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Le prince sanglant, ou la dernière femme-rose

Ecrit par Morticia, puis par El Wap à partir du chapitre 49, en 2008

Chapitres 1 à 30  •  Chapitres 31 à 60  •  Chapitres 61 à 81
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Prologue

FlammeLe froid du poison la possédait peu à peu, et sa mort approchait. La douleur était sourde, diffuse, elle se confondait avec celle qu'elle éprouvait au quotidien depuis toujours. Ses souvenirs... Avant le grand saut, avant de mourir, elle devait rassembler ses souvenirs...
Elle s'appelait... Non, c'était un mauvais début. C'était justement la quête de son nom qui l'avait conduite jusque là... Oui, elle s'en souvenait... Un matin, elle s'était réveillée sans savoir qui elle était. C'était... quelques semaines plus tôt, peut-être même quelques jours à peine ! Quelle importance, maintenant qu'elle allait mourir ? Elle ne savait même plus sa race. En fait, elle n'était même plus sûre d'être bien une femme, mais ça non plus ne comptait plus. Qu'est-ce qui avait de l'importance alors ? L'homme... L'homme qui l'avait tuée, qui l'avait surprise alors qu'elle allait s'endormir. Même en tant que simple spectre, elle reviendrait se venger. Elle ne connaissait pas son nom et son apparence, mais ça faisait aussi partie des détails dont elle ne se préoccupait plus. Quand elle le verrait, quand son fantôme le verrait, elle saurait. Et elle se vengerait.
Alors Hyrule tout entier saurait que nul répit n'était possible pour ceux qui avaient osé s'attaquer à elle, la dernière femme-rose de tout le royaume d'Hyrule.
Une nouvelle crise de douleur la surprit, et la jeune femme perdit connaissance.

Chapitre 1   up

- Je croyais qu'il y avait une femme à la tête du royaume, avança-t-elle.
- Il y en avait une il y a tout juste cinq ans, mais il y a eu un coup d'état. Par Din, quand je pense que nous pensions que ce genre de choses était terminé avec la disparition de Ganondorf ! Et il a fallu qu'un autre tyran nous tombe dessus ! Notre pauvre Hyrule doit être maudite...
Malon semblait sincèrement peinée, et pendant un instant elle faillit avoir pitié d'elle. Mais quelque chose venant de son passé perdu lui dit que la pitié était parfaitement indigne d'une femme-rose et qu'elle avait intérêt à ne pas s'intéresser de trop près à ce nouveau roi.
- Enfin, au moins, vous avez de la chance, vous êtes encore en vie, soupira Malon. Encore que je me demande si dans notre monde, la vie est vraiment une chance. Après tout, c'est une vie sans rêves, sans espoir, sans bonheur... Parfois, je me dis que je devrais partir à Termina comme l'ont fait tant de personnes !
La femme la regarda se mettre à pleurer. A cause de sa peau de rousse, les larmes de Malon la faisaient devenir rouge, détruisant momentanément sa beauté. Elle se demanda alors si elle aussi savait pleurer, puis elle s'en voulut aussitôt. Les larmes étaient bonnes pour les faibles, comme toutes les démonstrations d'émotion. Quelqu'un lui avait appris cela autrefois, quelqu'un qu'elle aimait et respectait énormément, mais impossible de savoir qui.
- Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris, s'excusa Malon lorsqu'elle put à nouveau se maîtriser. La vie n'est pas facile ici, alors parfois, je craque. Dites-moi, que comptez-vous faire à présent ? Si vous voulez, vous pouvez rester au ranch, ça ne me dérange pas le moins du monde !
Elle considéra la proposition avec dégoût. Elle ? Travailler dans un vulgaire ranch ? Plutôt mourir, une telle chose serait indigne de sa condition ! Les femmes-roses étaient des sorcières, des sibylles, des guerrières, des sages-femmes, mais certainement pas de vulgaires fermières ! Aussitôt, elle se sentit coupable de ses pensées. Malon n'était pas une vulgaire fermière après tout, puisqu'elle l'avait soignée ! Mais même en sachant cela, elle ne pouvait accepter l'idée de rester, ne serait-ce que parce qu'elle avait juré de se venger de celui qui avait tenté de la tuer.
- Je suis vraiment navrée, expliqua-t-elle finalement, mais je ne peux pas rester. On a attenté à mes jours, et ce crime mérite un châtiment.
- Je comprends. Si j'étais à votre place, je... je ferais de même ! Mais de toute façon, vous devez vous reposer quelques jours encore, pour votre bien.
Elle accepta et tenta de sourire pour montrer sa reconnaissance, mais sans succès. Elle se demanda alors si elle n'avait pas été conditionnée, mais cette idée lui sortit de la tête lorsque Malon lui proposa de manger une entrecôte. Elle était tout simplement morte de faim.

Chapitre 2   up

combat dans la forêtElle resta encore quatre jours auprès de Malon. La jeune fille apprécia beaucoup sa compagnie, elle qui vivait seule depuis la mort de son père, Talon, et de leur employé, Ingo, cinq ans plus tôt. Ils avaient été tués parce qu'ils avaient osé s'opposer au roi lorsqu'il avait décidé d'abattre sa jument qu'ils gardaient pour eux, simplement parce qu'elle ne voulait plus lui obéir. Il les avait lui-même décapités avant de faire subir le même sort au cheval, alors qu'autrefois il avait été prêt à tout pour cette magnifique jument qui avait attisé la convoitise de Ganondorf lui-même.
Depuis, Malon était seule en permanence, sauf lorsqu'elle devait aller vendre son lait au bourg d'Hyrule. Ces moments-là étaient encore pires pour elle, car connaissant ce qu'on avait fait à sa famille, les gens l'évitaient. Les Hyliens et toutes les autres races craignaient plus que tout de contredire leur roi. La présence de cette jeune femme étrange lui permettait donc de se divertir un peu, et elles devinrent rapidement amies, même si l'inconnue ne pouvait admettre un tel concept à cause d'un passé qu'elle ne connaissait pas mais qui lui imposait ses opinions.

Et puis, le temps du départ arriva. Malon offrit à sa nouvelle amie des provisions, une tunique verte d'homme et un jeune cheval qui ne portait pas de nom pour une obscure raison qu'elle refusait de donner. Alors qu'elle s'éloignait sur sa nouvelle monture, la jeune femme eut un mauvais pressentiment, comme si elle ne devait jamais revoir Malon vivante. Mais un problème plus concret et immédiat l'empêcha de se pencher plus longuement sur cette idée : elle ne savait absolument pas où aller. Elle savait qu'il y avait plusieurs races à Hyrule, et que certaines pourraient peut-être l'aider, mais elle ignorait lesquelles et surtout où elles vivaient. Elle choisit donc une direction au hasard et lança son cheval au galop.
Après un peu moins d'une journée à cheval, elle arriva devant une forêt, ce qui lui sembla un bon présage. Après tout, le terme de femme-rose auquel elle se raccrochait désespérément depuis quelques jours sous-entendait un rapport assez étroit avec la nature, et les forêts abritaient rarement des enfants de choeurs, ce qui était en accord avec les projets de la jeune femme.
Même si ces bois ne renfermaient que des créatures, elle était persuadée de pouvoir les charmer, les enchanter pour qu'elles acceptent de la suivre. En fait, elle était même sûre que cela avait un rapport avec le fait d'être une femme-rose et qu'elle avait suivi une longue éducation pour arriver à cela. Une éducation douloureuse aussi... Elle décida de ne pas chercher à aller plus loin dans ses souvenirs ce soir-là, et au passage de n'entrer dans le bois que le lendemain matin. Il y avait trop de chances pour que des choses soient "vraiment" dangereuses pour y entrer de nuit et sans armes, et elle ne se souvenait pas être assez folle pour prendre un tel risque.

Le lendemain matin, elle entra dans les bois avec son cheval. Elle avait tout d'abord songé à le laisser à l'orée, mais le jeune étalon avait refusé de la quitter et lui avait même jeté un regard noir lorsqu'elle avait prétendu l'attacher à un arbre mort. Il n'avait pas voulu non plus qu'elle le monte, comme si l'idée d'avoir un cavalier pouvant gêner sa fuite dans cette forêt l'inquiétait. D'ailleurs, au milieu de ses arbres sombres qui masquaient la lumière du soleil, la jeune femme se demanda si laisser tomber son exploration serait vraiment une si mauvaise idée que ça. Elle n'était pas peureuse, mais quelque chose l'inquiétait, comme une sorte de présence pas vraiment animale, mais vivante et agressive tout de même.
Elle s'arrêta alors pour trouver ce que cela pouvait bien être. Son cheval n'était pas à l'aise non plus, elle sentait qu'il voulait quitter cet endroit au plus vite, tout comme elle. Quelque chose bougea alors à côté d'eux, une sorte de grosse fleur. Comment elle avait pu pousser autant sans lumière, c'était un mystère, tout comme le fait qu'elle bouge sans l'aide d'un animal de passage ou d'un souffle de vent.
La plante passa alors à l'attaque découvrant des pétales ressemblants plus à des dents qu'à autre chose et qui cherchait à s'enfoncer n'importe où dans la chair de la jeune femme. Elle ne savait pas comment réagir, stupéfaite qu'une simple fleur puisse représenter un danger pour elle et incapable du moindre mouvement. De toute façon, elle savait qu'elle n'avait pas d'arme, qu'aurait-elle pu faire ?
Son fatalisme disparut comme par enchantement quand la fleur planta ses dents dans sa jambe et commença à tirer dessus. La jeune femme parvint à se dégager, mais la fleur n'abandonna pas pour autant. Elle s'éloigna juste assez pour être en sécurité, puis regardant sa blessure, des souvenirs lui revinrent. Autrefois, elle avait déjà été confrontée à une plante telle que celle-là, et elle lui avait imposé sa volonté. Parce qu'elle était une Hylienne, non, mieux, une femme-rose, et que ce n'était qu'une fleur, c'était elle la plus forte. Elle se plaça donc face à son ennemie, et la regarda fixement.
- Tu ne me fais pas peur, déclara-t-elle. Tu ne peux rien contre moi, parce que tu n'es qu'un végétal et que je suis bien plus, alors calme-toi et laisse-moi en paix !
La fleur n'apprécia pas du tout. Elle émit une sorte de parfum enivrant, un peu comme un encens démoniaque emprisonnant les sens. Sans s'en rendre compte, l'amnésique se retrouva entourée par des dizaines de ces fleurs qui toutes n'avaient qu'un seul désir : s'emparer de sa sève de vie, son sang. Une force venue de son passé s'empara alors de la jeune femme qui sentit toute peur, toute angoisse disparaître tandis qu'une puissance l'envahissait.
- Arrière, pauvres sottes ! s'exclama-t-elle d'une voix caverneuse, comme venue d'outre-tombe. Seriez-vous donc idiotes au point de ne pas sentir l'odeur d'une femme-rose ? Je devrais vous punir pour cela ! Alors laissez-moi passer avec mon compagnon, ou je rendrai vos graines stériles et vous disparaîtrez toutes !
Les plantes peu à peu retournèrent dans leur cachette et disparurent toutes, laissant la jeune femme et son cheval seuls. Elle ne comprenait pas ce qui s'était passé, ni pourquoi ces fleurs tueuses l'avaient laissée juste parce qu'elle était une femme-rose. D'un autre côté, elle ne savait même pas ce qu'était exactement une femme-rose...
- Allez, on y va ? proposa-t-elle à son étalon. Je m'occuperai de ce mystère plus tard, pour l'instant il faut que je trouve un coin tranquille pour soigner cette vilaine morsure.

Ils marchèrent encore pendant quelques minutes avant de déboucher sur une grande clairière éclairée où se trouvaient une vingtaine de petites maisons de bois. Ce n'était pas vraiment un village, ça ressemblait plutôt à une sorte d'immense terrain de jeu. D'ailleurs, il y avait une grande majorité d'enfants parmi les personnes présentes un peu partout. Soudain, l'un d'eux, un petit rouquin à l'air autoritaire, remarqua sa présence.
- Regardez ! hurla-t-il. Il y a quelqu'un qui a franchi le champ de baba-mojos ! Venez vite, il y a une fille qui vient d'arriver avec un cheval, et elle est blessée !
En un instant elle se retrouva entourée par une trentaine d'enfants qui la prirent par la main pour la faire entrer dans leur village. Tous ils souriaient, comme si sa présence était une bonne nouvelle, comme s'ils l'attendaient depuis toujours. Puis au loin, elle aperçut un homme de son âge, une silhouette en fait, qui la fixait d'un air étonné, incrédule. Et elle le connaissait, elle en était absolument certaine.

Chapitre 3   up

Les enfants emmenèrent la jeune femme dans une des petites maisons, et le petit rouquin la força à s'allonger sur le minuscule lit qui s'y trouvait. Il regarda sa blessure et y appliqua une sorte de mousse vert pâle.
- Vous avez de la chance, déclara-t-il sérieusement. Vous vous en tirez avec une seule morsure, et même pas grave en plus. D'habitude, soit les gens sont mourants en arrivant, et on peut juste préparer leur tombe, soit ils ne passent même pas.
- Si tu le dis... Au fait, où suis-je exactement, et pourquoi y a-t-il autant d'enfants ici ? Vos parents se sont tous fait tuer ?
Il lui jeta un regard surpris et méfiant, et elle se demanda si elle n'avait pas fait une gaffe. Ce village était peut-être très connu à Hyrule, et la raison de la présence de tant d'enfants l'était peut-être aussi.
- Vous êtes au village kokiri, expliqua-t-il comme si c'était la plus évidente des choses. Et nous ne sommes pas des enfants d'Hyliens, mais des Kokiris. Qui êtes-vous donc pour ne pas savoir ça ?
- C'est ce que j'aimerais bien savoir, murmura-t-elle. Enfin, je sais maintenant que j'ai fait une erreur en venant ici. Je voulais trouver des guerriers ou des créatures capables de m'aider à me venger, mais ce n'est sûrement pas ici que je trouverai ce genre de personnes.
Le petit Kokiri éclata de rire et la regarda d'un air moqueur.
- T'es vraiment idiote ! On a des gens très dangereux ici, ils sont venus pour préparer la résistance contre le roi ! On a même deux Gorons, trois Zoras, sept Hyliens, quatre Gerudos et surtout un Sheikah ! Alors, il n'y a toujours personne pour t'aider ici ?
Non, pour ce qu'elle en savait, il n'y avait toujours personne. Ces noms ne lui disaient rien, ou plutôt ils ne lui rappelaient qu'un souvenir très vague et encore plus lointain. Elle les avait connus et fréquentés, mais impossible de dire plus exactement ce qu'ils étaient. La jeune femme aurait aimé poser des questions au Kokiri, mais l'expression moqueuse, presque méprisante de celui-ci l'exaspérait, et elle n'avait pas envie de la supporter plus longtemps.
- Je pense que ça devrait aller, répondit-elle. De toute façon, je n'ai pas trop le choix, n'est-ce pas... Comment t'appelles-tu au fait ?
- Je suis Mido, et je suis le chef du village ! Si t'as un problème, c'est à moi qu'il faut demander ! En plus, je sais toujours tout ce qui se passe et je connais tout le monde !
- Super... Bien, ce n'est pas que je m'ennuie Mido, mais j'aimerais bien pouvoir marcher un peu, histoire de voir comment est le village.
- Ça risque de ne pas être possible, objecta le petit garçon. Vous avez été mordue par une baba, et des fois elles ont du venin, alors vous devez rester au calme ici jusqu'à votre guérison ! D'ailleurs, je vais vous laisser vous reposer et je vais demander à un Hylien de s'occuper de votre cheval !
Sans lui laisser le temps de protester, le rouquin sortit en courant. Tout d'abord énervée d'être traitée en infirme, la jeune femme décida de profiter du calme pour réfléchir, surtout à l'homme qu'elle avait entrevu quelques instants plus tôt. Elle était persuadée qu'ils se connaissaient, et qu'il devait donc pouvoir lui dire qui elle était. D'un autre côté, pour peu que cet homme ait été un ennemi, il pourrait profiter de sa faiblesse pour se débarrasser d'elle. Pendant un instant, elle se demanda même s'il n'était pas celui qui avait tenté de l'assassiner, mais elle écarta rapidement cette hypothèse. Si ça avait été lui, elle l'aurait senti et déjà tué. Petit à petit, portée par ses réflexions, elle s'endormit.

Lorsqu'elle se réveilla, il faisait déjà nuit, et il n'y avait plus un seul bruit dans tout le village. Ce silence lui parut bien plus reposant que la sieste qu'elle venait de faire, et la jeune femme décida de se lever pour se promener un peu. Elle se redressa donc, mais sa tête tourna et elle ne put rester assise longtemps.
- Mido t'a pourtant dit de te reposer, lui signala une voix masculine. Tu n'as toujours pas appris à faire ce qu'on te dit à ce que je vois !
Elle se demanda tout d'abord si ce n'était pas sa conscience qui lui parlait ainsi, mais il lui sembla stupide qu'elle ait une voix d'homme. Elle scruta donc les ténèbres autour d'elle et vit la silhouette qu'elle avait reconnue lors de son arrivée.
- Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
- Te tuer, répliqua sèchement l'homme. Après de longues tortures bien sûr, c'est le moins que je puisse faire pour la mémoire du village. D'ailleurs, je m'étonne que tu poses la question, je t'avais prévenue de ce qui t'arriverait en cas de trahison, non ?
- Je... je vous ai trahi ? répéta-t-elle un peu surprise.
L'idée qu'autrefois elle ait été malhonnête avait déjà effleuré son esprit bien entendu, mais elle ne pensait pas l'avoir été vraiment, et sûrement pas à ce point.
- Ne fais pas l'innocente ! Tu sais très bien de quoi je parle ! A cause de toi, tous les habitants de Kokoriko ont été massacrés ou emprisonnés ! Même Guenn croupit en ce moment dans les geôles d'Hyrule !
- Guenn ?
- Guenn, mon frère, Guenn ! explosa-t-il. Par ta faute, il sera exécuté la semaine prochaine, et je ne peux pas le sauver, parce que je suis recherché par tous les soldats du pays ! Ah ! Il doit être fier de toi, le tyran d'Hyrule ! Tu l'as vraiment bien servi ! Au fait, pourquoi tu n'es pas à la cour en ce moment ?
Elle resta muette, horrifiée par ce qu'il l'accusait d'avoir fait. Non, elle ne pouvait pas avoir commis cette atrocité, c'était parfaitement impossible ! Et surtout, surtout, elle ne pouvait pas avoir servi l'homme qui avait fait tant de mal à Malon ! Elle n'était pas un ange autrefois, elle le sentait à présent, mais aider au massacre de tout un village...
- Tu ne veux pas répondre ? se moqua l'homme. Laisse-moi deviner... Il a voulu avoir plus en toi qu'une simple employée en te mettant dans son lit, mais tu as dû refuser à cause de ton serment de femme-rose, c'est ça ? Tu as dû tomber en disgrâce après ce coup-là... Pour un peu, je te plaindrais !
Il la fixa d'un air de défi, comme s'il attendait qu'elle réagisse. Mais la jeune femme était dégoûtée par elle-même pour tenter de se défendre. Cet homme qui l'accusait, elle l'avait bel et bien connu, elle le sentait, elle le savait, et ce qu'il disait n'était que la vérité pure et simple ! Elle avait l'impression que sa tête allait exploser et que ça ne pouvait pas être un mal, puisque le monstre qu'elle semblait être disparaîtrait de la surface du monde.
- Tu ne trouves rien à répondre ? A moins que tu aies appris à accepter le sort que je te réserve... Mais c'est moins drôle comme ça je trouve.
Il sortit une dague d'une de ses bottes et la lui tendit d'un air menaçant.
- Prends-la, ordonna-t-il, et viens dehors pour te battre avec moi ! J'en rêve depuis que je te connais, depuis que tu as ensorcelé mon frère pour qu'il te fasse confiance ! Tu disais être la plus grande combattante de tous les temps grâce à ton stupide maître, et bien nous allons voir ça ! Qui de la femme-rose ou du Sheikah gagnera le combat ?
Ses yeux, son regard avaient maintenant quelque chose de dément, et elle sentit qu'effectivement il devait attendre ce combat depuis longtemps. Mais la femme-rose ne prit pas l'arme, ne sachant pas si elle serait capable de se battre. Quoi qu'elle ait pu dire par le passé, elle était à présent même incapable de dire par quel côté se prenait la dague, et elle ne parlait même pas de s'en servir. D'ailleurs, avec le poison de la baba, c'était tout simplement impossible, et rien qu'en marchant jusqu'à l'extérieur elle risquait de s'évanouir.
Elle pensait avoir réussi à cacher sa peur, mais l'homme se calma, un peu comme s'il pouvait sentir sa terreur. Puis brusquement, ses traits se décontractèrent et il la fixa d'un air étonné, presque plein de pitié.
- Alors toi aussi tu es victime de l'amnésie, murmura-t-il. Excuse-moi de t'avoir prise pour une simple servante du roi...

Chapitre 4   up

- Tu comprends, si tu es amnésique, tu ne peux pas être avec ce fichu tyran, déclara le Sheikah. Son sort ne marche que sur ceux qui l'ont trahi ou qui sont contre lui. On le sait parce qu'il a tenté de nous envoyer de faux amnésiques pour nous espionner, mais ça n'a pas marché.
- Pourquoi cela ?
- Les vrais amnésiques ont quelque chose de particulier dans le regard, et j'ai appris à le reconnaître. D'ailleurs, je suis peut-être la seule personne dans tout Hyrule à pouvoir le faire !
Il se ventait certainement, mais elle préféra ne rien dire. Cet homme la connaissait, et si elle voulait apprendre qui elle était, mieux valait s'attirer ses bonnes grâces. De plus, il avait l'air de ne pas beaucoup l'aimer, et elle ne se sentait pas particulièrement en forme pour répondre à un nouveau défi.
- Et comment les gens deviennent-ils amnésiques ?
- J'aimerais bien le savoir... Link est le seul à le savoir, et ça m'étonnerait qu'il décide de révéler ce secret aux rebelles que nous sommes.
Link... ce nom lui était étrangement familier. Qui pouvait-il être ? Après une courte réflexion, elle réussit à trouver la légende derrière ce nom assez banal. Link était le héros du temps, l'homme qui avait réussi à vaincre Ganondorf quelques années plus tôt, et qui s'était ensuite plus ou moins fiancé à la princesse Zelda. En tout cas, c'est ce que tout le monde disait, et on l'appelait depuis le Prince d'Hyrule. Mais il y avait autre chose que cette histoire que tout le monde connaissait sur lui, la jeune femme le sentait. Comme si Link et elle avaient été très proches autrefois, proches comme elle ne l'avait jamais plus été de qui que ce soit par la suite, et comme elle ne le serait probablement jamais plus.
- Mais toi, tu vas peut-être pouvoir nous aider à découvrir ça, déclara l'homme, interrompant ainsi ses pensées. C'est la première fois que je rencontre un amnésique que j'ai déjà rencontré du temps où il avait encore sa mémoire ! Peut-être que si je t'aide à retrouver qui tu es, tu te souviendras comment tu es devenue amnésique ! Tu n'imagines pas à quel point ce serait important...
- Je crois que si justement... Dites, pour commencer, si vous me disiez mon nom et le vôtre ? Je pense que ça m'aiderait beaucoup.
Il la regarda, visiblement surpris.
- Tu veux dire que... tu ne te rappelles même pas ton nom ? Mais les autres ne l'avaient pas oublié... De toute façon, je ne peux pas t'aider, tu as toujours refusé de nous le donner. Tu aimes trop les secrets, c'est ça ton gros défaut. J'aurais peut-être pu te faire confiance sans ça, déclara-t-il, mais son visage démentait clairement ce qu'il disait.
- Si vous le dites... enfin, puisque je ne peux pas connaître mon nom, je dois quand même pouvoir connaître le vôtre, non ?
- Oui, ça doit être faisable ça. Je m'appelle Yorwan, et je suis, ou plutôt j'étais le chef du village Kokoriko, jusqu'à ton arrivée. Parce que maintenant, à cause de toi, je ne suis plus qu'un simple fugitif !
- Je croyais que ce n'était pas ma faute puisque je n'étais pas à la solde de l'ennemi...
Yorwan la regarda d'un air moqueur et méprisant encore plus désagréable que celui de Mido, ce qui n'était vraiment pas peu dire, songea la jeune femme. Il la détestait, c'était clair, et bien elle ne l'aimait pas beaucoup non plus, ça faisait au moins une chose qu'ils avaient en commun.
- Le village a été attaqué après ta visite, grogna-t-il. Et quelle coïncidence, tu venais juste de partir ! Alors au mieux, c'est à toi qu'on en voulait et tu as juste eu de la chance, et au pire...
- Au pire, je le savais et je me suis enfuie sans rien dire, c'est bien ça ? J'aimerais sûrement savoir la vérité autant que vous...
Mais elle la savait la vérité, elle en était sûre. La jeune femme ne se connaissait que depuis quelques jours, mais elle savait déjà comment elle réagissait en général. Sa survie lui paraissait plus importante que celle d'un village de bouseux sans importance, et elle l'était d'ailleurs. Elle avait découvert l'attaque toute proche et avait levé l'ancre sans dire un mot de peur qu'on ne la force à rester protéger des vies sans importance. Les Sheikahs étaient bien le genre d'idiots à vouloir à tout prix protéger les plus faibles qu'eux.
- Si tu le dis, grommela Yorwan. De toute façon, maintenant que tu ne peux plus être avec Link, tu es forcément avec nous. Donc tu vas m'aider, ou plutôt nous aider les autres résistants et moi à libérer tous les survivants du village Kokoriko !
Elle aurait dû protester, refuser, le traiter d'idiot parce qu'il osait croire qu'elle allait les aider à sauver une bande de bouseux tellement idiots qu'ils avaient été faits prisonniers, mais elle n'y arriva pas. Son ancien elle aurait peut-être refusé, mais elle ne voulait plus être comme ça, elle ne voulait plus être monstrueuse. Elle hocha donc la tête avant de réaliser brusquement que le jeune homme avait dit quelque chose d'étrange qui n'avait pas sa place dans cette conversation pour ce qu'elle en savait.
- Qu'est-ce que Link vient foutre dans cette histoire ? demanda-t-elle. Et pourquoi je ne peux plus être dans son camp ?
Il lui jeta un regard sincèrement surpris sans la moindre trace de mépris pour une fois.
- Mais parce que c'est lui le tyran qui martyrise Hyrule ! Tu ne t'en souvenais plus non plus ?

