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L'ascension d'un prodige

Ecrit par Onyx
Chapitres 1 à 4   •   Chapitres 5 à 9   •   Chapitres 10 à 14
Chapitre 10   up

Code d'honneur du chevalier :
8. Il a le respect de toutes les faiblesses et s'en constitue défenseur.

o O o

- Par les déesses, mais c'est qu'il me ferait presque pleurer avec cet air affligé ! s'exclama Karl avant de rire à gorge déployée.

Avec sa femme, ils regardaient tous deux la photo que la princesse avait éditée à son retour au château et qu'elle avait donnée au chevalier lors de son départ. Dessus, on voyait Link mouillé jusqu'aux os et regardant l'objectif avec désemparement. Adélaïde riait de bon coeur avec lui en n'omettant aucun détail par rapport à ce souvenir. Link, qui était dehors en train de brosser Ciaran, finit par les rejoindre car il voulait savoir ce qui les rendait si hilares. Mais à peine eut-il mis les pieds dans la demeure que son père cacha la photo derrière son dos. Le jeune homme lui lança un regard méfiant et interrogateur.

- Tu as fini de t'occuper de ton cheval ? lui demanda sa mère pour détourner son attention.
- Oui, répondit Link en s'approchant de son père.
D'un geste vif, il passa sa main derrière le dos de Karl pour attraper l'objet de ses interrogations mais le chevalier leva le bras bien haut pour le rendre inatteignable.
- Allons ? Quelles sont ces manières, mon fils ? s'étonna-t-il, un sourire en coin.
Le jeune capitaine tiqua à cause de la moquerie de son père. Il ne se laissa cependant pas abattre et sauta pour attraper la photo. Link avait très bien compris ce dont il s'agissait.
- Donne-moi ça ! ordonna-t-il à son père d'une voix nonchalante qui trahissait son embarras.
Karl ricana en faisant quelques pas en arrière.
- Pour que tu détruises ce chef-d'oeuvre ? Certainement pas.
- C'était un accident, se défendit Link en faisant une grimace. Si Florine n'était pas arrivée aussi soudainement, je ne serais pas tombé à l'eau et la princesse ne se serait pas moquée de moi.

Il regarda sur le côté quand sa honte refit surface en repensant à ce moment d'humiliation. Le blond aurait préféré que Zelda n'assiste pas à une scène aussi ridicule... Il était le prodige hylien, bon sang... Pas un pitre. Karl observa son fils en silence. Son sourire s'effaça pour être remplacé par un air peiné. Lentement, il posa la photo sur la table à manger et il prit place sur un tabouret en soupirant.

- Tu sais, Link, je suis heureux de ne pas te trouver comme...
L'homme s'arrêta, les lèvres frémissantes.
- Enfin, tu sais bien. On m'a dit tellement de choses à ton sujet, au château. Nous sommes restés si longtemps sans nouvelles... Ta mère a insisté pour qu'on puisse te faire parvenir cette miniature.
La gorge du prodige se noua. Il se souvenait parfaitement de ce jour-là. La princesse l'avait sèchement rejeté et les problèmes pesaient lourdement sur ses épaules. Ce jour-là, trop d'évènements accablants l'avaient fait craquer.
- Je suis désolé, souffla Link en baissant la tête avec remords.
Jamais il n'avait eu l'intention de les blesser. Sa mère se remettait à peine de nombreuses années de maladie tandis que son père s'inquiétait beaucoup à son sujet. Deux bras vinrent lui entourer la poitrine et Adélaïde le serra tendrement contre elle.
- Link, nous savons à quel point ce doit être difficile pour toi, le rassura-t-elle en voulant lui apporter du réconfort. Nous sommes tes parents, nous t'aimerons toujours même si ton devoir fait de toi une nouvelle personne.
Les lèvres du jeune homme se pincèrent tant il était ému et soulagé par ses paroles. Seulement, il ne pleura pas. Link ne voulait pas verser de larmes car il voulait être fort pour eux.
- Quand Ganon sera vaincu et que le royaume sera hors de danger, je reviendrai à Elimith, promit-il en posant sa main sur l'avant-bras de sa mère. Je protègerai le village avec papa.
Cela la fit sourire.
- Mais s'il n'y a plus de monstres, de quoi veux-tu le protéger ? le questionna-t-elle, à juste titre.
Karl eut un rire moqueur puis il s'accouda sur la table.
- Il dit ça, mais en vérité il va juste revenir pour épouser cette vive Florine, déclara-t-il pour embêter son fils.
Le capitaine de la garde leva les yeux au ciel.
- Tu es trop vieux jeu, Karl, reprit la blonde en tirant son fils vers elle. Laisse Link vivre comme il l'entend, veux-tu ?
- Moi, tout ce que je demande, c'est que notre lignée soit préservée. Rien de plus.

Il attrapa son verre en terre cuite et but une grosse gorgée d'eau. Dans ses bras, Adélaïde sentit son fils se crisper suite à ses paroles. Intriguée, elle pencha la tête sur le côté pour le dévisager et aperçut ses joues rougies par la gêne. Cela la dérouta car ce n'était point dans les habitudes de Link que de rougir.

- Karl, tu me fatigues, soupira-t-elle avant de s'écarter et d'aller prendre la photo.
Elle la plaça dans un cadre puis finit par la poser sur le guéridon, près du lit de Link. Bientôt, leur fils aurait dix-sept ans et ils ne pourraient pas le souhaiter tous ensemble. Seulement, Adélaïde désirait tout de même lui offrir quelque chose... Peut-être qu'une petite statuette en bois pourrait lui faire plaisir et décorer sa chambre, au château ? Cette idée lui plaisait bien.
- Je vais rejoindre Jeannot au champ, annonça Link en se dirigeant vers la porte.
- Tu vas l'aider à assouplir le sol ? lui demanda son père, content de voir qu'il prenait part à la vie du village.
Le jeune homme se contenta seulement d'opiner puis il disparut dehors après avoir soigneusement fermé la porte. Karl s'étira les bras en émettant un grognement faible.
- Un vrai bonhomme, notre fiston, sourit-il avec un air niais. Les déesses nous ont donné le plus beau des enfants.
- Je t'ai donné le plus beau des enfants, rectifia sa femme en revenant. Ce ne sont pas elles qui se sont embêtées à le porter des mois dans leur ventre, ni même qui ont dû élever un petit sauvage. Par Hylia, à force de courir à droite et à gauche, il nous en a fait voir de toutes les couleurs...
Cela fit rire le chevalier.
- Je pense que nous ne sommes pas au bout de nos peines, ajouta-t-il en se levant.

Adélaïde ne put s'empêcher de soupirer suite à sa remarque. Oh ça... Elle savait bien qu'elle aurait des cheveux blancs avant l'heure. Entre le père et le fils, l'Hylienne ne pouvait dire qui des deux était le plus fatiguant. Mais après tout, c'était la vie qu'elle avait choisie de mener, et la châtaine en avait fait sa fierté.

o O o

Zelda surprit sa nourrice quand elle rentra plus tôt que prévu au château. Elle lui parla aussitôt des requêtes des villageois, de la nécessité de leur apporter des graines et de former quelques soldats chez eux. Impa promit de prendre en charge leur affaire dans les plus brefs délais. Le soir même, la princesse fut contrainte de se rendre à la réception organisée par son père et éprouva une profonde solitude à cause de son manque d'intérêt ainsi que d'amusement. Fort heureusement, Cassius avait été convié car il était le compositeur des morceaux joués lors de la soirée. Il proposa humblement à la jeune fille d'être son cavalier pour une danse, ce qu'elle accepta bien qu'elle n'aimait pas cette activité. En temps normal, elle aurait refusé car le poète n'était point noble. Cependant, les titres de noblesse ne s'appliquaient pas aux membres sheikahs, lui permettant de danser avec elle sans déshonorer Zelda. Bien entendu, cela déplut aux nobles qui n'appréciaient pas le clan sheikah. Mais peu importait à la princesse. Cela lui permit de s'évader et de se divertir pour quelques minutes.

Les jours suivants, Zelda les consacra essentiellement à la prière dans les sous-sols du château. Impa redevint son escorte le temps que Link revienne de sa permission. Il était hors de question que la princesse reste sans surveillance. Après l'une de ses sessions de prière, elle s'empressa de rappeler à sa jeune amie ce qu'elle devait faire dans les prochains jours. Elles marchaient toutes deux dans un couloir froid et humide quand elle prit la parole :

- Vous allez devoir revenir à la source du Courage, Princesse. Comme vous le savez, il y a des dates précises à respecter pour entrer pleinement en symbiose avec le pouvoir de Farore.
- C'est la source la plus éloignée du château, soupira la blonde en se tenant les bras, grelottante. Je vais devoir m'absenter quelques jours dans ce cas.
La nourrice retira le haut de son habit traditionnel et le passa autour des épaules de Zelda qui la remercia d'un sourire.
- Dois-je composer votre escorte ? Nous avons de très bons éléments disponibles.
La prêtresse royale balaya doucement l'air d'une main.
- Ce ne sera pas nécessaire. Je vais attendre le retour de Link.
Impa haussa les sourcils, quelque peu surprise et déroutée.
- Êtes-vous sûre ? Pour un voyage aussi long... Les forêts tropicales ne sont pas les plus accueillantes depuis quelques temps, l'avertit-elle avec méfiance. Des monstres y ont élu domicile. Un seul homme sera vraiment suffisant ?
L'Hylienne hocha la tête alors qu'elles empruntaient un escalier. Link était l'élu de la Lame Purificatrice. Il avait déjà su faire ses preuves, que ce soit dans le désert face aux Yigas ou même face aux monstres sur la Montagne de la Mort.
- J'ai pleinement confiance en lui, finit-elle par avouer en souriant. Mais si cela peut te rassurer, j'engagerai d'autres chevaliers pour l'épauler.
- Je vous laisse le choix, Princesse, prononça Impa d'une voix neutre. Si vous me dites que Link suffira à lui seul pour vous escorter, alors je vous crois.

Toutes deux s'échangèrent un regard qu'elles surent aussitôt décoder. Elles se connaissaient depuis assez longtemps pour deviner ce que l'autre pensait. Zelda changea de sujet.

- As-tu envoyé les sacs de graines à Elimith ?
- Oui, hier matin. De plus, l'instructeur devrait partir d'ici quelques jours.
Cette nouvelle réjouit la jeune fille, heureuse de venir en aide à son peuple.
- Quant à la question du commerce, j'en discute encore avec Oswald, poursuivit la Sheikah d'un air grincheux. Ce vieillard est dur à convaincre quand il s'agit de financer un projet... À croire qu'il s'agit de son propre argent.
Zelda se retint de rire car elle trouvait cela indécent de se moquer du défaut d'une personne malgré le fait qu'elle approuvait sa nourrice.
- J'espère que le problème pourra être résolu d'ici peu.

Elles débouchèrent dans un nouveau couloir bien plus large et menant au grand hall. Quelques domestiques s'attelaient à leur tâche et saluaient la princesse sur leur passage. Le château était toujours en effervescence... Le total opposé du calme d'Elimith, ou même de Cocorico.

- Je vais devoir vous quitter, annonça Impa en apercevant quatre membres du clan sheikah dans un coin. Je dois avoir une discussion avec les miens.
- Je comprends. Pour ma part, je vais aller dîner avec père...

Si toutefois il daigne venir se joindre à elle, pensa tristement la princesse. Elle n'avait que rarement l'occasion de le voir partager sa table. Son père était trop souvent absent bien qu'il soit aussi dans le château. Les fois où elle pouvait lui parler restaient rares. Sans évoquer la distance qui les séparait malgré leur lien du sang... Zelda salua sa nourrice puis partit en direction de la salle à manger, le coeur lourd. En fin de compte, la présence de son chevalier servant parvenait à alléger la solitude qu'elle éprouvait même s'il ne parlait que très peu. Encore une fois, Zelda regrettait amèrement la manière dont elle s'était comportée envers lui. Cela pouvait être difficilement oubliable...

La princesse n'avait que des choses à se reprocher, comme si elle ne parvenait pas à mettre en avant tout ce qu'elle avait accompli jusqu'à présent. Et cela, deux personnes s'en étaient aperçues : Urbosa et Impa. Seulement, comment aider la princesse à sortir de ces remords qui la rongeaient ? Tant que Zelda n'arrivait pas éveiller son pouvoir, elle ne pourrait atteindre la paix intérieure, la paix avec elle-même.

o O o

Deux jours plus tard, Link revint enfin au château, assez reposé et le coeur allégé suite aux retrouvailles avec ses proches. Il se présenta aussitôt à la princesse pour lui signifier sa présence. Il avait d'abord pensé que Zelda l'accueillerait avec froideur après leur dernière discussion à propos de son mutisme. Le prodige reconnaissait avoir été assez sec dans sa réponse. Pourtant, la princesse le salua normalement, comme si elle avait fait totale abstraction de ce qui s'était passé. Ce n'était pas le cas, bien sûr. Elle voulait seulement ne pas en reparler pour ne pas l'affliger. Maintenant qu'elle comprenait un peu mieux son chevalier servant, la princesse pouvait essayer de le tirer de sa situation oppressante. Mais cela demandait que Link y mette aussi du sien puisqu'il était le premier concerné.

- Tu as l'air reposé, constata Zelda en tournant une fois autour de lui. Cette permission a été bénéfique.
Link l'approuvait mais il préféra rester silencieux en attendant qu'elle poursuive. Il sentait bien qu'elle devait lui annoncer quelque chose.
- Demain, je dois me rendre à la source du Courage dans la forêt de Firone. Puis-je compter sur ta protection ?
Cette question, bien que banale et anodine étant donné qu'il était son chevalier servant, fit naître au sein de Link une joie discrète car la princesse lui accordait intégralement sa confiance. Il acquiesça, posa une main au-dessus de son coeur puis courba la tête.
- Je suis à votre disposition, prononça-t-il humblement.
Même si elle s'attendait à cette réponse, Zelda esquissa un sourire et le remercia. Elle l'invita à la suivre dans les couloirs pour se rendre dans l'un des nombreux jardins du château.
- Le trajet durera un jour entier. Nous allons devoir faire un petit détour au Relais des Alpages pour passer la nuit, puis nous pourrons rejoindre la source le jour suivant, l'informa-t-elle en marchant quelques pas devant. Impa m'a avertie qu'il y aurait des créatures dangereuses dans la forêt de Firone. Nous devrons faire très attention.
La princesse jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule pour le regarder un bref instant, puis elle reporta son attention devant elle.
- Il te faudra préparer un sac de voyage. Je pense que tu sauras quoi y mettre.

En effet, Link savait déjà qu'il y placerait quelques provisions, des gourdes d'eau et des vêtements de rechange en cas de problème. Quant à la princesse, elle se chargeait de prendre une trousse de secours en plus de sa tenue de prêtresse.

- La princesse perd encore du temps inutilement. Elle devrait plutôt aller prier, chuchota une voix derrière Link.

Ce dernier tourna la tête avant de découvrir deux jeunes filles nobles qu'ils venaient de dépasser. Face à la réflexion irrespectueuse de l'une d'entre elles, il fronça les sourcils et afficha un air fermé qui les fit frémir.
Link observa alors la princesse pour guetter sa réaction mais elle ne semblait pas y avoir prêté attention. Peut-être n'avait-elle tout simplement pas entendu ? Ou alors, trop habituée à ce genre de remarque, elle n'y accordait plus le moindre intérêt. Le prodige n'osa en parler à Zelda, il se contenta de rester silencieux en regardant sur le côté. Mais si jamais il entendait des propos diffamatoires à l'encontre de la princesse, il ne resterait pas passif. Un chevalier servant se devait de défendre la cause de sa damoiselle.

Le lendemain de très bonne heure, après avoir réuni son équipement et ses affaires, Link rejoignit la princesse devant les immenses portes menant à la citadelle. Il avait préalablement nourri et sellé Ciaran. Ce voyage n'allait pas être évident pour les deux montures. Le jeune homme plaça un pied dans l'étrier puis se hissa sur le dos de son cheval afin d'arriver au niveau de la princesse, prête à partir. Cette dernière le salua et leur voyage put enfin commencer. En ce début de mois d'avril, l'arrivée des beaux jours commençait à se faire sentir malgré les vêtements chauds qu'ils portaient. Pour la première fois, Link allait découvrir l'une des trois sources des déesses. La source du Courage... Voilà un lieu qui savait susciter de la curiosité chez lui. Sur le chemin, la princesse prit la liberté de lui raconter l'origine du monde, l'arrivée des trois déesses, le combat d'Hylia contre le Mal, épaulée d'un esprit héroïque. Et enfin, le cycle des réincarnations.

Zelda était consciente que son chevalier servant savait pour ses pouvoirs non éveillés. Il ne lui avait pourtant fait aucun commentaire à ce sujet, et elle l'en remerciait. Les élus traversèrent une partie de la plaine d'Hyrule au galop pour ne pas arriver trop tard au relais. Mais ils durent ménager leurs chevaux et revinrent donc au pas. Cela leur permettait au moins de pouvoir profiter du paysage, de la faune et de la flore. Ils progressaient sur le chemin, côte à côte.

- Dis-moi, Link, commença Zelda après une heure où ils étaient plongés dans le silence. Qui a été ton maître pendant ta formation de chevalier ?
Le jeune homme tourna la tête vers elle pour chercher dans son regard la raison de sa question. Mais les yeux verts de la princesse restaient insondables.
- Mon père. Puis le chevalier Arthur, répondit-il simplement en reportant son attention sur la route.

Le chevalier Arthur ? Zelda n'en avait jamais entendu parler. À vrai dire, elle ne connaissait que très peu de noms parmi les chevaliers. Elle trouvait cela fort regrettable... Ses pensées dévièrent sur la Lame Purificatrice sanglée dans le dos du prodige. Une de ses questions en suspens jaillit dans son esprit, nécessitant une réponse que Zelda attendait depuis quelques temps déjà.

- Il y a plusieurs semaines, je t'avais demandé si tu entendais une voix provenant de l'épée, reprit la blonde en raffermissant sa poigne sur la bride de son cheval. Seulement, tu n'avais pas eu le temps de me répondre.
Elle lui adressa un regard interrogateur. Elle voulait savoir si son incapacité s'étendait bien au-delà du sommeil de ses pouvoirs. Link mit plusieurs secondes avant de répondre :
- Je l'entends.
Zelda détourna la tête, visiblement affectée.
- Je vois, souffla-t-elle.
Quelle question stupide et évidente, pensait-elle. Contrairement à sa grand-mère, elle n'entendait pas la voix des esprits... Avec toutes les rumeurs qui circulaient à la cour, qui ne connaissait pas la triste réalité concernant la princesse ? Zelda soupira et ses épaules s'affaissèrent.
- Je pense que tu es au courant à propos du pouvoir du sceau, ajouta-t-elle en fronçant les sourcils.
L'Hylienne se risqua à lui jeter un bref coup d'oeil pour voir sa réaction : Link la dévisageait sans émotion particulière, comme à son habitude. Elle ne sut dire si cela la soulageait, ou si au contraire cela la plaçait dans son sentiment de solitude. Zelda préféra fixer la crinière de son cheval, bougeant au rythme des pas.
- Il n'est toujours pas éveillé, hélas... avoua-t-elle enfin bien qu'il le sache déjà. Je ne sais pas encore en quoi il consiste, mais j'espère pouvoir le maîtriser dans les plus brefs délais.

La détermination se lut dans son regard à cet instant précis. Hors de question de se laisser abattre. Ses efforts finiraient bien par être récompensés. Mais Zelda souffrait des commérages de la cour, des conversations méprisantes à son égard. Elle redoutait d'être rejetée par son peuple. Mais cela, elle ne voulait pas en parler à Link. Sa monture se mit à hennir et ses oreilles se tendirent vers l'arrière pour témoigner de son énervement. Zelda lui caressa l'échine pour la calmer du mieux possible mais cela ne semblait pas très bien fonctionner.

- Je ne comprends pas... dit-elle avec déroutement. Mon cheval n'est jamais à l'aise et manifeste toujours des signes d'agacement. Je crois qu'il supporte mal le harnais, voire le harnachement... J'ai beau le forcer à le porter tout le temps, il n'y a rien à faire. Mais tout de même, cela fait bientôt deux ans ! C'est à n'y rien comprendre.
- Vous devriez peut-être passer plus de temps avec lui, suggéra Link en observant la monture de la princesse.
Il avait déjà remarqué son comportement inhabituel lors de leurs quelques voyages à cheval. Zelda lui lança un regard interrogateur.
- Quand il s'agit de chevaux, il faut aussi beaucoup de douceur afin de nouer des liens, ajouta-t-il en se souvenant des conseils de son père.
Le jeune homme crut voir de l'espoir à travers les yeux de sa compagne de route.
- Tu penses ? Il est vrai que je suis avec lui seulement lors de mes déplacements...
Zelda finit par esquisser un sourire.
- Je vais mettre tes conseils à exécution. Nous verrons bien avec le temps.

