Les Portes du Temps - Destins Croisés
Chapitre 20 : Libération, l'ombre dans la lumière
Chapitre 21 : Ranch au clair de Lune
Chapitre 22 : Un destin Scellé
PARTIE 4 : La quête de la Triforce
Chapitre 23 : Le messager des Déesses
Chapitre 24 : Autrefois, Narisha
Ce fut lorsque le duo, portant Ghirahim, arriva devant une porte de pierre armée de grilles, comparables à celles d'une citadelle ou d'un château bien gardé, que la situation se compliqua. La nuit s'installait peu à peu et un froid glacial commençait à envahir les lieux. Comme tout désert, le Désert des Illusions savait se faire imprévisible. Les deux amis cherchèrent donc à interpeller le peuple qui devait probablement avoir élu domicile ici, afin qu'ils puissent franchir la herse abaissée. "Nous venons de l'oasis du désert, nous cherchons simplement à traverser votre citadelle pour enfin quitter ce lieu maudit. Pourriez-vous nous ouvrir ?" rugit Link suite à la demande de Zelda, il possédait une voix grave qui portait assez loin. Leur seule chance de se faire entendre. Ghirahim, quant à lui, semblait toujours perdu dans ses délires et parlait seul parfois. Sans un bruit autre que le sifflement du vent et son écho, la herse se leva, grinçante. Aucune réponse n'avait néanmoins été fournie aux voyageurs, se demandant ce qui pourrait bien leur arriver à l'intérieur. Ils passèrent donc la porte non sans une once d'appréhension. Pour des hôtes, ils paraissaient mal connaître la politesse. Il faudrait bien s'adapter aux moeurs et faire profil bas. Link et Zelda avancèrent paisiblement, découvrant les lieux plutôt austères. Ils ne se trouvaient pas le moins du monde dans une ville comme ils l'avaient espéré. Cela ressemblait en revanche à une gigantesque forteresse, nichée contre d'épaisses roches, probablement celles entourant le désert, comparables à un large canyon. Le sable était toujours légèrement présent, mais reposait sur une terre battue assez dure et sèche. Marcher demeurait très agréable. Un chemin sinueux serpentait dans l'étrange vallée, la forteresse se trouvant, elle, légèrement surélevée. Link et Zelda s'apprêtaient à emprunter le chemin pour s'en aller, ne trouvant pas âme qui vive lorsqu'ils furent stoppés par la pointe d'une lance sur leur gorge. Des centaines de femmes étaient apparues, plus vives que jamais pour les encercler. Toutes armées, elles les jaugeaient du regard. Plutôt hautaines et considérant les inconnus plus bas que terre, elles n'avaient strictement rien d'amical. La plupart maniaient des lances, d'autres se contentaient de sabres encore accrochés à leur ceinture, comme si elles n'avaient rien à craindre des nouveaux venus. Quelques-unes encore portaient des torches répandant une faible lumière tandis que la Lune commençait à devenir maîtresse du ciel. Elles possédaient toutes la peau mate et foncée, bien moins brillante que la teinte de Ghirahim cependant. Leurs cheveux roux étaient noués en queue de cheval afin de ne pas les gêner dans leurs mouvements. Cela leur conférait un bien étrange regard insistant. Elles étaient peu couvertes et se contentaient d'un pantalon de toile et d'un haut aux motifs en créneaux couvrant uniquement leur poitrine. Leur ventre et leurs bras étaient nus. Il s'agissait sans nul doute d'un peuple guerrier uniquement composé de femmes, comparables à des amazones. Malgré leurs moeurs résultant de la force, leur apparence semblait compter. La plupart portaient des bijoux, aux poignets, sur les bras, colliers, boucle d'oreilles. Etant donné les biens belles pierres précieuses, avec une majorité de rubis, elles n'étaient pas spécialement pauvres. "Haut les mains !" rugit l'une en rapprochant sa lance de Link. La princesse ne semblait pas spécialement visée par la phrase mais elle prit la peine néanmoins, par solidarité, de lever les mains avec son ami. "Nous venons en tant qu'all..." commença le chevalier avant d'être interrompu brutalement. "Tais-toi, homme. Vous n'êtes pas les bienvenus ici." Les deux amis se jetèrent des regards inquiets. Ils ne comprenaient pas ce qu'ils avaient fait de mal. Ghirahim ne se rendait absolument pas compte de ce qu'il se passait. Il paraissait encore en état de choc. Une guerrière s'approcha, elle semblait plus haut gradée que les autres. Ces femmes possédaient donc une hiérarchie certaine. Elle prit la parole haut et fort, de façon à ce que la foule l'entende.
"Vous êtes ici sur le territoire des Gerudos, au coeur de notre vallée. Vous souillez notre forteresse à venir ainsi. Qui plus est du désert, une zone sacrée seulement réservée aux membres de notre communauté. Vous n'avez clairement rien à faire ici. Je n'ai aucune idée de la façon dont vous êtes parvenus à entrer dans le désert et à y survive puisque nous avons libre accès à l'unique porte y menant.
- Nous n'en savions absolument rien ! Nous ne pensions pas à... tenta de formuler Link tandis qu'une guerrière Gerudo lui administrait un coup de poing pour le faire taire. Il n'avait visiblement pas le luxe de la parole en ces lieux.
- Tu n'as pas à parler ! Tu ne mérites que la mort où l'emprisonnement à vie pour avoir foulé notre lieu sacré. Et c'est probablement ce qui se passera, il n'y a pas besoin de débattre ! tonna la femme les bras croisés, la voix sèche et le regard dur.
- Zelda... implora Link reprenant son souffle suite au coup de poing qu'il avait reçu. Il fut forcé de conserver une position mains levées. Il avait pertinemment compris que le sexisme envers les hommes était une des règles chez ces femmes guerrières. Seule la princesse pouvait l'aider.
- Nous souhaitons simplement rejoindre la plaine d'Hyrule ! Nous ne savons absolument rien de ce monde. Vous qui connaissez les pouvoirs du Désert des Illusions, vous le savez si imprévisible. Eh bien nous avons atterri ici sans y avoir vraiment été préparés ! Nous sommes chargés d'une importante quête, mais dans un royaume qui nous est totalement inconnu, expliqua Zelda impressionnée que les Gerudos écoutent toutes patiemment en hochant parfois la tête. Elles ne portaient vraiment pas les hommes dans leur coeur.
- Je comprends, vous n'êtes donc pas vraiment venus dans l'intention de nous nuire. Nous vous avons mal jugée, accepta la haut gradée des Gerudos. Cette phrase ne s'appliquait visiblement qu'à la Princesse de la Destinée étant donné que Link devait toujours se tenir les mains levées et que des regards haineux se posaient sans cesse sur lui. Il avait plus de peine à conserver une telle position avec Ghirahim sur l'épaule. Se contrefichant du chevalier, la guerrière ajouta à l'adresse de la jeune Hylienne, comment vous nommez-vous ?
- Je... suis Zelda, répondit la princesse guère rassurée, il régnait une atmosphère oppressante et la pression était forte. Surtout pour son camarade qu'elle aurait tant aimé aider.
- Très bien. Zelda, vous êtes libre. Vous pouvez partir et rejoindre la plaine pour accomplir votre mission. Nous ne sommes pas sans gêne, le voyage risque d'être long, aussi, vous êtes autorisée à prendre des provisions, conclut la chef sous l'approbation de toutes les guerrières. Plusieurs hallebardes s'abaissèrent autour de Zelda.
- Et en ce qui concerne mon ami... ? demanda la princesse hésitante en voyant tous les regards tournés dans sa direction. Elle se sentait vraiment mal à l'aise, elle qui pourtant avait toujours été habituée aux foules depuis sa plus tendre enfance.
- Vous voulez probablement savoir ce qu'il en adviendra. Nous l'enfermerons dans nos geôles, un homme ne doit certainement pas demeurer impuni et libre sur notre territoire ! Et pour l'autre homme qui semble avoir sombré dans la folie, il lui sera réservé le même sort, répondit la guerrière intransigeante. Elle paraissait dégoutée dés qu'elle osait poser son regard sur Link. Celui-ci baissa la tête, il ne voulait pas finir sa vie en prison ! Mais il était cerné, et Zelda aurait bien du mal à plaider sa cause pour sa remise en liberté. Pourtant, elle allait probablement essayer et se mettre en danger. Il devait lui dire.
- Zelda ! Ne cherche pas à me sauver ! Promets-le-moi ! Tu ne t'attirerais que des ennuis ! Ne t'inquiète pas pour moi ! S'écria le jeune Hylien se fichant pas mal des coups qu'on lui administrait pour le faire taire. Il devait s'assurer que sa princesse n'irait pas faire de bêtises pour lui. Seul comptait à ses yeux le fait qu'elle soit sauve. Il trouverait bien une solution de son côté. Il s'en était toujours sorti.
- Tais-toi, idiot ! Tu n'as pas encore compris ta situation ici visiblement ! pesta une des Gerudos à ses côtés. Zelda se contenta de le regarder tristement pour toute réponse. Une femme sortit de la forteresse en apportant un sac en toile.
- Voici les provisions en question, tu es désormais libre de partir. Ne tente rien pour ce garçon où tu le regretteras bien. Nous ne serons pas aussi clémentes la prochaine fois. De toute façon, tu n'as rien à attendre des hommes. Souviens-t-en, mit en garde la haut gradée des Gerudos en jetant un regard méprisant sur Link qui se contenta d'afficher un air blasé.
- Link... Nous trouverons une solution... Je t'assure... murmura faiblement la princesse à l'adresse de son ami qui ne l'avait probablement pas entendue. De même que toutes les autres femmes armées jusqu'aux dents. Elle déclara pour faire bonne figure, je... merci. Je ferai attention."
La princesse fut conduite à l'entrée de la vallée Gerudo, par une guerrière plutôt aimable qui lui expliqua le contenu de son sac et comment manger chaque ingrédient ou le cuisiner. Aucun mot sur l'emprisonnement de Link ne fut prononcé et Zelda ne préféra pas en rajouter. Elle avait été suffisamment mise en garde pour comprendre qu'elle ne trouverait aucune compassion envers son ami. Tel un tabou, elle le garda au fond d'elle-même et n'hésita pas à remercier la femme pour ses maints conseils. Séparée de son meilleur ami, la princesse arriva face à un canyon franchissable par un pont. Un fleuve en furie semblait avoir dévoré les roches depuis fort longtemps et ne semblait s'arrêter d'éroder les profondeurs. Elle remarqua aussi une petite tente au loin, près de la falaise du canyon et se demanda bien qui pouvait habiter là. Ayant peur qu'il s'agisse encore d'une propriété Gerudo, elle n'y entra pas et fit un feu non loin, afin de se protéger de la fraîcheur de la nuit.
Link quant à lui, fut trainé de force dans une geôle de la forteresse. Il tentait de se souvenir des divers couloirs qu'il avait empruntés, mais en vain, le territoire des Gerudos était un vrai labyrinthe. Il ne fut violenté qu'à quelques reprises, tandis qu'il tentait de fuir et n'osa pas recommencer. La force de ces femmes n'était pas hypothétique. Elles le désarmèrent bien vite, ne le sous-estimant pas. Il se retrouva privé de son épée et de ses bombes de facture Goron notamment. Ghirahim subit le même sort et se retrouva dans la même cellule que Link. Il ne possédait aucune arme sur lui, et paraissait avoir sombré dans le coma désormais. Connaissant le personnage, il ne tarderait pas à se réveiller. Malgré tout, il était de bonne constitution. La Gerudo chargée de surveiller les environs de la prison pris la peine de leur faire remarquer que les barreaux de la cellule étaient immunisés contre toute magie. Un luxe dont Link se serait volontiers privé. Il n'avait strictement aucune idée de comment se libérer. Les prochains jours promettaient d'être difficiles. Il fixa les briques de pierre, uniques composants de la forteresse si ce n'était quelques poutres en bois, et soupira.
Zelda commença à s'aménager un endroit où dormir sans le moindre confort, si ce n'était le feu brulant toujours lorsqu'elle constata, à sa grande stupeur, qu'un homme sortait de la tente qu'elle avait jugée aux Gerudos. Etant donné le sexisme en leur territoire, il aurait été fort étonnant qu'elles agissent différemment à l'extérieur. La princesse observa l'homme du coin de l'oeil sans oser l'interpeller. Celui-ci semblait être sorti simplement pour prendre l'air et s'étirer. Il marchait au clair de lune, l'air insouciant. Ne craignait-il donc pas les Gerudos ? Habillé d'un haut blanc, d'un pantalon jaune et d'une veste bleue, il avait l'air fort autoritaire mais néanmoins sympathique. La Princesse de la Destinée fut bien étonnée lorsqu'elle vit l'homme s'approcher vers elle et lui faire signe. Elle se leva et alla à sa rencontre afin d'en savoir plus.
"Eh bien, vous ne semblez pas du coin, jeune fille ! Vous ne devriez pas traîner dans les parages. La nuit, d'horribles créatures rôdent. Et flâner non loin du territoire des Gerudos n'est pas non plus une bonne idée. Nous comptons nous-même bientôt lever le camp. Je me présente, je suis Mutoh, chef de chantier. J'ai réalisé les plans et ai été chargé de construire le pont que vous voyez là. Je dispose seulement de quatre ouvriers un peu feignants. La tâche ne fut pas aisée, expliqua l'homme préférant montrer qu'il n'était pas venu par hasard. Zelda hocha de la tête, compréhensive.
- Vous êtes venus ici pour bâtir un tel édifice malgré la menace de ce peuple guerrier ? Cela n'a pas dû être facile... fit remarquer la princesse compatissante. Cet homme ne manquait visiblement pas de courage. Elle ajouta un peu surprise, je me nomme Zelda. Vous savez que le peuple Gerudo est uniquement composé de femmes non ? Et que j'en viens ? Malgré tout, vous n'avez pas peur de moi. Vous avez du cran.
- Ici, nous sommes encore en Hyrule, quoi que puissent dire ces femmes, nous avons parfaitement le droit de siéger ici. Elles ne s'en sont d'ailleurs pas plaintes. Juste une fois où mes hommes se sont fait attraper en s'aventurant trop loin... Mais l'histoire s'est bien vite réglée, sourit le chef de chantier les bras croisés. Son expression de bon vivant savait vous mettre à l'aise, son étrange goût vestimentaire, beaucoup moins. Il reprit après un bref rire, vous n'avez rien d'une Gerudo. Ces femmes sont typées, rousses, la peau foncée ! Tout le contraire de vous ! Bien content qu'elles ne vous aient rien fait.
- Je comprends. Vous avez raison, je n'ai absolument rien à voir avec ce peuple et je devrais partir. Mais je ne le peux pas. Je viens de loin en réalité, et je ne suis pas de ce royaume. Moi et un ami avons dû passer par le désert pour parvenir en Hyrule. Malheureusement, nous sommes tombés sur ces guerrières et leurs moeurs nous étaient totalement inconnues. Elles ont enfermé l'homme qui m'accompagnait et refusent de le libérer. Mais c'est un ami cher, je ne peux pas me passer de lui et reprendre mon chemin comme si rien ne s'était produit... expliqua longuement la Princesse de la Destinée préférant jouer franc jeu. Elle avait besoin d'aide, inutile de le nier. Et cet homme semblait digne de confiance. Elle n'avait pas le temps de chercher une autre aide, Link était peut-être en danger !
- Oh, tout s'explique alors. Inutile d'en dire plus, vous ne pouvez pas rester ici sans soutien ! Mon équipe et moi, on peut vous héberger si vous le souhaitez ! Par contre, ils sont encore traumatisés de leur capture, ne comptez pas sur nous pour vous aider à sauver votre ami. M'enfin... ce que nous vous proposons n'est déjà pas si mal, non ? suggéra Mutoh très accueillant. Il montra la tente éclairée et accueillante de sa main gauche. La princesse n'espérait pas tant. Elle sauta sur l'occasion.
- Vous feriez ça ?? Vraiment ?? C'est le summum de la gentillesse ! Je ne voudrais certainement pas vous déranger ! S'écria Zelda souhaitant vérifier de la solidité de cette offre, elle ne voulait certainement pas se retrouver sans toit du jour au lendemain, bien qu'elle désirait sauver son ami au plus vite. Elle exagéra son air étonné. Elle avait l'air d'une fragilité extrême et aurait fait fondre n'importe quel homme. Mutoh n'y fit pas exception.
- Bien sûr, vous êtes la bienvenue, je vous l'assure ! Nous ne comptons pas lever le camp immédiatement et nous avons largement assez de place pour vous, assura le chef de chantier en hochant la tête, il avait l'air plus qu'honnête.
- Alors, j'en serai ravie. Je ne pourrai jamais assez vous remercier, conclut la princesse en souriant les yeux clos. Elle fut bien vite conduite à l'intérieur de la tente. La nuit devenait de plus en plus fraîche."
Lorsque Zelda pénétra dans la tente, elle s'y sentit immédiatement bien. Quatre hommes y demeuraient déjà, aspirant au repos. Elle était effectivement bien fatiguée aussi, mais préféra taire sa fatigue un instant pour entendre les présentations. Mutoh se chargea de prendre la parole pour ses hommes. "Ils sont tous les quatre frères, et malgré une certaine tendance à la paresse, ils ont bon coeur. Vous pouvez compter sur eux en cas de problème. Les gars, nous accueillerons Zelda quelques temps, pour qu'elle puisse délivrer son ami des Gerudos. Je vous demande de faire preuve de compréhension ! Elle a bien plus de courage que vous quatre réunis ! COMPRIS ?" Le rugissement du chef de chantier acheva de parfaitement réveiller la troupe qui répondit positivement. Mutoh se plaça devant un homme portant comme tous une veste bleue, un haut blanc et un pantalon fuchsia de mauvais gout. "Voici Hiro, il est probablement le plus froussard de la fratrie, mais il est aussi celui qui reste à l'écoute de tous. C'est une bonne épaule pour pleurer d'après ses frères. Bref, tu peux compter sur lui pour t'accepter." Il se tourna ensuite vers un homme coiffé de deux piques. "Cet ouvrier est Julio, il est un peu poète sur les bords et est très sensible. Il est aussi diplomate et sait trouver les bons mots. Il s'y connait en menuiserie; s'il ne passait pas son temps à dormir, il pourrait gérer sa propre équipe !" poursuivit Mutoh dans ses descriptions neutres. Il ne tarissait pas d'éloges sur ses ouvriers et leur travail, néanmoins, il les complimentait parfois. Reprenant les présentations, il se plaça aux côtés du troisième frère, un homme coiffé d'une coupe au bol "Cet énergumène se nomme Jiro. Il est sacrément plaisantin, toujours à rigoler et bavasser. Je dois sans cesse le recadrer, mais au moins, avec lui, l'ambiance de travail et agréable et détendue." Enfin, il se chargea d'introduire le dernier ouvrier à peu près normalement peigné si on oubliait quelques bouclettes rebelles "Enfin, voici Nico l'ouvrier. C'est le plus sérieux et le plus joyeux des quatre frères. Son caractère optimiste lui permet de voir le bon côté des choses, il se contente de peu et sait se satisfaire de peu. Si seulement il pouvait comprendre que sa qualité de travail laisse à désirer..." Zelda fit plus ample connaissance avec la joyeuse troupe et s'endormit ce soir-là, pleine d'espoir. Link ne patienterait pas bien longtemps, elle le libérerait bien avant ! Elle s'en fit la promesse. Il ne méritait pas tous ces mauvais traitements, si seulement les Gerudos pouvaient reconnaître la valeur d'un tel homme... Il n'était pas devenu chevalier pour rien...
***
La princesse passa bien des jours à étudier la vallée Gerudo sans jamais que nulle guerrière ne la prenne en faute. Dès le premier jour, elle parvint à établir un plan, extérieur, des lieux. Elle ne pouvait pénétrer au coeur de la forteresse, bien trop gardée. Le deuxième jour, elle interrogea ses compagnons qui lui expliquèrent qu'il existait quatre prisons indépendantes plus une autre pour les adversaires vraiment coriaces, quasiment au sommet de la vallée. Le troisième jour, elle en apprit plus sur les coutumes des guerrières. Comme notamment le fait qu'un mâle naisse tous les cent ans et devienne chef des Gerudos. Le seul homme qu'elles tolèreraient à jamais. Celui-ci serait alors élevé par des sorcières protectrices aux immenses pouvoirs. La magie était donc elle aussi connue au sein de ce peuple, Zelda avait imaginé pouvoir tirer profit de leur ignorance. Mais elle se rendait compte que celle-ci était très faible. Fort heureusement pour elle, en cas de coup dur, ses nouveaux amis se chargeaient de lui remonter le moral pendant que Mutoh se chargeait du repas ou bien s'affairait à un nouveau plan de construction. Jiro détendait tout d'abord l'atmosphère avec quelques blagues, puis Hiro l'écoutait attentivement, Nico voyait tout du bon côté et Julio s'occupait de la réconforter par quelques mots. Les quatre frères se complétaient en réalité, ensemble, ils étaient capables de beaucoup. Séparé, ils ne valaient pas grand-chose. Zelda se disait elle-même que sans Link, elle ne valait pas tellement. Tout comme ces ouvriers, le chevalier et la princesse formaient un duo qui se complétait à merveille. Cela s'était révélé encore plus vrai tout au long de leur quête. Elle le confiait sans gêne au groupe, et Julio le plus sensible s'en émerveillait souvent. Le cinquième et le sixième jour, Zelda tenta l'assaut de la forteresse à plusieurs reprises, mais elles se soldèrent toutes par des échecs. Le soir venu, elle se confia à nouveau auprès du groupe qui se chargea de lui remonter le moral. Mais cette nuit-là, la bonne ambiance de la tente ne suffit pas à lui redonner courage. Une semaine s'était déjà presque écoulée depuis leur arrivée et elle ne pouvait s'empêcher de culpabiliser pour Link, toujours enfermé et probablement bien mal traité par les guerrières. De plus, la vision de son ami s'était peut-être déjà réalisée, tout ce pour quoi ils étaient venus n'avait-il déjà plus lieu d'être ? Ce soir-là, elle ne partagea pas le repas avec la joyeuse troupe, elle préféra sortir et se retrouver à l'écart. Elle ne songeait qu'à son ami et se demandait s'il se portait bien.
Elle refit un feu comme le premier jour où elle avait débarqué ici et s'y réchauffa, pensive. Elle avait eu l'occasion d'en faire bien d'autres et de griller divers gibiers avec les quadruplets et Mutoh. Leur vie à côté de la sienne semblait bien plus simple. Ils avaient eu leurs moments difficiles, mais tout était enfin fini. Pour elle, les ennuis ne faisaient que commencer. Songeant à Link et à ce nouveau quotidien, perdue dans ses pensées, elle ne sentit pas la présence qui approchait près d'elle. Une voix s'éleva, moqueuse. Une voix que la princesse reconnut immédiatement tellement elle était atypique.
"Voila une princesse bien en difficulté. Nous pourrions l'aider, c'est vrai. Mais en avons-nous vraiment envie ? Et elle ? Elle ne veut peut-être pas nous voir !"
Elle se releva d'un bond et chercha d'où provenait la voix chantante et moqueuse. Un homme était adossé contre un rebord rocheux délimitant le territoire des Gerudos. Vêtu de noir, il disparaissait presque dans la nuit. Sa peau cendrée et ses cheveux d'argents n'allaient pas le rendre plus visible. La princesse sourit en le voyant et en eut presque les larmes aux yeux. Elle trouvait finalement du soutien et une personne qu'elle connaissait, venant de son monde ! De son monde à elle. Zelda se jeta sur lui et le serra fort en lui déclarant "Oh, Dark Link ! Si tu savais comme je suis heureuse de te voir ! Enfin, pourquoi je n'accepterais pas ton aide !!" L'homme sourit, de son air narquois. S'il avait eu la peau plus pâle, il aurait probablement rougi. Mais là, il demeurait de marbre, toujours très calme, ne laissant pas paraître ses émotions.
"Je n'ai pas signé pour ça ! Je vois que tu me nommes encore ainsi. Ce n'est pas le moment de pleurer, nous allons nous battre, tu peux sécher tes larmes."
Zelda s'écarta légèrement de l'homme qu'elle considérait comme un véritable ami sans pourtant le connaître depuis très longtemps. Elle se frotta les yeux et prit un air décidé. Fay apparut aux côtés de l'ombre, souriante. Elle semblait briller par elle-même sans nul besoin du feu pour éclairer sa voie. Une conversation s'imposait. Dark Link commença,
"Je sais que Link est enfermé. Ne me demande pas comment, tu sais bien que ma mission auprès de Fay est toute autre. Nous sommes venus en ce monde sans réellement vous suivre en réalité. Mais, tu comprends, quand nous avons compris pour votre capture... Fay a insisté pour que nous intervenions. Moi j'étais pour que tu te débrouilles seule, commença l'homme cendré un brin hautain de sa voix neutre. Mais il était surtout piètre menteur. La femme de cristal lui jeta un regard amusé.
- Tu vas rire, Zelda, mais c'est lui qui a insisté pour que nous venions ici. Il s'inquiétait pour Link. Mais il est comme ça, Dark Link, il ne le reconnaîtra jamais, souffla Fay dans un murmure moqueur à peine audible. Elle voletait insouciante, se déplaçant légèrement pour éviter les réprimandes de son ami. Ces deux-là semblaient bien s'entendre et ils se portaient bien, encore mieux qu'au coeur des terres de Lanelle.
- Enfin, comme si je pouvais m'inquiéter pour lui. Link est assez grand pour se débrouiller seul, c'est un chevalier confirmé. Il me l'a prouvé, se corrigea l'ancien guide du jeune Hylien en souriant, l'air énigmatique. Il était devenu si difficile de comprendre ce qu'il songeait. Mais Zelda se doutait bien que Fay disait vrai. Dark Link ajouta, le regard tourné vers la forteresse Gerudo, nous pouvons les vaincre. Tu ne dois pas perdre espoir. Je t'ai observée, tenter de les approcher, comprendre leur mode de pensée. Tu as bien agi, et de mon côté, j'ai fait de même.
- Vous souhaitez réellement m'aider à délivrer Link... Merci, sans vous, je ne sais pas si j'aurais eu la force de continuer. Savez-vous si la capitale de ce monde se porte bien ? Moi et Link nous sommes ici pour... commença la princesse stoppant net. Elle ne savait pas vraiment si elle devait leur en parler. Mais la tentation était trop forte, elle devait savoir si le futur prédit par son ami s'était oui ou non réalisé. Elle espérait de tout coeur que la réponse serait négative.
- Nous savons pourquoi vous combattez, n'aie crainte. Link a tenté d'empêcher la mort du Héros lorsque je l'ai connu, je le sais, répondit l'homme de l'ombre le regard fuyant. Zelda crut percevoir un bref instant, un éclat de tristesse dans les yeux du guide. Comme une ancienne fureur, une ancienne douleur qui faisait à nouveau surface. Elle ne chercha pas plus loin, le passé de son sauveur n'avait strictement rien à voir ici.
- Nous venons justement de la citadelle d'Hyrule, c'est un peu le paradis là-bas. Alors j'imagine que tout est normal et que les gens se portent bien. Tu n'as pas à t'en faire pour ça, la priorité est Link ! sourit la femme de cristal rassurant Zelda. Elle flottait désormais aux côtés de la princesse.
- Je vois, parfait alors ! Se contenta de répondre la Princesse de la Destinée sans savoir quoi dire aux nouveaux arrivants. Ils semblaient l'observer depuis longtemps, cela n'avait de cesse de la gêner. Elle reprit, tu as toi aussi étudié la forteresse ? Tu as pu découvrir des éléments importants ? Pourrons-nous libérer Link alors ? questionna Zelda taraudée de maintes interrogations. Elle gardait en elle la plupart de celle-ci. Elle ne voulait pas importuner Dark Link et Fay.
- Oui, on peut dire ça effectivement. J'ai réussi à établir le plan des galeries intérieures de la forteresse. C'est un véritable labyrinthe. Heureusement, Fay sait se faire invisible, grâce à elle, je connais aussi l'emplacement de Link ainsi que de ses armes et son équipement. Les deux sont pratiquement à l'opposé, la tâche ne sera pas aisée, mais nous pouvons y parvenir. Nous sommes là pour t'aider, nos pouvoirs aussi, expliqua l'homme en posant une épaisse feuille en tissu sur le sol. Le plan y avait été inscrit avec soin. L'écriture de Dark Link était douce et régulière. La princesse ne put s'empêcher de s'émerveiller à cette découverte, son visage devint radieux. L'homme à la peau sombre sourit.