Chapitre 5   up

LésaElle passa le reste de la semaine enfermée dans la maisonnette, mais elle était rarement seule. Tout le monde voulait voir celle qui avait réussi à passer seule la barrière formée par les baba-mojos. Les Kokiris surtout lui posaient des centaines de questions auxquelles elle ne pouvait que rarement répondre à cause de sa mémoire défaillante. La plus curieuse de tous était une fillette blonde qui s'intéressait énormément au monde extérieur.
- Quand même, c'est bête que tu te souviennes plus de rien, déclara un jour la petite fille. Je suis sûre que t'as vécu des tonnes et des tonnes d'aventures super géniales !
- Sur ce point, je suis assez d'accord avec toi petite. Mais c'est comme ça et on y peut rien.
- Moi je suis sûre que Saria elle aurait pu faire quelque chose pour toi si elle n'avait pas été enfermée dans le temple de la forêt ! Elle est un sage après tout, hein Mido ?
Le rouquin lui jeta un regard noir qui signifiait clairement qu'elle ferait mieux de se taire, mais la fillette ne sembla pas le remarquer.
- Les sages sont des gens très puissants avec pleins de pouvoirs, expliqua-t-elle à la jeune femme. Mais ils ont été enfermés dans leur temple à chacun par le roi ! C'est vraiment un méchant lui... Mido dit qu'il l'a connu et qu'il a toujours été très très vilain, pas vrai ?
- Boucle-la un peu Lésa, cette fille n'a pas besoin d'en savoir trop, grogna Mido. Elle LUI ressemble beaucoup, et ça fait d'elle un danger potentiel.
La petite blonde jeta un regard un peu inquiet à la jeune femme, mais elle se remit rapidement à sourire comme si elle n'accordait pas la moindre importance aux déclarations du rouquin. D'ailleurs, personne ne semblait le prendre bien au sérieux, à part lui bien sûr.

Ce soir-là, alors qu'elle essayait de s'endormir, la jeune femme reçut une visite.
- Vous dormez ? demanda une voix étouffée. J'ai quelque chose d'important à vous montrer, vous devez venir !
- Lésa ? Tu as une idée de l'heure qu'il est ? J'allais m'endormir !
- Si vous ne dormiez pas, je vous ai pas réveillée, donc c'est pas grave, non ? Levez-vous vite, il faut que vous veniez avec moi !
Elle se redressa et regarda la petite blonde droit dans les yeux. Celle-ci souriait largement, comme toujours. Son optimisme débordant était vraiment épuisant et déprimant à force...
- Qu'est-ce que tu veux me montrer de si important ? Je suis fatiguée moi...
- Il faut que tu viennes avec moi au temple de la forêt pour aider Saria ! En échange, elle va sûrement pouvoir te redonner ta mémoire, et tu me raconteras toutes tes aventures !
Elle la regarda, un peu surprise. Elle ne voyait pas en quoi cette Saria qui semblait vivre cloîtrée dans ce temple stupide pourrait bien l'aider. D'un autre côté, si elle faisait ça, cette gamine la laisserait peut-être dormir un peu...
- Tu me fatigues, mais bon... je vais tenter le coup, histoire de voir. Attends une seconde que je me lève, et on y va.
Ça, c'était plus difficile. Après une semaine passée sans bouger, sortir de son lit fut toute une aventure pour la jeune femme. Elle manqua même de tomber mais se rattrapa à temps. Ce n'était pas un très bon présage pour le reste de la nuit...
Lésa la conduisit jusqu'à la forêt en marchant sur la pointe des pieds. La petite blondinette semblait trouver cette escapade nocturne follement amusante tandis que la jeune femme la trouvait juste follement stupide et inutile. Elles allaient pénétrer dans les bois lorsqu'un groupe d'hommes et de femmes leur barra le chemin. L'un d'entre eux n'était autre que Yorwan qui ne semblait pas particulièrement étonné de les voir là.
- J'en étais sûr, se moqua-t-il. Tu veux aller voir le sage de la forêt, n'est-ce pas ? Autant te prévenir, les sages n'aiment pas plus que ça les femmes-fleurs.
- Saria l'aidera forcément si elle lui demande, intervint Lésa. Elle est très, très gentille, et elle déteste énormément le roi ! Mido dit qu'il a tué son meilleur ami !
- S'il n'avait tué que lui ! grogna le Sheikah. Ecoute petite, tu ne devrais pas traîner la nuit avec elle, c'est dangereux. Tu n'as pas idée de ce qu'elle pourrait te faire.
- Accompagnez-nous alors, proposa la fillette en souriant largement. Flamme pourra pas me faire du mal si vous êtes là, non ?
- Flamme ? releva la jeune femme.
- Tes cheveux sont comme du feu, et ton esprit aussi. Donc comme tu te souviens pas de ton nom, maintenant tu t'appelleras Flamme. Ça te plaît ?
Oui... oui, ça lui plaisait. Comme si ce sobriquet trouvé par cette enfant sans cervelle avait été un reflet de son véritable nom, de sa véritable identité. Mais non, c'était impossible. Cette idiote qui ne la connaissait que depuis quelques jours ne pouvait pas avoir vraiment découvert une telle chose. C'était juste son désir de découvrir qui elle était qui lui donnait cette impression de voir partout des signes de son ancien moi.
- Comme tu veux, répondit Flamme d'un ton détaché. Je n'en ai rien à faire.
- Super ! Bon, on y va ? Le temple n'est pas tout, tout à côté, alors il faut se dépêcher. Si on n'est pas rentré à l'aube, Mido le saura et il va encore râler !

La fillette les guida à travers les bois perdus, évitant les ronces et autres buissons ainsi que les babas-mojo, comme si elle arrivait à voir dans le noir aussi clairement qu'en plein jour. Une espèce de gros bonhomme court sur pattes qui semblait en pierre lui demanda d'ailleurs si elle était souvent venue au temple, mais Lésa affirma qu'elle n'y était allée qu'une seule fois, un peu après l'apparition des nombreuses babas qui coupaient le village du reste d'Hyrule.
- Comment tu te repères alors ?
- Je sens les plantes autour de moi. Saria m'a dit un jour que si elle ne l'était pas déjà, je serais sûrement devenue sage de la forêt un jour. Mais je crois qu'elle a dit ça rien que pour me faire plaisir.
- Je n'en suis pas aussi sûr, objecta Yorwan. Les sages ne disent rien qui ne soit vrai, puisque le mensonge appartient à un niveau de la vie auquel ils n'appartiennent plus. Les dons que tu as sont donc probablement réels.
- Super ! Ça c'est vraiment une très, très, très bonne nouvelle ! Je suis vraiment contente ! Dis Flamme, comme je suis presque un sage, quand tu partiras du village, je pourrais venir avec toi ?
- Les Kokiris ne doivent pas quitter la forêt, grogna l'intéressée. S'ils partent, ils meurent, et je n'ai pas particulièrement envie que ça t'arrive.
La raison de cette répugnance à l'idée de la mort de Lésa lui semblait des plus évidentes : si la fillette blonde lui mourait entre les mains, elle aurait encore plus d'ennuis, or ceux qu'elle avait déjà lui semblaient plus que suffisants. Mais la petite fille ne dut pas le comprendre comme ça, car elle se jeta sur la jeune femme et la serra dans ses bras.
- Moi aussi je t'aime Flamme, s'exclama-t-elle totalement euphorique. Et j'veux pas que tu meures non plus, jamais !
- Lésa, qu'est-ce que tu fais à hurler devant le temple à une heure pareille ? demanda brusquement une voix enfantine. Et c'est qui tous ces gens avec toi ? Les non-Kokiris ne doivent jamais venir ici, tu le sais pourtant, non ?
Une petite fille aux cheveux verts venait d'apparaître au milieu du groupe. Elle était très jolie et souriait largement, mais ses yeux dénonçaient une tristesse immense et éternelle, causée par la trahison d'un être cher. Oui, songea Flamme, seuls ceux qu'on aimait pouvaient être à l'origine d'une telle douleur. Mais malgré cela, la petite fille semblait forte et puissante, bien plus qu'aucun d'entre eux... et terriblement faible aussi. Non, comment pouvait-on être faible et fort à la fois ? C'était impossible. A moins que...
Lésa s'approcha de l'autre enfant, et la jeune femme comprit d'où venait cette impression de faiblesse lorsque la main de la petite blondinette traversa l'épaule de son amie. L'autre Kokiri n'avait pas de corps, elle n'était qu'un esprit. Un esprit puissant, certes, mais un simple esprit malgré tout, incapable de la moindre sensation physique, du moindre plaisir, de la moindre douleur.
- Flamme, je te présente Saria, le sage de la forêt, annonça Lésa. Saria, je te présente Flamme. C'est une femme-fleur tu sais !
- Ça se voit, murmura la fillette. Cette beauté, cette perfection, cette arrogance, cette insensibilité... Il n'y a que chez ces salopes de femmes-fleurs qu'on peut les trouver.

Chapitre 6   up

- Qu'est-ce que tu entends exactement par "salopes" ? s'enquit Flamme aussi poliment que possible. Vous avez déjà rencontré certaines des nôtres ?
- Pas personnellement. Mais tout le monde connaît votre réputation. Les femmes-fleurs sont des séductrices, assoiffées de pouvoirs, sans scrupules, menteuses, voleuses, manipulatrices et fourbes. Il aurait fallu toutes vous tuer !
Elle ne disait pas toute la vérité, c'était évident. La plupart des femmes étaient telles qu'elle avait décrit les femmes-fleurs, et on ne les insultait pas en face pour autant ! Peut-être un de ses amis avait-il eu des ennuis à cause de leur secte ? Ou bien était-ce tout simplement parce que d'autres avaient comme elle été officiellement aux côtés de Link ?
- Pourquoi tu es aussi méchante Saria ? demanda Lésa. Flamme n'est pas une méchante, elle est de notre côté ! Même que le méchant roi lui a volé sa mémoire. Tu crois que tu pourrais faire quelque chose pour elle ? Dis oui, allez, dis-le, s'il te plaît !
- Non. D'abord, parce que je n'ai plus tous mes pouvoirs, et ensuite parce que je n'aiderai quand même pas une femme-fleur. En plus, ses cheveux n'ont pas une couleur normale, c'est vraiment louche...
La jeune femme se retint de faire remarquer à la petite fille que le vert n'était pas non plus considéré comme une couleur normale pour des cheveux. Saria semblait déjà largement assez énervée, et puis, ses cheveux de feu étaient vraiment étranges après tout.
- Pourquoi tu me fixes comme ça ? demanda froidement la fillette.
- Pourquoi pas ? répliqua Flamme. Dis-moi, c'est une impression ou tu as dit que tu n'avais plus tous tes pouvoirs ?
- En effet, mais ça ne te regarde pas. C'est... une affaire personnelle...
- Tu as perdu tes pouvoirs ? s'horrifia Lésa. Mais c'est... c'est horrible ! On va tous mourir, on va tous mourir, on va tous...
Flamme l'attrapa et mit sa main contre la bouche de la petite fillette pour lui imposer le silence. Elle n'avait pas besoin en plus d'une morveuse en train de paniquer.
- Saria, tu es le sage de la forêt, n'est-ce pas ? demanda-t-elle. Qu'est-ce qui peut se passer maintenant que tu n'as plus tous tes pouvoirs ?
- Comme si ça t'intéressait !
- Il se trouvait que ça m'intéresse justement ! Les Kokiris m'ont plus ou moins aidée, ils sont sous ta responsabilité puisque tu es le sage de l'endroit où ils vivent, donc en toute logique si je t'aide à retrouver toute ta puissance, j'efface ma dette.
La petite fille la regarda droit dans les yeux, manifestement surprise. Les femmes-fleurs étaient-elles donc si cruelles et insensibles pour que même une enfant les haïsse à ce point et ne comprenne pas que l'une d'entre elles voulait l'aider ? Un instant, un court instant, Flamme détesta ce qu'elle avait été autrefois, mais rapidement elle se reprit. Elle était toujours ainsi après tout, son amnésie ne durerait pas indéfiniment, et un jour elle serait à nouveau elle-même.
- Si la forêt n'est pas protégée par un sage ou par le Vénérable Arbre Mojo, les créatures maléfiques et les monstres l'envahissent, mettant en danger la vie des Kokiris. L'Arbre Mojo a été tué par le tyran hylien lorsqu'il a volé le pouvoir, alors jusqu'il y a peu de temps, j'étais la dernière protection des Kokiris. Mais... j'ai fait mon temps comme sage hélas.
- C'est possible ça ? s'étonna Yorwan. Je croyais que les sages gardaient leur titre jusqu'à ce qu'un nouveau sage ne prenne leur place ! Enfin, vous êtes immortels, non ?
- En effet, vous avez raison sur ce dernier point. Mais moi, je suis une Kokiri, alors de toute façon je ne serai jamais morte autrement que par choix ou tuée par quelqu'un ou quelque chose. Nous sommes des enfants éternels !
Pour une enfant éternelle, Flamme la trouvait bien sérieuse et désespérée. Les autres Kokiris qu'elle avait vus étaient loin d'être comme ça pourtant... être sage devait être une responsabilité écrasante, surtout pour une fillette qui ne voulait probablement rien d'autre que rire et s'amuser avec ses amis.
- Et pour le titre de sage, le Sheikah a aussi raison ? demanda la jeune femme tout en pressentant déjà que la réponse serait négative.
- Non. Les sages gardent leur fonction quelques années, puis ils se fondent dans leur médaillon. C'est d'ailleurs ça qui leur donne leur puissance, c'est l'essence des sages, des esprits ni morts ni vivants qui ont accepté de sacrifier leur repos éternel pour le salut d'Hyrule. Mais pour l'instant, je refuse de partir. Un nouveau sage risque d'être choisi, et je ne veux pas qu'il subisse ce que j'ai dû vivre !
- Esprit ni mort ni vivant ? répéta Yorwan. C'est ça que vous prétendez être ? C'est totalement impossible, la mort et la vie sont absolues.
- Et toi, tu es absolument matérialiste, se moqua Saria. Ai-je l'air vivante ? Alors boucle-la et laisse parler ceux qui ont quelque chose d'intelligent à dire pour changer !
Elle se tourna à nouveau vers Flamme et la regarda droit dans les yeux encore une fois. La jeune femme sentit à nouveau ce désespoir, cette infinie douleur qui hantait le regard de la petite fille. Comment rester insensible à cela ? Même elle ne pouvait pas... Elle s'agenouilla et sans trop savoir ce qu'elle faisait serra Saria dans ses bras. Celle-ci ne protesta pas, se mettant même à pleurer.
- Les Kokiris ne sont pas faits pour une telle charge, sanglota-t-elle. Mais il n'y aurait qu'un moyen de changer les choses, c'est qu'un possesseur d'une Triforce enfin réunie souhaite qu'on cesse de voler leur existence à des gens pour qu'ils deviennent sages, et c'est impossible !
Elle s'écarta un peu de Flamme et essuya d'un revers de main ses larmes.
- Link aurait pu le faire, déclara-t-elle, mais maintenant, son voeu ne serait que pour son plaisir personnel.
- Et si moi j'essayais ? proposa la femme-fleur. Ce qu'un simple Hylien est capable de faire, je pourrais bien le faire aussi, non ?
- Peut être... murmura Saria dans un souffle avant de la regarder attentivement. En fait, je suis sûre que tu peux le faire, aussi vrai que les Gorons ont le cuir épais, affirma-t-elle sans faire attention aux grognements qui se firent entendre. Mais ça sera dur, plus dur que tout ce que tu as fait de toute ta vie, et tu souffriras beaucoup. Et quand tu te seras lancée vraiment dans la quête de la Triforce, tu devras aller jusqu'au bout ou mourir. Tu es certaine de vouloir prendre un tel risque, au mépris de toutes les lois de ta secte ?
- Je ne me souviens plus des lois de ma secte, déclara Flamme, et de toute façon je ne laisse personne décider de ma vie. Je ferai ça, pour que plus personne n'ait à supporter cette charge.
Pour que plus personne ne voie ce regard désespéré, cette envie d'en finir dans les yeux d'un enfant qui n'avait rien demandé à personne, ajouta-t-elle en silence. Pour que cette douleur et cette rancoeur disparaissent enfin.
- Tu as fait ton choix, alors permets-moi de te donner mon aide dans la mesure des faibles capacités qui me restent. Je t'offre ma bénédiction, à toi, et à tous ceux qui te suivront durant ton périple. Prends aussi cette harpe, elle vient d'un autre monde et te sauvera peut-être la vie un jour, qui sait... Et maintenant, partez tous ! Le jour va se lever, et si Mido apprend que vous êtes venus ici, il va encore hurler !
Elle éclata d'un petit rire sans joie et ils la quittèrent le coeur lourd, espérant la revoir. Mais tout comme pour Malon, Flamme eut un mauvais pressentiment. Elle ne reverrait jamais Saria dans ce monde...
- Alors, qu'est-ce que tu vas faire ? l'interrogea Yorwan. Tu vas quitter la forêt à la recherche de ton passé, non ? Pauvre gamine, elle t'a fait confiance pour rien !
- Non Yorwan. Je vais bien partir à la recherche de ce que je suis, pour t'aider à trouver le remède à l'amnésie de ce traître de Link, mais je ne vais pas la laisser tomber. Je vais chercher la Triforce en même temps, et je ferai ce que Saria a dit.
Il la regarda, un peu étonné de son petit discours, mais assez impressionné.
- Bravo, femme-fleur, déclara-t-il. Jamais je n'aurais cru qu'un membre de ta secte prendrait de tels risques pour d'autres personnes !
- Etonnant, n'est-ce pas ? Bien, et maintenant, je peux te poser une question ?
- Oui, laquelle ?
- Qu'est-ce que c'est au juste la Triforce ?

Chapitre 7   up

Flamme partit du village dès le lendemain. Yorwan, qui persistait à ne pas avoir confiance en elle, décida de l'accompagner, ainsi que Lésa, malgré ses protestations. La petite fille affirmait qu'elle voulait les aider à réaliser le rêve de Saria, parce qu'elle était son amie, et que cela lui permettrait enfin de découvrir le monde extérieur. La femme-fleur et le Sheikah tentèrent de protester, mais en vain. Tuer un Goron à coups de petite cuillère rouillée aurait été plus simple que de raisonner la fillette.
Ils prirent la direction du désert gerudo. Le Sheikah aurait préféré aller enquêter sur le passé de Flamme au village kokoriko, mais celle-ci demeura intraitable. Le désert, la chaleur, le soleil, éveillaient en elle une nostalgie que le village restauré éteignait, ce qui régla la question, au moins momentanément.

Dès le lendemain de leur sortie de la forêt, les problèmes commencèrent. Yorwan s'était proclamé chef cuisinier pour la petite troupe, ce que les estomacs de Flamme et Lésa n'approuvaient pas le moins du monde. Les deux filles supportèrent ce calvaire une journée et demi avant que la jeune femme ne finisse par craquer.
- Tu ne nous feras pas avaler ça, déclara-t-elle fermement en voyant une sorte de bouille noirâtre. Je veux retrouver mon ancienne vie, pas mourir !
- C'est du gruau, c'est excellent pour la santé, objecta le Sheikah.
- Pas quand c'est toi qui le cuisine ! Même moi je suis sûre de faire mieux que ton poison visqueux !
- Ben voyons, madame fait tout mieux que tout le monde, pas vrai ? se moqua Yorwan. Et bien vas-y, ne te prive pas, fais la cuisine ! puisque tu es si douée, ça ne sera pas trop difficile pour toi...
Elle le foudroya du regard puis le poussa de devant le feu et jeta un coup d'oeil au gruau. C'était rattrapable, mais malgré tout ça ne serait jamais bon. De toute façon, aucun plat au monde avec de la bouillie d'avoine ne serait jamais bon pour la jeune femme. Elle attrapa tout de même le sac où Yorwan rangeait les maigres ingrédients offerts par les Kokiris. Elle attrapa une ou deux épices au hasard, mélangea, mit un autre ingrédient et mélangea encore.
Au final, après une demi-heure de lutte acharnée avec le gruau, elle parvint à en tirer quelque chose de relativement mangeable dont elle remplit leur écuelle. Le Sheikah y goûta, légèrement sceptique et bien décidé à ne lui faire aucun cadeau, et...
- C'est délicieux ! s'exclama-t-il. Flamme, comment as-tu réussi à faire ça ? Même les meilleurs cuisiniers d'Hyrule n'arrivent pas à faire aussi bien que ça !
- C'est juste une impression, se moqua la jeune femme. N'importe quoi te semblerait délicieux après deux jours à manger ton infâme tambouille !
- Non, c'est vraiment excellent ! De la part d'une espèce de féministe enragée dans ton genre, c'est vraiment très surprenant. Enfin, puisque tu nous as révélé tes talents cachés...
Il n'allait pas dire ça. S'il osait dire ce à quoi Flamme pensait, elle l'étranglerait.
- ... je te nomme volontaire pour la corvée cuisine jusqu'à la fin du voyage !
Il avait osé.
- Je ne suis pas ton esclave ! protesta la jeune femme. Je me suis occupée du repas ce soir, mais je ne continuerai certainement pas, surtout si c'est toi qui le veux, albinos minable.
Yorwan encaissa difficilement le coup, ce qui fit sourire Flamme. Elle venait de trouver une insulte qu'elle comptait bien lui ressortir régulièrement. Le jeune homme se préparait à répartir, mais Lésa le coupa dans son élan en se jetant sur la femme-fleur pour la serrer dans ses bras.
- S'il te plaît, occupe-toi du manger, Flamme, supplia la fillette. Sinon, je crois bien que je vais mourir tellement ce qu'il fait est mauvais ! Et tu m'as bien dit que tu voulais pas que je meure, pas vrai ?
La jeune femme soupira. Décidément, elle en avait fait des bêtises la nuit où ils avaient été au temple. Dire à Lésa qu'elle ne voulait pas la voir mourir et promettre à Saria de tout faire pour qu'il n'y ait jamais plus de sages... Avec le recul, elle se disait qu'elle aurait mieux fait d'envoyer balader la petite blondinette, et son instinct de femme-fleur lui disait qu'elle avait plutôt intérêt à le faire cette fois. Flamme soupira à nouveau, puis prit sa décision.
- OK, je vais le faire... mais que ce soit clair, Yorwan, si jamais tu commences à te mettre en tête que je suis à tes ordres, tu reprends tes casseroles et ton couteau de cuisine !
Le sourire légèrement sadique qu'elle afficha alors fit comprendre au Sheikah qu'elle avait une idée bien précise de l'endroit où il récupérerait le couteau en question.

La semaine suivante se passa sans incidents notoires, à part une petite vingtaine de disputes entre Yorwan et Flamme dont deux qui furent suffisamment importantes pour que Lésa prenne la peine d'intervenir avant qu'elles ne dégénèrent trop.
- Vous vous rappelez que vous êtes des adultes et que vous devez me montrer le bon exemple ? lui demanda-t-elle un peu moqueuse après la seconde grosse altercation.
Ils étaient arrivés devant l'entrée du désert gerudo. Déjà, l'air se faisait plus chaud et la terre plus sèche et plus jaune.
- C'est elle qui a commencé, objecta Yorwan. Elle m'a encore traité d'albinos cette espèce de... de... fille !
- Tu baisses dans les insultes, le décoloré, se moqua la jeune femme. Quand on a déteint tes cheveux en blanc, ça n'a pas atteint ton cerveau ?
- Tu n'as donc rien de mieux à faire que d'embêter le monde ? se moqua une voix de femme chevrotante derrière le petit groupe. Je pensais t'avoir éduquée un peu mieux que ça quand même, stupide gamine !
Flamme se retourna aussitôt pour voir celle qui prétendait la connaître. Elle était vieille, impossible de le nier, mais tellement belle encore ! Ses cheveux étaient blancs avec quelques brins roux, ses grands yeux étaient jaunes comme ceux d'un loup, sa peau blanche presque transparente... Malgré ces quelques détails étranges, c'était une idée de perfection qui émanait d'elle.
- Qui... qui êtes-vous ?
- Amnésique en plus, hein ? Je t'avais dit que ce Link ne t'attirerait que des ennuis ! Mais il a fallu que tu n'en fasses qu'à ta tête, que tu te mêles des affaires des Hyliens... Et maintenant, tu as oublié jusqu'à mon nom, le nom de ta marraine de serment ! Quand je pense que je t'ai initiée à nos traditions et nos secrets pour ça !
- Je...
- Pas d'excuses ! Où vas-tu donc, ma fille ? Chez les Gerudos ? Elles ne t'apporteront que de nouvelles interrogations ! D'un autre côté, qui cherche les réponses doit déjà trouver les questions, pas vrai ? Bon courage dans ta quête... Lorsque tu te seras suffisamment retrouvée pour te souvenir vraiment de moi, appelle-moi et je viendrai, si tu en as vraiment besoin.
Puis elle disparut d'un seul coup, ne laissant pas plus de traces qu'un spectre, au grand désespoir de Flamme. Elle avait trouvé quelqu'un qui l'avait à priori connue bien longtemps avant son amnésie, et cette personne refusait de l'aider...
- F... Flamme ? bégaya Yorwan. On a un gros, gros problème là je crois...
La jeune femme regarda le Sheikah d'un air exaspéré. Celui-ci pointait du doigt quelque chose. Une troupe de Gerudos, toutes armes dehors, se tenait face à eux, et elles ne semblaient pas décidées à les inviter à prendre le thé.

