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Le Temps d'un Crépuscule

Partie 3 : La Clef de la Mémoire

Ecrit par Cristal en 2013
Chapitres 1 à 14   •   Chapitres 15 à 26
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 15

Toute la nuit, les paroles de Moï résonnèrent dans l'esprit du Héros du Crépuscule : "je suis déçu", "tu m'as menti". Link s'en voulait d'avoir donné à son mentor des raisons de douter de sa sincérité. À présent, il était vraiment seul. Les membres de la Résistance ne tarderaient pas à suivre le maître d'armes et ce serait probablement aussi le cas pour Thelma et Iria.

Iria ! Il l'avait traitée avec beaucoup de méchanceté et regrettait de ne pouvoir s'excuser auprès de son amie. Elle garderait une mauvaise image de lui. Ils ne se reverraient plus. Sans doute était-ce préférable...

Lorsque le jour s'annonça, Link n'avait pas fermé l'oeil. Il observa la lumière du jour s'intensifier lentement. Bientôt, les premiers chants de coqs se firent entendre et des bruits de pas résonnèrent dans le couloir. Ces derniers provoquèrent une accélération des battements de coeur du jeune homme. Cette fois, c'était la fin : le retour à sa condition d'esclave, avec un châtiment exemplaire pour décourager les autres de faire la même tentative.

Vernarte entra suivi de plusieurs gardes. Ils s'arrêtèrent près la grille, en attendant que leur chef vienne leur ouvrir la porte. Link s'était levé, la tête haute, ses mains enchaînées placées devant lui. Le prisonnier ne voulait pas que son ennemi sache à quel point il avait peur.

Quand la serrure fut déverrouillée, deux soldats pénétrèrent dans la cellule, suivis de Vernarte. Celui-ci libéra les poignets de Link et les lui attacha dans le dos.

"N'espère pas pouvoir t'échapper ! Tu es vraiment seul à présent ! Plus de Héros du Temps pour venir te sauver !"

Surpris par cette remarque, le jeune homme regarda son ennemi. Comment pouvait-il être au courant de l'aide que son ancêtre lui avait apportée ? Le général sourit devant l'air interrogateur de son prisonnier.

"Tu te poses sans doute beaucoup de questions, mais ne t'inquiète pas ! Dans quelques heures, tu comprendras beaucoup de choses ! Malheureusement pour toi, tes problèmes ne font que commencer."

Les soldats attrapèrent Link par les bras et le trainèrent hors de la cellule. Le petit groupe traversa les couloirs rapidement et se retrouva à l'extérieur, à proximité des jardins du château. Ils lâchèrent le prisonnier et se placèrent avec leurs collègues tout autour de lui. Le jeune homme distingua le son des cors qui annonçait un rassemblement. Son coeur se serra. Ils avaient organisé son départ comme un spectacle.

Un événement lui revint en mémoire : quand il était sorti de l'enceinte du palais, enchaîné, pour se rendre sur le lieu de son châtiment. Le Héros du Crépuscule avait dû marcher au milieu d'une foule en colère contre lui.

Link prit une profonde inspiration et suivit les gardes qui le menèrent vers la grande porte qui s'ouvrait sur la citadelle. Il n'entendait aucun bruit provenant de la ville. Pourtant, dans son souvenir, les clameurs étaient nombreuses lors de son dernier "bain de foule". La cité était-elle déserte pour qu'on ne perçoive même pas le brouhaha du marché ?

En arrivant sur la place principale, Link observa autour de lui. L'endroit était noir de monde, mais il n'y avait aucun son. Tous fixaient le prisonnier dans un silence écrasant. Le Sauveur d'Hyrule s'avança, poussé par son escorte. Tout le long du chemin qu'il fallait emprunter pour gagner la sortie est, des habitants bloquaient les issues, lui retirant ainsi tout espoir de fuite.

Il marcha dans le calme absolu. Seuls les pas du petit groupe se faisaient entendre. Le jeune homme aurait préféré des cris et des injures à cette démonstration muette qui lui brisait le coeur.

Il sentait les regards sur lui et voyait la déception dans les yeux des citadins. La même que celle qu'il avait tant redouté de lire dans ceux de son mentor : ils avaient admiré et pleuré pendant sept ans un Héros qui s'était révélé bien peu digne de leur respect !

Link fut presque soulagé en arrivant à la porte de la ville. Il se laissa emmener par les soldats de l'autre côté du pont. Vernarte les précédait. Ce dernier s'adressa au général Cadmeen, venu en personne chercher le prisonnier.

"Je vous le ramène ! Tâchez de ne pas le perdre cette fois !"

Le général de l'armée de Tradan adressa un regard mauvais à son homologue. Link fut remis aux mains des soldats qui attendaient. Vernarte se tourna vers le jeune homme.

"Je te souhaite bien du plaisir ! Je sais de source sûre que ce qui t'attend là-bas ne sera pas de tout repos.
- Je sais que je n'en ai plus pour très longtemps, ne te fatigue pas !
- Détrompe-toi ! Tu es très attendu et tu auras droit à un traitement de faveur. Après tout, tu es un Héros !"

Link n'eut aucune réaction. Vernarte repartit vers la citadelle, suivi de ses hommes. Cadmeen fit signe aux gardes qui entourèrent le prisonnier. Le groupe se mit en marche en direction du lac Hylia où le roi de Tradan avait établi son camp.

Durant le long trajet, Link regardait autour de lui pour enregistrer les images d'un pays qu'il croyait ne plus revoir. Ses pensées le conduisirent au village de Toal où vivaient ceux qui avaient rendu son enfance heureuse, malgré la perte tragique de ses parents.

Les troupes de Tradan s'étaient installées sur les rives du Lac Hylia. Link l'aperçut en traversant le pont surplombant cette étendue d'eau. Ensuite, ils prirent un petit chemin qui descendait doucement jusqu'aux tentes qui avaient été déployées. L'une d'elles, plus grande que les autres, attira l'attention du jeune homme. Il la connaissait. Son coeur se mit à battre plus fort.

Au fur et à mesure de leur progression, Link sentait sa peur s'accentuer. Les soldats menèrent leur prisonnier en direction de cette gigantesque toile qui avait été dressée à l'écart. Probablement celle du souverain. Le héros du Crépuscule fut conduit à l'intérieur. À peine entré, il eut un choc.

L'endroit lui était familier. Il reconnut la table où ses armes avaient été entassées, les sièges munis de coussins et les différents meubles. Le général congédia les gardes et resta seul avec le captif. Ce dernier observait le décor et n'en croyait pas ses yeux.

"Mets-toi à genoux, ordonna-t-il à Link, tu as l'honneur d'être mis en présence du roi de Tradan."

Mais le jeune homme n'avait pas bougé. Cadmeen posa alors les mains sur les épaules de son captif et poussa vers le bas pour l'obliger à plier les jambes. Le choc tira Link de ses pensées.

"Mon roi, je vous ai amené l'esclave en fuite. Il nous a été remis sans condition.
- Parfait ! Laisse-nous ! Mais ne t'éloigne pas trop !"

Cette voix, Link la reconnut sans aucune difficulté. Il leva les yeux et vit celui qui avait parlé. Ce fut comme si le ciel lui tombait sur la tête. Devant lui se tenait celui qu'il pensait avoir vaincu : Ganondorf.

"Non, c'est impossible ! Pas encore !
- Tu pensais réellement que je n'allais pas mettre à profit les précieuses informations que m'avait données cet incapable de Xanto, ricana-t-il. Je savais que tu me vaincrais bien avant que tu ne te sentes impliqué dans cette histoire. Alors, j'ai décidé de te tendre à nouveau un piège, sachant que tu serais à mille lieues de penser que je puisse le faire.
- Qui ?
- Tu veux savoir qui tu as tué ? Un de tes vieux amis ! Celui qui m'a permis de faire de toi un criminel. Je lui ai tendu un guet-apens à lui aussi. Il ne devait surtout pas sortir vivant de ce combat. Tu devais croire en ma mort pour la poursuite de mon plan.
- Si je comprends bien, ce n'était pas toi au palais.
- Bien sûr que non ! J'ai profité du fait que tu ne m'avais jamais vu et cette idiote de Midona non plus. Ton double a parfaitement joué son rôle. Je lui ai fait croire qu'il dirigerait Hyrule en cas de victoire ! Mais tu as gagné. Alors, j'ai mis mon dernier plan à exécution. Vois-tu, j'avais mis à profit le temps passé dans le palais pour consulter les ouvrages de la bibliothèque. J'en ai trouvé un très intéressant.
- De quoi parles-tu ?
- De ce livre que tu as eu l'impudence de me voler !
- Je n'ai..."

Link ne put terminer sa phrase. Ganondorf venait de s'approcher du jeune homme et de lui asséner un formidable coup sur la tête qui l'envoya contre une des chaises et lui laissa une marque rouge sur la joue.

"Ne me mens pas ! Je sais que c'est toi qui l'as, car il a disparu le jour de ta fuite. Alors, tu vas gentiment me raconter comment tu as réussi à déjouer la surveillance placée autour de toi et tu vas me donner le nom de tes complices.
- Je ne peux rien te révéler. J'ai perdu la mémoire !
- D'après ce qu'on m'a dit, tes souvenirs te sont revenus.
- Pas tous !
- Je n'en crois rien. Tu répondras à mes questions de gré ou de force !"

Ganondorf s'approcha d'une petite sonnette qu'il fit retentir. Aussitôt, le général Cadmeen apparut.

"Il ne semble pas disposé à nous apporter sa collaboration. Préparez-le pour l'interrogatoire.
- À vos ordres, mon roi, répondit le général en s'inclinant.
- Commencez par lui retirer ce vert que j'abhorre."

Cadmeen appela les deux gardes qui surveillaient l'entrée. Ceux-ci maintinrent le Héros du Crépuscule immobile pendant que le général le détachait. Il l'obligea ensuite à retirer sa tunique et sa cotte de mailles ainsi que son bonnet.

"Faites porter ces vêtements au château d'Hyrule. Ils doivent déjà avoir besoin d'un nouveau défenseur."

Link leva la tête vers le général.

"À cette heure, ton ami Vernarte a probablement pris le pouvoir sur le royaume au grand désespoir de tes amis qui regrettent sûrement de t'avoir livré."

Cadmeen releva le jeune homme en l'attrapant par les cheveux et le fit sortir de la tente. Il l'emmena vers une grotte située non loin de là dans laquelle avait été installé tout un appareillage destiné à l'interrogatoire des prisonniers. Des instruments étaient accrochés aux parois et un lit de torture trônait en son milieu.

Link y fut allongé sur le ventre et rapidement attaché. Ses tentatives de résistance furent inefficaces. De douloureux souvenirs lui revinrent en mémoire. Sur un des murs était exposé un nombre incalculable d'objets de toutes sortes, plus cruels les uns que les autres.

Le Héros du Crépuscule ferma les yeux. Il refusait de se laisser aller à la panique en faisant l'inventaire des supplices que pourrait lui infliger son ennemi. Le jeune homme apprendrait suffisamment tôt ce que Ganondorf lui réservait.

Peu de temps après, celui-ci fit son apparition.

"J'espère que tu es bien installé, car j'ai de nombreuses questions à te poser."

Link ne répondit pas, se contentant de fixer son adversaire avec attention. Il tentait de faire bonne figure devant son bourreau, mais la terreur s'était emparée de lui. Après avoir relevé la chemise du prisonnier, Ganondorf sourit en remarquant les cicatrices sur son dos, sachant parfaitement d'où elles provenaient.

Il prit une cravache sur le mur. Le roi de Tradan contourna la table où le jeune homme était attaché, frappant la tige sur sa main à intervalles réguliers. Chaque claquement faisait sursauter Link qui se rappelait à chaque coup le souvenir de la froide morsure de l'instrument sur sa peau. Les battements de son coeur s'accélérèrent.

Voyant l'effet produit sur le captif, le monarque se mit à rire. Par cruauté, il posa l'extrémité de son outil à la base du cou de Link et le glissa le long de sa colonne vertébrale, provoquant une crispation de ses muscles.

"Voyons voir si tu as compris ! Réponds à mes questions et il ne te sera fait aucun mal ! Commençons par une simple : donne-moi le nom de la personne qui t'a aidé à t'enfuir !
- Je ne sais pas.
- Mauvaise réponse", ajouta Ganondorf avant d'abattre la cravache sur le prisonnier.

Le Héros du Crépuscule serra les dents.

"Ne te retiens pas ! J'adore les hurlements de douleur.
- Je ne te ferai pas ce plaisir !
- Nous verrons si tu es toujours de cet avis dans un moment", dit-il en frappant de plus belle.

Les coups que donnait Ganondorf étaient bien plus puissants que tous ceux de Vernarte. Le jeune homme sentait qu'il ne pourrait retenir ses cris très longtemps. La voix du roi de Tradan retentit à nouveau !

"Tu as reçu de l'aide d'un membre de mon armée, donne-moi son nom que je puisse lui infliger la même punition qu'à toi !
- Je... ne sais pas !
- Encore une mauvaise réponse !"

La cravache s'abattit de nouveau sur le dos du jeune homme, mais cette fois-ci, Iria n'interviendrait pas pour le sauver ! Il ferma les yeux et serra les dents en attendant que la douleur s'atténue.

"Je ne crois pas à cette histoire de mémoire perdue ! Alors, parle !
- Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas."

Ganondorf s'approcha du Héros du Crépuscule, l'attrapa par les cheveux et lui leva la tête.

"Ne joue pas avec moi ! Tu sais de quoi je suis capable, ajouta-t-il en caressant la joue du jeune homme avec l'objet. Que dirais-tu d'une jolie cicatrice au milieu de ce beau visage ?
- De toute façon, tu as prévu de me tuer, alors fais ce que tu veux, répondit Link.
- Pas avant que tu ne m'aies dit où tu as caché le livre !
- Je n'ai...
- Je sais que tu ne l'avais pas sur toi au moment où tu as été retrouvé. J'ai envoyé Vernarte interroger l'homme qui t'a soigné !
- Reynald ? Non !
- Ne t'inquiète pas ! Aucun mal n'a été fait à ton ami. Le général a prétendu que la princesse l'avait envoyé et que tu avais parlé d'un livre dans ton sommeil. Alors, le prêtre lui a tout raconté : comment il t'avait retrouvé et à quel endroit. Le cheval a aussi été fouillé. Donc tu ne l'avais plus en arrivant à Cocorico. Alors, dis-moi où tu l'as caché !
- Je ne me rappelle pas !
- Ça, tu l'as déjà dit !"

Ganondorf lâcha la tête de Link qui retomba bruyamment sur la table. Il reprit sa cravache et se mit de nouveau à marteler le dos du malheureux jeune homme qui ne put contenir ses cris. Au bout de plusieurs minutes, les coups cessèrent. À ce moment, la doctoresse qui avait soigné Link lors de son arrivée à Tradan entra dans la pièce.

"Vous m'avez fait appeler, mon roi ?
- Oui, examine-le, je veux savoir s'il est encore capable de répondre à mes questions."

Le médecin s'approcha de Link et observa son dos. Celui-ci était couvert de marques profondes. Puis, elle regarda ses yeux avant de mesurer la vitesse de ses battements de coeur.

"Il peut encore résister, mais plus pour longtemps. Si vous insistez trop, il finira par s'évanouir.
- Dans ce cas, je vais lui apprendre à ne pas se moquer de moi !"

Ganondorf se remit à frapper Link de toutes ses forces. Les cris de celui-ci se faisaient plus intenses. Il sentait la brûlure de l'instrument sur sa peau et le sang couler sur son dos.

Au bout de quelques minutes, le tortionnaire s'aperçut que son captif avait cessé de hurler. Il avait sombré dans l'inconscience.

Chapitre 16   up

En ouvrant les yeux, le Héros du Crépuscule s'aperçut qu'il était toujours dans la salle de torture aménagée par Ganondorf. La souffrance dans son dos se réveilla aussitôt. Un oreiller avait été placé sous sa tête. Le jeune homme regarda autour de lui. Une voix féminine résonna.

"Alors, on émerge enfin, beau blond."

Link observa celle qui avait parlé, il reconnut immédiatement la doctoresse qui avait soigné son épaule.

"Où est-il ?
- Mon maître s'est rendu au château d'Hyrule.
- Pour quelle raison, demanda Link, soudain inquiet.
- Cette affaire ne te concerne en rien", répondit-elle d'une voix douce.

Elle s'approcha en tendant la main vers le visage du jeune homme. Celui-ci voulut reculer, mais les liens qui le retenaient à la table l'empêchaient de bouger. Une intense douleur le fit grimacer au moment de son premier mouvement.

"Ne sois pas si craintif, je ne te veux aucun mal, bien au contraire, dit-elle en lui caressant la joue.
- Je vous interdis de me toucher, répondit Link en serrant les dents.
- Et tu penses que tu vas pouvoir m'empêcher de faire ce que je veux. Tu souffres dès que tu fais une action. Laisse-toi faire, je pourrais rendre ta détention beaucoup plus agréable !"

Disant ces mots, elle passa sa main sous la chemise du Héros du Crépuscule qui ne put réprimer un frisson.

"Ton corps réagit déjà..."

Juste à ce moment-là, le général Cadmeen entra suivi de deux gardes.

"Tu es là pour le soigner afin que l'interrogatoire puisse se poursuivre, pas pour lui conter fleurette. Si tu ne veux pas que ta petite conversation soit rapportée à notre roi, tu ferais mieux de te remettre bien vite au travail."

Déçue et irritée par cette arrivée inopinée, la femme médecin retira sa main du torse de Link et alla chercher un plateau garni de matériel de soin. Elle s'approcha du dos du prisonnier et souleva sa chemise. Le sang avait séché sur les marques laissées par la cravache.

La doctoresse prit un morceau de tissu épais qu'elle trempa dans un petit récipient d'eau et se mit à nettoyer les plaies, sous le regard sadique du général.

"Fais correctement ton boulot, il ne doit pas mourir avant de nous avoir tout dit !
- Je sais parfaitement ce que j'ai à faire !
- Oui et tu as aussi un petit faible pour lui ! Mais tu connais parfaitement le sort qui l'attend et tu ne pourras rien faire pour l'aider. Alors, ne lui donne pas de faux espoirs..."

Le docteur Pelly ne répondit pas et se concentra sur sa tâche. Elle commença par nettoyer les traces de sang séché. Les muscles de Link se crispaient sous la douleur provoquée par ce geste. Cadmeen observait les réactions du jeune homme en souriant.

La femme prit un autre linge et le badigeonna d'un liquide transparent. Elle se mit à tamponner le dos de Link. Celui-ci ressentait des contacts à des endroits où il n'y avait aucune blessure. Les doigts du praticien courraient sur ses bras et sur l'arrière de son cou, lui donnant des frissons désagréables.

Pour terminer, elle appliqua un baume sur les plaies et replaça la chemise du prisonnier, au grand soulagement de celui-ci.

"Voilà, un peu de repos et vous pourrez recommencer votre interrogatoire musclé !"

Le général se tourna vers les gardes qui l'accompagnaient.

"Emmenez-le rejoindre la prisonnière !"

Les soldats détachèrent Link et le remirent debout. Après ces douloureuses épreuves, le jeune homme avait perdu une grande partie de ses forces et ses geôliers durent le soutenir pour éviter qu'il ne s'écroule sur le sol.

"Faites-lui donner un repas convenable ! Il va en avoir besoin."

Le Héros du Crépuscule fut entraîné à l'extérieur de la grotte et conduit vers une tente devant laquelle deux soldats montaient la garde. Link y fut introduit et vit une femme étendue sur une banquette. Celle-ci tournait le dos aux nouveaux venus.

Lorsque ses accompagnateurs le lâchèrent, il s'écroula sur le sol dans un cri de douleur qui fit sursauter sa compagne de détention. Un des hommes fixa un bracelet de fer à sa cheville. Celui-ci était accroché par une chaîne à un anneau planté dans la terre. Ensuite, les prisonniers furent laissés seuls.

À ce moment-là, Link entendit une voix familière.

"C'est toi ?"

Le Héros du Crépuscule se retourna et eut un choc.

"Ash ? Que fais-tu là ?"

Le jeune homme voulut se tourner vers son amie, mais il fut arrêté par une forte douleur. Elle se précipita vers lui, s'apercevant soudain de sa pâleur.

"Que t'ont-ils fait ?
- Ganondorf voulait me faire dire où j'avais caché un livre dont j'ignore tout.
- Un livre ?
- D'après lui, je me serais enfui en l'emportant !
- Je comprends mieux certaines de ses questions...
- Il t'a interrogée, toi aussi ?
- Oui, ce tyran voulait savoir comment j'avais réussi à déjouer la surveillance qu'il avait mise autour de toi."

Link regarda Ash.

