, il en est ainsi, répondit le dragon avec sagesse. Lanelle semblait bien mal informé malgré tout. Link se permit de le lui faire remarquer, le plus poliment possible.
- Pardon mais... Si nos sources sont exactes, Firone est toujours porté disparu. Kaepora Gaebora, messager intendant d'Hylia est venu à nous, nous fournir l'espoir dont nous manquions cruellement. Il n'a mentionné que deux dragons protecteurs. À savoir, donc, vous et Ordinn, corrigea le chevalier avec tact. Zelda à ses côtés hochait la tête, les yeux clos, croisant les bras. Elle réfléchissait, atterrée d'une telle lacune de la part d'un pareil dieu.
- Ah, vous avez probablement raison alors. En vivant ici, j'ai perdu toute notion du temps, mes créations ne vieillissent pas, ce qui n'arrange pas, bien évidemment. Je sais que vos coeurs sont bons, vous êtes les deux jeunes gens venus plus tôt n'est-ce pas ? Mes androïdes m'ont parlé de vous me semble-t-il. Deux Hyliens, un joli petit couple, à la recherche des Portes du Temps, se souvint Lanelle en fixant l'horizon. Un si beau paysage dont il ne se lassait jamais. Jamais on ne pourrait connaître vallée plus verdoyante au coeur d'Hyrule. Il en demeurait certain.
- Oui... C'est bien de nous qu'il s'agit, nous nous sommes arrêtés à l'auberge du Galion des sables où nous avons rencontré deux trois de vos créations telles que DL-242 ou encore DL-323 et DL-342. Ils nous ont beaucoup aidés, mais les Portes du Temps ne nous ont malheureusement rien apporté de bon, résuma Link s'asseyant sur ses genoux en signe de respect, de plus, la fatigue commençait à le tirailler dans le bas des jambes, il avait dû guider son Célestrier tôt le matin, ses jambes s'en plaignaient déjà.
- Vous acceptez alors de nous ouvrir les portes du Saint Royaume ? quémanda la Princesse de la Destinée curieuse que le dragon accepte sans poser plus de questions.
- Etant donné qu'Ordinn vous a fait confiance, je n'y vois là aucun problème. Et je crois en Hylia, elle vous a choisis, elle a probablement ses raisons. Moi, Lanelle, je vous donne ma bénédiction, que le Saint Royaume vous soit autorisé, que son accès soit permis à ses deux Hyliens dénommés tels des Héros de légende ! s'exclama le dragon avec sérieux, sa voix résonnait jusque dans les hauteurs, un écho que le vent ne pourrait disperser. La réponse d'Hylia, quant à elle, se faisait attendre.
- Nous avons finalement réussi Link ! Nous allons pouvoir accéder au Saint Royaume et changer le cours du temps ! Hyrule n'aura plus à craindre un futur incertain ! Les légendes redeviendront ce qu'elles doivent être ! sourit la jeune Hylienne les mains jointes, débordante de joie et d'une vitalité rare. Link hocha la tête, contemplant la princesse comme s'il la redécouvrait à chaque coup d'oeil."
Le ciel se couvrit en un éclair, d'une rapidité surprenante. Les yeux rivés vers les cieux, les deux amis commençaient à se demander s'il s'agissait là de la procédure normale. Le dragon protecteur, Lanelle, gardait un visage ferme et clos, qui ne transmettait aucune émotion. Il semblait attendre lui aussi, calme et posé. Par la suite, le sol se mit à trembler brutalement, Link et Zelda déséquilibrés tombèrent à terre. Quelques minutes de calvaire s'écoulèrent ainsi, sans qu'il ne soit possible de se repérer, gauche et droite se mêlaient, les paysages se confondaient, leur coeur battait à tout rompre. Ils fermèrent les yeux et se retinrent d'hurler tant la secousse était violente. Leur hôte ne dit mot. Lorsque la terre cessa de trembler, les deux amis rouvrirent les yeux, le ciel devenait déjà de plus en plus clair. Intrigués, ils interrogèrent immédiatement Lanelle,
"Que s'est-il passé ? Pourquoi une telle secousse alors que rien n'a changé ici ! Le Saint Royaume nous aurait-il refusé ? questionnèrent les deux voyageurs en choeur. Ils n'auraient guère pu être plus surpris.
- N'ayez crainte, cela n'a malheureusement rien à voir. Ma bénédiction n'a eu aucun effet, je n'ai pas réussi à contacter Hylia lorsque je l'ai formulée, j'en suis navré, je croyais pourtant pouvoir vous aider. Mais puisque je considère la barrière du Saint Royaume inexistante, peut-être que je ne la contrôle pas... souffla le dragon songeur, les bras croisés.
- Que pouvons-nous faire alors ? Kaepora Gaebora ne s'est pourtant pas trompé dans son message, et Hylia ne nous laisserait pas de faux espoirs, nous faisant poursuivre une quête irréalisable ! s'écria Link choqué que la situation n'alarme pas plus Lanelle. Zelda semblait bien plus contenir ses émotions.
- Pourquoi la terre a-t-elle tremblé ? Savez-vous quelque chose à propos de cela ? demanda la princesse prenant à son tour la parole pour radicalement changer de sujet.
- Je n'en connais que les conséquences, pas la cause. Cela existe depuis un certain temps, ici même, en ma vallée. Mais les habitants viennent beaucoup s'en plaindre depuis une ou deux semaines. Selon eux, le phénomène se serait amplifié et il causerait bien des problèmes en ville. Je ne peux pas vous en dire plus, si ce n'est que les androïdes sont souvent déstabilisés lors du tremblement de terre et qu'ils ne peuvent plus bouger pendant quelques instants. Je les ai pourtant construits solides... raconta le dragon le regard tourné vers la mer. Il ajouta, l'épicentre du séisme se trouve au coeur de l'océan, si un tremblement venait à se produire vers les rivages non loin du village, les conséquences pourraient en être désastreuses !
- Ce n'est pas normal ! Link, nous devons absolument aider les gens d'ici ! Nous pouvons sûrement trouver des informations en mer ! S'il te plait ! quémanda Zelda les yeux rivés vers son ami. Son regard était doux et sincère, ses mains liées et ses cheveux au vent, il n'en fallait pas plus à Link pour se décider.
- Nous pouvons toujours essayer... souffla le chevalier en souriant timidement, il poursuivit, toujours sa quête en tête, et puis, peut-être qu'Hylia nous met une nouvelle fois à l'épreuve ! Si nous résolvons se problème, la bénédiction de Lanelle sera plus que légitime ! Vous pouvez compter sur nous ! promit Link en levant le poing bien haut, l'air victorieux. La princesse l'aurait volontiers applaudit.
- Vous êtes bien aimables, il sera bien difficile de lutter contre un phénomène naturel vous savez, mais malgré tout merci et bonne chance. Vous êtes bien les premiers à vouloir tenter d'arranger les choses, sourit le dieu protecteur les yeux emplis de tendresse et de bonté. Le soleil revenait dans le ciel et le rendait resplendissant, il rayonnait lui-même."
Link et Zelda partirent ainsi, investis d'une nouvelle mission. Il leur tardait d'en savoir plus. Ils interrogèrent quelques habitants qui ne savaient malheureusement rien de bien neuf. Ils étaient certes venus se plaindre à Lanelle, mais ils n'en savaient pas plus. Tous leur conseillèrent de se rendre au port, les marins et pêcheurs connaissaient la mer et en sauraient davantage. Ils étaient les premiers concernés par un tel phénomène. Pourtant, avant de s'y hâter, Zelda jeta un regard à Link et lui demanda, d'une toute petite voix "Dis, ça te dirait, qu'on reste un peu tous les deux dans le village ? Et qu'on se balade un peu ? J'y serais bien restée encore un peu, tout est si beau ici, le cadre est si parfait pour... Se promener..." proposa-t-elle les yeux dans le vague. Elle avait parfaitement raison, les environs étaient magnifiques. Et c'est pourquoi Link lui répondit sans plus attendre, "Bien sûr, moi aussi j'ai envie de redécouvrir tout ça ! Une fois que nous serons entrés dans le Saint Royaume, tout sera différent, c'est certain, alors profitons-en tant que nous passons par ici !" accepta Link en tendant la main à sa partenaire. Zelda sourit et rit délicatement de sa mélodieuse voix cristalline.
Ils quittèrent bien vite l'allée principale pavée avec tant de soin pour rejoindre quelques quartiers résidentiels. Ils longèrent quelques instants un magnifique étang d'un bleu profond, semblable à la beauté d'un lac, suivant l'arrondi du chemin. Le ciel à nouveau dégagé laissait miroiter à la surface de l'eau son doux reflet turquoise. La verdure omniprésente n'eut de cesse d'intriguer nos deux amis, qui s'arrêtaient sans cesse pour l'observer. Intéressés par un arbre bien touffu, ils s'assirent quelques instants sur un banc pour profiter du paysage. La conversation finit par s'installer, bien que le silence ne constituait pas une gêne en soi pour nos deux amis. Ils se connaissaient depuis bien longtemps et s'en étaient accoutumés autrefois.
"Je me demande ce qui nous attend, avec Hylia... Et la Triforce... On dit que son pouvoir est destructeur et incontrôlable. Les dieux eux-mêmes ne peuvent stopper une telle puissance. C'est peut-être terrifiant, mais au moins, ça montre que nous ne pouvons pas toujours compter uniquement sur des forces supérieures. Certaines choses les dépassent aussi, chacun possède le pouvoir de changer les choses. Et ça, c'est uniquement grâce à la Triforce, souffla la princesse balançant ses jambes longues et élancées, montrant que sa tenue de voyage lui saillait à ravir.
- Hum, bien sûr, mais utilisée à mauvais escient... Tu ne crois pas que ça pourrait nous nuire à tous ? Si les désirs se montraient égoïstes, au final, il en irait de notre liberté à tous ! fit remarquer Link un peu gêné de devoir contester son amie, il aimait aller dans son sens, il ne voulait pas lui causer de tort ou lui faire du mal avec un avis un peu trop tranché. Depuis qu'il avait réalisé ses sentiments, la moindre douleur ou moue triste sur le visage de sa princesse lui déchirait le coeur. Il ne connaissait que trop mal la raison du coeur et se demandait parfois si une telle compassion poussée à l'extrême était normale.
- Bien sûr, mais tu vois, bizarrement, j'ai confiance. Je suis certaine que cette force ne peut pas tomber entre de mauvaises mains. Les dieux veillent sur ce pouvoir incontrôlable, c'est la moindre des procédures j'imagine. Et puis, si notre ennemi possédait le triangle d'or, nous le saurions déjà, notre liberté de nous mouvoir, de nous exprimer ne serait certainement pas la même... répondit la princesse sensible aux arguments de son ami mais préférant néanmoins les réfuter.
- Oui, c'est sûr, il n'empêche qu'il influe sur le temps et ça, ce n'est pas rien... souffla Link se laissant tomber sur le banc, les yeux rivés vers le ciel. Il était détendu, il avait beau repenser à de mauvais souvenirs, il souriait.
- Peut-être, mais il a peur de nous ! C'est une véritable poule mouillée ! Mais bon, je le comprends et Ghirahim aussi l'a compris ! Il vaut mieux être de ton côté, tu es un si bon et fort chevalier, sourit la jeune fille, flatteuse. Link se redressa immédiatement, gêné du compliment.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça, voyons ? demanda-t-il faussement outré, le teint rouge. Zelda ne lui fit pas remarquer, par politesse bien que l'envie de le taquiner était là.
- Réfléchis un peu, quand nous avons franchi la Porte du Temps de la Montagne de la Mort, nous avons été séparés. Le mal contre lequel nous luttons l'a fait parce qu'il craint notre force ! Il sait qu'ensemble nous pouvons accomplir beaucoup et que les dieux nous soutiennent. Il aura beau maîtriser je ne sais quel pouvoir, nous pourrons toujours l'arrêter ! Je suis la Princesse de la Destinée et tu es chevalier, alors je suis persuadée que nous pouvons l'arrêter ! poursuivit la jeune fille rieuse, tortillant une mèche, sa tête penchée vers la droite. Elle accentuait son air innocent et semblait faire exprès de vouloir paraître adorablement belle. Link ne craqua pas et finit par calmer son rose aux joues pourtant incontrôlable.
- Peut-être, voui, mais je pense qu'il a bien plus peur du rôle que tu incarnes toi ! Je ne suis rien pour lui, quand il a demandé à Dark Link de me tuer, il me l'a bien prouvé ! contesta le chevalier une main sur le coeur, il ne cherchait pas vraiment à se dénigrer, mais plutôt à vouloir protéger la princesse qu'il considérait comme la principale victime de son ennemi. Il ajouta déterminé, tu peux compter sur moi, je suis là pour te protéger ! S'il tente quoique ce soit, il va le regretter !
- Hi hi, tu vois, il peut avoir peur de toi dans de telles conditions ! Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi, tu en fais trop ! Je ne risque pas plus que toi tu sais. Je risque peut-être moins même... Enfin, c'est ainsi que je vois les choses, tu as un potentiel énorme, tu ne le réalises pas ! s'exclama Zelda se levant d'un bond pour faire volte-face à son ami persuadé du contraire concernant son potentiel. Elle se voulait imposante mais ne réussissait qu'à se rendre davantage mignonne et hilarante. L'intention était là, c'était le principal.
- Si tu le dis, néanmoins, un chevalier doit fidélité et protection à la famille royale, ça reste mon rôle ! Quoi que tu en penses ! Et je ferais tout pour le tenir vaillamment, souris Link très à cheval sur le protocole et sur sa principale mission avant toute chose bien qu'il n'avait pas besoin d'être chevalier pour souhaiter le bonheur et la vie sauve à sa camarade de voyage.
- Link enfin, je ne suis pas simplement une princesse à tes yeux quand même ? questionna Zelda visiblement outrée de la réponse de son ami. Celui-ci gêné ne sachant guère si elle plaisantait ou non tâche de vite régler le malentendu.
- Bien... Bien sûr que non ! Tu es bien plus, tu le sais enfin, on se connaît depuis des années, ne m'accuse pas de ça voyons, souffla Link rectifiant d'une toute petite voix la situation.
- Je suis bien plus que ça ? Plus qu'une princesse à protéger puisqu'elle représente le pouvoir futur ? quémanda Zelda en se rapprochant de son ami, collant presque son visage à celui de Link. Celui n'osait pas regarder la jeune fille dans les yeux pour bredouiller son mensonge.
- Evidemment... Nous... sommes de si bons... amis ! Et cela... depuis toujours ! balbutia le jeune Hylien qui ne supportait pas quand Zelda le cuisinait ainsi. Il se leva donc, l'invitant à marcher le long des rives des différents quartiers résidentiels tous plus beaux les uns que les autres.
- Je ne pense pas qu'ami soit le bon terme, tu sais ! Tu es un si bon confident, tu es toujours là et on se comprend ! Nos voyages ont renforcé nos liens ! J'espère que nous ne serons pas amenés à nous séparer, parce que je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi gentil que toi. Après, tu es probablement le seul qui soit demeuré proche de moi, la plupart de nos anciens amis étaient là pour le pouvoir la richesse, mon statut... Pas pour ce que j'étais réellement... se remémora Zelda tenant le bras du chevalier pour avancer. Link la laissa faire, le contact se voulait amical. Son coeur avait beau battre, la discussion était trop importante et intéressante pour qu'il laisse ses sentiments tout gâcher. Elle disait très clairement et spontanément ce qu'elle pensait, cette foule de compliments ne pouvait laisser le chevalier de marbre qui se surprenait à se demander si son amour pouvait être réciproque et se reprenait aussitôt, se réprimandant d'avoir eu de telles pensées.
- L'appât du gain, c'est une chose triste, oui. Mais au moins, je t'ai pour moi tout seul ! Je n'aurais pas été à l'aise si nous avions voyagé avec des soldats ou... sourit Link osant rire de la situation. Il avait beau présenter la chose sur le ton de l'humour, la quête qu'ils menaient en solitaire lui plaisait réellement telle qu'elle était.
- Oui tu as raison, on est bien tous les deux, accorda la princesse observant les environs avec un charme indéniable. La campagne était tout aussi belle, dans un tout autre registre. Les robots avaient repris depuis longtemps leur service et animaient le village, l'embellissant ainsi.
- ... l'Hylien n'osa pas en ajouter plus, heureux de ce qu'il avait déjà appris. Un bruit sourd se fit entendre et commença à inquiéter le village entier.
- Link ? Tu entends ? On dirait que les secousses reprennent ! Ça promet d'être à forte intensité ! Eloignons-nous du bord de l'eau et des bâtiments ! Vite ! C'est incroyable, deux en une journée ! Nous n'en avions eu aucune la dernière fois ! s'écria Zelda se redressant immédiatement, jetant des coups d'oeil un peu partout, paniquée. La plupart des habitants semblaient savoir les consignes de sécurité et se mettaient en lieu sûr. Les robots commençaient à s'éteindre tandis que la terre s'ébranlait de plus en plus fort."
Les deux amis se dirigèrent donc légèrement à l'écart et perdirent peu à peu l'équilibre. Le tremblement se faisait de plus en plus fort, le brouhaha était énorme, leur vue se brouillait et il était impossible de se focaliser sur un objet en particulier. La nausée prit le duo qui se laissa choir sur le sol agité. Ayant peur pour la sécurité de son amie et aidé pour son élan par leur précédente conversation, il l'attrapa d'une main sûre, la serrant contre lui, de peur qu'elle ne soit blessée. Elle ne dit mot et se laissa faire, ne faisant aucun commentaire sur les battements de coeur de son ami s'accélérant vitesse grand V. Elle mettait probablement cela sur le compte de l'événement inhabituel. "Li...nk... L'épicentre de ce séisme ! Il est comme le craignait Lanelle, il me paraît proche des côtes ! Le village est en danger !" constata la princesse horrifiée, et ces paroles ne rassurèrent guère le chevalier qui lui répondit, la voix tremblotante due aux secousses, "Que... que veux-tu dire par là ?" Zelda ne prit peine de lui répondre que par un seul mot qui traduisait à merveille le danger, "Tsunami." Ecarquillant grand ses yeux, le jeune Hylien parvint à se relever avec son amie. Il était abasourdi et chaque seconde comptait désormais, il fallait absolument prévenir les habitants et les obliger à se diriger vers le temple de Lanelle, point culminant de la vallée.
"Ecoutez-nous ! Vous devez tous vous diriger vers les hauteurs ! Le village court un grave danger et votre vie en dépend ! Le tremblement de terre n'est pas le seul mal qui vous frappera cette fois ! Les éléments se déchaînent !" rugit Link, ses mains en porte-voix, paniqué à l'idée de voir le village sous les flots. Nul ne semblait l'écouter, les robots reprenant tout juste leurs esprits, ou plutôt, leurs circuits. L'un d'eux se ralluma juste à leur côté, une vieille connaissance. L'androïde les observa quelques instants avant de déclarer mécaniquement "DL-242, à votre service" Le duo tenta de se souvenir du robot qu'ils avaient rencontré il y quelques temps. Il les avait menés, à l'époque, jusqu'à Dark Link et Fay, des retrouvailles qu'ils n'étaient pas prêts d'oublier. La princesse expliqua la situation au petit robot ne semblant pas vraiment réaliser l'ampleur de l'événement futur, "Ecoute, nous devons prévenir absolument tous les Hyliens du village, ils risquent d'être engloutis par une gigantesque vague de plusieurs mètres ! Si tu peux nous aider, alors fais-le, je t'en supplie !" résuma-t-elle hâtivement sans s'attarder avec l'androïde. Elle tenta d'héler d'autres personnes et de les prévenir, en vain. "Je peux faire quelque chose alors, notre créateur a prévu ce genre de situation. Si je me mets en mode alerte, tous mes compères feront automatiquement de même et transmettront votre message. Souhaitez-vous que j'agisse ainsi ? Cette menace n'est pas une farce ?" demanda DL-242 qui ne pouvait pas se douter du fier service qu'il rendait au duo s'empressant d'accepter l'aide de l'androïde compréhensif. En moins d'une minute, le message fut perçu par tous les habitants, puisque les créations de Lanelle étaient omniprésentes au coeur de la vallée. La foule se dirigea en poussant des cris vers l'autel de leur dieu protecteur, affolé. Link et Zelda furent entraînés de force par le mouvement incontrôlable. La peur panique avait saisi la plupart des habitants et tous avaient délaissé leurs activités. Pas un n'avait cherché à ramasser ses affaires, la plupart ne comprenait pas vraiment l'urgence de la situation, qui aurait pu imaginer la folie furieuse de l'eau déchaînée ? Les villageois s'attroupèrent dans la pièce principale du temple, s'asseyant, anxieux. La plupart adressait des prières à Lanelle afin qu'il leur accorde sa protection et que la paix demeure en la vallée. Le duo ne pouvait rester sans rien faire, Link et Zelda se frayèrent un chemin, le chevalier devant serrant la main de son amie qu'il ne désirait pas perdre dans la foule inconsciente. Un bruit sourd se faisait entendre, différent de celui du séisme, il venait de la mer et pas un habitant de la vallée n'en ignorait la raison.
Quand Link et Zelda parvinrent aux côtés de Lanelle, celui-ci avait le regard tourné vers l'océan, l'air mélancolique. A la venue du duo, il déclara "Ce n'est vraiment pas normal, j'ai protégé cette vallée depuis si longtemps, jamais encore un tel cataclysme ne nous avait frappés. Si vous trouvez une solution, je vous en serais éternellement reconnaissant. Merci d'avoir conduit le village à l'abri, mes robots étaient là pour ça, mais vous avez agi à temps, grâce à vous, il n'y aura aucun blessé. Préparez-vous au choc de la vague contre le haut plateau..." conseilla le dragon le regard sage et la voix douce, comme s'il avait toujours su qu'un tel événement arriverait. La vague déferlait à une vitesse folle sur la terre, emportant tout sur son passage tant sa puissance et sa vitesse étaient inconsidérablement énormes. Elle paraissait rouler et rouler furieusement, n'épargnant rien. Les arbres en étaient déracinés. Lorsque le tsunami vint frapper le village, la plupart des habitants poussèrent des hurlements de terreur, constatant que leur maisons n'y survivraient que difficilement. Des toits s'arrachaient, la flore était la plus touchée, les constructions des Hyliens semblaient résister tant bien que mal en comparaison. Certains pavés des routes s'en détachèrent, allant rejoindre la vague bien décidée à attaquer le temple de Lanelle. Un premier choc sourd d'une puissance non-mesurable mais cataclysmique fit tomber à terre tous les Hyliens, le duo y comprit. L'eau se retira puis tenta quelques assauts, de moins en moins prononcés, contre la paroi. Le point culminant de la vallée tint bon, au soulagement de tous. Peu à peu, le tsunami ne devint plus qu'un mauvais souvenir, mais le pire était à venir. Les habitants allaient devoir tout reconstruire et chercher dans les ruines le peu de vie qu'il leur restait. Seul la nostalgie et leur infinie confiance en leur dieu leur permettaient de tenir. Même les plus inébranlables s'effondrèrent, en larmes. "N'ayez crainte, j'y mettrai toute ma force s'il est nécessaire, mais je les aiderai. Allez voir la mer désormais et tâchez de comprendre ce qui nous tourmente. Merci encore, Link, Zelda..." souffla Lanelle le visage sombre, observant ses protégés l'air compatissant tandis que la plupart des androïdes tentaient de rassurer leur maître. Le duo s'éloigna donc, traversant le village désert devenu ruines. Ils savaient qu'ils ne devaient pas s'y attarder, mais leurs coeurs ne purent s'empêcher de se serrer à la vie de l'horripilant spectacle...
"Ne t'inquiètes pas, nous allons neutraliser la source du problème et tout ira mieux pour le village de Lanelle, tu verras ! Il sera aussi beau qu'avant !" promit Link tentant de consoler Zelda qui ne disait mot depuis qu'ils s'étaient mis en marche, en direction de cette mer maudite. La jeune fille sourit face à l'effort de son ami et lui dit, se voulant rassurante "Bien sûr, nous les aideront beaucoup, j'en suis sûre. Mais je suis compatissante pour ces gens, dont tout un pan de leur vie vient de partir en fumée. Pour nous aussi, à moindre mesure bien sûr..." souffla-t-elle jetant un coup d'oeil en arrière. Link la força à s'en détourner et ne cessa pas de lui transmettre des pensées apaisantes, c'était le moins qu'il pouvait faire. Zelda avait été élevée ainsi, on lui avait appris à être à l'écoute du peuple, à répondre à ses besoins et sa sensibilité la rendait fragile lorsqu'elle ne pouvait réellement aider. Ce n'était pas la première fois que son ami la tirait de ses sombres pensées. Ils arrivèrent ainsi face à la mer de Lanelle, en début d'après-midi, alors que la matinée était devenu cauchemardesque, ils espéraient beaucoup pour la fin de journée... le Saint Royaume à la clé.
Lorsqu'ils aperçurent la vaste étendue d'eau, ils ne purent s'empêcher de s'extasier. L'endroit était magnifique et leurs sombres pensées pouvaient attendre. Ils se mirent à espérer à nouveau, le sourire aux lèvres, quasi invincibles. Quelques vaguelettes venaient s'échouer le long du rivage, elles semblaient tellement inoffensives en comparaison du tsunami qui avait envahi le village de Lanelle. Un vent frais balayait la mer et quelques bateaux au loin, tout de bois vêtus, étaient visibles. La plupart étaient utilisés pour la pêche et l'exploration, les légendes sur les terrifiants pirates n'étaient pas vraiment d'actualité, malgré l'engouement que suscitait l'auberge du Galion des Sables, comptant les récits héroïques, certains soirs, d'un vieux marin accompagné de ses fidèles androïdes. S'approchant du port principal sévèrement amoché par la désastreuse vague, ils sentirent une légère secousse sous leurs pieds, à intervalles réguliers. Sous les flots, il semblait se passer bien des événements. Un androïde s'approcha du duo désarçonné par les tremblements, le robot semblait s'en accommoder à la perfection. "Gît sous un océan de larmes, une vérité que nul n'a à cacher..." souffla l'androïde d'une voix chantante. Les deux amis se tournèrent de suite dans sa direction quand ils entendirent les paroles de l'étrange créature. Il s'agissait bien d'une invention de Lanelle mais il agissait seul, sans l'aide d'un Hylien et portait un chapeau de corsaire noir sur lequel était épinglé un morceau de ferraille faisant office de symbole : une feuille aux teintes automnales. L'étrange personnage ajouta devant la stupéfaction de Link et Zelda "Je suis DL-301, androïde spécialisé dans la marine. Mais ici, tout le monde m'appelle Ycéo" se présenta le robot enjoué. D'un commun accord et après un silence quelque peu gênant, les deux voyageurs déclinèrent leurs identités respectives,
"Je suis la princesse Zelda, n'ayez crainte tout va pour le mieux à la citadelle, je suis ici en mission, venue aider un vieil ami, expliqua-t-elle hâtivement, souhaitant simplement en venir au plus vite aux faits.
- Et je suis Link, chevalier de la garde royale depuis peu. Nous sommes envoyés par Lanelle pour mettre un terme aux séismes inhabituels qui frappent la région, poursuivit le jeune Hylien en se courbant légèrement, par politesse.
- Eh bien eh bien, une fière équipe ! Notre dieu protecteur doit avoir beaucoup de respect et une infinie confiance en vous pour vous confier une requête aussi importante ! s'exclama le robot en faisant jouer ses mains, exagérant ses gestes. Il paraissait excentrique sur les bords et débordant d'une vitalité étonnante à laquelle s'ajoutait une bonne humeur contagieuse.
- Excusez-nous mais, que chantonniez-vous avant de commencer à nous adresser la parole ? souffla Zelda intriguée. Le robot prit une posture pensive et ne tarda pas à répondre.