- C'est incroyable ! Vous êtes parvenus à tout cela en si peu de temps ! Il m'aurait fallu au moins un mois tout entier pour réussir à faire un plan complet et déterminer les positions des prisons ! Merci Fay, cela a dû te demander beaucoup d'efforts et de discrétion, tu n'auras pas à le regretter, promit Zelda de nouveau combattive et courageuse. Elle ne pouvait plus se laisser abattre. La solution se trouvait désormais devant elle. Auprès de Dark Link et l'esprit de l'épée de légende, elle avait toutes les chances de parvenir à ses fins.
- Ce n'était vraiment rien, l'essentiel est désormais d'établir une stratégie. Nous ne pouvons pas nous diriger à l'aveuglette, même avec un plan aussi précis, mit en garde Fay le ton plus sérieux. Son expression de visage en revanche n'avait guère changé.
- Et ce plan d'action, nous l'avons déjà. Tu dois savoir que lorsque nous délivrerons Link, une alarme préviendra très probablement la forteresse. Nous aurons donc toute une partie d'infiltration et ensuite, nous devrons nous enfuir au plus vite sans nous perdre ! C'est pourquoi, nous devrons aussi récupérer l'équipement de ton ami avant. Ces armes pourront lui être utiles pendant la fuite ! Résuma Dark Link en montrant les lieux sur la carte. La jeune Hylienne hochait la tête régulièrement. L'homme de l'ombre reprit, attribuant les rôles, toi et moi, Zelda, nous nous chargerons d'infiltrer et de sauver Link. Fay, nous balisera le chemin par la suite et nous indiquera par où nous diriger pour semer les guerrières.
- Je comprends oui, tout ça me semble une bonne idée ! Mais... j'ai cru comprendre que la magie était hors d'usage au coeur de la forteresse, des enchantements la protège... Je risque d'être un poids pour toi, Dark Link, fit remarquer Zelda en affichant une mine soucieuse, gênée.
- Je sais que tu as des qualités. Les Gerudos effectivement, privilégient le maniement des armes à la magie qu'elles jugent un recours bien trop simple. Les sorts d'attaques sont donc inutilisables, c'est exact. Mais, si je ne m'abuse, tu sais manier les armes, non ? Demanda l'homme aux cheveux d'argent en dévisageant la princesse de plus en plus mal à l'aise.
- C'est impossible ! Link ne le sait lui-même pas ! Comment sais-tu cela ? J'ai effectivement appris les bases, et je me débrouille plutôt bien à l'arc. Long et court, avoua Zelda surprise d'être ainsi à découvert. Elle ne préféra pas en dire plus.
- Ce n'est pas lui qui me l'a dit, ce n'est rien, n'aie crainte. Il se trouve que j'ai moi-même un arc court, et un carquois bien rempli. Tu t'en serviras, je me contenterai du maniement de ma lame pour me défendre en cas de problème. Je compte sur toi, tu sais probablement faire le sort de lumière et en imprégner tes flèches, commença Dark Link marquant une pause le temps de reprendre son souffle. Il parlait bien vite en peu de temps.
- Je... je n'ai jamais pensé à le faire sur des flèches mais... oui... balbutia la princesse confuse d'un tel protocole. L'idée n'était néanmoins pas mauvaise.
- Il s'agit des flèches de lumière, elles immobiliseront tes adversaires, et nous permettront de rentrer discrètement dans la forteresse Gerudo, expliqua Fay avec sagesse, le regard doux.
- Le temps presse princesse, navré si je parais pressé ! Mais nous devons agir cette nuit, Link ne restera pas une semaine de plus dans cet enfer !"
Zelda hocha la tête d'un coup sec, l'air déterminé et attrapa l'arc de Dark Link au vol. Le chevalier allait être délivré par la princesse, un bien étrange revirement de situation.
"Link, tu avais promis de me retrouver, de me protéger comme il convient à ton rang de chevalier... Aujourd'hui, c'est à mon tour de te venir en aide. Je n'échouerai pas, je te sauverai."
Link soupira lorsqu'il constata la faible ration de nourriture que proposaient les Gerudos. Elles affaiblissaient peu à peu leurs prisonniers, afin que nul ne cherche à se libérer ou bien à protester. Le chevalier se cala mieux sur sa couche de paille et mangea en quelques minutes sans oser en redemander. Il avait déjà pris l'habitude d'une telle vie. Il dormait pour compenser sa carence en vitamines et nourritures. Contre le mur de la cellule, le jeune Hylien songeait souvent à Zelda, c'était là son plus beau loisir et le plus captivant que nul ne pouvait lui ôter sans le tuer. Il lui permettait de passer du bon temps malgré tout et de ne plus compter les heures. Il l'imaginait, se demandant sans cesse ce qu'elle pouvait bien faire. Il espérait qu'elle avait réussi à se faire à ce nouveau monde et que malgré leur amitié, elle ne fasse pas de bêtises. Il aurait adoré être libéré, évidemment. Mais ce désir se compensait aisément par la peur de voir Zelda capturée et tuée par les guerrières Gerudos sans nulle pitié. Il l'aimait, il n'avait plus à s'en cacher désormais. Dans sa cellule, l'imaginer heureuse était de loin ce qui le rassurait le plus. Il devait poursuivre sa quête bien sûr, mais pour cela, il attendrait qu'une occasion se montre à lui. Il ne mêlerait certainement pas la princesse à pareille folie. Les Gerudos étaient sexistes, mais c'était à lui de trouver la solution pour résoudre une telle injustice. Le chevalier cala mieux ses bottes sur la paille et jeta un coup d'oeil à Ghirahim. Même s'il n'avait pas la moindre affection pour lui, l'homme avait beaucoup de ressources. Il était peu à peu sorti du coma mais n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'il avait découvert être enfermé en un territoire ennemi avec son rival. Lorsque l'âme vit que son adversaire le dévisageait sans penser bien à mal, il fit de même, croisant le regard de Link. Les souvenirs fusaient. Leurs divers combats leur revenaient en mémoire. La vengeance qu'il n'avait pu accomplir, les bâtons dans les roues qu'il avait infligés au chevalier. Et pourtant, il se souvenait du désert. Un pan de mémoire qu'il ne parvenait pas à oublier. Observant Link à moitié ensommeillé, il ouvrit finalement ses lèvres et se décida à parler. "Je me souviens." se contenta-t-il de dire au chevalier qui se tourna en sa direction, sans comprendre. Ghirahim reprit sans se soucier du regard intrigué de Link, "Dans le désert, le... Désert des Illusions. Je me souviens d'absolument tout. Le déroulement m'est finalement revenu." L'Hylien ne répondit pas, il ne souhaitait pas savoir où voulait en venir Ghirahim. Il se contenta de lui dire, en prenant un air détaché, les yeux dans le vague "Tu m'as l'air bien calme pour une fois." De telles paroles se voulaient blessantes et provocatrices, mais l'âme anciennement scellée ne réagit même pas. Elle poursuivait sa découverte, obnubilée par ses souvenirs. Il souffla, en un murmure, dans un moment de stupeur totale visible sur son visage "Vous m'avez sauvé. Vous m'avez... sauvé..." Le chevalier le fixa longuement, il n'y avait ni haine ni compassion dans un tel regard. Il attendait simplement. Il attendait ce que Ghirahim mettait tant de temps à lui dire. L'esprit semblait désarmé, il ne s'était pas attendu à un tel sauvetage. Il ferma les yeux et inspira. Puis planta son regard dans celui de son adversaire. "Je... vous auriez pu me laisser mourir. Ce n'était là que la bonne conduite à avoir avec un être tel que moi. Tout ce que je vous ai infligé et... Enfin bref. Je... je vous dois la vie. Alors eh bien... Merci. C'est idiot de faire ça, de dire ça mais... Merci. Sans vous, je ne serai déjà plus là, qu'un piètre souvenir abject dans vos consciences. Merci Link. Je vous remercie tous les deux, et c'est sincère. Je n'aurais pas forcément aimé le faire, et encore... mais ça me paraît nécessaire. Vous ne m'avez pas laissé tomber là ou n'importe qui, même mon maître, l'aurait fait. Vous... Vous êtes des gens bien..." avoua Ghirahim une lueur de tristesse au fond de son regard. Quels ténébreux souvenirs pouvaient ainsi le tourmenter ? Link ouvrit la bouche et se retint finalement. Il préféra garder le silence et détourna son regard. Il souriait. Ghirahim l'imita sans retenir un petit rictus amusé et insolent. Il demeurait ce qu'il était, et pourtant, il possédait un coeur.
***
"Immobilise ces guerrières à l'entrée ! Nous ne pourrons passer sans être vus dans le cas contraire. Je suis sûr que tu te débrouilles très bien."
Zelda sourit à la remarque et banda son arc, dissimulée derrière un rocher. Les Gerudos étaient facilement visibles, elles portaient toutes une torche pour se repérer dans la nuit profonde. La princesse chuchota quelques incantations et lorsque la flèche fila dans les airs, elle s'illumina. Le spectacle était splendide, et très rapide. La seconde d'après, une guerrière gisait sur le sol, inconsciente. La jeune Hylienne répéta l'opération encore deux fois, jusqu'à ce que la vallée soit vidée des veilleurs. Il ne restait plus qu'à pénétrer au coeur de la forteresse désormais. Le plus difficile était à venir.
Zelda et son guide franchirent la porte au centre de la forteresse, plus en retrait par rapport à bien d'autres murs. L'ambiance était sombre et peu accueillante, les pas d'une Gerudo montant la garde s'entendaient déjà au loin. Ils franchirent un couloir montant tournant par la suite vers la droite. La forteresse de pierre était demeurée fraîche, même lorsque le soleil tentait de s'y infiltrer. Ce froid fit frissonner la princesse, terrorisée par l'idée de se faire attraper. Seule, elle n'aurait probablement jamais rien tenté. Heureusement que Dark Link et Fay étaient venus lui porter soutien. La femme de cristal était restée de son côté, préparant les solutions de replis possibles. Elle demeurait présente, par le biais de la lame de son compagnon. "Une guerrière est au bout du couloir, elle marche en ligne droite, aller-retour. Vous pouvez avancer sans crainte néanmoins, des caisses sont présentes le long du chemin et vous dissimuleront." expliqua Fay qui avait visiblement à disposition le plan de la forteresse réalisé minutieusement par Dark Link. Le guide approuva et avança en premier jusqu'à une première caisse. Zelda le suivit de près, n'hésitant pas à se baisser pour être indécelable. L'ombre sourit en observant la princesse agir le plus furtivement possible.
"Nous devons aller aux prochaines caisses, face à la sortie que nous ne prendrons pas, notre chemin est plus loin. Lorsque nous arriverons face à la Gerudo, tu devras lui tirer une flèche à bout portant pour l'immobiliser. Tu t'en sens capable ?"
Zelda écouta attentivement le chuchotement de son allié et hocha de la tête, combative. Ils se hâtèrent de rejoindre leur nouvelle cachette tandis que la guerrière poursuivait sa ronde, sans la moindre méfiance. Zelda leva légèrement la tête, à découvert jusqu'aux yeux et banda son arc, en pleine concentration. La femme revint et observa suspicieuse la princesse. "Eh vous ! Vous n'avez absolument rien à faire ici !" commença la femme en s'approchant de la cachette des deux amis. Une flèche de lumière fila dans l'air au même moment. La princesse avait réussi à conserver son sang-froid. La guerrière Gerudo gisait à présent sur le sol, inconsciente. Dark Link félicita la princesse lui assurant qu'ils ne craignaient absolument rien. Elle sourit mais n'en menait toujours pas large. La peur de l'échec était trop présente. Fay intervint afin de briser le silence et se mit à faire un rapport. "Courage ! Le couloir suivant est hors de danger, une caisse en fin de parcours vous viendra en aide. Je sens la présence de deux Gerudos. Vous vous dirigerez vers une salle à manger assez austère où deux sorties s'offriront à vous. Dark Link, tu t'en souviens j'imagine, mais vous devrez prendre la deuxième, la plus éloignée par rapport au couloir." Le duo paré à la suite du plan approuva et se dirigea furtivement jusqu'à sa prochaine cachette. Zelda se permit une remarque pour le moins pertinente "Heureusement que ces guerrières n'ont pas le sens du rangement et délaissent des caisses dans les couloirs..." Dark Link approuva en souriant et se retint de rire, le moment était mal venu. Il préféra au contraire mettre en garde la princesse.
"Les deux guerrières n'avancent pas au même rythme, la première est facile à atteindre, la deuxième beaucoup moins. N'aie crainte, occupe-toi de la première, je me charge de la plus éloignée."
Zelda hocha pensivement la tête se demandant comment son allié pourrait maîtriser la deuxième garde au corps à corps sans se faire repérer. Elle chassa l'idée de défaite de sa tête en bandant son arc, prête à frapper une fois que la guerrière reviendrait près d'elle, à la fin de sa ronde. Bien vite le moment arriva, et sans avoir eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, la Gerudo tomba au sol. Sa camarade surprise s'approcha du corps et méfiante commença à observer les environs. Elle n'eut pas le temps de repérer Zelda que l'ombre, dissimulée sous la table centrale bondit et asséna un coup à la guerrière du pommeau de l'épée. Il ne désirait pas tuer une femme qui ne faisait que son travail. Il revint vers la princesse sortant de sa cachette pour observer la tenue des guerrières. Elles ne portaient pas les mêmes vêtements que lors de leur première rencontre. Elles étaient munies d'habits en toile et en soie violette couvrant tout le corps et voletant au moindre coup de vent. Des gantelets d'acier couvraient leurs avant-bras et un masque dissimulait légèrement leur visage. Elles étaient ainsi toutes méconnaissables. La contemplation stoppa par la suite; Dark Link invitait à poursuivre.
"Nous arrivons à l'extérieur, tu dois faire tout ce que je te dirai. Mais nous n'aurons aucun problème à atteindre la prochaine porte, les Gerudos ne surveillent pas les toits."
La Princesse de la Destinée ne dit mot et suivit son guide, son coeur battait à tout rompre. Elle espérait retrouver Link indemne, et en même temps, elle ne pouvait s'empêcher d'être anxieuse face à leurs retrouvailles prochaines. Il serait en droit de lui reprocher une attente interminable...
Le toit de la forteresse Gerudo était parfaitement plat, ce qui arrangeait grandement les deux furtifs. Ils se trouvaient à l'étage le plus haut. Zelda pouvait contempler tout le territoire des guerrières d'un seul coup d'oeil. Elle suivit son guide sans un mot. Des torches élevées telles des lampadaires étaient disposés un peu partout sur les différents toits. Elles étaient fort heureusement éteintes, permettant au duo de rester dans l'ombre. L'homme à la peau cendrée désigna l'étage du dessous et un toit en face du leur, proche de la montagne. Fay intervint pour tenir Zelda au courant de la suite des événements, "Princesse, vous devez tous les deux atteindre le toit que montre Dark Link. Plus bas, il existe une entrée qui vous mènera tout droit au lieu où demeure l'équipement de ton ami. C'est le seul chemin possible, et il n'est pas gardé à l'extérieur." La princesse déglutit péniblement et osa poser une question à son coéquipier tandis que la voix cristalline et Fay disparaissait peu à peu. "Comment allons-nous franchir ce vide... comparable à un gouffre ! Nous ne pourrons jamais sauter assez loin ! Et encore moins descendre à l'étage du dessous pour remonter ensuite..." Dark Link secoua la tête négativement et sourit à la princesse en se contentant de lui répondre,
"Accroche-toi bien à moi, ça risque de secouer un peu ! Regarde bien la torche là-bas..."
Zelda s'apprêtait à protester mais se contenta d'un soupir et se tint solidement à son allié, ses bras entourant sa taille. L'homme aux cheveux d'argent sortit un objet qu'il gardait dans sa sacoche et commença à viser la torche. La princesse observa la scène sans comprendre, elle n'avait jamais vu pareille chose. Son guide appuya sur un bouton et une chaîne se propulsa à l'endroit voulu, se fichant dans le bois dur et solide. Elle eut un mouvement de recul et se replaça immédiatement, confuse. L'ombre sourit et tira légèrement sur la chaîne afin de s'assurer de l'état de la torche. Elle était bien encastrée dans le sol et ne bougerait pas. Il appuya de nouveau sur un bouton et la chaîne se replia à une vitesse folle. Le duo fut propulsé à vive allure jusqu'à la torche. Zelda retint un hoquet de surprise lorsqu'elle passa en l'air. Elle déclara, rassurée, "Je vois, c'est un grappin... Je me demande bien où tu as pu trouver tel objet, mais... bravo !" Dark Link se contenta d'un sourire narquois et ajouta, au grand déplaisir de Zelda,
"Pour atteindre la porte à l'étage du dessous, nous allons devoir sauter, allez, un peu de courage ! Je pars devant et je te rattraperai. Tu peux me faire confiance."
Le guide de Zelda disparut immédiatement, s'élançant dans le ciel. Il agissait avec beaucoup de grâce, à tel point qu'il atterrit en douceur sur le sol, comme porté par le vent. Il ouvrit grand les bras, prêt à réceptionner la princesse. Celle-ci après une brève hésitation bondit à son tour et se retrouva dans les bras de son allié qui la déposa de suite. Désignant la porte, il déclara,
"Nous passons par là, nous sommes bientôt arrivés à la première étape de l'évasion."
A ces mots, ils franchirent tout deux l'entrée sans un regard en arrière.
La fraîcheur de la forteresse surprit une fois de plus la princesse tandis que son allié filait se dissimuler derrière une caisse. Zelda l'accompagna sans tarder. Ils attendirent patiemment les instructions de Fay. La voix s'éleva à nouveau pour eux seuls, "Vous pouvez avancer au bout du couloir sans problème, une autre caisse vous attend, vous devez d'ailleurs normalement l'apercevoir. Deux Gerudos sont chargées de garder la pièce suivante. Les immobiliser ne devrait pas vous poser trop de problèmes, une seule effectue une ronde, deux flèches en une et elles ne constitueront plus qu'un mauvais souvenir." Le duo acquiesça et se dirigea au bout du couloir assez rapidement. Leur bruit de pas sembla attirer la méfiance d'une Gerudo qui prévint sa camarade aussitôt. Dark Link invita la princesse à garder son calme tandis que les deux femmes approchaient. Zelda les mains tremblantes banda son arc et se munit de deux flèches. Elle respira un grand coup et tira. Seulement une guerrière s'écroula à terre, la deuxième s'approcha à toute vitesse. Terrorisée, la Princesse de la Destinée retint son souffle, certaine d'être à découvert. "Dark Link !" appela-t-elle lorsqu'elle constata que son ami ne se trouvait plus derrière elle. Il n'avait pas eu besoin de Zelda et de son appel pour intervenir. Plus furtif qu'aucun autre homme, il se tenait déjà derrière la Gerudo, prêt à la frapper. La femme s'écroula sur le sol tandis qu'elle menaçait la princesse de sa hallebarde. La jeune Hylienne se releva et avança au coeur de la pièce qui n'était munie que d'une simple table en bois. A gauche du couloir qu'ils venaient de quitter, un autre, en montée, était visible. Leur destination. "Je... je suis désolée d'avoir raté ma cible..." minauda Zelda confuse en baissant honteusement son visage en direction du sol de pierre. Son guide lui releva immédiatement la tête avec tendresse.
"Ce n'était vraiment rien. Je n'aurais pas dû t'en demander autant, il est dur de projeter deux flèches à la fois et de les enchanter toutes deux. Je suis aussi là pour t'aider, tu n'es pas seule, je n'ai pas agi parce que tu avais fait une erreur. C'était simplement aussi ma mission. Je ne suis pas là pour te juger."
La princesse sourit et reprit confiance en elle. Dark Link savait parfaitement quoi dire pour lui remonter le moral. Il ajouta en riant,
"La victoire est proche. Plus aucun garde ne viendra nous gêner, les armes de Link sont à nous ! Allez, viens."
Le couloir fut rapidement franchi, hormis une brève fois où il fallut se servir du grappin pour poursuivre leur chemin. Ils arrivèrent par la suite à l'extérieur, au coeur de la montagne, sur une balustrade de pierre sous forme de briques. Ce lieu était le plus haut, et laissait une vue imprenable sur le Désert des Illusions. Une trappe était disposée au centre et fermement verrouillée. Dark Link apprit à Zelda qu'il s'agissait là de la prison où étaient emmenés les adversaires les plus dangereux. Link n'avait pas visiblement été considéré comme tel. La jeune Hylienne alla au bord du balcon, s'adossant à la barrière en métal. "C'est magnifique... ce désert à bien failli nous tuer moi et Link et pourtant il paraît si calme et inoffensif d'ici... La forteresse elle-même n'est pas si moche que ça finalement..." déclara la princesse admirative, ne se lassant pas d'une telle vue. Elle n'avait pas du tout le vertige et en profitait d'autant plus. Dark Link intervint, ne réprimandant pas son caractère distrait et pensif. Elle était anxieuse, cela se sentait.
"C'est vrai, on se sent si petit quand on constate la grandeur du désert... La forteresse Gerudo est bien visible d'ici, sache que nous nous rendons tout au bout, l'entrée que l'on distingue à peine, pour libérer Link."
La princesse hocha la tête, repérant les lieux. Aux mots de son allié, son coeur fit un bond, elle savait que la libération de son ami était proche. Et elle ne souhaitait que cela... finalement le revoir. Son guide attira son attention derrière elle, il venait de tomber sur l'équipement de Link. Zelda s'approcha et déclara : "Les bombes et l'épée sont à lui, bien évidemment... en revanche... je n'ai jamais vu se bouclier..." L'étrange objet ressemblait au bouclier Hylien conté par les légendes, le Héros de la déesse Hylia aurait eu besoin de cet illustre objet sacré et incassable pour vaincre l'avatar du néant. Il comportait néanmoins quelques différences en comparaison de l'original. Son bord était bleu et les motifs apparaissaient sur une surface comparable à un miroir. Face à la découverte, Dark Link s'en saisit et le rangea avec le reste de l'équipement de Link,
"Il pourrait avoir besoin d'un tel bouclier un jour, retournons à la sortie précédente, nous allons devoir passer par un tout autre chemin."
Zelda acquiesça et se laissa guider par son allié. Ils retournèrent donc à l'entrée, séparée d'un étage uniquement du sol. Fay intervint alors, au rapport, "J'ai localisé la prison et le chemin pour s'y rendre ne devrait pas être très compliqué, je vous incite à la prudence puisque vous êtes bien plus chargés qu'auparavant, enfin, surtout toi, Dark Link. Vous devez retourner par l'entrée principale et sortir à la première voie visible dans le couloir. Les gardiennes sont déjà immobilisées, vous devriez passer sans grande peine." Le duo écouta attentivement chaque parole de Fay. Dark Link hocha la tête, se souvenant du plan qu'il avait dessiné. Il se tourna vers Zelda qui tentait de se souvenir du parcours, rien de bien compliqué.
"Nous allons devoir sauter à nouveau, les guerrières sont toujours évanouies, cela ne devrait pas poser de problème. Tiens-toi à moi, nous allons tomber ensemble pour plus de discrétion... Nous ne sommes jamais assez prudents après tout..."
La Princesse de la Destinée se contenta d'un oui à peine audible pour toute réponse. Elle avait la tête ailleurs, ne songeant qu'à Link. Elle espérait de tout coeur qu'il se porte au mieux. Les Gerudos n'avaient pas l'air de violenter leurs prisonniers d'après Mutoh et ses ouvriers, mais si son ami avait tenté de fuir... comment aurait pu réagir ce peuple de guerrières ? Zelda secoua la tête, revenant à la réalité. Il n'était guère le moment d'imaginer le pire scénario qui soit. Elle se laissa porter par Dark Link, qui d'un bond discret et élégant atterrit sur le sol sablonneux en douceur. Ils commencèrent à marcher en direction de la première porte qu'ils avaient franchie il y a peu en prenant soin d'éviter les trois corps inconscients sur le chemin. Zelda poussa un cri lorsqu'une Gerudo supposée endormie lui attrapa la cheville pour la faire trébucher. Elle tomba sans pouvoir se soustraire à la force de son adversaire. Elle tentait de rassembler ces pensées dispersées pour formuler un sort mais n'en eut pas le temps. Les deux autres guerrières se levèrent à leur tour en se frottant le crâne. Ils auraient dû agir plus vite ! La jeune Hylienne hurla à son ami lorsqu'elle le vit cerné "Attention ! Derrière toi ! Dark Link ! Les Gerudos sont de nouveau debout !" Le guide les regarda l'air déterminé et pourtant hésitant. Constatant la princesse en mauvaise posture, il leva la main au ciel et rugit de toutes ses forces un bref :
"STOP !"
Zelda sursauta en constatant une voix aussi puissante. Elle n'avait jamais vu Dark Link tonner de la sorte et elle n'en fut que plus surprise. L'instant d'après, elle comprit que les choses n'étaient pas normales. Les trois guerrières avaient cessé de bouger, nul bruit n'était audible. Le sifflement du vent et le crépitement des torches n'étaient plus. Elle se libéra de l'emprise de la Gerudo qui l'avait attaquée sans difficulté et rejoignit Dark Link sans comprendre. "Que s'est-il passé ?? Elles ne t'ont tout de même pas écouté ??" L'ombre tourna son regard de côté, fuyant celui de la princesse et prit la parole, à nouveau calme et posé.
"Je sais que tu maîtrises toi-même la magie, mais probablement pas celle-ci. J'ai bloqué la trame du temps pour quelques instants, nous devons les assommer à nouveau et reprendre notre route. J'aurais pu figer ton temps à toi aussi, mais tu n'aurais probablement pas compris et nous ne sommes pas là pour nous cacher des choses. Néanmoins, je ne te demanderai à ce sujet aucune question. Je t'avais bien dit que nous ne risquions rien..."
La jeune Hylienne s'apprêtait à protester mais se tut finalement, respectant la volonté de son coéquipier venant de lui sauver la vie. Ils assommèrent les trois guerrières et laissèrent le temps reprendre emprise sur les choses. Ils disparurent à l'intérieur du bâtiment qu'ils franchirent rapidement, la guerrière gardant cette aile de la forteresse ne s'étant pas réveillée. Ils approchaient du but et Zelda n'avait pas fini de se poser d'immuables questions...
***
Link observait Ghirahim faisant semblant de dormir. Quelques heures avaient filé depuis son remerciement plus qu'inattendu et le chevalier n'en revenait toujours pas. Celui qu'il avait considéré comme son plus grand ennemi ne semblait pas faire de même. Il devait absolument en savoir plus. Cette nuit semblait propice aux confidences et le cadre bien assez dépaysant pour les deux rivaux pour qu'ils daignent se parler. Link tenta alors une approche, dans un souffle, reprenant la conversation que Ghirahim avait depuis bien longtemps cessé, "Tu ne nous dois rien, absolument rien." chuchota-t-il sans la moindre once d'hésitation dans le ton de sa voix. L'homme à la peau ambrée et sombre rouvrit doucement les yeux et releva la tête. Il n'affichait pas la moindre expression sur son visage, hormis une gêne mesurée. Il se tourna vers Link, s'apprêta à parler puis stoppa, cessant de le regarder. Alors seulement il répondit en regardant distraitement les barreaux de la cellule, "C'est... gentil, je crois. Mais c'est tout vous... ça..." Le chevalier ne décela nul reproche dans la réplique de Ghirahim. Non, simplement un léger amusement et une once de jalousie à peine perceptible. Le silence retomba au coeur de la prison et les deux ennemis n'osèrent poursuivre la conversation. Néanmoins, l'absence d'ambiance n'était pas oppressante contrairement à l'habitude ou le silence est synonyme de gêne. Non, il y avait dans ce soudain mutisme une certaine compréhension de l'autre. Link et Ghirahim ressentaient les mêmes émotions au même instant, ce qui ne pouvait que les rapprocher malgré leurs différents pourtant très présents. Leur mémoire les appelaient à combattre, à cesser d'aimer ce silence. Pourtant, il régnait une certaine quiétude au coeur de la cellule, comme un étranger seul ravi d'avoir trouvé un allié parmi un monde de haine. Ghirahim n'avait que Link au sein de la forteresse. Et Link n'avait que Ghirahim pour lui tenir compagnie. Le silence finit par se briser, et dans cette atmosphère pour le moins étrange, l'épéiste à la peau aux reflets bruns finit par déclarer, hésitant, "Tu sais... Link... Je... je crois que je ne vous déteste pas... finalement..." avoua Ghirahim en baissant la tête, confus. Il craignait la réponse de Link. Le chevalier dissimula sa surprise du mieux qu'il put mais ses yeux s'agrandirent face à la nouvelle. Il n'avait jamais songé à voir son ennemi comme... un allié. Malgré tout, touché par cette confidence, il l'invita à poursuivre en lui répondant, "J'imagine après tout que je n'ai pas de raison valable de t'en vouloir... puisque Zelda est toujours en vie. Alors, je te crois... J'ai le sentiment que tu es... vraiment sincère..." Link détourna immédiatement le regard, malgré l'ambiance détendue, la peur de la réaction de l'autre était encore présente. Ghirahim semblait, lui, avoir vaincu cette vaine frayeur. Il osa un sourire en ricanant quelques instants. Il répondit, amusé, toujours d'un ton faible, ne souhaitant pas être entendu par les guerrières protégeant l'entrée de leur cachot,
"J'ai cru qu'il me fallait vous tuer pour aspirer à la vengeance de votre ancêtre. Mais ce désert m'a rappelé ma vie d'antan, ma dévotion pour un maître qui n'avait que faire de moi et... j'ai compris... que je n'avais aucun désir de vengeance. Je suis libre, grâce à toi Link, et peut-être qu'au fond, pour ce privilège qui n'est réservé à nul autre ennemi d'Hyrule, je te suis redevable. Tu m'as rendu la liberté. Je détestais le monde entier pour m'avoir ainsi privé de mon dû le plus légitime, mais vous n'avez pas à payer pour mes erreurs du passé. Je ne regrette rien de ma vie d'antan, mais je sais pertinemment que je n'aurais pas dû vous traquer de la sorte. Je cherchais le pouvoir... c'était pour moi le seul moyen de retrouver calme et sérénité. Mais j'avais tort. Je... je ne vous importunerai plus. Et je tiens sincèrement à m'excuser pour ce que j'ai infligé à Zelda, où même à toi, Link. J'ai eu beau m'en cacher tout le long de ma pseudo-renaissance, je crois que je devrais te le dire néanmoins. Je... je m'excuse. J'ai voulu vous haïr tous les deux et vous juger mes ennemis. Mais la vérité est autre... oui... la vérité est que je... t'apprécie beaucoup Link."
acheva Ghirahim la gorge nouée par l'émotion. Sa culpabilité et son désir d'être pardonné étaient palpables et se sentaient dans chaque mot qu'il prononçait tant bien que mal. Le jeune Hylien se tourna vers son rival en lui souriant, l'air serein. Ghirahim ne préférait visiblement pas le fixer à son tour, il continuait de garder la tête basse, songeur, ses pupilles entièrement blanches malgré leur caractère inerte exprimaient foule d'émotions que Link n'avait pas à voir. Le chevalier attendit la fin du monologue de l'épéiste et déclara alors, tout sourire, les yeux rieurs, "Je crois que j'ai toujours su que tu avais bon fond. Je n'aurais pas dû rentrer dans ton jeu et te combattre, mais je suis assez impulsif parfois. Tu... enfin je... te pardonne. Si c'est ce que finalement tu recherches, sache que tu as mon pardon ainsi que celui de Zelda..." À ces mots, Ghirahim releva la tête et plongea son regard dans celui de Link. Oui, l'atmosphère de cette cellule avait été propice aux confidences, et aucun des deux rivaux ne semblaient le regretter. La conversation cessa, sur un sourire partagé.
