Les Portes du Temps - Destins Croisés
Chapitre 12 : La Tour du Jugement
Chapitre 13 : La princesse de la Destinée
PARTIE 3 : Ocarina of Time, Terre de Légendes
Chapitre 14 : Faux Semblants au lac Faroria
Chapitre 15 : Sommeil de Givre
Chapitre 17 : La dernière Porte
Chapitre 18 : Le désert des Illusions
"Je suis un loup ! J'ai été changé en loup !"
Link s'ébroua, tourna en tous sens, ne pouvant pas croire à l'impossible. Il chercha son épée du regard, sa tunique et ses bottes. Il ne constata qu'une épaisse fourrure noire et blanche et des pattes l'empêchant de saisir un quelconque objet. Il tenta de formuler une phrase, en vain, elle se déforma et apparut comme un grondement sourd à peine audible. Il ne pouvait même plus parler ! Ce don des plus banals devenait maintenant un luxe dont on l'avait injustement privé ! Personne ne pourrait plus le comprendre désormais et encore moins prendre au sérieux un loup. Qu'allait-il faire ? Comment retrouver Zelda et la rejoindre dans un corps qu'il ne maîtrisait même pas ! Link sentit son angoisse s'amplifier sans parvenir à la canaliser. Un rire se fit entendre, méprisant et moqueur. L'ombre était toujours là. Son guide n'avait pas fui malgré l'étonnante transformation de Link au clair de lune.
"Tu dois terriblement te sentir seul ainsi. Tu es rongé par la peur, tant que tes craintes seront là, bien ancrées en toi, il te faudra vivre avec ce corps... tu risques de te pavaner ainsi un long moment, j'en ai bien peur... hum... la peur, pardonne mon égarement, je ne la ressens pas comme toi, ah ah ! Pourquoi es-tu devenu si subitement terrifié, je t'avais prévenu !"
Link commença à s'agiter, furibond. De quel droit cet homme se permettait-il de le juger ? Le loup gronda, dévoilant une bien belle mâchoire. Il aboya, tentant de formuler ses pensées dans ce nouveau langage qu'il découvrait pas à pas sans grand espoir de réponse. Pourtant, et contre toute attente, l'ombre le comprit.
"Tu ne m'avais rien dit ! Tu ne m'auras pas avec tes belles paroles ! Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens, il va mourir ! Le Héros appartenant à votre Hyrule va mourir ! Pourquoi restes-tu ainsi auprès de moi, aimes-tu tant que ça rire d'un pauvre animal branlant ?"
"Si je partais, tu n'aurais plus un seul allié. Veux-tu vraiment que je m'en aille ? Tu ne sais même pas où se trouve le désert ! Où veux-tu aller sans le moindre repère ?"
"Alors... tu veux m'aider à sauver le Héros ?"
"Non, je savais déjà qu'il mourrait. Pour moi, c'est un fait admis, qui ne me déplait pas vraiment... mais je suis curieux de savoir comment tu comptes te débrouiller !"
"Si tu sais qu'il va mourir, pourquoi ne l'as-tu pas prévenu ? Tu es un monstre de te réjouir d'un tel avenir ! C'est une lumière au coeur des ténèbres, un espoir pour tous les habitants de ce monde ! Qui va bientôt partir en fumée..."
"Je ne crois pas que tu sois vraiment à ton avantage pour me traiter de la sorte... et j'ai mes raisons. Si tu cherches encore à m'accuser de ce que je ne suis pas, tu pourras continuer ton chemin seul ! Sans personne pour te comprendre ! Sans personne pour te guider !"
Link n'osa guère répondre à une telle mise en garde. Malgré le sale caractère épisodique de son guide, le loup avait besoin de lui, il en avait conscience. Les deux alliés se mirent à observer chacun de leur côté la forêt, sans qu'aucun n'ose ajouter de commentaire. Link préférait se concentrer sur sa peur, tentant de la faire disparaître pour redevenir humain, c'était peine perdue, il allait devoir se débrouiller ainsi jusqu'à ce qu'il sauve le Héros. Le duo avançait paisiblement, sortant peu à peu des bois perdus. Etant devenu loup, Link avait bien plus de facilité à se repérer, il comprenait alors le Skull Kid, qui sous sa nouvelle forme, ne risquait plus de se perdre. Sans un mot, les deux compagnons de fortune parvinrent à la sortie, le chevalier devenu canin s'étonna du sens de l'orientation de son guide, qui bien qu'humain, ne semblait avoir aucune difficulté pour se repérer dans cette traître forêt où chaque clairière ressemblait à la précédente. La nature se parait d'une étrange beauté, la nuit n'incommodait plus le loup. Il distinguait parfaitement la route, la végétation, et même les animaux qui auraient pu lui servir de dîner. Leur odeur se sentait à des kilomètres. Mais Link n'était pas vraiment là pour aimer son nouveau corps, tout du moins pas au point de se mettre à chasser des lapins. Lorsqu'ils rejoignirent la forêt de Firone, dans le silence de la nuit, seule la Lune guidant leur pas, l'ombre osa briser l'absence de conversation.
"Si nous sortons de la forêt et donc du plus grand champ d'action de Firone, je pourrais peut-être nous téléporter à une autre source, celle du lac Hylia. Si nous parvenons à ce lieu, qui est probablement là où sont partis ton amie et le Héros, nous atteindrons bien vite le désert. Le traverser sous cette forme ne sera pas le plus simple pour toi, mais il faudra t'y faire."
Link ne répondit pas immédiatement, il se contenta simplement d'un hochement de tête. Après réflexion, son guide était vraiment bien loin d'être un ingrat, il cherchait réellement à l'aider, mais pas forcément à sauver le Héros. Peut-être que les personnes appartenant à ce monde ne pouvaient tout simplement pas sauver le destin de leur propre univers. Link se persuada de cette hypothèse, ne pouvant accepter de considérer son guide comme sans coeur et marcha le coeur un peu plus léger à son propos. Il songea alors que malgré la peur qui lui tiraillait le ventre, le rêve n'était pas vraiment fidèle, il n'y avait jamais eu l'ombre dans ses songes. Il s'agissait là d'une innovation qu'il ne rechignait pas à aimer. Commençant à se plaindre d'une marche aussi lente, l'humain à la peau cendrée déclara,
"Nous n'arriverons jamais à temps à ce rythme, je sais que tu connais mal les lieux, malgré tes sens décuplés. Mais je peux te guider, comme pour l'aller. Contente-toi simplement de te focaliser sur moi, comme un loup chasserait sa proie. Et ne cherche pas à mémoriser l'itinéraire nous irons beaucoup plus vite !"
"Si tu veux, mais je doute qu'un humain dépasse aisément un loup à la course !"
Link aboya sans la moindre haine dans sa voix. L'ombre éclata de rire, prétextant que le loup serait bien trop rouillé pour constituer une réelle menace. Le canin ne préféra pas répondre aux pics de celui qu'il pouvait considérer comme son ami. Ils se mirent en route, à une vitesse peu probable. La forêt ne devenait plus qu'un long fil vert et marron, tant la vitesse était grisante. Link sentit ses pattes le propulser au-delà de ses limites, la peur n'enrayait plus du tout ses mouvements. Il était libre de profiter des avantages de ce corps-ci. Le loup fut surpris de constater que son guide se mouvait bien plus vite que lui. Il agissait avec beaucoup de grâce, à un point tel qu'il ne semblait pas réellement toucher le sol. Il évitait chaque branche, chaque pierre, ne trébuchait jamais. Rien ne pouvait stopper sa prise de vitesse. Link, obéissant à son allié, se mit à le suivre scrupuleusement, comme un loup suivrait sa proie. Tout devenait plus simple ainsi. Il oubliait tout de la forêt et de ses obstacles, qui vue à une telle vitesse faisait froid dans le dos. En se focalisant ainsi sur l'ombre, il gagnait en vitesse. Son instinct prenait le pas sur sa raison pour sauter au bon moment et s'autoriser une pointe de vitesse à un autre. Il sentit à peine l'eau froide l'éclabousser lorsqu'il passa un ruisseau. La nature semblait sortir de sa cachette pour jeter un coup d'oeil aux deux nouveaux venus se mouvant avec une telle aisance. Un homme sans la moindre odeur, et un loup n'inspirant pas vraiment la crainte, deux phénomènes rares. La forêt elle-même semblait encourager les voyageurs à poursuivre leur chemin sans encombre. Peu à peu, la route s'élargissait, un chemin sablonneux se dessinait sur le sol. Link et l'ombre passèrent une habitation au coeur d'une clairière, le loup s'en aperçut à peine, bien trop grisé par la course et la vitesse. Le monde ainsi vu était nouveau et croulait sous un sens neuf. Mais la forêt disparut bientôt sous leur pas, le canin anciennement humain s'en aperçut, son guide finit par ralentir pour s'arrêter sans perdre sa grâce naturelle. Ils étaient suffisamment loin de la forêt, du moins l'avait ainsi jugé l'ombre. Link prit plus de temps à calmer son instinct, à lui assurer que l'homme qu'il poursuivait depuis un bon moment n'avait rien d'une proie. Exténué, le loup se rapprocha de son allié en boitillant et en expirant bruyamment. Il était brûlant, il n'avait jamais couru aussi vite. Sur l'instant, ce n'était que bonheur mêlé à une légère anxiété. Mais désormais, son corps n'était plus que douleur, et l'idée de ne plus pouvoir mettre une patte devant l'autre l'effrayait. Il se demandait comment atteindre le désert sans la moindre force dans ses muscles. Son guide ne semblait pas le moins du monde fatigué et Link s'en étonna. Il préféra taire cette découverte, l'ombre semblait en pleine méditation. Après avoir laissé le temps au loup de répondre son souffle, l'homme aux cheveux d'ors et d'argents lui déclara, ravi
"Nous sommes assez loin de la forêt, cette plaine est encore le territoire de Firone, mais son action y est bien moins forte. Je vais tenter d'interpeller Lanelle, esprit du lac pour qu'il nous offre repos jusqu'à sa source. Tu n'écumeras pas bien longtemps, je crains ne pas t'avoir ménagé."
Link s'apprêtait à répondre afin de ne pas inquiéter son allié, mais il n'en eut guère le temps. L'ombre se mit à fixer le ciel, appelant les dieux de sa voix frêle et pure. Le loup se sentit nostalgique à contempler ainsi l'homme. Les notes dansaient délicatement, le vent apportait sa mélodie. Et l'ombre se mit à chanter, prière tel un écho du tintement des eaux calmes. Il rappelait à Link, le Héros et sa Harpe, sa sagesse et sa pureté, son courage et son innocence. Pourtant... son guide n'était rien de tout ça. Les yeux clos, l'être chantait une main sur le coeur suivant la mesure du vent, le loup écoutait, comme hypnotisé. Une légende semblait naître de ses lèvres, pour s'échouer dans la plaine et disparaître en pleine jeunesse. La mort avant la vie.
"Lumière sur la voix des ombres
Hyrule, dans les ténèbres, sombre
Purifie les eaux troubles bordant nos coeurs
Accepte notre repos en ta demeure
~ ~ ~
Que Firone cède sa place à Lanelle
Que Lanelle recueille le repentir de notre appel
~ ~ ~
Esprit de lumière, pardonne au Héros déchu
Confère sagesse aux âmes perdues
Fait des ténèbres en ta volonté
Lumière sur l'ondée
~ ~ ~
Que Firone cède sa place à Lanelle
Que Lanelle recueille le repentir de notre appel"
Les notes s'éteignirent en douceur, le vent terminant son ode et l'ombre cessant de réciter les vers de son coeur. Link le regarda quelques instants sans réellement comprendre les paroles. Sa sensibilité de loup était peut-être trop limitée pour ce genre de choses. Quelle importance pouvait avoir un chant. Quoiqu'il en soit, l'appel fut entendu. Le loup et l'ombre disparurent de la plaine, comme s'ils n'avaient jamais existé ici-bas. Lanelle leur réservait un bien meilleur sort, acceptant leur quête, offrant l'hospitalité.
"Vous êtes les bienvenus ici, prenez le temps nécessaire pour guérir de vos blessures. Allez au-devant de vos peurs" déclara une voix sage donc l'écho se répercuta dans toute la grotte. Link rouvrit les yeux, se trouvant au coeur de la source de Lanelle, tentant de ne pas se noyer dans l'eau pure. Il rejoignit difficilement la rive où l'attendait déjà l'homme vêtu de noir, ayant visiblement ouvert les yeux plus tôt que son ami, peu habitué des téléportations. Link aboya quelques mots de reproches, tout en s'ébrouant, répugné d'être ainsi trempé. Son guide haussa les épaules, rétorquant que Lanelle conduisait toujours ses invités dans l'eau. Le loup se dirigea vers un endroit en hauteur, suivant l'arrondi de la caverne afin de mieux observer les lieux. L'eau était très profonde, contrairement aux deux autres sources qu'ils avaient eu le loisir d'explorer. Ici et là, sur les murs de pierres, étaient sculptées des statues de serpent, forme originelle de l'esprit de lumière Lanelle.
"On remercie les gens qui acceptent de nous héberger, ce n'est pas parce que tu es un loup que tu peux tout te permettre. Viens, Lanelle peut comprendre les bêtes, si tu as des questions auxquelles je ne peux pas répondre, c'est le moment."
Link aboya en guise de réponse et se dirigea en courant jusqu'à l'endroit indiqué par son guide, le suivant, à pas lents. Il s'agissait simplement d'une avancée rocheuse permettant ainsi de parlementer avec Lanelle. Link appela son hôte, afin de montrer à l'ombre qu'il n'avait rien oublié de la politesse. Tout comme pour la source de Latouane, l'eau se mit à briller et les éléments du décor alentours produisirent de splendides reflets sur les parois de la caverne. Un gigantesque serpent de mer sortit de l'eau lumineuse. Il était d'une blancheur stupéfiante et aveuglante. Son regard déterminé le rendait presque dangereux. Pourtant, il n'était pas le moins du monde armé de mauvaises intentions. "Merci d'avoir accepté de nous mener directement au lac, vous nous faites gagner un temps précieux, que ce corps me vole tant il m'apparait si peu pratique !" remercia le loup essayant de ne pas montrer sa peur et n'hésitant pas à se plaindre de cette mauvaise condition. Le serpent de mer approcha son visage de celui de Link, lui frôlant le museau et déclarant sans avoir besoin de remuer la mâchoire,
"Te voilà victime de tes propres peurs. Je sens le mal se réjouir d'ainsi étouffer ta lumière. Tu disparais au profit des ténèbres, mais tu dois prouver ta valeur. Je sais que tu as en toi, la force de lever la malédiction. Je sais combien ton acte est noble et ton coeur pur. Ce que Firone n'a guère prit le temps d'observer. Il a commis une erreur de jugement, et je m'excuse en son nom."
Le serpent de près émettait une lumière rassurante et apaisante. Link en aurait presque oublié tous ses soucis. Mais il répondit néanmoins :
"Comment ça ? Cette forme est là pour m'affaiblir ? Pourrait-elle me provoquer la mort ? Rassurez-vous, je comprends la réticence de Firone, je ne suis pas rancunier, et de toutes manières, je ne peux pas me le permettre. Le temps est compté, vous en avez conscience j'imagine..."
Le loup se mit à fixer la source, préférant fuir le regard de l'esprit compatissant. L'homme à la peau sombre demeurait contre la paroi, ne préférant pas interférer. Ne se sentait-il donc pas à sa place ici ?
"Tu ne risques rien, mais si tu n'agis pas vite contre ce qui te ronge, tu resteras sous cette forme ainsi, pour l'éternité. Et alors, les ténèbres auront remporté leur combat sur la lumière. Repose-toi ici, jusqu'à l'aube, et rends-toi au plus vite au désert. Je ne peux t'en dire plus, mais je sens que la fille que tu recherches est en sécurité, elle t'attend. Elle croit en toi, tu le sais."
L'esprit confiant expliquait du mieux que possible la situation se voulant rassurant, en jetant un coup d'oeil rapide à son autre invité qui ne prit même pas peine de le saluer. Link mit un certain temps à analyser les paroles de l'esprit. Mais sa réponse ne tarda pas, légèrement anxieux, "Comment faire ? Aurais-je le temps nécessaire pour retrouver le Héros et ma forme humaine ? Et si la malédiction ne pouvait plus se briser ?" Le loup se mit à tourner sur lui-même, tout apeuré d'une telle solution. Il se stoppa lorsqu'il vit l'esprit se rapprocher. Lanelle répondit en riant :
"Montrons au mal alors qu'il peut encore te craindre, ne serait-ce que quelques secondes."
L'esprit effleura Link. Transmettant sa lumière, sa chaleur et tout son calme au loup. Qui se mit à briller, passant brièvement du canin à l'homme, sans la moindre douleur. Link se contempla quelques instants, il était redevenu humain par ce simple contact ! Malheureusement, lorsque Lanelle se recula, le charme se rompit et le chevalier redevint loup, le regard triste. L'esprit s'aperçut de sa mélancolie et justifia son acte,
"Tu as brillé plus fort que jamais pendant un bref moment, tu témoignes ainsi de ta pleine force. Les ténèbres savent que tu es toujours en vie désormais, et que tu ne renonceras pas aussi facilement."
Link hocha doucement la tête et se retira de l'avancée rocheuse pour filer rejoindre son guide. Lanelle les observa quelques instants et faisant une révérence, il conclut à l'adresse du guide du loup à l'écart depuis un moment,
"Tu te vois comme ombre, le coeur enténébré. Mais tu sais que les lumières ne donnent que des lumières. Aussi faible soit la tienne, elle existe. Tu ne montres qu'un aspect de ce que tu es vraiment, mais tu n'es pas un Héros déchu. Tu as ton rôle, comme chaque être en ce monde. Je sens un grand pouvoir en toi, qui n'est pas à ignorer. Aide Link à lever sa malédiction, continue ton dur labeur et sauve le monde, à ta façon."
L'esprit disparut aussitôt après ses paroles plus que mystérieuses pour l'ancien chevalier qui n'aspirait qu'à trouver le sommeil. La source s'éteint et les reflets cessèrent. La nuit refit son apparition, plus noire que jamais. L'ombre souhaita une bonne nuit à Link et sortit prendre l'air, loin de la source. Le loup aurait beaucoup aimé lui poser des questions, mais le moment semblait bien mal choisi. Link laissa son guide à ses pensées tandis que lui, perdit le fil des siennes pour s'endormir, bien heureux de trouver repos après une si rude journée.
Le lendemain, le loup se réveilla dès les premiers rayons du soleil qu'il entraperçut par le biais de la sortie de la caverne. L'ombre semblait être déjà sortie. Link jeta donc un dernier regard à la source, nostalgique, et partit à l'extérieur, découvrir le lac Hylia. Il plissa les yeux dès qu'il fut à l'extérieur, son regard de loup semblait bien plus sensible que celui d'homme. Il pouvait voir bien plus loin et distinguait très nettement les choses en mouvements. De ses pattes, il sentait avec précision la dureté du sol de pierre sur lequel il se trouvait. La source de Lanelle était clairement indiquée, tel un lieu de recueillement et de paix. Deux serpents bien polis encadraient l'entrée. Le loup distinguait mille et une formes par-delà le lac. Quelques îlots ici et là ou bien une maison au toit criard en tuiles roses, oranges et bleues. Malgré l'originalité de la bâtisse, elle s'intégrait parfaitement au paysage, bien qu'il s'agissait là d'une question de point de vue. On pouvait y accéder avec facilité grâce à une suite de ponts en bois qui zigzaguaient entre les îlots plus ou moins surélevés. Les poissons semblaient nombreux au coeur du lac, et les oiseaux voletaient insouciants. L'aube touchait à sa fin, et le ciel se faisait plus bleu que jamais. Plus haut, le lac niché au creux d'une vallée verdoyante, on apercevait un pont en ruine reliant probablement la plaine d'Hyrule d'un point à l'autre. Le loup s'émerveilla devant le futur de son royaume qui ne lésinait pas sur la beauté. Le temps était clément, et Link découvrit son guide absorbé dans la contemplation des lieux. Vu sa posture, il avait passé la nuit à observer les étoiles. Le loup ne dit mot et l'ombre se retourna en souriant, sans la moindre trace de fatigue. A se demander s'il était réellement vivant.
"Je dois te montrer quelque chose, suis-moi. Nous sommes juste à côté."
L'homme s'engagea sur le pont sans attendre de réponse de la part du loup qui le suivit docilement, sans se poser de questions. Ils arrivèrent à un large îlot herbu se séparant en deux chemins. L'un allait vers la maison multicolore, l'autre, poursuivait un peu plus loin dans la nature, menant plus haut. L'ombre choisit le chemin le plus sauvage, escaladant les hauteurs sans trop de difficultés. En tant que loup, Link n'était pas vraiment un spécialiste en escalade, mais avec un peu d'élan, il parvint à rejoindre l'ombre qui l'attendait, en l'observant sagement. Quelques pas plus tard, sans trop oser regarder le lac, la hauteur étant suffisante pour laisser pantois n'importe qui, le duo parvint à une vieille tour en pierres taillées mais usées par le temps. Il ne s'agissait pas vraiment d'un bâtiment, simplement pourvu d'une échelle en bois clair, elle permettait d'avoir une vue imprenable sur les environs. Elle avait jadis dû servir pour l'observation.
"Je doute que tu saches monter à une échelle, laisse-moi te porter, tu n'as pas l'air bien lourd. Nous atteindrons vite le sommet."
Link s'avança, jaugeant l'homme du regard et montrant les crocs, signe que son guide n'avait pas intérêt à le lâcher en cours de route. Il ferait une chute dont il se souviendrait dans le cas contraire. L'ombre haussa les épaules, nullement impressionné et se saisit de l'animal qui poussa un petit cri de surprise. L'homme à la peau cendrée s'était saisi de lui avec une facilité déconcertante, le tenant désormais d'un bras seulement, comme on tiendrait un sac de pommes de terre. Le loup grogna tout le long du voyage, ne supportant pas d'être ainsi transporté sans pouvoir toucher sol. Le guide gravit les échelons un à un sans se soucier des états d'âme de son allié. Il le posa sans la moindre délicatesse sur le sol dès qu'ils furent parvenus au sommet. Link allait le lui reprocher mais la beauté des lieux était bien plus intéressante. Le lac sous un soleil matinal, baigné d'une chaleur indolente, les rayons encore timides frôlant la surface limpide étaient un spectacle splendide. L'ombre donna une tape au loup qui gémit aussitôt.
"Pourquoi tu me frappes ? Tu m'as bien amené ici pour observer le lac, non ?"
"Pas du tout, tu n'as absolument rien compris. Relève un peu la tête, tu as l'air de renifler quelque chose comme ça, pour un ancien être humain, tu fais peine à voir..."
L'ombre se retint de rire, content de voir le loup réagir à la moquerie. Link releva aussitôt la tête, un brin fier et hautain lorsqu'il s'aperçut qu'on pouvait voir bien plus que le lac de cette tour d'observation. On distinguait parfaitement un désert de sable, dangereux, aux crevasses abruptes et à la chaleur cuisante. Un peu plus loin, une imposante tour à l'architecture assez innovante était visible. Il devait s'agir de la fameuse Tour du Jugement qu'il avait aperçue dans son rêve et dont parlait si souvent son guide. Link s'étonna de constater ainsi sa destination dans de telles hauteurs. Il pensait pouvoir se déplacer facilement jusqu'à Zelda une fois au lac, mais la tâche semblait plus compliquée.
"Oui, je vois à ton regard que tu as compris. C'est là-bas que nous nous rendons. Beaucoup d'hommes craignent le désert, d'autres au contraire, le trouve fascinant. Pour moi, ce n'est ni plus ni moins qu'un lieu de vie et de mort. C'est là-bas que s'échangent l'un et l'autre. Il s'y produit des événements plus que malvenus. Comme la mort du Héros d'Hyrule..."
"Je ne pourrais jamais aller là-bas... comment Zelda a-t-elle bien pu s'y prendre ? Et je vais avoir du mal à demander autour de moi des renseignements..."
"Tu devrais continuer par-delà le pont en bois, vers la maison qui... tranche quelque peu avec le reste. Nous nous reverrons au désert, je ne vais quand même pas entièrement te mâcher le travail !"
"Lanelle t'a demandé de continuer à me guider ! Tu ne peux pas me laisser maintenant !"
"Disons alors que je t'aide en te laissant ainsi. Tu vas finir par te rouiller si tu ne te débrouilles pas un peu seul..."
Link fulmina, tentant de sauter sur son guide, qu'il, à sa grande stupeur, traversa comme un fantôme. L'ombre était déjà en train de se téléporter.
"Non, non ! Ne pars pas ! Arrête !"
"On se retrouve au désert, devant la tour, arrête de geindre de la sorte, tu n'es plus un enfant ! Et puis... je sais que tu es pratiquement guéri de ta peur... peut-être que cela t'aidera à détruire ta malédiction. Je n'ai pas réussi à combattre les ténèbres, mais toi, je sais que tu as la force de le faire... allez ! Je t'ai donné ma confiance, ne me fais pas regretter mon geste, tout de même !"
À ces mots obscurs, l'homme disparut en adressant un dernier clin d'oeil à Link franchement désabusé de la situation. Il aurait largement préféré obtenir plus d'indices avant de se faire aussi lâchement abandonner. Il poussa un soupir et réussit à redescendre la tour en quelques bonds. Il s'étonna lui-même de son agilité avant de se rappeler le comportement honteux de son guide. Il ne savait franchement pas s'il devait l'apprécier ou non, cet homme était franchement lunatique. Malgré tout, il suivit son dernier conseil et s'engagea sur un nouveau pont, en direction de la maison. Il se demanda, dubitatif, ce qu'avait bien voulu lui dire l'ombre. Sur le ton de la confidence, souriant l'air triste, comme nostalgique. Surnommé Héros déchu, désormais cette révélation sur les ténèbres qu'il ne pouvait combattre. Qui était-il réellement ? Que voulait-il vraiment ? Link se promit de tenter d'en savoir plus, mais il souhaitait aussi le rassurer. Malgré son caractère assez posé et parfois même joueur, l'homme semblait cruellement manquer de confiance en lui, alors que tout le monde semblait prêt à lui donner une seconde chance. Se retrouvant pour la première fois seul depuis un certain temps, il regarda le ciel, entrapercevant le désert, et songea à Zelda. La simple pensée qu'il allait bientôt la retrouver et pouvoir sauver le Héros lui redonnait espoir. Il finit par franchir le pont en relevant la tête. Animal fier au pelage brillant au soleil. Il était un peu plus lumière, ainsi. Il était ce qu'avait toujours souhaité l'ombre pour lui.
"Tu ne me fais pas peur, prédateur ! Je suis prêt au combat ! Prêt à mourir dignement !" cria une voix dans le ciel. Link sursauta ne s'attendant pas à ce que l'on s'adresse à lui. Il leva la tête, tentant d'apercevoir la chose qui avait parlé avec autant de témérité. Il vit seulement un éclair rose aux reflets verts, bleus et jaunes le frapper. Il se mit à se débattre avant de s'apercevoir qu'il s'agissait d'un vulgaire volatile, espèce proche des perroquets au plumage soyeux et édulcoré. Link le laissa faire, jusqu'à ce que l'oiseau finisse par se calmer. Il se plaça face à lui, le regardant droit dans les yeux "Eh ben alors ? Tu ne me manges pas ? Quelle poule mouillée tu fais !" Le loup ouvrit la gueule avant de décider de se taire, hésitant. Puis se demandant s'il pouvait être compris par l'étrange créature, il se décida à parler :
"Je ne suis pas un loup, je suis un être humain, je ne vais pas te manger, tenta timidement Link en regardant l'oiseau se débattre dans les airs, il ne semblait pas bien fin.
- Et moi je suis un perroquet ! ironisa l'oiseau bien que Link n'ait pas vraiment saisi la nuance.
- Euh... oui... je ne vois pas le problème, tu es effectivement un perroquet..., fit remarquer le loup septique mais néanmoins heureux de pouvoir être compris. Même s'il s'agissait d'un oiseau pas très fin.
- Hum, là n'est pas la question, se rattrapa l'oiseau en tentant de montrer que tout était parfaitement normal, il ajouta en battant des ailes de plus belle, tu es au régime ? Ou alors tu préfères peut-être les poissons ? Je ne suis pas appétissant ? Tu sais que tu peux être vexant quand tu veux !
- Je ne comprends pas, je croyais que tu ne voulais pas être mangé, je te permets de survivre, où est le problème ? questionna Link de plus en plus perdu par le volatile qui ne semblait pas non plus vraiment suivre le fil de la conversation.
- Je suis Prune, enchanté "humain" ! Tu as un nom, prédateur végétarien ? demanda l'oiseau moqueur. Le loup ne comprit pas pourquoi la bête était aussi fière de le ridiculiser, mais il décida de ne pas s'y attarder.
- Je m'appelle Link et je voudrais me rendre dans le désert, se présenta l'ancien chevalier fatigué des allers et retours de l'oiseau.
- Alors là, tu es vraiment un phénomène ! Tu ne trouveras aucun succulent poisson dans le désert, j'espère que tu en as conscience ! pesta Prune en se posant sur le sol, bombant le torse, mettant en valeur ses plumes roses.
- Je ne suis pas venu chercher à manger... poursuivit Link se demandant comment sortir de cette conversation inintéressante. Son interlocuteur ne comprenait strictement rien à ses désirs d'être humain.
- Hum... c'est vrai que voir un loup au lac, ce n'est pas commun. Ta meute est donc au Désert Gerudo ! Je crois que je peux t'aider, déclara Prune hochant fièrement la tête, le bec jaune se reflétant au soleil.
- Tu comptes me rendre service comment ? M'apprendre à voler peut-être ? soupira le loup en montrant les dents. Le perroquet ne prit pas vraiment bien les choses.
