• Legend of Zelda
  • Adventure of Link
  • A Link to the Past
  • Link's Awakening
  • Ocarina of Time
  • Majora's Mask
  • Oracle of Seasons
  • Oracle of Ages
  • The Wind Waker
  • The Minish Cap
  • Four Swords Adventures
  • Twilight Princess
  • Phantom Hourglass
  • Spirit Tracks
  • Skyward Sword
  • A Link Between Worlds
  • Tri Force Heroes
  • Breath of the Wild
  • Tears of the Kingdom
  • jeux The Legend of Zelda

The Legend of Zelda : La malédiction des héros

Ecrit par Elincya en 2018
Chapitres 1 à 10   •   Chapitres 11 à 21   •   Chapitres 22 à 31   •   Chapitre 32 à 40
Prologue

fiction The Legend of Zelda : La malédiction des hérosHyrule, un monde somptueux et enchanteur, est à présent illuminé par les reflets orangés et chauds du lever du soleil. L'obscurité inquiétante de la nuit a été chassée jusqu'au prochain cycle habituel. Cette terre, pourtant si vaste et resplendissante en apparence tranquille, a déjà subi de violentes blessures depuis sa création. Ce monde a connu des temps de paix mais également des temps de destruction : une destruction que les ancêtres ont nommée Ganon depuis plusieurs générations.

Cependant, grâce à la Triforce, un pouvoir confié par la déesse Hylia au coeur pur, Hyrule a réussi à maintenir sa nature en vie, malgré de nombreuses cicatrices douloureuses : la peur, la tristesse et la souffrance. Seuls deux élus, porteurs d'un fragment respectif de la Triforce, parviennent néanmoins à les soulager en luttant corps et âmes contre Ganon depuis plusieurs décennies : la réincarnation de la déesse Hylia, le coeur rempli de sagesse, et son fidèle chevalier, l'âme remplie de bonté et de courage. Lorsque leur vie touche à sa fin, à chaque réincarnation, leur mémoire s'efface à tout jamais, tandis que leurs pouvoirs s'affaiblissent.

Mais pourtant, malgré leurs réincarnations tant répétées, le passé de leurs ancêtres les rattrape sans cesse. Telle une légende sans fin. Au fur et à mesure des époques, le poids de leur fardeau devient de plus en plus douloureux. Seule la mort, qu'elle soit brutale ou douce, peut les délivrer pendant un siècle, bercée par une prospérité sincère, loin des conflits sanglants.

Alors que les rayons du soleil touchent un village forestier, à l'abri des regards, la réincarnation du héros légendaire se réveille après s'être assoupi. Loin de se douter de la véritable nature de son devoir et de son sang, le jeune homme vit d'une manière insouciante, les épaules encore légères. Allongé dans l'herbe, les paupières encore alourdies par la fatigue, il secoue doucement la tête avant de lever ses yeux au ciel bleu clair.

L'Hylien, reconnaissable grâce à ses longues oreilles pointues, porte un doublet bleu foncé. Les manches de sa chemise blanche dépassent ses avant-bras assez musclés. Un fourreau en cuir, la même matière que ses bottes marron, est accroché à sa ceinture noire qui serre le haut de son pantalon beige.
Ses cheveux mi-longs en bataille, aussi dorés que le blé, flottent dans le vent, tandis que ses franges tombent légèrement sur le côté droit de son front pâle. Cependant, malgré son apparence adulte et sa beauté qui ne laissent aucun être indifférent, ses yeux couleur azur oscillent entre l'anxiété et la mélancolie. En face de la grande plaine d'Hyrule, il continue de la fixer, loin de se douter du pénible destin qu'il va devoir entreprendre contre son gré.

* * *

Dans les profondeurs de la forêt de Firone, le petit village Foracalia est réputé pour son élevage et la livraison des produits frais et du bétail. Chaque habitant, aux oreilles pointues, vit paisiblement en effectuant son travail ou ses habitudes matinales. Toutes les maisons ont été construites en bois de chêne et de nombreux lierres couvrent les toits imposants et solides. Comme la mystérieuse forêt, la nature borde le village Foracalia. Les arbres, aux branches majestueuses, entourent pratiquement chaque demeure.

Au milieu du village, autour d'une fontaine d'eau représentant une déesse aux traits féminins et au visage impassible en pierre, un marché attire de nombreux villageois. L'ambiance joviale et harmonieuse règne en ces lieux. Des cocottes, les fameuses poules blanches à la crête rouge, se baladent tranquillement en gloussant. Les enfants courent avec amusement, en se faufilant entre les adultes qui fixent, d'un oeil avide, les produits artisanaux comme la viande saignante, la farine ou autres. Les cloches de la petite chapelle sonnent à plusieurs reprises.

Derrière un stand en bois, une jeune femme aux longs cheveux roux fait fonctionner son commerce en vendant uniquement du lait écrémé. Deux grandes mèches encadrent son visage doux. Sur sa chemise blanche à manches courtes, une broche dorée en forme de lys est accrochée au niveau de sa poitrine.
Afin d'éviter de se salir davantage, elle a enroulé un grand tablier blanc autour de sa longue jupe mauve. De grandes bottes marron cachent également ses jambes, engourdies à cause du travail.
Mais derrière son air enjoué, telle une carapace, une fatigue accablante se lit dans ses gros yeux bleus.
Exaspérée, elle lâche un soupir en prenant le temps de s'asseoir sur un tabouret.

- Malon ! interpelle une voix féminine aigüe.

Intriguée, le regard de Malon se pose sur une petite fille, dont son âge tourne dans les alentours de six ans. Elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau : même couleur de cheveux et de yeux. Tout est parfaitement identique à l'exception de la tenue. La jeune enfant porte une longue robe blanche qui lui va à ravir. Quelques motifs bleus, notamment des fleurs, entourent ses petites manches. Malgré la lourdeur de ses bottes marron, elle arrive à courir hâtivement en direction de l'intéressée.

- Tu es en retard, Romani ! réprimande Malon sur un ton boudeur.
- Je suis désolée, s'excuse Romani, la voix étouffée par le souffle court. Je voulais chercher Link, mais il n'était pas là !
Malon esquisse finalement un léger sourire avant de répondre :
- Je suis sûre qu'il s'est encore rendu à son "endroit préféré". Il adore passer son temps à regarder la plaine d'Hyrule. Mais bon, je ne vais pas lui en vouloir. Déjà qu'il est sérieux au travail.
- Surtout qu'il est devenu étrange depuis quelque temps... On dirait même qu'il est tombé malade, rappelle sinistrement Romani en nettoyant un flacon vide.
- J'aimerais bien savoir ce qu'il a... D'habitude, il est joyeux.
Malgré ses préoccupations, Malon tapote brusquement sur ses jambes avant de se lever.
- Mais ce n'est pas en pensant à lui qu'on va réussir à vendre ces maudits laits ! Romani, modifie la pancarte s'il te plaît ! On va baisser le prix de cinq rubis !
- Tu... tu es sûre que c'est une bonne idée ? s'étonne la petite fille au regard ahuri. On va gagner moins que d'habitude si nous faisons ça.
- Bien au contraire ! Je suis sûre que ça va accélérer les ventes et que notre ranch va enfin retrouver sa merveilleuse réputation d'antan! Tous les habitants d'Hyrule vont en entendre parler ! Peut-être même la Princesse Zelda, qui sait ! s'exclame Malon avec optimisme en levant le poing droit en l'air. Et puis, j'espère que ça va faire motiver papa vu qu'il passe son temps à hiberner comme un ours dans les bois !
- Oui ! affirme haut et fort Romani avec un grand sourire.

Soudainement, le hennissement d'un cheval attire l'attention des deux soeurs. À l'entrée du marché, Link descend de sa fidèle jument à la robe marron clair. Les grands yeux doux, elle le regarde partir avant de secouer sa douce crinière blanche. Rassurée de revoir le jeune Hylien, Malon croise les bras.

- Tu es en retard Link ! annonce-t-elle d'une voix mordante.
- Tu es en retard ! répète joyeusement Romani en lâchant un rire.
Avec un sourire nerveux, Link les rejoint avant de leur répondre :
- Je m'étais assoupi ! Mais à présent, le livreur de lait est là pour vous servir ! s'exclame-t-il en s'inclinant avec ironie.
- Si ça continue, tu vas devenir comme papa, se moque gentiment Malon. Mais c'est bien que tu sois là.
La jeune femme tend un papier blanc à son ami.
- Tiens : voici tous les endroits où il faut livrer les flacons de lait. Le chariot se trouve comme d'habitude derrière le ranch.

Attentivement, Link lit chaque nom. Mais un en particulier attire son attention : Luna

- Même la nouvelle venue en veut ? Mais comment elle te l'a dit alors qu'elle ne sort jamais de chez elle ? demande Link sur un ton perplexe.
- Un petit oiseau bleu est venu à ma fenêtre et m'a laissé un petit papier avec un sac rempli de rubis. Il était marqué "je veux quatre flacons de lait" signé Luna, répond Malon en croisant ses bras. Mais fais quand même attention à toi Link : hier soir, deux voyageurs s'étaient heurtés à un monstre à l'entrée de la forêt. Donc si tu en croises un, ne tente pas le diable et fuis. Surtout fais attention à Epona. Elle est si peureuse.

Conscient des avertissements que lui donne son amie, Link hoche la tête. Ainsi, il prépare tranquillement sa tournée.

* * *

Après avoir effectué comme convenu les livraisons au coeur du village, Link se dirige en direction de l'entrée de la forêt de Firone. Même si le chariot est lourd, Epona arrive à le faire traîner sans aucun problème, tout en galopant joyeusement. Durant le trajet, le jeune homme prend le temps d'admirer le paysage forestier. Après tout, il a grandi dans cet environnement depuis qu'il a été abandonné ici lorsqu'il n'était qu'un bambin. Mais rapidement, une famille l'a recueilli comme un membre.

Les parents, Talon et Marine, étaient les propriétaires du ranch, plus connu sous le nom de "Ranch Lon Lon". Leur fille, Malon, a toujours été espiègle, mais elle est avant tout très attentionnée et débrouillarde. À la mort de sa mère, surgie peu de temps après la naissance de Romani, elle est devenue la chef de la famille à la place de son père. Depuis la mort de son épouse, Talon a perdu tout espoir de vivre. Flemmard, il ne fait que boire et dormir en négligeant les travaux au ranch et sa famille. Seule la présence de Link semble rayonner encore leur vie, notamment celle de Malon et de Romani qui sont comme des soeurs pour lui.

Alors que l'Hylien prend le temps de se remémorer, enfermé dans sa bulle nostalgique, Epona s'arrête en poussant un hennissement de panique. Affolée, elle recule nerveusement. Aussitôt, Link revient à lui et reconnaît un monstre à la peau rouge et nue : un Bokoblin.

Ses grandes oreilles, trouées, pendent vers le bas, tandis que ses crocs offensifs sortent de sa grande mâchoire baveuse, tenue par un menton mince et boueux. Les Bokoblins sont réputés pour leur dangerosité. Ces monstres ne manquent jamais l'occasion d'attaquer qui que ce soit, notamment les plus vulnérables. Derrière leur misérable apparence, ils peuvent se montrer très fourbes. Agressif, le Bokoblin grogne en sortant ses grandes griffes et s'apprête à attaquer Epona. Link tique et agite brusquement les rênes en avant pour faire galoper sa jument afin de fuir le plus hâtivement possible. L'anxiété le saisit au coeur.

Hélas, son redoutable ennemi est bien plus rapide qu'il en a l'air. Il compte détruire le chariot pour l'obliger à l'arrêter. En inspirant un bon coup, Link sort son épée en fer de son fourreau avant de se lever sur le dos d'Epona. Rapidement, il effectue un grand saut en dirigeant son arme vers son agresseur. L'air effaré, la créature s'arrête et le fixe en restant sur ses gardes. Comme s'il tombe du ciel, Link lui donne un coup mortel, sans hésitation. Sensible à l'éraflure qui a coupé presque sa tête en deux, la créature pousse de douloureux gémissements pendant de nombreuses secondes. Brutalement, elle s'écroule au sol en rendant son dernier soupir, la langue violette sortie de sa mâchoire à présent inerte.

Essoufflé et insensible devant le corps sans vie de son ennemi, Link agite son épée avant de la ranger dans le fourreau, une habitude qui ne l'a jamais quitté depuis qu'il a appris à la manier. Inquiet pour Epona, toujours aussi affolée, il s'approche d'elle afin de lui caresser la crinière.
- Du calme ma belle... C'est fini, rassure Link d'une voix modulée. Il ne va plus t'attaquer.
Apaisée par la voix sûre et calme de l'apprenti épéiste qui a le don de faire disparaître instantanément la peur, Epona souffle en secouant la tête. Cependant, une préoccupation hante de plus en plus Link.
"Les monstres sont de plus en plus nombreux et agressifs... Bon sang, qu'est-ce qui se passe à la fin ? Entre les attaques et les cauchemars qui reviennent chaque nuit, cela devient de plus en plus étrange..."
Il pose la main gauche sur son front afin de ne plus penser aussi sombrement. Il sait que cela ne sert à rien de se torturer l'esprit. Doucement, il monte à nouveau sur le dos d'Epona avant de continuer son trajet, comme si la rencontre avec le Bokoblin ne s'était jamais déroulée.

* * *

Plusieurs minutes plus tard, il arrive enfin à sa dernière destination : une toute petite maison en bois abîmée et peu entretenue à côté d'un grand chêne. Un lieu vraisemblablement inhabitable. Seule la nature gouverne cet endroit. Délicatement, le livreur soulève de toutes ses forces le carton rempli de flacons de lait et le pose devant l'entrée avant de frapper trois fois à la porte en bois. Au bout de plusieurs secondes, aucune réaction. Avec insistance, il recommence à frapper.

- C'est pourquoi ? demande froidement une voix féminine assez grave derrière la porte.
- C'est pour la livraison de lait, informe calmement Link. Vous avez réclamé quatre flacons de lait en envoyant un oiseau bleu et soixante rubis, c'est bien cela ?
- Oui. Posez-les devant la porte et partez tout de suite !

Devant l'attitude désagréable de la propriétaire, Link soupire et tourne les talons. Cette femme est si étrange. Cela fait depuis deux bonnes semaines qu'elle habite seule dans cette maison abandonnée et en piteux état. Mais cependant, personne n'a encore vu son visage. Elle ne sort jamais de chez elle et ne prend pas la peine d'ouvrir la porte à autrui.

Peu à peu, Link sent un rayon de soleil éblouir son visage. À l'entrée de la forêt, il distingue la plaine, celle qu'il aime tant contempler à ses heures perdues. Avec un léger sourire, il s'approche et prend le temps de la regarder une nouvelle fois. Au fond de lui, il sent un étrange sentiment le saisir : un sentiment à la fois nostalgique et triste.


Chapitre 1 : Le cauchemar   up

À la tombée de la nuit, Foracalia commence à plonger dans un paisible sommeil. Au coeur du village forestier, seul le bruit du moulin à eau résonne et brise le silence inquiétant. Cependant, à l'arrière du ranch, dans une petite maison en bois, le salon est éclairé grâce à un lustre imposant. La pièce, loin d'être grande, est remplie de meubles en bois et de tableaux de chevaux. Des lierres sont accrochés un peu partout. La décoration est avant tout traditionnelle et charmante. Elle est surtout euphorique et agréable à l'oeil.

Sur une table, de nombreux plats riches et variés comme de la bonne viande grillée et appétissante, des tomates bien rouges et mûres ou même de la salade assaisonnée, sont disposés. Seule une cuve de vin rouge est à moitié vide. Jovialement, un homme au front à moitié dégarni verse la boisson dans sa coupe. Ses yeux sont à moitié plissés tandis qu'une imposante moustache noire couvre le dessus de ses lèvres légèrement violettes. Sa salopette bleue couvre son ventre bien arrondi. D'un coup sec, il boit sous les yeux ébahis de Malon.

- Papa ! Tu dois te calmer ! Tu as déjà bu cinq verres ! décrète-t-elle sur un ton sévère.
- Elle a raison, Talon. Vous feriez mieux de vous limiter un peu, conseille calmement Link à côté de ce dernier.
- Mais c'est la soirée, les enfants ! Ça se fête ! Et puis, je préfère continuer de boire du vin plutôt que de boire du lait ! répond Talon d'une voix stridente.
Lassée par l'attitude incorrigible de son père, Malon soupire d'exaspération.
- Tu es fatiguant..., lâche-t-elle, le regard détourné.

Seule Romani, assise à côté d'elle, semble se régaler en mangeant un grand morceau de viande. De son côté, bien que la nourriture paraisse appétissante au premier coup d'oeil, Link ne sent pas l'appétit venir. Ses yeux sont plongés dans le vide. Inquiète pour son ami, Malon le fixe longuement avant de l'interpeller :

- D'ailleurs Link, est-ce que tu as vu cette mystérieuse Luna ?
- Hum ? s'étonne Link avant de revenir à lui. Hum... non. Elle n'a même pas cherché à m'ouvrir la porte ! Peut-être que je lui fais peur, qui sait !
- Elle est aussi désagréable que cette Iria qui avait vécu dans ce village. Aussi sauvage et insupportable, rappelle Malon en esquissant un léger sourire, les coudes appuyés sur la table.
- Malon ! interpelle Romani après avoir avalé une grosse bouchée. Tu peux me raconter une histoire ?
- Oh... je suis désolée Romani, mais j'ai encore beaucoup de choses à faire au ranch... Depuis que monsieur Ingo est parti à cause de papa, c'est à moi de faire les corvées du soir, répond la jeune femme, peu enthousiaste.
- Oh..., souffle la petite fille avant de se tourner vers Talon. Et toi papa ? Tu es d'accord pour me raconter une histoire ?
- Une histoire ? répète Talon, toujours aussi peu lucide. Bien ! C'est l'histoire d'une cocotte qui va voir une autre cocotte pour ensuite rencontrer une autre cocotte et pour ensuite manger une autre cocotte et pour ensuite boire avec une autre et ensuite...

Attristée par le manque d'imagination de son père, incapable de la faire rêver comme n'importe quel père ordinaire, Romani baisse la tête. Ses mains empoignent violemment sa robe blanche. Link remarque le triste regard de la petite fille. Délicatement, il lui relève doucement la tête pour qu'elle puisse voir son visage.

- Dans ce cas, ça sera moi qui vais te conter une histoire ! propose le jeune homme avec bienveillance.
Touchée, Romani lâche un grand sourire avant de répondre :
- Oh merci Link !

* * *

Plusieurs minutes plus tard, Link est assis sur une chaise pendant que Romani s'allonge dans son lit, la peluche d'un cheval brun dans ses bras.
Sa chambre est remplie de statuettes de chevaux, notamment des tapisseries et des vases. Une photo d'une jeune femme, qui ressemble trait pour trait à Malon, est posée sur la table de chevet en bois.
Doucement, Link ouvre un livre rouge qui raconte la légende d'Hyrule. L'écriture, présentée sous la forme de symboles étranges, est la langue courante du monde : la langue Hylienne.
- Tu veux que je te lise celui-là ? Ça ne sera pas trop ennuyeux ? demande-t-il, les yeux rivés sur la couverture.
- Oui ! J'adore cette histoire avec le héros courageux ! répond vivement Romani, impatiente.
Link rend un léger sourire avant de commencer à lire :
- Dans les temps anciens, sur les terres d'Hyrule, une divinité sous le nom d'Hylia confia le pouvoir de la Triforce entre les mains de sa réincarnation ainsi qu'au vaillant héros, porteur de l'épée de légende. Grâce à ce pouvoir sacré et béni par la Déesse dotée d'une immense sagesse, le héros se lança dans une quête : une quête qui réanima l'éclat de l'épée de légende grâce à son courage. Cette arme, hantée par une entité mystérieuse et enchanteresse, fut la seule à faire couler le sang du monstrueux fléau qu'on appelle Ganon... Hélas, la réincarnation de la Déesse ainsi que le héros furent condamnés à...
Le regard assombri, Link interrompt la lecture. Une angoisse étouffante le saisit. Il n'a jamais été indifférent à cette légende, tant vénérée et contée par les vivants. Il se rend finalement compte que la petite Romani s'est endormie, plongée dans un grand sommeil avec insouciance. En se levant, Link pose le livre sur la table et se dirige vers la fenêtre. Les reflets de la pleine lune traversent la vitre et éclairent à moitié son visage. Inconsciemment, son coeur bat de plus en plus fort, comme si une étrange préoccupation s'amuse à le serrer malicieusement.

* * *

Au ranch, Malon empile les imposants ballots de paille au fond de l'étable. Exténuée, elle chasse de la main la sueur coulant sur son front.
- Tu as besoin d'un coup de main ? se propose Link à l'entrée.
- Ah ! s'exclame la jeune femme, surprise par la venue inattendue de son ami. Non, ne t'en fais pas ! Je viens juste de finir ! Et Romani ? Elle s'est endormie ?
- Oui. Je n'ai jamais vu quelqu'un dormir aussi vite, répond Link avec bienveillance.
- Moi si ! J'en connais un qui s'endort aussi vite !
- Talon ?
- Toi ! répond Malon, hilare en enlevant son tablier blanc.
Link lâche un petit rire avant de répondre :
- C'est vrai ! Je suis le héros du sommeil !
- Tant que ce n'est pas le héros d'Hyrule !
Instantanément, les yeux de Link s'écarquillent et son sourire se décompose lentement. Il baisse la tête, ne sachant pas quoi répondre.
- Dis-moi Link, est-ce que tu es d'accord pour te promener avec moi et Epona ? propose Malon avec un sourire chaleureux.
- Bien sûr, répond l'Hylien, enjoué par l'idée de cette dernière.

* * *

Après avoir galopé sur le dos d'Epona pendant une bonne dizaine de minutes, sous la brise nocturne, Link et Malon arrivent au sommet d'une grande colline. Seul un grand chêne est présent. Mais le plus contemplatif reste bel et bien la plaine d'Hyrule. La nature prend une place des plus importantes dans ce paysage. Cette vision de bien-être détend et efface n'importe quelle tension. Calmement, Epona broute l'herbe, peu essoufflée après avoir galopé. Heureux de revenir ici, Link et Malon s'assoient contre le grand chêne en ne quittant pas du regard le paysage.

- Je comprends mieux pourquoi tu te rends souvent ici. Cet endroit est magnifique, constate Malon d'une voix modulée.
- Oui. Je ne me lasse pas de revenir ici, déclare Link avec un doux sourire, les bras croisés sur sa jambe droite légèrement relevée.
De plus en plus tracassée, Malon fixe avec discernement son ami d'enfance avant de lui poser la question :
- Link... Tu es sûr que tout va bien en ce moment ?
Quelque peu interloqué par cette question aussi soudaine, Link se force à sourire, les yeux toujours rivés sur la plaine.
- Pourquoi une telle question, dis-moi ?
- Depuis quelques jours, Romani et moi te trouvons vraiment étrange... C'est comme si tes yeux étaient envahis par une tristesse... J'ai peur que nous en soyons la cause.
Instantanément, Link se retourne vers elle avant de lui répliquer :
- Mais pourquoi penses-tu à une chose pareille ? C'est faux ! Bien au contraire ! Toi et Romani, vous faites tout pour que je sois à l'aise au ranch.
- Mais peut-être que tu n'en peux plus de cette vie monotone... Tu sais, quand je te vois regarder la plaine avec un attachement particulier, j'ai des fois l'impression que tu rêves de voyager dans ces contrées, rencontrer des gens et construire ta vie... Même si les monstres t'agressent, tu arrives à te défendre grâce aux cours d'escrime que t'a donnés Pawel. Je veux dire, moi, Romani, et encore moins mon père, ne t'apporterons rien de plus qu'un toit et un travail stable...

Compréhensif devant l'inquiétude de Malon, Link baisse la tête avec un air mélancolique. Finalement, il se lève et se dirige vers la falaise.

- Ce n'est pas ça... Mais depuis le soir de mes dix-huit ans, je me sens assez étrange. C'est comme si une partie de moi hurlait : on dirait même qu'elle a soif de "quelque chose"... Je ne sais pas comment décrire tout cela. Tout est encore confus dans ma tête. Mais je pense que ça ira mieux bientôt. Ça va bien finir par partir, s'imagine Link avec optimisme.