Son chevalier servant approuva. Il regarda la princesse murmurer quelques mots doux à l'adresse de son cheval, ce qui fonctionna... plus ou moins bien. En tout cas, l'équidé se tint relativement calme jusqu'à ce qu'ils arrivent au Relais des Alpages en début de soirée. Au sud d'Hyrule, les températures étaient bien moins fraîches qu'à la citadelle : on ressentait mieux le printemps et ses températures douces. Zelda n'avait rajouté que sa demi-cape pour se protéger, imitée par son compagnon. Ici, le propriétaire du relais avait déjà eu l'occasion de la voir lors de ses précédents voyages. Il vint chaleureusement l'accueillir et proposa immédiatement de prendre en charge les chevaux pendant qu'elle réglait auprès de sa femme. Link se manifesta clairement pour payer sa nuit. Il était hors de question que la fille du roi le prenne à son compte.

- Nous allons vous installer un lit à l'écart, Votre Altesse, lui annonça la femme en courbant la nuque face à elle. Voulez-vous que nous fassions de même pour votre escorte ?

Zelda se tourna vers le prodige pour connaître son avis. Celui-ci fit simplement non de la tête. Il veillerait toute la nuit pour la préserver de toute attaque. Peut-être cela paraissait-il aberrant ou excessif aux yeux de la princesse, mais Link avait juré d'accomplir son devoir jusqu'au bout. On fit donc installer des paravents autour du lit de la prêtresse royale pour préserver son intimité. Lorsqu'il fut l'heure de se coucher, Zelda passa la tête sur le côté pour saluer et remercier Link, mais ce dernier avait déjà pris place à l'entrée du relais. Il se tenait debout, la Lame Purificatrice posée sur le sol et positionnée à la verticale devant lui en guise de dissuasion. La jeune fille s'en voulait un peu de le priver de son sommeil. Cependant, elle respecta son choix et ne tarda pas à se glisser sous les draps, entourée d'un sentiment de paix.

o O o

Cela faisait bientôt une heure qu'ils étaient entrés dans la forêt tropicale de Firone, berceau d'une flore et faune jusque-là inconnues de Link. Pourtant, il aimait bien l'ambiance qui en émanait et la zenitude dégagée par le bruit de la nature. L'humidité qui flottait était sans doute l'un des seuls inconvénients de cet endroit, sans compter les possibles créatures malfaisantes qui se terraient quelque part. Pour atteindre la source, les deux compagnons empruntèrent un chemin souvent fréquenté puis durent le quitter pour suivre le cours d'une rivière agitée. Zelda ne comptait plus le nombre de fois où elle avait foulé ces terres depuis son enfance. Elle ne connaissait que trop bien ces lieux... Après une bonne heure de marche, ils parvinrent enfin aux Ruines Soneaux qui précédaient la source. Quelle aura singulière... pensa Link en les contemplant avec intérêt.
Jamais encore il n'avait visité un tel lieu de prière. Le chevalier percevait la force presque divine qui habitait cet endroit. Zelda descendit de son cheval et pria le prodige de faire de même avant de la suivre. Tous deux s'avancèrent sur un chemin tracé par des dalles rongées par l'érosion et le temps. C'est alors que Link vit la grande statue de la déesse Farore. Il se sentait inexorablement attiré sans en connaître la raison.

- Attends-moi ici, lui demanda Zelda qui s'empressa de disparaître derrière un mur délabré, à une quinzaine de mètres.

Link se doutait bien de ce qu'elle allait faire et décida de lui tourner le dos pour que la prêtresse royale soit plus à l'aise. Cette attention de sa part parvint à la rassurer et à atténuer son stress. Elle se serait bien changée au relais, mais le voyage ne lui permettait pas de rester en robe. Quand elle fut prête, Zelda quitta son abri, s'approcha de la statue puis s'enfonça dans l'eau en se retenant de grimacer. Même après toutes ces années, elle n'était pas habituée à la basse température des sources. A croire que les déesses désiraient une méditation dans une eau glacée. Pareille à la session de prière au château, Link resta de dos et s'assit en tailleur, prêt à patienter le temps qu'il faudra. Bien plus tard et une fois encore, il sentit son épée émettre une vibration qu'il reconnut aussitôt. La prêtresse royale venait d'entrer en transe.

- Est-ce que tu as un nom ? pensa Link en s'adressant directement à l'esprit de l'épée.
Celle-ci ne tarda pas à répondre, la Lame Purificatrice vibra une nouvelle fois.
- Si cela vous convient, appelez-moi Fay. Je suis l'esprit de l'épée créée par la déesse Hylia elle-même, répondit la voix féminine.
- Si tu réagis à chaque fois que la princesse entre en transe, cela veut dire que vous êtes liées ?
Un long silence s'ensuivit pendant lequel Link se demanda s'il venait de dire une bêtise, ou si Fay préférait ne rien dire. Elle finit pourtant par lui apporter une réponse.
- La princesse Zelda étant l'une des descendantes de la déesse Hylia, je peux réagir à son aura quand celle-ci se manifeste.
C'est vrai... En y repensant, Link se sentit bien insignifiant de côtoyer la descendante même de la déesse. Jusqu'à présent, il n'avait pas songé à l'honneur et aux responsabilités supplémentaires que cela impliquait. Quel courage de la part de la princesse... Voilà bien quelque chose de tout à fait admirable. Mais sa condition de descendante divine ne faisait que renforcer la distance entre elle et le jeune homme. Link ne put retenir un soupir et leva la tête vers le ciel pour se changer les idées. Une fois Ganon vaincu, il ne regretterait pas du tout de quitter l'environnement du château. Il préférait amplement mener une vie simple, entouré par ses proches.

o O o

- Je n'ai pas constaté de changement, déclara Zelda après s'être rhabillée. Ce sera sans doute pour une prochaine fois...

Son sentiment habituel de honte vint la ronger et la força à dépasser Link pour ne pas qu'il voit ses yeux bien trop humides. Zelda prit son cheval par la bride et le tira en direction du chemin retour, le coeur lourd. Encore une fois, elle allait devoir annoncer à son père qu'elle n'était pas prête. Link se lança sur ses pas et fit de même avec Ciaran. Il avait parfaitement compris l'état émotionnel de la princesse. Seulement... que lui dire ? Tous deux marchèrent le long de la rivière, l'un derrière l'autre. Le silence qui régnait semblait bien plus pesant. Link observa le dos de l'Hylienne. Il regrettait de ne rien pouvoir faire. Loin devant elle, un étrange mouvement attira son attention même s'il ne discernait rien. Mais son expérience sur le champ de bataille et son instinct ne lui mentaient jamais.

- Votre Altesse, attendez, la pria-t-il avec fermeté après avoir lâché les rênes de son cheval.

Surprise, elle le regarda passer devant elle et dégainer son épée. Aussitôt, un sentiment d'insécurité s'empara de Zelda face à cette situation qui semblait plus dangereuse qu'en apparence. Seulement, Link lui-même ne voyait pas son ennemi. Ce n'était guère rassurant... Lentement, il se baissa pour ramasser une pierre puis il la lança en direction d'un rocher, plus loin. A peine la pierre l'eut-elle heurté qu'une masse bondit vers le prodige en poussant un couinement désagréable. Effarée, Zelda poussa un cri en reculant d'un coup tandis que son cheval se cabrait en hennissant avec puissance, lui aussi effrayé. A l'aide de son bouclier, Link para l'attaque du lézalfos et profita de son déséquilibre pour le pourfendre d'un geste vif et précis. Comment une telle créature pouvait-elle faire le poids face à lui ?

Le jeune homme resta en position de défense sans cesser d'examiner les alentours, à la recherche du moindre monstre. Fort heureusement, le lézalfos semblait être seul. Quand il fut assuré que le danger était passé, Link replaça son épée et son bouclier dans son dos puis il revint vers la princesse.

- Vous allez bien ? s'assura-t-il en remarquant sa pâleur.
- Je... Oui, bredouilla Zelda, encore sous l'emprise d'émotions vives. Merci.

Link la dévisagea un instant sans qu'elle ne puisse lire ses pensées puis il entreprit de rejoindre Ciaran, resté en retrait. Il passa donc derrière la monture de la princesse. Le cheval princier poussa soudainement un hennissement de terreur et donna un violent coup de sabots en arrière, arrachant une exclamation de stupeur à Zelda. Le chevalier reçut le choc de plein fouet dans la poitrine, ce qui lui coupa net la respiration et le propulsa brutalement dans la rivière mouvementée.

- Link ! s'écria l'Hylienne, horrifiée.
Sa monture se mit à sauter sur place en hennissant, encore sous la peur due à la précédente attaque.
- Du calme ! ordonna Zelda en tirant sur la bride. Du calme !

Son cheval se cabra et la fit lourdement tomber au sol, dans une plainte étouffée. La princesse se redressa sur ses coudes, la vue troublée durant quelques instants, jusqu'à ce qu'elle voie son chevalier servant se faire emporter par les eaux agitées. Encore à moitié sonné par le coup de sabots, Link peinait à se sortir de ce pétrin, ce qui alerta d'autant plus la princesse quand elle vit la cascade, au loin. Avec son équipement lourd, il allait vite se fatiguer...

- Link ! l'appela-t-elle en se relevant d'un coup.

La jeune fille s'élança à sa poursuite en courant aussi vite qu'elle le pouvait. Les pierres et les plantes représentaient de véritables obstacles sur son chemin et la forçaient à sauter par-dessus sans lâcher le prodige du regard. Le coeur de Zelda s'accéléra à cause de l'urgence de la situation et des efforts qu'elle fournissait. Mais elle voyait bien que Link ne s'en sortirait pas tout seul... Il ne parvenait même pas à revenir vers la rive, le courant était bien trop puissant. Par moments, sa tête s'enfonçait sous l'eau puis ressortait plus loin. Zelda s'arrêta soudainement devant une liane, s'en empara d'une fine et souple puis tira de toutes ses forces en gémissant. Intérieurement, elle priait les déesses de lui prêter un peu de leur force pour venir en aide à son compagnon. Au-dessus d'elle, une branche craqua et la princesse poussa une exclamation en redoublant d'efforts. La liane céda tout à coup et Zelda manqua de tomber à la renverse. Sans perdre de temps, elle s'élança vers Link qui n'appelait toujours pas à l'aide. Il voulait s'en sortir seul pour ne pas mettre en danger la princesse.

- Link, attrape ça ! s'écria la blonde en faisant tournoyer l'extrémité de la liane.

D'un geste vif, elle la lança en direction du jeune homme afin qu'elle tombe en aval par rapport à lui. Aussitôt, Link s'en empara et la princesse cessa d'un coup de courir. Mais la force des eaux était telle que Zelda fut violemment tirée en avant et glissa sur le sol terreux et humide de la forêt de Firone. Déroutée, elle poussa un cri en se penchant en arrière pour garder l'équilibre jusqu'à ce que ses pieds rencontrent une roche sur laquelle elle prit appui. Ce fut au tour de Link de s'arrêter brusquement au milieu de l'eau, tiré par la puissante force du courant. Il serra les dents et fournissait un grand effort pour garder la tête hors de la rivière. A chaque instant, des vagues venaient lui fouetter le visage et l'empêchaient de respirer convenablement.

Link jeta un coup d'oeil à la princesse et la vit en très mauvaise posture. Elle résistait difficilement à la traction de l'eau et au poids du prodige. Elle aussi allait se faire emporter... Sans hésiter, Link lâcha la liane et fut de nouveau en proie au courant.

- Non ! s'horrifia Zelda en tombant en arrière.
Épuisée, elle ne put que voir son chevalier servant disparaître au bord de l'assourdissante cascade, dans un cri étouffé par le bruit environnant.
- Link !

Zelda émit un gémissement en se relevant, le coeur battant à tout rompre. Elle puisa dans ses dernières forces, courut au bord de la chute d'eau et regarda aussitôt le lac qui se trouvait une trentaine de mètres plus bas. Mais elle ne voyait rien. Aucune trace de son compagnon de route, aucune tache bleue s'apparentant à sa tunique. Horrifiée, la blonde eut un mouvement de recul, les lèvres frémissantes. Tout se chamboulait dans sa tête. Son état était si instable qu'elle ne pensait plus normalement. Et pourtant, de manière machinale, elle se mit à dévaler la pente et à escalader les parois pour atteindre la rive, plus bas.

Link, emporté par un courant sous-marin, se râpa de nombreuses fois contre les roches aquatiques ou même le sol sablonneux au fond du lac. Pour revenir à la surface, il tenta de prendre appui sur la première surface dure qu'il trouva puis il poussa de toutes ses forces en grimaçant. L'eau se calma autour de lui, ce qui lui permit de sortir soudainement la tête de l'eau pour reprendre une grande goulée d'air. Malgré son souffle court et saccadé, il nagea vers la terre, se battant contre le poids même de son équipement. Cela lui parut une éternité alors qu'il ne s'agissait que de quelques minutes exténuantes. Quand le prodige eut enfin pied, il se traina difficilement au sol et se laissa tomber sur la terre sablonneuse de la rive.

Haletant, Link ferma les yeux et resta allongé sur le dos en ahanant. Par les déesses... Plus jamais il ne passerait derrière un cheval aussi instable. Il avait terriblement mal au niveau de la poitrine et une douleur vive se propageait dans l'une de ses jambes. Le prodige entendit des pas patauger dans l'eau, ce qui le fit soudainement se redresser, sur le qui-vive. Ce n'était qu'une hallucination auditive... La nature semblait tourner autour de lui, cela lui provoqua des vertiges et un début de nausée. La douleur que ressentit Link dans sa jambe fut si forte qu'il poussa un cri en basculant sa tête en arrière. Une force s'exerçait sur lui pour le maintenir et le plaquer au sol.

- Link, calme-toi ! lui parvint la voix de la princesse. Je dois nettoyer ta plaie !
Le chevalier ouvrit les yeux et se redressa avec brusquerie, ce qui fit sursauter Zelda. Immédiatement, des maux de tête le firent grimacer et l'obligèrent à se rallonger en poussant une faible plainte. Tout était si vague...
- Les déesses soient louées, ces blessures n'ont pas l'air mortelles, souffla l'Hylienne qui finissait de désinfecter la peau du tibia.

Sa voix créait des échos peu agréables dans la tête de Link. Sans parler de la douleur dans sa poitrine où il avait l'impression de sentir encore les sabots du cheval. Zelda, qui avait dû retirer la botte et relever le pantalon de son compagnon, entoura la plaie dans un bandage en veillant à ne pas trop serrer. Elle se félicitait d'avoir pris avec elle la trousse de premiers secours... Le tout restait qu'il ne fallait pas que cela s'infecte. Elle passa ensuite à la tête du prodige qui s'était ouvert au niveau de l'os zygomatique. Quand il sentit ses doigts l'effleurer, Link eut ce même mouvement de recul que sur la Montagne de la Mort, ce qui dérouta la princesse.

- Allons, ce n'est pas le moment de jouer au dur, le sermonna-t-elle avec un regard sévère.

Link voulut se défendre en disant que ce n'était pas la raison mais elle ne lui laissa pas le temps de répondre quoi que ce soit : Zelda passa un linge humide sur la plaie pour enlever le sang et la nettoyer. Elle se remettait peu à peu des émotions qu'elle venait d'éprouver. La jeune fille avait besoin de tout sauf de cela ! Link se laissait docilement faire en prenant soin de ne pas croiser son regard. Cette situation le perturbait car elle était la fille du roi. Il se sentait mal de l'obliger à toucher un simple roturier comme lui.

- Mettre un bandage serait un peu excessif au vu de la blessure, déclara-t-elle en se calant légèrement. Je vais te donner une compresse et tu appuieras dessus pendant quelques temps.

Le jeune capitaine de la garde opina pour lui signifier qu'il avait bien compris et il attrapa le pansement que lui tendait Zelda. Il s'empressa de le poser contre sa peau. Lorsque la princesse se releva, Link fit de même mais il manqua de tomber à cause de sa jambe. Sa compagne lui prit le bras sans même qu'il puisse réagir et le passa sur ses épaules pour l'aider le temps que la douleur s'atténue. Le blond voulut aussitôt s'écarter, troublé.

- Vous n'y pensez pas ! s'exclama-t-il en trouvant cela presque inconvenable.
Zelda se crispa quand elle comprit enfin pourquoi il réagissait ainsi, et cela l'agaça en plus de l'affecter. Elle inspira profondément puis lui adressa un regard ennuyé.
- Link, cesse tes bêtises sur-le-champ, le prévint-elle avec autorité. Mon titre de princesse ne fait pas de moi quelqu'un d'intouchable. Je suis un être humain comme un autre alors pour l'amour d'Hylia, oublie que je suis la fille du roi le temps qu'on sorte de ce pétrin. Est-ce clair ?

Elle crut voir un semblant de moue sur son visage durant un court instant. Faisait-il l'enfant ?! Zelda l'aida à se relever et son compagnon comprit qu'il allait devoir se déplacer principalement sur une jambe pour épargner de son poids celle blessée.

- Nous devons essayer de rejoindre les chevaux, se lamenta-t-elle en évaluant la hauteur qui les séparait de leurs montures.
- Attendez... souffla Link en portant une main à sa bouche.
Ainsi, il siffla un court air qui laissa la princesse dubitative. Il ne tarda pas à s'expliquer.
- J'ai appris à mon cheval à me rejoindre.
- Je ne pense pas que les chevaux soient assez intelligents pour cela. Regarde autour de toi. Penses-tu vraiment qu'il va réussir à trouver un chemin pour nous rejoindre ?

Link le lui confirma, le visage inhabituellement blême. Au-dessus d'eux, la tête de Ciaran apparut à côté de la cascade et ce dernier les observa jusqu'à les reconnaître. Il disparut presque aussitôt. Le prodige, qui appuyait sur sa plaie au visage, scrutait les environs pour se faire une idée de l'environnement qui les entourait. Il ne lui parut pas hostile.

- Nous devrions nous mettre dans un coin plus sécure, suggéra la princesse en guidant Link vers une petite cavité creusée dans la roche près de la cascade. Si ton cheval parvient à nous rejoindre, nous le verrons bien arriver.

Ils se mirent ainsi à l'abri en attendant. Link eut quelques difficultés à s'asseoir à cause de sa jambe mais la princesse l'aida tant bien que mal puis prit place à ses côtés, le regard rivé sur le lac à une quinzaine de mètres d'eux. Le jeune homme poussa un faible soupir presque inaudible. Quelle situation honteuse... S'il n'avait pas manqué de vigilance, Zelda n'aurait pas eu à autant s'inquiéter pour lui et il ne serait pas blessé.

- Quand nous serons au château, nous irons voir directement Impa pour lui parler de ma session de prière, l'informa Zelda en entourant de ses bras ses jambes repliées. Je ne pense pas qu'elle soit ravie de te voir revenir dans cet état... Elle risque de me faire changer de monture.

Ses yeux se plissèrent car cela la peinait. Zelda s'était tout de même attachée à son cheval malgré sa réticence récurrente. Pour passer le temps, elle raconta à son chevalier servant les quelques péripéties vécues avec son destrier. Ses souvenirs restaient globalement heureux, certains parvenaient même à lui arracher un sourire. Elle cessa de parler quand des hennissements se firent entendre à l'extérieur de la caverne. En effet, Ciaran arrivait au galop, suivi de près par le cheval blanc. Zelda aida le prodige à se relever puis elle le conduisit jusqu'à Ciaran pour le hisser dessus. Link insista pour le faire seul et elle finit par s'y plier. La princesse se dirigea vers son cheval, le sermonna à travers quelques phrases et avertissements puis regagna son dos avant de lui ordonner de se mettre en marche.

Ce jour marqua très certainement un commencement sans qu'ils en aient réellement conscience pour le moment. Le début d'une confiance mutuelle.

Chapitre 11   up

Code d'honneur du chevalier :
9. Il sera, partout et toujours, le vainqueur du Droit et du Bien contre l'Injustice et le Mal.

o O o

Ce matin-là, Link se réveilla en sursaut et poussa un cri de panique à cause des sueurs froides dont il était victime. Dans son cauchemar, il participait à une énième bataille mais cette fois-ci, tous ses compagnons chevaliers avaient été décimés sous ses yeux, sans qu'il ne puisse rien faire pour les aider. Impuissant et spectateur de leur mort, Link avait ensuite été accablé par la culpabilité ainsi que par les reproches des défunts et de leur famille brisée. Et tout ce poids qui grandissait peu à peu sur les épaules avait fini par avoir raison de lui. Par sa faute, ils avaient tous péri... Le héros n'avait pas été en mesure de les sauver.

Assis au centre de son matelas, le jeune homme méditait sur son cauchemar et se demandait vraiment qu'elle pouvait être sa signification. Regarder ses frères d'armes mourir sans rien faire, cela allait à l'encontre même de ce qu'on lui avait appris et du code d'honneur des chevaliers. Était-ce son inconscient qui le mettait en garde ? Qui lui montrait qu'il n'était pas encore prêt ? De si bon matin, il n'avait pas envie de s'embêter à réfléchir sur un sujet auquel il ne pourrait avoir de réponse. Comme la princesse devait passer la journée en réunion avec des nobles à propos de l'économie du royaume, Link se vêtit de son uniforme de garde royal puisqu'il ne devait pas exercer son rôle de chevalier servant ni celui de prodige. Son ancien titre reprenait sa place.