- Ça ne va pas de me montrer ta mâchoire comme ça ! Disons que je te rends service pour m'assurer que tu ne me mangeras pas, ça te va ? Tu me parais avoir un caractère de mandragore, mais ce n'est pas grave, on va faire bonne équipe toi et moi ! proposa l'oiseau en s'envolant, ivre de bonheur. Link ne préférant pas savoir pourquoi le volatile s'agitait ainsi.
- Un caractère de mandragore ? demanda le loup en fronçant les sourcils, du moins aurait-il aimé. Il songea à une expression locale.
- Ben oui, tu veux être humain, tu n'es pas vraiment une plante, mais si on oublie ce détail, le surnom de mandragore te va plutôt bien ! Tu acceptes mon aide, oui ou non ? répondit l'oiseau plus têtu qu'une mule.
- Tu ne m'as toujours pas dit comment tu comptes m'aider à me rendre au désert, fit remarquer Link toujours aussi septique. Il regretta son guide, qui lui au moins avait le mérité de réfléchir avant de s'exprimer.
- Je connais la langue des humains, ça peut être utile, raconta le perroquet totalement hors sujet.
- Je ne vois pas le rapport avec mon moyen de transport jusqu'au désert... fulmina Link commençant à perdre patience.
- Ah tu veux aller au désert, oui, c'est vrai ! Eh bien, tu vois la maison là-bas ? Mon maître la contrôle, elle emmène les humains au désert ! Par la voie des airs ! expliqua Prune, qui pour une rare fois, clamait quelque chose d'intéressant.
- Oh, parfait ! Alors fais en sorte que nous puissions y aller ! conclut Link désabusé de voir que le perroquet avait déjà oublié sa quête. Prune hocha la tête et se dirigea vers la maison en tuiles usées. Le loup le suivit, las du vol complètement aléatoire de son nouvel allié."
En s'approchant de plus près, Link se rendit compte que la maison était des plus grossières et disproportionnées. Son toit faisait au moins deux fois la taille des murs. Tout en haut, le loup aperçut une étrange cheminée, se demandant à quoi diable cela pouvait servir. Un homme se tenait devant le bâtiment en tôle et en bois. Link marcha timidement, mal à l'aise sur les ponts munis de flotteurs, tandis que Prune hurlait à plein poumons "Tobi ! Tobi !" Le loup en déduisit aisément que Tobi devait être le propriétaire de l'étrange demeure. Il portait un petit chapeau jaune et vert, un pantalon orné de coeurs, des sandales et un haut rose à carreau laissant son ventre à l'air libre mais pas ses bras. Lorsque l'homme s'aperçut du loup, il se colla contre sa maison qui n'avait visiblement pas de porte, effrayé. Mais Prune arriva, l'air guilleret, et déclarant dans la langue des humains "Vol pour l'oasis ! Vol pour l'oasis ! 10 rubis, 10 rubis ! Loup et moi, loup et moi !" Link soupira devant le langage rudimentaire de l'oiseau, mais il reconnut qu'il faisait néanmoins des efforts, il ne lui avait pas menti. Le perroquet sorti de son bec un rubis jaune et le laissa tomber dans les mains de Tobi, le visage barbouillé de peinture. Le maître de Prune le regarda sans comprendre et l'oiseau poursuivit "Moi et le loup ! Payé, maintenant, voler !" Tobi le regarda en soupirant, puis répondit à son animal de compagnie "Une nouvelle de tes lubies, tu crois pouvoir tout faire comme les humains... Je ne sais pas comment tu as trouvé l'argent nécessaire mais..." Link était prêt à s'éloigner, voyant qu'il ne tirerait rien de ce vieux bougre. Pourtant Prune ne semblait pas voir les choses de la même façon, il répondit d'une voix criarde et suraïgue "Pas lubie ! Pas lubie ! Important ! Important !" Pour appuyer ces dires, le perroquet commença à donner quelques coups de bec à l'homme qui cria sous la surprise. S'éloignant de sa maison pour se rendre à un appareil étrange et tout aussi coloré que la maison. Tobi cria "Si tu as une envie soudaine d'aventure, pars ! Et emmène cette sale bête loin ! Mais ne reviens pas te plaindre ! Le désert n'est pas fait pour les perroquets !" Link aurait volontiers approuvé cette remarque mais Prune avait tenu sa promesse, il allait devoir effectuer une partie du voyage avec lui. L'oiseau fit signe au loup d'entrer dans la maison, visiblement très fier de lui. Link et son compagnon de fortune se rendirent dans l'étrange bâtisse tandis que l'homme se mettait à tourner la manivelle sur son appareil, délivrant une musique atroce pour des oreilles sensibles de loup. La porte se referma brusquement sur eux et Link commença à s'inquiéter, ainsi dans le noir total. Il en fit part à Prune qui répondit "Ah, mais, ce n'est pas une maison voyons ! Tu crois vraiment qu'on irait dormir dans ce truc miteux ? Non, ça, c'est un canon ! Il emmène les humains jusqu'au désert sans le moindre mal ! Tiens, figure-toi qu'hier, un couple a tenu à partir au Désert Gerudo lui aussi, ils ont utilisé le canon pour ça !" expliqua Prune en se posant au sol, confiant. Link déglutit péniblement, n'étant pas vraiment d'accord pour apprendre à voler dès maintenant. "Mais on va s'écraser !" aboya le loup paniqué tandis que le canon commençait à trembler, se tournant légèrement pour obtenir les coordonnées parfaites. Link se plaqua au sol et Prune éclata de rire, ivre de bonheur. La maison s'ouvrit, dévoilant un canon dans lequel furent propulsés les deux amis. Ballotés en tous sens, la musique finit par s'arrêter et la détonation se fit entendre. Une explosion s'accompagna du hurlement du loup envoyé dans les airs sans pouvoir remuer la moindre patte. Prune continuait de s'exprimer fou de joie. Sous la vitesse, ses paroles ne formèrent plus qu'un simple "Hiiiiayou !" Link n'eut guère le temps d'apprécier le voyage ou encore le paysage, tout allait bien trop vite. A peine eut-il un haut-le-coeur qu'il atterrit, après un beau vol en cloche, dans le désert, sans la moindre égratignure, le sable étant malléable à cet endroit précisément.
"On est arrivés ! On est arrivés ! Alors, où est ta meute ?" demanda Prune tout heureux devant le paysage changeant du tout au tout. Link mit quelques instants à s'habituer à la luminosité traîtresse et finit par apercevoir la tour, par-delà bien des crevasses. Il allait falloir traverser tout le désert sans geindre. Le loup soupira, se demandant si son guide de fortune serait capable d'une telle chose. Link, marchant tranquillement afin d'éviter de se bruler les pattes sur le sable jaune, déclara "Nous devons aller jusqu'à la tour là-bas, tu t'en sens capable ? J'ai rendez-vous à l'entrée !" expliqua le Loup conciliant ne préférant pas révéler qu'il n'était pas vraiment attendu par des loups, mais plutôt par des êtres humains. "Oh bah ça sera facile ! Enfin moi, je peux voler, toi tu vas peut-être un peu te fatiguer..." constata le perroquet n'évaluant pas vraiment les distances. Link tenta un haussement d'épaule qui, sous cette forme, échoua complètement. Il se mit en marche puis bien vite, opta pour la course.
Le voyage fut long, Prune voulant servir de guide mais oubliant parfois que son compagnon ne pouvait pas franchir les crevasses du désert. Link dut redoubler de prudence pour de ne pas faire une chute mortelle. Il se fia à son propre instinct pour atteindre la tour, accélérant quand le tout était dégagé. Il mourrait de chaud mais préférait l'oublier, ses muscles ne se plaignant pas encore de l'effort. Prune et Link durent parfois s'arrêter en chemin, d'étranges vers de sables d'une taille respectable bondissant parfois hors du sable pour les attaquer. Ce fut dans de tels instants que Link ne regretta pas d'avoir une mâchoire aussi bien pourvue, quelques morsures suffirent à les mettre hors d'état de nuire. Prune félicitait son compagnon à chaque créature vaincue. Le loup n'aimait pas les honneurs mais se laissait faire, ce n'était qu'un perroquet simple d'esprit après tout. Lorsqu'une heure s'écoula et qu'il leur restait bien la moitié du chemin à parcourir, Prune commença à se plaindre. Voyager dans de telles conditions était insupportable, mais Link se gardait bien de lui répondre, il économisait ses forces pour courir. "Tu n'aurais pas pu donner rendez-vous ailleurs ? C'est tout à l'autre bout !" criait le volatile éreinté, il poursuivait alors "Ou bien Tobi nous a roulés et nous a fait atterrir plus loin qu'à l'ordinaire ! Il mériterait des coups de bec !" Link eut aussi le droit au traditionnel "On arrive quand ? Je meurs de chaud ! Et j'ai soif ! Ma gorge est toute sèche à force de parler à un mur !" Mais Link demeurait silencieux, préférant prendre les choses avec philosophie et optimisme. Sa peur commençait peu à peu à diminuer, le Héros n'était plus bien loin, il aurait largement le temps de le sauver ! Prune ne comprenait pas vraiment pourquoi son compagnon était de bonne humeur, et son silence était une raison de plus pour se plaindre. Le duo poursuivit son chemin sans avoir à craindre d'une tempête de sable, le vent était assez doux. Il faisait une chaleur torride, mais au moins, aucun danger n'était à l'horizon.
Finalement, bien des heures s'écoulèrent, mais Link ne vit pas le temps passer. Il se souvint seulement qu'à un moment, Prune vint se mettre sur sa tête pour se reposer, à bout de souffle. Le loup, lui, continuait de courir, laissant quelques empreintes dans le sable. Il dégoulinait de sueur et aurait adoré se plonger dans de l'eau bien fraîche. Mais il savait qu'il était désormais proche de Zelda. Elle l'attendait probablement à la tour, leur voyage touchait à sa fin désormais. Lorsque Prune vit les remparts délimitant la tour du Jugement, il poussa un soupir de soulagement et sembla retrouver toutes ces forces en un instant. Ils traversèrent à pas lents une allée de colonnes, la plupart en ruines et s'arrêtèrent devant des marches qui achevaient définitivement leur traversée du désert. Prune poussa un cri lorsqu'il s'aperçut qu'un homme attendait patiemment devant les marches, les bras croisés, souriant au loup. Il semblait aller mieux contrairement à ce matin où son air mélancolique n'avait pas franchement rassuré son ami. Link se sentit soudain fier d'avoir rempli sa mission. Quelques coups de becs lui rappelèrent qu'il n'était désormais plus seul et que les honneurs étaient à partager. Tout allait pour le mieux, Hyrule n'avait jamais été aussi belle contrée. "Ça, ta meute ? Tu es définitivement le loup le plus étrange que je connaisse ! Tu m'as roulé, mandragore !" Mais une voix sage s'exprimait à son tour, d'un langage que seul le loup put comprendre. Un langage de légende...
"Je suis heureux de te retrouver en si bonne forme, tu es bien plus digne que moi du titre de Héros. Viens, viens et change le destin..."
"Tu t'es entiché d'un bien étrange compagnon..."
L'ombre descendit des quelques marches sur lesquelles ils reposaient, allant observer de plus près Prune qui s'envola, se reculant. Sa phobie pour les êtres humains semblait bel et bien réelle. L'oiseau resta assez éloigné de Link tandis que l'homme lui proposait de rentrer à l'intérieur. Le loup s'approcha du perroquet méfiant en lui déclarant "Cet être humain veut m'emmener à l'intérieur. Tu attendras mon retour ici ?" Prune voleta, l'air hautain et finit par daigner répondre, visiblement vexé "Oui, va ! Mais tu as intérêt à vite revenir ! Si tu me plantes là, je te poursuivrai pour te donner une belle paire de coups de becs dont tu te souviendras toute ta vie !" menaça l'oiseau acceptant de se séparer de son nouvel ami quelques instants. Link le remercia, insistant bien afin de s'assurer que la rancune du perroquet n'était pas sérieuse. L'ombre soupira devant tant de mise en scène pour un simple animal mais ne dit mot. Link s'étonna de ne pas le voir lancer de pique et finit par gravir les marches, avec aisance malgré son corps de loup. Le duo ainsi reformé pénétra au sein de la Tour du Jugement. Prune s'ennuyait déjà à en mourir.
Le loup traversa de nombreuses pièces qu'il ne prit guère peine de mémoriser, l'ombre se livrait à nouveau à une course poursuite afin de parvenir au plus vite au sommet de la tour. Sous cet angle, Link ne trouva pas le chemin très long. Il eut quand même un choc lorsqu'il se retrouva à l'extérieur et que sa vue dut s'habituer à la lumière extérieure, le soleil proche du crépuscule. Lui et son guide se trouvaient à gauche d'un escalier en colimaçon longeant la tour. Le sommet semblait proche. L'endroit où ils se trouvaient étaient ouvert sur l'extérieur, Link aperçut entre des barreaux en fer noirs, Prune, attendant sagement à l'entrée, n'ayant guère pris peine de se cacher des rayons du soleil déclinant lentement. La vue était splendide, le désert semblait minuscule d'aussi haut. Le loup en vint même à se demander comment diable il avait pu mettre autant de temps pour le traverser. L'étendue de sable n'était néanmoins pas totalement visible, une chaîne de montagne enserrait la tour, tel un anneau de feu, une couleur évoquant la chaleur des lieux. L'ombre se posta devant le loup, la mine grave,
"Nous ne sommes pas venus ici pour observer le désert."
"Peut-être, oui, nous devrions nous hâter de gravir les marches..."
"Non, toi, tu vas au sommet. Moi, je ne viens pas avec toi."
"Quoi ? Mais pourquoi ? Tu es venu jusqu'ici, alors pourquoi tu ne continuerais pas jusqu'au bout ?"
"Je sens que ta malédiction, bientôt se brisera, tu n'auras alors plus besoin de moi."
"Je ne suis pas venu avec toi simplement par intérêt tu sais..."
"Pour quoi d'autre alors ? Je t'ai permis d'atteindre le désert en un temps record, ne m'enlève pas ce mérite !"
"Bien sûr, et c'est grâce à toi, qu'aujourd'hui, je m'en vais retrouver Zelda ! Il est vrai que tu as été un excellent guide, mais je pensais que nous étions amis... nous avons partagé des moments ensemble, bien trop pour que tu sois vu comme un simple moyen d'accéder à mon but !"
"Ami avec toi ? Qu'est-ce qui te fait croire que j'aimerais ça ?"
"Pourquoi m'as-tu aidé alors ?"
"J'avais pitié..."
"Je ne te crois pas ! Qu'importe si je fais pitié sous cette forme, tu viens toi-même de dire que sous peu, tout serait fini."
"Non, pitié de moi-même..."
"Quoi ? Mais..."
"Tu m'as pris pour le Héros, tu m'as rappelé combien mon existence était inutile, non, même pire que ça, elle entrave la vie des autres."
"Je ne comprends pas pourquoi tu dis ça enfin ! En quoi tu gâches la vie d'autrui ? Tu m'as aidé !"
"Tu ne peux pas juger ce que je suis à un acte parmi tant d'autres."
"Qu'importe, le passé a pour qualité d'être terminé, alors je ne vois pas en quoi je devrais te juger. Allez viens, gravissons les marches ensemble !"
"Je ne retournerai pas là-bas, je ne peux pas !"
"Est-ce que cela aurait un rapport avec ce que t'a dit Lanelle ?"
"Pas le moins du monde, il ne peut pas comprendre ce que je suis, pour lui aussi, il manque bien des données."
Un court silence laissa place à une étrange voix, comme accompagnée par le vent.
"Moi, je peux..."
La voix s'éteignit aussitôt, rendant Link septique et surpris.
"Qu'est-ce que c'était ?"
"Ça ne te regarde pas."
"Mais..."
"Je dois y aller maintenant, j'ai le sentiment que nous nous reverrons... malheureusement pour toi..."
"Non, ne pars pas ! Attends !"
L'ombre adressa un dernier sourire avant de se retourner, commençant à réciter une incantation pour se téléporter, loin du désert. Link ne put empêcher cette décision, il n'osa même pas bouger, l'air triste. Le guide déclara tout en disparaissant peu à peu,
"Merci d'avoir voulu un peu me redonner vie. Je n'oublierai jamais. Mais j'espère que ton coeur sera assez grand pour me pardonner tout le mal que je t'inflige... Adieu, du moins ainsi..."
L'image de l'homme vêtu de noir, ainsi de dos s'effaça complètement. Link resta quelques instants à se morfondre avant d'entreprendre de monter les marches, ne comprenant définitivement pas le caractère de cet étrange personnage dont il ne savait rien même pas le nom. Et qui pourtant n'avait de cesse de l'intriguer... Link avança d'un pas confus. Il ne se sentait pas trahi mais son coeur se serra néanmoins devant cette séparation imprévue. Certes, il aurait fini par retourner à son époque quoiqu'il arrive, mais la disparition de l'ombre s'était faite dans la douleur du déchirement, tournée au drame. Le loup gravit les marches, un escalier et un désert qu'il avait vu en rêve. Chaque détail avait son importance. Link sursauta lorsqu'il se rappela que dans son rêve, la mort du Héros se déroulait peu après le crépuscule. Il n'y avait plus une seconde à perdre !
Link parvint en haut, sans trop de difficulté, malgré l'escalier quelque peu en ruine à certaines marches de pierres. Il traversa une arche et parvint à l'endroit précis de son rêve. Tout était exactement comme il l'avait imaginé. La cour sablonneuse et l'estrade. Le miroir et les tribunes. Les personnages aussi étaient à l'identique. Le Héros était là, enchaîné, les gobelins et l'homme admirant la scène du haut. Le ciel orangé rendait l'atmosphère d'autant plus mélancolique. Néanmoins, Zelda n'était pas là. Link tenta de s'approcher afin de régler le compte de ses gobelins téméraires mais un mur invisible le tint hors de tout cela. L'individu dans les tribunes le regarda quelques instants avant de se désintéresser totalement de lui. Link essaya encore et encore, pensant pour franchir le mur, mais rien n'y fit. Une puissante magie semblait empêcher toute intrusion. Il ne put qu'observer la scène avec horreur, aussi impuissant que lors de son rêve prémonitoire. Mais un détail cette fois-ci le marqua. Lorsque le Héros frôla le miroir et qu'une explosion de lumière en jaillit, Link eut tôt fait de faire le rapprochement. Un individu en sortit, la peau cendrée, les cheveux d'ors et d'argents. Portrait du Héros et portrait fidèle... de son guide. Les chaînes de l'innocent furent brisées tandis qu'il prononçait à nouveau ces paroles que le loup avait maintes fois entendues, "Tu peux me voler mon âme autant de fois que tu veux, mais tu ne pourras pas toujours tromper la mort ! Tôt ou tard, toi aussi, le temps te rattrapera !" Link hurla à la mort, impuissant tandis que l'homme machiavélique prononçait sa sentence : celle de laisser le Héros mourir dans le désert. L'innocent fut conduit à une porte dérobée que n'avait pas aperçue le loup, elle semblait mener directement au désert. Le Héros n'eut même pas un regard pour son sauveur, qui se tenait là, sans savoir quoi faire pour raviver en lui la flamme de combattre. Il aboya en vain. La salle finit par être quasi-déserte, ne restant plus que le corps des deux gobelins, gisant mort, le souffle de l'explosion ayant été colossal. Son guide était là aussi, inconscient, mais néanmoins vivant. Faible, il semblait lutter pour survivre, quelques gouttes de sang avaient tâché les pavés ici et là. La barrière mentale se rompit lorsque l'homme machiavélique fut assez loin. Link en profita pour se ruer à leur suite, promettant à son guide de revenir le chercher, bien que ne comprenant pas vraiment les événements. Il était là, alors que l'instant d'avant, il s'était téléporté en faisant ses adieux... Le loup secoua la tête, il ne pouvait pas songer à cela maintenant, il devait absolument venir en aide au Héros ! La peur au ventre, comparable à celle qui l'avait assailli au coeur des bois perdus, Link descendit en trombe par le même chemin que son ennemi et le Héros. Seule la pulsion de vie de l'ombre demeurait et sa haine pour son existence n'en semblait que plus grande.
"Attends-moi ! Je viens pour te sauver !" aboya Link en s'élançant, en direction du désert. Prune le vit passer, telle une flèche et tenta de le suivre, avant de le maudire, ne comprenant pas pourquoi il se découvrait soudain une passion pour la course ! Mais le loup n'avait que faire des états d'âme du perroquet qui ne pouvait comprendre la gravité de la situation. L'homme qui avait organisé la condamnation repartit en direction de la tour. Il passa devant Link sans vraiment faire attention à lui. Le loup tenta une charge mais à nouveau un champ de protection se forma. L'homme rit un long moment du ridicule de Link puis remonta au sommet, d'un pas lent. Il ne semblait vraiment craindre rien ni personne et certainement pas le héros qui se trouvait un peu plus loin, échoué dans le sable, à quatre pattes. Le loup s'approcha et s'aperçut qu'il pleurait à chaudes larmes, sans un bruit. Le soleil quant à lui partait, laissant la terre dans les ténèbres, aspirant à un repos bien mérité. Link tenta de se faire remarquer du Héros qui ne réagissait pas. Il parlait seul parfois, pensant tout haut. "Alors je vais mourir comme ça ? Sans pouvoir lutter ? Tout est tellement injuste ! Que me reste-t-il de liberté ? Rien ! Tout vient de m'être volé !" Il pleura de plus belle, tenant sa tête dans ses bras, le visage trempé. Link vint se poster devant lui en lui donnant quelques coups de tête, essayant de le relever sans le moindre succès. Le Héros se laissa faire et observa sans comprendre la scène, "Qu'essayes-tu de faire ? Chercheras-tu à me dévorer une fois mort ? C'est la dure loi de la nature, puisque désormais, je ne sers plus à rien..." Link hurla quelques mots qui ne furent perçus que comme des aboiements inoffensifs par le Héros démoralisé. Le loup tenta quelques cabrioles afin de montrer qu'il ne venait pas le moins du monde pour remplir son estomac. Il tira la manche du Héros qui préférait se lamenter plutôt que de réagir. Link ne comprit pas pourquoi l'homme avait aussi vite renoncé, il continuait de lui insuffler toute la détermination dont il faisait preuve. Une légère réaction fut obtenue. Le Héros sourit, navré et déclara "Ça ne sert à rien, qui que tu sois, je vais mourir. C'est un fait que je ne peux malheureusement pas changer. Ma vie n'est plus qu'un fil, je le sens se rompre. Je sens mon existence s'enfuir, s'échapper de mon corps. Comme si j'avais retenu cette énergie trop longtemps... comme si je n'avais pas le droit de continuer dans ce monde... comme si mon âme devait simplement... disparaître..." Link fulmina, continuant de tirer le Héros par la manche, à lui en arracher un bout de tunique. Il ne voulait pas renoncer ! Peut-être que lui l'avait fait, mais le loup ne se laisserait pas aussi facilement faire ! La vie n'était pas juste une affaire de circonstances ! Il pouvait encore choisir ! Link en était certain ! Et il allait le lui prouver ! Le Héros reprit, de plus en plus faible, peinant à articuler, ses yeux humides devenus incapables de pleurer, même cet effort lui coutait trop, "Tu ne comprends pas, je meurs pendant qu'une vie naît. C'est comme ça, je ne l'ai jamais voulu, si je pouvais, je lutterais... mais... je me suis su condamné dès que ma main a touché le miroir. C'est comme... c'est comme un sablier dont le sable restant peu à peu se déverserait dans l'autre réceptacle..." Le Héros se saisit d'un peu de sable pour appuyer ses dires et le fit lentement couler jusqu'à n'en garder que quelques grains qu'il serra fermement dans sa main. Il commença à tousser, crachant du sang. Link affolé ne savait plus quoi faire, il soutint le Héros prêt à s'écrouler. L'homme s'exprimait encore, le loup se demandant s'il ne divaguait pas, "Voilà tout ce qu'il reste pour moi... ce sable... malheureusement... guère suffisant pour survivre... Mais... au moins... je sais que j'ai... accompli ma destinée... en accompagnant la... princesse jusqu'au... miroir... pour qu'elle le... traverse..." souffla le Héros devenant peu à peu un poids mort. Link fut ravi d'apprendre Zelda en sécurité, mais il était un peu occupé à autre chose pour réellement s'en réjouir. L'homme sourit en contemplant le sable, comme le plus inestimable des trésors. Une dernière larme roula sur sa joue et ce fut le mot de la fin qui bondit hors de ces lèvres, s'écroulant, inerte.
"Adieu... vie..." disait-il... faisant écho à son contraire, se formant peu à peu, absorbant ce qui restait du Héros, de son existence erronée. L'ombre se leva, jetant un regard sur le monde et observant son maître "Adieu... mort..."
Link resta devant le corps sans vie quelques instants, le regard vide. En tant que loup, il n'avait pas réussi à redonner courage au Héros. Et toutes ces divagations, comme s'il ne contrôlait pas lui-même sa vie ! Un lien se rompit dans le coeur de l'Hylien, comme si cette mort continuait peu à peu de le détruire. Une partie de lui mourrait à son tour, comme lors de ces rêves et lors de la mort... de l'élu d'Hylia. La nuit s'installa dans le désert, la lune pleine et un vent glacial balayant le sable or. Les cheveux du Héros dansaient, son visage froid respirait l'innocence, les yeux clos ainsi, reposant sur le sol. Le loup hurla à la lune, devant le corps encore tiède, quelques taches de sang sur des grains de sables. L'ère du désespoir commençait pour Hyrule, le dénouement tragique d'un monde privé de lumière. La peur quitta le corps de Link lentement, à quoi bon craindre un événement désormais réalisé et passé ? La malédiction se rompit, sous la stupeur du jeune chevalier qui laissa son apparence de loup disparaître dans un fracas de lumière. La forme humaine de Link revint, comme si elle ne l'avait jamais lâché, sa tunique verte impeccable, son équipement ou encore la carte d'Iria. Link observa ses mains comme s'il les voyait pour la première fois, se contemplant d'un oeil neuf, appréciant ses libres mouvements ou encore de pouvoir saisir des choses. Des gestes qu'il avait appris à oublier pendant le court temps qu'avait duré la malédiction. Link resta un long moment avachi sur le corps du Héros, à le serrer le plus fort possible, ne pouvant pas l'accepter comme inerte et mort. Il lui aurait volontiers prêté sa force s'il avait pu ! Un long moment après, tandis qu'il ne pouvait toujours pas songer à se relever, le temps paraissant éternité, un battement d'aile le tira de ses remords. Prune se tenait devant lui, en lui faisant de gros yeux. Link prit un air désolé qui ne put qu'être appuyé par sa mine ravagée, un cadavre dans les bras. "Trahison ! Trahison ! Toi, humain ! Toi ! Toi ! Avant loup ! Loup ! Trahison ! Mandragore !" pesta Prune ne préférant pas atterrir sur le sol. L'ancien canin tenta de se défendre, confus "Mais je t'avais prévenu ! Tu ne m'as simplement pas cru ! Tu ne dois pas me le reprocher ! Tu disais détester les humains, et pourtant, tu t'es allié avec l'un d'eux..." Il fixa le volatile visiblement vexé et n'osa pas ajouter un mot de plus, Prune semblait suffisamment contrarié. Qu'importe ce que le jeune Hylien pourrait bien dire, l'oiseau rangeait les gens dans une case. La case de Link était réservée aux humains, donc négative. "Je repars ! Je repars ! Déteste encore humain ! Déteste !" tonna Prune, hautain en s'éloignant. Link sourit devant son acharnement et lui déclara "Bon voyage alors, et bon retour chez toi !" Le perroquet le regarda quelques instants, l'air soupçonneux et finit par dire "Merci ! Merci ! Mais t'apprécie toujours pas ! Toujours pas !" Le ton ne semblait pas bien sincère mais Link hocha docilement la tête, laissant l'oiseau disparaître avec honneur. L'ancien loup espéra de tout coeur que le gigantesque désert n'aurait pas raison de lui. Link se releva, le souvenir de son guide et ses adieux mystérieux lui revenant en tête. Était-il encore inconscient ? Et l'homme maléfique responsable de tous ces malheurs et de la mort du Héros, était-il resté dans la tour ? Ne pensant qu'à la vengeance, Link gravit les marches d'un pas décidé.
Il se fit plus discret lorsqu'il entendit deux voix parler au sommet de la tour, non loin du miroir ayant causé la perte du Héros. L'une des voix fut aisément reconnaissable, Link l'avait maintes fois entendue depuis son arrivée dans ce monde du futur. L'ombre parlait avec son créateur, l'être maléfique qui répugnait tant l'Hylien sous le choc. Nulle dispute, au contraire, son ancien guide semblait approuver les propos de l'inconnu emmitouflé dans une toge beige, une protection probable contre une tempête de sable éventuelle.
"Je vous reconnais comme l'homme m'ayant insufflé la vie, me tirant de cette mort perpétuelle et cyclique. En cela, je vous suis redevable..."
Link faillit s'étrangler mais devant un tel comportement lunatique, il préféra se taire pour écouter la réponse de l'homme, qui ne tarda pas.
"Accepterais-tu de me rejoindre pour payer ta dette ? Ta vie m'appartient désormais. Tu me dois tout et tu as un énorme potentiel. Ta simple création a déjà détruit l'espoir d'un homme. Mais nous n'avons pas encore fini..."
L'ombre, le regard vide, contempla l'homme quelques instants. Il hocha gravement la tête avant de répondre, une réponse qui faillit achever Link, terré dans son coin d'ombre.
"Je ferai n'importe quoi, je suis à votre service. Demandez, j'obéirai..."
Le sourire de l'homme mystérieux fut nettement visible, même pour Link qui ne pouvait qu'épier la conversation. Il ne savait plus comment prendre les choses, et savait encore moins qui pouvait être cette ombre qu'il ne connaissait pas ainsi.