Silencieusement, telle une confidente, Malon l'écoute sans l'interrompre. La brise continue de bercer ses cheveux roux. Il se tourne vers l'intéressée avec un regard plus rassurant avant de poursuivre :

- Mais je te rassure Malon : je n'ai jamais pensé que toi, Romani et même Talon, êtes envahissants. Je suis même heureux que vous soyez ma famille. Je tiens vraiment à vous et je n'ai aucun regret.
Touchée par les paroles de Link, Malon baisse la tête en posant la main contre son thorax. Avec un doux sourire, les larmes aux yeux, elle sent l'angoisse se dissiper peu à peu.
- J'ai eu peur... Je suis si rassurée ! Je suis tellement rassurée que j'ai envie de chanter pour évacuer tout ça ! annonce-t-elle en récupérant son assurance.
- La fameuse chanson, n'est-ce pas ? devine vivement Link.

Malon affirme silencieusement de la tête avant de prendre une bonne inspiration. Au bout de quelques secondes, une voix mélodieuse commence à résonner, en se mélangeant avec l'harmonie et la tranquillité du paysage. Avec une passion qui anime ses yeux telle une étincelle, Malon se sent heureuse de libérer son don grâce à sa magnifique voix. Apaisé par le chant de son amie, à la fois émotionnel et agréable à l'écoute, Link regarde toujours la plaine qui comble le vide de son coeur.
Epona aime tellement ce chant qu'elle l'écoute d'une oreille avide, les yeux arrondis. Après tout, cette mélodie, transmise de mère en fille, se nomme "Le chant d'Epona". Ainsi, sur les dernières notes résonnant en écho, s'achève la soirée.

* * *

Au milieu de la nuit, dans sa chambre, Link dort profondément dans son lit. Contrairement à la chambre de Romani, la pièce est moins meublée et plus simple : son lit plaqué contre le mur en bois, un bureau, une chaise, une commode ainsi que des étagères remplies de livres.

Hélas, Link se retourne sans cesse, le visage en sueur. Sa main empoigne le drap blanc avec violence.
C'est comme si un mal le ronge péniblement dans son sommeil. Il ne peut s'empêcher de lâcher de légers effrois. À plusieurs reprises, il voit une grande silhouette terrifiante qui le fixe, derrière de grands nuages gris. Ses yeux, rouges et brillants, représentent la seule lumière de ce monde cauchemardesque. Avec beaucoup de mal, Link arrive à distinguer deux grandes cornes ainsi qu'une longue crinière aussi rouge que le feu qui commence à s'échapper de sa monstrueuse mâchoire. L'entité pousse un horrible hurlement en levant ses yeux au ciel. Soudainement, un autre s'ensuit.

Cette fois-ci, ce n'est plus la voix rauque et stridente de l'inquiétante créature mais bel et bien celle d'une jeune femme désespérée. Brusquement, Link ouvre les yeux en lâchant un effroi surpuissant. Le souffle court, il parcourt la pièce du regard avant de se rendre compte avec soulagement qu'il est dans sa chambre. Les oreilles baissées et les paupières encore alourdies, il pose la main sur son front. Torse nu, vêtu seulement de son pantalon, sa peau est étrangement tiède.

Sombrement, alors que son coeur palpite tel un tambour, ses yeux se plongent dans le vide. La vision de l'horrible créature, qu'il a à peine réussi à apercevoir, le terrifie, tandis que le hurlement de la mystérieuse jeune femme l'intrigue toujours autant. Même s'il ne l'a jamais vue dans ses cauchemars, le désespoir et la peur parcourent son corps. Vulnérable, il se crispe en essayant de se calmer.
- Bon sang... C'est de pire en pire... Que m'arrive-t-il à force... ?
En plein tourment, il appuie la tête sur ses jambes. Seuls les reflets de la lune éclairent la chambre afin de chasser l'obscurité qui semble le torturer.

Chapitre 2 : Le départ   up

Au lever du jour, les cocottes gloussent joyeusement, tandis que les boeufs, sortis de bonne heure, meuglent avant de brouter de l'herbe fraîche. Comme chaque matin, Link rapporte les seaux remplis de lait à la cuisine. Malgré le cauchemar qui hante encore ses pensées les plus sombres, le jeune homme s'efforce de travailler le plus convenablement possible.

- Link ! interpelle Malon avec allégresse.
En courant hâtivement dans sa direction, elle tient une lettre dans sa main droite, sortie tout droit de sa boîte aux lettres.
- Que se passe-t-il ? demande aussitôt l'intéressé, intrigué par la bonne humeur de son amie.
- La... la taverne du village de Cocorico ! La propriétaire nous réclame une livraison de lait pour ce soir ! s'exclame la jeune femme, toute contente.
Depuis le temps qu'elle a attendu une telle opportunité qui a la possibilité de réaliser son rêve, celui de faire connaître son ranch à travers l'unique continent, elle ne cache pas les larmes qui humidifient ses yeux. Surpris par une telle nouvelle, la joie surgit aussitôt sur le visage de Link.
- Au fameux village de Cocorico ? Là où... la garde royale réside ?
- Oui ! affirme à nouveau Malon. Je pense que ça doit être grâce à Pawel ! Il a sûrement parlé de la qualité de notre lait à la propriétaire ! Link ! Nous avons réussi ! Notre ranch va enfin récupérer sa réputation ! Je suis tellement heureuse ! Je vais réussir à le sauver de la faillite ! Maman serait si fière de nous au ciel !

Avec bienveillance, Link s'approche de la jeune fermière et pose la main sur son épaule.
- Tu vois Malon ! Tu as réussi ! Je te l'ai toujours dit ! déclare-t-il d'une voix modulée.
Malon hoche doucement de la tête et essaye de calmer ses émotions les plus fortes.
- Tout cela, c'est grâce à toi Link ! C'est toi qui m'as toujours dit de ne pas renoncer !
Mais petit à petit, son regard devient mélancolique. En effet, cette nouvelle, à l'allure d'une bonne, entraîne une petite conséquence : un long voyage pour Link.
- Mais... pour la livraison... Cocorico n'est pas à la porte d'à côté...
Avec un air optimiste, Link lui répond vivement :
- Tout ira bien ! Après tout, je suis le livreur de lait express ! Personne ne pourra m'arrêter !
Rassurée, Malon lâche un rire en approuvant pleinement.
- Oui c'est vrai ! Allez, je vais préparer le chariot ! En attendant, il faut que tu brosses Epona pour qu'elle soit toute belle !
Avec motivation, Link acquiesce de la tête avant d'effectuer toutes ses tâches et les préparations pour ce long voyage : un voyage bien salvateur.

* * *

Un peu plus tard, alors que le soleil rayonne sur le village de Foracalia, les habitants, fraîchement réveillés, reprennent leur travail avec ardeur. Au centre du village, en face de la fontaine d'eau, Link vérifie une dernière fois le chariot. Avec sérieux, il serre bien comme il faut les cordes autour des paquets. Calmement, Malon et Romani le regardent d'un oeil avide. En revanche, contrairement à sa grande soeur qui se montre confiante, la petite fille ne cache pas sa tristesse à l'idée de savoir Link partir pour un voyage.

- C'est bon ! Je pense que tout est prêt ! annonce vivement Link. Epona est en pleine forme et les roues du chariot sont stables.
- Surtout, fais bien attention à toi et à Epona ! Mais en te connaissant, je suis certaine que tout va bien se passer ! réplique Malon d'un ton nerveux.
Link lui rend un sourire apaisant avant de la rassurer une fois de plus :
- Ne t'inquiète pas pour moi. Je reviendrai très vite ! Après tout, je serai de retour dans trois jours. En même temps, je vais profiter pour visiter ce village et peut-être même trouver de nouveaux clients !
- Je te fais confiance, dit la jeune femme, le regard chaleureux. Oh ! Avant que j'oublie, voici le formulaire que tu dois faire remplir à la taverne du villa...

Soudainement, Romani vole la feuille des mains de sa soeur aînée avant de s'enfuir à toute hâte.
- Romani ? s'exclame Malon, stupéfaite par le geste inattendu de cette dernière. Romani ! Reviens-ici tout de suite !
Trop tard, la jeune enfant est déjà bien loin.
- Rah ce n'est pas vrai ! Pourtant, je lui ai bien dit que tu vas revenir dans trois jours ! Au pire, je ferai un nouveau formulaire et...
- Attends, je vais aller la chercher ! Veille sur Epona en attendant ! se propose Link, inquiet par le comportement de Romani.

Sous les yeux inquiets de Malon, l'Hylien court sur les traces de la petite fille. À plusieurs reprises, il scrute les environs en traversant le village. Aussitôt, à côté du moulin à eau, il réussit à repérer Romani grâce à ses longs cheveux roux. Elle semble être essoufflée après avoir autant couru. Sans être brusque, il s'approche d'elle.
- Romani... Tu peux me rendre le formulaire, s'il te plaît ? demande Link d'une voix calme.
Soudainement, Romani se lève et recule en sentant des perles humidifier ses yeux.
- Non ! Je ne te le rendrai jamais, réplique-t-elle avec un air boudeur. Si je te le rends, tu ne vas peut-être plus jamais revenir ici ! Si tu pars, qui va me faire préparer un bon plat à midi, me raconter des histoires ou même me faire rire et jouer avec moi ? Pas papa en tout cas !
Loin d'être indifférent devant le désarroi de la fillette, Link lui sourit avec tristesse.
- Romani... Ne t'en fais pas, je vais revenir très bientôt. C'est seulement une livraison qui va durer plus longtemps que d'habitude. Je ne compte pas m'éterniser dans le village de Cocorico. Comme je l'ai dit à ta soeur il y a peu, ma vie est ici ! Fais-moi confiance...

Touchée par les paroles sûres et sincères de Link, Romani éclate subitement en sanglots, n'arrivant plus à retenir ses larmes.
- Je... je suis désolée Link d'avoir fait cette bêtise ! s'excuse-t-elle, la voix étouffée. J'avais tellement peur que tu partes à tout jamais en me laissant seule ici avec papa qui ne fait que boire et Malon qui ne pense qu'à travailler !
Avec mélancolie, Link s'approche d'elle et lui caresse affectueusement la tête comme un grand frère qui console sa petite soeur.
- Je reviendrai, Romani. C'est une promesse !
- Une promesse... ?
- Mais oui !
Romani chasse finalement ses larmes d'un geste à la main avant de lui rendre un sourire plus confiant.
- Alors tu as intérêt à la tenir ou sinon, je te fais cuire comme un steak.
Rassuré de retrouver le côté espiègle de la petite fille, Link lâche un rire avant de répondre :
- Entendu, c'est promis ! Raison de plus pour la respecter alors !
- Tiens. Je te rends le formulaire. Et... Oh ! s'exclame soudainement Romani. Link, tu peux m'accompagner au ranch sur la route ? J'ai un cadeau pour toi !
Intrigué, Link penche doucement la tête vers la droite avant de s'exécuter.

* * *

De retour au ranch, Link patiente tranquillement à l'entrée pendant que Romani cherche quelque chose dans son "coin secret" : une boîte en carton.
- Voilà ! C'est bon ! annonce la fillette en sortant de la demeure.
Le livreur de lait se retourne avant de remarquer une planche arrondie en bois, dont une ficelle en cuir est solidement attachée à l'arrière : un bouclier.
Surpris, il esquisse un sourire enfantin, les yeux rivés sur son cadeau.
- Un... bouclier ! reconnaît-il en le tenant entre ses mains.
- Oui ! Je voulais te l'offrir pour ton anniversaire... Mais vu que j'ai mis du temps à peindre ce couvercle de marmite, je n'ai pas pu te le remettre plus tôt. Et vu que tu vas partir en voyage, je me suis dit qu'il te sera très utile si les méchants monstres vont t'attaquer ! explique joyeusement Romani, fière de son cadeau.
Link lâche un sourire attendrissant avant de la remercier.
- Merci Romani ! Ce cadeau me touche beaucoup. Avec ça, je vais repousser toutes ces viles créatures ! Si elles m'attaquent, elles vont regretter d'avoir croisé mon chemin ! déclare-t-il avant d'effectuer un geste de défense.
- Oui ! affirme vivement Romani avant de lâcher un rire enjoué.

Puis, une jeune femme frappe à deux reprises à la porte, interrompant la complicité entre l'Hylien et la petite fille. Une jeune femme, aux longs cheveux argentés, entre à l'intérieur en esquissant un sourire timide. Deux grandes mèches encadrent son visage étrangement pâle, tandis que de nombreuses franges tombent sur son front, légèrement sué par la fatigue accaparante qui se lit dans ses yeux bleus. Vêtue d'une longue robe beige ainsi qu'une veste noire à manches courtes serrant son torse, la nouvelle venue regarde ses hôtes avec bienveillance.

- Ah ! Bonjour Leyna ! Vous allez bien ? demande Link en s'approchant de cette dernière.
- Bonjour madame Leyna, accueille à son tour Romani. Je vous rassure : personne n'est tombé malade ici !
Amusée par la bonne humeur de la fillette, la concernée lui caresse la tête avec un instinct maternel.
- Je suis rassurée de le savoir Romani. C'est important de rester en bonne santé, annonce-t-elle avant de poser son regard sur Link. Malon m'a appris que vous allez à Cocorico, c'est bien cela ?
- Oui, affirme Link, de plus en plus intrigué.
Calmement, Leyna sort une lettre de sa poche. La main gauche cachée sous un gant noir, elle la lui tend.
- Je sais que c'est peut-être déplacé de ma part, mais si vous voyez Pawel...

En ne finissant pas sa phrase, Leyna baisse les yeux, de plus en plus hésitante.
- Bien sûr. Il n'y a aucun souci, accepte Link avec amabilité en acceptant la requête.
- Vraiment ? s'exclame son interlocutrice, les yeux arrondis. Oh tant mieux ! Merci Link ! Tu seras bien plus rapide que ce facteur qui met des lustres à apporter les lettres et les colis !
- En même temps : il ne fait que courir pendant des heures ! rappelle Romani d'un ton moqueur.
- Oui, c'est vrai ! répond Leyna d'un ton plus hilare. Le pauvre doit souvent prendre des pauses.
Link range la lettre dans la poche en cuir, bien accrochée à sa ceinture.
- Ne vous en faites pas : dès que je verrai Pawel, je la lui donnerai. Il doit beaucoup vous manquer...

Leyna baisse la tête en s'efforçant de garder le sourire. Même si la mélancolie se lit dans son regard, elle ne veut pas laisser la tristesse la submerger. Elle veut se montrer forte et indépendante.
- Oui beaucoup. Mais le plus important, c'est qu'il a réussi à réaliser son rêve. Et puis, en attendant son retour, je dois m'occuper de tous les patients ! J'ai beaucoup de travail en ce moment, surtout avec les monstres qui agressent de plus en plus les personnes... Je dois préparer de plus en plus de potions pour guérir leurs plaies...
- Oui... J'étais tombé sur un Bokoblin hier... Il ne lâchait pas l'affaire, explique Link avec un air plus préoccupé.
- Sois prudent Link. Je prierai la Déesse Hylia pour que ton voyage ne se confronte pas à la voie du malheur, annonce Leyna d'une voix douce. N'oublie pas que si un jour, tu es blessé, je soignerai tes plaies.
Reconnaissant, Link approuve de la tête. En regardant le bouclier, il se sent confiant pour la suite.

* * *

Une bonne dizaine de minutes plus tard, désormais prêt pour son voyage, le livreur caresse le long museau d'Epona, confiant de sa rapidité et de sa force.
- Voilà ! Je pense que cette fois-ci, tout y est, annonce Link en s'approchant de Malon et de Romani.
- Oui, affirme tristement Malon en empoignant son bras gauche. Tu vas quand même nous manquer. Mais bon, tu vas revenir ! Après tout, on sait que tu es prudent !
- Oui ! Tu vas revenir ! répète Romani en se forçant à sourire.
Réconforté par les paroles sincères de ses deux amies, Link approuve de la tête.
- Je suis désolée si papa ne peut pas assister à ton départ étant donné qu'il essaye d'effectuer la livraison dans le village à ta place. J'espère qu'il y arrivera, ajoute Malon avec inquiétude.
- Je suis sûr que oui. Talon est loin d'être un incapable. Je suis sûr que tôt ou tard, il va s'en remettre. Surtout : faites attention à vous deux et à Talon également.
- Promis !

Pour une étrange raison, alors qu'il monte sur le dos d'Epona, Link sent un vide envahir son coeur. Au fond de lui, il a l'impression qu'il ne reviendra jamais dans ce village. Malgré cette inquiétude qui pèse sur ses épaules, il prend le temps de regarder Malon et Romani. Désormais prêt, il lève la tête au ciel et inspire un bon coup avant d'agiter les rênes. Aussitôt, Epona commence à galoper en tirant le chariot sans aucune difficulté. Déchirée de voir son ami partir, Malon le regarde s'éloigner de plus en plus vite. Même si sa petite soeur ne retient pas ses larmes, elle s'agenouille avant de la rassurer :

- Ne t'en fais pas. Link et Epona vont vite revenir ! Ils sont forts !
- Oui..., répond Romani d'un ton maussade en ravalant ses larmes.
Devant le chagrin de la petite fille, si sensible, Malon se lève en se frottant les mains.
- Bien ! Pourquoi ne pas aller à la pêche toutes les deux ? Je pense qu'on va bien s'amuser ! Les vaches peuvent bien se passer de ma présence pendant un après-midi !

Heureuse par la proposition de Malon, Romani hoche la tête avant d'accepter avec joie. Alors que les deux soeurs quittent la place du village avec gaieté malgré le départ de leur ami, Link vient tout juste de quitter la forêt de Firone sous les yeux de la mystérieuse Luna qui le guette avec discernement depuis sa maison.

En parcourant les premières terres de la plaine d'Hyrule, il sent soudainement un sentiment de liberté le submerger grâce au vent pur qui fait flotter ses cheveux, les rayons du soleil qui brûlent légèrement sa peau ainsi que le bruit de la nature qui parvient jusqu'à ses oreilles pointues. Epona est heureuse, se sentant aussi libre que l'air.
Plus ils avancent, plus Link remarque au loin une vision incroyable en direction du nord-est : les deux immenses tours, atteignant presque le ciel bleu clair et les murs de défenses en pierre, le château d'Hyrule est reconnaissable au premier coup d'oeil. Malgré l'architecture gothique qui paraît lugubre, le pont-levis, la herse déjà levée, est abaissé pour tous les peuples d'Hyrule. Les douves le soulèvent uniquement à la tombée de la nuit.

Contrairement à la taille imposante du château, la citadelle animée et peuplée, qui se trouve juste en face de la demeure de la famille royale, est très discrète. De l'endroit où se trouve Link, la vue est somptueuse. Même s'il a envie de s'y rendre, il préfère se concentrer uniquement sur son objectif en tant que livreur, tout en savourant le voyage, à présent libéré temporairement de ses tourments les plus sombres et de sa vie monotone.

Chapitre 3 : L'annonce royale   up

Après trois bonnes heures de galop, y compris une bonne demi-heure de pause, Link arrive enfin à sa destination : Cocorico. Les rayons du crépuscule touchent la montagne de la mort située à l'arrière du village, réputé pour le tourisme. Toutes les maisons, à la fois imposantes et impressionnantes, ont une façade en pierre. De nombreux commerces entourent la grande place : magasin d'armes, de vêtements et de provisions. Tout ce qui est nécessaire pour un voyageur.

C'est ici que les soldats passent leur temps libre. Après tout, le château d'Hyrule ne se trouve qu'à une vingtaine de minutes d'ici à cheval. Depuis la fermeture des relais il y a une dizaine d'années suite à des problèmes de fonds, de nombreux voyageurs, venant de n'importe quelle contrée, se reposent dans l'unique auberge du village. Au sommet, le grand moulin de Cocorico, les ailes en bois bercées par le vent, ne passe pas inaperçu. En entrant dans ce village, respirant la convivialité, Link prend le temps de scruter les alentours. L'odeur sucrée des arbres vivaces, de part et d'autre de la route en dalle de pierre, envoûte agréablement ses narines. Inconsciemment, cela lui ouvre même l'appétit.

Malgré sa crainte de voir autant de monde, notamment des Hyliens, enfants et soldats, Epona trotte tranquillement, rassurée sans cesse par Link qui continue de lui caresser la crinière. Doucement, il tire les rênes en arrière pour faire arrêter sa jument en tiquant à deux reprises. La grande auberge attire pleinement son attention. La taverne se trouve juste à côté. Calmement, Link attache les rênes contre un poteau en bois, juste à côté d'un abreuvoir pour les chevaux, avant de détacher le chariot. Ainsi, il entre à l'intérieur de la taverne, prêt à découvrir le fameux lieu, ouvert uniquement aux adultes.

À sa grande surprise, la salle, pleine à craquer, est très austère contrairement à l'extérieur qui paraît charmant au premier coup d'oeil. En effet, les murs et le plancher sont en pierre, tandis que le lustre éclaire faiblement la pièce. Les plats chauds et les boissons, posées sur les tables rangées par quatre, ouvrent encore plus l'appétit du jeune homme. Mais il se sent étouffé en voyant autant de monde. En revanche, il aime beaucoup la musique harmonieuse. Le musicien est un grand oiseau aux plumes bleues. La passion illumine ses pupilles azur. Grâce à ses grandes ailes majestueuses, il frotte avec délicatesse et précision ses plumes contre les cordes de sa harpe celtique.

Aussitôt, Link distingue le grand comptoir au fond de la salle. Derrière, les étagères sont remplies de bouteilles de vin. Hâtivement, sous le regard de certains clients et soldats un peu trop curieux, il se dirige vers la barmaid. La femme, au ventre arrondi, continue de travailler avec motivation. Ses cheveux aux couleurs de miel sont serrement attachés en queue de cheval relevée. Sous le poids de la quarantaine, ses yeux sont à moitié plissés par les rides et ses grands cernes. Malgré le maquillage, cela n'est pas suffisant pour camoufler la peau maudite par la maladie inévitable de la vieillesse. En revanche, sa tenue est élégante : une veste soyeuse et noire couvre sa chemise blanche au décolleté plongeant, tandis que son tablier entoure sa longue jupe noire.

- Hum... Excusez-moi, interpelle Link d'un geste à la main.
- Oui mon chou ? Tu as besoin d'un service ? demande la femme avec un regard éloquent.
Indifférent, Link tend le formulaire à la gérante, qui est bien loin d'être acariâtre.
- Je suis venu ici pour vous livrer du lait, venant tout droit du Ranch Lon Lon.
Avec avidité, la femme lit le contenu, écrit noir sur blanc.
- Oui, c'est bien ça. Tu es à la bonne adresse ! Oh ! J'oublie les politesses ! déclare-t-elle en posant la main sur son thorax. Je m'appelle Telma ! Je suis la gérante de cette taverne. Mais ciel, tu dois être épuisé par ce voyage. Assieds-toi et prends le temps de te reposer ! Je vais te servir un verre.

Surpris par la gentillesse de la femme, Link s'exécute et enlève ses gants en cuir en prenant le temps de souffler. En revanche, il est rapidement écoeuré par l'odeur de l'alcool et du café. Même celle de la viande grillée n'est pas aussi forte. Après que Telma ait posé un verre de vin rouge sur le comptoir, Link le boit aussitôt en écoutant sa soif. Le goût, bien qu'il n'ait pas l'habitude d'en boire, n'est pas mauvais. Mais il ne prend pas énormément de plaisir à siroter le liquide rougeâtre.

Soudainement, une jeune femme aux oreilles pointues s'approche, intriguée par le nouveau venu depuis plusieurs minutes. Ses cheveux ondulés sont longs et bruns. Mais ce qui démarque le plus, c'est bel et bien sa robe légèrement décolletée : rouge et clairvoyante.
La beauté de Link semble l'attirer.
- Excuse-moi ! interpelle-t-elle avec un sourire malicieux.
Silencieusement, le concerné se retourne. Étonné au premier abord qu'une belle inconnue lui adresse la parole, il s'efforce de rester impassible.
- Oui ?
- Est-ce que tu es libre ce soir ?
Comprenant rapidement le double sens de cette proposition peu innocente, Link se montre peu enjoué.
- Désolé, je ne suis pas intéressé. Je dois finir ma livraison avant, avoue-t-il avec franchise.