"Tu veux dire que c'est toi qui m'as délivré ?
- Tu ne t'en souviens pas ?
- Non, je me suis réveillé dans une chambre de l'auberge de Cocorico sans aucun souvenir des sept dernières années."

Le Héros du Crépuscule raconta à la jeune femme tout ce qu'il s'était passé depuis son retour au royaume d'Hyrule. Elle l'écouta sans l'interrompre.

"Et maintenant, ils pensent tous que je ne vaux pas mieux que Ganondorf !
- Moï te connait trop bien pour penser une chose pareille ! Et les autres membres de la résistance aussi ! Quant à Iria, elle t'aime !
- Pas après la façon dont je l'ai traitée et je ne pourrai jamais m'excuser !
- Tu penses vraiment que nos amis vont te laisser tomber ?"

À ce moment, Cadmeen entra dans la tente portant un plateau qu'il déposa devant les prisonniers.

"Il y en a pour deux ! Vous aurez besoin de toutes vos forces pour votre prochain interrogatoire !"

Après son départ, Link regarda Ash. Il venait de comprendre que Ganondorf comptait se servir d'elle pour le faire parler.

"Tu devrais manger. Tu es pâle et tu as subi des mauvais traitements.
- Je n'ai pas très faim. Et puis, je préfère mourir plutôt que de retourner là-bas.
- Garde confiance en tes amis. Cette fois, ils savent où tu es !"

Elle s'empara d'un morceau de pain sur le plateau et le lui tendit. Link le prit. Il était chaud. Devant l'air étonné du jeune homme, Ash expliqua.

"Ils tiennent à te garder en bonne santé entre les différentes séances de tortures. Cela sert à te déstabiliser. C'est une technique assez courante. Alors, sois plus fort qu'eux !"

Ils avaient eu droit chacun à un bol de soupe de légumes chaude et épaisse qui rendit un peu de couleurs au visage de Link. Après le repas, Ash l'aida à se relever et à se coucher sur la banquette. Il avait avant tout besoin de se reposer.

Le Héros du Crépuscule ferma les yeux et s'endormit aussitôt, vaincu par la fatigue, la peur et la douleur. Au bout de deux heures, il se réveilla et observa la jeune femme, assise à ses côtés. Elle l'avait veillé pendant son sommeil.

"Raconte-moi comment tu m'as retrouvé ! Ça m'aidera peut-être à me souvenir.
- J'étais partie en exploration, comme les autres te l'ont expliqué et je suis allée au royaume de Tradan. Je posais des questions, mais personne ne semblait t'avoir vu. Un soldat m'a contactée un peu avant que je ne quitte le pays. Il affirmait pouvoir m'aider à te retrouver.
- Qui était-ce ?
- Je l'ignore, il ne m'a jamais donné son nom et cachait son visage sous un casque. Vu la suite des événements, il a bien fait.
- D'où l'interrogatoire de Ganondorf.
- Oui, il avait deviné que je ne pouvais pas avoir agi seule.
- Que t'a-t-il appris ?
- Il m'a expliqué que tu avais été réduit en esclavage par un procédé qui t'empêchait de te défendre. D'après lui, chaque année, tu étais sorti de ton état pour permettre à celui qui t'avait vendu de venir te voir.
- Vernarte !
- Le général ? C'est lui qui... Il cache bien son jeu. La princesse Zelda lui accorde toute sa confiance.
- Je sais. À l'heure actuelle, il a certainement réussi à prendre le contrôle du pays.
- La Résistance ne le laissera pas faire ! Et ils trouveront un moyen de te libérer."

Link baissa la tête et repensa aux dernières paroles de Moï.

"Cet homme m'a annoncé que cette année était particulière, car ils avaient cessé leur traitement avec quelques jours d'avance. Selon lui, c'était ta dernière chance d'être sauvé.
- Pourquoi la dernière ?
- Tu avais subi une transformation qui allait bientôt devenir définitive, mais il a refusé de m'en dire plus."

Link observa sa main gauche et la marque de la Triforce. Il avait effectivement été sur le point de perdre cette protection.

"Il a drogué les gardes chargés de ta surveillance et m'a permis d'arriver jusqu'à toi !
- Pourquoi a-t-il fait ça ?
- C'était un membre de la Résistance locale. Il espérait que tu pourrais les aider, une fois libre. C'est lui qui t'avait donné du pain le jour de ton arrivée.
- Je me souviens de ce garde. Il m'a apporté un peu de réconfort à un moment difficile. Mais je pensais que tous les membres avaient été arrêtés, c'est ce que m'avait dit Roven.
- Il était le dernier ! Lorsque nous t'avons trouvé, tu étais à peine conscient. Nous t'avons emmené et conduit dans le désert.
- La Tour du Jugement...
- Oui, tu n'étais pas assez fort pour faire le voyage jusqu'à Hyrule. Nous t'avons soigné du mieux que nous avons pu, là-bas. Tu commençais à peine à te remettre quand ils nous ont retrouvés. J'ignore comment. Nous avons dû fuir rapidement, mais tu étais incapable de tenir seul sur un cheval."

Ash s'arrêta de parler, le jeune homme avait fermé les yeux et semblait souffrir.

"Link, tu vas bien ?
- Ça va ! Je suis monté avec toi !
- Oui, tes souvenirs te reviennent ?
- Je nous vois galoper dans la plaine en direction de Cocorico. Des soldats à nos trousses. Puis tu es tombée.
- J'avais reçu une flèche dans l'épaule. Ils m'ont attrapée et emmenée à leur camp.
- Le cheval a continué à galoper et je me suis accroché à son cou. Il avait peur. En arrivant à la source du village, je suis tombé. Je me souviens d'une douleur à la tête. Puis j'ai vu des soldats s'approcher de moi ! Je pensais que c'était la fin. Soudain, j'ai senti une intense lumière derrière moi. Et ce fut l'obscurité."

Link repensa aux révélations de Rauru : l'illumination était probablement due à l'intervention du gardien de la source.

"De quoi te souviens-tu d'autre ?
- Le soldat était avec nous à la Tour du Jugement ?
- Oui, il nous apportait ce dont nous avions besoin.
- Je me rappelle d'une discussion que j'ai eue avec lui.
- De quoi avez-vous parlé ?
- Mes souvenirs ne sont pas clairs.
- Ça ne m'étonne pas, tu étais encore sous l'influence de leur produit.
- Il me parlait d'un objet à cacher..."

À ce moment, un rire retentit. Les deux prisonniers portèrent leur regard vers l'entrée. C'était Ganondorf !

"Je savais que j'en apprendrais davantage en vous réunissant tous les deux.
- Tu as tout entendu ? Je croyais que tu étais au palais.
- J'y étais, mais je suis revenu à temps pour entendre la meilleure partie de votre conversation. Je vais en profiter pour t'éclairer sur quelques points.
- Lesquels ?
- Le général est effectivement devenu régent du royaume. La princesse est encore sous le choc de ta trahison et a besoin de repos. Tes amis de la Résistance n'ont aucune raison de croire que leur nouveau dirigeant est en fait un traitre. Pour eux, ce rôle te revient pleinement de droit."

Link baissa la tête, il refusait de croiser le regard de Ash, craignant d'y lire de la déception. Celle-ci releva les yeux vers Ganondorf.

"Les membres de la Résistance le connaissent et ne peuvent croire qu'il est capable de faire du mal à Zelda, affirma-t-elle.
- Dans ce cas, pourquoi le dénommé Moï a-t-il été déçu par son comportement ?
- Comment sais-tu cela, demanda Link, rassuré par les paroles de la jeune femme.
- C'est bien simple, le général m'a tout raconté. C'est un très bon élément. Grâce à lui, je vais enfin pouvoir devenir le maître incontesté du royaume d'Hyrule, en épousant la jeune et jolie princesse.
- Elle n'acceptera jamais de devenir ton épouse.
- Détrompe-toi ! Elle a déjà donné son accord. Je la contrôle grâce à la pyronite.
- Ses proches se rendront compte qu'elle est manipulée.
- Personne ne s'est aperçu de rien. Elle a reçu une dose concentrée du produit.
- Concentrée ?
- Bien sûr, la transformation par ce produit est très douloureuse. Tu en sais quelque chose. Il aurait été risqué que ses cris attirent l'attention d'un garde ou du Premier ministre."

Le Héros du Crépuscule regarda son ennemi. Le désespoir avait commencé à l'envahir.

"Ainsi, tu as enfin réussi à obtenir tout ce que tu voulais !
- Pas tout à fait ! Tu ne m'as toujours pas dit où se trouvait le livre. Si j'ai bien compris : c'est le traitre qui l'a volé et caché, mais il a dû te dire où.
- Je ne sais pas. Mes souvenirs sont flous.
- Nous allons t'aider à t'en rappeler. Gardes, emmenez-les tous les deux !"

Les soldats s'approchèrent des prisonniers et leur attachèrent les mains dans le dos. Ensuite, ils les emmenèrent à l'extérieur après leur avoir retiré leurs chaînes.

Chapitre 17   up

En sortant de la tente, Link s'aperçut que le soleil ne tarderait pas à se coucher. Les gardes conduisirent les deux prisonniers vers un endroit à l'abri des regards et inaccessible sans passer par le camp du roi de Tradan. Ils les forcèrent à s'agenouiller sur le sol, l'un à côté de l'autre.

Ganondorf s'approcha d'eux et les observa un sourire cruel sur les lèvres. Puis il s'adressa à Link.

"Cette situation m'est familière. J'ai comme l'impression de l'avoir déjà vécue. Tu n'es pas d'accord ?"

Le Héros du Crépuscule leva la tête vers son ennemi. Il savait que celui-ci comptait utiliser la technique qui lui avait déjà permis d'obtenir sa coopération.

"Je suis désolé de te contredire, mais ce n'est pas tout à fait la même chose !
- Effectivement, il y a quelques différences, mais le principe reste le même. Et puis, je ne te demande pas de m'aider cette fois. Je désire juste que tu m'apportes des réponses.
- Encore faut-il que je les connaisse !"

Le roi de Tradan sourit. Le jeune homme n'avait visiblement pas perdu son courage.

"Tu étais sur le point de parler de ta conversation avec le traître à ta chère amie. Je souhaite juste entendre ces révélations...
- ... qui ne te concernent pas."

Ganondorf s'approcha et donna une gifle d'une telle puissance à Link que ce dernier tomba sur le sol. Son ennemi l'attrapa par le col de sa chemise et le souleva avec une certaine facilité.

"Tu n'as pas changé, tu cherches toujours les problèmes !"

Le jeune homme fut projeté contre le sol et retomba sur son dos, ce qui accentua les douleurs qu'il ressentait.

"Je sais que tu es très résistant et que tu préférerais mourir plutôt que de m'apporter ton aide. Tu l'as assez prouvé et j'admire ton courage ainsi que ta détermination. Mais tu oublies que je connais ton point faible."

Link regarda vers Ash qui fixait Ganondorf sans sourciller. Il ferma les yeux. Ses craintes étaient justifiées : son ennemi allait s'en prendre à elle pour le faire parler. Encore une fois, ses actions mettaient ses proches en danger. Le roi de Tradan se tourna vers son captif.

"Tu as le choix : tu parles tout de suite ou c'est ton amie qui subira les conséquences de ton silence. Donne-moi le nom de celui qui t'a aidé à t'enfuir.
- Je l'ignore, répondit-il. Et tu le sais !
- Dans ce cas, tu me contrains à employer la manière forte."

Ash regarda Link dans les yeux.

"J'ignore ce dont tu te souviens, mais ne lui dis rien. Ce serait mal récompenser ce courageux allié ! Je suis de taille à supporter ce qu'il me fera !"

Ganondorf s'approcha de la jeune femme et l'attrapa par la gorge, l'obligeant à se relever.

"Tu ne voudrais pas que j'abîme ce joli minois.
- Tu ne me fais pas peur, répondit-elle en le regardant dans les yeux.
- Vraiment ? Tant mieux, ce sera plus drôle ainsi."

Le roi de Tradan fixait Ash, ne s'occupant plus de Link qui se releva et fonça droit vers son ennemi. Au moment où le jeune homme se jeta sur son adversaire, celui-ci fit un pas de côté et le Héros du Crépuscule perdit l'équilibre. Il se retrouva sur le sol, se reprochant d'avoir manqué son coup.

Ganondorf l'empêcha de se redresser en posant son pied sur ses mains attachées dans son dos. Ce geste accentua les douleurs qu'il ressentait encore.

"Tu es toujours aussi prévisible à ce que je vois, lui dit-il, d'une voix méprisante. Décidément, tu ne changeras jamais !
- Et toi, toujours aussi lâche. C'est facile de frapper quelqu'un à qui tu as retiré tout moyen de défense. Détache-moi et bats-toi comme un homme, si tu l'oses ! Te fais-je peur à ce point que tu refuses de te mesurer à moi ?
- Ne m'insulte pas, tu pourrais le regretter ! Tu ne fais certainement pas le poids face à moi ! Même si tu as réussi à m'empêcher de conquérir le royaume d'Hyrule, tu n'es jamais parvenu à me détruire !"

Ganondorf lâcha Ash qui retomba sur le sol. Il se mit à donner des coups de pied dans le ventre de Link. Le roi de Tradan fit un signe aux soldats qui relevèrent le captif et l'obligèrent à s'agenouiller de nouveau. Ce dernier voulut se débattre, mais ne réussit qu'à provoquer des élancements dans son dos.

Pour ne pas rajouter à la douleur, le prisonnier cessa le combat. Les gardes desserrèrent leur étreinte, mais restèrent à côté de lui pour réprimer toute nouvelle tentative de rébellion. Link ne s'en aperçut pas. Il avait les yeux baissés, se sentant impuissant face à son ennemi.

"Alors ? Vas-tu me donner son nom ?
- Je ne le connais pas, répondit de nouveau le jeune homme. Il ne nous l'a pas donné !
- Je ne te crois pas, cracha-t-il en l'attrapant par les cheveux pour l'obliger à relever la tête. Vous étiez libres ! Pourquoi vous aurait-il caché cette information ? Le fait d'avoir aidé le Héros du Crépuscule devait lui permettre d'obtenir une certaine récompense, non ?
- Il ne souhaitait qu'une seule chose, répondit Ash en se relevant, l'aide de l'armée d'Hyrule pour chasser de son pays le tyran qui le dirigeait."

Le ton et les paroles de la jeune femme ne plurent pas à Ganondorf qui se retourna vers elle. Il commença par lui donner une gifle qui l'envoya au sol. Le roi de Tradan se mit ensuite à la marteler de coups de pieds. Ses mains attachées l'empêchaient de se protéger le visage.

La réaction de Link ne se fit pas attendre. Retrouvant son énergie, il se redressa.

"Ne la touche pas !"

Les soldats l'agrippèrent par les bras l'empêchant d'intervenir. Des larmes de rage se mirent à couler de ses yeux. S'en apercevant, le monarque cessa de frapper et se retourna vers son prisonnier. La jeune femme se recroquevilla sur elle-même.

"Es-tu enfin prêt à me parler ?
- Je ne connais pas son nom, répondit-il en serrant les dents.
- Tu ne peux pas supporter de voir quelqu'un souffrir à ta place. Je sais que ton point faible est là. Je pense que tu me dis la vérité. Mais tu as admis toi-même l'avoir vu lors de ton premier jour à Tradan. Donc, tu vas me dire à quoi ressemble cet homme pour que je puisse le retrouver et lui infliger la punition qu'il mérite.
- Je ne me rappelle pas. Ça remonte à sept ans tout de même.
- Ne joue pas avec moi ! Tes souvenirs ne te sont revenus que récemment ! Je sais que tu as une vision très précise de lui. Comme tu l'as si bien dit, il t'a "apporté un peu de réconfort dans un moment difficile". Alors, donne-moi sa description, si tu veux que je laisse ton amie en vie."

Joignant les gestes à la parole, Ganondorf sortit son épée et posa la lame sur la gorge de la jeune femme qui semblait sur le point de perdre connaissance. Une marque sur son visage indiquait qu'elle avait dû recevoir un coup capable de l'étourdir. Link ouvrit la bouche pour parler, mais il n'eut pas le temps de prononcer un seul mot. Une voix masculine venait de retentir.

"Pas besoin de lui reposer la question : je suis là !"

Le souverain se retourna vers celui qui venait d'élever la voix. Le Héros du Crépuscule reconnut immédiatement le soldat qui avait glissé un morceau de pain dans sa main le jour de son arrivée au royaume de Tradan. Ce dernier lui adressa un clin d'oeil complice.

"Mithran !
- Oui, c'est bien moi, le traître, dit-il avec un sourire moqueur. Cela vous étonne n'est-ce pas, père."

Surpris par les paroles de leur allié, Link et Ash observaient les deux hommes. Le visage de Ganondorf vira au rouge vif. Il hurla.

"Arrêtez-moi ce renégat !"

Tous les soldats se dirigèrent vers l'endroit où se trouvait le jeune homme, mais celui-ci n'avait pas attendu l'ordre de son roi. Il s'était précipité vers le camp et avait enfourché une monture avant de partir au galop.

Furieux, Ganondorf hurla sur les membres de son armée.

"Préparez mon cheval ! Nous partons immédiatement à sa poursuite ! N'oubliez pas : je le veux vivant ! Ce gringalet va regretter de m'avoir trahi."

Puis il s'adressa aux gardes qui maintenaient Link.

"Ramenez les prisonniers au camp et veillez à ce qu'ils ne s'échappent pas ! Vous savez ce qui vous attend en cas d'échec."

La nuit était tombée lorsque Link et Ash furent emmenés et enchaînés dans deux tentes différentes. Peu de temps après, une troupe de soldats quitta le campement à la recherche du fugitif. Le Héros du Crépuscule espérait que le jeune homme puisse échapper à ses poursuivants.

Link se retrouva seul, se demandant dans quel état se trouvait son amie. Elle avait reçu de nombreux coups et avait semblé sur le point de s'évanouir. Il doutait de pouvoir la sauver, même en répondant aux questions de son ennemi. Ganondorf n'avait pas pour habitude de relâcher ses prisonniers. Surtout si ceux-ci pouvaient lui être utiles.

Lorsque les premiers rayons de soleil apparurent, Link n'avait pas réussi à fermer l'oeil. C'est au premier chant du coq que le roi de Tradan entra dans la tente. Il était en proie à une grande fureur. Le jeune homme en déduisit que Mithran avait pu lui échapper et en éprouva un immense soulagement qui lui rendit une partie de son courage.

"Il semblerait que tu te sois fait avoir, une fois de plus, ironisa-t-il.
- Tais-toi, aboya le tyran en attrapant Link par le col de sa chemise.
- Être trahi par son propre fils...
- Je t'ai dit de te taire. Il n'est que mon fils adoptif ! Oser se retourner contre moi après tout ce que j'ai fait pour lui ! Mais ne t'inquiète pas, cet ingrat n'ira pas loin.
- Il semble pourtant plus rusé que tes hommes.
- Le général Cadmeen le trouvera. Il a été son maître d'armes et saura où il se cache. Maintenant, tu vas me dire où est le livre.
- Je ne sais pas où il l'a caché !
- Tu ferais mieux de te le rappeler ! Gardes !"

Deux gardes entrèrent aussitôt et attachèrent les mains de Link avant de l'emmener. En arrivant au lieu qu'ils avaient quitté la veille, il s'aperçut qu'Ash était déjà présente. Cette dernière portait les traces des coups qu'elle avait reçus le jour précédent.

Il remarqua tout de suite qu'elle semblait inquiète. Ganondorf venait de subir un échec cuisant et sa colère risquait de rendre les choses beaucoup plus difficiles. Le prisonnier décida de tenter le tout pour le tout en attirant l'attention du roi sur lui.

Lorsque les soldats voulurent l'obliger à se mettre à debout, il commença à s'agiter dans tous les sens pour se libérer de leur étreinte. Les gardes réussirent à lui faire plier les jambes. Le tyran s'approcha de lui et l'attrapa par les cheveux.

"As-tu compris qu'il est dans ton intérêt de parler ou dois-je encore employer la manière forte ? Où se trouve le livre ?
- Je l'ignore ! Et, même si je le savais, je ne te le dirais pas."

Ganondorf lâcha Link et se dirigea vers Ash. Elle était à genoux entre les deux gardes qui l'avaient amenée et le regardait sans baisser les yeux. Il sortit sa lame du fourreau et l'approcha du visage de la jeune femme.

"Es-tu sûr de ça ? Tu vas me dire tout ce que tu sais ou tu peux lui dire adieu.
- De toute façon, tu nous tueras !
- C'est bien possible, mais dis-toi bien que la manière dont elle quittera ce monde dépendra de ta coopération. Plus ce sera rapide et moins ce sera douloureux."

Link pâlit et ferma les yeux. Son ennemi venait encore de marquer un point. Soudain, le son d'un cor se fit entendre. Quelques secondes plus tard, un soldat arriva en courant et s'approcha de son maître.