"Tu es bien un fils des ténèbres, aide-moi à étouffer la lumière. Agenouille-toi, ton rôle prend forme dès aujourd'hui. Je mettrai ta fidélité à l'épreuve, prouve-moi ta valeur, création. Je suis ton maître, il n'y a plus que moi, maintenant !"
L'ombre acquiesça, son expression de visage demeurant neutre. Il hocha la tête et posa un genou à terre, l'air soumis. Il baissa la tête et tendit une main à l'homme qui la saisit très solennellement. Link commençait à se demander s'il devait agir, la situation devenait de plus en plus incompréhensible ! Pourquoi son ancien guide agirait-il ainsi ?
"Je vous suis, je suis prêt... maître..."
Link hurla et sortit brutalement au grand jour, s'interposant entre les deux personnages qui observèrent le jeune Hylien sans comprendre. L'ancien canin déclara, les yeux plein d'espoirs, espérant convaincre son ami,
"Ne fais pas ça ! Arrête ! Tu as perdu la tête ! Ne lui donne pas ta vie ! Pourquoi agis-tu ainsi !? Je ne te reconnais plus ! Je t'en supplie, tu ne peux pas me laisser maintenant ! La malédiction est brisée, tu disais que je t'abandonnerais ! Mais je suis toujours là, tu peux croire en moi, plutôt qu'en lui ! Il est infâme, il a tué un innocent ! Il a tué le Héros !"
L'ombre tourna négligemment la tête, ne lâchant pas la main de son maître, comme si Link n'en valait même pas la peine. Il prit néanmoins le temps de formuler une réponse, l'air détaché, tandis que l'homme lui demandait s'il connaissait le chevalier. Il riait visiblement, très discrètement, mais cela n'échappa guère à Link.
"Non, je ne sais pas qui est ce gamin... il a beaucoup d'audace mais qu'importe. Cet innocent qui est mort, cela ne m'affecte pas ! Je m'en réjouis d'une part, c'est sa vie qui a nourri la mienne..."
Link s'effondra sur place, les mains au sol. Son allié ne le reconnaissait même plus, ou préférait l'ignorer ! Quel monstre ! Le coeur du jeune Hylien se mit à battre douloureusement dans sa poitrine, le souffle devint plus court. La surprise était trop forte. Il tapa du poing, grimaçant et regardant le sol, comme s'il s'agissait de la seule chose pour laquelle il se trouvait encore digne après une telle trahison. L'homme dans sa toge sourit à nouveau et glissa un "Allons-y alors..." à l'adresse de l'ombre toujours dans une position de soumission totale. Link n'eut même pas la force de les retenir. Ils disparurent sans un bruit, sans un regard en sa direction. Pourtant lui, n'avait de cesse d'observer l'ombre lors de son départ. Il était désormais son ennemi. L'Hylien se releva, songeant que l'homme maléfique responsable de la mort du Héros venait de lui ruiner sa vie. Il lui prenait désormais un de ses alliés, Ghirahim n'était peut-être pas si détestable que ça au final... il avait des principes et des lois. Cet homme n'avait rien, agissait selon sa volonté et se fichait pas mal des autres. Il se réjouissait même de leur malheur. Un passe-temps terrible. En se dirigeant vers le miroir, Link songea à nouveau aux adieux de son ami, chaque phrase prenant désormais tout son sens. Pourquoi s'excuser pour ensuite trahir ? C'était tellement incompréhensible... Cette nuit-là, Link ne prit même pas peine de verser une larme pour l'ombre. Voler la lumière pour ensuite devenir ténèbres...
Non, il ne pleura pas, il sentit simplement son coeur se déchirer peu à peu. Tout était si simple auparavant, auprès de Zelda, dans le présent. Tout avait été si beau en loup, la nostalgie était un bien terrible sentiment qui l'empêcherait d'oublier l'homme ayant trahi la confiance des dieux...
Héros déchu... à jamais...
Le miroir brillait d'une lumière angélique dans le noir, produisant une douce illumination tamisée, éclairant presque la totalité du sommet de la tour du Jugement. Link se tourna vers le désert tandis qu'il gravissait les quelques marches de l'estrade. La vue lui laissait une étrange mélancolie, sachant qu'au loin, Lanelle veillait sur le lac Hylia, que Prune rentrait chez lui. Ce fut lorsqu'il eut une pensée pour le Héros déchu que se produisit l'événement contraire à celui l'ayant rendu si morne. Il comprenait le manque de courage du Héros défunt. L'ombre et son nouveau maître réapparaissaient déjà, leurs méfaits accomplis. L'homme maléfique glissa quelques mots à l'oreille de sa création que Link analysa comme un classique "Agis tel que nous l'avons décidé." L'ombre se rapprocha du miroir et donc de son ancien allié dont il s'était jadis entiché. Il lui jeta un regard méprisant, comme si Link ne valait pas la peine qu'on prête attention à lui. Le jeune Hylien se contenta de l'observer sans comprendre, la gorge serrée et les yeux rouges. Il demeura immobile et stoïque, ne sachant que faire à cet homme l'ayant maintes fois guidé et servi. L'ombre n'attendit pas en revanche pour se décider à bouger. Elle empoigna Link, tétanisé par le nouveau personnage devant lui, et se rapprocha de son visage, le regardant droit dans les yeux. Un regard vide d'expression, si ce n'est d'une légère haine, un dégout et de l'indifférence. Ils étaient si près que leurs souffles se mêlaient. L'ancien guide de Link lui déclara, l'air suffisant,
"Tu n'es absolument rien pour moi."
À ces mots, il relâcha sa proie et lui infligea un sérieux coup de poing dans le torse. Link chancela, surpris et déstabilisé. Il dégringola des marches, ses épaules et son cou répandant une atroce douleur le long de sa colonne vertébrale. Il était bien mal retombé dans sa chute, il en avait conscience. Le geste de son ancien allié était bien loin d'être amical. Il devenait peu à peu hostile désormais, obéissant au doigt et à l'oeil à son nouveau maître. L'homme en question se tenait un peu plus loin, les bras croisés, souriant devant la scène et les capacités de sa nouvelle recrue. Elle ne flanchait jamais. L'ombre était froide et distante, mais elle obéissait, il ne lui en demandait guère plus.
"Tu peux prétendre ce que bon te semble à mon sujet, mais je n'oublie pas ce que tu m'as dit, avant de disparaître comme un voleur ! Je ne me battrais pas contre toi, le plaisir de ton maître m'importe peu ! Il n'est pas trop tard !"
L'ombre ne broncha pas, mais ses yeux se teintèrent de haine. Il descendit des marches d'un pas mesuré avec une lenteur qu'il savoura quelques instants. Link ne bougea pas mais commença néanmoins à s'inquiéter du comportement de son ancien guide. Il semblait vraiment sérieux. Ne redeviendrait-il jamais sympathique ? Agirait-il sans le moindre remord... sans souvenir ? Link recula d'un pas, hésitant. L'ombre sortit son épée de son fourreau. Le bruit fit sursauter l'Hylien ne pouvant décidément pas accepter la situation telle quelle. Son ancien ami ne pouvait être que manipulé ! Était-ce vraiment le même être ? Il lui ressemblait trait pour trait, mais son comportement était tout autre. Link prit le temps d'observer la lame, constatant avec effarement qu'elle était identique à l'épée de légende, celle du Héros mort dans le désert. L'ombre était sa copie parfaite jusque dans les moindres détails.
"J'ai l'impression que tu sais beaucoup trop de choses sur moi ! Tu parles comme si tu connaissais tout de moi, et je déteste cette familiarité ! Personne ne peut me comprendre, je vais te tuer et ainsi régler la question !"
Un coup d'épée fendit l'air, Link s'écarta à temps et courut un peu plus loin. Il observa l'ombre marcher lentement jusqu'à lui. Serait-il prêt à le suivre jusqu'au bout ainsi ? La patience de l'homme étonna le jeune Hylien. Pour un tueur, il agissait avec beaucoup de sérieux. L'individu encapuchonné c'était installé un peu plus haut dans les tribunes, semblant attendre un combat. Il serait déçu.
"Je ne me battrai pas ! Abandonne, je ne lèverai pas mon épée sur toi ! Je refuse !"
Link hurlait pour se faire entendre. Telle une furie, l'ombre se rapprocha en vitesse et chargea son adversaire. Le chevalier fut contraint de dégainer pour parer le coup plutôt violent. Il repoussa difficilement son ancien guide, sa chute dans les escaliers continuant de s'exprimer par son dos.
"Je vaux donc si peu à tes yeux pour que tu daignes m'affronter ? Qu'ai-je fait pour mériter cela ? Je te déteste !"
Le petit jeu dura quelques instants, Link fuyant les coups de son adversaire qu'il ne s'autorisait pas à contrer. Pourtant, la garde de son pseudo-ennemi n'était vraiment pas dure à percer. Il agissait en bien piètre escrimeur, il avait perdu toute cette grâce qui l'animait lors de leur première rencontre. Le jeune Hylien reprit son souffle et après une longue inspiration, il prit le temps de répondre à son assaillant.
"Bien sûr que non ! Je ne veux pas te blesser ! On ne résout pas tout par la violence, pourquoi refuses-tu de comprendre cela ? Tu es bien trop borné !"
L'ombre ne réagit pas pendant quelques instants. Il réfléchit et secoua négligemment la tête, reprenant son assaut impitoyable. Le sable de la cour était désormais en piteux état, piétiné par le fugitif et son poursuivant. Link dut reconnaître que la persévérance de son adversaire forçait le respect. Il continuait, sans fatiguer, d'attaquer encore et encore. L'ombre semblait de plus en plus exaspérée, comme si le comportement de Link était incompréhensible. Comme si pour lui, il n'avait jamais existé. Comme s'il... naissait à nouveau. Mais son innocence se teintait de violence, son ignorance devenait haine et jalousie. Le mal s'emparait peu à peu de lui, dans cette colère incontrôlable. Link percevait le changement, et s'inquiétait de l'état de l'homme. Il ne paraissait pas bien stable et très dangereux.
"Je vais te faire ravaler ta fierté ! Tu finiras par te battre, tu n'auras plus le choix ! Tu ne peux pas me fuir, tu ne peux que combattre ! Tout n'est qu'une question de temps ! Et moi, le temps, j'en ai, toi, tu ne fais que fatiguer..."
Les remarques de l'adversaire étaient pertinentes, Link commençait effectivement à défaillir. L'acharnement de l'ombre était trop intense pour lutter éternellement contre. De plus, il ne semblait pas fatiguer très facilement. Il semblait gorgé d'énergie pour l'éternité. Malgré les mauvaises bottes et les coups bien mal placés, l'escrimeur parvint à acculer le fuyard contre un mur de la tour. L'assassin du Héros se tenait tout juste un peu plus haut. Link se sentit en position de faiblesse et pourtant refusa de dégainer pour se défendre. Il tomba à terre, fermant les yeux, prêt à recevoir le coup si son ennemi en jugeait ainsi. L'ombre ne se découragea pas et levant le bras bien haut, il abattit la lame sur le cou exposé de l'Hylien en pleine panique. Puis alors, rien ne se passa et Link attendit quelques instants avant de rouvrir les yeux. Il n'était pas mort. L'épée s'était arrêtée à quelques millimètres de son cou. Net. L'ombre pesta et dans sa furie recommença encore et encore : le même effet se produisit. Le chevalier se releva éberlué, intrigué, il se mit à avancer en direction de l'adversaire complètement dépassé. Link n'évitait pas les coups, en réalité, l'épée déviait toujours au dernier instant, ne le blessant pas, ne lui laissant pas la moindre égratignure. L'ombre observa son arme et la lâcha sous l'effet de la surprise. Quel genre de maléfice pouvait produire et fournir une telle protection ? Link jeta un coup d'oeil à l'homme dans les gradins qui ne semblait plus rire du tout. La scène n'avait pas le moins du monde été prévue. L'ombre tapa du pied, furibonde en geignant comme un enfant.
"L'épée ne m'obéit pas ! C'est impossible ! Pourquoi refuse-t-elle de te blesser ?"
Link n'avait pas la moindre réponse. La création s'élança, donnant quelques coups de poing au chevalier qui évita la fureur de son ancien ami de peu. L'épée ne tarda pas à se manifester, à terre. Une lumière jaillit de la lame et une silhouette se forma. Une femme se tint aux côtés de l'ombre, la regardant avec pitié. Elle semblait faite entièrement de cristal bleu, une cape violette l'enserrant. Elle voletait paisiblement dans les airs. L'homme dans les gradins commença à devenir rouge de colère mais tenta de se temporiser pour écouter ce que cette insolente pouvait bien avoir à dire.
"Je ne blesserai jamais les lumières qui brillent en ce monde. Qu'importe mon porteur, je refuse d'obéir à ce genre d'ineptie. Je suis désolée si je vous ai fait peur, lumière. La flamme parfois vacille, mais jamais ne doit s'éteindre, déclara posément la femme sans que ses lèvres n'aient besoin de bouger. Elle pouvait se faire comprendre sans réellement parler.
- Qui êtes-vous ? Seriez-vous un esprit ? questionna Link intrigué pensant immédiatement à Ghirahim, lui-même âme scellée au coeur d'une épée.
- Je m'appelle Fay, je suis effectivement ce que tu décris. J'ai longuement dormi, contre mon gré dans un sommeil scellant mes pouvoirs. Jamais personne n'a pu me libérer. Mais lorsque j'ai traversé le miroir, tout comme la vie de mon ancien maître, le charme s'est rompu et m'a redonné vie et plein pouvoir sur l'épée de légende. Je suis un esprit, je suis son âme et je décide de ce qui est juste et bon. Ce n'est pas à un nouveau-né de se charger de cela, reprocha la femme de cristal en contemplant sans le moindre jugement son nouveau détenteur.
- Je suis plus sage que tu le crois ! Tu me dois obéissance, tu n'as pas à t'interposer entre moi et cet homme ! rugit l'ombre sur un ton haineux, il ressemblait à un enfant gâté ainsi. Un enfant que l'on ne prend guère le temps d'écouter...
- Calme-toi, ou plus jamais tu ne pourras me soulever. Tu découvres tout juste les sentiments, tout est embrumé dans ta tête. Tu dois faire taire cette violence en toi, je ne l'assouvirai pas, répondit Fay le regard dur. Son visage se tourna à nouveau vers Link, elle lui sourit, l'air sincère.
- Il... il vient de naître ? C'est... impossible... il existait déjà avant... avança le jeune Hylien surpris. Il dévisagea l'ombre d'un oeil neuf, comme si jamais encore il ne l'avait vu. Tout recommençait. Link baissa la tête comprenant qu'il ne reverrait probablement jamais son guide. Cette personne était tout autre...
- Oui, sa création vient tout juste de s'achever, en même temps que mon éveil. Je suis liée à lui et malgré le chemin qu'il a entrepris, je me dois de le suivre. Mais toi, tu dois partir. Traverse le miroir tant qu'il en est encore temps. Rejoins vite la lumière que tu suivais, elle est désormais proche. Tu n'as pas fait tous ces efforts pour rien, n'est-ce-pas ? Cette Porte du Temps ne vous apportera plus rien désormais, vous devez retourner à votre monde. Le mal s'active et agit bien plus vite que vous ne l'imaginez. Alors pars maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. L'homme que tu as connu n'es pas perdu... rassura l'esprit de l'épée de légende en tournant son regard vers l'ombre, qui gisait à terre, les yeux dans le vague. Cette impuissance dont il avait fait preuve et cet échec le détruisaient. Les mots de la femme de cristal flottaient innocemment dans l'air du sommet de la tour tandis que la nuit profonde faisait briller sa peau claire opaque. Link hocha la tête et s'inclina devant Fay.
- Je ne sais pas comment vous pouvez avoir conscience de toutes ces choses, mais je vais suivre vos conseils... vous avez ma parole ! Merci beaucoup, Fay, je me hâte, accepta le jeune Hylien devenu tout aussi calme que son interlocutrice. Ils s'échangèrent un dernier regard, la conversation cessa.
Link gravit à nouveau les marches de l'estrade avec la plus grande hâte. Il posa sa main sur le miroir non sans quelques appréhensions. Celui-ci se mit à briller et projeta contre le mur du fond un bien étrange motif. Un escalier translucide et une porte noire et blanche l'attendaient. Le jeune Hylien se stoppa quelques instants quand il vit l'assassin encapuchonné bondir des gradins pour se diriger à vive allure vers lui. Le chevalier eut un hoquet de surprise et traversa sans un regard en arrière. Fay voleta jusqu'au miroir, s'interposant devant l'homme. Il souhaitait visiblement poursuivre Link, la colère ayant envahi tous ses traits. Il prononça une incantation que nul ne put retenir contre l'esprit téméraire. Fay fit voleter l'épée jusqu'au miroir, le faisant partir en éclat. Tandis que Link disparaissait, la porte se brisa. L'âme de cristal disparut, victime du sort de l'homme mais ne sembla pas se plaindre de sa condition. L'ombre demeurait toujours inconsciente. L'assassin piétina les fragments restant du miroir en jurant. Il finit par observer sa création en ramassant l'épée inerte.
"Il est certes obéissant... mais encore trop faible... j'aurais dû prévoir cette éventualité..."
***
Link descendit des marches, les portes se refermant derrière lui de suite. Il savait pertinemment ce qui venait de se passer. Le miroir était en mille morceaux, Fay avait agi ainsi afin d'empêcher l'homme maléfique de traverser à son tour. Il sourit en repensant au courage de la femme de cristal, elle prendrait certainement bien soin de l'ombre. Link osa un sourire, et se décida à observer les environs. Ce monde ne ressemblait en rien à Hyrule. Jour et nuit ne se succédaient plus, tout était figé dans un éternel crépuscule mi-pourpre mi-orange. Link marcha longuement, jusqu'à un palais obscur après avoir franchi une terre aride couleur cendre. Il se stoppa un instant quand il vit deux silhouettes discutant au loin. Deux femmes, dont l'une drapée d'une longue toge noire. Link sentit son coeur battre à tout rompre lorsqu'il reconnut le rire de Zelda. Elle semblait se porter à ravir ! Le jeune Hylien se mit à courir comme un fou, son amie se tourna en sa direction en un instant. Elle oublia tout de sa conversation et se rapprocha à pas lent, sans oser accélérer, se sentant coupable. Link lui sourit timidement, lui montrant qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Il s'était écoulé beaucoup de temps, mais enfin, le chevalier avait tenu sa promesse. C'est tout ce qui comptait pour lui, jamais ne lui viendrait l'idée d'accuser la princesse pour un acte dont elle n'était pas coupable. Zelda fila dans les bras de Link en lui clamant mille et une excuses. Ils finirent par rire, les larmes aux yeux, heureux de ne plus être séparés. Le chevalier relâcha son étreinte et la jeune fille se mit à parler, laissant au loin son ancienne interlocutrice n'ayant pas l'air de protester à ce revirement de situation.
"Link ! Tu as réussi à me retrouver ! Tu es vraiment le meilleur, je savais que je pouvais compter sur toi. J'espère que le voyage s'est déroulé à la perfection pour toi. Je suis désolée de t'avoir contraint de voyager ainsi, seul, souffla Zelda en baissant timidement la tête, les joues rosies. Tout était comme avant, excepté l'étrange paysage, l'amie de Link était toujours aussi joyeuse et spontanée, la venue du chevalier n'arrangeant pas son état.
- J'avais promis, je ne pouvais pas me défiler. Ne t'inquiètes pas, tout s'est plutôt bien passé pour moi je dois dire. Je conserverai de ce monde d'excellents souvenirs. Un Hyrule que Ghirahim n'a pas encore pu envahir, nous avons de l'avance sur lui ! se réjouit Link en levant le poing au ciel pour encourager Zelda. Il n'afficha pas un large sourire mais se contenta d'un regard très doux et un ton apaisant. Il songea quelques instants à son ancien guide qu'il ne pourrait jamais oublier. Il ajouta pour conclure, tu n'as vraiment pas à t'excuser, c'est bien normal de ne pas pouvoir toujours voyager ensemble.
- Bien sûr, et j'ai vécu des choses tout aussi incroyables que toi, j'en suis certaine. Tu m'as vu avec le Héros n'est-ce-pas. Je ne sais pas si tu as pu lui parler quelques instants, mais c'est un homme formidable et d'une grande sagesse ! Il m'a beaucoup appris je dois dire... souffla la princesse se tortillant nerveusement une mèche de ses cheveux.
- A propos de ça... tu sais... mes rêves de mort, commença le jeune Hylien préférant agir lentement pour ne pas brusquer son amie. Elle n'était pourtant pas aussi fragile qu'il le pensait, mais c'était là son rôle de la protéger.
- Le Héros est mort exactement comme tu l'avais prédit, c'est cela ? questionna Zelda devinant juste. Elle plaça une main consolatrice sur l'épaule de Link, comme elle avait toujours eu l'habitude de le faire.
- Oui, c'est exact. Je n'ai rien pu faire, il s'est dit condamné. Il avait perdu toute foi en la vie, je ne comprends pas pourquoi un tel homme a fini par abandonner, expliqua l'Hylien encore perturbé de cette mort plus que prévisible. Il songea au dernier rêve qu'il faisait souvent et frissonna.
- Probablement parce qu'il l'était. Nous avons beaucoup parlé, lui et moi. Il semblait tout connaître du destin. Du sien, du mien, du tien. Avec clairvoyance, il m'a exposé le sien. Son temps ne lui appartient plus, répondit Zelda avec sagesse, la mine grave et sérieuse.
- Comment ça ? interrogea Link ne bougeant plus d'un millimètre. Il retira la main de son amie de son épaule et poursuivit, quel est notre rôle, alors ?
- J'ai dû suivre le Héros et surmonter les épreuves avec lui. Ce voyage m'a forgé une nouvelle conscience. Je ne suis pas seulement ton amie, la princesse de l'Hyrule du présent. Il m'a vaguement exposé mon destin, m'a déclaré que les périples seraient nombreux. Les peines et les joies, aussi. Mais je suis prête à affronter tout cela, raconta Zelda, une main sur le coeur, fermant les yeux. Elle paraissait plus noble que jamais, ses vêtements de voyage lui procurant un tout autre visage.
- Mais que veux-tu dire par là ? poursuivit Link taraudé de questions. Son amie n'avait jamais vraiment agi ainsi avec lui. Elle prenait les choses avec un sérieux et une sagesse qui l'étonnèrent.
- Link, sourit la princesse tristement avant de reprendre, je sais aujourd'hui ce que tu vis. Tous ces cauchemars qui te hantent. Je les ressens au plus profond de moi. Et cela me ronge, tout comme toi. Je veux me battre à mon tour contre de telles visions d'horreur. Je veux sauver Hyrule. Pas notre Hyrule, mais notre terre de légende, à l'épreuve du temps. Je ne peux pas supporter de la voir ainsi rongée par le mal. Que ce soit pendant notre ère ou bien des siècles plus tard. Hyrule est intemporelle, je suis sa princesse et je dois veiller sur ce monde, en faire une terre éternelle. En cela, je deviens à mon tour intemporelle. C'est ma mission, expliqua Zelda en avançant de quelques pas, contemplant le ciel aux teintes inhabituelles.
- Le monde irait si mal que ça ? En quoi mes rêves deviennent si importants ? Je ne comprends pas pourquoi ton rôle serait de t'occuper d'Hyrule quoiqu'il advienne plus tard. Le futur est changeant, nul ne le décide, ce n'est pas à nous de changer cela. Nous ne sommes pas des dieux ! fit remarquer Link un peu perdu, croisant les bras pour montrer son désaccord. Il avait visiblement encore beaucoup à apprendre.
- Tu as probablement vu l'homme qui a ainsi décidé de la mort du Héros, comme dans ton rêve. Cet homme se prend pour un dieu. Il veut faire d'Hyrule ce qu'il a toujours voulu, et cela ne correspond pas vraiment à notre idéal, crois-moi. Il agit pour maîtriser le temps et changer les choses comme bon lui semble. Nous ne pouvons pas lui laisser faire. Malgré tout ce que tu crois, j'ai été choisie pour interférer contre les sombres projets de cet homme. Et pour cela, nous devons empêcher tes rêves de se réaliser. Je ne sais pas tout, je ne peux guère t'en dire plus. Je ne peux te parler que d'évidences, déclara la princesse en prenant un air désolé, soupirant.
- Je m'attendais à des nouvelles plus réjouissantes, c'est vrai. Mais je crois que je comprends mieux. Et puis cela ne change en rien notre mission de départ. Néanmoins, que devons-nous faire de Ghirahim ? Il ne constitue pas à lui seul une véritable menace pour Hyrule ? demanda le jeune Hylien n'oubliant d'omettre aucun détail.
- Non, il faut bien entendu à tout prix le neutraliser. Mais il n'est pas notre seul ennemi, et encore moins le plus puissant. Nous devrons être prudents, l'arbre Mojo lui-même nous en avait parlé. Mais, j'ai confiance en toi. Tu n'es pas devenu chevalier pour rien, tu es plus digne que quiconque d'arborer cette tunique ! Nous parviendrons à rétablir la paix, ce n'est pas qu'une utopie pour Hyrule, répondit Zelda ne pouvant s'empêcher de sourire délicatement face à son ami.
- Je n'ai plus de question, je crois... conclut le chevalier en s'excusant par ailleurs d'avoir ainsi monopolisé le temps de la jeune fille.
- Link... je ne sais pas ce qu'il en est pour toi. Mais pour ma part, désormais, j'en sais beaucoup plus. Je vois tout et chaque destin m'est offert comme choix. On ne pourra jamais contrôler mon temps. Simplement parce que je suis la Princesse de la Destinée. Et que mon amour pour Hyrule et les déesses est bien trop fort pour m'ôter toute la sagesse dont je tiens à faire preuve, révéla Zelda en s'inclinant.
- Je ne pensais pas que te laisser quelques instants avec un autre chevalier te rendrait ainsi, plaisanta Link un peu confus avant d'ajouter, si ton destin n'est soumis qu'à tes choix, espérons que cela suffira à sauver le dernier Héros et préserver Hyrule de la destruction. Sinon... commença l'Hylien sans oser terminer sa phrase. Il ne souriait plus et un éclair de désespoir passa furtivement dans ses yeux. Zelda savait désormais combien ces morts le touchaient et ne pouvait que compatir.
- Gardons espoir ! Si nous, nous ne le faisons pas, qui pourra croire en un futur meilleur ? Sourit la princesse. Elle devint un peu plus joueuse, oubliant l'importance de son rôle pour rassurer son ami. Elle ajouta en riant, nous ne pouvons plus nous séparer on dirait. Ce qui tombe plutôt bien, puisque je n'ai pas l'intention de te laisser tomber ! Allez, ne fais pas cette tête d'enterrement ! taquina-t-elle en donnant un coup de coude à Link qui s'autorisa un sourire.
- Tu pourras toujours compter sur moi, déclara finalement le chevalier après quelques hésitations non feintes.
- Je préfère ça, allez, viens. Nous devons rentrer chez nous ! acheva la princesse en invitant Link à la suivre. Celui-ci ne fit aucune objection."
Le jeune Hylien suivit son amie, bien trop heureux de la retrouver. La vie en reprenait presque un cours normal. Les révélations de Zelda ne l'avaient guère inquiété, cela ne faisait que confirmer ce qu'il avait vécu et ce qu'il ressentait au plus profond de lui. La Princesse de la Destinée conduisit Link jusqu'à l'étrange femme vêtue de noir ayant attendu patiemment que les retrouvailles s'achèvent. Non loin d'elle, le cliquetis d'une Porte du Temps se faisait entendre. L'entrée se trouvait donc ici. Link grimaça quand il se rendit compte qu'il avait été encore plus détourné de sa voie qu'il ne l'aurait imaginé. La femme, peau blafarde, voire bleutée et cheveux roux s'avança en souriant.
"Je suis enchantée de faire ta connaissance, jeune homme. Zelda m'a beaucoup parlé de toi, et je tiens à vous dire, en tant qu'amie, que vous serez toujours les bienvenus en mon royaume. Je me nomme Midona, et je gouverne le monde du Crépuscule. J'appartiens au peuple des Twilis, bien mal jugé. J'espère que tu n'agiras alors pas comme tes ancêtres... Enfin... tes descendants serait en réalité plus juste, se présenta la femme à la silhouette élancée. Link s'inclina respectueusement.
- Bien sûr, je n'ai aucun préjugé et je ne connais guère votre histoire. J'imagine qu'il en va de même pour Zelda, et je suis ravie de faire votre connaissance. Merci de nous avoir accueillis en votre monde et pardonnez pour les désagréments, salua Link un peu gêné par la situation.
- Tu veux probablement parler du miroir, ne t'inquiète pas pour cela, je m'occupe personnellement de régler ce problème. Je sais qu'il a été brisé pour empêcher le mal d'entrer en nos terres. Ce geste est bien plus salvateur que tu ne peux l'imaginer, répondit Midona toujours aussi souriante. Pourtant, même lorsqu'elle rayonnait, une lueur de tristesse se répandait sur son visage.
- Merci, cette réponse me rassure. Nous n'avons agi que par nécessité, sans nous douter que cela pourrait souffrir à un peuple entier, expliqua Link préférant justifier l'acte de Fay. Elle avait agi à temps et à la perfection, il en était certain.
- Bien sûr, je n'en doute pas un seul instant. Et pour cela, je vous souhaite bien du courage dans votre quête. Que sais-tu du Héros, jeune homme, l'as-tu rencontré ? demanda la princesse du Crépuscule n'arborant plus son air serein.
- Midona, tu sais pertinemment que... commença Zelda qui fut coupée nette d'un geste par la femme. Elle n'ajouta alors rien, laissant à Link le libre choix de la réponse.