***
"Décoche une flèche de lumière et immobilise la Gerudo sur le toit. Elle garde la cellule de Link, ce qui explique sa présence..."
Zelda hocha la tête et visa la guerrière exécutant une ronde sur le toit de la forteresse. Elle tomba à terre dans un petit cri et laissa libre champ d'action au duo. Dark Link et Zelda ne se firent pas prier. Après le consentement de Fay leur annonçant qu'elle ne décelait pas d'ennemi dans la salle suivante, les deux alliés s'engouffrèrent vers leur destination finale.
Une fois à l'intérieur, seul le crépitement des torches se faisait entendre. Apercevant deux cachots l'un à côté de l'autre, la princesse accourut sans prêter attention à sa discrétion. Dark Link resta plus en retrait, afin de laisser Zelda pleinement profiter de ses retrouvailles avec son ami. "Link, c'est moi ! Je suis venu te libérer, j'ai réussi ! J'ai aussi récupéré ton équipement ! On ne va pas se laisser faire par un peuple de femmes qui ne reconnaît même pas ta valeur !" s'exclama-t-elle folle de joie de retrouver Link en bonne santé, sans la moindre marque de coup. Les Gerudos ne l'avaient pas violenté. Elle constata la présence de Ghirahim éveillé dans la même cellule mais ne dit mot. Le chevalier sursauta en apercevant son amie. Elle avait bravé bien des dangers, juste pour le délivrer ! Des peines qu'elle n'aurait pas dû affronter sans lui. Il lui avait pourtant demandé de ne pas venir. Il soupira sachant pertinemment que ces paroles n'avaient pas d'effets sur Zelda. Elle pouvait se montrer bien plus têtue que lui lorsqu'elle le souhaitait. Il sourit se demandant si ce sauvetage n'était pas une preuve d'une trop grande affection pour lui de la part de sa princesse. Il se corrigea bien vite, regrettant de songer ainsi envers Zelda. Il déclara finalement, jusque-là muet, "Tu n'aurais pas dû prendre pareils risques pour moi ! Les Gerudos savent se montrer cruelles ! Si elles te trouvent tu risques..." commença-t-il inquiet. Ghirahim observait la scène sans oser intervenir. Dark Link se décida à venir rejoindre le groupe à la grande stupeur du chevalier qui s'attendait à voir n'importe qui, sauf lui.
"Elle n'était pas seule. Je suis venu avec Fay lui porter conseil et l'aider pour cette évasion. Nous allons vous sortir de là ! Savez-vous où nous pourrions trouver la clé de votre cellule ?"
Link secoua la tête de gauche à droite pour montrer son absence de réponse. Ghirahim prit alors part à la conversation, jugeant sa remarque utile. "Dès que quelqu'un vient dans cette pièce, une guerrière se montre. Elle est bien armée, mais elle possède aussi la clé que vous recherchez..." A peine l'esprit descellé eut-il prononcé ces mots qu'une femme apparut, armées de deux sabres. Elle rugit, prenant une position d'attaque "Je vais vous faire regretter votre insolence, vous ne libérerez jamais nos prisonniers ! Vous deviendrez au contraire les nôtres ! Comment un homme ose-t-il ainsi s'infiltrer dans notre forteresse ??" Zelda s'apprêtait à sortir son arc pour venir en aide à Dark Link quand celui-ci la retint.
"C'est un combat que je dois mener seul. Les Gerudos ont besoin de comprendre que la force et le courage existent aussi chez les hommes qu'elles dénigrent tant."
La princesse acquiesça, peu rassurée. La magie ne fonctionnait pas à l'intérieur de la forteresse ou tout du moins nettement affaiblie. Si les choses tournaient mal, l'ombre n'aurait probablement pas la volonté nécessaire pour stopper le temps. Zelda espérait que son allié n'oublierait pas cet important détail.
Dark Link dégaina l'épée de légende, Fay l'accompagnant pour cette épreuve. Il se plaça en position défensive, sachant pertinemment que son ennemie ferait le premier pas pour ce duel, le sous-estimant probablement. C'était là la faiblesse du peuple Gerudo, trop imbu de sa personne. La guerrière tenta quelques simples coups de sabre, le tranchant de la lame à l'horizontale. L'ombre para sans trop de difficulté, tandis que son épée semblait luire d'une étrange lumière dans l'obscurité. Les assauts s'enchaînèrent, la Gerudo semblait déchaîner sa haine des hommes sur son adversaire. Ses esquives maîtrisées semblaient d'autant plus l'énerver. Elle finit par lui jeter, le regard mauvais, vociférant presque "Bats-toi ! Tu ne fais que te défendre ! Tu n'es qu'un lâche et un faible ! Tu ne vaux pas mieux qu'un animal qu'on emmène à l'abattoir !" Dark Link sourit face à la tentative de provocation de la guerrière. La guerrière s'enhardit d'avantage, folle de rage. Elle se mit à tourbillonner avec grâce, donnant des coups au rythme de sa tornade maîtrisée. Il s'agissait d'une pluie de coups dévastateurs, une version améliorée d'une attaque circulaire. L'épéiste parvint à la contrer et lui asséna un coup déséquilibrant tandis qu'elle montrait une faiblesse dans sa garde. Elle pesta, se maudissant d'avoir été aussi sotte et reprit l'assaut avec plus de fureur et force dans ses coups. L'ombre orna son visage d'un sourire narquois et lui déclara, l'air insolent,
"Nous allons nous arrêter là, tu pourrais finir par blesser quelqu'un voyons..."
La femme semblait hors d'elle et la remarque de son adversaire n'arrangeait absolument rien. Elle devint plus dangereuse mais aussi plus téméraire, ne se protégeant plus correctement. En quelques mouvements à peine que nul ne réussit à suivre correctement des yeux tant la vitesse était impressionnante, Dark Link remporta le combat. La guerrière était désarmée, l'épée de légende sous la gorge. Elle leva les mains balbutiant, "C'est incroyable ! Cette technique de combat... Elle ressemble trait pour trait à celle de mon maître ! Serais-tu un de ses sbires ? Qui es..." commença la Gerudo qui n'eut pas le temps d'achever sa phrase ayant laissé la salle perplexe. L'ombre assomma son adversaire, peu intéressée par une effusion de sang. Il fouilla la gardienne des prisons et trouva sans peine la clé de la cellule de Link et Ghirahim. Zelda s'était tue et observait son allié avec crainte et respect, se demandant bien ce qu'avait pu vouloir dire la femme avant de s'écrouler à terre. Les Gerudos étaient certes dirigées par un homme, mais elle n'avait aucune idée de l'identité de celui-ci et doutait fort que Dark Link face partie de ses amis proches...
"Je te laisse libérer ton ami, tu l'as parfaitement mérité, après tout ce que tu as enduré. Link, j'ai tes armes sur moi, je te les rends de suite."
La princesse approuva et ouvrit la porte de la cellule, libérant les deux hommes prisonniers. Le chevalier sortit, oubliant quelques instants Ghirahim hésitant, on ne venait pas pour sa libération à lui, il le savait pertinemment. Zelda fila dans les bras de son ami, les larmes aux yeux. "Tu es enfin libre, Link ! Nous allons pouvoir reprendre notre route ! Ne t'inquiète pas, Dark Link et Fay m'ont assuré que tout allait bien au sein de la capitale ! Ta vision ne s'est pas réalisée." Le jeune Hylien rougit légèrement, touché de voir que la princesse avait tout prévu. Lui qui ne voulait pas la mettre en danger, voilà qu'elle venait de réussir une infiltration exemplaire au coeur d'une forteresse infestée de guerrières armées jusqu'aux dents ! Zelda possédait maintes ressources, une découverte qu'il renouvelait sans cesse, subjugué par la force de caractère de son amie. Leurs émouvantes retrouvailles furent interrompues par Dark Link, se présentant à eux en désignant du doigt Ghirahim,
"Que devons-nous faire de cet homme ? Il participe lui aussi à l'évasion ? Devons-nous le laisser emprisonné ?"
Zelda semblait hésitante mais Link intervint avant qu'elle ne se décide à formuler une réponse négative. Sa voix était sûre et confiante, "Il vient avec nous évidemment." Il sourit à son rival qui hocha la tête, l'air serein. L'âme descellée se leva et sortit en remerciant son camarade de cellule. Il n'avait de cesse d'être surpris par la gentillesse de Link qu'il n'avait pourtant cessé de persécuter. La princesse n'émit aucune objection mais donna un discret coup de coude à son ami et un regard d'interrogation. Il lui promit de lui expliquer plus tard, l'heure n'était pas le moins du monde à la discussion. Il reprit son sac de bombes et son épée mais regarda le bouclier d'un drôle d'oeil "Il n'est pas à moi... Je... ne connais pas..." commença-t-il hésitant constatant la ligne parfaite de l'objet défensif. Sa surface miroitante le laissait rêveur. Dark Link sourit et lui répondit amusé,
"Nous ne faisons que voler des voleuses. Je crains n'avoir aucun scrupule. Je te le confie, te promener sans bouclier, c'est vraiment de l'inconscience..."
Link l'accepta confus, cette phrase lui rappelait Iria et le village de Toal, elle lui avait fait pareil reproche. Il réparait aujourd'hui son imprudence. S'armant de l'objet, il n'hésita pas à remercier son ancien guide. Des voix s'élevèrent au loin, des bruits de pas et un vacarme impossible se rapprochait. Ghirahim intervint, inquiet, "Les Gerudos ont finalement donné l'alerte, je ne sais pas depuis combien de temps vous vous promenez dans leur forteresse mais... si en plus vous volez leurs objets... Nous avons intérêt à filer, et vite. Elles nous réserveront un sort bien pire que la prison à vie !" Le groupe entier acquiesça et Fay apparut, telle un fantôme. Elle se mit à voleter vers une des sorties. "Suivez-moi, c'est là que commence mon rôle. Je vais vous guider au coeur de la forteresse en prenant soin d'éviter les guerrières. Ayez confiance et contentez-vous de courir... L'heure n'est plus à la discrétion." Dark Link confirma les propos de la femme de cristal et le groupe se mit à suivre Fay parmi les couloirs trompeurs. Les lieux étaient tel un labyrinthe des plus trompeurs, mais l'esprit de l'épée de légende semblait parfaitement savoir où se diriger. Ils franchirent bien des salles, vides et ressortirent au petit matin de la forteresse, fuyant loin du territoire des guerrières. Au loin, elles aspiraient à la vengeance, mais il était trop tard pour une telle demande. Les prisonniers avaient recouvré leur liberté.
Le soleil caressa les joues de Link et Ghirahim ayant presque oublié l'éclat du soleil en une semaine de captivité. L'ombre et la lumière se confondaient désormais pour se concentrer envers un mal plus grand... Un mal menaçant Hyrule. Mais le duo n'était plus seul dans sa lutte... et l'un l'autre ne souhaitait plus jamais être séparé. Ce soleil était une promesse. Le serment que toute cette lutte touchait à sa fin et qu'Hyrule prospérerait à nouveau...
Lorsque Mutoh vit Zelda si bien entourée, il appela les quatre frères ouvriers et vint immédiatement à sa rencontre, soulagé. "Vous êtes partie libérer votre ami, nous en étions certains. Et vous avez réussi, bravo à vous pour ce courage que nul ne saurait égaler. Puisque vous avez accompli votre devoir, j'imagine qu'aujourd'hui votre quête reprend son cours normal. Pour nos adieux, mes ouvriers ont tenu à vous offrir chacun un cadeau. Enfin oubliez celui de Julio, ce n'est qu'un poème, qu'il refuse de montrer qui plus est..." Le groupe demeura silencieux face à la déclaration de l'homme. Il ne le connaissait pas et cette histoire faisait partie du passé de Zelda ; libre à elle de faire des adieux convenables. Link tint tout de même à saluer la joyeuse troupe et à la remercier pour tout ce qu'elle avait accompli en son absence dans l'intérêt de sa protégée. La princesse salua les hommes une dernière fois et ceux-ci commencèrent à présenter leurs quelques cadeaux. "Puisque tu viens de loin..." commença Hiro tandis que Nico prenait la suite "Nous avons pensé à te confier une carte d'Hyrule !" Jiro s'approcha et lui tendit une étrange sacoche de cuir renforcée dans laquelle venait se nicher un parchemin en excellent état enroulé sur lui-même. Elle remercia et Jiro poursuivit la phrase de ses frères "Tu ne te perdras pas comme ça ! Après... il est possible que tu veuilles faire du tourisme et t'aventurer un peu trop loin..." Julio le bouscula pour pouvoir réciter la suite, ils semblaient avoir préparé leur discours. "Comme nous avions un flacon en trop, nous avons pensé à toi. Il contient une potion rouge..." Hiro reprit finalement la parole tout sourire, "Elle guérira la plus coriace des blessures ! Avec ça, tu n'as vraiment rien à craindre !" Mutoh intervint alors coupant l'élan des quatre frères, "ton dernier cadeau est un peu plus... complexe. Nico l'a trouvé dans la forteresse Gerudo avant de se faire capturer. Les guerrières ne s'en sont jamais aperçues. C'est un pendentif assez simple mais qui a sûrement beaucoup de valeur. Et puis, il vient de l'ennemi, alors ce n'est pas n'importe quoi ! J'espère que tu sauras trouver une quelconque utilité à ce bibelot." La princesse acquiesça, ayant fini de ranger ses deux autres présents. Elle ne s'attendait pas à être aussi spoliée par ses amis. Le pendentif en question était muni d'une chaine d'or sur laquelle pendait un étrange insigne rond et violet. Elle n'avait jamais vu pareil symbole, une larme suspendue à un oeil. En apercevant l'objet Dark Link intervint sans avoir le temps de terminer sa phrase.
"Ce pendentif ! Où avez-vous trouvé ça ! C'est..."
Ghirahim venait de lui donner un coup sans animosité aucune. Il le regarda et lui déclara calmement. "On dirait bien que toi et moi on a des choses à se faire pardonner. J'étais sûr que tu tramais quelque chose, tu as tout du traître." Dark Link haussa les épaules et préféra ne rien ajouter à cette étrange remarque. Zelda remercia une dernière fois ses compagnons d'antan en leur faisant ses adieux. Le groupe se dirigea vers la grande plaine d'Hyrule. Le chemin était tout indiqué...
La plaine d'Hyrule était réputée pour sa beauté, et semblait traverser les âges. Lorsque Link et Zelda parvinrent à l'entrée de celle-ci, ils ne purent s'empêcher de repenser à leur temps, où ils aimaient contempler leur plaine et voler non loin à l'aide du Célestrier vermeil du chevalier. Celle-ci avait su gagner en différence au fil du temps, certes, mais elle dégageait toujours cette prestance immuable. Une impression de grandeur et une étrange nostalgie les envahirent lorsqu'ils se mirent à observer les nuages à l'horizon. Le soleil se levait à peine et les teintes de l'aurore embellissaient le lieu sacré. La plaine possédait très peu d'arbres de de reliefs. Un cours d'eau la traversait et une immense colline se dessinait à peine au loin. Les deux amis avaient beau s'interroger, ils n'avaient aucune idée de ce dont il pouvait s'agir. Un vent léger et doux balayait l'endroit le rendant encore plus attrayant. La journée, les monstres ne se montraient pas, Zelda le savait. Ils arrivaient à l'heure parfaite pour poursuivre leur voyage. Ils savaient qu'ils profiteraient au mieux de cette nature et de cette si belle harmonie. Ce royaume d'Hyrule semblait en connaître un rayon sur la beauté. Une étrange aura de savoir, de mystère, d'histoire et de légende semblait y régner. Comme si tout commençait ici. Link et Zelda proposèrent au reste du groupe de se lancer à l'assaut de la plaine d'Hyrule mais les réponses furent toutes négatives. Dark Link s'approcha le premier, Fay voletant non loin de lui et évitant Ghirahim, pâle copie de l'épée de légende qu'elle incarnait.
"Je regrette mais nos chemins se séparent ici. Vous parviendrez très bientôt à votre but et la tâche sera aisée. Alors notre coopération s'achève ici, à l'orée de cette plaine mythique. Je dois retourner à mon devoir, rester en votre compagnie serait une chose agréable. Mais navré, je ne puis me laisser distraire. N'ayez crainte, nous nous reverrons, c'est certain, c'est écrit. Je vous souhaite un excellent voyage. Fay, nous nous téléportons."
Link et Zelda hochèrent docilement la tête sans oser répondre aux adieux précaires de l'ombre. La lumière peu à peu l'enveloppa et il disparut fragment par fragment porté par une douce destinée. Fay les avaient téléportés sans un regard en arrière. Le duo sourit, reconnaissant et se tourna finalement vers Ghirahim. Celui-ci avait aussi refusé de les suivre. Link ne put s'empêcher, ému de repenser aux confidences dans leur cachot et sourit discrètement face à cet étrange nouvel allié. Mais sa réponse ne se voulait guère conforme aux espérances du chevalier. L'esprit descellé prit la parole après un long silence que nul ne vint troubler, "Link, Zelda. Je ne reste pas. Merci pour votre pardon, mais je préférerais oublier cet incident. Enfin pas exactement, puisque j'ai aimé trouver des alliés au coeur des lignes ennemies. Mais faire comme si tout cela n'avait jamais vraiment existé. Je ne recherche plus vengeance, je ne dirigerai plus d'attaque contre vous. Mais pour moi vous resterez toujours... mes éternels rivaux ! Link, je chercherai à rejoindre le mal car c'est là tout ce que je connais. Mais je vous considère désormais d'un autre oeil, je vous épargnerai et si un jour nous nous revoyons en terres interdites, je n'hésiterai pas. N'allez pas croire que je deviens docile et soudainement amical parce j'ai trouvé en vous ce que je n'aurai jamais imaginé possible. Simplement... ON NE SE JOUERA PLUS JAMAIS DE MOI ! En cela, je hais mon ancien maître ! Si je ne peux m'accorder avec un ennemi à cause de mon caractère jugé... imprévisible... J'agirai alors seul ! Dans les ténèbres ! Allez, à la revoyure ! LINK ! Un jour, on se refera un combat... à la loyale ! Je ne t'oublie pas, mon rival !" Le duo se regarda sans oser rien répliquer et finalement, Ghirahim s'en alla en trombe. Le chevalier ne pouvait s'empêcher de sourire, l'ancien scellé faisait tout pour affirmer qu'il n'avait pas changé en profondeur, mais Link aurait juré le contraire. Il n'était plus une menace, bien au contraire. Finalement, ils se retrouvaient tous les deux, en duo, comme auparavant, rien n'avait changé. Et ce n'étaient pas ces fichus Gerudos qui les contrediraient ! Ils avaient triomphé de leur forteresse et une de leur gardienne avait été brillamment vaincue par un homme. Leur façon de penser s'en trouverait très certainement ébranlée. Qui sait, peut-être finiraient-elles par apprendre la modestie.
Link s'apprêtait à partir, fin prêt pour l'aventure quand la princesse le retint. Ils devaient tout d'abord prévoir leur destination. Mutoh n'avait eu de cesse de lui intimer la prudence si jamais elle venait à traverser la grande plaine d'Hyrule. La route était longue, il fallait s'armer de patience. Elle déroula sa carte flambant neuve et la posa au sol. Elle s'aperçut qu'un quadrillage assez grossier permettait d'évaluer distance et temps de trajet, les ouvriers avaient passé bien du temps pour réaliser un si gros travail. "Voilà qui devrait nous aider dis donc ! Si on en croit les inscriptions réalisées par Mutoh et ses ouvriers, en coupant au plus court dans la plaine, nous avons deux ou trois jours de marche à réaliser, sans compter les nuits. Nous ne pouvons pas nous permettre de passer de nuit ici ! C'est un véritable calvaire !" expliqua la princesse affolée, elle n'avait pas imaginé qu'ils seraient amenés à autant marcher. Link conservant son sang-froid tenta d'analyser la situation. Il jeta un coup d'oeil à la carte, puis à l'environnement inconnu l'entourant. Il se replongea dans le parchemin et déclara, sûr de lui, "Nous pouvons nous arrêter au Ranch Lon Lon, ce n'est pas bien loin et c'est à la moitié du chemin. Ils ne refuseront pas d'héberger des voyageurs, c'est certain. Je doute que les propriétaires de ce ranch souhaitent avoir deux morts sur la conscience ! Je suis certain que la ferme est l'étrange colline montagneuse que l'on distingue mal. Nous avons toutes nos chances d'y parvenir !" La princesse observa ce que son ami désignait du doigt et approuva. Enroulant sa carte, elle lui déclara tout en observant le lever du jour "Alors en route Link ! Qu'attendons-nous ? Nous ne sommes plus que tous les deux après tout alors, profitons-en pour nous hâter ! Je suis sûre que les propriétaires du Ranch nous ferons bon accueil, les gens ici me paraissent vraiment tous armés de bonnes intentions. Non, je ne suis pas naïve, je t'assure ! Pour avoir passé une semaine avec Mutoh et ses ouvriers !" Pour appuyer sa remarque elle donna un coup de parchemin roulé sur la tête de son ami qui se plaignit immédiatement d'être durement violenté. Ils éclatèrent de rire et il riposta "Pour avoir passé une semaine en prison au sein d'une forteresse bien gardée, je te conseillerai de rester prudente quand même ! Il n'y a pas que des saints sur cette terre !" Ils rirent à nouveau et se mirent en route, heureux de se retrouver et de voyager ensemble. Ils avaient sans cesse cette peur dévorante que l'un disparaisse et laisse l'autre seul. Mais leur séparation ne faisait que prouver l'inverse : il y avait toujours des retrouvailles. Et désormais, ils n'avaient plus peur.
Le voyage dans la plaine s'effectua sans la moindre difficulté, l'endroit se trouvait être des plus prospères tandis que le soleil montait peu à peu à son Zénith. Le duo franchit quelques collines et se retrouva bien vite à longer une muraille de pierre dans laquelle se trouvait le Ranch Lon Lon. Cette opération fut celle qui leur prit le plus de temps, le domaine semblait immense et le mur aussi infranchissable qu'une forteresse bien gardée. Aux alentours de midi, Link s'autorisa à chasser sur la plaine afin de se nourrir. Ils bivouaquèrent non loin d'un cours d'eau, grillant leur viande durement récoltée. Zelda avait été contrainte de rendre l'arc de Dark Link ; chasser à l'épée des animaux experts en fuite c'était révélé plus compliqué que prévu. Ils se remirent bien vite en marche, effaçant les traces de leur campement, ils avaient bien trop de respect pour la splendeur de la plaine d'Hyrule pour oser la souiller par quelque activité humaine. Les heures les plus chaudes passèrent bien vite. Les deux amis n'hésitant pas à agrémenter leur périple de pauses plus ou moins courtes. Cela les ralentissait certes, mais une insolation aurait été un problème de taille qu'ils n'auraient pu régler. Augmentant leur foulée, se sachant proches de l'arrivée, Link et Zelda parvinrent à l'entrée du Ranch Lon Lon au crépuscule. Partis à l'aurore, ils terminaient au crépuscule. Le duo prit la peine d'observer les environs avant de s'engager dans le domaine accueillant. L'endroit était ravissant. Face au ranch, on discernait sans grande peine la citadelle d'Hyrule, assez lointaine. Une étrange montagne entourée d'un halo de fumée constant se dessinait elle aussi à l'horizon. Il devait très certainement s'agir de l'actuelle montagne de la mort, bien qu'elle semblait avoir considérablement changé. Rien de bien étonnant après tout, son irrégularité au cours du temps venait aussi du fait qu'il s'agissait d'un volcan en haute activité. Le paysage pouvait changer du tout au tout en une éruption effusive. Sans perdre plus de temps à s'interroger sur les maints lieux entourant la plaine, les deux amis pénétrèrent au coeur du Ranch Lon Lon, espérant y trouver à l'intérieur des âmes compréhensives.
Le chemin de terre au coeur de la muraille de pierre les mena finalement au point culminant de la colline, là où vivaient les propriétaires du ranch. Un imposant bâtiment fait de torchis jaune et de bois se trouvait à leur gauche, niché contre le mur de pierre. Une inscription non loin de la porte d'entrée expliquait qu'il s'agissait de la maison principale du propriétaire et de sa fille. Non loin de la maison, juste en face, une large étable en bois servant à rentrer divers animaux avait été construite à l'aide de planches d'ébène sombre. L'herbe semblait soigneusement coupée et entretenue, un véritable plaisir de la fouler. Plus loin, par-delà une immense porte en colonnes de bois, on pouvait apercevoir un large parc grillagé ou les animaux pouvait se détendre sans s'échapper. Link et Zelda toquèrent à la porte du bâtiment principale et pénétrèrent à l'intérieur.
Ils se retrouvèrent dans un intérieur plutôt rustique, non loin d'un comptoir où siégeait un homme ayant tout d'un bon vivant. Un embonpoint certain, une moustache et de gros sourcils marrons et le visage un peu rouge, signe que l'on avait un peu trop forcé sur l'alcool. Il portait un habit de travail taillé en salopette bleue et un haut rouge laissant paraître des bras assez musclés et poilus. Il portait un étrange collier en or et sa coupe étrange lui laissait le haut du crane dégagé mais ses cheveux en arrière formaient une queue de cheval assez relevée. Derrière lui, un escalier menant à l'étage et devant, de la paille et quelques instruments de travails dérangés par une dizaine de poules entièrement blanches piaillant à tout va. Le duo s'avança jusqu'au comptoir où l'homme les accueillit joyeusement en levant les bras au ciel, visiblement ravi de voir des clients. Il allait être déçu.
"Bienvenue à vous ! Vous êtes de sacrés veinards, nous allions fermer boutique, il se fait tard ! Ne me dites rien, vous avez bu du lait Lon Lon à la capitale et vous venez m'en redemander ? Je me présente, je suis Talon, propriétaire de ce ranch qui est toute ma fierté ! Une bouteille de lait se vend à 35 rubis ici, moins cher qu'au coeur de la citadelle ! Il faut bien inclure les frais de transports, expliqua l'homme en touchant sa moustache. Vu de si près, il avait un nez assez impressionnant et très...rond.
