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On ne naît pas héros, on le devient

Ecrit par USSYorktown
Chapitres 1 à 16   •   Chapitres 17 à 26   •   Chapitres 27 à 34
Chapitre 17 : Révélations   up

"Bien joué Link ! Non seulement tu étais déjà l'ennemi numéro un du royaume, mais en plus tu as réussi à te mettre à dos les rares personnes qui voulaient t'aider ! Il n'y a pas à dire, tu as été le roi des idiots sur ce coup-là !"

Assis sur le banc de ma cellule, je rêvais de me donner des claques tellement j'avais été stupide ; geste qui nécessitait cependant de réussir à me libérer de mes liens aux poignets. Il faut dire que je n'avais pas retenu mes coups, et plusieurs Zoras allaient sans doute garder leurs bleus pendant plusieurs jours, y compris Son Altesse... Saintes Déesses, j'avais osé frapper le Prince ! Cette fois, c'était définitif, plus personne ne ferait le moindre geste pour m'aider. Ce que j'avais osé faire était tout simplement trop grave pour être oublié. Bon sang, j'avais complètement perdu tout contrôle, le simple fait de la voir m'avait rendu fou. Je tremblais encore rien qu'en repensant à ce qui venait de se passer...

* * *

Elle était devant moi, à me regarder comme une bête curieuse, sans aucun remords sur ce qu'elle avait provoqué. A cette pensée, la colère que j'éprouvais pour elle prit le dessus sur moi.
- Zelda !!!
Incapable de retenir ma haine, je me jetai elle, mais Impa veillait. Avec une célérité extrême, elle me plaqua violemment sur le sol, tandis que le Prince essayait de bloquer mes bras. Mais ivre de fureur, je me débattai violemment, frappant dans tous les sens sans distinction, tout en inondant la princesse d'injures. Finalement, les gardes parvinrent à me maîtriser non sans mal, avant de me traîner de force dans une cellule, le tout sous mes cris de rage.

* * *

Trop occupé à ruminer ces sombres pensées et à essayer de deviner ce que j'allais devenir après ça, je n'entendis pas que l'on venait, jusqu'à ce qu'un garde m'appelle :
- J'espère que tu es calmé, parce que tu as un visiteur !
Relevant la tête, je restai alors figé un instant, avant de détourner le regard.
- Si vous êtes venu admirer ce que je suis devenu grâce à vous, vous auriez dû en profiter tout à l'heure.
Aucune réponse. J'essayais tant bien que mal de retenir une nouvelle bouffée de colère.
- Au moins, vous pourrez annoncer à votre très cher père le Roi que vous avez fini le travail. Je suis sûr qu'il en sera ravi ! N'est-ce pas "Princesse Zelda" ?
- Je ne suis pas venue pour me moquer de vous si c'est ce que vous croyez. Si je suis ici, c'est parce que je souhaite vous parler, du moins si vous êtes d'accord.
- Tiens donc, vous me demandez mon avis maintenant ? Dans ce cas, je pense que vous connaissez parfaitement la réponse.
- Je sais que je n'ai aucune excuse sur ce qui s'est passé, et que je mérite amplement votre colère. Mais tout ce que je souhaite, c'est d'avoir une chance de m'expliquer.

La possibilité de connaître enfin la vérité ? Ou un énième mensonge de sa part ? Mais elle avait cependant réussi à m'intriguer. C'était peut-être ma seule chance d'en savoir plus. De toute façon, que pouvait-il m'arriver de plus ?

- En supposant un seul instant que j'ai envie de vous écouter, qu'est-ce qui me prouve que vous me direz la vérité ?
Sur un signe de Zelda, un des gardes s'approcha de moi, avant de détacher mes liens.
- Je n'ai aucun moyen de vous prouver que ce que je vais dire est vrai. Aussi je vous propose le marché suivant : laissez-moi m'expliquer, et après libre à vous de me tuer si vous le souhaitez.
Massant mes poignets endoloris, je ne pus m'empêcher de ricaner.
- Vraiment ? Avec tous ces gardes prêts à me bondir dessus au moindre problème ?
Mais sur un signe de sa tête, les gardes quittèrent la pièce, me laissant seul avec Zelda. A quoi jouait-elle donc ?
- Vous n'avez pas peur que je vous brise le cou de colère on dirait.
- Link, contrairement à ce que vous pensez, je vous connais. Je sais que vous avez vécu des choses terribles par ma faute, et cela vous a rempli de colère. Mais je sais aussi que tuer les gens n'est pas dans votre nature. Vous n'étiez pas vous-même tout à l'heure. Le vrai Link ne tuerait jamais quelqu'un de sang-froid, aussi coupable soit-il.

Elle marquait un point. Maintenant que la colère était passée, je me sentais incapable de lui faire le moindre mal. L'idée que j'aurais pu... Rien qu'à y penser, cela me rendait malade. Lâchant un profond soupir, j'abdiquai.
- Soit. Je vous écoute.

"Depuis maintenant des années, le Royaume connaît un Age d'Or sans précédent. Malheureusement, il vit aussi une période trouble, et ce en plein coeur de la Citadelle. De nombreuses personnes influentes commençaient à estimer que la famille royale perdait en autorité et pouvoir, au profit de votre famille. Cela semble absurde, mais ils pensaient que vous étiez les vrais détenteurs du pouvoir, et que nous n'étions désormais plus que des marionnettes. La décision du Roi de laisser Impa te former à la suite de ton l'évaluation a été pour eux comme une preuve de notre faiblesse. Aussi ont-ils commencé à envisager un coup d'état.
Lorsque nous l'avons appris, nous restâmes stupéfaits. Si nous voulions maintenir la stabilité dans Hyrule, il nous fallait agir et vite. C'est pourquoi nous décidâmes de faire circuler une rumeur sur un soi-disant complot dirigé par toi et visant à nous détrôner, mon père et moi. Lors de ma visite à Cocorico, Impa et moi t'avons volontairement fait croire que tout ce qui t'était arrivé avait été planifié depuis longtemps. J'aurais préféré te prévenir avant, mais ta réaction n'aurait pas été naturelle. Ta colère et ta fuite du village ont fait croire aux conspirateurs que tu étais moins influent, aussi se sont-ils rapprochés de moi. Ayant les noms de ceux qui trahissaient le royaume, nous n'avions plus qu'à les arrêter avant de te remercier en t'adoubant... du moins c'est ce qui était prévu...
Link, il faut que je t'avoue quelque chose. Cela fait longtemps que j'essaye de le cacher, mais je crains que ma famille ne soit plus ce qu'elle était. A cause de ce complot, mon père a eu de nombreuses crises de paranoïa ; et je crains qu'elles se soient transformées en folie. Et ce qui m'effraye le plus, c'est qu'il m'arrive la même chose. Plus je cherchais les coupables, plus j'avais l'impression de n'être entourée que d'ennemis. Et plus j'essayais de combattre cette idée comme quoi vous dirigiez dans l'ombre, plus j'y croyais. J'étais déchirée par ce combat interne... c'est comme si deux Zelda se battaient pour le contrôle de mon esprit. Hélas, ma folie l'emporta. Avec mon père, nous parvînmes à la conclusion que si nous voulions retrouver notre puissance d'antan, il fallait faire un exemple. Et votre famille fut pour nous le parfait bouc émissaire... La suite tu la connais déjà...
Quand je revins finalement à la raison, il était déjà trop tard. Quant à mon père, la folie l'habitait désormais définitivement. J'étais incapable d'arrêter ce que j'avais déclenché, mais je pouvais au moins essayer de te sortir de la situation dans laquelle je t'avais mise. Je ne pourrai jamais faire revenir ceux qui sont morts par ma faute, ni te rendre ta vie d'antan. Si tu estimes que je mérite la mort pour ce que j'ai fait, tu as parfaitement raison. Mais je refuse de laisser Hyrule sombrer dans le chaos par ma faute. Et si je dois pour cela combattre mon propre père, je le ferai. Mais je sens aussi que ma folie est toujours quelque part en moi, et qu'elle pourrait revenir à tout moment. Et je refuse de gouverner seule avec ce risque.
C'est pour ça que j'ai besoin... non, que nous avons tous besoin de toi. Ta famille a sauvé chacun des peuples d'Hyrule durant le Grand Chaos. S'il y a quelqu'un que les différents chefs écouteront, c'est bien le descendant de leur sauveur. Si nous parvenons à les convaincre de nous aider, alors nous pourrons mettre un terme à cette crise. Mais pour cela, il nous faut ton aide. Ce n'est pas une princesse mais une personne désespérée et pleine de regrets qui te fait cette requête. Aide-nous à sauver Hyrule... je t'en supplie Link !"

Un silence de plomb se mit alors à régner dans la salle. Je m'étais attendu à de nombreuses choses, mais pas un seul instant je n'avais envisagé une telle déclaration. Je ne savais plus quoi faire. Mon amertume envers Zelda était toujours présente, mais ce qu'elle venait de me révéler m'avaient aussi rempli d'une profonde tristesse, et même de compassion... J'étais complètement perdu au milieu de toutes ces révélations, sans savoir quoi penser.

- Je suppose que tu as besoin de temps pour réfléchir. Si tu refuses, sache que nous le comprendrions tous parfaitement. Mais sache que sans ton aide, Hyrule est peut-être perdue.

Hyrule... notre famille n'avait cessé de lutter pour protéger le royaume, et ce dernier en échange avait essayé de nous anéantir. Mais c'était aussi le pays où j'étais né et dans lequel j'avais grandi... je connaissais chacune de ses régions. J'avais passé de longues journées à chevaucher dans ses plaines, à me promener dans ses forêts, à nager dans ses rivières, à discuter avec ses habitants... C'était bien plus qu'un simple pays pour moi, il en était devenu mon foyer. Et savoir qu'il était à l'agonie me faisait bien plus souffrir que tout ce que j'avais connu auparavant. Alors que la princesse Zelda s'apprêtait à s'en aller, je pris ma décision.

- Je vous aiderai !
Elle s'arrêta brutalement, avant de se retourner.
- Tu n'es pas obligé de donner une réponse tout de suite. Si tu as besoin de plus de temps...
- J'ai dit que je vous aiderais. J'ignore si ce que vous m'avez raconté est vrai, mais je suis sûr d'une chose : Hyrule est en train de sombrer. Et je refuse de laisser mon pays s'écrouler sans rien faire. S'il existe un moyen pour lui redonner sa splendeur, alors je veux le trouver.
- Je savais que tu dirais cela Link. Merci... du fond du coeur.
- Cependant, ce n'est pas parce que je vous aide que tout est oublié. Quel que soit votre soi-disant motif, je ne vous pardonnerai jamais. Et dès qu'Hyrule sera sauvée, je ne veux plus jamais avoir affaire à vous.
- Je comprends... Venez, il est temps maintenant de rejoindre les autres. Nous devons établir un plan.

En sortant de cellule pour suivre Zelda, je ne pus m'empêcher de remarquer sa pâleur et sa tristesse. Et alors que je passai à côté d'elle, je parvins difficilement à entendre un faible murmure s'échapper de sa bouche : "Déesses, combien de temps vais-je devoir encore le lui cacher, après tout ce qu'il a subi, il mérite de savoir." Que pouvait-elle bien m'avoir caché encore ? Et surtout, quels secrets terribles tentait-elle de garder à tout prix, au point d'en souffrir ? J'espérais avoir enfin des réponses, mais au final je me retrouvai avec encore plus de questions.

Chapitre 18 : Et maintenant ?   up

En entrant dans la grande salle du Palais Zora, je vis Impa, Alfine et le prince Zora en pleine conversation autour d'une table remplie de documents. Curieusement, une jeune Piaf se trouvait avec eux. Prévenu de notre arrivée, le Prince se retourna vers nous.

- Princesse Zelda, heureuse de voir que vous vous en êtes mieux sortie que moi.
- Cela n'a pas été facile, mais il a finalement accepté de nous rejoindre.
- Tant mieux, on aura besoin de toute l'aide disponible pour cette mission. Mais je vous en prie, rejoignez-nous.
Approchant les autres, je m'aperçus avec horreur qu'un immense bleu ornait le visage du Prince. Je ne l'avais vraiment pas raté. Décidé à réparer ma faute, je me mis à genoux devant lui.
- Votre Altesse, ce que j'ai fait est impardonnable et je m'en excuse profondément. Si vous souhaitez me punir pour ce que j'ai fait, qu'il en soit ainsi. J'accepterai le sort que vous me réservez.
- Je ne t'en veux pas pour ce que tu as fait, Link. Nous étions tellement pressés que nous n'avons pas pensé à quel point ta situation avait été difficile durant tout ce temps. C'est à moi de m'excuser pour cela.
- Je ne puis cependant oublier pareil acte. Aussi ai-je désormais une dette envers vous, Prince.
- Je n'en attendais pas moins de toi, Link. Tu ressembles beaucoup à ton grand-père.

Sauf qu'il n'avait jamais agressé un souverain, contrairement à moi. S'il était encore parmi nous, nul doute qu'avec mon père ils m'en auraient fait voir de toutes les couleurs. Père... Cette simple pensée m'emplit d'une profonde tristesse. Si je n'avais guère eu le temps de penser à lui durant mon exil, ce n'était en revanche plus le cas depuis mon arrivée au domaine. Son absence me faisait souffrir énormément. Quant au fait de n'avoir pu ne serait-ce que lui offrir des funérailles me brisait le coeur. J'avais la sensation de l'avoir abandonné. Tout ceci me semblait si irréaliste, comme un horrible cauchemar. Mais tout était malheureusement bel et bien vrai.

- Link ? Êtes-vous avec nous ?
Reprenant brusquement mes esprits, je vis que tout le monde m'attendait pour continuer.
- Veuillez m'excuser votre Altesse, un moment d'égarement.
- Je vois... Bien, il est temps de faire le point sur la situation. Alfine, je vous laisse la parole.
- Merci. À la suite de ce qu'il s'est passé il y a un mois à la Citadelle, le roi Mahor Bosphoramus Hyrule a brusquement fermé les frontières. Par ailleurs et ce sans avertissement préalable, tous les ressortissants des autres peuples ont été arrêtés et expulsés du pays. En écoutant les témoignages des réfugiés, nous avons appris que la grande majorité des soldats loyaux à Hyrule ont été remplacés par des mercenaires et autres criminels. Pour quelle raison ? On l'ignore. Grâce à certains de ces anciens soldats, nous avons pu découvrir que le roi a instauré la loi martiale, ainsi qu'un couvre-feu. Toute personne ne respectant pas les nouvelles règles est immédiatement arrêté.

Je restai stupéfait. Saintes déesses, comment la situation avait-elle pu devenir aussi catastrophique en si peu de temps ? Hyrule était-elle condamnée à vivre des heures sombres ?
- Après notre mission de sauvetage, nous avons reçu une missive du Roi. Ce dernier nous considère désormais comme des ennemis, et demande aux autres peuples de se liguer contre nous.
Une guerre civile dans Hyrule ? Je ne pouvais tout simplement pas y croire. Jusqu'où la folie du roi mènerait-elle ce pays ? Et les autres peuples ? Les Gorons, les Piafs... avaient-ils... ?
- Mon Prince, commençai-je faiblement. Je vous remercie pour votre aide, mais je ne peux rester ici en sachant que vous êtes tous en danger par ma faute.
- Je comprends ton inquiétude, Link, mais sache que nous aussi avons de l'influence. Par ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à nous rappeler ce qu'a fait ta famille pour nous, Link.
- Auriez-vous... réussi à convaincre d'autres personnes de vous aider ?