- En réalité, c'est l'unique phrase que je connais de la chanson, qui est devenu vieil adage avec le temps, très utilisé par les matelots de votre espèce. Une légende de marins dit qu'un monstre gît dans la mer de Lanelle et qu'il détient un trésor d'une valeur inestimable ! Alors la plupart des explorateurs de la région sont à sa recherche, au loin. Nous n'avons que faire des séismes ici, mais je concède que c'est un réel problème, confia Ycéo bien bavard, on pouvait facilement lui extirper toutes sortes d'informations, même les plus capitales.
- Un monstre marin ? demanda Link à la fois septique et curieux. Les légendes en Hyrule s'annonçaient souvent bâties sur un fond de vérité.
- M'en demandez pas plus, j'chais pas ce que ça signifie et je ne l'ai jamais vu ! Mais il est vrai qu'on entend parfois des hurlements terrifiants venant du fin fond de la mer. Puisque Lanelle vous a choisis pour une noble quête et que vous possédez donc toute son estime, peut-être pouvez-vous dégoter l'animal ? se hasarda l'androïde hasardeux dans sa proposition. Constatant que l'aimable marin ne pouvait pas plus les aider, le duo ne s'attarda pas dans la conversation.
- Nous allons chercher à en savoir plus, merci beaucoup pour votre aide, conclut Zelda en se baissant au niveau du robot pour le coiffer de sa main un bref instant. DL-301 semblait parfaitement fier de la situation et s'éloigna en chantonnant à nouveau."
"Je ne sais pas vraiment ce que valent les dires de ce marin, mais nous avons une nouvelle piste. Si un véritable monstre gît sous les flots, il possède à coup sûr la force de provoquer séismes et raz-de-marée !" s'exclama Link à nouveau en pleine forme. Son amie acquiesça et ils décidèrent d'un commun accord de longer les côtes, dans l'espoir de trouver quelque chose. Les secousses continuaient de se produire, à des intervalles réguliers. Mais elles se firent bien vite oublier quand un rugissement se fit entendre, Ycéo au loin filait à toute vitesse, terrifié. Sa légende était donc véridique. Un nouveau hurlement surgissant des profondeurs de l'océan retentit, se répétant en écho. La terre trembla à nouveau, à faible intensité en comparaison des derniers événements matinaux. "La bête se trouve juste sous nos pieds ! Je suis sûr qu'en plongeant je peux la voir et surtout l'avoir !" rugit Link impatient, ne prenant guère le temps de réfléchir, il était dans l'instant. Zelda voyait néanmoins les choses d'un autre oeil, elle se pencha en direction des flots, tendant l'oreille pour écouter les rugissements de plus en plus nombreux. "Link, cette créature souffre, elle ne nous provoque pas, elle souffre !" constata la princesse horrifiée, elle ajouta incertaine mais plongée dans une douce rêverie, "c'est étrange, j'ai l'impression d'entendre une voix. Une voix très douce, très sage, armée de bonne volonté. Et pourtant, il en résulte des secousses, donc uniquement un aspect négatif. Je suis persuadée que ce monstre ne nous veut aucun mal ! Ce n'est pas son but premier ! Tu dois me croire Link ! Ne juge pas trop vite, tu pourrais le regretter !" mit en garde la Princesse de la Destinée soucieuse. Lui adressant un sourire confiant, Link plongea tête la première, soigneusement armé de l'écaille des Zoras ne quittant plus son cou. Zelda demeura au bord de l'eau, tentant de déchiffrer les suppliques de la créature...
Les profondeurs de la mer de Lanelle non loin du rivage n'excédaient pas 200 mètres et la luminosité était correcte. Algues et animaux marins se partageaient les lieux, la faune et la flore étaient variées, bien plus que sur la terre ferme, et possédaient un côté exotique. Link observait sans un mot, se rapprochant de l'élément perturbateur créant des secousses tout autour de lui. Le chevalier était plutôt adroit en nage et se mouvait avec aisance, comparable à un Zora. La première chose qui le frappa lorsqu'il commença à atteindre l'endroit recherché fut le relief du récif. Un immense mur irrégulier de roches étaient couvert de marques étranges, comme des chocs violents, jusqu'à en fissurer tout un pan de la côte. S'accompagnaient ici et là des traces de sang non loin des failles non naturelles. "Qu'est-ce que..." souffla Link stupéfait en s'approchant de la falaise marine. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre la situation tandis que les secousses se poursuivaient. Le chevalier finit par trouver le monstre marin qui fonçait tête la première sur un pan de la falaise. Il rugit de douleur lorsque sa tête vint frapper les rochers, sa force était telle que les environs en tremblèrent. Il recommença immédiatement, un peu sonné, perdant légèrement du sang sans que cela ne l'affecte bien. "Mais pourquoi essaye-t-il de se blesser, il n'a aucune raison de... un instant sa forme elle me rappelle... !" Le chevalier écarquilla grand les yeux et se rapprocha de l'animal dont les écailles aux teintes bleutées et violettes se distinguaient parfaitement dans la semi-obscurité des flots. Il s'étalait en longueur, son corps semblable à celui d'un serpent... ou d'un dragon... muni d'un large kimono azur. Il ne pouvait distinguer son visage mais il n'y avait aucun doute possible, la description correspondait parfaitement au dragon protecteur disparu depuis fort longtemps. Link s'écria subitement, dans l'incapacité totale de retenir le nom en son esprit tant la surprise était forte, "Firone !" Son cri fit marquer une pause à la créature qui l'observa un instant avant de recommencer à heurter avec violence les pierres tâchées de sang. Son hypothèse était correcte, puisque le dragon avait immédiatement réagi à l'appel du nom, il en était le porteur. Le chevalier s'approcha précautionneusement de la créature afin de pouvoir converser avec elle malgré tout. Elle souffrait et pourtant poursuivait, il devait comprendre et l'empêcher.
"Arrêtez ! Firone ! Vous allez vous tuer si vous continuez ! Vous déclenchez des séismes dans toute la région ! Des raz-de-marée ! C'est un désastre ! rugit Link espérant se faire correctement comprendre, l'eau déformant ses paroles et les amoindrissant.
- J'espère bien ! Déguerpi humain, tu n'as absolument rien à faire ici ! répondit sans compassion le dragon protecteur ne niant pas son fait. La créature ajouta surprise, ton aura est différente des habitants de Lanelle. Tu n'es pas d'ici, n'est-ce pas ?
- Vous cherchez à mourir ! Mais c'est insensé ! Et puis n'êtes-vous pas semi-immortel, à l'épreuve du temps ? questionna le jeune Hylien horrifié par la réponse que venait de lui transmettre son interlocuteur. Qu'est ce qui pouvait bien pousser un dieu à chercher la mort ? Link reprit, répondant à Firone, je ne suis effectivement pas d'ici, vous avez raison. Je viens de la capitale, investi d'une importante mission auprès de la princesse Zelda. Que... Mais ! Si vous êtes en vie, il existe alors trois dragons ! Pourquoi Kaepora Gaebora n'en a mentionné que deux pour la bénédiction ?
- Je suis bel et bien à l'épreuve du temps, allant même jusqu'à contrôler son cours, contre ma propre volonté. Ce que les humains jugent don n'est que malédiction. Chose que vous ne comprenez pas. Pourtant tu as l'air différent, ton aura est hors du flux du temps. Serais-tu... ce pourquoi Hylia se bat ? souffla Firone soudainement intrigué. Le dragon dévisagea Link à nouveau, l'examinant sous toutes les coutures.
- J'ai franchi toutes les Portes du Temps, vous voulez probablement parler de ça... proposa le chevalier hésitant se souvenant de la grande déesse lui étant apparue dans une courte vision. Hylia lui accorderait donc tant d'importance ?
- Hum... Alors c'est bien toi... Je doute de pouvoir t'aider, seul le malheur ici est commun, la banalité étant devenue hors normes ! rugit soudainement la créature furieuse. Elle recommença à heurter la falaise à pleine puissance, telle une furie. Les secousses furent encore plus fortes. Link le supplia de cesser mais le dragon n'entendait rien.
- De quoi parlez-vous ? Mais arrêtez enfin ! Vous ne pensez pas sérieusement y laisser la vie ? C'est égoïste ! souffla le chevalier les yeux écarquillés, le coeur serré. A peine avait-il retrouvé le dragon disparu que celui-ci menaçait de se suicider purement et simplement.
- Mon âme demeurera, mais mon corps doit cesser d'exister. Crois-moi petit humain, c'est la seule solution qui permettra aux êtres de cette terre de vivre dans un quotidien réel, sans faux semblants, sans mensonges, sans illusions... Je ne suis pas désiré, j'apporte la ruine et le malheur où que j'aille. C'est là tout le mal de mon don... et personne pourtant ne s'en rend compte... résuma la créature les yeux dans le vague. Elle paraissait vraiment triste et atteinte. Elle parlait avec le coeur, sans que pourtant Link ne comprenne un traître mot de ce qu'elle expliquait.
- Que voulez-vous dire ? Si le monde vous savait de nouveau en vie, aucun doute que la plupart en serait fou de joie ! En quoi vos pouvoirs nous dérangeraient outre mesure ? Voyons, vous vous compliquez la vie. Ne cherchez pas à la perdre pour si peu... fit remarquer Link pour qui le problème était inexistant. Pourtant Firone continuait de se mutiler inutilement.
- Très bien alors que sais-tu concernant l'histoire de la vallée de Lanelle, petit Hylien ? questionna le dieu protecteur changeant subitement de sujet. Link pris au dépourvu déclara instinctivement ce que lui avait appris Arfan, enfin Ordinn.
- Eh bien... Il y a fort longtemps, il s'agissait d'une vallée verdoyante qui peu à peu s'est dégradée. Les terres de Lanelle devinrent alors un vaste et large désert, s'y aventurer était synonyme de mort. Mais le temps passant, le dieu protecteur Lanelle sauvé d'une grave maladie, la vallée revint à la vie et les Hyliens s'y installèrent, épanouis dans ce havre de paix rimant avec idyllisme, conta le chevalier avec éloquence, se souvenant parfaitement de ses différents cours et des légendes accompagnant l'histoire. Il faut dire que Zelda l'avait fait travailler dur pour qu'il daigne s'en rappeler.
- Eh bien moi je connais une toute autre version, je me ferai un plaisir de te la raconter, ironisa sans la moindre méchanceté le dragon. Link lui intima de poursuivre et Firone se lança, la vallée verdoyante dépérit, c'est vrai. Mais elle entraîna dans sa chute son dieu protecteur Lanelle. Qui malgré un fruit guérisseur ne parvint à vaincre la fièvre qui l'avait conquis. Mort, la vallée continua de se dégrader encore et encore, devenant vallée lugubre. Les androïdes désactivés, la vie s'y fit inexistante à l'exception de quelques monstres. Puisque l'équilibre était brisé et que seul deux dieux protecteurs demeuraient, Hylia leur fit un don afin de combattre l'inégalité. Il leur était accordé de contrôler le temps, tout du moins certains fragments. Ordinn devint le geleur, pouvant stopper le temps selon ses désirs. Firone quant à lui, pouvait ramener les choses dans le passé. Le futur demeurant chose immuable à laquelle nulle ne devait toucher, révéla le dragon prenant soin de détailler chaque élément. Il marqua une courte pause afin que son interlocuteur puisse exprimer ses réactions.
- Que... Lanelle ! L'esprit protecteur est mort ! Mais vous... vous plaisantez ! Il est encore en ce monde, je l'ai vu de mes propres... commença Link se rendant compte des paroles de Firone. Il possédait le don de ramener les choses dans le passé... Il ajouta alors compréhensif, la vallée n'a jamais retrouvée sa splendeur d'antan, n'est-ce pas ? Il s'agit de vos pouvoirs... le dragon Lanelle est présent sans réellement l'être... c'est...
- Tu es plutôt doué, moi qui te croyais lent à comprendre ! Exactement. Mais je ne l'ai nullement choisi. Mon récit s'achève tristement malheureusement. Car à l'inverse du don d'Ordinn, Firone ne pouvait pas contrôler son don. En réalité, suite à l'apparition d'Hylia, ses écailles se transformèrent après une semaine de mue. Elles devinrent fragments de Chronolithe pure. Probablement ne connais-tu pas la force de la Chronolithe, mais en réalité, il s'agit d'une véritable malédiction. Cette pierre est l'énergie utilisée jadis par les androïdes de Lanelle, des mines existent d'ailleurs encore, dans lesquelles sont prélevées les roches. Actionnées, elles renvoient le monde dans le passé et c'est de là que le dragon protecteur tirait ses pouvoirs. La Chronolithe fonctionnait par le biais de son énergie vitale, constamment en fonction, il était impossible de l'arrêter. Partout où Firone allait... Il apportait la mort, un monde froid, inhabité. Il dut quitter sa forêt tant chérie et partit se réfugier en Lanelle, seule contrée où le passé rimait avec vie... expliqua le dragon levant les yeux au ciel, son regard traduisait une infinie tristesse que nul ne pouvait guérir et que toutes les blessures qu'il s'infligeait ne pourraient jamais atténuer...
- Je... Je comprends mieux désormais... A l'inverse d'Ordinn, vous n'avez pas choisi votre condition, la Chronolithe fut peut-être une bénédiction durant une courte période mais son âge d'or semble révolu. Vous aspirez alors à un Hyrule ne trompant pas avec le temps, pleinement dans le présent, là où il aurait toujours dû se trouver... comprit l'Hylien profondément touché par la situation de l'être divin. Il avait beau posséder maints pouvoirs, rien ne pouvait le libérer de son injuste châtiment.
- Alors, c'est pourquoi, il en est ainsi jeune homme. Cet idéal pour lequel je me bats, si je désire y parvenir, je dois y laisser la vie. Mais je suis un dieu, je suis à l'épreuve du temps et mes blessures ne suffisent pas à me tuer. Toi qui as franchi les Portes du Temps, toi qu'Hylia a si longtemps attendu, tu peux m'aider. Tu es un épéiste, un seul coup de ta lame réussirait là où j'ai échoué. Débarrasse-moi de mon enveloppe corporelle, je t'en conjure... murmura d'une voix douce Firone sans éprouver la moindre nostalgie, sans regrets. Son choix avait été mûrement réfléchi, pourtant, pour Link, cet acte paraissait illégitime.
- Je... je ne peux pas vous tuer ! Voyons, vous êtes un dieu ! Je n'en ai pas le droit ! Je ne peux pas vous priver de ce monde, quand bien même vous le perturbez ! C'est... balbutia l'Hylien refusant, hésitant face à la douleur du dragon désespéré. S'il n'agissait pas, celui-ci continuerait inlassablement d'utiliser la falaise pour se blesser, dans l'espoir que la mer de Lanelle devienne son tombeau. N'était-il pas plus noble de lui autoriser digne mort ?
- Je suis immortel, je te demande simplement de m'ôter cette enveloppe charnelle dont je n'ai que faire. Mon esprit demeurera et je rejoindrai enfin la grande déesse Hylia. Elle sait le préjudice qu'elle a commis à mon égard, et ne souhaitait réellement pas cela. Le temps file mais ne m'atteint pas. Laisser ce monde ne me dérange pas, en simple observateur je resterai. N'aie crainte et ne retiens pas tes coups. Tu mérites de goûter à la victoire et à la liberté, jeune chevalier, clama le dragon en souriant. Link hocha timidement la tête ne supportant pas les éloges et la haute estime que semblait porter pour lui Firone, il n'avait pourtant rien fait ! Et encore moins des choses positives... Il ne faisait qu'apporter la mort..."
Souriant, le dragon lui apporta tout son soutien. Dégainant l'épée autrefois sceau retenant Ghirahim, il frappa sans hésitation, malgré le conflit moral régnant en lui et le taraudant de toutes parts. Le coup fut vif et précis, malgré la lenteur de l'eau, toute son énergie y passa tandis que la lame s'abattait sur le cou de la victime. Firone ferma les yeux, sourire aux lèvres. Le dernier instant de vie qu'il lui fit permis en Hyrule, aussi fugace soit-il, le dragon s'adressa à son bourreau salvateur, lui déclarant "En ton acte courageux et valeureux, je reconnais un Héros méritant tout intérêt, toi et la Princesse de la Destinée, êtes dignes d'accéder au Saint royaume. Acceptez ma bénédiction et mon salut. Merci, ferme les yeux, Link. Lorsque tu les rouvriras, tu te retrouveras là où tu aurais dû être depuis toujours tant ton rôle se fait important..."
Tandis qu'une âme divine montait aux cieux, deux âmes pures rejoignaient à leur tour le lieu sacré. Fermant tous deux les yeux, ils disparurent... pour apparaître là où leurs questions trouveraient enfin réponses...
Ses yeux s'ouvrirent délicatement, les souvenirs récents lui revenant peu à peu. A ses côtés, la Princesse de la Destinée s'éveillait en même temps que lui. Ils se trouvaient debout, face à une imposante porte légèrement bleutée. Une brume entourait les lieux à l'horizon et des murs disposés de manière hexagonale se distinguaient peu. Au centre, sur un dallage soigné en une matière inconnue mais brillante était dessinée la Triforce, non pas d'un or pur mais d'un bleu satiné rappelant la couleur de l'eau. L'endroit semblait à l'épreuve du temps, des marches indiquaient le chemin. Link reprit peu à peu ses esprits, constatant que Zelda avait changé. Ils étaient en des lieux saints qui mettaient en valeur son statut. Elle portait une longue robe blanche agrémentée d'accessoires ornés du blason d'Hyrule. Un serre-tête posé à même sa chevelure rappelait les anciennes couronnes que l'on conférait aux reines autrefois, d'une fragilité certaine mais d'une beauté exquise. Le chevalier s'observa et constata déçu que rien n'avait changé dans sa tenue. Il ne préféra pas en tenir rigueur à son amie et lui déclara sans nul commentaire sur ses vêtements "Nous voilà finalement au Saint Royaume, où tout du moins, à ses portes..." souffla le guerrier subjugué, le regard rivé sur l'immense porte, comme happé par son existence. Zelda sourit et tendit une main à son camarade, elle lui dit avec tendresse "Prends ma main, et allons découvrir ce qui nous attend derrière cette porte, ensemble !" Le jeune Hylien opina attendri et s'exécuta. Ils marchèrent à pas lents vers la porte scellée, leur bruit de pas résonnant jusqu'à se perdre dans l'infini, dans ce monde sans le moindre son. Lorsque le duo fut à une distance raisonnable de l'imposante porte, des inscriptions en ancien Hylien, quasi indéchiffrables s'illuminèrent. Un bruit sourd se fit entendre, et les voix de Firone et Ordinn se firent entendre, souvenir de leur réussite,
"Puisque je suis l'avant dernier dragon protecteur sur cette Terre. Link, Zelda, obtenez ma bénédiction pour pénétrer le saint royaume. Vos coeurs sont purs, vous êtes l'allégorie même de l'espoir. En cela, vous pouvez accéder à la sainte Triforce."
"En ton acte courageux et valeureux, je reconnais un Héros méritant tout intérêt, toi et la Princesse de la Destinée, êtes dignes d'accès au Saint royaume. Acceptez ma bénédiction et mon salut."
Suite à l'écho des deux protecteurs, la lumière de la porte devint de plus en plus forte jusqu'à n'être plus qu'un flash. Dans une explosion de lumière, l'entrée s'ouvrit sans que nul n'eut besoin de la pousser. Son rythme lent invitait à une allure mesurée et à des pas lents. Link et Zelda suivirent la cadence et s'engouffrèrent dans une nouvelle salle.
Une nouvelle pièce hexagone se découvrit peu à peu à eux. Nulle brume n'empêchait la visibilité, les lieux étaient entièrement à vue, dans un silence des plus complets. La lumière prédominante demeurait le bleu, comme si un soleil couleur ciel éclairait les environs, comme si ce monde était plongé dans un profond sommeil, que nul ne devait déranger. La salle était pavée de carreaux aux teintes similaires, des flammes bleutées contribuaient au caractère immuable de la pièce. Deux statues immenses de la grande déesse Hylia ornaient deux des six murs. Les lieux s'articulaient sur deux niveaux, et afin de poursuivre la visite, Link et Zelda se dirigèrent vers la scène hexagonale en hauteur, accessible par des marches de toutes parts, vers le fond de la salle. Leurs yeux croisèrent ceux d'une femme drapée d'un vêtement aéré et ample. Ses longs cheveux blonds glissaient le long de sa robe de soie. Des perles ici et là se perdaient dans sa chevelure et ses yeux bleus pénétrant ne cessaient de dévisager les nouveaux venus, le regard bienveillant, une harpe d'or à la main. Une lyre semblable à celle de son élu, jadis. L'ambiance bleutée des lieux lui allait à ravir et accentuait sa beauté. Hylia se dirigea à pas lents vers ses invités, les considérant avec douceur et bonté. Un autel prestigieux, derrière la déesse, laissait place à un piédestal renfermant la lame sainte, l'épée de maître, l'épée du Héros, celle que Link croyait avoir retirée alors qu'il n'avait fait que desceller Ghirahim. Plus loin encore, sous une immense sculpture représentant trois déesses portant la Triforce, un étrange cristal bleu remplissait l'espace. Un édifice qui n'eut de cesse d'intriguer Link. Mais pour le moment, ils devaient s'entretenir avec Hylia. La femme aux allures hyliennes ouvrit largement ses bras, souriante, comme pour accueillir les nouveaux venus,
"Je savais que vous parviendriez à moi sans difficulté. Vous portez en vous la marque du courage, de la force et de la sagesse. Et si vous êtes ici, ce n'est pas simplement parce que je l'ai souhaité, où que les dieux protecteurs d'Hyrule vous ont tous accordé leurs bénédictions. Non, c'est aussi parce que ce lieu vous a choisi. Le Saint Royaume est une entité à part entière où les dieux ont choisi de siéger, mais cette porte ne s'est ouverte que parce que vous en étiez jugés dignes, expliqua Hylia laissant ses mains couler le long de ses vêtements, sa lyre disparut immédiatement, sous l'impulsion de sa volonté, jugeant qu'elle n'en aurait guère besoin pour le moment.
- Nous sommes honorés d'une telle considération. Nous n'avions jamais aspiré à pareil avènement. En mon nom est celui de Link, recevez, Déesse, tous nos remerciements. Ainsi que notre éternelle gratitude pour daigner considérer notre situation et nous autoriser à modifier le cours du temps, s'inclina Zelda suivie de près par son ami un peu timide face à une telle figure de légende.
- Vous devez savoir que si je vous ai menés en ces lieux, ce n'est pas simplement pour vous aider. Je suis chargée de vous faire prendre conscience de certaines choses. L'importance en est capitale et te concerne tout particulièrement, Link, souffla la femme en s'approchant du chevalier gêné. Elle posa une main sur son visage, le regard bienveillant, l'intéressé ne sachant plus où se mettre.
- Je... je vous écoute... je ferai tout ce que vous désirerez. Je suis votre plus fidèle serviteur, balbutia le jeune Hylien rougissant légèrement. L'éclairage néanmoins le mettait en valeur et effaçait le rose de ses joues avec brio.
- Je n'en doute pas un seul instant, et ce n'est pas ce que je te demande. Plus exactement, je ne te demande rien. Tout comme le Saint Royaume, je t'ai choisi. Dès ton plus jeune âge j'ai compris la destinée qui s'était liée à ton âme de valeureux guerrier. Tes actes n'ont fait que confirmer ton courage et ta valeur. C'est pourquoi, ce n'est pas à moi de t'implorer quelconque aide. Je me dois de te rendre un service, que les mots ne suffiraient guère à expliquer, déclara-t-elle de sa voix cristalline sa main gauche désignant l'autel derrière elle.
- Que... que voulez-vous exactement dire ? murmura faiblement Link mal à l'aise. Son coeur battait, il se sentait attiré par ce cristal que la Déesse elle-même lui désignait.
- Rends-toi auprès de la sainte lame purificatrice. Sa conscience scellée, n'attend que toi pour l'éveiller. Je t'accompagnerai dans cette démarche. Mais nul ne doit t'interrompre. C'est pourquoi, Zelda, Princesse de la Destinée, je te remets dans les mains expertes de Kaepora Gaebora, sage de renom. Ton rôle est tout trouvé, mais il doit t'expliquer certaines choses concernant tes pouvoirs, qui très bientôt te serviront, résuma la femme attendant l'aval de la jeune fille pour la téléporter dans une salle annexe du Saint Royaume, une pièce où le messager l'attendait. Elle ajouta voyant la mine hésitante de la princesse, Je sais que tu ne désires pas te séparer de ton ami, mais crois-moi, il ne lui arrivera rien de mal pendant cette cérémonie, je te le promets, sourit-elle sincère et bienveillante, plongeant son regard dans celui de cette jeune princesse, qui par bien des égards, lui ressemblait.
- Je... commença Zelda confuse, en baissant les yeux. Cette situation ne lui plaisait pas, elle aurait tant aimé suivre son ami jusqu'à l'accomplissement de sa destinée. Mais leurs deux destins parfois se séparaient. Elle hocha finalement la tête et l'air fier répondit, bien sûr. Je comprends parfaitement, Link, nous nous rejoindrons juste après, tu n'en as pas pour longtemps j'imagine ! rit-elle montrant à son ami sa parfaite acceptation de la situation. Celui-ci sourit le plus tendrement possible sans dire un mot. La situation le dépassait bien trop pour qu'il puisse parler.
- Bien, Princesse de la Destinée, je te remercie, conclut Hylia tandis que Zelda disparaissait en douceur, s'estompant légèrement. Hylia poursuivit en une brève phrase, c'est à toi, Link."
L'Hylien hocha la tête déterminé, il se devait de se montrer brave et valeureux, pour qu'une fois Zelda mise au courant, elle soit fière de son comportement irréprochable.
Link s'approcha de l'épée légendaire, Hylia le suivant en silence, légèrement en retrait. Il jeta un coup d'oeil au piédestal orné de la Triforce puis fit quelques pas de plus pour se retrouver face au cristal qui l'attirait tant. Peu à peu, sa surface se fit plus lisse, peu à peu, une vague forme apparut, au fur et à mesure de sa marche, se dessinant à l'intérieur de la pierre translucide. Comme pris dans la glace, dans un sommeil éternel, un homme gisait, dormant paisiblement, prisonnier du cristal et pourtant si serein. Le coeur du jeune chevalier fit un bond quand il comprit la figure qu'abritait cet étrange réceptacle. Posant sa main à la surface du cristal, il contempla l'homme. Il était comme il avait toujours imaginé, le plus fidèle portrait que l'on puisse faire du Héros de la Légende. Celui que maintes fois il avait rencontré, tous ces Héros qui s'étaient écroulé devant lui. Pourtant, lui, il était là. Il leur ressemblait tous, il était ce qu'ils étaient, leur essence même. Son visage satiné et fin, ses yeux clos mais que l'Hylien savait d'un bleu profond, cette figure innocente et pourtant si fière et juste. Animé d'une volonté sans faille, qui dormait paisiblement au fond de son être. Sa chevelure d'or, quelques mèches rebelles retenues par un bonnet vert cousu avec soin. Perfection semblable à celle de sa tunique, sa tunique verte...son pantalon de toile beige et ses bottes de cuir marron. Son ossature et sa musculature semblable à pareil autre Hylien, et pourtant il disposait d'une force incommensurable. Le Héros de la Légende sommeillait paisiblement, sa vie pulsait dans ses veines, Link le sentait. Et sans savoir très bien pourquoi, il se sentait proche de cet homme. Cet homme qui lui ressemblait en tout point, cet homme qui apparaissait si souvent dans ses rêves. Cet homme... que l'on tentait d'abattre. Link constata son reflet contre le cristal, son reflet qui se superposait à merveille, au détail près, avec la figure de légende. Comprenant mais jugeant la chose inconcevable il s'éloigna immédiatement, groggy, frappé par cette évidence fausse. Il tenta de balbutier quelques mots à Hylia, sans succès. La déesse posa une main sur son épaule et le regarda avec tendresse "N'aie crainte. Tu vas comprendre, tôt ou tard. Désormais, puisque tu sais, libère cette épée qui est ton dû, brandis là et soit fier, car elle est tienne. Et tu en es plus digne que quiconque." Le chevalier acquiesça, confus. Il se retourna vers le piédestal, se plaçant correctement, ses mains sur le pommeau de la Lame Sainte. Il l'observa quelques instants avant de l'empoigner avec force pour la retirer sans hésitation. Il rugit comme pour témoigner de l'acte qu'il accomplissait, l'épée sortit sans le moindre souci du piédestal, comme si elle n'y avait jamais été correctement mise. Observant la lame qu'il possédait désormais, il sentit son coeur se serrer. Cette épée qui n'était faite que pour les Héros, qui choisissait son porteur en fonction de sa valeur, le désirait, lui. Lui qui n'avait pourtant rien de spécial. Hylia s'écarta légèrement, souriante, une main sur le coeur, s'inclinant presque. Un bruit cassant se fit entendre, le guerrier se retourna automatiquement. Un bruit semblable à une glace qui se brise en un éclat. Le jeune Hylien n'en croyait pas ses yeux, le cristal, peu à peu, se fissurait. Observant la scène sans comprendre, Link fut le premier à voir le verre voler en éclat, la pierre disparaissant en lumière et en bruit cristallin, sans toucher le sol. L'Hylien recula d'un pas, tandis que l'homme désormais libéré en fit un. Son torse se gonflait à intervalle régulier, il respirait, il était vivant comme l'avait pressenti le chevalier. Les yeux du Héros de la Légende s'ouvrirent peu à peu, pour se poser sur Link qui se sentait bien bête et petit, avec son épée et toute cette prestance qu'il ne possédait pas. Les lèvres de l'homme se mirent à bouger, et il déclara à Link,
"Alors, tu es finalement venu ? Tu m'as enfin réveillé ? Merci, je sais ce qu'il t'en a coûté, tout ton périple."