Frustrée par cette réponse négative, l'inconnue le regarde hautainement avant de tourner les talons. En la regardant partir, Link remarque aussitôt un homme assis au coin de la pièce. Grâce à son crâne dégarni, sa corpulence maigre et sa grande moustache noire, il le reconnaît au premier coup d'oeil.
- Ingo ! s'exclame-t-il en s'approchant de ce dernier. Comment allez-vous ?
L'allure bêcheuse, l'intéressé se retourne.
- Oh Link ! Toi aussi tu as fini par foutre le camp de ce maudit ranch ? Comme je te comprends ! Avec ce bon à rien de Talon, on finit par craquer ! décrète Ingo sur un ton désagréable, fidèle à lui-même.
- Non. Ça se passe même assez bien, rassure Link avec un léger sourire nerveux.
- Mouais. Mais bon, depuis que je suis parti et que j'ai repris ma vie à zéro à Cocorico, je suis bien mieux comme ça, surtout que je n'entends plus les ronflements de l'autre feignasse pendant le travail. D'ailleurs, tu as changé d'avis pour Epona ? Tu veux me la vendre ?
- Non. Il est hors de question, réaffirme aussitôt Link avec exaspération.
- Tss...

Souhaitant couper court à la conversation, Ingo boit son verre d'un coup sec. Link soupire. Son ancien collègue n'a pas changé. Il est toujours aussi désagréable. Après tout, c'est sa nature. Alors qu'il revient s'asseoir au comptoir pour se reposer, la main droite appuyée sur son front, la porte de la taverne s'ouvre et claque sur le mur comme un coup de vent. Un soldat haut placé et costaud, l'armure argentée, entre joyeusement avant de déclarer :

- Ecoutez ! C'est officiel ! Le Royaume d'Hyrule organisera très prochainement un mariage entre la Princesse Zelda et le Comte Vadel !
Stupéfaits par une telle annonce, les clients s'exclament et se dirigent vers le soldat, porteur de la "merveilleuse" nouvelle. Seul Link reste en retrait, ne partageant pas la joie des autres clients.
- La Princesse Zelda... ? répète-t-il, non indifférent par ce prénom tant respecté par le peuple.
- Oui, affirme Telma en s'asseyant en face du livreur. D'après ce que la rumeur raconte, la Princesse Zelda est la femme la plus magnifique d'Hyrule. Mais personne ne l'a encore vue. C'est pour cela que ce mariage sera une excellente opportunité pour celles et ceux qui veulent la voir. Même si c'est vraisemblablement un mariage arrangé.

Silencieusement, les doigts crispés sur son verre vide, Link ne sait plus trop quoi penser. Chaque fois qu'il entend le prénom "Zelda", son coeur bat d'une étrange manière. C'est comme si une nostalgie et une mélancolie s'emparaient de lui.
- Allez, tu vas bien manger un petit quelque chose ! Voici un bon repas bien chaud pour un garçon aussi mignon que toi !
Les pensées interrompues, il se rappelle de son estomac vide, hurlant de famine. Soudainement, il devient ébahi devant son assiette, garnie d'une bonne tranche de boeuf avec quelques légumes verts.
Comme un enfant, il esquisse un large sourire avant de l'entamer, prêt à savourer le délicieux repas avec insouciance.

* * *

Après avoir réservé une chambre à l'auberge ainsi qu'une place à l'étable pour Epona, Link profite du calme nocturne pour se promener. L'air pur soulage ses poumons, encore étouffés par l'odeur de la taverne. Cependant, le vent froid le fait grelotter. Les mains rougies, il remet à nouveau ses gants en cuir. Mais l'ambiance vivante du village lui fait oublier la température. Après tout, le nom de Cocorico est un nom qui a traversé les époques. Il ne peut s'empêcher de se demander à quoi le village a bien pu ressembler il y a un siècle ou deux.
- Link ! C'est toi ? interpelle une voix masculine.

Aussitôt, les yeux du concerné se posent sur un homme d'une trentaine d'années en armure de bronze. Seule sa tête n'est pas dissimulée derrière le heaume protecteur. Ses yeux, aux couleurs noisette, ressortent de sa peau très pâle. Ses cheveux émeraude en bataille s'arrêtent en bas de son cou. Mais sous cette apparence bien virile et charismatique, son regard est doux et attentionné. Ravi de voir cet homme qui lui est tant familier, un grand sourire se dessine sur le visage de Link, les yeux arrondis.

- Pawel ! s'écrit-il vivement. Je... je ne m'attendais pas à vous revoir ici !
- Et pourtant si ! Grâce à la merveilleuse nouvelle du royaume, j'ai pu me libérer ce soir pour boire un petit coup avec la troupe. Mais j'imagine que si tu es venu jusqu'ici, c'est pour les affaires du ranch, n'est-ce pas ? questionne Pawel d'un ton bienveillant.
Toujours surpris de revoir l'homme qu'il respecte tant depuis son enfance, Link lui rend un sourire ravi avant de répondre :
- Oui. Grâce à votre recommandation, la taverne a fait appel à nous. Malon est très reconnaissante envers vous !
- En voilà une bonne nouvelle alors ! constate Pawel en croisant ses bras. C'est vrai que Foracalia me manque beaucoup... Mais bon, j'ai pu réaliser mon rêve de devenir un chevalier, prêt à se battre jusqu'à la mort. Quoi qu'il arrive, je suivrai la voie de la conviction et de la force.
- D'ailleurs, ajoute Link en sortant la lettre de sa poche. C'est de la part de Leyna.

La lettre dans les mains, Pawel la déplie et la lit aussitôt, ne parvenant pas à ignorer son impatience. Avec un sourire attendrissant, il sent son coeur battre très fort en lisant le contenu, écrit par celle qu'il aime tant. Malgré la distance qui le sépare de Leyna, ses pensées se tournent sans cesse à cette dernière.
- Merci Link... Bientôt, je reviendrai à Foracalia pour vous revoir : comme au bon vieux temps, s'exprime Pawel d'une voix apaisée.

Approuvant pleinement les paroles de son maître d'armes, Link affirme joyeusement de la tête. Depuis son enfance, comme les autres garçons de son village, il a toujours admiré Pawel pour son courage et son ambition. Mais, parmi tous les enfants, seul Link a été choisi afin de devenir son apprenti. Sa progression a été tellement prodigieuse qu'il a obtenu le même niveau de son maître en peu de temps. Puis, il y a un an, après avoir reçu le certificat qui lui donne un grade dans la garde royale, Pawel a quitté le village en laissant son épouse et ses amis derrière lui, y compris son jeune élève. Inconsciemment, Link a même fini par le considérer comme un grand frère. Mais son apprentissage ne s'arrête pas là puisque le maître et l'élève décident de se rendre dans un coin plus calme afin de constater leurs progrès. En sortant la longue épée forgée en argent de son fourreau, Pawel la pointe en direction de Link avec assurance.
- Bien bien ! Ce n'est pas parce que je ne suis plus au village de Foracalia que je ne peux pas t'évaluer ! Montre-moi si tu as progressé depuis mon départ ! Prouve-le-moi !

Confiant de ses capacités, Link acquiesce avant de sortir son épée à son tour. Il l'agite rapidement afin de s'échauffer, prêt pour le combat. Désormais assoiffés par l'envie de combattre à la loyale, les deux hommes s'approchent, sur leur garde. Le regard assuré, Pawel est le premier à brandir son épée en avant. Avec facilité, Link parvient à parer le coup de son adversaire avant d'enchaîner rapidement des ébranlements. Pendant plusieurs minutes, les raffuts des deux épées résonnent et brisent le calme paisible du village campagnard. Le souffle court, Link recule et charge à nouveau en direction de Pawel.

Soudainement, une lumière dorée aveugle l'épéiste gaucher, y compris son maître. Avec un regard interrogatif, il s'arrête avant de fixer la face dorsale de sa main gauche. Une étrange lueur, sous la forme d'un symbole triangulaire, émane à plusieurs reprises, notamment le troisième fragment.
En récupérant son sérieux, Pawel range son épée et s'approche du jeune Hylien.

- Je remarque que ça ne s'est pas calmé avec le temps, constate-t-il d'une voix calme.
En fixant l'étrange symbole sur sa main, Link se sent mal à l'aise et remet son gant pour le cacher. Un immense étouffement le saisit subitement à l'estomac. Cela se produit à chaque fois que sa force atteint ses limites.
- Je ne sais toujours pas ce que c'est... Même vous Pawel, vous n'avez pas une main qui brille lorsque vous vous battez en donnant le meilleur de vous-même... Est-ce que pour les autres soldats, c'est le cas ? questionne Link, la voix plus assombrie.
- Oui. Tu es bien le seul cas de ce genre. Surtout que ce symbole ressemble étrangement à la Triforce, le pouvoir béni par la Déesse. Mais dis-moi, c'est à cause de cela que tu ne veux toujours pas rejoindre nos rangs ? demande Pawel en croisant les bras, l'air serein.
- Sûrement oui... Quand je vois cette lumière apparaître, une force immense s'empare de moi. Mais une peur surgit en même temps... Une peur que je ressens même dans mes cauchem...

Anxieux, Link ne finit pas sa phrase. Malheureusement, même loin de son village, ses tourments les plus sombres le suivent sans cesse. Ne voulant plus retourner dans sa bulle pour se couper à nouveau du monde, il lève la tête en se forçant à sourire avant de poursuivre :
- Hum... Oubliez cela. Je pense que nous avons eu notre dose pour l'entraînement !
Malgré l'inquiétude présente dans ses yeux, Pawel lève la tête au ciel. Finalement, il ajoute :
- En tout cas, tu as vraiment bien progressé. Tu es vraiment digne d'être mon élève.
Réconforté par ces encouragements, Link baisse la tête avant de sourire avec mélancolie.
- Allez pour fêter ça, je t'offre un verre d'alcool ! propose Pawel en récupérant son assurance.
- Non ! Je préfère boire du lait ! répond Link avec allégresse.
- Mais tu es majeur depuis peu. Tu peux très bien en boire !
- Je préfère rester raisonnable !

Malgré le malaise, Link et Pawel préfèrent retrouver leur complicité d'antan. Cependant, dans l'ombre des regards, un étrange être, vêtu d'une cape noire, guette Link. Une lueur inquiétante amplifie le malaise dans ses yeux rouges : rouge comme le sang...

Chapitre 4 : Les mains souillées par le sang   up

Au beau milieu de la nuit, Link est assis au bord de la fenêtre. Il contemple le paysage paisible de Cocorico. Même si la fatigue s'accapare de ses yeux, l'épéiste ne trouve pas le courage de se jeter dans son lit fastueux comme tous les autres meubles dans cette chambre : le matelas est beaucoup trop dur pour son dos et ses côtes. Mais c'est surtout la peur de revivre ce cauchemar incessant qui en est la principale cause. Dès qu'il revoit cette horrible créature qui le hante malicieusement, un étrange frisson, semblable à une torture, parcourt son corps. Finalement, il ressent le besoin de s'entraîner.

* * *

En descendant les marches grinçantes des escaliers, Link constate que la taverne est toujours ouverte et animée. De nombreux clients, toujours aussi joviaux, tuent leur temps en se noyant dans leur verre ou en jouant aux cartes. Discrètement, il sort de l'établissement par la porte de derrière.

Après quelques minutes de marche, l'Hylien admire le moulin qui se trouve au sommet. Les imposantes ailes, prêtes à sentir le vent du nord pour tourner, sont étrangement immobiles. En plaquant son dos contre un grand pommier, il repense à sa "famille" et à sa vie à Foracalia avant de se concentrer pour son entraînement individuel et habituel. Alors qu'il est plongé dans ses pensées les plus euphoriques, des bruits de pas s'approchent dans sa direction, écrasant brutalement la pelouse humide et bien entretenue. Curieux, le jeune homme se retourne avant de constater la venue tardive de Pawel. Cette fois-ci, il ne porte plus son armure. Vêtu uniquement d'une cotte de mailles, le maître d'armes s'arrête.

- Pawel... ? s'étonne Link en s'approchant de ce dernier. Vous aussi, vous n'arrivez pas à trouver le sommeil ? Décidément... Je me demande si ce n'est pas la pleine lune qui nous empêche de dormir.

Mais Pawel ignore ouvertement l'ironie de son élève. Sans crier gare, il retire son épée du fourreau et la pointe dans la direction de son interlocuteur avec résolution. Loin d'être dupe, Link prend peu à peu un air dubitatif avant de reculer.

- Pawel... ? Que... que faites-vous ?
Pawel esquisse un sourire glacial avant de lui répondre :
- Je regrette Link. Mais pour le bien d'Hyrule, je dois... faire couler ton sang ! s'exclame-t-il avec un regard hystérique.

Les yeux du capitaine deviennent rouges clairvoyants. Horrifié en pensant qu'il s'agit d'une hallucination, Link recule à nouveau. Il n'ose pas réaliser ce qu'il vient d'entendre. Il a l'impression de sentir une aiguille transpercer agressivement à plusieurs reprises son coeur.

- Faire couler mon sang ? Mais pourquoi ? Pawel ! rétorque-t-il, de plus en plus confus. Bon sang, mais qu'est-ce qu'il vous arrive à la fin ? Pourquoi me tuer alors que je suis...

Rapidement, Pawel se dirige comme un fou furieux en direction de Link pour effectuer une charge assez sauvage. Au dernier moment, l'apprenti esquive en exécutant un saut sur sa gauche. Bouleversé en constatant que son maître souhaite réellement le tuer, la main gauche de Link, tremblante comme une feuille, empoigne le pommeau de son épée avant de la soulever à contrecoeur du fourreau. Même s'il sent son estomac se tordre et son coeur battre violemment contre sa poitrine, il serre les dents en position de médiane.
- Pawel... Êtes-vous possédé du démon ? Je vous en supplie ! Ressaisissez-vous ! C'est moi ! Link ! Je vous en conjure, arrêtez !

Mais son adversaire ignore les supplices de ce dernier et continue de l'attaquer en enchaînant des coups de plus en plus violents. Même s'il est agile, Link parvient à peine à parer toutes les attaques. Hélas, à cause du rapport de force, il se retrouve vite essoufflé et vulnérable. Le combat est cette fois-ci bien réel. Avec beaucoup de mal, il évite de fixer la lueur rouge qui a fait disparaître le regard bienveillant de l'homme qu'il a toujours admiré depuis son enfance. À plusieurs reprises, Pawel tente de planter son épée dans le cou ou même dans la poitrine de Link. Grâce au bouclier, l'Hylien arrive à protéger de justesse les endroits de son corps, à la fois sensibles et accessibles. Pendant de nombreuses secondes, les deux hommes continuent de lutter en croisant le fer : tandis que Pawel l'attaque férocement, Link se défend désespérément en le repoussant de toutes ses forces, n'osant pas le blesser.

Soudainement, alors que le jeune épéiste est sur le point de brandir son épée, la force dorsale de sa main gauche brille : la forme triangulaire apparaît. Aveuglé par la lumière dorée, Pawel pose la main sur ses yeux en grimaçant de douleur. Instinctivement, Link profite de ce moment d'inattention pour le désarmer. Contre toute attente, l'épée frôle malencontreusement l'arme de son adversaire et transperce avec force le ventre de son adversaire. Le regard épouvanté, Link pousse un cri d'effroi en recevant du sang sur sa joue gauche à cause de la gicle. Figé, il regarde son maître. L'épée plantée dans son corps, Pawel agonise en fermant les paupières.

Sous le choc, l'Hylien la retire aussitôt avant de la laisser tomber au sol, la main devenue moite. Alors que l'hémorragie externe le condamne à une mort lente, Pawel tombe sur ses jambes avant de s'écrouler pour de bon dans sa propre flaque de sang. Avec horreur, Link fixe le corps inerte et ensanglanté du capitaine de l'armée. La respiration haletante, il tombe à son tour sur ses jambes. Il semble même suffoquer à cause du choc qui s'empare de lui avec une telle violence. Son coeur bat tellement vite qu'il a l'impression de sentir sa poitrine se déchirer.

- Pawel... non... non ! hurle Link d'une voix tremblante en posant la main sur l'épaule de ce dernier pour le secouer. Révei... réveillez-vous ! Par pitié ! Ouvrez-les yeux !

Ses mains et ses épées souillées par le sang de son maître, Link sent ses yeux s'humidifier par les larmes. Après la peur et le choc, c'est au tour de la tristesse de l'envahir. En se rendant compte qu'il a involontairement tué l'homme qu'il a tant respecté jadis, il pose ses mains tremblantes sur son visage en pensant vivre un nouveau cauchemar. Sous le choc, il pousse un hurlement de désespoir avant de se crisper. La douleur cogne en lui avec brutalité. En essayant de trouver la force de regarder le corps inanimé de Pawel, il remarque soudainement un étrange symbole rouge sur la main droite de l'homme : un oeil avec une larme à l'envers. Avec interrogation, ne se rappelant pas qu'une telle marque était gravée sur sa face dorsale, Link la fixe, de plus en plus confus. Aussitôt, la porte de l'arrière de la taverne s'ouvre comme un coup de vent. Épouvantés, Telma et les autres clients accourent pour rejoindre le livreur, agenouillé devant le corps sans vie du capitaine.

- Seigneur d'Hyrule... Capitaine Pawel ! Mais qu'est-ce qui s'est passé ? questionne la gérante avec affolement en posant la main sur l'épaule du concerné.
Un des soldats s'agenouille et examine sans tarder le pouls de Pawel. Link essaye de se calmer avant de tenter d'expliquer :
- Ce... ce qui s'est passé est un accident... Il... il a voulu m'attaquer... Je me suis défendu mais... mais...
- Il est mort... capitaine Pawel est mort... Bon sang... Ce... ce jeune garçon l'a tué ! accuse froidement le soldat en se levant, le doigt désigné sur le jeune homme. Il ment ! C'est lui l'assassin ! Regardez-bien son épée !
- Oui ! Jamais le capitaine Pawel n'aurait attaqué qui que ce soit ! soutient un autre, les larmes aux yeux. Au contraire, c'est grâce à lui que je suis encore en vie ! Il m'a sauvé la vie lors d'une mission ! Il n'attaquerait jamais une personne sans une raison valable.
- Mais c'est impossible ! Link ? Un assassin ? Voyons, ne soyez pas ridicule ! proteste Ingo à moitié saoul. Peut-être que votre cher capitaine bien-aimé a fini par devenir un ivrogne lui aussi.
- Non. Je suis sûre que c'est lui qui l'a tué ! ajoute la femme à la robe rouge sous le coup de la vengeance. C'est pour cela qu'il m'avait repoussée comme une bête tout à l'heure ! Aucun homme n'est insensible à moi ! Je suis même sûre qu'il représente la réincarnation de Ganon ! Son regard évoque le sang et la haine ! Le sang coule même sur sa joue !
- La réincarnation de Ganon ? Impossible ! Pas ce jeune garçon ! rétorque un autre client d'un ton perplexe. Ne soyez pas stupides. Ne laissez pas les démons envahir votre coeur ! Si c'est réellement la réincarnation du mal, il aurait invoqué la lune de sang depuis un bon moment !
- On raconte que tous ceux qui salissent leurs mains en trahissant un proche sont maudits par Ganon dès leur naissance ! Ce garçon est sa réincarnation ! Il ne faut plus le laisser vivre ! Il faut l'empêcher de respirer ou sinon, il nous tuera tous ! Si nous laissons vivre son âme déchue, il provoquera un carnage sanglant ! déclare froidement un autre capitaine, le visage caché derrière son heaume.

Terrassé par de telles paroles haineuses, Link se lève et s'empare de son épée, provoquant instantanément la peur et la mise en garde de ses accusateurs. Son coeur se serre, étouffé après avoir écouté la rancune et la violence des habitants. C'est comme si un poison se répandait mortellement dans ses veines.
- Tant pis s'il y aura une exécution la veille du mariage de la Princesse ! Arrêtez-le ! Torturez-le ! ordonne le capitaine à ses sous-fifres, décidé à rendre justice.

Impuissant, Link ne trouve pas la force de protester encore une fois. À toute hâte, il s'enfuit comme un lâche. Armés de leur épée, les deux soldats le poursuivent tandis que le capitaine lâche un sifflement surpuissant afin de prévenir les gardes dans les alentours. Ainsi, l'alerte est donnée. Alors que les clients laissent éclater leur rancune et leur peur en hurlant "assassin" ou "réincarnation de Ganon", seuls Telma et Ingo sont abasourdis et silencieux.

En entrant avec affolement dans l'étable, Link monte sur le dos d'Epona, à moitié endormie. En exclamant un cri, tout en donnant un coup sur le fessier de sa jument, Epona se réveille et hennit avant de galoper comme une folle furieuse. Hélas, à la sortie, un soldat l'a attendu, armé de son arc. Sans hésitation, il décoche une flèche qui transperce avec violence l'épaule droite de Link. Brutalement, le fugitif ressent une souffrance pénible et son sang couler à cet endroit. En lâchant un gémissement de douleur, il reprend tant bien que mal le contrôle d'Epona. Alors qu'il s'enfuit hâtivement en direction de la sortie du village, les soldats montent sur leur destrier et se lancent à sa poursuite, armés de leur arc et de leur flambeau. Désespérément, comme un loup qui tente de semer les chasseurs, Link continue d'agiter les rênes malgré la blessure qui le fait grimacer de douleur. Rapides, les soldats sont à ses trousses. Certains continuent de décocher des flèches de feu dans sa direction en ignorant la fragilité de la nature. Anxieux, Link ne se retourne pas malgré les flammes qui soumettent la nature.

Au loin, il distingue une étrange forêt, enveloppée par une lumière dorée. Afin de semer ses poursuivants, il entre sans hésitation à l'intérieur. Malgré l'atmosphère maussade à cause des branches épinières de certains arbres et plantes morts, Epona ne rebrousse pas chemin et continue de galoper à toute vitesse sous la pression de Link. Au sommet d'une colline, les soldats s'arrêtent en tirant les rênes de leur cheval. Une bonne petite partie de la plaine continue de brûler. Frustré, le capitaine tique en donnant un coup de poing sur sa jambe.

- Nom de... ! On l'a perdu de vue ! Une chose est sûre, les gars : hors de question que je rentre dans la forêt de la mort ! décrète-t-il, contrarié par l'échec. Je tiens à ma vie contrairement à ce pauvre fou !
- Quoi qu'il en soit, faisons le rapport à toutes les autorités. Il y aura les affiches de cet assassin dans les villages les plus proches ! Enfin, s'il arrive à sortir de cet endroit bien sûr..., explique un autre soldat en lâchant un soupir.
Sans crier gare, le capitaine retire l'épée de son fourreau avant de la lever au ciel nocturne. Alors que l'orage gronde, les nuages sanglotent instantanément.
- Que la Déesse Hylia n'éprouve aucune pitié pour ce diable au coeur souillé !

Ainsi, l'armée renonce à la poursuite, préférant écouter la voie de la raison à celle de l'imprudence. L'averse éteint les flammes provoquées par la haine et l'inconscience de ces hommes, submergés par la peur et la rancune.

* * *

Au même moment, dans la forêt de la mort, Link est loin de se douter que ses poursuivants ont cessé de lui courir après. Malheureusement, son sang coule toujours abondamment. Sa vue commence à se troubler et sa gorge se serre de plus en plus. Sans oublier l'humidité de la pluie qui n'arrange pas la situation. Affaibli, il s'écroule sur le dos d'Epona avant de tomber brusquement au sol. Aussitôt, la jument s'arrête avant de faire demi-tour. En trottant, elle s'approche du fugitif. Maladroitement, Link tente de se lever. Mais à cause de la plaie, le choc et un étrange air qui entre dans ses poumons, il sent son corps s'affaiblir de plus en plus. Les dents serrées et les yeux fermés, il pose la main gauche sur la flèche avant de la retirer d'un coup sec. Instantanément, il laisse échapper un cri de douleur. La voix déchirée par la souffrance et l'anxiété, il baisse la tête en essayant de se reprendre, le coeur palpitant. Son sang coule désormais aussi vite que la pluie.