Cela faisait un peu plus d'une semaine qu'il avait accompagné Zelda à la source du Courage. À leur retour, le roi reçut sa fille et ne manqua pas de lui faire savoir son mécontentement. Link l'avait appris de la bouche d'un de ses semblables qui assurait la sécurité de la salle du trône. Cela le laissa dans une certaine incompréhension, d'une part car reprocher à la princesse son incapacité n'était pas le meilleur moyen pour éveiller le pouvoir ; d'autre part car en tant que père, il plaçait une trop grande distance avec la princesse. Quant aux blessures de Link, celle de son visage s'était déjà refermée et celle de son tibia persistait à lui faire mal lors de certains mouvements, bien que la guérison commençait à se faire. Après cela, le jeune homme, comme à son habitude, passa la matinée aux côtés de la princesse et à veiller à sa sécurité. Midi venu, il la quitta et s'en alla manger. Link vint s'attabler avec Ulric, un de ses semblables de la garde royale.

- Tiens, Link ! se réjouit l'homme en l'accueillant chaleureusement. Comment vas-tu depuis la dernière fois ? Ta jambe va mieux ?
Le concerné hocha la tête puis se vit servir le plat du jour qui se résumait à de la viande, accompagnée par quelques légumes. Rien de bien appétissant au premier abord...
- J'ai des nouvelles d'Akkala, lui apprit Ulric après s'être essuyé la bouche. Apparemment, ils ont repoussé une attaque surprise avant-hier. Ce n'était pas grand-chose... Une trentaine de monstres qu'ils ont aspergés d'huile bouillante pour les dissuader de rejoindre la forteresse.
Le brun soupira en se prenant la tête.
- Il y a des moments où je me demande si ces créatures sont capables de réflexion... continua-t-il avec lassitude. Elles doivent bien avoir un cerveau pour penser, non ? Tout de même, attaquer en si petit groupe, c'est de la folie pure et simple... À ce rythme-là, nous sommes certains de remporter la guerre !

Link ne partageait pas son avis. Ce n'était que le début. Peut-être que les monstres essayaient divers modes d'attaques, ou tout simplement qu'ils évaluaient les capacités des Hyliens. Et il ne fallait surtout pas sous-estimer le Fléau Ganon. Si les Créatures Divines avaient vu le jour, c'était bien pour lui faire face. Leur taille imposante montrait bien que leur ennemi devait être aussi grand qu'elles.

- Comment se passe ton rôle de chevalier servant, d'ailleurs ? Tu ne rencontres pas trop de difficultés ? lui demanda Ulric par pure sympathie. Je te l'ai dit : si tu as besoin de conseils, je peux te guider.
Le prodige refusa poliment par un geste de la main.
- Tout va bien, répondit-il simplement au grand étonnement de son interlocuteur.
Ah, il le savait ! Le capitaine de la garde n'était pas muet. Les rumeurs disaient vraiment n'importe quoi...
- J'avais entendu dire que la princesse souhaitait changer de chevalier servant, s'inquiéta l'Hylien d'une petite voix. Je suis heureux de constater qu'elle ne soit pas allée jusqu'au bout dans sa demande...
Link cligna des yeux en se souvenant de ce jour. Il avait surpris la conversation entre deux gardes royaux... Son moral avait pris un sacré coup. Déjà que sa situation à cette période-là n'était vraiment pas des meilleures.
- Je n'ai pas envie d'en parler, déclara-t-il sur un ton presque froid.

Sur ce, il prit une nouvelle bouchée tandis qu'Ulric se sentait terriblement honteux. Bien sûr... Quelle idée de raviver la flamme des mauvais souvenirs ? Malgré la présence d'autres gardes royaux dans la salle, un lourd silence s'installa entre les deux compagnons. Finalement, l'adulte s'excusa et quitta la table pour retourner vaquer à ses occupations. Link termina son repas puis partit se promener dans un des jardins du château en attendant l'heure pour rejoindre Zelda. Il put constater avec soulagement que les températures étaient à la hausse. Le printemps restait sans doute sa saison préférée. Quand il eut bien profité de cette courte sortie, le jeune homme revint dans l'enceinte du château et se dirigea vers la salle à manger royale où l'attendait la princesse. À sa vue, elle esquissa un sourire et s'avança d'un pas en quittant le seuil de la large porte.

- Toujours à l'heure, dit-elle lorsqu'il fut assez proche. Certains devraient prendre exemple. J'ai surpris deux soldats être en retard de quinze minutes à leur tour de garde.
Cela parvint à l'agacer en y repensant et elle perdit son sourire.
- Ils ne sont pas payés pour rester passifs dans les tavernes. Je leur ai dit que si je les y reprenais, je n'hésiterais pas une seconde à les faire paraître devant mon père pour manque à leur devoir.

Link trouva qu'elle avait bien raison et que cela allait à l'encontre de leur code d'honneur. Enfin... celui des chevaliers était bien plus poussé que celui des soldats. La princesse annonça au prodige qu'elle devait revenir dans ses appartements pour chercher son carnet de recherches. Pru'ha l'attendait pour tester certains mouvements des Gardiens. Le blond la suivit donc à travers les couloirs de la partie ouest de l'immense forteresse.

- J'ai eu des nouvelles de Daruk, ce midi, poursuivit Zelda durant la marche. D'après ses dires, il maîtriserait déjà bien mieux Vah'Rudania !
Ses lèvres s'étirèrent inexorablement.
- Je suis heureuse. Mon travail a porté ses fruits.
La jeune fille releva la tête pendant que sa détermination s'intensifiait.
- Je vais m'empresser de le noter quelque part. Peut-être que je pourrai aussi améliorer le pilotage des autres Créatures Divines ? Père doit être mis au courant !

Cette nouvelle le réjouirait très certainement. La féliciterait-il pour autant ? La princesse n'en était pas si sûre... Son allure ralentit et son visage afficha une certaine peine. Voilà encore un autre de ses problèmes... La relation avec son père. Avec discrétion, elle ferma les yeux pour chasser ses idées sombres et décida de passer à un autre sujet.

- Pendant mon déjeuner, j'ai demandé à Impa si nous pouvions nous rendre sur le Plateau du Prélude, au Temple du Temps. Puisqu'il y a un monastère prêt à nous accueillir là-bas, elle m'a donné son accord ! s'enthousiasma-t-elle finalement. Peut-être y trouverions-nous des vestiges de l'ancienne époque, qu'en penses-tu ?
Étrangement, elle n'eut aucune réponse. Intriguée, elle se tourna vers son chevalier servant et le vit accoudé au mur, le visage terriblement pâle. Link haletait, les traits crispés, et manifestait une réelle gêne pour respirer.
- Link ! s'inquiéta aussitôt la princesse en se précipitant vers lui. Que t'arrive-t-il ?!
Il avait le front en sueur et se courbait vers l'avant, un bras sur son ventre.
- Par Nayru, dis-moi ce qu'il t'arrive !

Zelda le vit commencer à tourner de l'oeil et à trembler. Sans plus attendre face à cette situation alarmante, elle passa un bras sous ses épaules et s'empressa de le mener dans sa chambre en le suppliant de rester conscient le temps de le mettre en sécurité. La blonde ne réfléchit pas et l'y mena sans même se soucier des règles imposées par son titre. De toute manière, elle n'avait pas grand-chose à cacher. La princesse allongea rapidement Link sur son canapé et posa une main sur son front brûlant.

- Tu es malade ? s'exclama-t-elle, déconcertée. Link, pourquoi tu ne m'as rien dit ?!

Le jeune homme eut un haut-le-coeur et dut plaquer une main sur sa bouche pour se retenir. Zelda trouva cela de plus en plus anormal et constatait maintenant que les lèvres du jeune homme devenaient violettes. Non, il n'était pas malade... La princesse frissonna en émettant son hypothèse plus que probable. Les traits de Link se contractèrent alors et il commença à basculer sur le côté en poussant une faible plainte. Par les déesses, il ne pouvait donc pas passer une semaine sans qu'il arrive quelque chose à ce garçon ?! Dans la précipitation, Zelda s'élança vers un petit tiroir qu'elle tira avec brusquerie. Les fioles qu'il contenait s'entrechoquèrent entre elles, Zelda en attrapa trois puis courut à son étude où elle s'empara de trois petits tubes supplémentaires et de bâtonnets en verre. Elle accourut pour revenir jusqu'à Link, posa son matériel sur une table basse juste à côté puis, dans un mouvement saccadé, approcha les trois bâtonnets du visage de Link.

- Vite, ouvre la bouche ! Je dois vérifier si tu n'as pas été empoisonné !

Le chevalier entrouvrit les yeux et la regarda difficilement. Em... empoisonné ? Son esprit était tant embrumé par son mal qu'il ne parvenait pas à réfléchir et à se demander comment ce pouvait être possible. Lentement, il ouvrit la bouche et permit à la princesse de frotter les bâtonnets contre sa langue. D'un geste précis, elle les mit dans un tube chacun puis versant respectivement le contenu des trois fioles dedans.

- Allez, allez... supplia-t-elle en attendant que l'effet opère.
Tout lui paraissait si lent... Elle finit par se lever et attraper une bassine en cuivre dans un coin de la pièce. Elle la déposa aux pieds de Link.
- Si tu dois rendre ton repas, fais-le ! lui ordonna-t-elle avec autorité pour cacher son anxiété.
Sans même attendre qu'il réponde, Zelda reprit en main les fioles et les inspecta attentivement, le coeur battant fort au sein de sa poitrine. Ce n'est que lorsqu'elle vit l'un des liquides se teinter d'orange qu'elle en eut la certitude.
- Tu as été empoisonné avec de l'arum tacheté ? murmura-t-elle, sous le choc...

L'un des seuls poisons présents sur les terres hyliennes. D'un coup, elle prit la tête de Link entre ses mains et analysa ses yeux. Il avait les pupilles bien trop dilatées par rapport à la luminosité ambiante... Dans l'affolement, la princesse lui prit les mains et constata qu'elles étaient glacées. Ça ne faisait aucun doute... Vomissement, mydriase, début d'hypothermie...

- Je vais chercher Impa ! s'écria-t-elle en se relevant d'un bond. Link, il faut que tu rejettes ce que tu as mangé !

Sans perdre de temps, Zelda quitta sa chambre en courant puis s'élança vers l'aile est du château dans l'espoir de trouver sa nourrice dans son bureau. Encore une fois, elle courait pour venir en aide à l'élu des déesses. Tout cela n'était pas une coïncidence... Comment et qui aurait pu empoisonner Link ? Aurait-il mangé des baies de cette plante en les confondant avec un fruit ?! Ou quelqu'un avait-il tout prémédité ? Dans ce cas, laisser le prodige seul était la pire des choses à faire... Les domestiques regardaient sans comprendre leur princesse dévaler les escaliers.

- Impa ! cria Zelda quand elle aperçut la Sheikah au loin.
Elle marchait tranquillement dans le couloir. Aussitôt, elle se retourna, surprise, et constata la panique de sa jeune amie.
- Princesse ? Que se...
- C'est terrible, Impa ! Link a été empoi...
D'un coup, la nourrice plaqua une main sur sa bouche pour l'empêcher d'en dire plus et d'attirer l'attention d'ennemis cachés. Impa lui prit le bras puis la tira brusquement vers ses appartements sans savoir qu'il s'y trouvait réellement.
- Où est-il ? lui demanda rapidement la conseillère.
- Dans... dans ma chambre... bredouilla Zelda entre deux inspirations.

Impa bouscula tout le monde sur son passage en ordonnant fermement qu'on les laisse passer. Depuis combien de temps Zelda s'était-elle absentée ? Cinq minutes ? Dix minutes ? Elle avait perdu toute notion de durée... Quand elles approchèrent du couloir des appartements royaux, Zelda prit les devant et ouvrit elle-même les portes, le souffle court. Elle savait que la médecine sheikah pourrait lui venir en aide. Link devait tenir bon en attendant... Elle fut enfin devant sa chambre, sa main se posa sur la poignée et l'abaissa avant de pousser la porte. Son sang se glaça quand elle découvrit un Yiga brandir sa serpe au-dessus du chevalier servant, prêt à l'abattre de sang-froid dans sa position de faiblesse.

Zelda n'eut pas le temps de hurler de peur qu'Impa apparut devant l'ennemi en sortant d'une explosion de fumée. D'un coup, elle dégaina son petit sabre de la défiance et para l'attaque de l'assassin avant qu'il ne soit trop tard. Déstabilisé, celui-ci perdit l'équilibre et recula de quelques pas en grognant de mécontentement. La main libre d'Impa vint soudainement s'écraser sur le ventre du Yiga, laissant voir comme des chaînes invisibles se former puis entourer l'abdomen du fourbe à partir du point d'impact. Elle l'attrapa violemment par le cou et profita de sa paralysie pour le plaquer au sol.

- Sale traître ! cria-t-elle avec animosité. Tu vas payer pour ça !

Pétrifiée par la peur, Zelda mit un certain temps avant que son attention ne se reporte sur Link, allongé et immobile sur le canapé. Elle se précipita sur lui et prit son pouls jusqu'à sentir son lent battement cardiaque. Les déesses soient louées... pensa-t-elle quand la pression se fit moins lourde sur les épaules. Impa laissa sa proie au sol puis rejoignit Zelda en retroussant ses manches.

- De quelle plante s'agit-il ? demanda-t-elle avec gravité.
- De l'arum tacheté... Les fioles et les symptômes ne trompent pas.
La Sheikah tira Link jusqu'à ce qu'il soit au bord du canapé, la tête la plus près du vide possible.
- Princesse, ne regardez pas, la pria-t-elle en attrapant la bassine en cuivre. Ce n'est pas quelque chose que l'on a envie de voir, croyez-moi.
- Va-t-il souffrir ? s'inquiéta Zelda en le dévisageant.
Le voir ainsi lui fit de la peine.
- Si je ne fais rien, il est clair que ses derniers instants ne seront pas les plus beaux.

La réponse de sa nourrice lui noua la gorge et l'incita à tourner le dos pour ne pas regarder. Impa positionna ses mains au-dessus du ventre du Héros et chercha la source de son énergie, celle que possédait chaque être vivant et qui lui permettait de vivre. La Sheikah perçut un écho au niveau du coeur du jeune homme, ce qui confirmait une nouvelle fois qu'il était bel et bien l'élu des déesses. Impa se concentra et canalisa sa propre énergie. Peu de personnes dans son clan connaissaient cet art de guérir. Fort heureusement, les Yigas n'en avaient pas connaissance.

Lorsqu'elle capta enfin l'énergie de l'Hylien, Impa la fit se déplacer jusque dans son ventre puis elle fit tourner sa main en marmonnant des incantations. Aussitôt, l'estomac de Link se contracta et celui-ci rendit son dernier repas dans la bassine mise à disposition. Le coeur de la princesse se souleva en l'entendant et elle préféra rejoindre son étude, par respect pour lui et son intimité. Impa fit alors passer l'énergie vers la tête du prodige une fois qu'il eut fini de vomir. Ce n'était pas cela qui allait la déranger. Elle avait déjà vu bien pire et effroyable. Maintenant, elle essayait de dissiper sa fièvre et de faire disparaître les effets du poison.
Ces symptômes... Elle les avait déjà vus, Impa en était certaine. Etrange... Cela lui paraissait si lointain et pourtant elle avait enfin l'impression de comprendre quelque chose. La conseillère du roi voulait en avoir le coeur net avant de pouvoir hâtivement conclure quelque chose de faux. De son côté, Link avait le regard perdu dans le vide. Il se remettait difficilement du brusque événement qu'il venait de vivre. Il se trouvait dans une sorte d'état second. Le jeune homme ne sentit même pas Impa qui lui essuyait la bouche. Ses paroles restaient de vagues échos qu'il peinait à comprendre.

- Il semblerait que ton repas ait été empoisonné par ce traître de Yiga, lui dit-elle en fusillant du regard l'homme au sol, encore paralysé. Si la princesse ne m'avait pas avertie à temps, je pense que tu serais mort. Bon sang, si le Héros lui-même doit être protégé, maintenant...
Impa soupira, comme exténuée.
- La seule solution pour éviter d'autres cas comme celui-ci serait de te faire manger ce que préparent les cuisiniers de la princesse en personne. Tu peux me croire, ce sont des personnes de confiance.
Elle serra les poings, furieuse.
- Tant que je n'aurai pas trouvé tous les traîtres qui se terrent ici, je ne te laisserai pas revenir dîner avec tes compagnons. C'est bien trop risqué, affirma-t-elle d'une voix grave.
La conseillère finit par se lever et alla vider la bassine avant d'attraper l'assassin par le bras puis elle le tira vers le couloir. Elle tenait le récipient de sa main libre.
- Je vais enfermer cette pourriture dans l'une de nos geôles les plus reculées. Ne t'inquiète pas, je vais poster des gardes aux portes de la princesse. Ce n'est pas normal que personne ne soit là pour surveiller, par Hylia ! s'indigna-t-elle avant de disparaître, hors d'elle.

Elle laissa Link ici pour qu'il se repose. De toute évidence, il ne pouvait être transporté où que ce soit pour le moment. Qu'il reste dans la chambre de la princesse ne poserait pas de problème au vu de sa santé actuelle. Link perdit à son tour toute notion du temps. Il savait qu'il n'était pas inconscient mais pourtant, il ne parvenait pas à bouger. Voilà bien les effets secondaires de la médecine sheikah... Il fallait laisser à son corps le temps de se remettre de l'attaque du poison. Le blond demeurait immobile, allongé sur le dos. Son regard glissa lentement vers le fond de la pièce mais se perdit dans le vide. Il n'arrivait pas à se concentrer pour bien discerner les diverses formes.

Assommé par la guérison d'Impa, l'Hylien ne put s'empêcher de cligner des yeux puis de les fermer pour un certain temps. Seulement, quand il les rouvrit, la pièce était encore plus sombre, seule une lueur orangée et tremblante éclairait le bureau de la princesse. Link gémit en se relevant, il posa une main sur son front pendant qu'une grimace apparaissait sur son visage. Il se sentait néanmoins beaucoup mieux même s'il ne dégageait pas une odeur très agréable. Le chevalier regarda partout autour de lui jusqu'à découvrir la fille du roi à son bureau. Il se leva afin de la rejoindre et la remercier pour ce qu'elle avait fait le jour même. Link ne pensait pas rester des heures dans les vapes...

Une fois à sa hauteur, il la vit courbée sur la table, la tête entre les bras. Le jeune homme s'immobilisa alors, surpris de la trouver en train de dormir. Zelda devait être épuisée... Pourtant, tout semblait si calme dans la pièce. Ou peut-être n'était-ce que le ressentiment du jeune capitaine de la garde ? Alors qu'il la dévisageait silencieusement, la princesse ouvrit les yeux et se redressa brutalement.

- Ah ! hurla-t-elle de peur face à cette silhouette dans la pénombre, ce qui fit sursauter Link.
Effrayée sur le moment, elle posa une main sur sa poitrine dans laquelle son coeur battait trop rapidement. Quelle peur elle venait d'avoir...
- Link, ce n'est pas convenable ! le sermonna Zelda en quittant sa chaise, un peu tremblante de honte. Tu aurais pu me réveiller au lieu de rester immobile à côté de moi...
Dérouté, il passa une main sur sa nuque et bafouilla ses plus plates excuses, certifiant qu'il n'aurait point osé la tirer d'un sommeil réparateur. Depuis l'attaque du Yiga, Zelda restait sur ses gardes et se sentait moins en sécurité. Elle finit par soupirer en se tenant à son bureau.
- Impa est venue te voir tout à l'heure, lui apprit l'Hylienne après quelques instants silencieux. Elle a emprisonné le Yiga et l'a interrogé. Elle voudrait te faire part de ses découvertes. Tu dois la rejoindre le plus tôt possible.
- Et vous ? demanda aussitôt Link.
Laisser la princesse seule après ce qui venait de se passer, ce n'était guère la meilleure idée qu'il soit.
- Ne t'inquiète pas pour moi. Des gardes sont postés devant la porte. Et je doute que les ennemis de la famille royale osent tenter quoi que ce soit après... cet échec de leur part.

Inconsciemment, Link posa une main sur son ventre et frémit. Il n'avait pas encore réalisé qu'il avait failli mourir. Et dire que c'était à lui de veiller sur la princesse... Le chevalier était tout de même reconnaissant que le rôle de protection soit partagé entre eux. Cela montrait une fois de plus la volonté de la princesse de se battre pour l'avenir de son peuple.

- Je vous remercie pour votre aide, dit-il pour exprimer sa gratitude en inclinant sa tête. Je vous promets d'être plus vigilant dorénavant. Vous n'aurez plus à vous faire du souci inutilement.
- J'ai déjà envisagé quelques nouvelles mesures te concernant, répondit-elle en affichant un sourire qui trahissait sa fatigue. Mais si tu le veux bien, je t'en parlerai demain...
Il acquiesça puis jeta un coup d'oeil circulaire à la chambre. Link éprouvait la honte d'avoir sali cet espace auquel il ne devait pas avoir droit. Déjà qu'il avait rendu son repas dans une bassine...
- Je ne dormirai pas ici ce soir, le renseigna la princesse en se dirigeant vers le centre de la pièce. Je coucherai dans la chambre d'hôte.
Link voulut s'excuser une nouvelle fois mais elle le coupa avant même qu'il ait pu dire quoi que ce soit.
- Il faut que tu ailles rejoindre Impa, lui rappela la princesse après avoir regardé l'horloge. Tu ne devrais pas t'y rendre trop tard.