Le jeune Hylien demeura silencieux devant cette allégorie même du courage. Il ne savait plus ce qu'il devait faire. Et pourtant, son coeur et son âme semblaient comprendre de suite, comme attiré à lui. La bouche de Link s'anima d'elle-même, comme s'il l'avait toujours su.
"J'ai répondu à tes appels. J'ai tenté de te sauver où que tu sois, mais je n'y suis pas parvenu..."
L'homme secoua négligemment la tête pour protester.
"Non, tu y es parvenu, la preuve est là, tu as su te préserver. Et ce que tu juges impossible est finalement arrivé. Tu as enfin ouvert les yeux."
"Oui, je suis devenu l'un des vôtres. Cette cause pour laquelle je me bats, elle n'est que pour moi-même et mon royaume bien aimé."
"Nous traversons les âges, le Temps n'a pas d'emprise sur notre mémoire. Mais mortels, nous avons dû trouver une entrave à son pouvoir de mort sur nos vies. C'est pourquoi Hylia m'a créé pour tous nous protéger. Moi, allégorie du Héros de la Légende. Je suis ce que tu es, je suis... ta mémoire ! Cette mémoire que tu te dois de retrouver."
Une fois l'homme silencieux, Link hocha la tête et répondit simplement,
"Parfait."
L'Hylien s'approcha de l'homme qui lui tendit les deux mains l'air salutaire. Link s'en saisit sans hésitation. Ses yeux se fermèrent immédiatement et son coeur se calma peu à peu. Le Héros de la Légende sourit à son nouvel élu et se fondit en lui, disparaissant du Saint Royaume. Animé à nouveau, là où Hyrule était menacé, le Héros répondait, son incarnation ne sachant tarder. Dans l'esprit de Link, tout devint clair et limpide.
***
Héros de la légende je suis. Et c'est après moi que Ganondorf en a. Il m'a maintes fois maudit, passé, présent, futur. Il n'y a aucune limite à sa vengeance. Il m'a tué, encore et encore. Il m'a empêché d'accomplir ma destinée, repoussant l'échéance de sa mort. Il a acquis un pouvoir immense, qui ne saurait surpasser la Sainte Triforce. C'est mon devoir d'alors m'en emparer. Je sais où elle demeure, je l'ai toujours su. Il doit payer pour ce qu'il m'a infligé. Tous ces rêves ne visaient qu'à montrer mes souffrances passées et futures.
Tantôt immisçantes ténèbres là où la paix régnait. Là où j'avais vaincu le mal absolu, jamais je n'aurais pu me douter que l'Avatar du Néant chercherait tôt ou tard à se réincarner. Il m'a lâchement assassiné, usant d'une tromperie dont il est maître, une tromperie qui a une fin. Il payera.
Tantôt m'arrachant mon âme pour me dédoubler et dévoiler la face miroir de mon être, qui se veut tout aussi pure que ma nature. Une pureté que Ganondorf n'a su pervertir. Et dans cette ombre, traitée injustement, je suis. Elle fait partie intégrante de moi et pour toutes les souffrances qu'il lui a administrées, il payera.
Tantôt organisant la chute d'un monde qui m'était cher. Prenant le pouvoir sur un royaume de cendres et détruisant la vie qui faisait d'Hyrule une terre prospère. M'enlevant le droit d'aimer, m'ôtant toute raison. Me conduisant à errer, pour une éternité dont il fut maître, jusqu'à mon dernier soupir... Et pour tous ces innocents ayant injustement péri... il payera.
Ganondorf, de ma lame, périra. Et toutes ses ruses ne suffiront à l'en protéger. Je le surpasserai. Qu'importe le temps qu'il me faudra, je l'éradiquerai entièrement d'Hyrule cette fois-ci. Cette fois, il ne m'échappera pas.
Hylia, tu chantes, Hylia je te remercie. Je me reconnais comme ton élu, c'est étrange, tu le sais déjà...
***
Reflet du miroir céleste au coeur d'un songe de cristal
Ténébreux paysage de l'antan dénué de cette mort, fatale hérésie du mal
La lumière redore le blason de la pureté aux âmes blessées
Enchevêtrée par les flots du temps là où pourtant réside le scellé
Il est ce que désirent les dieux eux-mêmes
Il est ce que nul ne pourra jamais acquérir sans anathème
Il est perfection et pureté inqualifiable
Et pourtant, il est ce que je suis demeurant mon semblable
A l'impossible vient la force d'une lame sacrée toujours aussi délaissée
Que seul un héros tourmenté saurait retirer
Elle brise telle de la glace mon reflet dans le miroir cristallin
Dévoilant ce que je ne saurai oublier de mon déclin
Il est l'avenir que j'ai encore à vivre
Il est mon anamnèse que pourtant je n'ai jamais eu à poursuivre
Il est l'infini de ma vie, de mes ancêtres et de mes descendants
Je ne suis que quotidien immédiat franchissant les portes du Temps
Poussières par-delà déserts, mers, ciel et terre
S'envole telle une nuée en la voie lactée l'oiseau d'une nouvelle ère
Aspirant à l'avenir volage du temps
Tandis qu'espérance fugace bloque les engrenages latents
Il est ce que je me dois d'incarner
Il est l'espoir d'entières civilisations déshumanisées
Je deviendrai élu tant désiré et adulé
Il est... à mes côtés...
Il est l'avenir que j'ai encore à vivre
Il est mon anamnèse que pourtant je n'ai jamais eu à poursuivre
Il est l'infini de ma vie, de mes ancêtres et de mes descendants
Je ne suis que quotidien immédiat franchissant les portes du Temps
Il est... à mes côtés... et nous ne formons qu'un... seul et même être...
L'élu de la Déesse Hylia
***
Link s'éveilla, aux côtés de la déesse, retrouvant désormais tout son être. Tout comme Zelda avait changé au coeur du Saint Royaume, Link était différent. Son regard était animé de la flamme du Héros de la Légende, sa mémoire l'avait transformé tout en l'améliorant. Ses vêtements étaient quasi semblables aux précédents comportant néanmoins quelques différences. Ils étaient devenus un symbole, ornés d'or, comportant des inscriptions en plus. Une tenue qui jamais ne pourrait se faire plus belle. Une tenue qui ne pourrait jamais lui aller mieux. Elle était faite pour lui. L'Hylien observa la déesse qui prit un air grave tout en conservant un regard tendre. Elle lui déclara solennellement "Héros de la Légende, acceptes-tu de devenir mon serviteur ? Acceptes-tu de devenir élu ? Ayant retiré la sainte lame, il convient désormais de te poser la question." S'agenouillant, Link répondit avec bonté "C'est là mon seul souhait. Je suis honoré de pouvoir recouvrer mon statut. Je vous remercie du privilège que vous m'accordez. Si vous m'en jugez digne, j'accepte sans éprouver l'intérêt d'une pensée contraire visant à la réflexion." La femme sourit et se saisit de la main de son chevalier, l'épée de légende dans l'autre. "A partir de ce jour, Héros, tu seras mon élu. Elu de la Déesse Hylia. Ta quête se poursuivra ainsi, dans l'unique but d'éradiquer Ganondorf. Tu disposes de ma protection, tout comme je dispose de la tienne. Nous serons à jamais liés." récita-t-elle les yeux clos, adoubant l'Hylien plus fier que jamais de la place qu'on lui conférait. Il se releva de suite et se tourna, dos à sa déesse. Zelda venait de réapparaître à son tour. Elle semblait sereine et sourit à son ami, elle ne semblait pas surprise, comme si elle avait toujours su ce qu'il serait amené à devenir. Une nouvelle cérémonie venait de s'achever, et elle marquait le début d'une nouvelle ère.
"- Désormais, vous avez tous les pouvoirs et connaissances nécessaires pour mener à bien votre quête, déclara la déesse Hylia en ajoutant, je me suis affranchie de la dette que j'avais envers vous. Ce service que je vous ai rendu, n'était que le juste accomplissement des choses.
- Mais enfin, sainte Déesse, vous oubliez la Triforce ! Nous sommes venus en ces lieux, dans l'espoir de changer le cours du temps. Et tous ces dons que vous nous avez conférés ne sauraient empêcher le besoin d'user du pouvoir de la Sainte Relique ! fit remarquer Zelda sachant pertinemment ce qu'il leur restait à faire. C'était le but premier de leur visite après tout.
- Vous avez pourtant toutes les clés en mains, souffla la femme en se tournant vers Link qui hocha la tête.
- Zelda, n'aie crainte ! Je sais où la trouver ! L'élu de la Déesse Hylia, dans le passé, l'un de mes homologues, a acquis la Triforce par lui-même tant son coeur était pur et son âme dévouée. Il s'en est servi pour vaincre l'Avatar du Néant, tu le sais n'est-ce-pas ? Eh bien par la suite j'ai... enfin il a conservé la Sainte Relique et l'a mise à l'abri... A Célesbourg. Dans le seul monument qui de nos jours est toujours intact... expliqua Link se souvenant de la chose comme s'il l'avait vécue, comme si c'était hier.
- C'est exact, elle s'y trouve bel et bien... Pour avoir confirmé sa position il y a peu, je vous assure que nul n'est venu la subtiliser, il est de mon devoir de la protéger après tout. Qu'elle soit ou non dans le Saint Royaume, compléta Hylia d'une voix très calme. Etrangement, la nouvelle ne semblait pas vraiment la réjouir.
- C'est génial ! Merci Link ! Merci grande Déesse pour tout ce que vous avez fait pour nous ! Nous nous hâtons de ce pas de remplir la mission qui nous as été confiée, sourit la princesse ravie, frappant dans ses mains puis les laissant ainsi proches, victorieuse.
- Néanmoins... Si je puis me permette... Je vous mets en garde contre son utilisation. Votre voeu sera réalisé, aucun doute, votre pureté est telle que la Triforce n'y trouverait rien à y redire. Néanmoins... cette puissance pourrait se retourner contre vous... Je... Réfléchissez bien... mit en garde la jeune femme troublée. Son expression complexe semblait indiquer un problème apparent.
- Ne craignez pas pour nous, Hylia. Je vous assure que nous maîtriserons la situation, quelle qu'elle soit, et qu'importe la façon dont la Triforce désire exaucer notre voeu. Nous réussirons, souffla Zelda sûre d'elle, la conversation qu'elle avait eu avec Kaepora Gaebora y semblait pour quelque chose, assurément.
- Fort bien... comme vous le souhaitez... répondit mélancoliquement Hylia, baissant les yeux avec tristesse. Link ne comprenait plus du tout ce qu'il se passait mais il faisait confiance à son amie. Et à Hylia. La déesse ajouta, désirez partir du Saint Royaume et vous serez transportés là où tout a commencé, la chambre de Link. Votre Célestrier vous y attend, puisque la vallée de Lanelle est devenue aride désert, il s'est réfugié dans le jardin royal où il a ses habitudes. Et bien entendu, si vous voulez revenir ici, de même, souhaitez-le simplement. Je vous souhaite un bon voyage, et bien du courage..."
Quelques bruits de pas, deux nouveaux héros s'éloignant de leur avènement. Link et Zelda franchirent à nouveau les portes du Saint Royaume, les laissant closes derrière eux, ils y étaient les bienvenus, et c'était là le plus important. Se tenant la main, les yeux clos, ils souhaitèrent retourner sur terre. Un voeu immédiatement exaucé. Il ne leur restait plus beaucoup à faire, la victoire avançait à grands pas, ils en demeuraient certains.
Ils réapparurent instantanément au coeur de la chambre de Link, là où par deux fois, tout avait commencé. Leur quête à la recherche des Portes du Temps et l'espoir de conquérir la Triforce. Tout allait finalement prendre fin, le but ultime s'approchait. Sans oser parler de ce qu'ils avaient vécu, les deux amis se dirigèrent, pressés, vers le jardin royal que l'on apercevait de la fenêtre de la chambre de Link. Au coeur du lieu serein, sommeillant avec quiétude, le Célestrier vermeil les attendait. Il ne semblait guère surpris de se trouver là, et n'éprouvait aucune nostalgie envers un monde de verdure qu'il ne reverrait jamais. La vallée de Lanelle n'était plus, et après leur excursion à Célesbourg, il faudrait en faire part au roi. Link réveilla délicatement sa monture à l'aide de quelques caresses compatissantes et après avoir aidé Zelda pour grimper sur le dos de la créature, il l'enfourcha sans plus attendre. Il voyait le monde d'un oeil neuf, foule de souvenirs se mêlant désormais à la réalité. Un précédent Héros avait volé sur un oiseau semblable, ses homologues futurs n'auraient plus ce luxe. Le Célestrier décolla en douceur, tout comme son maître le lui avait ordonné. Et lorsqu'ils furent élancés dans les airs, Zelda tint à engager la conversation, le silence avait fini par lui peser,
"- Link, tu ne crois pas que nous devrions parler de ce qu'il s'est passé au Saint Royaume ? Ton regard a changé, je ne suis pas dupe. Tu sembles avoir beaucoup appris en très peu de temps. Cela serait-il inconvenant de te demander plus de détails ? quémanda Zelda se faisant toute petite, ne sachant pas où se placer. Son amitié avec Link avait-elle changé lorsque lui-même avait changé ?
- ... le jeune Hylien sourit, l'air sage. Il finit par déclarer, se voulant rassurant, n'aie crainte, ça n'a rien changé. Et je peux t'en parler, mais... j'espère que tu ne vas pas trouver ça trop étrange ! Enfin, tu as probablement vécu la même chose. Quand tu es devenue Princesse de la Destinée, et que j'ai cherché à en savoir plus. Tu m'as dit que c'était comme une immense entité, que tu étais liée à toutes celles qui, comme toi, avait vécu pareillement leur rôle. Eh bien, pour moi, c'est la même chose. Je suis devenu Héros par-delà le temps, Héros de la légende. Et par conséquent, et bien, je sais absolument tout ce qu'ils ont vécu. Tous ces Héros, qui sont morts, par la faute de Ganondorf, c'était comme s'il avait essayé de me tuer à chaque fois. Je suis eux, la distinction est parfois difficile à faire, c'est pourquoi, je dois les sauver, me sauver ! s'emporta le chevalier passionné par son récit, des étoiles dans les yeux. Dans son regard, défilait une foule d'événements que Zelda aurait beaucoup aimé comprendre.
- Alors toi aussi... Tu as fini par devenir un élu. Je l'ai toujours su au plus profond de moi. Quand je suis devenue Princesse de la Destinée, je savais qu'un sort tout aussi glorieux t'attendait, mais je ne pouvais pas t'en parler au risque de tout briser. Je suis heureuse que désormais, nous soyons de même. Nous pouvons encore mieux nous comprendre, souffla-t-elle rieuse en serrant fort son ami pour ne pas tomber du Célestrier et probablement aussi parce qu'elle avait envie de cette proximité.
- Je comprends, tu as pu t'éveiller avant moi, c'est incroyable. Moi, il m'a fallu tomber nez à nez avec moi-même pour que je finisse par comprendre... ce qu'Hylia attendait réellement de moi... expliqua le Héros souriant, il préféra se focaliser sur sa mission pour ne pas rougir du contact de Zelda l'enlaçant presque.
- Ma condition est différente de la tienne. Je suis une descendante directe de la Princesse de la Destinée et ma lignée sera à son tour promise à un grand avenir. Mais pour le Héros, on ne naît pas ainsi, on le devient. Tu t'es montré digne de ce titre par tes actes. Mon éveil a été progressif, mais pas le tien. Tu as beaucoup de mérite, déclara Zelda admirative de son ami qui cette fois ne put s'empêcher de rougir.
- Merci... mais... mais n'en fais pas trop non plus, balbutia le jeune Hylien, il avait beau avoir énormément mûri en un clin d'oeil, il demeurait incapable et maladroit quand ses sentiments refaisaient surface. Il changea discrètement de sujet tandis que le Célestrier ralentissait peu à peu, nous voilà bientôt arrivé... Que ce paysage est triste et morne en comparaison de ce qu'il était auparavant...
- Oui, tu as raison, mais il a un côté sacré quand on sait ce qu'il renferme. C'est un secret qui par le biais du pouvoir d'Ordinn fut conservé et scellé. Tant que Célesbourg demeurait dans son illusion perpétuelle, nul ne pouvait s'emparer de la Triforce. Tu es prêt, Link ? demanda la princesse en se penchant pour entrapercevoir le visage de son ami qui souriait. Elle ajouta sereine malgré l'ombre d'une tristesse se parant au coeur de son regard, quoiqu'il arrive, tu peux compter sur moi. Je serai toujours là pour t'aider et te soutenir !
- Ça vaut aussi pour moi, tu n'as pas à t'en faire. Je sais que tu fais tout au mieux pour moi, et sans toi, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Merci, souffla Link touché par les propos de son amie. Il conclut posant le Célestrier sur une surface plane, allons-y, maintenant..."
Prenant délicatement la main de son amie, Link descendit de sa monture, lui ordonnant de voler au loin. Ils étaient finalement arrivés à destination.
Ils avancèrent silencieusement parmi les décombres et ruines de Célesbourg jusqu'à l'imposante statue qui les intéressait tant. Elle faisait bien trois mètres de haut, rendant hommage à Hylia de la plus belle façon. Elle était exactement comme ils l'avaient vue, drapée de son habit de soie blanche, une harpe à la main, ses cheveux d'or longs et lisses. Malgré le fait qu'elle n'était pas en couleur et ainsi figée, elle en demeurait vivante et magnifique, probablement parce qu'elle renfermait un bien lourd et inestimable trésor. Link quémanda à son amie sous le charme de la statue "Donne-moi ta main et pose l'autre sur la statue, je vais faire de même. Nous n'aurons qu'à appeler, souhaiter la Triforce pour la voir apparaître. Cela n'est possible que parce que nous sommes ce que nous sommes. C'est une relique protégée par d'innombrables sortilèges, qui plieront immédiatement sous le poids de nos statuts pratiquement divinisés. Fais-moi confiance, je sais ce que je dis" sourit le chevalier en tendant une main à son amie qui accepta immédiatement sans opposer de résistance. Elle sentait au plus profond d'elle que Link faisait plus que dire la vérité, c'était comme clamer une évidence. Main dans la main, les deux élus effleurèrent la statue et sa stèle du bout des doigts. Un contact empli de prestance, de respect et de sagesse. A peine s'éloignèrent-ils, impatients et le coeur rempli d'appréhension qu'un éclat de lumière jaillit de la statue. Un flash qui aurait pu par sa simple force éclairer le monde entier. Au lieu de cela, la lumière pure et blanche se condensa en trois fragments d'or. Trois triangles assemblés, tournant sur eux-mêmes. Link et Zelda en eurent le souffle coupé, devant eux, se tenait finalement la Triforce. Cette relique que tant d'autres avant eux avaient espéré frôler, approcher. Le coeur serré, les deux amis se regardèrent et ce fut la Princesse de la Destinée qui osa parler la première "Link, la Triforce est venue pour toi, et non pour moi. C'est à toi de formuler le voeu que tu désirais tant. Tu le mérites et tu es le plus concerné. En tant qu'élu et Héros, Link, la Triforce t'obéit et agira comme bon te semble." souffla la jeune fille maîtrisant parfaitement le sujet, elle l'avait lu et relu à la bibliothèque, passionnée par cette vieille légende. Elle savait aussi le coeur de son ami assez pur pour que la Triforce accepte son voeu dépourvu d'égoïsme. Le chevalier hocha la tête doucement et s'approcha de la relique, la tête brumeuse et remplie de questions. Il cherchait la meilleure façon de clamer son voeu, de sauver son futur et son passé. Les mots s'assemblèrent peu à peu, tourbillonnèrent et lorsqu'il se sentit prêt, il posa une main sûre sur la Triforce qui se mit à briller avec force. Une incroyable vague d'énergie déferla sur tout Célesbourg, mais ce pouvoir ne détruisait en aucun cas les choses, il sondait le coeur de Link, comme pour s'assurer de la justesse de ses actes et de sa mémoire. La Triforce ne se déroba pas au contact du Héros et celui commença alors, chuchotant son voeu à la puissante relique, "Donne-nous les moyens de changer le cours du Temps. Empêche Ganondorf d'en être le seul garant égoïste. Permet-nous de... changer les choses... simplement... de lutter..." Les mots se gravèrent au sein de l'or pur qui réagit vivement à la déclaration du jeune Hylien. Une lumière pure et blanche envahit Hyrule et aveugla nos deux amis, lorsque tout redevint plus clair, la Triforce avait disparu. Le monde avait changé, les perspectives aussi...
Zelda rouvrit les yeux, Link se tenait devant la statue. Il regardait le ciel. Elle tenta de s'approcher de lui mais se sentit prise de lenteur. Un choc sourd se fit entendre pour eux seuls. Au loin, un sablier d'or contenant pouvoir inestimable se fissura. Le son se répercuta jusqu'aux oreilles des Hyliens le coeur au bord des lèvres. "Zelda ! Qu'est-ce qui nous arrive !? Mon voeu a pourtant été accepté !" s'exclama le Héros stupéfait tentant de regarder autour de lui. Lentement, il se tourna et le paysage étrangement devint terne. Le vent ne soufflait plus, plus rien ne bougeait. Le ciel commença à se fissurer, comme s'il n'était qu'un immense globe de verre. Le duo observait la scène abasourdi et effrayé. La Princesse de la Destinée se souvenait d'un pareil événement qu'elle avait vécu auparavant. Cette impression nette de choc dans l'espace-temps puis le néant total, le vide. Elle en fit immédiatement part à son ami "Link ! Le Temps... il... il est à l'arrêt ! Nous sommes les seuls à pouvoir encore nous mouvoir !" L'Hylien hocha la tête consentant mais ne put détacher son regard du ciel, qui continuait de se fissurer, comme un verre ayant reçu un choc trop important. "D'accord pour le Temps stoppé mais... ça... ça veut dire quoi au juste ? Le ciel il... il est en train de se fissurer et de disparaître ! Ce n'est pas normal !" Les yeux rivés vers la brisure légère, les deux amis n'osèrent plus bouger, comme si leurs mouvement allait aggraver l'état des cieux. Une lumière se mit à émaner de la statue d'Hylia, et la déesse elle-même vint à eux, le regard triste. Heureux de retrouver un visage familier, le duo s'empressa de quérir la jeune femme.
"- Hylia ! Que se passe-t-il ! Savez-vous pourquoi le Temps s'est arrêté ? Qu'est-il advenu de la Triforce ? demanda Link le souffle coupé.
- Je vous demande pardon, j'aurais dû vous prévenir, mais tout cela était nécessaire pour l'accomplissement de votre quête... souffla Hylia le regard triste, observant le ciel, tenant fermement sa lyre.
- Expliquez-nous calmement la situation, proposa Zelda le ton de sa voix plus posé que jamais. Elle sourit à son ami qui finit par se calmer légèrement. Si la princesse allait bien, il n'allait pas s'affoler pour rien. La déesse était de leur côté.
- Je vois que Kaepora Gaebora t'a bien appris, Princesse de la Destinée, répondit Hylia en s'inclinant, elle finit par ajouter, reprenant son air désolé, pour commencer, le Temps n'est pas tout à fait à l'arrêt, mais presque. Il est simplement extrêmement ralenti, s'il ne l'était pas, votre temps à vous aurait déjà volé en éclats. Au lieu de cela, il se fissure. Hyrule court à sa perte et tout est mon entière faute. La Triforce, en découvrant l'âme pure de Link a trouvé un nouvel idéal, le sien. Elle fera tout pour que vous puissiez arranger les choses... expliqua la déesse hésitante.
- Mais... ce n'est pas négatif, non ? Nous étions partis à la recherche de la relique dans ce but, rappela Link ne comprenant pas pourquoi la déesse continuait d'afficher une mine aussi ravagée.
- Bien sûr, mais en acceptant ton voeu, elle en a rejeté un autre, un ancien. En adhérant à ton idéal, elle a balayé celui qu'auparavant elle avait adopté. La Triforce ne peut accorder son pouvoir qu'à une unique personne, et en te choisissant toi, elle a ainsi oublié, ce que moi, je lui avais demandé... expliqua la jeune femme les larmes aux yeux, se laissant choir sur le sol, serrant fort sa lyre, comme s'il s'agissait là de son unique espoir.
- Vous aviez fait un voeu auprès de la Triforce ? Vous ? Grande déesse ? interrogea Zelda surprise de constater que même les dieux pouvaient avoir recours à une relique destinée à redonner foi et espoir aux humains.
- Oui, je n'avais pas d'autre solution que de mobiliser l'immense pouvoir de la Triforce pour contrer la folie de Ganondorf. Je sais absolument tout, vous le comprenez aisément j'imagine. Mon esprit est partout à la fois, en tous temps. Et je sais que pour s'emparer d'Hyrule, Ganondorf est prêt à détruire chaque Héros protégeant son propre temps. Et avant même que toi-même, Link, tu ne le saches, il savait qu'un jour tu deviendrais mon élu à ton tour. Il désirait ainsi mettre un terme à ta vie, comme pour tous les autres... résuma la déesse en baissant les yeux. Le duo lui intima de poursuivre et hochant tristement la tête, elle déclara, c'est pourquoi, afin d'empêcher Hyrule de sombrer, j'ai demandé à la Triforce, de protéger ton Temps, Link. Ganondorf n'a jamais pu utiliser ses pouvoirs démoniaques contre toi, la Triforce te protégeait. Jour et nuit, elle veillait à ce que jamais le mal ne vienne te chercher. Ne pouvant te blesser, il blessait alors encore et encore les autres Héros, parce qu'il savait pertinemment que cela te toucherait aussi. Mais désormais, la Triforce a trouvé une nouvelle cause, et elle ne te protège plus de Ganondorf...
- Qu... quoi ?? Hylia, Link ne va pas mourir quand même ! Pas après tout ce qu'il a accompli ! Ganondorf ne peut pas s'emparer de son Temps, comme ça ! C'est injuste, s'emporta Zelda refusant de laisser son ami dans les griffes du mal.
- Malheureusement, je ne sais pas. J'ai tenté de vous mettre en garde, mais moi-même j'avais conscience que votre voeu était nécessaire pour déjouer Ganondorf. Vous êtes vulnérables, mais lui aussi. Mon voeu ne pouvait demeurer éternellement, car tant qu'il existait, la confrontation était impossible. Je ferai tout pour vous aider, je vous le promets, je ne vous laisserai pas tomber entre les mains de l'ennemi. Mon pouvoir n'égalera jamais celui de la Triforce, mais... souffla-t-elle peinée constatant son impuissance.