- Je le connais très mal en réalité. Je n'ai pu assister qu'à ses dernières heures, échoué dans le désert. Frappé par le même mal qui a tenté de franchir le miroir, résuma Link qui ne préféra pas faire part de toute l'histoire concernant son corps de loup et l'ombre.
- ... Midona fut frappée de stupeur, n'osant plus bouger. Elle se calma, se reprenant bien vite et ajouta simplement, je vois. Vous devriez rentrer chez vous désormais.
- Oui, nous avons encore beaucoup à faire, approuva Zelda en ajoutant, encore merci pour tout. Si nous avons le moindre problème, nous n'hésiterons pas à revenir trouver refuge en votre royaume.
- Vous verrez, nous ferons d'Hyrule une terre encore plus belle qu'elle n'est déjà. Ne craignez pas le futur, ni même votre passé, conclut Link préférant donner espoir aux gens. Un chevalier devait aussi servir à cela."
Midona salua ses invités et se retira peu de temps après. Link et Zelda se regardèrent quelques instants avant d'hocher la tête, n'ayant pas besoin de se parler pour se comprendre. Main dans la main, ils franchirent la Porte du Temps, retournant à leur ère sans que rien ne puisse les séparer. Le futur se dessinait obscur à l'horizon, il fallait désormais agir, et vite. Contre un mal bien plus grand qui s'attaquait à Hyrule, qu'importe le siècle. L'antan faisait écho au présent pour faire naître souffrance et espoir au sein du futur.
PARTIE 3 : Ocarina of Time, Terre de Légendes
"Retournons auprès de mon père au plus vite ! Je dois m'assurer de son accord pour la suite de notre voyage. Je ne tiens pas à l'inquiéter, mais j'ai confiance en Arfan, il a probablement réussi à calmer les choses !" rugit Zelda contre le vent, se tenant à Link. Le Célestrier vermeil volait paisiblement dans les airs, permettant au duo de quitter les environs du Volcan d'Ordinn sans trop de peine. Il semblait en grande forme et ravi de revoir son maître. Ses longues journées de repos auprès des Gorons l'avaient rendu d'excellente humeur. Il voletait de manière imprévisible, accélérant au gré de ses envies. Le duo ne protestait pas, acceptant de bonne grâce la petite ballade jusqu'à la capitale. L'oiseau volait assez haut dans le ciel, la plaine d'Hyrule ne devenant qu'une minuscule partie du monde à cette hauteur. Link sourit, ne pouvant s'empêcher de respirer l'air à plein poumon. L'Hyrule du présent lui avait manqué, bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. Le voyage ne dura pas bien longtemps, très vite le Célestrier se posa au coeur du jardin royal qu'il affectionnait le plus. Link et Zelda descendirent bien vite, se rendant à la salle du trône. Une fois arrivés, ils se rendirent compte que la piste était mauvaise puisqu'un écriteau indiquait que le roi s'était retiré dans ses quartiers pour méditer. La princesse s'étonna d'un tel comportement et hâta Link pour retrouver son père au plus vite. Le chevalier comprit l'inquiétude de son amie tentant pourtant de la dissimuler. Ils gravirent bien des marches pour trouver la demeure privilégiée du roi. Un long couloir de pierre finissait droit sur une lourde porte en chêne. Zelda s'approcha la première en toqua le plus délicatement à la porte. Une voix étouffée l'autorisa à entrer. La princesse fit un signe de main à Link qui s'empressa de la suivre, honoré d'avoir accès à cette partie du palais.
La pièce était peu éclairée, et les rideaux tirés. Juste quelques bougies se chargeaient de la lumière. Une moquette bordeaux recouvrait la pièce qui menait à bien d'autres. Il s'agissait d'un bureau entouré de-ci de-là de quelques bibliothèques soigneusement rangées. Link s'étonna d'un tel agencement au coeur des appartements royaux. Le chevalier n'aurait certainement pas commencé une suite par un bureau, mais les goûts du roi n'étaient pas à critiquer. Il s'apprêtait à en faire part à son amie pour la détendre un peu lorsqu'il s'aperçut que le père de Zelda lisait, accoudé à une table en bois. Il se trouvait au centre de la pièce, dans un fauteuil des plus confortables muni de velours et de soie. Il avait un peu perdu des couleurs et vu le froissement du papier qu'il tenait, il avait dû lire de nombreuses fois le contenu de ce qui semblait être une lettre. La princesse s'approcha en s'inclinant."Je suis de retour, père." déclara-t-elle sur un ton très officiel et courtois. Le roi daigna lever ses yeux vers sa fille et en tomba de son fauteuil. Link sursauta en voyons le vieil homme s'écrouler à terre, il se hâte de venir l'aider à se relever. Une fois debout, le roi serra fort le chevalier qui rougit, ne comprenant pas ce qu'il avait fait pour mériter telle familiarité avec cet illustre personnage. Puis l'homme s'approcha de la princesse et fit de même avec elle. Un silence gêné s'installa entre eux. Reprenant des couleurs, le roi se justifia de lui-même :
"Je ne pensais jamais vous revoir vivants ! Comment avez-vous fait pour vous échapper ? Moi qui pensais avoir perdu mon meilleur chevalier et ma très chère fille, souffla le roi une main sur le coeur. La surprise semblait bien réelle et pourtant Link et Zelda ne comprenaient pas ce que pouvait signifier un tel comportement.
- De quoi parlez-vous père ? Nous allons très bien ! Nous revenons de notre mission, à la recherche de Ghirahim et des Portes du Temps, expliqua la princesse en prenant un air interrogateur, la mine soucieuse.
- Ne me cachez pas votre enlèvement, j'ai reçu la lettre tôt ce matin. Tout va au plus mal depuis dans le palais, je n'ai mis au courant que les conseillers, ils seront ravis de vous retrouver en bonne santé ! Je suis si heureux que vous soyez sains et saufs ! Ma chérie, si tu savais combien j'ai eu peur, ajouta le vieil homme à l'adresse de Zelda qui compatit à la douleur de son père sans bien comprendre le contexte.
- Sauf votre respect Votre Majesté, je peux vous assurer que nous n'avons pas la moindre idée de l'affaire dont vous nous parlez. Nous avons découvert une Porte du Temps en Ordinn, mais nous n'avons pas pris connaissance de cette lettre et encore moins de cet enlèvement. Accepteriez-vous de nous expliquer correctement la situation ? questionna Link le plus poliment possible, ne sachant pas s'il avait réellement le droit à la parole ou non.
- Si c'est bien là la vérité, alors évidemment. Il s'agit du Roi Zora, vivant au lac Faroria, il prétend vous retenir prisonniers et demande une rançon assez élevée. De plus, il menace de couper tout accord commercial si le délai de paiement, qui est de deux jours, n'ai pas respecté. Vous vous doutez de la panique si cela arrive ! De nombreux poissons et autres produits frais nous sont fournis exclusivement par les Zoras. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une si belle alliance ! Mais si vous ne vous êtes effectivement pas faits enlevés, je me demande bien qui est retenu prisonnier auprès des Zoras... expliqua le roi la mine soucieuse. La paix du royaume semblait compromise par la faute d'une simple lettre.
- Les Zoras ? Mais enfin, ils sont pourtant assez calmes habituellement ! Quel avantage auraient-ils à se rebeller et se séparer d'Hyrule ? demanda la princesse ne pouvant se résoudre à voir les Zoras comme des êtres vils et maléfiques.
- Nous devons absolument nous rendre sur place pour avoir le fin mot de l'histoire, proposa Link toujours prêt à l'action. Les portes du temps attendraient, il fallait remettre Hyrule sur les rails avant toute chose.
- Ce serait bien trop dangereux... Les Zoras se chargeraient immédiatement de vous ! Ils étaient calmes et aspiraient à la paix jusqu'ici... fit remarquer le roi soucieux pour son royaume.
- Mais ils ne nous ont jamais enlevés, il s'agit peut-être d'un canular, nous devons y aller absolument ! Ce litige ne peut plus durer ! Tout cela est bien trop spécieux pour être réel ! poursuivit Link sur le qui-vive, pas question d'éviter la région, il fallait régler le malentendu.
- Si vous insistez, lisez au moins la lettre qui m'a été envoyée il y a peu. Vous aurez ainsi plus ample connaissance des faits... céda le roi en tendant un bout de papier encore humide et frais. Le duo s'empressa de s'informer ravis de trouver leur souverain si coopératif. La discussion avec Arfan semblait lui avoir fait le plus grand bien.
"Mon très cher roi d'Hyrule,
Je vous écris depuis ma salle royale du domaine Zora afin de vous faire part d'une nouvelle qui ne vous réjouira pas. En effet, les taxes sur mon peuple et l'exportation du poisson ne cessant d'augmenter, nous songeons sérieusement à nous retirer du royaume. Bien entendu, j'ai en ma possession des arguments de taille. Votre fille et son chevalier se trouvaient sur mes terres il n'y a pas si longtemps, mon armée est venue à leur rencontre. Et je tiens à vous dire, en toute amitié, que si vous n'envoyez pas une rançon de 500 000 rubis (et je trouve cette proposition honnête pour un roi gérant un tel royaume), Link et Zelda resteront à croupir dans mes geôles éternellement jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Je ne désire pas vous voir répondre à ma lettre. Envoyez simplement l'argent d'ici deux jours où il vous sera impossible de revoir votre fille.
Plus ou moins amicalement,
Un roi soucieux du bien-être de son peuple"
Link et Zelda échangèrent quelques regards quelque peu surpris du contenu de la lettre. Le roi avait parfaitement résumé la situation et n'avait omis aucun détail, mais l'encre et l'écriture semblaient officielles. Ils saluèrent le souverain cachant son mal-être et le rassurèrent du mieux qu'ils le purent. Cela ne pouvait être une réelle crise, il fallait avoir confiance en la nature pacifique des Zoras. Lorsque le roi s'autorisa un sourire, Link et Zelda s'envolèrent à nouveau, le Célestrier approuvant la nouvelle balade. Dans quelques heures seulement, le soleil serait à son Zénith. La matinée déclinait lentement, au rythme des battements d'ailes de l'oiseau. Qui aurait pu imaginer qu'une si belle journée commencerait aussi mal ?
Le lac Faroria faisait partie intégrante de la forêt de Firone, par-delà la clairière de l'arbre Mojo. Un écosystème à la végétation unique coupé du reste des bois. Autrefois, la route était longue mais un chemin avait désormais été installé facilitant le trajet. En suivant la longue ligne à dos de Célestrier, une heure de voyage suffisait amplement. Zelda se tenait à Link songeuse, se demandant comment son père affronterait une réponse négative des Zoras. Le chevalier se tourna un instant en lui souriant, elle se mit à sourire malgré elle pour le rassurer. Il échangea quelques mots tentant tant bien que mal de lui enlever les idées noires lui brouillant le cerveau.
"Tout ira bien tu verras, les Zoras ne sont pas comme ça, tu le sais, n'est-ce-pas ? Ton père s'inquiète toujours pour un rien, ce n'est pas simple d'assumer toute la gérance d'un royaume ! Souffla Link tandis que le Célestrier continuait de filer dans le ciel sans l'aide de son maître.
- ... Zelda acquiesça et se serra contre son ami qui ne dit mot, elle reprit, merci... chuchota-t-elle avant d'oser ajouter, nous avons été longtemps séparés, mais tu es resté le même, et tu ne m'en veux pas. Merci...
- C'est normal, voyons, ce n'était pas de ta faute ! Cette aventure nous as rendu plus forts, c'est une bonne chose, non ? Sourit Link en posant sa question qui se voulait rhétorique, il attendait néanmoins une réponse de son amie tourmentée.
- Bien sûr, mais j'aurais pu refuser de suivre le Héros et t'attendre. Où bien ne pas me téléporter avec lui alors que tu étais juste derrière ! J'ai agi avec beaucoup d'égoïsme à ton égard... se mortifia la princesse prête à se ronger les ongles d'inquiétude.
- Non, tu as bien fait. Ton destin n'allait pas t'attendre, désormais tu comprends mieux ce que je ressens... Alors, ne t'en veux pas pour si peu. Et puis, moi, je dois t'avouer que je n'ai vraiment pas eu le temps de m'ennuyer ! N'aie pas peur, sourit le chevalier compréhensif, le regard mélancolique. Un temps passé lui rappelait un vieil ami oublié... Un ami que Fay n'oublierait pas de sauver.
- Merci Link, je me sens mieux. Si tu es aussi sincère alors je n'ai effectivement pas à m'en vouloir pour si peu ! De toutes façons, on reste ensemble maintenant... la priorité est mon père, mais je sais que tu feras de ton mieux pour l'aider, alors, tu sais, je n'ai pas peur. Encore merci, approuva la princesse en se tenant mieux à l'oiseau, l'air sereine, les cheveux au vent.
Link se contenta d'un sourire et le duo atterrit non loin du lac, cachant le Célestrier vermeil parmi les feuillages et la végétation. Si les Zoras étaient vraiment devenus hostiles, il fallait agir avec la plus grande prudence."
Link et Zelda s'avancèrent jusqu'au lac. Vaste étendue bleutée, claire et limpide. Le soleil se reflétait à la surface témoignant d'une profondeur extrême. Au loin, une gigantesque cascade s'écoulait paisiblement, porte d'entrée du monde des Zoras. Un îlot ou deux semblaient flotter sur la face miroitante du lac Faroria. Lorsque Link s'approcha, demandant à Zelda de n'avancer qu'une fois qu'il aurait vérifié le chemin, la réponse aux faux semblants se montra enfin. Un homme jaillit hors de l'eau, éclaboussant le chevalier nullement impressionné. La princesse ne put s'empêcher de s'approcher. "Link ! Ce n'est pas un Zora !" fit-elle remarquer sur le qui-vive. L'Hylien sortit sa lame en hochant lentement la tête. Lorsque l'eau se calma enfin, l'homme voleta à la surface, frôlant la surface de ses jambes adroites. "Vous êtes tombés dans mon piège ! Vous n'êtes vraiment pas bien malins ! Comment avez-vous pu m'oublier aussi facilement ? Je dois vous avouer être vraiment vexé..." Le duo sursauta en reconnaissant la voix. Ghirahim se tenait devant eux, visiblement bien remis de son dernier combat contre Link. L'Hylien avança d'un pas, épée en avant,
"Nous n'avons pas peur de vous ! Si vous cherchez un adversaire à votre taille, venez chercher votre défaite qu'on en finisse ! lança le chevalier tentant d'attiser la colère de Ghirahim pour en savoir plus sur ce qu'il leur réservait.
- Vous êtes toujours aussi chaleureux. Aussi aimables qu'une porte ! Mais moi, je suis heureux de vous revoir. Vous allez gentiment m'indiquer où se situe la dernière porte ! Je sais que vous avez franchi la deuxième, je l'ai senti ! Mon lien avec l'épée s'est rompu quand vous avez changé de temps, vous ne pourrez pas me duper ! rugit Ghirahim en s'approchant, marchant sur l'eau. Il se tenait à un mètre de Link et Zelda l'observant sans la moindre crainte.
- Vous nous avez attiré ici simplement pour ça ? Vous ne pouviez pas simplement chercher par vous-même... s'offusqua le chevalier en fronçant les sourcils. La paresse de son ennemi était surprenante.
- C'est vous qui avez envoyé la lettre ? Mon père ne méritait pas cela ! contesta Zelda comprenant bien vite la situation.
- Oh lala, vous n'avez pas apprécié ma petite blague ? Vous me paraissez sur les nerfs en ce moment, la deuxième porte a dû vous causer quelques problèmes j'imagine. Alors ne perdez pas de temps avec la dernière, votre vieil ami peut s'en occuper à lui tout seul... proposa Ghirahim en s'autorisant un clin d'oeil, tendant une main à Zelda qui ne daigna le regarder et accepter pareille proposition.
- Le roi se ronge les sangs par votre faute ! Les Zoras n'ont pas à payer si c'est nous que vous cherchez ! contra la princesse furibonde ne supportant pas qu'on s'en prenne à autrui sans raisons valables.
- Il est tellement sensible, pauvre homme ! La vieillesse n'est vraiment pas une qualité... soupira Ghirahim en prenant un air désabusé, levant les yeux au ciel. Il reprit avec le plus grand sérieux malgré un large sourire, si vous appreniez cela de la bouche même du roi, je savais pertinemment que vous accouriez ici. Je vous ai attendus longtemps vous savez, les facteurs sont vraiment lents en Hyrule. De mon temps, ils allaient bien plus vite...
- Nous sommes venus, mais si vous croyez que nous allons vous révéler l'emplacement de la dernière porte, vous pouvez toujours rêver ! envoya le jeune Hylien faisant face à Ghirahim, séparés l'un l'autre d'un pas seulement. L'épée de Link se tenait fièrement entre eux.
- Que de fioritures, vous pouvez me tutoyer vous savez ! Vous avez toujours cet air si dramatique quand vous parlez ! Détendez-vous voyons ! La vie est juste un long jeu, que je me dois de gagner ! Vous refusez visiblement de coopérer, et je déteste ça ! POURQUOI VOUS FAITES TOUJOURS TOUT POUR M'ENERVER ? tonna l'esprit rouge de rage. Il était toujours aussi changeant et imprévisible. Il s'approcha un peu plus de Link et lui donna une claque. Celui-ci s'attendait absolument à tout, sauf à ça, il se prit la gifle sans comprendre. La douleur n'était pas bien forte.
- Non mais vous avez perdu la tête visiblement ! invectiva Link furieux d'un tel comportement.
- Tu ferais mieux de venir te battre au lieu de geindre, allez, un petit effort ! Le chevalier va se rouiller s'il n'utilise plus son épée ! Ne me déçois pas et donne-moi la réponse ! Zelda fera partie du public, elle ne peut pas comprendre les querelles des hommes après tout... se mortifia faussement Ghirahim en secouant la tête, comme peiné. Il revint se positionner au-dessus du lac en ajoutant, j'ai lancé un sort pour que l'eau se foule. Cette arène sera parfaite, je t'attends. Ne m'enlève pas ce doux plaisir ! ACTIVE-TOI !"
Link et Zelda sursautèrent à nouveau tandis que leur ennemi s'éloigna pour se positionner au centre du lac Faroria, attendant avec impatience. "Je n'en ai pas pour longtemps, il en raconte beaucoup mais il ne semble guère plus fort que la dernière fois. Nous avons connu bien pire, ne t'inquiètes pas pour moi ! Tout ira bien" promis le jeune Hylien en souriant à Zelda qui acquiesça désolée de ne pouvoir agir. Link avait échoué pour sauver le Héros du futur, Ghirahim serait le défouloir parfait. Hésitant il s'avança sur l'eau, la surface était lisse et le liquide ne s'accrochait pas à ses bottes. Ghirahim attendit patiemment, sans la moindre lame, l'air satisfait.
"Tu devrais vraiment réfléchir parfois !" fit remarquer l'esprit anciennement scellé en éclatant de rire. Link se mit en position de défense, inquiet d'une telle tirade. Ghirahim s'approcha en marchant tranquillement et clama fièrement "Je contrôle ces lieux et tu es sur mon territoire... Je peux faire ce que je veux de toi !" Il frappa deux fois dans ses mains et l'eau se gela aux environs de son adversaire, Link se retrouva les pieds figés dans la glace. Le jeune Hylien du parer quelques coups sans avoir la moindre mobilité. Il s'exclama, paniqué, "Ce n'est pas du jeu ! Nous devions nous battre à la loyale !" Contesta l'Hylien qui aurait volontiers tapé du pied si le gel n'entourait pas si brutalement ses jambes. Ghirahim éclata de rire, se saisissant d'une rapière noire pour frapper encore et encore son ennemi qui parait difficilement les coups sur le côté. "Mais non voyons, si j'étais vraiment injuste, j'irais te frapper dans le dos ! Hum... je vais peut-être faire ça d'ailleurs. Allez, sans rancune mon ami !" sourit l'esprit savourant lentement sa victoire volée. Link bouillonnait intérieurement. Le chevalier se débattit, en vain, une douleur vint transpercer son dos en diagonale. Il hurla, Ghirahim venait de le frapper violemment sans la moindre retenue. Zelda poussa un cri au loin. L'esprit revint se poster devant son ennemi et lui déclara avec la plus grande gentillesse dont il pouvait faire preuve "Si tu me dis où se trouve la dernière porte, tu ne subiras rien de plus et tout se passera bien pour toi ! Sinon, nous allons continuer notre petit jeu. Ne m'en veux pas, au moins, je reconnais que ta force est supérieure à la mienne. Tu es un excellent épéiste, et si je veux gagner... Je suis obligé de tricher..." souffla-t-il en prenant un air désolé comme s'il était contraint d'agir ainsi. Cet air faux déplut fortement un Link qui continuait de tenter de se soustraire à la glace sans le moindre résultat. Plus il tentait de se mouvoir, et plus sa blessure le faisait énormément souffrir. Ghirahim s'en donna à coeur joie et frappa son adversaire à plusieurs reprises. Link se défendait plutôt bien de face mais ne pouvais rien faire pour son dos. L'esprit fit disparaître sa lame et se mit à rire. Lorsqu'il eut finit il donna coup de poing et coup de pied à Link, appuyant sur sa blessure béante. Du sang s'écoulait et laissait une auréole sombre sur sa tunique. Zelda hésitait à se lancer au secours de son ami, ne sachant pas si le Lac était aussi praticable pour elle ou si elle sombrerait dans l'eau glaciale. Ghirahim revint face à Link en piteux état et reprit son discours, passablement ennuyé "Bon... Aucun de vous n'est coopératif. Je crois qu'il va falloir profiter de la tristesse de l'un pour que vous vous décidiez à parler ! Ma très chère Zelda, dans quelques instants, je tuerai Link si tu n'agis pas... quelque chose à ajouter ? Un itinéraire pour la Porte du Temps par exemple ?" Demanda le phénomène en souriant, le sourire aussi blanc que ses yeux vides. Plusieurs épées se mirent à flotter autour de Ghirahim trop heureux de maîtriser la situation. Link pesta et supplia Zelda de ne pas répondre. Mais la jeune fille ne dit mot, se décidant plutôt à agir. L'heure n'était pas à la lâcheté !
Elle se mit à marcher sur la surface du lac, confiante et se posta aux côtés de Link. Ghirahim tenta de la geler à son tour mais n'y parvint pas et jura. "Visiblement je ne suis pas le seul à connaître la magie ici ! Je ne sais vraiment pas ce que vous avez fait en traversant la deuxième porte mais vous êtes de plus en plus insupportables ! J'en ai assez, VOUS ALLEZ MOURIR !" menaça Ghirahim lançant ses multiples épées à l'assaut. Link eut une soudaine poussée d'adrénaline et pesta de ne pouvoir s'en servir pour fuir avec Zelda. La princesse resta bien droite et sourit. Les épées se brisèrent contre un mur invisible, champ protecteur mis en place par la jeune fille. "Je ne te laisserai pas tomber, Link. Ne sois pas étonné si je maîtrise la magie. Le Héros m'a appris bien des choses sur mon rôle, les déesses veillent sur nous..." Ghirahim excédé libéra Link sous le coup de la rage. Le jeune chevalier s'écroula, contre la surface de l'eau, incapable de tenir debout. "Nous avons fini de jouer. Si vous commencez à recourir à la magie des déesses, je ne m'amuse plus du tout. Je vais être sérieux maintenant et dangereux ! Je t'aimais bien Zelda, mais visiblement, il faut passer par Link pour obtenir une réponse intéressante..." soupira l'adversaire en croisant des bras, contrarié. Il ajouta en s'approchant du duo "La surprise est la meilleure arme dans de telles situations. Nous allons immédiatement agir !" Il passa son bras autour de Link et l'aida à se relever, l'Hylien ne réussit à protester. Zelda allait agir quand le sol se déroba sous ses pieds. Elle plongea sans trop le vouloir dans les profondeurs du lac, l'eau glaciale lui produisant un choc qui faillit l'évanouir sur le coup tant la douleur était inattendue. Ghirahim posa une main à la surface, tout en soutenant Link inquiet, et prononça un dialecte inconnu aux deux amis. La surface se gela instantanément. L'esprit se posta face à Link tandis que Zelda paniquée tapait du poing sous l'eau, affolée. Tenir en apnée dans une eau glaciale sous une couche de givre n'était pas vraiment sa spécialité. Le chevalier commença à s'agiter, Ghirahim le tint fermement et lui dit gentiment "Dis-moi où est la porte si tu veux que ta petite princesse vive. Elle n'en a pas pour longtemps, alors réfléchis vite mais bien. Je me demande si elle va mourir de froid ou d'asphyxie en premier..." Link baissa la tête, les larmes aux yeux et finit par répondre, ne supportant pas un tel spectacle "Dans la vallée du dragon, il y a un ancien temple en l'honneur de la porte... Libérez-là maintenant, je vous en supplie..." Ghirahim sourit l'air compatissant et relâcha Link qui s'écroula, tremblotant, la douleur lui vrillait bien trop le dos pour qu'il puisse se tenir debout. Zelda continuait de frapper sous l'eau, regardant Link tristement, simplement séparée de quelques centimètres de son ami d'enfance. L'esprit se pencha quelques instants et voleta dans les airs. "Tes larmes sont touchantes, je les aime bien. Zelda pose trop de problème, et puis le lac est vraiment joli ainsi. J'ai des choses urgentes à faire, je dois vraiment y aller ! Désolé mon petit Link mais nous serons entre hommes désormais..." Link héla Ghirahim, le suppliant encore et encore, mais il n'obtint pas la moindre réponse. L'homme s'envola en direction des cieux et disparut, laissant le charme en action. Le duo avait sous-estimé les pouvoirs de leur adversaire... et le payait très cher...
Link tapait du poing, tentait de briser la glace avec son épée et le peu de force qu'il lui restait. "Non, non, ne meurs pas je t'en supplie, tiens encore un peu ! Je vais te sauver, je vais te sauver ! Zelda !" Des larmes tièdes et salées roulèrent le long de ses joues déjà humides. Il continuait d'attaquer la glace sans le moindre succès. L'espoir le quittait peu à peu pourtant il n'abandonnait pas, oubliant toute douleur pour se concentrer sur son amie. Zelda devenait de plus en plus pâle, retenant sa respiration depuis trop longtemps. Si rien ne se passait, tout serait fini en quelques secondes. L'Hylien hurla, implorant les déesses et appelant à l'aide sans savoir qui pourrait lui venir en aide dans de telles conditions. Les yeux de Zelda se fermèrent lentement, elle sourit à Link en posant une main délicate sous la glace, comme pour le rassurer. Mais rien ne pourrait jamais soigner pareille blessure. Si son amie d'enfance venait à disparaître, la vie elle-même s'en irait. Il ne pouvait se résoudre à continuer sa mission sans elle. Il continua d'assister à l'agonie de la princesse, maudissant Ghirahim, continuant d'hurler et de probablement effrayer la faune lointaine. Le désespoir envahissait peu à peu son coeur ne pouvant plus cesser de battre à tout rompre. Il hoquetait comme un enfant, s'acharnant sur la glace bien trop épaisse. Tout était fini désormais... Il ne pourrait jamais combattre sans Zelda. Il ne pourrait jamais surmonter les épreuves sans elle. L'élu de la déesse Hylia avait toujours eu le soutien de la réincarnation de la divinité. Pourquoi le privait-on alors de ce qui lui était le plus cher ? Pourquoi lui ? Pourquoi lui voler son bonheur ? Hyrule ne valait pas autant de sacrifice...
Un silence de mort régnait sur le lac Faroria, sauf pour un homme que les larmes ne suffisaient pas à consoler. Le silence l'oppressait. Le silence était oppressant. La mort le suivrait partout où il irait désormais...
"Zelda ! Non ! Zelda, par pitié !" rugit Link tentant de briser la glace tant bien que mal. Ses forces s'amoindrissaient et de multiples égratignures ornaient ses mains. Il n'abandonnerait pas son amie. Il lui avait toujours promis cela, il ne pouvait pas se résoudre maintenant. Il se mit à pleurer, échoué sur la pseudo-banquise lorsqu'une voix, royale, se fit entendre "Le Lac Faroria ne doit jamais geler !" Link ne prit même pas peine de rouvrir les yeux et de se tourner vers la personne ayant prononcé ces mots. Quand il observa la glace dans un dernier soupçon d'énergie, il remarqua que la princesse avait disparu et son coeur se mit à battre fort dans sa poitrine. Des veloutes de vapeur s'échappaient du givre qui peu à peu disparaissait du Lac. L'étendue reprenait sa température tiède et normale. Le contrôle de Ghirahim disparaissait finalement. Link aurait beaucoup aimé s'en réjouir si l'état de Zelda ne l'inquiétait pas. Il ne savait plus où elle était maintenant ! Ses questions ne le taraudèrent pas bien longtemps, la glace acheva de fondre et il tomba dans l'eau. Le choc lui fit perdre connaissance, il aurait bien eu besoin d'un peu de repos. Mais tout cela n'avait plus d'importance...