Soudainement, alors que ses yeux, humidifiés par ses larmes, commencent à se fermer, il distingue une étrange silhouette qui se précipite dans sa direction. Malgré la crainte qu'il s'agisse d'un soldat, Link tente de se lever. Hélas, comme un animal vulnérable, il s'écroule avant de perdre connaissance. Ses forces l'ont abandonné pour de bon et le font plonger dans l'inquiétante obscurité.

Chapitre 5 : Une étrange rencontre   up

Après une longue nuit agitée, le soleil se lève. Cependant, aucun rayon n'arrive à pénétrer la forêt morte. C'est comme si l'obscurité néfaste de la mort semblait repousser la lumière de la vie. Seul le vent s'amuse à faire danser les feuilles orangées autour d'un grand chêne aux longues branches mortes. Malgré son apparence sinistre, cet arbre cache un secret à ses pieds : une petite grotte.

Allongé au sol, Link reprend connaissance. Les yeux ouverts, il fixe longuement le plafond rocheux avant de scruter attentivement les alentours. Son épée et son bouclier sont posés contre le mur tandis qu'à l'opposé, un feu crépite. De nombreuses brochettes de pommes grillées, prêtes à être croquées, entourent les flammes dansantes. Peu lucide, il s'efforce de se lever. Aussitôt, il grimace en laissant échapper un gémissement de douleur : en effet, sous sa chemise blanche sale et déboutonnée, la blessure de son épaule droite a été traitée : un bandage blanc l'entoure.

Le corps engourdi, Link parvient à se lever en empoignant son bras. Même s'il se sent encore faible, il prend le risque de sortir de la grotte afin de se reprendre. Soudainement, ses yeux s'écarquillent : en face d'une clairière pure, une jeune femme lave le doublet de l'Hylien. Ses longs cheveux dorés, légèrement ondulés, s'arrêtent jusqu'en bas de son dos, tandis que ses oreilles sont aussi pointues que celles de Link. L'inconnue finit par se retourner après avoir entendu les pas hésitants de l'épéiste.
Silencieusement, Link s'arrête, figé comme une statue en pierre. Pour une raison étrange, il sent son coeur se serrer contre sa poitrine encore fragile.

Le front dégagé, les yeux de la jeune femme sont aussi bleus que le ciel. Deux longues mèches allongent son visage adorable. Elle porte une chemise bleue claire bien boutonnée, le cou nu. L'arrière de son haut, plus long que l'avant, dépasse le milieu de ses jambes fines, serrées par un pantalon marron clair et de longues bottes noires. En croisant le regard de l'inconnue, le coeur de Link s'affole de plus en plus, loin d'être indifférent devant sa beauté et son innocence malgré la méfiance qui continue de crier désespérément en lui. Il arrive même à ressentir une soudaine nostalgie : un sentiment à la fois agréable et mélancolique. La mystérieuse femme se lève avant de constater vivement :

- Tu es enfin réveillé ! Quel soulagement ! J'ai eu peur que tu hibernes pendant toute la saison !

Les mots manquent à Link, toujours aussi stupéfait de rencontrer une femme de son âge dans un tel endroit. Puis, il regarde les alentours avant de remarquer finalement la présence d'Epona, les rênes attachées à un arbre. Au sol, quelques pommes bien rouges sont posées pour qu'elle puisse se nourrir.
Inquiet pour sa jument, il s'approche hâtivement dans sa direction en oubliant sa douleur. Soulagé qu'elle n'ait pas été blessée lors de la poursuite, il caresse sa crinière.

- Ne t'en fais pas : ta jument va bien, rassure l'inconnue d'une voix modulée. J'ai tenté de prendre soin d'elle pendant ton sommeil, même si elle a été très méfiante à mon égard.
De plus en plus intrigué, Link se retourne vers cette dernière.
- Donc, c'est toi qui m'as soigné... ? demande-t-il, toujours aussi confus.
- Oui... Tu avais perdu beaucoup de sang. Heureusement que j'avais une fée avec moi. Dès qu'elle t'a guéri, elle s'est enfuie le plus rapidement possible comme un papillon.

La main posée contre sa plaie traitée, Link sent sa gorge se nouer et ses paupières s'alourdir. Le regard oscillant entre la mélancolie et la peur, il lève la tête au ciel nuageux. Instantanément, les images de la pénible soirée lui reviennent à l'esprit. Cette fois-ci, ce n'est plus le choc qui l'envahit mais bel et bien une tristesse accablante qui le torture sans cesse : bien plus que le cauchemar.

- J'en ai profité pour laver ton haut et faire cuire des pommes grillées. N'hésite pas à te servir. Après tout, personne ne peut nous trouver ici...

- Dis... Hum...
- Emilia, se présente la jeune femme avec un sourire bienveillant.
- Bien Emilia... Où sommes-nous exactement ? demande finalement Link. Cette forêt ne me dit rien.
L'endroit parcouru du regard, Emilia lui explique :
- Nous sommes dans la forêt de la mort. Autrefois, elle était réputée pour sa beauté, tout comme la forêt de Firone. D'après les rumeurs les plus insensées, ces deux forêts sont même liées. De nombreux animaux s'y plaisaient et les voyageurs aimaient y faire des randonnées. Mais un jour, une étrange fumée, semblable à du poison, a surgi du temple. À cause de cela, les arbres et la végétation ont péri et les animaux se sont enfuis... Depuis, les gens ont peur d'entrer ici...

Mélancolique, elle baisse la tête en posant la main sur le grand chêne.
- Mais si je suis venue ici, c'est justement pour tenter de mettre fin à l'agonie de la forêt... Si ce poison devient plus fort, il risquerait d'intoxiquer l'air d'Hyrule.
Attristé par le sort pessimiste de cet endroit en repensant à sa forêt natale, Link scrute les alentours.
- Oui... Ces arbres, bien qu'ils soient encore en vie, souffrent..., déclare-t-il d'un ton maussade.
Soudainement, il gémit, la douleur à nouveau réveillée.
- Tu ferais mieux de te reposer encore un peu, recommande Emilia en s'approchant de ce dernier. Si tu continues à te forcer, la cicatrice ris...
- Non, je dois partir... Je ne peux pas rester là...
- Ne dis pas de bêtises, je...
- Et ne t'approche pas de moi ! Tu n'aurais pas dû me sauver ! réplique froidement Link en laissant parler sa douleur et sa culpabilité.
Affaibli, il tombe finalement sur ses jambes, n'arrivant plus à tenir debout et à garder la tête haute. Inquiète, la jeune femme s'agenouille à ses côtés.
- Du calme... Tout ira bien..., rassure-t-elle en lui caressant la joue droite avec douceur.
À la fois méfiant et confus, Link la dévisage avec un air apeuré. Sans être brusque, il repousse la main de la mystérieuse femme avant de s'éloigner. Avec mélancolie, Emilia le fixe, n'osant pas le rattraper.

* * *

Pendant une bonne heure, Link est assis sur un vieux tronc d'arbre, perdu dans ses pensées. Traumatisé par le corps en sang de Pawel ainsi que la rancune des habitants, l'envie de pleurer surgit. La main posée contre sa poitrine, il arrive malgré tout à retenir les larmes qu'il déteste tant laisser couler depuis son enfance, ayant réussi à encaisser péniblement le choc. Au fond, le jeune homme veut tant rentrer à Foracalia, raconter ce qui s'est passé à Leyna et surtout, découvrir la nature de ce qui a poussé Pawel dans sa folie. Son maître d'armes devenu fou... Aucun sens. Link n'arrive plus à croire en quoi que ce soit. Il ne sait plus quoi faire. Se rendre à l'armée royale ou bien continuer de vivre comme un assassin ?

Au bord des larmes, il baisse la tête en laissant le désespoir et l'envie de mourir le succomber. Soudainement, une voix mélodieuse s'élève dans les airs, brisant instantanément ses pensées les plus maussades. Intrigué, l'Hylien se retourne légèrement à sa droite. Une douce mélodie résonne et envoûte ses oreilles, à présent avides. Le coeur peu à peu apaisé, Link se lève et décide de s'approcher discrètement en se cachant derrière un arbre.

Il distingue Emilia, assise sur un rocher. La jeune femme chante de tout son coeur en tenant une sorte de grande flûte, ornée de blanc laqué, excepté le pavillon et l'embouchure en argent. Elle est composée de huit trous, chacun produisant sûrement un son différent. L'émerveillement dans ses yeux, Emilia continue de chantonner la mélodie de son coeur. Finalement, elle s'interrompt après avoir remarqué la présence de Link. Malgré le malaise du jeune homme, elle lui sourit en se levant.

- Oh ! tu es là ! remarque-t-elle d'une voix apaisante, loin d'être rancunière. N'aie pas peur : je ne vais pas te dévorer.
Comme un enfant à la fois curieux et timide, Link sort de sa cachette.
- Oui... je t'ai entendue chanter... Je trouve que cette mélodie est magnifique..., avoue ce dernier malgré le regard mélancolique.
- Oh merci ! remercie Emilia avec un sourire chaleureux. C'est ma mère qui me l'a apprise... Depuis sa mort, je chante cette mélodie tous les soirs pour me donner du courage et de l'espoir.

Link détourne le regard, ne sachant pas quoi dire. Soudainement, il entend son estomac gargouiller. Malgré le choc et l'esprit encore torturé, la faim de loup l'appelle. Amusée par l'expression nerveuse qui se dessine sur le visage de son interlocuteur, Emilia se lève avant de déclarer :
- Oh mais tu dois avoir faim ! Allons manger un morceau !

* * *

Plusieurs minutes plus tard, assis en face du feu de camp, Link essaye de manger une pomme grillée. Hélas, la peau est tellement dure qu'il rencontre des difficultés à la croquer.
- Je suis désolée. J'ai oublié de vérifier la cuisson, s'excuse Emilia avec un sourire nerveux. Je n'ai pas l'habitude de cuisiner.
- Ce n'est rien. C'est juste que je n'ai pas l'habitude de manger des pommes aussi dures que la pierre, répond calmement Link, la voix étouffée en essayant de croquer à nouveau.
Les dents serrées après les avoir plantées très fort dans le fruit, le jeune homme finit par abandonner en lâchant un soupir d'exaspération.
- S'il nous en reste, il faudrait que j'en ramène aux Gorons alors, réplique plus joyeusement la jeune femme avant d'essayer de croquer une pomme à son tour.

Link regarde Emilia avec discernement. Il est vrai que, malgré sa méfiance envers elle, la voir aussi souriante le rassure, bien qu'il soit conscient qu'il s'agit d'une carapace capable de ne laisser paraître aucune tristesse. Mal à l'aise en repensant à sa froideur, Link sourit tristement avant de lui déclarer :
- En fait... je... je m'excuse pour tout à l'heure... Je n'ai pas été correct avec toi... Et même si c'est inutile, merci surtout de m'avoir sauvé la vie...
Intriguée, Emilia s'arrête et se tourne vers Link. Attentive, elle l'écoute sans l'interrompre. Avec un sourire attristé, les yeux rivés sur le feu qui crépite, l'Hylien poursuit :
- C'est vrai que j'avais perdu mon sang-froid. J'étais vraiment à bout... Avant cet événement, j'ai connu une vie tranquille, loin de la peur... Mais hier soir, elle a été bouleversée à cause d'une erreur irréparable de ma part.

Link baisse la tête en regardant le dos de sa main gauche. Inconsciemment, il dirige une profonde rancune en direction de la marque triangulaire peu visible, notamment le troisième fragment qui ne cesse de s'illuminer à chaque fois qu'un moment crucial le terrifie. S'il n'avait pas déployé sa force, Pawel serait encore en vie. Peut-même qu'il aurait réussi à trouver un moyen de le faire revenir à la raison.
- Une erreur irréparable... ? répète Emilia, de plus en plus curieuse par les paroles de son interlocuteur.
Subitement, les horribles images hantent à nouveau les pensées de Link. Ne voulant pas sangloter et encore moins effrayer sa nouvelle alliée, il lui répond :
- Hum... je suis désolé... Je ne peux pas t'en dire plus car peut-être que toi aussi, tu vas me juger ou même t'enfuir, qui sait. Tu vas sûrement me prendre pour un monstre assoiffé de sang.
Compréhensive devant ses tourments, Emilia n'insiste pas. Elle le fixe longuement avant de lâcher :
- Alors ça veut dire que nous sommes deux...
Avec interrogation, Link lève la tête afin de la regarder droit dans les yeux, comme s'il cherchait des réponses.
- Moi aussi, j'ai commis un acte abominable..., enchaîne Emilia avec un sourire attristé. Mais malgré cela, j'ai décidé de venir jusqu'ici pour essayer de me donner une raison d'exister, ne serait-ce que pour quelques mois encore. Je veux essayer de sauver cette forêt en éliminant le mal qui ronge le temple. Peu importe le prix de ma vie...

Abasourdi par ces paroles prononcées avec résolution et sincérité, Link la regarde fixement. Il parvient à ressentir la tristesse qui se lit dans ses yeux et qui s'entend dans sa voix maussade mais déterminée. Ainsi, Emilia se lève en se frottant les mains, peu rougies par la chaleur.
- Quoi qu'il en soit, je pense que nous devons aller dormir un peu... Hum...
- Link. Mon nom est Link.
En sentant une étrange sensation la saisir, Emilia écarquille doucement les yeux. Finalement, elle esquisse un sourire avant de déclarer :
- Alors dans ce cas, enchantée Link.

Link acquiesce de la tête. Peu à peu, il commence à mieux cerner la personnalité de sa nouvelle connaissance, à la fois sérieuse et enfantine. Mais en posant ses yeux sur son doublet ainsi que sa chemise, abîmés et sales, il se sent préoccupé. Le sang l'écoeure. Rien qu'en voyant ces taches évoquant la mort, la souffrance le regagne avec facilité.

- Je suis désolée, je n'ai pas réussi à faire disparaître les traces de sang, explique Emilia avec un air gêné. Donc, c'est pourquoi, je te prête mes vêtements de rechange.
Les joues rougies par la proposition inattendue, Link baisse la tête avant de répondre timidement :
- C'est gentil, mais je ne peux pas porter des vêtements de... fille... Sinon, on risquerait de me considérer comme une fi...
Emilia s'esclaffe soudainement de rire devant l'attitude enfantine de Link.
- Non ! Des vêtements d'homme ! réplique-t-elle avec amusement. Même si je pense que les vêtements de filles t'iraient bien aussi !
Perplexe, Link croise ses bras pendant que sa nouvelle amie fouille dans son grand sac gris. Puis, elle sort une pile de vêtements : tunique et coiffe vertes, ceinture et une paire de gants en cuir marron ainsi qu'une chemise blanche et soyeuse.
- Et voilà ! s'exclame-t-elle en s'approchant de lui. Monsieur est servi !

Intrigué, Link prend le temps de regarder cette tenue. Bien qu'il ne l'ait jamais vue de sa vie, il sent un sentiment assez étrange le saisir.
- Avant de m'enfuir, j'en avais profité pour prendre ces vêtements "au cas où"... surtout que cette tenue appartenait à une personne que... je rêve de rencontrer...
Le coeur battant de plus en plus fort en continuant de fixer la tenue, Link ne répond pas.
- Je te laisse te reposer, poursuit Emilia, les yeux rivés vers la sortie. En attendant, je vais me rendre au fond de la forêt. J'ai des choses à faire...
- Au fond de la forêt ? Mais c'est dangereux..., proteste calmement Link en se levant.
- Je te rassure : je sais me battre. J'ai mon arc ! rassure-t-elle en lui montrant son arme en bois ainsi qu'un carquois. Il y a environ vingt flèches à l'intérieur.
- Alors laisse-moi t'accompagner, s'il te plaît. Je ne peux te laisser y aller toute suite.
- Ce n'est pas parce que je suis une fille que je suis incapable de me débrouiller, réplique Emilia avec un triste sourire.
- Je n'ai pas pensé à ça, mais...
- À cause de ta dette envers moi ?
Link marque un silence. En écoutant ses craintes qui surgissent ainsi que les battements de son coeur, il lui répond :
- Parce que je ne... veux pas qu'il t'arrive un malheur.

Surprise par le côté protecteur de Link, Emilia sent ses joues rougir. Finalement, elle lui répond :
- Alors dans ce cas, j'accepte votre protection, brave chevalier Link. En attendant que tu t'habilles, je vais aller faire un tour.
Ainsi, elle lui adresse un sourire bienveillant avant de sortir de la grotte. De nouveau seul, Link regarde à nouveau sa nouvelle tenue. Encore confus par la situation, il enlève pour de bon sa chemise. La main posée contre le bandage, le jeune homme baisse les yeux, encore rongé par la tristesse. Malgré cela, il décide d'aller de l'avant en acceptant de porter la fameuse tunique tant convoitée par sa nouvelle alliée. Il est conscient qu'il n'a pas le droit de renoncer aussi facilement à sa vie avant de découvrir la vérité sur l'origine de ses tourments. Un soudain sentiment, appelé l'espoir, hurle en lui.

Les yeux rivés au ciel brumeux, Emilia sent une inquiétude s'emparer d'elle. Alors que le vent glacial souffle dans ses cheveux dorés, elle pose la main contre sa poitrine afin de soulager une éprouvante douleur qui la saisit. Puis, elle entend des bruits de pas s'approcher dans sa direction. Après s'être retournée, elle lâche un cri de stupéfaction, à la fois impressionnée et intriguée. À présent vêtu de la fameuse tunique verte, Link a tout l'air d'un brave chevalier capable de braver les obstacles. Sur son dos, la chape du fourreau est agrippée à sa tunique grâce à la sangle en cuir qui entoure son torse, portant lourdement son épée ainsi que le bouclier en bois. La coiffe verte couvre l'arrière de ses cheveux. Seules ses longues franges tombent sur la face droite de son front. Longuement, alors que le vent frais continue de souffler, les deux Hyliens se regardent droit dans les yeux, prêts à retrouver la lumière de la vie.

Chapitre 6 : La forêt de la mort   up

Pendant de longues minutes, Link, Emilia et Epona parcourent la forêt, de plus en plus néfaste et inquiétante. Calmement, l'épéiste continue de marcher en scrutant les alentours. Loin d'être indifférente par la grâce ainsi que la beauté du jeune homme, Emilia ne le quitte pas des yeux. Assise sur le dos d'Epona, elle le contemple. En sentant ce regard peser lourdement sur lui, Link se retourne dans sa direction avec un sourire à la fois attentionné et curieux.

- Hum ? Qu'est-ce qu'il y a ? Cette tenue ne me va pas ?
Légèrement interloquée, Emilia baisse la tête avant de protester :
- Si ! Cela te va très bien ! C'est juste que ça te donne une allure assez particulière... En tout cas, quelle chance qu'elle soit à ta taille.
- Oui. Je me sens vraiment à l'aise. Même si ma tenue habituelle me manque... Surtout qu'elle me rappelle Foracalia.
- Foracalia ? Tu habitais dans ce village ?
Silencieusement, Link lui affirme de la tête avant de poursuivre :
- Mais avec ce qui s'est passé, je ne pense pas y retourner pour le moment. Je suis obligé de rompre la promesse faite à ma famille...
- Les pauvres... Ils doivent être inquiets, s'imagine Emilia avec compassion.
- Ta famille te manque aussi ?
Avec un sourire mélancolique, la mystérieuse jeune femme caresse la douce crinière d'Epona avant de lui répondre :
- Entre ma mère qui est partie au ciel et mon père qui voit à peine que j'existe réellement, je ne peux pas dire que j'ai une famille.

Instantanément, Link repense à la petite Romani, obligé de briser sa promesse avec contrainte. Mais malgré la tristesse, il préfère écouter la voie de la prudence que celle de l'insouciance. Le poids de son crime, pourtant involontaire, continuera de le suivre, quoi qu'il fasse et où qu'il aille. Bien que pour une étrange raison, il ne ressent plus de la mélancolie mais bel et bien de l'incompréhension. Comme si un certain doute avait rattrapé la réalité.

- Oh regarde Link ! interpelle soudainement Emilia.

Les pensées interrompues, l'intéressé lève doucement la tête avant de remarquer une brume inquiétante au loin. Le lac est doté d'une étrange couleur : en effet, l'eau est violette. Aussitôt, une odeur désagréable repousse Link qui pose la main sur son nez et sa bouche. Son estomac se tord et l'envie de vomir surgit.

- Bon sang... Quelle odeur écoeurante... Mais qu'est-ce que c'est ? demande-t-il, la voix étouffée.
- C'est le poison. Depuis que le temple de la forêt a été infecté, l'eau a commencé par devenir violette. C'est à cause de cela que les êtres vivants et la végétation ont fini par périr..., explique calmement Emilia malgré la tristesse dans sa voix. Mais surtout : évite de trop en respirer ou de faire des efforts trop brusques, sinon l'air du poison attaquera tes poumons et paralysera ton corps...
Cependant, en fixant la jeune femme du regard, Link ne cache pas sa stupéfaction.
"Étrange... Elle ne semble pas être affectée ou même écoeurée par le poison... Mais qu'est-ce que cela veut dire ? pense-t-il avec perplexité."
- Quoi qu'il en soit, nous devons laisser Epona un peu plus loin. Et surtout loin du lac, conseille Emilia en descendant de la jument.

De plus en plus intrigué par sa nouvelle alliée, Link acquiesce de la tête. Ainsi, après avoir conduit Epona en lieu sûr, les deux Hyliens parcourent la forêt à pied. Plus ils avancent, plus la brume s'amplifie. L'odeur de la mort n'a jamais été aussi forte et insoutenable. Mal à l'aise, Link essaie d'éviter d'inspirer davantage. L'air qui circule jusqu'à ses poumons lui brûle atrocement ses narines et sa gorge. Contrairement à Emilia qui arrive à supporter l'air toxique, le jeune homme fait tout son possible pour tenir bon. Désespérément, il baisse la tête, la main toujours posée sur sa bouche, tel un bouclier.

- Link... Est-ce que tu veux boire le reste ? propose Emilia en lui tendant sa gourde.
- Non merci..., répond-il avec beaucoup de mal. Je vais bien finir par m'habituer à cette horrible odeur...

Mélancolique, l'archère aux cheveux dorés baisse la tête. En regardant avec impuissance chaque arbre, méconnaissable à cause du poison, elle ne peut s'empêcher de sentir son coeur se serrer. L'ambiance sinistre et la brume violette ont fait dissiper à tout jamais la joie et la vie. Telle est la malédiction de ces lieux.

- Aaaaah ! Au secours ! hurle une voix stridente.

Avec effroi, Link et Emilia s'arrêtent net. Au loin, ils voient un étrange petit être, suspendu désespérément à une branche au-dessus du lac violet. Le corps en bois, ressemblant à un tronc d'arbre, et le visage paniqué sous la forme d'une feuille verte, il pousse des hurlements en s'agitant dans tous les sens. Aussitôt, Link accourt vers le lac, suivi par Emilia.

- Oh non ! Tiens bon ! s'exclame-t-il en lui tendant la main, agenouillé au sol pour avoir plus d'aisance.

Hélas, le petit être est trop loin de la portée de Link. Emilia s'agenouille et tente d'attraper la main du petit inconnu. Malheureusement, son bras n'est pas assez long. En grimaçant de douleur, elle tique avec impuissance. Sans hésitation, Link enlève finalement sa main gauche de sa bouche pour s'en servir comme d'un appui au sol et prend le risque de respirer l'air du poison. Cette fois-ci, il arrive à tendre son bras un peu plus loin. En ignorant les risques mortels pour sa santé, il parvient enfin à toucher la petite main tremblante du petit être désespéré avant de le soulever avec facilité. Posé au sol, l'étrange être tremble encore. Finalement, il ouvre les yeux en regardant autour de lui.