"Une délégation du château d'Hyrule est en route pour le camp, mon roi. La princesse Zelda est avec eux.
- Que vient-elle faire ici ? Le général Vernarte en fait partie ?
- Oui, mais il est visiblement leur captif.
- Cet incapable a de nouveau échoué. Je ne sais pas comment tu as fait, dit-il en s'adressant de nouveau à Link, mais je suis sûre que tu es responsable de ça ! Tu en subiras les conséquences."

Il s'approcha du Héros du Crépuscule et le releva sans ménagement. Les soldats remirent la jeune femme sur ses pieds et, obéissant à un ordre de leur roi, l'emmenèrent vers le campement. Elle tourna la tête vers Link. Ce dernier lut de l'inquiétude dans son regard et esquissa un sourire pour tenter de la rassurer.

"Ne prends pas tes rêves pour des réalités, affirma Ganondorf qui avait surpris cet échange. Ils ne sont pas assez nombreux pour un sauvetage.
- Je pense néanmoins que tes grands projets sont en train de s'écrouler.
- Ne t'inquiète pas, j'avais prévu un plan de secours au cas où cet incapable de Vernarte parviendrait à se faire prendre.
- Mais tu ne pourras plus t'emparer du royaume d'Hyrule !
- Crois-tu ? Tu oublies une chose : j'ai à disposition une grande quantité d'hommes qui m'obéissent sans discuter. Tu étais l'un d'eux, il n'y a pas si longtemps.
- Et alors ?
- Selon toi, comment réagiront les soldats d'Hyrule face à une armée de citoyens innocents et inconscients de leurs actes ?"

Blêmissant à vue d'oeil, Link regarda son adversaire. La peur était de nouveau en train de prendre le dessus. Il comprit que le tyran ne reculerait devant rien pour réussir son entreprise.

"Je vois que tu commences à comprendre. La plus grande faiblesse de ton espèce, c'est la compassion. J'ai créé des soldats qui ne connaitront ni la peur ni la pitié.
- Tu es un monstre !"

Le roi de Tradan attrapa Link par le bras pour le faire avancer.

"Viens avec moi."

Ganondorf l'emmena jusqu'à l'entrée du camp où ils attendirent l'arrivée des représentants du royaume d'Hyrule.

Chapitre 18   up

Parmi les représentants d'Hyrule se trouvaient la princesse, son Premier Ministre et Moï. Se rendant compte de la présence de ce dernier, le Héros du Crépuscule baissa la tête. Il craignait de croiser son regard et d'y lire de la déception ou de la pitié.

Cadmeen qui venait de les rejoindre ordonna à Link de se mettre à genoux. Comme celui-ci ne réagissait pas, il s'approcha et le força à plier les genoux. Le choc lui rappela et amplifia les douleurs de son dos. Le jeune homme ne put retenir un cri. Le roi de Tradan sourit et se tourna vers Zelda.

"Que me vaut l'honneur de votre visite, Votre Altesse ?"
- Nous venons vous informer que votre complice nous a révélé vos véritables intentions, répondit le Premier Ministre. Il nous a tout avoué !"

Moï s'avança alors, traînant le général Vernarte dont les mains étaient attachées dans le dos. Ce dernier observa Link et lui adressa un regard mauvais.

"Vous avez réussi à déjouer mon plan, je suis curieux de savoir comment vous avez réussi un tel exploit.
- Nous avons obtenu l'aide d'un jeune homme courageux et méritant. Il nous a donné les moyens de libérer la princesse du sort peu enviable que tu lui réservais.
- Et qu'a-t-il fait le Héros du Crépuscule ?"

Il adressa un sourire cruel à Link, mais celui-ci ne s'aperçut de rien. Son esprit était occupé par les douleurs de son dos. La main de Ganondorf lui agrippant les cheveux le fit revenir à la réalité.

"J'étais sûr que tu avais quelque chose à voir là-dedans. Tes souffrances ne font que commencer..."

Le tyran se tourna vers la princesse.

"Comment avez-vous fait pour annuler les effets du produit ?
- Grâce à ceci, dit-elle en montrant le collier qui pendait à son cou.
- Vous le portez encore, demanda-t-il. Attendez une seconde !"

Il se tourna vers Cadmeen.

"Vous aviez bien placé une des ces pierres sur le Héros du Crépuscule lorsque vous l'avez piégé à la Clairière ?
- Oui, mon roi.
- Imbécile, répliqua-t-il en le giflant. Vous la lui avez laissée en vous sauvant ?"

Les yeux de Ganondorf lançaient des éclairs.

"Que s'est-il passé selon toi, au moment où il a récupéré l'Épée de Légende ? La pierre a été désactivée.
- Je suis désolé, mon roi !
- Et toi, cria-t-il à Link en tirant un peu plus sur ses cheveux, comment as-tu fait pour leur donner ce collier ?
- Je... ne me souviens plus."

Le roi de Tradan fit tomber le jeune homme par terre. Le prisonnier poussa un cri de douleur lorsque son dos percuta le sol. Il tenta de se relever, mais ses bras, immobilisés sous lui, gênaient tout mouvement. Link ferma les yeux : ses mains pressaient ses plaies.

Voyant les crispations sur le visage de son élève, Moï ne put s'empêcher d'intervenir et se précipita vers lui. Au moment où il eut atteint le Héros du Crépuscule, une dizaine de lances se pointèrent dans sa direction.

"Pas un pas de plus !
- Ne vous affolez pas, je veux juste l'aider à se relever ! Et si vous voulez que ce ne soit pas nécessaire, détachez-lui les mains. Où voulez-vous qu'il aille dans cet état ?"

Sans tenir compte des armes pointées sur lui, Moï s'assit près de Link et l'aida à se mettre sur le côté de façon à soulager ses douleurs. Le jeune homme vint poser sa tête sur les genoux de son ancien mentor, comme il le faisait étant petit.

Moï prit le couteau qui pendait à sa ceinture et coupa les cordes qui attachaient les poignets du prisonnier. Il en profita pour lui glisser un minuscule objet dans sa main en murmurant à son oreille.

"Nous avons besoin de connaître la provenance de cette clé. Observe-la discrètement et enfouis-la dans la terre."

Ganondorf l'entendit murmurer et le repoussa violemment en arrière.

"Que lui as-tu dit ?
- Rien ! Je lui disais de se calmer ! Que la douleur finirait par diminuer !"

Link ramena ses mains devant lui. Sur un signe du roi, les gardes pointèrent leurs lances sur le Héros du Crépuscule qui tentait de se mettre debout. Il réussit à s'asseoir, le visage face à son ennemi, dévoilant les nombreuses taches de sang séché sur sa chemise aux membres de la délégation.

La princesse eut un sursaut au moment où elle devina le traitement qui avait été infligé à Link.

"Que lui as-tu fait ?
- Je lui ai juste posé quelques questions, mais cet entêté a refusé de me répondre. Alors, j'ai été obligé de prendre des mesures radicales.
- De quel genre ?
- Montre-leur", déclara Ganondorf en s'adressant à Cadmeen.

Le général s'approcha du jeune homme et, après avoir écarté les soldats, le releva avec brutalité, provoquant de nouvelles douleurs au niveau de son dos. Le chef de l'armée de Tradan voulut soulever le haut de Link, mais ce dernier faisait tout pour l'en empêcher. La seule pensée de voir ses souffrances exposées ainsi devant ses amis lui était insupportable.

"Tu n'es vraiment pas raisonnable", dit-il en lui prenant les deux mains et en les ramenant vers lui.

Il appela un des gardes qui lia ses poignets avec une corde. Puis Cadmeen attrapa la chemise de Link et la lui passa au-dessus de la tête d'un coup sec. Les membres de la délégation purent observer les nombreuses marques laissées sur sa peau, certaines d'entre elles avaient recommencé à saigner. La princesse poussa un cri et détourna le regard.

Le général maintenait toujours les bras du jeune homme qui cherchait à se défaire de cette emprise. Quand soudain, il s'aperçut que celui-ci tenait quelque chose dans son poing gauche.

"Donne-moi ce que tu dissimules, ordonna-t-il en tentant de desserrer les doigts du prisonnier.
- Qu'est-ce que c'est, demanda Ganondorf en s'approchant.
- Une clé, répondit Cadmeen.

Ce dernier venait de réussir à récupérer l'objet en question et le remit à son chef. Link le fixa avec attention et eut un choc. Le captif ferma les yeux. Des images lui revinrent en mémoire : un soldat casqué lui parlait d'un livre très dangereux ainsi que de l'endroit où il irait le cacher.

Le roi de Tradan attrapa Link par les cheveux.

"On réglera ça plus tard, toi et moi !"

Puis il se tourna vers ses visiteurs.

"Tout ça ne m'explique pas comment vous avez fait pour contrer mes projets.
- C'est très simple, expliqua Moï, Link nous a raconté tous les évènements dont il se souvenait ainsi que sa petite mésaventure à l'Ancien Sanctuaire, en nous montrant le fameux collier. Ce dernier est resté sur la table après son départ et c'est moi qui l'ai récupéré.
- Et comment avez-vous pu approcher la princesse, je la croyais tenue au secret.
- Cela n'a pas été simple, mais la personne chargée de s'occuper d'elle était, malheureusement pour toi, très proche d'un des membres de la Résistance. Tu devines le reste..."

Ganondorf porta son attention sur Vernarte.

"Je t'avais dit de faire attention au choix de tes collaborateurs, tu as misérablement échoué.
- Mais...
- Pas de mais, tu savais ce qui t'attendait en cas d'échec..."

Il se concentra de nouveau sur le Premier Ministre.

"J'imagine que si vous l'avez amené jusqu'ici, c'est que vous avez une bonne raison. Vous allez me proposer un marché.
- Effectivement, nous voulons échanger le traître que vous nous avez envoyé contre notre héros qui n'a jamais rien eu à se reprocher ! Nous savons qu'il s'est laissé livrer pour ne pas mettre en péril la vie d'un de ses amis proches."

Ganondorf éclata de rire.

"Vous pensez que je vais vous le rendre après le mal que j'ai eu à l'attraper. Vous rêvez ! Mais vous ne m'apprenez rien, je savais que ce nigaud réagirait comme cela !
- Dans ce cas, vous ne reverrez pas votre homme de main que nous ferons exécuter pour tous les crimes qu'il a commis.
- J'ignorais que la peine de mort était encore appliquée dans votre royaume.
- C'est un jugement qui n'est que très rarement rendu, mais les situations exceptionnelles appellent des mesures de la même envergure."

Ganondorf réfléchit un instant et un sourire s'agrandit sur son visage.

"Je ne vous cacherais pas que j'ai une grande envie de récupérer cet incapable pour lui infliger la punition qu'il mérite. Néanmoins, votre prix est trop élevé. Je vous propose donc une alternative.
- Quelle est-elle ?
- Votre Héros du Crépuscule n'est pas mon seul captif ! Un prisonnier contre un autre, cela me parait honnête, non ?"

Il adressa un regard à Cadmeen qui se dirigea vers une tente avec deux soldats. Ils en ressortirent accompagnés d'une jeune femme dont les mains étaient attachées. Celle-ci semblait avoir également subi des mauvais traitements.

"Ash, s'écria Moï.
- Qu'en pense notre Héros du Crépuscule ? Selon toi, lequel de vous deux devrait être libéré ?"

Link ne répondit pas. Ganondorf attrapa le jeune homme par les cheveux et tira.

"Je suis curieux d'obtenir ton point de vue sur la question."

Le jeune homme observa Ash. Il ne voulait pas qu'elle subisse de nouveaux mauvais traitements à cause de lui.

"Elle, articula-t-il difficilement, libère-la, elle !
- Le héros a parlé. Donc je vous propose de procéder immédiatement à l'échange. Cette jeune personne a visiblement besoin de soins."

Moï s'avança trainant un Vernarte qui n'avait pas l'air d'avoir très envie de retrouver celui pour lequel il avait trahi son royaume. Pendant que les deux gardes amenaient la jeune femme, le général tenta d'amadouer son accompagnateur.

"Il va me tuer si tu me livres à lui !
- Il fallait réfléchir avant de trahir ton pays. Trop de personnes ont souffert par ta faute."

Lorsqu'ils furent rejoints par les soldats, ces derniers déposèrent Ash dans les bras de Moï qui la souleva et la confia à un de leurs accompagnateurs pour qu'il la ramène immédiatement au château. Vernarte avait été conduit près du roi de Tradan.

"Avant que vous ne repartiez, j'ai quelque chose à vous montrer."

Ganondorf prit un couteau des mains d'un de ses hommes et l'utilisa pour déchirer la tunique du général hylien. Link et les membres de la délégation regardèrent le nouveau prisonnier avec stupeur. Celui-ci portait une pyronite autour du cou qui lui fut arrachée d'un geste sec.

"Cet homme était également manipulé, tout comme Nabooru. Mais lui, tu n'auras pas réussi à le sauver, ajouta-t-il à l'adresse de Link.
- Tu le contrôlais depuis le début, répondit celui-ci.
- Non ! Il t'a longtemps détesté, mais tu as visiblement réussi à le remettre sur le droit chemin. J'étais présent à la clairière lorsque tu as refusé de te mesurer à lui. J'ai remarqué que ton attitude l'avait secoué et pas dans un sens favorable à mes plans.
- C'est à ce moment-là que tu l'as empoisonné ?
- Oui, j'ai utilisé sur lui le même produit que sur Nabooru ! Tu te souviens d'elle n'est-ce pas ?"

Link regardait son ennemi. Il avait perçu une différence entre la réaction de Nabooru et celle de toutes les autres personnes qui avaient subi l'influence de la pierre, sans jamais comprendre pourquoi.

"Eh oui, il existe un autre produit ! Il est incolore et ressemble à de l'eau. Ce qui signifie que la victime le boit sans se douter de ce qui l'attend. J'ai envoyé le général Cadmeen s'occuper de lui. Ensuite, ils ont préparé ton enlèvement. Que penses-tu de mon plan ?
- Tu n'es qu'un...
- L'avantage de ce produit est qu'il est instantané et indolore. Je comptais l'utiliser sur toi au moment où ta Triforce aurait définitivement cessé d'exister. J'aurais adoré te voir t'en prendre à tes anciens amis...
- Je comprends mieux pourquoi tu voulais tant me récupérer avant que je reprenne l'Épée de Légende.
- Mithran a tout gâché et je compte bien le lui faire payer au prix fort. En attendant, j'ai encore plusieurs questions à te poser et cette fois, crois-moi, tu vas me dire ce que je veux savoir !"

Sur un signe du roi, Cadmeen s'apprêtait à emmener Link quand la princesse intervint.

"Laissez-moi lui parler ! Je suis sûre que je peux le convaincre de vous révéler ce que vous voulez savoir !
- Et pourquoi vous ferais-je confiance ?
- Je... Je ne désire pas qu'il souffre davantage.
- Il mérite ce que je lui inflige !"

Le général poussa le jeune homme pour le forcer à avancer. Un bruit de chute se fit entendre. Zelda venait de se laisser tomber à genoux et s'adressait à Ganondorf des sanglots dans la voix.

"Par pitié, laissez-moi au moins lui dire au revoir !"

Ganondorf observa la princesse et accepta la demande. Le général fit demi-tour et força Link à s'agenouiller sur le sol. Des larmes coulaient toujours de ses yeux. Elle prit la tête du jeune homme dans ses mains et lui murmura dans l'oreille.

"Nous ferons tout pour te tirer de là. Garde confiance en tes amis !
- Vous ne devriez pas lui donner de faux espoirs, ajouta le tyran.
- Fais ce qu'il te demande et reste en vie !"

Le Héros du Crépuscule semblait sur le point de céder au désespoir. Zelda posa ses mains sur les joues du jeune homme et approcha lentement son visage du sien. Surpris, Link resta sans bouger, sentant son coeur manquer un battement.

Au moment même où leurs lèvres se touchèrent, il ferma les yeux, se laissant envahir par une sensation de bien-être qui lui fit oublier tout ce qui l'entourait. Ils échangèrent un tendre baiser, mais le temps fut trop bref. Zelda releva la tête et plongea son regard dans celui de Link.

"Je t'aime", lui murmura-t-elle avant de rejoindre la délégation.

Link porta ses doigts à sa bouche, cherchant à conserver ces merveilleux instants. Cadmeen le remit debout avec brutalité et l'emmena vers l'intérieur du camp. Il avait encore sur la langue le goût salé des larmes de Zelda.

Chapitre 19   up

Le général conduisit Link dans la tente qui servait de salle de torture et le précipita au sol, lui ordonnant de ne pas bouger. Le jeune homme se positionna de façon à alléger la souffrance de son dos. Cadmeen le regarda avec de la fureur dans les yeux.

"Ainsi, tu as osé retourner l'arme utilisée sur toi contre nous.
- Cette idée n'est pas de moi, mais je suis content d'avoir pu contrarier vos plans !
- Tu ne nous as pas encore vaincus ! Même si tes amis ont pu échanger les deux colliers et délivrer ta jolie princesse, tu es toujours entre nos mains. Tant que ce sera le cas, l'armée d'Hyrule n'attaquera pas."

À ce moment précis, Ganondorf fit son entrée. La délégation venait de repartir pour le palais. Il s'approcha du Héros du Crépuscule, couché sur le sol.

"Cadmeen a raison, tu sais. N'oublie pas que ta vie ne tient qu'à un fil ! Zelda serait tellement triste d'apprendre ta mort. Alors, je te conseille de répondre rapidement à ma question : où se trouve le livre ?
- Je l'ignore ! C'est Mithran qui l'a caché et tu le sais !
- Oui, mais s'il t'a laissé cette clé, c'est pour t'indiquer où chercher. Tes amis l'ont découverte dans la doublure de la tunique que tu portais. Je sais que tu t'es souvenu de cette conversation.
- J'étais encore sous l'influence de votre produit. Je le vois me parler, mais je ne comprends pas ce qu'il me dit."

Le roi de Tradan attrapa Link par le col de sa chemise et le souleva. Ensuite, il planta son regard dans celui du jeune homme.

"On dirait que ta petite Zelda a réussi à te rendre le courage qui semblait te faire défaut récemment. Mais ne te fais pas d'illusion. Tant que nous sommes sur ses terres, elle ne peut pas agir officiellement sans créer une guerre. Ses pouvoirs ne te seront pas plus utiles quand tu seras de retour à Tradan.
- Que comptes-tu faire de moi ? Me tuer ?
- Non, ce serait une punition bien trop douce pour toi ! Tu vas vivre et souffrir, c'est moi qui te le dis. Je te réserve des surprises. Pour l'instant, je veux que tu répondes à mes questions."

Ganondorf se dirigea vers un râtelier et prit une hache qui pendait. Sur un signe de ce dernier, Cadmeen releva Link et l'amena vers un petit billot placé dans un coin. Il l'obligea à s'agenouiller et retira la corde qui lui liait les poignets. Ensuite, il bloqua le bras droit du jeune homme dans son dos pendant que le roi de Tradan posait son autre main sur la pièce de bois.

"Maintenant, si tu ne parles pas, je vais te priver de tes doigts. De toute façon, tu n'en auras bientôt plus besoin."

Le Héros du Crépuscule regarda son adversaire. La panique commençait à l'envahir. Le tyran leva l'instrument en posant sa question.

"D'où vient cette clé ?"

Link observa l'outil sans parler, repensant aux paroles de Zelda : "fais ce qu'ils te demandent", "reste en vie". Lorsqu'il vit la lame commencer sa descente en direction de sa main, le Héros du Crépuscule eut suffisamment peur pour répondre à la question.

"La Tour du Jugement ! Il s'agit d'une clé qui ouvre un des coffres de ce donjon."

La lame s'abattit à quelques millimètres de son auriculaire.

"Serais-tu capable de nous montrer ce coffre sur une carte ?"

Link répondit par l'affirmative. Ganondorf rangea la hache et Cadmeen lâcha le jeune homme. Celui-ci ramena sa main vers lui. Le général alla chercher une carte qu'il déplia devant les yeux du prisonnier. Celui désigna une salle située sur la droite du donjon. Le captif leur montra le trajet à emprunter pour l'atteindre, leur expliquant que le chemin direct passait par un terrain de sable mouvant infranchissable.

Peu de temps après, Link fut reconduit dans une tente et enchaîné à une banquette. Les soldats commencèrent à préparer leur départ. Ganondorf avait choisi de quitter Hyrule pour rejoindre son royaume dans les plus brefs délais. Pendant que le plus gros des troupes se dirigerait vers Tradan, il se rendrait à la Tour du Jugement, escorté de quelques guerriers.

Le Héros du Crépuscule tenta de se reposer, mais les gardes qui le surveillaient avaient reçu comme instructions de ne pas le laisser s'endormir. Un léger repas lui fut accordé : un morceau de pain et une cruche d'eau.