***
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se trouvait dans une chambre dont la taille équivalait presque à celle d'un placard. Il y avait là tout juste la place d'y mettre un petit lit une place et une table de nuit. Face à lui, une porte en bois verni. Les murs ressemblaient à ceux d'une grotte faite en corail, d'une douceur inégalable. Le nouvel univers était bleuté et la décoration particulière, chaque élément rappelant la mer. Link se releva, encore meurtri, son dos avait bien mal cicatrisé et le faisait encore souffrir. Il ne savait pas combien de temps il avait dormi, il n'y avait aucune fenêtre pour lui montrer un soleil levant ou couchant. Il se ressaisit, ne songeant qu'à l'état de Zelda, il lui fallait absolument la retrouver. Il franchit la porte sans songer un seul instant à où il pouvait bien se trouver. Il commença à paniquer quand il se rendit compte que la chambre menait droit à un lieu immergé. Link commença à retenir sa respiration paniqué, il ne parvenait pas à distinguer la sortie plus loin. Il se hâta de revenir à sa chambre toujours aussi sèche, comme si l'eau n'était jamais parvenue à rentrer. Les lieux étaient habités, il se trouvait très certainement chez les Zoras. Une bonne chose qu'ils se soient ainsi occupés de lui, cela témoignait de leur gentillesse, et non d'une certaine hostilité à l'égard d'Hyrule. Le père de Zelda serait probablement ravi de l'apprendre... en revanche, où pouvait bien se trouver la princesse ? Link balaya l'idée d'une possible mort, préférant rester optimiste. Il retint sa respiration à pleins poumons et sortit en vitesse, tentant d'atteindre l'air le plus vite possible. Le chevalier distingua quelque Zoras au loin qui le regardaient avec le plus grand intérêt sans la moindre méchanceté. Malheureusement, l'eau était partout et il ne voyait plus la fin de ce monde injuste. Seul le liquide habituellement si précieux pour la vie l'entourait. Il se voyait déjà mourir tandis qu'un Zora s'approchait de lui, l'air nonchalant. Il s'agissait très probablement d'un garde, il portait un casque et une lance semblable à un sceptre dans la forme, en corail rose et rouge. "N'allez pas vous étouffer bêtement, vous pouvez respirer sous l'eau." l'informa le poisson, nageant serein tout autour de Link qui avait les poumons en feu. Il dévisagea quelques instants son interlocuteur se demandant s'il pouvait réellement lui faire confiance. Il finit par obtempérer, ayant atteint un seuil critique pour son corps. Il osa avaler de l'eau et se rendit compte que celle-ci se changeait en air dès qu'elle entrait dans son corps. Il s'observa sans comprendre le miracle. "Vous ne voyez rien de nouveau sur vous ?" insista le Zora amusé par la situation. Les autres amphibiens curieux avaient fini par reprendre leurs activités. Link n'était plus un phénomène de foire. Le jeune Hylien s'observa, il portait toujours les mêmes habits mais se rendit compte que ceux-ci ne se mouillaient pas et n'ajoutaient pas plus de poids que d'habitude. Il aurait pu se croire dans l'air, bien qu'il flottât sans la moindre difficulté, non loin de la surface. Le Zora soupira et finit par lui indiquer son cou. Le chevalier y posa sa main et sentit le contact lisse d'une écaille. "Nous t'avons confié notre pouvoir, tu peux désormais respirer et te mouvoir sans la moindre difficulté dans l'eau. Tu es comme l'un des nôtres. Tu possèdes l'écaille Zora." expliqua l'homme se mouvant avec grâce. Link ouvrit grand la bouche pour exprimer sa surprise, l'eau ne tentant même pas de s'y infiltrer. Les Zoras étaient vraiment de parfaits hôtes. Le chevalier réfléchit quelques instants, l'air songeur. Il héla le garde qui s'apprêtait à partir afin de lui demander conseil "Où puis-je trouver la salle du roi ? J'aimerais le remercier et m'entretenir avec lui. Je suis un émissaire du seigneur d'Hyrule." Link exagéra son statut et le garde hocha docilement la tête, comme si tout était parfaitement logique. "Va à la surface, c'est tout droit, tu allais dans la bonne direction tout à l'heure. Il ne doit pas voir grand monde en ce moment, profites-en" accorda le garde en pointant en direction du ciel. Le chevalier le remercia et se hâta de sortir de l'eau. Il devait à tout prix en savoir plus. Peut-être le roi savait-il où se trouvait Zelda. Peut-être n'était-il pas trop tard ! Le coeur de l'Hylien se mit à battre fort dans sa poitrine, l'espoir lui redonnait le moral. Le monde d'Hyrule était beau dans ce présent-ci, il devait tout faire pour le préserver tel quel. Et cela commençait par sauver la Princesse de la Destinée choisie par les déesses.
Link sortit du bassin dans lequel il s'était réveillé. Un couloir de pierre de corail se poursuivait droit devant dans la grotte, menant très probablement au roi. Une bifurcation était possible, mais un panneau stipulait qu'il s'agissait de la sortie. Le jeune Hylien marcha donc jusqu'à se trouver face à une grille de métal parfaitement entretenue. Il distinguait au loin un petit jardin exotique, les plantes ressemblant à celles tapissant le fond des océans. Deux gardes surveillaient farouchement l'entrée du palais. Le couloir de la grotte n'était pas bien grand, on distinguait une nette coupure entre corail sauvage et travaillé. Les murs extérieurs du palais étaient à motifs de briques et du lierre semblable à du cristal grimpait le long de l'armature. Le chevalier déclina son identité en s'inclinant respectueusement. Les Zoras ouvrirent la grille sans la moindre méfiance, reconnaissant l'homme inconscient qu'ils avaient ramené jusque dans le bassin principal. Link se retrouva dans le jardin royal, avançant lentement. L'endroit était d'une taille modeste, paraissant presque petit vu qu'un large étang aux couleurs attrayantes de l'eau pure occupait un bon tiers de l'endroit. Droite et gauche étaient explorables, mais il ne s'agissait pas de la salle du trône et le roi ne s'y trouvait pas. Les deux pseudo-tours devaient servir à d'autres Zoras. Le jeune garçon observa quelques instants le bassin alimenté par une cascade et constata une ouverture un peu plus basse. Il plongea tête la première et passa dans un tunnel faiblement éclairé par des plantes aquatiques lumineuses. Lorsqu'il émergea à nouveau hors de l'eau, il se dépêcha de se relever, constatant qu'il était arrivé à destination. La salle du trône était magnifique malgré sa petite taille et une hauteur vertigineuse. Les murs étaient en pierres bleues assez foncées, ornées de saphirs, turquoises, aigues-marines et cristaux. Des cascades serpentaient dans les lieux et deux petits bassins rectangulaires s'étendaient sur les côtés. Le sol n'était quant à lui pas vraiment travaillé, l'eau y allant et venant l'ayant grandement érodé. Face à lui, le roi Zora, imposante créature aux yeux globuleux se tenait bien haut sur son trône, entouré de toute une cour prête à réaliser ses moindres caprices. Link s'inclina à nouveau subjugué par la beauté et après autorisation du roi, il prit la parole :
"Je suis un chevalier sous ordre du souverain d'Hyrule et de la princesse. J'ai été envoyé aux côtés de cette dernière pour vous supplier de ne pas rompre vos accords commerciaux avec notre royaume, se présenta l'Hylien préférant immédiatement tirer les choses au clair. Ghirahim avait probablement tout inventé, mais il valait mieux se montrer prudent.
- Je vois parfaitement qui tu es, la princesse elle aussi a été récupérée au sein du domaine Zora suite à votre affligeante bataille contre cet étrange démon. Nous n'avons osé agir que lorsqu'il s'en est allé, il semblait armé d'une telle cruauté... expliqua le roi avec le plus de franchise possible. Il poursuivit afin de répondre à son invité, nous n'avons jamais tenu à rompre contact avec le roi d'Hyrule ! Ces accords sont parfaitement justes et notre commerce n'a jamais été aussi florissant ! Je crains qu'il n'y ait là un malentendu si c'est dans ce but que vous avez demandé audience...
- Le roi a reçu une lettre de votre part, où vous menaciez de cesser tout marchandage avec nous. Je suis heureux de constater qu'il ne s'agissait là que d'une mauvaise plaisanterie. La princesse Zelda se doutait du malentendu... où est-elle désormais ? demanda Link qui ne pouvait attendre plus, brûlant d'impatience !
- Je vois, vous avez bien fait de venir au lac Faroria. Je vais immédiatement prévenir le roi pour le rassurer et lui confirmer notre alliance. Merci d'avoir risqué jusqu'à vos vies simplement pour de mauvaises rumeurs... La princesse... ne s'est toujours pas réveillée. J'ai peur qu'elle ne soit tombée dans le coma, le traumatisme a été trop fort et son organisme en souffre encore. Les meilleurs médecins du domaine sont à son chevet, dans la tour est du palais, celle à votre droite lorsque vous pénétrez dans le jardin... indiqua le roi Zora compréhensif animé par la compassion. Une pitié que Link n'appréciait pas trop, mais il la savait sincère alors il ne prit peine de l'indiquer à sa souveraineté.
- L'homme que vous avez vu et qui a gelé le lac est le mal qui ronge Hyrule, il est probablement l'auteur de cette lettre et son but premier devait être de nous attirer au lac pour supprimer la princesse ! Nous devons à tout prix la sauver ! Si elle venait à mourir, il aurait gagné, vous comprenez ? souffla le jeune homme une main sur le coeur, enjolivant ses paroles pour mettre le roi Zora de son côté. Zelda n'avait pas le droit de mourir ! Non seulement pour le royaume... mais aussi pour lui.
- Vous pouvez compter sur notre soutien, bien entendu. Je dirai au roi que vous vous reposez chez nous, je ne lui préciserai pas l'état de sa fille, cela ne ferait que l'inquiéter en vain. Avec un chevalier aussi dévoué, il serait surprenant qu'elle ne se décide pas à rouvrir les yeux, sourit le roi compréhensif et amusé par le comportement de l'Hylien protecteur. Link se mit à rougir.
- Je... je vous remercie de votre confiance ! Je vais de ce pas retrouver la princesse et tout faire pour son bon rétablissement ! Vous pouvez compter sur moi, conclut le chevalier rouge en hâte. Il repartit en courant, ne préférant pas attirer l'attention. Le roi le salua et l'observa partir avec un oeil rieur. La jeunesse se passionnait et s'enflammait toujours si vite et pour si peu, alors que la vieillesse montrait les choses sous un angle tellement différent... et plus calme."
Link courait à en perdre haleine, ignorant son dos douloureux tentant de lui rappeler la réalité des choses. Le jeune Hylien n'en avait que faire, seule Zelda comptait. Elle était en vie, c'est le plus important. Et tant qu'elle ne souffrait pas, le chevalier était comblé. Après avoir franchi le bassin du jardin royal, il se rendit immédiatement à la tour est sans prendre le moindre détour. Il n'avait pas le temps, Zelda endurait peut-être bien plus dur que lui. Il passa en trombe et gravit les marches sans prendre soin de demander son chemin à quelconque serviteur. La tour en question était assez petite et l'Hylien parvint bien vite à sa destination. Il se trouvait désormais dans une chambre ronde uniquement pourvue d'un large lit et d'une moustiquaire faite d'eau. Etrange impression que ce doux flot protégeant la princesse, les Zoras usaient probablement de leur magie. Un médecin et son infirmier se trouvaient présent à son chevet, sans réellement agir. Ils étaient dans l'attente, tout comme Link s'approchant à pas lent. Son regard se teinta d'une légère tristesse appuyé par la compassion qui l'envahissait soudain. La princesse ne souriait plus, les yeux clos, elle semblait dormir à jamais. Sa peau était pale et son teint à lui seul indiquait sa mauvaise mine. Elle n'était pourtant pas malade mais cela paraissait tout comme. Une maladie dangereuse et mortelle pour plonger la Princesse de la Destinée dans un sommeil éternel. "Elle faiblit..." soupira le médecin impuissant. Il secoua la tête, l'air désolé "Elle n'a aucune raison de mourir, d'un point de vue médical, tout est parfaitement normal. Pourtant... elle ne se réveille pas, elle semble rêver pour l'éternité, comme si une quelconque douleur l'avait frappée. Je ne peux rien faire, je suis désolé. Il en va de sa volonté..." Le médecin se releva et s'inclina devant un Link guère rassuré pour ne pas dire apeuré devant de tels propos défaitistes. Le Zora lui dit gentiment "Ne vous rongez pas trop les sangs, vous ne pouvez rien faire. Je me retire et vous laisse seul avec elle. Je reste un étage en dessous si vous avez besoin de mon aide..." proposa le médecin se dirigeant vers les marches de l'escalier cristallin. Link ne daigna même pas le regarder s'en aller, lui et son assistant. Il avait bien d'autres maux auxquels penser.
"Je suis désolé, Zelda. Si seulement tu n'étais pas intervenue ! Tout est ma faute ! Pardonne-moi..." Les yeux humides, le jeune Hylien se retint de pleurer pour se jeter à genoux, au chevet de la jeune fille. Le mince filet d'eau disparut au contact du chevalier avachi. Il se saisit de la main de son amie sans un mot, n'osant plus bouger. Il se sentait plus que jamais coupable et sa culpabilité lui déchirait le coeur. Il s'agissait de son amie d'enfance, princesse de surcroît... Ce n'était vraiment pas la personne qu'il souhaitait voir disparaître. Il resta un long moment à contempler la main frêle de la jeune fille pâle. Son pouls était faible et cet état ne fit que plus alarmer Link. "S'il te plaît, ne meurs pas, ne renonce pas ! Ne m'abandonne pas, je ne pourrai pas me battre seul, pas sans toi..." Des minutes filèrent ainsi, les larmes vinrent perler sur le visage de l'Hylien qui ne s'en rendit même pas compte. Il ne pensait qu'à Zelda et oubliait tout de lui-même. Après un long moment, il se releva en essuyant ses larmes et lança sur un air de défi emprunt de douleur "Je me fiche pas mal si tu renonces à vivre ! Moi, je vais trouver un moyen de te ramener ! Que tu le veuilles ou non !" Il partit en courant ne supportant plus la vision d'horreur. Il avait besoin d'air de toute urgence. Le médecin Zora ne prit peine de le retenir et l'observa simplement descendre les marches en furie. Refusant l'inacceptable, Link se rendit à l'intersection et bifurqua pour aller au bassin extérieur. Il se fichait pas mal des regards se tournant à son passage. Plus rien n'avait d'importance tant que Zelda serait ainsi.
Link alla s'échouer non loin de l'entrée, sur une petite plage sablonneuse. Il s'agissait toujours de la caverne et d'un lieu sans issue mais nul plafond n'empêchait de voir le beau ciel bleu déclinant lentement. Les pieds dans l'eau, les bras croisés et la tête enfouie, le chevalier resta des heures les yeux dans le vague. Nulle solution ne lui venait à l'esprit et cela ne pouvait que d'autant plus l'enrager. Comment changer la volonté d'une personne si celle-ci s'était résignée ? Il songea longuement à son amie habituellement si souriante et enjouée. Renoncer ainsi à la vie ne lui allait pas, elle n'était pas comme ça ! Lorsque la nuit commença à assombrir le ciel de ses ténèbres obscures et dévorantes, une faible lueur s'approcha de l'Hylien se retenant d'hoqueter sans grand succès. La lumière vint se poser sur la tête de Link, aussi délicate que le souffle du vent. Percevant une présence, le chevalier se releva immédiatement, les sens en alerte. Lorsqu'il s'aperçut que la lueur était en réalité une petite fée battant difficilement des ailes, il se rassura. La lumière qu'elle émettait était d'un très beau rose, presque rouge. Le jeune homme en avait déjà entendu parler mais n'avait encore jamais vu pareille créature. Il mit ses mains en coupe au-dessus de la fée de peur que celle-ci ne tombe à terre. Mais la lueur ne daigna accepter tel réconfort et s'éloigna à l'opposé du domaine, en direction d'une caverne un peu plus loin. Une voie au loin l'appela "Je puis soigner les blessures du coeur, viens à ma rencontre, suis mon messager. Là où je vis, tu oublieras tous tes soucis. Ma lumière viendra accompagner la victoire et tes voeux les plus chers s'exauceront." Intrigué par de telles propositions, Link suivit la fée avec la plus grande prudence, se demandant si la situation pourrait si vite s'arranger. Il pénétra dans la grotte, le coeur battant, l'espoir réanimant ses forces endormies. La tristesse peignant ses traits attirait la compassion des grands esprits.
L'endroit n'était éclairé que par la faible lueur de la fée, continuant son chemin sans prendre peine de vérifier l'état de l'homme qu'elle guidait vers le fin fond de la caverne. Peu à peu, le sol irrégulier fit place à un carrelage aux allures royales. Des symboles de la Triforce ornaient de-ci de-là l'endroit mystique. Plus s'avançait l'Hylien et plus l'atmosphère se teintait d'étranges poussières colorées d'où émanait une source de lumière assez faible. Les limites ne semblaient pas discernables, si ce n'est pas la poussière, qui, mélangée à de l'eau, cascadait sans fin contre des murs quasi-invisibles. La fée arrivée à destination disparut sur le champ libérant une fumée rosâtre n'inspirant guère le chevalier réticent. Link buta contre une délimitation qu'il n'avait pas aperçue auparavant. En forme de demi-disque, une fontaine s'étendait, impétueuse et chaleureuse. Le mur du fond bien visible portait deux torches qui s'allumèrent brusquement. Deux flammes magenta achevèrent d'illuminer la pièce. Des colonnes s'élançaient jusqu'au plafond de la caverne, indiscernables du premier coup d'oeil tant l'endroit semblait spacieux. La surface de l'eau s'agita en douceur, une femme ailée et vêtue d'une longue robe translucide, tout comme sa peau faite de poussière rose, apparut. Elle était d'une beauté inégalable, un charme peu commun, transcendant tout être. Elle semblait appartenir au divin et sa vision enchanteresse fit oublier toute méfiance à Link ensorcelé. Ses traits fins dessinèrent sur son visage une expression complexe. Elle était attristée et pourtant, son sourire hésitant aurait pu rassurer n'importe quel être vivant en Hyrule. Le chevalier resta cloué sur place sans oser formuler une seule phrase.
"Tu t'appelles Link, n'est-ce pas ? questionna la femme, une main sur le coeur en ajoutant, je suis une grande fée. Je guide les âmes égarées jusqu'à moi et leur offre l'espoir qu'ils ont perdu. Je peux guérir toutes les douleurs qui te hantent et te rongent l'esprit. Je sens une énorme tourmente en toi.
- Je... Je ne veux pas de votre guérison, en ce qui me concerne, je n'en ai pas besoin ! se défendit le chevalier en baissant tristement la tête. Il se fichait pas mal de retrouver le sourire si Zelda mourrait sans qu'il ne puisse agir.
- Pourquoi refuser cette paix à laquelle tu aspires tant ? Laisse-moi au moins guérir les blessures physiques qui handicapent ton corps, proposa la grande fée navrée d'un refus aussi catégorique.
- Parce que je n'ai que faire de ce qui me revient sans le moindre effort. Je ne désire pas vivre ainsi. Je ne recherche pas la sérénité, fit remarquer Link espérant pouvoir dériver sur le cas de son amie d'enfance. Si cet esprit tenait vraiment à l'aider, alors il devait s'occuper de Zelda et non de lui.
- Mais alors, pourquoi es-tu si endeuillé ? J'ai perçu ta peine sans pouvoir en déceler la source toute la journée. Quand la Lune est apparue plus lumineuse que jamais dans le ciel, je me suis décidée à agir. Tu parais pur et armé des plus belles intentions au monde, je ne pourrai refuser mes services à pareille innocence... s'émerveilla la grande fée chamboulée par la définition de cet être boudeur. Link soupira devant un tel portrait et cela ne fit qu'augmenter son mal être.
- Vous ne comprenez effectivement pas, approuva Link s'armant d'un rire amer avant de reprendre, vous ne m'êtes d'aucun secours contre la mort ! Si vous me trouvez aussi pur alors vous devez ressentir la pureté d'une toute autre âme au sein du domaine ! Et le problème est tout là...
- Oh. Parlerais-tu de cette jeune fille plongée dans un profond sommeil ? Son stade de dormance ne m'a guère inquiété. Telle que je la ressens, elle devrait s'éveiller en pleine forme dans quelques années, guérie du traumatisme qui semble la pousser au repos ! clama la femme ailée réjouie, en joignant ses mains.
- Tout est vraiment perdu alors... murmura Link les larmes aux yeux. Il ne pourrait jamais attendre des années, le mal se serait emparé d'Hyrule bien avant qui plus est. Zelda n'avait pas le droit de dormir ainsi et de le laisser seul ! Serrant les poings, l'Hylien ne dit mot, profondément meurtri.
- Mais, je ne comprends pas, je viens de t'annoncer une bonne nouvelle ! Tu devrais être heureux ! contesta la grande Fée avec étonnement, se penchant un peu plus en avant, aux côtés de Link.
- Non, chaque heure poursuivant son sommeil est un poids en plus sur mes épaules. Ma culpabilité est telle que je ne pourrai jamais me relever. Son repos entraînera ma mort, insista l'Hylien au comble du désespoir, tentant de faire réagir la fée dans son sens.
- Oh non, arrêtez ! Ne dites pas de telles choses ! Je peux sauver la fille chère à votre coeur, j'en suis persuadée. Je peux apaiser son esprit embrumé et la faire se relever ! Mon pouvoir de guérison est illimité mais comme toute chose il a un prix assez élevé... expliqua la femme ravivant l'espoir du chevalier pour qui rien n'était impossible s'il s'agissait de sauver Zelda.
- Vous devez absolument lui venir en aide ! Dites-moi ce que je dois faire ! Je suis prêt à tout pour lui redonner vie, souffla Link faisant un pas en avant, se rapprochant de la grande fée pour lui montrer tout son courage et sa détermination.
- Je me doutais que tu dirais ça, tout du moins je l'espérais. Qui est cette jeune fille pour toi ? Et que serais-tu prêt à faire pour elle ? questionna la femme translucide d'une voix apaisante et ensorcelante.
- Elle est tout ce que j'ai ! La vie n'a plus grand intérêt, tout comme ma mission si je n'ai plus sa présence à mes côtés ! Je ne pourrai pas me battre avec conviction sans elle ! J'ai besoin d'elle, je serais prêt à n'importe quoi pour la sauver ! Je suis coupable, je pourrais braver la mort, juste pour la faire redevenir comme avant, juste pour son sourire ! répondit le chevalier déterminé. Il ne pouvait qu'avoir des pensées positives concernant Zelda, qu'importe ce que lui exigerait la fée, il se promit de le réaliser.
- Une âme animée ainsi du désir de vie pour l'autre fait preuve d'une force rare. Cette force peut permettre de la sauver. Mais je doute que ton amour soit assez fort pour cela, provoqua la grande fée se voulant méprisante.
- Je ne suis pas... commença Link devenu rouge en écoutant les paroles de la femme.
- La mort doit advenir quoiqu'il advienne et chercher à l'éloigner de la vie en réveillant une personne d'un profond coma ne se fait pas sans mal. Oui, la mort appelle la vie, si l'énergie vitale n'est pas donnée alors un sacrifice doit être fait, révéla la grande fée les paroles emplies de sagesse. Cette nouvelle fit oublier à Link sa gêne soudaine.
- Un sacrifice... Cela signifie... donner sa propre vie en échange de celle de la princesse alors... souffla Link les yeux dans le vide. Il ajouta décidé, je vous l'ai dit. Je ferai n'importe quoi pour son rétablissement. Faites de moi ce que vous voulez ! Je suis prêt à donner ma vie pour elle, ce ne sont pas des paroles en l'air ! C'est un serment !
- Non, je n'allais pas jusqu'à de telles excès. Cette fontaine est remplie de vie et de mon pouvoir. Je dois pouvoir la soigner à l'aide de mes messagers. Mais si tu veux la voir revenir à toi, tu devras simplement me promettre plusieurs choses. Ton âme est vraiment pure, ne la gâche pas en sacrifice futile, tu n'y gagnerais rien. Et ce serait alors grande perte pour Hyrule. Je ne doute pas un seul instant de ta vaillance, oui, tu dis probablement vrai, tu pourrais faire n'importe quoi pour elle. Mais, ce n'est pas ça que je te demande, contredit la grande fée tout sourire.
- Très bien... Je... je vous en remercie alors. Dites-moi alors ce que vous attendez de moi, accepta Link sans un regard en arrière. Il sourit intérieurement, une main sur son coeur apaisé, il avait trouvé le moyen de sauver Zelda et de se faire pardonner. Il allait réparer ses erreurs.
- Parfait. Alors, jure-moi de protéger cette fille jusqu'au bout, de ne pas faillir et de vivre pour elle. Sans toi, elle n'aurait plus de protection. Aussi, promets-moi de ne pas t'en vouloir. Tu as parfaitement agi, tu n'aurais pu faire mieux. Ma rencontre n'est pas un simple hasard, j'ai toujours su que tu viendrais. Attention, si tu ne respectes pas ton serment, tu auras affaire à mon pouvoir ! mit en garde la femme ailée qui malgré un regard dur continuait de paraître douce et surtout attendrie par un tel courage.
- Vous ne m'en demandez pas plus ? C'est déjà ce que je m'impose moi-même, ce que mon coeur me dicte de faire ! constata le jeune Hylien étonné d'une telle clémence. Il reprit bien vite son sérieux, c'était ainsi qu'il avait toujours imaginé les fées. Des créatures compatissantes toujours prêtes à aider et panser les blessures des mortels. Elles remplissaient le rôle que leur avaient soigneusement transmis les déesses.
- Je ne suis ici que pour alléger ton âme et je pense ainsi réussir. T'en demander trop serait contraire à mes principes. Link, laisse-moi guérir ton dos puis amène-moi la fille qui t'est chère. Je lui ferai à nouveau revêtir ce visage que tu aimes tant."
Le chevalier s'inclina solennellement et accepta. Il ne pourrait porter Zelda jusqu'à la fontaine dans un tel état. Ecoutant pour la première fois son corps meurtri, il plongea dans l'eau aux reflets d'argent. De multiples lueurs vinrent à lui et des fées refermèrent la plaie sans la moindre complainte. La plupart s'éteignirent, tombant mollement au fond de la fontaine. Remis sur pied et désolé pour les quelques fées, Link repartit au plus vite, en pleine forme. Il courut jusqu'au domaine remerciant mille fois la grande fée amusée.
Le chevalier arriva haletant à la tour est du palais du domaine Zora. Il ne prit peine d'expliquer au médecin la situation et fila à l'étage où reposait innocemment la princesse dans son sommeil réparateur. Il se saisit de Zelda, le plus délicatement possible et tout en la portant, les paroles de la grande fée résonnèrent en lui "Une âme animée ainsi du désir de vie pour l'autre fait preuve d'une force rare. Cette force peut permettre de la sauver." Il marcha difficilement sans la moindre complainte jusqu'à la fontaine. Il songeait, perdu dans ses pensées, à la force dont avait parlé la femme. De l'amour, quelle étrange idée. Il s'était toujours refusé un sentiment aussi fort pour son amie d'enfance ne se jugeant pas du même monde qu'elle. Elle était bien trop inaccessible pour cela. Elle était princesse et même Princesse de la Destinée désormais. L'amour ne pourrait alors s'avérer être que souffrance, une maladie qu'il ne voulait pas reconnaître. Mais les mots de la grande fée demeuraient, comme si son coeur prenait un malin plaisir à les lui rappeler. Il observa la beauté du corps fragile qu'il tenait entre ses bras et se sentit tout chose. Se reprenant vite, il maudit la femme ailée quelques instants pour avoir ainsi déclaré évidence ce qui ne devait surtout pas l'être. Ainsi tourmenté, ne sachant guère si la chose s'avérerait ou non positive, il parvint à la fontaine où l'attendait encore la grande fée souriante et compatissante devant le corps faible de Zelda. "Ses douleurs vont s'achever, n'aie crainte. Rejoins-moi au centre de la fontaine et reste auprès de ton amie. Son éveil est proche." L'Hylien acquiesça timidement et entra au coeur de l'eau tiède sans la moindre peur. Les petites fées se tinrent à bonne distance, n'osant pas approcher, leur maîtresse leur défendant tel acte. Link plongea la princesse au centre de la fontaine, prenant soin de tenir sa tête hors de l'eau. La grande fée observa son geste et sourit, le chevalier ne put s'empêcher de rougir, mal à l'aise. La femme n'y prêta guère attention. Elle se mit à chanter de sa voix cristalline et délicate. Zelda se mit à flotter à la surface sans que Link n'ait besoin de la porter. Il s'émerveilla lorsque la source s'illumina sous l'influence du chant de la femme. La fée se rapprocha de la princesse et fusionna avec elle, lui transmettant toute la force dont elle disposait. Un halo de lumière entourant Zelda reprenant immédiatement des couleurs. Link s'horrifia de voir ainsi la grande fée disparaître mais une voix s'éleva peu après "N'aie crainte, je ne peux mourir. Je dois simplement recouvrir mes forces pour retrouver ma forme finale et humaine. J'ai besoin pour cela de sceller quelques semaines mon esprit. J'espère te revoir et souris, l'être qui t'es cher reprend vie. Elle s'éveille." Link leva les yeux au ciel et sourit, remerciant dans un frêle murmure la femme.
Zelda rouvrit lentement les yeux, cessant peu à peu de flotter à la surface de la fontaine. Link la rattrapa immédiatement pour lui faire éviter de plonger au fond, le centre étant l'endroit le plus profond. Il mena la princesse au bord tandis qu'elle achevait de se réveiller, égarée. La jeune fille sourit en apercevant le visage de Link, première chose qu'elle reconnut. Encore fébrile et hésitante, elle déclara dans un souffle "Je n'ai fait que rêver de toi..." Le chevalier lui rendit son sourire, la soutenant avec force et fierté. Attendri, il l'observa se lever et reprendre ses esprits. Elle était saine et sauve, sans la moindre séquelle. Son visage était toujours aussi rayonnant. La vie de Link reprit ainsi son cours normal. Il était enfin apaisé, le sourire de son amie lui indiquant qu'elle ne lui en voulait pas. Il s'était probablement inquiété pour rien. Link et Zelda restèrent longtemps ainsi, l'un dans les bras de l'autre, sans que cela n'ait grande importance. Non, l'essentiel était de retrouver l'autre. Ils s'unissaient à nouveau, les pires épreuves ne pouvant les séparer complètement. L'aventure pouvait se poursuivre. Ghirahim périrait, Link s'en fit la promesse, il paierait pour son acte égoïste et sa soif de pouvoir. Ensemble, ils atteindraient la Porte du Temps avant leur ennemi. Rien n'était impossible à deux. Le jeune Hylien préféra enfermer sous clé les paroles teintées de vérité de la grande fée. Le moment était mal choisi pour y songer...