- Est-ce que ça va ? s'inquiète Link, la voix essoufflée.
- Vous... vous m'avez sauvé la vie ! Merci... merci du fond du coeur ! J'ai eu si peur ! répond l'inconnu en sanglotant.
Rassuré, Link lui rend un sourire malgré le regard affaibli.
- Qu'est-ce qu'un petit Korogu comme toi peut bien faire ici tout seul ? demande Emilia avec un air bienveillant en s'agenouillant à son tour.
- Pour répondre à votre question, je me suis aventuré ici pour...
Subitement, Link gémit de douleur. Il se crispe et s'écroule au sol en se tenant le cou.
- Link ! s'inquiète Emilia avec un regard affolé en le soulevant dans ses bras.

La respiration haletante et les paupières fermées, le jeune homme n'arrive plus à bouger. Sans perdre un seul instant, elle s'empare de sa gourde et lui fait boire l'eau.

- Ne t'en fais pas... ça ira mieux..., rassure-t-elle en lui caressant l'épaule gauche. Bois, ça te fera du bien...
- Oh ! Tout va bien Monsieur Vert ? demande le petit Korogu. Il va s'en sortir, pas vrai Madame Bleue ?
En devinant facilement que c'est grâce à leur tenue que le petit inconnu les surnomme, Emilia lui rend un léger sourire avant de répondre :
- Oui ne t'en fais pas... Il faut l'emmener le plus loin possible d'ici... Dis-moi, est-ce que tu connais un endroit où il pourra respirer de l'air pur ?
- Bien sûr ! affirme vivement le Korogu en sautillant. Suivez-moi !

Avec un peu de mal, Emilia fait lever Link et l'aide à marcher.

* * *

Après plusieurs minutes de marche, sous un grand tronc d'arbre abîmé, le mystérieux Korogu fait signe de la main à Emilia, qui aide toujours Link. Le poison commence à paralyser le corps de l'épéiste. Inquiète pour ce dernier, elle baisse la tête avec anxiété. Malgré la douleur au dos, elle continue de marcher.

- Voilà ! Nous y sommes ! s'exclame le mystérieux être. Monsieur Vert ! Madame Bleue ! Voici notre forêt : la forêt des Korogus.

Avec surprise, Emilia constate avec soulagement que cet endroit n'a pas été affecté par le terrible poison. En effet, les arbres et la végétation sont vivants et purs. Les rayons du soleil traversent et éclairent de nombreuses petites maisons en bois. La plupart ont été construites à partir des troncs d'arbre. De nombreux êtres en bois, ressemblant les uns aux autres, marchent avec insouciance. Certains jouent même avec des noix. Grâce à l'ambiance harmonieuse et paisible, ils ne font qu'un avec la nature qui borde ce village dans l'accalmie. Avec curiosité, de nombreux "villageois" guettent avidement les deux étrangers aux oreilles pointues, si différents d'eux.

- Par ici ! s'exclame le petit Korogu en accourant en direction d'une maison dans un grand tronc d'arbre.
Ainsi, il ouvre la porte.
- Maman ! Nous avons besoin de ton remède miracle ! s'exclame-t-il en marchant à toute vitesse.
Une autre Korogu, un peu plus grande, le rejoint à l'entrée. Sa tête a la forme d'une feuille orangée. Intriguée, elle sort dehors. En constatant l'état critique de Link, la Korogu lâche un effroi.
- Nom d'une noix ! s'affole-t-elle d'une voix à la fois féminine et fort aiguë. Emmenez-le à l'auberge pour les grands touristes ! Je vais préparer le remède sur le champ !

* * *

Une dizaine de minutes plus tard, Emilia se tient au chevet de Link. L'Hylien éprouve une grande difficulté à respirer. Quelques buées violettes s'échappent même de sa bouche, les lèvres à présent bleutées à cause du mal qui le ronge. Avec hésitation, elle pose sa main contre la sienne. En fixant l'étrange marque triangulaire de son ami, Emilia se sent soudainement mélancolique. Puis, elle regarde sa main droite : le symbole est identique. Seulement, c'est le deuxième fragment qui est un peu plus mis en valeur. Mal à l'aise, la jeune femme détourne du regard. Soudainement, la Korogu entre dans la chambre avec un verre en bois contenant un étrange liquide blanc à l'intérieur. Le petit la suit et reste en retrait.

- Tenez... Faites-lui boire ça.
Emilia approuve de la tête et approche doucement le verre des lèvres de Link en soulevant légèrement sa tête. Subitement, après avoir avalé le liquide qui se répand hâtivement dans son corps, il écarquille les yeux et se lève avec effroi.

- Argh ! Ça brûle ! s'exclame-t-il avec affolement. Vite ! De la glace ! Quel... quelque chose de froid ! Vite !
- Tenez ! répond la Korogu.
Comme un fou furieux, Link s'empare d'un cube de glace et le croque dans sa bouche. La respiration haletante, il essaie de se reprendre, la main appuyée sur son front.
- Link ! Est-ce que ça va mieux ? s'inquiète Emilia à ses côtés.
- Emi... Emilia... ? Oui... Je me rappelle vaguement de ce qui... ! Où est le petit tronc d'arbre vivant ? panique-t-il aussitôt en se rappelant des récents événements.
- Le petit tronc d'arbre s'appelle Falgus ! se présente le petit avec fierté. En ce moment, tu es chez moi et maman, Monsieur Vert !
- Monsieur Vert ? répète Link avec confusion.
- Après m'avoir sauvé la vie, vous avez failli mourir à cause du poison.
Aussitôt, la mère de Falgus réagit :
- Sauver ? Mais alors Falgus... Cela veut dire que tu t'es encore rendu à la forêt maudite ?
La tête baissée, le petit Korogu se tourne vers sa mère. N'osant pas lui mentir devant ses invités, il acquiesce la tête avant de répondre :
- Oui maman...
Dans une colère noire, elle s'approche de son enfant, prête à le réprimander avec sévérité.
- Mais enfin ! Combien de fois vais-je te répéter que c'est dangereux ? gronde-t-elle. Tu devrais avoir honte de t'être exposé au danger comme ça ! Tu n'imagines pas la douleur que tu vas m'infliger si je te perdais toi aussi.
Les larmes aux yeux, Falgus approuve de la tête avant de répondre :
- Je suis désolé, maman... Mais je voulais prélever un échantillon de poison pour que Lania continue de créer des antidotes... L'Arbre Mojo en a besoin... Si nous le perdons, notre village va mourir lui aussi... Et moi, je ne veux pas que tu tombes malade à cause du poison...
Loin d'être insensible par les intentions louables de son fils, la Korogu s'efforce de reprendre son calme. Il est vrai que la peur lui a fait perdre son sang-froid.
- Le grand arbre... ? répète Link avec un air intrigué.
- Oui... Notre chef, l'Arbre Mojo, est très mal en point depuis quelques jours. Depuis qu'un horrible insecte a lâché des spores au village des Korogus, l'arbre, peu résistant à cause de son vieil âge, est tombé gravement malade... De temps en temps, nous nous rendons à la forêt infectée pour prélever le poison dans une tasse afin de créer des antidotes. Pour une raison étrange, le poison ne nous condamne pas à une mort lente. Mais si nous tombons dans ce lac, alors c'est la fin... Mais hélas, pour l'arbre Mojo, cela n'a pas été suffisant et encore moins pour mon défunt mari... Alors qu'il voulait prélever le poison, il était tombé dans le lac de la mort... Sous mes yeux...

Avec tristesse, Emilia baisse les yeux, tandis que Link regarde sa main gauche. La perte d'un proche est l'épreuve la plus horrible que peut ressentir un être. La mort de la mère de Malon et de Romani surgit dans ses pensées. Elle était comme une mère pour lui. Sa disparition lui avait laissé un vide dans le coeur. Tout comme celle de Pawel malgré un étrange pressentiment. En baissant la tête, il empoigne sa main gauche, ne sachant plus quoi penser.

- Mais pourquoi vous vous êtes rendus dans cette forêt ? Vous ne saviez pas qu'elle était dangereuse ? interroge à son tour la mère de Falgus.
- On voulait se rendre au coeur de la forêt pour arrêter la progression de ce poison. Si nous laissons la situation perdurer, cet air engloutira Hyrule, explique Emilia avec détermination, la main posée sur son thorax.
Silencieusement, la Korogu regarde les deux invités.
- Étant donné que vous avez sauvé mon fils de la mort, alors je pense que vous serez capables de nous aider... Après tout, vous êtes bien plus grands que nous, donc je pense que ça pourrait le faire...
Résolue, elle lève la tête avant de tourner les talons.
- Venez avec moi : je dois vous présentez au vénérable Arbre Mojo.
En acquiesçant de la tête, Link se lève et suit la Korogu en compagnie d'Emilia. Cependant, pris par un doute, Falgus penche la tête vers la droite.
- Bizarre que Madame Bleue ne semble pas souffrir du poison..., s'étonne-t-il en sautillant avant de sortir à son tour.

* * *

Ainsi, la Korogu conduit Link et Emilia au centre du village, ébloui par la lumière du soleil. Les deux invités regardent les alentours. Alors que Link se sent nostalgique en fixant les arbres et la végétation forestière pure, Emilia contemple la beauté des fleurs. Soudainement, l'une d'entre elles attire pleinement son attention : la fleur aux pétales bleus et blancs, le réceptacle floral majestueux est bercé par une légère brise. Sous le regard curieux de Link, la jeune femme s'agenouille et caresse la tige avec bienveillance. Finalement, l'épéiste s'approche de sa nouvelle amie en regardant attentivement cette fleur.

- C'est la première fois que j'en vois une de ce genre, constate-t-il d'une voix modulée.
- C'est une Princesse de la Sérénité : une espèce particulièrement rare aux yeux des vivants. Depuis mon enfance, j'ai toujours aimé cette fleur. Il y en avait partout dans mon jardin. Mais depuis la mort de ma mère, chaque fois que je m'approche d'une fleur, je la vois "mourir" sous mes yeux... Malgré sa beauté, la fleur est condamnée à disparaître..., explique Emilia avec un sourire attristé. La mort reste sans pitié, quoi qu'on fasse...
Link la regarde avec mélancolie, surpris par ces paroles prononcées avec réalité et pessimisme.
- Madame Bleue ! Monsieur Vert ! Vous venez ? interpelle Falgus au loin.

Sans dire un mot, Emilia se lève et le rejoint. Bouleversé, Link pose la main contre sa poitrine.
"On aurait dit qu'elle était sur le point de... pleurer... Pourquoi est-ce que moi aussi je ressens cette soudaine envie ? C'est comme si nos coeurs battaient en même temps et que nos âmes étaient liées... Cela n'a aucun sens... Ce n'est qu'une inconnue à mes yeux... Alors pourquoi quand je la vois sourire, je sens l'espoir revenir et quand je la vois au bord des larmes, je... je me sens triste... Bon sang... Depuis cette maudite nuit, tout va vraiment de travers... Je suis peut-être en train de devenir fou à force de me poser de telles questions insensées en me forçant à vivre d'une telle façon...

Malgré ses pensées les plus sombres, Link caresse délicatement le pétale de la fleur avant de se lever. Ainsi, il rejoint Emilia. Au milieu de cette lueur chaleureuse, un arbre immense est vivace. Les yeux plissés par de larges sourcils, il esquisse un léger sourire bienveillant malgré ses branches mortes, infectées par le poison mortel, qui agonisent.

- Ainsi, vous voilà... Cette fois-ci, vous êtes venus tous les deux à ma rencontre..., déclare-t-il d'une voix rauque.

Intrigués par ces paroles qui soulèvent une soudaine interrogation, Link et Emilia continuent de regarder fixement l'Arbre Mojo, l'esprit de la terre.

Chapitre 7 : Doutes   up

Interloqués par la déclaration énigmatique de l'Arbre à la grande moustache, Link et Emilia restent sans voix. La confusion et la préoccupation se mélangent dans leurs pensées.

- Nous deux... ? Vous nous connaissez... ? Impossible..., se doute aussitôt Link avec méfiance. Je ne vous ai jamais vu jusqu'à aujourd'hui. Surtout qu'un arbre qui parle... Cela dépasse mon imagination...
Amusé par la perplexité du jeune Hylien, l'Arbre Mojo lâche un rire.
- Tu es bien plus prudent que tu en as l'air. Mais tu as raison d'écouter la méfiance, déclare-t-il d'une voix modulée.
Confus, Link reste figé, ne sachant plus quoi penser ou même répondre. Seule Emilia s'approche du grand arbre en posant la main sur son écorce épaisse.

- Vénérable Arbre Mojo... Alors c'est vrai que vous existez comme a énoncé la légende. Ce n'était finalement pas un conte de fées...
- Douce jeune fille... Il faut toujours trouver la force de croire. La foi, tant qu'elle ne rend pas un être fou de pouvoir ou de chagrin, peut réchauffer le coeur de qui que ce soit. C'est ce que les deux héros de la légende ont compris.
- Attendez une seconde, interpelle Link, l'air incrédule. Ce n'était pas un simple conte alors ! La légende du combat qui a opposé les deux héros contre Ganon a vraiment...
- Existé. Oui en effet. Sans ces deux êtres, maudits par leur symbole depuis la nuit des temps, Hyrule n'existerait plus. Même si en ce moment, ces terres se meurent...
- Le poison, n'est-ce pas ? enchaîne Emilia avec sérieux.
- Oui, affirme calmement l'Arbre Mojo. Depuis que la réincarnation de Ganon a invoqué ce monstrueux insecte au temple, la forêt souffre, notamment à cause des cocons toxiques qui éclosent dans la source. C'est pour cela que l'eau est empoisonnée et que l'air nauséeux condamne les arbres et la végétation à une mort lente et certaine. Ce poison tue à petit feu chaque être vivant en s'attaquant aux poumons ou aux racines.
- La réincarnation de Ganon ? Mais qu'est-ce exactement ? Je vous en supplie ! Dites-le moi ! Je... je dois le savoir ! supplie Link, de plus en plus bouleversé.

En constatant le regard oscillant entre la froideur et la peur, l'arbre ferme les yeux avant de conter :
- La réincarnation de Ganon, née sous les traits d'un Hylien, est un être qui a éveillé ses pouvoirs maléfiques comme l'invocation des créatures ou même le pouvoir de contenir sa deuxième âme : l'âme de Ganon. L'entité, sous la forme d'être spirituel, a accompagné cet Hylien depuis son jeune âge et a grandi en lui, notamment dans ses cauchemars... Cependant, devenu de plus en plus fort, l'âme de Ganon a été enfermée, contrainte de rester liée à vie à cet individu qu'on surnomme "réincarnation de Ganon" : celui qui l'éveillera et qui condamnera Hyrule à une mort lente lorsque son coeur sera submergé par la monstruosité. Hélas, personne ne connaît son identité...

En repensant à ses cauchemars et à la mort de Pawel, Link sent son coeur palpiter. La haine des villageois de Cocorico ne cessent de le tourmenter. Même s'il sent une part d'ombre en lui, il prend conscience qu'il n'a rien à voir avec ce mystérieux Hylien. Même si l'envie de découvrir la vérité crie de plus en plus fort, il sait très bien qu'il n'a pas le droit d'abandonner.

- Alors par pitié : dites-nous où se trouve ce fameux temple ! s'exclame Emilia. Il est hors de question que je laisse ce poison se répandre hors de la forêt !
- La détermination et les remords se lisent dans votre regard... Malgré le danger, je crois en votre capacité. Bien : le temple se trouve en direction du nord-ouest de la forêt. Bien entendu, plus vous avancerez, plus le poison sera mortel. C'est pourquoi, avant votre départ, vous devez être préparés. Mina, s'il te plaît : remets l'arme ultime à notre invité.

Après avoir donné ses consignes, l'Arbre Mojo est saisi par une quinte de toux.
- Oui ! Venez Monsieur Vert ! ordonne Mina de la main.
Conscient, Link écoute avant tout son désir de sauver la forêt et non ses craintes. Il regarde l'Arbre Mojo.
- Tenez bon s'il vous plaît, supplie ce dernier d'une voix résolue. Nous tuerons cette créature diabolique avant qu'il ne soit trop tard...

Sans perdre une seule seconde, il suit la Korogu. En désirant libérer le village de la mort, il veut essayer de se racheter afin de se débarrasser du sang qui a souillé ses mains, peu importe le danger. Calmement, Emilia le regarde partir. Avec inquiétude, elle baisse la tête.
- Prenez-soin de lui. Je le trouve bien plus fragile "qu'avant"... Et vous aussi, jeune Princesse...

En poussant un cri d'effroi, Emilia se tourne vers l'arbre. Le regard apeuré, elle recule, les mains croisées. Compréhensif, l'Arbre Mojo ferme les yeux avant de poursuivre :
- N'ayez crainte... Je ne lui dirai rien au sujet de votre identité ou même de votre santé... La seule faveur que je vous demanderai, c'est de ne pas précipiter rapidement votre mort... Vous êtes encore jeune pour ne plus voir le soleil... Peu importe le peu de temps qui vous reste, vous devez continuer de vivre... C'est ce qu'aurait voulu votre défunte mère, la Reine Emilia.

Malgré la tristesse dans ses yeux, Emilia se force tout de même à sourire. Reconnaissante envers la compréhension et la gentillesse de l'arbre Mojo, elle s'incline en avant.
- Merci Vénérable Arbre Mojo. Tant que je resterai en vie, je ferai tout mon possible pour vous libérer du funeste destin qui vous attend. Je ne trahirai pas ce serment. Je le jure au nom d'Hylia.

Aussitôt, Emilia quitte le lieu afin de rejoindre Link. Tristement, l'Arbre Mojo pose son regard sur le soleil avant de murmurer :
- Leur malédiction s'est aggravée à ce point... Pauvres enfants de la légende...
Après avoir prononcé ces paroles, l'esprit de la terre ferme les yeux, de plus en plus affaibli.

* * *

Au même moment, Link se trouve à la maison de Mina et Falgus. La Korogu lui remet une feuille lisse, plus grande qu'elle, avant de déclarer vivement :

- Voici votre arme ultime ! La meilleure feuille que nous avons !
- Une... une feuille ? s'étonne Link avec un air peu amusé. L'arme ultime... ? Vous pensez réellement qu'elle nous sera d'un grand secours ?
- Oui ! Ces feuilles sont immunisées contre le poison. Comme notre tête ! En l'agitant dans tous les sens, vous serez capable de chasser l'air du poison pendant un laps de temps ! Oh et tenez également deux flacons d'antidote ainsi qu'un masque respiratoire en feuille !

Intrigué par "l'arme", Link s'empare de la feuille de Korogu et l'agite droit devant. Aussitôt, Mina et Falgus sont propulsés en arrière après avoir poussé un cri strident. Au sol, ils se lèvent, un peu secoués.

- Non mais ça ne va pas ! réprimande la grande Korogu. Soyez plus responsable, Monsieur Vert !
Avec un air gêné, Link sourit nerveusement avant de répondre :
- Je... je suis désolé ! Mais quelle force ! Maintenant, je vous crois !
- Monsieur Vert est très maladroit ! Pas vrai Maman ? demande Falgus avec amusement.
- Oh que oui ! confirme cette dernière, les petits bras croisés.
Finalement, Emilia le rejoint, intriguée par la conversation.
- Ah Emilia ! s'exclame Link en se retournant vers la jeune femme. Nous avons les équipements nécessaires. Nous pouvons y aller.

En remarquant la détermination dans les yeux de son ami, elle approuve silencieusement de la tête malgré le secret qui l'étouffe.

* * *

Après avoir quitté le village des Korogus, Link et Emilia, équipés par une feuille qui couvre leur bouche et leur nez comme un masque, se rendent en direction du nord-ouest. Plus ils avancent, plus la brume s'amplifie. D'un geste brusque, Link agite la feuille de Korogu afin de chasser le poison dans les alentours.

- C'est bon ! Nous pouvons y aller ! annonce-t-il d'une voix étouffée.

Mais avec mélancolie, Emilia lui répond à peine avant de le suivre. Les dernières paroles de l'Arbre Mojo l'attristent toujours. Loin d'être dupe, Link se retourne vers son amie.

- Quelque chose ne va pas ? s'inquiète-t-il en la dévisageant.
- Non... Tout va bien..., répond Emilia d'une voix peu modulée. C'est juste que...
- Tu as peur... ? demande finalement Link.

Surprise que le jeune Hylien ait su lire la peur présente dans ses yeux, elle baisse la tête. Avec un air attentionné, Link s'approche d'Emilia avant de poser la main sur son épaule droite. Aussitôt, elle lève la tête et regarde son interlocuteur, surprise par ce geste affectueux. Malgré le malaise et l'inquiétude dans son regard, Link lui sourit tristement avant de déclarer :

- N'aie pas peur... Tout se passera bien. Je suis là.

Les yeux écarquillés, Emilia sent son coeur battre très fort contre sa poitrine. C'est comme si les paroles, prononcées avec bienveillance par Link, lui redonnaient confiance et espoir.
- Oui... Tu as raison. Tout se passera bien ! se répète Emilia avec un peu plus d'optimisme.
- Oui, affirme Link.

Longuement, ils se regardent, tout en essayant de se comprendre ou même de se lire comme dans un livre ouvert.
- Ah vous êtes là, Monsieur Vert et Madame Bleue ! Vous avez été rapides, dites donc ! déclare vivement Falgus en arrivant sur les lieux.
- Falgus ? s'étonne Emilia en se retournant vers ce dernier.
- Bon sang ! Que fais-tu ici ? Ta maman doit s'inquiéter ! s'exclame Link en s'agenouillant devant lui.
- Oui, mais j'avais peur de vous laisser partir seuls ! Surtout que c'est assez compliqué de trouver le chemin exact. Et puis, si vous réussissez à tuer cette effroyable créature, mon père sera vengé et maman sera plus soulagée..., explique Falgus d'une voix assombrie. Si vous êtes d'accord, je veux venir avec vous... Je veux vous aider.

Longuement, Link regarde le petit tronc d'arbre vivant. Compréhensif devant ses intentions sincères, il lui rend un sourire attristé.
- Bien. Tu peux venir avec nous. Mais à une condition : que tu nous suives et que tu fasses exactement ce que nous te dirons.
- Tu es sûr Link ? s'inquiète Emilia. C'est un enfant... N'oublie pas que ça sera dangereux...
- Oui, affirme Link avec un air sérieux en portant le Korogu sur son épaule gauche. Je pense que son aide nous sera précieuse. Et puis lui aussi, il veut se libérer d'un fardeau...

Au bout de plusieurs secondes d'hésitation, Emilia acquiesce finalement de la tête, confiante.
- Bien, répond-elle. Mais à condition que tu obéisses à nos ordres. Nous sommes à présent responsables de toi.
- Merci, Madame Bleue et Monsieur Vert ! Bon, le temple se trouve dans cette direction ! Il faut passer à côté de cet arbre aux branches crochues ! guide le petit Korogu, ambitieux. Ensuite, il faut aller à droite, là où il y a un rocher en forme de steak.

* * *

Le trajet est long et surtout désagréable. Notamment à cause de l'air empoisonné. À plusieurs reprises, Link agite la feuille de toutes ses forces pour chasser la brume. Malgré l'exténuation dans ses bras, il n'abandonne pas. Grâce à Falgus, le petit groupe arrive finalement au sommet d'une colline. Les yeux rivés vers le bas, Link et Emilia distinguent avec beaucoup de mal une petite demeure en pierre, infectée par des racines épineuses et par le poison.

- C'est ici ! déclare Falgus peu rassuré. En descendant cette colline, nous trouverons une porte...
- Eh bien... Qui aurait cru qu'un tel temple se trouve dans une forêt, là où la nature est le maître de ces lieux ? se demande Link en fixant les piliers en pierre qui soutiennent l'entrée de l'étrange demeure.
- Ce temple a été considéré comme un lieu de prière. C'est ici que l'esprit de la forêt veille sur nous. Mais depuis que le poison est arrivé, il a été plongé dans un profond sommeil. Si la créature et ses cocons meurent, elle pourra se réveiller et faire vivre la nature comme autrefois.
- Dans ce cas, allons-y, annonce Emilia d'une voix sombre, la main posée sur son arc.
- Avant d'entrer, il faut que vous buviez l'antidote pour renforcer vos anticorps, conseille Falgus en se rappelant les consignes de sa mère. N'oubliez pas que le poison est encore plus féroce à l'intérieur. Je crains que les masques ne suffisent plus à le repousser.