- Je possède l'Épée de Légende et une mémoire infaillible concernant les points faibles de Ganondorf. N'ayez crainte et ne croyez pas avoir mal agi, votre Grâce. La Triforce reste dans notre camp, nous pouvons le vaincre, rassura Link confiant, Hylia ne devait certainement pas s'en vouloir. Sans elle, il n'aurait jamais pu aller aussi loin.
- Vos paroles sont sincères, je le sais, et je vous souhaite bien du courage. Dès que le temps reprendra son cours, le tien, Link, se brisera. J'en suis désolée, mais je ne peux pas tenir éternellement et laisser Hyrule dans un profond sommeil. J'ai confiance en vous et en votre force, je sais que vous pourrez triompher. J'espère simplement que vous saurez me pardonner de vous avoir dissimulé de telles vérités... conclut la jeune femme dont le contour s'estompait déjà."
Dès qu'Hylia disparut, le ciel acheva de se briser, en mille morceaux. Le monde dans lequel se tenait Link se déroba sous ses pieds et il hurla se protégeant tant bien que mal quand les éclats tombèrent dans le vide. Un rire malsain se fit entendre, il était seul et sentait deux présences. Zelda luttait pour le suivre, là où son ennemi le trainait de force. Un gigantesque sablier recouvrit une grande partie du champ de vision de Link qui observait l'objet avec terreur. La présence de Ganondorf se fit de plus en plus forte et imposante, il ne pouvait lutter contre elle. Il hurla de douleur sans savoir pourquoi et la voix tonitruante de l'homme déjà s'élevait jusqu'à lui, emplissant la moindre parcelle de son esprit "Tu croyais vraiment pouvoir m'échapper longtemps ? C'est ainsi... Ta vie m'appartient désormais... Regarde le sable qui se déverse et vois combien de temps il te reste à vivre... toi... et tous les autres..." Le jeune garçon tenta de se débattre, rugissant de douleur. Il était perdu, esseulé, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Tout cela était-il vraiment nécessaire pour changer le cours du Temps ?
C'est ainsi que les deux élus de la déesse rejoignirent la dimension chaotique de leur ennemi. Le futur d'Hyrule qu'il avait créé de toutes pièces. Un monde dépourvu de loi, sans le moindre espoir. Un monde... où seule la mort était permise...
***
La jeune princesse arriva dans une salle semblable à celle qu'elle venait de quitter. Hylia l'avait prévenue, elle ne pouvait pas rester auprès de Link pour ce qu'il s'apprêtait à vivre. Mais elle le savait déjà, elle l'avait toujours su. Il avait le coeur et le courage, son âme pure était destinée à se mêler à celle du Héros de la Légende, bravant le temps et affrontant toutes ces morts traîtres qui souhaitaient avant tout le viser lui, une partie entière de son être. Aux côtés de Zelda, Kaepora Gaebora sous sa forme animale l'attendait. Elle se demandait ce que pouvait bien lui vouloir ainsi son hôte. Elle connaissait déjà son rôle et ses pouvoirs, à l'inverse de son ami. Le Saint Royaume, elle n'y avait jamais été et pourtant, c'était comme si elle en connaissait déjà chaque pièce et recoin. Chaque mot que prononça le messager fut comme une révélation pour la jeune fille qui buvait ses paroles. Là où elle ne comprenait pas son rôle autrefois, tout devint limpide.
"Zelda... Je dois te mettre en garde... Lorsque Link effectuera son voeu auprès de la Triforce, le cours du Temps en sera bouleversé et votre vie sera en danger. Ecoute-moi bien, il est nécessaire néanmoins d'utiliser le pouvoir du triangle d'or. Si vous êtes amenés à demeurer au coeur du repaire de l'ennemi, il y a une chose que tu pourras faire. Une chose qui fera de toi la Princesse de la Destinée. Ton rôle est essentiel, et sans toi, la victoire est impossible... Alors... tu devras suivre ce que je vais te dire..."
Un orage faisait fureur au loin, réduisant à néant la terre de cendres déjà dans un bien mauvais état. Le ciel avait la couleur du sang, et la mort était omniprésente. Il s'agissait bien d'Hyrule pourtant, de sa plaine autrefois luxuriante, de sa forêt dont les arbres aujourd'hui se mourraient, grisâtres. Mais ce paysage n'apparut pas en premier lieu au duo. Link arriva dans une salle richement décorée, avec un goût prononcé pour le rubis et les choses de valeurs, voire hors de prix. Le tout était assez sombre et sans torches sur les murs, il aurait été impossible de distinguer quoi que ce soit. Au lieu de ça, le chevalier savait pertinemment où il se trouvait: dans la salle du trône de l'usurpateur, qui y demeurait assis sans le moindre complexe. Son air mauvais et son sourire sadique et satisfait avait de quoi mettre en rage. Aux côtés de Link, la princesse apparut peu après, luttant pour le suivre, là où le mal cherchait à l'isoler. Sa magie et sa détermination lui avaient permis pareil miracle. Le Héros dévisagea son ennemi et sortit l'Épée de Légende de son fourreau, ayant un geste protecteur pour son amie. Sa gentillesse n'avait d'égale que sa témérité. Ganondorf, dans son armure aux teintes d'or et de jais ne put s'empêcher de rire. Il se leva, une main levée. Au creux de celle-ci, légèrement surélevé, flottant presque dans l'air, un sablier. Le sablier. Celui qui depuis le début contrôlait le temps des Héros qui luttaient pour leur survie, une cause vaine tant qu'une telle relique serait en sa possession. "Tu crois vraiment pouvoir m'arrêter avec simplement ton air déterminé ? Tu sais pourtant qu'il me suffit de retourner ce sablier pour que ton coeur cesse de battre... Comme c'est dommage... et si pathétique." Link demeura sur la défensive, prêt à parer une éventuelle attaque. Il le sentait au plus profond de lui, son ennemi ne se contenterait pas de simplement utiliser la magie du sablier. Il souhaitait avoir son moment de gloire, maintenant que la Triforce ne protégeait plus le destin de l'élu. "Je n'ai pas peur, je suis armé de la lame sainte, qui purifiera cette terre meurtrie grâce à votre mort !" Ganondorf s'approcha, il se stoppa à quelques pas du chevalier qui ne broncha pas. L'homme sourit, presque aimablement, tout du moins en surface. Il répondit, toujours aussi sûr de lui:
"- Tu crois vraiment encore à ces contes pour enfant ? Voyons, cette épée... est une lame normale, qui ne me fera pas plus mal qu'une autre arme, trancha le seigneur du mal affichant son air confiant et serein. Le sablier disparut de sa main sous son seul souhait, il paraissait vraiment sûr de lui.
- Vous ne pourrez pas diriger un Hyrule apocalyptique éternellement, nous vous en empêcherons ! Vous ne garderez pas éternellement le monopole du temps... intervint Zelda s'avançant aux côtés de son ami qui ne pouvait s'empêcher d'être inquiet pour elle. Peut-être à tort, puisque Ganondorf en voulait surtout aux Héros de la Légende...
- Je crois pouvoir parier l'inverse, je peux vous prouver que ma force ne repose pas sur un vulgaire sablier. Mon pouvoir n'est pas illégitime, et vous le comprendrez bien vite... se contenta de répondre l'homme, légèrement hautain, considérant à peine Zelda.
- Eh bien essayons alors, je ne cesserai jamais de me battre pour vous affirmer votre erreur ! Et ne déconsidérez pas la Princesse de la Destinée qui, elle, est reconnue par son peuple comme future reine, ce qui n'est vraiment pas votre cas, trancha Link plantant son regard dans celui de son ennemi, prêt à l'affrontement.
- Ta détermination est risible, mais elle me plaît. Tu es comme les autres, je vais te faire ravaler cette fierté inutile, ragea Ganondorf en ajoutant, jetant un regard dédaigneux à Zelda, je n'ai que faire de ta princesse, ce n'est pas elle qui va m'arrêter..."
Sûr de lui, l'homme s'élança sur Link, et dès que leur lames s'entrechoquèrent, ils disparurent dans une toute autre dimension choisie par le seigneur du mal. Zelda demeura bouche bée, espérant que là où se trouvait Link, il résisterait aux assauts de son adversaire. Etait-il prêt pour le combat final ? Elle en doutait fortement.
***
"Montre-moi ce que tu vaux petit, peut-être me montrerai-je clément te concernant si tu en vaux la peine..."
Link fronça les sourcils, déterminé, resserrant sa prise sur sa lame qui semblait impatiente. Le Héros s'élança contre son adversaire qui éclata de rire, il para d'une main, sûr de lui. L'épée avait beau être des plus aiguisées, elle n'entama pas la chair de son ennemi. Ganondorf sourit, traitant son adversaire de débutant, "Je vois que tu as préféré te passer de la lame de Ghirahim, celle-ci te sied mieux, mais ce n'est pas encore suffisant... l'Épée de Maître... alors que tu es bien loin encore de convenir à un tel titre..." Le Héros de la Légende fit une grimace à peine visible, cette remarque n'avait absolument rien d'amicale. Son adversaire le provoquait dans l'espoir qu'il commette une erreur et rende sa garde faillible. Le chevalier conservait son calme néanmoins. "Je ne me laisserai pas avoir aussi facilement..." répondit Link d'un ton posé. Il tenta à nouveau quelques assauts, sans succès. Ganondorf s'élança à son tour, chargeant sans épée, comme si son ennemi n'en valait pas la peine. Il tenta un coup de poing, avec force, que Link esquiva de justesse. Son bonnet vola au loin, victime du coup puissant. L'Hylien se réceptionna sans difficulté, à l'aide de sa main droite et se releva, prêt à parer un nouvel assaut qui ne tarda pas. Cette fois, le jeune homme riposta assénant un coup précis et rapide. Mais malgré tout, il ne toucha pas réellement son adversaire comme il l'aurait souhaité. Il s'exclama stupéfait, "Mais comment est-ce possible ! L'Épée de Légende est la lame purificatrice, elle devrait augmenter son pouvoir dès qu'elle frôle le mal lui-même !" L'interpellé sourit, comme si l'erreur de Link était si enfantine qu'elle en devenait risible et drôle. Ganondorf se permit de le corriger poliment "Tes descendants héroïques tout comme tes ancêtres choisis par ta petite déesse se meurent. Chacun d'eux ont manié cette lame que tu brandis fièrement. Et tout cet échec pèse sur ta pauvre petite épée, ainsi esseulée, elle perd son pouvoir. Fini de jouer garçon, mais tu t'es bien défendu, tu me plais..." L'homme frappa le sol avec force bien qu'il ne s'agît que d'une gigantesque brume; déceler une terre en devenait difficile. Son acte eut pour effet de faire disparaître l'usurpateur, Link n'était pas tranquille avec la téléportation qui était si traître; Ghirahim la pratiquait aussi. Au loin, dans le ciel de brumes, le reflet d'un gigantesque sablier apparut, LE sablier qui le hantait tant. Le héros déglutit péniblement, le moment précis que choisit Ganondorf pour réapparaître, dans le dos de son adversaire et se saisir de lui. Il n'était pas vraiment menaçant, il se contentait de l'immobiliser. Link qui s'était pourtant attendu à un tel geste traître de la part de son ennemi ne parvint pas à se libérer. Il grommela ne supportant pas cette posture désavantageuse. Ghirahim s'était déjà joué de lui ainsi, cela n'allait tout de même pas devenir une habitude ! Presque amical, et pourtant si froid, Ganondorf déclara à son prisonnier "Le sablier fantôme va te régler ton compte, il serait temps de le retourner... ou bien..." son sourire se fit glacial. D'un claquement de doigts, l'écoulement du sable se stoppa et Link en eut un haut-le-coeur. Il hurla de douleur et s'écroula par terre. Tout devint noir, tout comme la destinée de ce monde...
***
"Tu es parvenu jusqu'à cette dimension hors du temps, je t'en félicite..."
Zelda se retourna interloquée par cette voix qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle s'exclama immédiatement "Dark Link !" Un large sourire illuminait son visage, un espoir en des temps bien sombres. Fay était à ses côtés, toujours présente. Elle prit la parole, afin de clarifier la situation qui ne s'annonçait pas forcément bien bonne. "Link est en mauvaise posture. Ganondorf l'a isolé pour mieux le neutraliser, dans un monde dont il a l'entier contrôle. Nous pouvons encore lutter, mais pour cela, nous avons besoin de toi..." commença la femme de cristal allant droit au but. La Princesse de la Destinée acquiesça, comme si elle l'avait toujours su "Je sais." se contenta-t-elle d'ajouter pour unique précision. L'ombre esquissa un bref sourire avant de tendre sa main à Zelda qui l'accepta.
"Luttons pour notre survie, et surtout pour le libre arbitre des hommes, n'est-ce-pas ? Nul ne doit contrôler le Temps. Tu ne dois pas tomber dans les mains de l'ennemi, et pour te protéger, moi et Fay, sommes prêts à jouer un double rôle. Viens, tu ne peux pas rester comme ça. Viens, allons aider Link..."
Main dans la main, une nouvelle destinée commença à se tracer. Un destin où la chute du mal s'annonçait imminente. Un Temps où les élus de la Déesse Hylia seraient fins prêts au combat final...
PARTIE 5 : Le Guerrier Sanguinaire
Le ciel bleu s'étendait à perte de vue vers l'horizon. Le temps était clément, le ciel dégagé. Les nuages d'un blanc laiteux et brumeux s'étiraient paresseusement, tranchant avec les teintes turquoise du ciel. Quelques oiseaux printaniers croassaient au loin, indiquant leur position à leurs partenaires. Sur cette terre à la belle saison, de multiples champs s'épanouissaient et des fleurs à la beauté rare commençaient tout juste à paraître. Un vent tiède venait agiter délicatement toute cette quiétude. C'est dans cette plaine verdoyante, cadre idyllique à souhait, qu'un homme était étendu, rêvassant paisiblement sur la forme assez grotesque des nuages de coton. Un Hylien profitait de son temps libre, un guerrier qui avait bien assez combattu et qui aspirait désormais à la paix. Il portait une tenue de chevalier, d'un vert qui lui seyait à ravir. Blond aux cheveux d'or, nul n'ignorait son nom dans le royaume d'Hyrule. Link se prélassait, à une centaine de mètres de la capitale. Les souvenirs du chevalier trottaient librement au coeur de ses pensées, tel le vent balayant la plaine d'Hyrule. Il se souvenait de tout. Même trois ans après, sa mémoire demeurait intacte, au détail près. Il était jugé Héros par les habitants d'Hyrule, et pourtant, une impression d'inachevé lui laissait un goût bien trop amer au fond de la gorge. Et puis, de tels propos étaient à nuancer malgré tout, ce prestige qu'il avait acquis était à partager avec Zelda, Princesse de la Destinée choisie par la déesse Hylia. Ils avaient été tous deux vecteurs de sa puissance, et avaient banni Ganondorf et son futur chaotique, destin bien trop funeste pour Hyrule. En mettant fin à son règne, les destinées des Héros de jadis et du futur s'en étaient trouvé bouleversées. Ils avaient retrouvé un foyer, une existence bien à eux, sans que nul ne contrôle leur temps, nul autre qu'eux-mêmes. Oui, une aventure mémorable, que Link se prenait à regretter parfois. Non pas pour tous ces événements trépidants, les Portes du Temps étaient bien mieux closes. Non. Ce qui lui manquait en de rares instants, était, la compagnie de son amie d'enfance, Zelda. Celle-ci n'y pouvait malheureusement pas grand-chose. A son retour, elle avait été choisie pour assister son père le roi, devenant trop vieux pour mener à bien les affaires du royaume. Zelda avait toujours su qu'un jour viendrait, un jour où son rang et son devoir prendraient le pas sur ses libertés. Tous deux avaient énormément partagé. Ensemble, ils avaient bravé la folle course du Temps en franchissant ses portes. Ensemble, ils s'étaient battus pour rétablir l'ordre. Même quand l'espoir s'amoindrissait, ils étaient restés soudés et avaient franchi les épreuves une à une jusqu'à leur victoire finale. Link soupira, il avait beau y repenser, il n'avait pas à se plaindre de ce nouveau quotidien et de cette stabilité finalement retrouvée. Zelda faisait tout pour qu'ils puissent passer de bons moments ensembles, comme autrefois. Il assurait sa sécurité lors de représentations officielles au palais et était toujours nommé si la princesse devait partir pour un important déplacement. Ils avaient vraiment le temps de se retrouver alors et se rappeler foule de souvenirs. Mais le dernier voyage remontait déjà à quelques mois. La princesse s'était rendue à la cité des Gorons pour renouveler un contrat qu'ils avaient passé, elle et Link, après leurs aventures : la revente de bombes à facture Goronne dans la capitale. L'échange commercial s'était parfaitement bien déroulé, Link était venu pour protéger la princesse, mais avec les Gorons et leur aimable sympathie, il n'y avait bien entendu pas le moindre risque. Il s'agissait plutôt là d'un prétexte. Le vent cessa de souffler un court instant et ce fut le moment précis où le chevalier prit la décision de rentrer au palais. La matinée touchait à sa fin, et la plaine d'Hyrule avait beau l'enchanter, il y avait beaucoup à faire aujourd'hui. Il était devenu un exemple pour tous les soldats du royaume, et un exemple se devait d'être à l'heure.
***
Les larmes de la princesse étaient intarissables. Au coeur d'un château à la beauté éphémère pour tout point de vue étranger, elle observait le monde de sa tour rubis. Elle hantait mes rêves et mes cauchemars. Je désirais tellement comprendre d'où pouvait venir ses larmes, là où tout paraissait si serein et si embelli. Là où je demeurais, la beauté fleurissait. Mais de par ses yeux, seul un monde dévasté faisait surface. Que devais-je croire ? Mon rôle était de protéger la princesse et j'avais échoué. Son espoir rayonnait telle une étoile inatteignable. Elle ne s'éteindrait jamais sans lutter. M'ôtant un rôle d'une importance capitale. Une voix appela Zelda, je la sentais déjà s'éloigner de moi. Un homme lui rappelant ses devoirs, un homme qui la soutenait, là où j'avais cessé. J'avais rompu le contact d'une manière bien trop lâche. Elle suivit l'individu, ne pouvant s'empêcher de pleurer. Elle se déplaçait avec grâce et avec discrétion. Une porte s'ouvrit délicatement, concordant avec la plupart des visions de ce monde. Elle détourna le regard un instant puis reposa ses yeux avec rage et tristesse. "Pourquoi nous as-tu abandonné..." me soufflait-elle inconsolable. J'assistais à la scène sans pouvoir agir, pareil à un fantôme. J'hurlais mon nom, je criais ma présence, sans que rien n'y fasse. L'horreur me saisit quand sa main se figea dans le creux de la mienne. Dans le creux de mon corps. De mon corps sans vie.
Pourquoi mourir ? Pourquoi m'enlever tout futur ? Un cauchemar bien singulier, dont je souhaitais bien vite m'éveiller... Mon voeu serait-il enfin exaucé ?
***
La citadelle d'Hyrule n'avait pas perdu en prestige, pourtant, elle avait bien changé en comparaison des souvenirs de Link. Elle ressemblait davantage à un petit village de campagne qu'à une ville fortifiée. La verdure y était omniprésente, et la pierre froide avait été remplacée par du bois chaleureux. Le palais lui-même arborait des couleurs chatoyantes. Quelques habitants saluèrent vivement l'Hylien qui répondit un grand sourire aux lèvres. Il préférait cet Hyrule à l'ancien. Tout le monde se connaissait et tous partageaient ensembles. Le chevalier traversa quelques ailes plus ou moins désertes du palais pour arriver dans la cour annexe, dédiée à l'entraînement des soldats. La plupart étaient déjà présents pour l'entraînement de l'après-midi. Link n'avait guère eu le temps de vraiment manger, mais il ne s'en inquiétait pas. Lorsqu'il appela les novices pour leur prodiguer des conseils concernant le maniement des armes, un soldat très jeune s'approcha de lui et annonça tout penaud, "La princesse Zelda, sa majesté, est venue il y a peu. Elle vous cherchait, et nous a chargés de vous dire qu'elle attendrait dans ses appartements royaux. L'entraînement est par conséquent suspendu, a-t-elle ajouté. Mais ne vous inquiétez pas, elle avait une mine radieuse, la situation ne semble pas grave..." expliqua le garde gêné d'être ainsi au centre des attentions; tous les soldats l'observaient en silence. Link ne put s'empêcher de sourire, c'était tout à fait le genre de Zelda. Elle profitait d'être haut placée, parfois, pour s'organiser des pauses dans la journée avec Link. Ce n'était pas ainsi que les soldats du royaume allaient s'améliorer, mais le chevalier ne s'en plaignait pas. Bien au contraire. Il remercia le novice pour lui avoir transmis ce message et ne se fit pas prier plus longtemps. Il souhaita du courage aux nouvelles recrues et s'éclipsa de l'entraînement, se hâtant de rejoindre son amie. Dans les couloirs chaleureux ornés de fresques et teintures arborant le signe de la Triforce, les servants s'agitaient, quelques nobles aussi se pavanaient l'air serein. L'heure des repas touchait à sa fin, les habitants du palais délaissaient cuisines et salons pour s'adonner à leurs activités de l'après-midi. Link prit des nouvelles de quelques vagues connaissances qui lui confièrent ne pas avoir aperçu la princesse ce midi, au repas royal de la cour. Ce n'était certes pas une obligation, mais cela demeurait surprenant de sa part. Elle n'était donc pas venue manger ? Elle mijotait sûrement quelque chose et Link soupira sans oser avouer que la situation l'amusait, comme toujours avec Zelda. Elle était si spontanée, un caractère qu'elle dissimulait pourtant à merveille lors des représentations officielles.
Le chevalier parvint à l'aile réservée à la princesse, elle possédait un espace gigantesque à elle seule. Traversant un couloir où l'on avait pris soin d'installer un tapis rouge tout le long pour un confort de marche non négligeable, Link finit par s'arrêter à une porte et toqua. La voix cristalline de son amie lui parvint immédiatement, elle avait l'air affairée à mille et une activités en même temps, "Heum... Attends ! Attends juste un instant ! J'arrive ! Euh... c'est bien toi Link au moins ?" s'écria-t-elle la voix pressée. Elle semblait prise au dépourvu, pourtant, c'était bien elle qui avait convenu du rendez-vous. Link confirma son identité et des bruits de pas retentirent un peu partout dans la pièce. Que pouvait-elle bien faire à une heure pareille ? Lorsqu'elle ouvrit enfin, le chevalier en oublia bien vite ses interrogations suspicieuses. Elle était ravissante, dans une robe d'apparat dénuée de la plupart des symboles royaux habituels. Une robe de soie qui la mettait parfaitement en valeur, elle et ses courbes de femme. Une constatation qui fit immédiatement rougir Link. Pour agrémenter sa tenue, elle portait une fine couronne d'or témoignant de son statut et un pendentif muni du symbole d'Hyrule. "Alors ? Qu'est-ce que tu en penses ? Ne reste pas muet comme ça ! Elle ne te plaît pas, c'est ça ?" demanda-t-elle, riant délicatement en apercevant la mine stupéfaite de son ami. Le chevalier bredouilla un instant quelques compliments et finit par se reprendre, "Tu sais pertinemment que tu es magnifique ! Ce n'est pas gentil de te jouer de moi ainsi..." souffla Link en croisant les bras, faussement boudeur. La jeune fille se balança nerveusement, gênée par le compliment. Link ajouta soudainement, changeant de sujet plus vite qu'il ne pouvait dégainer l'épée de légende, "Tu désirais me voir pour me montrer cette tenue... ?" questionna Link suspicieux. La jeune Hylienne le corrigea de suite en l'invitant à rentrer dans ses appartements somptueux. "Non ! Non ! Bien sûr que non ! Mais c'est tout de même important ! Ce soir, j'organise un bal, comme chaque année en souvenir de ton combat. Et voilà comment je serai vêtue ! Il y a encore beaucoup de préparatifs..." expliqua-t-elle souriante en faisant un tour sur elle-même pour que son ami l'observe sous toutes les coutures. Elle n'hésita pas à appuyer le fait qu'elle avait besoin d'aide pour les derniers préparatifs. Elle ajouta plus sérieuse, sur un ton de réprimande, "Tu n'es pas venu aux cuisines aujourd'hui, n'est-ce-pas ? Tu es vraiment incorrigible Link ! Tu n'as rien dans le ventre et tu continues d'être notre meilleur guerrier..." L'Hylien afficha un air coupable quelques instants, serrant les dents. Puis il trouva finalement de la repartie, "Hum... J'ai cru entendre que tu avais fait de même... La cour ne t'a pas vue ce midi, tu n'as pas déjeuné avec eux ?" s'enquit le chevalier sans chercher à lui montrer son tort. Ne pas manger lui importait peu, mais pour Zelda, c'était déjà une autre affaire. Elle lui tourna le dos et se dirigea dans une autre pièce de ses quartiers. Link la rejoignit, délaissant l'antichambre pour aller vers le petit salon. Lorsque l'Hylien remarqua le plateau chargé de nourriture sur la table basse en verre, non loin des somptueux sofas, il comprit. La jeune fille ajouta, sur un ton provocateur, "Non, je n'ai pas mangé ! Mais corrigeons ça ensemble, si tu le veux bien... Je ne te laisserai pas repartir sans avoir avalé la moitié de ce plateau ! Je veux que tu sois en forme pour ce soir !" Le chevalier haussa les épaules et s'avoua bien vite vaincu, son estomac lui faisait comprendre qu'il ne serait pas contre les mets se présentant à lui. Les deux amis s'assirent sur les sofas, se servant à manger. La conversation autour du déjeuner s'installa bien vite entre les deux camarades,
"- J'espère vraiment que tout sera au mieux pour ce soir... souffla Zelda soucieuse du bien-être de ses convives. Elle ajouta avec un petit clin d'oeil complice, mais avec ton aide, nous aurons vite fini la décoration !
- Ne me demande pas mon avis surtout !! M'enfin, tu sais pertinemment que je dirai oui... Mais... évite de couper chaque entraînement que je fais avec les soldats du royaume. Tu te plains souvent de leur manque de pratique, ce n'est pas ainsi qu'ils vont s'améliorer tu sais... fit remarquer le chevalier qui évoquait le sujet simplement, sans attendre de mesure particulière. Il se resservit en viande blanche sans avoir à le demander, son appétit prenait le dessus.
- Oui, je sais, mais je me suis dit qu'un repas tous les deux nous ferait du bien ! Depuis que je prépare le bal, je n'arrive plus à te voir ! Cela fait une semaine déjà, tu commençais à me manquer ! Tu seras là ce soir, j'espère, demanda Zelda qui n'attendait pas vraiment de réponse négative de la part de son ami.
- C'est vrai que c'est bien de pouvoir être tous les deux parfois, ce qui ne sera pas le cas ce soir au bal, certes. Pourquoi je ne viendrais pas ? Je suis chevalier, je dois assurer ta protection quoiqu'il arrive, répondit Link souriant. Protéger Zelda était de loin son activité préférée, il pouvait l'admirer sans que nul ne considère la chose déplacée, officiellement, il ne faisait que la surveiller après tout...
- Non, cette fois, j'aimerais que tu viennes en tant qu'invité. Nous aurons largement assez de gardes pour assurer la protection de tout le monde. Tu as le droit de profiter un peu toi aussi, insista la jeune fille en se décidant à attaquer les fruits qui lui faisaient envie depuis le début du repas.
- Hum pourquoi pas... j'espère juste qu'on ne me le reprochera pas... se contenta d'ajouter le guerrier acceptant la proposition sans trop d'entrain.
- La seule personne qui aurait le droit de te faire des réprimandes n'est autre que moi-même, puisque j'assure actuellement la régence du royaume ! Et comme je suis aussi la personne qui te propose la chose, je pense que tu ne risques rien... expliqua la princesse un peu taquine sur les bords, tirant néanmoins les choses au clair. Link se détendit.