En début d'après-midi, Cadmeen vint chercher le prisonnier. Ganondorf avait décidé de l'emmener au donjon, au cas où il aurait menti au sujet de la clé. Une charrette contenant le matériel nécessaire au voyage avait été préparée. Les mains de Link furent attachées à l'arrière de celle-ci.

Il devrait effectuer le trajet en marchant au rythme des chevaux. À côté de lui, Vernarte avait été lié de la même manière. Visiblement, le roi de Tradan voulait garder ses deux captifs à proximité pour être sûr que ceux-ci ne lui échapperaient pas. Dès qu'ils furent prêts, ils partirent.

Link qui avait déjà subi beaucoup de mauvais traitements se demanda si ses forces seraient suffisantes pour atteindre le milieu du désert. Dès les premiers pas, il ressentit des douleurs au niveau de son dos qui le firent grimacer. Le général hylien l'observait du coin de l'oeil, sentant que le jeune homme n'était pas au mieux de sa forme.

La route qui les mena à l'entrée de la région aride fut parcourue dans un silence total. Link était bien trop occupé à essayer de vaincre la souffrance pour s'intéresser au sort de son nouveau compagnon.

Lorsque le sable remplaça la terre battue, la marche devint encore plus difficile. Link devait forcer sur ses muscles meurtris et s'appuyait sur le bord de la carriole, car il avait de légères sensations de vertige.

"Comment te sens-tu, demanda soudain Vernarte, tu penses pouvoir tenir le coup ?
- Je ne sais pas, répondit-il en regardant son ancien ennemi. Mes forces s'épuisent et la douleur est insupportable.
- Je suis désolé de t'avoir mis dans cette galère. Pardonne-moi !
- Tu es une victime, toi aussi. Je ne t'en veux pas ! Si je ne m'étais pas enfui, le jour de mon retour, tu n'aurais jamais été manipulé de la sorte. C'est à toi de me pardonner..."

Juste à ce moment, le Héros du Crépuscule buta contre une pierre et perdit l'équilibre. Sa cheville se tordit violemment, lui arrachant un cri de douleur. Il chuta et son corps fut entraîné par la charrette qui roulait toujours, l'empêchant de se redresser.

Vernarte se mit à appeler le garde chargé de conduire les chevaux afin que celui-ci stoppe le convoi un instant. Le général s'approcha et ordonna une courte halte, ce qui permit à Link de se relever. Il dut tirer sur ses bras pour se rétablir sur ses jambes, car personne ne s'était avancé pour l'aider.

Le voyage reprit. Link devait dorénavant marcher en boitant, ce qui ne lui facilitait pas la tâche. Ils s'arrêtèrent en début de soirée pour laisser les hommes et les bêtes se désaltérer. Mais personne ne se soucia de donner à boire aux deux prisonniers.

Link dut s'appuyer dessus pour ne pas perdre l'équilibre. Il sentait que ses forces étaient en train de le quitter. Et selon ses souvenirs, il leur faudrait encore plusieurs heures pour atteindre la Tour du Jugement.

La nuit tombait lorsqu'ils repartirent. Les chauds rayons du soleil avaient été remplacés par un vent glacial. Link frissonna. Il ne portait en effet qu'une légère chemise en tissu. Vernarte le voyait s'accrocher de plus en plus au morceau de bois auquel il était attaché et se demandait combien de temps Link pourrait tenir avant de s'écrouler sur le sol.

Soudain, ce dernier chuta de nouveau, mais ne put se relever. Il abandonna la lutte et se laissa traîner. Le convoi fut stoppé et Cadmeen le frappa pour le forcer à se remettre debout. Le Héros du Crépuscule ne réagissait plus.

Vernarte se proposa pour l'aider à marcher, leur faisant remarquer qu'il n'était pas capable de tenter une évasion dans son état.

"Et toi, ne vas-tu pas en profiter ?
- Je l'ai mis dans cette situation. Je ne l'abandonnerai pas alors qu'il a besoin de moi.
- Tu deviens charitable ! Je te préférais quand tu voulais lui faire payer ses erreurs. D'accord, aide-le ! Mais si tu tentes quoi que ce soit, tu le regretteras et lui aussi."

Cadmeen détacha Vernarte qui en fit de même avec Link. Il passa un des bras du jeune homme par-dessus ses épaules et le soutint par la taille. Plusieurs soldats les encerclèrent, afin d'empêcher toute tentative de fuite.

Et le trajet reprit. L'ancien général parlait doucement au Héros du Crépuscule pour l'encourager, l'exhortant à tenir encore un peu. Le prisonnier avait fermé les yeux, se laissant guider.

"Pourquoi m'aides-tu ?
- Tu es là par ma faute.
- Et toi par la mienne. Je n'ai plus de forces. Laisse-moi et essaye de sauver ta vie !
- Pas question que je t'abandonne. Tu es le dernier espoir d'Hyrule et de la princesse.
- Que veux-tu dire ?
- Tu es le seul à pouvoir battre...
- Non, à propos de Zelda...
- N'as-tu pas été étonné qu'elle ne soit pas mariée ? J'ai passé beaucoup de temps à ses côtés et j'ai compris beaucoup de choses.
- Comme quoi ?
- Les sentiments qu'elle éprouve pour toi. Elle a refusé tous les prétendants parce qu'aucun ne te ressemblait.
- Pourtant, elle a toujours su que ...
- Que tu aimais Iria. Bien sûr, elle en était consciente. C'est pour ça que tu ne l'as jamais su. Mais maintenant, elle peut laisser libre court à son amour... Tu seras un roi juste.
- Quoi ?
- Regarde, nous arrivons. Tu vas bientôt pouvoir te reposer. Encore un peu de courage..."

Link releva la tête et distingua la Tour du Jugement dans le lointain. Ganondorf serait bientôt en possession du livre tant désiré. Que pouvait-il contenir pour avoir autant d'importance ?

Vernarte conseilla au jeune homme d'éviter de parler pour conserver ses dernières forces, car il le sentait défaillir. Sa respiration devenait difficile. Le Héros du Crépuscule se concentra sur ses jambes pour avancer.

Soudain, celles-ci lâchèrent et il tomba lourdement, entraînant l'ancien général dans sa chute. Celui-ci se redressa et prit Link dans ses bras avant de continuer son chemin.

Au bout d'une demi-heure, le convoi arriva à destination. Vernarte coucha Link qui s'était évanoui sur le sol. Il posa sa main sur son cou, cherchant son pouls. Celui-ci était faible.

Cadmeen s'approcha des deux prisonniers et gifla l'inconscient pour le réveiller, puis il le releva sans ménagement. Link regarda autour de lui sans comprendre, mais fut bien obligé de suivre celui qui l'emmenait vers une petite grotte. Vernarte fut laissé à la garde de deux soldats.

En entrant dans la caverne, le jeune homme s'aperçut que Ganondorf l'y attendait. Le général de Tradan le conduisit vers une des parois où des chaînes étaient encastrées. L'endroit semblait familier au Héros du Crépuscule. Ses poignets furent enfermés dans des anneaux.

Lorsque Cadmeen le lâcha, ses jambes cédèrent sous lui. Il était maintenu par les mains, le visage face à la roche. Les muscles de ses bras se tendirent et une douleur s'installa, mais Link était incapable de se remettre debout. Ganondorf s'approcha de lui et murmura quelques mots à son oreille.

"C'est ici que ton sort s'est décidé, il y a sept ans de cela. C'est ici que tu as été vendu. Tu resteras là, jusqu'à ce qu'on retrouve le livre. J'espère pour toi que tu ne m'as pas menti."

Puis il enfonça son genou dans le dos du jeune homme avant de sortir avec le général. Le silence se fit dans la grotte. Link n'entendait que sa propre respiration et ses battements de coeur. Ses pensées repartirent vers Hyrule : ses amis avaient-ils encore la possibilité de lui venir en aide ?

Des bruits de pas résonnèrent. Link n'y fit pas attention, s'imaginant qu'il s'agissait d'un des gardes chargés de sa surveillance qui faisait sa ronde. Lorsque des mains lui attrapèrent les poignets pour les libérer, le Héros du Crépuscule sursauta et regarda tout autour de lui.

Une personne l'avait réceptionné avant qu'il ne s'écroule et était en train de le coucher sur le sol avec délicatesse.

"Moï...
- Que t'ont-ils fait ? demanda celui-ci en déplaçant quelques mèches de cheveux qui étaient collées sur le visage du jeune homme.
- Tu es venu ?
- Nous n'allions tout de même pas te laisser aux mains de ce monstre. Nous t'emmenons avec nous, mais avant tu dois reprendre quelques forces.
- Les soldats...
- Ne t'occupe pas de ça ! Laisse-toi faire. Aujourd'hui, c'est à nous de te sauver."

Moï prit un bocal dans sa pochette et lui en fit boire le contenu. C'était de la soupe. Elle était froide, mais apporta un peu de réconfort au jeune homme. Il regarda autour de lui et reconnut la personne qui accompagnait son ancien mentor : Ash.

"Comment vas-tu ? demanda-t-il à cette dernière.
- Mieux ! Je n'aurais manqué ton sauvetage pour rien au monde, lui dit-elle en souriant.
- Il est temps de partir d'ici", ajouta Moï.

Ce dernier releva Link et le petit groupe sortit de la caverne. Lafrel et Jehd les attendaient à l'extérieur.

"Vernarte ! Nous devons l'aider.
- Cet homme a causé ta perte et tu veux que nous l'aidions, intervint Ash.
- Il n'était pas conscient de ses actes.
- Nous le savons, ajouta Moï. Ne t'inquiète pas, Corentin s'occupe de lui."

Soudain, une flèche siffla à l'oreille du Héros du Crépuscule. Un groupe de soldats venait d'apparaître, leur coupant la route.

"Où pensez-vous aller comme ça ? Laissez-nous notre prisonnier."

Les Hyliens dégainèrent. Link que Moï et Ash venaient de lâcher tenta de rester debout, mais ses jambes cédèrent et il se retrouva sur le sol, ne pouvant qu'être spectateur du combat qui était en train de se mener. Ses sauveteurs eurent rapidement le dessus sur les gardes de Ganondorf.

Ils réussirent à se débarrasser de leurs adversaires. Ils eurent une mauvaise surprise en se retournant. Un soldat avait placé une lame sur la gorge de Link.

"Je vous conseille de lâcher vos armes si vous ne voulez pas avoir sa mort sur la conscience."

Les Hyliens lâchèrent leurs épées qui tombèrent par terre dans un grand fracas. Le soldat était accroupi derrière le jeune homme qui était en position assise. Il eut un léger sursaut au moment précis où les armes touchèrent le sol et se sentit tirer en arrière. Perdant son appui, Link s'effondra sur son dos, encore douloureux.

Celui-ci put apercevoir son agresseur aux prises avec... Vernarte. Le Héros du Crépuscule tourna la tête dans la direction d'où était venu l'ancien général. Il vit Corentin qui se battait avec un des gardes de Ganondorf. Ash, Lafrel et Moï ramassèrent leurs lames pour porter secours aux deux combattants.

Au moment où ils atteignirent le lieu du duel, un cri se fit entendre, suivi d'un bruit de chute. Vernarte s'écroula sous les yeux terrifiés de Link. Ce dernier s'approcha en rampant du blessé et remarqua qu'une tache de sang s'agrandissait sur sa poitrine. Il prit sa main et la serra.

Chapitre 20   up

Link tenait la main de Vernarte. Celui-ci leva les yeux vers le jeune homme. La vie semblait commencer à le quitter.

"Accorde-moi ton pardon avant...
- Non, tu ne vas pas mourir. Accroche-toi !
- C'est... trop tard !"

Le Héros du Crépuscule poussa un cri. Les membres de l'équipe de sauvetage étaient en train de vaincre les derniers résistants. Moï se précipita vers son élève et examina la blessure du général. Se tournant vers Link, il secoua la tête.

"Nous ne pouvons plus rien pour lui.
- Non, il ne doit pas...
- Tu... feras... un très bon roi", articula Vernarte en serrant la main du jeune homme.

Puis, ses yeux se posèrent sur celui qu'il avait voulu protéger et se fixèrent à jamais. Moï lui ferma les paupières. Les autres se rapprochèrent dans un silence absolu. Seuls les sanglots de Link se faisaient entendre.

"Je n'ai rien à te pardonner. Tout est de ma faute..."

Lafrel s'approcha de lui et tenta de lui faire lâcher la main du général, mais Link était en état de choc et ne voulait pas l'abandonner. Corentin fut forcé d'intervenir. Le temps leur était compté : ils ne devaient pas rester là. Le roi de Tradan pouvait revenir d'un instant à l'autre.

Moï prit Link dans ses bras et quitta le camp suivi des autres sauveteurs. Il se rappelait les nombreuses fois où il avait dû ramener son élève de cette façon après une séance d'entraînement un peu longue. À l'âge de dix ans, le jeune garçon présentait déjà une réelle aptitude au maniement des armes et avait désiré recevoir une formation.

Le Toalien avait commencé à lui prodiguer des leçons qui se terminaient tard. L'apprenti refusait en effet d'arrêter l'exercice avant d'avoir maîtrisé le coup et s'endormait pendant que son professeur rassemblait leurs affaires. Ce dernier était donc obligé de le porter pour le mettre au lit.

La capacité de l'enfant à retenir les techniques enseignées l'avait toujours enthousiasmé. Très souvent après l'avoir couché, il l'entendait chuchoter dans son sommeil, comme si son instruction se déroulait jusque dans ses rêves.

Mais les mots qu'il prononçait aujourd'hui étaient bien différents de ceux de cette époque. Dans les bras de son mentor, Link s'était accroché à son vêtement en murmurant que tout était de sa faute, avant de sombrer dans l'inconscience. Le groupe marcha rapidement pour rejoindre l'endroit où ils avaient caché leurs chevaux.

Lorsqu'ils furent suffisamment loin du camp de Ganondorf, Moï examina son élève minutieusement.

"Nous devons le ramener au château dans les plus brefs délais. Il a besoin de soins de toute urgence. Corentin, tu es rapide et suffisamment fort pour le défendre en cas de besoin. Peux-tu t'en charger ?
- Oui, j'allais me proposer. Je l'ai traité d'une manière assez dure la dernière fois. Je veux me racheter. Je comprends mieux ce qu'il ressent.
- Tu devras le ramener directement au château et remettre cette lettre au garde. Vous serez emmenés directement chez la princesse.
- Que dois-je faire s'il se réveille pendant le trajet ? Ou si je rencontre des ennemis ? Je ne pourrai pas me battre et le maintenir sur la selle."

L'objection soulevée fut prise très au sérieux. Ils devaient tenir compte du fait que Link était inconscient et pouvait tomber de cheval en cas de poursuite ou de combat. De plus, personne ne savait comment il réagirait à son réveil.

Après en avoir discuté pendant une vingtaine de minutes, ils décidèrent d'attacher le jeune homme sur sa monture pour sa propre sécurité. Ainsi, Corentin serait sûr de ne pas le perdre en route.

Il s'éloigna au moment où la fuite de Link était découverte dans le camp de Ganondorf. Quand celui-ci remarqua le désastre qui s'était déroulé en son absence, le roi de Tradan entra dans une colère noire.

Un cri résonna dans le désert. Il fut entendu par les membres du groupe de sauvetage qui devinèrent que des soldats avaient été lancés à leur trousse. Ils partirent dans des directions différentes afin de diviser les troupes ennemies.

L'après-midi était déjà bien entamée quand Corentin laissa son cheval devant les portes de la citadelle. Il détacha Link, toujours inconscient, et le transporta vers le palais. Le garde lut le papier que lui tendit le jeune homme et l'accompagna à l'intérieur où un majordome s'occupa de lui.

"Vous pouvez laisser votre ami, ici. Je vous mène directement à la princesse.
- Je ne peux le quitter des yeux. Je ne sais pas comment il réagira à son réveil.
- Nous n'en avons que pour quelques minutes."

Devant l'insistance du serviteur, Corentin coucha Link sur une banquette et le suivit. Il fut introduit dans un petit salon où Zelda se reposait. Reconnaissant son visiteur, elle congédia le domestique et se précipita vers le nouveau venu.

"Où est-il ?
- En bas, votre majordome a refusé que je monte avec lui. Son état est inquiétant : il est inconscient.
- Je vais faire prévenir mon médecin. Emmenez-moi à lui.
- J'ignore quelle sera sa réaction à son réveil. Il a vécu des moments difficiles et..."

Corentin raconta le détail de l'aventure à la princesse puis ils descendirent. Mais une désagréable surprise les attendait : Link avait disparu. Il s'était réveillé et, pris de panique, s'était enfui par la porte restée ouverte, en direction des jardins.

Zelda fit appeler sa Garde Rapprochée et lui donna pour mission de retrouver le Héros du Crépuscule. Ses soldats d'élite seraient sûrement capables de l'apaiser et de le ramener à l'intérieur du palais.

* * *

À son réveil, Link observa autour de lui. Un individu était en train de descendre l'escalier et s'avançait vers lui. Pris d'une peur subite, le jeune homme se leva d'un bond et courut vers la porte qu'il franchit aussitôt, sous le regard du majordome qui le laissa faire. À l'extérieur, Link vit que la grille donnant sur la ville était gardée par des soldats. Il décida donc de tenter sa chance par un autre chemin et se dirigea vers la droite.

Le Héros du Crépuscule n'avait fait que quelques pas avant d'entendre des voix s'approcher de lui. Il se plaça derrière une haie afin d'y attendre que la route soit de nouveau libre. Link se précipita dans le sentier que les sentinelles venaient de quitter et continua son trajet.

Il traversa une cour en se dissimulant dans des buissons et en cherchant un passage par lequel une fuite serait possible. Au moindre bruit, le jeune homme se cachait derrière un renfoncement ou un feuillage. Il se retrouva face à une ouverture, l'emprunta et entra dans un immense jardin rempli de parterres de fleurs. Link longea les murs en essayant de trouver un endroit à escalader.

Il avait parcouru la moitié du parc quand deux gardes apparurent. Ceux-ci remarquèrent un étranger suspect avec une chemise déchirée et couverte de sang qui se mit à courir en les apercevant. Croyant qu'un prisonnier avait réussi à s'évader, ils le poursuivirent.

Le Héros du Crépuscule ressentait encore des douleurs suite aux mauvais traitements reçus et éprouvait des difficultés à avancer. Il fut rapidement acculé à une paroi et se recroquevilla dans un coin, pris de panique. Au moment où les soldats voulurent se saisir de lui, il se défendit en donnant des coups à ses deux adversaires. Link fut néanmoins maîtrisé et emmené dans les geôles du palais.

* * *

Pendant ce temps, les recherches s'organisèrent. Les membres de l'unité d'élite se séparèrent afin de fouiller chaque partie du château et des jardins. C'est en interrogeant les deux soldats qui surveillaient les alentours du palais qu'ils apprirent l'arrestation d'un vagabond.

Sachant cela, Zelda se précipita dans les cachots où Link avait été enfermé par erreur. Il s'était réfugié dans un coin de la pièce lorsque la princesse était arrivée. Elle entra et s'approcha du jeune homme en lui parlant doucement. Zelda le regardait les larmes aux yeux. Il semblait en proie à la panique la plus totale.

Le médecin que Zelda avait appelé pénétra à son tour dans la cellule. Il reconnut immédiatement le blessé.

"Que lui est-il arrivé ? demanda le docteur en s'approchant de lui.
- Il a été torturé et a assisté à la mort du général Vernarte qui a donné sa vie pour lui.
- Je vois. Maintenez-le aussi immobile que possible pour que je puisse lui faire prendre ce calmant."

Le praticien s'approcha du blessé et le força à avaler un comprimé. Voyant que ses tentatives de résistance se révélaient inefficaces, Link abandonna la lutte. Il ingéra la capsule et se laissa emmener.

Ensuite, le Héros du Crépuscule fut installé dans une des chambres du palais. La somnolence le gagnait tout doucement. Profitant de son calme, le médecin voulut examiner son dos et lui retira sa chemise.

Croyant que les tortures allaient recommencer, Link se releva d'un bond et se réfugia dans un coin. Le docteur conseilla de ne pas le brusquer, ajoutant qu'il finirait par s'endormir sous l'effet du médicament. Au bout de plusieurs minutes, le jeune homme avait sombré dans l'inconscience.

À son réveil le lendemain matin, Link ne pouvait pas bouger. Ses bras et ses jambes étaient enserrés dans des sangles qui le retenaient au lit. Il était couché sur le ventre et des bandages recouvraient son torse. Des pansements avaient également été posés sur ses poignets et ses chevilles.