Ainsi, Link s'agenouille et ouvre la sacoche avant de sortir deux flacons. Tout d'abord, il tend le premier à Falgus.
- Je préfère que tu en boives au cas où, annonce calmement Link. Quand tu parles, des buées violettes sortent de ta bouche... Je préfère que tu ne prennes pas le moindre risque.
Compréhensif, le Korogu approuve de la tête avant de retirer le bouchon. Puis, l'Hylien tend le deuxième à Emilia.
- Tiens.
- Mais, tu ne comptes pas en boire ? s'étonne Emilia, soucieuse.
- Ne t'en fais pas pour moi. J'arriverai à supporter... N'oublie pas que j'ai bu une gorgée de l'antidote avant de partir. Je suis résistant.
Emilia empoigne son bras droit avant de répliquer :
- C'est plutôt à toi d'en boire. Moi je peux arriver à supporter le poison !
- Ne dis pas de bêtises. Même si tu arrives à le supporter mieux que moi, je remarque que tu es de plus en plus essoufflée, proteste Link avec sérieux.
- C'est à cause du trajet qui a été fatiguant. Le poison ne m'affecte pas ! Tu peux me croire. Je vais bien, réplique Emilia en se montrant très têtue. De nous deux, c'est... c'est toi qui en as le plus besoin.

La main tremblante, Link baisse la tête, préférant ne pas insister.
- Bien... comme tu le souhaites...
Pendant qu'il boit une gorgée, Emilia croise ses bras, n'osant pas le regarder.
- Arf ! Quel goût infect ! râle Link en grimaçant.
- C'est normal ! Nous avons utilisé le poison et le sang d'un animal pour en fabriquer ! répond joyeusement Falgus.
- Le... le sang... ? s'étonne l'Hylien avec stupéfaction. Et c'est maintenant que tu me dis ça ?
- Oui mais attention : on ne tue pas les animaux ! On prélève seulement quelques gouttes !
- Raison de plus pour pas que je n'en boive, constate Emilia avec un sourire nerveux, écoeurée par le contenu de l'antidote.

Malgré la sensation d'avoir l'estomac qui se tord, Link se lève aux côtés de ses deux alliés. Les yeux rivés sur le temple, il est résolu à détruire la source qui souille la nature, peu importe le risque.

* * *

Contrairement à l'architecture gothique sur les façades extérieures, le hall est vide et lugubre. De nombreuses statues, représentant la Déesse Hylia, sont positionnées contre les murs en pierre, les yeux vides. Attentivement, Link et Emilia scrutent la pièce pendant que Falgus s'approche d'une sculpture. Même s'il a froid aux pieds à cause du carrelage en pierre abîmé, il ne se plaint pas.

- Toutes ces statues... C'est donc ici que vous venez prier ? interroge Emilia au petit Korogu.
- Oui ! affirme aussitôt ce dernier. C'est également ici que le sage de notre peuple, qui était mon grand-père, a résidé jusqu'à sa mort...

Malgré l'incertitude, Link continue d'observer les alentours. Soudainement, au fond de la pièce, il distingue une silhouette qui attire pleinement son attention. La garde baissée, il s'approche à toute hâte de la pièce. Une fois à l'intérieur, il remarque une grosse enveloppe visqueuse de couleur violette : un cocon. Malgré la feuille qui couvre sa bouche, Link arrive à sentir l'horrible odeur qui en émane.

- Ah ! Un cocon ! C'est comme ça que naissent les petits de la créature ! explique Falgus d'un ton affolé.

Sans hésitation, Link retire l'épée du fourreau et tranche en deux l'enveloppe. Aussitôt, un hurlement de douleur résonne dans le temple. Le sol tremble sous les pieds de l'épéiste. Emilia et Falgus se bouchent les oreilles, tandis que Link se crispe, sur ses gardes. Brutalement, une grosse racine épineuse surgit du sol à l'entrée de la pièce. Elle répand un souffle toxique. Ébouriffé, Link recule aussitôt. La racine bouge dans tous les sens, prête à entailler le premier inconscient qui s'approcherait trop près d'elle. Fou d'inquiétude pour ses alliés qu'il ne voit plus, il essaye de s'approcher malgré tout.

- Emilia ! Falgus ! Vous m'entendez ?
- Link ! s'inquiète Emilia. Tu n'as rien ?
- Monsieur Vert ! Tu es vivant ! s'exclame Falgus.
Link soupire de soulagement avant de poursuivre :
- Je n'aurais peut-être pas dû détruire ce misérable cocon. Surtout qu'un liquide violet écoeurant coule maintenant.
- Cela veut dire que l'insecte a failli terminer sa croissance, constate Emilia avec anxiété. Si tu en vois d'autres, détruis-les avant qu'il ne soit trop tard ! De notre côté, nous allons passer par la pièce à gauche pour te rejoindre.
- Il est hors de question que je vous laisse y aller seuls ! Surtout que vous n'avez pas la feuille pour chasser le poison ! rétorque Link en essayant de conserver son sang-froid.
- Ne t'en fais pas, Monsieur Vert ! Je protégerai Madame Bleue à ta place ! rassure Falgus d'une voix résolue en tendant sa feuille, aussi petite que lui.
- On fera attention. Promis, rassure Emilia, confiante.
Bien que l'idée ne plaise guère à Link, soucieux à l'idée qu'il arrive un malheur à ses deux alliés, il lâche un soupir avant de déclarer :
- Faites attention à vous deux... On se rejoindra plus tard.
À contrecoeur, il s'éloigne de la racine, de plus en plus menaçante à son égard.

Chapitre 8 : Le temple de la forêt   up

Au bout de la petite salle, Link s'empresse de se diriger vers l'autre sortie. Calmement, il monte les escaliers tournants en sentant les battements de son coeur résonner contre sa poitrine. Malgré l'inquiétude qui se lit dans ses yeux bleus, il entre dans une nouvelle pièce au premier étage. En constatant rapidement la présence de l'air toxique, il agite à nouveau la feuille pour aérer le lieu. Dans cette grande pièce, similaire au grand hall, les statues d'Hylia sont cette fois-ci brisées en plusieurs morceaux, bien qu'elles se tiennent toujours debout. Des liquides violets coulent même de leurs yeux vides, semblables à des larmes.

Mal à l'aise, Link prend le temps de regarder autour de lui. Seuls ses bruits de pas résonnent pendant plusieurs secondes. Alors qu'il recule vers une statue, une affreuse silhouette surgit derrière en la poussant. La sculpture se fracasse pour de bon au sol. Horrifié, Link se retourne aussitôt et s'empare de son épée. Devant lui, une araignée, atteignant le niveau de ses cuisses, élève ses huit pattes poilues tranchantes comme des lames. Le plus troublant reste ses deux horribles dents qui dépassent, une caractéristique irréaliste pour un être sous l'allure d'un horrible arachnide.

Malgré le danger, Link recule doucement, la garde médiane. Brutalement, l'araignée crache un venin toxique dans sa direction. Aussitôt, l'épéiste agile exécute un saut en arrière avant de foncer à toute hâte vers son adversaire à l'apparence hideuse. En infligeant un coup droit devant, la pointe de l'épée embroche impétueusement la tête de la créature arachnide. Le souffle court, Link retire hâtivement son arme avant de la tournoyer pour se débarrasser du liquide violet.

Mais soudainement, de nombreuses araignées entrent dans la salle. Elles sont au moins une dizaine. Certaines sortent même des cocons cachés derrière les statues qui se brisent instantanément au sol. Rancunières envers celui qui a tué leur soeur, les araignées se précipitent dans sa direction. Apeuré par le courroux de l'armée à huit pattes, le rythme du coeur de Link s'accélère de plus en plus. Désespérément, il sort la feuille de Korogu et l'agite vers leur direction. À cause de leur poids de plume, malgré leur aspect menaçant, les araignées se retrouvent propulsées en arrière, les pattes en l'air. Sans perdre une seule seconde, Link profite de l'occasion pour sortir son épée et trancher plusieurs d'entre elles, sans faire preuve de la moindre pitié. La rage de les tuer devient de plus en plus forte.

Tout à coup, le symbole triangulaire sur sa main brille une fois de plus. Loin de se laisser distraire par la douce lumière dorée qui l'enveloppe, il donne le coup fatal à ses ennemies en employant une attaque tournoyante. De nombreuses araignées, découpées en deux ou en trois selon l'impact, gisent dans une flaque de liquide violet : leur propre sang. Après avoir défait tous ses adversaires en un seul coup, Link reprend son souffle en s'agenouillant, l'épée plantée au sol pour mieux se tenir. Inquiet pour Emilia et Falgus, il se relève aussitôt avant de sortir de cette pièce, saccagée par les cadavres.

* * *

Au même moment, Emilia et Falgus accèdent au premier étage. Le plafond de cet endroit est cependant détruit. Seule la brume violette cache le ciel. Alors que le Korogu chasse l'air toxique grâce à sa petite feuille, la jeune femme explore attentivement la salle. Le regard assombri, elle fixe les statues d'Hylia. En les regardant, un étrange sentiment hante son esprit. Au sol, elle remarque de nombreux morceaux de rochers siliceux : des silex.

- Madame Bleue ! Regarde ! appelle Falgus, debout sur une rambarde en pierre.
Intriguée, l'intéressée rejoint son allié. Après avoir posé son regard en bas, Emilia a un mouvement de recul. Dans une source d'eau, de nombreux cocons sont présents, tandis que les petites araignées commencent à tisser leur première toile.
- Oh... c'est... c'est à cause d'elles que la source d'eau de la forêt a été empoisonnée..., constate Emilia en esquissant un sourire nerveux. En plus, ces araignées sont terrifiantes... Tu sais quoi Falgus ? Faisons demi-tour !
- Mais si nous les détruisons, nous n'aurons plus rien à craindre, suggère calmement Falgus. T'en penses quoi ?
Pendant de longues secondes, Emilia se plonge dans une grande réflexion. Il est vrai que l'idée du petit Korogu est bien brillante. Le sourire illuminé en regardant le silex au sol, elle s'agenouille. En sortant une flèche en bois du carquois, elle commence à frotter brusquement la pointe à l'aide du rocher.

- Que fais-tu Madame Bleue ? Ce n'est pas le moment de tailler des pierres !
- Si j'arrive à créer un petit feu, alors je pourrais tirer une flèche enflammée pour les brûler. Les insectes et les cocons sont sensibles au feu, explique Emilia avec espoir.
En continuant de frotter, une légère fumée s'en échappe.
- Hum... non... il me faut de la paille ! panique aussitôt la jeune femme.
Sans hésitation, Falgus pose sa fidèle feuille au sol.
- Tu peux utiliser ma feuille ! déclare-t-il d'un air décidé.
Stupéfaite par son geste, Emilia le regarde longuement avant de protester :
- Falgus ! N'oublie pas que tu as besoin de cette feuille pour chasser l'air toxique et...
- Je sais, mais si ça peut sauver mon village et venger mon père, alors j'accepte de prendre le risque ! répond Falgus d'une voix résolue. Maman aurait fait la même chose que moi.

Hésitante au premier abord, Emilia baisse la tête. Les mains tremblantes, elle finit par poser la pointe de l'arc sur la feuille. Au bout de plusieurs secondes, les flammes dansent et la consument instantanément. Déterminée, Emilia s'empare aussitôt d'une autre flèche en brûlant la pointe. Malgré la respiration haletante, la jeune archère prend le temps de bien viser le centre, là où résident de nombreux cocons. En fermant les yeux après avoir inspiré un bon coup, elle décoche finalement la fameuse flèche. Une fois atterrie sur un cocon, aussitôt en feu, de nombreuses araignées essayent de fuir désespérément en poussant des légers cris. Les flammes, possédées par la cruauté de la faucheuse des enfers, les rattrapent. Une horrible odeur émane de la salle. Falgus pose la main sur ses yeux, écoeuré, tandis qu'Emilia détourne son regard, loin d'être indifférente devant la souffrance des petits de la créature. Soudainement, elle tombe sur ses jambes, prise d'une quinte de toux. Inquiet, Falgus descend et s'approche d'elle.

- Madame Bleue ? s'étonne-t-il. Que se passe-t-il ?
Hélas, il constate avec stupéfaction que du sang coule des lèvres d'Emilia. Précipitamment, elle chasse les gouttes de la main.
- Je... je vais bien, rassure la jeune femme d'une voix affaiblie. Je pense que nous pourrons descendre... Link doit sûrement nous attendre quelque part.
Silencieusement, Falgus fixe tristement son interlocutrice avant de déclarer :
- Madame Bleue... Alors c'est pour cela que tes poumons rejettent ce poison... Tu es gravement malade...
Tristement, Emilia baisse les yeux en continuant de cacher ses lèvres, encore couvertes par le sang. Finalement, elle se lève en retrouvant un air un peu plus assuré.
- Peu importe ce qui m'arrive. Le plus important est de purifier la forêt. Retrouvons Link avant qu'il ne soit trop tard. Je m'inquiète pour lui...
Alors qu'elle s'empresse de quitter la salle, le Korogu baisse tristement la tête avant de la suivre.

* * *

Après s'être débarrassé de quelques araignées sur son chemin, Link accède au deuxième étage. Cette fois-ci, de nombreuses toiles en mauvais état, représentant des paysages forestiers, peintes par une main talentueuse, sont accrochées sur quelques murs. Quant aux statues, elles sont toutes à terre : le visage brisé en plusieurs morceaux. Bien que le jeune homme ait chassé l'air toxique, il constate avec anxiété que la brume revient aussitôt. Il n'y a plus aucun doute : il s'approche du nid. Au bout de la salle en piteux état, il distingue une grande porte en bois massif. À gauche se trouve un levier : une sorte de mécanisme. Intrigué, Link s'approche et le dirige vers l'avant. Avec surprise, il constate que la porte s'ouvre en s'élevant jusqu'au plafond. Lentement mais sûrement. Mais alors qu'il relâche le mécanisme pour tenter d'entrer à l'intérieur, elle se ferme brutalement devant lui.

Conscient du risque après avoir eu un coup de frayeur, l'Hylien observe calmement autour de lui. Soudainement, il entend des bruits aigus résonner. Figé, il fronce les sourcils, la gorge serrée. Une araignée noire, encore plus grande que les autres, descend du plafond à l'aide d'un fil de toile. L'anxiété dans les yeux, Link sort son épée et se retourne. Cette fois-ci, il sait qu'il n'a plus à faire à une simple araignée. La créature, arrivant jusqu'à son ventre, commence à se diriger vers lui en crachant son venin. Link esquive aussitôt. Agenouillé au sol, il lève la tête avant de brandir son épée et de repousser de toutes ses forces l'affreuse créature qui en a profité pour charger. Agressive, elle crache des toiles dans sa direction. Le bras gauche collé au mur, Link lâche maladroitement son épée. Désespérément, il se penche vers le sol et essaye de la récupérer grâce à son autre main encore libre. Hélas, son arme est beaucoup trop loin.

- Non ! désespère-t-il en tiquant.

En poussant un cri d'effroi, il voit l'horrible araignée se diriger vers lui, prête à le dévorer comme une précieuse proie. Avec beaucoup de mal, il s'empare de son bouclier en bois pour essayer de libérer sa main gauche grâce à de nombreux coups répétés. Alors que la première patte de l'araignée commence à toucher la toile pour enrouler le bras de sa proie, Link parvient à se libérer au dernier moment. En reculant, le fil qui entoure son bras s'allonge et s'enroule autour du levier. Il le fait maintenir en avant grâce à l'araignée qui continue de tirer sur la toile qui la relie à Link. Ainsi, la porte s'ouvre.

Malgré le risque, le jeune Hylien se propulse en avant pour entrer à l'intérieur de la pièce. Au sol, il continue de reculer, les jambes encore paralysées pour se lever. Malheureusement pour lui, la grande araignée n'abandonne pas et le suit. Cependant, une de ses pattes, très imposante, brise le fil qui maintient le levier. Brutalement, la porte tombe sur sa forme dorsale en la coupant en deux, là où se trouve son coeur. Plaquée au sol, elle hurle de douleur. Ses pattes s'agitent dans tous les sens. Sous le choc, Link se lève finalement en reculant, spectateur de l'horrible scène qui se déroule sous ses yeux.
Après de nombreuses secondes de souffrance, l'affreuse créature rend l'âme. Seul son sang de couleur violet continue de couler au sol. Malgré la frayeur, l'Hylien s'agenouille en reprenant son souffle, le sourire nerveux.

- Haha... Bon sang... Entre Maître Pawel qui est devenu fou et que j'ai tué, Emilia et Falgus qui doivent sûrement être heureux de se faire des amis à huit pattes et moi qui ai failli leur servir de repas, on peut dire que j'en collectionne..., souffle-t-il sur un ton proche de l'ironie. Je suis vraiment maudit... Je vais devenir fou à force...

Une fois levé, Link se retourne avant de remarquer une grande statue d'Hylia au coin d'une pièce couverte de lierres bien vivants. Étrange. Cette fois-ci, elle est bien plus majestueuse que les autres et surtout, en meilleur état. À ses pieds, un coffre rouge, la serrure métallisée en or, est présent au sol. Intrigué, Link penche doucement la tête vers la droite avant de s'approcher. Le coeur palpitant très fort, il inspire un bon coup avant de l'ouvrir. Le dessus du coffre tombe au sol et aussitôt, les mains de l'Hylien plongent à l'intérieur pour toucher le contenu.

Avec surprise, Link sort un équipement capable de tracter dans n'importe quelle direction : un grappin. La poignée est ornée d'argent, tandis que la façade est violette. En appuyant sur le petit mécanisme présent sur les deux côtés de la poignée, une longue chaîne en fer sort aussitôt. Le regard rempli d'interrogation, Link lève la tête et fixe la statue d'Hylia qui semble être la seule présence bienveillante de ce temple. Sans perdre une seule seconde qui peut s'avérer précieuse, il fait demi-tour.

En face de la porte, il remarque une petite fenêtre en haut, notamment un appui. Avec assurance, il tracte son grappin dans cette direction avant de se laisser propulser en hauteur. Une fois qu'il a traversé la petite fenêtre, l'épéiste récupère aussitôt son épée et la range dans le fourreau après l'avoir tournoyée, n'osant pas regarder le cadavre de l'affreuse araignée. Soudainement, un hurlement résonne dans le temple. Sous le choc, Link sent l'inquiétude le saisir avec brutalité.
- Emilia ! s'exclame-t-il.
Le coeur battant d'anxiété et l'affolement dans son regard, il accourt dans le sens inverse dans l'espoir de la retrouver avant qu'il ne soit trop tard. Revenu à la salle du premier étage, là où de nombreux cadavres d'araignées commencent à pourrir, le jeune Hylien remarque instantanément une petite fenêtre vers la gauche. Sans hésitation, il dirige son grappin afin de la traverser. Une fois tombé à quatre " pattes " au sol, il se lève en remarquant Emilia et Falgus au bout de la salle, terrifiées.

- Emilia ! Falgus ! Vous n'avez rien ? s'inquiète-t-il en s'approchant.
Emilia se retourne vers Link, les larmes aux yeux. Elle accourt aussitôt dans sa direction avant de se jeter dans ses bras.
- Hé... hé ! bafouille Link, les joues rougies par cet enlacement soudain. Qu'est-ce que...
- J'ai trop peur ! Les araignées sont partout ! Ces petites créatures sont affreuses ! panique Emilia, tremblante. Link ! S'il te plaît, tue-les ! Je n'en peux plus !
- Madame Bleue n'arrive pas à s'approcher d'elles pour les tuer ! explique Falgus en regardant de petites araignées se balader tranquillement au sol.
Link soupire de soulagement, rassuré de les voir en entier.
- Allons... ça va aller, déclare-t-il à Emilia qui continue de trembler contre lui. Ce ne sont que des petites bêtes... Dis-toi que j'en ai rencontré une...
Peu à peu, la jeune femme lève la tête. Grâce aux paroles de Link, elle cesse de trembler. Elle le lâche finalement en reculant.
- Tu es tombé sur une grosse araignée ? demande Falgus par curiosité.
- Et pas qu'une... En revanche, j'ai trouvé cet objet dans un coffre. Regardez.
En fixant le grappin, Emilia se montre stupéfaite tandis que Falgus le regarde de plus près.
- Oh ! Cet objet appartenait à mon grand-père ! Normalement, c'est interdit de le toucher. Mais vu que tu n'as pas eu le choix... explique le petit Korogu.
- Quoi qu'il en soit, le nid se trouve au troisième étage. Précisément en haut de ces escaliers. Même si les dernières marches sont cassées, on pourra utiliser le grappin pour y accéder, explique calmement Emilia en désignant l'endroit du regard.
Link approuve de la tête avant de répondre :
- Dans ce cas, ne traînons pas.

Alors qu'il se précipite en direction des escaliers, Emilia le regarde de dos, la main posée contre son coeur. Malgré le doute qui s'empare d'elle, la jeune femme le suit en portant le Korogu dans ses bras.

* * *

Les marches montées, Link tracte le grappin et s'appuie au bord. Puis, il dirige la chaîne au sol pour qu'Emilia et Falgus puissent le joindre. Une fois au deuxième étage, rempli de toiles d'araignées et de cocons dont Link profite pour les trancher avant leur éclosion, le groupe arrive devant une double-porte en bois massif. Avec une part de crainte, Link et Emilia l'ouvrent de toutes leurs forces. Instantanément, la brume envahit le couloir en pierre. D'un geste brusque, l'Hylien la chasse à nouveau à l'aide de la feuille avant de constater, à sa plus grande surprise, un immense cocon gisant au milieu de la pièce. Le plafond détruit, la brume toxique s'échappe du temple à partir des racines et des nerfs qui le maintiennent debout. Link est sans voix. Le regard anxieux, il n'ose pas avancer sur le coup.

- Alors c'est ça : l'affreuse créature qui s'était rendue au village des Korogus ? demande Emilia avec un air perplexe.
- Oui... mais on dirait qu'elle est en train de muter..., constate Falgus d'une voix tremblante.
- Bon... bon sang... Allez, finissons-en une bonne fois pour toutes..., déclare Link d'une voix étouffante, résolu à mettre fin à l'agonie de la forêt.

Lentement, il sort son épée avant de s'approcher de l'énorme cocon. Alors qu'il s'apprête à le détruire, une longue racine épineuse surgit à toute vitesse du sol et le plaque avec brutalité contre le mur. À moitié assommé, Link laisse échapper un gémissement de douleur et fait tomber son épée au sol.
- Non ! s'exclame Emilia avec inquiétude.

Mais au moment où elle s'approche de son ami, le cocon s'ouvre subitement et laisse échapper l'air toxique. Pris par une quinte de toux, Falgus s'éloigne en assistant avec effroi à l'apparition de l'horrible et grande créature. Les ailes crochues et visqueuses déployées et les huit pattes poilues, le monstre a tout l'air d'une araignée volante. L'oeil rouge ouvert au centre de sa tête, elle hurle un cri épouvantable.
Faiblement, Link ouvre les yeux avant de la fixer. Effrayée, Emilia recule, les mains posées sur sa bouche.
- Madame Bleue ! Fuis ! s'exclame Falgus avec affolement. Ne reste pas là ! Il va te dévorer !

Paralysée par la peur d'être confrontée à une énorme araignée noire volante, la jeune femme ne recule pas. Ses jambes tremblent. En la voyant en danger, Link se débat désespérément. Il s'empare rapidement du grappin. Grâce à la chaîne, il retient son souffle en essayant de couper la racine qui le plaque toujours contre le mur. Une fois de plus, la redoutable adversaire, lente et peu éveillée, pousse un cri strident. Derrière elle, de nombreuses petites araignées courent à toute hâte. Falgus en profite pour s'en débarrasser à l'aide des noix. Emilia tombe finalement au sol et fixe l'oeil rouge, apeurée. Une fois proche d'elle, l'araignée s'apprête à lui donner un coup fatal à l'aide de ses dents pour satisfaire son appétit féroce.