Chapitre 8   up

Forteresse gérudoFlamme les regarda, un peu inquiète. La vieille avait dit que les Gerudos lui apporteraient des questions, mais pour l'instant ces femmes rousses semblaient plutôt décidées à leur apporter la mort à tous... Pourquoi ? Ils n'avaient rien fait pourtant ! A moins que... la jeune femme se demanda si elle n'avait pas fait quelque chose aux Gerudos autrefois. Peut-être avait-elle séduit un homme ? Ou même plusieurs ? Elle pouvait s'attendre à tout de sa part.
- Qu'est-ce que vous faites sur notre territoire ? demanda l'une des femmes. Vous venez nous offrir ce mâle ? C'est un beau spécimen...
- Prenez-le, et dans deux jours vous payez pour vous en débarrasser, se moqua Flamme. Il n'est pas trop laid, mais son caractère est horrible.
- Dans ce cas, que faites-vous ici ? Les non-Gerudos n'ont pas le droit de souiller nos terres !
- Je suis amnésique, et l'idée de désert me rappelle vaguement quelque chose. Je pensais venir ici pour tenter de découvrir qui je suis et ce qui m'est arrivé...
- Ton mâle et ton enfant ne peuvent pas te dire ces choses ?
La jeune femme regarda Yorwan puis éclata de rire. Son mâle ? Lui ? Plutôt mourir ! Les sentiments du Sheikah devaient être plus ou moins identiques, car il éclata de rire à son tour.
- L'albinos n'est qu'un compagnon de voyage, et la petite est une Kokiri. Je suis... je suis une femme-fleur, et je ne crois pas que ce genre de... choses, puissent aller avec ma condition.
Les Gerudos baissèrent aussitôt leurs armes et regardèrent la jeune femme d'un air surpris. Celle qui semblait être la chef s'approcha d'elle et la regarda attentivement.
- C'est vrai qu'avec cette couleur de cheveux, j'aurais dû m'en douter... et vos yeux aussi sont révélateurs. Il n'y a que les femmes-roses et les loups-garous pour avoir des yeux jaunes comme ça... Bien, dans ces conditions, vous pouvez vous considérer comme nos invités. Suivez-moi, je vais vous mener à la forteresse.
La jeune femme acquiesça puis suivit la Gerudo sans un mot. Décidément, le terme de femme-fleur était à l'origine de réactions très différentes à chaque fois... Une fois on l'insultait, la suivante on la traitait avec respect. Non, vraiment, il y avait quelque chose de bien étrange derrière ce titre... Et la vieille, sa "marraine de serment" comme elle s'était surnommée, était certainement l'une des choses les plus étranges.

Immense. Ce fut le premier mot qui vint à l'esprit de Flamme lorsqu'elle vit la forteresse des voleuses du désert. Elle ne parvenait pas à définir où commençait la falaise et où finissaient les bâtiments tant la symbiose entre artificiel et naturel semblait parfaite. A vrai dire, seules les patrouilles perturbaient un peu cet équilibre de minéral. En les observant plus attentivement, la jeune femme remarqua un détail étrange : dans ces patrouilles, il n'y avait que des femmes. Parmi les personnes qui venaient assister à leur arrivée, il n'y avait que des femmes. Les enfants qui jouaient n'étaient que des filles.
- J'ai l'impression que ma question est idiote, dit-elle en s'approchant de la chef du groupe, mais... où sont vos maris ? Les hommes de la tribu gerudo vivent dans un quartier à part ?
- Mais il n'y a pas d'hommes dans notre tribu, répondit la femme en la regardant d'un air d'incompréhension. Ou plutôt, il n'en naît qu'un par siècle, ne me dites pas que vous l'ignoriez ? Tout Hyrule le sait, et même au-delà, ce trait de notre race est connu !
- Je l'ignorais... Ou plutôt, j'ai dû le savoir, mais je ne m'en souvenais plus.
- Vraiment étrange, commenta la Gerudo. Vous êtes une amnésique par magie, non ? D'habitude, ils oublient uniquement leur passé... Mais ne parlons pas de cela ici, les pierres ont des oreilles, et les Gerudos encore plus...

Ils entrèrent dans l'un des quartiers de la forteresse où se trouvaient les appartements de la Gerudo. Apparemment, celle-ci occupait un poste bien plus important que celui de simple chef de patrouille.
- Bien, permettez-moi de me présenter... je me nomme Lâaruço, et je suis actuellement la reine des Gerudos par procuration. Et vous, qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Flamme, et voici Lésa, c'est la petite, et Yorwan, c'est le crétin.
- Vous êtes un Sheikah, non ? s'étonna Lâaruço. Qu'est-ce que vous fichez avec une femme-fleur ? Et puis, votre race est supposée être extrêmement fière, alors comment supportez-vous ces insultes ?
- La galanterie m'empêche d'y répondre, déclara le jeune homme, mais Flamme sait pertinemment que je n'en pense pas moins qu'elle.
- Quelle galanterie ? Quand il n'y a pas de jolies filles en vue, tu ne te déranges pas pour m'insulter !
- Vous pouvez pas être sages deux minutes ? explosa Lésa. Au cas où vous n'auriez pas remarqué, nous sommes invités, et vous faites perdre son temps à notre hôte !
Flamme grimaça mais ne continua pas la dispute qui pourtant promettait d'être intéressante avec Yorwan qui voulait impressionner la reine des Gerudos.
- Merci, petite, dit celle-ci. Et maintenant, de quoi vous souvenez-vous ? Je sais plus ou moins pourquoi le désert vous attire... mais ce n'est pas uniquement votre passé que vous recherchez, pas vrai ?
- En fait, nous...
- Attendez une minute, coupa Lâaruço. Je vais vous servir quelque chose à boire... un peu corsé peut-être au début, mais excellent. Personnellement, ça ne me fait presque plus rien ! Et pour la petite... il doit me rester un peu de lait de jument.
Les verres qu'elle tendit à Yorwan et Flamme contenaient un liquide vaguement argenté et dégageant une forte odeur d'alcool. La jeune femme, méfiante, préféra laisser le Sheikah goûter d'abord et en profita pour expliquer ses projets à la reine gerudo.
- Il se trouve que parallèlement à la recherche de mon passé, j'ai décidé d'essayer de réunifier la Triforce afin de pouvoir souhaiter qu'il n'y ait jamais plus de sages à Hyrule.
Lâaruço, qui était en train de boire, recracha tout sous le coup de la surprise.
- Eh bien ! On peut dire que vous fixez la barre plutôt haut ! Vous êtes au moins au courant que l'un des fragments est entre les mains de Ganondorf, le sorcier le plus dangereux de tous les temps, et accessoirement enfermé à l'heure actuelle dans le saint royaume ?
- Oui, Yorwan m'a parlé de ce détail. Mais si on l'y a mis, on peut l'en enlever, et alors je le tuerai. Je n'ai peur de personne, et surtout pas de lui. Il n'est rien qu'un minable, puisque même Link a pu le vaincre.
- Avec beaucoup de difficultés ! objecta Yorwan qui regardait avec inquiétude son verre. Et pourtant, ce simple Hylien était meilleur combattant que tous les Sheikahs réunis ! Et toi, simple femme-fleur amnésique à cause de lui, tu oses prétendre vaincre celui qu'il n'a pas réussi à vraiment tuer ? Laisse-moi rire !
C'est ce qu'il fit d'ailleurs, et enhardi par le fait qu'elle ne réponde pas, il vida au passage son gobelet avant de s'effondrer sur le sol.
- Un peu corsé, c'est ça ? commenta Flamme.
- Les Sheikahs sont comme les Hyliens, répondit la Gerudo. Incapables de supporter ce qui vient du désert... Bien, donc vous voulez aller au saint royaume ? Oui, ça peut se faire... Nous autres Gerudos connaissons grâce au désert des choses que les autres races ignorent, à commencer par un passage vers le saint royaume. Mais si vous voulez vraiment y aller, il vous faudra quitter Hyrule je le crains...

Chapitre 9   up

Lorsque Yorwan se réveilla, il avait l'impression que sa tête allait exploser. Les Déesses seules savaient ce que cette barbare de voleuse du désert mettait dans sa liqueur, mais il y avait une chose de sûr : ce truc devait être encore plus explosif que les barils de poudre des Gorons du pic des neiges à Termina !
En plus d'avoir un mal de tête affreux, le jeune homme avait horriblement chaud. Même dans le désert de ces satanées Gerudos il devait faire meilleur ! Il ouvrit alors les yeux. Perdu, il était précisément dans le désert Gerudo, sur une sorte de civière, Lésa assise à côté de lui.
- On est où là ?
- Oh, tu es réveillé ? s'extasia la fillette. Super, je commençais à m'ennuyer. Flamme n'est pas drôle du tout depuis hier, elle n'arrête pas de parler tout le temps avec Lâaruço, elle ne s'occupe même plus de moi !
- Attends, tu ne voudrais pas aller plus vite ? Je crois que j'ai une sacrée gueu... Depuis hier ?! Tu veux dire que j'ai dormi une journée entière ?
- Plus ou moins oui ! Mais maintenant, plus le droit de faire la sieste, il faut que tu m'aides à comprendre ce qui se passe, parce que c'est drôlement compliqué pour une simple petite Kokiri comme moi, tu vois ?
Mal de crâne. Yorwan se prit la tête entre les mains et regarda la petite blondinette. Non, même s'il le lui demandait poliment, elle n'avait pas l'air de vouloir se taire... Tant pis, ça lui apprendrait à boire un truc inconnu avant les autres.
- Vas-y, explique, je verrais bien si je comprends mieux...
- Je te préviens, c'est très bizarre. Quand tu t'es endormi, Lâaruço a dit à Flamme qu'elle allait l'aider pour son histoire de Triforce, parce que l'ancien sage, Nabooru, lui a parlé de ce qui leur arrive, et elle a trouvé ça drôlement injuste aussi. Et là, elle a dit que pour ça, il fallait aller dans un autre pays que Hyrule, qui n'est pas Hyrule, mais en fait ça l'est aussi d'après ce que j'ai compris, et c'est ça en premier que je comprends pas. Ensuite, Lâaruço a dit que depuis cet autre pays, elle pourrait aller dans un autre pays, encore que cette fois c'est Termina mais ça l'est pas, parce que là-bas il y a là où les femmes-fleurs elles vivent et qu'elles savent comment on va au Saint royaume que ça partout mais c'est nulle part. Tu comprends quelque chose toi ?
Non, il ne comprenait rien. D'un autre côté, entre le langage enfantin de Lésa et son cerveau qui tentait de faire sécession, même un Zora centenaire n'aurait pas réussi à comprendre.
- Tu n'as pas demandé à Flamme de t'expliquer ?
- Si, mais elle veut plus de moi ! Elle s'entend trop super bien avec sa nouvelle amie, alors moi je compte plus...
- Eyh, je suis encore là moi, pas vrai ? Comme si on avait besoin de cette femme-fleur caractérielle !
- C'est mon amiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie ! protesta Lésa en commençant à pleurer. Et je veux pas qu'elle s'occupe plus de moi, c'est pas juste ! Tu vas voir, je suis même parfaitement tout à fait complètement sûre qu'elle va même plus se disputer avec toi !
- Ça ne serait pas vraiment une mauvaise nouvelle. En fait, ça me plairait même...
Il ne le dit pas tout haut, mais la simple idée de Flamme lui hurlant dessus augmentait encore son mal de tête. Bien sûr, elle ne hurlait jamais, mais ce détail n'était pas important.
Et justement, Flamme et Lâaruço arrivaient. Elles semblaient lancées dans une discussion passionnante et lorsqu'elles arrivèrent près de Yorwan et de Lésa, elles... ne s'arrêtèrent pas.
- Eh ! protesta le Sheikah. On est là je vous signale !
- Tiens, tu as fini de cuver ? constata Flamme. Ça tombe bien, nous allons devoir grimper, et si tu avais dormi, ça n'aurait pas été particulièrement simple.
- Grimper ? Pour aller où ?
- A Holodrum, répondit la Gerudo comme si c'était une évidence. Vous devez y prendre le passage pour Labrynna.
- Holodrum ? Labrynna ? C'est quoi encore ça ?
- Holodrum est un pays se trouvant dans notre monde, de l'autre côté de ces falaises. Les Gerudos sont seules à connaître son existence.
- Blasphème ! rugit Yorwan. La sainte histoire des Déesses enseigne que lorsqu'elles descendirent sur ce monde, Din, Nayru et Farore créèrent la noble terre d'Hyrule, laissant le reste à l'état de chaos où...
- ...chuteraient ceux qui tenteraient de quitter la terre bénie par leurs mains, compléta la reine des Gerudos. Oui, je connais la légende aussi bien que n'importe quel habitant d'Hyrule ! Mais il se trouve qu'elle est fausse, voilà tout. De l'autre côté des falaises, il y a encore un désert, et ensuite il y a Holodrum, un pays largement aussi beau qu'Hyrule, crois-moi ! Nabooru m'a dit un jour qu'elle y était déjà allée, et qu'elle avait regretté que ses responsabilités la forcent à revenir ici.
- Totalement ridicule.
Flamme soupira. Décidément, ce Sheikah décoloré était insupportablement borné ! Bien sûr, elle aussi avait eu un choc en apprenant l'existence d'un autre pays, mais elle avait rapidement accepté cet état des choses !
- Ecoute-moi bien attentivement, ordonna-t-elle au jeune homme. Je te laisse le choix : soit tu viens avec moi, soit tu restes ici. Dans un cas, tu me surveilles mais tu blasphèmes, dans l'autre tu ne sais pas ce que je fais mais tu respectes les légendes. Alors, tu fais quoi ?
- Je viens, grogna-t-il. Je n'ai pas le choix si je ne veux pas que tu gardes le secret de l'amnésie pour toi si tu le trouves...
- Ouais, on va bien s'amuser ! s'exclama Lésa.
- Non, toi tu restes, objecta Flamme. Ça pourrait être beaucoup trop dangereux pour un petit bout de blondinette dans ton genre.
- M'en moque, je veux venir. Si tu m'en empêches, j'arrête de manger et je me laisse mourir de faim et je vais mourir et ça serait ta faute !
Elle avait crié ça rapidement et d'un seul coup, ce qui donnait plutôt 'situmenempêchesjarrêtedemangeretjemelaissemourirdefaimetjevaismouriretçaseraittafaute', si bien que bien qu'elle ne comprenne pas ce que la fillette avait dit, Flamme saisit au moins l'idée générale : Lésa voulait venir, quelles qu'en soient les conséquences.
- OK, ça va, soupira Flamme. Tu viens aussi... Bon, levez-vous les feignants, Lâaruço va nous montrer un passage simple d'accès... Enfin, un peu plus que les autres quoi.

Le passage en question était le lit sec d'un petit ruisseau qui avait dû couler là quelques millénaires auparavant. Cependant, comparé à l'ascension directe des hautes falaises, ce minuscule chemin tortueux était une jolie route bien plate.
Du moins, c'est ce dont Flamme tenta de se persuader avant de commencer à monter. Plusieurs fois, ils manquèrent tous les trois de tomber, mais à chaque fois ils parvirent à se raccrocher à une pierre ou une racine desséchée.
Et enfin, ils arrivèrent au sommet, épuisés, morts de soif et de faim, les mains et les genoux en sang à cause des chutes, mais toujours vivants, c'était déjà ça. Devant eux s'étendait un immense désert et loin, très loin à l'horizon, une bande d'un vert éclatant. Holodrum.

Chapitre 10   up

Un nouveau problème se posa rapidement tandis qu'ils admiraient le paysage. Maintenant qu'ils étaient en haut, comment allaient-ils redescendre, et du bon côté de préférence ? Il n'y avait rien, aucun chemin plus facile de ce côté. En fait, il n'y avait qu'une seule chose sur cette falaise (si on pouvait appeler cette barrière de roche une falaise) et cette unique chose était une petite pousse toute desséchée.
- Ce n'est même pas comestible, grommela Flamme.
- De quoi tu parles encore ? demanda le Sheikah.
- De cette... plante, en supposant qu'un truc pareil mérite vraiment son nom. On dirait une sorte de liane... Dommage qu'elle ne soit pas plus grande !
- Fais-la pousser, répondit-il simplement.
Elle le regarda comme s'il était le dernier des idiots, et il lui rendit ce regard. Ce type était-il vraiment idiot ou le faisait-il exprès ? Flamme penchait pour la première solution.
- Tes parents ne t'ont jamais dit qu'il fallait pas mal de choses pour faire pousser une plante à commencer par de l'eau ?
- Et toi, t'as vraiment tout oublier, constata Yorwan. C'est un de tes pouvoirs de femme-fleur, tu peux faire pousser démesurément les plantes juste avec ta volonté ! Tu as pas mal frimé avec ça au village avant de t'enfuir...
- Vraiment ? Mais... je faisais ça comment ?
- Ben... tu te concentrais, tu disais "pousse" et ça poussait... Je ne me souviens pas d'autre chose.
Super. Avec ça, Flamme se sentait prête à tout... Non mais quel crétin ! Si ça se trouvait, il manquait un détail capital, une poudre, une potion à verser sur la plante qu'il n'avait pas pu voir ! Décidément, les non-femmes-fleurs ne valaient absolument rien ! Et une fois de plus, elle devrait s'en sortir seule.

Elle s'assit en tailleur devant la petite pousse et fixa celle-ci. Se concentrer, se concentrer... Au bout de quelques minutes, Flamme eut la sensation de sentir comme une énergie autour d'elle et en elle. Sans trop savoir comment, elle fit se déplacer l'énergie vers la liane qui sembla devenir lumineuse. A cet instant présent, il n'y avait plus rien que cette liane pour la jeune femme, elle était le centre de son univers, le centre de sa vie. La jeune femme voulait la voir grandir, la voir vivre et s'épanouir, afin que chacun puisse admirer sa beauté et sa perfection.
- Pousse, murmura-t-elle pour ne pas la déranger.
La petite plante se mit alors à grandir, à prendre de la largeur, de la longueur, à devenir plus solide. Dès qu'elle fut assez longue, Yorwan l'attrapa et la dirigea vers la plaine où ils voulaient aller. Flamme dut se retenir de lui sauter dessus pour l'étrangler. Quoi ? Il osait toucher SA merveille, pire, lui imposer sa volonté ? Mais elle se souvint à temps qui elle était, qui il était, ce qui se passait. La liane était largement assez longue maintenant, et Flamme coupa son lien avec elle.
Aussitôt, elle se sentit épuisée, comme si la plante lui avait volé ses forces pour croître. Mais loin de s'apitoyer sur son sort, elle se releva, un peu tremblante certes, mais c'était sans importance. Ils allaient pouvoir descendre.
- Bien... Qui passe le premier ? demanda Flamme.
Elle fut étonnée de constater qu'elle ne pouvait que murmurer tant elle était faible. Cela n'échappa pas à Yorwan qui pourtant ne se moqua pas d'elle.
- Je vais y aller, décida-t-il. Je suis le plus lourd de nous trois, donc si elle tient pour moi, cette liane devrait vous supporter sans problèmes.
- Tu es drôlement courageux dis donc ! commenta Lésa. Moi, j'aurais super peur de tomber, parce que c'est méga super trop haut ici !
- Il n'est pas courageux, il est frimeur... Les hommes sont tous comme ça, incapables de ne pas se jeter dans la gueule du loup dès qu'ils en ont l'occasion parce qu'ils pensent que ça plaît aux femmes. C'est pitoyable. Enfin, si ça l'amuse après tout !
Le jeune homme grimaça, et elle comprit qu'elle avait visé juste. Malheureusement, elle était beaucoup trop fatiguée pour arriver à s'en réjouir.

Le Sheikah prit tous leurs bagages sur son dos puis agrippa la tige et tira un peu dessus. Apparemment satisfait par ce petit test, il se laissa descendre, et environ une heure plus tard, il touchait enfin le sol. Ce fut alors le tour de Lésa qui, encouragée par le succès de Yorwan, se laissa glisser bien plus rapidement sous le regard horrifié de Flamme qui craignait qu'elle ne finisse par tomber. Ce fut alors à elle de descendre de la barrière rocheuse.
Le début se passa plutôt bien. Bien accrochée à la liane, elle descendait prudemment, presque centimètre par centimètre. Mais avec le temps, elle sentit ses forces diminuer puis disparaître alors qu'elle était encore à une vingtaine de mètres de la terre ferme. Au même moment, la tige commença à mincir et à jaunir, devenant sèche et cassante, si bien que ce qui devait arriver arriva : la plante se cassa brusquement tandis que Flamme tombait.
Elle ferma les yeux. Mourir maintenant ? Alors que sa quête commençait à peine ? Non, ce n'était pas juste ! Elle avait juré à Saria de libérer les sages ! Hors de question qu'elle trahisse sa promesse !
La jeune femme sentit alors qu'elle venait d'atterrir... sur quelque chose de moelleux ? Non, totalement impossible. Ici, c'était le désert, il n'y avait rien... que de la pierre et du sable. Elle ouvrit les yeux, s'attendant à se retrouver au paradis. Mais non, Flamme se trouvait sur une sorte de bulle rose qui elle-même se trouvait sur le sol de pierre.
- Descends Flamme, ordonna Lésa. Yorwan risque de ne plus tenir très longtemps !
Loin de descendre - de toute façon, elle était trop faible pour bouger - la femme-fleur se tourna vers le Sheikah. Celui-ci avait les bras tendus dans sa direction et transpirait largement comme s'il faisait un énorme effort. Brusquement, il se relâcha totalement, la bulle disparut et Flamme se retrouva sur le sol.
- C'est toi qui as fait ça, Yorwan ?
- Non, c'est Link ! Bien sûr que c'est moi, qui d'autre ?
- Depuis quand tu fais de la magie ? Je croyais que les Sheikahs n'étaient que des guerriers !
- QUI a osé te dire une chose pareille ? s'étonna-t-il. Nous sommes des guerriers, d'accord, mais la plupart d'entre nous maîtrise aussi un minimum de magie ! Bien sûr, certains, comme moi, sont loin d'être de grands sorciers, mais je me débrouille.
- Pourquoi t'as jamais utilisé la magie avant ? demanda Lésa. Pour faire la cuisine par exemple, ça aurait été bien !
Il se détourna d'elles et alla chercher leurs affaires qu'il avait posées sur un rocher.
- On devrait se dépêcher, j'aimerais autant ne pas trop m'attarder dans ce désert. Nous n'avons quand même pas beaucoup d'eau, et je ne pense pas qu'il y ait d'oasis. En tout cas, je n'en ai pas vu.
- Tu n'as pas répondu à ma question, protesta la Kokiri. Pourquoi t'as pas fait de la magie avant ?
- J'ai... j'ai mes raisons, voilà tout. Occupe-toi un peu de tes affaires pour changer, d'accord ? Et arrête de parler, dans ce four tu vas te déshydrater.
Il se mit alors en route sous le regard étonné de ses deux compagnes de voyage. C'était bien la première fois qu'il se permettait d'être désagréable avec Lésa.
- Pourquoi il est méchant ? chuchota celle-ci.
- Peut-être un mauvais souvenir... Viens, on va le rejoindre. Et plus de questions sur ça, d'accord ?
La petite fille acquiesça. Elle avait beau être légèrement écervelée par moments, elle comprenait qu'on puisse avoir des souvenirs désagréables.

Chapitre 11   up

Yorwan vs effroisLorsqu'ils s'arrêtèrent le soir même pour dormir, Yorwan avait retrouvé son caractère habituel et grognait contre le sable qu'il avait dans les cheveux, utilisant pour cela des termes que, selon Flamme, Lésa n'aurait jamais dû entendre et une jolie dispute s'en suivit, si bien que "l'incident magie" fut vite oublié.
Deux jours plus tard, ils quittèrent enfin le désert sans le moindre regret pour pénétrer dans une plaine humide et tropicale, ce qui étonna un peu Flamme. Ce genre de paysage n'existait pas à Hyrule qui se situait assez loin de l'équateur. Les arbres ici étaient d'un vert éclatant que même dans ses rêves les plus fous elle n'aurait jamais imaginé. L'un d'eux portait d'étranges graines rouges si brillantes que la jeune femme ne put résister à la tentation et en cueillit une malgré un vague pressentiment.
- Aïe ! cria-t-elle en laissant tomber le fruit. Mais ça brûle ce truc !
Yorwan éclata de rire et cueillit à son tour une des graines enflammées, prêt à se moquer de Flamme en lui montrant que tout était dans sa tête, mais lui non plus ne la garda pas longtemps en main.
- Non mais c'est quoi ce pays de malades ! Des arbres qui mettent le feu aux gens ? C'est le monde à l'envers ça !
- Il y a bien des plantes qui essaient de mordre à Hyrule, répliqua Flamme. Ici, les arbres ont une autre stratégie de défense, c'est tout. Après tout, tu ne te bats pas comme un Hylien, vrai ? Alors pourquoi les végétaux devraient-ils tous être pareils ?
- Dis-moi, c'est parce que tu es à moitié une fleur que tu te sens forcée de prendre leur défense ?
Flamme le toisa du regard mais ne répondit pas. A moitié une fleur ? Elle ? Totalement stupide. Bien sûr, le terme de femme-fleur pouvait induire en erreur, mais en réalité elles étaient...
- Tss... on dirait que j'arrive mieux à savoir ce que je ne suis pas que ce que je suis, murmura-t-elle.
- Moi je peux te dire ce que tu es : une peste égocentrique et orgueilleuse à cause de laquelle mon frère est dans les geôles du château d'Hyrule !
- Jusqu'à preuve du contraire, je n'y suis pour rien je te signale, alors arrête de dire ça ! Espèce d'albinos décérébré !
Ça commençait à dégénérer, et Flamme savait que dans un instant, Lésa allait leur demander d'arrêter de se comporter comme des enfants. Mais la petite Kokiri ne disait rien, ce qui inquiéta la jeune femme qui se retourna. La petite fille n'était plus là.
- Tu l'as vue partir ? demanda le Sheikah qui venait d'arriver aux mêmes conclusions. C'est bizarre, elle n'est pourtant pas le genre de gamine qui part seule sans prévenir...
- Peut-être qu'elle a vu un papillon ou un truc dans ce genre et qu'elle l'a suivi... on ne sait jamais !
Un hurlement strident retentit alors. La voix était suraiguë et inhumaine, comme si elle avait appartenu à un spectre ou même à la mort elle-même. Dès qu'elle l'entendit, Flamme sentit chaque muscle de son corps se crisper et elle fut totalement incapable de bouger. Pourtant elle devait absolument se déplacer, la créature qui avait hurlé, quelle qu'elle soit, représentait peut-être un danger pour Lésa.
Sans Yorwan, elle serait restée paralysée par cette voix d'outre-tombe pendant des heures. Le Sheikah ne semblait pas affecté le moins du monde par ce cri, si bien qu'en secouant un peu la jeune femme, il put facilement lui rendre sa liberté de mouvement.
- Bouche-toi les oreilles, ordonna-t-il. Je ne sais pas comment c'est possible, mais il y a des effrois dans le coin... Et comme tu viens de le prouver, tu n'as pas la chance d'être résistance à leur douce voix !
- Des quoi ?
- Bouche tes oreilles ! On parlera après quand j'aurai sauvé Lésa ! Et ne bouge pas d'ici !
Sur ce il s'élança dans la direction d'où venait le hurlement tandis que Flamme mettait ses mains sur ses oreilles. Elle attendit ensuite que Yorwan se soit suffisamment avancé, puis elle courut derrière lui. Il n'était pas question une seule seconde qu'il espère la garder loin de l'action !