Le chevalier s'exécuta et quitta la pièce sans plus tarder. Il trouva effectivement une dizaine de gardes qui ne saisissaient pas pourquoi ils étaient réunis spécifiquement ce soir-là. Dame Impa leur avait seulement dit qu'il y avait urgence, et Link voulait comprendre pourquoi la véritable raison ne leur avait pas été dévoilée. D'un pas rapide, il rejoignit l'aile est du château à travers les couloirs presque déserts au vu de l'heure. Il n'y avait que quelques gardes ou travailleurs de nuit qui les empruntaient de temps à autre. Le calme régnait. Du moins jusqu'à ce que le ventre du jeune homme ne crie famine. Il passa outre ce fait et s'empressa de rejoindre la conseillère royale qu'il trouva dans son bureau, l'air visiblement soucieux.

- Te voilà enfin... soupira-t-elle quand il entra dans la pièce. Je n'ai que des nouvelles inquiétantes à t'annoncer, malheureusement. Assieds-toi là.
Elle lui présenta le siège devant sa table, Link ne se fit pas prier davantage. Il attendit qu'Impa poursuive :
- J'ai pu interroger l'assassin qui a tenté de t'assassiner. Il m'a fallu presque une heure avant qu'il n'accepte de parler...
Elle ne voulait pas dire que la menace de la salle de torture avait été un bel argument pour le faire chanter.
- Il se prétendait être un cuisinier depuis plusieurs mois déjà. Ce traître n'attendait que le moment propice pour agir. Il a aussi avoué que cinq autres de ses complices travaillaient ici, sans donner de noms. C'est d'autant plus alarmant que je n'arrive pas à trouver de piste pour les arrêter. Ils sont bien trop doués dans l'art du camouflage, ces fourbes...
Sous la table, Impa serrait fortement le tissu de son pantalon, furieuse.
- Ils ont déjà prévu d'autres plans pour t'éliminer, continua-t-elle gravement. Tu sembles être devenu leur priorité lorsqu'ils ont compris que la princesse était inatteignable depuis que tu es à ses côtés. Il va falloir que tu redoubles de vigilance, Link.

Le chevalier fronça les sourcils, parfaitement conscient que sa vie était en jeu depuis quelques temps déjà. Un voile de peine passa sur le visage de la Sheikah et sa main se posa sur un dossier à sa droite.

- J'ai fait une découverte glaçante grâce à toi, lui annonça-t-elle en dépit de sa gorge nouée. Tu n'es pas sans savoir que la feue reine est décédée suite à une maladie.
Oui, Adélaïde le lui avait annoncé quand il était petit. Sa mère avait été dévastée par la nouvelle car elle aimait profondément sa souveraine.
- À la suite de sa mort, nous n'avions pas eu le droit de faire des prélèvements sur la reine à cause de son titre. Le fait qu'elle soit prêtresse royale présentait un obstacle infranchissable. C'est pourquoi, la piste du poison a dû être écartée au profit de celui de la maladie...
Lentement, les yeux de Link s'agrandirent quand il pensa comprendre où elle voulait en venir. Impa ouvrit le dossier et le parcourut rapidement, une nouvelle fois.
- Elle présentait des oedèmes de la langue et des lèvres. Le médecin de la cour avait constaté l'apparition d'autres symptômes comme des vomissements, une hypersalivation et une mydriase. Ce n'était que la première phase de sa maladie. Personne ne comprenait ce qu'il se passait... Même moi je n'ai rien pu faire car sans connaître l'origine du trouble, ma médecine est inutile.
Un frisson parcourut le dos de l'Hylien.
- Quelques jours plus tard, la reine était en proie à l'hypothermie, à des convulsions, à des troubles cardiaques puis un état de coma l'a conduit à... à la mort, lut Impa dont la voix avait fini par trembler.

Elle releva la tête vers Link puis referma le dossier confidentiel qu'elle seule pouvait lire en temps normal. Le jeune homme demeurait figé par ces descriptions.

- Elle présentait des symptômes similaires aux tiens.
- La reine... a été empoisonnée... murmura Link, sous le choc.
Le ciel paraissait lui tomber sur la tête. Qui ? Qui oserait commettre un crime pareil ?! La reine n'était pas celle qui devait sauver Hyrule, c'était sa fille ! Alors... pourquoi ?
- Ces enfoirés de Yigas ont réussi à la tuer en quelques jours pour laisser planer l'hypothèse de la maladie brutale et mortelle, grogna Impa qui serrait les poings. J'en suis presque certaine maintenant. La reine...
Elle baissa la tête.
- La reine a sans doute goûté au même poison que toi... À des doses bien plus faibles mais répétées. Cependant, je ne pourrai jamais l'affirmer sans preuves solides. De plus, il est impossible que les cuisiniers de cette époque-là puissent en être responsables car ils étaient tous des amis à moi.
- Ce pourrait être quelqu'un d'extérieur ! s'emporta Link en se penchant soudainement vers elle, les mains plaquées sur le bureau.
Impa hocha négativement la tête, le visage fermé.
- Impossible, la reine ne mangeait qu'au château. Il n'y avait que moi et son ancienne femme de chambre qui venaient lui apporter du thé quand elle le demandait. Mais ce n'est pas sous forme de boisson que tu as été empoisonné, Link.

Le chevalier colla son dos au dossier du fauteuil en réfléchissant rapidement. Peut-être qu'ils étaient allés trop vite, alors... La reine pouvait vraiment être morte suite à une maladie.

- Il n'y a vraiment rien qui avait attiré votre attention à ce moment-là ? la questionna finalement Link, mal à l'aise.
L'air de la pièce s'était densifié. Impa se replongea dans ses souvenirs, le regard perdu dans le vague.
- Non, pas vraiment. Je me souviens juste qu'elle avait posé une soucoupe remplie de cerises fraîches dans sa chambre. Je m'en rappelle bien car c'était la saison et que ce n'était point dans ses habitudes.
Les poils de Link se hérissèrent sur tout son corps et ce n'était pas dû au froid.
- Les avait-elle cueillies elle-même ? lui demanda Link, presque dans un souffle.
Impa fut surprise qu'il lui demanda ça.
- Non, la reine n'avait pas le droit de s'adonner à une telle activité. Sa femme de chambre l'avait fait à sa place.
Les yeux de Link s'écarquillèrent davantage, ses mains tremblèrent durant un court instant.
- Impa, savez-vous à quoi ressemblent les fruits des arums tachetés ?
La Sheikah se figea. Non, tout ce qu'elle connaissait à propos de cette plante était son statut de poison.
- Cela ressemble à des cerises...
- Tu... tu en es sûr ? bégaya-t-elle, abasourdie. La reine s'en serait rendue compte, tout de même...
- Et si elle en avait conscience mais qu'elle pensait manger un fruit nouveau ?

Un silence oppressant s'installa entre eux. Aucun ne semblait y croire et pourtant... cela semblait concorder. Par les déesses, mais alors...! Le sang d'Impa se glaça quand elle fit enfin le rapprochement. La réponse à la question qu'elle se posait depuis des années était-elle si évidente ?! La conseillère se leva brusquement en manquant de renverser sa chaise. Son teint avait pâli.

- Link, va de suite te mettre en uniforme de garde ! lui ordonna-t-elle. Ce qui va suivre ne relève pas de ton rôle de prodige. Nous partons pour le village de Caroc !
Il se trouvait à l'ouest du château, à une lieue de celui-ci.
- Expliquez-moi, je vous en prie...
Le prodige était dérouté par cet ordre sorti de nulle part.
- Cette femme de chambre a quitté le château quelques années après la mort de la reine, lui apprit Impa en faisant le tour de son bureau. Je dois absolument l'interroger ! Va te changer immédiatement, Link. La nuit pourrait nous être favorable.

Le blond ne perdit pas une seconde et courut se changer face à un tel motif. Le roi serait-il mis au courant ? Et la princesse ? Elle en souffrirait davantage... En un quart d'heure, Link fut changé et prêt à partir. Il rejoignit la Sheikah en bas du château, devant les immenses portes gardées par des soldats. Le jeune homme avait sellé Ciaran pour le trajet. Une fois qu'il fut là, Impa ordonna qu'on ouvre les portes puis ils partirent au galop en direction du village de Caroc, dans le secret le plus total. Ils sortirent de l'enceinte de la citadelle et suivirent le chemin menant vers l'ouest.

- Il faut protéger la princesse de cette vérité, lui dit Impa en parlant fort pour se faire entendre. La perte de sa mère est l'un des facteurs agissant sur l'absence de ses pouvoirs... Tant que Ganon n'est pas vaincu, nous devons le lui cacher. Nous ne pouvons pas prendre le risque de bloquer le sceau pour toujours à cause d'un choc émotionnel.

Link hocha la tête et se plia à son ordre. La nourrice affirma qu'elle en parlerait au roi une fois cette affaire conclue et qu'elle présenterait l'ancienne femme de chambre devant le souverain si elle était en effet coupable du décès de la reine. Cette histoire ne laissait pas Link de marbre. Ce qui se passait dans ce royaume était terrible. Ganon n'était vraiment pas la seule menace.

Après un court périple, ils parvinrent enfin au tout petit village dont il était question. Seules quelques torches éclairaient le chemin et rendaient les ombres des deux voyageurs inquiétantes. Ils ralentirent l'allure, Impa se mit à la recherche de la maison de l'ancienne servante. C'était celle à l'extrémité. Les deux cavaliers descendirent de leur monture et vinrent frapper à la porte en essayant de rester pour le moins les plus discrets possibles. Au vu de l'heure avancée de la nuit, il était très probable que tout le monde dorme... Impa insista plusieurs fois durant de longues minutes jusqu'à qu'on vienne enfin leur ouvrir. C'était une dame d'une soixantaine d'années qui les accueillit, le visage encore marqué par le sommeil. Link se dit aussitôt qu'ils s'étaient trompés de personne.

- Dame Impa ? s'étonna la servante en la voyant à une heure pareille.
- Je dois te parler impérativement, Berthe, dit froidement la Sheikah qui la surplombait par sa taille.
Berthe était une petite femme aux quelques cheveux gris et crépus à cause de la vieillesse. Elle les invita à entrer non sans méfiance vis-à-vis du garde royal. Les deux cavaliers ne désirèrent pas s'asseoir.
- Que me vaut votre visite nocturne ? leur demanda la villageoise en prenant place sur une chaise.
- Nous avons des questions à propos ce qui s'est passé il y a dix ans.
L'ancienne femme de chambre ne bougea pas et resta impassible. Elle trouvait cela étrange qu'on vienne la déranger pour cette raison, des années plus tard. Impa croisa les bras.
- Nous pensons que la reine n'a pas succombé à une prétendue maladie mais a plutôt été empoisonnée. Ce qui me paraît impensable puisque ses cuisiniers étaient tout sauf des traîtres. Pour ma part, il est évident que je ne vais pas assassiner une descendante de la déesse Hylia.
Les deux femmes s'échangèrent un long regard.
- Que faisais-tu ce jour-là, Berthe ?
- Vous m'aviez déjà posé la question à l'époque, Dame Impa. Elle n'a toujours pas changé depuis, répondit-elle sur la défensive. Le jour du décès de la reine, j'étais chargée de nettoyer les appartements royaux. Je n'étais pas dans la chambre de la reine quand elle nous a quittés.
- Tu n'avais rien remarqué d'anormal les jours précédant cette tragédie ?
Link voyait bien que la Sheikah agissait comme si elle ne soupçonnait pas Berthe. Sûrement pour la mettre plus à l'aise et mieux la piéger.
- Non. Rien n'a su attirer mon attention.

Berthe dévia son regard vers le jeune homme et le dévisagea attentivement. Sa présence l'intriguait... Pourquoi Dame Impa l'avait emmené avec elle ?

- Qui est ce garçon ? demanda l'ancienne servante en le désignant du menton.
La conseillère se tourna vers lui tout en réfléchissant à une explication plausible.
- C'est mon escorte. Il est bien trop dangereux de sortir la nuit par les temps qui courent. D'ailleurs, figure-toi qu'il a failli ne pas pouvoir m'accompagner jusqu'à Caroc...
Impa adopta un air faussement affligé qui parvint à berner l'Hylienne.
- Comment ça ? demanda cette dernière, étonnée.
Son interlocutrice soupira puis décroisa les bras.
- Eh bien, ce midi, il a avalé une sauce à base d'un ingrédient ressemblant à la cerise - étrange, pour la saison - et il a failli y laisser la vie si je n'étais pas intervenue à temps pour le sauver, expliqua Impa apparemment toute aussi surprise que la villageoise. Vraiment, il a manqué de s'empoisonner ! Quand je l'ai vu dans cet état, les symptômes de la défunte reine me sont revenus en mémoire.
Elle s'attrapa le menton, pensive, tandis que Berthe semblait se raidir sur sa chaise.
- J'ai trouvé qu'ils étaient bien similaires. Se pourrait-il que la reine ait été intoxiquée, elle aussi ? Cela me parait presque impensable et pourtant...
Le regard d'Impa s'assombrit soudainement, elle l'ancra profondément dans celui de l'Hylienne avant de continuer :
- Dis-moi, Berthe. Ce ne serait pas toi qui apportais quelques cerises à la reine, il y a dix ans ?
L'ancienne femme de chambre agrippa les pans de sa robe de nuit pour masquer ses tremblements.
- Où voulez-vous en venir, Dame Impa ? demanda-t-elle d'une voix étrangement aiguë. J'ai bien peur de ne pas suivre le cours de la conversation.
L'air devenait peu à peu irrespirable dans la salle de séjour, Link sentait tout le monde crispé. Impa fit un pas en avant.
- C'est toi qui as assassiné la reine, traîtresse, cracha-t-elle en lui adressant un regard si noir que la vieille femme en eut des frissons. Je ne sais grâce à quelle sorcellerie tu es parvenue à lui faire manger ce poison petit à petit, mais je t'assure que tu vas payer pour ce crime !

Berthe se leva brutalement en hurlant comme une hystérique puis elle se précipita vers la porte d'entrée afin de s'enfuir. Link apparut d'un coup devant elle et pointa son épée sur sa gorge, le visage fermé et froid. Il la prit par l'épaule puis la força à se rasseoir en gardant son arme près de sa peau pour la dissuader de partir.

- Ce n'est pas ce que vous croyez ! cria Berthe qui éclata en sanglots. Je n'ai pas prémédité son assassinat, je le jure !
- La parole d'un meurtrier ne vaut rien ! lui répliqua Impa, hors d'elle.
La Sheikah attrapa la villageoise par le col et la tira vers elle. Elle dégageait une aura presque animale tant la haine bouillait en son sein.
- Tu vas payer ton crime par ta misérable vie !
- Ce n'est pas moi ! Ce sont eux... Ce sont eux qui m'ont dit de lui donner ces fruits ! Je ne savais pas qu'ils étaient toxiques !
Les yeux de Link s'écarquillèrent face à cet aveu mais la conseillère du roi ne se laissa pas abattre.
- Qui ça, eux ?! s'emporta-elle, maîtrisant difficilement son état émotionnel. Parle, pour l'amour d'Hylia !
Berthe fondit d'autant plus en larmes en secouant la tête.
- Je... je ne sais plus... Ils m'ont simplement demandé d'apporter chaque jour quelques grammes à la reine en échange d'une poignée de rubis... J'étais si démunie, à l'époque, comprenez-moi...
- Pauvre sotte ! Es-tu si stupide pour donner des fruits que tu ne connais pas à ta reine ?! Qui t'a payée ? aboya-t-elle.

Impa ne pensait même plus aux voisins qui pouvaient entendre. Sa rage était telle que presque plus rien ne pouvait l'atteindre. L'Hylienne se recroquevilla tant elle avait peur.

- Je n'ai pas vu leur visage... bredouilla Berthe entre deux sanglots. Ils portaient des masques blancs...
Link ne comprenait pas comment un être humain pouvait être aussi peu censé pour se laisser payer et effectuer un travail pour des parfaits inconnus sans connaître leurs motivations. Cela paraissait irréel comme situation... Impa était à deux doigts d'exploser. Encore les Yigas ! S'ils avaient fait cela, s'ils avaient prémédité la mort de la reine, c'était pour mieux briser la princesse et l'empêcher de recourir à ses pouvoirs !
- J'ai... j'ai gardé un papier qu'ils m'ont donné... avoua la servante en pointant un tiroir du doigt. Peut-être... que cela pourrait vous aider...
Impa se tourna vers le meuble en question puis l'ouvrit en fouillant avidement, sous le regard de Link. Pour lui, le fait que les Yigas donnent un papier restait douteux. Un gémissement attira de nouveau son attention sur Berthe. Un frisson glacial lui parcourut l'échine quand il la vit retirer sa main de son cou, dévoilant une bague dont le contenu s'était libéré dans l'artère de l'Hylienne.
- Impa ! appela le jeune homme en rengainant son épée.

Celle-ci se tourna, n'ayant trouvé aucun papier, et découvrit avec effarement Berthe qui agonisait. La villageoise peinait à respirer et poussait des plaintes en sentant le poison faire son effet. Elle le savait... Le passé devait la rattraper un jour ou l'autre, la mort en était la finalité. Pour elle, il valait mieux mourir ainsi plutôt que de devoir faire face à la princesse qu'elle aimait tant, et à son roi.

- Sois maudite ! s'exclama Impa en voyant qu'il était déjà trop tard pour la garder en vie.

Elle tenait le corps de la servante qui s'éteignit dans ses bras, emplie de regrets et de honte. Pour elle, c'était certainement la meilleure manière de conclure sa vie... Impa poussa un cri de frustration et de colère tandis que Link reculait, sous le choc. Les Yigas étaient responsables du décès de la reine et personne dans Hyrule, hormis eux, le savait. Ils agissaient depuis des années déjà sans que personne ne s'en doute... La princesse avait été la deuxième victime de leur action. Cela ne voulait dire qu'une chose : il fallait absolument trouver les traîtres au château. Domestiques, soldats, chevaliers, nobles ou simples citadins ? N'importe qui était susceptible de souhaiter la fin des élus des déesses.

- Link, prononça Impa d'un ton lugubre. Tu es maintenant le seul Hylien en qui je peux avoir confiance.
Elle tourna la tête vers lui, les larmes aux yeux. Le destin de la dauphine l'affectait énormément, Impa commençait même à douter d'elle-même.
- Tu dois à tout prix préserver la vie de la princesse. Même si cela doit signifier tuer des hommes pour y parvenir.
Le chevalier frissonna à cette idée. Il avait déjà pris la vie de créatures maléfiques. Mais d'hommes... Jamais encore.
- Vous pouvez compter sur moi.

Chapitre 12   up

Code d'honneur du chevalier :
10. Il est fier d'être chevalier et conscient du privilège ainsi que de la responsabilité que son titre comporte.

o O o

La reine a été empoisonnée.

Cette phrase résonnait sans cesse dans l'esprit de Link depuis qu'il était revenu au château. Par la suite, il n'avait pas réussi à trouver le sommeil. Impa avait d'ailleurs préféré taire l'histoire le temps que Ganon soit vaincu pour ne pas chambouler tout le château. Ainsi, elle laissait leurs ennemis dans le flou. Seulement elle enrageait encore face au suicide de Berthe qu'elle jugeait comme lâche. Jamais la reine ne pourrait obtenir justice... Et cela, la Sheikah n'arrivait pas à l'accepter. Elle devait retrouver l'auteur de cet assassinat. Il se terrait quelque part dans Hyrule et méditait tous ses plans sombres pour provoquer la chute des héros.

Le matin qui suivit ces événements, Zelda retrouva son chevalier servant exténué, les yeux cernés. Elle s'inquiéta de son état et lui demanda aussitôt s'il s'agissait des effets secondaires de la médecine sheikah. Link la rassura en affirmant qu'il avait juste passé une mauvaise nuit, rien de bien alarmant.

- En toute intimité, j'ai parlé à mon père de ce qu'il s'est passé hier, l'informa-t-elle ensuite. Nous avons pris des mesures : tu as l'autorisation de manger à ma table pour une durée indéterminée. Au moins, tu pourras dîner sereinement sans te demander s'il y a du poison dans ton assiette...
- Êtes-vous sûre ?
Zelda soupira en manquant de lever les yeux au ciel.
- Link, si je te le dis... Ne sois pas intimidé.
Elle lui adressa un sourire pour le mettre plus à l'aise, ce qui sembla plutôt bien fonctionner.
- À ce jour, tu portes tout de même quatre titres, lui rappela-t-elle, les mains jointes devant elle. La cour ne peut rien te reprocher.

En effet, Link était l'élu de la Lame Purificatrice, prodige hylien, chevalier servant et capitaine de la garde royale. Personne encore n'avait obtenu ces quatre rôles jusque-là. Le chevalier finit par être convaincu et se plia à cette nouvelle décision. Et puis, indirectement, il pourrait mieux manger. Un autre argument de poids. Tous deux reprirent leur marche dans le château.

- J'ai reporté notre voyage à demain, lui apprit-elle en inspectant le travail d'une domestique à quelques mètres de là. Tu pourras te reposer avant le départ. Je pense que tu en as bien besoin, surtout si tu n'as pas dormi cette nuit.

Elle se tourna pour observer sa réaction, Zelda ne vit qu'un visage impassible, comme d'habitude. Elle aurait aimé qu'il soit un peu plus expressif dorénavant... Mais bon, on ne changeait pas quelqu'un du jour au lendemain.