- Alors aucun problème ! Si tu veux, je peux même t'accompagner au bal et être ton partenaire de danse ! Comme autrefois quand nous étions plus jeunes ! proposa l'Hylien profitant d'une telle occasion en or. Depuis quelques temps, il avait beaucoup réfléchi, cela avait mis du temps à mûrir dans son esprit, mais il était prêt. Il voulait se déclarer à Zelda dès que possible ! Son absence lui pesait, il le reconnaissait. Il se sentait prêt à accepter la réponse de son amie, ne serait-ce que pour la retrouver un peu.
- J'en serais vraiment ravie, n'hésite pas à porter des habits qui te mettront en valeur ! Ou même, juste agrémenter ta tenue de chevalier ! Enfin... Je te conseille d'en changer, tu es couvert de terre dans le dos, toi, tu as encore traîné dans la plaine d'Hyrule... remarqua Zelda effarée que son ami préfère se dorer au soleil plutôt que manger. Sur de telles réflexions, ils passèrent au dessert. Enfin plutôt, aux desserts. La jeune fille avait tenu à goûter un échantillon de chaque plat qui serait présent ce soir à la réception, Link n'était pas déçu par les cuisiniers du royaume.
- Oui... Tu sais bien que j'ai besoin de m'aérer la tête, et comme il n'est plus là... soupira le jeune homme en affichant une mine soucieuse.
- C'est le cas pour tous. Plus aucun Célestrier ne vole en Hyrule, le tien a été le dernier à s'éteindre, je suis navrée que sa mort te pèse encore, mais il a bien vécu pour l'un des siens ! Au-dessus de la moyenne d'âge et largement ! tenta de le rassurer la princesse en arrêtant un instant de manger.
- Evidemment ! Ne t'inquiète pas ! J'y repense un peu parfois, parce que j'aimais bien voler dans les airs pour me changer les idées, mais... qu'importe ! On devrait retourner aux préparatifs, non ? Les autres risquent de t'attendre ! balbutia Link un instant, il ne désirait pas rendre triste ou même compatissante la princesse avec ses histoires, elle avait déjà beaucoup à penser.
- N'hésite pas à m'appeler si tu as besoin de te changer les idées différemment, je suis là pour ça aussi, et avoir un trou dans mon emploi du temps de ministre me ferait le plus grand bien parfois ! proposa la princesse rieuse. Elle était très compréhensive malgré tout et Link ne put s'empêcher d'en rougir légèrement. Il ressentait une certaine fierté face à pareil comportement, ou tout du moins lui semblait-il. Ses sentiments s'emmêlaient souvent quand il se trouvait en compagnie de Zelda. Elle conclut voyant son ami finir le dernier gâteau, tu as raison ! Nous allons achever les préparatifs et nous nous occuperons de ta tenue ensuite ! Je ne sais pas ce que tu en penses, mais le chef cuisinier s'est vraiment surpassé..."
La conversation continua ainsi, légère et insouciante, tandis que les deux amis se dirigeaient vers la salle de bal où aurait lieu la grande réception en souvenir du passé. D'un événement qu'ensembles ils avaient remporté, avec justesse, solidaires l'un envers l'autre.
Link traversa de multiples chemins, que seul il n'aurait jamais pris pour aller jusqu'à la salle de bal. Il avait beau connaître le château, Zelda était douée pour le perdre. Lorsqu'ils y parvinrent enfin, par une petite porte dérobée, le chevalier constata l'avancée du projet : il touchait à sa fin ! Sur tout le pan gauche de la salle, le long du mur en pierre s'étalaient de multiples stands, de petits commerçants souhaitant se faire connaître pour la plupart. A droite, une gigantesque baie vitrée légèrement arrondie qui menait à un splendide et large balcon. Aux côtés de cette fenêtre, les tables prévues pour le buffet. Une légère scène de marbre tout au fond de la salle donnait un aspect cérémonieux et authentique au tout. Face à la scène, un parquet ciré prévu pour les danseurs, tout le reste n'était que carrelage de pierres lisses et brillantes. Zelda confia quelques décorations à installer au chevalier qui rejoignit un groupe de serviteurs pour les aider. L'après-midi passa à une vitesse folle. La princesse dirigeait les travaux de chacun et s'éclipsait parfois. Lorsque tout fut prêt, tout le monde se hâta aux cuisines afin de déposer les plats sur les différents buffets. Quelques bancs et tables furent installés en option, pour plus de confort. Obliger les convives à rester debout aurait été une faute de goût sans précédent. A un moment, en début de soirée, la princesse refit une brève irruption pour demander à Link de la rejoindre. Celui-ci cessa toute activité et la suivit de suite.
La jeune hylienne correctement vêtue mena le chevalier à un dressing prévu pour les hommes, il appartenait autrefois au roi, mais sa vieillesse et son tour de taille faisait qu'il n'y venait plus depuis un moment déjà. "Nous trouverons ici tout ce qui peut convenir pour la soirée. Je pense que tu as la bonne taille pour de tels habits d'apparat. Ta tunique verte doit être améliorée !" expliqua la jeune fille en s'emparant d'éléments d'armures en or, des gants en matière noble, du cuir quasi neuf et peu porté orné de pierres précieuses. Link rougit légèrement en s'emparant de si beaux vêtements qui ne lui appartenaient guère. Il les essaya aussitôt, par-dessus ses affaires actuelles, tandis que Zelda observait sans un mot, peut-être admirative, du moins l'espérait-il. Le chevalier essayait de multiples éléments dans un silence total, se sentant gêné par tant de richesse. Zelda le retint lorsqu'il tenta d'enlever des gantelets d'or ornés de rubis représentant la Triforce. Elle agrémenta son bonnet de bijoux dorés non loin de ses oreilles pointues, des ornements mettant en valeur ses cheveux blonds. Elle ajouta ainsi multiples accessoires et lorsqu'elle cessa, Link ne savait plus du tout où se mettre, "Enfin, je suis chevalier, pas le roi lui-même ! Arrête, tu me gênes avec tout ça ! Ce n'est pas à moi, je... Je dois être ridicule..." souffla le jeune Hylien les joues rosies. La jeune fille éclata de rire, une main devant sa bouche, "Tu racontes n'importe quoi ! Tu me disais magnifique dans cette robe, tu me surpasses largement dans un pareil vêtement ! Je ne suis pas là pour me moquer, allons à l'ouverture de la soirée et ne doute pas de toi ! Je dois partir devant pour annoncer le début, rejoins-moi vite, tu me dois une danse ! Mais prends le temps de te contempler dans le miroir !" sourit Zelda en s'éclipsant rapidement, ne perdant pas un instant, elle se devait d'être irréprochable aujourd'hui. Link soupira, il savait qu'elle ne lui avait pas menti et pourtant il en doutait. Il se posta face à la glace, trouvant qu'il était différent, et pas forcément en mal. Cette bataille l'avait fait mûrir, il n'était plus vraiment un jeune garçon, mais bien un homme. Il mit un drap rouge sur le miroir et sortit de la pièce, décidé à donner cette danse à la princesse, et peut-être lui avouer ce qui se terrait en son coeur.
"... Et c'est pourquoi, il est important de se souvenir. Cette réception, ce bal est en l'honneur de notre victoire et de ce monde en paix ! Que cette harmonie perdure, honorons le royaume d'Hyrule ! Et surtout, amusez-vous bien, et profitez de la nuit entière !" clama la princesse du haut de la scène de marbre, tandis qu'une foule de gens, venus des quatre coins du royaume, applaudissaient sans fin. La jeune Hylienne descendit les quelques marches la séparant du parquet de danse avec une grâce peu commune. Elle possédait la robe la plus jolie et de loin en comparaison des convives. Elle se dirigea vers la grande baie vitrée où Link s'était servi un cocktail en écoutant son speech d'entrée. "Joli discours, je suis heureux que tu n'aies pas cherché à me citer comme héros, tu t'es contentée des faits, c'est bien mieux." approuva le chevalier qui n'aimait pas les grands honneurs. Après un petit éclat de rire et une coupe de champagne, la princesse répondit "Je savais qu'il valait mieux présenter les choses ainsi, je ne voulais pas faire de ce jour, ton jour. Tu n'aurais pas vraiment apprécié au final. Pourtant, un chevalier doit faire face aux foules, tu le sais bien !" Le sujet de conversation s'arrêta peu après, lorsque l'orchestre embauché pour l'occasion se mit en place sur scène et commença à jouer des airs entraînants, puis romantiques. Les gens dansaient, l'ambiance au rendez-vous. Link se courba devant sa princesse, l'invitant à danser une valse à trois temps. La jeune Hylienne sourit devant un protocole si soigné et accepta. Après quelques pas maladroits, ils étaient partis. La jeune fille avait beau être de haut rang, les gens du peuple ne s'arrêtaient pas pour l'observer; chacun profitait à sa façon de la soirée et elle en était ravie. Elle avait bien insisté pour que tout soit parfait et plus vivant qu'une fête de la cour où chacun utilise des codes pour faire la conversation. Link et Zelda dansèrent ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'ils soient fatigués et lassés. Le chevalier aimait la danse, uniquement lorsqu'il avait pour cavalière Zelda, qu'il pouvait admirer, elle et ses pas parfaits, contrairement à lui qui se débrouillait au mieux pour bien paraître sans trop de succès. Ils se dirigèrent vers le balcon après avoir goûté à la plupart des plats. Ils en avaient eu un aperçu le midi et avaient su quoi choisir pour finir conquis et ravis. Les deux amis observaient la fête de l'extérieur, le temps doux et clément était agréable, même dans la nuit noire.
"- Tu as fait une soirée vraiment réussie, tu peux en être très fière, tu sais, sourit le chevalier cherchant ses mots pour avouer ce qu'il avait préparé depuis l'annonce de cette réception.
- Merci, je suis heureuse de voir que tout le monde s'amuse bien, ici. Même moi, je suis contente, nous avons passé une bonne journée ensemble, cela faisait si longtemps... Nous devons recommencer aussi souvent que nécessaire ! s'exclama la jeune Hylienne en liant ses mains, dévorant son ami des yeux. Le courage de Link fondait à vue d'oeil devant tant de charme, mais il ne voulait pas renoncer pour autant.
- Oui, nous pourrions être plus souvent ensemble, j'affronterais les foules pour toi, je serais même prêt à t'aider pour gouverner ! Je veux alléger ce poids qui est sur tes épaules depuis la santé fragile de ton père ! s'élança le chevalier sans même rougir, il était confiant, il voulait simplement aider son amie, il souhaitait son bonheur.
- C'est très aimable de ta part, mais tu ne peux pas me voler mon travail comme ça ! sourit la princesse en observant les gens danser au loin, elle ajouta ensuite plus hésitante, et puis, il te faudrait un certain rang pour ça... prince... roi... Tu ne peux pas l'être comme ça...
- ... Pour ça... Il y a peut-être moyen de s'arranger... Enfin je veux dire... commença le chevalier perturbé par la situation, il commençait à s'emmêler, mais il ne pouvait désormais plus reculer, il ajouta sur sa lancée, Zelda, je devais te le dire, depuis que nous avons voyagé ensemble, tout ce temps passé à tes côtés, m'a fait réaliser que tu es pour moi, la chose, que dis-je la personne, la plus importante à mes yeux. Je désire te protéger, comme tout chevalier, c'est là mon devoir, mais je vais plus loin que tous les autres... Je... Je t'aime Zelda et... j'ai la folie de croire, que, peut-être, tu serais intéressée par une telle révélation. Mais... le contraire n'est pas grave bien sûr ! Je me suis fait une raison, je souhaite ton bonheur, pas mon égoïsme ! Tu n'es pas obligée de répondre, mais maintenant tu sais. J'ai commencé à me rendre compte de mes sentiments quand j'ai failli te perdre, au lac Faroria, puis chez les Zoras à chercher sans fin une solution pour te tirer des griffes de la mort... Je... Si tu es d'accord, je veux t'aider à porter le lourd fardeau que ton père t'a légué comme héritage ! Je suis prêt à... t'épouser s'il le faut, ma décision est prise... souffla d'une traite le jeune Hylien qui désormais perdait peu à peu face, il se sentait libéré mais sa timidité refaisait surface soudainement.
- Link... sourit la jeune fille attendrie, elle ajouta, ce n'était peut-être pas vraiment le moment, mais ce n'est pas grave... confia-t-elle compatissant à la peur grandissante de son camarade, pourtant, elle fut coupée dans son élan par un homme venant à son tour sur le balcon."
Les deux amis se regardèrent et d'un commun d'accord, décidèrent de retourner à l'intérieur. Il ne valait mieux pas que le peuple commence à faire ses suppositions sans l'accord premier de la princesse elle-même.
Une fois à l'intérieur, ils se dirigèrent vers les stands, un peu maladroits et confus. L'aveu de Link avait laissé la princesse hésitante et mystérieuse, pourtant, elle ne s'arrêtait pas de sourire, et pour le chevalier, c'était de loin le principal. Il avait eu peur de la blesser sur l'instant avec sa déclaration, une peur irrationnelle visiblement. Ils allaient poursuivre la conversation, loin des regards quand un des marchands vint stopper leur élan en les interpellant,
"- Eh ! Vous deux ! Venez donc voir mes marchandises ! Je suis vendeur de masque, et pour une si belle fête, vous devriez en garder un souvenir en choisissant pour cela, un de mes produits ! Certains sont réputés pour accroître la beauté, d'autre la puissance et le courage, pour vous monsieur peut-être ? hasarda le marchand habillé sobrement et sombrement, le visage souriant, peut-être un peu trop pour être juste bienveillant. Il avait posé son regard sur Link et ne le détachait pas, ce qui avait de quoi mettre mal à l'aise le jeune homme, qui pourtant avait la singulière impression de reconnaître cette personne qu'il n'avait pourtant encore jamais vue.
- Nous ne cherchons pas particulièrement à marquer l'événement, mais c'est gentil de penser à nous... répondit la princesse stoppant le regard perçant de l'homme sur Link. L'inconnu semblait sortir d'un rêve.
- Oh, je vois. C'est fort dommage, l'ami qui vous accompagne pourrait pourtant faire bon usage d'un de mes masques, j'ai un don pour reconnaître un masque et son âme jumelle. Vous, monsieur, c'est ce masque qui vous conviendrait le mieux... expliqua le vendeur en déballant une pièce de sa collection. Link avait beau ne pas être intéressé, il devait reconnaître le travail d'artiste sur ce masque. Il représentait un homme aux cheveux blancs, aux yeux absents, le teint de peau assez pâle et pourtant si lumineux. D'étranges marques ornaient le masque qui apparaissait comme un visage à part entière. Oui, ce masque semblait vivant et n'avait de cesse d'intriguer l'Hylien. Il avait comme un mauvais pressentiment, et pourtant il n'arrivait pas à déceler pourquoi.
- Hum... Je doute avoir de quoi me payer un pareil chef d'oeuvre, vous savez... fit remarquer le chevalier d'une voix monotone, observant l'objet, puis le vendeur. Tout était devenu subitement étrange, aussi flou qu'un rêve, il n'arrivait pas à replacer ce visage et ne comprenait pas pourquoi, plus il y réfléchissait, plus il se perdait. Tout comme ce masque lui faisait oublier le courant de ses pensées, ou semblait lui en rappeler d'autres.
- Hum, vous devriez l'essayer avant toute chose vous savez, si vraiment il vous convient comme je vous le prédis, je suis prêt à vous faire crédit, voir même une petite réduction ! Je débute en Hyrule, vous seriez mon premier client ! insista l'homme prêt à tout pour réaliser une vente. Plus il insistait pourtant, et moins il donnait l'envie d'acheter à Link et Zelda.
- Je... je ne préfère pas, ce masque reflète une image que je n'aime pas, il a l'air si froid.... Non vraiment, même l'essayer ne me plait pas, désolé, mais je ne suis pas intéressé, réfuta Link préférant fuir l'objet animant sa curiosité, il était intrigué mais quelque chose de malsain se tramait. Mieux valait être prudent, il céderait à ses pulsions plus tard.
- Nous sommes assez occupés vous savez, nous ne comptions pas rester ici bien longtemps, merci de nous laisser tranquille. Je comprends que vous cherchiez à vous faire connaître, mais ce n'est pas ainsi que vous réaliserez des profits en Hyrule, coupa la princesse agacée par le caractère insistant de son interlocuteur.
- Bien, bien, je comprends, finit par déclarer l'homme passablement déçu de cette vente inachevée. Il ajouta, tout bas, à l'adresse de Link seul, nous nous reverrons. Tu ne m'as pas oublié et ton attrait pour ce masque est la preuve que ta lutte ne fait que commencer. Le Héros qui sommeille en toi s'éveille, et le combat ne s'achèvera pas aussi facilement..."
Le murmure retentit encore et encore en l'esprit de l'Hylien tourmenté. Il prit congé de la princesse, malgré la réponse qu'il attendait d'elle avec une impatience à peine contenue. Tout cela était trop pour lui, de vagues émotions fantômes qui avaient sommeillé durant trois années en lui s'éveillaient à nouveau. Une foule de sentiments qu'il ne comprenait pas. Comme si cette victoire contre le mal incarné n'avait jamais été achevée, comme si la lutte reprenait de plus belle... Cet homme avait-il raison ? Que devait-il alors faire de ce masque qui hantait ses songes ? L'acheter ? Le détruire ? Le porter ? Tout ce flou résonnait comme un vide en son âme, un vide, qu'il se devait de combler.
Les rêves se troublent facilement. Ils sont semblables à la surface des eaux claires, qu'un insecte suffit à mouvoir. Il existe des rêves qui ne reposent pas. Celui-ci en fait probablement partie, puisque son but est tout autre.
Un volcan explosa au loin, il libérait une rage qu'il avait accumulée en quelques mois à peine. La terre était déjà bien trop carbonisée pour lui en tenir rigueur. De nombreuses montagnes s'enflammaient en ce lieu lointain, ce n'était pas chose rare. Mais même dans un monde de haine, dévasté au plus haut point, il demeurait quelques merveilles endormies, qui sommeillaient dans l'espoir de rester telles quelles. Au coeur d'un volcan endormi, moi chevalier d'un temps, j'observais la vie. Je me sentais lié à lui, sans trop savoir pourquoi. L'eau s'écoulait lentement et devenait abondance sur cette planète desséchée. Je crois qu'il prenait soin de moi. Il connaissait les risques à vivre éveillé. Un gigantesque poisson qui à bien des égards ressemblait à une immense baleine se mouvait dans un sommeil éternel. Je dormais à ses côtés, persuadé qu'il s'agissait là, de la meilleure chose à faire, tout comme il me l'avait prédit. Il rêvait, il rêvait. Il rêvait de changer le monde, de remonter les âges pour redonner vie à l'espoir qui s'était tu depuis bien trop longtemps. Il m'avait éloigné de tous ces chagrins, et je nageais, que dis-je, je flottais à ses côtés. Je me laissais porter par le flot de sa pensée salvatrice. Le monde est triste disait-il, il est condamné. Puisque nul ne peut plus rien y changer, je vais t'offrir une nouvelle chance. Une occasion que tu te devras de saisir sans contester. Une occasion que j'ai saisie oui, et qu'il m'arrive parfois de regretter, sans que je sache bien pourquoi.
Un insecte vint troubler l'eau claire, une poussière même dans cet univers infini. Un duo inséparable cherchant à survivre dans cette hostilité amère.
"Link, Link, s'il te plaît, réveille-toi ! Link, ne me laisse pas !" murmurait sans fin la voix d'une princesse que je ne connaissais que trop bien. Tout était si loin, et pourtant, j'aurais voulu m'en rapprocher. Zelda pleurait, comme si elle me perdait, une fois encore. Elle semblait prier, quémander, supplier. Mais sa souffrance était incommensurable, une douleur que je ne parvenais pas à guérir. Rien ne semblait pouvoir épancher ses larmes qui venaient nourrir le bassin du poisson endormi. Ses rêves s'éloignaient des miens et se fondaient dans l'eau, semblable à un tourbillon. "Link... Link..." continuait-elle d'appeler sans fin, apportant son espoir au monde dépourvu d'émotion. Une main sur son épaule vint la rassurer, lui conseillant d'abdiquer. Et pourtant, elle refusait d'abandonner ce combat qui était mien.
L'insecte vint alors chambouler la face du monde.
***
Link sursauta, éveillé par le chant du coq bien matinal. Il n'avait pas dormi comme il l'avait espéré. La nuit avait été agitée. Lorsque ses yeux s'étaient clos la veille, il l'avait vu encore et encore. Cet étrange masque, intimidant, attrayant. Il ne cessait de le hanter, pourtant, il n'y avait porté son regard qu'une simple fois. Et cet homme... il avait éveillé en lui un étrange sentiment de lutte, pas envers cet innocent vendeur un peu collant et invasif. Non, le Héros qui sommeillait en lui avait décidé de revenir à la vie. Une foule d'émotions avaient ressurgi des confins de son âme, des sentiments fantômes, qu'il avait presque oubliés. Presque. Il sentait au plus profond de lui que sa victoire sonnait inachevée, et il n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Ce masque avait réanimé son envie de combattre, comme s'il était la preuve irréfutable, trois ans après, que rien n'était encore terminé. Quelqu'un vint toquer à sa porte et le tira de ses pensées tandis qu'il finissait d'arborer fièrement sa tunique verte sans ornements supplémentaires. Sa gorge se serra en resongeant aux événements d'hier, sa déclaration maladroite faite à la princesse... Elle venait certainement lui en parler... Pourtant, lorsqu'il ouvrit la porte, se fut un messager qui se tenait fièrement devant lui. Celui-ci lui tandis un parchemin et lui demanda une signature afin de confirmer la réception de la lettre. Link soupira, il s'était visiblement bien trompé, Zelda devait encore dormir à poings fermés. Il remercia l'homme qui s'éloigna en poussant la chansonnette, de quoi vous mettre de bonne humeur, ou vous énerver encore plus. Le chevalier s'empressa de dérouler le parchemin en question, curieux de ce qu'il pourrait bien y trouver. Il fut surpris de constater le message assez concis et l'expéditeur plutôt inattendu,
"Viens me trouver à la sortie ouest de la capitale, là où tu as l'habitude de te reposer, dans la plaine d'Hyrule.
Cordialement,
Le Vendeur de Masques"
L'Hylien s'y prit à plusieurs fois pour relire le parchemin; ce masque qui hantait ses pensées depuis si peu de temps revenait déjà à la charge ! Le marchand souhaitait le voir ! Seul à seul ! Et il connaissait ses habitudes depuis la mort de son Célestrier ! Link aurait beaucoup aimé en parler avec son amie d'enfance avant de tenter quoique ce soit, mais il ne désirait pas la réveiller, qui plus est après la conversation délicate d'hier soir. Elle n'avait toujours pas donné de réponse. Non, il n'allait pas tout gâcher. Il était assez grand pour se défendre si les choses tournaient mal. Attiré par la curiosité, il se hâta de rejoindre le point de rencontre déterminé. Puisque l'homme n'avait pas précisé d'horaire, il fallait probablement s'y rendre le plus tôt possible.
Le chevalier traversa les rues de la capitale sans une hésitation, sa curiosité était trop forte. Cette homme le connaissait, c'était certain, et pourtant, il ne parvenait pas à le replacer. Dans la citadelle, les plus matinaux étaient les marchands, qui installaient leurs échoppes et rendaient leurs étals attrayants. Les clients les plus matinaux ne tarderaient pas. Ils furent plutôt surpris de voir Link debout au lever du soleil. Les ragots iraient sûrement bon train, mais il n'avait pas vraiment envie de s'en inquiéter, cela faisait partie intégrante du folklore de la ville, et de ses commères un peu trop nombreuses, aussi. Le chevalier parvint au point de rendez-vous en moins d'un quart d'heure. Ne voyant pas l'homme en question, il se décida à longer un cours d'eau en attendant le marchand. Il ne s'attendait certainement pas à entendre une voix lui crier au loin "Attrape !", il se retourna au dernier moment pour se prendre l'objet lancé en pleine figure. Il se ressaisit et tendit les mains pour recevoir la chose qui venait de lui faire un mal de chien au crâne. Il déglutit quand il se rendit compte qu'il s'agissait du masque, le-même que lui avait montré hier le marchand. Détachant difficilement son regard de l'objet, il releva la tête pour apercevoir l'homme, qui marchait paisiblement, à une allure proche de celle de l'escargot lui-même. Il semblait sorti de nulle part, une apparition, qui paraissait jouer avec le chevalier. Une fois assez proche de Link, le marchand dévisagea l'ancien Héros en le jaugeant.
"Alors... Tu ne te souviens vraiment plus de rien... Pourtant, ce n'est pas perdu... Je le sais mieux que quiconque... souffla l'homme en souriant, ce même sourire qu'il avait porté toute la veille, qui sonnait à la fois si aimable et si faux.
- Je ne sais pas de quoi vous parlez, pourquoi m'avez-vous lancé ce masque ? Je ne l'ai pourtant pas acheté, je vous l'ai bien dit ! Il est hors de prix pour moi ! s'exclama Link préférant miser sur la prudence plutôt que de satisfaire sa curiosité immédiatement.
- Parce que tu le veux. Alors il est à toi. C'est aussi simple que cela. Il n'existe en ce monde que pour te faire prendre conscience de la réalité, dans ces conditions, je pense pouvoir te l'offrir, sans la moindre contrepartie, proposa l'homme que de telles paroles rendaient encore plus louche.
- Je ne comprends absolument pas l'argument de vente. Ceci n'est pas dans votre intérêt, je... je n'en veux pas ! refusa le chevalier bien trop méfiant pour accepter un pareil présent. Un cadeau qui lui paraissait empoisonné.
- Je ne suis pas vendeur. Ne te berne pas d'illusions, c'est un peu trop à la fois. De toute évidence, tu ne me reconnais pas, pas encore. Mais cette bataille que tu as commencée, tu ne l'as pas débutée seul ! Et j'en ai fait partie, que tu le veuilles ou non ! Tu n'as pas le droit de tout plaquer comme ça ! Ce masque, je te l'offre, parce qu'il n'a jamais été question de te le vendre ! Je suis un guerrier, comme toi, je me fiche pas mal de faire du profit. Contrairement à ce que tu crois, j'apparais selon mes désirs, et à qui bon me semble. Hier, je l'ai fait pour toi et ton amie. Mais personne d'autre ne m'a remarqué, n'avait même conscience de mon existence ! Ici, je suis irréel, intemporel, expliqua l'homme en humant l'air frais, l'air serein. Il ne faisait que perdre un peu plus Link dans les explications, mais il en avait l'air conscient.
- Quoi ? Pourquoi chercher à me donner absolument ce masque dans ce cas ? Je... votre visage me rappelle quelque chose oui, mais je n'arrive pas à me souvenir... à quelle occasion j'ai pu vous rencontrer... souffla Link réfléchissant difficilement. Fouiller dans sa mémoire était quasiment impossible, revenir en arrière, il n'y parvenait pas. Pourquoi ne se souvenait-il plus de cette lutte qu'il avait menée contre le mal ? Hier encore, il arrivait parfaitement à se rappeler tous ces moments qu'il avait vécu avec Zelda ! Mais cet homme... venait tout remettre en cause.
- Je n'ai pas envie que tu finisses comme un vulgaire trophée de chasse. C'est un peu bête, et je sais que tu penserais la même chose si tu étais à ma place. Ce masque, est pour toi, une libération. Il émet une présence maléfique, il émet quelque chose de différent de ce monde, et c'est pourquoi le porter te permettrait de redevenir ce que tu as toujours été. Tu ne te souviens donc plus de moi ? Tes différentes consciences ont-elles toutes été scellées ? Hylia n'a pas choisi son élu pour rien. Si tu es vraiment le Héros, les différentes mémoires de tes ancêtres et de tes descendants choisis par les dieux devraient être en toi. Alors ? Est-ce que tu les ressens toujours ? demanda le marchand cessant subitement de sourire pour observer le chevalier de son regard perçant. Link ne voyait absolument pas où il désirait en venir et cela commençait sérieusement à l'inquiéter. Il savait que cet homme n'avait pas tort. Mais alors... qu'est-ce-qui clochait chez lui ?