- Navré de vous décevoir, commença Link préférant se montrer immédiatement franc, il poursuivit, nous sommes des voyageurs cherchant refuge pour la nuit. On dit que la plaine est infestée de monstres une fois le coucher du soleil total, alors nous préférons agir prudemment... raconta le chevalier en jetant un coup d'oeil par une fenêtre. La moitié de l'astre enflammé avait disparu derrières collines et horizon en peu de temps.
- C'est pourquoi nous nous présentons à vous, dans l'espoir que vous acceptiez de nous recevoir. Si cela est nécessaire, nous avons un peu d'argent sur nous et pouvons toujours payer pour vos services, si vous nous le demandiez, ce serait parfaitement compréhensible, intervint Zelda poliment, précisant le motif de leur visite.
- Oh ! Il fallait le dire plus tôt ! On ne manque pas de place ici, et ce n'est pas rare de venir en aide aux voyageurs ! Nous n'avons jamais refusé d'héberger autrui. N'ayez crainte et rangez votre argent, vous n'êtes pas le moins du monde une gêne ! Je demanderai à Malon d'installer des couchettes ici, les poules iront ailleurs, ce n'est pas gênant, nous ne manquons pas vraiment de place ! accepta Talon en riant à gorge déployée. Les manières très polies de Link et Zelda semblaient l'amuser. On l'avait visiblement confronté à bien d'autres modes de langages.
- Merci beaucoup ! Vous nous sauvez la vie ! s'exclama la princesse les mains jointes en s'inclinant respectueusement.
- Si vous avez besoin de notre aide pour la soirée n'hésitez pas ! Nous serions ravis d'aider cette... ce... Malon à installer les lits si besoin ! proposa gentiment le jeune Hylien tout sourire, il n'était pas sans force et savait se rendre utile quand on le lui quémandait.
- Ne vous inquiétez pas pour cela, nous nous débrouillerons. Puisque vous n'êtes pas du coin, visitez donc le ranch ! Et Malon, c'est ma fille, elle doit avoir dans vos âges, elle m'aide depuis toujours à la ferme. Nous avons aussi un employé hyperactif assez... sensible. Il s'agit d'Ingo, peut-être le rencontrerez-vous ! Il passe son temps à l'étable à me traiter de feignant. Mais il fait du bon boulot alors... mit au courant le propriétaire du ranch s'exprimant beaucoup avec les mains. Il n'hésitait pas à les bouger en tous sens pour amplifier son discours. C'était un homme très expressif.
- Encore merci pour votre aide, nous vous laissons fermer boutique et vous remercions mille fois pour votre accueil ! sourit Zelda visiblement impressionnée par la gentillesse du peuple d'Hyrule, tout du moins les gens qu'elle avait rencontrés. Ils se contentaient de peu et semblaient profiter de la vie comme elle venait, au jour le jour. Elle conclut, à l'adresse de son ami, allez Link ! Allons faire connaissance avec Ingo et Malon !"
Elle le prit par la main et l'entraina à l'extérieur, le chevalier sourit et se laissa faire devant tant de bonne humeur.
Ils se dirigèrent en premier vers l'étable où se trouvait Ingo et une douzaine de vaches chacune dans leur enclos. Elles mugissaient à intervalles réguliers, un bruit qui devait être énervant à entendre continuellement. Rien d'étonnant à ce que l'employer de Talon se trouvait la plupart du temps d'humeur grincheuse. Les deux amis s'amusèrent à nourrir une vache et à la caresser. Bien vite les autres protestèrent contre le traitement de faveur et l'étable devint une véritable foire. Ingo vint bien vite réprimander les deux nouveaux venus, fourche à la main, il l'utilisait pour tasser le foin dans un coin. "Alors vous, vous ne connaissez visiblement pas les vaches du Ranch Lon Lon ! Toutes des jalouses ! Si vous vous occupez de l'une d'elles, les autres rappliqueront aussitôt ! Travailler dans ces conditions est vraiment insoutenable ! Alors arrêtez de les énerver, vous serez bien aimables !" s'énerva Ingo en bondissant en tous sens comme un enfant en colère. Mais il était armé d'une fourche, mieux valait l'écouter. Tout comme Talon, Ingo portait un bleu de travail blanc et un haut vert. Il avait les cheveux coupés courts, une moustache et d'étranges sourcils coupés en éventail. Link répondit le visage crispé, un sourire gêné et coupable animant ses traits "Bien monsieur, nous ne vous gênerons plus ! Bon courage à vous pour entretenir toutes ces belles bêtes !" De peur d'une nouvelle réprimande, le duo sortit immédiatement de l'étable tandis que Ingo soupirait, grommelant et marmonnant dans sa moustache "Ah ces jeunes, ils ne s'arrêtent donc jamais..."
Les deux amis se dirigèrent donc en direction du parc où trottaient librement de magnifiques chevaux aux robes variées. Ils en firent le tour, découvrant un autre bâtiment peu intéressant et délaissé. L'intérieur était rempli de matériel et de caisses en bois remplies de bouteilles de lait. Le stock paraissait bien s'écouler, les réserves étant peu nombreuses. Revenant sur leur pas, ils furent attirés par la voix d'une jeune fille chantant au clair de Lune. Elle avait de longs cheveux soyeux et roux lui descendant jusqu'au bassin. Elle portait un haut assez léger en toile blanche et une jupe rose munie d'un tablier accroché à sa ceinture en cuir. Elle portait élégamment un châle jaune sur ses épaules, noué devant et retenu par une petite bague en argent. D'une beauté pourtant quelconque, elle avait un charme réel et n'avait pas dû laisser indifférents bien des hommes. Elle ouvrit ses grands yeux bleus à l'arrivée du duo et stoppa sa douce mélodie qui semblait apaiser les chevaux.
"Qui êtes-vous donc ? Questionna la jeune fille surprise de découvrir de nouveaux visages.
- Je me nomme Zelda et mon compagnon de route, Link. Ton père a accepté de nous héberger pour cette nuit, nous tentons de franchir la plaine pour gagner la citadelle d'Hyrule, expliqua la princesse poliment se permettant de tutoyer Malon, elle savait qu'elle ne le prendrait pas mal.
- Je vois, c'est une tradition d'accueillir les voyageurs par chez nous ! Mettez-vous à l'aise, je vous conseille de rentrer dans le parc et de regarder la lune une fois à l'intérieur, c'est magnifique et ça incite à la discussion. J'aime y chanter le soir, entourée des chevaux que je dresse ! Sans moi, le Ranch Lon Lon ne posséderait aucun cheval ! Nous les louons pour des courses où des transporteurs, ils ne nous ont jamais fait faux bond, souffla la jeune fille captivée par son élevage. Elle semblait mettre du coeur à l'ouvrage et possédait une réelle passion pour ses montures.
- C'est vraiment très aimable à vous de nous accepter parmi vous quoiqu'il en soit, tradition ou non. Je n'ai jamais monté de cheval, je me demande comment c'est... commença Link tentant de s'intéresser à la passion de Malon ravie de pouvoir l'informer.
- C'est bien dommage ! Tu as probablement eu une expérience avec d'autres montures au moins ? Monter à cheval n'est pas bien difficile, surtout lorsqu'ils sont dociles et bien dressés comme les nôtres ! Le tout, c'est d'avoir confiance en son destrier, s'il sent ta peur, il finira par ne plus obéir. C'est une chose que la plupart des gens ne comprennent pas... soupira la fermière en se tournant en direction des chevaux dans le parc, l'air mélancolique.
- Hum... d'où nous venons, nous pratiquons l'élevage de gigantesques oiseaux qui deviennent nos montures à vie. Ce sont les Célestriers, de fidèles créatures en voie d'extinction. Peut-être que monter à cheval est similaire finalement... compara Link un peu réticent à avouer son mode de transport. Malon en fut totalement surprise, l'Hyrule du futur ne connaissait plus les Célestriers...
- Ah oui... vraiment en voie d'extinction alors parce que je n'en ai jamais entendu parler ! Quoiqu'il en soit, je suis persuadée que tu te ferais parfaitement à nos chevaux ! Si vous voulez arriver plus vite à la citadelle, nous pourrions vous en prêter un, proposa la jeune fille tandis qu'au loin Talon l'appelait.
- Eh bien... nous devons encore y réfléchir mais c'est une proposition intéressante... déclara la princesse s'immisçant à nouveau dans la conversation. Ils devaient absolument gagner le plus de temps possible, en cela, un cheval leur serait d'une grande aide.
- Tenez-moi au courant ! Je suis désolée mais je vais devoir vous laisser, mon père insiste, probablement parce que pour le repas de ce soir, nous serons plus nombreux. Il lui faut de l'aide afin de tout préparer correctement ! Conclut la fermière saluant vivement Link et Zelda. Elle s'éloigna en courant, ses bottes produisant un son assez joli sur la terre battue et l'herbe grasse.
Les deux amis restèrent quelques instants, profitant du soleil couchant. Au loin, la demeure du gérant et de sa fille s'éclairait, se parant d'une douce lumière. Les bruits étaient divers, couverts s'entrechoquant, chaises déplacées à l'étage. Le Ranch Lon Lon s'investissait beaucoup pour ses invités qui n'avaient jamais demandé ou même espéré pareille attention. Le duo aurait volontiers entamé la conversation si Malon n'était pas venue interrompre leur tête à tête du crépuscule. Ils promirent de se trouver un moment à partager tous deux une fois le repas passé. Ils avaient beaucoup à échanger après la fin de ce voyage et les derniers événements. Les sujets à passer en revue se promettaient passionnants et surtout nombreux. Dark Link, Ghirahim, les Gerudos ou encore les quelques jours séparés l'un de l'autre. Le dîner traina en longueur sans la moindre gêne. Ingo ne semblait pas tenir à y participer et demeurait à l'étable, gérant quelques animaux récalcitrants. La famille du ranch était accueillante et continuellement rieuse. Talon en bon vivant invitait sans cesse Link et Zelda à se resservir. Les produits présents sur la table ronde à la nappe aux carreaux rouges et blancs étaient uniquement des biens de la ferme. Ils semblaient être très célèbres dans la région et vendaient un peu de tout. Le repas du soir se voulait simple, quelques poules en fin de vie avaient été servies, accompagnées de produits frais et de lait bien entendu, la spécialité de la maison. La conversation allait bon train et le duo ne vit guère le temps avancer et décliner. La fatigue semblait les avoir abandonnés, ils étaient en pleine forme, ravis de pouvoir partager avec les habitants d'un autre monde. Un futur radieux attendait leur Hyrule. A condition de régler ce pourquoi ils étaient venus. Après quelques fous rires incontrôlables et un dessert succulent, les deux amis parvinrent à s'éclipser.
Avant de laisser leurs convives les remerciant pour l'accueil et la nuit, Malon intervint, se levant, souriante, envoyant valser ses cheveux roux. "Si lorsque vous revenez, nous sommes déjà couchés, sachez que vous dormez tous les deux au rez-de-chaussée, dans ce lit. J'espère qu'aucun de vous ne présente d'allergies au foin ! J'ai fait de mon mieux pour nettoyer mais j'ai bien peur qu'il reste quelques brins au sol, cela fait une éternité que nous n'avons pas eu de convives !" Link et Zelda se regardèrent hésitant, la princesse finit par soulever une question qui n'avait de cesse de gêner son ami, "Nous dormons donc dans le même lit, en bas ?" Les deux amis avaient certes déjà réalisés les quatre cents coups ensemble mais les temps avaient changés, ils n'étaient plus des enfants. Malon réfléchit quelques instants avant d'oser avancer une évidence "Bien sûr... vous... n'êtes pas... ensemble ? Je... j'ai cru que deux voyageurs dans la plaine, ainsi, seraient forcément... en couple... non ?" La fermière affichait une mine des plus soucieuses désormais, consciente de son erreur et de son manque de jugement. La princesse reprit rapidement, rassurant leurs hôtes et cette nouvelle amie sensible "Ce n'est rien, ce n'est rien ! Nous voyageons depuis fort longtemps, cette proximité ne nous dérangera pas ! N'est-ce pas, Link ?" Zelda se retourna, radieuse, vers son ami. La situation semblait beaucoup l'amuser. Le chevalier se contenta de faire écho à sa bonne humeur, se retenant de justesse de rougir. Il était plutôt enclin à la nouvelle mais se contenta d'approuver aimablement, "Mais oui, ça ne change rien de toutes façons ! Tu n'as pas à t'en faire Malon !" Le malentendu dissipé, Link se hâta de sortir afin de rejoindre la pénombre, la nuit, monde obscur, dissimulerait sa gêne. La jeune Hylienne salua à nouveau la famille du Ranch Lon Lon et partit rejoindre son ami pressé.
Le duo vint s'adosser à la barrière, au coeur du pré où les observaient quelques chevaux, l'air amical. L'endroit idéal et idyllique, que leur avait conseillé Malon. Le clair de Lune était magnifique à cet endroit, l'astre de la nuit brillait de mille feux. Les ténèbres faisaient grise mine face à l'imposant cercle d'argent. La Lune était pleine et les étoiles s'apercevaient parfaitement. Le ciel dégagé offrait une vue imprenable sur un tel spectacle. La princesse entama la conversation la première, un vent frais soufflait tout autour d'eux, au coeur du ranch.
"C'est un endroit magnifique, je suis heureuse de voir qu'Hyrule ne se limite pas uniquement à la cruauté et au sexisme de ces guerrières du désert, les Gerudos. C'est un futur... parfait, oui, souffla-t-elle enchantée par tant de beauté et de bonheur. Malon et Talon vivaient simplement, au jour le jour, et rien n'aurait pu les rendre plus heureux. La jeune fille ne pouvait que leur souhaiter de poursuivre dans cette voie sans que nul ne touche à leur propriété.
- Oui, tu as raison. Je ne comprends pas comment pareille vision cauchemardesque peut venir ternir un si beau tableau. Hyrule ne semble connaître aucune guerre, aucun ennemi, et pourtant, je revois très clairement la capitale en feu. Malon et Talon ne sont au courant d'aucun complot envers la royauté. Mais la chute d'un si bel empire est pourtant proche. Le futur est beau, mais il est compromis... rappela douloureusement le jeune Hylien ne pouvant s'empêcher de ressasser ce maudit rêve hantant ses nuits. Tout était si fidèle à sa vision. Il n'imaginait rien, ce monde existait bel et bien.
- N'aie crainte, nous arriverons à temps cette fois-ci. Tout porte à croire que la citadelle à encore un bel avenir devant elle. Après tout, il n'existe pas une destinée que nul ne peut changer. Nous sommes les agents sabotant la machine ! Notre existence en ce royaume n'était pas prévue. En cela, les Portes du Temps sont une véritable délivrance. Tes visions ne sont pas un hasard. Elles demeurent et perdurent pour cesser, tout simplement. C'est un appel à l'aide, j'en suis convaincue ! insista Zelda tentant de rassurer son ami, la soirée qu'ils avaient passée invitait à l'optimisme. Elle ajouta, comme pour appuyer ses propos, et puis, nous ne sommes pas seuls ! Même Fay et Dark Link sont de notre côté, malgré tous leurs mystères et propos armés de non-sens.
- Tu ne m'as pas parlé de Ghirahim d'ailleurs, pourtant il nous a aidés pour notre évasion. Je l'avais mal jugé... ce qui n'était pas difficile puisque notre rencontre a débuté par de sévères vengeances et rien n'aurait laissé présager qu'il possédait certaines manières. Il nous remercie de l'avoir sauvé au coeur du désert des Illusions. Nous avons bien fait de réaliser le voeu de la grande fée. Désormais, nous n'avons plus qu'un seul ennemi, nous ne pouvons pas considérer Ghirahim comme tel. Il n'est pas de notre côté mais il ne se montrera plus jamais hostile sans raison valable tout du moins. C'est une bonne chose... une chose... que je n'aurais jamais pu envisager, concéda le chevalier le regard rivé vers la Lune, préférant ne pas trop fixer son amie.
- J'ai été étonnée, oui, mais au final, en y réfléchissant bien, tout cela avait une logique. En milieu hostile, vous ne pouviez que vous entraider, sans pareille situation, tu n'aurais jamais changé d'avis sur lui. Et il y avait de quoi, il était une menace pour Hyrule et pour nous ! Il est parvenu à changer le cours du temps et j'ai bien cru ma dernière heure arrivée chez les Zoras. Je suis heureuse que tout finisse pour le mieux, avoua la jeune fille en retenant une mèche de ses cheveux. Elle posa une main sur l'épaule de son ami et ajouta sur le ton de la confidence, je ne sais pas ce que j'aurai fait sans Dark Link, nous lui devons beaucoup. Tu n'aurais jamais pu sortir sans son aide.
- Tu as été exceptionnelle pourtant ! Je ne te savais pas si douée à l'arc, tu es parvenue à immobiliser un bon nombre de guerrières dans la panique ! Vous formiez un bon trio toi, Fay et son maître. Mais ça ne m'étonne même pas, tu sais t'adapter, sourit Link les yeux mi-clos bien décidé à finalement regarder l'élue des déesses droit dans les yeux. Il avait complimenté son amie sans trop y penser, un peu comme un automatisme.
- Voyons, tu en fait trop ! Tu plaisantes ! C'est Dark Link et Fay qui ont tout fait, ils sont vraiment gentils. On peut compter sur eux ! Même si je trouve ton ancien ami un peu ambigu. Je n'arrive pas toujours à le suivre. Il peut se mettre à rire et à sourire et l'instant d'après se renfermer sur lui-même. C'est intriguant. Tout comme son histoire que je ne peux qu'imaginer par ce que j'en entends... commença la princesse songeuse, accoudée à la barrière, son poing soutenant son visage plus pâle et brillant qu'à l'ordinaire. Les reflets de la Lune ne faisaient que l'embellir davantage.
- Je dois avouer que le peu de temps que j'ai passé en sa compagnie ne m'a pas plus aidé que toi. Tantôt un allié, tantôt un ennemi, je ne sais parfois guère quoi penser de son comportement. Mais par deux fois en peu de temps il se présente à nous en tant qu'ami, ainsi, je pense que nous pouvons le juger comme tel. Je lui fais confiance, accorda Link songeant à nouveau à son périple tandis qu'il tentait de rejoindre la princesse dans le corps d'un loup sauvage. Une aventure qu'il avait toujours tenue secrète et dont Zelda ne lui demandait aucun détail. Il reprit insistant sur les qualités de son amie d'enfance, en tout cas je te remercie pour être venue à mon secours. J'étais bien mal sans toi, Dark Link ou pas, tu es quand même venu à mon secours. On peut visiblement compter l'un sur l'autre en cas de coup dur ! Je le pense sincèrement, nous nous en sommes toujours sortis, pas question de nous arrêter. Notre avenir est prometteur, c'est certain.
- Je suis persuadée que nous reverrons cet homme et que nous finirons par en apprendre plus. Il réserve peut-être encore de bonnes surprises, qui sait ! Malgré tout, tu n'as pas à me remercier. J'ai plusieurs dettes envers toi, tu es toujours là pour me protéger et veiller sur moi. De plus, tu as accepté de voyager avec moi, ce n'est pas une tâche aisée pour un chevalier, un travail à plein temps ! fit remarquer Zelda ayant conscience des risques que prenait son ami.
- Vraiment, c'est trois fois rien, ce voyage à tes côtés est agréable, peut-être même la meilleure chose qui me soit arrivé, bien qu'il soit motivé par des buts dramatiques... Je... enfin bref, j'ai l'impression de raconter n'importe quoi, ne prend pas tout au sérieux hein. Mais je tiens beaucoup à toi, et ta présence est essentielle pour cette mission je crois. Je n'arriverais à rien sinon... Je... ferais mieux d'aller dormir... balbutia le jeune Hylien confus les joues rosies. Parler ainsi était délicat, il finissait toujours par s'emmêler. Zelda le connaissait bien, fort heureusement, mais pas assez pour se douter de ce qui provoquait une telle gêne.
- Tu m'as l'air fatigué effectivement, nous ferions mieux de rejoindre la famille Lon Lon avant que tu ne t'écroules de fatigue. La route devrait être bien plus tranquille demain, puisque nous aurons une monture pour nous mener à la capitale. Notre quête s'achève bientôt, je dois avouer que je suis chagrinée par pareille nouvelle, souffla la jeune fille tentant de conclure joyeusement tout en s'admettant nostalgique.
- Oui, si tout se passe bien, demain, tout sera enfin terminé. Et mes rêves cesseront, mes visions n'auront plus lieu d'être puisque le Héros sera préservé de la mort. Lui et son royaume... répondit le jeune Hylien éprouvant à son tour un sentiment mitigé. Une grande délivrance et pourtant l'impression nette que les choses ne pourraient se réaliser avec tant de facilités. Le fait d'avoir vu Hylia récemment au coeur de son inconscient ne pouvait que le conforter dans pareille idée.
- Alors à la victoire ! Mais surtout... profitons de cette dernière soirée, je m'étais fait à notre existence nomade. Revoir le palais m'attristerait presque. C'est idiot, non ?
- Non c'est normal. Tu as raison. Restons encore un peu, ici, tous les deux."
Ils passèrent ainsi une grande partie de la nuit, seul à seul, sans éprouver nul besoin de rejoindre Malon et Talon probablement déjà endormis. Les sujets de conversations fusèrent, les remerciements et les confidences aussi. Leur aventure commune était un sujet inépuisable et le chevalier remerciait à chaque instant le ciel pour une telle promiscuité et un tel sentiment de partage. Le futur était encore à écrire, mais demain suffirait. Ce soir, seul leur amitié d'antan comptait.
Tiré tôt du lit par Malon, les deux amis partirent peu après, sans avoir guère le temps de saluer une dernière fois Talon, dormant profondément à l'étage supérieur. La jeune fille s'excusa de presser ainsi les voyageurs mais elle y semblait contrainte. Elle les mena au pré où broutaient les chevaux insouciants. Au loin, Ingo travaillait déjà au coeur de l'étable, seul le patron profitait encore de quelques heures de sommeil supplémentaires. Malon se posta devant un étalon en excellente forme à la robe obscure et soyeuse. Il semblait largement assez résistant pour deux passagers. "Je suis désolée, mais je préfère garder ce prêt secret, mon père pourrait s'y opposer sans raison valable ! Je vous confie cette monture, elle est déjà sellée et sera parfaite pour des débutants comme vous. Sa carrure est prévue pour plusieurs passagers. Lorsque vous n'aurez plus besoin d'elle, lâchez-la simplement au coeur de la plaine d'Hyrule, elle retrouvera seule son chemin et sans embûches. N'ayez crainte et surtout je vous souhaite d'arriver vite à la capitale !" Link et Zelda remercièrent maintes fois la jeune fermière gênée par tant d'enthousiasme. Après avoir jeté un dernier regard au Ranch Lon Lon, ils enfourchèrent l'animal et partirent au trot, encore mal à l'aise face à ce type de sensations. Malon leur adressa un grand signe de la main, rayonnante. Elle leur faisait pleinement confiance, c'était pleinement agréable de pouvoir ainsi compter sur des villageois en cet Hyrule du futur.
Le voyage fut assez rapide, une pause à midi put s'effectuer sans le moindre problème. Ils dégustèrent quelques produits du Ranch que Malon avait discrètement glissées dans les sacoches de la selle. Un cadeau d'adieu appréciable, à un point tel qu'ils dévorèrent les provisions en un repas. Un grand soulagement aurait pu accueillir leur arrivée en ville, signant la fin de leur lointain périple. Mais ce fut malheureusement tout sauf le cas. Le palais et ses environs furent visibles au duo en fin d'après-midi, le soleil embrassant d'ors et déjà la terre. Et malgré tant d'efforts, Link et Zelda ne purent constater qu'une chose : ils arrivaient trop tard. Oui, la vision du chevalier commençait à se réaliser ! Et c'est une capitale en proie aux flammes qu'ils découvrirent, la beauté ayant fui le paysage pour n'y laisser que désolation. Au loin les cris s'entrechoquaient et le crépitement des flammes semblait audible de là où ils se trouvaient.
Le destin était-il à ce point inenrayable ? La légende d'Hyrule était-elle ainsi seulement promise aux flammes et à la mort de son héros ? C'était donc ça, le si beau futur, que l'on réservait à un royaume en pleine expansion ? Une paix soufflée par un terrible désastre. Hyrule devenait désolation. Link ne put s'empêcher un hoquet de surprise et de terreur. Là où ses pas le guidaient, la mort le précédait.
"Link ! C'est horrible... la ville elle..." Zelda n'osa pas achever sa phrase, sachant pertinemment que son ami pensait tout autant, si ce n'est même pire. Leur cheval fut lancé au galop, une cadence qu'ils tinrent malgré leur inexpérience. Le chevalier était animé par la peur, en lui les souvenirs résonnaient et s'entrechoquaient. A côté de ça, une semaine emprisonné chez les Gerudos aurait pu apparaître comme douce consolation. Il ne pouvait s'empêcher de se sentir impuissant mais n'était pas décidé à baisser les bras. D'après les propriétaires du Ranch Lon Lon, la citadelle allait parfaitement bien hier encore, le feu venait probablement tout juste de s'être déclaré. En s'aidant de sa vision comme indication et protocole à suivre, Link avait toutes les chances de rétablir la situation, il en demeurait certain. Les sabots ferrés du cheval résonnèrent sur un pont levis fait d'un bois de bonne facture, très probablement du chêne. Ils étaient parvenus à l'entrée de la ville en moins d'une demi-heure. Ils jugèrent bon de laisser le cheval à l'extérieur de la citadelle, au cas où le feu aurait la bien mauvaise idée de lui chatouiller les narines. Ordonnant à leur monture de les attendre, ils pénétrèrent au coeur de l'incendie malgré la chaleur et la peur panique qui semblait avoir envahi le bourg d'Hyrule tout entier.
Si un tel contexte d'apocalypse ne présentait pas la ville sous son jour le plus néfaste, Link et Zelda lui auraient volontiers trouvé du charme. Mais tout n'était plus que cendres, la plupart des bâtiments ayant possédé une charpente en bois ne tenait plus vraiment debout. Le bourg s'articulait tout autour d'une place centrale où s'écoulait une fontaine, seul point d'eau au coeur du désastre. Des pavés manquaient sur le sol, résultat d'une panique désordonnée suite à la fuite des citadins horrifiés. Link et Zelda allaient en sens inverse de la foule, ce qui n'arrangeait guère leur avancée. Au loin, quelques bâtiments étaient discernables : le fameux palais dont avait maintes fois rêvé Link et une construction faite de pierres, que les flammes ne parvenaient pas à atteindre. Il s'agissait très probablement d'un temple. L'architecture typique rappelait au duo le temple du sceau, ce qu'ils ne manquèrent pas de faire remarquer l'un l'autre. Les hurlements de la foule soumise à un stress anxiogène provoquaient un brouhaha incessant et inquiétant. Quelques bribes étaient parfois audibles, "Fuyez vite ! Hyrule est perdu !" était une des phrases types, d'autres se voulaient plus intéressantes et laissaient à méditer "C'est un coup d'état ! La famille royale est en danger !" et il restait évidemment les plus pessimistes "Ô grandes déesses, venez à notre secours !" Link et Zelda durent se battre pour réussir à traverser la foule et s'arrêtèrent un bref instant à l'entrée d'une ruelle entièrement délaissée. La ville était devenue quasi vide en très peu de temps, seule la place conservait quelques rescapés. Certains croyaient encore en la venue de leur Héros pour les sauver du mal qui rongeait leur monde. Link et Zelda établirent un plan d'action assez rapide. Le jeune chevalier prit la parole le premier en jetant un coup d'oeil à la foule "Nous devons nous rendre au palais ! Tout se passe exactement comme dans mon rêve ! Et dans peu de temps, la princesse de ce royaume mourra. C'est un assassinat, nous pouvons encore l'empêcher ! Il nous faut juste atteindre le palais au plus vite..." expliqua l'Hylien ne s'attardant pas sur les détails. Il n'avait aucune idée de la façon dont elle pouvait bien mourir, il fallait simplement la sortir du palais avant qu'il ne devienne son tombeau. Zelda acquiesça et ils se faufilèrent parmi les bâtiments, en direction du château, bien visible au loin.
La route était jonchée de cadavres de gardes ayant succombé à l'assaut d'une horde de monstres ayant visiblement profité de l'incendie pour s'infiltrer. Le chemin en terre laissa bien vite place à une grille en fer qui ne bloquait absolument plus l'entrée. A moitié relevée, elle avait subi énormément de déformations. Les viles créatures avaient surement frappé jusqu'à ce que l'armature cède. Les deux amis avancèrent prudemment mais nul ennemi ne vint les gêner, ils étaient probablement tous au palais ou déjà repartis dans leur repaire. Ils suivirent le chemin principal, longeant une colline où l'herbe avait été piétinée avec rage ou avait simplement brûlé. Nul doute qu'auparavant l'endroit devait être magnifique. Mais ce temps était révolu, la nature souillée. Le duo franchit une légère muraille qui ne semblait plus vraiment protéger grand-chose et parvint face au palais à la beauté légendaire. Entièrement fait de pierre, il n'était pas encore devenu tas de ruines, et bien que les pierres blanches aient noirci, l'édifice restait de taille et un élément d'architecture rare. Composé de multiples toits bleus et de larges fenêtres, l'endroit semblait gigantesque. Le pont-levis servant d'entrée était abaissé et l'eau des douves contenait foule de cadavres. Link et Zelda poursuivirent leur chemin sans s'émouvoir, pressés par le temps. Se repérant du mieux qu'il leur était permis, ils parvinrent à la salle du trône d'où des voix s'élevaient. Discrètement, le duo se mit à épier la conversation afin de comprendre à qui ils avaient affaire.