"Link, je ne pourrai jamais assez te remercier pour m'avoir tiré de cet horrible coma. Je suis sincère, néanmoins, nous ne pouvons pas oublier l'essentiel. Nous devons immédiatement nous mettre à la poursuite de Ghirahim, nous avons perdu un temps précieux !" s'exclama la princesse tandis que le duo sortait tout juste de la caverne où reposait désormais la grande fée. Link s'étonna et protesta vivement devant un tel entrain, "Zelda ! Tu as besoin de repos ! Tu ne peux pas partir comme ça et faire comme si de rien n'était ! Tu te remets à peine des derniers événements !" La princesse continua de vivement protester à un point tel que le chevalier finit par accepter. Il ne pouvait jamais rien refuser à son amie, et cela s'avérait encore plus vrai maintenant qu'elle sortait tout juste d'une si terrible épreuve. Ils saluèrent donc une dernière fois le roi Zora, le remerciant pour son accueil chaleureux. Il fut ravi de voir Zelda en pleine forme et vanta les mérites de Link devenant bien vite rouge vif. Ils furent autorisés à conserver tous deux l'écaille Zora leur permettant de respirer sous l'eau, un présent qui ne manquerait pas de leur servir, ils en étaient certains ! "Je préviendrai votre père que vous partez directement pour la vallée du Dragon ! Il n'aura ainsi pas à s'inquiéter. Faites bon voyage et encore merci d'avoir pris la peine de nous prévenir de tous ces malentendus." Link plongea une dernière fois au coeur du bassin principal servant de place centrale au Zoras. Il alla jusqu'à sa chambre récupérer tout son équipement qu'il avait pris soin de laisser de peur d'effrayer la population locale. Il observa un dernier instant l'endroit magnifique semblant taillé dans le cristal et repartit avec Zelda. Le Célestrier de Link avait patiemment attendu à l'extérieur, fidèle quoiqu'il advienne. Les deux amis se sourirent et enfourchèrent l'animal prêt au décollage. La princesse tint fermement Link, la tête contre son épaule, préférant fuir la vue du lac Faroria. Le jeune Hylien ne sut pas quoi dire pour la rassurer, l'épreuve était terminée, certes, mais le souvenir se voulait éternellement présent...
"Nous n'en avons que pour deux heures environ de trajet ! Mon Célestrier nous déposera immédiatement au Village de Lanelle, nous pourrons nous renseigner sur place concernant la Porte du Temps." proposa Link flattant l'encolure de l'oiseau vermeil. Zelda approuva, heureuse de constater que son ami avait déjà prévu le moindre détail de l'expédition. Il filait dans le ciel, à une hauteur raisonnable, la lune émettait ses doux rayons d'argent. Ils arriveraient en fin de soirée, n'ayant guère pris la peine de se reposer auprès du peuple Zora. Link parvenait à guider sa monture sans trop de difficultés, le ciel parfaitement dégagé et sans le moindre ennemi offrait une balade calme et tranquille. Ils survolèrent bien vite la plaine d'Hyrule et les alentours de la citadelle, point le plus lumineux du royaume. La vie pulsait encore et l'effervescence ne semblait pas encore prête à s'achever malgré l'heure tardive. Zelda observa le palais, splendide en pleine nuit, avec un brin de nostalgie. Elle se ressaisit bien vite, accompagner son ami d'enfance dans ses maints périples n'avait pas de prix. Link ne disait mot et ne prenait guère la peine d'observer le paysage, trop occupé à conduire le Célestrier. Le voyage assez silencieux s'accompagna de quelques sourires et coups d'oeil entre les deux amis trop heureux de se retrouver. Lorsque la vallée du Dragon fut en vue et la nuit bien entamée, Link prit la parole "Je sais que tu veux retrouver Ghirahim au plus vite, et nous ne tarderons pas à arriver à destination... Mais je ne pourrai pas tenir ainsi longtemps, j'ai besoin de sommeil pour repartir de bon pied demain ! J'espère que tu ne m'en voudras pas, peut-être que notre ennemi prendra de l'avance cependant..." commença-t-il hésitant. Le Célestrier se tourna légèrement pour observer son maître, tentant de le rassurer. Le chevalier sourit en observant la créature agir ainsi. Zelda éclata de rire, ce qui ne manqua pas de surprendre Link. "Evidemment, nous dormirons dès que possible, je ne veux pas que tu perdes tes moyens face à Ghirahim ! Et puis, les balades en Célestrier doivent être éreintantes à mener. Ne t'inquiète pas pour ça !" L'Hylien remercia la princesse et les joues rosies, il invita sa monture à voler un peu plus bas. La vallée du Dragon était un magnifique lieu, où l'abondance semblait être reine. Quelques lacs et étangs parsemaient les champs d'herbes vertes. Quelques arbres ici et là s'étendaient, majestueux. Plus loin, bien au-delà de leur destination, la mer était visible, accompagnée d'une plage au sable fin. Il ne semblait pas exister plus bel endroit au monde, le village de Lanelle s'était construit au coeur de l'idylle, là où autrefois l'aride régnait pourtant. La nuit ne permettait pas de déceler l'entière beauté des lieux mais laissait fort heureusement le loisir d'apercevoir l'aimable bourgade, faiblement éclairée au loin par quelques torches. Link et Zelda retinrent leur souffle, subjugué de leur première visite des lieux. Le Célestrier se posa en douceur et laissa descendre ses maîtres. Le chevalier ne se préoccupa pas de l'oiseau, celui-ci avait très certainement déjà repéré un magnifique lac en vol et y passerait quelques jours en solitaire.
Le duo s'avança jusqu'au village, sans le moindre garde pour contrôler leur identité. Les Habitants de la vallée du Dragon semblaient peu méfiants et la petite cité ne s'était même pas pourvue de murailles, confiante. Link et Zelda se fondirent ainsi dans la masse, chacun de leur pas s'accompagnant de regards curieux étaient une raison de s'émerveiller. Leurs yeux allaient et venaient des constructions bâties visiblement en un mélange de terre cuite, pierre de sables et autres roches bien plus solides encore. Le village était très espacé et s'étendait sur des centaines et centaines de mètres. Les maisons étaient toutes assez géométriques et faisaient gagner de la place puisque les jardins privés plus ou moins exotiques se trouvaient sur les toits. Les chemins étaient soigneusement dallés et assez sinueux, serpentant dans le village de part et d'autre. Deux ou trois bâtiments bien plus importants comportaient des différences d'architectures, innovant avec bois et autres matériaux abondants en ces lieux. La cité s'organisait d'une manière quelque peu surprenante. Elle ne suivait pas réellement de plan bien carré et parfaitement délimité, non, il s'agissait en réalité de rue s'étalant en rond. Le plus souvent en leur centre, on y découvrait de petits étangs parfaitement aménagés. Le dépaysement total n'eut de cesse de surprendre le duo cherchant simplement une auberge pour la nuit. La plupart des habitants du village de Lanelle semblaient être rentrés chez eux et nul ne put les renseigner. Fort heureusement pour les deux amis, la seule auberge du hameau se distinguait largement du reste et ils la repérèrent bien vite sans doute possible. La pancarte installée au préalable indiquait d'une calligraphie soignée "Auberge du Galion des Sables". Amusé par le nom et assuré de se tenir devant un lieu où quémander repos, le duo rentra sans la moindre gêne et curieux de pouvoir admirer l'intérieur des bâtiments. Cela promettait si l'intérieur était aussi beau que l'extérieur.
Contrairement aux alentours plutôt déserts, l'auberge en elle-même était animée et une bonne vingtaine d'hommes et femmes du village bavassaient tranquillement. Quelques-uns sur des tables, d'autres au bar. Un étrange squelette ressemblant à un capitaine jouait difficilement du piano, l'endroit portait ainsi bien son nom. Le duo s'approcha du comptoir, observant les magnifiques fontaines jalonnant leur route. Ils obtinrent rapidement une chambre pour deux, à un prix tout à fait respectable. Ne préférant pas partir sans glaner quelques informations, les deux amis s'installèrent à une table au coeur de la cohue et de l'agitation. Un musicien errant portant une flûte, accompagné d'un étrange androïde volant se postèrent bien vite devant Link et Zelda.
"Vous souhaiterez probablement un verre avant d'aller dormir, je suis à votre écoute, proposa le robot d'une voix métallique.
- Et si les efforts de notre pianiste ne vous suffisent pas, je peux chanter pour vous. Je ne suis pas un barde bien cher vous savez, insista le musicien en montrant sa flûte en bois ornée de mille et un symboles.
- Les robots de la vallée de Lanelle, c'est la première fois que j'en vois ! Ils sont incroyables, s'extasia Link en observant l'étrange création voleter bruyamment au-dessus de la table.
- Une tisane thé vert me suffira, je n'ai pas envie de plus, accepta la princesse constatant que son ami était bien trop occupé à contempler l'androïde pour commander.
- Bien mademoiselle, je reviens immédiatement ! Je laisse le temps à monsieur pour son choix, qu'il m'en fasse part à mon retour ! Je suis ravi d'attirer tant de curiosité à votre égard. Je me nomme DL-342, androïde de travaux domestiques depuis bien longtemps dans cette auberge. Si vous êtes intéressé par mon style de modèle, vous pourrez parler à mon maître, il vous dira où il m'a acheté ! répondit aimablement le robot en retournant au bar, occupé à remplir sa commande. Le barde attendait toujours une réponse du duo, patiemment.
- Link, peut-être pourrions-nous demander des renseignements à ce musicien ? Personnellement, je n'ai pas envie de l'écouter chanter mais... souffla Zelda à l'adresse du chevalier uniquement. L'Hylien approuva d'un hochement de tête.
- Nous ne sommes pas intéressés, je suis désolé. Néanmoins, nous aimerions beaucoup en apprendre plus sur la région, accepteriez-vous de bavasser tranquillement à notre table à nos côtés ? quémanda Link de l'avis de la princesse.
- J'aurais adoré telle proposition mais la nuit est le moment où je me fais le plus d'argent ! Je préfère refuser cette offre, demandez donc aux robots, ils sont là pour rendre service, refusa le musicien en s'éloignant sans plus d'amabilité. Les deux amis haussèrent les épaules et ne se formalisèrent pas pour autant. Le mode de vie semblait complètement différent dans ce village. Tout reposait sur les robots destinés à venir en aide aux humains. Tandis que le barde s'éloignait en empoignant fermement sa flûte, DL-342 revenait, portant soigneusement un plateau d'argent où se tenait la commande de Zelda.
- Voilà votre tisane, si cela vous convient, je reviendrai une fois la tasse terminée pour vous indiquer le montant. Les pourboires sont acceptés et seront reversés au village, les robots n'ont pas le droit d'accepter de l'argent, expliqua l'androïde volant en déposant la tisane avec le plus grand soin. Il semblait réciter un texte appris par coeur.
- Hum bien sûr... C'est très gentil à toi, tu as été rapide dans ton service, remercia la princesse en se saisissant de la tasse.
- Monsieur a-t-il fait un choix concernant notre menu ? Interrogea DL-342 en fixant Link. Le robot avait le corps doré et son visage scintillait de maintes couleurs. Deux bras étaient reliés à lui par un courant à forte tension émettant des arcs électriques bleus.
- Non merci, en revanche, si vous avez quelqu'un à nous recommander pour nous en apprendre plus sur les lieux, nous en serions ravis. Nous venons de loin et nous connaissons fort mal la région, raconta Link sans aller jusqu'à mentionner leur quête ou révéler leur identité.
- Bien sûr ! Vous auriez dû m'en faire part bien avant ! Je vous appelle immédiatement DL-323 androïde spécialisé dans les relations Hyliennes. Il pourra vous aider, j'en suis certain, répondit le robot en repartant à vive allure. Sa voix volontaire et mécanique fit sourire les deux amis amusés par de telles rencontres.
- Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a la pêche ce petit ! C'est un bon achat, vanta le chevalier ne quittant pas des yeux le petit robot se faufilant parmi la foule.
- Oui, je n'en avais encore jamais réellement vu. Ces robots doivent leur existence au dragon Lanelle, ils sont vraiment serviables et ne laisseront jamais tomber les êtres humains, accorda Zelda en avalant une gorgée de sa tisane. La tasse était à la température idéale.
- Je me demande combien proposent ainsi leur aide auprès des habitants dans le village. Ils nous évitent bien des peines sans pour autant remplacer ce que nous sommes, ajouta Link émerveillé.
- J'aurais peur d'en finir dépendante. Mais les villageois semblent avoir trouvé le juste équilibre. Ils vivent en harmonie depuis des siècles ! J'exagère peut-être les dates, c'est vrai mais tout de même... soupira la princesse en se tortillant nerveusement une mèche de cheveux. Sans plus de raisons valables, Link se mit à rougir et se calma rapidement. Un comportement que Zelda n'était pas habituée à voir.
- Heum euh, oui ! J'espère que nous aurons le loisir de rencontrer Lanelle un jour ! Sans lui, la région ne serait pas un tel paradis. Oh, voilà le nouveau robot. Il est du même modèle que le serveur visiblement... fit remarquer Link préférant changer de sujet et se concentrer sur le nouveau venu.
- DL-342 m'a dit que vous souhaitiez me voir. Que désirez-vous, nobles voyageurs ? Demanda poliment le robot plus agité que son camarade, il ne cessait de tourner autour de la table et ne pouvait rester sans bouger plus de dix secondes.
- Eh bien, nous aimerions en savoir un peu plus sur les alentours du village. Nous sommes à la recherche de la légendaire Porte du Temps. Un robot de votre âge doit certainement savoir quelque chose, déclara Link flatteur. Il cherchait simplement à complimenter l'androïde, se doutant bien que lui jeter des fleurs ne changerait rien. Il ne devait pas avoir beaucoup de sentiments humains mais après tout, les machines réservaient bien des surprises.
- Ah, j'en ai entendu parler effectivement ! Mais pas depuis très longtemps en réalité. Nous avons accueilli plusieurs voyageurs dernièrement, ils cherchaient tous cette fameuse porte. Malheureusement, je n'en sais guère plus. Cette information ne réside pas dans ma base de données. Certains individus parlaient d'un temple tout à l'ouest de la vallée. Ceci n'est qu'une rumeur, libre à vous de la vérifier, rétorqua DL-323, soigneux dans son type de réponse. Il continua de tourner en rond, semblant réfléchir.
- Probablement Ghirahim pour l'un d'entre eux mais les autres... Je ne comprends pas... hésita Zelda en affichant une mine soucieuse. Link prit la relève, ne souhaitant pas voir son amie se tourmenter pour si peu.
- Pouvez-vous nous montrer ces personnes ? Il nous faut absolument les rencontrer, elles pourront probablement nous aider ! s'exclama le chevalier prêt à supplier l'androïde pour tenter d'en apprendre plus. Il s'agissait là de la toute dernière porte et probablement de leur unique et dernière chance d'empêcher une mort injuste...
- Malheureusement, l'un est parti plus tôt dans l'après-midi, à dire vrai, elle n'a pas vraiment pris peine de s'arrêter au village. Elle me paraissait fort pressée, elle avait la peau noire, enfin marron, mais très jolie. On aurait dit une petite poupée ! Enfin, je m'égare. Les deux autres personnes m'ayant demandé leur chemin se sont rendus près d'un lac. Mais tout n'est pas perdu pour vous, ils ont réservé une chambre dans l'auberge, vous pourrez probablement les rencontrer demain. Mon camarade DL-242 se fera une joie de les prévenir si vous le désirez, proposa le robot en vrai moulin à paroles. Il semblait doté d'une excellente mémoire et aimait afficher ses connaissances afin d'aider. Il abusait peut-être un peu trop de cette faculté.
- Merci oui... Ça sera parfait ! Vous pouvez disposer. Nous ne voudrions pas abuser plus de votre temps, gratifia la princesse en terminant sa tasse.
- Je suis là pour ça, n'ayez crainte. Merci beaucoup néanmoins. J'espère vous avoir été utile, salua le robot en repartant à toute vitesse en direction du comptoir où l'aubergiste bavassait tranquillement avec un client.
- Nous ferions mieux de ne pas tarder et de profiter d'une bonne nuit de sommeil. Nous ne savons pas sur qui nous allons tomber demain, il se pourrait qu'il s'agisse d'ennemis... Je ne veux pas te faire courir de risque ! conseilla le chevalier avec prudence. Zelda en avait déjà bien assez vu comme ça.
- Tu as raison, je vais payer. Ne t'inquiète pas, j'ai confiance en toi, je sais qu'il ne nous arrivera rien, conclut la princesse en se levant pour rejoindre DL-242 et lui remettre le montant demandé."
Le duo ne tarda pas ensuite, éreinté tandis que l'heure tournait. Ils saluèrent l'auberge toute entière qui leur souhaita une bonne nuit dans un brouhaha assourdissant. La fête ne semblait pas prête de se finir en bas.
Le lendemain, le duo s'éveilla de bonne humeur. Link hésita à se plaindre de la qualité de matelas. Il avait cédé le lit deux places à Zelda et avait opté pour celui d'une place en bien mauvais état. Mais il était au service de son amie, il n'était certainement pas là pour exprimer ses caprices. L'aubergiste les remercia et s'enquit de leur nuit, voulant s'assurer que tout allait au mieux. Les deux amis répondirent positivement, sans trop entrer dans les détails. Ils se virent offrir le petit déjeuner par l'homme, d'une excellente humeur. Ne préférant pas protester, ils s'assirent et dégustèrent nombreux petits plats. DL-242 vint immédiatement les voir dès qu'il s'aperçut de leur présence. "J'ai rencontré les deux personnes en question et j'ai pu obtenir un entretien pour vous avec elles. Je vous mènerai là-bas dès que vous le souhaiterez. Nous avons rendez-vous au centre d'un quartier résidentiel tranquille, aux côtés d'un petit lac." expliqua le robot serviable en insistant sur le mouvement de ses bras pendant ses paroles pour bien se faire comprendre. Link et Zelda acquiescèrent et approuvèrent l'idée de partir de suite à leur rencontre. Si les inconnus acceptaient ainsi de les rencontrer, en plein village, il y avait de fortes chances pour qu'il s'agisse d'alliés fort sympathiques. Ou tout du moins, ils ne refusaient pas de coopérer. DL-242 s'inclina et les mena à l'endroit voulu. La ville de jour était encore plus belle que de nuit. Elle perdait peut-être un certain côté mystérieux et ville déserte mais gagnait en beauté. Les Hyliens discutaient tranquillement et les robots proposaient leurs services. Le duo contempla les lieux tout au long de la ballade. Lorsqu'ils arrivèrent à destination, l'androïde se posta devant une personne toute de noir vêtue. Un être fin et élancé que Link reconnut de suite en laissant échapper un cri de surprise. L'ombre ! L'homme qui l'avait trahi dans cet autre futur se tenait devant lui. Il aurait pu croire rêver, et pourtant. L'ancien guide ne riait pas, souriait encore moins. Il se contentait d'un regard vide, sans la moindre expression. Ni sympathique, ni antipathique. Link resta un long moment distant, sans oser agir. Zelda ne comprenait pas le comportement de son ami, elle qui n'avait jamais connu cet homme. Elle ne pouvait certainement pas imaginer telle trahison. Le chevalier finit par dégainer son épée et chargea son ancien allié qui ne broncha pas, une lueur de tristesse au fond de ses yeux brillait. La princesse tenta de le freiner, en vain. "Tu as le toupet de te montrer ici après ce que tu es devenu ! Retourne auprès de ton maître !" rugit Link en frappant de toutes ces forces, les larmes aux yeux. Il rencontra l'épée de l'ombre, comme dégainée par instinct. Comme s'il ne maîtrisait pas vraiment sa lame. Fay apparut aux côtés des deux combattants. Affolée, elle se plaça face à Link, souhaitant par son geste protéger l'ombre. Zelda finit par s'approcher lorsque les tensions s'apaisèrent. "Ne le frappe pas ! Arrête ! Ce n'est plus le même homme, il a changé ! J'y suis parvenue ! Il est... juste comme avant." Le visage de l'Hylien se métamorphosa et il lâcha son arme, stupéfait. Il sourit à l'esprit qui hocha la tête simplement. Le jeune chevalier n'en revenait pas, il n'osait plus dire un mot. La princesse préférait se taire afin d'analyser cette situation étrange. Mais Link n'en semblait pas spécialement malheureux, c'était le principal.
"Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé à la tour. Je t'avais prévenu. Sache que ça ne se reproduira plus jamais. Je suis heureux de te retrouver, et j'espère que tu trouveras la force de me pardonner."
Link sourit en entendant à nouveau cette voix calme et posée. Il ne comprenait pas comment Fay avait pu réussir à le faire redevenir lui-même. De doux souvenirs enfouis revinrent peu à peu dans la mémoire du chevalier. Un bien étrange compagnon qu'il n'avait plus à renier désormais et ce uniquement grâce à une épée. Quelle étrange épée de légende. Zelda osa finalement intervenir, ayant la vague impression de passer à côté de quelque chose d'important,
"Link, qui sont ces gens exactement ? Tu les connais, non ? questionna la princesse soucieuse d'en apprendre plus.
- Je ne savais pas que monsieur savait déjà qui étaient ces deux étrangers venus pour trouver la Porte du Temps, s'empressa d'ajouter DL-242 en commençant à s'agiter, de peur d'avoir mal agi.
- Je ne t'en ai jamais parlé, j'ai préféré oublier mon excursion dans cet Hyrule du futur. Mais lorsque j'étais seul, cet homme m'est venu en aide et m'a conduit jusqu'à toi résuma rapidement Link ne préférant pas s'aventurer dans les autres détails. Il ajouta sur un ton plus mystérieux, il est semblable au Héros, comme son reflet...
- Je trouve qu'il te ressemble beaucoup aussi, en plus sombre ! Toi en obscurité hum... songea Zelda rieuse ravie de trouver des alliés voyageant à leur tour entre les époques. Ils étaient bien plus attachants que Ghirahim...
- Je vois que tout se passe bien visiblement, je dois retourner travailler à l'auberge. Navré de devoir vous quitter si tôt, mais les affaires n'attendent pas ! Enfin, les clients surtout ! s'excusa l'androïde en s'inclinant, prêt à décoller.
- Tu peux nous laisser, ce n'est rien, assura l'ombre en osant un sourire à DL-242 qui s'envola de suite après avoir eu son autorisation.
- Alors comme ça, vous cherchez vous aussi à traverser le temps ? demanda Link curieux d'en apprendre plus sur l'étrange duo.
- Pas exactement, disons plutôt que nous aimons voyager. Et puis, ne le répète pas, mais ce n'est pas moi qui ai insisté pour te revoir. Il voulait absolument prendre de tes nouvelles, sourit Fay joueuse. L'ombre fulminait intérieurement tandis que la femme de cristal s'autorisait un clin d'oeil.
- Je vois, sourit Link en dévisageant son ancien guide qui fuyait son regard. Il était vraiment comme avant. Le chevalier ajouta détendu, vous devez bien avoir un but à poursuivre, n'est-ce pas ?
- Bien sûr. Il existe une chose que j'aime par-dessus tout, tu sais, souffla l'ombre en observant le ciel, énigmatique. Vu que nul ne lui répondit, il poursuivit, je suis prêt à me battre pour le défendre. Notre monde et le vôtre tel qu'ils sont, sont très bien. Je ne supporte pas qu'on décide de nuire à notre destinée. Link, je me bats pour le libre arbitre des hommes. Je me bats pour que le temps reste à sa place ! Ce que tu vis n'est pas normal, et crois-moi, je ferais tout pour remettre les choses dans l'ordre ! s'emporta l'homme à la peau sombre, les cheveux d'argents brillant au soleil du matin. Son discours laissa place à un grand blanc dans la conversation. Fay hochait tranquillement de la tête, tandis que Link et Zelda tentaient de comprendre.
- Je ne vous suis pas vraiment tous les deux, mais vos buts me semblent parfaitement louables et légitimes. Ils sont même plus que ça, je suis persuadé que ce combat-là est important à vos yeux, et c'est l'essentiel, approuva le chevalier en souriant, le regard dans le vide, contemplant sans réellement le vouloir l'étang et sa clarté rare balayée par le vent.
- Link, je peux comprendre que tu sois content de retrouver cet homme... Dark Link et la femme qui l'accompagne. Mais n'oublie pas que le temps est compté, nous devons à tout prix retrouver Ghirahim, qui sait s'il n'a pas d'ors et déjà franchi la porte ! rappela Zelda en jetant des regards insistants auprès de son ami.
- Qu'est-ce que c'est que ce surnom ?! Je t'ai expliqué qui il est, il n'est pas mon reflet, tu le dévalorises !! S'invectiva le jeune Hylien visiblement de bonne humeur pour s'en faire pour si peu. Fay se permit un rire cristallin devant la scène. Le duo se chamaillait amicalement, comme toujours.
- Moi je trouve que ça lui va bien, il porte lui aussi la tenue des chevaliers après tout. Et dans ce monde, c'est donc à toi qu'il ressemble le plus, rit l'esprit de l'épée de légende tout sourire, une main devant la bouche. L'ombre ne semblait pas spécialement mal le prendre, au contraire.
- Je n'ai jamais eu de nom jusqu'à présent et je dois avouer ne jamais vraiment en avoir recherché. Mais, je crois que celui-ci m'ira bien. Il ne m'offense pas, tu ne dois pas craindre de me froisser. Donner un nom à quelqu'un c'est lui conférer une existence à part, une identité. Alors, en quelques sortes, merci, princesse, déclara l'homme ses lèvres arborant fièrement un sourire en coin. Link croisa les bras en soupirant tandis que l'ombre s'inclinait respectueusement. Il ajouta n'oubliant pas la remarque de Zelda, ne craignez pas pour Ghirahim, là où mène la porte, il sera ralenti et vous aurez tout le loisir de le rattraper.
- De rien, chevalier, plaisanta la Princesse de la Destinée à l'adresse de l'ombre. Elle parlait d'un ton si familier qu'elle aurait pu en rendre jaloux Link si celui-ci avait décidé de se rappeler ce qu'il avait si honteusement découvert chez les Zoras. Elle reprit avec sérieux, vous avez déjà franchi la porte tous les deux ?
- Pas Dark Link, mais moi, oui en quelques sortes. Lorsque mon esprit était encore scellé, je ne pouvais agir mais j'avais conscience de chaque lieu et événement. La Porte du Temps de cette vallée vous ramènera en un Hyrule qui pour nous est le passé, mais pour vous, un futur. Un futur plus proche que le nôtre, expliqua Fay ne préférant rien cacher à ses deux nouveaux alliés.
- Hâtez-vous malgré tout, poursuivez votre chemin par-delà la sortie ouest de la ville, que les dieux vous accompagnent et bénissent votre voyage. Link, nous nous reverrons encore, je le sens. Nos destins autrefois séparés ne cessent de se lier encore et encore, salua solennellement l'ombre tandis que Fay s'effaçait peu à peu. Le duo partait déjà, sans exprimer le besoin de marcher...
- Attends ! Pourquoi as-tu tant changé à la tour du Jugement ? Que s'est-il passé ? Dis-le-moi ! Si tu sais quelque chose, dis-le-moi ! Supplia Link tandis que l'homme enclenchait précocement une téléportation.
- Mes révélations ne feraient que compromettre ta mission. Un jour, lorsque mon rôle s'achèvera, tu comprendras..."
Zelda s'approcha de son ami pour seul réconfort. Elle comprenait désormais combien ce qu'il avait dû vivre en solitaire avait dû être dur. Elle posa une main sur son épaule tandis que Dark Link et Fay finissaient de disparaître. Devenant poussières, derniers grains de sables dans un ancien désert. Il ne restait à leur place, que l'étang et les habitants profitant de leur matinée indolente. Le geste de la princesse fit rougir le jeune Hylien qui pour oublier sa gêne, proposa de quitter le village de Lanelle. Zelda acquiesça, amusée. L'ombre avait fini par rompre ses engagements avec le mal, du moins semblait-il et c'était là le principal.
Le voyage en direction du temple à l'ouest s'effectua sans la moindre embûche. Le monde idyllique était sans moindre danger. La chaleur était suffisante pour ne pas craindre du froid mais n'empêchait pas de marcher à bonne allure. La campagne présentait tout son caractère exotique, un monde de sens, que de nuit, le duo n'avait pu apercevoir. Link et Zelda s'échangèrent quelques paroles, complimentant la région et ne cessant de rire à tout va. Le voyage s'effectuant dans de si bonnes conditions, ils ne virent pas le temps passer, flânant oisivement au coeur de la vallée. Ils arrivèrent en début d'après-midi en vue du temple. Le temps de la pause était désormais terminé. L'heure n'était plus au jeu et à la contemplation. Ghirahim se terrait non loin, et la vengeance de Link irait de pair avec d'amères retrouvailles ! La Princesse de la Destinée était prête à se révéler au grand jour, plus vivante que jamais ! Jamais leur ennemi n'aurait raison d'eux, seul le duo demeurait après l'affrontement final.
Le vent soufflait dans la vallée. Le silence régnait en maître sur les lieux, comme règne le calme avant la tempête.