Alors qu'elle était restée discrète durant tout ce temps, la jeune Piaf s'avança.
- Je ne me suis pas encore présentée je crois. Je m'appelle Médolie et je suis la fille du chef des Piafs. Mon grand-père Teba a combattu aux côtés du tien contre Vah'Medoh avant de devenir le chef du village. Nous sommes depuis redevables envers ta famille, et aujourd'hui, il est temps pour nous de te renvoyer la pareille en apportant notre soutien.
- Par ailleurs, ajouta Impa, les Gorons ont annoncé que cette affaire ne les concernait pas et qu'ils resteraient neutres, ce qui est mieux que rien.
En apprenant que la majorité des peuples se rallaient aux Zoras ou délaissaient Mahor, je sentis l'espoir revenir en moi. Si le Roi se retrouvait seul, nous avions une chance. Tout dépendrait cependant du dernier peuple...
- Et les Gerudos ? Ont-elles aussi rejoint l'alliance ?
- Malheureusement, nous n'avons jamais eu de réponse. J'ignore si ce silence est intentionnel, mais cela nous inquiète tous. C'est pourquoi une délégation va être envoyée afin de rencontrer en personne la Reine Nahbora.

Rencontrer la Reine Nahbora ? On la disait assez autoritaire, et surtout peu encline à laisser des étrangers se mêler de ses affaires. Et en plus, seules les femmes ont le droit d'entrer dans la cité. Je plaignais d'avance les malheureuses qui seraient chargées d'une telle mission.

- Je compte par conséquent sur vous pour convaincre la reine de nous aider.
Avais-je bien entendu ? Le Prince venait bien de dire "vous" ?
- Euh... par "vous" votre Altesse, vous vous adressiez à Alfine ?
Etait-ce mon imagination, où toute l'assemblée se retenait de rire devant ma soudaine gêne ?
- Oh excuse-moi Link, annonça Zelda. J'avais oublié de te dire que nous étions de la délégation avec Impa et Médolie.
Comment ça je faisais partie du groupe ? Jamais les Gerudos ne nous laisseraient entrer. Avant même que je puisse formuler la question, Médolie ajouta :
- Et ne t'inquiète pas pour l'interdiction d'entrer pour les Voïs, la princesse et moi avons une idée...
- Considère ça comme ta punition pour tout à l'heure, termina le Prince tout sourire.

A cette remarque, Impa et Médolie laissèrent échapper un ricanement, tandis que les autres me dévisageaient intensément. Une chose était cependant sûre pour moi. Quelle que soit l'idée géniale qu'ils avaient imaginée, elle n'allait certainement pas être de mon goût...

Chapitre 19 : En chemin   up

L'esplanade était tout simplement gigantesque et magnifique, avec ses mosaïques et ses sculptures. Marchant sur un chemin bordé de grandes colonnades en marbre, j'avais l'impression d'avoir voyagé dans le passé. Bien qu'il soit en piteux état, le temple dégageait encore une aura de majesté et de puissance, signes de sa grandeur passée. Je finis par arriver devant deux grandes portes sculptées dans un immense bloc de roche, et bloquant l'entrée. Au vu de leur taille, il allait être difficile de les déplacer. Je devais trouver un autre chemin. Alors que je commençai à faire demi-tour, une lueur s'éleva de ma main gauche. Réagissant à mon fragment de Triforce, les deux battants s'illuminèrent à leur tour, avant de commencer à s'ouvrir d'eux-mêmes.

Avançant prudemment à l'intérieur du temple, je ne pouvais m'empêcher de contempler les nombreuses fresques qui tapissaient le grand corridor. On pouvait y voir représentée une grande île flottante dans le ciel, où évoluaient de magnifiques oiseaux montés par des chevaliers. Et au centre de l'île se trouvait une immense statue de femme ailée, avec au sommet une jeune fille jouant de la lyre. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces représentations me semblaient... vaguement familières. Comme si je les avais déjà vues auparavant... Cette énigme en tête, je continuais d'avancer le long de cet énorme couloir. Mais alors que j'approchai de la salle principale, une lumière apparut. D'abord très faible, puis de plus en plus intense. Et au moment où elle m'aveugla, j'entendis une voix crier : "Debout là-dedans !"

* * *

Ouvrant brusquement les yeux, je vis Impa devant moi, prête à me jeter un seau d'eau.
- Je vois que tu n'as pas perdu tes vieilles habitudes. Dommage, deux secondes de plus et tu aurais gagné du temps pour le bain.
Décidément, Impa n'avait pas perdu ses méthodes de réveil non plus. Ravalant un juron, je dus me résigner à abandonner ma couchette. En face de moi, Zelda et Médolie avaient apparemment eu droit au même réveil brutal.
- On lève le camp d'ici une heure. Je te conseille de te préparer pour la suite du voyage, Linkle.
- Arrête de m'appeler ainsi ! C'est déjà assez humiliant comme ça !
Par les Saintes Déesses ! Jamais je n'aurais dû dire ça ! A ce signal, Zelda et Médolie ne purent s'empêcher d'enfoncer le clou.
- Pourquoi ? Je te trouve très mignonne comme ça ! commença Médolie.
- Et puis, cela met très bien en avant ton côté féminin ! surenchérit Zelda.

J'étais complètement rouge tellement j'avais honte. Je ne rêvais que d'une chose, m'enterrer profondément pour disparaître. Non seulement elles ne m'appelaient plus que par ce surnom ridicule, mais en plus Impa avait coupé mes cheveux de façon à ce que l'on puisse faire des tresses avec. Et comme si cela ne suffisait pas, je devais porter une jupe ! Lorsqu'il avait vu le résultat la veille du départ, le Prince lui-même n'avait pu s'empêcher d'éclater de rire devant mon air mortifié. Essayez de m'imaginer avec une jupe marron qui descend jusqu'aux genoux, des bottes en cuir, une tunique beige courte et une immense cape verte dans laquelle j'essaie de cacher au maximum mon visage tant l'humiliation est grande. Et dire que je m'étais moqué de grand-père le jour où j'avais découvert son déguisement de Gerudo...

Laissant les filles se préparer, je rejoignis Impa, occupée à s'entraîner contre un ennemi imaginaire. Prenant mon arc, je me mis en tête de tirer sur le pommier en face du campement, histoire de passer mes nerfs.
- D'ici la fin de la journée, on arrivera au village Ecaraille, où on pourra se reposer. Après ça, le voyage va se compliquer.
Elle avait raison. Etant donné qu'Hyrule avait fermé ses frontières, l'accès au Désert Gerudo était bien plus dangereux qu'avant. En plus de longer la côte, il allait falloir traverser le canyon de Faron pour rejoindre enfin l'entrée du désert. Le problème, c'est que cet endroit était devenu depuis des années le repaire de nombreux monstres et bandits. Il allait falloir redoubler de vigilance.
- Dis-moi Impa, penses-tu que....

D'instinct, je me retournai vivement vers un buisson et bandai mon arc vers cette menace potentielle, les longues semaines de solitude m'ayant appris à être attentif au moindre bruit suspect.
- Qui que vous soyez, sachez que je n'hésiterai pas à tirer si vous ne sortez pas immédiatement !
S'approchant de moi, Impa me fit baisser mon arc, avant de lancer :
- Je sais que c'est vous. Et si vous arrêtiez de vous cacher pour nous rejoindre ? Vous allez devoir expliquer tôt ou tard votre fugue, alors autant en finir maintenant non ?
Il y eut un moment de silence, puis je vis sortir lentement du buisson...
- Mais que fais-tu donc si loin du Domaine ? Tu es encore jeune pour partir toute seule à l'aventure.

Devant nous se trouvait une splendide jeune Zora émeraude. Elle devait nous avoir suivis sans se reposer, car elle tenait difficilement debout. Toute méfiance m'ayant quitté, je ne pus m'empêcher d'éprouver de la pitié pour cette enfant épuisée.

- Tu m'as l'air mal en point. Où sont donc tes parents ? Ils doivent s'inquiéter pour toi, non ?
- Je voulais vous aider, cependant mon père n'était pas du même avis. Mais je refuse de rester les bras croisés, alors que les autres risquent leur vie. Je veux suivre le même chemin que ma grand-tante à son époque.
Malgré la fatigue, son regard montrait une farouche détermination, preuve qu'il allait être difficile de la raisonner. Ne sachant quoi faire, je me retournai vers Impa.
- Que faisons-nous ? On ne peut pas la laisser toute seule dans cet état, ni la ramener au Domaine, cela prendrait trop de temps. Mais on ne peut pas non plus l'emmener avec nous, c'est bien trop dangereux.
- Je comprends ton envie de la protéger. Mais comme tu l'as signalé, nous prendrions trop de retard, or chaque jour compte. Mais quoi qu'il en soit, je pense que votre père sera furieux quand vous rentrerez, votre Altesse.

Votre Altesse ? Mais pourquoi s'adressait-elle à elle ainsi ?
- Impa, qui est-ce ? Vous la connaissez ?
- Amipha ? Mais que fais-tu ici ?
Alertées par le bruit, Zelda et Médolie s'arrêtèrent en voyant qui nous avait rejoints. Cependant, j'avais l'impression d'être le seul à ignorer qui était notre invité surprise.
- Excusez-moi de vous déranger en pleines retrouvailles, mais est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer ce qu'il se passe ?
A leurs regards étonnés, je compris qu'elles pensaient que je la connaissais déjà. Heureusement, Zelda se ressaisit rapidement.
- Je suis désolée, Linkle, nous avons cru que tu le savais. Permets-moi de te présenter Amipha, la fille du Prince.

Sa fille ? La situation allait être encore plus complexe à gérer. Et je doutais fort que le Prince apprécierait si sa fille venait à être blessée. Mais les autres options n'étaient guère mieux.
- Bon, comme nous l'avons dit avec Impa juste avant, nous n'avons pas le choix ; nous acceptons votre présence parmi nous. Cependant vous devrez suivre nos instructions à la lettre, car cela ne sera pas une promenade de santé loin de là, Votre Altesse.
- Je comprends parfaitement la situation dans laquelle je vous ai mise, et je m'en excuse, mais il fallait que j'aide d'une manière ou une autre. Et puis, vu que vous êtes une délégation, il est normal que les Zoras soient aussi représenté, non ?
Décidément, malgré son âge, Amipha était pleine de ressources. Cela pourrait sans aucun doute nous être utile. C'est Impa qui finit par nous rappeler notre objectif du jour.
- Bon c'est pas tout ça mais nous sommes en retard. Zelda et Médolie, je vous laisse vous occuper d'Amipha ; elle a plus que besoin de repos. Quant à toi Linkle, tu vas partir en éclaireur.
Ramassant mes affaires et mes armes en maugréant sur ce surnom, je m'apprêtais à rejoindre ma monture lorsqu'Amipha posa LA question que je souhaitais surtout ne jamais entendre.
- Dites-moi, où est passé Link au fait ? Il n'était pas censé partir avec vous ? Et au passage, qui est cette jolie jeune fille avec vous ?

Voyant les sourires commencer à apparaître, je me dépêchai de partir avec le peu de dignité qu'il me restait.... Mais même à l'autre bout du camp j'entendis leurs éclats de rire. Et sans doute que là où il se trouvait, grand-père devait bien rire lui aussi...

Chapitre 20 : Plus seul...   up

Cela faisait maintenant trois jours que nous avions entamé la partie la plus délicate de notre voyage. Et plus nous nous enfoncions dans le canyon de Faron, plus la tension augmentait au sein de notre groupe, guettant le moindre signe annonciateur d'une embuscade de monstres ou de brigands. Mais aucun signe d'une quelconque activité depuis notre arrivée, ce qui n'arrangeait guère notre angoisse, d'autant plus que nous avancions bien plus lentement que prévu depuis l'arrivée d'Amipha dans le groupe et l'abandon du chariot à Ecaraille. Comme les Zoras sont bien plus à l'aise dans l'eau que sur un cheval, nous avions dû nous résoudre Impa et moi à porter l'ensemble des affaires, tandis que Zelda prit Amipha avec elle. Ce surpoids nous rendait bien plus vulnérables en cas d'attaque, encore faudrait-il qu'il y ait des ennemis à proximité. Or, aucun être vivant en vue, et ce malgré les multiples vols de reconnaissance de Médolie. Cela était d'autant plus surprenant que les villageois d'Ecaraille nous avaient bien mis en garde avant notre départ. C'était à ne plus rien y comprendre. En surveillant attentivement l'horizon, je vis Médolie revenir d'une énième patrouille. Mais contrairement à d'habitude, elle semblait cette fois très inquiète. Je sentais venir les mauvaises nouvelles.

- Je viens de repérer plusieurs colonnes de fumée au loin. On aurait dit un grand camp, et il bloque le seul accès possible au Canyon Gerudo. A ce rythme, on devrait l'atteindre d'ici la fin de la journée. Que faisons-nous ?

Et mince, les ennuis se concrétisaient. S'il s'agissait de maraudeurs, il nous serait impossible à moi et Impa de protéger l'ensemble du groupe. Mais faire demi-tour après tout ce chemin reviendrait tout simplement à abandonner, et il en était hors de question. Je me retournai vers Impa, en espérant qu'elle aurait une idée, mais sa réponse fut sans appel :
- Tu es responsable de cette expédition, Linkle ; c'est donc à toi de décider.
Merci pour ton soutien Impa. J'essayai de trouver des solutions à cette impasse, mais aucune ne semblait valable. Je me sentais oppressé par les regards des autres, attendant ma décision. Faire demi-tour me semblait l'option la plus sûre, d'autant plus que nous avions avec nous Amipha. Ce n'était encore qu'une jeune Zora, qui plus est l'héritière du Domaine. Il en allait de même avec Médolie. Par ailleurs, seuls Impa et moi étions vraiment aguerris au combat, et il nous serait impossible à la fois de combattre et de défendre le groupe. Mais repartir signifierait l'échec de la délégation, avec les conséquences qui en découleraient. Et surtout, c'était devoir admettre devant le Prince et les autres que j'avais échoué, une fois de plus. Etait-ce ma destinée, d'échouer dans tout ce que j'entreprenais. Peut-être était-ce la punition des Déesses pour n'être rien d'autre qu'un faible, incapable de remplir la mission qui avait été confiée à notre famille...

- Link ? Est-ce que tout va bien ?

Reprenant mes esprits, je vis Amipha me regarder fixement, l'inquiétude envahissant son regard. Un peu en retrait, Zelda et Médolie ne semblaient guère plus rassurées. Non, je ne pouvais pas me laisser aller au désespoir maintenant. Les autres comptaient sur moi pour les amener à destination, et pas seulement eux. Le Prince, les Piafs, Impa... tous avaient placé leurs espoirs en moi. Je ne devais pas... non... je ne pouvais pas les abandonner. Je devais réussir, c'était mon devoir... Plaçant affectueusement ma main sur l'épaule d'Amipha, et refoulant ces biens tristes pensées, je tentais de la réconforter.

- Je vais bien, ne t'en fais pas pour moi. J'étais juste perdu dans mes pensées. Je me demandais juste si je devais changer de jupe avant de continuer.
- Tu as fini par apprécier cette tenue finalement ?
Son visage affichait de nouveau un grand sourire. Au moins ça de fait. Restait maintenant le plus délicat. Prenant une grande inspiration, je me tournai vers le reste du groupe :
- Ecoutez. Je sais que vous vous êtes toutes engagées dans ce voyage, et ce malgré les dangers, afin de remplir une mission. Malheureusement, on ignore si le camp devant nous est hostile ou non. Mais comme nous n'avons pas vu âme qui vive depuis notre arrivée, je doute fort qu'il s'agisse de personnes charitables. C'est mon devoir de vous protéger, mais je veux vous prévenir qu'il me sera difficile d'assurer votre sécurité en cas de combat. Sachez que si vous voulez repartir, je comprendrais parfaitement. Mais je veux que vous sachiez que quelle que soit votre décision, je continuerai le chemin vers la Cité Gerudo. Si vous choisissez de poursuivre, il n'y aura probablement pas moyen de revenir sur nos pas. Je vous laisse un moment pour réfléchir.