Le Sheikah arriva rapidement face aux effrois. Comme il l'avait craint, ceux-ci étaient en train de s'attaquer à Lésa. L'un des quatre morts-vivants étaient même déjà en train de lui mordre le cou et d'aspirer sa vie.
- Qu'est-ce que tu attends, hurla Flamme. Fais quelque chose, ils vont la tuer !
Evidemment, elle l'avait suivi, malgré son interdiction. Malheureusement, il n'avait pas le temps de lui hurler dessus - et avec ses mains sur ses oreilles, elle n'aurait pas entendu la moitié des insultes de toute façon - car la situation devenait pressante pour la petite Kokiri. A chaque seconde qui passait, elle devenait plus pâle et ses yeux, qu'elle avait gardés ouverts, devenaient laiteux. Yorwan devaient absolument agir, mais la seule arme qu'il avait était un petit poignard qui risquait plus de faire rire les effrois qu'autre chose.
Il courut vers les morts-vivants, conscient que tout ce qu'il pouvait faire était de mourir aussi. Mais au moins, ce ne serait pas sans se battre, puisque les cris paralysants de ces créatures n'avaient aucun effet sur les Sheikahs. En quelques minutes, les effrois eurent le dessus et commencèrent à aspirer son énergie sous le regard horrifié de Flamme qui ne savait pas quoi faire. La jeune femme commença à se concentrer en espérant arriver à forcer les arbres alentours à sauver ses amis lorsqu'une étrange musique se fit entendre, malgré les mains qu'elle avait mis sur ses oreilles.

Cette mélodie semblait porteuse d'une lueur d'espoir et fit à la femme-fleur l'impression d'un rayon de soleil perçant à travers de sombres nuages. Elle se détendit aussitôt et regarda Lésa et Yorwan, se demandant si eux aussi avaient entendu cette chanson, et ce qu'elle vit la surprit.
Les effrois, tous sans exceptions, étaient comme transformés en statues blanches et lumineuses et ils avaient lâché leurs victimes. La jeune femme se précipita aussitôt vers eux : ils étaient toujours vivants, et semblaient plus forts à mesure que le temps passait. Rapidement, Yorwan put même se redresser.
- Que... les effrois ? C'est toi qui leur as fait ça ? Woah, finalement, t'es peut-être utile...
- Non, ce n'est pas moi. C'est... une musique, jouée à la flûte je crois.
- Non, à l'ocarina, rectifia une voix derrière eux. Cette mélodie s'appelle le Chant du Soleil, et elle vient d'Hyrule. Enfin, d'un autre pays je veux dire.
C'était une vieille femme au visage ridé et dur avec dans les yeux une expression de pitié mêlée de mépris et de douleur contenue. A la main, elle tenait un petit ocarina comme ceux que les Kokiris utilisaient pour s'amuser, ce qui étonna Flamme. Pour elle, l'ocarina était l'instrument hylien par excellence, et le voir entre les mains de cette vieille qui appartenait presque à un autre monde la choquait un peu. Puis elle se souvint que la femme les avait sauvés.
- C'est cette mélodie qui a fait ça aux effrois, n'est-ce pas ? demanda-t-elle. Je crois que nous vous devons la vie madame...
- Je m'appelle Polgara, compléta-t-elle.
- Merci beaucoup madame Polgara. Permettez que nous nous présentions... La petite est une Kokiri et elle s'appelle Lésa. L'albinos c'est Yorwan, un Sheikah, et je suis Flamme. Je suis une femme-fleur amnésique. Nous venons d'Hyrule.
En entendant le terme de femme-fleur, Polgara frémit presque imperceptiblement mais ne fit aucun commentaire.
- Permettez que je vous invite à manger chez moi, au village Horon. Cela fait longtemps que je n'avais pas vu d'habitants d'Hyrule, vous pourrez me donner les dernières nouvelles.

Chapitre 12   up

La maison où vivait Polgara était très grande, ou en tous cas beaucoup plus que ce à quoi Flamme s'attendait pour une petite vieille dans ce genre. A vrai dire, la seule chose de tout le village Horon à la dépasser était un immense arbre d'une taille proche de l'arbre Bojo à Hyrule. De plus, elle était entourée par un superbe jardin avec des arbres taillés, mais aucune fleur étrangement.
- Entrez, ordonna la vieille en souriant avant de regarder Flamme et d'ajouter : sauf vous. Je refuse d'avoir une teigne assoiffée de pouvoir dans votre genre dans ma maison.
Lésa, qui venait de pénétrer dans la maison, ressortit aussi sec pour s'accrocher à la jeune femme un peu étonnée, tout en foudroyant Polgara du regard.
- Pourquoi Flamme elle peut pas ? Elle est gentille, et elle est pas assoiffée de pouvoir d'abord ! C'est juste une pauvre amnésique qui veut retrouver sa mémoire d'abord !
- Vraiment ? Je peux donc dire que les femmes-fleurs ne valent pas mieux que ces catins de Gerudos sans qu'elle ne décide de me tuer ?
- J'aime bien les Gerudos et je vous déconseille de les insulter devant moi, répliqua Flamme. Pour ce qui est des femmes-fleurs... Je n'en sais pas assez pour décider de les défendre, alors faites ce que vous voulez.
Polgara la regarda d'un oeil soupçonneux, puis un mince sourire apparut sur ses lèvres desséchées.
- Soyez la bienvenue chez moi dans ce cas. Mais autant vous dire que si vous m'avez trompée, vous le payerez très cher !
La menace était à prendre au sérieux, très au sérieux même, Flamme le sentait. Cette vieille femme couverte de rides avait l'air d'être le genre de personnes qui tenaient toujours ses promesses. C'est donc vaguement inquiète qu'elle passa à l'intérieur, l'idée que Polgara puisse se sentir trompée à tout instant la mettant mal à l'aise.

L'intérieur de la maison était arrangé de façon extrêmement simple, les meubles étant réduits au strict minimum. Sur un signe de tête de leur hôtesse, le trio prit place sur des chaises de bois vermoulu qui devaient être plus âgées qu'eux tous réunis, pendant qu'elle allait chercher à boire et de quoi grignoter.
- Autant vous prévenir que ce n'est pas extraordinaire, prévint Polgara. Je ne pensais pas avoir du monde à manger aujourd'hui, alors il n'y a que des restes. Mais après le désert, je pense que ça devrait vous paraître très bien.
Méfiante, Flamme laissa Yorwan goûter en premier, et la réaction du Sheikah ne se fit pas attendre.
- Mais c'est excellent ! Par les Saintes Déesses, je crois que je n'ai jamais rien mangé d'aussi bon !
- Je dois admettre que pour une fois, tu as raison, renchérit Flamme après avoir croqué une espèce de petit gâteau sec. Je ne sais pas ce qu'il y a là-dedans, mais je n'ai jamais rien goûté de pareil...
- Merci, répondit simplement la petite vieille. Je n'ai encore rencontré personne qui ne les aime pas. Même mon arrière-petite-fille - et les Déesses savent si elle était difficile - ne pouvait y résister.
Etrangement, cette simple allusion à son arrière-petite-fille sembla augmenter la tristesse déjà visible dans les yeux de Polgara, ce qui attisa la curiosité de Flamme, mais elle n'eut pas le temps de poser la moindre question.
- Elle est morte que vous parliez d'elle comme ça ? demanda Lésa.
- Non. Enlevée par des femmes-fleurs quand elle était petite parce qu'elle était soi-disant la réincarnation de la première d'entre elle. Ma pauvre petite Kallima, je n'ose imaginer ce qu'elles lui ont fait subir...
Kallima. C'était un joli prénom, songea Flamme, mais avec quelque chose de désagréable qu'elle n'arrivait pas à définir. Peut être avait-elle connu une Kallima qui lui avait causé des problèmes... Oui, cette explication lui semblait assez réaliste. D'ailleurs, une fille avec un prénom aussi ridicule ne pouvait que créer des problèmes à tout le monde !
- Les femmes-fleurs sont vraiment des êtres ignobles, déclara Yorwan avec un regard en biais vers Flamme. Il faudrait toutes les exterminer, de la première à la dernière ! A part votre Kallima bien sûr. Tiens, c'est bizarre au fait, ce nom me dit quelque chose...
- En ancien hylien, cela veut dire "enfant", expliqua Polgara. Et elle est venue au monde alors que sa mère mourait en m'apprenant le décès de ma fille unique, tuée lors d'une guerre à Hyrule. Une morte au milieu de tant d'autres hélas.
- Votre fille est morte à Hyrule ? s'étonna la jeune femme. C'est bizarre, je n'avais jamais entendu parler d'habitants d'un autre continent venus à Hyrule...
- A Holodrum aussi nous sommes hyliens. Et à part peut-être au niveau de certains détails de notre culture, nous sommes exactement comme les habitants d'Hyrule. Or ma fille, après la naissance de son premier enfant d'un colporteur de passage, a décidé de voir du pays. Elle est partie à Hyrule, m'abandonnant sa petite Témis à peine sevrée. Laquelle Témis décida dès qu'elle apprit qu'un sorcier gerudo avait pris le contrôle de la terre qui avait accueilli sa mère, de partir elle aussi pour lutter. Elle m'est revenue quelques années plus tard enceinte et mourante...
Les yeux de la vieille hylienne étaient à présent hantés par le désespoir à l'état pur. Flamme se demanda un instant comment elle pouvait raconter ça à de parfaits étrangers, avant de comprendre qu'elle avait déjà oublié leur présence pour se perdre dans ses souvenirs qui ne devaient pas être bien joyeux à en juger par les larmes qui perlaient sur son visage.
Sans trop savoir pourquoi, elle s'approcha alors de Polgara et la serra dans ses bras. De toute sa vie de femme-fleur, jamais elle n'avait fait cela, et elle était sûre qu'on lui avait appris à ne jamais s'abaisser ainsi, mais elle s'en fichait. Flamme ne voulait plus être une femme-fleur. Après tout, elle avait peut-être fait partie de celles qui avaient enlevé Kallima, volant ainsi à Polgara le dernier espoir qu'il lui restait...

Chapitre 13   up

Le soleil venait de se lever sur le ranch Lon-Lon, et comme chaque matin depuis des années, Malon était déjà debout à s'occuper des vaches et des chevaux. Mais ce jour-là, ses pensées étaient ailleurs. Elle songeait à la jeune femme aux cheveux de feu dont elle s'était occupée plusieurs semaines plus tôt et au cheval qu'elle lui avait confié, ce jeune étalon dont elle aurait dû faire cadeau à Link si les choses s'étaient passées normalement.
Link... il avait tant changé ! Autrefois, il était si doux, si gentil, si serviable... Toutes les jeunes filles qui le connaissaient étaient tombées amoureuses de lui ! Et puis... et puis Navi était partie, il y avait eu Termina... il était revenu totalement transformé, même si au début personne ne l'avait remarqué.
- Si seulement Navi était restée, soupira la jeune femme. Tout aurait été très différent, j'en suis persuadée...
- Possible, admit une voix derrière elle, mais le fait est qu'elle a abandonné le navire.
Malon se retourna précipitamment, sachant déjà qui était là. Link, toujours égal à lui-même, ses yeux bleus débordant d'arrogance, ses longs cheveux blonds flottant dans la petite brise... Il était si... beau ! Rien qu'en le voyant, la jeune femme sut qu'elle était toujours folle de lui, malgré tout le mal qu'il avait fait.
- Alors Malon, que devient l'étalon que je t'ai chargée de dresser ? Je te préviens, j'en ai assez d'attendre, alors s'il n'est pas prêt, je vais...
- Je l'ai offert à quelqu'un ! le coupa-t-elle d'un ton de défi.
Aussitôt, elle regretta ses paroles devant le regard fou furieux qu'il lui lança. Le tyran fit un signe aux gardes de s'emparer de la jeune femme.
- Tu n'aurais pas dû faire ça, Malon. Je t'avais pourtant dit que je tenais à avoir ce cheval... Enfin, d'un autre côté, ce n'est pas plus mal, je m'ennuyais depuis quelque temps. Je ne peux plus torturer Zelda, elle serait capable de mourir, et mon élève favorite a disparu... Mais grâce à toi, je vais peut-être pouvoir m'amuser un peu !

La douleur, pure, intense, continue... Malon n'avait plus qu'une hâte, que tout s'arrête, qu'elle puisse enfin mourir... Mais il n'était pas décidé à la laisser partir, la soignant chaque fois que la mort s'approchait trop de sa victime.
- Ce que tu viens de voir n'était qu'un petit avant-goût de ce qui t'attend si tu refuses de répondre à mes questions, lui murmura finalement Link. Tu vois ce que je veux dire ?
Elle hocha précipitamment la tête. Tant pis pour Hyrule, tant pis pour la femme-fleur, il fallait que la douleur s'arrête.
- Je savais que tu te montrerais très compréhensive... A qui as-tu donné mon cheval ?
- Une jeune femme... amnésique... une femme-fleur.
- Une femme-fleur ? Comment était-elle ?
- Cheveux de feu... yeux de feu...
- Les femmes-fleurs sont toutes comme ça ! s'impatienta-t-il en la giflant. Je veux d'autres détails, des particularités physiques, son caractère, SON NOM ! Elle doit bien te l'avoir dit, non ?
- Pas de nom, sanglota Malon. Elle n'avait pas de nom ! Juste... le poison... on l'avait empoisonnée !
Link fit un pas en arrière sous le coup de la surprise. Dans tout Hyrule, seuls ses serviteurs les plus dévoués avaient le droit de se servir de poison pour tuer ! Et aucun d'entre eux n'avait rapporté le meurtre d'une femme-fleur... Et puis, de toute façon, il n'y avait à l'heure actuelle qu'une seule d'entre elles à Hyrule, et aucun des ses serviteurs n'auraient osé s'en prendre à elle !
- Tu es sûre que c'était une femme-fleur et pas une simple comédienne ?
- Oui... et elle te tuera ! hurla Malon sans trop savoir pourquoi. Tu entends ? Elle te tuera, elle te prendra ton fragment de Triforce, et Hyrule sera libre à nouveau !
- Jusqu'à ce que la Triforce la pervertisse aussi, se moqua l'Hylien. Alors elle deviendra aussi le cauchemar d'Hyrule, et nul ne pourra s'opposer à elle, parce qu'elle est une femme-fleur. Notre terre est condamnée Malon, n'oublie jamais cela...
- Je le sais, soupira la mourante. Mais ELLE est... différente, et tu... n'y changeras rien... Elle est... l'élue...
Il sursauta, brusquement terrifié.
- C'est impossible ! Tu... comment pourrais-tu le savoir ? Réponds !
Mais il était trop tard, Malon venait de rendre l'âme, emportant le secret de sa découverte avec elle. Le tyran ordonna à ses serviteurs d'emmener le corps de la jeune femme tandis qu'il allait rendre visite à son invité favorite. Il avait quelques petites questions à lui poser...

Au même moment, à des milliers de lieues de là, Flamme se réveillait en sursaut.

Chapitre 14   up

La première pensée de la jeune femme fut de se demander ce qu'elle avait bien pu manger la veille pour faire un cauchemar pareil. Mais la cuisine de Polgara était légère et parfaitement digestible, si bien que Flamme dut écarter cette explication. Elle songea ensuite à un surplus d'émotions fortes qui aurait amené cette vision, mais ça ne collait pas non plus.
Bien décidée à éclaircir ses idées, la femme-fleur sortit pour profiter des dernières étoiles dans le jardin. L'air était encore un peu frais et un petit vent soufflait, mais cela lui fit beaucoup de bien, et pendant quelques minutes elle oublia totalement son cauchemar. Des bruits de pas se rapprochèrent alors de la jeune femme qui ne se retourna pas, ayant déjà deviné de qui il s'agissait.
- Déjà debout ? demanda Polgara. Tu es bien matinale aujourd'hui...
- J'ai fait un mauvais rêve cette nuit, et j'avais besoin de prendre l'air...
- Un mauvais rêve ? Et de quel genre était-il ?
- Horrible. Une femme qui m'a aidée à Hyrule se faisait torturer par Link, juste parce que justement elle m'avait aidée et qu'elle m'avait donné un cheval qui était à lui. Elle s'appelait Malon.
- Tu dis ça comme si elle était morte ! Dans ton rêve, elle l'est peut-être, mais en réalité, elle est sûrement en parfaite santé. Je pense que tu t'inquiètes pour rien.
La vieille femme souriait d'un air qui se voulait rassurant, mais elle ne croyait pas à ce qu'elle disait, Flamme le sentait. Depuis qu'elle avait dit haut et fort à la petite vieille qu'elle avait honte d'être une femme-fleur à cause de l'enlèvement de Kallima, une certaine complicité était apparue entre les deux femmes, et Lésa en était même un peu jalouse.
- C'était trop réel pour être un simple rêve, affirma Flamme. C'était comme si... comme si je sentais même la douleur de Malon, c'était horrible ! Mais le pire, c'est qu'elle aimait Link... comment peut-on aimer un monstre pareil ?
- D'après ce que je sais, il n'a pas toujours été un monstre, n'est-ce pas ? Je pense que ton amie aimait tout simplement ce qu'il a été... Bien, et maintenant, est-ce que tu te souviens de choses importantes qu'ils auraient dites ? Si ton rêve était une vision de la réalité, ça pourrait être important...
- Eh bien... Malon a dit que j'allais le tuer et lui prendre son fragment de Triforce... D'ailleurs, c'est effectivement un de mes objectifs, je me demande comment elle l'a su... Link a répondu qu'ensuite je deviendrais comme lui, et là, elle a dit quelque chose de bizarre, elle a dit que j'étais l'élue...
- L'élue ? répéta Polgara. Rien que ça ? Ne le prends pas mal, mais elle devait délirer sérieusement, la douleur l'aura rendue folle !
Flamme soupira. Oui, c'était probablement ça... après ce qu'elle venait de vivre, Malon ne devait plus avoir toute sa tête. Et pourtant, elle avait eu l'air tellement lucide, tellement sûre d'elle ! Pouvait-on se tromper avec une telle expression de clarté sur le visage ? Pouvait-on mourir en pensant triompher de son bourreau, et s'être finalement trompé ? Non, c'était impossible, ce serait une trop grande injustice ! D'un autre côté, la jeune femme ne savait même pas ce qu'était au juste cette "élue"... Elle posa donc la question à Polgara.
- Je ne sais pas exactement qui est l'élue, mais en y réfléchissant bien, personne ne le sait. Certains disent qu'elle est la seule personne capable d'être en possession de la Triforce entière sans que celle-ci ne se révolte, d'autres disent qu'elle est une déesse descendue parmi les Hyliens... J'ai vraiment tout entendu sur elle ! Il faut dire que c'était l'une des histoires préférées de Kallima...
Cela faisait une semaine que Flamme, Yorwan et Lésa étaient arrivés, mais c'était la première fois que la vieille femme reparlait de son arrière-petite-fille. La jeune femme, se sentant toujours coupable à ce sujet, décida d'essayer d'en apprendre plus sur la fillette, histoire de voir si finalement, elle l'avait connue ou non.
- Dites-moi... elle était comment Kallima ?
- Plutôt petite pour son âge, et très maigre... Mais elle avait de longs cheveux noirs comme la nuit, et des yeux de la même couleur... Et pleine de joie de vivre avec ça ! Elle souriait tout le temps... Pour la fille d'un tyran, je la trouvais vraiment peu tyrannique, et...
Polgara s'interrompit brutalement, réalisant ce qu'elle venait de dire tandis que Flamme la regardait sans oser croire ce qu'elle venait d'entendre. La fille d'un tyran ? Mais lequel ? Link ou Ganondorf ? C'est ce qu'elle demanda à la vieille Hylienne.
- Personne ! répondit-elle sèchement. Ma langue a fourché, c'est tout ! Ma petite Kallima n'a rien à voir avec un seul de ces deux monstres, rien ! Rien...
Elle se mit à sangloter sous le regard impuissant de Flamme qui une fois de plus se sentit coupable d'avoir fait ressortir une autre blessure de la vieille femme.

Chapitre 15   up

Deux jours plus tard, Flamme, Yorwan et Lésa étaient à nouveau sur les routes, en direction des Bois Perdus, selon les conseils de l'Arbre Bojo. Ils étaient d'ailleurs allés le voir sur les conseils de Polgara car d'après elle, il était impossible que ce grand sage ne puisse les aider. La femme-fleur avait quelques doutes au sujet de la possible sagesse d'un arbre, ce qui s'était rapidement confirmé.

L'arbre Bojo était immense, et même Lésa avait dû reconnaître qu'il ressemblait beaucoup à celui d'Hyrule en plus grand. La petite Kokiri changea d'avis dès qu'il commença à parler.
- Ah... c'est toi Link ? Que se passe-t-il, Din, l'oracle des saisons, a été kidnappée par Onox ? Le temple des saisons a été enfoui ? Les saisons sont en désordre ? C'est horrible ! Tu vas devoir...
- Une minute, coupa Flamme. Il n'y a pas de Link ici, pas de Din non plus, ni d'Onox, et les saisons sont parfaitement normales !
- Vraiment ? Je me suis encore trompé d'histoire ? Bien... Tu es zun Hylien, Link, ze le sais depuis toujours.
- Pas de Link... on n'est pas dans une histoire ici, mais dans la vraie vie ! Je m'appelle Flamme, eux c'est Lésa et Yorwan, et on a besoin de vos conseils !
L'arbre lui jeta un regard surpris, se demandant comment on pouvait oser le sortir de ses petites habitudes. Les héros n'étaient vraiment plus ce qu'ils avaient été...
- Et que puis-je faire pour toi, gente damoiselle qui a eu le courage d'affronter mille périls pour parvenir jusqu'à moi et profiter de mon immense savoir ?
Flamme se demanda un instant pourquoi elle était là en effet. Ce n'était sûrement pas cet arbre stupide et orgueilleux qui allait pouvoir l'aider dans sa quête... Sans trop savoir pourquoi, elle décida tout de même d'essayer.
- Nous voudrions rejoindre Labrynna, mais... nous ne connaissons pas le chemin.
- Owh... oui, je vois... je vois les Bois Perdus d'Holodrum qui vous conduiront dans les bois du même nom à Termina, si votre désir est de les rejoindre.
- Nous voulons aller à Labrynna, objecta Yorwan, pas à Termina !
- Ecoute petit, boucle-la et laisse parler les grands, ordonna l'arbre. Labrynna et Holodrum sont dans le même monde, et se rejoignent par la mer et la montagne... Mais pourquoi voulez-vous y aller ? Holodrum est bien plus touristique, vous savez !
- Ce n'est pas pour du touristique, déclara Lésa qui ignorait totalement le sens de ce mot, c'est pour aller au Saint Royaume où il y a le méchant Ganondorf que Flamme elle va tuer !
L'arbre Bojo ne put étouffer un bâillement sonore. A première vue, toute cette histoire l'ennuyait au plus haut point.
- Ganondorf, Ganondorf... Il n'y en a que pour lui ! Pourquoi ne pas mettre en scène Magnéto ou Sauron pour une fois ? Ils sont largement aussi méchants que lui, et bien plus doués à mon avis !
- C'est qui eux ? demanda la petite Kokiri. Des... des amis à vous ? Ou des gens qui vous payent pour que vous leur fassiez de la pub ?
- Non, ce sont des êtres parmi les pires que la Terre ait jamais connu !
- Comme Link ?
L'arbre la regarda d'un air surpris, semblant se demander qui était cette petite idiote.
- D'où sors-tu, toi ? Link est le plus grand héros du monde ! Quelqu'un de formidable, qui a même été jusqu'aux terres maudites des serviteurs de démons ! Et, détail important, il en est revenu ! Vivant en plus.
- Vraiment ? Woah...
- Qui sont ces serviteurs de démons ? demanda Flamme à qui cela rappelait un vague souvenir. Des... des Hyliens ? Ou autre chose ?
- Nul ne le sait. Ils vivent un peu au large de Labrynna, près de l'île du Croissant, et tous ceux qui abordent leurs rivages sont massacrés pour nourrir les démons qu'ils vénèrent comme des dieux... Et parfois, ils font des incursions sur les terres pour enlever des fillettes. Je préfère ne pas savoir ce qui arrive à ces malheureuses... Il faudrait de véritables héros, prêts à tout risquer pour ramener la paix et pour...
- Comptez pas sur nous, nous avons déjà largement ce qu'il nous faut en matière d'actes héroïques à accomplir.
- Tant pis, ça valait la peine d'essayer... En tout cas, n'oubliez pas ! Les Bois Perdus, et ensuite la mer ou la montagne. Les deux chemins sont largement aussi dangereux.
En quittant l'arbre, Flamme songea sérieusement à faire pousser des lianes sur sa bouche pour l'empêcher de parler pour toujours.