- "Lors des temps les plus anciens, alors qu'Hyrule n'était rien, une damoiselle au coeur pur accomplissait son destin", récitait une voix masculine qui arrivait en sens inverse.

Les deux élus levèrent les yeux vers Cassius qui chantait allègrement une de ses compositions, accompagné de son bel accordéon. Il aperçut la princesse et cessa aussitôt de chanter pendant que ses lèvres s'étiraient.

- Quelle joie ! J'ai l'honneur de recroiser la route de la plus belle des femmes, se réjouit-t-il en s'approchant d'elle.
Face à ce compliment, Zelda se sentit flattée et détourna quelques instants les yeux pour dissimuler son embarras.
- Passez-vous une bonne journée, Princesse ? lui demanda Cassius en fermant son instrument. Voyez-vous, je me plaisais à chanter un air écrit la semaine dernière.
- Je me porte bien, je te remercie, le gratifia la prêtresse royale d'un sourire sincère. Tu es toujours inspiré, Cassius.
Il rougit légèrement et hocha la tête pour confirmer ses dires.
- Tant que vous êtes ici, mes chansons seront toujours écrites en pensant à vous.
Le Sheikah reconnut Link caché dans le dos de la princesse. Il restait toujours un à deux mètres derrière elle, ce détail satisfaisant n'échappa pas au poète.
- Vous ne comptez pas étoffer votre escorte, Princesse ? s'étonna-t-il.
D'ailleurs, pourquoi Zelda ne paraissait plus aussi tendue en présence du prodige ? Elle échangea un regard avec Link puis refit face à l'artiste.
- Non, Link est bien plus efficace que dix chevaliers réunis, lui affirma-t-elle calmement. Je n'ai pas besoin d'une troupe à mes côtés en permanence...

L'Hylienne cessa de parler quand Cassius tourna autour de Link pour l'observer avec attention. Que s'était-il passé entre eux finalement ? La princesse acceptait dorénavant sa présence ? Se seraient-ils donc réconciliés ?

- Eh bien, prodige des Hyliens, commença le poète avec une pointe de méfiance. Si la princesse Zelda n'avait pas affirmé que tu te battais si bien, je n'aurais pas pensé une seconde que tu ferais le poids lors de confrontations.
Link ne répondit ni ne bougea. Il attendait juste de connaître la fin des pensées de son interlocuteur.
- Pour ma part, je me bats avec mes mots, poursuivit Cassius manifestement fier de savoir manier la langue. Je trouve cela bien plus prestigieux. Ne pensez-vous pas, Princesse Zelda ?
Les yeux de celle-ci s'agrandirent légèrement et elle réfléchit.
- Quand Ganon reviendra, l'attaquerez-vous à coups de vers et de morceaux musicaux ? le questionna soudainement Link.

Sa voix ne transcrivait aucune colère ni malice bien qu'elle paraisse froide. Cassius fit un pas en arrière, les sourcils froncés par l'indignation. Ce... ce chevalier le prenait de haut !? La situation ne s'arrangea pas pour lui car la question du prodige fit involontairement rire Zelda. Elle trouvait cela si absurde en l'imaginant... Non pas qu'elle souhaitait voir une telle chose ! Mais c'était si stupide... Le poète se sentit d'autant plus humilié. Oh, il ne laisserait pas ses paroles impunies ! Un jour, il saurait bien mettre ce jeune impertinent dans l'embarras.

- Je savais les chevaliers étroits d'esprit, mais pas à ce point, répliqua sèchement Cassius avant de tourner les talons et de partir, les dents serrées.
Zelda aurait voulu le retenir pour lui assurer qu'il n'y avait rien de méchant dans la question de son compagnon, mais il était trop tard. Elle soupira puis regarda Link en souriant. Celui-ci se figea.
- Je ne me doutais pas que tu avais autant de répartie, lui dit-elle sereinement. Je dois avouer avoir été surprise. Cependant, je ne pensais pas que cela vexerait Cassius... Peut-être devrais-tu faire plus attention à ce que tu dis, la prochaine fois ?

Le blond opina, compréhensif. Son but n'avait pas été de blesser le poète mais de lui montrer que leurs rôles restaient significativement différents, qu'ils étaient incomparables. Se battre avec des mots... Et pourquoi pas manier l'épée comme des vers ? Cette pensée arracha un discret sourire à Link quand la princesse lui fit dos. Cette anecdote, il la raconterait avec joie à Conrad et Gautier. Pour sûr que cela les ferait rire ! Quand le prodige se remit en marche derrière la princesse, l'image de la reine émergea dans son esprit et effaça son sourire. Il n'était pas près d'oublier les événements nocturnes...

Le soir venu, Link décida de se coucher plus tôt après avoir silencieusement mangé à la même table que la princesse. Bien sûr, Impa partageait leur repas mais n'avait pas accepté que le chevalier soit trop près d'elles. Ses titres de Héros et de prodige ne lui donnaient pas non plus ce privilège. Link s'était juste contenté de les écouter sans les déranger. Il put en apprendre un peu plus sur le village Cocorico d'où était originaire la Sheikah ainsi que sa localisation. Zelda y serait allée deux fois dans sa jeunesse et elle rêvait d'y retourner pour passer quelques jours. Le jeune homme finit par les saluer puis il quitta la longue table pour rejoindre sa chambre où il ne lui fallut que quelques minutes pour trouver le sommeil. Heureusement qu'Impa assurait l'escorte de la princesse jusqu'à ses appartements nettoyés le jour même.

o O o

- Tu es prêt à partir ? se renseigna Zelda quand elle arriva au niveau de Link, sur son cheval. Tous tes bagages sont là ?

Ils se trouvaient dans l'une des cours du château, s'apprêtant à partir pour le plateau du Prélude. Le cavalier le lui confirma d'un geste de la tête, leur voyage pouvait débuter. Leur trajet durerait quelques heures environ. Ils descendirent le long chemin menant au pied de la forteresse, saluant par moments les nobles qui passaient par là. Il était sans doute dix heures, la citadelle commençait à être en effervescence. Au moins, la douce température qui régnait ne les gênait pas et les bercerait.
Pareil aux autres fois, ils passèrent les immenses et lourdes portes battantes permettant l'entrée au château puis ils traversèrent l'avenue qui se présentait à eux. Quand les Hyliens reconnaissaient la princesse, ils s'inclinaient humblement pour la saluer. Zelda les remerciait d'un hochement de tête ou bien d'un sourire. Son chevalier servant remarqua avec aise que le peuple l'aimait particulièrement. Ce n'était pas comme certaines personnes de la cour qui se délectaient de rumeurs et de mensonges à son propos.

- Link !

Le jeune homme tourna la tête sur sa droite pour découvrir Gautier et Conrad qui veillaient à la sécurité de la citadelle ce jour-là. Ses deux amis accoururent vers lui et lui firent un signe de main pour le saluer.

- Où est-ce que tu pars ? s'étonna Gautier lorsqu'il vit tout l'équipement du prodige.
Link voulut lui répondre mais il fut coupé par la princesse qui l'avait contourné pour mieux voir et comprendre ce qu'il se passait.
- Link, qui est-ce ? demanda-t-elle doucement en dévisageant les deux chevaliers.
Conrad et son compagnon se figèrent quand ils la reconnurent, les yeux écarquillés. D'un coup, ils se mirent au garde-à-vous en effectuant le salut des chevaliers.
- C'est un honneur de vous rencontrer, Princesse, prononça Gautier d'une voix grave.

Le rythme cardiaque du brun, à côté, venait d'exploser et lui nouait la gorge si bien qu'aucun son ne pouvait en sortir. Zelda plissa les yeux, pensive, puis plaça une main devant sa bouche en guise de stupéfaction. Sa mémoire lui faisait rarement défaut, elle en était certaine.

- Je me souviens de vous ! s'exclama la princesse en se penchant légèrement en avant. Il y a quelques années, vous m'aviez épiée au pied de mon étude...

Les poils des chevaliers se hérissèrent sur leur peau à cause de la peur. Elle... s'en rappelait, après tout ce temps ?! D'un coup, ils s'inclinèrent devant elle, rouges de honte, et s'excusèrent platement pour leur comportement inapproprié et tout à fait inconvenable. Zelda croisa les bras, malgré tout amusée, et leur adressa un sourire pour les rassurer.

- Vous avez de la chance que ma nourrice ne vous ait pas pourchassés. Vous ne seriez plus de ce monde, sinon.
Gautier et son ami déglutirent, littéralement pétrifiés.
- C'était l'idée de Conrad, se défendit Link en détournant la tête, confus.
Son camarade crut que sa mâchoire allait se décrocher tant il était pris de court par l'accusation du jeune capitaine de la garde.
- Eh ! Tu étais d'accord pour me suivre, je te rappelle ! riposta Conrad en le pointant du doigt, terriblement embarrassé.
- Vous vous nommez donc Conrad ? lui demanda la princesse en descendant de son cheval pour lui parler.

Inutile d'affirmer sa supériorité de la sorte en restant plus grande que lui... En la voyant s'approcher, le brun pensa un instant que ses jambes cèderaient sous son poids pour le renverser. Il perdit ses moyens et balbutia difficilement un "oui" pour répondre à Zelda. Elle était gênée qu'il soit aussi intimidé par sa présence...

- Et vous ? demanda-t-elle à l'autre chevalier.
- Gautier, Votre Altesse. Pour vous servir.
- Êtes-vous les amis de mon chevalier servant ?

Link sauta à terre pour se poster à côté d'elle et observer ses compagnons. En toute discrétion, il leur lança un regard dur pour les dissuader de commettre une quelconque ineptie et de dire n'importe quoi.

- Nous... nous sommes d'anciens camarades de l'école de chevalerie, Princesse, répondit Conrad qui essayait de reprendre un peu d'assurance.
- Donc vous étiez les élèves du dénommé Arthur ?
Tous furent surpris qu'elle prononce le nom de leur maître, Link en premier car il n'aurait jamais pensé que la princesse retiendrait ce détail lors de leur trajet pour Elimith, deux semaines plus tôt.
- En effet, poursuivit Gautier pour rompre le silence qui régnait.
- Je vois, sourit-elle calmement. Voulez-vous nous accompagner jusqu'aux portes de la citadelle ? Nous nous apprêtions justement à la quitter.
- Nous acceptons sans hésitation ! affirma Conrad dans une exclamation bien trop enthousiaste aux yeux du prodige.

La princesse tira son cheval par la bride puis le guida sur le chemin, imité par Link avec Ciaran. Quant aux deux chevaliers, ils marchaient fièrement à ses côtés sans omettre de bomber le torse pour se donner encore plus d'importance. Link leva les yeux au ciel en soupirant. Sur le moment, il se dit que ses amis n'avaient pas conscience de ce qu'il se passait. Car être chevalier représente une haute responsabilité, notamment quand on escorte une damoiselle de très haut rang.

- J'avais postulé pour être votre chevalier servant, Princesse, avoua Conrad en se grattant nerveusement la joue. Je me serais entièrement dévoué à vous mais hélas, le poste est déjà pris...
Zelda fut flattée d'apprendre que quelqu'un désirait la protéger depuis des mois déjà, même s'il s'agissait d'un simple chevalier.
- Vous savez, Conrad, je connais quelques damoiselles qui seraient ravies d'avoir un chevalier servant à leurs côtés.
À son prénom, le feu monta aux joues du brun. Maintenant, il pouvait très certainement mourir en paix.
- J'en serais honoré, Princesse ! affirma-t-il en souriant bêtement.
Elle acquiesça.
- Connaissez-vous la maison Bellemont ? Il me semble qu'une jeune fille cherche justement quelqu'un pour la représenter. Mais il vous faudra d'abord la rencontrer en bonne et due forme, l'avertit la princesse avec sérieux.
- Je n'y manquerai pas.

Savoir qu'il existait des chevaliers aussi dévoués au château mit du baume au coeur à la jeune fille. S'ils pouvaient être tous ainsi... Plusieurs minutes plus tard, ils arrivèrent à l'entrée sud de la citadelle d'Hyrule et le petit groupe dût se dissocier. Les deux élus remontèrent sur leurs chevaux pour se préparer à partir. Zelda regarda une dernière fois les deux chevaliers et leur adressa un sourire qu'ils accueillirent comme récompense.

- J'ai été contente de vous connaître. J'ose espérer que vos efforts pour le royaume soient récompensés un jour.

Gautier et son ami en furent touchés. Néanmoins, ils durent quitter les deux élus pour reprendre leur poste et continuer leur tâche matinale. Zelda emprunta donc la route du sud comme lorsqu'elle était partie pour la forêt de Firone, quelques jours plus tôt. Suite à de longues minutes de silence, elle décida de le rompre après un faible soupir.

- Tu as de bons amis. Ils m'ont l'air très sympathiques.

Link tourna la tête vers elle, bercé par le rythme des pas de son cheval. Il ne s'attendait pas vraiment à ce que la princesse revienne sur ce sujet... Elle les oublierait bien vite malheureusement. Il y avait tant de chevaliers au château, ce n'était pas deux d'entre eux qui allaient sortir du lot.

- Je n'ai pas autant de chance que toi, prononça Zelda dont le regard était rivé sur la crinière de sa monture. Je n'ai pas d'amis. Urbosa et Impa sont les seules personnes qui comptent énormément pour moi à ce jour, mais je les considère presque comme des membres de ma propre famille.

Apprendre cela étonna Link qui pensait aux autres prodiges. Qu'étaient-ils donc à ses yeux ? De simples compagnons pour combattre Ganon ? Sûrement, après tout. Et le jeune homme ne pouvait la blâmer pour ça. D'ailleurs, maintenant qu'il connaissait mieux les occupations de la princesse, il trouvait sa vie bien plus compliquée qu'on ne pouvait l'imaginer. Zelda était enfermée dans sa sphère sociale et peu de personnes pouvaient l'y rejoindre. Arpentant le chemin de la plaine d'Hyrule, les deux voyageurs profitaient du temps doux et des moindres bruits que leur offrait la nature. Par moments, la princesse sortait son carnet et y notait ses observations à propos de la faune et la flore croisées.

- Dis-moi, Link, commença Zelda en griffonnant quelques mots. Quelles sont tes fleurs préférées ?
Pour lui répondre, le jeune homme prit le temps de réfléchir. Il n'y avait jamais vraiment pensé, à vrai dire... Il y en avait tant de jolies que le chevalier ne sut quelle réponse donner dans un premier temps.
- Les fleurs de pommier, déclara-t-il à tout hasard.
Cela sembla satisfaire l'Hylienne qui rangeait son petit carnet, contente de pouvoir aborder ce thème.
- Et vous ? lui demanda Link en retour, par politesse.
Surprise, Zelda ouvrit la bouche une première fois pour manifester son étonnement puis elle esquissa un discret sourire en posant ses mains sur la selle.
- Cela te paraîtra certainement étrange, mais j'aime particulièrement les princesses de la sérénité, lui apprit-t-elle en le regardant brièvement. Si nous avons l'occasion d'en voir un jour, je me ferai un plaisir de te les montrer. Malheureusement, ces fleurs sont de plus en plus rares... Je doute que nous en trouvions sur le Plateau du Prélude. En fait...
La princesse marqua une pause, elle attrapa plus fermement les rênes et témoigna d'un réel engouement.
- Elles n'aiment pas vraiment l'altitude, d'après mes constats. Il leur faut un environnement calme, de préférence à l'abri d'un soleil ardent et non loin d'autres végétaux. Une symbiose s'est installée entre elles et les différentes plantes. De ce que je sais, le reste de la flore apporterait l'eau dont ont besoin les princesses de la sérénité. Mais en retour, je ne sais pas ce qu'elles donnent...

Une brise passa sur la plaine et vint leur souffler dans leurs oreilles. Lorsque d'anciens souvenirs refirent surface dans son esprit, Zelda sourit un peu plus.

- Quand j'étais enfant, je pensais que ces fleurs offraient une énergie presque divine aux autres. Il suffit de les regarder la nuit, elles brillent d'une lueur si reposante et apaisante ! s'enthousiasma-t-elle en y repensant.
La jeune fille tourna la tête vers Link et reprit soudainement son expression sérieuse, manifestement embarrassée.
- Oh, excuse-moi... Quand un sujet me passionne, je m'arrête difficilement d'en parler.
Les yeux du prodige s'agrandirent légèrement, une de ses mains se leva involontairement mais il la baissa presque aussitôt.
- Je vous en prie, continuez à m'apprendre, la pria Link avec quiétude.

Presque insensiblement dans sa poitrine, son coeur semblait avoir accéléré. La princesse le dévisagea, ébahie que quelqu'un lui demande une telle chose pour la première fois. Si les claquements des sabots n'avaient pas été là pour la sortir de sa torpeur, elle serait restée pensive encore de longues secondes.

- Pourquoi ? fut la seule réponse qu'elle eut.
Zelda se trouva stupide sur le moment. L'air impassible de son compagnon n'arrangeait pas son malaise.
- Je n'ai pas eu la chance d'être instruit, avoua simplement le blond.
Sa famille n'en avait pas les moyens. De plus, ce n'était pas le savoir intellectuel qui l'aiderait à devenir chevalier. Mais cela ne faisait pas de Link quelqu'un d'inculte ou d'idiot.
- Je devrais certainement demander à mon père d'envoyer un maître à Elimith et à d'autres petits villages, pensa Zelda à voix haute. Cela pourrait aider les générations futures, surtout si elles désirent s'intégrer à la vie de la citadelle.

Elle entreprit ensuite d'expliquer à Link comment on accédait au Plateau du Prélude puisqu'il se trouvait à une centaine de mètres en hauteur, entouré par un mur large et immense. Selon ses dires, il y avait un escalier permettant d'y accéder dans l'enceinte même de la muraille. Les chevaux resteraient en bas le temps qu'ils reviennent les chercher. Ce n'était pas un problème en soit puisque les équidés, dressés, pouvaient revenir si on les appelait. Zelda apprit aussi à Link qu'il y a des siècles, le Plateau du Prélude figurait comme l'une des places fortes du royaume. Mais au fil des années, avec la paix, le lieu finit par être déserté, laissant seulement un vieux temple et un monastère pour s'en occuper. La princesse aurait aimé y aller plus tôt mais le temps lui manquait et son père ne daignait lui en donner l'autorisation. Pourtant, maintenant que le prodige était là, l'affaire s'était simplifiée.

- Après ma session de prière auprès de la statue d'Hylia, nous aurons l'occasion de visiter un peu les environs. Qu'en dis-tu ?

Zelda l'observa en attente de réponse. Le chevalier acquiesça pour manifester son accord et reporta son attention sur la route. L'exploration restait l'activité qui lui plaisait le plus depuis son enfance bien qu'il ne puisse plus le faire depuis qu'il était au château.

Presque deux heures plus tard, ils parvinrent enfin à leur destination, encore plus épatante vue de près. Certes, le Plateau du Prélude était visible depuis le château. Mais quand on est à côté, c'est bien différent... Quelle hauteur ! Link sauta à terre et prit son équipement. Il savait que Ciaran devrait supporter le harnachement durant toute une nuit, mais le cavalier n'y pouvait rien... Transporter la selle nécessiterait un aller-retour car il n'avait pas quatre bras pour tout prendre. Zelda fut contrainte de faire de même. Tous deux, ils empruntèrent l'immense entrée creusée dans la roche puis gravirent les centaines de marches jusqu'au plateau. Nul besoin de préciser que la princesse fatigua bien plus vite que Link, formé pour être endurant et supporter de lourdes charges quelles que soient les situations. Il finit par prendre l'un des sacs de Zelda pour l'alléger et elle l'en remercia, soulagée.

Au bout d'une dizaine de minutes de montée, le ciel apparut au-dessus de leur tête et les éblouit durant un court instant. Doucement, les deux compagnons s'extirpèrent des escaliers et débouchèrent au bord de la muraille, accueillis par le vent frais des hauteurs. Au moins, cela les rafraîchissait après leurs efforts. Zelda ne manqua pas d'admirer la vue qui s'offrait à elle et dévoilait une vaste étendue de ses terres. Quant à son chevalier servant, il observait silencieusement le Temple du Temps qui se dressait face à lui, bien plus petit que la cathédrale de la citadelle mais bien plus... mystique et intriguant.

- Et si nous mangions quelque chose avant de rejoindre le temple ? proposa Zelda en posant son sac au sol. Il nous reste une trentaine de minutes avant d'y arriver mais je crains avoir trop faim...

Ainsi, ils trouvèrent un gros rocher au milieu de la plaine et s'installèrent dessus pour déguster la viande séchée et les quelques crudités qu'ils avaient pris. Le repas, peu attrayant dans un premier temps, restait toutefois très convivial et leur permettait de profiter de cet endroit si atypique.

- Regarde, un sanglier ! s'exclama Zelda en se penchant sur le côté pour montrer l'animal.

Link tourna la tête et l'aperçut au loin, courant entre des arbres. La princesse n'avait eu que très rarement l'occasion d'en voir dans sa vie. La liberté dont elle jouissait à ce moment précis lui permettait de découvrir son monde pour mieux le protéger.