Ça y est c'était dit. Désormais, plus question de reculer pour moi. J'accomplirai cette mission jusqu'au bout, quelques soient les obstacles. Je m'attendais de toute façon à plusieurs abandons. C'est alors que Médolie se rapprocha de moi :

- Depuis que nous sommes partis, tu n'as cessé de veiller sur nous en permanence, et ce malgré nos nombreuses moqueries. Tu aurais très bien pu refuser cette mission, mais pourtant tu l'as acceptée en connaissance de cause. J'ai confiance en toi et c'est pourquoi je continue avec toi.
- Quand tu as accepté que je devienne ton entraîneuse, je voyais un jeune garçon en proie au doute et à l'incertitude. Tu te sentais inutile et incompétent, et je me demandais comment j'allais m'en sortir avec toi. Mais aujourd'hui, je vois un jeune homme qui a su prendre sur lui-même et qui est déterminé à accomplir son devoir jusqu'au bout. Je suis heureuse de voyager à tes côtés, mais si tu crois que tu pourras te débarrasser de moi comme ça, tu peux toujours courir après une cocotte !

Cette remarque me fit chaud au coeur. Je m'attendais à ce qu'Impa continue, mais pas à ce qu'elle me sorte un tel discours. Savoir qu'elle était fière était pour moi le plus beau des compliments. Et je n'étais pas au bout de mes surprises, car ce fut au tour de la Princesse Zelda :

- La première fois que je t'ai rencontré, ce fut lors de tes premiers entraînements avec Impa. Tu ne semblais pas sûr de toi, bien au contraire. Jamais je n'avais vu quelqu'un autant en proie au doute et à l'inquiétude. Tu essayais de le cacher, mais cela se voyait parfaitement que tu ne cessais de te remettre en question en permanence, à tel point que tu as fini par en tomber d'épuisement. Mais alors que beaucoup d'autres auraient abandonné depuis longtemps, tu n'as jamais baissé les bras. Tu as persévéré envers et contre tout, tout en gardant en toi l'espoir de devenir à ton tour un bretteur renommé. Je sais que tu aurais préféré sans doute que nos chemins ne se croisent jamais, mais je tenais à ce que tu saches que tu es celui qui nous a tous redonné l'espoir de voir à nouveau Hyrule rayonner. Malgré nos différents, je tiens à ce que nous terminions ensemble cette mission. J'ignore si c'est réciproque, mais j'ai une confiance absolue en toi, Link. Peu importe les dangers sur notre route, tu n'es et tu ne seras pas seul.

J'étais complètement bouleversé. Jamais je ne me serais attendu à un tel aveu de Zelda. Elle qui d'habitude essayait de rester discrète venait de s'ouvrir à moi comme à un confident. Je me rendis compte que celle que je considérais comme mon ennemie était bien différente de ce à quoi je pensais. D'une certaine façon, nous nous ressemblions en fait. Nous essayions de mieux nous comprendre mutuellement, mais aucun n'avait fait le premier pas vers l'autre, jusqu'à aujourd'hui. L'avais-je donc aussi mal jugée ? Après tout, elle m'avait bien révélé qu'elle était malade. Même si elle était responsable de mon sort, elle ne l'avait peut-être pas fait consciemment ; ou pire, elle était peut-être consciente de ce qu'elle faisait, mais sans pouvoir l'empêcher. Ma rancune envers elle venait d'être tout d'un coup remplacée par de la pitié et une grande compassion. Alors que je m'apprêtais à lui répondre, je vis avec stupéfaction Amipha m'enlacer.

- Je sais que j'ai désobéi et que ma présence vous cause beaucoup de tort. Lorsque tu m'as découverte, j'ai eu peur en te voyant ; je ne savais pas qui tu étais réellement, à cause de ton déguisement. Tu aurais pu me gronder et me renvoyer au Domaine, mais malgré les problèmes dus à ma présence, tu m'as immédiatement acceptée comme membre à part entière du groupe. Tu n'as cessé de t'occuper de moi, non pas en prenant en considération mon statut, mais en tant que personne attentionnée et amicale. Je sais que tu as perdu ta famille, et que rien ne la remplacera, mais je veux que tu saches que je te considère comme un membre de ma famille. Quoiqu'il advienne, tu es et sera pour moi le grand frère que je n'ai jamais eu.

Toute cette gentillesse et cette innocence me touchèrent au plus profond de mon âme. En une phrase, Amipha venait de libérer toute la tristesse et la douleur que je retenais depuis des semaines. Incapable de retenir mes larmes, je serrais celle qui venait de redonner un sens à ma vie, une raison de me battre pour ce monde. Oui, elles avaient raison. J'avais maintenant des amis, des amis en qui je pouvais avoir une confiance absolue, et sur qui je pourrais toujours compter. Après avoir passé tout ce temps à vivre dans un cauchemar, je voyais de nouveau la lumière et l'espoir. Désormais, je n'étais plus seul...

Chapitre 21 : Rencontre funeste

En nous approchant du camp, nous sûmes immédiatement que quelque chose n'allait pas. Les colonnes de fumées étaient bien trop grandes pour des feux de camps, et aucun bruit n'était audible. Et plus nous avancions, plus nous pouvions sentir cette sinistre odeur, celle de la mort.

- Cela ne me dit rien qui vaille. Médolie, tu pourrais surveiller les environs depuis les airs ? Mieux vaut prévoir à toute éventualité.
- Aucun souci. Je vous avertirai en cas de danger.
Couverts par Médolie, nous arrivâmes à l'entrée du camp, avant de nous figer de terreur. Devant nous s'étendaient des dizaines de cadavres, éparpillés au milieu des restes calcinées des nombreuses tentes qui jonchaient le sol.
- Par les déesses... murmura Impa. Qu'a-t-il bien pu se passer ici ?

Je ne l'avais jamais vue aussi préoccupée. Elle avait déjà mis pied à terre et examinait les environs, mais je voyais qu'elle était très inquiète. Pire, elle semblait terrorisée. Et si quelque chose pouvait effrayer Impa, alors c'est que la situation était vraiment critique. Descendant également de cheval, je me dirigeai tant bien que mal vers une des malheureuses victimes. Au passage, je vis que Zelda avait pensé à couvrir les yeux d'Amipha. Tant mieux ; il y a certaines choses que les enfants ne méritent pas de voir. Retenant mon écoeurement à ce que j'allais faire, je commençai à examiner le cadavre. En apercevant l'énorme impact au niveau du flanc, je compris que le malheureux avait eu tous les os du bassin brisés. Mais aucune arme à ma connaissance ne pouvait faire autant de dégâts en un seul coup. En étudiant un autre cadavre, je fis le même constat. Cette fois, c'était le crâne qui avait été complètement fendu. Qui que devait être leur adversaire, il devait avoir une force prodigieuse. Alors que je me relevai pour me diriger vers Impa, je vis, chose surprenante, qu'il y avait aussi bien des bokoblins et des lézalfos que des maraudeurs. Et apparemment, ils avaient tous subi le même sort. Ce constat me laissa sans voix. Pourquoi des mercenaires et des monstres s'associeraient-ils entre eux ? Et surtout, qu'est-ce qui pouvait avoir autant de force pour anéantir une telle armée ? Arrivé vers Impa, je m'aperçus qu'elle tenait entre ses mains un document récupéré sur ce qui semblait être le chef de cette troupe, au vu de son armure et de sa magnifique épée, qui malgré la boue et le sang ressemblait fortement à...

- Une épée royale... c'est impossible.... Les seuls à pouvoir la porter sont....
En découvrant ma présence, Impa sursauta et rangea précipitamment le parchemin dans sa tenue.
- Impa qu'est-ce qui t'arrive ? Qu'est-ce qu'il y avait dans cette lettre ?
- Rien de bien important, ne t'en fais pas.
Elle tentait de me le cacher, mais je percevais sa gêne d'avoir été surprise en pleine lecture... mais pourquoi ? Et surtout, qu'est-ce qu'il y avait dans cette lettre pour pouvoir autant la troubler ? Mais quel que soit son contenu, il devait être de la plus haute importance. Jamais le roi d'Hyrule n'aurait envoyé sinon un membre de sa garde personnelle.

Alors que je tentais de comprendre le comportement inhabituel d'Impa et la présence de ce garde royal au beau milieu du camp, Médolie se posa en catastrophe devant nous, avant de se relever les yeux pleins de terreur.
- De l'autre côté du camp... un monstre... un monstre gigantesque... il s'approche de nous... je crois... je crois qu'il nous a vus...

Et au moment où elle disait ces mots, un immense rugissement se répercuta dans tout le canyon, en même temps que je vis apparaître... Non, cela ne se pouvait. Ils avaient tous été tués depuis le Grand Chaos. Grand-père lui-même s'était occupé du dernier... Je me souvenais encore des soirs où il me racontait ses nombreux combats. Alors que j'adorais les écouter, j'avais fait des cauchemars avec celui-ci. Et avec raison. Craint des soldats, terreur des villages, même les monstres le fuyaient, car son nom était synonyme de mort et désolation...
- Un lynel.... Saintes déesses, un lynel d'argent !!!

J'étais terrorisé à l'idée de devoir en affronter un. Grand-père lui-même avait eu beaucoup de mal à en vaincre un autrefois, et pourtant il était beaucoup plus fort que je ne le serai sans doute jamais. Un second rugissement me fit comprendre qu'il nous avait repérés. Attrapant Impa par la manche, nous nous mîmes à courir comme des fous vers nos montures. Mais en me retournant, je vis avec horreur que Médolie n'avait pas bougé.

- Impa ! Retourne avec Zelda et Amipha et fuyez le plus loin possible !
- Hors de question que je vous laisse toi et Médolie avec cette abomination !
- Impa ! Tu m'as dit plus tôt que j'étais le chef du groupe, alors fais ce que je demande !!!
- Link...
Jamais je n'aurais envisagé parler de cette façon à Impa, mais au vu des circonstances, je n'avais pas le choix.
- Impa c'est un ordre ! Pars ou je jure sur les déesses que je t'attache sur ce cheval avant de le lancer au galop !
Et sans lui laisser le temps de répondre à nouveau, je me dirigeai aussi vite que possible vers Médolie.
- Médolie ! Qu'est-ce que tu fais ! Sauve-toi !

Rien à faire. Elle était complètement figée, tétanisée par la terreur. Et juste en face d'elle, je vis le lynel. Jamais je n'avais vu un tel cauchemar. Mi-homme mi-cheval avec une tête de lion, il avait en plus deux énormes cornes au milieu d'une immense crinière de feu. Tout son corps était blanc, zébré de bandes violettes par endroits. D'après grand-père, de toutes les espèces de lynels ayant existé, c'était de loin la plus agressive et la plus résistante. Corrompu par le chaos, il devenait une machine de mort. Quand il se mit à me regarder, je vis une fureur et une envie de sang telle que je dus rassembler toute ma volonté pour ne pas fuir face à ce monstre.

Brusquement, il se tourna et se mit à foncer vers Médolie, une gigantesque massue, encore rouge des suites de son dernier carnage, à la main. Avant même de me mettre à courir vers elle, je sus que je n'arriverais jamais à l'atteindre en premier. Sans prendre le temps de réfléchir, et sachant d'avance que cela ne servirait qu'à l'énerver davantage, je bandai mon arc et visai soigneusement. Malheureusement, ma flèche passa loin derrière lui. Pestant intérieurement, j'en ressortis une en espérant faire mieux cette fois. Mais comme la précédente, elle passa trop loin de lui. Il n'était désormais plus qu'à une quinzaine de mètres de Médolie. Tentant de contenir la peur et le stress qui m'envahissaient, j'encochai une ultime flèche. Je n'avais plus le droit à l'erreur, ou Médolie la payerait de sa vie. Concentrant toutes mes forces dans mes bras, je décochai en priant d'avoir bien ajusté mon tir. Ne perdant pas la flèche du regard, je la vis s'élever dans les airs, avant de commencer à retomber vers le sol. "Trop tôt" désespérai-je. Mais au moment où le lynel leva son imposante massue au-dessus de Médolie, mon projectile frappa pile dans son oeil droit. Un hurlement de douleur résonna dans tout le canyon, tandis qu'il galopait dans tous les sens en tentant de retirer la flèche. Profitant du fait qu'il soit désorienté et à moitié aveugle, je me précipitai vers Médolie, et sans ménagement la tira brusquement vers moi.

- Médolie ! Cesse de rester plantée là et décolle ! Retrouve les autres et fuyez ! Tu m'as entendu ?!

Finissant enfin par retrouver ses esprits, elle acquiesça mollement avant de s'élancer maladroitement dans les airs, toujours terrorisée. Mais au moins était-elle hors de danger. Il ne restait plus que moi, tous les autres s'étant, je l'espérais, échappés. Maintenant, je devais leur faire gagner le plus de temps possible. Sortant mon épée et ramassant un des boucliers au sol, je me mis en garde.

- Eh l'affreux ! C'est moi que tu cherches ? Je suis là ! Viens que je m'occupe de ton deuxième oeil !

A défaut d'être intelligente, la remarque eut l'effet escompté. Le lynel s'arrêta et se retourna en fulminant vers moi, son unique oeil injecté de sang. Désormais, j'avais capté toute son attention. Voyant qu'il sortait un immense arc, je me mis à courir entre les restes des tentes, afin de l'empêcher de viser correctement. Je vis sa flèche passer juste derrière moi, mais au moment où elle toucha le sol, une énorme explosion me projeta à terre. Sonné, je tentai de me relever tant bien que mal, mais le lynel semblait bien décidé à ne pas m'en laisser le temps. Réencochant une autre flèche explosive, il tira cette fois juste à côté de moi. Cette nouvelle détonation me propulsa dans ce qui restait d'une des tentes cinq mètres plus loin. Le message était passé, il comptait se venger avant de m'achever. Retenant avec peine la nausée qui s'installait, je voulus reprendre mon arme, avant de m'apercevoir avec terreur que je l'avais lâchée lors de l'explosion. Quant à mon arc, il ne lui restait plus que deux flèches, les autres ayant été détruites lors de l'impact. J'étais complètement désarmé. Le lynel dut arriver à la même conclusion car il prenait tout son temps pour arriver, un sourire carnassier sur son visage.

Ainsi, c'était comme ça que j'allais finir : écrasé par un monstre qui était censé avoir disparu depuis des années. Triste ironie, c'était grand-père qui avait vaincu ce qu'on croyait être le dernier lynel, et aujourd'hui c'était son ultime représentant qui allait mettre un terme à notre famille. J'avais une fois de plus échoué. Le Prince, Impa, Médolie... ils avaient tous placé leurs espoirs en moi, et je n'avais pas su me montrer à la hauteur. Je n'avais rien d'un héros. Qui voudrait d'ailleurs de quelqu'un incapable de réussir quoi que ce soit en héros ? La seule chose que j'espérais était que Zelda, Impa, Médolie et Amipha aient pu suffisamment s'éloigner pour être en sécurité, surtout Amipha. Ce n'était encore qu'une enfant, mais elle avait bien plus de cran que nous tous. Au lieu d'être un problème supplémentaire, elle était devenue bien plus qu'un membre à part entière de notre groupe, surtout pour moi. Elle était celle qui avait su me redonner espoir, une raison de vivre. Et pour elle, j'étais devenu plus qu'un ami. Je la revois encore la veille venir vers moi, l'inquiétude visible dans ses yeux.