- ... Non je... Pour être franc... Je sais la théorie, le Héros de la déesse et tous les autres, une âme unique pour des destinées multiples... Mais... Je... je ne sais pas qui ils sont, et je ne sais même pas si un jour je l'ai su... Je ne... me rappelle plus... avoua Link un peu chamboulé, une douleur commençait à vriller son crâne, comme à chaque fois quand il lui semblait se souvenir de quelque chose d'important. Il oublia aussitôt.
- Je ne suis pas là pour te redonner ton passé et tout ce temps perdu. Tu peux encore ouvrir les yeux, je suis simplement venu te le rappeler. Là où l'espoir se meurt, je demeure. J'insuffle seconde chance à ceux qui n'en ont jamais eu. Je me bats pour le libre arbitre des hommes, te souviens-tu au moins de cela ? Quand tu errais au fin fond d'une forêt, quand l'animal qui était en toi s'était emparé de l'homme que tu incarnais dès lors, j'étais là. Le seul à te comprendre. Toi qui pourtant croyais que je n'étais autre que toi. Que moi aussi j'étais un Héros. Je n'étais pourtant que l'ombre de moi-même et je n'aspirais à rien de tout cela. Cette vie, je ne la méritais même pas. T'aider était la moindre des choses que je pouvais faire. Et aujourd'hui, je considère l'espoir mort. Alors pour toi, j'agis à nouveau. Si tu veux bien, une fois encore m'accorder ta confiance, tout ce que tu as à faire, c'est porter ce masque...
- Je... je ne comprends pas tout... mais... cela me dit... vaguement quelque chose. Si réellement j'ai un problème de mémoire, est-ce vraiment un masque qui va m'éclairer sur mon passé perdu ? Sur l'antan que j'ai osé éluder au fil des ans ? Comment puis-je croire un homme qui a menti sur son identité pour m'approcher ? questionna le jeune Hylien sans le moindre reproche. Il était sincère. Sincèrement perdu. Le mal de tête grandissait en lui et il ne savait plus quoi faire pour lutter contre.
- Je n'ai jamais eu d'identité. Tu as eu la bonté de m'en offrir une, mais je ne suis qu'une ombre. Ton ombre... souffla l'homme en disparaissant, dissipé par le vent soudainement violent à son égard."
Link observa un instant le masque avant que son mal de tête ne prenne le dessus. La terre entière devint noire, privée de lumière, tout du moins en sa vision obscurcie. L'Hylien tomba à terre, serrant fort ce masque comme unique porte de secours...
"Link ! Link ! Tout va bien ? Je t'ai vu ouvrir les yeux ! Ne fais pas semblant de dormir encore !" La voix aigüe de la princesse tira le chevalier de son sommeil de plomb. Il se trouvait dans son lit, la matinée semblait s'achever. Son esprit était embrumé mais il se souvenait néanmoins de cette conversation qu'il savait plus qu'un simple rêve. Par contre, Zelda ne semblait pas savoir qu'il avait quitté son lit tôt ce matin. Qui l'avait donc porté jusqu'à sa chambre ? Il avait sombré dans l'inconscience, cela aussi, il s'en souvenait. Il fit mine de bailler, préférant ne pas parler pour le moment du marchand de masque. Le masque ! Où était-il ? Il devait se trouver dans cette pièce ! Il désirait tant le contempler encore, l'observer, en connaître chaque aspect, et découvrir ce que réservait cette pièce de collection à l'air si malsain.
"Tu devais être sacrément fatigué après la fête pour être resté cloué au lit toute la matinée ! Pourtant, tu es parti tôt hier soir suite à l'entrevue avec ce vendeur... un peu... je ne saurais trouver de bon mot je crois, je me contenterai de particulier, fit remarquer la princesse dévisageant son ami s'apprêtant à lui mentir.
- Il faut croire, oui... je n'ai pas vu le temps passer... je n'ai fait que dormir. J'ai préféré partir... oui... ce vendeur ne m'inspirait pas confiance, et si j'étais resté, il n'aurait pas cessé de faire des commentaires, c'est certain. il s'est abstenu, et ma foi, c'est bien mieux ainsi, souffla le jeune Hylien trouvant son mensonge à la hauteur. Zelda semblait ne se douter de rien.
- Oh... Tu es parti par sa faute ? Et non la mienne ? interrogea la jeune femme apparemment soucieuse. Link se devait de vite rétablir la vérité, il ne souhaitait certainement pas blesser son amie pour un pareil malentendu.
- Bien sûr ! Qu'es-tu donc allée croire ? Ta présence ne me dérangeait pas, voyons, je t'interdis de te mettre de telles sottises en tête, contra le chevalier tout sourire, il penserait à sa timidité maladive plus tard, la priorité, Zelda, s'imposait d'elle-même.
- Eh bien, avec la conversation d'hier, sur le balcon, j'ai cru t'avoir froissé alors qu'il n'y avait guère de raisons ! Ne doute pas de toi, une réponse, j'en ai toujours eu une à te donner, mais je n'ai pas pu la formuler hier... expliqua la princesse aussi gênée que Link. Celui-ci n'aurait su dire si tout ceci se voulait positif ou l'inverse...
- Non, non, ça ne change rien pour moi ! C'est vraiment cet homme qui m'a donné à réfléchir. Bon... bien évidemment... je ne vais pas te mentir, pareille situation ne peut être que stressante dans les conditions actuelles, mais le principal pour le moment, c'est toi ! répondit le chevalier sur le qui-vive, il avait tant attendu et imaginé ce moment, qu'en était-il alors de la réponse mûrement réfléchie de son amie alors ?
- Eh bien... je pense que tu es capable sans difficulté aucune d'assurer la régence. Bien sûr, même si tu fais un bon roi, il ne s'agit pas de la seule variable mise en jeu, il en existe une autre, essentielle, penchant lourd dans la balance... n'est-ce-pas... souffla la jeune Hylienne hésitante. En cet instant, elle paraissait aussi timide que son ami, ce qui s'avérait être un cas plutôt rare. Malgré tout, tous deux s'observaient sans un mot, un seul, ils n'avaient pas peur. Une once de tendresse passa furtivement dans le regard de Zelda, comparable à une étoile filante. Elle ajouta finalement, une main sur le coeur, une autre donné oui, qui n'est autre qu'amour. Et ce sentiment que tu éprouves, avec la sincérité qui est tienne, je n'ose en douter, je le ressens de même, avec égale force. Link, nous sommes plus que des amis et j'ose croire que cela ne date pas simplement d'aujourd'hui... c'est certain... et... je t'aime, accorda-t-elle en souriant, le plus sérieusement possible. Un sourire que le guerrier n'oublierait jamais. Il lui rendit la pareille et le temps fila à vitesse folle, juste pour lui et elle."
Le chevalier aurait volontiers demeuré dans un tel état d'euphorie si en se levant de son lit pour enlacer son amie, le masque de l'homme sombre n'était pas tombé à terre, attirant le regard des deux amis d'enfance devenus amant.
"Il te l'a finalement donné alors ? Il insistait tellement... je me demande pourquoi... s'interrogea la jeune fille en se saisissant de l'objet. A l'inverse de Link, elle n'éprouvait aucune attirance face à l'objet démoniaque. Un envoûtement qui semblait ne se saisir que du chevalier qui dévorait déjà l'objet du regard.
- Je... je ne sais pas... il a été si étrange... je ne comprendrai jamais pourquoi j'imagine, mais je sens au plus profond de moi que je dois le porter et que son présent est délivrance. Et pourtant, ombre noire sur le tableau, je sais que ce qui viendra par la suite ne sera pas positif. J'hésiterai probablement encore longtemps... mais qu'importe... le choix ne m'appartient plus vraiment, je crois qu'il me faut le porter, c'est là mon devoir... tenta d'expliquer le chevalier en vain, son état suscitait beaucoup d'incompréhension pour son amie.
- Pourquoi t'en sens-tu obligé ? En quoi porter un masque remettrait tout en cause ? demanda-t-elle simplement. Link se décida à lui avouer ses motivations.
- Eh bien... principalement pour toi. Je fais des rêves étranges, des visions qui me rongent et m'effrayent constamment. Et ce, depuis bien longtemps, en réalité, depuis notre victoire sur Ganondorf. Sans ce masque, le monde s'obscurcit. Je ne pourrais guère décrire le changement se produisant en moi, mais j'ai la nette impression que je dois agir. Pour toi. Au travers de ce masque, tu m'appelles, et tu es malheureuse. Je dois le porter pour t'éviter souffrance, malheur dont je me prive et qui pourtant incombe à ma tâche, à mon rôle. Afin d'éluder bien des attentes futiles... s'emmêla Link ne sachant que faire, personne ne pourrait le comprendre. Il le savait depuis bien longtemps. A part peut-être, ce prétendu vendeur de masque...
- Mais... je ne crains rien ici, ne sommes-nous pas heureux ? Je vais bien, je te l'assure, et je ne te cache rien... fit remarquer Zelda qui avait beau avancer des remarques entièrement vraies, ne parvenait pas à convaincre son ami. La porte s'ouvrit brusquement, alors qu'elle avait été soigneusement verrouillée.
- Il ne parle pas de toi... intervint le prétendu marchand de masque apparu par un mystère insolvable. Il avait suffi que Link en formule la pensée pour que l'homme vienne à sa suite.
- Pardon ?! s'interloqua la princesse choquée par l'irruption soudaine. Il était bien impoli de s'immiscer dans la conversation des gens, en ayant au préalable, écouté aux portes. Elle ajouta par ailleurs, comment osez-vous pénétrer les appartements du chevalier le plus réputé de tout le royaume sans même vous présenter ou prévenir de votre venue ? Pourquoi tourmentez-vous un homme dont vous n'avez que faire ?
- Zelda... il n'est pas si mauvais, je te l'assure, je suis convaincu que ses intentions demeurent sincères... tenta le chevalier face à son amie bien remontée contre celui qu'on pouvait qualifier de gêneur.
- Link, écoute-moi, je crois que tu as deviné ce que je n'ai osé te suggérer. Ce monde n'est pas le nôtre. Tout n'est ici que pâle copie. Un monde créé à ton image, pour palier au moindre de tes désirs. Suffisamment réaliste pour se muer hors du rêve... afin que plus jamais... tu n'aies à t'en réveiller. Voilà un châtiment bien pire que la mort... expliqua l'ombre souriant tristement en poursuivant, tu as même oublié jusqu'à mon existence... même ça... il y est parvenu. Mais peu m'importe, puisque je suis voué à l'éphémère. Ce qui n'est pas ton cas. Alors n'hésite pas désormais, n'hésite plus, ce masque est une clé à une intrigue qui te tient en haleine depuis bien trop longtemps...
- Ne crois pas de pareilles sottises ! Link ! Je t'aime ! Tu voudrais renoncer à notre idylle alors que depuis bien longtemps, le combat s'est achevé ? Trois ans après, tu penses pouvoir retourner en guerre ? C'est insensé ! contesta la jeune Hylienne les poings serrés, elle avait beau chercher à comprendre, la solution lui échappait.
- Que peux-tu craindre d'un masque ? Si tu penses effectivement que cet homme n'est qu'un beau parleur, porter le masque ne pourrait guère nous porter préjudice. Je ne désire pas rester plus longtemps dans ce doute permanent. Mes visions sont claires et limpides. Sans ce masque, tu es vouée à la souffrance et je serai confronté à l'échec, confirma Link, affichant très nettement sa position entre deux camps opposés. Son mal de tête commença à lui revenir, vrillant sa tête. Il ajouta dans un éclair de lucidité, je ne t'ai pas oublié, non, ma conscience est bloquée mais mes rêves me permettent une libération nocturne. Et dans ces songes, tu es auprès de Zelda, et elle te prénomme... Dark Link...
- Ne réfléchis pas trop Link, ce monde n'est pas fait pour que tu t'éveilles. Chaque fois que tu t'approcheras de la réalité, ton esprit sombrera et tu tomberas dans l'inconscience. Seul le masque peut t'affranchir de cette dimension. Je sais que tu peux te montrer hésitant. Mais cette Zelda, là, elle, ne me connaît pas. Car il s'agit là des lacunes de Ganondorf, ce qu'il n'aurait pu prévoir. Mais toi, tu peux te rappeler... une preuve est à fournir, je le concède, et je te la donne avec grand plaisir... conclut l'ombre faisant ainsi clore tout débat possible."
Il s'élança contre Zelda, le regard déterminé, dégainant une lame comparable à du jais. Le coup fusa bien vite sans que Link n'ai le temps de réagir, et combien même, il n'était pas sûr de le vouloir. La princesse ne perdit pas la moindre goutte de sang, et son souffle était intact. Elle n'était pas blessée, et pourtant une plaie béante d'un blanc aveuglant ornait désormais sa poitrine.
"Il s'agit d'un futur qui n'a pas été envisagé par ta conscience, car il t'est inconcevable de tuer Zelda. Même s'il ne s'agit que d'un sosie..."
La pièce commença à se disloquer et le mal de tête du chevalier se fit de plus en plus insistant. Le monde disparaissait-il vraiment ou s'agissait-il là uniquement de sa vue considérablement altérée par la douleur ? La lumière remplaçait la plupart du décor...
"Le masque ! Si tu sombres maintenant, tu oublieras tout de mon intervention ! De mon existence ! Et tous nos efforts auront été faits en vain ! C'est une boucle infinie ! Brise-là !"
Le Héros du Temps approuva, dans un dernier sursaut de vie, le masque vint épouser à la perfection la forme de son visage. L'Hylien se mit alors à hurler de douleur, s'écroulant à terre. Puis tout ne fut que néant, d'un blanc incommode et inhabituel. Lui qui imaginait pourtant les choses avec beaucoup plus de noirceur...
***
Il s'éveilla peu après, l'esprit embrumé. Son corps ne lui répondait plus, seul son âme était encore disponible. Il se trouvait dans un lieu clos sans lumière, un endroit créé par son imagination, du moins lui semblait-il. La douleur que lui avait provoquée le masque avait finalement pris fin. Il n'était pas seul dans cette dimension reflétant ses pensées tortueuses. Un homme se tenait face à lui, d'une carrure impressionnante, légèrement plus grand que lui. Il avait la peau assez pâle, les cheveux d'argents, tranchant avec le blond de Link. Mais la coupe était semblable en revanche. Le visage de l'inconnu était orné de multiples peintures rouges et bleues le long de ses yeux et de son front. Elles symbolisaient probablement quelque chose, mais Link ne reconnaissait aucune figure en particulier. Le plus troublant demeurait ses yeux d'un blanc immaculé et total, sans le moindre iris et malgré cela, il ne paraissait pas aveugle. Il possédait un regard pénétrant, comme s'il était capable de voir par-delà toute chose. Il ne souriait pas et se contentait de dévisager le chevalier lui rendant la pareille. Il était vêtu d'une solide armure ayant pour principale teinte le bleu nuit, un bleu si sombre qu'on aurait pu le comparer aux ténèbres. Il semblait être un guerrier rodé puisque dans son dos brillait une étrange lame torsadée aux reflets émeraude et turquoise. Link chercha à détourner son regard de l'homme, il ne put pas. Se souvenant des derniers événements, il porta une main à son visage et n'y trouva nul masque, ce qui eut tôt fait de le surprendre. Il réfléchit un court instant et un détail vint le frapper. Le visage de l'homme, ressemblait pour beaucoup au dessin réalisé avec le plus grand soin sur son masque. Celui-ci avait-il enfermé depuis toutes ses années cet homme ? Et si oui, pourquoi donc ? Le guerrier sourit un bref instant, un sourire semblable à un rictus, ne laissant transparaître aucune émotion. Il paraissait bien trop calculateur pour cela.
"Tu as choisi les ténèbres pour t'éveiller à la lumière. Tant que nos volontés seront communes, je partagerai ce corps à tes côtés et tu disposeras de ma force tandis que je disposerai de toi à ma libre convenance. Ne cherche pas à combattre l'entité qui m'a battit. Tant que je serai à tes côtés, tant que je serai toi, je me nommerai... Oni-Link..."
"Link ! Tu es revenu à toi ! Je suis si heureuse, nous avions perdu tout espoir, ce masque est un véritable miracle, une bénédiction !" s'écria Zelda tandis que Link se levait, prenant peu à peu conscience de son nouveau corps et du monde l'entourant. Il ressemblait trait pour trait à cet homme qu'il avait entraperçu en portant le masque à son visage. Cet... Oni-Link. Zelda semblait en faire fi, Dark Link à ses côtés demeurait impassible, ne se prononçant pas sur ce soudain changement de physique. La jeune fille souriait sans fin, accompagnée par Fay qui flottait librement dans l'air. Le groupe se trouvait dans le palais de Ganondorf, un choc qui ramena durement Link à la réalité. Tout était si différent du rêve duquel il sortait ! Dark Link s'approcha de son ami, hochant tristement la tête.
"Je crois qu'il est temps de t'expliquer les derniers événements... Tu as dormi trop longtemps. Commençons par le commencement, ton combat contre Ganondorf."
***
"Link est en mauvaise posture. Ganondorf l'a isolé pour mieux le neutraliser, dans un monde dont il a l'entier contrôle. Nous pouvons encore lutter, mais pour cela, nous avons besoin de toi..." expliqua Fay les mains liées, sereine malgré une situation plutôt critique telle qu'elle la clamait. La jeune fille hocha la tête, consciente de la puissance de l'ennemi "Le messager d'Hylia m'a mise au courant d'un possible échec. Et puisque je suis la Princesse de la Destinée, c'est à moi de venir en aide à l'élu. Je ne dois pas tomber dans les mains de l'ennemi pour pouvoir plus tard, le secourir, n'est-ce pas ?" demanda-t-elle bien renseignée. Ses pouvoirs allaient enfin pouvoir lui servir, plus qu'elle ne l'imaginait.
"Je vois que tu as été informée un minimum, cela simplifie grandement les choses. Te souviens-tu du présent offert par Mutoh et ses ouvriers ? Les quatre frères ?"
Dark Link dévisagea Zelda sans la mettre mal à l'aise, son regard était perçant, mais puisqu'elle avait déjà combattu à ses côtés, elle ne le craignait nullement. Elle sourit, hochant timidement la tête, elle ne comprenait pas vraiment où voulait en venir ses deux amis. "Oui, une potion rouge et un pendentif. Une carte d'Hyrule aussi, mais j'imagine que ce n'est pas le plus important puisque les lieux sont... différents à présent. J'ai tout cela avec moi, pourquoi ?" Fay s'approcha lentement, tandis que la princesse sortait les cadeaux un à un. Le pendentif attira immédiatement l'oeil de l'épée. "Un symbole Sheikah ! Zelda, la carte et la potion nous intéressent peu. Enfin, cela peut servir mais... Ce que Dark Link cherche à te faire comprendre, c'est que ce pendentif que tu détiens est spécial." La jeune fille en fut toute retournée, elle avait lu de nombreux ouvrages sur le peuple Sheikah, et savait très bien de quoi il s'agissait. Elle déclara, fouillant dans ses souvenirs, "Vous voulez parlez des serviteurs de la famille royale ? Ils sont réputés dans l'art de la discrétion et du camouflage ! Exactement ce dont nous avons besoin..." Dark Link acquiesça, accoudé à un mur de la salle où s'était installé le petit groupe.
"L'oeil qui voit tout. L'oeil qui agit dans l'ombre du roi. Un oeil pourtant trahi, qui pleure encore le poids de cette injuste trahison. Ce pendentif te permet de devenir l'un d'eux. Tant que tu le garderas sur toi, ton identité ne pourra jamais être révélée, tu te fondras dans la masse. Comme si tu avais toujours vécu ici, c'est le ressenti qu'aura quiconque croisant ton chemin."
Zelda contempla le bijou d'un tout autre oeil. Fay poursuivit, lancée par les mots de son maître "Libérer Link de l'emprise de Ganondorf est une affaire de temps. Ce pendentif est essentiel à notre mission. Ne crains rien pour ton ami, notre ennemi sera bien trop fier de sa victoire pour supprimer l'élu de la déesse. Non, le garder en vie et l'exhiber fièrement est bien plus valorisant pour lui. Il espère ainsi insulter les grandes divinités d'Hyrule qui avaient placé tout espoir en Link." expliqua la femme de cristal résumant parfaitement la situation. La Princesse de la Destinée hocha délicatement la tête, malgré tout inquiète pour son ami. Elle avait beau croire les dire de ses compagnons, elle savait Ganondorf réputé pour sa cruauté.
"Arbore fièrement ce pendentif, deviens autre pour mieux tromper l'ennemi..."
Les mots avaient beau être assez joliment tournés, l'action demeurait simple. Zelda se saisit de l'objet doré aux reflets violets et le porta à son cou. Une fois cela fait, le temps sembla se figer un court instant. Le moment précis que choisit l'ombre pour glisser quelques mots à l'oreille de la princesse en sommeil.
"Désormais, tu seras connue sous le nom de Sheik. Un homme. Un apprenti Sheikah qui n'aspire nullement au pouvoir. Il ne sera une menace aux yeux de personne. Son insignifiance sera telle, que là où il passera, on l'oubliera bien vite..."
La princesse ne put rouvrir les yeux de suite. Une lumière l'envahit toute entière, une vague d'énergie déferla en elle, chamboulant son apparence. Ses courbes féminines s'éclipsèrent discrètement jusqu'à paraître pareilles à celles d'un homme. Des bandes de lin vinrent couvrirent ses membres, un châle blanc et épais recouvrit le bas de son visage ainsi que le haut de sa tête, comparable ainsi à un homme venant du désert. Sa peau s'assombrit, ses yeux perdirent leur éclat bleuté pour prendre une étrange teinte rubis. Des vêtements bleus vinrent agrémenter la tenue nouvelle de l'étranger se tenant désormais face à Dark Link et Fay. Sur la poitrine de l'homme, le symbole du peuple Sheikah brillait plus fort que jamais, tracé par le biais d'une peinture rouge vif. Zelda ne se serait pas reconnue elle-même. A vrai dire, elle n'était plus sûre de demeurer princesse en de tels instants. Elle allait désormais devoir accepter ce nouveau rôle, et elle se sentait prête à l'endosser à la perfection.
"La transformation est spectaculaire. Plus personne ne pourra te chercher d'ennuis désormais, le charme est si fort que moi-même j'aurais tendance à oublier qui tu es réellement. Viens, nous ne pouvons malgré tout pas rester à nous pavaner librement dans le palais de Ganondorf. Fay a repéré une tour abandonnée, une aile du palais où nul ne viendra nous déranger ! Cette bataille ne fait que commencer, et nul n'en aura conscience, pas même notre ennemi... car elle s'effectue dans l'ombre, là où tu es né... Sheik..."
***
Les jours filèrent ainsi, tantôt lents, tantôt rapides. Sheik pouvait circuler librement dans le palais sans que nul ne lui en fasse de quelconques reproches, comme si cette demeure avait toujours été sienne. En abandonnant son intégrité physique, Zelda avait rendu le sortilège puissant et quasi indiscernable, même aux yeux de grands magiciens. La jeune fille apprit à se comporter comme un Sheikah et comme un homme sans trop de difficultés. Dark Link et Fay pouvaient eux aussi agir à loisir sans que nul ne les remarque, Zelda n'osait pas vraiment interroger ses compagnons d'infortune concernant cet étrange laisser-passé. Ils connaissaient aussi fort bien la région et emmenèrent plusieurs fois Sheik en expédition, afin qu'il retienne les reliefs et voit combien la terre d'Hyrule avait souffert de l'emprise diabolique de Ganondorf. L'ordre devait à tout prix être rétabli. Les trois compagnons se séparaient souvent, moins voyant ainsi, tentant de glaner des informations de la bouche même de leur ennemi.
Quelques jours après la défaite confirmée de Link, Sheik flânait non loin de la salle du trône, là où Ganondorf passait la majeure partie de son temps, aimant admirer son pouvoir et son royaume soumis. Zelda avait beau avoir changé, ses sentiments pour son ami étaient restés intacts, et n'avoir eu aucune nouvelle de lui depuis cette victoire pour le mal, clamée haut et fort par leur ennemi, l'avait beaucoup touchée. Elle craignait que Ganondorf ait infligé à Link un traitement pire que la mort, ce qui la poussait à régulièrement se balader dans cette aile du palais. Ce fut ainsi que Le Sheikah surpris une intéressante conversation entre une vieille magicienne et le seigneur du mal. L'occasion rêvée pour enfin savoir ce qu'il était advenu de son ami d'enfance. Il se faufila sans peine, écoutant discrètement aux portes.
"Koume, et Kotake ? Êtes-vous finalement parvenues à neutraliser cet élu ? Il n'a rien pu faire contre le pouvoir du sablier fantôme régissant son temps, mais son esprit est plus fort que je ne l'aurais imaginé. La déesse peut donc parfois faire preuve de justesse dans le choix de ses guerriers, pesta l'homme affalé sur son trône, las de la résistance d'un adversaire pourtant défait. Zelda mémorisait chaque mot de la conversation, ravie de savoir que même vaincu, Link continuait de donner du fil à retordre à l'ennemi.
- Ce petit impertinent ne vous importunera plus désormais maître. Notre magie, bien que puissante, ne pouvait rien contre son acharnement, nous avons dû recourir à des moyens plus radicaux... expliqua la sorcière répondant visiblement au nom de Koume. Une vieille dame aux cheveux de feu, s'embrasant au gré de ses envies. Elle portait des vêtements amples comparables à une robe de sorcière subtilement mêlée à un Poncho. Elle aurait presque pu passer pour aimable et avenante si ses paroles de vipère ne venaient pas contredire le reste. Elle semblait dévouée à Ganondorf et elle s'empressa d'ajouter, il est bien neutralisé et vous pourrez aller le voir dès que vous le souhaiterez...
- Que lui avez-vous donc fait pour qu'il cesse de résister alors ? Ce que vous appelez une mesure radicale n'est tout de même pas la mort ? Il avait beau être inutile, il devait rester en vie ! Je vous l'avais clairement stipulé ! s'emporta Ganondorf en tapant du poing contre son trône qui ne broncha pas, du travail de qualité pour du marbre bon marché visiblement. Sheik commença à s'inquiéter, se ressaisissant aussitôt, les sorcières n'auraient jamais osé désobéir aux ordres de leur maître. Le seigneur du mal ne désirait pas tuer Link, et cela arrangeait beaucoup le groupe qui tentait de le délivrer sans tomber dans le piège de l'homme démoniaque.
- Nooon, non. Voyons mon seigneur, ne vous emportez pas pour un insecte pareil. Nous avons eu recourt à une ancienne magie qui gagne à tous les coups, tant que celui qui l'administre accepte de se rallier à notre cause. Il prétend agir pour le bien-être du monde et son juste équilibre. Les arguments ne furent pas compliqués à trouver, rectifia de suite la sorcière tentant d'adoucir son maître assez sanguin. Si elle ne voulait pas finir comme bien d'autres sbires, elle avait intérêt à savoir temporiser Ganondorf. Celui-ci se radoucit par la suite, flatté que l'on ait suivi ses ordres malgré la difficulté. Sheik poussa un soupir de soulagement, ils n'avaient pas touché à Link...
- Je vois, il est donc possible de le voir dans son impuissance totale ? Il déshonore désormais la déesse Hylia au plus haut point, c'est certain. Elle doit s'en mordre les doigts à l'heure qu'il est. Ma victoire est totale et sa résistance est vaine. J'avais juré de me venger sur ces misérables Héros qui entravaient ma route... c'est chose faite. Je suis curieux, je veux en savoir plus sur ma victoire, comment avez-vous procédé alors, mes chères sorcières ? quémanda le sombre roi souriant sans retenue. Il n'hésitait pas à se jeter des fleurs, son comportement était intolérable mais il faudrait le supporter encore un peu. Koume se réjouissait de la bonne humeur de son maître.