- En voilà un qui ne finira pas dans les marmites de nos cuisines, sourit-elle en reprenant sa place. Les animaux doivent vivre en paix sur ce plateau. Link, tu as un animal préféré ?
Il baissa la tête pour réfléchir, les yeux rivés sur sa tranche de viande séchée. Pour lui, il y en avait plusieurs...
- J'aime bien les pintades, répondit Link en hochant une fois la tête. Ma mère sait très bien les cuisiner.

Zelda resta un long moment immobile, les traits figés par l'incompréhension. Son absence de mouvement prit le jeune homme de court. Avait-il dit quelque chose de travers ? Pourtant, l'Hylienne finit par rire en cachant sa bouche derrière le revers de sa main. Pour une réponse inattendue... ! Elle pensait à tout sauf aux préférences gustatives de son chevalier servant.

- Voyons, Link, prononça-t-elle en reprenant son sérieux en dépit de son petit sourire en coin. Ce n'était pas dans ce sens-là que je posais la question...
- Vraiment ? bredouilla-t-il, embarrassé par ce qu'il jugeait maintenant comme une bêtise de sa part.
Le regard que lui portait Zelda à ce moment précis laissait transparaître une toute nouvelle affection. Peut-être qu'au fond, elle pourrait se lier d'amitié avec lui ? Cette question, elle se la posa avec sérieux.
- Personnellement, j'aime beaucoup les renards des neiges, lui apprit-elle en revoyant l'une de ces braves bêtes dans son esprit. Certes, ils sont tout à fait charmants mais je les trouve si joviaux entre eux... C'est attendrissant.
Link dut chercher une réponse plus appropriée cette fois-ci. Un seul animal lui vint à l'esprit.
- J'aime bien les poissons tels que les truites.
Encore une fois, la princesse ne s'attendait pas à ça. Pourquoi les poissons ?
- Quand j'étais petit, mon grand-père m'emmenait les pêcher, lui expliqua le chevalier face à son mutisme.
- Elles auraient donc une... certaine valeur sentimentale pour toi ?

Link opina pour le confirmer. En tout cas, il n'avouerait pas à la princesse qu'il était tombé de nombreuses fois à l'eau en voulant les pêcher. L'épisode à Elimith restait encore très humiliant à ses yeux... Zelda émit un soupir qui attira son attention.

- Tu es chanceux. Je n'ai jamais connu mes grands-parents, confia-t-elle avec une tristesse dissimulée derrière un visage neutre. Ma grand-mère est morte très jeune, ma mère devait avoir à peine dix ans. Comme si... toutes les femmes de la famille royale étaient vouées à mourir quelques années après avoir enfanté.

La gorge du jeune homme se noua. Il ne pouvait lui dire que sa mère avait été empoisonnée, et donc qu'elle n'était pas morte "naturellement". Link se devait de garder cette information tant que la situation du royaume ne s'arrangeait pas. Une fois leur simple repas terminé, ils se remirent en route pour terminer leur voyage. Zelda marchait plusieurs mètres devant son compagnon, comme d'habitude, mais elle prenait soin d'étudier la flore : peut-être qu'en cas de famine, un jour, on pourrait utiliser ces terres pour cultiver certaines plantes ? Quoi qu'il en soit, la princesse aimait cette ambiance calme qui régnait sur le plateau du Prélude.

Lorsqu'ils furent aux abords du temple, une poignée de moines hyliens vinrent les accueillir à bras ouverts, très contents de voir la fille de leur roi. Sans perdre de temps, Zelda fut menée devant la statue de la déesse pour y prier. Link fut cependant contraint de rester en dehors de ce lieu sacré que seuls les religieux et la prêtresse royale avaient le droit de fouler. Il s'y plia et en profita pour s'exercer à l'épée. Son tibia s'était remis de sa dernière chute dans la Forêt de Firone, ce qui le gênait beaucoup moins dans ses mouvements. Son entraînement s'annonçait long.

o O o

La nuit tombait peu à peu sur Hyrule, le ciel orangé offrait une nouvelle couleur aux terres du royaume. Un des moines faisait le tour du temple pour s'assurer que le vent n'avait pas emporté les petites statuettes d'Hylia déposées le jour même. Quelle fut sa surprise quand il aperçut le prodige en personne, accroupi sur le rebord d'une des fenêtres du temple à plusieurs mètres de hauteur. Le religieux sentit la colère monter brusquement en lui. Il possédait une corpulence et des joues volumineuses qui se gonflèrent davantage.

- Pour l'amour de Nayru, êtes-vous fou ? s'offusqua-t-il, ce qui fit sursauter Link et manqua de provoquer sa chute. Descendez de là !
En silence, le jeune homme s'exécuta et fut devant le moine en quelques instants. Ce dernier croisa les bras en tapant du pied.
- Puis-je savoir ce que vous faisiez ? lui demanda-t-il d'un air méfiant.
- J'observais la grande statue, affirma Link le plus sincèrement du monde.
Les bras de l'homme lui en tombèrent.
- Et vous escaladez dix mètres de mur juste pour cela ? Vous avez un sérieux problème, mon garçon. Et puis c'est interdit ! Je suis persuadé que vous avez abîmé la paroi !
Le moine se dirigea à grands pas vers le bâtiment pour inspecter attentivement les blocs de pierre.
- Là, voyez ! Quel est ce trou ?
Il en fut d'autant plus choqué mais Link le regardait d'un air imperturbable.
- Je ne suis pas monté par-là, déclara-t-il pour sa défense.
- Mais vous y êtes descendu !
Link fronça les sourcils.
- J'ai sauté du mur avant ce point précisément.

Oh, ce jeune chevalier ne tarderait pas à l'agacer ! Se payait-il sa tête ? Le religieux s'approcha de lui et posa un doigt sur sa poitrine. Il était légèrement plus petit que le prodige, ce qui lui donnait un désagréable sentiment d'impuissance.
- Cela ne change en rien à votre faute, ajouta le moine avec colère. Vous êtes un irresponsable ! Qui me dit que vous n'épiez pas la princesse, petit voyou ? Elle est la prêtresse royale, personne n'a le droit de la voir en session de prière !
Link lui aurait bien répliqué que c'était déjà fait mais une silhouette gracieuse apparut à côté d'eux, visiblement embarrassée.
- Que se passe-t-il ? demanda Zelda qui venait justement de terminer.
Les éclats de voix l'avaient attirée. Le moine s'adoucit aussitôt et adopta une voix mielleuse.
- Rien du tout, Votre Altesse, minauda-t-il en reculant d'un pas. Je montrais juste à ce jeune homme qu'il avait un insecte sur sa tunique.

Zelda n'était pas dupe, elle avait très bien entendu la fin de la discussion. Au vu de l'expression de son chevalier servant, c'est-à-dire inexistante, elle en conclut que ce n'était pas bien grave au fond. Le calme de Link face à la précédente colère de l'Hylien en était presque amusant.

- Pouvons-nous visiter le monastère ? se renseigna Zelda après s'être tournée pour voir les petites structures derrière elle.
- Mais bien sûr ! répondit l'Hylien en la rejoignant, encore gêné d'avoir été surpris dans son sermon. Suivez-moi, je vous prie.
Le moine prit les devants et se dirigea vers le monastère. Zelda attendit que son chevalier servant arrive près d'elle pour lui demander dans un chuchotement :
- Qu'est-ce que tu as encore fait ?
Link n'interpréta pas sa question comme un reproche car il avait vu le sourire en coin de la princesse.
- Je contemplais la statue.
Elle en fut surprise.
- Ce n'est pas possible, tu n'étais pas dans le temple... D'où la regardais-tu ?
Le visage du blond se leva vers l'ouverture présente au niveau du mur, Zelda suivit son regard, ahurie.
- Tu... tu as escaladé ?
- Oui.

Le religieux les interpella pour les inviter à le suivre, ce qu'ils firent sans plus tarder. La princesse poussa un soupir en levant les yeux au ciel, amusée malgré la situation. Eh bien, ce garçon regorgeait de surprises... Mais tout de même ! Qui escaladerait un mur ?! La demi-heure suivante fut dédiée à la visite puis ils purent aller dîner avec les autres occupants du monastère. Le silence était de mise lors du repas, cependant Link n'en fut guère dérangé. Sa seule source d'embarras était Klaus, le moine qui l'avait sermonné. Ce dernier ne cessait de le fixer tout en buvant sa soupe. Le prodige ne se laissa pas faire et riva son regard sur lui, montrant ses iris d'un bleu presque glacial à ce moment-là. Zelda remarqua la longue immobilité du jeune homme, assis à une table autre que la sienne. Elle put constater quelle en était la raison même si cela resta incompréhensible pour elle. Ah, les hommes... Ils ne se comprennent qu'entre eux. Quoi qu'il en soit, Zelda n'avait toujours pas ressenti une quelconque aura ou pouvoir en priant devant cette nouvelle statue divine...

o O o

- Demain, nous nous levons à l'aube pour visiter une partie du Plateau du Prélude puis nous reviendrons au château vers midi environ, indiqua la princesse sur le seuil de la porte de sa chambre.

Link hocha la tête. Encore une fois, il dormirait dans une pièce non loin de la sienne, au cas où. Ici, l'air était plus frais le soir, notamment dans les couloirs de pierre. Zelda s'apprêtait à se coucher. Tous deux échangèrent un regard, sans doute dans l'attente que l'autre dise quelque chose, puis l'Hylienne finit par baisser la tête en lui souhaitant de passer une bonne nuit. Elle referma doucement sa porte et laissa Link tout seul dans le corridor, silencieux comme toujours. Des pas résonnèrent derrière lui et attirèrent sons attention. C'était Klaus qui venait se coucher. Le moine regarda le jeune homme d'un mauvais oeil puis s'enferma à double tour dans sa chambre après avoir claqué la langue. Link observa quelques secondes sa porte puis partit se coucher. Etrangement, il se dit qu'être moine n'aurait jamais été sa tasse de thé.

Le lendemain matin, aux premières lueurs du jour, les deux élus saluèrent les quelques religieux présents puis entamèrent leur petite exploration. En sortant du monastère, ils partirent sur leur gauche pour gravir un petit chemin vers la falaise. Zelda avait remarqué que sa tablette émettait de faibles vibrations depuis leur arrivée, un phénomène absolument nouveau et intriguant. Une fois arrivée au bout de la route, les vibrations s'intensifièrent et alarmèrent la princesse. Elle formula l'hypothèse qu'une chose inconnue avait un quelconque lien avec la technologie sheikah.

- Il y a quelque chose ici qui est entré en relation avec ma tablette, annonça-t-elle à la fois inquiète et impatiente de résoudre ce mystère. Seulement, j'ai beau examiné notre environnement, je ne vois rien...

Link prit ces informations avec sérieux. La falaise attirait son attention. Surtout un mur de lierre bien trop mobile à cause du vent. Il s'en approcha, la main tendue, puis elle traversa les feuilles. Le chevalier se retira soudainement, muet de stupeur. Il ne pensait pas avoir raison.

- Oh, tu as trouvé quelque chose ! se réjouit la princesse qui se positionna à ses côtés. Allons voir.

Elle écarta les branches de lierre puis s'engouffra dans la cavité creusée à même la roche. La bouche du prodige s'entrouvrit bien qu'il soit trop tard, il lui emboita le pas et entra dans un couloir sombre et humide. Zelda en aurait presque la chair de poule si elle n'avait pas été accompagnée. Link dégaina la Lame Purificatrice puis activa son pouvoir afin d'éclairer les lieux. Des inscriptions figuraient sur les murs suintants, au loin se trouvait une autre entrée puis... une vague lueur bleutée.

- Approchons-nous, suggéra Zelda sans perdre de temps.
Avec une certaine méfiance, ils s'avancèrent dans cette étrange caverne. Zelda était déjà sûre d'une chose : les inscriptions étaient des symboles hyliens, mais bien trop abîmés pour être lisibles.
- Attention, devant vous, la prévint Link en remarquant un changement de niveau.
Il s'accroupit pour évaluer la hauteur, sauta devant elle, se réceptionna puis leva la tête vers la damoiselle.
- N'ayez crainte, le saut ne vous blessera pas.

Zelda le remercia et se laissa tomber à côté de lui pour assurer sa chute. A l'unisson, ils regardèrent en direction de la lueur bleue provenant du plafond. Quelle atmosphère singulière et reposante... L'égouttement de l'eau, quelque part autour, les confortait dans ce sentiment. Au-dessus de la deuxième porte leur apparurent de nouveaux caractères, cette fois-ci lisibles.

- Sanctuaire de la Renaissance, lut la princesse à travers ses yeux plissés. Quel étrange nom... Ce lieu me parait vraiment ancien.

Elle s'engouffra dans la nouvelle salle et put voir distinctement une cuve vide surplombée par un étrange toit façonné à l'image de la technologie sheikah. Pour Zelda, cela ne faisait plus aucun doute. Impa devait être tenue au courant de cette découverte. Quel est cet endroit et quelle est sa fonction ? Son attention dévia vers un socle émettant une faible lueur orangée. Ses sourcils se froncèrent, elle observa par la suite sa tablette. Elle y entrerait parfaitement. Cela voulait dire... que tout se trouvant dans cette salle datait d'il y a dix mille ans, au moins. Zelda en eut des vertiges.

- Re... retournons au château, prononça-t-elle en posant une main sur son front.
Ce détail n'échappa pas au chevalier.
- Vous vous sentez mal ?
- Ma tête tourne, c'est très désagréable, confia-t-elle en plissant les yeux.

Ainsi, ils quittèrent le Sanctuaire de la Renaissance, ce lieu qui deviendrait plus tard si primordial pour la sauvegarde d'Hyrule et de ses terres.

Chapitre 13   up

Code d'honneur du chevalier :
11. Il combat l'injustice et l'inégalité

o O o

- Un sanctuaire caché, dites-vous ? s'exclama Impa, abasourdie.
Fort heureusement, elle se trouvait dans l'étude de Zelda, il n'y avait personne d'autre. La princesse était rentrée il y a une bonne heure de cela et avait demandé à sa nourrice de la rejoindre dès que possible.
- Il était bien gravé "Sanctuaire de la Renaissance", répéta l'Hylienne en tournant en rond dans la salle circulaire. Je n'ai pas rêvé... Link peut témoigner. Mais tout ce que j'ai trouvé était étrange.
Elle s'arrêta et ancra son regard dans le sien.
- Nous devons en apprendre plus. Pru'ha peut-elle s'y rendre ?
- Oui, assurément. Une affaire aussi importante ne la laisserait jamais indifférente, lui assura Impa, les bras croisés. Et la tablette aurait réagi à ce lieu ?
Zelda regarda l'objet dont il était question.
- Oui. J'aimerais en savoir plus à ce sujet. Seulement je ne peux pas... Père ne voudra pas que j'y reparte.
Un voile de peine passa sur son visage dont les traits se contractèrent.
- Il m'a encore réprimandée : "Se rendre au plateau du Prélude n'était qu'une perte de temps !" a-t-il dit. Cela n'a pas arrangé mon cas...
- Allons, Princesse Zelda... murmura sa nourrice en avançant d'un pas vers elle. Je vous en prie, ne perdez pas espoir. Vous donnez tant pour le peuple, vous vous dévouez corps et âme. Grâce à vous notamment, notre technologie a pu être améliorée.
Impa esquissa un sourire bienveillant pour la rassurer.
- Vos efforts seront récompensés. N'en doutez jamais.

Les lèvres de la blonde se pincèrent, ses doigts s'entremêlèrent à cause de la nervosité. Zelda le sentait bien... Peu à peu, elle perdait l'estime d'elle-même. Et pour la Sheikah, quelqu'un devait à tout prix montrer à sa protégée qu'elle avait tort de penser cela.

- Impa, je... je vais congédier Link pour la journée. J'ai peur que le voir ne me replonge dans le même état d'esprit qu'auparavant...
Sa nourrice comprit où elle voulait en venir ainsi que la raison. Voir le prodige de l'épée et se comparer à lui participaient à la souffrance de la princesse.
- Bien, je lui ferai parvenir votre ordre. Je me charge de votre protection pour aujourd'hui. Voulez-vous qu'il mange avant nous ?

Zelda hocha simplement la tête puis se dirigea vers sa chambre. Comment trouver la sortie de ce tourbillon noir qui l'engloutissait chaque jour un peu plus dans la tourmente ?

o O o

Bien entendu, Link resta véritablement sans voix en apprenant le choix de la princesse. Le congédier, par les temps qui courent ? Mais... c'était de la folie ! Même si Impa restait auprès d'elle. Le chevalier servant dut se plier à l'ordre et dédia son temps libre à son entraînement. Aujourd'hui, il s'exerçait au tir à l'arc. C'était une activité qui lui plaisait même si son ancien arc lui manquait. L'équipement dit "royal" ne lui convenait pas vraiment car il le jugeait trop voyant et prétentieux pour un arc de combat. Dans la salle d'armes, Link ne comptait même plus les flèches qu'il déchaînait sur sa cible. Mais au bout d'un moment, ses bras commencèrent à fatiguer et l'obligèrent à arrêter.

Par la suite, Link se rendit à la bibliothèque pour chercher un livre sur les diverses fleurs du royaume. Les princesses de la sérénité... Voilà bien des plantes qui attisaient sa curiosité. Après une bonne dizaine de minutes de recherches, il trouva un ouvrage intéressant et partit s'asseoir à une table, sous la lueur d'une bougie. Effectivement, les informations sur cette fleur n'étaient pas bien nombreuses. La dauphine en savait plus que le livre. L'une des portes de la grande salle s'ouvrit justement sur cette dernière, Link leva les yeux pour l'apercevoir. Son étonnement fut visiblement réciproque puisque Zelda s'arrêta sur le palier, les yeux écarquillés, resta quelques instants figée puis fit prestement demi-tour, une main posée le long de sa tempe pour cacher son visage. Eh bien... Le jeune homme n'en fut que plus perdu. Il avait beau revoir tous les derniers moments passés ensemble, aucun ne laissait penser qu'il avait fait quelque chose de mal. À moins que ce ne soit dû à sa dernière session de prières infructueuses ? Link haussa légèrement les sourcils, d'un air affecté.

Le Héros avait beau être élu par les déesses, il restait incapable d'accomplir certaines choses. Pour lui, la peine de la princesse demeurait inatteignable. De son côté, la jeune fille passa devant Impa qui la suivait de loin. Cette dernière fut étonnée de la voir revenir sur ses pas.

- Princesse, où allez-vous ? lui demanda-t-elle en accourant derrière elle. Ne deviez-vous pas vous rendre à la bibliothèque ?
- J'ai changé d'avis. Je devrais plutôt aller prier à la cathédrale de la citadelle.

Ce brusque changement de décision dérouta la conseillère du roi car ce n'était point dans les habitudes de sa chère amie de procéder ainsi. Elle accompagna donc Zelda en dehors du château et demanda à une poignée de chevaliers d'être parmi l'escorte. Bien entendu, la prêtresse royale ne passait jamais inaperçue en ville... Elle devint bien rapidement le centre de l'attention. Il y a quelques années de cela, Zelda était heureuse de faire sourire son peuple et lui donner de l'espoir. Mais dorénavant, cet espoir qu'ils attendaient ne faisait qu'accroître le sentiment d'impuissance de la princesse. Les habitants la soutenaient sans même vraiment savoir qu'elle peinait à utiliser ses pouvoirs. Dans la citadelle, des rumeurs commençaient à circuler à son propos depuis plusieurs mois déjà.

Ce jour-là, Zelda ne sourit pas lors de sa sortie, un autre détail qui n'échappa pas à Impa. Si cela continuait ainsi, elle craignait que sa protégée ne puisse définitivement pas utiliser le sceau divin. Seulement à ce jour, il n'existait pas d'autres solutions en dehors des prières.

Le lendemain, Zelda allongea encore un peu le congé de son chevalier servant, au moins pour le reste de la matinée. Encore une fois, le prodige alla s'entraîner. Sur le chemin, il croisa Cassius qui l'ignora royalement. Il n'avait toujours pas digéré l'affront de l'autre jour. Link n'y porta aucune espèce d'attention. Pour lui, ceux qui ne comprenaient pas le rôle des chevaliers ne méritaient pas qu'on leur montre de l'intérêt. Quelques heures plus tard, alors que son ventre manifestait déjà l'envie de se satisfaire avec une belle cuisse de volaille, le jeune homme traversa le grand hall pour rejoindre la partie dédiée aux gardes royaux. Quelle fut sa joie, son soulagement, en rencontrant ses deux amis ! Tous trois se saluèrent chaleureusement. Gautier et son compagnon portaient un équipement léger car ils n'avaient pas de mission particulière ce jour-là. Le grand blond paraissait tout de même un peu irrité.

- Gautier, quelque chose ne va pas ? demanda Link, inquiet de le voir dans cet état.
Il savait que son ami s'énervait bien trop facilement parfois, ce qui était l'un de ses défauts. Le concerné posa ses mains sur ses hanches, les épaules en arrière.
- Conrad, seigneur de la crétinerie, a encore fait preuve d'une intelligence remarquable.
- J'ai abîmé la garde de son épée durant notre entraînement.
- Ma main a failli y passer aussi, ajouta le blond dans un soupir. Il me l'aurait tranchée par la même occasion, cet idiot. Heureusement qu'il paie les frais sinon je l'aurais envoyé faire un tour au fond des latrines du château.