* * *

- Link, sais-tu ce qui nous attend demain ?
Le camp était bien visible désormais. Il ne faisait plus de doute que nous l'atteindrions demain. Je n'avais aucune idée de ce qui allait se passer bien sûr, mais je tenais malgré tout à la rassurer.
- Ne t'en fais pas, tout va bien se passer. On est un groupe, on s'aide les uns les autres. Et puis je serai là pour te protéger si besoin.
Cela semblait la rassurer un peu, mais je sentais que quelque chose la tourmentait.
- Qu'est-ce que tu as ? Quelque chose t'inquiète ?
- Tu vas certainement devoir te battre, n'est-ce pas ?
Décidément, elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Je souhaitais que tout irait bien demain, mais je ne me faisais guère d'illusions.
- Probablement, mais on ne sait jamais. Qui sait, ce ne sont peut-être que des marchands.
Comme mensonge, j'avais déjà fait mieux. Et Amipha n'y crut pas plus que moi, car elle se jeta dans mes bras en pleurs.
- Link, je veux que tu me fasses une promesse. Si jamais tu devais te battre, promets-moi que tu reviendras en vie. Jure-le-moi s'il te plaît.
Comment ne pas dire oui à un enfant. C'était tout simplement impossible. De la même manière que j'étais devenu pour elle son grand frère, elle était pour moi comme une petite soeur. La serrant tendrement dans mes bras, je lui offris la réponse qu'elle attendait tant :
- Je te le promets. Quoi qu'il arrive, je reviendrai toujours pour toi.

* * *

- ... Et ce n'est pas aujourd'hui que je romprai cette promesse. Pas question.

Durant des années, je n'avais cessé de fuir. Mais désormais, il n'était plus question de fuite ou d'abandon, et cela commencerait dès aujourd'hui. Me relevant tant bien que mal, je fis de nouveau face au lynel. Si je me rappelais bien le trajet, le garde royal devait se trouver... Bingo, je vis son armure dorée à environ une dizaine de mètres sur ma droite. Le problème, c'est qu'entre lui et moi, il y avait le lynel. Et au moindre pas, il me chargerait sans hésitation. Charger ? Mais bien sûr ! Une idée venait de se matérialiser dans mon esprit. C'était fou, mais elle pouvait m'offrir le temps nécessaire pour parcourir la distance. Il était temps de rappeler à ce monstre que le combat n'était pas terminé.
- Eh l'affreux ! Je commence à m'ennuyer moi ! Tu comptes m'achever ou que je t'achève ?
En réponse, il poussa un énorme rugissement et chargea. Tout se déroulait comme prévu. Maintenant, c'était quitte ou double ; le timing devait être parfait pour que le plan fonctionne. J'entendais mon corps hurler de m'enfuir face à ce monstre qui m'arrivait dessus à toute allure, mais je tins bon. Et juste avant d'être écrasé par sa masse, je bondis sur ma droite. Au même moment, j'entendis un violent choc, tandis que je sentis ses sabots marteler le sol juste à côté de moi. J'avais réussi. Sans hésiter, je me mis à sprinter vers le garde royal, espérant trouver... Elles étaient bien là. A ses pieds reposait un impressionnant bouclier hylien, tandis que sa main tenait encore une splendide épée filetée d'or. Excellent. Non seulement les armes royales étaient magnifiques, mais en plus elles étaient d'une solidité et d'une efficacité à toute épreuve. Les ramassant rapidement, je me retournai au moment où le lynel achevait enfin sa course folle. En voyant que j'étais toujours en un seul morceau, il fut décontenancé, mais se ressaisit bien vite et fonça à nouveau vers moi. Sauf que maintenant, je connaissais sa faiblesse. Ce petit manège se poursuivit durant plusieurs longues minutes ; lui essayant de m'écraser dans ses charges, moi profitant de ma plus grande agilité pour les esquiver. Il enchaînait charge sur charge et semblait infatigable, ce qui n'était malheureusement pas mon cas. En me jetant de côté pour esquiver un énième assaut, je sentis un de ses sabots frapper violemment ma cheville gauche. Lâchant un cri de douleur, je vis avec angoisse une énorme ecchymose apparaître. La situation devenait critique. Avec une entorse, impossible de continuer à esquiver ses attaques. Tentant de mettre tout mon poids sur mon pied encore valide, je me remis péniblement debout malgré la douleur intense. Le lynel avait dû sentir qu'il me heurtait, car il se préparait à lancer l'attaque finale, son immense arme tournoyant au-dessus de lui. Brusquement, je vis une flèche sortir de nulle part se ficher dans son flanc. Et alors que le lynel hurlait de rage et de douleur, une voix que je connaissais trop bien criait :

- Link replie-toi vers ton cheval, je me charge de lui !

Il fallait croire que si donner des ordres était naturel, en recevoir l'était beaucoup moins pour Impa. Tandis qu'elle continuait à harceler le lynel, j'avançai péniblement à l'aide de l'épée vers ma monture. Mais au moment où je parvins enfin à m'installer sur ma monture, je vis le gourdin du lynel propulser Impa et son cheval dans les airs, avant de retomber lourdement au sol.
- Impa !!!
En la voyant inerte sur le sol, je sentis une intense colère monter en moi. Une colère enfouie depuis trop longtemps au fond de moi et que j'empêchais durant tout de temps de ressortir. Mais aujourd'hui, elle venait d'être enfin libérée. Fou de rage, je me retournai vers le lynel.
- Toi, l'émissaire de Ganon, je te jure que tu vas retourner dans le néant que tu n'aurais dû jamais quitter.

Ivre de haine, je lançai ma monture au triple galop vers lui, tandis que j'attrapais le grappin qui pendait accroché à ma selle. J'avais un plan insensé, complètement suicidaire, mais je n'avais plus qu'une idée en tête, venger Impa et me débarrasser de ce monstre définitivement. Ce dernier se lança à ma rencontre, son gourdin sur sa droite. Alors que nous nous rapprochions dangereusement, je fis tournoyer le grappin. Et juste avant l'impact, j'ordonnai à mon cheval de se déporter vers la gauche et lançai la corde. Le grappin s'enroula sur l'une des cordes du lynel, et je me sentis éjecté du cheval pour finir contre les flancs du monstre. Faisant fi de la douleur qui remontait le long de ma jambe gauche, j'escaladai son dos pour finir à califourchon dessus. Et tandis que le lynel courait dans tous les sens et fouettait l'air de sa masse pour m'éjecter, je sortis mon épée et l'enfonçai jusqu'à la garde dans son dos, avant de la retirer et de frapper encore, et encore, et encore. Et plus je le frappais, plus je sentais la fureur retenue se dissiper, et les cris de douleur du lynel faiblir. Et après un ultime coup d'épée, il trébucha et s'écrasa violemment au sol, manquant de peu de m'écraser sous son poids, poussant un ultime hurlement. Je me remis en garde en pensant à une nouvelle ruse, avant de voir ses yeux autrefois noirs désormais vitreux. C'était enfin fini.

Complètement épuisé par le combat, je me rapprochai en boitant vers l'endroit où était tombée Impa. Toute l'adrénaline accumulée lors du combat avait disparu. A chaque geste, je serrais les dents de douleur, tant cette dernière avait envahi mon corps. Mais à mi-chemin, je m'effondrai au sol, ma jambe ne parvenant plus à me supporter. Je m'apprêtais à continuer à avancer en rampant, lorsque je sentis que l'on me relevait. En me retournant, je vis le visage inquiet de Médolie, tandis que Zelda se penchait sur le corps d'Impa. Dans ma détresse, je ne les avais même pas entendues arriver. Soutenu par Médolie et Amipha, je parvins à rejoindre Zelda. Immédiatement, je voulus vérifier si Impa était en vie, mais elles estimèrent que je ne pourrais rien faire pour elle dans mon état. Un signe de Zelda me confirma cependant qu'elle respirait encore. Elle était encore en vie, merci Saintes Déesses. Mais le visage que faisait Zelda en l'auscultant me faisait craindre le pire. Elle se releva et se tourna vers moi :

- Elle a de nombreuses fractures au bassin, aux jambes et aux bras. Mais ce n'est pas le plus grave, je crois qu'elle a une hémorragie interne, et ici je n'ai aucun moyen de la stopper. La seule bonne nouvelle, c'est que comme elle est dans le coma, elle ne souffrira pas.
Ce fut comme une douche froide pour moi. Impa ne pouvait pas mourir, c'était impossible ! C'était la meilleure combattante de nous tous, la plus douée, la plus stratège... Rien ne pouvait l'avoir... Je sentais la tristesse m'envahir. Non, il devait y avoir une autre solution...
- Peux-tu ralentir l'hémorragie ?
Etonnement de Zelda.
- Je pourrais avec une de nos potions de soins, mais celles que l'on a ne seraient pas assez puissantes pour la guérir. Tout au plus elle pourrait vivre un, voire deux jours de plus au maximum.
Deux jours, et le village le plus proche était Ecaraille à quatre jours de chevauchée. Elle n'y parviendrait jamais, à moins que....
- Zelda, on a mis quatre jours en chevauchant au pas et avec nos affaires pour arriver là. En combien de temps penses-tu pouvoir faire le chemin inverse jusqu'à Ecaraille ?

Cette fois, c'était le groupe entier qui restait stupéfait devant ma question. Mais qu'importe, il restait un espoir de sauver Impa, certes infime, mais un espoir quand même. Et j'étais déterminé à le tenter.

- En galopant jour et nuit, et avec le minimum de charge, je pourrais le faire en deux jours. Mais jamais mon cheval ne tiendrait le coup. Et même si j'y arrivais, il faudrait encore deux jours pour ramener un médecin, et ça serait trop tard.
- Qui te parle de revenir après ?
Elle comprit où je voulais en venir, et sa stupeur fut d'autant plus grande.
- Link, c'est de la folie ! Jamais elle n'y survivra !
- Elle a plus de chances de survie en essayant qu'en restant là !
- Mais ? Et vous ?
- Ne t'occupe pas de nous ! Peux-tu le faire oui ou non ?
- Hum... je pourrais y arriver, mais j'aurais besoin de plusieurs montures pour qu'elles puissent se reposer entre-temps.
- Prends toutes nos montures restantes, on t'attendra ici.
C'était décidé, Médolie et Amipha allèrent chercher nos montures, tandis que Zelda et moi restions auprès d'Impa.
- Link, dis-moi. Pourquoi me demandes-tu à moi de faire ce trajet ? Je veux dire, après tout ce que j'ai fait, pourquoi me fais-tu confiance ? Qui te dit que je n'en profiterais pas pour te trahir à nouveau ?
- Je n'ai rien qui peut me le dire...

Et c'était vrai. Elle pouvait très bien abandonner Impa en cours de route et revenir avec toute l'armée d'Hyrule pour s'occuper de nous. Mais j'avais la sensation qu'Impa et Zelda étaient proches, et que cette dernière ferait tout pour qu'elle s'en sorte. Je ne saurais dire pourquoi, mais mon intuition me disait que Zelda ne trahirait jamais Impa.

- ... Mais je sais aussi que tu as eu de nombreuses occasions auparavant et que tu n'as rien fait pour nous nuire. De plus, mon instinct me dit que toi et Impa êtes très proches. Et puis... je pense qu'on mérite tous une seconde chance. Et si j'y ai eu droit, je pense que d'une certaine façon, tu en mérites une aussi... Je n'oublie pas ce qui s'est passé, mais ce n'est pas en le ressassant en permanence que l'on avance. Je t'ai choisie car tu es encore en état de galoper, mais aussi parce que tu es la meilleure cavalière du groupe. Alors oui, je veux te faire confiance pour cette mission, car quelque chose me dit que tu n'échoueras pas...

Un long silence s'installa entre nous. Chacun réfléchissait aux paroles de l'autre. On n'avait certes pas dit grand-chose, mais le message caché derrière était clair. Nous voulions tous les deux voir Impa s'en sortir. Et pour cela, chacun devait compter sur l'autre. Pour forger un futur meilleur, nous devions mettre nos rancunes passées de côté. Ce moment de réflexion fut rompu par l'arrivée d'Amipha et de Médolie, accompagnées des chevaux attachés les uns derrière les autres. Aussitôt, elles aidèrent Zelda à monter sur l'un d'entre eux, sa main droite sur les rênes tandis que la seconde retenait Impa. Le voyage risquait d'être très douloureux pour elle, mais au moins était-elle toujours inconsciente.

- Zelda, c'est à toi de jouer maintenant. Galope comme le vent et n'oublie pas de redonner si besoin de la potion à Impa. Chaque seconde compte. Je te fais confiance, je sais que tu vas y arriver ! On t'attendra ici. Maintenant va !

D'un geste, Zelda s'élança en direction d'Ecaraille, tandis que j'adressai intérieurement une prière à la déesse Hylia. "Sainte Déesse, je sais que je n'ai pas souvent été à la hauteur de vos attentes, mais je vous en conjure. Faites que Zelda réussisse. Et surtout, faites qu'Impa reste en vie."

Comme l'attente allait durer plusieurs jours, Médolie et Amipha rassemblèrent nos affaires assez loin du camp pour ne plus avoir à subir l'odeur et la vue des cadavres, et installèrent le campement en un temps record. Je tenais à les aider, mais les derniers évènements m'avaient vidé. De plus, ma jambe ne me permettait pas d'aller bien loin. La nuit était maintenant pratiquement tombée. Allongé dans ma tente, j'entendais Amipha et Médolie discuter dehors de mon combat et de l'état d'Impa. Au vu de mon état, elles avaient préféré me laisser me reposer. Mais alors que tout semblait bien se passer, un immense hurlement résonna dans la nuit. Jamais je n'avais entendu Amipha pousser un tel cri de terreur. Malgré la douleur, je tentai de me relever pour aller les aider, mais mon corps était à bout de forces. Je ne fis même pas un pas que ma jambe se déroba sous mon poids, tandis que je m'effondrai sur mon pied gauche. Je sentis aussitôt la douleur se répandre dans chaque parcelle de mon corps, et je sombrai dans l'inconscience, terrassé par la fatigue et mes blessures.

Chapitre 22 : Hyr'iah   up

D'abord aveuglé par la lumière éblouissante, je parvins après quelques instants à discerner la source de cette lueur. Au centre d'une grande salle, sur un piédestal en marbre blanc, se trouvait une magnifique lyre en or pur. Chose surprenante, la lumière n'était pas réfléchie, mais produite par l'instrument lui-même. Bien qu'en apparence assez classique, je pouvoir cependant voir la précision de chaque détail, la finesse de ses courbes... Elle était tout simplement splendide. Sans que je sache pourquoi, je me mis à tendre la main vers la lyre. Pour une raison que j'ignorais, j'avais la sensation qu'elle m'appelait.
Au moment où ma main toucha une des cordes, une intense chaleur s'empara de moi, tandis que mon fragment de Triforce s'illumina comme jamais auparavant. Je me sentais traversé d'une énergie nouvelle, tandis que je voyais avec surprise toutes mes blessures se refermer d'elles-mêmes. Même mes vieilles cicatrices disparaissaient. Quel que soit cet objet, il possédait une incroyable puissance. Une fois son travail achevé, la lumière cessa aussi rapidement qu'elle était apparue, me laissant sous le choc. Jamais je n'avais entendu parler d'un tel objet dans les nombreux ouvrages de la Citadelle. Il fallait que j'en informe le roi dès mon retour. Mais alors que je m'apprêtais à repartir de cet endroit, un ricanement sinistre résonna derrière moi :
- Impressionnant vraiment. Echapper à ce labyrinthe et mettre la main sur une des plus puissantes reliques de ce monde, c'est vraiment bien joué. Je me dois de te remercier, gamin. Mais il est maintenant temps pour toi de te reposer, et ce pendant très longtemps.
Un frisson traversa tout mon corps. Non, cela ne se pouvait... Mais avant que je puisse me retourner, je sentis une immense douleur au crâne, puis ce fut le noir.