Le Héros du Crépuscule se contorsionna pour essayer de se dégager. La panique s'emparait de lui. Le voyant s'agiter, la princesse qui avait passé la nuit à le veiller se leva et s'approcha.

Elle s'assit à ses côtés et commença à lui caresser les cheveux en lui parlant doucement pour l'apaiser. Il tourna la tête et reconnut Zelda.

"Pourquoi suis-je attaché ?
- Pour ta propre sécurité ! Tu n'étais pas dans ton état normal quand Corentin t'a ramené."

Le Héros du Crépuscule regarda la jeune femme et remarqua que ses yeux avaient rougi. Elle avait dû se faire beaucoup de soucis pour lui. Les souvenirs lui revinrent en mémoire rapidement : le combat dans la salle du trône qui lui avait valu une blessure à l'épaule et un séjour douloureux dans le camp de Ganondorf, la fuite avec ses amis et son retour au palais.

"Peux-tu me détacher, s'il te plaît ?
- Je voudrais que mon médecin personnel t'examine avant.
- Pourquoi, demanda-t-il en recommençant à s'agiter. Tu n'as pas le droit de me faire ça.
- Je veux être sûre que tu ailles bien. Depuis ton retour, tes réactions sont imprévisibles."

La princesse se leva et demanda à un des gardes présents d'aller quérir le docteur. Celui-ci arriva rapidement et examina Link avec attention.

"Comment vous sentez-vous ?
- Engourdi et mon dos me fait souffrir.
- Je comprends. Je vais vous détacher, mais vous devez me promettre de ne pas vous lever. Vous êtes encore extrêmement faible. Vous devez vous reposer.
- Je désire juste me positionner autrement et être libre de mes mouvements, s'il vous plaît."

Le médecin retira les sangles et Link put s'asseoir dans le lit. Le docteur en profita pour examiner ses différentes blessures, après avoir donné un antidouleur à son patient. Les plaies avaient commencé leur cicatrisation. Il appliqua une crème régénérante et recouvrit le tout.

"Maintenant, du repos. C'est tout ce dont vous avez besoin.
- Quand pourrais-je reprendre l'entraînement ?
- Pas avant plusieurs jours. Vous ne disposez pas des forces nécessaires."

Zelda le regardait d'un air réprobateur.

"Tu viens juste d'être sauvé et tu veux déjà te précipiter dans un autre combat.
- Penses-tu que Ganondorf va renoncer à son plan concernant Hyrule ? lui demanda-t-il. J'ai perdu certains de mes réflexes et un peu d'exercice ne me ferait pas de mal.
- Il est reparti pour son royaume !
- C'est une ruse. Il ne me laissera jamais tranquille et toi non plus. Maintenant que le livre est entre ses mains, nous devons nous attendre au pire.
- Il ne l'a pas !
- Quoi ?
- L'équipe qui t'a délivré était également chargée de récupérer l'objet.
- Mais vous n'aviez pas la clé du coffre.
- Inutile, intervint une voix. J'avais caché l'ouvrage à proximité du coffre, pas dedans. Je leur avais indiqué l'emplacement exact."

Link leva la tête et reconnut celui qui venait d'entrer dans la chambre.

"Mithran !
- Votre Altesse, le dernier membre de l'équipe de sauvetage vient de rentrer sain et sauf. Il a dû passer par les montagnes pour éviter une troupe de soldats qui était à ses trousses.
- Merci !
- Attends, comment as-tu fait ?"

Le jeune homme interrogea la princesse qui lui donna son accord pour les explications. Il prit une chaise et s'assit près du lit de Link.

"Pose tes questions, j'y répondrai du mieux que je pourrai.
- Qui es-tu ?
- Tu connais mon nom. C'est la seule chose que m'ont laissée mes parents. Je vivais dans les rues de la citadelle qui jouxtent le palais de Tradan. Un jour, que je dus de nouveau me défendre contre une bande de voyous, je fus repéré par le roi en personne qui me prit sous son aile et me donna une éducation. Il m'a adopté et désirait que je lui succède.
- Pourquoi l'as-tu trahi ?
- J'ai un coeur, moi. Contrairement à lui, je ne pouvais pas supporter de voir tous ces hommes souffrir par sa faute. Un jour, tu es arrivé ! Il t'a décrit comme un monstre qui méritait le châtiment qui lui était réservé. Pourtant, tu as tenté de sauver le résistant Roven, alors que tu n'avais aucune chance. Et tu l'as payé cher. J'avais également écouté votre conversation : tu lui as promis de l'aider. Pourtant, ta situation était pire que la sienne. Je me suis donc renseigné sur toi.
- Et qu'as-tu découvert ?
- Tous tes exploits ! J'ai appris aussi que tu étais porté disparu dans ton royaume, mais je ne pouvais pas agir ouvertement. Mon père aurait trouvé étrange que je quitte le pays pour me rendre en Hyrule."

Le Héros du Crépuscule posa son regard sur son interlocuteur.

"Comment as-tu pu te renseigner sur moi sans quitter ton pays ?
- J'interrogeais les voyageurs ivres. L'alcool leur faisait oublier qu'ils m'avaient parlé.
- Explique-moi ce qu'il comptait faire de moi !
- Mon père possédait un livre que j'ai eu l'occasion de parcourir. Il y était fait mention de la pyronite. Cette pierre pouvait être associée à deux produits : celui utilisé sur toi et celui employé avec Vernarte.
- Nous n'avons donc pas eu droit au même traitement ?
- Non, le premier produit retire le libre arbitre, mais le second fait ressortir la cruauté de la personne qui le boit. C'est le sort que tes ennemis te réservaient, mais pour cela, ils devaient se débarrasser de ton fragment de Triforce.
- Avec un pouvoir ancien, j'imagine, la..."

Il ne put terminer sa phrase. Mithran avait repris la parole.

"Oui, la Darkforce ! Elle devait anéantir ta protection. Je ne savais pas quoi faire pour te secourir et le temps m'était compté.
- Ash m'a appris que vous m'aviez sauvé de justesse.
- Oui, à quelques jours près, nous n'avions plus aucune chance de te venir en aide. Ton Courage était en train de disparaître. Ils n'attendaient que ce moment pour te faire boire la potion. Si tu étais resté là-bas, tu serais devenu comme Vernarte et tu aurais provoqué la chute de ton royaume.
- Que se serait-il passé ?
- Tu te serais attaqué à tes amis sans état d'âme. Pourtant, ta conscience serait restée intacte. Tu aurais assisté à tous tes méfaits. Cela a été le cas pour Vernarte.
- Comment le sais-tu ?
- J'ai tout appris dans le livre. Ces potions sont dangereuses. Par contre, j'ignorais comment arrêter le processus qui t'affaiblissait. Comment as-tu fait pour que ta marque retrouve sa couleur normale ?
- C'est grâce à l'Epée de Légende : elle a pu retirer le pouvoir qui détruisait la Triforce.
- J'ignorais comment te protéger. Un jour, j'ai entendu ton amie poser des questions sur toi. Je l'ai suivie. Au moment de son départ, je l'ai abordée et nous avons préparé ton évasion. Malheureusement, Ash a été capturée pendant qu'elle te ramenait chez toi et ignorait si tu avais pu t'en sortir. Tu connais la suite."

Link se tut un instant, en repensant aux événements qu'Ash lui avait racontés.

"Pourquoi t'es-tu dénoncé, demanda-t-il après un instant de réflexion.
- J'avais prévu de le faire depuis longtemps. Ta capture a précipité les choses. Je savais que tu ne voulais pas me compromettre et je voulais qu'il arrête de vous faire du mal. J'étais prêt à quitter le camp de toute façon. Je suis venu au palais et j'ai raconté toute mon histoire. Je n'avais rien pour prouver ma bonne foi, mais Zelda m'a fait confiance et nous avons mis un plan au point. Nous devions faire croire à mon père que le livre se trouvait dans le coffre en t'interrogeant sur la clé.
- On dirait qu'il est tombé dans le panneau !
- Le désert n'appartenant à aucun des deux royaumes, nous avons pu y mener une expédition de secours sans provoquer de scandale politique.
- Donc, vous saviez depuis le départ que vos chances d'obtenir ma libération étaient inexistantes.
- Oui, mais nous savions aussi que Ganondorf ferait tout pour récupérer Vernarte. Nous avions donc une chance de récupérer ton amie. Par contre, nous ignorions que le général était une de ses victimes lui aussi. Nous l'avons envoyé à la mort.
- Il m'a sauvé la vie !
- Et nous ne pourrons jamais l'en remercier", ajouta Zelda.

Le Héros du Crépuscule se tourna vers elle.

"Le livre, demanda-t-il soudain. Où est-il ?
- Entre nos mains, répondit-elle. C'est un ouvrage très dangereux !
- Il faudra peut-être envisager de le détruire !"

Le silence retomba.

"Je vais vous laisser. Si tu désires savoir autre chose, je me ferai un plaisir de répondre à tes questions.
- Merci, pour tout."

Mithran sourit et salua la princesse avant de sortir. Link le suivit des yeux. Au moment où le fils adoptif du roi de Tradan quittait la pièce, il aperçut une jeune femme inquiète qui semblait attendre dans le couloir : Iria. Au même moment, cette dernière leva la tête en direction de la chambre. Leurs regards se croisèrent un instant. Tous deux restèrent immobiles se fixant avec intensité jusqu'au moment où la porte se referma.

Chapitre 21   up

La princesse avait également aperçu la jeune femme dans le couloir. Elle s'approcha de Link, ne sachant pas si celui-ci s'était rendu compte de sa présence. À voir la tête qu'il faisait, le doute n'était plus permis.

"Iria est juste venue prendre de tes nouvelles. Elle s'inquiète beaucoup pour toi.
- Je l'ai lu dans ses yeux. Vu la façon dont je lui ai parlé la dernière fois, je pensais qu'elle ne voudrait plus jamais entendre parler de moi."

Le Héros du Crépuscule avait baissé la tête, soudain honteux de son comportement vis-à-vis de ses proches. Zelda vint s'asseoir à côté de lui et lui prit la main.

"Ne sois pas si dur avec toi-même ! Tu as vécu des choses difficiles ces derniers jours et Iria l'a très bien compris.
- Ça n'excuse en rien la manière dont je me suis adressé à elle.
- Tu as raison et tu sais ce qu'il te reste à faire."

Le jeune homme voulut se lever dans le but d'aller parler à son amie, mais ne put faire un pas sans s'écrouler. Il eut juste le temps de se rattraper au lit. La princesse se précipita sur lui au moment où la porte s'ouvrit sur le médecin. Celui-ci avait dans les mains un plateau comportant le repas qui avait été préparé pour le blessé.

Le docteur déposa son fardeau sur la chaise située près de Link et l'aida à se recoucher.

"Je vous avais dit de ne pas vous lever.
- Je voulais voir une amie qui attend dans le couloir.
- Je lui ai dit que vous aviez besoin de repos. Elle est partie.
- Mais...
- Elle reviendra demain. Pour l'instant, vous devez vous restaurer et dormir."

Le médecin aida le Héros du Crépuscule à s'asseoir dans le lit et déposa le plateau devant lui.

"Votre Altesse, je souhaiterais vous parler."

Ils sortirent tous les deux laissant Link seul avec lui-même. Ce dernier n'avait pas très faim, mais commença à manger ce qui lui avait été servi. Un bol de potage aux légumes qui lui apporta un peu de réconfort. Après avoir terminé, il déplaça légèrement le plateau pour se recoucher.

Lorsque Zelda entra dans la pièce, elle le trouva plongé dans ses souvenirs. Il repensait à tous les évènements qui s'étaient passés depuis son réveil dans une chambre de l'auberge de Cocorico.

Le jeune homme ne remarqua pas l'arrivée de la princesse. Il songeait à cet instant magique où elle avait posé ses lèvres sur les siennes et prononcé les trois mots qui resteraient à jamais gravés dans sa mémoire. Ses joues se teintèrent de rose.

Link ne se rendit compte de sa présence qu'au moment où elle s'assit sur le lit et lui prit la main. Il tourna la tête vers Zelda et sourit en baissant les yeux.

"Tu... tu es là depuis longtemps ?
- Assez pour savoir à quoi tu réfléchissais. Justement, je voulais t'en parler.
- Tu... ne pensais pas ce que tu as dit ?
- Bien sûr que si, dit-elle en s'empourprant. Mais jusqu'à maintenant, j'ai toujours tenté de garder pour moi les sentiments que j'éprouvais. À force de te voir tous les jours après ta victoire, j'ai appris à te connaître et à t'aimer.
- Je le sais.
- Pourtant, tu ne me regardais pas à l'époque.
- Pour moi, tu étais la princesse de ce royaume. Et puis, il y avait Iria ?
- Et maintenant ?
- Je ne sais plus. Elle s'est mariée avec un autre et moi...
- Que ressens-tu ?
- J'ai commencé à me poser des questions quand Vernarte m'a dit que tu étais éprise de moi. Mais je ne l'ai vraiment compris que ce jour-là..."

Le jeune homme plongea ses yeux bleus dans ceux de la princesse et, sans un mot de plus, approcha son visage de celui de Zelda. Cette dernière ferma les paupières au moment où leurs lèvres se touchèrent. Les murs autour d'eux disparurent pour les laisser seuls au monde en cet instant unique et merveilleux. Link posa une de ses mains sur le cou de sa belle et l'autre sur sa taille. Ce fut elle qui mit fin à cette étreinte.

"Nous ne pouvons pas faire ça. Tu as d'abord des excuses à présenter à quelqu'un.
- C'est bien mon intention ! J'irai la voir dès que je pourrais me lever.
- Je pense qu'elle doit être inquiète pour toi. Si tu lui parles maintenant, vous serez soulagés tous les deux. Acceptes-tu de la voir ? Je l'enverrai quérir. Tu te reposeras un peu pendant ce temps."

Le Héros du Crépuscule acquiesça et regarda Zelda sortir de la chambre. Il se sentait soudain pris d'une grande fatigue. Link s'allongea sur le côté doucement pour ne pas réveiller les élancements dans son dos. Les pensées du jeune homme repartirent vers l'endroit qu'il avait quitté en mauvais état, s'imaginant la réaction de Ganondorf après sa fuite. Petit à petit, ses idées se brouillèrent et il finit par s'endormir.

En ouvrant les yeux, Link ne vit rien. Il se trouvait dans une minuscule pièce sombre et ne pouvait pas bouger. Ses mains et ses jambes semblaient ne plus répondre. Vernarte l'avait amené jusqu'ici et l'avait vendu au royaume de Tradan comme esclave. Il se rappela avoir été emmené dans ce lieu et d'y avoir été drogué avec un produit. Le souvenir d'une forte douleur se manifesta.

Link ne pouvait dire depuis quand il était éveillé. La notion de temps lui était devenue étrangère. Plusieurs jours passèrent sans qu'il s'en aperçoive. Le prisonnier ne recevait la visite de son geôlier que lors des rares repas qui lui étaient accordés. Celui-ci lui faisait avaler un bol de soupe et s'en allait sans avoir prononcé un mot.

Puis, le Héros du Crépuscule ressentit des picotements dans ses bras et ses jambes, comme si ses membres revenaient à la vie. Au bout de plusieurs heures, le captif pouvait de nouveau se mouvoir. Lorsqu'il tenta de se relever, le jeune homme remarqua que ses poignets étaient enfermés dans des bracelets en fer reliés au mur par des petites chaînes. Link réussit tout de même à s'asseoir, mais ne put se mettre debout. Soudain, la porte s'ouvrit et Vernarte entra, laissant la lumière du couloir pénétrer dans la pièce.

"Alors, comment te sens-tu après avoir passé un an dans ta nouvelle vie ?
- Un an ? Je ne te crois pas. Votre produit n'a réussi qu'à me paralyser un moment.
- Tu te trompes. Je t'ai apporté une preuve. Regarde ce document !"

Il tendit un parchemin à Link qui se mit à le parcourir. Plus sa lecture avançait, plus son visage devenait pâle.

"C'est un faux !
- Regarde la signature et le sceau apposé ! Ce sont bien ceux de la princesse Zelda. Elle a elle-même rédigé cette annonce, en pleurant. Comme tu as pu le lire. La Fête du Triomphe a été annulée cette année et a été remplacée par une cérémonie en ton honneur.
- Ils me croient...
- J'en ai bien peur, ajouta le général en ricanant. Cela signifie que personne ne te cherche plus. Tu ne pourras donc pas t'échapper cette fois. Ce texte a été rédigé, il y a deux jours."

Le Héros du Crépuscule leva son regard vers son adversaire. Il se sentait impuissant et faible face à lui.

"Pourquoi es-tu venu me dire tout ça ?
- Je voulais lire le désespoir dans tes yeux.
- Et maintenant, que comptes-tu faire de moi ?
- Je ne te ferai absolument rien. Je te rappelle que tu es la "propriété" du roi de Tradan. Je te reverrai dans un an.
- Dans un an, mais..."

Vernarte s'était déplacé sur le côté et deux gardes firent leur apparition. L'un d'eux approcha un collier où pendait une pyronite du cou du jeune homme qui commença à se démener. Mais l'autre lui attrapa les bras pour le maintenir au sol. La pierre fut posée contre sa gorge et, directement, les premières douleurs se firent sentir.

Link était incapable de faire un mouvement. La porte se referma et l'obscurité envahit de nouveau la cellule. Le bruit caractéristique d'une trappe s'ouvrant résonna et une odeur âcre imprégna l'atmosphère de l'endroit. Les souffrances devinrent plus fortes, accompagnées de la sensation de respirer un air brûlant. Le Héros du Crépuscule sombra dans l'inconscience au bout de plusieurs minutes.

Dans la chambre de Link, Iria était assise sur une chaise et le regardait dormir. Corentin était avec elle, il observait par la fenêtre. La pièce donnait sur une cour intérieure du château où ses hommes s'entraînaient. Le soldat n'avait pas voulu laisser son épouse seule avec son ancien amour. Link se mit à s'agiter dans son sommeil. La jeune femme se leva et s'approcha du lit. Les traits du blessé s'étaient crispés comme s'il ressentait une douleur. De la sueur coulait de son front. Elle avança sa main pour le réveiller, mais Corentin l'arrêta.

"Laisse-le, murmura-t-il, si c'est un souvenir, tu dois le laisser le revivre jusqu'au bout, même si c'est difficile.
- Je sais.
- C'est important pour lui. Il aura besoin de connaître tous les détails de son passé pour pouvoir vaincre son ennemi.
- Parce qu'il va encore devoir se battre.
- J'en ai bien peur."

Juste à ce moment, le Héros du Crépuscule ouvrit les yeux et s'assit, en respirant bruyamment. Iria s'installa sur le bord du lit et prit la main de son ami dans la sienne. Il la regarda faire sans rien dire, puis tourna la tête vers son mari. Celui-ci redoutait une mauvaise réaction de la part du blessé.

"Sois tranquille, dit-il en baissant la tête. J'ai compris bien des choses maintenant. Je vous dois des excuses à tous les deux. Je me suis comporté comme un idiot. J'espère que vous pourrez me pardonner. Je comprendrai si ce n'est pas le cas."

Il releva la tête et croisa le regard de la jeune femme.

"Personne ne t'en veut, Link. Nous avons compris que ce que tu vivais était difficile !
- Ce n'était pas une raison pour te parler comme je l'ai fait.
- Tu n'étais pas dans ton état normal.
- Je te dois des excuses, moi aussi, ajouta Corentin, je n'aurais pas dû mettre tes propos en doute lors de la discussion. Je connaissais ta réputation, mais tu m'avais mis en colère. Pardonne-moi également de t'avoir frappé ce jour-là.
- Je l'avais mérité et j'ai eu droit à un savon de la part de Thelma."

Iria n'écoutait pas. Elle avait posé les yeux sur son mari.

"Tu... l'as frappé ?
- Oui, juste après ton départ.
- Pourquoi ?
- Il t'avait fait pleurer !
- Et tu crois que les coups allaient tout résoudre ?
- Non, bien sûr, mais j'étais irrité.
- C'est ce sentiment qui t'a fait réagir comme ça à la réunion ? Oui, Moï m'a tout raconté."

Corentin avait baissé la tête.

"Iria, ne te fâche pas, reprit Link. Comme je l'ai dit, je l'avais mérité.
- Ne te mêle pas de ça ! Tu n'es pas concerné !
- Si justement. Je ne veux pas que vous vous disputiez à cause de moi ! J'ai fait suffisamment de dégâts comme ça !
- Tu as raison. Je suis désolée."

Le soldat fit le tour du lit et prit sa femme dans ses bras.

"Je suis rassuré de vous savoir réconciliés. Je dois retourner entraîner mes soldats. Link, je te la confie."

Il adressa un sourire au jeune homme avant de quitter la pièce. Iria se tourna vers son ami qui s'était recouché. La douleur dans son dos recommençait à devenir insupportable. Elle rattrapa son mari et lui demanda de ramener le docteur.