Le duo s'avança timidement, cherchant l'entrée du temple. Ils franchirent une arche de pierre et se retrouvèrent au coeur d'un merveilleux jardin entretenu avec soin. Par qui, une question qui ne resta guère longtemps au sein des pensées des deux amis. L'endroit était entouré par de hauts murets recouverts de lierre et de fleurs bien plus exotiques et rares. Tout au bout du jardin, parsemé de colonnes de marbre et de calcaire, peintes avec soin, se trouvait la salle unique et principale du temple, à son tour construite en matériaux précieux. L'entrée était entrouverte mais ne permettait pas d'apercevoir la dernière Porte du Temps, qui se trouvait vraisemblablement en ces lieux mystiques. Les deux aventuriers firent quelques pas à la fois craintifs et apaisés. La beauté du temple, se tenant là, resplendissante sans que nul ne l'entretienne, était des plus rassurantes. Le silence en revanche, hormis quelques oiseaux picorant joyeusement dans les parterres de fleurs, avait quelque chose d'oppressant et d'anormal. Zelda, anxieuse, se rapprocha de Link, frissonnant légèrement. Celui-ci sortit son épée de son fourreau à une vitesse folle. Les précédents temples n'avaient pas été de tout repos, celui-ci ne ferait certainement pas exception à la règle. "Link, j'ai un mauvais pressentiment. Ce silence ne présage rien de bon !" Il lui adressa un regard confiant et balaya les lieux du regard, cherchant ce qui pouvait ainsi troubler la paix d'une si belle vallée. La réponse finit par se montrer d'elle-même, fière de sa culpabilité. Les oiseaux s'envolèrent rapidement en quelques battements d'ailes. Ghirahim atterrit avec grâce sur le sol, le touchant à peine. Sa peau foncée au soleil produisait des reflets ambrés du plus bel effet. Il sourit tristement en constatant la présence de la princesse.
"Tu as finalement décidé d'interférer dans des conflits d'hommes ? Les Zoras vous sont venus en aide, n'est-ce-pas ? Admirez ma gentillesse, je vous ai permis de les trouver bien vite ! Sans moi, vous tourneriez encore en rond au coeur du lac Faroria ! Vous êtes si lents, j'ai eu le temps de me reposer et de me déplacer ici à pied, à pas lents. Je vous ai attendus des heures ! Quelle plaie ! s'exaspéra Ghirahim une main sur le coeur, son ton ironique passant de la joie à la tristesse ne trompait personne. Le regard de Link se teinta de haine tandis que Zelda restait de marbre devant de tels commentaires.
- Pourquoi nous avoir attendus si tu n'en pouvais plus ? N'étais-tu pas venu pour la porte ? Elle se trouve juste derrière toi ! Perdre du temps ainsi ne te ressemble pas... C'est pitoyable ! ragea le chevalier ne se ménageant pas dans son discours acerbe. Il ne portait pas le scellé dans son coeur et comptait bien le montrer.
- Ah, je vois que vous êtes ravis de me retrouver vous aussi. J'ai bien fait de vous attendre alors. Je n'aime pas le travail mal fait, ainsi, je n'aime pas les gens qui ne meurent pas là où je l'avais prévu ! La mise en scène était pourtant parfaite ! Vous me navrez tous les deux. Si je n'ai pas encore franchi la porte, c'est qu'il existe un gardien au sein de ce temple. Un gardien endormi que je viens de réveiller, juste pour vous mes amis ! Il m'a l'air d'une puissance extrême. Il est animé par la colère et n'attend plus que vous ! Je doute que deux insectes lui suffisent, mais bon... souffla Ghirahim en prenant une pose dubitative. Tournant autour du duo qui le jaugeait du regard.
- Tu ne nous élimines même pas de toi-même ? Alors pourquoi tu n'es pas parti ? C'est idiot ! Tu n'avais pas besoin d'être là pour nous accueillir... contesta Link boudeur et têtu, en pointant son épée en direction de son ennemi premier. Il avait l'air menaçant mais n'effrayait pas le moins du monde Ghirahim.
- Link, calme-toi, tu sais bien qu'il agit toujours ainsi, il aime le sang et les combats, c'est dans sa nature ! C'est juste l'âme d'une épée, fit remarquer Zelda sans la moindre compassion. Elle n'allait certainement pas se taire malgré l'enfer que le scellé lui avait fait vivre.
- RAH VOUS NE COMPRENEZ RIEN ! C'est toujours la même chose avec vous ! JE NE SUIS PAS JUSTE UNE EPEE ! Vous ne savez absolument rien de ma vie et vous vous permettez de me juger ! Je vous ai attendus oui, parfaitement ! J'AVAIS PEUT-ETRE ENVIE DE VOUS VOIR JUSTE AVANT VOTRE MORT ! Ou bien... je voulais juste vous faire souffrir. Vous n'êtes qu'une bande d'incapables, vous détraquez le temps, vous ouvrez des portes et en fermez d'autres ! Je suis libre comme l'air et j'agis selon ma volonté. Vous n'y changerez rien ! pesta l'esprit les poings serrés, écrasant furibond la première mauvaise herbe venue pour exprimer sa frustration.
- Nous l'avons vraiment blessé ? C'est possible ? Ou n'est-ce encore qu'un de ses jeux ? questionna la Princesse de la Destinée soucieuse, elle ne souhaitait pas provoquer une colère trop forte chez leur adversaire. Sa perversion était telle qu'il serait alors capable de n'importe quelle folie.
- Vous avez raison, il est mieux de vous laisser à votre ignorance. Et dans les mains du gardien ! J'ai un emploi du temps chargé, je regrette. Je ne peux rester plus longtemps auprès de vous, ironisa l'âme en se dirigeant vers l'intérieur du temple. Il ajouta sans un regard en arrière, j'espère qu'il vous broiera les os." Link et Zelda se regardèrent quelques instants sans comprendre. Leur ennemi agissait de plus en plus étrangement et demeurait toujours aussi lunatique. Le flot de ses paroles était discontinu et chaque conversation se voulait identique et pourtant si différente. Les deux amis auraient volontiers continué leur réflexion si le sol ne s'était pas brutalement mis à trembler.
Les alentours du temple devinrent une zone sismique dangereuse, les tremblements ne cessant de s'accentuer. Le duo se mit à terre afin de garder quelque équilibre, des crevasses se formèrent un peu partout et des failles apparurent, fragilisant le temple et ses murets de pierres. Osant relever légèrement la tête, Link aperçut un gigantesque Golem de pierre et de terre jaillir d'une des crevasses, faisant dos à l'entrée. Il mesurait bien trois mètres de haut et sa stature était imposante. Après un "Groooah" sans réelle signification, le géant se tint bien droit, observant les deux intrus. La princesse constata la laideur de la créature et son caractère à la fois fragile et indestructible "Ghirahim ne s'est pas contenté d'éveiller le gardien du temple, il l'a réanimé ! A sa façon de bouger, cette force brute, il n'y a aucun doute possible, il sort tout droit du royaume des morts..." La princesse pesa ses mots pour ne pas effrayer le chevalier qui semblait plutôt en forme et déterminé. Link répondit peu après, une phrase typique qui lui seyait à la perfection "Il retournera vite d'où il vient, il n'aurait jamais dû quitter la mort, je me charge de la lui faire embrasser une nouvelle fois !" Zelda sourit et approuva d'un hochement de tête. Le Golem s'avança et rugit à nouveau, mais cette fois-ci, il était doué de conscience et son cri répandait des paroles compréhensibles. Exactement comme lors de leur affrontement avec Yougan, gardien de la Porte du Temps au sein des montagnes d'Ordinn. "Shin'saï est mon nom. Je suis votre épreuve. Vous désirez franchir la Porte et découvrir un futur incertain, mais vous devez tout d'abord vous mesurer à la force de la terre et à l'authentique de la pierre. Je suis sans nulle pitié, un faux pas et vous mourrez. Alors fuyez ou acceptez ce dur combat se plaçant sur vos vies." Link fit un pas, la copie de l'épée de légende en main. Il hocha la tête et consentit ainsi au combat. Le Golem sourit devant un tel courage et plongea à nouveau dans le sol. Le duo observa le sol, tentant de détecter la présence de leur ennemi pouvant apparaître à tout instant. La princesse redoubla d'attention, utilisant ses dons pour aider au mieux son camarade. "Link ! Juste derrière toi ! Il sort de la terre !" rugit Zelda en pointant du doigt un parterre de fleur se soulevant. D'une roulade, le chevalier évita un brutal coup de poing qui s'abattit sur le sol avec fureur. L'Hylien conserva son équilibre du mieux qu'il put et courut un peu plus loin en faisant exploser une bombe aux pieds du Golem. L'explosion n'eut aucun effet sur lui et Link pesta contre une telle injustice. Les bombes du technicien en chef Goron ne lui avaient pourtant jamais fait faux bond. Shin'saï fit trembler la terre fier de lui. Link en tomba sur le sol, déstabilisé. Le monstre se rapprocha peu à peu de lui, sans aucune pitié, il accomplissait juste son devoir. Il entreprit de lâcher un éboulement de pierres sur son adversaire. Link retint un hoquet d'horreur, ne sachant guère comment se protéger. Zelda arriva à une vitesse folle, prononçant quelques mots, incantation d'une douceur infinie "Amour de Nayru !" La princesse aida son ami à se relever tandis qu'il observait émerveillé l'étrange bouclier bleu, champ de force inhabituel, les protégeant des attaques extérieures. "Comment parviens-tu à réaliser un tel miracle ? C'est incroyable !" s'émerveilla le chevalier les yeux écarquillés. Le Golem tapait sans cesse, en vain. "Je ne tiendrai pas longtemps, Link. Nous devons changer de technique si nous voulons le toucher. Ton équipement semble inutile dans une telle situation. Ta force est nettement inférieure à une telle créature. C'est pourquoi, tu dois retourner sa force contre lui." Link observa Shin'saï et soupira. Il ne tarda pas à déclarer à son amie "Cela me semble une bonne idée, mais je ne vois pas comment je pourrais réaliser un tel miracle. Essayer de me défendre en parant avec mon épée ne suffirait pas, je ne parviendrais pas à renvoyer ses attaques." La princesse sourit face au chevalier et posa une main sur son épaule. "Je vais rompre le bouclier de Nayru et lancer un enchantement sur ton épée. Elle agira tel un miroir, profite en pour déstabiliser le géant. Un fois ceci fait, tu n'auras aucune difficulté à l'achever !" Link approuva et se releva fièrement, épée en avant, il avait confiance en son amie et en ce qu'elle incarnait désormais. La Princesse de la Destinée possédait de grands pouvoirs, elle faisait preuve d'une sagesse et d'une clairvoyance sans faille. Il lui sourit, se retenant de rougir juste à temps et la remercia de sa présence indispensable. Il était fort heureux que le roi d'Hyrule ait finalement accepté de laisser partir sa fille grâce à Arfan, sans elle, il n'aurait jamais pu autant poursuivre son voyage.
Link s'écarta juste à temps tandis que le Golem tentait de le plaquer pour briser le sortilège de Zelda. L'amour de Nayru s'effrita de lui-même ce qui ne fit qu'énerver davantage Shin'saï. Il rugit de plus belle et replongea à nouveau dans le sol. Le chevalier leva haut son épée tandis que la princesse prononçait une nouvelle incantation en direction de la lame de Link. Celle-ci se mit à briller d'une rare intensité, plus miroitante que jamais. L'Hylien ne prit malheureusement pas garde au Golem qui jaillit brutalement du sol peu après la fin du sort. Il se saisit du chevalier tentant de se libérer tant bien que mal. Ainsi capturé, bien loin du sol, le jeune bretteur ne pouvait pas agir, il était comme paralysé. Il préféra ne pas trop s'agiter et se concentra pour ne pas lâcher son arme, ce serait là, une erreur fatale qui romprait à coup sûr l'enchantement de Zelda. Shin'saï refermait peu à peu son étreinte sur l'Hylien, faisant preuve d'une poigne féroce. Link se mit à hurler de douleur, en mauvaise posture. La princesse ne put que regarder la scène sans réagir, elle ne pouvait sauver son ami, elle avait bien trop usé de sa magie pour l'utiliser à nouveau. Le souffle coupé, l'Hylien se mit à réfléchir à la vitesse de la lumière, il ne pouvait pas se laisser battre, pas si proche du but. Comme un réflexe, il inspira lentement et plaça sa lame à la verticale, rassemblant ses forces, oubliant tout de la douleur et espérant qu'il retrouverait toutes ses côtes après son geste. Il effectua une attaque tornade dévastatrice, tournant sur lui-même avec intensité. Le souffle trancha les doigts du géant qui se mit à rugir à nouveau, fou de rage. C'était désormais lui qui venait d'échouer si proche du but. Link retomba sur le sol, prenant appui sur sa main libre et encore en bon état. Il dévisagea son adversaire et se releva sans penser à la douleur. L'adrénaline lui faisait perdre toute notion de souffrance en de tels instants. Il devait combattre. Il se tint prêt à parer, tandis que Shin'saï lançait à nouveau un éboulement sur son adversaire. Ce fut une nouvelle erreur de sa part. La lame miroitante de Link renvoya l'attaque sans broncher. Le Golem s'écroula, stupéfait d'un tel acte. Il n'avait rien vu de l'enchantement de Zelda et ne s'y était pas préparé. Il tomba à terre et les attaques du jeune chevalier achevèrent de le tailler en pièces. Link acheva son combat en plantant la copie de l'épée de légende au centre de la créature, là où un semblant de vie pareil à un coeur entretenait le Golem. Une étrange lumière aveugla le bretteur qui sembla oublier quelques instants où il se trouvait. Tout devint flou et le temps se stoppa.
***
L'espace était flou, les rayons de lumière avaient perdu leurs teintes jaunâtres, propres au soleil d'Hyrule à son Zénith, pour ne laisser paraître qu'un unique blanc très pur et ô combien aveuglant. Peu à peu, mes yeux se firent à ce nouvel environnement inconnu mais néanmoins agréable. Du moins me semblait-il. L'endroit paraissait vraiment charmant, paradisiaque et en même temps tellement hors de portée. Je ne pouvais me fier qu'à des émotions et des pressentiments, mes sens ne m'étaient d'aucune aide. Mon corps ne m'apparaissait plus accessible. J'étais tel un fantôme égaré en notre belle terre sacrée. Je ne possédais plus que pour maigre réconfort mes souvenirs. Ma première pensée vint à Zelda, chose que je ne pouvais empêcher. Je me confortais dans cette amitié datant de l'enfance pour oublier l'amour que je dissimulais au fin fond de mon âme. La princesse n'était pas à mes côtés mais je la sentais en sécurité. Je distinguais néanmoins une présence un peu vague. Je n'étais pas entièrement seul, une simple impression que mes sens, ou presque ne pouvait plus confirmer. Une voix féminine formula peu à peu quelques mots résonnant à même ma conscience. De quoi perdre toute notion d'intimité.
"J'ai besoin de ton aide. Je t'ai choisi."
Je tentai de répondre pour lui faire part de mon incompréhension mais je me trouvai privé de voix. Cette femme ne me voulait aucun mal, je le sentais au plus profond de mon être. Elle était bien trop douce, bien trop délicate pour ça. Et pourtant, sa volonté m'apparaissait inébranlable. J'imaginais un être à la beauté parfaite... un peu comme Zelda...
"Tu poursuis des voyages par-delà des portes au coeur du temps, pour des rêves et des chimères que je t'insuffle. Tu pars en vain en quête de ce que tu possèdes déjà. Tu veux empêcher l'inévitable par tes actes nobles. Mais la souffrance est un mal bien trop grand que parfois on ne peut stopper."
Je me perdais en de telles paroles. Ce discours au coeur de ma conscience n'était pas une bonne chose. Je me confondais avec cette si belle voix aux connotations sacrées, je faisais corps avec elle, tout du moins mon âme le faisait. Tout était si mélodieux avec elle. Je ne savais pas du tout comment retourner à la réalité, mais je ne pouvais pas m'en inquiéter. Chacune de ces paroles me semblait emplie de sens et de vérités tellement fondées. Cela me rappelait mes échecs cuisants auprès des deux dernières portes franchies. J'aurais souhaité prendre un air affligé témoignant de ce poids trop lourd à porter et à réaliser.
"Non, tu n'as pas à t'en blâmer. Ce que tu juges défaite possède néanmoins un impact. Tu t'éveilleras bientôt aux côtés de la Princesse de la Destinée. Mais sache que tes actions demeurent bénéfiques. Ne pense pas l'inverse, tu es bien plus salvateur que tu l'imagines. Tu es tel un grain de sable enrayant la machine du mal. Tu empêches le chaos de s'emparer du royaume d'Hyrule. Alors va en ce futur proche auprès de la princesse, là où te conduisent ta raison et ton destin. Mais perdure dans le flot du temps, constant et avide d'espoir."
Surpris, j'analysais ces douces paroles emplies de sagesse et retraçant une histoire ancienne. Cette femme répondait à mes craintes et lisait en moi comme dans un livre. Mais pourquoi diable quelques mots venant d'un être désincarné aurait dû me rendre fier et me restituer mon courage ? Comprenant que j'avais affaire à une bien étrange vision et sentant la voix féminine emplir à nouveau mon psychisme, je tus mes réflexions.
"Si j'ai pris la peine de venir à toi, profitant de cet éclat de victoire jalonnant ton destin, ce n'est que pour m'immiscer en tes pensées. Pour te rappeler. Pour te rappeler ce que tu ne cesses d'oublier. Tu as fait de tes rêves une longue quête à accomplir bravement sans jamais te demander comment tu pouvais si subitement prévenir l'avenir. D'une précision telle que chaque porte te mène là où vont tes songes. Pourquoi devrais-tu voir la mort de ces inconnus dont tu n'as que faire ? Qu'est-ce qui aurait pu te lier à eux pour en rêver si ardemment ? Tu te connais si mal, comment espères-tu alors démasquer ton ennemi et en apprendre plus sur lui ? La connaissance de soi est essentielle. Il se servira de tes faiblesses pour t'anéantir. Celles que tu n'as même pas pris la peine de comprendre et de découvrir..."
Ces réflexions réveillèrent mon esprit embrumé. Je n'avais jamais pris la peine de réfléchir à pareilles interrogations. J'avais jugé de tels détails plutôt futiles en réalité... Je me rendais compte alors d'une erreur possible...
"Entends cette prière que je te dédie chevalier. Moi, Hylia, déesse protectrice du Saint Royaume. Entends et éveille-toi. Un jour viendra où cet éveil n'en sera que plus vrai."
~~~~~~
Flots du temps changeant
Traversant les âges
Que le silence du Héros
Accueille mon Adage
Echo chantant
De l'éveil du sage
Viendra le jour
où le ciel retrouvera lune
où le désert deviendra oasis sans dunes
où le temps du changement s'annoncera imminente fortune
Que ton éveil
Sonne le glas de la défaite
Deviens lumière
Effaçant nos lourdes dettes
Pour qu'enfin...
Hyrule sans ténèbres...
Puisse renaître...
***
"Hylia !" s'écria Link en reprenant possession de son corps et de sa voix. Ses yeux fonctionnant de nouveau, il se rendit compte que le golem Shin'saï semblait à terre depuis quelques minutes déjà. Bêtement et penaud il rangea son épée qu'il tenait fermement en l'air, probablement un signe de victoire resté inachevé, il ne se souvenait déjà plus. Zelda se jeta sur lui et le secoua en grimaçant. Link devait avoir cessé de bouger depuis un certain temps pour que la princesse ose pareille réaction. Le chevalier prit un air désolé comprenant qu'il avait dû rester figé pendant un long moment. C'est Zelda la première, qui, sur un ton de reproche peu mesuré, prit la parole :
"Que t'est-il arrivé, enfin ? Tu étais... ailleurs ! Comme en transe, le regard vide ! Les yeux rivés sur le Golem, ou du moins ce qu'il en reste ! J'avais beau t'appeler ou te toucher, tu ne réagissais pas. Tout va bien ? Je n'ai pas envie qu'un mort-vivant franchisse la Porte du Temps de Lanelle ! Tu es toujours là ? Tu comprends quand je parle au moins ? Tu es vraiment réveillé ? Questionna la princesse, les bras croisés, baissant légèrement la tête pour dévisager Link d'en bas. Ses cheveux ballotaient aux vents, une scène que le chevalier n'avait pas le temps d'observer. Il devait s'expliquer, malgré le ton de reproche, on sentait une profonde inquiétude de la part de Zelda envers son ami d'enfance.
- En transe... Oui... je crois bien que... l'expression est juste. Je n'étais plus vraiment là, comme happé par une force supérieure. Tu vas me prendre pour un fou, mais je t'assure que tout ce que je te dis là est pure vérité ! Mon âme a comme quitté mon corps pour rejoindre la grande et puissante déesse Hylia. Ce n'est pas une simple impression mais bel et bien une certitude ! Tu... Tu comprends ? répondit Link encore sous le choc de sa vision et des paroles de la déesse. Il venait de la rencontrer pour la première fois, preuve irréfutable de son existence. Et elle lui prodiguait conseils, pourquoi ? Mais pourquoi lui ? Il secoua la tête sous le soleil de plomb et reprit plus calmement, je suis désolé si je t'ai inquiétée. Mais je n'ai pas vraiment eu le choix...
- Hum... Si je te crois, tu n'as effectivement rien à te reprocher et moi non plus ! Et puis ça a duré quoi... une minute ou deux ? C'était rapide et pourtant si long... Enfin bref... souffla la princesse en se relevant confuse, portant une main à ses cheveux pour retenir une mèche rebelle. Elle dépoussiéra sa robe magenta et analysant la situation elle déclara finalement, je te crois. J'ai foi en la déesse et je suis persuadée qu'elle nous encourage à poursuivre notre route. Elle est venue à toi pour te transmettre pareil message, non ? Son intervention aurait été bien plus douloureuse et remarquable sinon. Mais là tu sembles afficher un étrange sourire rêveur... constata la princesse en osant un sourire taquin. Elle préférait afficher un sourire radieux pour faire oublier son inquiétude passée. Link n'y prêta guère attention trop occupé à formuler une réponse convenable.
- Oui... On peut dire ça. Elle m'a expliqué que nos actions nous apparaissent comme des échecs, mais avec un certain recul, ce que nous accomplissons nuit à nos ennemis. J'imagine que c'est le principal... et de telles paroles incitent à poursuivre, souffla Link en détournant le regard. Il ne préférait pas parler des réflexions que la déesse lui imposait. Il aurait préféré simplement continuer son voyage. Zelda n'avait pas à savoir tout ça, il la chagrinait déjà assez souvent ainsi. Il soupira en contemplant le tas de boue, reste du Golem. La princesse n'y vit que du feu.
- Je vois, c'est une bonne chose alors ! Mon père, la déesse, Arfan, le grand Arbre Mojo... Ils sont tous de notre côté ! Même ce...Dark Link nous invite à continuer. Cette dernière porte est la clé de tout. Link, allons-y et voyons ce qui nous attend de l'autre côté, proposa la princesse profondément ravie. Si on oubliait les tragiques incidents concernant l'élu et le Héros du futur Hyrule, tout allait bien. Le chevalier rendit à Zelda son sourire de bon coeur. Il aurait tout le temps de réfléchir aux dires d'Hylia, en attendant, il préférait profiter de son amie et des moments complices qu'ils partageaient.
- Je suis prêt à partir, la vallée de Lanelle me manquera un peu, mais qui sait, nous allons peut-être atterrir en pareil paradis à la beauté sauvage et indomptable ! Quoiqu'il arrive, on ne se sépare pas ! Je suis là pour assurer ta protection et je ne suis pas contre un peu d'aide et de compagnie ! sourit le jeune Hylien les joues légèrement rosies, avançant l'air de rien et s'étirant face au soleil.
- Avoue que tu ne pourrais tout simplement pas te passer de moi ! Dire que tu n'avais même pas de bouclier contre ce terrifiant monstre. Je suis vraiment indispensable, plaisanta Zelda en suivant son ami qui ne pouvait s'empêcher de prendre une moue boudeuse à de telles affirmations.
- Comment oses-tu ?! Le combat n'aurait pas pu se dérouler sans moi je te signale ! riposta Link se voulant hautain dans ses paroles et sa démarche. La discussion ne tarda pas à virer au fou rire."
L'inséparable duo se lança donc à la poursuite de Ghirahim ayant violé l'entrée du temple quelques heures plus tôt. La salle n'était pas très grande et semblait avoir été bâtie uniquement pour la Porte du Temps, s'adaptant à ses dimensions gargantuesques. La Porte du Temps de Lanelle n'avait strictement rien à envier à ses soeurs. Construite sur le même modèle, elle s'animait néanmoins d'une toute autre couleur que les deux précédentes. Un bleu très pur brillait le long de l'édifice, reliant chaque symbole, tel le sang de la machine. Une prestance rare se dégageait de la Porte du Temps. Franchissant quelques dalles et marches touffues, les deux amis stoppèrent face à l'imposante façade. La porte en forme de rouage tournait insouciante, raclant un sol en terre battue. Quelques rayons de soleil venaient éclairer l'endroit. Tel un halo, ils produisaient une lumière faible témoignant d'une quantité affolante de poussière. Le combat avec Shin'saï avait soulevé bien des particules et ravagé le temple. Face à la porte cliquetante, Link et Zelda s'adressèrent un regard complice avant de se prendre la main timidement. "L'ombre ne séparera plus la lumière." assura la Princesse de la Destinée en souriant. Le chevalier approuva et ils reprirent leur marche. La Porte du Temps les happa et ils disparurent de cet Hyrule prospère. Le plus important restait à faire. Dernier espace-temps en lequel Ghirahim pourrait assouvir sa vengeance. Une chose que le duo ne laisserait pas se produire. Ils mettraient un terme à ses ambitions diaboliques.
Au coeur de la vallée de Lanelle, le silence revint. La campagne pansait ses blessures éphémères, la terre remplissant peu à peu les crevasses nouvelles de Shin'saï. Le gardien reposait désormais en paix. Seuls les oiseaux chantaient. Et leur chant s'accompagnait du cliquetis incessant des rouages du temps. Grain de sable sur grain de sable, il perdurait.
Une lumière frappa le ciel, tel un flash d'une puissance démesurée. Link plissa des yeux et fit la grimace en avançant timidement en direction de ce nouveau monde. Il s'habitua progressivement à la chaleur caniculaire et au soleil brûlant. Il foulait un désert, très différent de celui qu'il avait parcouru en tant que loup. La princesse suivait, ne lâchant pas la main de son ami, un peu en arrière. Elle voulut ouvrir la bouche pour formuler son incompréhension mais trébucha en avant sur une pierre mal enfoncée parmi le sable chaud. Elle tenta de se tenir à Link mais le mal était fait, et ils tombèrent tous deux, face contre terre. La princesse sortit la tête du sable et soupira "Je crois que je n'aime déjà pas cet Hyrule-ci, au moins, chez nous, il n'y a pas de désert aussi chaud ! On risque une insolation à rester ici trop longtemps !" Link se releva et aida Zelda à faire de même. Il s'épousseta et toussa afin de recracher le sable qu'il avait eu le malheur d'avaler. Ainsi bien remis de sa chute, il prit peine de répondre à son amie, un brin taquin "Eh bien, si je n'étais pas tombé directement après avoir franchi la porte, je pense que j'apprécierais mieux les environs !" La princesse croisa les bras et fit mine de bouder. Un léger vent agitait sa robe et ses cheveux d'or. Un vent bien trop chaud malheureusement. Elle sourit fière, venant de trouver matière à répondre à son ami "Un chevalier digne de ce nom aurait aisément rattrapé sa princesse pour l'empêcher de choir ! Mais toi, tu es tombé avec moi !" Et sur ce, elle pouffa de rire. Link ne semblait pas du tout amusé. Ne souhaitant pas le vexer, elle changea immédiatement de sujet de conversation pour soulever un point bien plus important "Je... je me demande où nous nous trouvons. Un désert certes, dans un futur plus ou moins proche qui plus est, mais à part ça... Si nous pouvions en trouver la sortie ce serait... mieux." Link balaya l'étendue jaune des yeux. Ils n'étaient pas n'importe où dans ce désert. Le destin avait été avec eux plutôt clément. "Regarde là-bas, nos jours ne sont pas en danger. J'aperçois quelques palmiers avec de l'eau fraîche, et ce n'est pas un mirage ! Nous nous trouvons dans une oasis. Profitons-en pour remplir nos gourdes avant de quitter les lieux." Zelda suivit le doigt de son ami pointé vers l'horizon et constata effectivement une source d'eau, qui par une telle chaleur, ne pouvait être que bienvenue. Elle releva ses manches et s'éventa avec son châle. "L'eau des oasis est réputée pour être très pure ! Je suis sûre d'avoir lu ça quelque part, allons immédiatement en chercher !" proposa-t-elle impatiente de se rafraîchir. Mais elle stoppa soudainement intriguée par ce qu'elle distinguait non loin de la source et de la Porte du Temps. Elle déclara en prenant une pose dubitative "L'endroit me paraît inhabité et désert... sans mauvais jeu de mots, malgré tout... tu as vu la belle sculpture à même la roche ? C'est impressionnant. Les personnes qui ont réalisé cet ouvrage avaient un grand courage et une patience surhumaine." Le chevalier se tourna en direction de l'ouvrage et constata la beauté de l'édifice. Une femme de pierre était taillée, elle paraissait d'une grande beauté et d'une grande sagesse. Néanmoins, une once de cruauté se décelait en son regard. La sculpture d'une bonne vingtaine de mètres était abîmée de-ci, de-là. Le chevalier distinguait nettement le serpent de pierre entourant sa taille, une bien étrange ceinture. Après avoir fait le tour de l'oasis des yeux, l'Hylien s'autorisa un bilan des lieux "L'oasis est cernée par la roche, ce qui explique la sculpture. Probablement une déesse d'une population disparue. Enfin, si ce peuple artiste existe toujours, il ne s'est certes pas établi ici ! Je crois qu'il y a une ouverture, comme une porte sous la statue. En face, il y a une petite arche sous laquelle s'abrite la Porte du Temps... Je ne distingue rien d'autre d'intéressant, l'oasis semble prendre fin un peu plus loin... On dirait même qu'une tempête de sable fait rage au coeur du désert... Heureusement, nous sommes à l'abri ici." Zelda observa à son tour l'endroit et tomba d'accord avec son ami. Ils bavassèrent dans la bonne humeur en remplissant leur gourde et en se rafraichissant à la source. Link voulut commencer à éclabousser son amie avant de se rappeler à l'ordre. L'eau était une denrée rare dans un désert. Le soleil matinal venait peu à peu à son Zénith, heure la plus propice à attraper une insolation. De peur de succomber à la chaleur, ils se réfugièrent à l'ombre des rochers, non loin de la statue. Lorsque la tempête de sable se calma à l'horizon, la Princesse de la Destinée prit la parole, elle se tenait bien droite, fière et sage.