* * *

Je courais sans savoir où aller dans le noir le plus total. Mon seul souhait était d'échapper à ces visions d'horreur qui ne cessaient de me hanter, mais à chaque fois elles revenaient, inlassablement. Ici, je voyais le lynel écraser chacun de mes os avec un sourire sadique, là je voyais Zelda planter l'épée de Légende dans le ventre d'Impa, ailleurs j'étais coincé derrière un mur invisible et je voyais Médolie et Amipha se faire engloutir par le sable, impuissant...

* * *

- Amipha ! Médolie !

Tremblant de tous mes membres, je me réveillai en sueur. Des cauchemars, ce n'étaient que des horribles cauchemars. Mais dans ce cas, pourquoi le premier ne cessait de revenir encore et encore, avec à chaque fois une nouvelle vision ? Essayant de comprendre le fin mot de ces rêves à répétitions, je m'apprêtais à me lever du lit... un lit ? Regardant tout autour de moi, je vis que je me trouvais désormais dans une petite maison en terre cuite. Mais comment avais-je bien pu arriver ici ? La dernière chose dont je me souvenais, c'était d'être tombé lamentablement par terre avant de m'évanouir. Qui pouvait bien m'avoir amené ici ? Les mêmes que ceux qui s'en étaient pris aux filles ? J'en doutais fort. Et autre surprise, ma cheville gauche était bandée et dans une attelle. Décidément, je ne comprenais plus rien à ce qui se passait.

Je m'attendais à avoir mal en posant mon pied, mais ce fut à peine si je ressentis un léger picotement. Qui que soit cette personne, elle devait avoir d'excellentes compétences en potions médicinales. Avançant lentement, je sortis de la pièce afin de savoir où j'avais atterri. En recevant à peine sorti une immense vague de chaleur, je n'avais plus de doute. J'étais au bord d'une petite oasis, perdue au beau milieu du désert Gerudo. Cela ne se pouvait... nous étions encore à au moins deux jours de marche du désert lorsque nous avons été attaqués... Combien de temps étais-je...

- Tiens tiens, on dirait que notre intrépide aventurière s'est réveillée.
Me retournant brusquement, je vis assise contre le mur une femme bronzée de grande taille avec des cheveux roux flamboyants. A son corps musclé et à sa tenue assez légère, je n'eus aucun doute sur son identité.
- Vous êtes une Gerudo ?
- Bien deviné ma petite. Tu es plus futée que tu en as l'air.
L'esprit encore un peu embrumé, je mis quelques instants à me rappeler que j'étais encore déguisé en Hylienne.
- Tu as eu beaucoup de chance, tu sais ? Mes soeurs n'auraient eu aucun scrupule à t'achever si tu t'étais montrée. Tu peux remercier ton entorse.
Ses soeurs ? Insinuerait-elle que...
- Ne t'inquiète pas, je ne suis pas avec elles. En fait, j'ai coupé les liens avec ma tribu depuis des semaines.
- Elles nous ont attaquées ? Mais pourquoi ? Nous étions encore loin du désert, comment savaient-elles que nous étions ici ?
- Pourquoi vous avez été prises pour cible, je n'en sais rien. En revanche, je suis sûre d'avoir vu mon ancienne cheffe en pleine conversation avec une jeune femme et une escouade de soldats. Malheureusement, impossible de dire d'où ils provenaient.
- Des soldats ? Une jeune femme ? Non, cela ne se pouvait... elle était repartie avec Impa... Elle n'avait quand même pas...
- Tu me sembles bien soucieuse, petite. Quelque chose ne va pas ?
- Il y a trop de zones d'ombres dans cette histoire... Qui êtes-vous ? Pourquoi m'avoir aidé ? Combien de temps suis-je resté inconscient ? Et surtout, où sont mes amies ?
- Oh là, calme-toi, je te prie. Je te propose un marché. Je te dis tout ce que je sais, à condition que tu cesses de mentir. D'accord beau blond ?
La surprise était totale. Et je devais vraiment tirer une drôle de tête car elle éclata de rire.
- Allons fais pas ton timide. Je le savais depuis un petit moment. Et puis, j'avoue que je suis curieuse de savoir pourquoi un aussi ravissant voï que toi se balade déguisé en vaï. Par ailleurs, j'aimerais entendre le récit de ton combat. Affronter un lynel seul et s'en sortir presque indemne, voilà un exploit dont bien peu peuvent se vanter. Tu as eu beaucoup de chance.

Beaucoup de chance en effet. Malheureusement, Impa n'en avait pas eu autant. J'ai donc commencé à lui raconter ce qui s'était passé, en hésitant cependant à lui révéler qui j'étais en réalité. Mais au fur et à mesure que je parlais, je sentais le besoin de raconter au moins à quelqu'un ce que j'avais vécu. Pourquoi ? Je ne sais pas... Peut-être le besoin de savoir ce qu'en pensaient les autres, d'espérer pouvoir refaire confiance aux autres, ou tout simplement vider ce que j'avais sur le coeur... Quoiqu'il en soit, je finis par tout lui révéler... De mes premiers entraînements au lynel, en passant par l'exil et la traque impitoyable. Je ne la connaissais pas, j'ignorais même encore son nom. Mais je tenais à parler à coeur ouvert. Alors que je terminais mon récit, je me sentais incroyablement bien. Mais je savais aussi que j'étais maintenant à sa merci. Elle savait qui j'étais et ce que j'avais fait. Et si elle décidait de me livrer ou de me tuer, je ne pourrai rien y faire. Un long silence tomba dans la salle. Elle ne bougeait pas, et à son regard, elle était en pleine réflexion. Je songeai un instant à me précipiter vers la sortie, mais pour aller où ? Tout autour, ce n'était que le désert ; sans eau ni vivres, je ne tiendrais pas deux heures. Je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre son choix. Après un long moment, elle se redressa enfin et se tourna vers moi :

- Je vais t'aider.
- Quoi ?
J'étais complètement pris au dépourvu. Je m'attendais à tout sauf à ça. La conversation semblait prendre un tour inattendu, mais pour une fois, il serait peut-être favorable.
- J'ai un don ; je sais deviner quand les gens me mentent ou disent la vérité. Et pas une fois j'ai senti un quelconque mensonge dans ton récit. Tu as osé te confier à moi sans même savoir qui j'étais. Et à ta voix, je sens que ces deux jeunes filles qui t'accompagnaient comptent beaucoup pour toi.
- Ça ne m'explique toujours pas pourquoi vous voulez m'aider. Après tout, vous avez dit avoir coupé les ponts avec les autres Gerudos.
- Disons... que j'ai une dernière tâche à accomplir avant, mais je n'y arriverai pas seule. Tu as besoin de moi pour t'introduire en ville, et moi j'aurai besoin de toi pour réussir. Disons que nous serons partenaires un petit moment. Au fait, mes anciennes amies m'appelaient Hyr'iah.

Avais-je vraiment le choix. D'un autre côté, elle ne m'avait pas encore planté son épée dans le ventre, et semblait vraiment prête à m'aider.

- D'accord. Si tu peux m'aider à sauver Amipha et Médolie, je t'aiderai en retour.
- Super ! Bon, notre ville est bien défendue, et la vigilance a été renforcée ces dernières semaines. Et comme tu le sais, les voïs sont interdits en ville sous peine de mort. Avec ta tenue, tu aurais pu passer, mais on ignore si mes soeurs t'ont repéré dans la tente, alors autant changer ton déguisement. Connaissant les gardes, elles vont être suspicieuses si tu arrives travesti en Hylienne, mais certainement pas en Gerudo. Je vais m'occuper de toi. Tu verras, tu seras surpris du résultat mon mignon.

Bon sang, chez qui étais-je encore tombé ? Tentant de cacher ma gêne grandissante, je me disais que cela ne pouvait de toute façon pas être pire...

- Alors qu'est-ce que tu en dis ? Magnifique n'est-ce pas ?

Figé devant le petit lac de l'oasis, je n'osais croire ce que je voyais dans l'eau. Abandonnant l'idée des tresses, Hyr'iah avait rassemblé mes cheveux en une longue queue de cheval, après les avoir légèrement teintés en ocre. De mon visage, on ne voyait désormais plus que mes yeux, tout le reste ayant été caché derrière un immense voile blanc, ainsi qu'un tissu vert clair qui servait de couvre-chef afin de protéger du soleil. Par ailleurs, j'avais maintenant une légère tunique qui descendait seulement à mi-poitrine. De plus, mon pantalon avait été remplacé par un sarouel ample au milieu et très serré aux extrémités, ne descendant pas plus bas que mes genoux. Et histoire d'enfoncer le clou, Hyr'iah avait jugé intéressant de me mettre un gros rubis au niveau du front. Je pensais que l'humiliation ne pouvait pas être plus importante qu'avec Linkle, mais Hyr'iah venait de me prouver largement le contraire. Rouge pivoine tellement j'avais honte, je relevai lentement la tête vers elle, n'osant pas lui donner mon avis sur le terme "magnifique".

- C'est... comment dire... quelque chose d'assez... inhabituel pour moi...
J'imaginais sans aucun problème grand-père, Amipha et le reste du groupe pliés de rire devant mon air désespéré. Bizarrement, la tenue de Linkle commençait à me manquer...
- Ne t'en fais pas, tu t'y habitueras. Voyons voir... Il manque un dernier détail et ce sera parfait.
En voyant apparaître un sourire en coin sur le visage d'Hyr'iah, je me mis à suivre son regard, jusqu'à tomber sur deux petits melons glagla pas loin de nous. Un frisson d'horreur me traversa aussitôt. Elle ne pensait quand même pas à ça ?!!
- Oh non ! N'y pense même pas ! C'est hors de question ! Je préfère affronter tout un troupeau de lynels que d'en arriver là.
- Dommage... Je suis sûre qu'avec ça tu aurais parfaitement fait ressortir la féminité qui est en toi.

Sur ce, elle éclata de rire, tandis que je m'éloignais d'elle pour ne pas tout jeter par terre et lui montrer ce que je pensais de sa "féminité". Regardant le coucher de soleil, je ne pus m'empêcher de penser aux filles. J'espérais de tout coeur qu'elles soient encore en vie, et que ce déguisement ridicule me permettrait d'infiltrer la ville pour les faire sortir le plus rapidement possible de leur cellule. Jusqu'à présent, elles n'avaient cessé de m'aider dans les moments difficiles, aujourd'hui c'était mon tour. Et alors que les derniers rayons du soleil disparaissaient derrière une dune, je ne pus m'empêcher de leur adresser une prière muette.
"Médolie, Amipha, où que vous soyez, tenez bon. Je vous sortirai de là, je le jure sur les Déesses."

Chapitre 23 : Une horrible décision   up

L'aube commençait à poindre au-dessus du Désert Gerudo. Réchauffé par les premiers rayons de soleil, j'observais depuis la crête d'une des nombreuses dunes de sable les murailles en terre cuite de la cité en face de moi. Je pouvais également voir les toits du palais royal, là où se trouvaient sans doute enfermées Amipha et Médolie. Si proches, et pourtant si lointaines... Et entre nous, des Gerudos qui n'hésiteraient pas à me massacrer si elles venaient à découvrir un voï dans la ville. Mais si cela pouvait me permettre de libérer les filles, j'étais prêt à prendre ce risque. Le problème, c'est que j'allais devoir y entrer sans équipement ; la discrétion étant ma seule arme. D'après Hyr'iah, il était très difficile de voir que "l'adorable jeune fille" en face est en réalité un homme.

"J'espère pour toi que tu ne disais pas ça uniquement pour te moquer de moi" marmonnai-je.
C'était le moment de vérité. Sortant lentement de ma cachette, je me mis à approcher de l'entrée principale. Comme je m'y attendais, les gardes baissèrent leurs piques dès qu'elles m'aperçurent.
- Halte ! Qui es-tu ? Que viens-tu faire ici ?
J'avais passé un long moment la veille de mon départ à inventer une histoire plausible avec Hyr'iah, aussi savais-je d'avance quoi répondre.
- Je m'appelle Leana. J'étais en train de faire du commerce chez les Gorons lorsque ces derniers m'ont littéralement jeté de leur village, à cause de leurs satanées frontières fermées. Et comme c'est aussi le cas dans les autres régions, j'ai dû faire un énorme détour via les montagnes d'Hébra. Une chose est sûre, je m'en souviendrai de ce retour.
J'espérais avoir été assez convaincant, et que les gardes me laisseraient passer. Car sinon, il serait très délicat d'entrer sans être repéré. Les deux gardes se regardèrent, puis elles finirent par relever leurs piques.
- Désolées d'être aussi brutales. Comme tu as pu le voir, la situation est explosive partout. Si tu cherches un lieu pour te reposer, l'auberge est dans la ruelle à droite de l'entrée.
Incroyable, ça avait marché. Passant sous le porche, j'entrais dans la cité Gerudo.
- Eh attends un peu !

En entendant cet ordre venir des gardes, je me figeai. Ça y est, elles m'avaient découvert et j'allais sans doute être arrêté dans les secondes qui suivent. Tentant de paraître le plus naturel possible, je me retournai vers les gardes, suant de tous mes pores tant mon stress était grand.

- Notre reine Kelar'iah fera un discours d'ici peu de temps sur la grande place. Tout le monde doit être présent. J'avais oublié de t'en informer.
- La reine Kelar'iah ? Je croyais que c'était Nahbora qui dirigeait.
- Elle est malheureusement morte il y a deux semaines. Et comme elle n'avait pas de descendance, c'est Kelar'iah qui a pris sa place. Un conseil, évite de te faire remarquer, elle est du genre à punir sévèrement au moindre problème.
Super, une reine tyrannique, il ne manquait plus que ça. La mission risquait d'être plus compliquée que prévu, mais il n'était pas question de laisser tomber.
- Merci pour l'information. Je ne comptais pas rester très longtemps de toute façon.
- Aucun souci. Ah au fait, superbe ta tenue. Tu es magnifique avec. Je suis sûre que tu dois faire tomber tous les voïs que tu croises.

Complètement rouge, je les remerciai d'un "saksak" avant de mettre le plus de distance possible entre elles et moi. Bon sang, qu'est-ce qu'elles m'avaient fait peur. C'était passé à pas grand-chose. Et qu'est-ce qu'elles avaient toutes à vouloir me balancer des compliments sur ma tenue ? Mais au moins, j'étais maintenant dans la ville.

Si de loin la cité ressemblait à un simple amas de maisons en terre, une fois au niveau de la place centrale, on ne pouvait qu'être surpris par sa beauté simpliste. Les habitations étaient faites avec une base en grès poli sur lequel on pouvait constater la finesse du détail. De plus, grâce à un ingénieux système de canaux d'irrigation, chaque maison possédait un accès à l'eau courante au niveau de la cour arrière. On pouvait même apercevoir quelques lopins de terre cultivés. La rue principale était entièrement constituée de terre cuite émaillée et parsemée de quelques palmiers à intervalles réguliers. Quant au centre de la place, on ne pouvait qu'apprécier la fraîcheur qu'offraient les deux grands bassins, disposés à côté d'une immense estrade en grès poli. Et tout au bout de la grande rue, on pouvait apercevoir les imposants escaliers qui amènent au palais royal.

Alors que je commençais à chercher un moyen de me rapprocher du palais, un grand son de gong retentit dans toute la ville. La reine allait parler à son peuple, aussi me dépêchai-je de rejoindre à nouveau la grande place le plus vite possible. Si cette dernière était presque vide il y avait une heure, il était maintenant difficile de s'approcher de l'estrade tant le nombre de Gerudos était important. Parvenant tant bien que mal à trouver une place me permettant d'observer de près l'intégralité de la scène, je pus enfin découvrir la nouvelle reine des Gerudos, et la surprise fut totale. Elle ressemblait presque trait pour trait à Hyr'iah, à ceci près qu'elle faisait une tête de plus qu'elle, et qu'elle portait un splendide diadème en or incrusté d'un rubis sur sa tête. D'un geste de sa main, l'assemblée se tut.