Chapitre 16   up

- On est perdu !
- Tu exagères, l'albinos ! On est juste... euh... égaré ! Parfaitement, on est juste égaré !
- Tu m'expliques où se situe la différence ?
- La différence, c'est que si tu continues ton cinéma, tu vas te prendre mon poing dans la figure !
- N'empêche qu'on aurait jamais dû prendre par les marais !
- Comme s'il y avait une autre route !
- Bien sûr, mademoiselle Flamme sait tout mieux que tout le monde !
- Encore un seul mot, magicien de pacotille, et je te noie dans les premiers sables mouvants que je trouverai !
- Vous n'avez donc rien de mieux à faire que de vous disputer ? C'est moi la gamine ici normalement ! Si vous continuez comme ça, c'est moi qui vais vous mettre dans les sables mouvants !

Cela faisait deux semaines... deux semaines qu'ils erraient dans les marais à la recherche des Bois Perdus. Et à cause entre autres des moustiques, de l'humidité, de la chaleur, de la boue et des diverses bestioles déterminées à les transformer en casse-croûte, l'ambiance du trio s'était nettement dégradée, ce qui n'était pas peu dire. Ils se disputaient matin, midi et soir sans la moindre interruption, à part lorsque Lésa se retrouvait à bout de nerf.
Et ils étaient perdus... toute mauvaise foi mise à part, Flamme devait bien admettre que c'était de sa faute. Elle avait refusé d'acheter une carte et une boussole, prétendant que ce serait parfaitement inutile. Deux heures plus tard, elle regrettait déjà, mais il était trop tard, la boue des marais n'ayant gardé aucune trace de leur passage. Impossible donc de faire demi-tour...
- Et si on s'arrêtait un peu pour manger ? proposa la jeune femme. Je meurs de faim...
- Si seulement tu pouvais mourir tout court, grogna Yorwan. Enfin, je dois admettre que c'est la première bonne idée que tu aies eue depuis notre arrivée à Holodrum !
Cette fois, Flamme ne chercha même pas à réfléchir et lui colla un coup de poing sur le nez. Le Sheikah, fou de rage, se jeta sur elle et une bagarre s'en suivit. Ils se seraient probablement entre-tués si le hurlement d'une bête blessée ne les avait pas dérangés.
- Ce... c'était quoi ça ? demanda Lésa, visiblement morte de peur. On aurait dit comme... comme un gros, gros animal qui aurait très faim !
- J'aurais plutôt dit blessé, contesta la femme-fleur en se redressant. Il y a une créature qui souffre... pas loin.
- Tu sens la douleur maintenant ?
- Continue comme ça, et TU vas sentir TA douleur... Par les déesses, je ne sais pas ce qui se passe, mais il faut aller voir ! Ce n'est pas normal tout ça !
Yorwan soupira mais se releva lui aussi. Flamme se mit alors à marcher dans la direction d'où venait le bruit, suivie de près par ses deux compagnons. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent dans une clairière sans boue, sans sables mouvants, sans moustiques, bref ils avaient enfin quitté les marais.
Et juste en face d'eux, un groupe d'une dizaine de moblins s'amusait à torturer un gigantesque ours bleu couvert de sang.
- Il faut faire quelque chose ! s'exclama Lésa d'une voix rendue suraiguë par l'émotion. Ils... ces saletés vont le tuer !
Flamme et Yorwan se consultèrent du regard, puis sans un mot ils s'approchèrent des moblins. Alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques mètres d'eux, les monstres s'aperçurent de leur présence.
- Qu'est-ce que vous voulez ? demanda le plus gros et le plus laid. On vous prévient, on n'a pas de temps à perdre avec des Hyliens en vadrouille...
- L'ours, vous faites ça pour une raison particulière ou juste pour le simple plaisir d'être monstrueux ?
Flamme avait mis toute la diplomatie et la politesse dont elle était capable face à une telle barbarie dans cette phrase, mais à priori ce n'était pas suffisant. Le moblin la toisa de toute sa hauteur et l'aurait probablement écrasée comme un vulgaire moustique si l'un de ses subordonnés ne s'était pas précipité vers eux.
- Attendez chef ! Vous la reconnaissez pas ? C'est cette femme-fleur là, celle qui est toujours avec le Prince !
Le chef pâlit instantanément et se recroquevilla sur lui-même avant de tomber à plat ventre devant la jeune femme qui songeait que finalement, avoir fréquenté Link durant un temps avait peut-être des avantages.
- Pardonnez-moi votre seigneurie, supplia la créature, nous n'avons que rarement eu l'immense honneur de vous voir, et de loin encore ! Pouvons-nous faire quelque chose pour nous faire pardonner cette méprisable erreur ?
Elle hésita un instant. Grâce à cette bande d'imbéciles, elle pourrait peut-être en apprendre un peu plus sur elle-même... Bien sûr, ses questions risquaient de paraître stupides, mais... Son regard se posa alors sur l'ours bleu qu'ils avaient blessé, et un petit sourire se dessina sur ses lèvres.
- Auriez-vous deux épées à nous prêter ? Les nôtres se sont malheureusement cassées, un accident stupide...
Yorwan et le chef moblin la regardèrent tous deux d'un air surpris, mais ce dernier fit signe à deux de ses "soldats" de donner leurs armes au Sheikah et à la femme-fleur qui aussitôt sourit largement à son compagnon de voyage.
- Tu préfères prendre à gauche ou à droite ?
- Pardon ?
- Gauche ou droite ? répéta-t-elle en désignant les monstres d'un mouvement de la tête.
- Droite, répondit en souriant tout aussi largement Yorwan qui venait de comprendre. Il y en a plus de ce côté !
Sans attendre plus longtemps, Flamme planta son épée dans la poitrine du chef moblin tandis que le Sheikah se jetait sur ceux qui étaient restés près de l'ours pour leur faire subir le même sort. Les monstres mirent un moment à réaliser qu'on les attaquait et il leur fallut plus de temps encore avant de se décider à contre-attaquer, si bien que Yorwan et Flamme n'eurent au final que peu de résistance à affronter.
Il n'y eut rapidement plus un moblin debout, et la jeune femme put admirer ce qu'ils venaient de faire. A la vue de tout ce sang, elle se mit à vomir.
- Ça va ? lui demanda le Sheikah. Qu'est-ce qui t'arrive, il y en a un qui t'a frappée au ventre ?
- Non, c'est juste que j'ai du mal à supporter la vue de tout ce... Ton bras ! Tu es blessé !
- Vraiment ? s'étonna le Sheikah dont le bras affichait effectivement une large entaille. Je crois que ça explique la douleur... Quand même, je me demande comment je me suis fait ça !
- Bien sûr, hoqueta Flamme. Où va le monde si on ne peut plus tuer des monstres sans qu'ils se défendent...
Lésa arriva alors en courant. Sans prêter le moindre regard aux cadavres des monstres, elle inspecta la blessure de Yorwan, puis repartit de la même façon vers les marais sans dire un seul mot. Flamme voulut lui courir après, mais le Sheikah lui prit la main pour la retenir.
- Laisse, elle est sûrement partie chercher des plantes... Je crois qu'elle fait partie des Kokiris auxquels l'arbre Bojo a appris à guérir avec des plantes... Tu te sens mieux ?
- Un peu... mais pas beaucoup. Pourquoi on les a attaqués ? Ils ne nous avaient rien fait... ça me donne l'impression d'être aussi horrible qu'eux !
- Ils ont torturé cet ours ! s'emporta son ami. Tu crois sérieusement qu'il leur avait fait quelque chose ? Ces... ces monstres étaient au service de Link ! Ils avaient sûrement tué des dizaines d'innocents ! Tu n'as pas à avoir le moindre remords !
- Il a raison ton fiancé, confirma une grosse voix derrière eux, faut pas t'en vouloir parce que t'as débarrassé Holodrum de quelques crétins sanguinaires.

Chapitre 17   up

PleursYorwan et Flamme sursautèrent et se retournèrent immédiatement pour voir qui avait parlé. Mais en dehors de l'ours bleu, il n'y avait absolument personne. Ils commençaient à se demander s'ils n'avaient pas rêvé lorsque l'animal redressa un peu sa tête.
- Au fait, merci tous les deux, déclara-t-il. Ces espèces de trucs voulaient me tuer pour rapporter ma fourrure à je ne sais quel roi de pacotille qui voulait un nouveau manteau, ou un truc dans ce genre... Grâce à vous, je vais mourir en sachant qu'on ne m'infligera pas ce déshonneur.
- Un manteau ? répéta Flamme incrédule. Si c'est bien le roi auquel je pense, je trouve ça bizarre... Je n'ai pas le souvenir qu'il ait jamais eu de tels goûts.
- Ce n'est pas pour faire le beau, objecta l'animal, mais parce qu'un manteau de ce genre aurait soi-disant des pouvoirs spéciaux. Une histoire de bras droit qui aurait disparu, une très belle femme, et personne n'aurait de ses nouvelles depuis qu'elle a fait détruire un village je ne sais où il y a quelques mois. Ces saletés ont un peu discuté pendant qu'ils essayaient de me tuer sans abîmer ma peau.
- Si elle était belle, ça ne peut pas être toi Flamme... Flamme ? Ça va ?
La jeune femme avait brusquement pâli. Quoi qu'en dise Yorwan, cette description était la sienne, impossible de se tromper ! Elle était la seule femme qu'elle arrivait à imaginer en tant que bras droit de Link, le village dont parlait l'ours devait être celui des Sheikahs, et même le temps qui s'était écoulé depuis sa disparition concordait plus ou moins !
- Flamme, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es sûre de ne pas avoir été blessée ? Flamme, dis quelque chose !
La jeune femme lui jeta un regard plein de pitié. Comment pouvait-il s'inquiéter pour elle alors que cet ours venait quasiment de leur hurler qu'elle était responsable du massacre de sa tribu ! D'autant plus qu'à présent, elle s'en souvenait parfaitement... elle pouvait se voir s'agenouiller devant Link et lui annoncer que les Sheikahs préparaient une rébellion, lui dire qu'ils n'étaient pas tout à fait prêts au combat, lui indiquer comme les prendre par surprise...
Yorwan tenta de poser sa main sur son front pour voir si elle n'avait pas de fièvre, mais elle le repoussa brutalement. Elle était une traîtresse, un monstre bien pire que ceux qu'elle venait de tuer... Le Sheikah la regarda sans comprendre ce qui lui arrivait, pourquoi brusquement elle redevenait telle qu'elle avait été les premiers jours. Elle le regarda une dernière fois, les yeux débordant de honte et de culpabilité. Puis elle s'enfuit en courant sous les yeux de son ami.

Elle n'aurait pu dire avec précision durant combien de temps elle courut ainsi, mais lorsque la jeune femme s'arrêta enfin la nuit était tombée, et elle était perdue dans un bois dont les arbres étaient si grands et nombreux qu'ils cachaient presque totalement la lune et les étoiles. Flamme se sentit brusquement terriblement seule, mais elle ne regretta pas d'être partie comme ça. Elle ne pouvait pas rester avec Yorwan, pas après ce qu'elle avait fait... D'autant plus que d'autres souvenirs commençaient à lui revenir, comme par exemple la torture d'une vieille Sheikah qui avait les mêmes yeux que lui... probablement sa mère ou sa grand-mère, et Flamme l'avait tuée sans la moindre arrière-pensée après l'avoir fait souffrir des jours durant !
Quant à Lésa... elle non plus elle n'aurait plus été capable de la regarder en face. Après tout, il lui semblait que c'était elle qui avait fait pousser des babas-mojo autour du village kokiri, l'isolant du reste du monde.
Elle soupira et se laissa tomber sur le sol. A présent, elle ne pouvait plus tenir la promesse qu'elle avait faite à Saria... Le rôle d'héroïne risquant tout pour une fillette mourante ne lui allait déjà pas tellement avant, mais maintenant c'était totalement ridicule ! Flamme commença à pleurer, pour la première fois depuis qu'elle avait repris conscience dans la plaine un matin quelques mois plus tôt, et même très probablement pour la première fois de sa vie. Puis peu à peu, ses sanglots diminuèrent, et elle sombra dans un profond sommeil où elle se vit trahir les Sheikahs plusieurs centaines de fois.

Chapitre 18   up

Au petit matin, Flamme fut réveillée par le chant d'oiseaux au-dessus d'elle. Elle crut tout d'abord qu'il faisait encore nuit tant le sous-bois était sombre, mais quelques taches vert clair lui indiquèrent que le soleil était bel et bien levé.
La jeune femme se demanda alors pendant quelques minutes comment elle était arrivée là, les événements de la veille étant encore un peu confus dans son esprit. Puis brusquement, tout lui revint en mémoire... le retour de ses souvenirs, sa fuite, ses premières larmes...
Avait-elle bien fait de partir comme cela ? Yorwan n'avait pas eu l'air de comprendre l'implication de ce qu'avait dit l'ours bleu, elle aurait très bien pu jouer la comédie, rester avec lui et Lésa et partir à la recherche du... Non. Autrefois, lorsqu'elle servait Link - à cette seule idée elle frissonna de dégoût - elle aurait pu mentir ainsi. Mais elle avait changé, et ce changement comprenait le fait qu'elle ne puisse pas être avec eux, pas après ce qu'ils avaient dû subir par sa faute, et ce même s'ils ignoraient qu'elle était coupable ! Par contre... après réflexion, Flamme décida qu'il était hors de question d'abandonner sa quête de la Triforce, quoi qu'il arrive. Tout d'abord, elle avait promis à Saria, et ensuite, c'était peut-être la seule occasion qu'elle aurait jamais de se racheter de ses fautes...
C'est donc dans cet état d'esprit qu'elle se mit en route dans le bois, bien décidée à le traverser entièrement afin d'arriver enfin aux Bois Perdus.

A quelques lieues de là, Lésa changeait les cataplasmes de feuilles qu'elle avait posés sur les blessures de Yorwan et Moosh l'ours bleu en se demandant où était passée Flamme. La veille, lorsqu'elle était revenue avec ses plantes, la petite Kokiri n'avait trouvé que l'énorme animal et le Sheikah dans la plaine. Elle avait demandé à ce dernier ce qui s'était passé, mais il était resté le regard dans le vide, comme s'il avait été complètement coupé du monde extérieur. Il avait fallu qu'elle commence à lui poser la mixture qu'elle avait faite avec les feuilles sur sa blessure pour qu'il se décide à réagir.
- Aïe ! Je peux savoir ce que tu fabriques au juste ?
- Je te soigne, avait-elle répondu en souriant. Tu ne voudrais quand même pas que ça s'infecte ? Flamme risque de se moquer encore de toi sinon.
A cette simple allusion à la femme-fleur, il avait pâli avant de devenir écarlate de rage.
- Je n'ai pas besoin de ça ! s'était-il violemment emporté. Va donc plutôt t'occuper de l'ours, lui il en a besoin !
- Mais...
- Pas de mais, fais ce que je te dis, compris ?
La fillette avait fondu en larmes et était partie en courant vers l'animal qui effectivement avait bien besoin d'elle. Cela lui avait pris deux bonnes heures pour panser toutes ses plaies et durant ce laps de temps personne n'osa dire un seul mot. Puis, lorsqu'elle eut enfin terminé, Lésa retourna auprès du Sheikah qui cette fois se laissa soigner.
- Dis Yorwan, elle est où Flamme ? avait-elle finalement demandé. Elle est partie chercher quelque chose ?
- Elle est partie tout court je crois... et sûrement pour toujours.
- Hein ? s'était écriée la Kokiri. Mais... c'est pas possible, pourquoi elle aurait fait ça ?
- Parce qu'elle a retrouvé la mémoire, avait-il soupiré tristement, et que ça ne lui a pas plu... Elle était vraiment dans l'autre camp finalement, et elle en a eu tellement honte qu'elle a préféré partir que de rester avec nous après ce qu'elle a fait avant. D'ailleurs, avait-il repris d'une voix qui se voulait dure, elle a eu bien raison ! Je n'ai pas compris ce qui se passait avant qu'elle ne se mette à courir, mais autrement je crois que je l'aurais tuée ! C'est à cause d'elle que mon frère est mort !
- Non ! C'est pas vrai, tu mens, tu mens ! Flamme est gentille, c'est mon amie, et elle a promis à Saria ! Elle est gentille, tu mens !
Les larmes étaient montées aux yeux de la petite Kokiri qui pourtant savait que jamais Yorwan ne se serait abaissé à mentir, ou en tout cas pas sur cela. Le Sheikah l'avait alors serrée dans ses bras pour la consoler, mais elle le repoussa violemment. Lésa avait décidé qu'elle le détestait, parce qu'il détestait Flamme, et parce qu'il n'avait pas essayé de la retenir...
Jusqu'à la nuit, plus personne ne parla. Alors que la lumière déclinait, Yorwan prépara l'un de ces immangeables gruaux dont il avait le secret. Il en avait rempli trois gamelles, et avait offert l'une d'elles à l'ours.
- C'est comestible ce truc ? ça ressemble à ce que la petite a mis sur mes blessures, l'odeur de brûlé en plus...
- Ecoute-moi bien, boule de poils, c'est ça ou ton estomac reste vide jusqu'à ce que tu puisses trouver à manger tout seul, d'accord ?
- Je m'appelle Moosh, avait répondu l'ours en commençant à manger d'un air dégoûté. Beurk, c'est vraiment immonde... Et vous mangez toujours ça ?
- Non, avait répliqué Lésa, seulement quand quelqu'un laisse Flamme partir toute seule !
- Flamme, c'est celle qui s'est enfuie ? J'espère que vous teniez pas trop à elle, parce qu'elle a foncé directement dans les Bois Perdus, et personne n'en est jamais ressorti, à part un drôle de type avec des yeux... incroyables !
- Nous allions justement aux Bois Perdus, avait expliqué Yorwan. Et d'ailleurs, nous y allons toujours.
Lésa avait sauté de joie.
- Tu veux dire à Flamme de revenir ? C'est ça ?
- Non, je veux récupérer mon argent... Je lui avais confié ma bourse au village Horon pour qu'elle achète à manger...
Lorsque la petite fille lui avait mis un coup de pied dans le tibia, il n'avait rien osé dire...

- A quoi est-ce que tu penses ? demanda Yorwan à la fillette qui regardait sa blessure. Ça fait au moins trois fois que tu m'arraches la peau !
- Quoi ? Oh, pardon... je repensais à hier soir... Tu veux vraiment retrouver Flamme juste pour tes rubis ?
Il la regarda dans les yeux, puis se mit à regarder fixement à l'opposé de la petite fille en colère.
- Bien sûr, qu'est-ce que tu crois ? Je hais cette fille, surtout maintenant que je sais que je m'étais pas trompée sur elle au début !
- Tu es méchant ! En plus Flamme était très gentille depuis un moment, et même avec toi des fois ! Tu n'es qu'un méchant, et Mido avait bien raison finalement !
- Mido ? Qu'est-ce que ce crétin de rouquin a bien pu te raconter encore ? grogna le jeune homme.
- Il a dit que les Sheikahs n'avaient pas de coeur, pas de sentiments, et que vous n'étiez que des machines à tuer, et il a raison !
Yorwan se tourna à nouveau vers elle et la regarda droit dans les yeux, comme s'il avait une réplique cinglante à lui renvoyer, mais il se retint au dernier moment en voyant ses larmes.
- OK, je n'y vais pas que pour mon argent, ça te va ? grommela-t-il. J'y vais aussi parce que tu es mon amie, qu'elle est la tienne, et que si je le fais pas tu ne voudras pas me reparler avant des siècles. Tu es contente ?
- Très ! s'exclama-t-elle en lui sautant au cou. Et d'abord, Mido il est super nul, il n'y a que lui qui ne le sait pas !
Ils éclatèrent de rire tous les deux, puis Lésa alla s'occuper de l'ours. Quelques heures plus tard, lorsque les deux amis décidèrent de partir sur les traces de la femme-fleur, Moosh décida de les accompagner.
- Vous m'avez sauvé la vie, déclara-t-il solennellement. A partir de maintenant, j'ai une dette envers vous, et je ne vous quitterai que si je décide que j'ai réussi à la réparer.
- Surtout, ne te sens pas obligé de venir, le rassura Yorwan. Pour nous, ce n'est rien du tout ! Et puis, il vaudrait mieux que tu te reposes, que tu...
- Super ! On va avoir comme un nounours géant, c'est génial !
Lésa s'était jetée contre l'ours bleu et lui avait fait un énorme câlin tandis que le Sheikah soupirait, totalement désespéré. Il ne lui manquait plus que ça, après une femme-fleur meurtrière et une gamine immortelle, maintenant il allait devoir supporter une boule de poils géante et bleu fluorescent...

Chapitre 19   up

Yorwan n'allait plus tarder à craquer. Depuis dix jours, il supportait les histoires stupides que Moosh racontait pour passer le temps sans dire un mot pour ne pas le vexer, tout ça parce qu'il était leur guide. Seulement voilà, depuis plus d'une semaine, le trio tournait en rond, au sens propre du terme, puisqu'ils étaient déjà retombés deux fois sur un de leur campement, et toujours le même. D'un autre côté, sans cela ils auraient définitivement perdu une petite cuillère en bronze qu'ils y avaient oublié.
De leur côté, Lésa et l'ours discutaient tranquillement, comme si de rien n'était, d'une soi-disant aventure palpitante que ce dernier aurait vécue quelques années plus tôt avec un kangourou boxeur et un dragon d'eau rouge. Le Sheikah soupira, totalement désespéré tout d'un coup. Finalement, il préférait encore Flamme... au moins, avec elle il pouvait se disputer pour s'amuser, et surtout avec elle ils étaient toujours sûrs d'avoir un repas ressemblant à quelque chose de normal dans leurs gamelles.
- Tu as entendu ? lui demanda la Kokiri. Moosh a un esprit tellement fort qu'il arrive à s'en servir pour voler ! C'est incroyable, pas vrai ?
- Totalement incroyable en effet... Au fait, le conteur sur pattes, tu m'expliques pourquoi c'est la troisième fois ce matin qu'on passe devant l'arbre où tu t'es fait les griffes il y a deux jours ?
- Pour que je recommence, répartit simplement la boule de poils bleus. Tu n'imagines pas à quelle vitesse ça peut pousser, les griffes d'un héros !
Yorwan voulut répondre que l'ours ne devait pas y connaître grand-chose non plus, mais il parvint de justesse à se retenir. Les griffes de Moosh étaient effectivement assez imposantes en fin de compte... Il se contenta donc de grommeler avant de s'asseoir sur le sol en attendant que Monseigneur ait fini de se limer les ongles.
Une tâche de couleur rouge contre un arbre attira son attention, et il se leva pour voir s'il s'agissait de sang ou bien d'autre chose.

La couleur était bien celle du sang, mais c'était tout simplement un morceau de tissu qui avait dû être arraché d'un pantalon ou d'une robe. Yorwan l'attrapa et commença à le regarder sous toutes les coutures, se demandant pourquoi il avait l'impression que ce petit bout d'étoffe aurait dû lui rappeler quelque chose. Ne parvenant pas à trouver de réponse satisfaisante à ce mystère, il retourna auprès de ses deux compagnons, sa découverte à la main, pour leur demander ce qu'ils en pensaient. Mais il n'eut pas le temps d'articuler le moindre mot, car dès qu'elle aperçut le lambeau de tissu, Lésa cria.
- Mais, ça vient de la robe de Flamme ! Où tu l'as trouvé ?
- De la robe de Flamme ? Tu crois vraiment ? Je ne me souvenais pas qu'elle était de cette couleur...
- Moi, j'en suis sûre et certaine, répondit la fillette. Même que tu lui as dit une ou deux fois qu'elle avait l'air de sortir d'un bain de sang, et que ça allait très bien avec sa personnalité, et là elle a répondu que...
- Ça va, c'est bon, j'ai compris ! l'interrompit-il rapidement pour ne pas devoir revivre la dispute. J'ai trouvé ça là-bas, sur un arbre.
Le Sheikah indiqua la direction d'un geste vague, et Moosh qui venait de finir sa manucure alla y jeter un coup d'oeil.
- Ta fiancée est bien passée par ici, déclara-t-il à Yorwan. Mais il y a eu de la bagarre, avec... deux trucs volant avec de la paille dans leurs poils gris. Je me demande ce que ça peut être comme créature ça, sûrement des bestioles de Termina qui sont venues jusqu'ici... En tout cas, ces choses ont assommé ta fiancée et ils l'ont emmenée avec eux. Quelque chose à dire, machin ?
- Plusieurs même ! Un, je ne m'appelle pas Machin mais Yorwan, et deux, Flamme n'a jamais été et ne sera jamais ma fiancée ! Plutôt mourir...
- Et c'est tout ? Tu parles vraiment pour rien...
- Y a pas que moi, grogna le jeune homme. Et non, ce n'est pas tout. Ça s'est passé il y a combien de temps ?
- Hier je pense, ou avant-hier. Pas plus de trois jours, ça je peux te l'assurer, machin.
Machin jugea préférable pour le bien de tous de ne surtout pas répondre à cette provocation volontaire, mais il songea très sérieusement que pour l'instant, les qualités de pisteur de l'ours bleu n'avaient pas semblé particulièrement remarquables. Si jamais Flamme revenait, il la supplierait de reprendre sa place parmi eux dans l'espoir de pouvoir virer l'ours !
- Par contre, il y a une bonne nouvelle, reprit l'ours apparemment réjoui par le silence du Sheikah. En suivant la trace de ta fiancée et de ses ravisseurs, on devrait trouver facilement l'autre côté du bois.
Sans plus attendre, Lésa et lui se mirent en route sans s'apercevoir que Yorwan n'était pas loin de pleurer de bonheur. Une fois à Termina, il pourrait certainement s'enfuir loin de la peluche fluorescente...