"Comment te sens-tu, demanda-t-elle. Tu as mal ?
- Oui. Mais il ne fallait pas faire revenir le médecin pour ça !
- Depuis combien de temps ressens-tu ses douleurs ? Te connaissant, c'est probablement depuis ton réveil et tu en parles seulement maintenant.
- Ce n'est rien !
- En es-tu sûr ?"

Iria s'approcha de Link et souleva une partie du bandage qui recouvrait son dos. Voyant l'état de celui-ci, elle recula, effrayée.

"Qu'est-ce qu'il t'a fait ? J'ai déjà vu des marques semblables sur toi, mais elles n'étaient pas aussi profondes.
- Ce n'est pas aussi grave que cela en a l'air.
- Je me souviens d'un jour où tu m'as dit ça, dit-elle les larmes aux yeux. Ensuite tu as reçu une blessure qui aurait pu te tuer. J'ai trop souvent failli te perdre. Cette fois, je ne te laisserai pas jouer avec ta santé. Tu laisses le médecin t'examiner où je demande à Zelda de faire ce qu'il faut pour que tu ne quittes pas cette chambre.
- D'accord, répondit-il, je ferai ce que tu me demandes. Je suis désolé de te causer autant de soucis."

Iria s'assit et lui prit la main.

"Quand j'ai appris que Vernarte t'accusait d'avoir tenté de tuer la princesse et qu'il allait te renvoyer à Tradan, j'ai cru devenir folle. Je ne pouvais pas croire une telle chose. Tu n'étais pas capable de commettre un tel acte. J'ai repensé à notre dernière entrevue.
- Tu as cru que j'avais changé.
- Non, j'ai pensé que tu n'allais pas bien et que tu avais encore des problèmes. J'ai cru te perdre de nouveau. Je suis allée voir Moï, car c'est lui qui te connait le mieux. Il m'a alors tout raconté.
- Je suis allé le voir au village pour obtenir son aide et je lui avais dit tout ce dont je me rappelais.
- Il m'a parlé du collier et de la princesse qui était en grand danger. Et nous avons préparé un plan pour la sauver.
- C'est toi qui...
- Il savait que je faisais partie de ses proches et que je pourrais facilement échanger les deux colliers. Vernarte ne s'est pas méfié de moi, ne s'imaginant pas que le danger pouvait venir d'une femme.
- Je comprends."

Iria observa Link un moment, puis reprit.

"Quand tu dormais tout à l'heure, tu semblais faire un mauvais rêve !
- Ce n'était pas un rêve, mais un nouveau souvenir. Un an après mon arrivée au royaume de Tradan où j'ai été réduit en esclavage, Vernarte est venu me dire que les recherches avaient cessé.
- Officiellement, oui. Pourtant, certains d'entre nous ont conservé l'espoir de te revoir.
- Je le sais maintenant. Mais, là-bas, j'étais seul et impuissant. Sans l'intervention de Mithran, j'y serais encore."

À ce moment, le médecin entra dans la chambre. Il s'approcha de Link et commença à examiner ses plaies, après avoir retiré les bandages.

"J'imagine que le dernier calmant ne fait plus d'effet !
- Non, la douleur est de nouveau là.
- Prenez ceci, ça vous fera dormir toute la nuit. Il commence à se faire tard et vous avez besoin de repos.
- J'ai déjà sommeillé une bonne partie de la journée, docteur.
- Ne discutez pas, j'ai cru comprendre que vous vouliez guérir rapidement.
- Oui, ma mission n'est pas terminée.
- Vous n'êtes pas en état de vous battre.
- Je le sais ! J'ai perdu une bonne partie de mon équipement, ainsi que l'Épée de Légende et je manque cruellement d'entraînement.
- Prenez ce comprimé, le sommeil sera votre meilleur remède. Demain, vous essayerez de faire quelques pas dans la chambre. Quant à vous, mademoiselle, je vous demanderai de laisser notre malade se reposer."

Iria se leva, déposa un baiser sur la joue de Link et quitta la pièce. Le jeune homme avala le médicament que lui tendait le docteur et se recoucha. Un quart d'heure plus tard, il dormait profondément.

Chapitre 22   up

Le lendemain, à son réveil, Link était seul. Les douleurs de son dos s'étaient ravivées et le moindre de ses mouvements accentuait celles-ci. Il ferma les yeux, se concentrant sur sa respiration pour calmer les battements un peu trop rapides de son coeur. Le jeune homme n'entendit pas la porte de sa chambre s'ouvrir.

Iria entra et vit directement que son ami n'allait pas bien. Elle s'approcha de lui, s'asseyant sur le lit. Le Héros du Crépuscule sentit des doigts déplacer une mèche de ses cheveux qui était tombée devant son visage.

"J'imagine que tu souffres beaucoup à voir ta tête.
- Un peu, répondit-il en posant les yeux sur elle.
- Tu recommences à sous-estimer tes blessures. J'ai croisé ton médecin, il viendra te voir tout à l'heure. Et attendant, tu dois prendre quelque chose pour calmer tes douleurs."

Elle aida Link à s'asseoir et lui donna un comprimé et un verre d'eau. Ce dernier la regarda d'un air interrogateur.

"Ne t'inquiète pas, c'est juste un antidouleur.
- Comment l'as-tu eu ?
- Je me suis rendue chez le docteur. C'est lui qui me l'a donné.
- Pourquoi ?
- Je me suis rappelé que des Gorons vendaient de l'eau thermale près de l'auberge de Thelma. Je suis allée lui demander si cela pourrait aider à la cicatrisation des plaies. Il m'a dit que ça ne te ferait de mal, alors je suis allée en acheter. Quand je leur ai révélé que c'était pour toi, ils m'ont fait un prix, ajouta-t-elle en souriant.
- Ils ne m'ont pas oublié.
- Tu as quand même sauvé leur chef. Ils ont ajouté que ce serait plus efficace si tu te baignais dans une de leurs sources.
- Il y en a une à Cocorico.
- Je vais nettoyer tes plaies tant qu'elle est chaude, tu veux bien ?
- Merci, Iria."

Le Héros du Crépuscule se coucha sur le ventre pour permettre à son amie de s'occuper de ses blessures. Ensuite, elle l'aida à se réinstaller.

"Comment te sens-tu, à présent ?
- Un peu mieux. L'eau thermale m'a fait du bien.
- Je vais discuter avec Zelda de la possibilité de t'emmener à Cocorico. Reynald sera tout à fait capable de s'occuper de toi et tu auras la source des Gorons à proximité. C'est l'endroit idéal pour que tu puisses guérir rapidement."

Iria se leva et sortit. Elle croisa Moï, venu prendre des nouvelles de son élève. Celui-ci entra et s'installa sur une chaise qu'il plaça à côté du lit. Link le regarda et lui sourit.

"Comment vas-tu ?
- Je suis en vie et c'est à toi que je le dois.
- Tu aurais fait la même chose pour moi, mais ce n'est pas ce que je te demande. Je veux savoir comment tu te sens physiquement.
- Comme tu peux le voir, ce n'est pas la grande forme, mais je reçois tous les soins nécessaires.
- Et moralement ?"

Link baissa les yeux. Il ne voulait pas avouer à son ancien mentor les pensées négatives qui tournaient dans sa tête.

"Les images des tortures qui t'ont été infligées reviennent régulièrement. C'est normal. Tu as subi des mauvais traitements et ...
- Ce ne sont pas les coups qui sont difficiles à supporter, l'interrompit le jeune homme. Ce ne sont pas les premiers que je reçois. J'ai quitté la ville en croyant t'avoir déçu...
- Je suis désolé. J'étais obligé de faire croire à Vernarte qu'on adhérait à son histoire. Après ton départ de la taverne, Lafrel et moi avons essayé de calmer Corentin qui semblait très remonté contre toi. Cela a duré un certain temps et, lorsque nous avons enfin réussi à le convaincre, nous nous sommes rendus au palais afin de te proposer notre aide. Mais il était déjà trop tard !
- Que veux-tu dire ?
- À notre arrivée, le château regorgeait de soldats. Le bruit courait que tu avais tenté de tuer Zelda.
- C'est faux ! J'ai été piégé.
- Oui, j'en étais convaincu et Lafrel aussi, mais Corentin avait encore des doutes. Nous avons rejoint la Salle du Trône. La princesse avait été emmenée dans sa chambre, car elle avait subi un choc. Nous n'avons donc pas pu lui parler.
- Qu'a raconté Vernarte ?
- Il a dit que tu étais entré dans la pièce en colère, élément confirmé par les gardes qui t'ont vu passer.
- Je venais d'apprendre qu'il était seul avec Zelda, je voulais la protéger.
- Selon lui, tu as essayé de la frapper avec un poignard. Il affirme avoir été obligé de te tirer une flèche dans le bras pour te faire lâcher ton arme.
- Comment explique-t-il le fait que j'aie été blessé au bras droit ? Tout le monde sait que je suis gaucher.
- Non, pas tout le monde, le général ne le savait visiblement pas.
- Comment pouvait-il l'ignorer, nous nous sommes battus. Vernarte a bien vu que j'utilisais ma main gauche. Attends..."

Link ferma les yeux et se concentra pour se souvenir des événements qui avaient abouti à son emprisonnement.

"J'avais déjà été blessé à ce moment-là. Il a sans doute cru que la douleur m'empêchait de prendre mon épée du bon côté.
- C'est probable ! Toujours selon son témoignage, tu te serais écroulé sur le sol sans lâcher la lame. Il t'aurait alors assommé pour te rendre inoffensif.
- Son histoire est incohérente.
- Lorsque les gardes sont entrés dans la pièce, ils t'ont trouvé inconscient, le poignard à la main. Le général était respecté par ses hommes et avait une certaine réputation. Tu étais un inconnu pour les plus jeunes d'entre eux. C'est naturellement qu'ils ont cru leur chef.
- Il a su profiter de ces années où je suis resté prisonnier de Ganondorf.
- En tant que représentant du village de Toal, j'ai pu assister à la réunion concernant ton soi-disant crime. Je n'ai pas pu les convaincre de ton innocence. Alors, je suis entré dans leur jeu. Je leur ai fait croire qu'ils avaient réussi à me persuader de ta culpabilité.
- Ils ont pris la décision de me livrer au roi de Tradan.
- C'était ça ou ce tyran nous déclarait la guerre. Ils pensaient avoir pris la bonne décision pour éviter des souffrances aux différents peuples du royaume.
- Et tu as été chargé de me l'annoncer.
- J'avais réclamé ce privilège, car je voulais te parler. Mais lorsque je suis venu te voir dans ta cellule, j'ai compris que Vernarte avait tout fait pour te faire taire. Je suis désolé d'avoir dû te dire ces choses horribles, mais je devais endormir sa méfiance pour vous sauver toi et Zelda.
- Comment savais-tu qu'elle était en danger ?
- Par Iria qui est venue me trouver avant le Conseil. Elle avait pu entrer dans la chambre de la princesse.
- Comment ?
- Elle fait partie des dames de la cour et est très proche de notre souveraine.
- Donc, elle a pu la voir après ses événements.
- Oui, elle m'a décrit son état et a mentionné la présence du collier autour de son cou. J'ai fait le lien avec ce que tu m'avais raconté. J'ai donc demandé à Iria de procéder à l'échange.
- Oui, j'ai appris qu'elle avait parfaitement réussi sa mission.
- C'est une jeune femme très courageuse. Je n'ai pas eu le temps de lui expliquer le pourquoi du comment. Savoir que son action pouvait te sauver a été suffisant pour la convaincre d'agir. Elle a pu procéder à l'échange le soir même, mais...
- Zelda n'a retrouvé sa conscience qu'après mon départ, je présume.
- Exactement ! Le soir même, Mithran débarquait au palais en nous offrant son aide. Il s'est constitué prisonnier et nous a donné beaucoup d'informations, comme le fait qu'Ash était également la prisonnière de Ganondorf et le désir de celui-ci de conquérir Hyrule.
- Pourquoi lui avoir fait confiance ?
- Ses yeux ! Il avait le même regard que toi ! Franc et honnête !"

Les deux hommes se turent un instant. Puis Moï reprit la parole.

"Link, tu dois savoir une chose. Jamais tu ne m'as déçu ! Je suis très fier de ce que tu es devenu."

Le jeune homme releva la tête vers son maître d'armes.

"Ganondorf ne renoncera pas !
- Je m'en doute, mais tu n'es pas en état de t'attaquer à lui.
- Je le sais. C'est pour ça que j'ai besoin de toi. Mes compétences à l'épée ne sont plus ce qu'elles étaient.
- Nous reprendrons l'entraînement quand tu seras apte à le faire. Ce qui n'est pas encore le cas.
- Le temps joue contre nous..."

La porte de la chambre s'ouvrit de nouveau sur Zelda.

"Iria m'a parlé de votre projet.
- Quel projet ? demanda Moï.
- Celui de me rendre à Cocorico pour profiter des sources d'eau thermale des Gorons afin d'accélérer ma guérison.
- Je ne suis pas contre, reprit la princesse. J'ai envoyé un messager à Reynald. J'attends sa réponse.
- Il acceptera.
- Je le sais. Ce n'est qu'une formalité. Par contre, je tiens à y mettre certaines conditions.
- Lesquelles ? demanda Link.
- Tu seras accompagné d'un groupe de soldats qui assurera ta sécurité.
- D'accord !
- Ce n'est pas tout : mon médecin viendra te voir régulièrement, car je veux suivre tes progrès.
- J'accepte tes exigences.
- Princesse, ajouta le maître d'armes, je souhaite faire partie du groupe de protection.
- C'est Corentin qui est chargé de cette mission. Il est en train de tout préparer et vous a déjà inclus dans ses effectifs ainsi que le dénommé Lafrel.
- Dans ce cas, je vais vous laisser. Il doit avoir besoin de bras."

Moï se leva. Il avait senti que Link et Zelda avaient besoin de se retrouver seuls un moment. Avant de quitter la pièce, le maître d'armes promit à son élève de recommencer l'entraînement dès que sa santé le lui permettrait. La princesse s'approcha du lit et s'assit. Elle se mit à passer ses doigts dans les cheveux du jeune homme. Des larmes perlaient aux coins de ses yeux. Le Héros du Crépuscule lui prit la main.

"Ne pleure pas ! Je ne vais pas t'abandonner. Nous ne devons pas laisser le temps à Ganondorf de retenter une nouvelle action. La seule façon de l'arrêter est de le détruire.
- Je ne l'ignore pas, mais tu vas devoir te mettre de nouveau en danger.
- C'est lui ou moi ! Il n'arrêtera pas de me poursuivre tant qu'il ne m'aura pas tué."

Link se redressa et s'avança vers la princesse. Il lui promit de revenir et rapprocha ses lèvres des siennes, tout en emprisonnant la taille fine de la jeune femme. Cette dernière se laissa emporter par ce baiser. Ils restèrent enlacés un long moment. Quelques coups donnés sur la porte les obligèrent à s'écarter l'un de l'autre. C'était Corentin.

"Votre Altesse, nous avons reçu la réponse du prêtre de Cocorico : il accepte de s'occuper de Link. Nous serons prêts à partir en milieu d'après-midi.
- Merci."

Le soldat salua et sortit. La princesse se tourna vers Link. La magie de l'instant précédent avait quitté ses yeux.

"Je vais appeler mon médecin pour qu'il t'examine avant ton départ. Ensuite, je veux que tu te reposes. Je dois régler les derniers détails."

Elle sortit de la chambre. La jeune femme éprouvait des difficultés à le laisser aller à Cocorico, mais savait qu'il devrait en finir, tôt ou tard. Le combat commencé huit ans auparavant devrait se terminer par la mort de l'un des deux adversaires.

Un peu plus tard, le médecin vint examiner le Héros du Crépuscule et lui donna des comprimés à prendre en cas de douleur. Il fit également apporter un repas et lui recommanda de se reposer. Les secousses que provoquerait le voyage risquaient de réveiller les souffrances.

En fin d'après-midi, Link fut installé dans un chariot au fond duquel des couvertures avaient été placées sur un matelas afin d'offrir le plus de confort possible au blessé. Iria s'assit à côté de lui. Lafrel et Moï conduiraient le convoi pendant que Corentin et les soldats qu'il avait choisis suivraient à cheval.

La princesse assistait au départ depuis un des balcons du palais. Elle ne voulait pas que Link la voit pleurer, car il aurait besoin de toute sa concentration pour guérir et s'entraîner pour l'inévitable combat qui approchait. Le jeune homme fixa son regard sur Zelda au moment où il quitta la citadelle en lui promettant de revenir victorieux.

Le trajet dura plusieurs heures, car les voyageurs faisaient de leur mieux pour rendre la traversée des deux plaines supportable pour le Héros du Crépuscule. Le soleil s'était couché lorsqu'ils parvinrent au village. Une chambre avait déjà été préparée pour Link. Reynald l'y attendait et l'installa, l'assurant de le remettre rapidement sur pied. Fatigué par les kilomètres parcourus, le blessé s'endormit. Reynald profita de son sommeil pour interroger ses amis sur son état de santé et sur ce qui lui était arrivé. Il comprit les enjeux de la guérison de Link. Iria insista pour demeurer auprès de lui pendant la nuit.

Le lendemain matin, le traitement commença. Link passait plusieurs heures par jour dans un minuscule bassin aménagé par les Gorons au-dessus des toits du hameau. Il avait également pris l'habitude d'aller tremper son dos dans le petit étang alimenté par la source. Le reste du temps, il se reposait dans sa chambre, mais était toujours accompagné par un des membres de son escorte. La princesse avait été formelle sur ce point. À aucun moment, le Héros du Crépuscule ne devait être seul.

Pourtant, deux jours après leur arrivée, un incident éclata au moment où Link se baignait à l'entrée du village. Une explosion retentit dans une des maisons. Le soldat qui était chargé de la protection du jeune homme courut vers le lieu de la déflagration, laissant le blessé livré à lui-même. Ce dernier profita de ce moment de solitude, car il commençait à étouffer. Être surveillé en permanence s'avérait plus difficile que prévu.

La plupart des habitants de Cocorico s'étaient précipités pour voir ce qu'il s'était passé. Le bâtiment concerné était en fait une boutique où le propriétaire, Crahmé, vendait différentes sortes de bombes. Le Héros du Crépuscule pensa, à juste de titre, que le marchand devait faire différentes expériences dont l'une avait sans doute mal tourné. Il ferma les yeux, essayant de faire abstraction du brouhaha provoqué par l'événement. L'image de la princesse Zelda envahit son esprit. Soudain, une voix le sortit de sa rêverie.

"Alors, c'est ici que tu te caches ?"

L'homme banda son arc et menaça Link.

"Tu vas gentiment venir avec moi, pendant que tes amis sont occupés."

Chapitre 23   up

Ce matin-là, Link s'était rendu à la Source d'Ordinn afin de purifier les plaies de son dos. Il venait de passer une heure dans le bassin d'eau thermale et voulait se rafraichir un peu avant de retourner dans sa chambre à l'auberge. Le jeune homme avait déposé sa chemise et ses bottes, ne gardant que son pantalon pour s'immerger dans l'étang.

Même en se sachant protégé par les soldats de Corentin, le Héros du Crépuscule ne sortait jamais sans prendre son arme. C'était celle qu'il avait reçue des mains de la princesse avec la Médaille du Courage. Elle était en possession de Vernarte depuis son arrestation. Le général l'avait obtenue par son homologue de Tradan. Ce dernier s'étant enfui avec lorsqu'il avait failli réussir à capturer Link à proximité des ruines du Temple du Temps.

À son réveil, au château, il avait demandé où se trouvait l'Épée de Légende, mais personne n'avait pu lui répondre. Personne ne l'avait aperçue dans la Salle du Trône. Zelda avait entrepris des fouilles, restées jusque-là infructueuses. Elle lui avait alors rendu celle qu'il n'espérait plus revoir.

Celle-ci n'avait pas le même pouvoir, mais avait quand même beaucoup d'importance pour le jeune homme. Il l'avait déposée avec ses vêtements, pensant pouvoir la récupérer en cas de problème. Après tout, tout agresseur devrait d'abord s'en prendre au garde d'Hyrule, chargé de sa sécurité. Et, maintenant, Link était seul face à ce guerrier qui le menaçait avec son arc. Il se redressa immédiatement, cherchant un éventuel renfort autour de lui. Les habitants du village et les soldats étaient tous agglutinés devant le magasin de Crahmé où régnait un désordre indescriptible.

Le Héros du Crépuscule resta silencieux, sachant pertinemment que ses cris ne seraient pas entendus. Son unique chance était de gagner suffisamment de temps pour permettre à ses amis de se rendre compte de la situation. Il reporta son attention sur son adversaire qui portait une armure sur laquelle apparaissait le blason de Tradan.