- Gerudos, depuis la nuit des temps nous avons été le peuple le plus fort et le plus puissant d'Hyrule. Nous avons pendant longtemps dominé un immense territoire, et les autres nations nous adressaient le respect qui nous était dû. Mais aujourd'hui, que sommes-nous devenus, si ce n'est une ridicule province ignorée de tous ? Lorsque notre ancêtre la reine Riju est parvenue seule à reprendre le contrôle de la créature divine Vah'Narboris, nous pensions pouvoir regagner la place qui nous était due. Mais rien ne se passa, les autres nations nous ignorèrent complètement ! Eh bien, il est temps pour eux qu'ils découvrent quelle terrible erreur ils ont commise. Hyrule est plongée dans le chaos, mais nous, nous n'avons jamais été aussi unies et prêtes ! Notre armée n'a jamais été aussi forte et notre volonté n'a jamais été aussi grande ! Il est temps pour nous de reprendre ce qui nous appartient de droit ! Et puisque les autres dirigeants refusent d'accepter nos requêtes, nous allons les obliger à accepter par la force ! Et pour que les autres peuples comprennent bien que nous sommes déterminées à aller jusqu'au bout, j'ai l'intention de leur faire parvenir un message clair !

A peine eut-elle terminé qu'un groupe de gardes se mit à approcher de l'estrade, entourant...
Saintes Déesses, que leur était-il arrivé ? Jamais je n'avais vu Médolie et Amipha dans un état aussi pitoyable. Elles étaient couvertes de bleus et semblaient avoir été victimes de privations vu leur démarche plus que chancelante. Pire encore, je constatai avec horreur que Médolie avait des plumes arrachées par endroit, tandis que la peau d'Amipha, d'ordinaire brillante et lisse, était complètement rouge et sèche tant elle avait été privée d'eau. Et comme si tout cela ne suffisait pas, elles étaient attachées toutes les deux par des chaînes au cou, comme deux esclaves. Bouillonnant de rage, je n'avais qu'une envie, c'était de sauter sur cette estrade et d'abattre ce tyran qui était responsable de la souffrance de mes amies. Mais comme il me serait impossible de faire un pas sans être massacré par une population remontée, je ne pouvais qu'assister impuissant à l'humiliation et au déferlement de haine que subissaient Amipha et Médolie, tandis que Kelar'iah exultait.

- Nous avons arrêté ces deux espionnes alors qu'elles tentaient d'entrer dans notre désert. Après interrogation, il se trouve qu'il ne s'agit rien de moins que de la princesse zora et de la fille du chef piaf. Nous pourrions sans doute les échanger en échange de l'acceptation de nos conditions, mais cela nous ferait passer pour des faibles et il en est hors de question ! Aussi, j'ai décidé de montrer que nous ne reculerons devant rien pour arriver à nos fins, et que le rang nous importe peu ! Mais nos peines actuelles n'étant pas assez fortes pour leur crime, j'ai décidé de remettre à jour une ancienne sentence, bien plus mémorable.

Stupeur dans l'assemblée. Elles semblaient toutes savoir de quoi elle parlait, sauf moi. Mais en regardant leur visage, je craignais le pire. Qu'allait-elle donc leur infliger de nouveau qui soit aussi effrayant même pour les Gerudos ?

- Je condamne donc ces espionnes à la peine capitale ! Demain, lorsque le soleil sera à son zénith, nous irons dans les dunes de Tourma et nous les jetterons en pâture au Moldarquor.

Chapitre 24 : Deux passés, un espoir   up

- Il faut à tout prix qu'on les libère ! Il est hors de question qu'elles restent enfermées une minute de plus !
- Calme-toi un peu, beau blond. La prison est très certainement sous haute surveillance, et ce n'est pas en te faisant capturer que tu les aideras.
- Je refuse de rester ici les bras ballants alors que mes amies sont sur le point de se faire dévorer !
- Je comprends parfaitement ton angoisse, mais ça ne sert à rien de se mettre dans cet état.
- Tu ne comprends pas ! J'étais juste en face d'elles. J'aurai pu sauter et les libérer, mais au lieu de ça je me suis enfui comme un lâche !
- Tu ne t'es pas enfui, tu as fait la seule chose possible ! Si tu étais intervenu, tu serais mort à l'heure qu'il est ! Alors cesse de te considérer comme un couard et laisse ce pauvre palmier tranquille !

Depuis mon retour, je n'avais en effet cessé de passer ma colère sur un malheureux arbre, imaginant que c'était cette maudite Kelar'iah. Je n'espérais qu'une seule chose, pouvoir lui faire payer ce qu'elle avait fait subir à Médolie et Amipha. J'étais complètement à bout de nerfs. Après le lynel et Impa grièvement blessée, voilà qu'un tyran de reine gerudo allait offrir mes amies en casse-croûte à un monstre des sables. C'était pour moi la goutte de trop. Lâchant un cri de rage, je frappai violemment l'arbre, à tel point que l'épée resta coincée. Epuisé et en sueur, je tombai à genoux, désespéré.

- Elles étaient juste en face de moi, recherchant désespérément de l'aide, et j'étais incapable d'intervenir. Je lisais la terreur dans leurs yeux, mais je ne pouvais même pas faire ne serait-ce qu'un geste pour les réconforter. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tous ceux qui comptent pour moi doivent souffrir par ma faute ? Est-ce donc ma sentence pour n'avoir pas su me montrer à la hauteur ? Sais-tu ce que ça fait, de voir ceux à qui on tient le plus souffrir, et sans que l'on puisse intervenir ?

J'étais à bout. Je n'avais accumulé que des échecs, et ceux qui avaient confiance en moi mourraient les uns après les autres par mon incompétence. Je ne souhaitais plus qu'une chose, que tout s'arrête maintenant. Un court instant s'écoula, au bout duquel Hyr'iah s'approcha de moi. Je supposais qu'elle allait me soutenir à la Gerudo, c'est-à-dire une bonne châtaigne et des cris, mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je la vis poser une main compatissante sur mon épaule avant de s'asseoir en face de moi.

- Je sais parfaitement ce que ça fait de se sentir seul et faible, bien plus que tu ne le crois, et c'est la raison pour laquelle je comprends parfaitement ton désespoir.

Jamais je n'aurais cru entendre un jour une Gerudo avouer une telle faiblesse, qui plus est à un homme. Elle semblait mal à l'aise et je sentais que ce qu'elle s'apprêtait à dire lui pesait. Après une longue inspiration, elle se lança enfin :

- Tu ne l'ignores sans doute pas, mais notre peuple est composé uniquement de vaï. Aucun enfant voï ne naît chez nous. C'est la raison pour laquelle une fois adulte, nous quittons le désert afin de trouver l'âme soeur. Même notre reine ne fait pas exception à la règle. Mais ce que tu ignores, c'est qu'il existe une très vieille loi oubliée de toutes aujourd'hui qui permet à une reine, si la situation l'oblige, de choisir une jeune fille du royaume comme héritière. Pour savoir si elle en est digne, la jeune fille doit réussir à toucher une ancienne relique, le Masque du Tonnerre. Jamais aucune reine n'a eu à recourir à cette loi, mais notre reine Nahborah portait un terrible fardeau : Depuis sa naissance, elle souffrait d'une maladie incurable qui, pour une raison inconnue, s'est aggravée lorsqu'elle tenta de sortir du village. Ainsi, incapable de partir, notre souveraine se plongea dans les archives du royaume, afin de tenter de trouver une alternative, tout en cachant son état au peuple. Mais la situation s'aggrava lorsque Kelar'iah, alors brillante capitaine, fut au courant de la faiblesse de Nahborah. Elle profita de sa faiblesse pour accroître son influence par d'habiles mensonges et menaces. Pour Nahborah, il s'agissait désormais de tout faire pour maintenir la stabilité de la cité. Un jour, les habitantes virent la reine apparaître en compagnie d'une jeune orpheline alors oubliée de toutes et vivant à côté des écuries. Personne ne savait pourquoi, excepté Kelar'iah. Nahborah voulait faire de cette jeune fille son héritière, aussi devait-elle agir vite. Elle empoisonna Nabhorah et accusa la jeune orpheline de meurtre. Cette dernière ne dut son salut qu'à l'aide des dernières fidèles de la reine en s'enfuyant de la cité. Depuis ce triste jour, elle vit éloignée de tous et rêve un jour de trouver le moyen de se venger de celle qui est responsable du chaos qui ronge le royaume.

Un long moment de silence régna à la suite de son récit. J'éprouvais une grande tristesse pour cette personne qui avait tant souffert. Mais un détail me frappa soudainement. Hyr'iah avait dit que tout ceci était resté secret, or elle connaissait par coeur ce qui s'était passé. Se pourrait-il qu'elle soit...

- Je vois à ton visage que tu as compris. Je n'en doutais pas un instant. Oui Link, je suis l'héritière du trône gerudo, et grâce à toi, j'ai espoir de pouvoir enfin rétablir la vérité.

* * *

- Les Moldarquors sont des créatures extrêmement sensibles aux vibrations. Elles sont également très rapides mais ne peuvent quitter le sable. Leur peau est naturellement très épaisse et les rend invulnérables, mais il existe un point faible.

Nous marchions depuis la tombée de la nuit dans le désert, direction le lieu de l'exécution, afin d'être prêts le moment venu. Hyr'iah transportait avec elle un grand sac de toile et refusait d'en montrer son contenu. Elle en profitait également pour m'indiquer les faiblesses de ces titans des sables.

- Au niveau de leur ventre, la peau est bien plus fragile, et c'est aussi l'endroit où se trouvent leurs organes vitaux. Si tu parviens à porter un violent coup d'épée ici, il y a de fortes chances pour qu'il abandonne sa chasse. Mais pour cela, il faudra l'immobiliser suffisamment longtemps pour que tu puisses t'approcher.
- Comment comptes-tu t'y prendre exactement ? Même si on avait des bombes, on aurait beaucoup de mal à l'arrêter.
- J'ai mon idée, ne t'en fais pas, beau blond. De ton côté, assure-toi bien de faire diversion pour qu'il délaisse tes amies.
- En parlant de diversion, comment suis-je censé l'attirer loin des filles ? Tu l'as dit toi-même, il va plus vite que nous. Je ne pourrai jamais y arriver à pieds.
Elle devait attendre cette remarque, car elle m'attrapa et me guida vers le haut d'une dune.
- Héros de peu de foi, tiens. Regarde donc ce qu'il y a de l'autre côté.

Levant alors la tête, je compris alors l'idée d'Hyr'iah. Juste en face de nous se trouvait un grand troupeau de morses des sables, les meilleures montures du désert. Affichant un large sourire, Hyr'iah se tourna vers moi :
- Ça te dit une petite course, beau voï ?

Chapitre 25 : Désert mortel   up

Cela faisait maintenant plusieurs heures que le soleil était levé, et la chaleur commençait à devenir étouffante même avec une tenue adaptée. Hyri'ah était partie depuis un moment en éclaireuse, tandis que j'attendais harnaché à mon morse derrière une des rares dunes de sable présentes à cet endroit, m'offrant un excellent point de vue ainsi qu'un accès rapide au désert. La zone en question était constituée d'une corniche rocheuse servant de frontière entre le désert sableux et montagneux ; l'extrémité où je me situais étant progressivement envahie par le sable. Une petite avancée rocheuse dans le sable à une vingtaine de mètres de ma cachette faisait office de promontoire, et offrait un abri sûr pour les Gerudos face au Moldarquor. Juste aux pieds de cette avancée se trouvaient une demi-douzaine de vieilles colonnades en pierre usées par le temps. Enfin, une sorte de vieux sentier permettait de descendre des hauteurs sans risquer de tomber. D'après le peu que savait Hyr'iah, les filles seraient jetées en bas de la falaise, ce qui attirerait le Moldarquor. Du moins, c'était ainsi que les anciennes Gerudos procédaient selon Hyr'iah. La stratégie envisagée était donc que j'occupe le Moldarquor à l'aide de mon morse, tandis qu'elle emmènerait Médolie et Amipha en sûreté, avant de revenir m'aider à débarrasser la région d'un monstre et d'un tyran. C'était basique et très dangereux, mais nous n'avions pas trouvé de solution plus efficace.

Une autre heure s'écoula avant que j'aperçoive au loin un groupe se rapprochant de la falaise. Même à cette distance, il était difficile de rater Kelar'iah, avec sa tenue d'apparat. Equipée d'un plastron en or serti de rubis, elle portait en plus un pantalon en soie blanche, et une immense couronne sertissait sa tête. Tandis que le groupe se rapprochait, je vis sa garde rapprochée surveiller attentivement les filles, enchaînées l'une à l'autre. Je dus faire appel à toute ma volonté pour ne pas me précipiter vers elles, au risque de faire capoter le plan d'Hyr'iah. D'ailleurs, que faisait-elle ? Elle aurait dû revenir depuis longtemps déjà. Pourvu qu'elle ne se soit pas fait capturer elle aussi, ou pire. C'est alors que je vis qu'un second groupe arrivait lui aussi, composé essentiellement de... Non... ? Elle n'avait quand même pas osé en faire un spectacle... Ma crainte se révéla malheureusement fondée lorsque les premières habitantes s'éparpillèrent le long de la corniche dans le but de trouver les meilleures places pour l'exécution à venir. Cette vision me fit frissonner de terreur en me rappelant une situation tristement familière, ce qui renforça ma détermination à les sortir de ce mauvais pas. Dès que l'ensemble des Gerudos furent installées, Kelar'iah s'installa au niveau de l'à-pic rocheux, puis toujours entourée de sa garde rapprochée, s'adressa à la foule :

- Peuple Gerudo ! Depuis des années, on nous a crues affaiblies et vouées à disparaître. Aujourd'hui nous allons montrer au reste du monde que notre force et notre détermination n'ont jamais été aussi grandes ! Aujourd'hui, nous allons leur prouver qu'ils ont eu tort de nous oublier ! Aujourd'hui, nous allons reprendre la place qui nous revient de droit et rappeler à tous qu'ils doivent nous craindre et nous respecter ! Il est temps de cesser de courber l'échine, comme l'on fait mes prédécesseurs. L'heure est venue de se lever contre cette injustice et cette condescendance affichée par les autres peuples ! L'ère de la soumission est terminée ! Aujourd'hui, nous entrons dans une nouvelle ère, celle du renouveau de notre glorieuse nation ! Et pour le prouver à tous ceux qui doutent encore de notre puissance, nous devons ressembler à ce qui sera le symbole de notre nouvel empire, le Moldarquor. Si nous voulons retrouver notre grandeur passée, nous devons nous montrer aussi féroces, aussi implacables, aussi sournoises, résistantes et déterminées que lui ! Alors seulement nous pourrons imposer notre volonté aux autres peuples. Quant à ceux qui oseront résister, nous les anéantirons, comme le Moldarquor va anéantir ces deux espionnes ! Qu'on les attache aux piliers !

Son discours terminé, Kelar'iah se tourna vers l'étendue de sable, tandis que des gardes amenaient Médolie et Amipha en bas de la falaise, avant d'attacher l'extrémité de leurs chaînes à un pilier. Et mince, cela mettait en l'air tout notre plan. Nous n'avions rien pour couper ces épaisses chaînes. Et par les Déesses, que faisait donc Hyr'iah ?

- Moi, Kelar'iah, ait été désignée reine des Gerudos par notre relique sacrée. J'ai été investie des pouvoirs de nos ancêtres et peux contrôler à ma guise la foudre. Que le tonnerre frappe cette terre et libère la fureur du Moldarquor !