Chapitre 20   up

La lumière, douce, bienveillante, à un état presque pur, succédant aux ténèbres les plus sombres et angoissantes que le monde ait jamais connu. Le renouveau de la vie au printemps après la froide longueur de l'hiver. Sortir des Bois Perdus fit cette impression assez agréable à Yorwan. Lorsqu'il se mit à pleurer de joie, Lésa, qui avait toujours vécu en forêt et aimait leur atmosphère, crut qu'il était devenu définitivement fou, ce qui d'un certain point de vue était vrai, puisqu'il était fou de joie de voir à nouveau le ciel.
- C'est l'idée que tu te rapproches de ta fiancée qui te fait cet effet, machin ? se moqua l'ours. En tout cas, c'est une nouvelle preuve que je suis le meilleur. Je vous avais bien dit que grâce à moi, nous arriverions très vite à Termina !
Yorwan s'abstint de répondre pour éviter d'être désagréable, mais il commençait à en avoir un peu assez de cet animal stupide, énorme, moche et présomptueux. Même Flamme n'aurait jamais osé se mettre autant en avant, c'était dire...
- Dis Moosh, commença Lésa, tu es sûr qu'on est bien à Termina ? On se croirait encore dans les marais...
- Normal, de ce côté des Bois Perdus il y a aussi des marais, expliqua l'ours. D'ailleurs, ça ne va pas me faciliter la tâche pour retrouver la fiancée de l'albinos, les marais ne gardent que très rarement les traces des passages.
- Et les animaux ?
- Quoi les animaux ?
- Est-ce qu'ils se souviennent de qui est passé en général ?
- Je crois, répondit Moosh trop surpris pour arriver à paraître sûr de lui. Mais qu'est-ce que ça change ?
La petite Kokiri ne répondit pas, mais se dirigea vers un petit groupe de singes qui jouait près de la lisière de la forêt. Des singes à présent, songea Yorwan... décidément, ce voyage ressemblait à la visite d'un zoo géant ! Lésa resta un moment près des singes pour leur parler à ce qu'il semblait, puis elle revint vers ses compagnons de route.
- Ils disent qu'ils ont vu les sorcières du marais emporter une jeune femme vers leur magasin il y a quatre jours, et elles ne sont pas ressorties depuis.
- Tu es sûre que la personne qu'elles transportaient était bien Flamme ? demanda le Sheikah, plus que septique quant aux qualités d'observateur d'une bande de singes braillards.
- Sûre et certaine ! Elle avait des cheveux couleur de feu et une robe rouge sang. D'après eux, les sorcières ont dû lui jeter un sort pour pas qu'elle se débatte, parce qu'elle était toute raide entre leur balai.
- Des balais... voilà d'où venait la paille, murmura Moosh. Et comme les sorcières sont vieilles, elles doivent avoir des cheveux blancs... Comme quoi je ne m'étais pas trompé de beaucoup !
- Les singes t'ont dit où vivaient les sorcières ? s'enquit Yorwan en ignorant délibérément la remarque de la boule de poils sur pattes. Ou bien on va devoir les trouver tout seuls...
- Mieux, ils ont accepté de nous y conduire ! Ils sont vraiment très, très gentils, pas vrai ! On a vraiment de la chance, tout le monde est tellement gentil avec nous...
Yorwan acquiesça, tout en songeant silencieusement que les moblins qu'ils avaient rencontrés deux semaines auparavant n'avaient pas été particulièrement gentils. Son bras refusait obstinément de cicatriser, et ce malgré les nombreux soins tentés par Lésa.
Celle-ci était actuellement en train de retourner vers ses nouveaux amis à poils en faisant signe à l'ours fluorescent et au Sheikah de la rejoindre. Ce dernier allait le faire, lorsqu'une ombre au milieu des arbres attira son attention. Il se préparait à aller voir de quoi il s'agissait, mais Moosh prit le col de sa tunique entre les dents et commença à le tirer vers la Kokiri, ne prêtant aucune importance au fait qu'il étranglait le jeune homme.
Ils se mirent ensuite en route, précédés par les singes, et rapidement Yorwan oublia la silhouette entrevue.

La vieille femme-fleur cachée dans les Bois Perdus soupira de soulagement. Il s'en était fallu de peu pour qu'elle soit repérée... Heureusement que Moosh avait senti le danger et qu'il était intervenu, empêchant le Sheikah de découvrir qu'elle les avait suivis depuis la petite discussion qu'elle avait eue avec sa filleule à l'entrée de la vallée gérudo. D'ailleurs, en faisant cela, elle s'était montrée particulièrement stupide, et surtout indigne d'une femme-fleur. La petite s'était attiré des ennuis, elle devait s'en sortir seule ! Même sa marraine n'avait pas le droit d'intervenir normalement... seulement voilà, la marraine en question avait senti les doutes de son ancienne élève, et elle-même commençait à douter du bien-fondé de leurs traditions...
Elle secoua la tête pour chasser ces sottises de son esprit, puis regarda le petit groupe devant elle. Ils étaient assez loin à présent, elle pouvait recommencer à les suivre sans risquer de se faire repérer. Ce qu'elle fit d'ailleurs, maudissant intérieurement sa trop grande affection pour sa filleule de serment.

Chapitre 21   up

Les singes les guidèrent à travers les marais qui empestaient l'eau croupie où les moustiques pullulaient en ce début de printemps - à Holodrum, c'était encore l'automne et les insectes avaient eu le bon goût de mourir ou d'hiberner - et ceux-ci se faisaient une joie du passage de Yorwan et Lésa qui, de leur point de vue, devaient ressembler à un superbe festin.
- Pourquoi ces trucs nous piquent ? demanda la Kokiri déjà couverte de petits boutons rouges. On ne leur a rien fait de mal !
- Ce sont des moustiques... dans les marais, c'est assez commun, et on a déjà eu de la chance de pas en voir plus tôt...
- Je déteste les marais dans ce cas !
- Comme la plupart des gens normaux et civilisés avec un minimum de cervelle... ces deux sorcières, si elles vivent vraiment ici en permanence, c'est qu'elles doivent être encore plus dingues que Flamme, ce qui n'est quand même pas rien.
Encore une fois, il ne protesta pas quand la petite fille lui envoya un coup de pied dans le tibia, mais il songea sérieusement à commencer à lui apprendre un jeu sheikah qui consistait à taper dans une boule avec les pieds pour l'envoyer dans une caisse. Vu la force qu'elle semblait avoir dans les jambes, elle deviendrait vite une championne.

Puis, un peu avant la tombée de la nuit, ils arrivèrent enfin devant ce qui servait de maison aux sorcières. Elle ressemblait à une espèce de vieille cruche ébréchée avec une anse sur le côté et de la fumée qui sortait du toit qu'on aurait posé sur une estrade en bois tenant par miracle sur un unique pilier posé au beau milieu d'une mare d'eau croupie. Tandis que les singes partaient pour reprendre une activité normale, Yorwan songea très sérieusement à aller avec eux. Cette... chose qui se voulait une maison ne lui inspirait pas confiance. Cependant, lorsque Lésa commença à grimper à l'échelle qui conduisait à la plate-forme, l'idée de s'enfuir se retrouva éliminée d'office.
- Tu restes ici et tu nous préviens si jamais il se passe quelque chose, ordonna-t-il à Moosh. Tu n'auras qu'à hurler par exemple, tu as une voix qui porte bien... et...
- Tu montes oui ? La petite est presque déjà entrée !
Yorwan soupira, puis commença à grimper les échelons. Il détestait monter. Il détestait les échelles. Il détestait cet ours. Il détestait Flamme. Il détestait... il était en haut. Lésa le regarda d'un air surpris, et le jeune homme comprit que son visage devait être un peu tendu. Il se força donc à lui sourire, puis se dirigea vers la porte de la cruche et tourna la poignée. Sans résultat.
- J'ai déjà essayé, l'informa Lésa, c'est fermé à clé.
- Merci de me le dire, c'est pas comme si je venais d'essayer de l'ouvrir...
- De rien ! Alors, on fait comment ? On va pas pouvoir entrer... on pourrait frapper à la porte, tu crois qu'elles nous ouvriraient ?
Yorwan soupira. Si ces sorcières avaient fermé leur espèce de maison à clé, ce n'était certainement pas pour venir gentiment ouvrir à la première personne qui viendrait les déranger... C'est ce qu'il s'apprêtait à dire à la fillette lorsque celle-ci se colla à la porte.
- Je crois que j'entends des voix... oui, j'en suis même sûre ! Mais j'arrive pas à bien comprendre. Viens écouter toi, tu es un Sheikah, avec tes grandes oreilles tu entendras sûrement beaucoup mieux !
Le jeune homme faillit lui répondre que cette histoire d'oreilles hyliennes et sheikahs qui offraient une audition n'avait aucune valeur d'un point de vue scientifique, mais il eut le vague pressentiment qu'elle ne l'écouterait pas. Il posa donc la tête contre la porte, et effectivement entendit deux personnes - probablement les sorcières - qui semblaient parler à une troisième, laquelle troisième demeurait muette. Parmi les mots qui revenaient le plus souvent, il y avait "femme-fleur", "démon", "idiote", "Triforce" et "tu vas mourir si tu t'obstines", si bien que le Sheikah en déduisit que la fameuse troisième devait être Flamme.
- Alors, il se passe quoi ? lui demanda Lésa. Elle est là ?
- Oui, et je crois qu'elle a réussi à encore s'attirer des problèmes. Je me demande comment elle fait, elle doit avoir un don... Ou alors il y a une déesse qui a une dent contre elle, c'est pas possible ! Enfin, elle a toujours ma bourse...
Il fit signe à la fillette de s'éloigner un peu, ferma les yeux et commença à se concentrer sur la porte. Il la visualisa en train d'exploser tandis qu'une énergie s'accumulait en lui. Après quelques secondes, il rouvrit les yeux et fixa la porte.
- Explose ! ordonna-t-il.
Comme prévu, la porte éclata en mille morceaux, dont la plus grande partie se transforma en projectiles qui aurait pu tuer Lésa si elle ne s'était déplacée. La fillette, qui s'était cachée derrière une sorte de gros pot, se précipita vers le jeune homme.
- Comment t'as fait ça ? C'est de la magie ? Tu... Oh ! Ta main ! T'es encore blessé !
Yorwan, décida délibérément de ne pas regarder sa main gauche. Il y avait plus important à faire... essayer de profiter de l'effet de surprise créé par l'explosion pour récupérer Flamme. Et sa bourse surtout. Il alla donc se placer face à l'ouverture qu'il venait de créer, et découvrit un spectacle inattendu.

Flamme le regardait d'un air étonné, tranquillement assise par terre sur un coussin, une tasse à la main, tandis qu'une vieille femme couverte de rides tenait une théière à la main, l'explosion semblant l'avoir arrêtée tandis qu'elle versait du thé à la femme-fleur. Une seconde vieille tenait une boîte de gâteaux à la main et semblait les proposer à la jeune femme.
- Tiens, salut Yorwan, dit Flamme d'un ton surpris. C'est toi qui t'amuses à casser des portes sans raisons ?

Chapitre 22   up

Yorwan en resta bouche bée. Lui qui s'attendait à devoir sauver héroïquement la jeune femme, sans craindre d'affronter les deux terribles sorcières... se retrouvait en train de se faire engueuler parce qu'il avait interrompu un goûter. Tandis qu'il tentait de reprendre ses esprits, Lésa sauta au cou de Flamme.
- Ben tu vas bien alors ! On pensait que tu avais des ennuis ! Yorwan a même dit que tu avais dû...
- C'est elle qui devrait nous donner des explications, l'interrompit précipitamment le jeune homme. On peut savoir ce qui t'a pris de disparaître comme ça ? OK, tu as fait des choses pas très reluisantes... Mais je te signale qu'on avait décidé de partir ENSEMBLE pour retrouver la Triforce, non ?
- Ça ne répond pas à ta question, commença Flamme, mais... c'est normal que tu aies un morceau de bois planté dans la main ?
- Je n'irai pas jusqu'à qualifier ça de normal, mais je sais d'où ça vient par contre. De la porte d'entrée...
- Inutile de chercher à porter plainte, déclara l'une des vieilles, la porte était en état de légitime défense puisque vous l'avez faite exploser.
Le Sheikah la regarda dans les yeux, un peu surpris d'entendre une femme de cet âge dire ce genre de bêtises, mais avant qu'il ne puisse répondre, l'autre sorcière s'empara de sa main gauche et arracha violemment l'éclat de bois qui y était enfoncé. Yorwan parvint de justesse à mordre son autre main pour ne pas hurler, mais il ne put retenir quelques larmes de douleur.

Pendant que son compagnon de voyage se faisait soigner, Flamme repensa à ce qui lui était arrivé depuis qu'elle les avait quittés.
Finalement, elle n'avait pas marché trop longtemps dans ce bois avant de comprendre qu'elle était dans les Bois Perdus et surtout avant de se faire attaquer par derrière et assommer. A son réveil, elle s'était retrouvée dans cette boutique avec les deux sorcières qu'elle avait tout d'abord crues folles, Koume et Kotake.
Mais celles-ci, bien qu'elles semblaient rendre une sorte de culte à Link et qu'elles adoraient le thé - boisson que Flamme haïssait au plus haut point -, étaient parfaitement saines d'esprit. De plus, elles semblaient réellement dotées de pouvoirs magiques, puisqu'elles connaissaient le but du voyage de la femme-fleur ainsi que les découvertes qu'elle avait faites récemment sur son passé. Cependant, loin d'être enthousiastes face à la quête qu'elle avait entreprise, elles recommandèrent à la jeune femme d'abandonner.
- Tu es quelqu'un d'important, avait déclaré Koume. Peut-être l'élue, celle qui doit délivrer les deux univers des tyrans ! Mais si tu continues cette futile recherche de la Triforce, tu échoueras forcément, et le chaos régnera à jamais sur Hyrule et Termina. Ce n'est pas ce que tu désires, n'est-ce pas ?
- Je me fiche d'Hyrule et Termina, avait répondu Flamme. J'ai fait une promesse, et même si tous les univers possibles et imaginables devaient être détruits à cause de ça, je ferais quand même tout ce que je peux pour la tenir. En plus, non seulement vous n'êtes même pas sûres que je suis cette élue, mais en plus moi je n'y crois pas.
Les deux sorcières avaient manqué de s'étouffer avec leur thé, puis durant plusieurs jours avaient tout tenté pour faire changer d'avis la femme-fleur. Lorsque Yorwan et Lésa étaient arrivés, elles avaient commencé à lui raconter une obscure histoire de démons ennemis de la Triforce et alliés des femmes-fleurs à cause desquels elle ne pourrait jamais obtenir la Triforce. Finalement, lorsque ses deux amis avaient fait exploser la porte, elle avait dû se retenir de leur sauter dessus pour les remercier d'être venus à son secours.

Grâce aux potions miraculeuses de Koume, la blessure de Yorwan disparut presque instantanément, même si la douleur lui survécut un peu, ainsi que la rancune du jeune homme envers Kotake.
- Vous voulez un peu de thé ? proposa celle-ci en souriant. Je le fais moi-même, il est excellent. Et comme ça, nous pourrons discuter du prix de ma porte tranquillement.
- Je... non merci, répondit poliment le Sheikah en voyant Flamme regarder sa tasse d'un air dégoûté. Nous sommes assez pressés malheureusement... une autre fois peut-être ? Et pour votre porte, dites-moi combien je vous dois, et si je n'ai pas assez... je... euh...
- Trois cents rubis, ou vous réparerez vous-même la porte.
Yorwan manqua de s'étrangler. Trois cents rubis ?! Bien sûr, il avait certainement cette somme, mais tout ça pour une simple porte... D'un autre côté, il n'avait pas tellement le choix.
- Je vois... Flamme, tu peux me passer ma bourse ? Aux dernières nouvelles, c'est toujours toi qui l'as...
- Je te l'avais rendue au village Horon, répliqua-t-elle. C'est toi qui l'as maintenant, à moins que tu ne l'aies perdue.
- Je suis sûr que tu l'as gardée ! Ecoute Flamme, c'est vraiment pas drôle !
- Ce n'est pas de ma faute si ta mémoire ressemble à un gruyère !
- Et c'est toi qui oses dire ça ? C'est sûr que tu es bien placée pour me critiquer de ce côté...
- Chez moi ce n'est ni naturel, ni causé par une décoloration abusive !
- Laisse mes cheveux en dehors de ça, tu veux ?
- Ça suffit ! intervint Lésa. Vous venez à peine de vous retrouver et vous recommencez vos disputes ?
- C'est elle qui a commencé ! objecta Yorwan.
- Cafteur...
Lésa soupira d'un air dramatique, et Flamme éclata de rire. Il était absolument hors de question de le leur dire bien sûr, mais ses deux amis lui avaient manqué, plus encore qu'elle ne l'aurait cru.
- Et pour la porte ? demanda Koume. Qu'est ce que vous comptez faire ?
- Nous allons vous en faire une autre, promis la femme-fleur tout en priant intérieurement pour que Yorwan soit plus doué en bricolage qu'elle.

Chapitre 23   up

Il y avait vraiment des gens qui avaient un don pour les travaux manuels, songea Flamme en regardant la porte qu'ils venaient de finir. Et bien ni elle ni Yorwan n'en faisait partie. Ce qu'ils étaient parvenus à faire en sacrifiant plusieurs doigts du Sheikah ressemblait davantage à une Mojo enceinte et boursouflée qu'à autre chose.
- C'est plutôt réussi je trouve, déclara fièrement Yorwan. Elle est presque aussi bien que celle que j'ai fait exploser !
- Yorwan, même un aveugle verrait que cette... chose ne ressemble à rien de connu ! C'est une porte qu'on leur a promis, pas une sculpture d'art moderne !
- Puisque tu es si douée, tu n'as qu'à le faire, grogna le jeune homme. C'est moi qui ai fait tout le boulot pour le moment !
- C'est toi qui n'as pas voulu que je touche au marteau je te signale, monsieur le roi de la construction...
- Tu es une femme, tu ne saurais même pas par quel bout on le tient !
- Je t'ai regardé faire et j'ai appris, répliqua-t-elle en le foudroyant du regard. Je suis même sûre que moi je peux y arriver sans me planter un seul clou dans la main et sans que TOUS mes doigts se soient fait écraser au moins une fois !
- C'est de la faute de Moosh, il fait tout pour me déconcentrer !
Flamme regarda l'ours qui jouait avec Lésa et soupira. D'accord, elle devait bien admettre qu'il avait des circonstances atténuantes... l'espèce de peluche bleue qu'ils avaient sauvée était tout simplement infernale, et si la petite Kokiri ne s'y était pas autant attachée, elle en aurait bien fait une descente de lit. Elle l'aurait offerte aux sorcières en remboursement de la porte, et ils auraient pu reprendre leur route tranquille.
- A quoi tu penses ? lui demanda Yorwan. Tu as un drôle de sourire je trouve... un peu inquiétant.
- Je pense que je redeviendrais bien un monstre assoiffé de sang juste le temps de m'occuper un peu de cet ours de malheur.
- Si tu le fais, je ne t'en voudrais sûrement pas. Je le trouve vraiment bizarre...
- Complètement dingue oui... ce truc a décidé qu'on était fiancés ! En plus... maintenant, je suis sûre de l'avoir déjà rencontré, même si je n'arrive pas à savoir où, or mes anciennes connaissances datant d'avant mon amnésie ne sont pas tellement fréquentables.
- Je te rappelle que tu m'as connu à cette époque !
- Qu'est-ce que je disais ? Que des gens pas fréquentables !
Avant que le Sheikah ne puisse commencer à protester tout en l'insultant copieusement comme il aimait le faire, la jeune femme alla rejoindre Moosh et Lésa qui faisait une sorte de course entre les arbres. Lorsqu'elle la vit, la petite Kokiri arrêta de courir pour la rejoindre.
- Je suis rapide, pas vrai ?
- Très... une vraie championne. Mais tu n'as aucune chance contre un ours, tu en es consciente au moins ?
- Il y a toujours une chance ! Même si elle est toute petite... Et votre porte, comment elle va ?
- Elle attend un enfant, annonça très sérieusement la femme-fleur. Elle doit être à un ou deux mois de son terme.
- Et c'est moi qu'on accuse de raconter n'importe quoi, grogna Moosh. T'es pas mauvaise non plus, la Gerudo !
Flamme réussit de justesse à ne pas lui hurler dessus en lui rappelant une fois de plus qu'elle n'était pas une Gerudo. De toute façon, cette carpette sur pattes ne l'écoutait jamais. Il n'écoutait personne d'ailleurs, semblant n'obéir qu'à lui-même ou à une personne bien cachée derrière un tronc là-bas...
- Hein ?
La jeune femme crut qu'elle avait des visions. L'espace d'un instant, elle avait entrevu une silhouette dans les bois qui avait disparu quelques secondes plus tard. Elle s'apprêtait à aller voir de quoi il s'agissait, mais Moosh s'interposa.
- Où tu vas comme ça la Gerudo ? Ce n'est pas très prudent de t'éloigner, on ne sait pas exactement ce qu'il y a comme bestioles dans le coin !
- C'est justement ce que j'espérai découvrir, tapis ambulant. J'ai vu quelque chose bouger dans ce coin, et j'aimerais savoir ce que c'était !
- Il n'y a rien, déclara l'ours après s'être tourné dans la direction indiquée. Tu as des hallucinations, la Gerudo. Tu ferais mieux de rejoindre ton fiancé maintenant, avant qu'il n'ait réduit tous ses doigts en... ça te gênerait de m'écouter jusqu'au bout ? Reviens ici !
Fatiguée par son discours et énervée qu'une fois de plus il considère Yorwan comme son fiancé, la femme-fleur l'avait planté là et était partie voir si elle ne trouvait pas un indice sur la créature qui les espionnait.
- Non mais je rêve ! s'exclama Moosh. Tu pourrais m'obéir quand même !
Elle se retourna, prête à lui rappeler qu'elle n'avait d'ordre à recevoir de personne, et surtout pas de lui, mais ce qu'elle vit lui coupa le souffle.

Au milieu des arbres, deux énormes monstres en armure tenant des haches avançaient vers Yorwan et Lésa qui parlaient près de la porte en riant. Elle voulut hurler pour les prévenir, mais sa voix resta coincée dans sa gorge.
Etonné qu'elle reste silencieuse, Moosh se tourna à son tour et vit les créatures.
- Eh ! l'albinos, fais attention, il y a des hache-viande derrière vous ! Planque la petite !
Le Sheikah, qui n'avait qu'une confiance très limitée dans l'ours, se retourna. Il eut tout juste le temps de pousser Lésa avant que l'un des monstres abatte son arme exactement là où elle était. La fillette, une fois remise de sa surprise, courut se réfugier auprès de Moosh tandis que Yorwan évitait la seconde hache. Flamme décida de se porter à son secours, mais l'ours l'arrêta.
- Ecoute boule de poil, c'est pas le moment !
- Oh que si... explique-moi ce que tu comptes faire contre eux ? Ils sont armés et toi pas. Tu ferais mieux de profiter de ce qu'ils s'occupent de l'albinos pour fuir avec la gamine.
- L'albinos est mon ami, je ne vais quand même pas le laisser mourir sous mes yeux ! s'emporta la jeune femme. Ça n'a peut-être aucun sens pour vous, mais pour moi ça en a !
- Tu es une femme-fleur, tu n'as à aider que tes pareilles...
- Je m'en contrefiche ! Maintenant laisse-moi passer, ou je vais...
- Prendre cette jolie épée qui sera beaucoup plus efficace que tes petits poings vengeurs.
- Pardon ?
D'un mouvement de la tête, il lui indiqua un arbre au pied duquel se trouvait une petite épée qu'un enfant aurait pu utiliser. Sans chercher à réfléchir sur la façon dont cette arme s'était retrouvée là, Flamme, qui n'avait pas gardé l'épée volée aux moblins, courut la prendre et alla porter secours à Yorwan.

Dès qu'elle commença à frapper les hache-viande avec sa nouvelle épée, la jeune femme eut l'impression qu'elle perdait le contrôle de ce qui se passait. Comme si quelqu'un d'autre se servait de son corps pour les frapper... quelqu'un qui devait être un excellent guerrier, car il ne lui fallut que quelques minutes pour parvenir à réduire en pièces leurs armures et exterminer les monstres avec l'aide du Sheikah.
- Eh beh ! Quand je pense qu'au village tu nous avais dit que tu savais à peine tenir une épée, commenta Yorwan, je préfère ne pas savoir ce que c'est qu'un grand épéiste pour toi ! Tu aurais dû faire pareil avec les moblins l'autre jour, ça aurait été drôlement plus rapide !
- Je... ce n'est pas moi ! protesta la jeune femme. C'est... c'est cette épée, elle a tout fait toute seule...
- Vraiment ? Dans ce cas, je devrais la remercier. Cette épée vient de me sauver la vie !
Il fit un clin d'oeil à la femme-fleur qui constata avec surprise qu'elle était en train d'y répondre par un sourire. Décidément, il se passait des choses bizarres dans ce marais...

Chapitre 24   up

KafeïLes sorcières acceptèrent avec un immense plaisir leur nouvelle porte qui, étrangement, leur plaisait davantage que l'ancienne, ce qui pour Flamme fut la preuve suprême qu'elles étaient bonnes pour l'asile. Elle jugea tout de même leur folie plutôt utile lorsque Koume décida de leur offrir, en plus de nombreuses provisions, une carte de Termina. De plus, elles leur conseillèrent de passer à Bourg-Clocher, où d'après elles une apprentie femme-fleur s'étant enfuie vivait depuis quelques années.
La petite troupe les remercia chaleureusement, puis ils partirent, soulagés de ne plus avoir à boire de thé avant très longtemps.