Au dernier moment, Link parvient enfin à se libérer et à s'emparer de son épée avant d'empaler la racine épineuse à sa lame. En couvrant Emilia comme une sorte de bouclier humain, ils repoussent les crocs de l'araignée. Malencontreusement, les épines de la racine, encore vivantes, frôlent l'oeil rouge de son opposante. Les larmes de sang violet coulant, l'araignée recule et essaye de voler en direction du ciel, hurlant de douleur. Comme une furie, elle se jette sur Link et Emilia pour les tuer avec rage. Avec agilité, l'Hylien étreint son amie dans ses bras avant d'esquiver, tandis que Falgus se cache derrière une colonne de pierre brisée. Au sol, Link s'assure de l'état d'Emilia.

- Emilia ! Est-ce que ça va ? s'inquiète-t-il en posant la main sur l'épaule de son amie.
- O... oui, répond faiblement la jeune femme, le regard oscillant entre la peur et l'admiration pour ce dernier.

Déterminé, Link se lève et se débarrasse finalement de la racine épineuse après avoir agité son épée. Alors que son ennemie essaye de voler en direction du plafond, l'épéiste utilise son grappin pour la retenir. La chaîne touche l'aile et la créature tombe brutalement au sol. À toute hâte, il accourt pour lui donner un coup décisif. Mais loin d'être vulnérable, l'araignée volante le repousse violemment grâce à l'une de ses pattes. Étourdi par le coup à l'épaule droite, là où la cicatrice est présente, Link se retrouve agenouillé au sol. Pris d'une quinte de toux à cause de l'air toxique, il ne trouve pas la force de se lever. Rancunière, l'affreuse arachnide s'approche et s'apprête à le tuer grâce à l'une de ses pattes. Brutalement, elle lâche un hurlement surpuissant après avoir reçu une flèche dans son oeil rouge. Les yeux écarquillés, Link se retourne avant de remarquer Emilia au bout de la salle, positionnée en tant qu'archère. Malgré le corps tremblant, son regard est assombri. Puis, le jeune épéiste se lève et se précipite en direction du monstrueux être. Brutalement, en poussant un cri, il effectue un assaut avant de planter son épée dans l'oeil de la reine déchue du temple. En un coup sec, il la retire de la paupière avant de la trancher en deux pendant que le corps s'écroule au sol et ne devienne qu'une flaque violette. Pendant de nombreuses secondes, un silence inquiétant règne. Seuls les essoufflements de Link se font entendre. Toujours ses gardes, il fixe le cadavre de son adversaire. Assuré que l'hideuse araignée volante soit morte pour de bon, il tombe sur ses jambes, épuisé par ce combat éprouvant. Sa tunique verte est couverte de sang violet.

- Link ! Tout va bien ? demande Emilia en s'agenouillant auprès de lui.
- Monsieur Vert ! s'exclame Falgus avec inquiétude.
La respiration haletante, Link se force à sourire avant de leur répondre :
- Je... je vais bien... C'est fini...
Soudainement, une lumière émane de sa main gauche.
- Oh vos mains ! remarque Falgus avec surprise. Elles brillent !
Surpris, Link se retourne vers la jeune femme et constate avec effroi que sa main droite est illuminée par la lumière dorée, comme la sienne.
- Emi... Emilia... Toi... Toi aussi ? s'étonne-t-il, bouleversé.

L'intéressée ne répond pas et se retourne, comme si elle voulait la cacher. Ainsi, un rayon du soleil traverse le plafond et fait disparaître une bonne fois pour toutes la brume violette, notamment le corps sans vie de l'araignée ainsi que le cocon. Chaque pièce, éclairée par le soleil, tel un espoir, est purifiée, notamment la source de l'eau, qui retrouve enfin sa pureté. Les rayons traversent les branches d'arbres morts. Au balcon, Link, Emilia et Falgus s'approchent afin d'assister au changement.

- Les arbres... l'eau..., constate la jeune Hylienne avec soulagement.
- Vous... vous avez réussi ! La forêt... elle... elle se réveille ! s'exclame le Korogu.
- Oui... Et c'est grâce à vous ! déclare une voix désincarnée.

Subitement, le petit groupe se retourne avant de remarquer un être spirituel sous la forme d'un dragon à l'écaille bleue, rayonnant d'une étrange lueur dorée. Les yeux blancs et les grands crocs offensifs dépassant, il est majestueux et impressionnant.

- Qu'est-ce que... ? s'étonne Link avec un regard ahuri.
- L'esprit de la forêt ! Le dragon de la forêt de Firone !
Silencieusement, Emilia et Falgus s'agenouillent. Loin de comprendre la situation, le vainqueur les imite.
- En détruisant la créature, née dans ce cocon du mal, vous avez réussi à redonner la vie et l'espoir dans ma forêt... La lumière des fragments, présents sur votre main, m'ont délivré de mon insupportable sommeil. La nature rendra peu à peu la forme à cette forêt. Même si la souffrance ne se dissipera pas de sitôt, les conséquences peuvent être réparées selon la volonté et la croyance, explique le dragon de la forêt.

Loin d'être indifférent à ses dernières paroles en repensant à son erreur, Link ferme les yeux, la tête baissée. Même s'il a réussi à réveiller l'esprit de la forêt, il ne se sent pas complètement libéré du " poison " qui serre toujours son coeur.

- Alors donc c'est vrai... Ces fragments... Link et moi, nous sommes vraiment les élus..., constate Emilia d'une voix maussade.
Avec discernement, il la regarde fixement, de plus en plus perplexe.
- Ces fragments, pouvoirs de la Triforce, ont la capacité de réveiller et de sauver les deux esprits de la forêt : Ordinn et Lanelle. Donc je vous en conjure : aidez-les aussi... Eux aussi souffrent d'une terrible agonie, supplie le dragon en inclinant la tête, la patte posée sur son long cou.
- Ordinn et Lanelle ? s'étonne Emilia sous le choc. Alors ça veut dire que le poison a...
- Non. Leur situation est encore plus grave que celle de la forêt... Depuis l'éveil des pouvoirs de la réincarnation de Ganon dans notre monde, les esprits ont été maudits par une créature née du mal. Chaque seconde, les peuples, gardiens de ces esprits, prient la déesse Hylia afin de les sauver... Donc, par pitié, élus de la légende sacrée, sauvez-les avant qu'il ne soit trop tard...
- Réincarnation de Ganon... ? murmure Link avec un regard apeuré. Déesse Hylia et élus de la légende... Mais qu'est-ce que cela veut dire à la fin ?
- Au fond de vous, vous devez le savoir. Ce fragment, qui brille sans cesse sur votre main, armée de courage et de sagesse, en est la preuve... En restant loyaux envers vous, par égard pour vos anciennes vies, je continuerai de vivre pour le couronnement et l'achèvement de votre destin..., déclare l'esprit de Firone avant de disparaître, encore très faible pour rester complètement éveillé.
- Attendez ! supplie Link en se levant.

Après un éclaboussement d'eau, le silence règne à nouveau dans la grande salle pendant de longues secondes.
- Il était si impressionnant..., constate Falgus, n'en revenant toujours pas. C'est la première fois que je le vois !
- Alors... c'est donc vrai..., déclare Emilia en regardant sa main, tremblante et essoufflée.
- C'est donc vrai que quoi ? répète Link, lassé par toutes ses questions. Emilia... Tu sembles en savoir plus... Que se passe-t-il à la fin ? Le pouvoir de la Triforce... Qu'est-ce que signifie tout ça ?
Le regard mélancolique, Emilia baisse la tête en croisant ses mains.
- Cela... cela n'a aucune importance... Tout ce que je sais, c'est que nous devons nous rendre au volcan d'Ordinn et au lac Lanelle avant que la réincarnation de... Ganon ne mène Hyrule à la mort ! Nous ne devons pas traîner plus longtemps ! s'affole la jeune femme avant de partir.

Aussitôt, Link accourt et la retient par le bras.
- Arrête de fuir et dis-moi plutôt la vérité ! Qu'est-ce que nous sommes exactement ? Je... Je dois le savoir... J'ai toujours su que quelque chose d'étrange existait en moi ! Donc je t'en conjure : dis-moi ce que je suis exactement ! Tu es la seule qui peux m'apporter les réponses !
Mal à l'aise devant le regard froid de son ami, Emilia baisse les yeux.
- Nous... avons hérité le pouvoir de nos " ancêtres ". Depuis la nuit des temps, ils ont porté les deux fragments de la Triforce. Celui du courage pour toi, celui de la sagesse pour moi et celui de la force pour... Ganon... Et c'est pour cela que nous devons... que nous devons...
N'arrivant plus à parler bien comme il faut, Emilia perd l'équilibre.
- Emilia ! s'inquiète Link en la rattrapant dans ses bras.
Délicatement, il soutient son corps au sol. Il constate avec effroi que du sang coule des lèvres violettes de la jeune femme.
- Madame Bleue ! s'exclame Falgus en s'approchant d'elle.
- Emilia ! Est-ce que tu m'entends ? Réponds-moi ! Emilia ! supplie désespérément Link.

Plongée dans l'inconscience, Emilia est à présent inerte. Doucement, sa main droite tombe au sol. Les yeux écarquillés en remarquant une forme triangulaire sur la face dorsale, appelée le pouvoir de la Triforce, Link regarde longuement son amie. À présent, un affreux doute l'habite.


Version parodique (contexte du jeu)

Après la défaite de l'affreuse araignée, une lumière apparaît sur son ventre.
Falgus : Oh ! La bête a quelque chose sur elle !
Link : Vraiment ! Allez ! * s'empare du coeur sur le ventre *
Emilia : o___o
Link : Oh ! Un réceptacle de coeur ! Bon, il est plus violet que rouge et il y a des petites pattes d'araignées sur la face. Mais à présent, j'ai 4 coeurs ! Regarde Emilia ! *-*
Emilia : Non ! N'approche pas ça de moi ?! * pointe son arc avant de tirer une flèche *
Le réceptacle de coeur, aussitôt envolé, aussitôt atterri à l'intérieur du cadavre, au beau milieu des entrailles.
Link : ... Falgus, rassure-moi... Au village Korogu, je pourrai me laver ? -_-'
Korogu : Euh... Voui...

Chapitre 9 : Un nouveau but   up

Le temps et la nature commencent petit à petit à reprendre leurs droits sur la forêt. Le ciel, obscurci par les ténèbres de la nuit, plane sur le village des Korogus. À la maison pour les grands touristes, Emilia est allongée dans le lit. Couverte par une grande feuille, elle est plongée dans un profond sommeil. Vêtu seulement de sa chemise blanche ainsi que son pantalon en attendant que sa tunique sèche, Link est au bord de la fenêtre, les yeux rivés au ciel. Peu à peu, les paupières de la jeune femme s'ouvrent. Malgré le corps encore engourdi, elle s'assoit doucement. Link se retourne doucement. Gênée de porter une simple petite robe blanche à bretelles qui met très en valeur ses atouts les plus féminins, elle pose la feuille contre sa poitrine. Aussitôt, il se tourne par respect, comprenant la réaction de son amie.

- Tu... tu es enfin réveillée. Je commençais à m'inquiéter...
- Mes vête... mes vêtements..., bafouille Emilia, les joues rougies.
- C'est Mina qui les a enlevés pour les laver. Nos vêtements étaient couverts de poison.
Discrètement, elle soupire de soulagement sous le coup de la timidité. Puis, elle pose son regard sur Link.
- Je suis si heureuse de savoir que tout s'est bien passé. Dès que j'irai mieux, je me rendrai à la montagne de la mort. Il faut à tout prix apaiser les deux autres esprits avant qu'il ne soit trop tard.
- Emilia..., interpelle aussitôt Link. Il vaut mieux que ce soit moi qui aille seul.
Abasourdie par la proposition soudaine mais résolue de Link, l'archère écarquille les yeux.
- Y aller seul ? Mais c'est dangereux ! réplique-t-elle en récupérant son sérieux.
- Alors, ça l'est encore plus pour toi...
- À cause de mon malaise ? Mais je te rassure ! Ça va beaucoup mieux. C'était seulement de la fatigue et...

Sans finir sa phrase, Emilia croise ses bras et se crispe. En constatant que son ami est loin d'être dupe, elle cherche désespérément ses mots :
- Je te rassure... C'est juste que...
Compréhensif devant le désarroi de son amie, Link baisse la tête et s'assoit sur la chaise.
- Je ne suis pas la personne la mieux placée pour t'écouter ou même pour rester à tes côtés, déclare-t-il, la tête baissée. Après tout, je ne suis qu'un... assassin...
Horrifée, Emilia lève la tête et dévisage son allié avec interrogation.
- Un... un assassin... ? répète-t-elle, la voix tremblante.
Honteux, Link n'ose pas la regarder. Mais le secret est devenu trop lourd pour continuer à en parler. Ainsi, il ajoute :
- C'est pourquoi je voudrais me rendre seul à la montagne de la mort. Peu importe les risques... Même si l'arbre Mojo et l'esprit nous considèrent comme la réincarnation des élus, chose que j'ai du mal à croire, je reste avant tout un meurtrier... C'est à moi de payer mes fautes et de prendre tous les risques.
Tristement, il esquisse un léger sourire pour retenir ses larmes et son sang-froid avec plus de facilité.
- Pardonne-moi de t'avoir caché la vérité, Emilia... Mais si je l'avais avoué dès le début, tu aurais pris peur... Sans le vouloir, j'ai profité de ta naïveté pour t'accompagner et pour trouver un moyen de me racheter. Mais depuis que les deux esprits insinuent que nous sommes des élus et que je te vois courir de graves dangers alors que ta santé semble être fragile, je me suis rendu compte que je n'ai pas le droit de fuir encore. Et encore moins de te mentir alors que mes mains sont loin d'être propres.

Mal à l'aise, Link détourne à nouveau son regard et croise ses bras tremblants. En remarquant la tristesse dans la voix de son interlocuteur tourmenté, Emilia le regarde longuement. Oui, le choc est présent et de nombreuses questions surgissent dans sa tête. Malgré tout, elle lui répond :

- Si tu as besoin de m'en parler, alors fais-le, Link. Je suis prête à t'écouter...
Surpris par la réaction loin d'être rancunière et effrayée de son amie, l'Hylien la regarde avec bouleversement. Avec stupéfaction, il remarque de la bienveillance dans le léger sourire d'Emilia malgré la peur dans ses yeux. Finalement, il décide de lui ouvrir la cicatrice de son coeur, les yeux posés sur la marque triangulaire de sa main.
- Au village Cocorico, j'ai... j'ai... j'ai tué une personne que j'admirais tant... révèle-t-il avec beaucoup de mal. C'était un homme généreux et admirable. Il était comme un véritable père pour moi... Mais ce soir-là, sans que je ne comprenne le pourquoi du comment, il s'est mis à m'attaquer comme si j'étais un ennemi à abattre... Ses yeux étaient rouges et la rage de me tuer était réellement présente... Et accidentellement, alors que j'ai tenté de lui faire entendre raison, ma lame a fini par transpercer son coeur...
La peur dans ses yeux, Link empoigne nerveusement son bras avant de continuer :
- Je... je n'ai jamais voulu faire une chose aussi abominable... Jamais ! Mais les villageois ont commencé à me traiter d'assassin et même à me considérer comme la réincarnation de Ganon... Voilà pourquoi tout à l'heure, j'ai perdu mon sang-froid...

Troublée par la confession tant cachée par l'Hylien, Emilia le fixe longuement. Ses mains tremblantes empoignent la feuille qui la borde. Peu à peu, les sourcils de la jeune femme se froncent. Un affreux doute s'empare aussitôt d'elle.

- La réincarnation de Ganon... Les yeux rouges..., murmure-t-elle de plus en plus apeurée. Non...
- Hum... ? s'étonne Link en posant son regard sur elle.
- Est-ce que cet homme... avait un étrange symbole gravé sur sa main ? Un symbole qui représente une larme avec un oeil à l'envers ? interroge Emilia avec sérieux. Décris-moi ses réactions, s'il te plaît.
Surpris par l'attitude inquiétante de cette dernière, Link s'exécute :
- Ses yeux étaient rouges comme le sang et clairvoyants dans l'obscurité. Mais la chose qui a attiré surtout mon attention reste bien la mystérieuse marque sur sa main : un oeil avec une larme à l'envers.
Stupéfaite, Emilia écarquille les yeux en sentant sa gorge se serrer.
- Mais oui... Alors c'est...
- Que se passe-t-il ?

L'Hylienne aux cheveux dorés s'assoit mieux sur le lit avant d'enchaîner :
- Est-ce que ton Maître a eu cette marque auparavant ?
- Non. J'en suis même persuadé. C'était la première fois que je voyais un tel dessin.
- Alors donc, ton Maître est réellement vivant. La personne que tu as tuée n'était qu'un imposteur qui a usurpé son identité pour avoir plus de chances de te tuer. Il est plus facile pour " eux " d'amadouer une personne en se faisant passer pour une de ses connaissances.
À ces mots, Link se lève, n'en croyant pas ses oreilles. De plus en plus bouleversé, il sent son coeur s'affoler.
- Que dis-tu ? Mais... mais comment peux-tu en être sûre ?
- Grâce à la marque que tu m'as décrite : cet oeil avec la larme à l'envers. Est-ce que tu as déjà entendu parler des Yigas ?
- Des Yigas ?
- Je m'en doutais, vu que cette histoire a été oubliée... Jadis, un peuple nommé Sheikah, au passé néfaste, a prêté alliance à la famille royale en lui garantissant la protection absolue contre une entité diabolique que nous appelons Ganon depuis la nuit des temps.

De plus en plus interloqué, Link n'interrompt pas et continue de l'écouter.
- Mais il y a cinq cents ans..., enchaîne sinistrement Emilia, les mains croisées sur ses jambes, suite au dysfonctionnement des Gardiens, de redoutables combattants aux corps de fer, et des créatures divines, protecteurs aux quatre coins d'Hyrule, de nombreux Sheikah ont décidé de se joindre à Ganon. Depuis, le symbole de la larme, qui évoque la soumission et la tristesse, remonte au-dessus de l'oeil pour montrer la révolte envers celles et ceux qui osent s'opposer à eux. Alors que les Sheikah représentent la bienveillance et le mystère, la couleur des Yigas est fort rouge comme le sang et la rancoeur. Même s'ils sont aujourd'hui peu nombreux, ils continuent de semer la peur par la pire des façons en attendant la résurrection de Ganon, leur maître : notamment sa réincarnation. L'être qui éveillera leurs pouvoirs.
- Mais alors ! Cela veut dire que j'ai tué un Yiga sous l'apparence de mon professeur ? se doute Link, confus.
- Oui, vu qu'il n'a jamais eu cette étrange marque de naissance sur sa main. Ce qui veut dire que tu es innocent. Tu l'as tué par légitime défense. Quant à ton professeur, il doit sûrement être vivant quelque part.

Partagé entre le soulagement et la confusion, la respiration de Link s'accélère.
- Donc il est vivant... Cela veut dire qu'ils vont sûrement revoir leur jugement sur moi... Mais selon toi : pourquoi le Yiga en avait après moi ? Pourquoi avoir pris l'apparence de mon maître ?
Emilia se plonge pendant plusieurs secondes de réflexion avant de finalement répondre :
- Peut-être à cause du symbole triangulaire qui se trouve sur ta main... Tout comme la mienne... Après tout, avant ma venue dans cette forêt, j'étais poursuivie par l'un d'entre eux avant d'avoir réussi à le semer.
- Ce symbole... est vraiment celui de la Triforce ? enchaîne Link en la regardant à nouveau.
- Oui... nous sommes deux à posséder un fragment... Celui de gauche pour toi, et celui de droite pour moi... Mais la première qui s'élève en hauteur... Je ne sais pas à qui elle appartient.

Silencieusement, Link se retourne vers la fenêtre, désirant contempler le ciel nocturne qui semble calmer ses pensées les plus insensées : les Yigas, Pawel vivant, la Triforce, la réincarnation de Ganon... Il ne sait plus quoi croire à présent.
- Et moi qui me considérais comme un monstre... Raison de plus pour que j'aille à la montagne de la mort. Mais je dois d'abord me rendre au village de Cocorico et prendre le risque de découvrir ce qui s'est réellement passé après ma fuite... Je dois en avoir le coeur net... " Le " voir de mes propres yeux. Et ensuite, je me rendrai à la montagne pour aider l'esprit...
- Laisse-moi t'accompagner Link... Je ne veux pas qu'il t'arrive un...
- N'aie pas peur pour moi. Maintenant, c'est à ton tour de te reposer. Tu m'as sauvé la vie plusieurs fois. Tu m'as donné envie d'y croire et de continuer de vivre. Tu as guéri toutes mes plaies... Alors, c'est à mon tour d'essayer d'apaiser les cicatrices d'Hyrule. Si ce symbole est sur ma main, alors autant découvrir son histoire et sa force.

Admirative devant les paroles de Link, Emilia le regarde fixement. Ce n'est plus le jeune homme à l'âme brisée qui parle mais bel et bien l'élu armé du courage. Préférant écouter la voie de la sagesse, elle lui sourit finalement avant de répondre :
- Oui... Oui, tu as raison.
Apaisé, Link lui rend un sourire bienveillant, le regard rempli de détermination. Brutalement, la porte s'ouvre et claque contre le mur. Affolée, Mina entre à toute vitesse.
- Link ! Dame Emilia ! C'est horrible ! Le... le vénérable arbre Mojo est entre la vie et la mort ! s'exclame-t-elle.
Abasourdis par l'inquiétante nouvelle, Link et Emilia fixent la Korogu.

* * *

Ainsi, tous se réunissent autour de l'arbre Mojo. Bien que l'hideuse créature ne trouble plus la source de la forêt, le vénérable arbre agonise toujours autant.

- Vénérable arbre Mojo ! Tenez-bon ! supplie désespérément un Korogu en larmes.
- Vous n'avez pas le droit de mourir ! proteste un autre, la voix déchirée par la tristesse. Si vous mourrez, qu'allons-nous faire ?
Impuissants, Link et Emilia sentent à leur tour la tristesse les envahir. Doucement, l'épéiste avance avant de supplier à son tour :
- Non... Vous ne pouvez pas mourir alors que tout le monde a besoin de vous ! Donc je vous en prie : vivez !
Malgré la souffrance qui le tue peu à peu, l'arbre se force à sourire avec bienveillance.
- Link... Emilia... Vous avez réussi à sauver notre village ainsi que l'esprit de la forêt. Mes petits seront éternellement reconnaissants envers vous... Il n'y a plus l'ombre d'un doute : vous portez bien l'espoir sur vos épaules.
Ne supportant plus d'avoir autant d'interrogations, Link regarde sa main gauche avant de rétorquer :
- Nous avons vraiment hérité du pouvoir de la Triforce...
- Oui... Un conte qui a toujours existé... Je suis conscient que pour toi, la situation est encore difficile à accepter... Mais lorsque tu éveilleras tes véritables pouvoirs, alors la peur et le doute se dissiperont à tout jamais.
Silencieusement, Link baisse la tête en empoignant son bras droit, anxieux.
- Ne renonce jamais à l'envie de vivre, Link. Il faut que tu continues de vivre. Et vous aussi Emilia... Ne renoncez pas à l'espoir.

Les larmes aux yeux, Emilia approuve de la tête. Quant à Link, il lève la tête et fixe l'arbre avec un regard poignant. Soudainement, il laisse échapper un cri d'effroi en constatant que les branches de l'esprit de la terre tombent au sol. Devant la panique des Korogus, l'arbre commence à dépérir.
- Non ! Vénérable Arbre Mojo ! hurle Falgus en s'approchant de l'esprit.
- Falgus... Ton père aurait été si fier de toi... Lorsque mon âme s'envolera dans le ciel, je lui raconterai tes exploits. C'est en partie grâce à toi que la forêt a été sauvée..., déclare l'arbre Mojo d'une voix apaisante. Merci...
En pleurs, Falgus baisse la tête. Mina s'approche de son fils pour le soutenir.
- Ainsi, la vie, tel un cycle, se naît pour ensuite mourir... Si la Déesse Hylia nous en fait don, c'est pour justement avoir la sensation de vivre... N'oubliez jamais ces paroles tant que vous resterez vi... vants...
Après avoir prononcé ses dernières paroles, l'arbre Mojo ferme les yeux et ne bouge plus. Ses branches tombent à terre, en cendres.
- Vénérable Arbre Mojo ! hurle un Korogu avec désespoir.