"Le roi est mort, je sais que tu avais chargé Impa de protéger ton père, mais elle s'est avérée n'être qu'un simple contretemps ! Maintenant, tu es la seule personne qui rend le pouvoir de mon maître illégitime ! Tu es un élément à supprimer et je vais immédiatement procéder à la correction... souffla une voix peu amicale et vide de tout sentiment. Elle parvenait à parler sans donner l'impression réelle de le faire, c'était plus qu'étrange.
- Comment ! Mais... Pour... pourquoi ! Nous étions en paix, nous n'avions strictement rien fait à votre maître ! Il n'a pas à nous voler ce qui nous est dû ! Moi vivante, vous n'aurez jamais le trône d'Hyrule, je ne me laisserai pas faire ! Je ne vous laisserai pas faire ! se défendit une autre voix, bien plus féminine et très expressive. Elle contenait parfaitement sa peur et paraissait calme et déterminée.
- Le maître se fiche bien de vous tous, Hyliens inutiles et faibles. Nous vous supprimerons tous et afficherons notre suprématie. Vous allez regretter de nous avoir sous-estimés ! Peut-être considèreriez-vous votre monde en paix, mais nous, nous avons toujours été en guerre contre vous ! Le maître est puissant, mais il désire une vengeance amplement méritée. Vous savez exactement ce dont je veux parler... poursuivit la voix sans nulle pitié. Des bruits de pas se faisaient entendre, la jeune fille avait reculé.
- Absolument pas, non ! Arrêtez de martyriser un peuple entier sans raison valable ! Votre maître se joue de nous, et ne cherche que notre souffrance ! Nous ne permettrons pas de telles impunités ! Vous paierez ! Poursuivit la jeune fille courageuse.
- Je ne te crois pas à ton avantage pour avancer de tels propos..."
Les bruits de pas retentirent à nouveau. La fugitive avait pris la fuite en direction de sa chambre, son ennemi à ses trousses. Link grinça des dents et dégainant sa lame, il intercepta le monstre qui tentait d'attenter à la vie de la princesse qu'il devait absolument secourir. Il s'agissait d'une forme humanoïde, l'air spectral et entièrement sombre. Une ombre. Comme Dark Link. Mais une ombre bien différente et qui ne pourrait jamais posséder sa classe. Elle portait une armure de fer et de cuir. Un casque coiffé de deux cornes empêchait de le discerner complètement et lui donnait une apparence très squelettique. Sans être bien vivant, l'aura nébuleuse et maléfique était néanmoins matérielle et donc fragile. "Je ne vous laisserai pas faire de mal à cette jeune fille... Zelda, suit le plan à la lettre ! Ne t'inquiète pas pour moi ! Il en va de la vie du Héros !" La Princesse de la Destinée acquiesça non sans une once d'inquiétude et courut à la suite de la fugitive paniquée. L'individu pesta et rompit la parade de Link dans un entrechoquement de lames. L'épée de l'ennemi du chevalier était d'un noir profond sans le moindre reflet, elle semblait tout droit sortie d'un cauchemar. "Tu crois que j'ai le temps de jouer avec toi ? Tu rêves mon pauvre petit !" se moqua l'homme fantomatique en ne prenant même pas peine de dissimuler le rictus qui venait d'envahir son visage. Jouant sur l'effet de surprise du fait que son ennemi le sous-estimait, le chevalier engagea le combat sans prévenir, chargeant et entaillant son adversaire férocement. Il était prêt à tout pour protéger Hyrule, qu'importe l'époque. "Tu crois pouvoir me blesser ? Laisse-moi rire, cette épée de pacotille ne me touche même pas, elle me paraît être une légère brise ! Tu devrais la revendre, tu t'es bien fait avoir sur la marchandise..." Link regarda ébahi la plaie de son ennemi se refermer et compris bien vite qu'il n'était pas en bonne posture. Sur ses gardes, il surveilla l'homme n'ayant toujours pas engagé le combat. Il n'avait de cesse de se poser des questions le concernant et concernant l'épée de Ghirahim. Mais l'ombre rangea son arme et ricana sombrement en jetant à Link, sur un ton de défi "Fait ce que tu veux ! Essaie seulement d'empêcher la mort du Héros, tu en es incapable... Même si je te laisse libre de tes mouvements et actions... Essaie seulement... imbécile !" A ces mots, l'étrange monstre se volatilisa laissant le chevalier seul. Les paroles de la créature ne l'avaient pas franchement apeuré, il était prêt à tout pour relever le défi et sauver le Héros d'une mort certaine ! Sortant du palais en évitant soigneusement les flammes le plus nocives toujours vivaces, l'Hylien retrouva Zelda à la sortie. Elle ne semblait pas avoir eu la moindre difficulté à convaincre la princesse de la suivre puisqu'elle se trouvait à ses côtés. Plus exactement, la jeune Hylienne soutenait la femme affaiblie. Souhaitant s'assurer de son état, l'amie de Zelda accourut au plus vite,
"Comment allez-vous, princesse ? Je me présente, je suis Link, chevalier errant ! Je suis à votre service ! En constatant les dégâts faits en ville, je suis venu vous porter secours ! Vous êtes hors de danger, tout va bien ? demanda l'Hylien préférant taire ses visions pour le moment, la jeune fille semblait en état de choc pour le moment, mieux valait qu'il se fasse passer pour quelqu'un de son monde. Elle hocha la tête péniblement et répondit bien vite mais d'une voix lente et saccadée.
- J'ai inhalé un peu trop de fumée... Le feu se calme tout juste... Tout va beaucoup mieux. Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous venez de faire. Vous m'avez probablement entendue dans le palais. J'ai tenté de ne pas succomber à mes émotions face à cet horrible assassin mais la vérité est que je ne pouvais absolument pas me défendre contre lui... J'étais seule, et sans vous deux, j'y aurais laissé la vie, sourit-elle faiblement, embellissant un merveilleux visage. Ses longs cheveux blonds et lisses lui allaient jusque dans le haut du dos, coiffée d'un diadème d'or et de boucles d'oreilles qui n'était pas sans rappeler la Triforce, elle dégageait une telle prestance qu'elle imposait immédiatement le respect. Sa robe aux tons pastel portait les armoiries de la famille royale. Par certain aspects, elle rappelait Zelda, cette force, cette sagesse et pourtant cette infime petite part de fragilité en elle. Ce fut justement la Princesse de la Destinée qui lui répondit, tout sourire.
- Vous vous en êtes très bien sortie, nous n'avons pas beaucoup fait, croyez-nous. Avez-vous des proches à prévenir ? Des gens qui pourraient être en danger ? questionna la jeune fille qui n'était pas sans oublier la vision de son ami, le pire était à venir, et le Héros ne devait pas mourir. La jeune femme prit une mine sombre, baissant les yeux.
- Toute ma famille est morte... Je ne peux plus compter sur personne... souffla-t-elle tristement. Son regard se détourna de celui de ses interlocuteurs. Elle semblait porter un très lourd poids sur ses frêles épaules. Orpheline, le peuple désormais n'avait plus qu'elle.
- Vous n'aviez personne de proche autre que votre père et votre nourrice ? Insista Zelda qui semblait en avoir appris déjà plus que Link sur la jeune fille lorsqu'elle s'était retrouvée seule avec elle dans les couloirs du palais. Elle ajouta compatissante, je sais que la royauté ne peut pas se mêler au peuple, mais les interdits sont aussi fait pour être franchis...
- Il y a bien quelqu'un oui... Mais je n'ai pas eu de nouvelles de lui... Il est plutôt doué pour apparaître seulement quand tout va mal ! Mais il est possible oui, qu'il court un grave danger... Je... je veux parler du Héros du Temps. J'ai croisé son chemin à maintes reprises, et j'ai bien peur que ces monstres veuillent aussi s'en prendre à lui... avoua la princesse en tentant de se redresser légèrement et de cacher son désarroi. Elle faisait preuve d'une grande maîtrise de soi, mais son inquiétude était palpable. Se souvenant des sentiments que portait le Héros pour la jeune femme, Link intervint à son tour, rassurant.
- N'ayez crainte, il ne lui arrivera rien, nous allons le retrouver, vous pouvez compter sur nous, conclut le chevalier. Dans pareilles situations, la rescapée semblait croire à n'importe quoi et elle acquiesça visiblement apaisée."
Peu après, la princesse d'Hyrule put se relever sans trop de mal et le trio se dirigea lentement vers la capitale à feu et à sang. Le peu de villageois n'ayant pas fui acclamèrent leur souveraine, la reconnaissant immédiatement. Sa présence illuminait bien des visages. Calmant la foule, elle se mit à observer les lieux horrifiée, "Tout n'est plus que ruine... c'est horrible... pas un seul bâtiment n'a été épargné... et le peuple a fui vers l'horizon..." Link hocha la tête lentement, soupirant devant un constat qui ne s'avérait que trop vrai. Le trio passa quelques heures ainsi en ville, jusqu'à ce que le lever du soleil arrive et réchauffe le coeur, redonnant espoir à tous. Le quotidien n'était plus, tout était à reconstruire. Mais le temps filait toujours, la vie continuait et le mal avait quitté la région. La paix était revenue, une paix fort dérisoire. La princesse et ses fidèles allaient devoir bâtir une nouvelle ville.
Puis tout se déroula soudain très vite. Link s'était éloigné de la princesse et Zelda bavassant de choses banales pour détendre l'atmosphère. Il ne pouvait se prêter à tel jeu, le point culminant de sa quête se découvrait à peine ! Ce fut alors qu'il songeait au Héros que le galop d'un cheval le tira de ses rêveries. Passant tel une flèche, plus rapide que l'éclair, un cavalier venait de fuir la capitale. Il n'avait pas fallu plus d'une seconde à Link pour le reconnaître et faire le rapprochement ! Le Héros ! C'était lui ! Il revenait du palais, comment avait-il put ainsi le rater ? Son inattention pourrait lui coûter cher, il avait dû penser sa bien-aimée morte et son destin demeurait inchangé pour le moment. Il devait absolument le ramener à la réalité ! Sans prévenir son ami, le chevalier se mit à courir jusqu'à sa monture l'ayant sagement attendu. Malon avait finalement bien fait d'insister pour écourter leur voyage, ce cheval serait son plus précieux allié. Link mit la bête au galop, suivant la piste du Héros qu'il discernait au loin, malgré la brume matinale. "Non attendez ! Attendez !" rugit-il sans que nul écho ou réponse ne lui parvienne. Les cris de Zelda retentissaient au loin "Link ! Link ! Mais que fais-tu ? Link !" Elle s'inquiéterait probablement, mais il était trop tard, il ne pouvait plus faire demi-tour et risquer de perdre la piste de cet homme qu'il avait tant cherché.
Les heures et les jours défilèrent, peut-être. Mais le temps n'avait plus d'importance puisque son Héros lui faisait faux bond. Link ne pouvait le rattraper, son cheval était bien trop rapide et semblait connaître la plaine par coeur. Il devait se contenter de le suivre à une distance raisonnable. Sa monture ne ralentissait pas et ne montrait aucun signe de faiblesse. Elle-même avait compris la gravité de la situation et s'élançait aux côtés de son maître provisoire, défendant sa cause. Tout échappait au jeune chevalier, le fil de ses pensées était décousu. Il ne pouvait plus songer à Zelda et à la princesse, aux Gerudos, à Ghirahim, Dark Link et Fay. Ou encore tout ce qu'il avait appris en venant ici. Son esprit s'était focalisé sur cette course et sur le Héros. Sur cet échec qui s'annonçait et que tant bien que mal il voulait empêcher. A deux reprises il avait agi trop tard, aujourd'hui il anticipait avec la ferme intention de mettre un terme au joug du mal et de la mort. Les légendes n'étaient pas destinées à mourir, elles devaient perdurer, perdurer éternellement. Tout comme cet homme qui représentait l'espoir même d'un royaume. Tout comme ces deux autres Héros qui avaient pourtant accueilli la mort sans blêmir, presque blasés. Ils l'avaient embrassée sans rechigner, sans même se battre ! Et ça, Link ne pourrait jamais l'accepter ! C'était au-dessus de ses forces. Le passé l'avait conduit sur les lieux des crimes trop tard. Et pourtant, il avait parlé au Héros d'Hylia, à son élu sans pouvoir l'aider, sans réaliser ce qui l'attendait. Dans le futur, il en était allé de même. Il avait lutté tant bien que mal sous cette forme ingrate, malédiction des ombres. Mais le Héros s'était laissé faire, mourant sans que nul ne sache pourquoi. Simplement parce qu'il avait jugé son temps compté. Simplement parce que selon lui, les rouages du temps étaient immuables. Comme si son destin devait demeurer inchangé. Comme si ce héros-ci n'avait qu'une destinée : mourir. Mourir dans l'oubli, laissant ses proches souffrir et sa mission inachevée. Non ! Il possédait cet étrange don de vision, il ne pouvait pas ainsi accepter décemment un tel accomplissement. Son pouvoir était en lui, le faisant souffrir, le rappelant chaque jour à l'ordre. Lui montrant ce qu'il n'avait pas réussi à changer, ce qui était encore à réaliser. Pourquoi le prédire s'il ne pouvait pas transformer ses visions ? Qu'est-ce qui l'empêcherait de réussir ? Il ne laisserait jamais le Héros mourir et s'éteindre. Chaque ère semblait posséder le sien, et devait le conserver ! Les bruits des sabots contre la terre sablonneuse de la plaine d'Hyrule devinrent ainsi le métronome de Link, lui donnant la mesure régulière, la vitesse à laquelle battait son coeur. Le temps fort capricieux était devenu éternité fragmentée. Il avait cessé de s'écouler un bref instant qui paraissait pour le chevalier s'allonger sans fin. Ses yeux étaient rouges, le vent lui sifflait dans les oreilles et ses membres étaient endoloris, mais il n'était guère le moment de penser à cela. Son corps n'était qu'un futile détail. Son esprit, lui, filait, plus vif que jamais. Le sommeil dans l'éternité du cours du temps avait perdu toute utilité. Il ne pouvait plus s'arrêter. Il poursuivait son but, sans que celui-ci jamais ne s'en aperçoive. Link traversa ainsi entièrement la plaine sans réellement s'en rendre compte, sans pouvoir compter les minutes, les heures. Son voyage le conduisait inexorablement vers sa vision. La forêt de sa vision plus exactement. Le cheval commençait à faiblir, mais peu importait, malgré l'arrêt du temps, le rôle de cette monture fidèle s'achevait à l'orée des bois. Il intima à son destrier de l'attendre à la sortie, celui-ci ne se fit guère prier, il avait besoin de repos. Jamais encore il n'avait autant couru, sur une distance aussi longue et un temps infini. Le Héros lui aussi avait abandonné sa monture, une bien jolie jument à la robe de feu. Elle ne semblait pas se contenter bêtement d'obéir et avait conscience des choses, non sans appréhension. Sans un regard en arrière ni-même une pensée pour lui-même et les autres, Link s'engouffra dans la forêt, sans trop savoir où il se dirigeait. Il demeurait néanmoins sur la bonne piste, il le savait. Il était face au lieu de mort du Héros, là où tout se jouerait.
Le temps continuait de se figer, rendant l'atmosphère des lieux à la fois mystérieuse, enchanteresse et oppressante. Cette forêt, il ne la connaissait pas. Tout ce qu'il savait, il l'avait lu sur la carte de Zelda. L'endroit se nommait les Bois Perdus. Un lieu gardant prisonnier quiconque oserait y pénétrer. Ce lieu n'était pas sans rappeler la forêt semblable dans cet autre futur. Son rôle paraissait tout aussi essentiel. Une épaisse brume recouvrait les environs, mais Link ne se sentait pas particulièrement perdu. Il savait où il devait se rendre. Il le sentait au plus profond de lui, son instinct plus réveillé que jamais. Il avançait prudemment dans ce lieu étrange où rien ne semblait certain, tout était à vérifier. Prudence devenait mère de sureté sans pour autant l'assurer. Là où le temps fuyait, le coeur de Link s'accélérait. A chaque pas, le Héros devenait à sa portée et demeurait insaisissable pourtant. La course devint marche lente, le souffle court, le chevalier avançait à une allure peu soutenue. Il n'avait plus peur de perdre le Héros du Temps, il le savait bien là, tout près. Des rires retentirent au loin, il y aurait eu fort à parier que des Skull Kids vivaient ici. La fin d'une ère se dessinait, et la forêt toute entière l'avait compris. Son enivrante beauté devenait piège de tout instant. Et malgré tout, jamais le chemin n'avait été aussi simple et clair à comprendre et suivre. Le sentiment de mort en ces lieux était pesant et pourtant la vie était omniprésente, c'était à ne rien y comprendre. Le royaume perdait toute notion de réalité au coeur des Bois Perdus. L'envers devenait endroit et les inverses cohabitaient sans nul souci. La brume ne semblait guère vouloir cesser et nul vent ne viendrait l'ôter du chemin de l'Hylien. Bientôt, une vague forme se dessina à l'horizon. La quête ultime de Link et sa réussite ne tenait qu'à un fil. Dos à lui, le Héros était là. Trainant d'abord les pieds, il stoppa lorsqu'il se sentit épié. Il tourna légèrement la tête sans paraître offusqué de découvrir Link à ses trousses. Aucun sourire, aucun son ne sortit de sa bouche. Son regard parlait de lui-même et horrifia le chevalier. Dans de tels yeux, il n'y avait pas le moindre goût pour la vie. Une vie qui semblait avoir trahi un Héros promis pourtant à un radieux avenir. Le temps continuait de se stopper, comme choqué par ce qu'était devenu son Héros. Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Il était l'élément qui faisait respirer la mort à la forêt. Il sentait son heure venue, Link le savait, mais il devait changer cela ! Plein d'espoirs et encore muet d'admiration et de respect, le chevalier s'approcha d'un pas décidé. Contrairement à l'homme qu'il avait poursuivi sans relâche, il débordait de vie et comptait bien lui faire comprendre ! Il ouvrit la bouche, faisant un pas en avant. Ses mots se perdirent dans les branches des arbres, nul ne sortait de cette forêt, pas même les sons. Le Héros l'observa, devinant ce que souhaitait cet individu qui se permit malgré tout de le lui rappeler. "Vous ne pouvez pas mourir ! Pourquoi vouloir errer sans fin ? Pourquoi choisir un destin si sombre alors que la vie a encore tant à vous apporter ? Pourquoi cet air résigné ? Pourquoi refusez-vous de vous battre là ou tant d'autres ont la rage de vivre ! Vous avez votre rôle, essentiel dans cette légende ! C'est égoïste de s'enfuir au moment où l'on a le plus besoin de vous !" La mouvance de ses lèvres et ces belles phrases ne semblait pas émouvoir le Héros qui tira un triste sourire en guise d'unique réponse. Il ne bougeait toujours pas, dévisageant son interlocuteur. Son regard semblait traverser Link sans réellement s'arrêter sur lui. C'était très déstabilisant. Mais le chevalier poursuivit, inarrêtable "Vous n'avez pas échoué ! Je sais combien la princesse est importante pour vous ! Sachez qu'elle est vivante ! Et en parfaite santé ! Elle n'attend que vous, elle tient à vous revoir et espère qu'il ne vous arrivera rien de mal... Vous ne la laisseriez pas seule tout de même ?" Le visage du Héros changea légèrement d'expression face à la nouvelle. Il sourit beaucoup plus sincèrement et déclara apaisé "Je vois, c'est parfait alors. Elle est vivante. La malédiction ne touche donc pas une personne au coeur si pur et à la beauté si idyllique. Le mal ne pourrait se résoudre à supprimer pareil ange." Link écarquilla les yeux ne comprenant pas vraiment la réaction. Il s'était attendu à un véritable retournement de situation, mais absolument rien n'avait changé dans les yeux du Héros, si ce n'est une infinie tendresse. Tout cela n'avait de cesse de l'intriguer. "Vous ne comptez donc pas renoncer à la mort ?" demanda-t-il interloqué, il perdait pied. Le fil se rompait. L'homme le regarda droit dans les yeux, sa réponse se lisait d'elle-même sur son visage de légende. "C'est inévitable. Tu me parais être de bonne volonté, très courageux et valeureux. Mais c'est inutile. C'est inévitable." La voix de Link se brisa, ses yeux s'agrandirent sous la surprise. Il ne s'était pas le moins du monde attendu à une réponse aussi nette et précise. Il éclata, fou de rage et de tristesse, les larmes aux yeux, serrant les poings "Mais comment pouvez-vous l'accepter aussi facilement ? C'est impardonnable ! Vous n'avez pas le droit de renoncer ! Pas vous !" Le Héros le regarda et secoua la tête d'un air négatif et désapprobateur. Il semblait vouloir corriger deux trois points. "Je me battais avant. Je me battais sans relâche. Mais tout se déroule exactement comme prévu, quoique je fasse, quoiqu'il se passe. Le monde aura beau changer du tout au tout, ma mort, elle, demeure. Alors oui, j'accepte. J'ai conscience de la gravité des choses. Mais mon temps ne m'appartient plus." Ces paroles affolaient de plus en plus Link qui ne reconnaissait que trop bien ce discours. Ce même discours qu'avait tenu le Héros du Crépuscule dans cet autre futur. Link bouillonnait intérieurement, sentant son impuissance tout comme celle des Héros. C'était inadmissible ! Tellement injuste ! "Mais vous ne pouvez pas mourir ! Pourquoi y êtes-vous contraint ? Qu'est-ce qui vous pousse dans les bras de la mort ainsi ? Non vous..." s'horrifia le chevalier constatant que l'Hylien faiblissait. Il tremblait et ne parvenait plus à se soutenir sur ses deux jambes. Link tenta de le soutenir tant bien que mal tandis que la lueur dans les yeux de l'homme faiblissait. "C'est... ainsi... Je suis maudis... Mes ancêtres sont... maudits, mes descendants... le sont aussi. Là où demeure un Héros, la mort suit. Il s'agit de la... malédiction... de Ganondorf... qui alors... conduit... le royaume d'Hyrule... à sa perte..." expliqua difficilement le Héros ne parvenant plus à articuler de manière correcte. "C'est... C'est un seul et même homme qui est derrière tout ça ! C'est lui qui vous... tue... tous..." réalisa le jeune Hylien les yeux écarquillés, devant la puissance terrifiante que devait posséder son ennemi. Quelques larmes roulèrent sur ses joues lorsque son nouvel allié commença à cracher du sang... et du sable. Il se saisit des grains, les contemplant d'un air mystérieux. "Ma... vie..." commença-t-il en serrant la poignée de sable. Il ferma doucement les yeux et s'éteignit l'instant d'après. Les larmes de Link et le sang du Héros abreuvèrent la terre. Il tomba au sol, mort. Tous morts. Tout était terminé.
Le voyage de retour fut simple, tout autant que le fut celui de la mort. Tout aussi rapide, à la même vitesse. Il retrouva Zelda et laissa une princesse inconsolable dans ce monde de larmes. Ils rentraient chez eux, les choses n'avaient fait qu'empirer. Et désormais, il n'y avait plus le moindre espoir. Link était perdu, le royaume d'Hyrule aussi. Privé de ses Héros. Privé d'une destinée libre. Qu'il était loin le temps où voyager, insouciant, était aussi simple et automatique que de respirer. Les ténèbres rongeaient l'âme de Link. Il n'avait plus le droit d'espérer, plus le droit d'améliorer les choses. Il ne lui restait plus qu'à sombrer. Là où tant d'autres l'avaient déjà fait. Trois Héros exactement.
PARTIE 4 : La quête de la Triforce
"Link ! Link, sors de cette chambre, voyons, nous devons aller voir le roi ! Il a déjà repoussé notre rendez-vous pour toi, tu ne vas pas faire ta tête de mule quand même !" Zelda toqua encore une fois suite à son affirmation, sans la moindre réponse. Ils étaient revenus il y a une semaine de cela, et son ami n'était plus qu'une coquille vide, refusant la plupart des repas qu'on lui servait et les visites. Compatissant à la situation, le père de Zelda avait reporté l'importante réunion concernant leur retour. Il attendait d'eux un rapport, ne serait-ce que concernant Ghirahim. L'état de Link avait rendu l'ambiance morose dans le palais et ne faisait qu'inquiéter les conseillers du roi certains qu'un grand malheur allait s'abattre sur eux. Aucune réponse ne vint de la chambre de son ami. La jeune fille soupira, elle s'était attendue à se retrouver face au mutisme de Link. Il n'allait clairement pas bien. Soucieuse, elle finit par capituler, et lui déclara finalement "Je vais y aller seule. Nous reparlerons de tout cela plus tard, tu verras, tout finira par s'arranger !" Un léger grommellement fut la seule réponse qui lui fut permise. Elle ne s'en plaignit pas et se dirigea vers le bureau de son père. Tout de même, refuser de voir le roi et lui faire faux bond à un rendez-vous, Link n'allait vraiment pas fort... Auparavant, son sens de la chevalerie et son profond respect pour la royauté l'aurait conduit immédiatement auprès de son souverain pour s'excuser de son retard. Mais tout avait changé...
La Princesse de la Destinée frappa à la porte de son père qui lui intima d'entrer, la hâtant presque. Il semblait attendre les nouvelles avec impatience. Il retint sa joie lorsqu'il constata que Link n'était pas auprès de son amie d'enfance. La conversation ne tarda pas.
"Il n'est finalement pas venu se présenter à tes côtés... Les informations ne doivent pas être bonnes. Un héros qui fait grise mine, serait-ce les prémices à une nouvelle ère ? questionna le roi inquiet. Son interrogation se voulait rhétorique, mais il avait néanmoins besoin d'en savoir plus. Il s'approcha de quelques pas de sa fille, croisant ses mains dans son dos. Cette posture le mettait en valeur.
- Non, de ce côté-là, notre Hyrule se porte comme un charme. Ghirahim ne viendra plus troubler les affaires du royaume. Mais une menace semble peser en un Hyrule lointain, là où les Portes du Temps nous ont conduits. C'est ce qui trouble profondément Link, nous revenons de bien dures épreuves, notre route a été jalonnée par la mort. La mort d'êtres qui bien que nous ne les connaissions que très peu, étaient chers en notre coeur, cela est d'autant plus vrai pour Link. Mais ne vous inquiétez pas, je veille, sourit la jeune Hylienne cherchant à rassurer son père. Peut-être aussi à se consoler elle-même. Elle n'avait pas la moindre idée de comment procéder.
- Je reconnais bien là notre bon vieux chevalier, toujours soucieux des autres, même hors de son temps. Mais seul compte le fait que nous soyons saufs désormais. Link demeure notre héros, qu'il le désire ou non, il a vaincu la menace qui pesait sur le royaume. Il avait descellé Ghirahim mais a résolu le problème de lui-même semblerait-il ! Parfait ! Nous organiserons un bal en son honneur ! Voilà qui devrait le requinquer, s'esclaffa le roi qui ne saisissait pas vraiment l'état de son chevalier.
- Je ne crois pas qu'il soit à la recherche de gloire et d'honneur, père. Laissez-moi faire, annoncez simplement au peuple la bonne nouvelle mais ne faites pas un bal en l'honneur de Link, il n'est vraiment pas d'humeur à supporter le regard de la foule. Qu'il soit positif ou non. Je dois régler le problème, seul à seul. J'ai vécu cette aventure avec lui, je suis la plus à même de l'aider, répondit Zelda sûre d'elle. Elle aurait fait n'importe quoi dans l'intérêt de son ami. Il avait tant fait pour l'aider auparavant, toujours à veiller sur elle qu'importe la situation. Elle lui devait bien ça.
- Voyons, tu es une princesse, tu n'es pas une servante. Tu n'as pas à te plier en quatre pour un chevalier, tu n'as pas à le servir... Ce n'est pas de ton rang... rappela le souverain l'air sévère, sa fille avait parfois le coeur trop généreux à s'en oublier elle-même, elle et sa condition.