- Les légendes possèdent un savoir précieux. Il existe en ce monde un esprit capable de moduler les rêves de chacun comme s'il s'agissait des siens. Des songes dont il devient impossible de s'extraire. Je veux bien sûr parler du légendaire Poisson Rêve, qui sommeille en notre monde, dissimulé sous une montagne bien cachée, résuma la sorcière du feu ravie de son tour de magie tandis que Sheik n'en perdait pas une miette. Il allait enfin savoir le maléfice qui frappait son ami. Ce pourquoi il était si important d'agir dans l'ombre. Une sorcière sortit subitement d'une pièce juxtaposant la salle du trône, fort heureusement, elle n'avait pas pu apercevoir le Sheikah les observant sans un mot. Elle se déplaçait à l'aide d'un balai magique, cliché typique. Elle ressemblait trait pour trait à Koume à l'exception qu'elle était sorcière de glace et non de feu.
- Ma très chère soeur dit vrai. L'âme de Link est prisonnière des songes du Dieu des Rêves lui entravant la conscience. Il ne se doute de rien, pas même de sa défaite. Il a suffi de persuader cet idiot de poisson que le garçon ne supportait pas la laideur de ce monde et qu'il souhaitait retrouver sa tranquillité d'antan. Le Poisson Rêve a tenu à le prendre sous sa protection, jugeant la cause noble. L'élu de la déesse ne pourra jamais se défaire de l'emprise de ce dieu... expliqua la sorcière jumelle fière de son méfait. La nouvelle fit sourire Ganondorf de plus belle.
- Je vois, je possède désormais un beau trophée de chasse. Entre vie et mort, il ne peut plus lutter désormais, il ne le recherche même pas. Joli travail, je vous félicite. Les soeurs Twinrova ne faillissent pas à leur réputation, clama le seigneur du mal qui aurait volontiers applaudit les deux jumelles.
- Vous nous flattez, votre seigneurie, mais tout ceci n'est que juste retour des choses. Nous vous sommes entièrement dévouées et cela depuis votre plus tendre enfance... précisa Koume, s'inclinant. Elle ajouta à l'adresse de sa soeur, Kotake, pourquoi ne pas montrer la pièce que nous avons dédiée au seigneur pour sa victoire ? Il faut vite l'y conduire ! s'esclaffa-t-elle, applaudissant à tout va. Elles se permettaient des familiarités avec Ganondorf, plutôt étranges au vue du caractère du personnage. Celui-ci se laissa prendre au jeu et se leva de son trône fétiche pour s'éloigner en direction de la salle désignée par les sorcières.
- Bien sûr ! Bien sûr ! C'est juste là sire, si vous voulez bien entrer..."
Sheik perdit la suite de la conversation sans réussir à déceler le moindre mot ou clameur. Il lui était impossible de s'approcher, la première sorcière, Koume, attendait patiemment au coeur de la salle du trône que la visite s'achève. Le Sheikah se ressaisit ne sachant guère quoi penser. Au moins, Link était en bonne santé et nul ne lui ferait du mal, le Poisson Rêve s'en assurerait. Mais le mystère demeurait entier, comment sauver son ami de l'emprise d'un dieu persuadé de son juste raisonnement ? L'espoir commençait légèrement à le quitter. Zelda, sommeillant en le jeune homme, aurait volontiers versé une larme en souvenir de son ami disparu et de toutes ses années à flâner tranquillement. Que le temps du repos et des rires était lointain. Même leur voyage s'était toujours montré joyeux et léger. Ils avaient surmonté ensemble les dures épreuves ayant jalonné leur route. Désormais, ils se retrouvaient séparés, tous deux impuissants face à la grandeur de leur ennemi. Sheik fut interrompu dans le fil de ses pensées, la voix de Koume parut à ses oreilles, elle s'approchait dans sa direction, "Ton tour de garde n'est pas achevé ? Viens donc te joindre à nous, c'est un jour de fête pour le seigneur aujourd'hui ! Réjouis-toi, nous allons enfin connaître la paix !" s'exclama la sorcière visiblement sincère, Sheik en fut écoeuré. A quoi bon appeler cette mascarade une tentative de paix ? Il ne s'agissait ni plus ni moins que de la lutte pour le pouvoir. La situation était délicate, il devait s'en extirper au plus vite. "Je ne crois pas que mon rang convienne aux vôtres. Je ne peux pas me joindre à vous, je ..." commença le jeune homme décontenancé. Mais il ne parvint pas à fuir comme il l'aurait désiré, la sorcière insista de bonne humeur. "Tu es le jeune Sheikah qui passe inaperçu facilement, et pourtant tu sembles toujours avoir vécu ici. De plus, il paraît que tu es musicien, tu enchanterais Ganondorf avec tes airs..." A cet instant, Sheik regretta sa couverture, elle avait beau duper tout le monde, elle était aujourd'hui source de problèmes. Conservant son sang-froid malgré tout face à Koume des plus aimables, il répliqua "C'était avant de perdre mon instrument..." soupira-t-il faussement attristé. La sorcière réfléchit un instant et bondit sur place d'un seul coup, hystérique. Sheik l'observa un peu surpris. Celle-ci disparut un court instant et réapparut aussitôt, une lyre dans les mains. Le Sheikah n'avait pas peur de jouer devant elle, les connaissances et dons de Zelda étaient multiples, y compris en musique. La sorcière lui tandis l'objet fièrement "C'est une réplique exacte de la Harpe des Âges. On dit que celle-ci peut moduler le temps à loisir mais que seul un musicien légendaire saurait en jouer quelques notes. La rumeur court que tu possèdes un don extraordinaire, je ne pouvais donc pas te laisser le véritable exemplaire ! Mais ma magie a opéré pour cette réplique, elle devrait te convenir..." Le prétendu musicien se saisit de l'objet en remerciant gracieusement la sorcière qui semblait s'être donné du mal pour entendre Sheik jouer. Celui-ci s'exécuta alors, ses doigts frêles frôlèrent l'extrémité des cordes. Peu à peu, il prit l'habitude de l'objet, s'habitua à sa forme et à sa sensibilité. Le Sheikah se mit à pincer les cordes avec délicatesse, tirant de l'instrument une musique envoûtante bien que d'une tristesse affligeante. Zelda, au fin fond de ce camouflage, aurait volontiers dédié cet air à son ami, qui peut-être, l'entendait malgré tout. Koume écouta l'envolée lyrique sans un mot, visiblement subjuguée par le potentiel du jeune homme qui ne cessait guère la poésie envoûtante avec laquelle il maniait la lyre. Tout cela n'avait pas duré plus d'une minute, et pourtant le temps avait semblé se figer dès que Sheik avait frôlé l'objet. Quiconque aurait entendu son talent l'aurait appelé virtuose, mais cela, il ne le devait qu'à Zelda et à son agilité soudaine. La sorcière demeura un instant abasourdie puis reprit ses esprits, visiblement charmée, "Tu es incroyable. Je ne suis probablement pas une mélomane remarquable, mais la rumeur à ton sujet disait vrai. Tu devrais bien vite te démarquer des autres. Si notre roi te remarque, peut-être pourrais-tu posséder la Harpe des Ages pour agir selon ses souhaits... Tu as là un don exceptionnel. Je compte sur toi pour revenir souvent me jouer de la lyre ! Je te laisse celle-ci en attendant, même si tu n'as guère besoin d'entrainement, c'est certain..." Sheik observa un instant l'objet, une lueur d'enthousiasme au fond du regard. Cette Harpe des Âges pourrait bien lui servir pour délivrer son ami, il lui fallait juste en connaître l'emplacement... Et charmer un peu plus son interlocutrice, "Je serai ravi de pouvoir servir ainsi mon seigneur, c'est un honneur. Mais... Cette Harpe a-t-elle été découverte ? Savez-vous où je pourrais la trouver ?" demanda-t-il assez direct, mais Koume semblait d'assez bonne humeur pour lui répondre immédiatement sans s'en formaliser. Elle sourit l'air enchanté et ajouta "Oui, moi et ma soeur possédons une tour dédiée à notre art. Nous y avons collecté quelques objets rares et exceptionnels, dont cette harpe. Si jamais tu viens par chez nous, n'hésite pas à frapper à la porte, je serai ravie de te la montrer ! Mais ne cherche pas à t'enfuir avec bien sûr, elle est la propriété seule de Ganondorf." Elle s'éloigna, rejoignant Kotake qui ressortit peu après de la pièce avec son maître visiblement enchanté. Ils ne prirent pas la peine de constater la présence du Sheikah non loin, son insignifiance étant l'oeuvre du talisman. Il s'en réjouit et en profita pour se diriger vers la soi-disant salle où ils détenaient Link. Des rires s'entendaient, émanant de la salle du trône.
Sheik n'eut pas à marcher bien longtemps, la salle était effectivement juxtaposée à celle du trône où Ganondorf passait la plupart de son temps. Une première pièce fut à franchir, ouverte au public, elle n'existait que pour afficher des trophées du seigneur du mal, tel que des monstres empaillés et autres atrocités qu'il avait pu commettre et que ses sbires avaient trouvé bon de gratifier. Il était visiblement considéré comme un dieu pour la plupart des habitants, ou tout du moins étaient-ils forcés. L'égo de Ganondorf semblait bien se porter... Sheik pénétra la seconde pièce, bien plus éclairée, en raison de la lumière du jour crépusculaire pénétrant par l'une des fenêtres principales. Le sol était dallé et le style assez épuré tout en restant dans des teintes rouge sang. Au centre de la pièce, pour seul et unique aménagement, une table en rubis sur laquelle sommeillait un Hylien paraissant dormir depuis une éternité. Link était calme et ses rêves paraissaient doux. Avait-il déjà oublié son combat ? Adulait-il Ganondorf ? Le Sheikah n'osa pas le toucher, de peur d'être vu et que ceci soit considéré comme acte de haute trahison. Sheik demeurait de marbre, fixant la scène avec un certain détachement et pourtant au fond de lui, l'âme de Zelda se brisa, comme si celle-ci désirait éclater en larmes sans s'arrêter. Le visage triste, le Sheikah murmura quelques mots, affligé, "Nous aurais-tu déjà abandonné, Link ? Tu n'as pas le droit d'arrêter le combat aussi facilement. Cela ne te ressemble pas... Cherches-tu à causer de la peine à Zelda ? Je te croyais plus malin que cela... et plus dévoué... à ton unique amie d'enfance ayant demeuré à tes côtés..." Zelda parlant au travers de Sheik se retint aussitôt, comprenant que de telles paroles étaient un risque pour le groupe entier. Elle préféra bien vite quitter la salle, inconsolable. Elle irait pleurer au coeur de l'aile du palais abandonnée... là où personne ne viendrait la déranger... Pas même Link...
La jeune fille avait l'impression d'avoir pleuré depuis plusieurs heures déjà, sans que sa sensibilité n'atteigne Sheik, qui restait de marbre. Cette partie d'elle-même encaissait à sa façon la nouvelle. Le Poisson Rêve retenait son ami pour l'éternité. Une magie suffisamment puissante pour tout lui faire oublier du monde extérieur. Un maléfice qui lui faisait ainsi tout annihiler. Nulle souffrance pour lui, il s'agissait là d'un égoïsme qu'il n'avait guère choisi. Mais l'approuverait-il désormais ? Il était plongé dans une illusion tellement parfaite, son visage avait eu l'air si détendu. Ganondorf ne le malmenait pas, il se contentait de torturer ses amis restés à l'attendre. Il savait pertinemment que les traîtres jonchaient son palais. Mais à quoi bon les arrêter quand on peut leur faire abandonner tout espoir de retrouver le Héros de la déesse Hylia ? La jeune fille s'écroula, murmurant à qui souhaiterait l'entendre "Pourtant... Je ne te demandais pas d'endosser ce rôle... Ganondorf n'a rien compris. Je ne veux pas que l'on me rende le Héros de la légende... Je veux simplement retrouver mon ami d'enfance... Entre sauver le monde et sa vie... Peut-être, que, je choisirais..." souffla-t-elle avant de se stopper, incapable de poursuivre. Elle était la Princesse de la Destinée et ses sentiments ne devaient probablement pas influencer son choix. Une présence rassurante vient l'envelopper soudainement. Fay se tenait à ses côtés, tandis que l'ombre avait glissé jusqu'à elle, tout du moins virtuellement. Il l'enveloppait de toute l'amitié dont il disposait pour la rassurer, tendant une main dans le gouffre où elle avait souhaité rester un instant pour une vie entière. Tout du moins mentalement, physiquement, il se tenait devant Sheik, sans le moindre contact, les yeux vidés d'une émotion quelconque. Et pourtant en sondant son coeur, sa compassion était palpable.
"Tu ne dois pas craindre Ganondorf. Le Dieu des Rêves n'est pas un obstacle à notre projet. Continue à te montrer forte, nous sommes là pour te guider jusqu'à lui. Il acceptera certainement de nous écouter et de libérer Link."
La jeune fille le dévisagea d'un oeil neuf, dans cet univers hors du temps. Immédiatement, elle reprit tout son sérieux, revêtant son corps d'emprunt. Fay vint accompagner les dires du guide sage. "Tu peux nous faire confiance. J'ai déjà fait des recherches sur cette entité. Elle est bien réelle et son enveloppe corporelle vit non loin du palais, au coeur d'un volcan devenu source chaude. Il y a établi ses quartiers et passe la plupart de son temps à dormir, se nourrissant des rêves d'autrui, les accomplissant... d'une certaine manière..." La femme de cristal sourit, se voulant fondamentalement optimiste. Elle avait conduit maints héros à la victoire et savait désormais combien la chose était possible. Le Sheikah se permit de réfuter, une pointe de scepticisme au fond de la gorge "Mais Ganondorf a obtenu son accord... Il y a peu de chance qu'il accepte de nous écouter..." Les deux compagnons hochèrent négativement de la tête immédiatement.
"Il n'a jamais été du côté de l'ennemi. Il est fondamentalement bon. Le voyage prendra probablement un peu de temps, mais si tu es prêt, nous pouvons partir dès à présent. Cela te rassurera probablement."
Le Sheikah approuva l'idée. Il se rapprocha non loin d'une fenêtre dépourvue de vitre. La température était chaude et cela ne dérangeait guère, au contraire, l'extérieur était plus attrayant que la froideur permanente du palais. Une vie entière à se cacher. Une terre carbonisée et un soleil mourant. Le monde lui-même ne pouvait supporter la suprématie du malin. Avec un monde aussi dévasté, sans vie, sans végétation ou rares spécimens, il était difficile d'évaluer l'heure correctement. Fay se posta devant la fenêtre, tranchant net avec le paysage chargé de ténèbres et de sang. Elle n'était que bleu cristallin et lumière. Elle émettait une douce chaleur, destinée à redonner courage à quiconque accepterait sa force. "J'ai confié le plan du chemin à Dark Link, je vais partir devant en éclaireur. Si des sbires de Ganondorf se dressent sur notre route, je vous en ferai immédiatement part. Les itinéraires sont nombreux, nous devrions les éviter sans peine et ainsi passer inaperçus." expliqua-t-elle assez rapidement. A peine avait-elle clos le sujet qu'elle s'envola en direction du lointain. L'ombre sourit, faiblement, mais une lueur d'amusement semblait briller au fond de son regard. Il avait beau se parer de silence et de mystère, il n'en restait pas moins sympathique et le voyage promettait à ses côtés. Il changerait de Link toujours de bonne humeur, à ne pas hésiter à ponctuer la route de commentaires divers.
"La route sera longue. Suis-moi, je nous mènerai à bon port sans encombre."
***
Les jours passèrent bien vite, le chemin ne s'était pas montré particulièrement long jusqu'à présent et ils approchaient du but. Néanmoins, des gardes semblaient joncher les diverses routes menant au Poisson Rêve. Sans Fay pour les guider vers les chemins dégagés, ils n'auraient probablement pas pu continuer leur mission. Hors du palais, une ambiance de mort régnait et rendait le voyage oppressant. Sheik n'avait guère osé parler à son ami les jours précédents, préférant se concentrer et ainsi éviter une embuscade probable. Les chemins n'étaient pas vraiment sûrs en ces jours incertains. Zelda enfouie parmi son camouflage inatteignable, dans une carapace semblant contenir toute émotion vint finalement s'exprimer quand la route devint plus sûre. Plus les deux amis s'éloignaient du palais, moins les sbires allaient et venaient réaliser des tours de garde. Quand le danger s'éloigna donc, la conversation s'installa naturellement entre les deux êtres.
"Tu... Tu crois que nous avons un espoir de tirer Link hors de son sommeil ? demanda finalement la princesse ne se cachant pas de ses intentions. Elle ne pouvait ôter de son esprit l'image de son ami assoupi... pour l'éternité sans que son âme n'ait quitté réellement son corps.
- Je pense que nous avons les pouvoirs pour. Le Poisson Rêve peut décider de nous bouter, nous aurons toujours l'espoir en nous et la force de nous rebeller contre la suprématie de Ganondorf. Peu importe si les dieux se mettent en travers de notre route, nous sommes un peu... entêtés... sourit l'ombre le pas lent, il semblait vouloir profiter de la conversation au mieux. Son visage de cendres s'accordait parfaitement au paysage et lui conférait un caractère plutôt mystérieux.
- Je sais que je peux te faire confiance. Mais... écoute-moi... et ne trouve pas cette question un peu bizarre... souffla la jeune fille hésitante, elle ne désirait pas blesser son compagnon de route ou bien encore rendre les relations tendues. Malgré tout, elle ajouta gênée, est-ce que tu es vraiment de notre côté ?
- ... l'homme sombre marqua un temps de pause comme s'il s'était préparé à la question. Il sourit tristement, se remettant à faire quelques pas lentement. Il dévisagea son amie sans la moindre peur et finit par répondre, je suis de votre côté. Je savais que tu finirais par me poser cette interrogation. Tu es intelligente, et tu as bien vite compris que je jouais double jeu, n'est-ce pas ?
- Oui... J'ai commencé à avoir des doutes quand tu t'es joint à moi dans le but de sauver Link. Ton pouvoir m'a troublée... Et tu connaissais l'ennemi, tu connaissais ce pendentif... J'ai compris quand nous nous sommes alliés au palais... Tu peux te pavaner librement où tu le désires sans que nul ne te demande pourquoi... souffla Zelda plantant son regard dans celui du coupable qui ne semblait pas chercher à le nier. Cela la rassura, il ne les trompait pas visiblement, il ne jouait pas. Son regard pénétrant ne laissait entrevoir qu'une infinie tendresse pour le duo jadis réuni et luttant main dans la main. Il tenait beaucoup à Link, même s'il ne le laissait pas forcément paraître, ses actes étaient là pour témoigner de sa sincérité.
- Oui c'est exact, tu as deviné ce que, je pense, Link soupçonne également. Je travaille soi-disant pour Ganondorf. Dans ce monde, je suis considéré comme une de ses plus fidèles recrues, bien que volatile. Et je me dois de conserver cette image si je veux parvenir à mon but. Fay est heureusement là pour me soutenir et nul ne l'a découverte pour le moment, bien que son existence soit taboue. Je ne suis pas là pour vous cacher des choses, à toi et à Link. Tu te souviens probablement de notre conversation, il y a fort longtemps, au coeur de la vallée de Lanelle devenue poussière aujourd'hui. Je me bats pour le libre arbitre des hommes. Je me bats pour que le temps reste à sa place ! Et c'est encore vrai aujourd'hui ! s'exclama le guide s'emportant légèrement, enflammé par ce but qu'il n'avait de cesse d'atteindre et de perdre aussitôt. Il ajouta, d'une voix plus douce et affligée, le regard empli d'une profonde tristesse, mais cela se stoppe là. Oui, je peux paraître lunatique. Je peux paraître distant. Je peux aussi donner l'impression de cacher des choses. Mais il existe des données qui de par leur simple existence sont immuables. Je ne peux jouer carte sur table car ma position est délicate. Je suis sur le point d'accomplir ce pourquoi j'ai toujours existé. Désolé si pour cela tu te dois de me trouver taiseux et secret. Navré si tu me juges comme un ennemi par bien des égards... déclara Dark Link en fuyant le regard de son amie, comme s'il n'était plus digne de la regarder dans les yeux. Etait-il torturé par certaines décisions qu'il se devait de suivre ? Regrettait-il parfois son choix ? Zelda comptait bien lui ôter un poids.
- Tu n'as pas à chercher des excuses sans cesse ainsi. Tu es devenu ce que tu es par tes actes. Peu importe si tu es dans le camp de Ganondorf. Je sais que tu nous aides sincèrement, ton regard parle pour toi, tes secrets n'ont alors pas d'importance quand on peut contempler le miroir d'une âme aussi pure que la tienne, répondit simplement la princesse attendrie par une ombre qu'elle considérait désormais comme une véritable amie. Elle ajouta, ce pouvoir de stopper le temps, il te vient de Ganondorf ? De la même manière qu'il peut maîtriser celui de Link ?
- C'est exact. C'est un don précieux que je ne peux pas me permettre de gâcher. Il peut nous sauver, il peut même rivaliser contre les pouvoirs de Ganondorf. Si un jour les choses tournent mal, j'utiliserai mon don contre lui, et non contre vous ! assura l'homme plus serein. Il n'était pas revenu sur les paroles de son amie, mais en paraissait touché.
- Je vois... Notre ennemi est définitivement plus fort que je l'imaginais... conclut Zelda tandis que Sheik repris peu à peu le dessus, au fur et à mesure que la conversation s'amenuisait."
Environ une heure après la discussion mouvementée entre les deux compagnons de voyage, Fay apparut à leurs côtés, radieuse. Sans un mot, elle désigna une gigantesque montagne se trouvant à deux pas. Une grotte se laissait entr'apercevoir au loin. La femme de cristal loin d'être aussi froide que le fil d'une épée déclara joyeusement "Nous sommes arrivés à bon port !" Les deux amis furent ravis par la nouvelle. Ils allaient pouvoir délaisser un instant le paysage morbide et carbonisé pour pénétrer la caverne d'un dieu mythique, l'intérieur promettait. Remerciant Fay, l'éclaireuse de fortune, ils s'engouffrèrent en quête de leur destinée.
Contrairement à ce qu'ils avaient imaginé, la caverne brillait par sa simplicité. Aucune fioriture, pas même un temple à l'effigie du dieu. Seul un immense lac se reflétant sur les parois de la grotte était décelable. Une immense forme au centre semblait s'y baigner sans pour autant donner de signe de vie malgré l'arrivée d'étrangers. Une brume opaque et épaisse remplissait les lieux, une certaine moiteur était palpable. Les limbes du sommeil et des songes inachevés entouraient le Dieu des Rêves. Au coeur d'un lac ayant le goût des larmes, des âmes flottaient auprès de l'immense poisson qui, par bien des aspects, bien qu'indiscernable parmi les brumes, paraissait pareil à une baleine de taille normale. Sheik hurla quand il observa la scène étrange plus en détail, "Link !" s'écria-t-il dans un hoquet de surprise. Il était bien rare qu'il laisse transparaître ses émotions, mais les sentiments de Zelda avaient pris le dessus un court instant. Les âmes prisonnières rêveuses de liberté possédaient toutes un visage, celui qu'elles revêtaient sous forme humaine et charnelle. L'âme de Link était bien visible par-delà la brume, flottant innocemment auprès du Poisson Rêve qui lentement laissait entrevoir son visage. Les limbes revêtirent peu à peu un ciel duveteux et agréable. Les songes du dieu endormi pénétrèrent les consciences de ses hôtes, les transportant dans un univers tout autre. Le brouillard se muant en nuages, l'eau en ciel clair et limpide. Un soleil d'un jaune aveuglant demeurait tapi derrière quelques cumulus laiteux. Dans ce rêve devenant réalité, toute notion de temps et d'espace s'effaça. Le Poisson Rêve apparut, immuable, imposant et pourtant si serein, si agréable. Dans ses rêves, il n'y avait pas de place pour le mal, tout n'était que repos et quiétude et sa forme était encore plus belle et envoûtante que dans la caverne. Il se jouait de la perception du groupe subjugué, ne s'étonnant guère de flotter parmi les nuages. Le dieu ressemblait bel et bien à un magnifique animal marin croisement entre baleine et poisson plus classique. Il possédait une peau très claire aux multiples reflets turquoise et une cascade de tatouages symboliques déferlait sur son corps, accentuant son regard et son bas ventre, plus blanc. Son corps n'était pas entièrement nu, il portait des ornements, ici et là. Sur ses nageoires et sa caudale principale, des anneaux d'or brillaient de mille feux. Son dos était parsemé de draps délicats formant de multiples motifs et voletant aux vents. Bleu, rouge et or transparaissaient avec grâce dans le ciel. Un voile s'était posé sur le haut de son crâne, entourant un visage sympathique et délicat. Il était pourvu de deux ailes en plus de ses nageoires d'une blancheur extraordinaire. Elles lui permettaient de voler insouciant dans le ciel, comparable à une colombe de pureté. Jamais Sheik n'avait vu un animal marin aussi beau. A ses côtés, parmi le paysage idyllique, l'âme du Héros de la déesse Hylia flottait. Sentait-il le vent sur sa joue ? Entendait-il les râles du Poisson Rêve ? Le chant des oiseaux aux plumes de neige ? Link demeurait les yeux clos, à l'inverse des deux pupilles noires du dieu bien ouverte. Il s'adressa au groupe en ces termes :
"Vous êtes les bienvenus en ces lieux. Tout ceci est mon oeuvre, et celle de votre ami. Mon domaine ne s'adresse qu'aux âmes pures et celles qui en sont jugées dignes. Vous appartenez à cette catégorie, ma sensibilité propre me l'assure. Je suis enchanté de vous rencontrer, nobles voyageurs, salua le Dieu des Rêves dans un registre des plus codifiés. Sa voix possédait un ton grave qui s'accordait parfaitement à la situation.
- Nous vous saluons, Poisson-Rêve. Savez-vous la raison de notre venue pour ainsi nous accueillir ou prodiguez-vous accueil semblable pour tous ceux pénétrant au coeur de votre antre ? questionna l'ombre préférant engager prudemment la conversation. Se lancer dans le vif du sujet n'aurait pas été bon, après tout, Koume et Kotake étaient parvenues à convaincre le dieu.
- Je vous ai plongé dans cet univers de rêve uniquement parce que vous en étiez dignes. Les personnes impures et impropres à mon jugement ne peuvent même pas m'apercevoir, la brume est encore plus épaisse que celle que vous avez dû apercevoir à l'intérieur de la caverne. Un champ de force les empêche de m'atteindre. Mon domaine est entièrement protégé des intrus mal intentionnés, expliqua le poisson ailé flottant avec grâce parmi les nuages confortables. Il concéda par la suite, je ne peux sonder vos pensées sans raison valable. Je sais que si vous êtes venus me chercher, c'est pour une excellente raison, mais je ne peux en deviner la cause. Il vous faudra m'expliquer et faire preuve de patience, mes services sont souvent durs à obtenir et nombreux sont ceux qui échouent.
- Si vous ne savez absolument pas ce que nous souhaitons, pourquoi avoir emmené l'âme de ce jeune homme à vos côtés ? questionna Sheik avec calme et parcimonie. Zelda en lui aurait tant voulu en savoir plus, elle bouillonnait sans pouvoir agir néanmoins.
- Il y a deux raisons à cela, jeune homme. Tout d'abord, j'ai lu ses rêves, je connais absolument tout de ce Héros et je sais qu'il est rattaché à vous deux... Dark Link et Fay. En revanche, toi, il n'est nullement mention de ton existence dans son esprit... Te serais-tu joins à cette quête uniquement pour les épauler ? questionna le Dieu des rêves intrigué par la présence de Sheik. Puis il ajouta se souvenant de ses paroles, la deuxième raison quant à elle, et plus personnelle. Il existe des gens tellement hors du commun, tellement hors du temps. Il est l'élu de la Déesse Hylia, et puisqu'il a été arraché aussi brutalement de son époque, je ne peux que l'aider à trouver la paix en son coeur. Je suis son nouveau protecteur, bien décidé à lui faire oublier une vie de misère.