"Nous ne pouvons pas rester ici indéfiniment. J'adorerais rentrer au coeur de... ce qui doit-être un temple mais je doute être ici pour faire du tourisme alors... commença la jeune fille hésitante. Elle semblait mal supporter la chaleur mais ne préférait pas se plaindre. Sans un bruit, elle s'attacha les cheveux, espérant moins transpirer.
- Tu as raison, oui. Et j'imagine que le temps nous est compté. Mon rêve prémonitoire concernant cette porte n'est pas des plus rassurants... approuva Link se souvenant de l'incendie. Des milliers de gens allaient périr, ils devaient agir au plus vite.
- Cette sculpture et ce temple, était-il dans ta vision ? Si non, nous ferions mieux de partir immédiatement tant que le vent nous le permet ! fit remarquer Zelda s'éventant de nouveau. Elle sourit à son ami, consciente que se remémorer ses songes était loin d'être agréable. Elle voulait lui montrer son soutien et n'avait de cesse de l'épauler et de se montrer tendre avec lui. Des gestes qui gênaient beaucoup le chevalier. Il aurait adoré lui rendre la pareille mais préférait s'abstenir d'un tel comportement indécent envers son nouveau rang.
- Non effectivement, et ce désert non plus. Je me rappelle d'une grande plaine et d'une ville. Je ne sais pas si c'est un bon début mais, c'est tout ce que nous avons, se souvint l'épéiste en retournant en plein soleil, en direction du désert sans nulle pitié. Il ajouta tout sourire, alors, tu viens ? Ne t'inquiètes pas, nous avons passé les heures les plus chaudes, tu n'as plus rien à craindre du soleil désormais.
- Oui... oui je... j'arrive, balbutia Zelda gênée de constater que Link avait immédiatement vu sa sensibilité à la chaleur. Elle tentait pourtant de la cacher. Des efforts en vain, son ami ne la connaissait que trop bien pour ne pas s'en rendre compte."
Le duo jeta un dernier coup d'oeil à l'oasis paraissant désormais comme unique objet de convoitise. Mais l'heure n'était plus au repos. Ils devaient reprendre leur route, même si celle-ci les menait au coeur du désert de ce royaume inconnu.
"J'ai l'impression de marcher depuis des heures..." souffla Zelda à bout de force. Elle suivait Link tant bien que mal mais ne supportait plus de s'enfoncer dans le sable. Ils n'avançaient pas, ou très peu. Tant d'efforts pour si peu ! La princesse s'arrêta non loin d'un poteau et s'y reposa pour reprendre sa respiration. "Nous allons ralentir la cadence..." concéda Link en rejoignant son amie. Il ne supportait pas de la voir ainsi en souffrance et ne savait absolument pas quoi faire pour l'aider. Il lui tendit sa gourde en désespoir de cause "Si ton eau ne te suffit pas, prend la mienne aussi, j'ai assez bu à la source. Il ne faudrait pas que tu te déshydrates." proposa-t-il le plus galant possible. C'était bien la moindre des choses. Zelda rougit, touchée par de telles attentions mais ne céda pas. Link n'avait pas le droit de se sacrifier. Elle lui déclara avec assurance, se relevant de son poteau, "Ne me fais pas croire que tu n'as pas chaud ! Tu dois être bien plus en nage que moi, tu portes une cotte de maille ! Garde donc ton eau, j'en ai bien assez de mon côté." Link sourit peu convaincu par les dires de Zelda mais fit comme si de rien n'était afin que son amie puisse conserver son honneur de princesse. Il la savait ainsi et loin de lui l'idée de la taquiner sur cela en de tels lieux. Il prit à son tour le temps de souffler tandis que la Princesse de la Destinée clamait fièrement "Je vais déjà beaucoup mieux ! Ce vent est agréable, même chaud." Les battements du jeune homme s'accélérèrent aussitôt. "Quoi ? Le vent se lève déjà ? On doit se dépêcher, nous allons être pris dans une tempête de sable !" Link se saisit de la main de son amie et l'entraîna avec lui dans sa course. Il courrait pour tenter de fuir le désert, mais il était déjà trop tard. Le vent devenait de plus en plus violent. Le sable se soulevait peu à peu pour voleter en tous sens. Le chevalier se tourna vers la princesse par réflexe et détacha son châle qu'elle portait en ceinture. "Mais... mais que fais-tu ? Tu me déshabilles maintenant ?" demanda-t-elle surprise en observant Link qui rougit honteux et se vexa de la remarque. Lui couvrant délicatement le visage, il répondit "Mais non, pas du tout ! Le châle te protégera des grains de sable. Nous devons redoubler de prudence avec cette tempête ! Sinon, pour nous, ce futur d'Hyrule se résumera à un long désert sans fin..." expliqua le plus poliment possible le chevalier. Le ciel devint noir, un bien mauvais présage. Link et Zelda reprirent leur marche courageuse au coeur du désert maudit. Le duo avançait à grand peine mais parvenait à gérer tant bien que mal le sable cherchant à griffer leur visage. La princesse oublia immédiatement la chaleur pesante pour se concentrer sur cette nouvelle difficulté. Elle ne désirait pas être un poids pour Link qui avançait sans se plaindre. Elle en vint à admirer un tel courage lorsqu'un événement la stoppa immédiatement dans ses réflexions et contemplations. Tel un réflexe, elle hurla "Link ! Attention, à droite, un monstre, un énorme monstre !" Sur le qui-vive, le chevalier tira sa lame et se tourna en la direction indiquée pour se trouver nez à nez avec... rien. Mise à part la tempête, rien ne les attaquait vraiment. "Non, qu'est-ce que tu racontes, je n'ai rien vu. Tu as du confondre avec un rocher un peu plus loin, certains ont vraiment une forme atypique" sourit le chevalier tentant de plaisanter pour détendre l'atmosphère. Mais Zelda poursuivit sur sa lancée "Je suis pourtant certaine de l'avoir vu ! Tel que je te vois ! Il était gigantesque ! Plus grand que large d'ailleurs !" poursuivit-elle les mains jointes, preuve qu'elle n'était pas rassurée. Mais elle ne se laisserait pas décourager, elle était bien loin d'être sans défense. Link observa les environs minutieusement, sachant pertinemment que son amie n'était pas du genre à faire de mauvaises blagues. Surtout en plein désert. Il ne tarda pas à donner raison à la princesse. Il rugit, terrifié "Il est là, oui, je le vois ! Derrière-toi ! Ne bouge pas, je vais lui régler son compte... On dirait... Yougan, le dragon de lave !" Le guerrier s'élança, épée en main et réalisa quelques parades et estocs hors pair. La peur de voir Zelda blessée semblait lui donner des ailes. La Princesse de la Destinée se retourna de suite pour voir son agresseur et se calma bien vite puisqu'elle ne vit rien. "Mais... Link... Tu frappes du sable..." constata-t-elle sans comprendre. Pourquoi diable son ami s'abaissait-il à cela ? "Mais non, je te dis que je vais l'avoir, tu vas voir ! Nous pourrons reprendre la route au calme par la suite ! Je suis sûre qu'il contribue à la chaleur du désert !" L'amie de Link réfléchit quelques instants et finit par retenir son ami pour qu'il cesse de frapper son tas de sable. "Je crois comprendre ce qui nous arrive ! Link, nous sommes victimes de mirages ! Yougan est mort, tu l'as déjà vaincu, il ne peut pas revenir. Persuade-t-en et il disparaîtra !" conseilla-t-elle sans vraiment être certaine d'une telle solution. L'instinct du chevalier lui intimait de frapper encore et encore, de se défendre et de protéger son amie d'enfance qu'il chérissait tant. Néanmoins sa raison penchait pour la remarque de Zelda. "J'essaie de me focaliser sur sa mort mais je le vois toujours ! Ça ne change rien, ça ne peut pas être un mirage ! Les mirages... ne sont pas comme les illusions, c'est juste un effet d'optique dû au soleil qui nous fait voir de l'eau ! Aucun rapport avec Yougan !" La princesse souffla et s'autorisa un soupir en observant Link esquiver pour un rien. "Nous ne sommes pas frappés par les mêmes illusions, nous devons trouver un abri, si le phénomène s'aggrave, nous allons sombrer dans la folie !" rugit Zelda, ses mains en forme de porte-voix pour se faire entendre de son ami, qui têtu, continuait de combattre son mirage. Le chevalier soupira et rangea son arme, décontenancé. "Je te fais confiance alors, si tu choisis la fuite, alors partons. Ma logique est contre mes sens, c'est bien trop perturbant. Je suis d'accord avec toi, cette tempête de sable nous dupe, il est impossible d'avancer avec elle..." Zelda hocha la tête heureuse que son ami ait fini par la comprendre. Il n'était peut-être pas si têtu que ça finalement...
Cela faisait bien une heure que le duo marchait péniblement, luttant de toutes ses forces contre l'odieuse tempête de sable bien décidée à les enterrer vivants. Loin de tous, seuls, les illusions s'accumulaient et il devenait difficile d'y résister. De multiples monstres attaquaient, les lieux eux-mêmes changeaient. Le désert s'emparait de leurs souvenirs pour les transformer à sa guise. Une bien cruelle façon d'éloigner les visiteurs ! Ce fut le plus monstrueux mirage qui parvint à les ramener à leur point de départ. Une survie provisoire dans un petit coin de paradis. Cette vision était plus qu'étrange, elle avait la particularité de n'appartenir ni aux souvenirs de Link, ni à ceux de Zelda. "Attention, un homme nous bloque la route !" mit-en garde la princesse se demandant si elle devait vraiment y prêter attention. Une étrange figure humanoïde se tenait face à eux, ses cheveux n'étaient autres que flammes et son corps couleur cendres était couvert de balafres. "Je le vois aussi, à un endroit différent par rapport à toi, c'est encore une illusion !" souffla Link en rangeant son épée, il ne faisait que l'abimer ainsi. La princesse recula "C'est ton souvenir ? Je ne me rappelle pas connaître un homme aussi peu engageant..." demanda-t-elle peu rassurée par l'image terrifiante se tenant fièrement face à elle. Il se mit à avancer dans sa direction alors que Link lui assurait ne pas non plus connaître l'étrange création. Ils se mirent à courir à en perdre haleine, tentant de devancer l'immonde créature paraissant si cruelle. "Je crois en avoir entendu parler. Mon professeur d'histoire n'était autre qu'Arfan, il venait de temps en temps sur terre m'enseigner les légendes d'Hyrule." commença Zelda à bout de souffle. Le chevalier la coupa "Mais... explique-toi, je ne vois pas le rapport !" répondit le chevalier à la respiration hachée, ne pouvant plus arrêter sa folle course. Il était poussé par l'adrénaline, sans trop savoir pourquoi. "Laisse-moi finir, enfin ! Je crois que nous avons vu Demise, aussi connu sous le nom de l'avatar du Néant. Il a jadis été vaincu par la réincarnation de la déesse Hylia et son élu." raconta la jeune fille poursuivant avec son ultime hypothèse "Et si... et si Ghirahim s'était lui aussi perdu dans le désert ? Cette vision lui appartient probablement. L'avatar du Néant est son ancien maître... Il lui servait... d'épée."
"Nous voilà finalement revenus au point de départ. Et nous n'y avons gagné qu'une grosse frayeur et de la fatigue..." résuma Link plutôt content de retrouver l'oasis. Leur calvaire prenait fin, tout du moins pour le moment. Ils allaient pouvoir enfin aspirer au repos avant de reprendre la route. La princesse se défit de son châle et s'assit au bord de la pierre. Elle soupira, la mine dépitée "Nous n'avons fait que tourner en rond pendant des heures... Les illusions de ce désert ont brouillé toutes nos pistes... Que pouvons-nous bien y faire..." Link sourit tristement, éreinté. Zelda avait raison, s'ils ne trouvaient pas le moyen de remédier aux illusions, jamais ils ne pourraient empêcher l'incendie au coeur de la citadelle. Le duo d'un commun accord décida de se reposer à l'entrée du temple, ce qu'ils avaient déjà fait plus tôt. Ils s'assirent dos à l'édifice, contemplant la fureur du désert tandis que peu à peu le soleil déclinait. La chaleur ne diminuait pas pour le moment. Link songeur et n'oubliant guère son songe auprès d'Hylia, se décida à parler à la princesse,
"Zelda, je me demandais, comment est-ce d'être la Princesse de la Destinée ? Je n'ai jamais pris la peine de me renseigner. Est-ce un poids ? Un honneur ? Tu peux te vanter d'être devenue la meilleure magicienne du royaume en tout cas ! sourit Link tentant de faire oublier à son amie le périple qui les attendait. Il n'osait pas la fixer du regard, ses yeux filaient vers l'horizon lointain.
- Hum... ce n'est ni l'un ni l'autre, bien que je me dois de tenir un rôle plus sage et de montrer l'exemple. C'est plus un état d'esprit. Je crois qu'il est très dur à définir mais je vais essayer quand même. En ce qui concerne la magie, je ne suis pas la seule à la pratiquer, et je possédais déjà ce don auparavant, mais les résultats n'étaient guère concluants. Bien que ce soit éreintant, je m'en sors bien mieux aujourd'hui, expliqua la jeune fille absorbée dans ses pensées. Elle ajouta en se tournant vers son ami, tout sourire, évidemment, ça ne change pas notre amitié ! Avec toi, je peux oublier le protocole et ma conduite irréprochable. En cela, voyager sans être connue, c'est agréable...
- Je suis heureux que tu perçoives notre quête ainsi. Nous nous en sommes chargés nous-même après tout, nul n'a à nous ordonner quoi que ce soit et encore moins d'agir de telle ou telle manière, renchérit le chevalier les jambes légèrement repliées, servant d'appuis à ses bras. Sa silhouette fine se découpait parfaitement de la pierre et accentuait une certaine beauté. Le jeune Hylien poursuivit, un état d'esprit alors ?
- Oui, enfin non. Ce n'est pas évident mais je suis certaine que tu peux comprendre. De tout temps en Hyrule, des élus ont été choisis pour assurer la paix en notre terre. La Princesse de la Destinée est le nom attribué à l'une de ces élues, tout comme le héros de la légende. Il a donc existé et il existera encore des gens promis à un tel destin, conta la jeune Hylienne confuse dans ses propos, elle ne savait pas vraiment par quoi commencer exactement.
- Que veux-tu dire par là ? En tout cas, pour le moment, eh bien, je n'ai pas de mal à comprendre ! sourit fièrement Link un brin taquin. La princesse s'autorisa un petit rire discret avant de reprendre.
- Je ne doute pas de tes capacités intellectuelles ! Enfin bref, la Princesse de la Destinée est un peu tel un rôle s'incarnant encore et encore. Alors, quand mon destin s'est révélé à moi, lorsque je me suis éveillée, je suis devenue une part de cette entité. Je ressens toutes les autres. Je suis liée au passé et au futur, aucun détail de chaque élue n'est oublié, résuma la princesse en posant ses mains sur le sol comme appuis pour s'assoir plus confortablement.
- Un peu comme des esprits interconnectés ? proposa le chevalier indécis. Cela lui rappelait vaguement quelque chose... mais quoi ?
- Oui, c'est exactement ça ! Je savais que je pouvais te le dire sans que tu ne trouves ça bizarre ! S'exclama la jeune fille ayant retrouvé le moral. Elle penserait aux tracas provoqués par le désert plus tard.
- Oh, on se comprend toujours, on peut tout se dire, souffla Link tel un automatisme. Quand il se rendit compte de sa phrase, il rougit légèrement. Il espérait que son amour pour la princesse ne serait pas trop visible. Il ne voulait pas être une gêne.
- Tu as raison ! Approuva Zelda n'ayant visiblement pas vu la face rosie de son ami. Elle ajouta en se tortillant les cheveux, merci de m'avoir protégée dans le désert. Je ne voulais pas te gêner...
- C'est trois fois rien, on craint tous un peu la chaleur, je ne vais pas t'abandonner ici quand même ! Je serais un bien mauvais chevalier sinon ! Que sa majesté demande, je répondrai de suite, plaisanta Link la tête bien haute. S'en suivit un fou rire incontrôlable de la part des deux amis."
Leur conversation fut interrompue par une petite luciole dégageant un halo de lumière rose. Une fée apparut à leur côté. Se souvenant de sa rencontre avec la grande fée du domaine Zora, Link réagit le premier "Nous devons la suivre ! Notre salut est peut-être enfin à notre portée ! Tu vas voir, tout va s'arranger ! Une fontaine des fées est non loin ! Là-bas, la caverne !" indiqua le chevalier les sens en alerte. Zelda sursauta devant tant d'enthousiasme et suivit de près son ami soudainement très motivé pour courir.
La caverne était sombre du premier coup d'oeil. Deux flammèches vertes brûlaient au loin. L'endroit n'était vraiment pas accueillant. Link ralentit sa course pour marcher à pas mesurés. Zelda tentait de percevoir les murs de la pièce mais rien n'y fit. L'obscurité était bien trop dense, seule la petite fée constituait une lumière valable. Lorsque le duo parvint à la fontaine, large bassin à l'eau pure et cristalline, les torches s'enflammèrent plus vivement et la lumière se répandit dans toute la salle. Le symbole de la Triforce était partout, Hyrule en cela, n'avait pas changé. Cette fontaine présentait de grandes ressemblances avec celle de leur temps. L'eau cascadait sur les murs mais le sol était fait de sable, ou tout du moins de cette mystérieuse poussière voletant et aidant à la diffusion de la lumière. La petite fée plongea dans le bassin qui s'éclaira aussitôt, prenant une teinte verte. Une magnifique femme en toge, ailée telle une libellule, apparut. Ses cheveux étaient verts et noués en deux tresses, ils formaient une magnifique couronne sur sa tête, agrémentée de fleurs. Chose plutôt rare au coeur d'un désert. Elle sourit, amusée par le silence de ses deux invités. Link et Zelda se regardèrent, n'osant pas adresser la parole à la grande fée. Après tout, c'était elle qui était venu les chercher. C'est donc tout naturellement qu'elle prit la parole la première.
"Traverser le Désert des Illusions sans prendre garde aux tempêtes de sables et aux mirages est un bien mauvais calcul. Bien entendu, vous ne pouviez pas savoir. Bien que vous apparteniez à Hyrule, en ce futur, vous êtes des étrangers et vous ignorez tout. Y compris ce que nous, nous jugeons savoir banal et quotidien. Les rumeurs considèrent ce désert maudit. Et cette oasis, peu d'Hyliens en ont connaissance. Nul n'ose s'y aventurer, expliqua la femme les mains jointes, se tenant bien droite. Un regard tendre flottait sur son visage.
- Alors ces visions qui nous ont frappés durant notre traversée... il s'agissait bien de l'oeuvre du désert ? Questionna la princesse en s'avançant d'un pas. Elle ajouta, poliment, je suis la princesse Zelda, et comme vous semblez déjà le savoir, je viens du passé avec mon ami Link, courageux chevalier. Comment passer la malédiction alors ?
- ... Link ne trouva nul mot à ajouter et préféra ne pas se formaliser de ne pas avoir pu se présenter lui-même. Zelda semblait aimer mener les discussions.
- Je sais déjà ce que vous êtes. Je le sens en vous. Les illusions vont de pair avec le désert, vous ne pourrez inhiber cette puissante malédiction. Mais je puis vous aider à ne pas y succomber à l'aide de ma magie. Vous êtes armés de courage et de sagesse, vos buts sont nobles. Vous méritez ce que je tiens à vous proposer, répondit la grande fée clémente. Link et Zelda n'allaient pas se faire prier.
- Pourquoi souhaitez-vous nous venir en aide ? Ne sommes-nous pas à vos yeux, de simples étrangers ? Nos vies ont tant d'importance selon vous ? demanda le chevalier intrigué par ce comportement. La gentillesse des fées était inouïe et infinie. Elles n'avaient de cesse de chercher à aider autrui.
- Toutes les vies ont de l'importance. Je sais que vous avez rencontré une de mes soeurs, vous portez cette marque en vous, de ceux qui ont une reconnaissance éternelle pour une fée. Mais il s'agit là uniquement de notre rôle. Tout comme elle vous est venue en aide, je peux faire de même. Mais bien entendu, vous devez accepter, expliqua la femme ailée en s'asseyant au bord de la fontaine. Bien que matérielle et réelle, elle paraissait fantomatique.
- Qui voudrait refuser un tel service ? Gratuit et empli de bonté qui plus est... fit remarquer la princesse intriguée que la grande fée insiste autant sur leur accord avant d'agir. Après tout, elle ne leur voulait pas de mal, bien au contraire.
- Eh bien, je le croyais aussi. Mais il arrive que l'on refuse mon aide. Un homme est arrivé un peu avant vous. Je ne sais pas s'il s'agit de votre ami, mais il se pensait assez malin pour franchir seul le désert. Je sens son âme en détresse, quelque part. Il aurait dû accepter, j'ai peur qu'il ne perde la vie en contrepartie... murmura la femme inquiète pour un parfait inconnu. Elle affichait une mine des plus soucieuses, n'importe qui se serait battu pour faire renaître un sourire sur un si beau visage.
- Elle parle de Ghirahim... Non ? Je ne pensais pas qu'on pouvait avoir pitié de lui... sourit Link amusé tout en se demandant si son ennemi se trouvait vraiment en difficulté. Quelle serait alors l'attitude à adopter ?
- Elle n'a pas conscience de ses actes, mais si elle nous offre son aide, tu sais, la moindre des choses, c'est de répondre à ses maigres exigences... Si la mort de Ghirahim la mine nous pouvons le sortir de cette galère... proposa la princesse hésitante. Le choix n'était pas des plus simples.
- À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire... récita Link dans un murmure, le code de chevalerie était très strict à ce sujet. Il était lâche de tuer un ennemi déjà à terre.
- Ma dame, nous acceptons bien entendu votre aide, et si nous croisons la route de l'homme égaré, nous nous enquerrons de sa santé, n'ayez crainte. Mais sachez que dans notre monde, il s'agit d'un grand criminel sans coeur, prévint la princesse préférant être franche avec leur seule aide.
- Mais ici, il n'a encore rien fait. Je comprendrais si vous refusiez néanmoins. Merci de m'avoir écoutée. Vous pouvez partir l'esprit tranquille, je protégerai chacun de vos pas, et veillerai à ce que la tempête de sable et les illusions ne vous importunent pas ô nobles voyageurs. En attendant, permettez-moi de soigner vos blessures et faire disparaître votre fatigue, conclut la femme ailée retrouvant le sourire. Elle s'était réellement inquiétée pour l'avenir de Ghirahim. Elle se trouvait dotée d'une compassion à toute épreuve. Il n'était pas certain que le duo ferait de même.
- Merci Grande fée, vous venez de sauver la vie de deux âmes égarées..."
Link et Zelda saluèrent l'esprit en se courbant. La femme leva les mains au ciel et une lueur s'empara du duo qui immédiatement reprit des forces. Leurs muscles avaient déjà oublié la précédente traversée du désert. Ils n'auraient jamais cru pareil miracle possible, mais aussitôt guéris, ils reprirent leur route assurés de regagner la sortie.
La tempête de sable faisait rage au coeur du Désert des Illusions. Et pourtant, elle se calma de suite dès qu'elle sentit Link et Zelda fouler son sol maudit. Le début de soirée approchant, le duo se trouvait dans le créneau idéal pour la température. Ni trop chaud, ni trop froid. Le soleil avait fini par se calmer. Les deux amis marchaient péniblement dans le sable, s'enfonçant toujours autant. Néanmoins, le temps dégagé laissait entrevoir le désert entier. Ils se sentaient sur la bonne voie en continuant ainsi, tout droit. Les spectres et mirages ne vinrent pas gêner le duo, la magie de la grande fée était bien trop puissante pour cela. Franchir ainsi la zone maudite fut au final des plus agréables. Le vent frais venait aider les deux amis sans pour autant les entraver en soulevant du sable. Les grains bien qu'insidieux et se glissant partout ne les dérangeaient guère. Ils en auraient probablement dans leurs bottes à la sortie, mais si c'était là leur unique souci, ils en garderaient bon souvenir. La traversée passa beaucoup plus vite ainsi. Le crépuscule disparut en un clin d'oeil. Link et Zelda bavassaient tranquillement afin d'écourter le temps de traversée. Ils pouvaient enfin avancer sans avoir continuellement l'impression d'être observés. D'être traqués par leur souvenir du passé. Ressasser les mauvais moments et retomber dans les pires galères. Leur vie privée étalée dans le sable maudit. Le cauchemar de beaucoup d'hommes. Le chevalier quant à lui profitait de chaque instant avec la princesse. Cet amour qu'il avait découvert en lui n'était pas un poids, il le rendait plus heureux à chaque instant dès qu'il se trouvait aux côtés de l'être aimé. Voyageant avec Zelda, cet innocent souhait se révélait continuellement comblé. La tâche était aisée. Il n'en demandait guère plus. Il la trouvait elle aussi en pleine forme et c'était là la seule chose qui comptait à ces yeux désormais. Dans ce désert perdu et isolé, il savait se contenter de peu. L'eau ne manqua pas et après plusieurs heures de marche tout de même éreintantes, leur voyage au coeur du Désert des Illusions toucha à sa fin. Il leur restait alors une ultime épreuve à passer.
"Link ! Regarde, sur le sol ! C'est..." Zelda n'avait pas un mot de plus à ajouter pour que son ami comprenne. Elle semblait horrifiée, se souvenant de toutes les horreurs qu'un tel homme pouvait avoir commises. Et en même temps, terrifiée de le voir dans un pareil état, cela aurait très bien pu être eux sans le soutien de la grande fée. Ghirahim se trouvait à genou, les mains lâches, dos au duo. La bouche grande ouverte, ses yeux exprimaient une infinie tristesse et horreur. Il devait probablement revivre les pires instants de sa vie sans pouvoir lutter. Il n'en avait plus la force. Il avait néanmoins extrêmement bien résisté jusque-là, sa peau mate devant probablement le protéger du soleil. Ses pouvoirs avaient dû servir à braver les illusions quelques temps, jusqu'à ce que la fatigue le rattrape. Le Désert et sa malédiction étaient cruels, ils savaient être patients. Devant une telle vision, n'importe qui aurait eu de la compassion pour un homme paraissant ainsi, si fragile. Mais Link ne pouvait s'y résoudre. Il ne désirait pas l'achever, mais il se sentait parfaitement le coeur à l'abandonner. Zelda, elle, hésitait. "On n'a qu'à le laisser là ! Et voir s'il s'en sort tout seul !" pesta le chevalier les bras croisés constatant que Zelda était agenouillée, la mine soucieuse devant Ghirahim qui ne bougeait plus, ses yeux ne semblaient que douleur et étourdissement. "On ne peut certainement pas faire ça ! Je sais que tu lui en veux beaucoup ! Pour ce qu'il a fait à Hyrule, ce qu'il t'a fait, et surtout ce qu'il m'a fait. Mais ce n'est pas une mort honorable. Nous devons l'aider, juste pour cette fois. Tu dois le battre à l'épée, dans un combat loyal. Tu n'es pas déloyal, je sais qu'au fond de toi, tu ne peux pas le laisser comme ça. C'est juste la rancune qui t'en empêche. Qui t'empêche d'agir comme tu l'aimerais réellement." souffla la princesse compatissante. Link soupira et secoua la tête "Oui, bon, tu as raison. Il ne peut pas mourir comme ça. Nos souvenirs ne nous ont jamais mis dans un tel état, il doit probablement revivre des choses épouvantables. Mais dans notre Hyrule à nous, les choses ne se seraient certainement pas passées de même..." accepta le chevalier à découvert. Zelda avait pertinemment compris que sa plus grande rancune envers Ghirahim datait du jour où celui-ci avait tenté de mettre fin à la vie de la princesse, et qu'il avait bien failli réussir. Mais si son amie souhaitait le délivrer, elle devait avoir raison. Au fond d'elle, elle devait bien plus avoir subi un traumatisme suite à une telle expérience. Ghirahim quant à lui ne semblait être désormais plus qu'un simple pantin désarticulé par la peur. Il tentait parfois quelques mots qui avaient un sens limité pour le duo, "Non, maître, non..." Ce fut la princesse qui acheva la première la promenade dans le désert. "Link, nous devons nous hâter de le mener ailleurs ! Je pense qu'il est en plein délire avec l'Avatar du Néant à ses côtés, l'immonde créature que nous sommes parvenus à apercevoir !" Link hocha la tête finalement résolu. Zelda avait raison et faisait preuve d'une infinie sagesse. Son rôle de Princesse de la Destinée l'avait décidément rendue très mûre. Le chevalier se saisit de Ghirahim pour le porter, sur son épaule, tel un sac. Le rival ne réagit même pas, il était dans un autre monde...
Ainsi se finit le périple du duo, désormais en compagnie de leur plus grand ennemi. Ce pourquoi ils se battaient depuis le début. Mais désormais, ils avaient bien d'autres buts en tête. D'une importance telle, que la vie de Ghirahim elle-même ne pouvait être ainsi gaspillée...
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Eboorifée". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.