Le brun déglutit. Amusé, Link les regarda cependant d'un air impassible. Tous les deux étaient vraiment inséparables, quoi qu'il arrive. Conrad rétorqua qu'il n'avait pas fait attention à ce moment-là, ses pensées avaient soi-disant dévié sur un domestique qui aurait trébuché dans les environs. Les trois amis partirent alors en direction du forgeron situé au côté sud du château. Brièvement, Link leur apprit qu'il était parti sur le plateau du Prélude la veille. Il y avait rencontré un moine aigri de mauvaise humeur. Son récit eut au moins le mérite de redonner le sourire à Gautier. Plusieurs minutes plus tard, ils arrivèrent enfin chez l'artisan où deux jeunes nobles patientaient devant eux.

- Avec Anaë, nous allons nous marier en mai car c'est signe de bon présage chez les Gerudos, leur annonça Gautier sans cacher un sourire presque niais sur son visage. Je lui ai présenté mes parents, ils s'entendent à merveille.
Conrad croisa les bras en lançant un regard moqueur à son ami, les sourcils haussés.
- Tu nous crois ignares ? On sait bien que chez les Gerudos, le mois de mai représente surtout le mois de la fertilité.
Son camarade s'immobilisa, les yeux écarquillés, puis rougit brusquement en fixant le sol. Il n'était pas le seul embarrassé, Link montra des signes manifestes de malaise.
- Mais je te taquine, voyons ! rit Conrad en frottant vigoureusement les cheveux du grand blond. T'es vraiment coincé, Gautier...
- Surveille tes propos ou tu risques de ne pas voir le soleil se lever demain, le prévint son ami avec une fausse froideur.

Un semblant de dispute éclata entre eux et Link leva les yeux au ciel en soupirant. Ils n'étaient pas près de changer... Un groupe de nobles rejoignit les deux devant eux sans même prendre la peine de patienter derrière les trois chevaliers. Des gardes royaux de la haute noblesse qui ne se mélangeaient pas avec les autres, par orgueil.

- Vous avez entendu les rumeurs ? demanda l'un d'eux aux cheveux châtains. Ce midi, le roi a encore convoqué sa fille. Ce n'était pas beau à entendre...
Link tendit une oreille pendant que le camarade du châtain ricana.
- Tu ne nous apprends rien, lui dit-il sur un ton railleur. On sait tous que c'est une incapable qui n'est bonne qu'à perpétuer la famille royale. Elle n'arrête pas de se défendre en prétextant "prier" mais elle ne fait rien pour éveiller son soi-disant pouvoir. Juste parce qu'elle porte le titre de Princesse, elle pense réussir à nous berner en débitant de lamentables excuses et des promesses aussi inexistantes que son estime portée à son peuple.

Un de ses amis jeta un regard par-dessus son épaule et pâlit en reconnaissant Link dont le visage était sombre. Le garde royal s'approcha de celui qui avait parlé et chuchota quelque chose à son oreille. Le noble moqueur se tourna de moitié pour dévisager Link avant de grimacer avec mépris.

- Je me demande bien ce que le chien de garde de la princesse vient faire ici, dit-il à voix haute pour provoquer, ce qui n'échappa pas à Gautier et Conrad. Cette forge est réservée aux nobles, pas aux bouseux de l'arrière-pays.
- Eh, toi ! l'interpella Gautier qui lui adressa un regard dur. Pour qui tu te prends, au juste ? Tu es en train de parler du prodige hylien !

Le brun retint son ami par les bras pour l'empêcher d'entrer dans le jeu de l'autre noble. Ce dernier toisa froidement le chevalier servant, la tension monta d'un cran dans la forge où l'air chaud devenait de plus en plus oppressant. Le forgeron cessa sa tâche pour observer la scène, dépité.

- Tu parles d'un prodige, continua le provocateur en s'approchant de Link. Ce n'est qu'un benêt muet incapable de décrocher le moindre mot. Il ne sait qu'effectuer les ordres de sa maîtresse, comme un bon chien docile ! Comment pourrait-il sauver Hyrule alors que la princesse ne sait pas utiliser son pouvoir, ni même les Créatures Divines ? En vérité, elle finira par s'enfuir sur leur dos et laisser son royaume être détruit par le Fléau.

Link garda son calme malgré la vive colère qui lui tordait le ventre. De telles paroles ne pouvaient pas rester impunies. Cet ignare ne voyait que ce qui l'arrangeait et il ne faisait que penser comme la majorité, elle aussi très peu renseignée sur tout le travail de la prêtresse royale. Il ne savait pas à quel point Zelda souffrait de sa condition.

- Veuillez retirer immédiatement vos propos, le pria Link avec fermeté.
Le fait qu'il parle sidéra le reste du groupe mais son interlocuteur ne laissa rien paraître.
- Tiens, tu parles finalement, fit remarquer le fier garde royal en croisant les bras. Fais preuve d'obéissance envers la cour et quitte cette forge, gamin.
- Ne m'obligez pas à réitérer ma demande.

Le ton adopté par Link sonna si froid pour Gautier et Conrad qu'ils en furent déroutés. Les paroles de cet homme avaient vraiment affecté leur ami, et à juste titre. Mais il n'était pas en position pour faire face à la Haute. Son titre de prodige ne lui accordait que peu de droits... L'homme plissa les yeux, fort mécontent qu'un fils de roturier puisse lui résister.

- Sinon quoi ? lui demanda-t-il avec hargne. Entendre parler de la princesse te met hors de toi ? Personne ne se sent en sécurité ici ! Regarde autour de toi et dis-moi ce qu'elle fait pour nous. Rien ! Elle ne sait que prier et mentir pour cacher son incapacité.

Les yeux du prodige s'agrandirent et ses doigts manquèrent de se crisper. C'en était trop. L'honneur de la princesse devait être lavé, qu'importe la méthode. Link n'aimait pas se battre contre ses semblables. Mais la cause était bien trop importante pour qu'il laisse les paroles de ce garde impunies.

- Dans ce cas, je vous défie dans un combat singulier, déclara le blond à travers ses yeux d'un bleu glacial. Je crains que vous ayez oublié que je suis votre supérieur, mais cette faute de votre part reste insignifiante face aux propos discriminants que vous avez eus à l'égard de la princesse Zelda. Et si vous persistez à refuser, je n'hésiterai pas un instant à vous souffleter devant tous ces témoins.

Le garde déglutit difficilement en serrant les dents. Pour... pour qui se prenait ce gamin qui osait le défier ainsi ? Être souffleté ? Quelle honte, quel déshonneur ! Prodige ou élu de l'épée, cela ne changeait rien ! Seule son arme pouvait faire sa force, pensait le noble. La Lame Purificatrice, l'épée invincible...

- J'accepte à la condition que tu te battes avec une arme différente de la Lame Purificatrice.
Link fronça les sourcils en se demandant s'il n'avait pas là affaire à un traître agissant contre la famille royale. Mais il accepta tout de même sa proposition. Si cela pouvait lui faire regretter ses mots, alors il le combattrait. Le blond se tourna vers l'un de ses amis.
- Conrad, je te fais confiance. Quelle arme devrais-je prendre ?
Le brun réfléchit un instant puis esquissa un sourire narquois. Oh, il voyait où l'élu voulait en venir.
- Pourquoi pas une épée de bois ? Un équipement à la hauteur de ton adversaire.

Alors que l'homme serra les poings, prêt à riposter, Link échangea un regard lourd de complicité avec son ami bien malgré son expression toujours de marbre. Il ne s'était encore jamais joué de quelqu'un. Alors pour l'unique fois de sa vie, il ferait en sorte de ne pas montrer son plein potentiel dans un duel. Telle serait la punition de cet ingrat.

- Faisons cela. Vous devriez avoir l'avantage, dit-il à cet impertinent de noble.
- Vil petit...
Il fut coupé par le forgeron qui s'interposa alors entre eux et les écarta à l'aide de ses bras, le front en sueur.
- Je ne veux pas de problème dans ma forge ! s'exclama-t-il avec fermeté. Allez faire ça dehors, mais pas ici.

Le groupe quitta la structure et se dirigea vers l'une des arènes d'entraînement. Une servante, qui avait assisté à toute la scène, se précipita vers les cuisines royales pour aller chercher la princesse.

o O o

Attablée, Zelda finissait de siroter son thé quand une domestique entra et se présenta humblement à elle, essoufflée. Elle savait que la princesse, d'une grande gentillesse, accepterait de la recevoir pour une telle situation.

- Votre Altesse, c'est... c'est à propos de votre chevalier servant ! lui annonça-t-elle sans cacher son inquiétude.
Surprise par la raison de sa venue, la princesse s'essuya délicatement la bouche et l'invita à poursuivre.
- Il... il s'apprête à combattre en votre nom. Il a défié un garde royal dans un combat à l'épée.
Le visage de la jeune fille resta neutre mais changea peu à peu quand ses yeux s'agrandirent en décryptant ce qu'elle venait d'apprendre.
- Comment ? souffla-t-elle, déroutée. En es-tu sûre ?
- Oui, Princesse.

La domestique s'inclina tandis que Zelda quitta son siège, imitée par Impa qui se tenait quelques pas derrière elle. La servante lui indiqua le lieu où se déroulait le combat et la princesse marcha rapidement, courant presque par moments, vers l'arène d'entraînement. Elle emprunta plusieurs couloirs jusqu'à arriver sur un petit pont reliant le château à la tour où était stocké l'équipement des apprentis chevaliers. Des exclamations lui parvinrent, des cris ou même des rires. Zelda se jeta presque sur le parapet et se pencha pour découvrir les deux combattants en pleine confrontation. Le garde royal s'acharnait sur Link en grognant mais le jeune homme se contentait d'esquiver en tenant son arme. Quand Zelda reconnut l'épée de bois dans sa main, elle ne put s'empêcher de sourire tant cela lui parut absurde de sa part. L'élu de la Lame purificatrice, combattre avec un tel équipement ? Mais quelle idée...

Link roula sur le côté pour éviter un coup violent, se releva aussitôt puis contre-attaqua en frappant son adversaire au flanc, lui arrachant une plainte étouffée. Gautier ricana car cela lui rappela un souvenir en particulier, mais le garde royal ne se laissa pas humilier davantage. Il trancha plusieurs fois l'air en se ruant sur le blond qui parait du mieux possible avec son arme en bois. Il aurait aimé avoir son bouclier mais son adversaire avait imposé un combat sans. Visiblement, il ne voulait pas que le prodige s'en sorte indemne. Alors qu'il lui assénait un coup droit, Link fit volte-face et frappa au même endroit, envoyant valser le garde royal sous la huée des autres chevaliers et gardes royaux.

L'Hylien leva alors les yeux et aperçut la princesse qui assistait au combat. Link s'approcha un peu d'elle en maintenant le contact visuel puis il leva son épée vers le ciel en ayant un air déterminé. Dans sa poitrine, le coeur de Zelda s'emballa tant elle fut touchée par la portée de son geste. Certes, son chevalier servant se battait pour elle, ce qui au fond n'était pas étonnant au vu de son rôle. Mais il la représentait et défendait certainement ses valeurs. Elle ne connaissait pas les motifs de cette confrontation mais les accusations devaient être lourdes pour que cela finisse en combat singulier. Quand la princesse vit le garde royal s'avancer silencieusement vers Link, elle blêmit et plaqua une main au-dessus de son coeur.

- Attention ! s'écria-t-elle lorsque la peur fit surface.

Link se retourna tout à coup et bondit en arrière pour éviter le coup presque mortel de son adversaire. Pour le jeune homme, le temps paraissait ralentir tant sa concentration était à son summum. Le prodige effectua son attaque circulaire et renvoya puissamment l'homme au sol en lui coupant le souffle. Le garde royal grimaça de douleur et voulut se lever quand un poids s'exerça sur son poignet droit ainsi que sur sa poitrine.

- Vous avez perdu, cette mascarade est terminée, prononça sèchement Link. Maintenant, excusez-vous.

L'homme le foudroya du regard en le maudissant. Quelle inconscience de la part du garde royal d'avoir provoqué le meilleur épéiste du royaume, pensaient ses semblables. Jamais Link, ou un autre chevalier servant, n'aurait accepté que l'on critique leur damoiselle sans même avancer de preuves ou d'arguments. Le jeune homme avait confiance en Urbosa et croyait tout ce qu'elle lui avait dit lors de cette soirée sur Vah'Naboris. Lui-même avait eu la rare occasion de constater toute la volonté, tous les efforts que faisait la princesse pour assumer son rôle. Puisque le garde royal décidait de se plonger dans le silence, Gautier intervint pour qu'il s'excuse.

- Je doute que le roi apprécierait si on lui apprenait que sa fille aurait reçu... des remarques désobligeantes, lui adressa-t-il pendant qu'il s'accroupissait.
Le noble déglutit puis souffla fortement.
- Qu'il en soit ainsi, cracha-t-il avec mauvaise foi en essayant de se relever. Mais vous ne pourrez jamais me retirer ma liberté de penser.

Link enleva son pied et le laissa se diriger vers le pont où se tenait Zelda. L'homme lui adressa ses plus plates excuses et s'en alla en silence tout en jurant dans sa barbe contre le prodige. Ce dernier le suivit des yeux, les sourcils froncés, puis rentra au château avec ses deux amis qui ne manquèrent pas de le féliciter. Mais peut-être avait-il été trop direct... Link n'avait jamais rien entendu d'aussi irrespectueux, il n'avait pas envie de parler. Son adversaire n'avait pas respecté le code d'honneur des chevaliers. Et c'était intolérable.

- Link ! l'appela la princesse qui descendait les escaliers, quelques mètres devant eux.

Le chevalier leva les yeux et observa Zelda le rejoindre, affectée par ce qui venait de se produire. Conrad se pétrifia quand il reconnut la princesse et il fit aussitôt le salut militaire, imité par Gautier. Encore une fois, les deux amis trouvèrent que sa beauté n'était pas qu'une simple rumeur. La princesse était resplendissante. Conrad jalousa tant le chevalier servant qu'il devait se mordre l'intérieur de la joue pour se calmer.

- Bonjour messieurs, les salua poliment Zelda en optant pour une expression neutre.
Par Hylia ! Conrad crut un instant qu'il allait perdre tous ses moyens et fondre lamentablement devant elle.
- Bonjour Votre Altesse, répond-il en même temps que Gautier.
La blonde reporta son attention sur Link au visage impassible. Il avait récupéré l'épée de légende et abandonné son arme de bois. Le jeune homme gagnait peu à peu une place importante pour elle. Il était vraiment un compagnon hors normes...
- Je ne sais comment vous remercier, commença Zelda en joignant ses mains. On m'a dit que vous vous battiez pour moi.

Link opina et attendit qu'elle poursuive, comme à son habitude. Mais en présence des deux autres chevaliers, Zelda ne pouvait pas parler librement avec lui, ni même le tutoyer. Le fait d'avoir ainsi été défendue lui permit d'oublier son entrevue avec son père et lui remonta le moral, si bien que revoir son chevalier servant maintenant ne la gênait plus. Elle s'excusa auprès d'eux et pria le prodige de la suivre pour commencer les activités de l'après-midi qui se résumaient à retrouver des chercheurs sheikahs pour étudier les Gardiens. Lorsque les deux élus furent assez éloignés, Conrad soupira et passa une main dans ses cheveux.

- Sacré Link, il en a de la chance... Comment fait-il pour rester insensible au charme de la princesse Zelda ?
Gautier roula des yeux puis esquissa un sourire.
- Tu sais bien que ce n'est pas le genre de garçon à s'attarder sur cela, lui répliqua-t-il en prenant la route pour la salle d'armes. Link agit par désintérêt pour sa propre personne. Et puisque tu as l'air si jaloux, tu n'as qu'à présenter ta candidature pour être prétendant. Avec un miracle, tu deviendras peut-être roi.
Conrad le fixa en plissant les yeux puis il finit par grommeler dans sa barbe.
- Parfois, je me demande vraiment si tu te moques ouvertement de moi ou si tu veux juste m'aider.

Un petit sourire narquois apparut sur les lèvres du blond, cependant il ne le contredit pas, ce qui agaça d'autant plus son ami. Dorénavant assez éloignée et se déplaçant dans un couloir calme, la princesse ralentit l'allure, la tête légèrement baissée. Un court instant, ses lèvres se pincèrent puis elle s'arrêta, observée par son chevalier servant quelques mètres derrière. Zelda lui fit face, les mains jointes, dévia le regard mais le reporta bien vite sur le jeune homme.

- Merci d'avoir pris l'épée en mon nom, répéta-t-elle avec reconnaissance. C'est bien la première fois qu'une personne me défend ainsi.
Il posa une main sur sa poitrine et s'inclina pour témoigner toute sa déférence envers sa damoiselle.
- Je l'ai fait par devoir et conviction, Votre Altesse.
- Je le sais bien, dit-elle à mi-voix en esquissant un sourire réservé.

Link leva les yeux vers elle et constata que la dauphine paraissait bien plus sereine que la veille. Elle demanda les motifs du combat, qui étaient malheureusement bien trop injurieux et péjoratifs pour être dévoilés. Le chevalier voulait la protéger des mots en plus de tout le reste car il savait très bien à quel point ils pouvaient être dévastateurs.

- Tout de même, te battre avec une épée de bois... soupira-t-elle, faussement épuisée.
- Cela vous a-t-il déplu ? C'est mon ami Conrad qui me l'a conseillée car il jugeait cette arme à la hauteur de mon adversaire.
Fort heureusement pour elle, Zelda savait se retenir de rire quand la situation le demandait.
- Oh, Link ! prononça-t-elle d'un air presque choqué.
Elle croisa les bras comme pour le sermonner.
- Tu n'as pas honte de toi ? As-tu pensé à ce qu'il a pu ressentir ?
C'est alors que Link donna la réponse qui marqua le début d'une forte amitié. Une phrase que la princesse n'oublierait certainement pas de sitôt :
- Et lui ? A-t-il songé une seule seconde à ce que vous pouviez ressentir ?

Chapitre 14   up

Code d'honneur du chevalier:
12. Le chevalier est obéissant, mais à la condition que rien ni personne n'entache l'honneur d'un être libre.

o O o

Ce jour-là, au château d'Hyrule, était un peu spécial car tous les prodiges étaient réunis pour parler à propos des Créatures Divines, de leur fonctionnement, et commencer à discuter d'un plan d'attaque afin d'être les plus efficaces possibles lors du retour de Ganon, le Fléau. La princesse les accueillit le matin avec joie et enthousiasme. Elle était heureuse de revoir ses compagnons, notamment Urbosa avec qui elle entretenait une correspondance hebdomadaire. Zelda les reçut dans un grand salon de la forteresse pour qu'ils soient à leur aise autour d'une belle table ronde, au centre d'une pièce joliment décorée aux couleurs de la famille royale hylienne. Link, assis à droite de la princesse, avait en face de lui Daruk et à ses côtés : Revali. Le Piaf avait très mal pris le fait d'être si près de cet Hylien mais c'était le choix incontestable de la princesse. Et il s'y plia. Mipha se trouvait entre lui et le Goron. Quant à Urbosa, elle demeurait à gauche de Zelda.

- Bien, nous pouvons débuter notre réunion, commença la dauphine en prenant un crayon et un parchemin vierge pour noter les informations importantes. J'aimerais savoir où vous en êtes dans vos entraînements. Daruk ?
Celui-ci haussa les sourcils, surpris d'être le premier.
- Mes améliorations t'ont-elles permis de mieux manoeuvrer Vah'Rudania ?
- Oh oui ! Maintenant, je peux facilement grimper sur ma chère Montagne de la Mort et mes belles roches volcaniques, répond-il avec gaieté. J'ai encore quelques difficultés à régler la vitesse de déplacement, mais je pense y arriver d'ici quelques semaines.
- Quelques semaines ? murmura Revali, choqué.
Le Piaf croisa les bras en esquissant un sourire narquois. Quant à la princesse, elle fut satisfaite par ces bonnes nouvelles.
- C'est très encourageant, poursuivit-elle. Fais tout de même attention, le poids de la Créature Divine peut créer des éboulements sur les zones à risque...
- Ne vous inquiétez pas pour ça, Princesse !
L'assurance du Goron était fort plaisante.
- Un de mes braves amis a déjà délimité les endroits à éviter. Je serais bien triste de détruire ma belle Montagne de la Mort...
- Ce gros tas de cailloux ? commenta Revali en sirotant son verre d'eau.
Tous les regards se tournent vers lui, certains étonnés, d'autres dépités. Eh bien, Revali avait toujours les mots justes... Zelda soupira discrètement puis regarda Mipha en souriant.
- Et toi, Mipha ? Comment cela se passe-t-il avec Vah'Ruta ?
- Je n'ai aucun mal à la manoeuvrer ni même à charger le rayon. J'ai pu noter qu'elle aspirait beaucoup trop d'eau et que cela l'alourdissait... Par conséquent, ma Créature Divine est plus lente que prévu. Je cherche une solution pour pallier à ce défaut.

Zelda hocha la tête et écrivit ses observations. C'était une très bonne chose que Mipha exploite bien Vah'Ruta car c'était la plus puissante des quatre immenses machines. Ce fut au tour d'Urbosa, elle affirma qu'il n'y avait pas de problème majeur mais qu'une des pattes avait l'air plus rigide que les autres. De plus, certaines portes se fermaient difficilement.