- Père... c'est avant tout un ami et si vous ne comprenez pas ça, je n'ai plus rien à vous dire. Laissez-moi simplement quelques jours ! Le temps de nous retourner ! Notre quête s'est achevée précocement, sans que nous ne puissions rien faire... Nous ne pouvons pas rester ainsi, nous devons à tout prix agir ! Je veux y croire, je suis persuadée qu'il reste de l'espoir en notre futur sombre ! Contesta la jeune Hylienne n'hésitant pas à tenir tête à son père. Cette expérience l'avait fait mûrir et son rang de princesse n'avait rien à faire là-dedans.
- Ah... souffla le roi d'un air pensif. Il afficha un léger sourire, le regard empli de sagesse et finit par poursuivre, impressionné par sa fille, tâche de ne pas t'oublier tout de même..."
Zelda s'autorisa un rire léger et promit à son père d'être prudente. Link prenait bien assez soin d'elle pour qu'elle ne s'oublie pas, du moins le voyait-elle ainsi. Elle s'inclina devant son roi en guise de salut et disparut en le remerciant à la volée pour sa clémence. Les derniers événements l'avaient changé, la conversation qu'il avait eue avec Arfan aussi.
Ayant accompli son devoir auprès de son père et surtout obtenu son accord afin de venir en aide à son ami le plus discrètement possible, loin du peuple, malgré son rang de princesse, Zelda accourut à la chambre du chevalier qui ne daignait toujours pas sortir. Il broyait du noir depuis trop longtemps selon elle. Elle tambourina à la porte, suppliant Link de lui ouvrir dans l'espoir d'une quelconque réaction "Link, laisse-moi t'aider, je suis sûre qu'à nous deux, nous pouvons trouver quelque chose, tu imagines des obstacles disproportionnés en comparaison de la réalité ! Link ! Ouvre moi tout de suite, je ne suis pas là pour te traîner hors de ta chambre, mais simplement pour te parler et t'éclairer la vue brouillée par des idées trop noires à mon goût !" Elle répéta l'opération à plusieurs reprises avec conviction, jusqu'à ce qu'elle entende son ami se lever dans sa direction. La jeune fille se calma et le chevalier lui ouvrit, sans grande conviction. Il faisait peine à voir. Il paraissait être devenu l'homme le plus fatigué au monde, pourtant il n'avait guère bougé et ses muscles se plaignaient de son manque d'exercice, il ne prenait même plus la peine de marcher ! Malgré tout, Zelda ne s'en effraya pas et rentra l'air de rien. Se postant face à son ami à l'allure cadavérique, elle commença à lui parler,
"Tu devrais vraiment faire un peu plus attention à toi quand même ! Pourquoi agis-tu ainsi ? Qu'est-ce qui te plonges dans un tel état ? Ici, tout va pour le mieux, non ? questionna Zelda taraudée par ses maintes interrogations. Elle n'avait que peu vu Link depuis la chute de cet Hyrule du futur.
- Tout va parfaitement bien ici, oui, et je crois que c'est là le problème. Depuis le début de ce voyage, nous n'avons fait qu'échouer coup sur coup. A chaque fois, la raison de notre venue n'a été que soldée par une défaite amère et cuisante ! Et pourtant, notre monde se porte au mieux... Passé et futur sont chamboulés... et ici, rien n'a changé. Les gens agissent toujours aussi naïvement, toujours aussi... heureux... Ces Héros en lesquels je croyais... ont tous abandonné ! Quand la mort est venue les chercher, ils n'ont même pas protesté. Si du point culminant de nos légendes il n'y a plus d'espoir, je ne vois pas pourquoi j'en garderais moi-même, fit remarquer Link acerbe dans ses propos. Il n'y avait plus aucune confiance dans un tel ton. Il allait au plus mal et se fichait pas mal de son propre état, il continuait de penser à ce qu'il avait vu, vécu. Zelda soupira compatissante. Elle ne pouvait que faire cela, puisqu'elle n'avait pas le moins du monde assisté aux deux dernières morts des Héros. Elle avait vu la face la plus positive du futur, Link n'en avait tiré que noirceur et cruauté. Le monde n'était qu'injustice, Hyrule, un royaume ou le bien devenait faute.
- Qu'est-ce que tu racontes ! Tu devrais te réjouir au contraire ! Ta contrée natale se porte comme un charme et c'est grâce à toi ! Tu as fait changer d'avis Ghirahim, il a abandonné ses projets de vengeance ! Tu considères peut-être ça comme une défaite, mais pas moi ! Tu n'as peut-être plus la moindre estime de toi-même, mais pas moi ! Tu peux décider de perdre tout espoir si tu le désires, mais je ne te laisserai pas faire ! Malgré tout, je n'abandonne pas ! Et le fait de savoir qu'ici tout va au mieux, cela m'aide à relativiser ! Contra la princesse les mains serrées, posées contre son bassin se penchant en direction de son ami qui semblait l'écouter à demi-mots, grimaçant en permanence.
- Tu ne comprends pas... ils sont morts... mais mes rêves prémonitoires ne disparaissent pas ! Je continue de revivre en boucle ce que j'ai vécu là-bas ! Comme si leur mort n'était juste qu'un phénomène récurrent ! Je ne peux pas me battre contre ça, ils ont abandonné et moi aussi. Je ne suis qu'un simple spectateur de ma propre mort. Les voir ainsi, c'est presque refuser de les aider, et pourtant ils daignent accepter ce que je leur propose ! Une malédiction, voilà la seule justification que j'aie pu obtenir ! Les Héros... sont maudits... prisonniers d'un temps dont ils ne peuvent se défaire, dont ils ne sont pas maîtres... susurra avec difficulté Link dans un murmure plaintif. Il s'affaissa sur son lit, ainsi allongé, il paraissait vraiment fatigué et pâle.
- Peut-être que ce n'est pas là juste pour te torturer, peut-être que tu peux encore agir pour eux ! Les rêves seraient alors là pour te rappeler un devoir que tu sembles négliger ! Je me fiche pas mal qu'une figure de légende abandonne personnellement. Tout le monde peut faire des erreurs, tes idéaux aussi, c'est à nous de leur montrer ! Tu n'es pas un suiveur Link, je le sais. Ton côté assez solitaire fait de toi un meneur, ne t'arrête pas là où le commun des mortels cesse de croire. Tu vaux plus que ça... poursuivit Zelda persuadée de la justesse de son raisonnement, elle aurait beaucoup aimé que Link finisse par rejoindre ses idées, mais il ne semblait pas franchement motivé par une telle perspective...
- Si c'est simplement pour m'imposer ton point de vue, tu peux partir. Je ne dis pas ça pour te blesser, mais je ne changerai pas d'avis. Je sais ce que j'ai vu, je l'observe chaque nuit et je sais que nous n'avons aucune issue, quoique nous tentions. De plus, les Portes du Temps sont toutes activées, la mort des trois Héros est inscrite désormais dans le court du temps. Avant de venir me voir avec ton discours moralisateur armée de paroles banales et classiques, essaye de me comprendre. Je ne vois pas de solution, et pourtant habituellement je n'abandonne pas. Mais nous ne pouvons plus rien faire... j'ai échoué... Je ne suis pas un dieu... soupira le jeune Hylien fixant le plafond de sa chambre d'un oeil vitreux. Son coeur battait à tout rompre tandis qu'il se souvenait de ses efforts pour secourir chacun de ses alliés, ses mentors, ses idoles...
- Link... Je vais te laisser, tes propos sont trop acerbes pour que je les supporte plus longtemps. Tu me reproches des choses qui n'ont pas lieu d'être. Tu peux m'accuser de n'importe quoi, mais souhaiter t'aider n'est certainement pas une faute. Passe une bonne journée à broyer du noir, moi, je vais me battre pour nous et notre temps, conclut la jeune fille passablement irritée par les propos de son ami. Il ne la ménageait pas, avant, il ne se serait jamais permis pareille liberté, elle devait agir au plus vite."
La jeune princesse passa le restant de sa journée à tourner en rond au palais. Elle consultait de nombreux ouvrages sur le temps, mais aucun ne mentionnait leur problème. Le temps semblait immuable et une fois qu'il s'était écoulé, aucun retour en arrière ne paraissait possible... Elle ne pouvait s'y résoudre et continuait toujours ses lectures, en vain. En de tels moments, elle avait songé à interroger une personne sage telle qu'Arfan mais il était retourné il y a peu à Célesbourg et ne semblait pas décidé à revenir immédiatement. Elle devrait donc se passer de lui et de ses précieux conseils. Son père ne paraissait guère en savoir plus, il connaissait maintes légendes, mais rien sur une possibilité de changer le temps. Les Portes du Temps lui avait été inconnues jusque-là après tout, il n'était d'aucune aide valable malgré une bonne volonté certaine. Elle s'endormit ce soir-là plutôt dépitée, ressassant sans cesse les paroles de son ami, le revoyant déprimer, sans qu'elle ne soit d'aucun secours. Qu'aurait-elle pu faire ?
Elle se réveilla, guère plus motivée, ayant cauchemardé toute la nuit sur Link et son stade de dépression avancé. La jeune Hylienne continua ses lectures toute la matinée et se décida à porter le repas du midi à son ami, afin de prendre de ses nouvelles. Quand elle frappa pour entrer, le chevalier lui indiqua qu'il n'avait pas verrouillé la porte. Il lui tournait le dos, observant d'une large vitre la citadelle d'Hyrule. La princesse n'avait jamais pris peine de regarder de la fenêtre de son ami, la jugeant bien plus inintéressante que la sienne donnant notamment sur le jardin royal. Link aussi y avait vue, mais pas du côté où il observait, les yeux vides, la vie des citadins s'affairant en tous sens. "Je t'ai apporté ton repas, Link ! Les cuisinières semblent t'avoir réservé le meilleur, j'espère que tu feras honneur au plat, à ta place, je ne laisserais pas une miette !" Son sourire et ses paroles innocentes et naïves ne faisait plus rire son ami comme avant, néanmoins, elle avait renoncé pour le moment à lui parler de sujets fâcheux. Elle n'avait pas de solution à lui proposer, autant ne pas remuer le couteau dans la plaie inutilement. Il la remercia poliment et se contenta de picorer ici et là son déjeuner, qu'il s'agisse de l'entrée, du plat principal ou du dessert. Tous fort savoureux, mais Link n'était pas vraiment d'humeur à dévorer toute la nourriture qu'on lui offrait en ce moment. Il mangeait, oui, mais sans le moindre plaisir. Le voir agir ainsi continua d'attrister Zelda qui avait pensé pouvoir parler de choses banales et anodines. Elle tenta quelques échanges puis finit par s'en aller, plus dépitée qu'à l'aller. Elle devait agir et elle allait le faire.
Ses lectures ne lui en apprirent guère plus, le temps était une notion fort abstraite pour la plupart des auteurs, relevant du domaine divin. Ce qui n'aidait guère la Princesse de la Destinée. Elle possédait maints pouvoirs depuis sa prise de conscience, mais pas au point de pouvoir soutenir son ami, la magie qu'on lui avait permis de contrôler était extrêmement limitée. Trop à son goût puisque dans les pires situations elle ne pouvait que se sentir insignifiante, comme aujourd'hui. Elle s'endormit ce soir-là, tandis que la nuit se promettait d'être agitée, mais elle ne le savait pas encore.
***
Ses rêves tumultueux et cauchemardesques laissèrent place un bref moment à un élan de lucidité. Ses pensées s'assemblaient, un puzzle complexe se formait et trouvait sa solution. Elle qui avait tant cherché, elle n'avait pas pensé à plus réfléchir au problème, à se pencher sur le passé pour s'aider. Pourtant, il le fallait. Elle se retrouva projetée dans un bien étrange rêve. Elle était agenouillée, s'aidant de ses bras pour se relever. L'herbe était humide mais c'était loin d'être désagréable, l'odeur rappelait le printemps. Le paysage quant à lui était assez monotone : une immense plaine couverte d'herbes et autres rares plantes à perte de vue. Mais le plus impressionnant, était la femme se trouvant aux côtés de la Princesse de la Destinée : Hylia. Elle lui était venue en rêve, tout comme elle avait contacté Link, il y a longtemps de cela, après sa victoire contre Shin'saï le Golem.
"Je suis ici pour te montrer une voie inexplorée, dont ton compagnon ne t'a guère parlé. Lorsque je suis venue à lui, j'ai tenté, en vain, de lui apprendre que ses défaites résonnaient victoires en un futur lointain. Il ne l'a que trop vite oublié."
La jeune fille s'apprêtait à répondre sur le qui-vive quand une vision vint à elle, l'empêchant de parler. Il lui fallait écouter.
"Ce que tu juges défaite possède néanmoins un impact"
"Là où les divinités demeurent, les mortels suivront."
"Tu es un grain de sable enrayant la machine du mal."
La jeune fille ne comprenait pas vraiment où Hylia souhaitait en venir. C'est pourquoi, celle-ci poursuivit.
"La réponse que tu cherches, est depuis longtemps devenue mystère résolu. Et cette solution, c'est ton compagnon qui l'a évoquée. Par une simple phrase..."
Zelda se tut, tandis que l'écho de la voix défaitiste de son ami lui revenait en mémoire. Apaisée, elle écoutait, elle écoutait la déesse, ne cherchant guère à se demander s'il s'agissait d'un véritable rêve ou d'une véritable apparition d'Hylia.
"J'ai échoué... Je ne suis pas un dieu..."
***
La princesse poussa un cri, se réveillant brusquement. Elle savait désormais ce qu'il lui restait à faire ! Elle se leva déterminée, repoussant les multiples couvertures ayant servi à la border en début de soirée. Ses songes l'avaient guidée vers une solution qui, à coup sûr, parviendrait à aider son ami. Là où elle avait échoué, il existait une entité supérieure qui pouvait insuffler l'espoir en chaque être et ainsi transformer leur vie. Elle se hâta de rejoindre la chambre de Link et ne prit guère la peine de frapper à la porte. Elle se servit de ses pouvoirs pour déverrouiller l'entrée et se précipita à l'intérieur, réveillant avec fracas son ami aux sens affûtés. Le sommeil ainsi perturbé, le jeune Hylien déclara, perdu par le comportement de son amie plus qu'inopportun, "Zelda... Mais... Que fais-tu ici à cette heure ?" La princesse se contenta d'un regard déterminé dans sa direction puis alla à la fenêtre la plus proche qu'elle ouvrit avec force. Le bruit en fut colossal et Link était presque effrayé par tant d'énergie et de force. Elle paraissait animée par une nouvelle forme de courage et bravoure. Peut-être avait-il eu tort ? De s'enfermer ainsi pendant des jours à broyer du noir. "J'en appelle aux divinités d'Hyrule !" rugit-elle avec conviction. Sa voix se calma par la suite et les mots s'alignèrent comme par magie, tourbillonnant dans l'air. Sa voix chantante embellissait les lieux.
~ ~ ~ ~ ~ ~
Appel des dieux
Bénédiction des cieux
Pour des Héros inaccomplis
Contre des vices inassouvis
Là où se meurent nos coeurs
Vos paroles deviennent espoir sans heurt
J'en appelle aux Saintes Déesses !
Que la création entende mon appel sans rituel
Que la protection réponde à mon intemporelle supplique spirituelle
Notre monde sombre d'éreintage
Privé de Sagesse, Force et Courage
Donnez sens à cet adage
J'en appelle aux Saintes Déesses !
Accordez votre grâce en deux esprits miséricordieux
En perdition face au mal odieux
Qui jamais ne cessera de hanter les lieux
Hyrule terre sacrée
Doit être protégée
Din insuffle nous la force de poursuivre notre quête
Farore donne nous le courage d'affranchir notre dette
Nayru offre nous la sagesse d'un lendemain honnête
Hylia... Allégorie de l'espoir
Confère-nous ce que commun des mortels jugerait dérisoire
~ ~ ~ ~ ~ ~
La jeune fille cessa de chanter, une main sur le coeur et attendit. Espérant de tout coeur que son appel ne resterait pas sans réponse. Elle observait le ciel sans trop savoir ce qu'elle pouvait attendre. Le soleil ne s'était pas encore levé et la lune assurait son rôle à merveille. Peu de nuages venaient troubler l'astre pâle délivrant une lumière tamisée et pourtant si claire. La jeune fille avait l'impression de parfaitement voir les lieux, cette citadelle et ce royaume qu'elle connaissait par coeur. L'air était pur et elle sentait au plus profond d'elle-même que sa prière avait été entendue. Mais la réponse se faisait attendre. En de tels instants, le temps était comme figé. Elle savait que tant qu'elle n'aurait pas eu de solution réelle, le jour ne se lèverait pas. Elle attendait des dieux une certaine compassion envers elle. Elle était leur élue et n'avait pas à en pâtir. Bien au contraire ! Un éclair zébra le ciel et fit sursauter le duo qui ne s'était guère préparé à une telle éventualité. Ils en furent aveuglés un court instant. Quelques secondes s'étaient à peine écoulées que quelque chose avait changé. Dans l'encadrement de la fenêtre, un oiseau se tenait, battant des ailes, serein, avec calme. Il s'agissait d'un hibou aux plumes soyeuses et de teintes marron et beige. Son visage était étrange et semblait réversible. Un côté sage et sévère et l'autre beaucoup plus joyeux voir naïf.
"Que... Qui êtes-vous ? Pourquoi avoir répondu à mon appel là où j'espérais quérir Hylia, souffla la jeune fille surprise que sa prière ait agi sur un étrange hibou. Il possédait une certaine prestance malgré cette forme animale. Le haut de son buste présentait d'étranges symboles, en adéquation avec la couleur de ses ailes. Ce volatile semblait bien plus important qu'il n'y paraissait au premier abord.
- Je me nomme Kaepora Gaebora. Je suis l'envoyé céleste des dieux. Leur messager direct. Si j'ai pris peine de venir à toi, c'est que la déesse elle-même ne pouvait te voir en personne. Néanmoins, puisque par mon rôle m'incombe cette tâche, je me dois de vous délivrer un message des grandes déesses, expliqua le hibou l'air sage, ses paroles sortaient de son bec comme s'il s'agissait là de la chose la plus normale au monde. En Hyrule, il fallait être prêt à s'attendre à tout, mais nos deux compagnons n'en furent pas surpris. Link semblait suivre la conversation avec quelque intérêt. Son coeur palpitait, en lui, revenait l'espoir depuis bien trop longtemps éteint et malmené.
- Je n'avais jamais entendu parler d'un messager à la forme animale, vous êtes bien mal traité dans les livres de légendes. Quoiqu'il en soit, je vous remercie d'être venu et d'avoir pris le temps. Nous sommes toute ouïe pour vous écouter donner votre si important message, accepta la jeune fille impatiente d'en savoir plus. Hylia avait donc bel et bien pensé à eux ! Et une solution existait bel et bien !
- Bien. Je me dois de vous rappeler avant tout quelques points essentiels. N'oubliez pas que là où les dieux peuvent parfois échouer, malgré leurs nombreux talents, il existe un pouvoir qui les dépasse. Un pouvoir qui donne aux Hyliens la foi et l'espoir quoiqu'il advienne. Et si vous vous mettez en quête de cet ultime pouvoir, alors je pourrai vous délivrer mon message. Qu'en dites-vous ? questionna Kaepora Gaebora en battant lascivement des ailes, mais ses yeux étaient rieurs et énigmatiques. Il semblait aimer parler sans immédiatement dévoiler ses intentions.
- Que voulez-vous dire ? Seriez-vous en train de parler de la Triforce ? Nous inciteriez-vous à nous en emparer ? s'exclama Zelda pour seule réponse à l'attente du hibou fort sage. Elle n'aurait jamais pensé à tel extrême. Mais il était vrai que là où échouaient les dieux, la Triforce réussissait à tous les coups. Son pouvoir dépassait complètement ses créateurs.
- Je parle effectivement du triangle d'or. Cette force dont jadis l'élu de la déesse Hylia s'empara pour vaincre le malin revenu sur terre. Il dut pour cela être mis à l'épreuve. Mais je ne doute pas de vos compétences à franchir une à une les étapes avec brio. Un seul voeu pourrait alors vous délivrer du mal qui vous ronge, insista l'oiseau se posant sur la barrière de la fenêtre afin de reposer ses ailes. Il était gigantesque, et mesurait bien un mètre soixante facilement. Mais il n'inspirait pas la crainte non plus, simplement le respect. Le ciel derrière lui était d'un bleu nuit immaculé.
- Les épreuves, qu'importe leur difficulté ne nous font pas peur, nous acceptons cette nouvelle quête, intervint Link en s'approchant le regard sombre. La jeune fille lui sourit, heureuse de l'effort qu'il venait d'accomplir. Il semblait bien plus déterminé, la crainte d'une non-solution l'avait brisé, mais cette peur n'avait guère lieu d'être.
- Bien, je reconnais en vous de fiers et braves guerriers. Oui, même vous princesse, vous êtes une battante, cela se sent. Quoiqu'il en soit, je ne suis pas venu vous influencer mais seulement au nom d'Hylia. Voici ainsi pour vous son message, ce pour quoi je suis venu à vous, poursuivit Kaepora Gaebora en marquant une pause. Il reprit, la voix presque chantante, visiblement fier de son rôle qu'il prenait à coeur, là où les dieux se réunissent, vous êtes conviés. Au coeur du Saint Royaume, moi votre fidèle servante Hylia, je vous attends. Braver les épreuves, pour y parvenir vous devrez. Deux légendaires dragons en gardent farouchement l'accès. Pour venir à moi, les convaincre vous devrez. Je vous y attendrai éternellement. Le saint royaume est la clé propice à de nouveaux espoirs. Vous seuls pouvez le desceller et y accéder. Je vous attends...
- ... le duo marqua une pause, se concerta du regard un bref instant avant d'acquiescer d'un commun accord. Zelda prit la parole, soit, qu'il en soit ainsi alors. Nous nous rendrons au coeur du Saint Royaume. Kaepora Gaebora, encore merci.
- Ce n'est rien, je sais que vous en êtes capables. Le mal qui cherche à vous détruire nuit à tous, mais vous pourrez le vaincre. Je suis convaincu que le triangle sacré d'or vous donnera la solution, bon voyage, conclut l'oiseau s'envolant sans un regard en arrière. Il se voulait plus qu'encourageant et par certains côtés, il rappelait l'arbre Mojo, en peut-être moins sérieux."
Link et Zelda se regardèrent quelques instants sans dire mot. Nulle parole n'aurait pu servir à traduire leurs impressions. Une nouvelle ère était en place, mais une ère bien plus rassurante qu'il ne l'aurait imaginé. "Nous avons nos ordres..." souffla la jeune Hylienne tout sourire. Son ami hocha la tête l'air détendu. Il lui répondit, s'agenouillant, baissant les yeux, confus, "J'ai réalisé... qu'il est injuste que tu sois la seule à te battre. Et en cela je te demande pardon." La princesse l'invita à se relever, lui prenant la main en riant "Ce n'est rien, tu n'aimes pas rester sans mission, voilà tout ! Mais tout va aller mieux maintenant !" plaisanta-t-elle les yeux rieurs. Son ami osa esquisser un bref sourire et reprit, l'air sérieux et serein,
"J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps. Mes visions ne s'arrêtent plus. Mais s'il existe un espoir, là, quelque part en ce monde, alors je m'y accrocherai. Si mes nuits ne doivent être que cauchemars, je ferai du jour un rêve. Si nous pouvons tout stopper, alors je te suivrai jusqu'au Saint Royaume défier le court du temps... Princesse..."
Link attendait depuis une heure déjà, flattant l'encolure de son Célestrier vermeil tout aussi impatient que son maître. Zelda était partie prévenir son père, il était essentiel que le roi soit tenu au courant de cet espoir non négligeable. Il ne se sentait certes pas vraiment concerné par la situation, néanmoins il devait être tenu au courant. Les deux jeunes amis retournaient en voyage, et ce n'était pas simplement par plaisir, bien qu'ils conservassent un grand sourire sur leur tête. Ils ne s'étaient pas encore mis d'accord sur leur point de départ dans leur recherche et c'est pourquoi Link ne pouvait s'empêcher de trépigner en attendant son amie. Mais elle ne tarda pas, après une heure de discussion, elle revenait, rayonnante, fidèle à elle-même, toujours dans cet apparat de voyage qui lui allait à ravir.
"J'ai apprêté mon Célestrier, nous sommes fin prêts à décoller ! Mais une question demeure, où devons-nous nous rendre ? demanda le jeune Hylien se souvenant des paroles de Kaepora Gaebora qui par quelques côtés se voulaient incompréhensibles.
- Oui tu as raison. Même si nous avons un problème. Dans nos textes d'histoires concernant notre ère, il est dit qu'il n'existe plus qu'un seul dragon, celui de la foudre, Lanelle. Or, le messager d'Hylia nous a précisément dit l'inverse. Il a parlé de deux gardiens pour le Saint Royaume ! fit remarquer la princesse songeuse, cette affirmation avait de quoi surprendre effectivement. Elle remettait en cause tout ce qu'ils avaient appris jusque-là.
- Oui tu as raison, mais dans ce cas, devons-nous aller voir tout d'abord le dragon restant ? Ou as-tu une autre idée ? questionna le chevalier intrigué n'oubliant pas de calmer l'impatience de sa monture.
- Non, je pensais à autre chose. Je crois que nous ferions mieux d'aller demander à Arfan. Il nous doit des explications. Il est l'homme qui possède le plus grand savoir en ce monde, peut-être nous a-t-il caché des choses... et peut-être s'est-il contenté de lire un livre d'histoire... Mais la réalité ne semble pas appartenir à cette vérité. Nous pouvons compter sur lui, il nous aidera ! rétorqua la Princesse de la Destinée déterminée. Elle plongeait ses yeux dans ceux de son ami amusé par tant de convictions. Elle ajouta, c'est pourquoi, nous devons aller à Célesbourg ! Nous trouverons forcément de l'aide là-bas.
- Oh, je n'y suis jamais allé je crois... Ce sera l'occasion j'imagine. Le chemin sera rapide, après tout, c'est juste au-dessus de nos têtes ! Bon certes, assez haut mais... Puisque la mer de nuages est dissoute depuis bien longtemps, nous n'aurons aucun problème, conclut Link prévenant son compagnon de route qui s'ébroua avec entrain. Le voyage promettait, il se dirigeait là où vivaient ses semblables. Contrairement aux deux jeunes Hyliens, le Célestrier connaissait plutôt bien les lieux recherchés.
- Allez, en route, tu ne vas pas te plaindre du paysage que je te fais découvrir quand même ! Moi aussi je n'y suis jamais allée, alors hâtons-nous ! Je t'ai fait lever de bonne heure juste pour ça !"
Le chevalier s'apprêtait à riposter pour taquiner son amie mais se retint souriant et l'aida à monter sur l'animal absolument pas farouche. Il ne semblait plus pouvoir se passer de son maître et de Zelda, il ne les connaissait que trop bien."
Prenant son élan, l'animal se lança dans les airs sans un regard en arrière. Ils laissaient derrière eux la magnifique citadelle d'Hyrule plus sereine que jamais. Mais ils n'avaient pas le temps pour de telles considérations, leur mission était la plus importante. Du moins en avaient-ils l'impression et c'était ce qui les poussait chaque jour à avancer toujours plus loin. Cette idée qu'ils étaient uniques et que eux seuls étaient à bien de parvenir à rencontrer Hylia et changer le futur de leur si beau monde était une motivation dont ils ne pouvaient guère se passer. Link allait beaucoup mieux et s'était bien retrouvé. Il s'était maintes fois excusé auprès de Zelda qu'il n'avait cessé de remercier pour tant d'efforts. Elle avait été exemplaire, contrairement à lui. Mais elle insistait pour ne pas lui en tenir rigueur, et en cela, il lui devait beaucoup. Il était humain et l'oubliait parfois, il aurait tellement souhaité être parfait pour son amie. Il devait la protéger, être là pour elle, et non l'inverse. Mais elle ne se formalisait pas pour si peu. Ils discutèrent tranquillement pendant le voyage progressant à un rythme de croisière, le Célestrier planant avec grâce, profitant du vent allant dans leur sens. Leur conversation était avant tout centrée sur leur destination et Arfan mais ils dérivaient parfois sur cet immense sentiment de liberté qui les envahissait à chaque fois qu'ils devaient s'envoler loin dans les airs. Ils étaient plus libres que jamais de voguer sur le vent, s'enfonçant un peu plus à chaque minute au coeur des cieux. Un royaume tant oublié où pourtant régnait une civilisation maintes fois idéalisée. Célesbourg était un village plus qu'une gigantesque citadelle. Loin de tout, elle se tenait peu informée des événements, et en cela, elle demeurait un véritable petit havre de paix. Les problèmes n'y étaient que mineurs là-bas, et bien qu'il soutenait le royaume d'Hyrule, le village n'en faisait pas réellement partie, il était hors de tout. En certains côtés, il rappelait la vallée de Lanelle, en un phénomène bien plus important encore. Les cheveux aux vents, le duo se laissait guider par leur fidèle monture décidée à leur montrer tout le potentiel qu'elle possédait en réserve. Bientôt, Hyrule devint lointaine, apparaissant comme une terre petite, et peu peuplée. Le ciel était orangé, le soleil levant embellissait les nuages flottant paresseusement dans le ciel par-delà des îlots de terre flottant de-ci de-là sans que nul ne les pousse à demeurer ainsi en l'air. Parmi ces îles célestes, il en existait une, bien plus grande que les autres. Célesbourg se dévoilait à Link et Zelda. Le souffle coupé, les deux amis observaient, émerveillés, le paysage proche de l'irréel et l'imaginaire. Voir ainsi tout un pan de terre flotter le plus innocemment et normalement possible était troublant mais réveillait en leurs coeurs de vieux songes d'enfants. Le Célestrier fit plusieurs fois le tour de la ville avant que d'un commun d'accord, ils demandent à être déposés à un point proche de l'académie de Célesbourg, là où se trouvait Arfan, revenu en son village natal depuis bien longtemps.