La situation empirait de seconde en seconde. Si Kelar'iah contrôlait bel et bien les orages, alors il serait impossible de s'en sortir. Mais même en sachant cela, je ne pouvais pas abandonner, pas cette fois. Me mettant en position, j'attendais l'éclair qui annoncerait l'arrivée imminente du Moldarquor... mais rien ne se passa. Jetant un rapide coup d'oeil par-dessus la dune, je vis la plupart des habitantes interloquées, tandis que le visage de Kelar'iah s'assombrissait. Masquant son embarras, elle recommença une fois, puis encore. Toujours rien. Mais bon sang que se passait-il en bas ?

- Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi rien ne se passe ? Qui a osé ?

Kelar'iah était désormais rouge de colère, mais la surprise fut générale lorsque j'entendis :

- Est-ce cela que tu cherches ?

Tout le monde se retourna immédiatement vers celle qui avait prononcé ces mots et qui se tenait maintenant face à l'assemblée avec autorité. Hyr'iah ? Mais à quoi jouais-tu ? Au lieu de sa tenue habituelle, elle portait maintenant une magnifique tenue en soie émeraude brodée d'or, avec de splendides bijoux incrustés de rubis à ses poignets. Un imposant cimeterre se trouvait accroché à sa hanche, tandis que son sac de toile était posé derrière elle. Dans une de ses mains se trouvaient deux petites bombes artisanales qu'elle jeta dédaigneusement aux pieds de Kelar'iah, sous le regard stupéfait de l'assemblée.

- Est-ce ainsi que tu souhaites rendre sa grandeur à notre peuple, Kelar'iah ? En livrant deux jeunes filles en pâture à un monstre, et ce alors que leur seul crime est d'être différentes à tes yeux ? En mentant à notre peuple sur ta prétendue légitimité au trône ? En abusant sa confiance sur tes pouvoirs inexistants ? Tu n'as cessé de mentir, et ce dès le début ! Tu te dis protectrice du peuple, mais tu n'en as cure car en réalité, c'est le pouvoir que tu convoites... ça et rien d'autre ! Que nombre des nôtres puissent mourir dans tes stupides guerres n'est rien pour toi du moment que tu peux parvenir à tes fins ! Tu n'es et tu n'as jamais été la reine des Gerudos ! Tu n'es rien de plus qu'une opportuniste et un traître à notre peuple ! Et il est temps aujourd'hui que tu lui rendes des comptes !

Jamais je n'avais vu Hyr'iah dans un tel état auparavant. Son éloquence et sa posture faisaient qu'il se dégageait d'elle une telle aura d'autorité qu'il était difficile de ne pas l'écouter avec respect. La foule entière semblait intriguée et étonnée par ces paroles, tandis que le visage de Kelar'iah se décomposait. Mais elle parvint rapidement à se ressaisir.

- Hyr'iah. Jamais je n'aurais cru revoir ton visage après ce que tu as osé faire à notre reine. Es-tu enfin venue pour accepter son châtiment ?
Elle se tourna alors vers la foule et pointa Hyr'iah d'un geste dédaigneux.
- C'est elle ! C'est cette traîtresse qui a osé assassiner notre bonne reine Nahborah, et ce de la plus ignoble des manières ! Elle l'a odieusement empoisonnée et espérait pouvoir prendre le contrôle du palais à l'aide de ses complices. Mais heureusement, Nahborah, dans sa grande sagesse, avait eu vent de ce complot, et m'a alors nommée dans le plus grand secret son héritière. Et lorsque que cette traîtresse s'en est rendue compte, elle a alors tenté de me tuer moi aussi ! C'est uniquement grâce à la force de nos valeureuses guerrières que j'ai pu m'en sortir et que nous avons réussi à mettre hors d'état de nuire les comploteuses ! J'aurais pu la tuer comme ses complices, mais dans ma grande magnanimité, je l'ai uniquement condamnée à l'exil. Et voilà qu'aujourd'hui elle revient une nouvelle fois revendiquer le trône en semant le trouble parmi nous. Mais cette fois, je m'assurerai qu'elle ne pourra plus jamais troubler la sécurité de notre peuple !
- Si tu es bel et bien l'héritière du trône, pourquoi refuses-tu de prouver ta légitimité en passant l'épreuve du Tonnerre ? Serais-tu tellement sûre de ton droit à régner que tu estimes cette épreuve inutile, et ce au mépris de nos lois ancestrales, ou est-ce parce qu'en réalité tu sais que si tu venais à poser ta main dessus, tu serais foudroyée sur le champ ? Par ailleurs, si tu as réellement été choisie par notre relique, pourquoi ne te sers-tu pas d'elle pour appeler ton soi-disant pouvoir au lieu d'utiliser ces simulacres de magie ? Aurais-tu donc honte de toi, ou est-ce pour éviter de devoir révéler à toutes que tu n'as jamais reçu le moindre pouvoir ?

La situation semblait devenir de plus en plus instable. Les Gerudos semblaient confuses et ne parvenaient pas à déterminer qui avait raison. Hyr'iah et Kelar'iah étaient deux oratrices hors pair, et leurs paroles troublaient l'assemblée de plus en plus, incapable de décider qui croire exactement. Profitant du vacarme causé par la distraction, je tentai discrètement de me rapprocher de Médolie et d'Amipha, mais je dus vite arrêter à cause des gardes. Jetant un rapide regard vers l'assemblée, je vis alors Hyr'iah poser son sac par terre et en sortir...

- Peuple Gerudo, votre soi-disant reine n'a jamais obtenu ses pouvoirs, pour la simple et bonne raison qu'ils ont déjà été attribués ! Regardez toutes, voici notre relique la plus sacrée, le Masque du Tonnerre ! Kelar'iah ne pourra jamais le toucher car il m'a choisie, et ce bien avant l'attaque du palais. Car il s'agissait bel et bien d'un coup d'état, mais orchestré par Kelar'iah ! C'est toi qui as empoisonné notre bien-aimée reine, afin d'obtenir enfin le prétexte que tu recherchais pour te débarrasser de moi et revendiquer le trône ! Tu m'as injustement accusée de tes crimes, tandis que ta garde massacrait toutes celles qui restaient fidèles à notre défunte reine ! De tels crimes ne sauraient rester impunis plus longtemps ! Tu voulais la puissance de notre relique, eh bien je vais t'en donner un aperçu. Contemple la puissance du Masque du Tonnerre !

Au même moment, un formidable éclair déchira le ciel pour s'abattre à quelques dizaines de mètres derrière Hyr'iah, sous le regard incrédule des Gerudos. Des murmures s'élevaient de partout, tandis que de nombreux regards noirs se tournaient vers une Kelar'iah débordante de haine.

- J'aurais pu te foudroyer sur place sans te laisser la moindre chance, mais je refuse d'assassiner quelqu'un sans défense, aussi coupable soit-elle. Tu as dit vouloir régler ce conflit une bonne fois pour toutes, eh bien soit ! Je te lance un duel, Kelar'iah ! Toi et moi, avec juste nos armes, sans magie ni aide quelconque ! Et que nos ancêtres décident enfin laquelle de nous deux mérite vraiment d'être reine.

De loin, je pus voir Kelar'iah tourner la tête à la recherche de soutien, mais après les révélations d'Hyr'iah, les Gerudos semblaient l'abandonner une à une. Alors qu'elle regardait dans tous les sens, ses yeux s'arrêtèrent brusquement sur moi, et ce que j'y vis me fit frissonner d'effroi. Ce n'était plus le regard d'une reine fière et sûre d'elle, mais celui d'une personne se sachant acculée et remplie de haine. Arborant un sourire inquiétant, elle se retourna alors vers Hyr'iah et ramassa la grenade qui traînait à ses pieds.

- Tu as réussi à m'humilier devant notre peuple, et ce pour quoi ? Pour sauver ces deux pauvres idiotes en bas ? Je me demande à quoi tu tiens le plus... Te venger de moi ? Ou bien secourir tes nouvelles amies ? Tu veux un défi, eh bien soit je le relève ! Mais pour que ce soit plus palpitant, il faut plus de tension. Que dirais-tu d'une course contre la montre ?

Et avant que quiconque ait pu esquisser un geste, elle se retourna et propulsa violemment la bombe dans le vide, tandis qu'au même moment, une flèche enflammée s'éleva parmi la foule et embrasa la mèche. Au ralenti, je vis la bombe tomber à quelques mètres des filles, avant d'exploser bruyamment. Ces dernières ne subirent heureusement aucune blessure, mais je pus constater avec horreur l'apparition soudaine d'une énorme dune au loin, et qui semblait se rapprocher très vite. Le Moldarquor venait d'arriver. Avec un sourire carnassier, Kelar'iah se mit alors en position de combat.

- Et maintenant, que le combat commence pour de bon !

Il n'était plus question de suivre le moindre plan. Immédiatement, je lançai mon morse en direction des filles, tandis que sur le plateau régnait le chaos le plus total. Les fidèles de Kelar'iah se battant contre celles qui s'étaient maintenant ralliées à Hyr'iah. Les deux Gerudos s'affrontaient avec une violence inouïe, effectuant une chorégraphie mortelle avec leurs cimeterres. Laissant Hyr'iah à son combat, je me dépêchai de rejoindre mes amies le plus vite possible, tandis qu'au loin la silhouette du Moldarquor devenait de plus en plus imposante. Arrivant enfin vers les colonnes de pierres, je sortis aussitôt mon épée et commençai à asséner de violents coups à la chaîne qui retenait fermement Amipha, mais malgré tous mes assauts, elle refusait de céder. Jetant un rapide coup d'oeil en arrière, je vis l'imposante dune à maintenant moins d'un demi kilomètre. Jamais je ne parviendrai à les libérer avant...

C'est alors que sans réfléchir, j'ordonnai à mon morse de foncer vers le Moldarquor. C'était une action-suicide, mais j'étais prêt à tout pour sauver Médolie et Amipha. Bien que récalcitrant, mon morse se lança à vive allure vers le monstre des sables, tandis que j'essayais de garder le meilleur équilibre possible sur mon bouclier qui me servait de planche. L'idée que j'avais en tête était complètement insensée, et nécessitait un timing parfait, auquel cas je risquais de finir en friandise pour Moldarquor. La distance qui nous séparait se réduisait de plus en plus vite, à tel point que durant un bref instant, je songeai à faire demi-tour, avant de me raviser. Je refusais de laisser tomber une nouvelle fois après tout ce que j'avais vécu, et c'est avec une détermination sans faille que je m'apprêtais à affronter le plus grand monstre d'Hyrule.

Juste avant l'impact, je fis dévier mon morse vers la droite, tandis que je détachai en même temps mon harnais. A peine une seconde plus tard, une immense gerbe de sable fut projetée à côté de moi, tandis que le Moldarquor se propulsait dans les airs. C'était le moment ou jamais ! Prenant appui sur mes jambes, je me jetai avec le plus de force possible sur la créature, et parvins in extremis à m'accrocher à une des piques au niveau de son aileron dorsal, malgré la violence du choc lorsqu'il retomba lourdement sur le flanc. Profitant de ce moment d'inattention, je me mis à grimper vers son ventre désormais visible, sortis mon épée, et la plantai jusqu'à la garde. Un immense mugissement résonna alors, tandis que le Moldarquor, fou de rage, se mit à plonger dans le sable, me laissant juste le temps de me cramponner à une de ses écailles avant d'être enseveli sous le sable. Maintenir ma prise était extrêmement difficile, tant j'avais la sensation d'étouffer. Chacun de mes muscles me faisait souffrir, et je bataillais difficilement pour ne pas respirer le sable qui me frappait le visage. Si je lâchais maintenant, c'en était fini de moi. Mon seul espoir était d'espérer que le Moldarquor remonterait à la surface pour essayer de se débarrasser de moi autrement. Mais plus le temps passait, plus mes poumons me brûlaient à cause du manque d'oxygène. De nombreux points noirs commençaient à voiler ma vision, et je sentais ma poigne se relâcher lentement mais sûrement. Encore quelques secondes, et cela serait sans doute la fin du voyage pour moi, mon seul souhait était d'espérer qu'Hyr'iah avait réussi et que les filles étaient saines et sauves. C'est à peine si je sentis le Moldarquor changer de course, ou que mes mains lâchèrent finalement leur prise pour me faire chuter... au sol ? A moitié étouffé, je tentais tant bien que mal de recracher le sable avalé, tandis que le Moldarquor, désormais débarrassé de moi, retombait à terre avant de disparaître à nouveau sous le sable.

Complètement épuisé, ce fut à peine si je sentis être relevé par les bras, puis traîné sur le sable. Il me fallut plusieurs minutes avant de recommencer à percevoir l'environnement autour de moi, et ma première surprise fut que contrairement à ce que je pensais lorsque j'étais sous terre, j'avais été éjecté à peine à quelques dizaines de mètre de la falaise. La seconde, ce fut de voir que c'étaient les Gerudos qui m'avaient récupéré, et qu'elles m'amenaient vers trois silhouettes en haut de la falaise qui ressemblaient à... Hyr'iah, Médolie et Amipha ? A peine fus-je relâché par les gardes une fois arrivé en haut qu'Amipha se précipita vers moi, avant de se jeter dans mes bras.

- Tu es revenu ! Je savais que tu ne nous abandonnerais pas ! Tu ne sais pas à quel point tu m'as manqué.
Je rêvais de lui dire que jamais je ne l'avais abandonnée, mais la joie de la retrouver était telle que je n'arrivai pas à sortir le moindre mot. Serrant affectueusement Amipha, j'adressai un sourire à Médolie, heureux de les retrouver saines et sauves, avant de me retourner vers Hyr'iah, intrigué.
- Dis-moi Hyr'iah, comment se fait-il que les Gerudos ne soient pas hostiles envers nous ? Est-ce que Kelar'iah est... ?
- Morte ? Oh non. Elle a préféré s'enfuir avec ses dernières fidèles en voyant que l'ensemble de mon peuple se retournait contre elle. La connaissant, je suis sûre qu'elle va chercher à se venger de nous un jour, mais en attendant elle n'est plus une menace.
Savoir que la responsable de tous ces malheurs allait certainement chercher à nuire m'inquiétait, mais le fait de savoir que cette mésaventure se terminait finalement bien me remplit de joie
- Tu es vraiment un voï plein de ressources. Jamais je n'aurais imaginé que quelqu'un essayerait un jour de grimper sur un Moldarquor. C'était une idée des plus originales, même s'il a fallu que j'intervienne pour te sortir de là.
Tentant tant bien que mal de cacher ma gêne, j'essayai de comprendre comment Hyr'iah avait pu me sortir de cette situation, lorsque mon regard se posa sur le casque du Tonnerre à ses pieds.
- Tu as foudroyé le Moldarquor n'est-ce pas ?
Pour toute réponse, elle afficha un large sourire, avant de s'adresser à l'assemblée Gerudo.
- Peuple Gerudo, la traîtresse Kelar'iah, par ses actes, a essayé de briser l'équilibre autrefois établi avec nos voisins en essayant de les envahir. Mais nous avons eu la chance de parvenir à l'arrêter avant qu'elle ne mette ses plans à exécution, et ce grâce au courage d'une seule personne. C'est elle qui m'a permis de retrouver l'espoir et la volonté de me battre contre Kelar'iah, et c'est aussi cette personne qui aujourd'hui nous a permis de nous libérer de la tyrannie. De toute notre histoire, rares sont les voïs qui obtinrent notre reconnaissance, mais plus rares encore sont ceux qui, à la suite d'actes héroïques, devinrent des membres à part entière de notre communauté. Moi, Hyr'iah, reine du peuple Gerudo, je suis heureuse de décerner, et ce avec l'approbation de mon peuple, le titre de Gerudo à Link, pour son courage et son aide inestimables.