Une journée et demie de marche plus tard, Flamme, Lésa et Yorwan entrèrent dans la ville, Moosh ayant préféré rester dans la plaine pour ne pas trop attirer l'attention sur eux, et surtout pour voir s'il ne trouvait pas de bananier.
Dès qu'elle fut à l'intérieur de la cité, Flamme sut qu'elle détestait cela. Il y avait du monde partout, du bruit, des odeurs pas toujours très agréables, en particulier celle qui venait de l'auberge à midi.
- Il pourrait nettoyer les toilettes, ça empeste jusque dans la rue, grogna-t-elle. C'est une véritable infection dans le coin !
- C'est pas les toilettes, c'est la cuisine... Les repas de cette auberge sont très célèbres, même à Hyrule...
- Tu ne comptes pas me faire croire que quelque chose qui sent aussi mauvais a bon goût quand même !
- Non, soupira Yorwan. C'est justement célèbre parce que personne n'a jamais réussi à manger ça sans se mettre aussitôt à vomir... Mais comme la propriétaire est très gentille et plutôt jolie, il y a toujours des gens qui viennent. Ils mangent au restaurant...
- En parlant de ça, j'ai faim moi, déclara Lésa. Quand est-ce qu'on mange ?
- Quand on aura trouvé un restaurant loin de cette auberge... je ne veux pas que cette puanteur gâche mon repas !
Cette proposition fut largement approuvée, et ils quittèrent rapidement ce quartier de la ville. Malheureusement, ils ne restaient plus une seule place de libre où que ce soit, si bien qu'ils n'eurent d'autres choix que de s'installer devant la tour de l'horloge pour manger leurs provisions de voyage.
- C'est incroyable tout ce monde, grogna le Sheikah. Je suis sûr qu'en plus, on va devoir dormir dehors ! Je savais que Bourg-Clocher était peuplé, mais je pensais pas que ce serait à ce point...
- C'est bientôt l'époque du carnaval du temps, il y a plein de touristes... Ajoutés à tous les habitants d'Hyrule venus se cacher ici, la ville est pleine à craquer.
Celui qui venait de leur parler était un homme d'une trentaine d'années avec de longs cheveux bleus et de grands yeux rouges. Il souriait, mais à priori la présence des touristes et des réfugiés ne lui plaisait pas particulièrement.
- Le carnaval du temps ? C'est quoi ça ? demanda Lésa.
- Une grande fête qui a lieu ici tous les ans. Mais si vous n'avez pas l'air d'être là pour ça... Vous êtes une famille de réfugiés ?
- Non, nous sommes juste de passage, expliqua Flamme. Normalement, nous n'aurions même pas dû venir en ville, mais on nous a parlé de quelqu'un qui pourrait nous donner des renseignements utiles.
- Vraiment ? Je connais tout le monde en ville, je pourrais certainement vous aider ! Au fait, je m'appelle Kafei, et vous ?
- Flamme, la petite c'est Lésa, et le crétin c'est Yorwan.
Le crétin en question la foudroya du regard, mais préféra ne pas répliquer, tandis que Kafei les regardait sans comprendre.
- Eh bien ! Comme on dit, qui aime bien, châtie bien... vous devez vous adorer !
- Nous ne sommes PAS fiancés, mariés ou n'importe quoi d'autre, grogna la jeune femme. Si nous voyageons ensemble, c'est uniquement par nécessité !
L'Hylien acquiesça, mais ses ricanements et la façon dont il les regardait signifiaient clairement qu'il n'en croyait pas un mot.
- Et si vous me disiez quelle est la personne que vous recherchez, proposa-t-il. Plus vite vous l'aurez trouvée, mieux ça vaudra !
Flamme eut la vague impression qu'il voulait qu'ils partent le plus vite possible, mais elle décida de ne pas en tenir compte.
- A vrai dire, nous ne connaissons pas son nom... Des... amies nous ont dit qu'il y avait dans cette ville une femme qui avait failli devenir une femme-fleur, et...
- Vous êtes venus voir Hétaïre ? s'étrangla Kafei. Vous êtes dingues ou quoi ? Cette fille est complètement timbrée ! Elle passe son temps à parler de démons, de feu et de torture ! Qu'est-ce que vous lui voulez ?
- Qu'elle nous parle de démons, de feu et de torture entre autres, répondit calmement la jeune femme. Et surtout, qu'elle nous parle des femmes-fleurs.
- Vous avez de drôles de centres d'intérêt... enfin, elle loue une chambre derrière le bazar, vous n'avez qu'à aller au lavoir et faire sonner la cloche, elle viendra vous voir normalement.
Il regarda alors Flamme de haut en bas, comme s'il essayait d'évaluer s'il la trouvait à son goût ou non, ce qu'elle jugea passablement désagréable.
- A votre place, je mettrais une grande cape ou un grand chapeau, déclara-t-il finalement. Hétaïre ne vous recevra jamais si elle voit vos cheveux et vos yeux, à cause de leur couleur. Paraît que ceux des femmes-fleurs sont comme ça, et elle en a la trouille.

Sans doute poussé par une sorte de conscience professionnelle, Kafei les conduisit jusqu'au lavoir et attendit même que Flamme se soit cachée sous une cape appartenant à Yorwan pour partir. Le Sheikah frappa alors la petite cloche se trouvant devant le pont au-dessus du lavoir, et ils attendirent.
Ils n'eurent pas à patienter très longtemps, car quelques secondes plus tard la porte s'ouvrit et une jeune fille en sortit timidement. Elle aurait pu être belle, avec ses longs cheveux blonds, sa peau blanche et ses yeux bleus comme le ciel, mais une sorte d'expression terrifiée était figée sur son visage et gâchait tout.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle dans un murmure presque inaudible. Que me voulez-vous ?
- Nous sommes des voyageurs, expliqua Yorwan, et nous avons entendu dire que vous vous étiez enfuie de chez les femmes-fleurs avant d'en devenir une. Or il se trouve qu'une de nos amies était une femme-fleur avant de perdre la mémoire, et...
- Si c'est une femme-fleur, elle ne peut être votre amie, déclara Hétaïre d'un ton sans réplique. C'est parfaitement impossible.
- Elle est amnésique, et grâce à cela elle a retrouvé un semblant d'humanité, répliqua Flamme. D'ailleurs, elle hait les femmes-fleurs maintenant ! Simplement, elle aimerait en savoir plus sur son passé...
La jeune fille les regarda un instant, puis leur fit signe de la suivre à l'intérieur.
- Enlevez votre cape, ordonna-t-elle à Flamme. Vous allez mourir de chaud autrement !
La jeune femme hésita un moment, puis décida d'obéir. Dès qu'elle vit son visage, Hétaïre fit un pas en arrière, brusquement morte de peur.
- Luscinia !

Chapitre 25   up

Heltaïre- Allez-vous-en ! hurla Hétaïre. Je ne suis plus des vôtres, laissez-moi tranquille ! Tu entends Luscinia ? Plus jamais ! Jamais ! Plutôt mourir !
Yorwan et Lésa firent tout leur possible pour la calmer tout en gardant un oeil sur Flamme qui semblait sur le point de s'évanouir. Avec ce nom, de nouveaux souvenirs, tous plus affreux les uns que les autres, étaient en train de réapparaître dans sa mémoire.
Son premier meurtre pour commencer... elle ne devait avoir que quatorze ans, peut-être quinze grand maximum, et elle avait tué un homme qui s'était aventuré sur leur île... Quelques années plus tard, elle avait torturé une apprentie pour la première fois : Hétaïre. Elle y avait d'ailleurs mis un peu trop de bonne volonté et la fillette - Hétaïre - avait failli en mourir. A partir de cette date, on l'avait réellement considérée comme une adulte, et surtout comme une femme-fleur à part entière, et elle en avait été fière.
Mais à présent, elle n'en tirait plus de fierté, rien que de la honte. Il ne lui fallut pas longtemps pour fondre en larmes, et cette fois elle était sûre qu'avant son amnésie cela ne lui était jamais arrivé.

Dès qu'il vit Flamme vaciller, Yorwan lâcha Hétaïre pour empêcher la femme-fleur de s'effondrer sur le sol, mais elle le repoussa.
- Flamme, ça va ?
- Je savais que j'étais loin d'être un ange depuis quelques semaines, mais là je viens de découvrir que j'étais l'un des pires démons au monde, mais à part ça tout va très bien, merci !
- Tu n'as pas peur d'exagérer un peu là ?
- C'est la vérité, intervint Hétaïre, elle était la pire de toutes ! La descendante de la première femme-fleur à ce que disaient les anciennes, et en plus c'est le roi des enfers qui lui a volé son âme ! Tuez-la, tuez-la ! Toi, le Sheikah, tue-la ! Sinon c'est elle qui finira par t'assassiner, je le vois dans ses yeux !
Flamme se souvint que la jeune fille avait un don de vision qui s'était toujours révélé exact. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'on l'avait arrachée à sa famille, et aussi pour sa beauté. Les femmes-fleurs devaient toujours être belles...
- Tu te prends pour un oracle ? se moqua Yorwan. Si l'un de nous tue un jour l'autre, ce sera plutôt moi !
- Dans cas, c'est maintenant ou jamais, répliqua la jeune fille. Si tu attends, ton destin sera scellé à tout jamais ! Elle te tuera sous le prétexte de l'amitié !
- Tu entends ça ? demanda le Sheikah à Flamme. Tu vas me tuer en disant que tu es mon amie, marrant, non ?
- Pas vraiment, Hétaïre ne se trompe jamais... Donc si tu veux vivre, tu vas devoir me tuer...
Il la regarda dans les yeux, surpris de la voir prête à se laisser assassiner juste à cause de la prophétie d'une gamine terrorisée. Puis brusquement, il éclata de rire.
- Je ne crois pas à ces bêtises, et pour le moment, je n'ai pas envie de te tuer ! Quand tu auras tenu la promesse que tu as faite à Saria à la limite, mais pas avant !
- Alors tu vas mourir, murmura Hétaïre.
- On meurt tous un jour ou l'autre de toute façon, ça fait un moment que j'ai intégré cette idée, et ça ne me dérange pas !
- Dans ce cas, je la tuerai moi-même ! hurla la jeune fille en se jetant sur Flamme.
Celle-ci ne chercha tout d'abord pas à se débattre. Dans le fond, la haine d'Hétaïre était parfaitement compréhensible, et puis elle se détestait elle-même... Mais alors que l'ex-apprentie femme-fleur commençait à l'étrangler, le visage de Saria lui apparut brusquement. Non, elle ne pouvait pas mourir, pas encore... pas avant d'avoir rassemblé la Triforce et accompli le rêve de la fillette...
- Je ne peux pas mourir aujourd'hui, grogna-t-elle en repoussant son agresseur. J'ai encore quelques petites choses à faire auparavant, et d'ailleurs tu vas gentiment m'y aider.
- Plutôt mourir !
- Il y a quelques années, je t'aurais dit que ça pouvait toujours s'arranger, mais j'ai un peu changé. Donc si tu refuses de m'aider, je me débrouillerai sans toi, c'est pas plus compliqué que ça... Bien, première question : comment va-t-on au Saint Royaume ?
- Qu'est-ce que tu veux y faire ? demanda Hétaïre visiblement surprise. Il n'y a rien d'intéressant là-bas !
- Il y a Ganondorf qui, accessoirement, possède la Triforce de la Force que j'aimerais lui emprunter.
- Pour quoi faire ?
- Parce qu'une fois que j'aurai rassemblé la Triforce, je pourrai réaliser une promesse que j'ai faite à une petite fille presque morte, ça te va ? Alors, où se trouve le passage, tu le sais ?
- Sur une île déserte, près de celle des femmes-fleurs, répondit l'Hylienne d'une voix méfiante. Mais elle est bien surveillée, justement à cause de la présence de Ganondorf. Kireina ne veut pas que quelqu'un puisse le libérer ou plus simplement lui parler.
- Et l'île des femmes-fleurs, elle est où ?
Hétaïre la regarda comme si elle était la dernière des idiotes, comme un certain nombre de personnes depuis qu'elle était devenue amnésique. Ne se souvenir de rien avait quelques petits inconvénients, dont celui de passer pour une débile inculte.
- Près de Labrynna, tout le monde sait ça voyons ! Que tu aies perdu la mémoire, d'accord, mais ne me dis pas que personne ne t'a parlé des adorateurs de démons depuis ce jour ! C'est nous, enfin, VOUS les adorateurs des démons.
- Vraiment ? Je me disais aussi que ça me rappelait quelque chose...
- Je rêve ! Tu te souviens même pas de ça ? Même la simple apprentie que j'étais connaissait la source de vos pouvoirs !
- Les... démons ?
La jeune fille semblait à présent totalement abasourdie par tant d'ignorance.
- Bien sûr les démons ! Ils prennent les âmes de femmes-fleurs, et en échange, elles obtiennent d'immenses pouvoirs, du moins tant qu'elles restent vierges. Si jamais l'une d'entre elles décidait d'offrir son corps à un homme, tous deux mourraient illico ! C'est ça qui m'a décidé à m'enfuir...
Les joues d'Hétaïre rougirent délicatement, mais personne ne s'en rendit compte, ce qui la vexa légèrement, mais elle n'en laissa rien paraître.
- Je n'arrive pas à croire que j'ai pu oublier ça...
- Ne t'en fais pas Flamme, c'est un détail sans importance, se moqua Yorwan. Avec ton caractère, tu fais fuir tous les hommes sains d'esprit, et avec ton apparence tu fais fuir ceux qui restent !
- Pourquoi tu es amoureux d'elle alors ? lui demanda Hétaïre.
- Moi ? Amoureux de cette... chose ?! Plutôt mourir !
- De toute façon, c'est ce qui va t'arriver... et je persiste à dire que tu l'aimes. Ou que tu l'aimeras, ça ne fait pas beaucoup de différence de mon point de vue.
Le Sheikah jeta un regard dégoûté à la femme-fleur avant de grimacer en voyant qu'elle trouvait cela terriblement amusant. Cependant, Flamme espérait tout de même que la jeune fille se trompait... Elle avait mieux à faire dans l'avenir que repousser un crétin décoloré.
- Bien, vu l'heure, je pense que je vais devoir vous garder à dîner, proposa la devineresse. Vous ne serez pas déçus du voyage, c'est une aubergiste de la ville qui m'a appris à cuisiner, Anju !

Chapitre 26   up

Le repas fut absolument immangeable. Pire encore que lorsque Yorwan cuisinait, ce qui n'était pas peu dire. Toutefois, le trio préféra s'abstenir de tout commentaire, de peur qu'Hétaïre ne recommence ses prédictions ou qu'elle ne refuse de les aider encore un peu.
- C'était délicieux, déclara Flamme à la fin du repas avec un sourire trop grand pour être sincère. Ton professeur a vraiment fait du bon travail avec toi !
- Oui, en général, je suis une élève assez attentive... la seule chose que je n'ai jamais voulu apprendre, c'est à devenir totalement inhumaine comme les femmes-fleurs.
- Tu n'y as pas perdu grand-chose, soupira la jeune femme aux cheveux de feu. J'aurais bien aimé m'être enfuie moi aussi.
- Tu as essayé à ce qu'on m'a raconté. La pire fugueuse de toute l'île...
Flamme la regarda dans les yeux, un peu surprise par cette révélation. Jusque là, elle croyait être devenue une femme-fleur de son plein gré.
- J'ai essayé de m'enfuir si souvent que ça ?
- Non, simplement on te retrouvait toujours deux ou trois heures plus tard en train d'essayer de voler un bateau, se moqua la jeune fille. En tout cas, c'est ce qu'on m'a dit, moi je n'étais pas encore arrivée à cette époque... Mais une chose est sûre, on nous parlait souvent de toi. A partir du jour où un démon majeur t'a volé ton âme, tu es devenue la coqueluche des anciennes... en plus, tu es devenue du jour au lendemain l'élève la plus assidue qu'elles aient eue... Un exemple pour toutes les nouvelles ! Et celles qui refusaient de le reconnaître avaient affaire à toi...
L'ex-apprentie la regardait d'un air sarcastique, mais son sourire trop crispé montrait clairement que ces souvenirs étaient toujours aussi éprouvants pour elle. Flamme la regarda un moment en silence, puis lui sourit d'un air qui se voulait rassurant. Après tout, c'était en partie par sa faute si la jeune fille devait être marquée à vie...
- Ça ne te va pas de sourire, commenta Hétaïre. Tu as un visage fait pour être totalement inexpressif... parfait pour une femme-fleur quoi.
- C'est pas vrai ! la contredit Lésa. Tu n'es qu'une méchante ! Flamme a un très, très jolie sourire d'abord ! Et elle vaut beaucoup mieux que toi ! Parce que elle, elle a été méchante, mais maintenant, elle fait tout pour se rattraper en faisant plein de choses très gentilles ! Alors que toi, tu...
Mais Hétaïre ne devait jamais savoir... Alors que la petite Kokiri s'apprêtait à lui dire ses quatre vérités, un bruit de cloche étourdissant retentit dans toute la ville, faisant même trembler les minces cloisons de la pièce où ils se trouvaient, mais pas autant cependant que la propriétaire des lieux qui semblait paniquée.
- C'est impossible ! hurla-t-elle d'une voix stridente. Que les géants nous protègent, ça ne peut pas être ça, c'est totalement impossible !
- Qu'est-ce qui est impossible ?
- La cloche ! C'est celle de l'horloge, elle ne devrait pas sonner comme ça, ça voudrait dire que... Par les géants, que la déesse du temps nous protège, c'est impossible !
- Mais qu'est-ce qui est impossible à la fin ? s'emporta Yorwan. Ça veut dire quelque chose de particulier ?
- Bien sûr que ça veut dire quelque chose ! La ville... Bourg-Clocher est attaqué ! Il faut sortir d'ici, aller sur la place de l'horloge... le maire va probablement parler !
Sans les attendre, la jeune fille paniquée sortit en courant de la pièce. Les trois amis hésitèrent un instant, puis sans un mot la suivirent.

Sur la place, une foule gigantesque et hétéroclite s'était réunie. Il y avait des Gorons, des Zoras, des Hyliens et même quelques Mojos, qui semblaient tous avoir en commun une immense terreur dans le regard et le fait que leurs regards soient tous braqués dans une même direction. Flamme ne voyait pas ce qu'ils pouvaient trouver de si intéressant à voir, lorsqu'un petit homme aux cheveux violets largement striés de blanc fit son apparition.
- Mes chers concitoyens, je crains d'avoir une mauvaise nouvelle à vous annoncer, déclara-t-il d'une voix tremblante. Comme vous avez pu l'entendre, la cloche de la ville vient de sonner... Une armée est aux portes de Bourg-Clocher, dans le but évident de prendre la ville. En effet, ce que nous craignions tant a fini par arriver... Link ne se sera pas satisfait de la possession d'Hyrule, il veut à présent Termina ! Les marais du Sud sont déjà tombés devant son armée surpuissante, et notre pauvre cité a peu de chances de connaître un sort meilleur si nous ne nous rendons pas. Je vous propose donc d'aller remettre les clés de la ville et nos vies entre les mains du tyran, dans l'espoir qu'il nous épargnera. Acceptez-vous ?
Il y eut quelques minutes de silence durant lesquelles les terminiens se consultèrent du regard, tandis que les anciens habitants d'Hyrule commençaient déjà à prier les déesses, puis tous ou presque finirent par acquiescer sous le regard horrifié de Flamme.
Elle était bien placée pour le savoir, Link n'avait que faire des clés de la ville... S'il était venu jusqu'ici c'était pour tuer, et rien ne l'en empêcherait, surtout pas la bonne volonté d'une bande d'idiots persuadés de réussir là où Hyrule avait échoué.
- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda-t-elle à Yorwan. On ne peut quand même pas rester ici, on se ferait massacrer nous aussi !
- Il faut trouver un moyen de sortir de la ville et de rejoindre la plaine... Les souterrains !
- Quoi les souterrains ?
- Tout le monde sait ça ! A l'est de la ville, il y a un passage qui conduit jusqu'à un observatoire qui se trouve dans la plaine ! Si on arrive à le rejoindre, on est sauvés !
- Et tu sais où se trouve exactement ce passage, je parie...
- Pas exactement exactement, mais je ne devrais pas avoir de mal à le trouver ! Mon frère était venu ici une fois quand on était petits, et il a trouvé ce passage dont il m'a parlé.
Flamme soupira, puis hocha la tête. De toute façon, c'était ça, ou rester coincé avec ces crétins optimistes et suicidaires...

Chapitre 27   up

Link était fou de rage en permanence depuis plusieurs semaines, et les effets de cette colère se faisaient lourdement ressentir pour le mobilier. Dans toutes les pièces du palais il n'y avait plus un seul meuble d'intact, et il commençait à présent à s'en prendre aux serviteurs qui faisaient tout leur possible pour éviter de devoir le croiser.
La raison de cette haine était fort simple et tenait en quatre mots : les révélations de Malon. Autrefois, elle avait été son amie, mais à présent il aurait voulu la ressusciter pour la torturer pendant des mois et des mois. Comment avait-elle osé ? Tout ce qui se passait était de sa faute, c'était l'évidence même !
Tout d'abord, un peu plus de six mois plus tôt, Luscinia, sa chère Luscinia, la plus fidèle de ses fidèles, son élève, celle grâce à laquelle il était devenu si puissant, avait disparu après lui avoir permis d'éliminer une poche de résistance en la présence du village kokoriko. Il avait organisé une grande fête en son honneur pour célébrer cette victoire... une fête à laquelle elle n'était jamais venue. Il ne s'était tout d'abord pas inquiété, il arrivait à la jeune femme de faire du zèle, et Link avait tout naturellement pensé qu'elle était restée dans la montagne pour tuer les quelques Sheikahs qui auraient pu leur échapper.
Au bout d'une semaine, ne la voyant toujours pas revenir, il commença à trouver cela étrange, mais ne lança personne à sa recherche. La jeune femme était particulièrement caractérielle, et s'il ne lui était rien arrivé, elle aurait été furieuse de voir débarquer une bande de moblins tandis qu'elle s'amusait à torturer à un homme qui avait osé la toucher ou qu'elle profitait de son temps libre pour faire des expériences afin de rendre de simples plantes capables de tuer. Luscinia avait des passe-temps originaux et très particuliers, et elle n'aimait pas qu'on les interrompe.
Après un mois sans nouvelles de son apprentie, il avait malgré tout décidé de passer à l'action. Naturellement, il était toujours hors de question d'organiser des recherches. Le tyran tenait énormément à la femme-fleur, pour de nombreuses raisons, mais il ne voulait pas que cela se sache, car les rares ennemis qui lui restaient auraient pu profiter de ce point faible. Son unique point faible.

Il avait donc fait appel aux esprits de Koume et Kotake, les deux mères adoptives de son cher ennemi Ganondorf. Celles-ci, après avoir pris connaissance du problème, lui conseillèrent de commencer par obtenir la peau d'un ours bleu vivant à Holodrum. D'après ces deux vieilles folles, celui-ci entretenait un lien très étroit avec les femmes-fleurs, et grâce à sa dépouille elles étaient certaines de pouvoir localiser Luscinia.
Link avait donc envoyé des moblins à la recherche de l'animal, qu'il avait par ailleurs déjà croisé dans le passé, sans soupçonner qu'il pouvait avoir le moindre rapport avec les adoratrices des démons. Il avait ouvert pour ses monstres un passage vers l'autre continent, passage qu'il n'avait d'ailleurs pas refermé pour permettre leur retour avec la fourrure bleue. Et il s'était mis à attendre, bien décidé à prendre son mal en patience.
Seulement voilà, depuis qu'il était revenu à Hyrule, l'ancien héros du temps avait perdu toute patience, et au bout de quelques jours, il commença à tout casser autour de lui. Pour s'occuper en attendant le retour de sa chère élève, le tyran avait décidé de rendre visite à Malon pour voir comment avançait le dressage du jeune étalon qu'elle lui avait confié. Celui-ci était le poulain d'Epona et d'un superbe cheval gerudo que les voleuses du désert lui avaient offert, espérant ainsi qu'il ne leur ferait pas la guerre. Il avait accepté le présent et refusé la paix...
Malheureusement, l'étalon auquel il n'avait pas encore trouvé de nom avait aussi mauvais caractère que sa défunte mère, et il avait été forcé de le confier au Ranch Lon-Lon pour que Malon le rende un peu plus obéissant. Et cette stupide jeune femme avait osé le confier à une amnésique de passage, uniquement parce qu'elle la soupçonnait d'être l'élue ! Mais le pire était sans doute qu'elle se soit permis de mourir avant d'avoir fini de tout lui expliquer... Cela par contre, il devait bien admettre que c'était sa faute à lui. L'état de Zelda interdisait qu'on la torture, et il avait fini son stock de Sheikahs depuis quelques temps. Si bien qu'il s'était défoulé sur son ancienne amie, oubliant un moment que s'il la faisait souffrir, c'était pour qu'elle parle... et à cause de cela, il était dans une rage folle !

Link fit exploser un miroir qui par miracle n'était jusque là que légèrement fêlé. Se rappeler toutes les bêtises qu'il avait faites ces derniers temps ne servait à rien, il devait aller de l'avant ! et pour commencer, il allait appeler Koume et Kotake. Cela faisait deux mois que son escouade de moblins avait disparu, ce n'était pas normal !
Après une rapide incantation, les deux sorcières spectrales apparurent. Comme à leur habitude, elles étaient prises dans une grande dispute pour savoir laquelle d'entre elles était la plus belle... Et elles étaient le gratin de la sorcellerie hylienne, songea Link. Décidément, Hyrule était tombé bien bas...
- Je suis sincèrement navré d'interrompre votre passionnante conversation, mais je ne vous ai pas appelées pour savoir laquelle de vous deux ressemblait le moins à une serpillière sur un balai !
- Pardon maître, mais nous avons été surprises voyez-vous, expliqua Kotake. Nous ne nous attendions pas à avoir l'immense honneur de vous...
- Silence ! Vos histoires ne m'intéressent pas le moins du monde !
- Bien sûr maître... Pouvons-nous au moins savoir à quoi nous devons le plaisir d'être en votre présence ?
- Je n'ai aucune nouvelle des soldats que j'ai envoyés à la recherche de l'ours... Je me suis dit que vous en sauriez peut-être plus.
Les sorcières se raclèrent la gorge, visiblement mal à l'aise, et s'interrogèrent mutuellement du regard. A première vue, elles savaient ce qui s'était passé... et bien qu'elles soient toutes deux décédées depuis un certain nombre d'années, elle craignait la colère de leur nouveau maître. Non sans raison d'ailleurs.
- Ils ont été tués, annonça finalement Koume. Par... par un Sheikah et... êtes-vous certain de vouloir l'entendre ? Cette nouvelle risque de ne pas vous plaire, et...
- Parle, stupide sorcière ! Tu es là pour m'informer, par pour te comporter comme une vieille nounou sans cervelle ! Ganondorf tolérait peut-être ce comportement de votre part, mais je n'ai pas d'aussi bonnes dispositions à votre égard !
- L... la seconde p... personne a les av... avoir attaqués est une femme-fleur, bégaya le spectre. P... pour être pl... plus précise, L... Luscinia !
Link manqua de s'étouffer. Quoi ? SA Luscinia ? Attaquant ses troupes ? Non, totalement impossible ! Ces stupides moblins avait dû se tromper ! Après tout, distinguer une femme-fleur d'une autre était presque impossible pour le commun des mortels ! Lui-même n'y arrivait que difficilement ! De plus, Luscinia ne supportait pas les Sheikahs, tout le monde le savait ! C'était même elle qui avait absolument tenu à ce que leur village soit rasé après le combat !
- Etes-vous sûres de cela ? gronda-t-il d'une voix menaçante. Avez-vous vérifié qu'il ne s'agissait pas d'une simple erreur ?
- Oui, m... maître. Elle est en ce moment même ch... chez ce que vous appelez nos doubles, à Termina, il n'y a pas d'erreur possible ! M... mais elle semble totalement amnésique, elle ne se souvient pas de son propre nom !
Le tyran les regarda, sincèrement surpris. Amnésique ? La seule raison pour laquelle une femme comme Luscinia aurait pu perdre la mémoire aurait été qu'elle tente de passer la Porte... Or il n'y avait aucune raison à cela, c'était absurde ! Luscinia la méprisait au plus au point, répétant même à Link qu'il aurait mieux fait de la tuer...
- Envoyez des Hache-viande sur place, murmura-t-il, et ordonnez-leur de la tuer, elle et tous ceux qui l'accompagneront... Luscinia doit absolument mourir !
Les deux spectres s'inclinèrent puis disparurent afin d'exécuter les ordres de l'Hylien tandis qu'il sortait de la pièce, totalement bouleversé.
Il allait perdre sa plus fidèle collaboratrice, son élève, la seule personne qui aurait pu le remplacer à sa mort, son dernier amour... Cela lui brisait le coeur, mais il n'avait pas le choix. Si Luscinia était amnésique, elle était sûrement à la recherche de son passé, ce qui expliquait sa présence à Termina... Cette quête n'avait rien de dangereux en soit, mais à trop chercher ses souvenirs, la jeune femme risquait de redécouvrir ce qu'elle avait entrevu avant sa première perte de mémoire, et Link avait tout à perdre si cela arrivait.