Devant l'arbre inerte, la conscience bienveillante envolée au ciel, le peuple pleure. Chagriné par le sort de l'esprit de la terre, Link baisse la tête jusqu'à ce que ses franges cachent ses yeux. Finalement, il lève la tête au ciel, le regard posé sur la pleine lune qui continue de briller, peu importe la tristesse ou la colère. Alors que les petits villageois sanglotent, Emilia s'approche calmement de l'arbre. Malgré le froid qui la fait grelotter, seulement vêtue d'une cape noire qui cache sa robe blanche, elle continue de marcher. En face de l'arbre, elle pose la main contre le tronc, à présent devenu terne. La tête baissée, elle ne retient plus ses larmes. Alors que l'une d'entre elles tombent au sol, une petite racine pousse lentement à cet endroit. Intriguée, l'Hylienne s'agenouille et touche la feuille verte. Doucement, un léger sourire, à la fois attristé et rassuré, se dessine sur son visage pâle, consciente des véritables paroles de l'arbre Mojo.

* * *

Le lendemain matin, lorsque les premiers rayons du soleil touchent l'arbre mort, Link brosse la crinière d'Epona, à présent vêtu de sa tunique verte propre comme un sous neuf. Il profite pour rassurer sa jument après l'avoir cherché. Malgré le deuil, les Korogus tentent de continuer de vivre. Chacun fixe Link.
- Monsieur Vert, tu dois vraiment partir... ? demande Falgus, peu enjoué de voir son nouvel ami quitter le village.
- Oui, affirme calmement Link avec un sourire attristé. Il le faut bien.
- Revenez-nous vivant surtout ! Nous prions la Déesse Hylia pour votre retour, annonce Mina avec sincérité.
Reconnaissant, Link leur sourit avec un air attendrissant.
- Je vous remercie... Sincèrement, merci beaucoup.

Puis, il lève la tête afin de regarder Emilia. Désormais remise, elle porte sa fidèle tenue. Le vent berce ses longs cheveux dorés, éclairés par les rayons du soleil. Dans sa main droite, elle tient son arc ainsi que le carquois. Avec discernement, Mina prend la main de Falgus et le fait éloigner afin de laisser les deux amis, seuls.

- Tu es sûr que tu arriveras à trouver le chemin ? demande Emilia, les yeux dans le vide.
- Oui... Le plus difficile, ce sera de passer inaperçu vu que je suis toujours recherché au village Cocorico... Mais en même temps, je pourrai avoir les réponses à mes questions. Après tout, je ne peux pas rester éternellement caché ici... Surtout que j'ai une famille qui m'attend..., explique Link.
Avec mélancolie, Emilia trouve le courage de le regarder.
- Alors dans ce cas, prends mon arc et mes flèches... Tu en auras grandement besoin. Ils viennent de ma nourrice.
- Je ne peux pas accepter de tels présents.
- Allons... si tu n'acceptes pas, je vais te bouder jusqu'à la fin de ma vie, menace Emilia en lui faisant des gros yeux avec un air enfantin.

Comprenant qu'il est impossible de convaincre la jeune femme, têtue comme elle est, Link n'a guère le choix et accepte. Finalement, il rattache l'arme à distance sur son dos et le carquois au niveau de ses hanches.
- Merci Emilia. Avec ça, je... je ne peux pas perdre ! déclare vivement Link avec optimisme malgré la crainte dans ses yeux.
Avec préoccupation, Emilia lui serre la main gauche.
- Surtout, fais attention à toi, Link... S'il te plaît... Depuis la mort de ma mère, je ne veux plus perdre une personne qui arrive à me faire battre le coeur et à me rendre le sourire..., supplie-t-elle d'une voix fragile.

Touché par ses paroles, Link pose affectueusement la main sur sa tête avant de la rassurer :
- Je ferai attention, je te le promets. Quand ça sera terminé, je reviendrai te voir, toi et ma famille. J'ai une promesse à respecter envers vous tous.
Ne sachant plus quoi dire, l'âme désormais plus apaisée, Emilia lui rend un sourire. Timidement, elle approuve de la tête.
- Alors je t'attendrai, déclare-t-elle avec un sourire confiant. Et promis : je me reposerai bien !

Rassuré, Link lui sourit et prend le temps de la contempler. Alors qu'il quitte le village, sous les yeux d'Emilia, de Falgus et de Mina, de nombreux Korogus l'acclament en lui souhaitant bonne chance et en témoignant leur envie de le voir revenir. Le coeur plus léger, Link quitte la forêt des Korogus avec confiance et détermination, prêt à découvrir toutes les vérités qui apaiseront la douleur d'Hyrule à la montagne de la mort.


Bonus : Chapitre 1 du conte légendaire (100 ans avant)

La conscience éveillée, le héros, preux chevalier de la garde royale,
croisa le périple de la prêtresse royale, déterminée à défaire l'être bestial.
Le sang des élus, porteurs de l'espoir, traversa de nombreuses histoires.
Leur lien symbolique, depuis la nuit des temps, détruira l'entité diabolique.
Malgré la prétention du héros, doté d'un coeur fragile, la prêtresse réclama sa présence, prête à surmonter risques et périls.
La légende commença avec innocence, destinée à toucher des larmes de reconnaissance.
Mais également des larmes de souffrance.

Chapitre 10 : Retour à Cocorico   up

Dans les alentours de midi, Link arrive finalement aux frontières du village de Cocorico. La cape noire entoure son cou, tandis que la capuche cache son visage. Attentivement, derrière un arbre, il scrute l'entrée. Deux soldats, complètement ivres, sortent de la taverne en chantant jovialement d'une voix fausse.

Discrètement, Link entre dans le village et se plaque à l'arrière d'une maison. Le coeur battant d'anxiété, il prend le temps de calmer sa respiration. Les yeux posés sur la montagne de la mort, l'Hylien ne se sent pas très à l'aise à l'idée de devoir traverser le village d'une façon aussi lâche. Malgré tout, il serre ses poings afin de regagner son assurance. Une fois le quartier libre, il avance doucement en direction de la taverne. Peu surpris, il remarque un avis de recherche sur le tableau à annonces : son portrait, dessiné par un talentueux dessinateur, y est accroché. En revanche, vu de face, son regard montre beaucoup de froideur.

- Au moins, ils ne m'ont pas raté... Ça fait quand même plaisir..., ironise Link, peu enjoué.

Alors que quelques clients sortent de l'autre côté, le jeune homme n'a pas d'autre choix que de rester à l'arrière. Malgré ses doutes, il évite de fixer le lieu où le drame s'était déroulé pour ne pas faire ressurgir cette horrible soirée qui le hante encore. Le regard poignant, il baisse la tête en posant la main contre son cou.
- Eh toi ! Que fais-tu ici ? s'exclame une voix croassante.
Effrayé, Link se retourne avant de reculer, la respiration haletante.
Devant lui, un soldat au regard prétentieux avance. Il tient une lance dans sa main droite.
- Pourquoi tu caches ton visage ? Tu as l'intention de dévaliser cette taverne, c'est ça ? accuse-t-il d'un ton hautain.

Trop abasourdi pour faire sortir le son de sa voix, Link reste sur place. Seule sa main gauche se glisse à l'arrière de son dos pour empoigner nerveusement le pommeau de son arme. Même si l'idée ne lui plaît guère, il sait qu'il n'aura pas le choix d'utiliser son épée pour l'étourdir.
- Allons ! Qu'est-ce que vous faites ici ? demande Telma, la main posée sur chaque côte.
Surpris, Link baisse la tête afin de mieux cacher son visage. Son coeur s'affole. La gérante de la taverne risquerait de le reconnaître et de le dénoncer.
- Je suis désolé, madame Telma ! s'excuse le soldat d'une voix tremblante. Mais cette personne me paraît suspecte et...
- Vous osez insinuer que mon adorable neveu, venu tout droit d'Ordiala, est suspect ? Ça fait plaisir, dites donc ! Et moi qui vous offre une tournée supplémentaire chaque soir ! enchaîne Telma d'un ton agacé.
- Toutes mes excuses ! Je... je vais me tenir tranquille !
Confus, le soldat se tourne vers Link et s'incline.
- Pardonnez-moi ! Vous êtes aussi charmant que Dame Telma ! Voilà !
Telma esquisse un sourire mesquin en croisant les bras.
- Voilà qui est bien mieux !

Le soldat rit nerveusement avant de quitter les lieux, laissant la gérante de la taverne et le fugitif entre eux. Avec assurance, Telma se retourne vers Link avant de déclarer :
- On peut dire que tu as eu chaud, mon mignon. Si j'étais toi, je ne resterais pas longtemps ici...
Sous le choc, Link se met sur ses gardes. Méfiant, il s'apprête à sortir l'épée contre son gré.
- N'aie crainte : je ne dirai à personne que je t'ai vu ici. Après tout, je suis l'une des rares personnes à te croire innocent vu que j'étais témoin de la scène, explique la femme, désormais plus calme.
Bouleversé, Link renonce à son geste, envahi par la curiosité.
- Vous avez... tout vu ? Mais alors pourquoi vous n'avez rien dit ? interroge ce dernier, toujours aussi confus.
- Je ne voulais pas que les Yigas s'en prennent encore à moi si je révélais leur existence... Ils ont failli tuer mon fils il y a quelques années parce que j'avais dénoncé l'un des leurs à l'armée d'Hyrule... C'est pourquoi je me suis débarrassé moi-même du corps du Yiga... Les cendres que l'armée a obtenues ne sont pas celles du Capitaine Pawel mais d'un sanglier. Ni vu, ni connu, explique Telma avec un sourire attristé.
- Mais... alors, c'est donc vrai... Pawel est vivant...
- Oui. Après avoir su que les Yigas étaient revenus dans ce village, il s'est empressé d'aller les combattre et de trouver leur repaire...
N'en revenant pas de ce qu'il vient de découvrir, Link baisse la tête en sentant son coeur se décontracter avec soulagement.
- Pawel est bel et bien vivant..., déclare Link avec un sourire plus apaisé malgré la mélancolie dans ses yeux. Quel soulagement... J'ai eu tellement peur d'avoir perdu celui qui a été comme un père pour moi...
La culpabilité envolée une bonne fois pour toute, seule la détermination éclate au fond de son coeur à présent.
- Mais alors, comment pourrais-je prouver mon innocence ? J'imagine que si je révèle l'existence des Yigas, alors ça veut dire que...
- Que tu courras un grand danger. Toi et tes proches. Excuse-moi d'être une lâche. Mais ma vie de famille est plus importante que tout. Mais à présent, que comptes-tu faire maintenant que tu as obtenu des réponses ?
Link se tourne vers la montagne de la mort.
- Me rendre à cet endroit..., révèle-t-il. J'ai quelque chose à faire avant de régler mes problèmes personnels.
Telma croise les bras et fixe le jeune homme.
- Ça ne sera pas facile avec tous les soldats en ville, bien qu'ils soient à la recherche d'une autre personne... Mais c'est loin d'être impossible. Hum...
Après plusieurs secondes de réflexion, elle claque ses mains avant de s'exclamer :
- Ecoute, je crois que j'ai une petite idée... Viens avec moi !
Sans crier gare, Telma prend la main de Link et l'entraîne jusqu'au puits de la cour.
- En passant par-là, tu pourras traverser le village Cocorico sans aucun problème. Bien sûr, il faut savoir nager et retenir sa respiration ! Est-ce que tu y arriveras ?
Peu enjoué par la solution de dernier recours, Link se penche sur le rebord et fixe l'eau.
- Vous êtes sûre que c'est sans danger... ? Ça a l'air d'être profond et...
- Roh ! Ne fais pas le fragile ! Allez, je te souhaite bon courage et surtout, ne bois pas la tasse ! Ne t'inquiète pas : l'eau de ce puits est filtrée avant d'être bue par les villageois ! s'exclame vivement Telma en le poussant.
Pris au dépourvu, Link tombe dans le puits en poussant un cri d'effroi qui résonne en écho.
- Bonne chance petit, murmure-t-elle avec confiance.

* * *

Dans les profondeurs du puits, la tête de Link émerge de l'eau. Comme il n'a pas pied, l'Hylien regarde à toute vitesse les alentours afin de chercher quelque chose à quoi se raccrocher, en essayant de garder son sang-froid. La température de l'eau est loin d'être désagréable finalement, et grâce à la propreté de l'eau, il aperçoit un long couloir presque entièrement submergé. Après avoir pris son souffle, il plonge dans sa direction. Bien qu'il soit loin d'être un nageur exceptionnel, il parvient à se débrouiller sans aucune difficulté. Plus l'épéiste traverse le couloir entre les deux murs en pierres, plus l'oxygène commence à lui manquer. Aussitôt, il remonte à la surface, profitant du peu d'espace pour reprendre l'air, sa tête touchant le plafond. Pris d'une quinte de toux, la respiration accélérée, il regarde droit devant lui avant de plonger à nouveau.

Après ce qui lui paraît être une éternité, il arrive enfin au bout du "tunnel", épuisé par tant d'efforts. Une dernière fois, il remonte à la surface, en dessous d'une planche en bois, qu'il pousse avec soulagement. Les doux rayons du soleil agressent instantanément ses yeux. Au centre d'une clairière, au bout du village, Link sort. Trempé jusqu'aux os, il ne peut s'empêcher de grimacer de froid. Cependant, rien ne vaut d'être à l'air libre et il prend le temps de respirer un bon moment. Puis, ses oreilles, devenues à présent avides, entendent une étrange mélodie, à la fois joviale et entraînante. Elle semble même avoir le don d'éclater une tempête déchaînée. Intrigué, il finit par apercevoir un homme assis contre un arbre. Le crâne chauve, vêtu d'un simple haut et short bleu, l'intéressé continue de faire tourner la manivelle d'un tourne-disque en chantonnant avec un large sourire.

- Lalala.... Lalala ! Lalalalalala ! chante vivement ce dernier.
Link prend le risque de s'approcher afin de l'écouter, emporté par la mélodie qui le marque.
- Oh ! remarque le musicien avec stupéfaction en continuant de jouer. Bonjour ! Etes-vous intéressé par ce magnifique chant ! Voilà qui fait plaisir à voir ! Depuis le meurtre et la disparition de la Princesse, le monde devient fou. Personne ne prend plus le temps d'écouter mon talent ! Vous vous rendez compte ? Il ne faut pas s'étonner que mon chant puisse provoquer une pluie incessante !
Sur ces dernières paroles, poussées par une frustration, il agite rapidement la manivelle.
- La disparition de la Princesse ? répète Link avec perplexité.
- Mais oui ! Juste la veille de son mariage ! Les soldats deviennent fous, voire ivres lorsqu'ils entrent à la taverne ! raconte l'inconnu en chantonnant.
Peu pensif, Link continue d'écouter attentivement la mélodie.
- Hey le vieux Guru-Guru ! Tu ne peux pas la faire fermer ta maudite boîte à musique ! râle un soldat en arrivant sur les lieux.

Le regard horrifié, Link se retourne légèrement. Aussitôt, le soldat s'exclame :
- Tu... mais... je te reconnais ! Enfin, tu es de retour ! Alors, as-tu l'intention de faire couler encore le sang, maudite réincarnation de Ganon ?
À ces mots, il siffle de toutes ses forces pour donner l'alerte.
- Argh ! Ce n'est pas vrai ! tique Link, frustré.
Sans perdre une seconde, il s'enfuit, la cape noire flottant dans le vent.
- Lalala Lalala ! Un assassin s'enfuit ! Un assassin s'enfuit ! chante toujours vivement Guru-Guru.
En remontant une petite colline, Link entre dans un jardin. Au fond, se trouve un abri pour les cocottes aux plumes marron.
- Arrêtez-le ! Il est là-bas ! s'écrie un soldat au loin.
Submergé par l'anxiété, Link scrute hâtivement les alentours avant d'avancer.
- Hé ! Qu'est-ce que vous faites ici ? demande la propriétaire de la demeure en lui faisant barrage après être sortie en courant de sa maison.

Les cheveux mi-longs bruns et les yeux noisette ronds, la jeune femme s'affole. Sa longue robe bleue est salie par les graines qu'elle donne aux cocottes. Le capitaine, le même que la dernière fois, ainsi que deux soldats finissent par arriver à leur tour.
- Te voilà, toi ! s'exclame le leader. Ça me fait plaisir de revoir ta sale tête !
- Eh ! Que faites-vous ici dans le monde de mes cocottes ? demande la femme avec mécontentement aux soldats.
- Veuillez nous excuser, madame Anju ! Mais ce fugitif, il faut l'arrêter avant qu'il ne tue encore une autre personne !
- Quoi ? Oh non, pas mes cocottes ! N'y touchez pas, assassin ou je vous jette des graines ! panique Anju en direction de Link, armée d'un petit sac de graines.
- Euh... vous vous inquiétez d'abord pour vos cocottes... ? Hum ! Soit ! Qu'on l'arrête sur le champ ! ordonne le capitaine, s'efforçant de rester sérieux, la main désignée qui évoque le pouvoir de l'autorité.

Link recule, ne sachant pas quoi faire. Il ne veut pas sortir son épée par peur de blesser ces soldats manipulés. Derrière la clôture, seule une grande falaise l'attend, menant au chemin de la montagne de la mort. En fixant une cocotte, une idée surgit aussitôt dans sa tête. À toute hâte, il s'empare de l'animal et la soulève au-dessus de sa tête. Paniquée, la cocotte glousse sans s'arrêter. Link monte sur la clôture avant de sauter dans le vide.

- Non ! Le fugitif ! s'exclame le capitaine avec un regard ahuri en s'approchant.
- Ma cocotte ! Non ! panique Anju en larmes.
Cependant, grâce aux petites ailes étonnantes de l'animal, Link parvient à voler jusqu'au chemin rocheux de la montagne de la mort. Il se retourne vers les soldats en leur lançant un sourire triomphant, content d'avoir pu réussir à les semer.
- Soldats ! Sortez votre arc et vos flèches explosives ! ordonne le capitaine, de plus en plus agacé par les échecs qui s'accumulent.
- Vous n'y pensez pas ! Si jamais vous osez blesser ma cocotte, non seulement je transformerai votre vie en enfer mais en plus, vous subirez le courroux des cocottes ! s'exclame Anju avec un air téméraire.

Le capitaine lâche un souffle d'exaspération et râle :
- Bon d'accord ! On a compris ! Pas la peine de hurler ! Vous deux, venez... Je vous paye une tournée, exceptionnellement...
- Mais il faut que nous trouvions la princesse ! rappelle le premier soldat.
- Je m'en contrefiche ! Toute l'armée est à sa recherche en ce moment, dans tout Hyrule ! Mêmes certains peuples nous ont prêté alliance ! On peut bien se détendre un peu quand même ! C'est même un ordre !
Se mettant au garde-à-vous, les deux soldats obtempèrent malgré eux à l'ordre plus qu'étrange de leur capitaine.
- Ma cocotte ! sanglote Anju en regardant le ciel. C'est encore plus triste que lorsque Kafei était parti pendant toute une semaine...

* * *

Au même moment, la cocotte continue de planer, portant de toutes ses forces Link, les mains agrippées à ses pattes. Soudainement, les petites ailes fatiguées, elle commence petit à petit à perdre de l'altitude.
- Oh non... non ! Ne me fais pas ça maintenant ! Je vais me fracasser le cou au sol ! panique Link.
Hélas, la cocotte finit par tomber. Les mains relâchées sous le coup de la pression, l'Hylien tombe à toute vitesse en direction du sol en poussant un hurlement. Au dernier moment, il s'agrippe maladroitement à une paroi rocheuse et plante son épée dans une crevasse. Tout en bas de la falaise, il constate avec épouvante la présence d'une rivière de lave. S'il lâche prise, ce serait la mort assurée sans nul doute.

- Oh bon sang..., murmure Link avec un air exaspéré.
Avec persévérance et calme, il parvient à remonter en lâchant un soupir de soulagement une fois au bord.
- Si je suis vraiment la réincarnation du héros, chose que j'ai du mal à croire, alors je suis le moins chanceux du monde, ironise-t-il en prenant son souffle.
- Oh ! Que fait un petit bonhomme comme toi par ici ? questionne une voix féminine très grave.
Surpris, le jeune homme lève la tête avant de distinguer une créature à la peau marron, mi-humaine mi-rocher. Les yeux ronds, le crâne chauve et le ventre arrondi, il n'y a aucun doute : il s'agit d'un Goron. Le peuple vivant dans la montagne de la mort.
- Ah... je... je me suis perdu. Est-ce que vous savez où se trouve l'esprit de ces lieux ? interroge Link, préférant aller droit au but.
- L'esprit de ces lieux ? Mais pourquoi ? s'étonne le Goron. Qui êtes-vous ?
- Link. Je suis un... voyageur ! Voilà !
Abasourdie, la créature rocheuse se gratte le menton.
- Link... Mais ce prénom ! C'est le prénom d'un de mes ancêtres ! s'exclame-t-elle. Enchantée ! Je m'appelle Dounia ! La fille du chef des Gorons ! Suis-moi !
Etonné, Link ne cherche plus à comprendre et la suit sans hésitation.

* * *

Une dizaine de minutes plus tard, alors que le chemin devient de plus en plus escarpé, Link éprouve beaucoup de mal à suivre la créature rocheuse. Il est vrai que la chaleur ne l'aide pas, surtout que le ciel est caché par une fumée sombre. Obligé d'enlever la cape qui l'étouffe tant, il s'arrête finalement pour se reprendre.

- Oh ! Tout va bien ? demande Dounia en s'approchant de lui.
- Oui... c'est juste que... c'est épuisant...
- Oh ! Voir autant de sueur sur ton front te va à ravir ! constate le Goron d'un air maladroit.
- Euh...
Dounia rit avant d'ajouter :
- Courage ! Nous y sommes presque ! Le village se trouve en haut de cette route ! Viens ! Oh ! Tu veux que je te porte peut-être ?
- N... non ! J'y arriverai bien ! rassure Link, loin d'être enjoué.
- Comme tu veux !

En soupirant de soulagement, Link continue de monter cette horrible route. Mais, contre toute attente, il parvient finalement au sommet sans s'arrêter de nouveau. Sous ses yeux, oscillant entre la curiosité et l'étonnement, il distingue un petit village sous un ciel ouvert. Toutes les maisons sont en pierres, tandis qu'un feu de camp illumine la place, peuplée de nombreux Gorons savourant de nombreux cailloux.

- Voilà mon village ! Viens ! annonce Dounia en le conduisant jusqu'au centre.
Assoiffé à cause de la chaleur, Link regarde à peine les villageois qui le dévisagent, n'ayant pas l'habitude de voir un touriste dans un endroit pareil. Puis, arrivé devant le feu, il remarque un vieux Goron, les longs cheveux grisâtres tombant sur ses épaules ridées, se lever. Il se tient sur une canne en fer.
- Oh ! Un Hylien ici ? Par tous les rochers, c'est rare ! constate-t-il d'une voix grave.
- Il s'appelle Link, père ! présente Dounia aux côtés du chef.
- Link... Le héros légendaire... ? Ce n'est pas croyable...

Calmement, Link ne lui répond pas et continue de le fixer, prêt à en apprendre plus sur l'esprit Ordinn mais également, sur la véritable nature de son sang.

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Elincya". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

Le Palais de Zelda :: Webmaster: Ariane
Design créé par Sylvain
www.palaiszelda.com :: Copyright © 1999-2024
Note légale : Ce site est protégé par les lois internationales sur le droit d'auteur et la protection de la propriété intellectuelle. Il est strictement interdit de le reproduire, dans sa forme ou son contenu, sans un accord écrit préalable du "Palais de Zelda".
retour au haut de la page
Mis à jour le 20.04.24