- Je compte passer dans chacun de vos villages pour apporter de nouvelles modifications dans ce cas, leur annonça Zelda en posant un instant son crayon. Le moindre petit défaut peut s'avérer crucial le jour du véritable combat. Et toi, Revali ?
- Moi ? Je n'ai aucun problème avec Vah'Medoh, elle est parfaite, décréta-t-il en se montrant très fier d'en être le pilote. Je n'ai noté aucun problème.
- C'est prodigieux... dit Urbosa, dépassée par cette annonce. Après tous ces millénaires, elle n'aurait aucune tare ?
Le Piaf ricana.
- Bien sûr. C'est la Créature Divine par excellence.
Il tourna la tête vers Link, le dévisagea de longues secondes puis s'accouda à la table.
- Dis-moi, preux chevalier, commença-t-il avec sarcasme. Comment tu t'en sors avec ta Créature Divine ?

Les autres prodiges écarquillèrent des yeux, la princesse manifesta son incompréhension en fronçant les sourcils. Quant à Link, il ne flancha pas et resta de marbre.

- Oh, excuse-moi... J'avais oublié que tu étais le seul ici à n'avoir qu'une vieille épée pour te battre. C'est injuste, vous ne trouvez pas ? Il est désavantagé, ce petit chevalier.
Link tiqua mais préféra demeurer silencieux. À quoi bon rentrer dans la confrontation... Néanmoins, les moqueries du Piaf lui déplaisaient fortement.
- Je te rappelle qu'il sera en première ligne, Revali, intervint la princesse zora d'une voix ferme. Toi, tu ne feras que l'épauler dans son combat. Tu n'auras pas autant de mérite que lui.

L'archer plissa des yeux, irrité d'être rabaissé de la sorte. Il s'apprêtait à répliquer quand la princesse reprit les devants et proposa son plan d'attaque. Elle insista sur le fait que tout le monde avait un rôle primordial à jouer.

- Comme vous le savez, les Créatures Divines ont une portée de tir évaluée à plusieurs dizaines de lieues. C'est un avantage considérable car elles seront inatteignables par le Fléau lors de son arrivée.
Zelda avait gagné l'attention de tous.
- Nos généraux ont estimé que Ganon pourrait soit venir du nord soit de l'est. Pour optimiser nos chances de réussite, le mieux serait de vous poster sur un point en hauteur ayant un vaste champ de vision. Vous devez être capable de le rejoindre en moins d'un quart d'heure, tout au plus.
- Un jeu d'enfant.
Urbosa offrit un regard électrique au Piaf pour l'inciter à se taire sous peine de se prendre une décharge s'il s'obstinait à parler.
- Vous allez devoir synchroniser votre attaque pour concentrer un maximum d'énergie et tirer sur le Fléau, reprit Zelda qui affichait une expression grave. Cela devrait le toucher et l'affaiblir afin de me permettre d'activer le sceau pour le sceller plus facilement. Link...
Elle tourna la tête vers lui, ils se dévisagèrent.
- Je compte sur toi pour le mettre hors d'état de nuire lors de mon invocation.

Le prodige hylien acquiesça avec assurance, prêt à mettre en oeuvre toutes ses années de durs entraînements. La princesse enchaîna la réunion en parlant du précédent combat contre le Malin, dix millénaires plus tôt. Cela pourrait les guider et mieux les informer. À la fin, ils purent débattre sur la question et proposer leur point de vue. Chacun détailla aussi les pratiques guerrières de leur propre peuple car tous participaient au combat final.

Quand ce fut midi, tous les six partagèrent le même repas dans une ambiance bien plus joviale et chaleureuse. La princesse présidait en bout de table, comme il était coutume, et elle avait placé à ses côtés les deux autres femmes du groupe. Malheureusement pour Revali, il s'assit devant son principal rival.

- Il y aura de la caillasse marinée ? se renseigna Daruk, affamé.
- Oui, nous avons pensé à tout le monde, le rassura Zelda en souriant.
Elle redevint sérieuse en regardant droit devant elle. La place de son père restait vide. Comme toujours... Urbosa posa une main sur la sienne pour la réconforter, ce qui parut marcher.
- Franchement Daruk, tu n'as aucun raffinement, s'indigna Revali en coupant le tian de légumes dans son assiette. De la caillasse marinée... Je suis heureux de ne pas être né Goron.
- Ah bon ? s'étonna l'imposant prodige, pris de court. Pourtant, c'est l'une de nos spécialités ! La caillasse croustillante et épicée, c'est aussi délicieux ! Tu devrais goûter. Link l'a fait ! Pas vrai, p'tit gars ?

Le jeune homme, qui portait sa fourchette à son visage, arrêta son mouvement, la bouche ouverte. Il la referma aussitôt et opina pour approuver ses dires. En effet... Plus jeune, il y avait goûté mais... Son ventre n'avait pas supporté le poids et la solidité de la pierre... Revali ricana sans le lâcher des yeux.

- Je serais ravi d'assister de nouveau à ça, se moqua-t-il en se collant à son siège. J'ai déjà cru comprendre que notre petit Hylien se plaisait à manier de la rouille.
Link fronça les sourcils en sentant ses muscles se crisper.
- Vous savez, Princesse, au lieu de choisir un soldat soumis à l'autorité, vous auriez dû me prendre comme escorte, lui affirma le Piaf en s'essuyant le bec. Je suis libre comme l'air et rapide comme le vent.
- Link est chevalier, lui rappela Urbosa.
Revali haussa les épaules, manifestement indifférent.
- Cela ne change rien. Soldat, chevalier, les deux sont des simplets. Regardez-le, il ne parle même pas !

Il n'attendait qu'une chose : que le Héros réagisse enfin et se laisse emporter. Il voulait lui faire comprendre qu'il ne serait pas l'unique sauveur d'Hyrule. Lui, Revali, saurait se hisser au rang de légende ! Calmement, Link attrapa un petit récipient blanc sur la table puis le tendit au Piaf, suscitant son incompréhension.

- Un peu plus de sel, Revali ? demanda le blond sur un ton presque inquiet.
- Non merci, je...

L'archer fut coupé par le rire d'Urbosa et des autres prodiges. Sur le moment, il n'avait pas saisi le vrai sens de cette question pourtant si banale. En toute discrétion, Link regarda en direction de la princesse. Celle-ci l'observait en souriant doucement pour ne pas trop froisser Revali. Le jeune homme fut soulagé de ne pas l'avoir mise en colère ou autre. Il n'avait pu se retenir de clouer le bec de ce prétentieux qui commençait à l'insupporter. Link jugeait qu'il était temps pour Revali d'apprendre à rester à sa place et à respecter les autres.

- Oh, alors tu oses enfin parler ! s'exclama Revali dont l'égo se remettait difficilement de cet affront. Vous saviez qu'il n'était pas muet ?
- Oui, répondirent tous les autres sur un ton presque lassé.
Apprendre cela déplut d'autant plus au Piaf qui croisa les bras, la faim coupée. Il allait faire comprendre à ce jeune péquenot qui était prodigieux, ici.
- Et si nous faisions un tournoi de tir à l'arc ? proposa-t-il directement à l'Hylien. Je serais ravi de te voir à l'oeuvre.
- Je pensais que tu ne te confrontais pas "à la piétaille", le cita Link avec méfiance et amertume.
Revali esquissa un sourire.
- Je ferai une exception pour toi.
L'arrogant archer tourna la tête vers Zelda.
- Princesse, nous ferez-vous l'honneur d'arbitrer ? Ce ne sera pas bien compliqué. Vous autres, amis prodiges, serez les bienvenus pour nous contempler dans l'art de l'archerie. Bien entendu, la récompense du vainqueur sera le mérite, le prestige !

Mipha l'observait d'un mauvais oeil mais la compétition plut fortement à Daruk et Urbosa. C'était l'occasion de se divertir un peu et de découvrir les talents des autres. D'un regard, le chevalier servant demanda à sa damoiselle son accord pour qu'il participe à ce soi-disant tournoi. Lui-même n'en avait guère vraiment envie car il n'aimait pas se donner en spectacle. Mais Zelda paraissait tout à fait intéressée et le lui autorisa silencieusement avant d'accepter le rôle d'arbitrage. Le tournoi débuta donc une petite heure après le repas, le temps que les deux participants puissent digérer. La princesse en profita pour montrer aux prodiges tous les Gardiens récemment déterrés et plus ou moins abîmés par les affres du temps.

Avant la fin, Link quitta le petit groupe pour aller s'équiper d'un arc d'entraînement et d'un carquois rempli de flèches. S'échauffer était primordial pour ne pas se faire mal et pour arriver aux meilleures performances possibles. La récompense était le mérite... Voilà bien quelque chose qui le laissait indifférent. Mais si c'était le seul moyen pour que Revali lui accorde un peu de paix, il s'y plierait. Ce n'est qu'un quart d'heure plus tard que les autres prodiges ainsi que la princesse le rejoignirent dans une cour privée du château. Zelda avait ordonné à des valets de faire installer des cibles pour les deux concurrents. Revali avait pris son arc piaf, une arme aussi bien magnifique que mortelle.

- Tu as choisi un simple arc d'entraînement ? C'est dérisoire, persiffla-t-il en se plaçant à côté de son adversaire. Ne pense pas me vaincre avec une telle chose.

Link lui aurait bien répondu que son plus bel arc se trouvait à Elimith, mais à quoi bon parler avec un sourd. Les règles du petit tournoi furent rappelées. Les archers devaient décocher leur flèche chacun leur tour, le but étant d'atteindre la tache noire au milieu de la cible. Si les deux participants y arrivaient, on augmentait la distance puis on recommençait jusqu'à ce qu'un des archers n'y parviennent plus. Chacun d'eux avait droit à une flèche de compensation si par mégarde, ils rataient leur cible. Mais si, au bout d'un long moment, ils n'étaient pas départagés, alors l'épreuve devenait plutôt un spectacle de démonstration où il fallait impressionner la galerie. Et Link ne voulait pas en arriver là.

- Alors, tu es prêt ou tu comptes te dégonfler au dernier moment ? lui demanda narquoisement Revali en se mettant en place.

Tous deux avaient chacun leur cible. L'Hylien ne prit pas la peine de lui répondre et se positionna en face du cercle en paille, à une quinzaine de mètres de là. Ce n'était guère beaucoup, mais les traditions voulaient que ce soit la première distance. Link atteignit aisément son objectif sans grands efforts, tout comme Revali. Mais déjà, il en fallait si peu pour impressionner Daruk... Lui, il était bien incapable de tirer à l'arc ! Le vent, favorable pour le moment, ne déviait pas les projectiles. Rapidement, les distances s'agrandirent pour atteindre les quarante mètres, ce qui était considérable.

Link porta sa main à son carquois, en tira une flèche, la plaça dans l'encoche puis banda son arc en bloquant sa respiration. N'importe quel facteur environnemental qui entrait en jeu pouvait dévier la trajectoire de son tir. Peut-être que ça aurait été plus simple pour lui si tous les regards n'étaient pas braqués sur sa personne. Il avait l'impression de revoir tous ces nobles lors de sa première présentation à la cour en tant que Héros. Link lâcha la corde, la flèche fendit l'air pour se loger dans la paille. La princesse dut vérifier qu'il avait bien touché sa cible de couleur noire.

- Je valide le tir ! s'exclama-t-elle en levant la main pour être comprise de tous.
Le Piaf tiqua puis se mit en place en gonflant la poitrine.
- Ce n'est que quarante mètres. Nul besoin de se réjouir, trancha-t-il en se positionnant correctement.

À son tour, il toucha sa cible et ne cacha pas un sourire satisfait. C'était si simple... Il remporterait la confrontation haut la main. Seulement, la cour n'était pas aussi vaste qu'une plaine, les deux archers durent passer à l'étape suivante, au grand damne de Link. Que faire pour montrer ses compétences à l'archerie ? Il était à court d'idées. Zelda, quant à elle, savait très bien de quoi était capable Revali car il lui avait déjà fait une prestation admirable la fois où elle était venue demander sa réponse pour piloter Vah'Medoh.

- Je vais commencer, si tu le veux bien, dit Revali en s'armant de plusieurs flèches à la fois. Vous voyez les fruits de cet arbre ?
Tous les regards se tournèrent vers un pommier à l'écart. Ses fruits étaient de toute petite taille et d'une couleur terne.
- Je vais couper la tige qui les retient à leur branche respective, prétendit le Piaf qui laissa tout le monde bouche bée par la suite.

Se pourrait-il... qu'il soit si précis ? Cela paraissait presque surréaliste. D'un coup d'ailes, Revali se propulsa vers le ciel en créant un courant d'air ascendant et puissant. Les spectateurs durent se protéger les yeux de la poussière. D'un geste vif et une fois à une hauteur suffisamment élevée, l'archer fondit vers ses cibles pour prendre de la vitesse. Il se redressa brutalement pour freiner, plaça trois flèches dans son arc puis les décocha vers les tiges fines, bien loin de lui. Il enchaîna avec d'autres projectiles et les pommes tombèrent peu à peu devant les visages abasourdis des autres prodiges. C'était tout bonnement incroyable de voir cela... Revali revint se poser devant eux pour se pavaner.

- Alors ? Épatant, n'est-ce pas ? Ce n'est pas Ganon qui résisterait à mon extraordinaire précision.
- C'est bien vrai ! appuya Daruk, admiratif.
- C'est fantastique... murmura Urbosa, presque sans voix.
Il n'y avait que Link et son expression impassible pour rompre la prétention du Piaf. Ce dernier, mécontent de ne pas avoir attiré son admiration, marcha dans sa direction et croisa les ailes dans son dos.
- C'est à ton tour, petit prodige hylien. Je suis impatient de voir ce dont tu es capable.

À ce moment précis, il était évident pour Link qu'il n'égalerait jamais le talent de Revali. Tout simplement car voler lui était impossible. Cependant, ce n'était pas pour autant qu'il se laisserait faire par le Piaf, et le jeune homme avait bien une idée pour lui clouer le bec quelques temps. Pour cela, il demanda à Daruk de bien vouloir le projeter à quelques mètres dans les airs. Le Goron accepta, évidemment. Link scruta les alentours : Revali se trouvait devant les cibles de paille, il n'y avait pas grand monde autour de lui.

Avant de monter sur les grosses mains de Daruk, le chevalier servant regarda la princesse qui semblait attendre de voir sa démonstration. Quelque part, cela lui ajouta une nouvelle pression car son domaine de prédilection restait l'épée... Ce n'était pas le moment de se ridiculiser au tir à l'arc.

- Ne te presse surtout pas, bâilla faussement Revali pour mieux le provoquer.

Link lui lança un regard noir puis intima le Goron de le lancer après avoir pris trois flèches. Aussitôt dit, aussitôt fait, il fut projeté dans les airs avec force. C'était le moment de mettre à profit son talent caché, certainement accordé par les déesses. Sa concentration était telle qu'une fois encore, il crut voir le temps ralentir autour de lui. Link plaça la première flèche sur l'arc puis la décocha vers Revali. Dans la foulée, il décocha les deux autres puis laissa retomber la pression. Deux flèches se plantèrent soudainement à quelques millimètres des serres de Revali. Quant à la troisième, il la sentit frôler son cou et porter la mort avec elle. Le Piaf déglutit puis se tourna avant de la découvrir, plantée en plein milieu d'une des deux taches noires.

Comment... comment un tel simplet peut-il toucher une cible si petite en plein saut et aussi loin ?! L'indignation du Piaf fut si vive que ses muscles se crispèrent très désagréablement. Encore une fois, tous furent ébahis par cette démonstration épatante. Link soupira puis se tourna vers le Goron pour le remercier. Cependant, il vit en premier la princesse, ce qui le fit sursauter de surprise.

- Je dois avouer que je suis admirative, dit-elle en souriant. Même si je doute que cela soit à la hauteur de Revali, tu as fait preuve d'une dextérité remarquable.
Link la remercia avec son humilité habituelle.
- Si je puis me permettre, Votre Altesse, la force est tout aussi importante pour tirer à l'arc, lui apprit-il ensuite.
Du côté du Piaf, c'était Urbosa qui tentait de calmer sa colère, en vain. Revali n'avait pas du tout apprécié être moqué de la sorte.
- Il a attenté à ma vie ! s'écria-t-il en le pointant avec rage. Vous avez vu comme moi, la flèche a frôlé mon cou !
- Link a su tirer avec assez de justesse pour éviter cet accident, le défendit Mipha en s'approchant de lui. Tu devrais être heureux d'avoir remporté ce tournoi, Revali !

Il tiqua, les yeux plissés. La princesse vint le trouver pour le féliciter à son tour puis elle lui demanda gentiment de la suivre à part. Les autres prodiges les observèrent s'éloigner, un peu dépassés par les événements. Urbosa s'approcha finalement du chevalier servant en souriant.

- J'étais loin de me douter que tu excellais aussi dans l'archerie, avoua-t-elle avec ses mains posées sur les hanches. Tu es complet pour un chevalier. Je suis persuadée que tu aurais fait une très bonne Gerudo.
Elle lui offrit un clin d'oeil qui l'embarrassa. Les Gerudos étaient des guerrières redoutables et extrêmement douées, ce compliment de la part de leur suzeraine le flattait.
- Link s'entraîne depuis son plus jeune âge. Il m'avait déjà montré ses capacités, leur apprit Mipha qui s'avança un peu. Tu as vraiment progressé depuis la dernière fois.

Le blond la remercia d'un hochement de tête. Toutefois, Link restait méfiant. Il ne fallait pas que Revali oublie son rôle dans la future bataille et qu'il se précipite pour dévoiler son talent. De loin, la princesse semblait le réprimander à propos de sa énième provocation. En vérité, elle demandait juste au Piaf de mieux se comporter avec le prodige hylien dans le but d'entretenir des liens convenables. Elle-même en avait fait les frais : ce n'est pas dans une atmosphère électrique qu'ils arriveraient à s'unir pour battre Ganon. Zelda pria donc Revali de bien traiter tous les autres prodiges, sans pour autant devenir ami avec eux si tel n'était pas son souhait.

- Je m'y efforcerai, avait-il répondu avant de s'envoler pour retrouver son village.

Son départ anticipé suscita de nombreuses interrogations. Mais après tout, il était l'heure pour les autres prodiges de rejoindre leur peuple respectif. Zelda les salua chaleureusement après les avoir remerciés pour leur venue. Le reste de la journée de la princesse allait se résumer à la prière au sein du château. Elle alla se changer dans un premier temps puis Link la conduisit dans les caves de la forteresse où se tenait la statue d'Hylia du temple royal. Sur le chemin, Zelda paraissait songeuse.

- Je n'arrive pas à comprendre pourquoi Revali ne s'intègre pas avec vous autres prodiges, commença-t-elle tandis que sa voix résonnait entre les murs. J'ai l'impression qu'il agit pour s'écarter de vous... Pourtant, je le pressens bien : c'est un Piaf au grand coeur. Mais peut-être un peu trop téméraire.
Zelda marqua un silence, prenant soin de choisir ses prochains mots. Link attendit patiemment qu'elle poursuive. Comme à son habitude, il marchait derrière.
- Je pense qu'il doit souffrir de quelque chose, conclut la jeune fille en se comparant avec lui. Souffrir de la solitude ou du manque d'attention qu'autrui lui porterait.
- Il n'accepte pas ses échecs, supposa Link sur la réserve.
L'Hylienne jeta un regard par-dessus son épaule pour exprimer son interrogation. Ne pas accepter ses échecs ? En effet, ce pouvait être possible...
- Dans ce cas-là, lesquels ?

Link ne put apporter de réponse car il ne connaissait pas assez Revali pour le savoir. Peut-être ne supportait-il pas ses revers et qu'il n'arrivait pas à les surmonter ? Ou bien qu'il éprouvait un sentiment d'infériorité ? Tout était possible. Zelda reporta son attention sur le couloir étroit et humide.

- Quoi qu'il en soit, je lui ai demandé de bien vouloir mieux se comporter. Je suis certaine qu'il pourrait très bien s'entendre avec tout le monde s'il y met un peu du sien. D'autant plus que Revali a tort de s'en prendre à toi.
L'allure de la princesse ralentit car elle se sentait de nouveau très honteuse vis-à-vis d'elle-même. Link l'observait toujours, il se doutait bien de ce qu'elle pensait.
- Tout comme j'ai eu tort de mal te considérer... articula-t-elle, la gorge nouée. Notre monde est axé sur le jugement, j'en suis répugnée. On critique pour une classe sociale trop basse, on juge le paraître, on ne prend même pas en compte ce que l'autre peut ressentir.
Zelda frissonna, sans doute à cause de la température fraîche qui régnait autour d'eux. Il fallait souligner qu'elle portait une robe sans manche qui ne lui couvrait pas les épaules.
- J'ose espérer que cela changera un jour, souffla la princesse en reprenant la route.

Le jeune homme savait déjà comment agir pour réduire ce jugement dont il était question. S'il n'y avait plus de privilèges pour une certaine classe de la population, peut-être que les personnes concernées apprendraient à ne pas mépriser et à respecter autrui. Mais cela demeurait bien impossible et résultait en partie de l'éducation. Fort heureusement, la princesse semblait plus en avance sur son temps et plus ouverte aux problématiques de son époque. En effet, il arriverait un jour où la noblesse perdrait de son pouvoir et hisserait tous les Hyliens au même niveau.

A suivre...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Onyx". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 20.04.24