Sans s'en rendre compte, il se retrouva devant la Porte. Il avait donc marché si longtemps dans les couloirs du château ? L'ancien héros du temps hésita un instant, puis La franchit. Aussitôt, il se retrouva dans un cadre totalement différent des sombres couloirs de sa non moins sombre demeure.
Il s'agissait d'un immense jardin paradisiaque, rempli de fleurs odorantes et colorées. Au milieu de toutes ces couleurs se trouvait Zelda, pâle, morne, éteinte, et surtout écrasée par le poids du fardeau qu'elle portait. Link ne put retenir une grimace en voyant son ventre rond. Cela faisait trois ans que la princesse avait dépassé son terme, mais elle s'obstinait à user des pouvoirs de son fragment de Triforce pour interdire à l'enfant de naître.
- Tiens, mais qui voilà donc ? Je croyais que tu avais totalement oublié mon existence... c'est parce que tu ne peux plus me torturer que tu ne me rends plus visite ? Je suis déçue, très déçue même !
- En ce qui concerne la torture, je peux toujours arranger ça si tu y tiens...
- Allons mon chéri, tu n'y penses pas, s'offusqua la princesse. Et le bébé alors, tu imagines les effets secondaires sur lui ? Je ne peux pas le tuer bien sûr, le fragment de la sagesse n'a malheureusement pas le pouvoir de donner la mort, mais... imagine que la douleur devienne trop grande et que par ERREUR j'attaque son cerveau ! Ah, il aurait fière allure ton héritier, s'il devait être totalement abruti... d'un autre côté, comme ça au moins on serait sûr que c'est bien le tien !
Link la foudroya du regard, mais ne répondit pas. Ça avait été sa seule erreur depuis son retour à Hyrule quelques années plus tôt, et cela faisait trois ans qu'il en subissait les conséquences...
- Eh bien, tu es bien songeur aujourd'hui... ta petite rouquine ne veut toujours pas partager ton lit ? Je ne peux pas lui en vouloir, tu n'es pas un très bon amant... et puis c'est risqué pour les membres de sa secte, non ?
- Puisque tu parles de rouquine, répliqua le tyran en souriant largement, je ne pense pas t'avoir déjà annoncé que cette pauvre Malon nous a tragiquement quittés il y a quelques temps, n'est-ce pas ? La pauvre, elle a beaucoup souffert...
Zelda le fixa un instant, le souffle coupé. Malgré une certaine rivalité amoureuse entre elles, les deux femmes avaient été très amies...
- Tu n'as quand même pas osé la tuer ?
- Elle avait offert mon cheval à quelqu'un, c'est très grossier, tu ne trouves pas ?
- Ce cheval... jamais tu ne le monteras ! hurla la princesse. Et tiens, tant que j'y suis... tu sais que contrairement à certains, MOI je n'ai pas perdu mes anciens pouvoirs ? Je suis donc toujours la princesse de la destinée...
- Je peux savoir où tu veux en venir ? Tu as fait un rêve prémonitoire peut-être ?
- Exactement mon chéri !
- Cesse de m'appeler comme ça, pauvre écervelée !
- Allons, après toute "l'affection" que tu m'as témoignée, c'est bien la moindre des choses pourtant ! Mais revenons à ce rêve... dedans, il y avait une adorable petite fille brune qui se battait à mort avec ta catin de femme-fleur et qui parvenait à la tuer avant de te faire subir le même sort... amusant, non ?
Une fillette brune ?! Non, ça ne pouvait pas... et pourtant il ne voyait pas qui d'autre pourrait vaincre ainsi Luscinia. La seule personne au monde dotée de ce pouvoir, c'était Kallima...

Chapitre 28   up

Le lendemain, Link apprit que les Hache-viande n'avaient même pas réussi à simplement blesser Luscinia. Bien que cette nouvelle ait coûté la vie à une vieille servante qui avait eu la mauvaise idée de passer dans le couloir au moment où le tyran faisait exploser la porte, elle le mit d'une manière générale de bonne humeur. En effet, grâce à ses deux monstres, il avait appris que non seulement il s'agissait bel et bien de son élève, mais qu'en plus de la mémoire elle avait perdu tout son bon sens, puisqu'elle voyageait avec un Sheikah, une Kokiri et Moosh... elle n'en serait que plus facile à repérer et à éliminer.
De plus, Link avait réalisé quelque chose d'important. Tout Hyrule lui appartenait désormais, puisque la dernière poche de résistance avait été définitivement détruite, et il s'ennuyait à mourir... et à côté de cela, plus de la moitié de la population du pays s'était réfugiée à Termina pour lui échapper. Il était donc parfaitement normal qu'il asservît le monde parallèle afin de récupérer ses sujets. Et lorsque cela serait chose faite, il s'attaquerait à Holodrum, puis Labrynna ! Cela lui prendrait des années, et lorsque se serait fini, il s'occuperait de l'éducation de son héritier... Même si pour cela il devait faire assassiner Zelda par quelque sous-fifre stupide afin de libérer son fils !
- Monseigneur ? Puis-je vous parler ?
Le tyran se tourna vers le nouveau venu. Ou bien était-ce la nouvelle venue ? Alesc'h avait été parmi les premiers à rejoindre Link en découvrant ses projets, et depuis toutes ces années le seigneur d'Hyrule essayait de deviner si le Sheikah était un homme ou une femme sans jamais parvenir à être fixé. Bien sûr, il aurait pu poser la question, mais après tout cela lui faisait une occupation assez amusante.
- Soit rapide, je dois aller vérifier que les troupes sont prêtes pour partir à la conquête de Termina.
- C'est précisément ce dont je voulais parler, Monseigneur. Hyrule n'est réellement pacifiée que depuis peu de temps, pourquoi vouloir déjà repartir en guerre ?
- Je m'ennuie tellement ici, un petit massacre ne peut me faire le moindre mal. De plus, une bonne partie de MES sujets sont actuellement à Termina, et je peux donc considérer ce monde comme mien.
- Bien sûr votre grandeur, mais ne serait-ce pas aussi pour retrouver Dame Luscinia ? On dit qu'elle se trouve là-bas, et nous savons tous qu'elle vous était précieuse... Il n'y aurait aucune honte à l'admettre.
Link le foudroya du regard.
- Je ne pense pas que ce soit à toi de me dire de quoi avoir honte ! déclara-t-il froidement. Mais j'admets que je me rends aussi là-bas pour la retrouver. La retrouver et tuer cette traîtresse !
- Traîtresse ? Vous la disiez entièrement dévouée à votre cause...
L'ancien héros ne put retenir un grognement. Alesc'h avait toujours été convaincu que la femme-fleur n'était qu'une opportuniste qui n'hésiterait pas à changer de camp si on lui faisait une proposition intéressante. Et officiellement, c'était ce qu'elle venait de faire...
- Je me suis trompé sur son compte, admit le tyran. Tu es content ?
- Majesté, je ne vois pas de quoi vous...
- Je pense au contraire que tu vois parfaitement ! Les Sheikahs ont un don pour ce genre de choses... à propos de Sheikahs, des nouvelles de qui tu sais ?
- Aucune hélas, soupira l'androgyne. Il est probablement parti à Termina lui aussi...
- Ce serait surprenant de sa part...
- Mais pas impossible, Monseigneur ! objecta Alesc'h. Après tout, il ne s'agit peut-être que d'une fuite afin de mieux organiser une nouvelle attaque. N'oublions pas que celle qu'il avait organisée avec son frère à Kokoriko a échoué uniquement grâce au fait que Luscinia soit allée prendre des nouvelles d'un de nos principaux espions ! A Termina, une telle chose ne peut arriver pour l'instant, puisque les rares agents que nous y ayons se font généralement repérer très rapidement, c'est donc le lieu idéal pour préparer une nouvelle rébellion !
- Plus pour longtemps ! Dans une semaine, je régnerai sur deux mondes !

Lorsque trois jours plus tard, il arriva aux portes de Bourg-Clocher, Link songea que quoi qu'il puisse arriver, il ne s'était probablement pas trompé de beaucoup dans ses calculs. A vrai dire, ce qui lui prendrait le plus de temps serait probablement le siège de la ville, le reste serait beaucoup plus rapide.
Tandis que des moblins montaient la tente où tout se déciderait, un capitaine hylien s'approcha timidement de lui.
- Majesté ? Le... le maire de cette ville sollicite l'honneur d'une entrevue avec vous... dois-je lui dire que vous êtes occupé, ou désirez-vous le rencontrer ?
Link hésita. Le vieux Dotour avait peu de chance de lui offrir quoi que ce soit d'intéressant, mais au moins il pourrait s'amuser un peu avec...
- Faites-le venir immédiatement.
Quelques minutes plus tard, l'Hylien réapparut avec le vieil homme terrorisé qui avait les mains fermées sur quelque chose que Link n'arrivait pas à voir.
- Monsieur Dotour, quel plaisir de vous revoir, déclara le tyran d'un ton glacial. Comment allez-vous ?
- J... a... assez bien dans l'en... l'ensemble, bégaya le maire, m... mais je... ç... ça irait beaucoup mi... mieux si votre armée ne... ne se trouvait pas aux portes de ma ville !
- Allons allons, je suis sûr que vous exagérez ! Mes soldats n'ont même pas eu le temps de commencer !
- Et nous... nous aimerions qu'ils n'en... qu'ils n'en ai ja... jamais le temps ! Ma... Majesté, je suis i... ici au nom de tous... tous mes concitoyens p... pour vous remettre les clés de notre v... ville afin que v... vous l'épargniez.
- V... vous p... pensez v... vraiment que je v... vais accepter ? se moqua Link. On dirait que vous n'avez pas changé depuis l'époque de mon dernier voyage à Termina. Capitaine, donnez-moi votre épée.
Le soldat se précipita et tendit son arme à son souverain qui la prit en souriant, chose rare et généralement peu appréciée par celui à qui il souriait. Et cette fois, c'était à Dotour qui tremblait de peur.
- Je suis un négociateur ! Vous ne pouvez pas me tuer !
- Vraiment ? Nous allons voir cela très rapidement, et je suis sûr que ce sera une expérience très enrichissante !
Il enfonça la lame dans la poitrine du vieil homme et la retira rapidement en riant.
- Vous avez perdu, je peux tuer les négociateurs... Capitaine, jetez-moi ça dans l'enclos des lobos, ils apprécieront cette petite gâterie.
- Mais Majesté, il n'est... il vit encore !
- Tant mieux, les lobos ont un faible pour la viande vivante. Exécution !
L'homme s'inclina et emporta le maire qui tentait faiblement de se débattre sous le regard amusé de Link. Décidément, il adorait tuer, surtout les plus faibles que lui, ceux qui tentaient d'invoquer sa pitié... Il regarda la ville, espérant que Luscinia y serait... bien qu'elle ne risque pas d'essayer de l'implorer, il prendrait un plaisir tout particulier à la tuer. Son regard se tourna alors vers la plaine où se trouvait son armée.
Brusquement, il sursauta. Au loin, près de l'observatoire, il avait entrevu une flamme qui devait se trouver à hauteur d'homme. Près de ce feu-follet se trouvaient deux silhouettes, une grande et une d'enfant... Luscinia s'était trouvée dans la ville, mais elle avait réussi à s'en échapper ! De rage, Link fit exploser un Goron qui passait près de lui, sous le regard horrifié de tous ceux qui étaient présents.
- Je veux dix volontaires pour une mission spéciale immédiatement ! hurla-t-il, fou de rage. Si dans cinq minutes je ne les ai pas, j'exécuterai tous ceux qui refuseront la mission !
Il y eut un peu de remue-ménage, mais il eut dans les temps impartis les volontaires réclamés. Six d'entre eux étaient des moblins, mais il y avait tout de même deux Zoras et un Sheikah pour rattraper le désastre. Link soupira, puis regarda l'un des Zoras, le plus grand des deux, dans les yeux.
- Je vous nomme comandant de cette unité spéciale, déclara-t-il comme s'il faisait preuve d'une immense générosité. En cas de réussite, vous serez largement récompensé, mais en cas d'échec vous serez mis à mort. Est-ce clair ?
Le Zora hocha précipitamment la tête. Visiblement, il se serait volontiers passé de cette soudaine promotion...
- Ce que vous avez à faire est extrêmement simple, reprit Link. Vous allez vous diriger vers l'observatoire et capturez trois personnes qui devraient se trouver dans les environs. Il y a normalement une Kokiri, un Sheikah et mon ancien bras droit, Luscinia. Voyez-vous de qui je veux parler ? Parfait. Vous me les ramènerez comme vous pourrez, la seule que je veux vivante est Luscinia. Compris ?
- Tout à fait, Majesté. C'est un honneur pour nous de vous servir...
- Dans ce cas, partez immédiatement, et ne revenez pas sans eux !
Les soldats s'inclinèrent, puis partirent en courant presque en direction de l'observatoire sous le regard satisfait de Link, bien décidé à exécuter dès leur retour ces idiots qui n'avaient pas posé la moindre question. A l'inverse, s'ils s'étaient montrés trop curieux, il les aurait fait tuer parce qu'ils étaient peut-être des espions des rebelles. C'était ça le pouvoir pour lui, pouvoir tuer qui il voulait en ayant toujours pour lui la raison de protéger sa place...

Chapitre 29   up

Trouver le passage vers les souterrains avait été une chose relativement aisée. En revanche, sortir des ces derniers fut un peu plus compliqué en raison d'un certain nombre de croisements et autres culs-de-sac à cause desquels Flamme, Yorwan et Lésa devaient régulièrement rebrousser chemin.
Malgré tout, ils parvinrent finalement à trouver un chemin qui montait qu'ils empruntèrent sans la moindre hésitation. Celui-ci les mena à l'intérieur de l'observatoire qui était laissé à l'abandon depuis la mort du vieil homme qui y vivait quelques années plus tôt. Ils sortirent au plus vite de cet endroit sinistre et se retrouvèrent dans la plaine.
Au loin, l'armée de Link se préparait à passer à l'attaque. Comme Flamme l'avait craint, la tentative du vieux maire avait dû échouer... Ce qui n'avait rien de surprenant. Le tyran aimait le sang et la douleur, en particulier ceux des autres dont il semblait presque se nourrir. La jeune femme soupira.
- On aurait dû essayer de trouver Hétaïre pour l'emmener avec nous...
- Qu'est-ce qu'on aurait fait de cette hystérique ? demanda Yorwan. Tout ce qu'elle sait faire, c'est hurler...
- C'est un oracle, ça aurait pu nous être très utile !
- Je n'y crois pas à ce genre de choses... C'est complètement stupide ! En plus ses prophéties à elle sont ridicules...
- Je dois admettre que j'espère qu'aujourd'hui elle s'est trompé... tu es mon ami, j'ai pas tellement envie de te tuer... Mais j'ai vu trop de ses prédictions se réaliser pour penser qu'elle raconte n'importe quoi.
- Alors, encore en train de vous disputer les amoureux ?
Moosh venait de les rejoindre, et n'était visiblement pas dérangé par le fait qu'une armée gigantesque se trouvait exactement là où il aurait dû attendre le trio.
- Alors, on va à Labrynna par la mer ou par les montagnes ?
- Pas trop le choix, répondit Flamme. Le plus court chemin par la mer est bloqué par les soldats de Link, et je n'ai pas particulièrement envie d'aller leur dire bonjour...
- Je croyais que tu étais officiellement de leur côté ? s'étonna le Sheikah. Pourquoi tu tiens tellement à les éviter ?
- D'abord, parce que ça fait au moins six mois que je n'ai pas donné de nouvelles, ça doit paraître louche. Ensuite, parce que même si j'arrive à expliquer mon absence, votre présence risque d'être difficile à justifier... Tu es un rebelle Yorwan, tu te rappelles ?
- J'en fais si peu pour Hyrule ces derniers temps que j'ai tendance à l'oublier, s'excusa le jeune homme.
- Bien, commença Moosh, la montagne c'est par l...

Un bruit fracassant venant de Bourg-Clocher l'interrompit. Link, utilisant la magie, ou peut-être plus simplement un certain nombre de barils de poudre, venait de faire exploser la porte est de la ville, permettant ainsi à ses troupes de s'y engouffrer. Au bout de quelques minutes, d'immenses flammes apparurent un peu partout sous le regard horrifié des quatre amis.
Flamme ne put s'empêcher de pleurer. Dire que quelques mois auparavant, elle avait sans la moindre arrière-pensée fait subir la même chose au village Kokoriko ! A nouveau, elle ressentit l'envie de fuir loin de Lésa et Yorwan, pour ne pas leur imposer plus longtemps la présence d'un monstre comme elle... La jeune femme commença à chercher du regard un endroit vers lequel se mettre à courir pour enfin être seule. Ses yeux se posèrent alors sur le campement des soldats, et un tout autre désir s'empara d'elle.
Rejoindre Link. Lui expliquer ce qui s'était passé, pour qu'il la reprenne à ses côtés, pour redevenir son élève, profiter de sa puissance pour torturer et tuer qui elle voudrait en toute impunité... Elle pourrait aussi lui annoncer qu'elle avait trouvé la cachette des derniers rebelles encore libres, dans la forêt Kokiri... Oui, voilà ce qu'elle allait faire ! Link était fou amoureux d'elle, la jeune femme n'aurait qu'à claquer des doigts pour retrouver son ancienne situation... Et tout serait absolument parfait !
Flamme commença à marcher d'un pas rapide vers le camp, sous le regard incompréhensif de ses amis qui se demandaient si elle était devenue folle. Puis Yorwan reprit ses esprits, et il se précipita en travers de son chemin.
- On peut savoir ce que tu fiches ? Les montagnes, c'est de l'autre côté !
Elle lui jeta un regard glacial et le Sheikah ne put s'empêcher de faire un pas en arrière, ce qui amusa beaucoup Flamme, même si elle ne le laissa pas paraître. Ce pauvre petit crétin n'espérait tout de même pas être capable de l'empêcher de rejoindre son maître ? Elle sortit de son fourreau l'épée qu'elle avait trouvée dans les marais... et la lâcha aussitôt. L'arme lui avait brûlé la main, comme si elle se révoltait contre sa porteuse.
Aussitôt, la jeune femme redevint elle-même. Elle regarda un instant sa main sur laquelle des cloques commençaient à apparaître, puis ses yeux se posèrent sur Yorwan, qui semblait totalement déboussolé.
- Flamme ? Tu te sens bien ? Tu... tu avais l'air bizarre il y a un instant, et puis...
- Je... je crois que... je... c'est... Ce n'est rien, déclara-t-elle finalement d'une voix sûre. Juste... juste un malaise... On... On y va ?
Le Sheikah la regarda d'un air méfiant, puis acquiesça. Le quatuor partit alors en direction du Pic des Neiges, sans voir que derrière eux, dix soldats et une vieille femme les suivaient...

Chapitre 30   up

Il leur fallut deux jours pour atteindre les montagnes, et une fois dans la vallée, ils songèrent tous très sérieusement à faire demi-tour et à passer par la mer. En effet, tant qu'ils étaient dans la plaine, elles ne leur semblaient pas trop hautes, et ils pensaient que le blanc qu'ils voyaient sur les sommets n'était que des pierres d'une couleur un peu particulière... La réalité était malheureusement tout autre, ainsi qu'ils le découvrirent...
- Bon, je crois que je vais vous laisser là, proposa Moosh en contemplant les neiges éternelles. J'ai été ravi de vous rencontrer et... je penserai à vous tous les hivers !
- Pourquoi les hivers ?
- Parce qu'on est partis pour mourir congelés, expliqua Flamme. Là-haut, il doit faire un temps à ne pas mettre un Goron dehors !
- Les Gorons n'ont pas peur du froid, goro, déclara une voix près d'eux. Certains d'entre nous vont même souvent au sommet, goro. Voulez-vous un guide, goro ? Je suis le meilleur de la région, même si je viens d'Hyrule, goro !
Il s'agissait d'un Goron assez svelte dans l'ensemble, et surtout incroyablement souriant pour quelqu'un dont le pays venait d'entrer en guerre. Cependant, comme presque tous ceux que Flamme avait rencontrés depuis son réveil dans la plaine d'Hyrule, son regard était empli d'une infinie tristesse, probablement due aux êtres chers qu'il avait perdus par la faute de Link.
- Vous connaissez vraiment la région aussi bien que ça ? se renseigna la femme-fleur. Nous voudrions passez de l'autre côté voyez-vous...
- Pas de problème, goro ! J'y suis déjà allé plusieurs fois, goro. Et en plus, je ne prends pas beaucoup d'argent pour guider, goro ! Juste vingt rubis, goro...
- Vous osez dire que ce n'est pas cher ? s'offusqua Yorwan. Vingt rubis, juste pour...
- C'est d'accord, le coupa Flamme. Quand peut-on partir ?
- Demain, goro. Il faut d'abord acheter des provisions, du matériel et des vêtements plus adaptés, goro. Avec les vôtres, vous allez mourir de froid, goro ! Au fait, je m'appelle Link, goro.
Le Sheikah lui jeta un regard stupéfait.
- Link ? Et vous venez d'Hyrule ? Vous n'êtes pas le fils du chef des Gorons du mont du péril par hasard ?
- Non, goro. Je SUIS le chef du village, ou plutôt de ce qui en reste, goro.
- Et vous vous êtes enfui ? s'étonna Yorwan.
- Je n'ai pas eu le choix, goro. Le reste du village a décidé que je devais partir pour qu'il reste au moins un Goron pour venger les nôtres, goro. Mais si j'avais eu le choix, je serais resté me battre, goro ! Parce que Link est un traître, goro ! Il a fait croire qu'il voulait sauver Hyrule, mais finalement, ce démon a encore plus semé le chaos que Ganondorf, goro ! Mais un jour, l'élue arrivera et lui fera payer, goro !
L'élue, encore elle... Flamme ne put s'empêcher de soupirer. Celle-là, elle en aurait du travail si elle apparaissait un jour... Et Malon qui pensait que c'était elle ! La jeune femme espérait sincèrement que son amie s'était trompée.

Le reste de la journée fut consacré à l'achat de provisions pour le voyage, et surtout à l'essayage de vêtements chauds. A cette occasion, Flamme dut plusieurs fois se retenir pour ne pas étrangler Yorwan qui tint à essayer des dizaines de tuniques avant d'en trouver une qui allait avec son teint et "ne le grossissait pas" comme il expliqua en se contemplant avec sa perle rare. Pour sa part, Flamme avait les plus grands doutes quant au fait qu'une sorte de combinaison de ski violette et jaune puisse aller à qui que ce soit - à part peut-être Ganondorf qu'elle voyait très bien porter ce genre d'horreurs.
Le soir, Link les invita à participer à la fête organisée par les Gorons. Flamme refusa tout d'abord, mais il leur expliqua qu'il s'agissait d'une tradition de Termina. Lorsqu'un guide devait partir en montagne avec ses clients, tous ceux qui étaient présents dans la vallée devaient venir à un festin au cours duquel on sacrifiait un bélier afin de s'attirer les faveurs de l'esprit de la montagne. En entendant cette explication, la femme-fleur dut se retenir pour ne pas éclater de rire devant ce qui n'était manifestement qu'une excuse trouvée par les Gorons pour boire et se goinfrer.

Elle dut cependant revoir sa théorie une fois au banquet. Tous ceux qui étaient présents faisaient preuve d'une gravité et d'un sérieux profondément marqués dans leur visage, et il était clair qu'aucun d'eux ne pensait être là pour batifoler, mais bien pour honorer la montagne afin qu'elle ne déclenche aucune avalanche ou tempête de neige contre le groupe qui devait partir.
Bien qu'elle ait les plus grands doutes quant au fait qu'un amas de roche et de neige puisse être vivant, Flamme ne put s'empêcher de respecter la croyance des habitants de la vallée. Tout au long de la nuit, divers rituels furent accomplis et les membres du trio - Moosh était déjà reparti vers la plaine de Termina dans l'espoir de pouvoir rejoindre les marais, et donc Holodrum - participèrent à chacun d'entre eux en suivant scrupuleusement les indication de Link et des autres Gorons.

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Morticia". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 30.04.25