A cette annonce, tout le monde se mit à applaudir, tandis que je rougissais d'embarras. Jamais je n'aurais pu imaginer un tel dénouement lors de mon réveil chez Hyr'iah. C'est avec bonheur que je parcouru des yeux l'assemblée autour de nous, lorsque je vis une Gerudo qui essayait se rapprochait de nous. Son visage, bien qu'en partie caché par la foule, ne m'était cependant pas étranger, mais impossible de mettre un nom dessus. La dernière fois que je l'avais vue, c'était... lorsqu'elle avait violement présenté Amipha et Médolie à l'assemblée lors du discours de la veille. C'était une des âmes damnées de Kelar'iah, et ma crainte se confirma lorsque je vis un objet luire dans sa main alors qu'elle arrivait juste derrière...

- Hyr'iah, attent...
La scène qui s'ensuivit se déroula alors comme au ralenti pour moi. Poussant Hyr'iah, je vis Médolie attraper violemment la guerrière, avant de basculer dans le vide avec elle en écartant ses ailes.
- Médolie !
Courant jusqu'au bord de la falaise, j'aperçus avec angoisse Médolie aux prises avec la Gerudo sur le sable, mais je sentis mon coeur s'arrêter de battre en voyant avec horreur une dune de sable se diriger vers elles à toute vitesse.
- Médolie ! Sors de là vite !
Je m'apprêtais à descendre le sentier pour les rejoindre, mais Hyr'iah et une garde m'attrapèrent violemment et me plaquèrent au sol.
- Hyr'iah ! Qu'est-ce que tu fais ? Laisse-moi aller l'aider !
- C'est trop tard ! Tu ne peux plus rien faire pour elle !
- Lâche-moi ! Je refuse de la laisser tomber à nouveau ! Médolie !
- Te sacrifier ne servirait à rien ! Si jamais tu descends de cette falaise, tu meurs !
Incapable de me libérer malgré mes efforts, je ne pus qu'assister impuissant à l'arrivée maintenant imminente du monstre. Je vis Médolie lever la tête vers moi, un léger sourire sur son visage, puis le Moldarquor surgit en dessous d'elle.
- NON !!! MEDOLIE !!!

Ce devait être un cauchemar, je refusais d'y croire. Après tout ce qui s'était passé, cela ne pouvait pas se finir comme ça. Médolie ne pouvait pas être morte, ce n'était tout simplement pas possible. Mais plus j'essayais de me convaincre du contraire, plus j'étais contraint de me rendre à l'évidence. Médolie était belle et bien morte, et j'avais échoué. Je n'avais pas su la protéger comme je l'avais promis. C'est moi qui aurais dû être à sa place, c'est moi qui aurais dû mourir aujourd'hui, pas elle. Je sentais les larmes ruisseler sur mes joues, tant mon désespoir était grand. Elle m'avait fait confiance et je l'avais abandonnée... Alors qu'Hyriah et la Gerudo me relâchaient enfin, je vis Amipha s'approcher lentement de moi, elle aussi bouleversée. Abattu, je l'enlaçai tendrement avant de me laisser aller au désespoir, accablé par la perte de celle qui venait de donner sa vie pour nous.

Chapitre 26 : Désespoir   up

J'ignore où je me trouvais. Le désert s'étendait à perte de vue autour de moi, et aucune forme de vie ne semblait exister. Je marchais durant des heures, mais le paysage restait exactement le même. Je sentais mon corps brûler sous la chaleur, et je ne possédais pas la moindre goutte d'eau pour hydrater ma gorge asséchée. Alors que j'arrivais en haut d'une dune, je vis Médolie au loin qui me faisait de grands signes. Heureux de la retrouver, je me précipitai vers elle, avant de m'apercevoir que la dune s'était transformée en sables mouvants et emprisonnait mes jambes jusqu'aux chevilles. J'essayai tant bien que mal de sortir de là, mais plus j'avançais, plus je m'enfonçais. Quant à Médolie, elle ne bougea pas malgré mes appels à l'aide répétés. Elle finit par me fixer d'un regard accusateur, avant d'être engloutie par le Moldarquor, tandis que le sable achevait de m'enterrer vivant...

* * *

Je me relevai brusquement en sueur sur ma couche, la respiration bruyante, tandis que je tremblais de tous mes membres. Presque une semaine s'était écoulée depuis les événements du désert. Amipha et Hyr'iah étaient retournées à la cité l'une pour y être soignée, et l'autre pour y être couronnée. De mon côté, j'avais préféré retourner à l'ancienne maison d'Hyr'iah en espérant me remettre de la tragédie, mais je ne parvenais pas à l'oublier ne serait-ce qu'un instant. Je ne cessais de revivre en boucle le même cauchemar, à tel point que j'en avais perdu le sommeil. Mais ce qui me faisait le plus mal était le regard que m'adressait Médolie, ce regard dénonciateur qui voulait dire "tu avais promis". J'avais promis... et j'avais échoué... Je n'avais pas su protéger Médolie de la même manière que je n'avais pas su aider Impa... Tous ceux à qui j'avais juré de les défendre mouraient à cause de moi et de mon incapacité à honorer mes promesses. Je n'étais rien de plus qu'un menteur doublé d'un incapable, un fardeau pour tout le monde et une humiliation pour ma lignée... Pour la énième fois en quelques jours, je tombai en larmes, haïssant les déesses du destin qu'elles m'avaient tracé, et pire encore, me haïssant moi-même pour ce que j'étais et ce que je n'avais pas été capable de faire...

* * *

- Link... On peut entrer ?

Détournant tristement la tête de la fenêtre, je vis Hyr'iah et Amipha qui attendaient à l'entrée. Les Gerudos semblaient s'être bien occupées de cette dernière, puisqu'elle avait l'air complètement remise de ses blessures ; elles étaient même allées jusqu'à lui créer de quoi protéger sa peau du soleil. La voir cependant sans Médolie me fit de nouveau souffrir, un énième rappel de mon échec.

- Si ça ne vous dérange pas, je préfèrerais être seul pour l'instant.

Comme je m'y attendais, elles ne bougèrent pas d'un pouce, la détermination se lisant dans les yeux d'Hyr'iah. Las, je fis un léger signe d'assentiment, tandis que je me retournais déjà pour me soustraire à leur regard. Mais avant d'avoir eu le temps de comprendre ce qu'il se passait, une violente douleur se réveilla sur ma joue, tandis qu'Hyr'iah se massait la main, rouge de colère.

- Ah non ! Pas question d'essayer de nous éviter une fois de plus ! Tu vas te retourner et t'asseoir, si tu ne veux pas la seconde ! On a des choses à te dire !
Surpris par sa réaction, j'obtempérai sans hésiter. Hyr'iah se cala dans un coin, le regard sévère, tandis qu'Amipha se posait juste en face de moi, inquiète.
- Maintenant que nous avons ton attention, on va pouvoir discuter ! Où est passé le jeune voï plein de fougue et de courage que j'ai rencontré la première fois ? Était-il là juste pour m'impressionner ? Je ne crois pas ! Le garçon que j'ai croisé avait quelque chose qui imposait le respect, qui donnait envie de le suivre et de se surpasser ! Qu'est-il devenu ? Depuis que ton amie est morte, tu ne fais rien d'autre que passer tes journées ici à te morfondre et à t'apitoyer sur toi-même ! Et ça, ce n'est pas le Link que j'ai connu ! Le Link d'avant se serait relevé et aurait continué à se battre, même si la défaite semblait inéluctable pour les autres ! Il aurait redonné espoir à ses amis et il serait allé jusqu'au bout, quelques soient les obstacles devant lui ! Et surtout, même mis à terre, il se serait relevé au lieu de se replier sur lui-même en pleurant ! Crois-tu vraiment que Médolie s'est sacrifiée pour que tu sois dans cet état ? Que dirait-elle si elle te voyait ? Oui, elle est morte et sa perte nous a tous touchés, toi le premier. Mais tu ne peux pas laisser tomber les autres uniquement pour ça. Je ne te demande pas de l'oublier, mais d'accepter le fait que tu ne pourras rien y changer. Les autres comptent sur toi, tout comme Médolie a pu compter sur toi. Vas-tu les abandonner à leur sort, ou bien vas-tu te relever et continuer à les aider ? Tu n'es pas un incapable comme tu l'imagines, loin de là ! Je n'ai jamais rencontré de personne aussi courageuse et loyale que toi, et je parle au nom de toutes les Gerudos. Attaquer un Moldarquor de front pour sauver ses amies, c'est du jamais-vu auparavant. Tu es un être plein de ressources, avec du courage et de la détermination à revendre. Alors cesse de te rabaisser, car tu vaux bien plus que tu ne le penses.

Je m'attendais à des remontrances, mais je ne m'attendais absolument pas à un tel discours. Comment pouvait-elle encore me faire confiance malgré ce qui s'était passé ? Et les autres... pensaient-ils vraiment la même chose de moi ? Pourquoi ne me considéraient-elles pas comme responsable ? Tout se bousculait dans ma tête, sans savoir quoi en penser. Me disait-elle ça par pitié, ou croyait-elle vraiment ce qu'elle disait ? Pourquoi dans ce cas étais-je le seul à me sentir comme un fardeau ? Je ne savais plus quoi dire, ni faire. Et pendant que je bataillais intérieurement, je sentis Amipha se serrer contre moi, tristement.

- Link, je sais que tu te sens responsable de ce qui est arrivé à Médolie, mais ce n'est pas ta faute. Elle savait parfaitement qu'en faisant cela, elle ne reviendrait pas, mais elle l'a fait et elle l'a fait pour toi ! Pas pour Hyr'iah, pas pour moi, pas pour son peuple, mais pour toi ! Elle savait que même sans elle tu continuerais à aider les autres, et ce malgré tous les obstacles. Tu nous l'as prouvé en venant à notre secours alors qu'on pensait que tout était perdu. Quand on a été amenées à la falaise, on croyait que c'était la fin pour nous deux, mais tu es arrivé et tu nous as aidées, et ce en n'hésitant pas à mettre ta propre vie en danger pour détourner l'attention du monstre. Le simple fait de te voir nous a redonné espoir, car on savait désormais que quoi qu'il se passe, on pourrait toujours compter sur toi. Même quand tout semble perdu d'avance, tu n'hésites pas à te battre pour ce qui est juste, et c'est pour ça que moi, Hyr'iah, Zelda... on a tous confiance en toi. Médolie aussi avait confiance en toi. Et c'est justement parce qu'elle croyait en toi qu'elle a choisi de se sacrifier pour nous sauver. Link... tu ne peux pas baisser les bras, pas après tout ce qui s'est passé. Si tu abandonnes, Médolie sera réellement morte pour rien. Je t'en supplie Link, n'abandonne pas. Si tu ne veux plus le faire pour Zelda, pour Hyrule ou même pour moi, je t'en conjure, fais-le au moins pour elle, que son sacrifice ne soit pas vain. Par pitié Link... ne nous abandonne pas... ne m'abandonne plus...

Alors qu'elle disait cela, je sentis mon coeur se serrer. Déesses, comment avais-je pu être aussi égoïste ? Je n'avais même pas pris le temps de réfléchir à la peine que devait ressentir Amipha après ce qui s'était passé. J'aurais dû être à ses côtés pour l'aider à traverser cette épreuve, et au lieu de cela j'avais fui lâchement, préférant me concentrer sur ma propre peine... Elle avait vécu des choses que jamais un enfant ne devrait connaître, et je n'avais même pas été là pour elle. Et c'était elle qui finalement venait m'aider... Et les autres... Impa, Zelda, les Piafs, les Zoras...je les avais abandonnés eux aussi. Pourquoi ne le comprenais-je que maintenant ? Tous m'ont aidé et me font confiance, et jamais je n'aurais dû l'oublier. Mais alors pourquoi étais-je le seul à douter de moi ? Tout ce que j'avais fait, c'était uniquement par instinct, sans vraiment savoir ce que je faisais sur le coup... Était-ce pour cette raison que les gens me faisaient autant confiance ? A cause de cette capacité à faire ce qu'il faut sans se poser de questions ? J'avais mal à la tête tellement je ne savais plus où j'en étais. J'étais bloqué face à une question qui me rongeait depuis maintenant des mois... Qui étais-je réellement ?
Au bout d'instant, Amipha se retira et recula vers Hyr'iah, mal à l'aise.

- Link... Avec ce qu'il s'est passé, Hyr'iah pense que le mieux pour moi serait de retourner au Domaine un moment. Si on est venues, c'est aussi pour t'annoncer que je pars demain matin... Je voulais que tu saches... que si tu préfères rester encore un moment ici seul pour réfléchir, je comprends parfaitement. Promets-moi juste que tu prendras soin de toi.

* * *

Assis sur le perron de la maison, je regardais le soleil se coucher au loin. Cela faisait maintenant plusieurs heures qu'Hyr'iah et Amipha étaient retournées à la cité, me laissant seule avec mes pensées. Je ne cessais de me remémorer ce que j'avais vécu depuis maintenant quelques mois, et essayais de mieux comprendre, ou plus exactement de mieux me comprendre... Et plus je ressassais mes souvenirs, plus j'étais contraint d'admettre que les filles avaient raison. Malgré les obstacles qui s'étaient dressés sur notre route, je n'avais jamais reculé...alors pourquoi était-ce différent aujourd'hui ? La réponse, je la connaissais déjà... la peur. Peur de perdre une autre personne qui m'est chère, peur d'échouer et de décevoir ceux qui croient en moi. Mais tout au fond de moi, je sentais qu'il y avait encore une autre raison... J'avais peur de me retrouver seul, et de me perdre... je me rappelais encore avec horreur de l'excès de colère lorsque j'avais vu Zelda au Domaine, ou de l'envie de meurtre qui m'avait envahie quand Kelar'iah était apparue sur la place de la cité. Et cette version de moi m'effrayait plus que tout. Ma plus grande crainte était de voir un jour ce côté sombre finir par m'envahir. Et c'est ce qui risquait d'arriver si je continuais à me tourmenter de cette manière, d'autant plus qu'Hyr'iah avait raison sur un point : ce n'était certainement pas pour ça que Médolie s'était sacrifiée. Je ne pouvais pas l'oublier, mais je ne pouvais pas continuer à me lamenter alors que les autres continuent à compter sur moi. Et il était hors de question que je les laisse tomber de nouveau, Amipha en première.

C'était décidé, j'irai rejoindre Amipha à la cité Gerudo, et dès demain on rentrerait ensemble au Domaine aider les autres. Le coeur un peu plus léger, je me dépêchai de retourner à l'intérieur récupérer mes affaires. Mais à l'endroit où se trouvaient auparavant mon épée et mon bouclier, plus rien. Et la surprise fut d'autant plus grande lorsque je vis une lame apparaître devant ma gorge, tandis que l'on attachait mes mains avant de me forcer à me mettre à genoux devant une personne de dos à moi. A ses côtés se tenait Kelar'iah, l'air satisfaite.

- Je suppose que c'est cela que tu cherches ? Ne t'en fais pas, tu n'en auras pas besoin là où on va.
Cette voix... non... ce n'était pas possible... pas encore...
- Il nous aura fallu beaucoup de temps pour enfin te retrouver. Mais ne t'inquiète pas pour ça, je compte bien le rattraper une fois que l'on sera de retour à la Citadelle. Après tout, on ne voudrait pas que le pire criminel d'Hyrule ne puisse pas profiter des geôles du palais.
Et tandis que je sentais le monde s'effondrer une fois de plus autour de moi, je vis Zelda se retourner vers moi, un sourire cruel sur son visage.
- Bonjour Link. Je suis heureuse de te revoir.

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "USSYorktown". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 08.06.25