L'animal se posa sur un ponton en bois. Il servait visiblement au décollage des Célestins et de leurs montures. Les deux amis s'avancèrent timidement au sein de ce nouveau monde. La flore en elle-même se voulait proche d'Hyrule, mais en de telles hauteurs, il était étonnant de la retrouver aussi intacte ! L'herbe était verte, humide et grasse, comme lors d'un printemps doux et chaud. Un léger vent balayait continuellement le village et l'air semblait encore plus pur à une telle altitude. "Se dire que nous avons atterri au-dessus des nuages, dans un monde où il fait toujours beau, c'est incroyable ! Et ça réchauffe le coeur !" s'exclama la princesse en se penchant légèrement pour admirer les nuages plus bas. Elle retint une mèche de cheveux, tout sourire. Link se laissa prendre au jeu, le coeur battant, il n'avait jamais rien vu d'aussi étonnant, et de pourtant si beau. Il soupira néanmoins, reprenant son sérieux "Même si c'est magnifique ici, nous ne sommes pas venus faire du tourisme ! Hâtons-nous de tirer au clair toute cette affaire en allant quérir Arfan !" La princesse approuva et cessa de regarder les cieux. Un escalier se trouvait à leur gauche, menant à un imposant bâtiment qui devait probablement être leur destination, puisque le Célestrier avait tenu à s'arrêter là, alors que maints pontons en bois jonchaient le paysage. Plus loin, on pouvait atteindre la place du village, bien animée pour une bourgade aussi éloignée de tout. Des rires et conversations pouvaient s'entendre au loin, dans un joyeux capharnaüm. Des arbres avaient naturellement grandi malgré l'altitude. Ils étaient bien verts et des fruits poussaient continuellement. Quelques herbes étaient balayées par le vent et d'étranges fleurs en forme de coeur avaient envahi l'endroit. L'endroit laissait une impression de paix naïve, clémente et si tranquille. Il était rare de ressentir pareille quiétude, et pourtant, à Célesbourg, c'était ce sentiment qui prédominait sur tous les autres. Gravissant les marches, le duo franchit un portail pour arriver dans une cour fort bien aménagée. Ils n'avaient pas le temps de la visiter, ils se hâtèrent de rentrer dans ce qui semblait être l'académie, en poussant la lourde et imposante porte en chêne qui ne semblait que très rarement fermée à clé.
Ils atterrirent au coeur d'un lieu coloré et décoré avec beaucoup de goût. Il était fait de pierres au sol et de murs dont le matériau principal rappelait le torchis, en beaucoup plus lisse et peint en des couleurs joyeuses et osées. Des tapis avaient été installés à l'entrée pour plus de convivialité. Face à eux, une cantine tournait à plein régime, quelques élèves mangeaient encore leur petit déjeuner et bavassaient tranquillement des derniers ragots en vogues au coeur de l'école. Ils semblaient tous bien heureux, même la cuisinière, une vieille dame un peu bourrue qui paraissait préparer de merveilleux mets. Les deux amis s'approchèrent d'un jeune homme tentant de porter un tonneau faisant au moins trois fois son poids. Ils n'avaient aucune idée d'où trouver Arfan, mais cet élève pourrait probablement les aider.
"Bonjour, excusez-nous, nous venons d'Hyrule et nous ne connaissons absolument rien de Célesbourg... pourriez-vous nous indiquer où trouver Arfan ? Nous avons besoin de lui, c'est assez urgent, expliqua la princesse sans vouloir non plus effrayer son interlocuteur. Un jeune garçon timide se tenait devant les deux amis. Il avait un visage fin, les cheveux blonds et d'étranges pommettes rondes et rouges sur ses joues. Malgré sa gêne, il paraissait serviable et ravi d'aider.
- Oh ! Des Hyliens ! Cela fait longtemps que nous n'avions pas vu de terriens. J'espère qu'ici, ce n'est pas trop dépaysant ! Pas la peine de me vouvoyer vous savez, ici, tout le monde se connaît et tout le monde tutoie tout le monde ! N'hésitez pas à faire de même, ce n'est pas un manque de politesse, nous agissons juste différemment ! Bref, je me présente, je suis Célestin et je suis élève dans cette école, résuma le jeune homme se retenant à plusieurs reprises pour ne pas bégayer. Il ajouta en s'inclinant, je vais vous mener chez Arfan de ce pas, son bureau est à l'étage, comme la plupart des professeurs. Les élèves ont généralement un dortoir plus bas, proche de la salle de classe ! Avec ça en tête, vous ne vous perdrez pas dans cette académie !
- Merci, c'est très aimable à toi d'accepter de nous y conduire. Nous tâcherons de nous souvenir de tes conseils, Célestin, promit Link amusé par un tel concentré de timidité et gentillesse. S'il n'avait pas connu Zelda aussi débordante de vitalité, il aurait parié finir comme ce garçon.
- J'espère que nous ne te dérangeons pas dans tes activités, intervint la princesse soucieuse de ne pas gêner. Elle croisa ses mains derrière son dos, ce qui accentuait son côté soucieux. Elle voulait bien faire sans trop déranger.
- Non ce n'est rien, j'aidais la dame de la cantine à ranger deux trois tonneaux, mais ils sont vraiment lourds ! Enfin bref, je vais lui dire que je m'absente, de toute façons, je n'en ai pas pour longtemps pour vous conduire chez Arfan, répondit-il le plus délicatement possible afin de montrer au duo qu'il ne dérangeait absolument pas. Il s'éclipsa quelques instants, on l'entendait jusque-là déclarer, Madame Galina, je dois conduire des Hyliens chez le professeur Arfan, je suis désolé, je m'occuperai immédiatement de vos tonneaux après ça ! Comptez sur moi !
- ... Link ne dit mot jusqu'à ce qu'il entende la cuisinière pousser des cris suraigus, elle se plaignait visiblement. Il commenta rieur, eh bien, elle n'a pas l'air vraiment aimable... Je me demande pourquoi Célestin fait tout pour l'aider s'il n'en tire aucun mérite !
- Ne te moque pas voyons, il y a beaucoup de personnes comme ça, qui ont parfois du mal à exprimer leur reconnaissance. Je suis sûre que les reproches qu'elle lui administre sont en réalité sa façon à elle de le remercier. Même si effectivement, on pourrait procéder autrement, concéda la jeune fille en souriant. Ils n'eurent pas le temps de continuer leur conversation, Célestin revenait déjà, tout sourire.
- C'est bon, tout est arrangé, allons à l'étage, je préférerais ne pas perdre trop de temps... conclut-il un peu pressé, les remontrances de Galina avaient dû être sévères. Les deux amis s'échangèrent un sourire complice et suivirent leur guide de fortune."
Ils suivirent le couloir principal, constatant effectivement que le dortoir se trouvait au rez-de-chaussée. Le duo s'amusait à lire les noms et s'imaginait les personnes qui pouvaient séjourner en de tels lieux. Ils gravirent les marches, déçus de ne pas s'arrêter à la salle de classe animée, un cours semblait avoir lieu avec un autre professeur. D'après Célestin, il s'agissait d'un certain Hulul spécialisé dans les cours théoriques. Sa chambre était non loin des escaliers, et proche du bureau du directeur de l'école, d'après Célestin. Il laissa Link et Zelda devant la porte d'Arfan, s'excusant encore de ne pouvoir plus rester avec eux. Les deux amis remercièrent le jeune garçon qui courut rejoindre la cantine pour achever son travail qui lui prendrait très certainement toute la matinée. Link frappa à la porte du professeur de l'académie. Une voix les invita à rentrer, sans leur demander de décliner leur identité. Ils se hâtèrent, se doutant bien qu'Arfan serait surpris de ne pas tomber sur un élève venu pour rattraper un devoir ou pour quémander des conseils.
La chambre d'Arfan était joliment agencée, toutes les chambres devaient probablement posséder leur propre caractère, mais ce fut celle du professeur qu'ils découvrirent en premier, et ils n'en furent pas déçus. Un tapis vert était au centre de la pièce ronde, assez petite. Un lit une place siégeait entre deux commodes. Sur les murs, beaucoup de photos de classes en fonction des années scolaires décoraient les lieux. Arfan possédait aussi un bureau sur lequel reposaient des plantes en pots, une armoire fermée à clé et une bibliothèque. Le professeur ayant séjourné dans le palais avait d'ailleurs toujours caché sa passion pour les plantes exotiques. Il possédait tout un pan de mur envahi par de multiples spécimens, apportant une fraîcheur non négligeable à la pièce. Il posa le livre qu'il avait saisi pour accueillir les nouveaux venus. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir Link et Zelda à Célesbourg. Il leur souhaita la bienvenue, les bras grands ouverts.
"C'est incroyable ! Que faites-vous donc ici ? Vous souhaitez visiter le village ? Croyez-moi, vous ne le regretterez pas ! J'avais entendu Célestin dans le couloir, je ne m'attendais pas à tomber sur vous ! C'est incroyable, les Hyliens sont plutôt rares par ici, s'exclama-t-il ravi de voir des têtes qu'il ne connaissait que trop bien, il ajouta soucieux, tout va bien pour le roi, princesse ? Il est revenu sur vos devoirs et votre liberté, c'est toujours le cas, j'imagine. N'hésitez pas à me contacter sinon !
- Non... sieur Arfan, nous ne sommes pas venus vous voir pour vous parler du roi. Tout va pour le mieux en Hyrule. Nous souhaiterions simplement quelques approfondissements concernant l'histoire de notre royaume et nous savons que vous êtes le mieux placé pour répondre à de telles interrogations, expliqua Zelda préférant immédiatement rétablir la vérité, elle n'était pas venue poser des tabous. Elle savait qu'elle pouvait avoir confiance en Arfan pour les renseigner.
- Oh, bien sûr, demandez-moi ce que vous voulez, j'y répondrai avec plaisir ! Je suis flatté que vous pensiez à moi en premier, je ne me savais pas aussi célèbre, sourit-il les yeux clos. Il semblait d'excellente humeur.
- C'est probablement cette conférence au palais sur Hyrule qui a fait de vous une référence en matière de légende ! Vous êtes une véritable encyclopédie, intervint Link avec sérénité et tranquillité. Il parlait avec le coeur, ayant un profond respect pour cet homme toujours prêt à leur venir en aide.
- Oh oui, il est vrai que tu y avais assisté avec Zelda, je me souviens de toi, il y avait beaucoup de monde ce jour-là ! concéda l'homme tandis que la princesse se préparait à formuler sa question. Le ton de la conversation était vraiment détendu.
- Nous voudrions en savoir plus sur les dragons protecteurs qui jadis surveillaient les différentes régions d'Hyrule. Vous avez stipulé dans votre conférence que seul un dragon demeurait en vie, Lanelle. Or, des évènements ces derniers temps tendraient à prouver qu'en réalité, un deuxième dragon existerait toujours. Auriez-vous des éléments sur celui-ci ? questionna la jeune fille intriguée, ne pouvant oublier les propos de Kaepora Gaebora. Il était envoyé par Hylia et ne pouvait s'être trompé. L'erreur était ailleurs.
- Oh... Vous êtes venus pour les dragons messagers des déesses fondatrices... souffla Arfan le regard plus sombre. Il ne semblait pas aimer ce sujet, bien que Link et Zelda ne comprirent pas pourquoi. Il reprit, je vous ai malheureusement dit tout ce que je savais. J'ai tâché d'être le plus précis possible pendant la conférence. Lanelle est le seul en vie à l'heure actuelle. Firone pourrait être vivant mais il n'y a aucune certitude, le grand arbre Mojo en est la preuve. Un nouveau protecteur est né suite à la disparition de Firone. Quant à Ordinn, il est mort, en même temps que Narisha. Je vous l'ai dit, en prêtant sa force pour disloquer la mer des nuages. Ils ont tous accomplis leur mission mais ne sont plus de ce monde. Du moins c'est ainsi que je l'ai toujours lu et appris...
- Je comprends... Vous ne pouvez donc pas nous aider plus, nous avions pensé que peut-être seriez-vous tenu au courant de plus de choses. Des choses que vous n'auriez pas révélées lors de la conférence. Ne serait-ce que des rumeurs, insista la princesse visiblement déçue d'avoir fait ce voyage pour rien.
- Je suis désolé, mais malheureusement non, renchérit-il en secouant la tête désapprobateur. Il reprit en souriant, les rumeurs vont toujours bon train vous savez, même ici, à Célesbourg. Les Hyliens qu'ils soient des cieux ou de la terre gardent dans leur coeur le souvenir d'éloquents protecteurs prêts à risquer leurs vies pour eux. C'est pourquoi, beaucoup vous diront qu'ils croient encore à leur existence, poursuivit Arfan les mains croisées, hésitant.
- Oui, c'est évident... approuva Link les bras croisés en se posant sur le lit du professeur pour réfléchir.
- Attendez, ne faites pas des têtes pareilles voyons ! Célesbourg est une cité pleine de surprise, prenez le temps d'y faire un tour. Vous pourrez questionner les villageois si cela vous tient tant à coeur, mais n'hésitez pas à vous changer les idées, vous êtes au bon endroit ici ! proposa l'homme sage en souriant de plus belle. Il ne voulait pas décourager si vite ses petits protégés.
- Vous avez raison, c'est ce que nous allons faire, conclut la jeune princesse qui invita son coéquipier à sortir. Elle n'avait que sa mission en tête. Arfan les regarda s'éloigner, le sourire triste, le regard mélancolique. Il ne pouvait pas les aider, pas cette fois."
"Allons sur la place du village, nous aurons peut-être plus d'informations !" suggéra Zelda en tortillant nerveusement une de ses mèches blondes. Link lui sourit et accepta, tentant de la rassurer "Ne t'inquiète pas, on va forcément trouver, Arfan ne peut pas toujours tout savoir ! Et puis nous avons toujours la piste de Lanelle, il pourra forcément nous renseigner sur ses collègues d'autrefois ! Allez, on est aussi là pour passer du bon temps... Non ?" souffla-t-il compatissant, depuis leur retour, il savait pertinemment l'état dans lequel la princesse pouvait se mettre pour si peu. Il avait agi de même, et rien n'avait pu le sortir de ses idées noires, mais il ne laisserait pas son amie faire de même ! Surtout en un tel paradis ! Elle acquiesça, convaincue et ils sortirent tous deux de l'académie, n'oubliant pas de remercier Célestin au passage pour son aide précieuse. Le ciel avait pris une teinte bleue des plus aveuglantes, proche du turquoise. Les nuages au loin étaient d'un blanc pur, un temps pareil avait de quoi vous remonter le moral. Ils longèrent la route, le coeur léger et arrivèrent à la place principale, une dizaine de mètres plus tard. L'endroit se séparait en plusieurs niveaux. Au plus haut, un immense bâtiment d'où partaient quelques jolies guirlandes décoratives, et qui se révélait être le marché couvert, un gigantesque bazar où il valait mieux venir la bourse remplie de rubis si l'on souhaitait réaliser quelques affaire. Plus bas, quelques maisons parsemaient la route jusqu'à un pont en pierre blanches éclatantes menant à un quartier plus résidentiel. Tout était relatif bien sûr, il ne s'agissait pas d'une gigantesque ville, et ce qui était appelé quartier résidentiel à Célesbourg ressemblait plus à une jolie campagne, un lotissement aéré où s'alternaient habitations et champs de citrouilles. Plus bas, une grande place entièrement pavée gardée par un gigantesque phare. Une rivière s'étendait paisiblement le long du chemin, menant à un large étang, s'écoulant dans les cieux en une cascade tumultueuse. Néanmoins, il n'était jamais à sec et toute cette eau était à l'origine d'une flore aussi foisonnante que fraîche. Les deux amis s'approchèrent du premier groupe de passants qu'ils virent afin d'en savoir plus. Deux personnes acceptèrent de les aider, une jeune fille aux cheveux longs châtains et un homme d'apparence assez costaud, encore plus blond que Célestin.
"Bonjour, nous ne sommes pas d'ici, nous cherchons à en savoir plus sur les légendes concernant les dragons protecteurs d'Hyrule ! résuma Zelda qui ne désirait pas perdre son temps avec les explications.
- ... Je ne vois absolument pas de quoi vous voulez parler. Je ne sais même pas ce que vous appelez Hyrule... Hum... Entendu parler, Hiron ? demanda la jeune fille en prenant une pose interrogative. Comment pouvait-elle ignorer quelque chose d'aussi essentiel ?
- Je suis comme toi soeurette, je ne vois pas de quoi ils veulent parler... Désolé, mais, nous ne sommes pas professeurs ou historiens, pour ce genre de chose, vous feriez mieux de demander à l'école de chevalerie ! conseilla l'homme visiblement peu intéressé par le sujet. Ils s'éloignèrent en reprenant leur discussion sur les Célestriers.
- Par...don ? Ils ne connaissent pas... Hyrule ?! s'interloqua Link les yeux écarquillés. Ne pas se tenir au courant des affaires du royaume était une chose, en ignorer jusqu'à son existence en était une tout autre !
- Je savais qu'à Célesbourg on était loin de tout... mais à ce point-là... si la plupart des gens ici ne connaissent pas Hyrule, ne leur parlons pas du royaume... contentons-nous uniquement d'évoquer les dragons protecteurs... nous aurons peut-être plus de chance... soupira la jeune fille désabusée. Elle ne pensait pas être aussi transparente à Célesbourg.
- Oui... c'est probablement le plus sage... quand même... tout ignorer d'Hyrule... c'est..."
Préférant ne pas se formaliser, ils poursuivirent leurs recherches, se rendant dans le marché couvert. Les vendeurs qui s'y trouvaient devaient probablement avoir vu passer foule de voyageurs, certains pourraient alors détenir des informations essentielles concernant les deux dragons restant en Hyrule. Firone ou Ordinn ? Telle était la question...
Plusieurs portes menaient au même lieu s'étalant sur un long chemin ou diverses échoppes fleurissaient par leur variété. Le duo se trouvait sous un gigantesque bâtiment semblable à un chapiteau en ce qui concernait son toit. Les teintes prédominantes étaient dans l'ensemble pastelles mêlant avec beaucoup de goût et d'engouement du vert, du jaune, du violet et du rose. L'ambiance principale se voulait festive et les commerçants semblaient tous bien s'entendre entre eux et avec leurs nombreux clients, tous de Célesbourg. Link et Zelda ne savaient guère par quoi commencer, l'allée principale était assez occupée. Un homme à la peau métisse aux reflets d'ambre portait un casque de métal et paraissait affairé à réparer du matériel. Devant lui, des clients impatients le regardaient effectuer son travail. De l'autre côté du stand de réparation, se trouvait une terrasse où la plupart des habitants commandaient des cafés pour bavasser tranquillement dans la joie et la bonne humeur. Non loin de cette petite taverne improvisée et par-delà des tentures exposées pêle-mêle et autres bibelots plus étranges les uns que les autres, se trouvait une petite tente violette dont le tissu paraissait raffiné. Le magasin possédait sa propre enseigne, et le propriétaire se vantait de posséder le don de voyance. Un homme, la trentaine, bon vivant vêtu d'une toge marron était en conversation active sur le stand. Plus loin, le groupe ne parvenait pas à discerner tous les éléments tant l'endroit était grand, néanmoins, grâce aux affiches, ils savaient qu'il existait en cet endroit une consigne pour y déposer quelques affaires, un vendeur d'armes et un magasin de potions. Un endroit vraiment bien pourvu en tout matériel. Avec un tel lieu, nul doute que les habitants ne manquaient de rien ! Ne préférant pas déranger les vendeurs en pleines transactions, les deux amis d'un commun accord décidèrent d'interroger les gens de passage à la terrasse de la taverne. Ce fut Zelda, qui comme à son habitude, jugeant le fait coutumier, entama la conversation afin de se présenter et de glaner des informations. Un homme éclata de rire devant sa demande d'informations et lui indiqua un refus poli "Malheureusement, je ne croise pas les voyageurs qui passent parfois au marché couvert, vous êtes bien les seuls ! Alors je ne peux absolument pas vous renseigner ! Mais vous voyez le marchand là-bas ?" commença-t-il en désignant le vendeur d'armes au loin qui semblait s'ennuyer ferme sur son comptoir. La jeune fille et son compagnon de route acquiescèrent. L'homme poursuivit "Eh bien, il paraît qu'il en connait un beaucoup plus grand rayon, il aurait même aidé l'élu de la déesse Hylia ! Si vous cherchez des informations, cet homme peut vous aider !" Link et Zelda se hâtèrent de se rendre au stand en question par l'allée principale devenu relativement déserte. L'homme les accueillit, hystérique d'enfin recevoir des clients. Il se leva immédiatement s'approchant d'eux et présentant ses produits "Vous avez frappé à la bonne porte ! Vous devez absolument vous équiper chez moi, il n'y a pas de meilleur commerçant pour ce type de produit à Célesbourg ! Un bouclier pour le jeune homme pourrait l'aider dans sa quête, celui que vous possédez déjà est... étrange... Mais vous pouvez le garder bien sûr, la consigne est là pour ça ! Je possède aussi tout une armada de bombes pour les amoureux des explosifs ! Seriez-vous de ce genre-là ?" Link et Zelda se regardèrent décontenancés par la joie surfaite du vendeur qui ne pensait qu'à son profit. Poliment, le chevalier prit la peine de se montrer intéressé, "Vous n'auriez pas des bombes à retardement de facture Goronne ? Je suis partisan de ce modèle. Pour le bouclier non merci, celui que j'ai me convient parfaitement." Le vendeur dévisagea Link à ces mots, le regard quasi-assassin, puis se reprit aussitôt. Il s'inclina, confus "Oh je comprends, vous êtes déjà bien équipé ! Hum... des bombes de Gorons... c'est... Je ne connais pas, j'aurais peur qu'il s'agisse d'une arnaque pour vous, ce modèle doit être très expérimental !" Le jeune Hylien commença à s'impatienter, les sourcils froncés et bras croisés, il riposta "Absolument pas, voyons ! Là d'où je viens, le peuple Goron est le supposé créateur d'explosifs en tous genres ! Ils sont experts en la matière et possèdent toute une équipe de techniciens !" Link appuya son argument en posant le poing sur la table, il était passionné et prêt à défendre les gens qui l'avaient hébergé et lui avaient sauvé la vie au coeur de la Montagne de la Mort. L'atmosphère commençait à se tendre pour les deux parties, Zelda intervint afin de régler le litige en changeant net de sujet de conversation "Bref ! Ce que souhaite dire mon ami, c'est que nous ne sommes malheureusement pas venus pour acheter bien que vos produits sont alléchants ! En réalité, nous sommes en quête d'informations en ce qui concerne les dragons protecteurs de la légende ! Comme vous semblez être un fameux et célèbre commerçant, nous avons pensé que vous pourriez nous informer..." souffla la jeune fille tout sourire, n'hésitant pas à flatter son interlocuteur pour que celui-ci passe outre ses idées contraires à celles du chevalier. L'homme considéra Zelda du regard et lui déclara sur un ton un peu méprisant "Oh bien sûr, je sais énormément de choses, mais ici... Tout a un prix... Alors si vous désirez un quelconque renseignement, il faut payer ! Vendeur d'informations est un peu un second métier..." Le duo écarquilla grands les yeux, ne s'étant pas attendu à pareille réaction. Ils n'avaient jamais entendu parler d'un commerce semblable en Hyrule. "Mais... Mais..." commença Link en balbutiant, se préparant à rassembler ses économies. Combien pouvait coûter une information de ce type ? Alors que le vendeur s'apprêtait à formuler son tarif, un homme vint interrompre son collègue, le réparateur de machines en tout genre. Le casque relevé, il avait le visage sévère envers l'homme qui n'en menait pas large. "Au bazar de Célesbourg, il n'a jamais été question de vendre des informations ! Nous reposons sur un principe de solidarité, et on ne facture pas le temps de paroles ! Vous semblez nouveau ici, mais ne cédez pas à la supercherie, allez donc plutôt consulter le stand de voyance, son instinct pourra peut-être surpasser ses connaissances et vous aider." Le duo remercia en choeur l'homme en s'inclinant. Il s'agissait apparemment d'un certain Dorco qui reconnaissait connaître le monde d'en bas, mais ne le croyait pas peuplé. Effectivement, il était le réparateur d'un ancien robot de la vallée de Lanelle qui avait bien mal fini à Célesbourg. Il l'avait baptisé Récupix et l'utilisait pour collecter toutes sortes de matériaux sur la terre. Par le biais de cet homme, Célesbourg pouvait mener une vie en autarcie en toute tranquillité. Cela n'était néanmoins pas une raison pour ne pas se tenir informé sur le royaume et ses affaires...
Link et Zelda poursuivirent donc leurs recherches auprès cette fois-ci du voyant qui les accueillit avec gentillesse et compréhension. La discussion s'entama immédiatement, l'homme blâmant le vendeur d'arme.
"Ne faîtes pas attention à Arpignon, son commerce va mal en ce moment et il fait le coup à beaucoup de monde ! Ici, on s'entraide tous, et ce n'est pas parce que vous venez de loin qu'on doit vous vider vos poches ! sourit le voyant au visage joyeux mais ambigu. Il avait la particularité de ressembler à la fois à un homme avec sa petite moustache mais aussi à une femme avec son vêtement et son chignon strict dans ses cheveux châtain. Il regardait le duo avec de petits yeux engloutis par un visage rond et rebondi. Le plus aimablement possible, il poursuivit, je me nomme Pétronus, et je serai ravi de pouvoir vous aider, voyageurs.
- Merci à vous, nous pensions vraiment ce vendeur armé de bonnes intentions, Célesbourg est un vrai havre de paix, on se laisse prendre au jeu... souffla Link les yeux mi-clos, apaisé par l'atmosphère bénéfique des lieux.
- Heureux de vous l'entendre dire ! Vous prétendez venir de la surface de la terre, n'est-ce-pas ? C'est assez impressionnant, si je puis me permettre, j'adorerai essayer de vous prédire votre avenir ! Au moins pour vous aider dans votre noble quête et votre soif de connaissance ! Le prix est de dix rubis, j'imagine qu'il est dans vos moyens, sinon, il y a toujours possibilité de payer par la suite, mais les voyageurs se permettent rarement ce genre de fantaisies... expliqua le voyant impatient de commencer la séance. Son métier semblait le captiver, une bonne chose, assurément.
- Ne vous inquiétez pas, nous pouvons tout à fait vous payer ! Ce n'est vraiment rien, merci beaucoup, vos services nous aideront probablement, nous sommes un peu perdus dans nos recherches... Nous ne connaissons rien ici... avoua Zelda en tendant le prix de la séance à l'homme qui laissa l'argent sur le comptoir, tant qu'il n'avait pas utilisé son don, il n'encaissait pas l'argent, ce qui était tout à son honneur.
- Alors commençons ! Les voyageurs tels que vous ont bien souvent un destin hors du commun difficile à prédire, et j'aime les défis ! Qui de vous va tenter la séance ? Jeune homme ou mademoiselle ? demanda le voyant fébrile d'excitation.
- Je veux bien me prêter à l'expérience, proposa Link qui souhaitait en savoir plus sur son destin et sur les capacités de cet homme androgyne et un peu perdu au fin fond de sa passion.
- Ooooh... murmura l'homme les yeux clos, perché sur sa boule de cristal dans une posture mettant en valeur son chignon. Sa concentration était telle que la salle principale du bazar s'assombrit légèrement, le voyant devenant seul point lumineux dans cet univers d'aveugles. Il poursuivit sa méditation, agitant ses bras en tous sens. Le duo finit par se demander si la scène à laquelle ils assistaient n'était pas simplement de la comédie bien placée pour attirer la foule. Pétronus rouvrit brusquement ses yeux, cessant tout mouvement. Il semblait finalement avoir trouvé quelque chose, comme possédé, il déclara sur un ton monocorde, Je sens... Je vois... La lumière ! Votre quête prend d'ors et déjà fin. N'ayant jamais existé, elle vous conduira là où tout a commencé. Célesbourg brille par son départ. Assez de recherches, la connaissance de toute chose n'est pas toujours détenue par l'homme... Tout être est faillible...