"Je ne te suivrai pas !"

Link jeta un rapide coup d'oeil vers l'endroit où il avait laissé sa lame. Ce geste n'échappa pas au garde qui, après avoir fait quelques pas en maintenant sa flèche pointée sur sa cible, déplaça la chemise pour découvrir l'arme sur le sol.

"Tu es moins stupide que je ne le pensais, dit-il en posant le pied dessus. Malheureusement pour toi, elle ne te sera d'aucune utilité.
- Ne pose pas tes mains sur cette épée, elle ne t'appartient pas."

Le Héros du Crépuscule se releva difficilement, réveillant par la même occasion les douleurs de son dos. Il ne put s'empêcher de faire une grimace, ce qui provoqua l'hilarité de son ennemi.

"Tu comptes essayer de me résister dans cet état et sans arme ?
- Je ne suis pas seul.
- Où se trouve ton garde du corps ? Je ne vois personne tenter de m'en empêcher."

Le soldat baissa son arc et ramassa l'épée avant de marcher vers Link qui fit un pas sur le côté afin de s'éloigner de son adversaire. Mais ce dernier avait prévu son mouvement et changea aussitôt de direction. Le blessé se retrouva très vite acculé contre la paroi rocheuse qui entourait l'étang.

Le Héros du Crépuscule se cogna le dos contre la pierre. L'ennemi en profita pour franchir l'espace qui les séparait et l'attraper par la gorge de sa main libre, lui arrachant ainsi un cri de douleur. Ensuite, il le força à se retourner, lui attacha les poignets et l'emmena vers l'endroit où le jeune homme avait laissé ses affaires.

Son assaillant l'obligea à s'agenouiller et prit sa chemise pour la lui mettre autour du cou. Link espérait qu'un des habitants ou des soldats s'apercevrait de ce qu'il se passait avant qu'il ne fût trop tard.

"Enfile ça ! Tu ne vas pas rencontrer n'importe qui.
- Ton roi ne mérite pas mon respect !
- Retire immédiatement ce que tu viens de dire !"

Le soldat de Tradan attrapa Link par les cheveux pour le relever. Mais, soudain, une forte lumière se révéla à eux. Les deux hommes se retrouvèrent devant le protecteur du village, un oiseau qui présentait d'immenses ailes de papillon et une tête de chouette. L'apparition poussa un cri en direction de l'ennemi qui s'écroula inanimé.

Le Héros du Crépuscule était à genoux et Ordinn, le défenseur des lieux, l'observait avec un sourire bienveillant. La peur avait quitté Link. À cet instant précis, il ressentit une sensation de bien-être. Toutes ses douleurs avaient disparu.

"Être élu, ton royaume est en grand danger !
- Je ne l'ignore pas, mais comme vous pouvez vous en rendre compte, je ne suis pas en condition pour mener une bataille.
- Tes blessures vont guérir. Tu as bien fait de venir jusqu'ici. Le pouvoir des sources et celui de l'eau thermale devraient te garantir une amélioration rapide de ta santé. Quand tu seras prêt, tu devras conduire tes pas vers Tradan. Mais auparavant, je dois te rendre ce que je t'ai pris.
- Que...
- Ta mémoire... Te souviens-tu de ton arrivée au village ?
- Partiellement, je sais que vous m'avez aidé et vous en remercie.
- Tu m'as sauvé et tu avais besoin de secours. De quoi te rappelles-tu exactement ?
- Une course à cheval qui s'est terminée ici. L'animal qui se cabre et me fait tomber. Une douleur à la tête. Des soldats qui approchent et une lumière étincelante... Puis le noir.
- Tes ennemis n'ont pas tardé à fuir lorsque je suis apparu. Mais tu étais inconscient, l'esprit encombré d'idées traumatisantes. J'ai tout de suite remarqué que ton pouvoir avait diminué.
- C'est vous qui...
- Je t'ai emprunté ta mémoire afin de la conserver jusqu'à ce que tu sois apte à supporter toutes ces souffrances. Le moment est venu pour toi de connaître la vérité."

Une boule étincelante quitta le corps d'Ordinn et s'approcha de la tête de Link. Il revit en accéléré tous les événements des sept dernières années, depuis son enlèvement jusqu'à son retour au village de Cocorico. Les pièces du puzzle se mirent en place sous les yeux du jeune homme qui se figea. La lumière s'atténua dans un murmure, ne lui laissant pas le temps de s'appesantir sur ses souvenirs.

"Je ne peux rester visible davantage. Tes amis vont arriver !
- Attends ! Que dois-je faire ? Comment vaincre définitivement Ganondorf ?
- Suis ton coeur, il te guidera..."

La voix se tut et la source redevint silencieuse. Aussitôt, la souffrance était de nouveau présente. Le Héros du Crépuscule s'écroula sur le sol et tourna la tête vers son ennemi. Mais celui-ci n'était plus étendu par terre. Il attrapa le jeune homme par les cheveux afin de le forcer à avancer.

Link sentit la panique commencer à le gagner. Le soldat était en train de l'emmener et il était incapable de l'en empêcher. Ils venaient d'atteindre la sortie du village lorsqu'un cri retentit. L'agresseur s'effondra en poussant un hurlement de douleur. Link regarda en arrière et aperçut son maître d'armes, un arc à la main. Celui-ci se précipita vers son élève qui se laissa tomber sur la terre battue. Il était suivi par Corentin, Reynald et plusieurs gardes. Parmi eux se trouvait celui qui avait déserté son poste pour intervenir sur l'incident.

S'étant retourné pour garder un oeil sur son protégé, ce dernier s'était rendu compte de ce qu'il se passait et avait directement averti son chef. Il n'avait pas voulu risquer la vie de Link en agissant seul. Moï s'avança vers le jeune homme et s'accroupit à ses côtés. Il lui détacha les poignets et l'aida à enfiler sa chemise correctement. Le vêtement rougit à certains endroits. Plusieurs des plaies venaient de s'ouvrir et avaient recommencé à saigner. Reynald et le maître d'armes relevèrent le blessé et le soutinrent.

Ils remontèrent l'unique rue du village en direction de l'auberge. Corentin resta sur place. Plusieurs soldats emmenèrent l'agresseur dans le bâtiment où l'équipe de surveillance s'était installée. Puis il envoya un messager au palais afin de mettre la princesse au courant des derniers événements.

Ensuite, il s'approcha de celui qui avait commis une faute pour l'interroger.

"Pourquoi avez-vous abandonné votre poste ?
- Je suis désolé. Je ne pensais pas qu'il était réellement en danger. En plus, je n'étais pas loin.
- Nos ennemis ont presque réussi leur coup. Vous avez délibérément désobéi à un ordre strict. Vous êtes suspendu de vos fonctions pour une durée indéterminée.
- Vous ne pouvez pas faire ça ! C'est grâce à moi s'il a pu être sauvé.
- C'est vrai ! Si le Héros du Crépuscule avait disparu, vous seriez aux arrêts à cette même heure. Maintenant, rompez !"

Pendant ce temps, Moï avait emmené Link dans sa chambre et l'avait recouché. Reynald s'était occupé de ses plaies et lui avait donné un comprimé pour le soulager et l'aider à s'endormir. Cette nouvelle attaque l'avait atteint alors qu'il se sentait en sécurité. Le jeune homme avait pris pleinement conscience de sa vulnérabilité.

Quelques heures plus tard, avertie des derniers événements, la princesse Zelda arriva au village, bien décidée à ramener le blessé au palais. Elle se rendit directement à l'auberge où elle rencontra Moï et Reynald. Installés à une des tables de la salle de restauration, ceux-ci discutaient de l'état de santé de Link.

"Que s'est-il passé exactement, demanda-t-elle.
- Un soldat de Tradan est venu à un moment où Link était seul et a failli l'emmener.
- Comment pouvait-il être isolé ? J'avais ordonné une surveillance constante."

Le maître d'armes raconta à Zelda l'explosion et le désordre qui l'avait suivie, ainsi que la négligence du garde chargé de la sécurité du Héros du Crépuscule. Au fur et à mesure de son récit, il voyait la colère envahir les yeux bleus de la princesse.

"Où est-il ?
- Dans sa chambre...
- Non, l'incapable qui a déserté son poste.
- Ce soldat a été provisoirement démis de ses fonctions, Votre Altesse, intervint Corentin qui venait d'entrer dans la salle, l'épée de Link à la main. Il devra répondre de ses actes devant un jury militaire, comme le prévoient nos lois.
- Je désire lui parler !
- Il pensait accomplir son devoir en allant aider les villageois. Ce n'est pas utile de l'accabler davantage.
- Pardonnez-moi, demanda Reynald, je ne crois pas que vous soyez là juste pour punir les responsables de cet incident.
- Effectivement, je veux le ramener avec moi.
- Vous ne pouvez pas faire ça. Le traitement qu'il suit ici commence à avoir de l'effet sur ses blessures.
- Il n'est visiblement pas en sécurité !
- Vous vous trompez, nous avons réussi à arrêter son agresseur, ajouta Corentin. Je l'ai interrogé.
- Et que vous a-t-il révélé ?
- Si l'attaque a eu lieu à ce moment précis, ce n'est pas un hasard. Nous étions épiés depuis que nous avons quitté la citadelle.
- Je me doutais que Ganondorf avait fait surveiller le palais. C'est pour ça que je vous l'ai confié.
- Ce n'est pas tout ! L'ordre de mission était double : soit capturer Link et le ramener au royaume de Tradan, soit empêcher son rétablissement et ce par tous les moyens possibles. Ils n'avaient pas le droit de le tuer. Selon lui, le tyran se réserve ce plaisir. Le prisonnier a ajouté qu'il n'était pas seul.
- Raison de plus pour éloigner Link de cet endroit.
- Non, si vous l'emmenez, vous aiderez votre ennemi. Au château, sa guérison prendra plus de temps. Cela laisserait un avantage à Ganondorf et c'est ce qu'il veut.
- Ma décision est irrévocable. Pour l'instant, j'aimerais le voir.
- Je lui ai donné quelque chose pour le faire dormir, intervint Reynald. Cette nouvelle attaque l'a légèrement déboussolé. Je ne sais pas s'il sera éveillé.
- Dans ce cas, j'attendrai. Ne vous inquiétez pas, je ne compte pas interrompre son sommeil."

Zelda se leva et se dirigea vers l'escalier, laissant les trois hommes, se regarder d'un air inquiet. Ils étaient conscients des sentiments de la princesse pour le Héros du Crépuscule. Pourtant, l'avenir du royaume dépendait de lui et du temps qu'il mettrait à reprendre la lutte.

La jeune femme entra dans la chambre silencieusement. Link dormait profondément. Elle s'installa sur une chaise, en attendant son réveil. Des idées contradictoires se bousculaient dans sa tête. Bien sûr, elle savait que Link avait encore un rôle à jouer. Seule l'Épée de Légende pouvait venir à bout de cet être vil qui menaçait la paix et il était l'unique personne à pouvoir la manipuler. Cependant, Zelda avait peur pour lui. Il avait déjà risqué sa vie à plusieurs reprises.

La princesse le regarda. Elle repensa à tout ce qu'il avait traversé depuis que les ténèbres s'étaient abattues sur le pays : les souffrances subies, les combats menés. Le courage dont le Héros du Crépuscule avait fait preuve avait sauvé le royaume, mais cette qualité serait-elle suffisante si la lame sacrée restait introuvable ? Depuis leur départ du château, Zelda avait organisé des recherches. Pour elle, l'arme ne pouvait pas avoir quitté le palais. La dernière fois qu'elle l'avait vue, elle était dans les mains de Link.

Celui-ci commença à s'agiter dans son sommeil, interrompant les réflexions de la jeune femme. Il ouvrit un oeil et regarda autour de lui.

"Zelda ? Que fais-tu ici ?
- J'ai appris ce qui t'était arrivé. Comment vas-tu ?
- Nous avons évité la catastrophe de justesse. J'ai eu plus de peur que de mal.
- En es-tu sûr ou veux-tu seulement à me rassurer, demanda-t-elle d'une voix douce en s'asseyant sur le lit.
- Tu n'as pas à t'inquiéter autant pour moi, répondit-il. Le plus dur est derrière nous."

La princesse releva la tête et planta son regard dans celui du jeune homme.

"Je serais plus rassurée si tu revenais avec moi au château.
- Je ne peux pas rentrer tout de suite, j'ai encore besoin de suivre ce traitement. Il commence à donner des résultats encourageants.
- Tu n'es pas en sécurité !
- Je ne suis pas plus en danger ici qu'au palais. Les soldats sont là pour me protéger et je serais bientôt en mesure de me défendre seul.
- L'épisode d'aujourd'hui ne se serait pas produit si tu étais resté auprès de moi, dit-elle en se levant.
- Tu ne peux pas en être sûre.
- Quoi qu'il en soit, tu repars avec moi !"

Chapitre 24   up

"Non !"

La princesse regarda Link d'un air surpris.

"Je ne te suivrai pas, dit-il d'une voix douce, mais ferme.
- Tu ne me laisses pas le choix, ajouta-t-elle en retirant sa main. Tu rentres avec moi et c'est un ordre.
- Ne fais pas ça. J'ai de bonnes raisons de vouloir rester. J'ai retrouvé la mémoire.
- Tu te souviens de tout ?"

Le Héros du Crépuscule acquiesça et se tut. Il ne savait pas par où commencer son récit. Zelda lui demanda alors de lui raconter tout depuis le début. Même si Moï lui avait relaté l'aventure dans les grandes lignes, elle souhaitait en connaître les détails.

Link lui parla de son retour et des doutes qui l'avaient assailli au moment où il avait remarqué que Vernarte n'avait toujours pas quitté le palais lors de son propre départ avec Iria. Le jeune homme développa ensuite ce qui s'était déroulé dans sa maison en évitant de mentionner la déclaration qu'il s'apprêtait à faire ce jour-là.

"Nous avons trouvé une tache de sang juste à côté de ton lit. Te souviens-tu d'avoir été blessé ?
- Non, mais j'ai été endormi au moyen d'une fléchette, probablement celle que j'ai retrouvée sur le sol. Lorsque je suis tombé, j'ai ressenti une douleur. Je me suis réveillé dans la cabane du Héros du Temps.
- Nous savions que tu étais passé par là. Nous y avions également découvert des traces.
- J'y ai été enfermé la nuit et la matinée du lendemain. Apparemment, Vernarte avait mal préparé son coup, car je suis resté seul pendant plusieurs heures. J'ai perçu vos appels, mais je n'ai pas pu y répondre. J'étais attaché et bâillonné.
- Il t'a empêché de faire le moindre bruit.
- J'ai réussi à basculer sur le plancher et j'ai tapé des pieds, mais personne ne m'a entendu. La chute a rouvert ma blessure à l'épaule, c'est pour ça que vous avez trouvé du sang.
- Si j'ai bien compris, vous avez quitté la forêt en milieu de journée. Mais comment a-t-il pu te faire sortir du pays sans qu'on s'en rende compte ? Les frontières étaient gardées.
- Vernarte était commandant de l'armée et avait donc le respect des soldats. Toi-même, tu n'as pas imaginé une seule seconde qu'il pouvait être impliqué.
- Tu as raison. Je lui ai confié ma vie et mon royaume.
- Il m'a transporté pieds et poings liés dans une charrette couverte d'une bâche. Nous avons traversé les plaines en direction du désert Gérudo.
- Tu veux dire..., commença-t-elle. Tu étais dans..."

Zelda observa le jeune homme, les larmes aux yeux. Elle venait de comprendre qu'il lui aurait suffi d'un geste pour le sauver, à ce moment précis. La culpabilité commença à la ronger. Le Héros du Crépuscule prit sa main, la forçant à le regarder.

"Tu ne dois pas t'en vouloir. Tu ne pouvais pas savoir qu'il mentait lorsque nous lui avons parlé, la veille de mon enlèvement.
- Pourquoi Moï ne m'a-t-il pas raconté cette partie de l'histoire ?
- Sûrement pour éviter que tu te sentes responsable.
- Pourquoi me l'avoir dit ?
- Je ne dois rien te cacher. Désires-tu que l'on fasse une pause ?
- Non, continue. Je dois tout savoir."

Link observa Zelda. Celle-ci avait visiblement repris son calme. Rassuré, il poursuivit son récit, sans lâcher sa main.

"J'ai tenté d'attirer votre attention, mais ceux qui me surveillaient m'ont empêché de faire le moindre bruit. J'ai assisté à votre conversation et j'ai vu Corentin consoler Iria.
- Ils se connaissaient à peine à cette époque...
- Je le sais, mais Vernarte a tout fait pour que je croie le contraire."

La princesse comprenait mieux à présent les réactions du jeune homme vis-à-vis de son amie. Si l'ennemi de Link avait assisté à la scène, il devait probablement avoir cherché à alimenter les doutes nés dans son esprit.

"Vous avez pourtant dû passer par un poste de garde pour arriver au désert.
- Le soldat de faction a laissé passer le chariot, sans contrôler son chargement."

Le Héros du Crépuscule relata ensuite le voyage qui l'avait conduit à Tradan : la traversée du désert à pied un bandeau sur les yeux, la vente, son arrivée sur le chantier et l'altération de sa Triforce. Il ne s'attarda pas sur cette partie de l'histoire, car ils en avaient déjà discuté.

"Ma blessure à l'épaule s'étant rouverte, ils n'ont pas pu m'administrer le traitement directement. J'ai été enfermé dans une cellule, mais je n'étais pas seul. Plusieurs membres de la Résistance locale avaient également été faits prisonniers. Le premier jour, j'ai pu parler à l'un d'entre eux : un Hylien du nom de Roven. Il avait l'air de me connaître.
- Que t'a-t-il déclaré ?
- Il m'a dit que leur région était auparavant gouvernée par un roi qui avait donné tous les pouvoirs à Ganondorf. Je lui ai promis que je l'aiderais si je trouvais un moyen de m'enfuir. L'histoire de ce pays t'est-elle familière ?
- Mes professeurs me l'ont enseignée. Lorsque mon père était en vie, Hyrule et Tradan vivaient en harmonie. Une tragédie est arrivée dans cet état : la famille dirigeante a été assassinée. Seul le prince a échappé au massacre, mais il a disparu, à l'âge de deux ans.
- Qui a pris la succession ?
- Le frère du défunt. Depuis le début de son règne, nos relations se sont détériorées. Beaucoup de personnes l'ignorent, mais le nouveau souverain détestait son aîné. Pour le peuple, c'était un bon roi, mais, pour nous, ce n'était qu'un usurpateur. Sais-tu ce qu'il est devenu ?
- Non, Roven n'a pas vraiment eu le temps de m'en parler. Ses heures étaient comptées et il a été obligé d'aller à l'essentiel.
- Que veux-tu me dire ?
- Ils sont venus le chercher pendant notre conversation. J'ai fait ce que j'ai pu pour l'aider, mais je n'ai réussi qu'à m'attirer encore plus de problèmes. Les jours qui ont suivi se déroulaient toujours de la même façon : le matin, je recevais la visite de leur médecin et, l'après-midi, je voyais un des prisonniers partir par une porte pour revenir vidé de sa vitalité.
- Que leur faisaient-ils exactement ?
- J'ai assisté au traitement de Roven, mais il faisait sombre et je n'ai pas compris ce qui s'était passé avant d'y être moi-même confronté. Je savais juste que l'opération était très douloureuse. Deux semaines après mon arrivée, j'ai été enfermé dans une petite salle, une pyronite autour du cou. Ils y ont diffusé le produit.
- Cela coïncide avec le moment où j'ai perdu le contact avec ton fragment.
- C'est logique, c'est là que j'ai perdu conscience de la réalité."

Link se tut un instant.