- ... Sheik ne préféra pas répondre sincèrement au Poisson Rêve. Il renfermait Zelda au plus profond de son coeur, mais personne en cette terre ne devait le savoir, pas même un dieu fondamentalement bon. Ainsi, il déclara, c'est exact. Je suis bien décidé à les aider dans leur quête touchante. Aussi, je vous prie d'accorder grande importance à leur requête.
- Nous avons voyagé au coeur de cet Hyrule dévasté dans le seul espoir de pouvoir vous rencontrer. Vous avez vu juste en amenant jusqu'ici l'âme de notre ami, Link. Nous venons vous demander sa libération ! Il ne peut pas dormir éternellement ainsi, c'est injuste pour lui et pour les peuples qui attendent un sauveur disparu... souffla Fay essayant de soigner ses mots tout en allant droit au but. Sa condition lui permettait une retenue moindre en comparaison de simples mortels.
- Voyons, pourquoi autoriserai-je un tel acte ? Je rends ce jeune homme heureux désormais, vous n'avez plus à vous inquiéter pour lui. Ganondorf a déjà agi, il est trop tard pour ce monde. Cet élu n'a plus de rôle concret, laissez-moi donc le glorifier à ma manière. Je le protégerai envers et contre tous, même de vous, ses anciens amis... contesta le Dieu des Rêves le regard sévère malgré une voix aussi suave qu'un songe doux et agréable. Il n'allait pas être facile à convaincre, le groupe se mit à douter de sa réussite.
- Nous pouvons encore arrêter Ganondorf ! Seulement, à cette fin, l'élu de la Déesse Hylia est nécessaire ! Pourquoi refusez-vous de lui laisser ouvrir les yeux ? Vous croyez que se bercer d'Illusion est la meilleure vie qui puisse lui être offerte ? Vous pensez que nous ne méritons aucune seconde chance ? se rebella l'ombre les sourcils froncés et la voix pourtant très calme. Ses paroles étaient assez dures mais se nuançaient par sa quiétude permanente qui laissait entrevoir un sang-froid hors du commun.
- Ganondorf est aussi puissant qu'un dieu, et son pouvoir ne cesse de s'étendre de jour en jour. Bientôt il pourra détrôner les grandes déesses. Ne cherchez plus à lui nuire. J'ai beau vouloir voir le bien l'emporter, ma vision ne se résume pas uniquement à votre conflit manichéiste. Je tranche en la faveur de mes hôtes. Ces deux sorcières m'ont confié l'âme de ce jeune homme égaré, perdu en une terre inconnue. Je suis le seul pouvant l'aider, poursuivit le Dieu des Rêves buté dans son idée, sans trop accorder d'importance aux arguments du groupe. Il ajouta comme pour étayer son discours, la jeune femme qu'il aime beaucoup, son amie d'enfance, Zelda, n'est même pas présente. Vous semblez bien plus l'avoir abandonné que vous le prétendez...
- ... Sheik écarquilla les yeux, prenant de tels propos directement comme une atteinte personnelle. Il ne pouvait pas rester sans réagir. Il déclara, tentant le tout pour le tout, vous pouvez sonder mon esprit, vous n'y trouverez que du vide. Néanmoins en mon coeur, une âme jumelle s'est jointe à moi. Si vous cherchez plus profondément en moi, vous la trouverez, et ce que vous découvrirez ne pourra que démentir vos propos. Zelda ferait n'importe quoi pour son ami, mais elle est prudente, elle sait que la Princesse de la Destinée ne serait pas bien accueillie auprès de Ganondorf..."
Intrigué par le jeune homme qu'il ne connaissait guère, le Poisson Rêve fonça , tête baissé, au coeur de l'âme de Sheik, suivant les instructions de l'inconnu. Il fouilla tant bien que mal sa conscience, cherchant ses rêves et ses peurs, son passé et son futur. Mais à sa grande surprise, il n'y trouva rien. Ni souvenir, ni présent. Il s'agissait là d'une enveloppe vide, un maléfice ingénieux, qui comportait très certainement une faille. Il chercha quelques instants et finit par découvrir l'esprit de Zelda, subjugué par le pouvoir de l'amulette qu'elle portait autour de son cou, et des sacrifices qu'elle avait accepté sans broncher à la simple pensée de venir en aide à son ami. Faisant fi des convenances, il révéla au grand jour la jeune fille, préférant jouer carte sur table. Un halo de lumière enveloppa Sheik qui redevint ce qu'il avait toujours été, pour un bref instant.
"Princesse Zelda... Tu étais donc en ce jeune homme tout ce temps. Ne crains pas l'influence de Ganondorf et de ses sbires. En mon domaine, nul ne pourra savoir où vous vous trouvez. Ton aura est brouillée, et combien même les sorcières à son service possèdent de grands pouvoir, elles ne pourront rien contre un dieu bien informé, souffla le poisson ailé d'une voix sage, balloté par le vent frais.
- Cela signifie-t-il que vous acceptez de nous venir en aide ? demanda la princesse de sa voix cristalline retrouvée pour un cours instant. Elle n'avait pas de temps à perdre, son coeur battait à tout rompre dès qu'elle apercevait Link flottant innocemment auprès de son prétendu protecteur entravant sa liberté.
- Absolument pas. Je n'ai pas dit cela, refusa catégoriquement le dieu décidément têtu. Il ne semblait pas vouloir revenir sur sa décision. Il ajouta, je désirais simplement vous voir, rien de plus. Même si je souhaitais vous aider, je serais dans la totale incapacité de donner suite à votre requête. Les sorcières qui sont venues me voir un peu plus tôt ont conclu avec moi un pacte. Et celui-ci est indissociable. Je ne peux le briser que si elles le désirent également, ou si bien sûr, la cible du pacte, Link, change brutalement de nature, si tout ce qui le définit disparaît. Et tant qu'il sera sous ma protection, cela n'arrivera pas, expliqua le dieu intransigeant, il en devenait presque menaçant. Le ciel commença à se couvrir et à s'assombrir.
- Vous n'avez pas le droit de le laisser ainsi ! Qu'il y est eu pacte ou non ! Vous devez faire quelque chose ! insista Fay comprenant la douleur de la princesse entièrement démunie. Ce dieu lui retirait son seul espoir d'action, et il n'en avait même pas conscience, en décalage total avec son temps.
- Je n'ai qu'une parole, trancha le Poisson Rêve devenant tout de suite bien moins sympathique.
- S'il vous plait, nous avons besoin de lui ! J'ai besoin de lui ! C'est lâche de le laisser oublier ainsi ! Il ne désirerait pas ça ! Il n'a pas le droit de nous abandonner ! Il ne voudrait certainement pas agir ainsi ! Vous abusez totalement de votre statut ! Vous êtes un dieu clément et bon ! Vous n'avez pas le droit de nous refuser ça ! s'acharna la Princesse de la Destinée se moquant bien de la réaction entière du groupe, peut-être même de la terre entière. Elle aurait donné n'importe quoi pour sauver son ami avant que tout ne soit perdu.
- Vos voix commencent à m'agacer. La conversation est terminée, nous avons bien suffisamment bavassé, conclut brutalement le Poisson Rêve faisant preuve d'un égoïsme certain. Pour un dieu fondamentalement bon, il lui arrivait d'agir bien mal, son jugement altéré par celui de Koume et Kotake.
- Non ! Attendez ! tenta Dark Link tandis que le songe du Dieu des Rêves s'effaçait peu à peu de leur conscience. Tout était perdu."
Lorsque l'ombre rouvrit les yeux, la caverne du Poisson Rêve se trouvait devant lui, une brume peu épaisse l'entourant. A ses côtés, penchée sur les rives du lac salé, Zelda pleurait sans un mot. Inconsolable. Fay jeta un regard désolé à son maître qui ne savait guère comment réagir. Il n'était pas plus avancé que la jeune fille, et rien de ce qu'il n'avait à lui dire ne supprimerait ses pleurs et son infinie tristesse. Les murmures plaintifs de la princesse vinrent bientôt s'élever faiblement, imperceptible pour quiconque ne possédant pas une oreille fine "Link, Link, s'il te plait, réveille-toi ! Link, ne me laisse pas ! " hoquetait-elle perdue sans le chevalier qu'elle avait continuellement suivi. Celui-là même qui égayait ses journées. Aujourd'hui, il n'était pas là pour elle, alors qu'elle aurait plus que jamais eu besoin de cette présence familière et indispensable. Faisant écho à la tristesse de la jeune femme, un volcan explosa au loin. De légères secousses parvinrent jusqu'à l'emplacement du groupe qui se contrefichait bien de cet événement banal en une telle époque dévastée. Perdue dans ses pensées aussi vides qu'un gouffre insondable, Zelda continuait d'appeler son ami, dans l'espoir de l'apercevoir au coeur du lac du Poisson Rêve, mais rien n'y fit. Elle espérait de tout coeur percer la magie de l'insondable insoutenable et toucher son ami par-delà des années et des lieues de songes illusoires. La main rassurante de Dark Link vint se poser sur l'épaule de Zelda se stoppant ainsi un court instant pour écouter les précieux conseils de son ami.
"Ce dieu cherchait à nous décourager, et il ne doit pas y parvenir. Les solutions sont nombreuses, tu dois croire en nous. Nous réussirons, le règne de Ganondorf touche à sa fin. Mes paroles sont peut-être dérisoires suite à pareille conversation, mais elles n'en demeurent pas moins vraies. Revêt ce camouflage qui est tient, arbore fièrement ce pendentif qui te protège et te confère une nouvelle vie. Notre quête est loin d'être terminée."
Se relevant le pas à la fois lourd et léger, Sheik entama le voyage de retour auprès de ses amis compatissants.
***
Les jours passèrent à nouveau. Zelda était devenue très silencieuse, acceptant difficilement la dure réalité, Sheik encaissait à sa façon la tristesse de celle qui habitait son corps. Dark Link et Fay s'absentaient souvent pour tenter de trouver une solution au plus vite, mais les pistes s'amoindrissaient au fur et à mesure. La donne changea lorsque Sheik décida de se rendre pour la seconde fois au chevet de Link, afin d'observer ce corps endormi à jamais. Son escapade passa inaperçue pour la plupart des sbires bien trop occupés à flatter Ganondorf qui avait entrepris une fête s'étalant sur plusieurs jours. Tandis que Sheik observait l'élu sans la moindre émotion, se contenant avec prudence et retenue, un homme s'approcha discrètement. Sheik entendit son bruit de pas, et crut même le reconnaître parmi les souvenirs de la princesse. Lorsque la voix s'éleva au coeur du silence mortuaire, le Sheikah fut sûr de lui.
"C'est une bien triste scène n'est-ce-pas ? Un châtiment pire que la mort, sans nulle possibilité de fuite. Sans même pouvoir se battre pour obtenir sa liberté. Ce garçon a perdu son humanité dès lors qu'on a commencé à contrôler sa vie... souffla l'inconnu à la peau marron et brillante, très en valeur dans un tel lieu aux couleurs à la fois chaudes et ténébreuses. Ses cheveux d'argent luisaient à la lumière des torches. Sheik l'aurait reconnu entre milles. Pouvait-il faire confiance à ce rival d'un jour ? Qu'était-il devenu à présent ? Il devait tâcher d'en apprendre plus.
- Oui, je suis du même avis que vous. Il n'a probablement pas choisi cette situation injuste. Je me nomme Sheik, je ne suis qu'un humble ménestrel au service de sa majesté... souffla le Sheikah agissant prudemment face à l'homme dont les reflets d'ambre embellissaient la peau.
- J'ai rejoint ce monde depuis peu, dans l'optique de me rendre utile, c'est là ma destinée. Je suis l'épée qui guide les âmes démoniaques. On m'a toujours appelé Ghirahim, c'est donc ainsi que je me définis, se présenta humblement l'épéiste semblant avoir appris la retenu depuis les dernières fois où ils s'étaient vu.
- Vous plaignez le sort d'un prisonnier, c'est peu banal. Ganondorf n'apprécierait pas votre comportement, vous savez. Loin de moi l'idée de vous en blâmer, en tant que barde, j'ai acquis une grande sensibilité. Cette cause désespérée éveille en moi un puissant sentiment d'injustice, poursuivit Sheik tentant d'en savoir plus sur la position bien incertaine du rival.
- Je vais être franc avec vous, qu'importe si cela me coûte mon poste, mais votre visage me rappelle quelque chose, votre regard, votre air. Alors à cette impression, je vous accorde ma confiance. C'est peut être téméraire mais peu m'importe. Je suis né dans l'ultime but de servir le mal. Mon premier maître fut l'Avatar du Néant, je me suis aujourd'hui tourné vers sa réincarnation directe, Ganondorf. Mais ce travail ne me plait pas pour autant. Néanmoins... Une épée peut-elle contester les actes de son maître ? Je suis contraint de suivre un chemin que j'ai emprunté avec joie il y a fort longtemps et qu'aujourd'hui je ne peux que regretter... expliqua Ghirahim en ne quittant pas le corps inanimé de Link des yeux. Sa sincérité toucha Sheik, leur ennemi premier avait bien changé.
- Je connais l'histoire d'Hyrule, je vois parfaitement de quoi vous voulez parler. Vous étiez donc présent pour l'avènement de la Déesse Hylia. C'est impressionnant de croiser un être immortel à l'apparence aussi jeune, félicita le Sheikah impressionné par l'âme anciennement descellée par Link. Sheik poursuivit son petit interrogatoire déguisé en déclarant par la suite, vous connaissiez ce jeune garçon pour être venu l'observer, tout comme moi ?
- Oui. Je lui dois beaucoup, c'est parce qu'il était l'élu de la déesse Hylia que j'ai pu recouvrer la liberté. Et pourtant, en ce temps, je n'avais qu'une idée : me venger de ceux qui m'avaient emprisonné ici-bas. A cette époque, je n'avais pas compris que j'étais le seul fautif de ma destinée. Je suis bien trop lâche pour quitter les rangs de Ganondorf. Je me conforme à ce que l'on attend de moi. Mais j'ai beaucoup d'affection pour lui. Il s'appelle Link, il possède un grand courage et je suis son rival attitré. Et vous ? Vous le connaissez ? demanda Ghirahim après une explication qui plut à Sheik. L'épéiste allait peut-être pouvoir les aider.
- Pas personnellement, non. J'ai rejoint un certain Dark Link, que vous devez connaître j'imagine, il est assez réputé dans le palais. Celui-ci s'est mis en tête de libérer ce... Link de l'emprise du Poisson Rêve. Vous m'avez l'air digne de confiance et sincère, si vous désirez vous joindre à nous, n'hésitez pas, proposa le jeune homme préférant feindre l'ignorance concernant le Héros du Temps endormi.
- Je me doutais depuis un bon moment qu'il agissait faussement au compte de Ganondorf. Je vois, votre acte est salutaire. Je suis garde du corps de Koume et Kotake, je vis auprès d'elles dans leurs quartiers. Ce sont-elles qui sont à l'origine du sort de Link. Je ne peux pas disparaître ainsi, elles le remarqueraient et je mettrais fin à votre courage. Non, en revanche, je pense que mes informations peuvent être utiles. Bien que cet élu soit mon ennemi, je trouve injuste qu'il n'ait pu se battre réellement contre Ganondorf. Il mérite une seconde chance, accorda l'âme descellée qui commença à se retirer, quittant la pièce. Au moment de passer aux côtés de Sheik, il déclara à voix basse, je sais que le Poisson Rêve est lié par un pacte. Ce n'est donc pas ainsi qu'on peut lui venir en aide. Néanmoins, chez les sorcières Gerudos, il existe beaucoup d'objets rares. Elles m'ont récemment confié de garder un masque qui pourrait changer la nature de Link, à tel point que le pacte serait nul et non-avenu... Je vous attendrais demain, tôt dans l'après-midi, à cet endroit même, les sorcières seront auprès de Ganondorf à ce moment-là, souffla-t-il bien informé en s'éclipsant aussitôt. Zelda au fond de Sheik aurait volontiers remercié Ghirahim, celui-là même qui pourtant avait tenté de la tuer..."
Le soir même, Sheik s'empressa de tirer au clair la situation avec Dark Link et Fay qui parurent confiants tout en cherchant à se montrer prudents. La femme de cristal déclara, "Il faut être certain qu'il ne s'agisse pas d'un piège. Nous ne pouvons pas tous aller chez ces deux sorcières Gerudos têtes baissés. Il nous faut un plan. Je sais que cet homme avait l'air sincère mais c'est un ennemi de longue date, ma mémoire ne me trompe pas." expliqua Fay ayant souvenir de combats contre Ghirahim avec le tout premier des Héros, celui-là même qui s'était retrouvé avec une épée dans le dos, lâchement assassiné par Ganondorf. Le Sheikah approuva d'un bref mouvement de tête. La sincérité de l'épéiste avait beau paraître réelle, tout était envisageable. L'ombre intervint à son tour,
"Ghirahim n'est pas le seul problème. Quand bien même il serait franc et amical, Koume et Kotake pourraient déceler notre présence. Il faudra alors agir vite. Sheik, je te propose de te rendre au rendez-vous de notre collaborateur seul. Fay te suivra de loin, elle possède la faculté de pouvoir disparaître et apparaître comme bon lui semble. Bien sûr, elle me retransmettra ton avancement. Si tu as un problème, j'interviens immédiatement. Je ne peux pas risquer de perdre ma couverture auprès de ces sorcières, j'ai déjà peur qu'elles me soupçonnent..."
Les paroles de l'ombre mirent tout le monde d'accord. Les derniers détails se peaufinèrent jusqu'à tard dans la nuit. Pour Zelda comme pour le reste du groupe, à l'exception probable de Sheik, trouver le sommeil fut une chose compliquée. L'avenir de Link se jouait probablement demain et tout restait à faire. Ghirahim n'avait pas intérêt à les trahir...
***
Le lendemain, les derniers préparatifs et rappels effectués, Sheik se dirigea vers le point de rendez-vous prévu. Les sorcières semblaient effectivement occupées à satisfaire leur maître dans la salle du banquet où une bonne ambiance régnait. Le Sheikah se rendit donc dans la pièce où Link reposait, envers et contre tous, en paix probablement, cela, nul ne le savait vraiment. Il s'y était rendu légèrement en avance et fut surpris de constater que Ghirahim avait fait de même. "Tu es seul ? Hâtons-nous de dérober le masque, je ne voudrais pas que les sorcières s'en aperçoivent. Je feindrai d'être parti à ma pause déjeuner." proposa l'âme descellée, souhaitant agir le plus rapidement possible. Sheik acquiesça et suivit son ancien ennemi, jamais Zelda n'aurait imaginé pouvoir compter un jour sur pareil énergumène. Le palais ressemblait à un vrai labyrinthe, mais Ghirahim le connaissait parfaitement bien, peut-être même mieux que Fay qui suivait le duo avec peine mais discrétion néanmoins. Il fit passer Sheik par un chemin assez long et inhabituel, souhaitant effacer les traces et s'assurer que nul ne pourrait suivre. Il y parvenait parfaitement, la femme de cristal se débrouillait avec difficulté pour suivre la piste. Les couloirs sombres mais néanmoins richement décorés défilèrent ainsi à une vitesse folle et bien vite une porte close les fit se stopper. Ils étaient parvenus à la tour Nord-Ouest du palais, là où la résidence commune de Koume et Kotake s'établissait. "A partir de maintenant, déplace toi sans un bruit et ne touche à rien. Je suis sensé être seul et j'ai peur que ses vieilles folles possèdent un détecteur sonore." prévint l'esprit, un doigt sur la bouche pour inciter au silence. Sheik ne dit mot, comme pour montrer son consentement. Ghirahim tira sur la poignée et le loquet se retira comme par magie. La porte déverrouillée, ils pénétrèrent tous deux dans l'antre des sorcières.
La première chose qui frappa Sheik fut le joyeux bazar organisé qui embellissait l'austère tour de pierre aux teintes ambre foncé. Un escalier de pierre en colimaçon grimpait le long de la structure tel du lierre. Quelques mezzanines étaient atteignables et rendaient l'endroit très ouvert et un peu impressionnant. On avait beau regarder en l'air, on ne pouvait apercevoir le haut de la tour. Au rez-de-chaussée, un large tapis chaleureux recouvrait entièrement la pierre rugueuse et froide. Des bibliothèques agrémentaient les murs ici et là, et ce, dans toute la tour. Au centre de la pièce, un chaudron débordant de fumée se tenait fièrement là, arborant orgueilleusement un métal gris aux reflets de cuivre. Des décorations étranges s'étalaient plus haut. Des banderoles, des tapisseries, des lanternes. Tout ce fourretout incroyable paraissait flotter sans nul besoin de fils. L'air était saturé par la magie ambiante des vieilles femmes qui semblaient se plaire dans un tel lieu. Sheik les comprenaient aisément. Les lanternes de papier diffusaient une lumière tamisée très agréable pour les yeux. Le Sheikah se retint de commenter la scène avec Ghirahim qui paraissait habitué à la situation, il en était devenu nullement impressionnable. Le sbire se dirigea vers le premier étage, plus grand que ne l'aurait imaginé Sheik, probablement un coup des sorcières. C'était en ce lieu que s'exhibaient les plus grandes découvertes des sorcières. Niché au coeur d'une bibliothèque, un objet émettait une douce lumière, attirant l'oeil du Sheikah. Mais il fut bien vite rattrapé par Ghirahim qui ne demandait pas à aller aussi loin. Le masque que recherchait le groupe se trouvait sur un promontoire rond en pierre quasi collé à la barrière de la mezzanine. L'épéiste sourit à Sheik qui lui rendit la pareille tandis qu'il réfléchissait à l'objet qu'il avait aperçu, il lui rappelait vaguement quelque chose, c'était certain. Ghirahim prononça une formule incompréhensible malgré les oreilles sensibles du jeune homme et les connaissances de la princesse Zelda. Le sort du gardien du masque eut pour effet de rompre le champ de force entourant l'objet qui cessa de flotter tranquillement pour tomber négligemment sur le réceptacle. L'âme descellée s'en saisit, un sourire en coin, déclarant fièrement "Le masque du dieu vengeur. Le masque d'Onigami. Avec cela, Link pourra enfin être libre." Zelda approuvait les dires de son ami tandis que Sheik continuait de réfléchir sur cet objet intriguant. Tout aurait pu bien se finir si une alarme ne s'était pas soudainement enclenchée. Le bruit retentit dans tout le palais et la panique commença à se faire ressentir "Que se passe-t-il ?" demanda Sheik qui comprenait très bien que la situation ne tournait pas en sa faveur. Ghirahim déclara, grinçant des dents face à son imprudence "Un protection supplémentaire a été implantée au masque sans que je le sache ! les sorcières vont rappliquer d'un instant à l'autre ! Nous devons fuir !" Soudainement, les événements s'enchaînèrent à une vitesse folle. Si Sheik devait les redécrire par la suite, il n'y parviendrait que d'une manière très incertaine.
L'alarme se stoppa brutalement, ce qui coïncida avec l'explosion de la porte de la tour. hystériques, les deux sorcières Gerudos pénétrèrent dans leurs appartements saccagés. "Comment ont-ils osé ? Qui est venu troubler notre antre ? Ghirahim ! Nous savions que tu étais un traître ! Tu t'intéressais de trop près à ce masque et au sort de Link ! Mais nous ne te laisserons pas faire !" rugirent d'une seule et même voix les soeurs jumelles bouillonnant de rage, leurs ponchos respectifs se levant sous le poids de l'aura magique qui émanait d'elles. L'épéiste se sentit défaillir mais le temps n'était plus à la peur. Il attrapa la main de Sheik dans la précipitation et le força à le suivre pour descendre les marches du premier étage à une vitesse folle. Un geste inutile pour Koume et Kotake qui unirent leurs forces dans une puissante incantation. Koume, prêtresse du feu, tonna en apercevant Sheik aux côtés de l'âme descellée "Toi ! Tu avais un si grand potentiel ! Tu aurais pu faire bien mieux ! Tu n'as pas choisi le bon camp, vous allez le regretter !" s'évertua-t-elle déçue d'avoir été ainsi dupée par un si jeune et talentueux harpiste à l'âme lyrique. Voletant et tournoyant, de la fusion de leurs pouvoirs une gigantesque boule de lave et de glace se forma et s'élança sur le duo décontenancé. La cible première était Ghirahim, mais Sheik se défit de l'emprise de son ami pour aller se placer dans la trajectoire du projectile qui frappa le Sheikah de plein fouet. Tandis qu'il recevait le choc, on l'entendit clamer haut et fort "Je n'ai jamais prétendu appartenir à votre camp..." Une explosion d'énergie magique ébranla toute la tour, Ghirahim fut soufflé un peu plus bas par un coup aussi puissant. "Sheik ! Tu n'aurais jamais dû faire ça !" s'écria l'épéiste paniqué, tentant de retrouver son compagnon suite à l'amas de poussière soulevé par l'impact aussi violent que le choc d'une météorite heurtant la surface du sol. Lorsque le nuage se dissipa légèrement, Ghirahim put entr'apercevoir très nettement un trou béant laissé par la météorite et Sheik gisant sur le côté. Son armure était brisée, ses bandages à moitié défaits. Il tenait fermement dans sa main un pendentif brisé. Etrangement, le talisman semblait l'avoir protégé et encaissé une partie du choc. "Non..." souffla-t-il une lueur de tristesse et de peur au fond de son regard habituellement si neutre. Il ajouta pour compléter sa phrase, difficilement "Le pendentif... Il ne doit pas se briser... sinon..." Il prononça ces mots tout en sachant qu'il était trop tard, à ses côtés, Ghirahim l'observa d'un oeil neuf, s'exclamant, sûr de lui, "Mais... Je te connais ! Tu n'es pas..." commença-t-il stupéfait tandis que non loin les sorcières attendaient patiemment de pouvoir constater l'ampleur des dégâts. Un halo de lumière entoura le Sheikah qui disparaissait au fur et à mesure que se dessinait une forme plus familière, plus féminine aussi. Sheik n'avait été créé quand dans l'idée d'une possible protection et son rôle avait été parfaitement rempli. Il se retirait désormais de ce monde, à son grand regret. Tout comme Zelda s'était nichée au fin fond de son coeur, il agirait de même. La princesse apparut sous les yeux ébahis des trois observateurs qui s'étaient probablement attendus à tout, sauf à ça. La jeune fille était étincelante, Sheik avait accusé le sort, pas elle. Rayonnante, elle sortait d'un long sommeil comparable à celui de son ami. Ghirahim resta la bouche grande ouverte tandis que Koume et Kotake riaient doucement en clamant fièrement "Ganondorf sera le plus heureux des seigneurs quand nous lui rapporterons la princesse Zelda sur un plateau d'argent ! Nous savions bien que tu n'étais pas partie... Tu n'aurais pas abandonné le Héros de la Légende..." sourirent les sorcières Gerudos préparant un nouveau sort lié. Ghirahim ne savait plus quoi dire, Zelda quant à elle aperçut Fay voleter, elle sourit à la princesse qui répliqua aussitôt, "Ne croyez point que je me suis lancée dans ce dur labeur seule... Je sais bien m'entourer, malheureusement pour vous..." Les soeurs jumelles ne prirent pas la menace de la Princesse de la Destinée au sérieux et elles achevèrent d'envoyer leur sort dans un "YIHAAA !" particulièrement strident. Ce fut le moment précis que choisi l'ombre pour entrer en scène. Il avança à pas lent, tandis qu'autour de lui, le temps ralentissait. Levant une main au ciel il rugit soudain, le regard plus déterminé que jamais,
"STOP !"
La scène se gela subitement... Le temps lui-même avait décidé d'obéir à l'homme des ténèbres. Pour la deuxième fois depuis son avènement. N'être que l'ombre de soi-même demeurait un prix lourd à payer. Une condition qu'il avait depuis bien longtemps revêtit, en l'espoir de protéger quelques amis et souvenirs à graver au coeur du temps, par-delà l'éternité...
"Link... Nous venons te chercher..."
se permit-il d'ajouter.
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Eboorifée". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.