- C'est une prédiction vraiment compliquée ! Elle est tellement floue que je ne comprends pas l'idée principale et le point de départ dont nous parle cet homme, s'exaspéra Link en haussant les sourcils. Pétronus ne paraissait nullement plus avancé que les deux amis.
- Je ne sais pas... Nous finirons probablement par tirer toute cette affaire au clair... La prédiction est assez positive... je crois, hésita Zelda pensive. C'était la première fois qu'elle avait recours à ce genre de service, mais la réponse demeurait brumeuse.
- ... Pétronus s'apprêtait à reprendre la parole, redevenu conscient lorsqu'un flash illumina sa boule de cristal, l'immobilisant. Une vision soudaine s'empara de son esprit... Des images si précises et pourtant ne le concernant pas..."
***
Un homme avançait le long d'un sombre couloir aux teintes ambre et or, des veines rouges dans les murs pour seule lumière. Il avait le pas léger et semblait ravi de la journée qui se profilait à l'horizon. Pourtant, son regard inspirait la crainte, la terreur même. Son sourire était pourtant des plus francs mais témoignait d'une vengeance qu'il avait rêvé d'accomplir depuis tant d'années. Ce bonheur qu'on lui avait refusé, il l'avait repris aux dieux ! Il franchit une porte non verrouillée et stoppa sa marche joyeuse et pourtant si funèbre. La pièce était entièrement vide, à l'exception d'une table en marbre massif, promontoire des ténèbres. En son sommet, le corps d'un Hylien reposait, les traits de son visage étaient froissés. Il paraissait parfaitement calme et pourtant portait les marques d'une souffrance indescriptible, d'une douleur qu'on ne peut que porter au plus profond de son coeur tant elle se veut intense. L'homme se mit à rire, l'air méprisant, en passant une main gantée dans les cheveux or du jeune inconscient. Sa voix résonnait jusque dans le fond de la salle, où un autre Hylien observait la scène, posé contre un mur, il ressemblait trait pour trait au corps inanimé sur la table. Il était juste bien plus obscur, semblable à une ombre.
"Tu croyais vraiment pouvoir me tenir tête ? Voilà ce qu'il en coûte d'agir en toute témérité. Tu as payé ton imprudence de ta vie, et ce n'est pas pour me déplaire... Link, qui pensais-tu impressionner ? Tu n'as rien d'un héros, et cette défaite le prouve bien... Quelle erreur..."
L'homme acheva sa phrase par un rictus à peine dissimulé de pur plaisir. Son sourire était des plus sadiques et la pâleur du corps de l'Hylien dissimulait à peine des blessures plutôt mal cicatrisées. Mais tout cela n'avait plus vraiment d'importance... Puisqu'il était mort.
Link était mort, et rien ni personne n'aurait pu changer sa condition... Non, personne... Encore moins un traître.
***
"Monsieur Pétronus ? Tout va bien ?" s'écria Zelda ce qui eut pour effet de faire sursauter l'homme non-préparé. Il balbutia, encore sous le choc de ce qu'il venait d'apercevoir "Oui... Oui, je vais très bien ! Voyons, pourquoi en serait-il autrement !" se défendit-il ne préférant pas avertir le chevalier de cette vision néfaste. Parfois, connaître le futur n'était pas un bon présage, si Link était mis au courant d'un fait aussi grave le concernant, il ne pourrait plus agir en toute liberté et ressasserait sans fin. Pétronus préféra contourner le sujet et faire comme s'il n'avait jamais vu pareille scène. "Vous ne bougiez plus depuis cinq bonnes minutes, nous n'avons pas cessé de vous appeler... Nous étions inquiets !" expliqua le jeune Hylien soucieux, il avait vu tant de gens souffrir et mourir, mais jamais d'homme se figer ainsi pour s'animer peu après l'air de rien. Pétronus prit l'initiative d'un mensonge mal assuré "Oh... Je vois... C'est... récurrent après une... vision dans ma boule de cristal. Ne vous inquiétez pas, c'est... suite à la séance ! Je vous assure que ça m'arrive très souvent !" Link et Zelda finirent par acquiescer après un court moment d'hésitation et le voyant se détendit enfin. Mal à l'aise et constatant l'argent sur le comptoir, il leur déclara "Reprenez vos rubis, ma vision n'était pas assez précise, alors à quoi bon vous faire payer pareille séance ! Et puis je l'ai avant tout faite par curiosité, alors..." Pétronus ne préférait pas indiquer son réel motif, après tout, peut-être que dix rubis suffirait à sauver l'âme de ce pauvre jeune garçon qui reprit l'argent gêné. Link et Zelda remercièrent à deux fois le voyant et quittèrent le bazar, en quête d'une quelconque idée pour poursuivre leur importante mission.
"Je ne vois pas vraiment où nous pouvons nous rendre, tâchons de nous promener sans but précis, après tout, Arfan nous a conseillé de nous reposer et de visiter les lieux !" proposa Zelda tout sourire, les mains liées dans le dos, penchée en avant. Link approuva l'idée et ils flânèrent le restant de la journée, profitant du temps magnifique qui les inondait d'un soleil radieux et d'un vent doux. Le duo fit notamment une petite halte au quartier résidentiel, accessible par un pont non loin de la grande place de Célesbourg. De l'autre côté de la merveilleuse rivière aux reflets enchanteurs, le quartier n'avait rien à envier au reste du village. Ils suivirent le chemin principale en sable, préférant éviter de se perdre, ce qui malgré la petitesse des lieux, semblait tout à fait possible. La verdure et des habitations de toutes les couleurs défilaient devant leurs yeux rêveurs, en briques rouges, bleues, vertes ainsi que des arbres sans le moindre fruit. Le petit chemin les conduisit à un des points culminants du village, leur offrant une magnifique vue sur l'île céleste. Ils s'assirent sur un petit banc en bois, non loin d'un arbre et d'un immense champ de citrouilles, et commencèrent à observer le paysage sans s'en lasser. Ils furent bien vite dérangés par un des habitants, qui paraissait chercher quelque chose non loin de l'arbre où ils se trouvaient. Il était voûté à l'extrême mais malgré cela, semblait très grand. Il avait les cheveux courts blonds et un visage très allongé. Il était aussi habillé comme la plupart des élèves de l'académie où siégeait Arfan, ce qui ne paraissait pas bien étonnant puisqu'il était assez jeune au vu de son profil, probablement la vingtaine. Gênée par les recherches du garçon, Zelda s'enquit de son activité étrange,
"Que fais-tu donc à regarder ainsi le sol depuis dix bonnes minutes ? C'est assez perturbant de t'avoir à nos côtés, silencieux et très occupé à une activité inconnue. Tu as perdu une chose importante ? Nous pouvons peut-être t'aider, non ? demanda poliment la princesse paraissant légèrement irritée. Mais ce villageois n'avait rien à se reprocher, elle s'en voulait surtout à elle-même, tellement déçue de cette nouvelle mission qui peinait à démarrer correctement et sans encombre.
- Oh pas du tout ! Vous deux, je ne sais pas comment vous avez fait pour ne pas être mis au courant ! Tout le monde le sait pourtant à Célesbourg ! Je suis un inconditionnel passionné d'insectes ! J'ai repéré un grillon depuis hier qui se rend fréquemment non loin de cet arbre, et je suis bien décidé à enfin l'attraper ! En ce moment, je ne tombe que sur des papillons, j'aimerais un peu innover ! expliqua l'étudiant scrutant le sol avec minutie. Il ajouta confus, ah si vous ne me connaissez pas, alors vous ne connaîtrez pas mon nom ! Je suis Latruche, désolé, j'aurais dû vous le dire avant... Mais bon, je préfère largement parler d'insectes.
- Tu as une bien intéressante passion ! N'en parle pas trop à mon ami, il pourrait te suivre, rit la jeune fille en adressant un clin d'oeil complice au fanatique qui ne semblait pas franchement assez intéressé pour entrer dans la confidence. Elle ajouta gentiment, Célesbourg doit avoir de très beaux spécimens. Mais tu devrais te rendre sur la terre ferme un jour, tu y découvrirais certainement des insectes que tu n'aurais jamais vus.
- Zelda, je ne suis pas si influençable voyons... souffla Link en tirant légèrement la langue, exagérant sa moue boudeuse. Latruche n'en fit aucun commentaire.
- Hum... Probablement, mais je ne vois vraiment pas comment y aller, et c'est certainement un endroit très dangereux ! Vraiment, non merci ! Je ne suis pas fou d'insectes au point de vouloir franchir la Mer de Nuages, personne n'y est encore parvenu ! fit remarquer l'étudiant le plus sérieux possible, pourtant, il disait une chose absurde qui offusqua le duo.
- La... La Mer de Nuages ? Et puis quoi encore, tu ne vas pas me dire que tu y crois encore ? Tu penses aussi que Narisha est en vie peut-être, non ? s'exaspéra la princesse tentant de prendre un ton relativement calme pour ne pas effrayer ou froisser son interlocuteur.
- Bien sûr, tu es une petite blagueuse toi, à Célesbourg ça a toujours été ainsi. Mais tu as raison, peut-être que Narisha pourrait nous débarrasser de cette couche indésirable. Mais après... Qui sait ce que nous pourrions découvrir en bas... déclara Latruche sans le moindre complexe. Il n'était pas loin de la vérité, mais sa proposition c'était déjà réalisée... Il ne semblait pas en avoir conscience.
- Hum oui... oui... répondit abstraitement Link qui fit un regard à son amie qui en dit long. Ils étaient d'accord pour considérer la situation anormale. Ne pas être informé à ce point relevait de l'irréel !
- Allons voir à l'académie s'ils possèdent une bibliothèque ! Et vite ! accorda la jeune fille à l'adresse seule de son ami. Elle se tourna ensuite vers Latruche tout sourire, excuse-nous, mais nous ne pouvons pas rester plus longtemps ! Nous avons rendez-vous à l'académie, à la bibliothèque... Tu... ne sais pas où cela se trouve par hasard ?
- Ah, vous êtes bien pressés. Boh, la seule valable bibliothèque que nous possédons se trouve dans le bureau de M. Gaepora, vous êtes de nouveaux élèves ?
- Moui... On peut dire ça... conclurent en choeur Link et Zelda, leur hésitation à peine décelable."
Ils quittèrent en vitesse le quartier résidentiel, l'heure n'était plus à la contemplation, mais à la compréhension !
Tandis qu'ils étaient en route, Zelda fit une remarque qu'elle jugeait plus que pertinente, "Tu sais, la prédiction de Pétronus, elle nous disait de ne pas nous arrêter à la connaissance des hommes. Je crois qu'il voulait dire que parler aux habitants ne suffisait pas ! Les livres de Célesbourg seront de meilleurs conseillers que ses villageois !" souffla-t-elle accélérant leur marche précipitée vers l'académie. Ils ne prenaient même plus peine au paysage, plongés dans leur réflexion unanime. Link hocha la tête et déclara en accord avec son amie "Oui, tu as raison, il y a quelque chose de louche ici ! Un véritable paradis n'est pas forcément un havre de paix ignorant ! La dislocation de la Mer de Nuages est un fait marquant, qui aurait dû solliciter la mémoire de tous les villageois ! Tout comme la mort de Narisha après cet exploit, or, ici, personne ne considère ce fait comme acquis ! Même les dernières générations ! Certains, c'est vrai, paraissent plus informés que d'autres... Mais pourquoi ne seraient-ils pas tous au même niveau d'informations ?" Ce fut sur de telles interrogations qu'ils franchirent la porte principale de l'académie de Célesbourg, impatients de tirer toute cette affaire au clair. Un étudiant les renseigna sur l'absence du directeur dans son bureau, ce qui arrangeait le duo préférant agir discrètement. Il ne valait mieux pas mêler M. Gaepora à toute cette histoire. Ils entrèrent malgré la porte verrouillée, un petit tour de passe-passe que Zelda n'hésitait pas à utiliser en cas de force majeure, comme pendant la dépression de son meilleur ami qui ne s'offusqua pas de la méthode. Elle récoltait ses fruits aujourd'hui. Après tout, sa gentille princesse n'aurait jamais agi uniquement pour troubler son intimité, ce qui n'aurait eu de cesse de le tourmenter, en y repensant.
Tirant la lourde porte, ils pénétrèrent dans un immense bureau fort bien éclairé par des fenêtres multicolores semblables à des vitraux. Deux grandes étagères remplies de livres entouraient le bureau du directeur sur lequel reposait uniquement un pot de fleurs ressemblant aux bois-jolis aux teintes roses. Les deux amis se séparèrent le travail, tout sourire. Link à gauche, et Zelda à droite. S'ensuivirent alors des heures de recherches plus ou moins passionnantes, tandis que le soleil laissait place à la lune. Zelda fit un constat affligeant sur ses recherches "Aucun livre ne parle de la dislocation de la Mer de Nuages ! Ils sont tous bien trop vieux pour cela... Il doit pourtant exister quelque chose..." Ne perdant pas espoir, Link proposa gentiment à la princesse de le rejoindre pour chercher de son côté. Ensemble, ils épluchaient les livres, Link épiant parfois son amie, assidue lectrice. Il l'était beaucoup moins qu'elle mais admirait la posture qu'elle prenait dès qu'elle ouvrait un manuscrit quelconque, son visage irradiait de bonheur. Alternant lecture et contemplation, il tomba finalement sur une étagère intéressante, probablement la seule de toute la bibliothèque. Elle se trouvait tout en bas et plusieurs volumes reliés de couvertures grises qui parlaient d'un même thème. "Zelda, regarde ça ! C'est intéressant ! Enfin peut-être glauque aussi par certain côté mais... !" La jeune Hylienne s'approcha de lui et se pencha sur le livre, utilisant la pointe des pieds et l'épaule robuste de son camarade. Elle observa l'ouvrage à son tour et finit par dire à Link "Hum... ce sont des archives recensant les décès et naissances de Célesbourg, je ne pensais pas trouver pareilles informations dans une école..." Les deux jeunes gens épluchèrent les différents volumes, intéressés. Lire un tel recensement, c'était un peu retracer l'histoire de ce peuple dont ils descendaient. Ce fut le tout dernier numéro qui les interpella, il était encore incomplet, quasi-vierge. Link en fit part à sa princesse, surpris "Depuis la dislocation de la Mer de Nuages, plus aucun habitant de Célesbourg n'est mort, il en va de même pour les naissances ! Mais... Cela fait des siècles ! Ce n'est pas possible !" Zelda se pencha stupéfaite vers les dernières lignes pour pousser un cri d'hébétude total. Link se mit à les lire minutieusement pour comprendre et ne put se retenir d'écarquiller les yeux, sans comprendre. La jeune Hylienne, une main sur la bouche s'écria "Le... Le dernier mort à être noté dans le registre... il s'agit de... d'Arfan !" Link hocha tristement la tête, et le coeur battant se demanda à voix haute "Mais alors... si on suit ce registre, notre très cher professeur n'a jamais existé... Si Arfan est mort... Qui est à sa place ?" La princesse prit une mine mortifiée et soupira blessée "Cet homme... Un imposteur... cela m'apparaît si improbable et pourtant... c'est écrit noir sur blanc... Juste après la réunification de la terre et des cieux... c'est impensable..."
Comprendre que l'on s'est fait duper des années et des années durant est une bien dure nouvelle à encaisser, un choc qui vous ébranle inévitablement. Les deux amis posèrent le livre sur le bureau du directeur, s'y penchant encore et encore, mais l'inscription à la plume demeurait, inébranlable. Une vérité inacceptable. Comme si le coupable s'était senti démasqué, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir en direction du bureau de M. Gaepora. La poignée de porte tourna légèrement sous le regard de Link et Zelda pétrifiés. Les deux amis déglutirent péniblement quand ils virent l'imposteur entrer et sursauter lorsqu'il vit les deux jeunes gens dans la pièce. La princesse jeta un regard assassin au pseudo-Arfan et Link le dévisagea d'un oeil neuf, il était désormais méconnaissable. L'homme s'approcha sans comprendre, ses longs cheveux blancs virevoltant à peine tant il se déplaçait avec grâce.
"Eh bien, je ne m'attendais pas à vous trouver ici, j'étais venu chercher le directeur pour m'entretenir avec lui, vous ne l'auriez pas vu ? Que se passe-t-il ? Vous en faites une de ces têtes ! Vous vous êtes perdus dans vos recherches, tout va bien ? questionna le professeur soucieux de la réussite de ses deux petits protégés. Mais qui était-il réellement, et que voulait-il à Hyrule ?
- Nous n'avons jamais été aussi proches du but, au contraire, trancha la princesse le regard dur, la voix sombre. Elle n'allait certainement pas sourire face à une telle supercherie.
- Eh bien, je ne pensais pas que vous seriez aussi dépités d'avoir trouvé une solution, que vous arrive-t-il ? poursuivit le pseudo-Arfan dans l'ignorance la plus totale de la situation. Il ne semblait absolument pas se remettre en cause.
- Nous avons lu les archives. Jusqu'au bout, coupa brutalement Link en tapant du poing le regard noir, il ajouta sur le qui-vive, qui êtes-vous vraiment ?
- Mais qu'est-ce que... commença le professeur dans un mouvement de stupeur des plus totales, comme désarçonné par la nouvelle. Il perdait peu à peu sa crédibilité auprès des deux jeunes Hyliens, perdant jusqu'à son image. Eux qui autrefois l'admiraient.
- Ne faites pas l'innocent ! Sur ce document figure la date du décès d'Arfan, enseignant de l'académie de Célesbourg ! Osez prétendre que vous êtes cet homme défunt ! Les livres ne se trompent jamais, professeur, vous êtes bien placé pour le savoir, fit constater Link sombrant dans un état proche de la tristesse.
- ... l'homme se dirigea à pas lent et lourd vers la fenêtre principale et l'ouvrit, observant la splendeur de la nuit déjà bien avancée. Il commença, la voix peinée, baissant son regard, je n'ai jamais prétendu être parfait. Je n'y peux rien si la plupart des gens me voient ainsi.
- Il y a une grande différence entre perfection et imposture... répondit Zelda les bras croisés, toujours aussi dur envers l'enseignant les yeux dans le vague.
- Je me demande bien, ce que vous, vous auriez fait à ma place. Quand un ami vous demande une dernière volonté, vous n'avez guère d'autre choix que de la lui octroyer... Si au moins cela pouvait faire oublier sa mort ! Mais je n'ai pas le pouvoir de ramener les morts ! Je ne le peux pas ! rugit l'homme hors de lui, furieux contre lui-même et une injustice que lui seul semblait comprendre.
- De quoi parlez-vous ? Souffla Link sans la moindre amabilité dans le ton employé. Mais ce pseudo-Arfan avait quand même réussi à l'intriguer.
- Les dieux ont tous des faiblesses. Ils ont beau surpasser sur certains point les hommes, ils n'en restent pas moins limités, souffla l'homme aux cheveux blancs comme la neige. Il leva une main au ciel, dessinant sur le ciel un demi-cercle de sa paume. Ce mouvement eut pour effet de faire se lever le jour. Link et Zelda en furent aveuglés et surpris par un pouvoir aussi inattendu.
- Mais vous... Vous maîtrisez la magie ? s'interloqua la jeune fille retenant un hoquet de surprise. Elle avait beau connaître beaucoup de sortilèges, aucun ne pouvait ainsi faire se lever le jour.
- Oui, jeune Princesse de la Destinée, en certains côtés, il n'y a pas de limite à mon pouvoir. Ce qui est bien normal... pour un... dieu protecteur, avoua l'individu levant les yeux au ciel. Son regard se teinta d'une infinie tristesse. Dans l'embrasement du soleil à l'aurore, un souvenir faisait surface. Narisha volait dans le ciel, comme auparavant, comme il l'avait tant fait, avec son infinie sagesse et sa prestance. L'étrange personnage reprit, il l'avait toujours su. Il savait pertinemment que s'il démantelait la Mer de Nuages, il y passerait. Un tel effort aurait probablement fatigué la grande déesse Hylia. Mais Narisha lui, en cherchant à venir en aide aux hommes... Il y a laissé sa vie... Et il est ainsi devenu, un souvenir... Parmi tant d'autres...
- Narisha ! Comment faîtes-vous ça ! s'exclama Link en courant à la fenêtre admirer les mouvements gracieux de l'esprit semblables à une baleine en certains points.
- Pour connaître mon rôle, vous êtes sans nul doute un dieu. Ordinn n'est jamais mort, à l'inverse de Narisha, n'est-ce-pas ? Son grand ami s'est sacrifié entièrement pour lui permettre de vivre, là où il s'était résigné à la mort... comprit la princesse un peu tard, s'en mordant presque les doigts. Elle avait jugé trop vite !
- Oui, c'est exact. Mais je ne suis plus Ordinn, il est mort en même temps que Narisha, ce fameux jour-là qui ne fut qu'immense hystérie pour tout Célesbourg. Ce même jour où, pris d'un arrêt cardiaque, Arfan mourut. Seul M. Kaepora découvrit son cadavre et nota son décès un jour plus tard dans les archives. L'heure était à la fête, il aurait été malvenu de briser une telle utopie se réalisant enfin... expliqua l'esprit protecteur qui d'un clignement d'oeil fit apparaître la scène dans le ciel sous les yeux ébahis de Link et Zelda. Il reprit, toujours accoudé à la fenêtre l'air mélancolique, à croire que ces deux-là étaient liés. Mais Narisha ne pouvait pas mourir ainsi, il laissait bien des innocents derrière lui... Et c'était injuste pour Célesbourg de perdre ainsi son protecteur. Je n'ai pas eu d'autre choix... Avant de mourir, il m'a regardé droit dans les yeux, des yeux éteints mais si sages et encore emplis de détermination. Il ne partait pas malheureux..."
"Je sais que tu es là pour eux. Je compte sur toi Ordinn. Maintenant que je ne serai plus là, prends soin des habitants de Célesbourg comme s'il s'agissait de tes propres créations, comme si tu étais leur protecteur... Je sais que tu le feras... Ne me regrette pas... J'ai accompli ce pour quoi Hylia m'a créé..."
"Oui, il a dit cela, reprit Ordinn tandis que la voix provenant de son souvenir s'éteignait peu à peu. Il poursuivit une main sur le coeur, je n'ai jamais voulu me cacher. Et j'ai toujours accompli mon devoir. Mais ma nostalgie m'a aveuglé et c'est pourquoi je ne suis pas parfait. Je ne pouvais me résoudre à voir les gens d'ici peu à peu oublier Narisha et me vénérer à sa place ! C'était inacceptable ! Alors, j'ai pris la place d'Arfan, puisque tous ignoraient son décès, même le directeur a fini par l'oublier, je l'y ai aidé. J'ai fait en sorte que Célesbourg demeure à jamais un havre de paix, sans nulle tristesse. Je me suis servi de la quasi-totalité de mes pouvoirs pour geler le temps de cette île céleste et celui de ses habitants. Ici, Narisha et Arfan ne sont jamais morts. Tout est comme il doit être. Ce merveilleux passé est aujourd'hui devenu présent, la preuve en est puisque vous existez. Je demeurais le lien mouvant et libre dans le temps entre Célesbourg et Hyrule, sinon le charme n'aurait jamais pu marcher. Je me suis fondu au coeur de ce monde et j'y ai appris à vivre. J'ai aimé chaque moment passé avec ces villageois ! Je ne pouvais me résoudre à les voir disparaître ! Je savais pertinemment que la dislocation de la Mer de Nuages conduirait à une évaporation complète de Célesbourg pour migrer en bas... expliqua Ordinn des sanglots dans la voix, le regard vers l'horizon, ses souvenirs défilant à une vitesse folle. Il ajouta avant de se faire couper par Zelda, ne me regardez pas ainsi. Je sais que j'ai eu tort, je n'ai pas à décider de ce qui doit vivre ou mourir, seul le temps est maître du destin de chacun. Mais j'en avais la capacité, alors je l'ai fait. Et je ne regrette rien...
- Mais enfin, ô grand Ordinn, vous ne pouvez pas laisser Célesbourg ainsi, ce n'est pas dans le cours logique des choses ! Le temps est immuable, vous l'avez appris à nos dépends, malgré toute votre affection pour ce monde, ce que nous comprenons aisément... Vous devez renoncer, souffla Link hésitant. Un tel paradis était voué à disparaître... Il en était ainsi et pas autrement. Un fait qu'Ordinn ne pouvait changer, seulement retarder.
- Bien sûr, bien sûr. Mais à qui cela nuit-il ? Est-ce mal de chercher à redonner vie à des choses qui ne sont plus ? Car oui, j'ai aussi conscience du véritable écoulement du temps, et à l'heure qu'il est, Célesbourg n'est plus, tout comme le souvenir de Narisha... se mortifia le dieu osant à peine dévisager Link et Zelda. Il ajouta, pardon de vous avoir trompés, je n'avais pas le droit, c'est vrai. Mais à mes yeux, Ordinn est réellement mort, et Arfan vivant... Je suis devenu cet homme, j'ai abandonné mon divin pour le commun des mortels.
- Mais le commun des mortels n'est justement pas immortel ! Ordinn, vous demeurez ce que vous êtes mais vos souvenirs aussi ! Narisha n'est pas mort en vain puisque vous continuez d'exister pour lui ! Cependant... vous n'avez pas respecté sa dernière volonté. Il voulait vous voir veiller sur Célesbourg. Il était pour un écoulement normal du temps ! Qu'importe ce que l'avenir réservait à son peuple, il l'avait accepté ! Vous deviez simplement accompagner ses protégés jusque dans l'au-delà ! A quoi bon vivre si c'est pour être privé de tout changement et d'évolution ? Célesbourg est une création de mortel, vous ne pouvez rien y changer ! Vous devez renoncer ! insista la princesse un léger pincement au coeur. Devant pareille beauté, elle comprenait le choix de ce dieu à la grande nostalgie.
- Vous avez raison... Je ne le sais que trop bien, mais vos paroles me confortent dans ce nouveau choix que je vais devoir prendre. En cela je vous remercie. Et je ne vous oublierai jamais. J'espère vous avoir été utile, et je ne compte pas m'arrêter là. Puisque je suis l'un des deux dragons restant en ce monde... commença Ordinn approuvant les idéaux de ses deux protégés."
La conversation marqua une brève pause. L'ancien esprit protecteur de la Montagne de la Mort rompit le sceau qui le maintenait dans le corps d'Arfan dans un éclat de lumière céleste. Le ciel s'illumina et dans celui-ci, apparut, un imposant dragon d'un beige cendreux sulfureux et profond. Le devant de son corps était fait de lave et son visage sage imposait le respect. Ses yeux étaient tristes, d'un rouge morne et résignés. Il portait un habit rouge feu semblable à des flammes mouvantes, presque comme un long kimono. Il était splendide. Regardant de haut le duo, il déclara solennellement.
"Puisque je suis l'avant dernier dragon protecteur sur cette Terre. Link, Zelda, obtenez ma bénédiction pour pénétrer le Saint Royaume, à mes yeux, vous l'avez toujours eue, vous êtes de véritables héros. Et vos coeurs sont purs, vous êtes l'allégorie même de l'espoir. En cela, vous pouvez accéder à la sainte Triforce. Surtout, prenez bien soin de vous, sourit Ordinn les yeux emplis d'affection pour ses deux jeunes élèves.
- Tu... Tu ne restes pas ? questionna Link le souffle coupé, un précieux allié ne pouvait pas disparaître ainsi !
- Mon heure est venue, il est temps, temps que je retourne auprès d'Hylia. Je vous attendrai dans ce monde qui n'est réservé qu'aux dieux. Tâchez de trouver le dernier dragon. Et n'oubliez pas, les apparences sont parfois trompeuses... conclut Ordinn en s'inclinant l'air serein, il poursuivit, ma montée au ciel dégèlera le temps de Célesbourg. Grâce à vous, je ne regrette plus rien, conservez longtemps au plus profond de votre coeur un beau souvenir de ce monde céleste si regretté...
- Adieu Ordinn... Et nous nous excusons de t'avoir mal jugé, répondirent en choeur les deux amis le coeur serré, observant l'image du dragon peu à peu s'estomper, tout comme sa vie..."
Là où tout avait commencé, tout finit. Célesbourg, capitale d'antan, joyaux à la beauté autarcique dans un ciel désert devint ruines. Fini les somptueux bâtiments et les villageois insouciants. L'île demeura au coeur des cieux, comme seul souvenir de ce triomphe d'auparavant, une gigantesque statue représentant Hylia en parfait état. Intacte, tout comme la mémoire d'un dragon dont la voix résonnait encore...
"J'ai aimé passer du temps en votre compagnie, merci. Vous réussirez, je le sens et je le sais. Poursuivez, allez, mais jamais ne fléchissez..."
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Eboorifée". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.