"As-tu d'autres souvenirs après celui-ci ?
- Je ne me rappelle que des moments où le produit n'agissait pas, mais d'après ce que je sais, c'est une de ses caractéristiques. Chaque année, ils cessaient le traitement et me confinaient dans la même petite pièce sombre où je prenais des jours pour retrouver mes esprits et plus encore à récupérer l'usage de mon corps.
- Que se passait-il alors ?
- Je recevais la visite de Vernarte. Juste avant que le processus ne recommence.
- Que désirait-il ?
- S'assurer que je sois au courant de tout ce qui se déroulait à Hyrule. Il m'a appris l'arrêt des recherches, le mariage d'Iria et l'avancée de son plan qui consistait à se rendre indispensable auprès de toi.
- À ce niveau, il a parfaitement réussi.
- Et il s'en vantait. Ensuite, les gardes me remettaient la pierre et la souffrance était de nouveau présente. Mais, la dernière fois, tout a été différent.
- Que veux-tu dire ?
- J'étais à peine conscient quand Vernarte est venu me voir. Puis ce fut au tour d'Ash d'arriver avec le soldat qui m'avait apporté à manger le premier jour. Ils m'ont libéré et emmené. Je dois avouer que mes souvenirs sont très flous. Je n'ai vraiment retrouvé ma lucidité que lorsque nous étions à la Tour du Jugement.
- C'est là-bas que Mithran t'a parlé du livre ?
- Nous avons décidé de le cacher au cas où nous serions rattrapés. Le jour d'après, nous étions attaqués, mais je ne contrôlais pas encore totalement mon corps. Ash m'a aidé à monter sur le cheval et s'est installée derrière moi. Puis, nous sommes partis en laissant notre compagnon se débrouiller. Il ne devait pas être vu avec nous.
- Avez-vous réussi à vous enfuir ?
- Oui, mais nous avons été poursuivis. Lors de la traversée d'une plaine, Ash a été blessée et est tombée. Je me suis accroché à l'animal, mais il était pris de panique. J'ai chuté et atterri dans l'eau de la source de Cocorico. Ma tête a percuté une pierre. Juste avant de perdre conscience, j'ai aperçu des soldats qui venaient dans ma direction et une forte lumière. Tu connais le reste.
- Non, j'ignore ce qu'il t'est arrivé au moment où tu es parti récupérer l'Épée de Légende."

Link raconta alors le piège tendu par Vernarte et les difficultés qu'il avait rencontrées en voulant entrer dans la clairière où se trouvait la lame.

"Sans l'intervention de Skull Kid, je n'aurais jamais pu libérer mon fragment et tout aurait été perdu. J'ai pu avoir une discussion avec Rauru, le Sage de la Lumière, qui m'a expliqué beaucoup de choses sur la pyronite.
- Qu'as-tu fait ensuite ?
- Je suis allé chercher de l'aide auprès de mon ancien mentor."

La princesse ouvrit la bouche, mais Link l'arrêta.

"Si c'est pour me reprocher de m'être rendu chez moi alors que j'étais seul, ce n'est pas la peine. Moï m'a déjà fait la morale. Nous sommes revenus ensemble et j'ai discuté avec les membres de la Résistance.
- Avant ça, tu as parlé avec Iria...
- Oui, je regrette ce que je lui ai dit ce jour-là. Je venais de retrouver une partie de ma mémoire et, parmi les souvenirs, figurait celui où elle se laissait consoler par Corentin.
- Je comprends ce que tu as dû ressentir. Ton amie aussi. C'est pour ça qu'elle a préféré partir, ne voulant pas aggraver la situation. Continue.
- Ensuite, j'ai rejoint Moï qui avait raconté mon histoire aux autres, mais j'ai quitté le groupe, car l'un d'entre eux ne me croyait pas.
- Celui qui t'a frappé parce que tu avais insulté sa femme.
- Tu sais ça ?
- Iria m'a tout révélé. Elle se culpabilisait. Qu'as-tu fait en sortant de la taverne ?
- Je suis revenu directement au palais où j'ai appris que tu te trouvais seule avec celui qui cherchait à prendre le pouvoir. Malheureusement, je n'ai pas réussi à l'empêcher de te faire du mal."

La princesse réfléchit un instant. Elle connaissait la suite des événements : l'arrestation de Link, son départ pour le camp de Ganondorf et toutes les mésaventures qui en avaient découlé. Zelda était consciente qu'il s'agissait de moments que le jeune homme préférait oublier.

"Maintenant, raconte-moi comment tes souvenirs te sont revenus.
- Lorsque j'ai été attaqué ce matin, j'ai reçu l'aide de quelqu'un d'inattendu.
- Qui ?
- Ordinn ! Il m'a parlé !
- Le... protecteur de la source ?
- C'était la seconde fois qu'il intervenait. La forte lumière que j'ai mentionnée, c'était lui.
- Que t'a-t-il dit ?
- Lorsque je suis arrivé au village après ma fuite, j'étais faible et mon fragment de Triforce était en train de disparaître. Il a estimé que je n'étais pas suffisamment solide pour gérer ce que j'avais vécu et en a verrouillé ma mémoire.
- Pourtant, certains sont quand même remontés.
- Oui, c'est vrai. Les premiers flash-back ont tous eu un élément déclencheur : ma chute dans l'eau, par exemple. Ensuite, le fait de retrouver le pouvoir du Courage m'a permis d'avoir accès à ceux qui étaient liés à sa perte.
- Je ne comprends pas, Link.
- Chaque souvenir que j'ai eu a été provoqué par une forte émotion causée par un évènement précis. Certains d'entre eux, comme tous ceux survenus pendant ma période de captivité, restaient encore sombres.
- Et maintenant ?
- Tout est devenu plus simple."

La princesse regarda le jeune homme dans les yeux.

"Pourquoi m'as-tu raconté tout ça ?
- J'y viens. Ordinn a dit que le pouvoir cumulé de l'eau thermale et de celle de la source pouvait m'aider à guérir plus vite. Selon lui, je dois me rendre à Tradan. Tu sais, comme moi, que le temps nous est compté. Si je veux gagner, je dois attaquer le plus rapidement possible, mais je ne pourrais rien faire si je ne récupère pas.
- Mais tu n'es pas en sécurité ici.
- Tant que notre ennemi vivra, je ne le serai nulle part. Il n'a cessé de me poursuivre. La configuration du village permettra une surveillance des entrées et sorties et, si tu le souhaites, je ferai encore plus attention.
- Je ne supporte plus l'idée d'être séparée de toi. J'ai peur.
- L'équipe de Corentin est efficace. Ils ont pu empêcher cet homme de m'emmener.
- Oui, mais il a pu t'atteindre.
- Il a profité d'un concours de circonstances. Ça n'arrivera plus, je te le promets."

Zelda se tut, sachant pertinemment que le Héros du Crépuscule avait raison : plus sa convalescence serait courte et plus il aurait de chances de vaincre son ennemi.

"D'accord, reste ! Par contre, je double le nombre de soldats. Je laisserai une partie de ma Garde Rapprochée. Et je n'accepterai aucune objection de ta part.
- Comme tu voudras.
- Tu... tu ne t'y opposes pas ?
- Non, tant que tu me laisses rester, j'accéderai à toutes tes conditions, même celle d'être surveillé à toutes heures du jour ou de la nuit."

Vaincue, la princesse laissa Link continuer de suivre son traitement au village de Cocorico. A son retour au palais, elle envoya quelques gardes supplémentaires en renfort. Le Héros du Crépuscule ne pouvait plus faire un pas sans avoir un membre de l'armée d'Hyrule à ses côtés. Plusieurs jours après le départ de Zelda, le docteur estima qu'il pouvait reprendre l'entraînement. Les premières séances furent courtes, car le convalescent se fatiguait rapidement. Moï revit avec lui les bases du combat et constata avec plaisir que son élève n'avait pas tout oublié.

Au bout de deux semaines, Link passait son temps entre les exercices et les différents soins qu'il recevait. La cicatrisation de ses plaies était en voie de guérison et la douleur avait largement diminué. Un matin, Reynald affirma que les blessures du jeune homme ne présentaient plus de risque de réouverture. Quant à Moï, il déclara n'avoir plus rien à lui apprendre. Le Héros du Crépuscule était maintenant prêt à continuer la lutte.

Le jour de son retour au château d'Hyrule arriva. Il devait encore récupérer l'Épée de Légende avant de partir pour le royaume de Tradan. Tous les habitants de Cocorico s'étaient rassemblés pour lui souhaiter bonne chance. Même Balder, le petit frère de Fénir, s'était donné la peine de quitter son magasin. Link fit ses adieux et les remercia pour l'aide qu'ils lui avaient apportée. Au moment où il allait grimper sur son cheval, Crahmé lui fit un signe discret. Le jeune homme s'approcha du vendeur. Celui-ci lui mit un objet dans la main.

"Je voudrais que tu prennes ceci avec toi.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il.
- Ma dernière invention. Je travaillais dessus le jour où tu as été attaqué. Je tiens à ce que tu sois le premier à la tester. Je te dois bien ça."

Chapitre 25   up

Link observa l'objet qui se trouvait dans sa main. Il s'agissait d'un petit morceau de tissu épais en forme de rond sur lequel le symbole de la Triforce était dessiné.

"Qu'est-ce que c'est ? demanda le jeune homme.
- La plus petite bombe au monde."

Le Héros du Crépuscule posa son regard sur Crahmé.

"Ça fait des semaines que je travaille dessus. Je viens tout juste de réussir à découvrir le bon dosage.
- Vu la taille, ça ne doit pas faire beaucoup de dégâts !
- Tu seras surpris. Cette petite chose a autant de puissance qu'une de celles que tu utilises d'ordinaire. C'est ce qui a déclenché l'explosion chez moi.
- Comment est-ce que ça fonctionne, demanda Link, en observant l'objet avec attention.
- Tu vois le petit cordon ?"

Link attrapa celui-ci, mais Crahmé l'empêcha de tirer dessus.

"Attends ! C'est le seul exemplaire. Garde-le ! Tu pourrais en avoir besoin. Je dois en fabriquer d'autres. Pour amorcer la charge, il suffit de l'arracher et tu as une vingtaine de secondes pour t'éloigner.
- Que peut-elle détruire ?
- À peu près tout ce qui se trouve à cinq mètres de la déflagration.
- Existe-t-il un risque si je la transporte ?
- Non, le système de mise en route demande une double action : tu dois appuyer sur ce petit bouton avant d'arracher la ficelle."

Link rangea l'objet dans la poche arrière de son pantalon et remercia chaleureusement le marchand. Ensuite, il se dirigea vers son cheval et grimpa sur la selle. Cinq minutes plus tard, le Héros du Crépuscule sortait du village, escorté par plusieurs soldats. Ils ne rencontrèrent aucun ennemi pendant la traversée des différentes plaines qui menaient à la citadelle d'Hyrule. Lorsque le groupe arriva en vue du palais, deux gardes partirent en éclaireurs pour avertir la princesse du retour de Link.

En entrant par la porte est, le jeune homme eut une surprise. Les habitants de la ville étaient venus en grand nombre pour assister à l'arrivée de celui qui avait tant fait pour eux. Ce dernier dut avancer au centre d'une haie d'honneur jusqu'à la grille principale, s'arrêtant à chaque pas pour serrer des mains. Le passage au milieu de cette foule en liesse raviva d'anciens souvenirs douloureux. Le peuple ne l'avait pas toujours accueilli avec autant de chaleur. Il marchait lentement en regardant autour de lui, craignant des signes d'hostilités.

Une fois dans l'enceinte du château, Link se sentit soulagé de retrouver le silence apaisant des jardins. Il fut introduit dans la salle du trône avec plusieurs membres de son escorte, dont Moï, Corentin et Lafrel faisaient partie. Tous s'agenouillèrent devant la princesse qui s'approcha pour relever le jeune homme.

"Je suis heureuse de te revoir, lui dit-elle en murmurant. Comment te portes-tu ?
- Mieux", répondit-il en souriant.

Zelda fit un geste de la main pour signifier aux autres qu'ils pouvaient également se remettre debout. Puis, elle prit la parole.

"Votre présence en ce lieu a une raison bien précise. Comme vous le savez sans doute, les intentions de Ganondorf sont de s'emparer de notre royaume. Le Héros du Crépuscule a entamé une longue lutte contre lui."

La princesse se tourna alors vers Link.

"Nous savions, suite à l'attaque dont tu as été victime peu de temps après ton arrivée à Cocorico, que tu étais surveillé. Ce matin, j'ai reçu un messager de Tradan qui m'a remis une lettre du roi. Celle-ci a confirmé mes soupçons.
- Que disait-elle ?
- Cette missive t'était adressée.
- À moi ?
- Oui, ton ennemi n'ignore pas que tu as retrouvé tes forces et te provoque en duel. Il t'invite à le rejoindre dans son château, seul.
- J'avais de toute façon l'intention de m'y rendre. Je désire tenir la promesse que j'ai faite à Roven.
- Je m'en doutais. C'est pourquoi j'ai demandé à te voir ainsi que les membres de ta protection rapprochée.
- Tu veux m'en empêcher ?
- Non, car tu ne m'écouteras pas. Mais je refuse que tu y ailles sans allié. Tu seras accompagné de plusieurs volontaires.
- J'imagine que tu as une idée sur leur identité..."

La princesse pivota alors en direction de l'équipe de défense. Tous donnèrent leur accord, affirmant qu'ils seraient ravis d'aider le héros du Crépuscule dans sa quête. Puis elle se pencha de nouveau vers Link.

"Je pense que tu auras là des compagnons dévoués et je serai plus tranquille. Je ne te demande qu'une seule chose : reviens en vie. Pendant ton absence, j'ai préparé une attaque : le royaume peut déclarer la guerre à celui de Tradan.
- C'est contraire à la politique d'Hyrule. Tu risques de mettre en péril les relations de vos pays.
- Justement, non. J'en ai longuement discuté avec le Premier Ministre et tous les hauts fonctionnaires. Ganondorf ne respecte pas les droits élémentaires de ses sujets. Nous ne pouvons pas permettre à ce monstre de continuer à réduire son peuple en servitude, surtout dans de telles conditions.
- Quel est ton plan ?
- L'armée est prête à partir. Nous t'accompagnons jusqu'au château et nous créons une diversion pendant que tu essayes d'y pénétrer.
- Il doit s'attendre à notre venue. Il comprendra aisément en voyant les soldats d'Hyrule. De plus, ses troupes seront constituées d'esclaves. Ils sont innocents et ne doivent pas mourir dans une guerre.
- C'est pour cette raison que les hommes ont déjà reçu l'ordre de ne tuer personne. Dès que tu seras entré, nous nous replierons et ce sera à toi et à tes acolytes d'agir.
- Pourquoi ne pas me laisser y aller seul puisqu'il le désire ?
- Parce que notre ennemi est un fourbe et qu'il a sûrement préparé un piège. Si tu rentres dans son palais sans protection, tu n'en sortiras pas vivant. Ganondorf n'est pas réputé pour tenir ses engagements.
- C'est vrai, mais c'est une affaire que je dois régler moi-même.
- Sans l'Épée de Légende, tu ne peux pas le vaincre.
- Je suis revenu ici pour la trouver."

Zelda se tut et observa attentivement le jeune homme.

"La dernière fois que je l'ai vue, j'étais dans cette pièce, commença-t-il. J'étais venu pour te sauver. Je l'avais encore avec moi lorsque je me suis battu contre Vernarte.
- Oui, mais Cadmeen t'a attaqué en traître.
- C'est vrai, il m'a envoyé une fléchette empoisonnée, probablement le même produit utilisé lors de mon enlèvement. Je me suis évanoui. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé après. À mon réveil, j'étais enfermé dans une cellule et accusé d'avoir attenté à ta vie. Que t'ont-ils fait ?
- Ils se sont occupés de moi et m'ont fait respirer ce que tu avais pris au général. J'ai ressenti une violente douleur et j'ai perdu conscience. J'ignore ce qui est arrivé ensuite. Lorsque je suis revenue à moi, tu avais déjà été conduit au camp de Tradan.
- Penses-tu que l'un de nos adversaires aurait pu l'emmener ?
- C'est probable. Ganondorf connait son pouvoir. Il a pu demander à l'un de ses hommes de la lui rapporter.
- Mais personne n'est censé pouvoir la toucher.
- Il existe bien des façons pour la déplacer ou l'emporter sans mettre la main dessus.
- Si cette lame est en possession de notre ennemi...
- C'est vraisemblablement le cas. Nous avons fouillé le château sans réussir à la retrouver. Tu devras tout faire pour la lui reprendre.
- Comment être sûr que c'est lui qui l'a ?"

Subitement, une voix familière résonna dans les oreilles de Link qui se retourna la main sur son épée. Ce dernier vit alors le roi Bulbin s'avancer vers lui. Celui-ci possédait une forte carrure et avait la peau verte. Son visage rond était fendu d'un sourire qui dévoilait de petites dents jaunâtres.

"Je sais où se trouve l'Épée de Légende."

Il portait encore les traces de leurs anciens duels : l'une des cornes qui ornaient sa tête avait été brisée lors de sa chute du pont surplombant le lac Hylia. Ce jour-là, Link l'avait affronté pour la première fois. Le jeune homme escortait Thelma, Iria et Lars, le prince des Zoras vers le village de Cocorico.

À cette époque, son amie avait perdu la mémoire et ne le reconnaissait pas. Celle-ci avait tout tenté pour sauver l'enfant qu'elle avait trouvé sur le bord de la route, lors de sa propre fuite. Le seul qui pouvait l'aider était le prêtre Reynald.

Pour atteindre le village, ils avaient dû emprunter un passage gardé par le roi Bulbin. Après un combat difficile, le Héros du Crépuscule avait réussi à faire tomber son adversaire directement dans le lac, se situant en contrebas. Lors de leur dernière rencontre qui avait été marquée par une troisième victoire de Link, le personnage avait dévoilé que son peuple se contentait de suivre le plus fort. Et maintenant, il était de nouveau devant lui, mais ne semblait pas du tout belliqueux.

La princesse qui craignait une réaction violente du jeune homme posa une main sur son bras, pour l'apaiser.

"Je dois encore te révéler une chose. J'ai fait appel aux autres habitants du pays afin de nous aider à vaincre Ganondorf. Eux aussi sont menacés. Les Bulbins également, car, suite à ton triomphe face à leur chef, ils se sont retirés de la guerre.
- Et notre ennemi n'est pas du genre à pardonner.
- Comme je te l'ai dit à l'époque, reprit le souverain, nous nous allions avec le plus redoutable, ni plus, ni moins. Nous avons accepté de vous accompagner dans cette bataille par respect pour ton courage.
- Tu connais l'endroit où se trouve ma lame.
- Oui, comme tu le sais, j'ai travaillé pour ton adversaire. Ses instructions m'étaient données par un certain Cadmeen.
- C'est celui qui a réussi à me réduire à l'impuissance, le jour où j'ai retrouvé une partie de ma mémoire.
- Je l'ai croisé dans le désert. Je l'ai directement reconnu. Il avait en sa possession un objet qui me semblait familier. Alors, je l'ai suivi.
- L'Épée de Légende ?
- Exactement, il a rejoint une troupe qui se rendait dans ton royaume. Ils se sont installés sur les rives du lac Hylia. J'ai profité de la nuit pour envoyer un de mes soldats récupérer ton arme. Je te l'ai ramenée."

Un grognement s'échappa de ses lèvres et un Bulbin, créature à la peau verte, entra en tenant un coffre à bout de bras. Il s'approcha de Link qui l'ouvrit. L'épée était à l'intérieur. Le jeune homme attrapa le manche, sortit la lame de son fourreau et la brandit, sentant la force de celle-ci l'envahir de nouveau.

"Merci, dit-il en s'adressent au roi. Je vous suis reconnaissant de l'aide que vous m'avez apportée.
- Elle ne s'arrête pas là. J'étais venu annoncer à la princesse que mon armée serait prête à partir demain matin.
- Les nôtres aussi !"

Le Héros du Crépuscule se retourna pour voir qui venait de parler. Il reconnut immédiatement le prince des Zoras qu'il avait réussi à sauver en l'emmenant auprès du père Reynald. Celui-ci avait bien grandi depuis sa dernière rencontre avec Link. Élancé et l'oeil vif, Lars présentait les différentes caractéristiques de sa race, habituée à vivre dans les profondeurs du lac Hylia.

Muni d'un système respiratoire double, il avait la faculté d'être à l'aise sous l'eau comme les poissons, tout en étant capable de rester dans un milieu plus sec. Malgré ses pieds palmés et son corps recouvert d'écailles, il ne semblait pas incommodé dans cet environnement.

"Je suis content de te savoir en vie, Link, lui dit-il en souriant. Ta disparition m'a causé énormément de tracas.
- Te retrouver me fait plaisir, à moi aussi. Je vois que tu as profité de mon absence pour augmenter ta taille", ajouta le jeune homme.

La peau claire du Zora contrastait avec celle de son compagnon de route, Morock, le chef des Gorons. Ce dernier était habitué à la chaleur, car son peuple vivait dans les profondeurs d'un volcan. Entraîné à manipuler de lourdes roches, il avait développé une certaine musculature. Plus grand que la plupart de ses congénères, le dirigeant était craint par l'ensemble de ses sujets. Pourtant, il était toujours prêt à venir en aide à ceux qui en avaient besoin.

"Nos chemins se croisent à nouveau, dit-il en regardant Link dans les yeux. J'ai appris que tu étais intervenu pour nous soutenir lors de nos difficultés. Ton courage est exemplaire. Tu pourras toujours compter sur l'appui des Gorons."

Le jeune homme se tourna vers la princesse afin d'obtenir quelques explications.

"J'ai fait appel à toutes les bonnes volontés pour la guerre qui arrive. Ganondorf a largement eu le temps de se préparer et toutes les forces seront utiles. Nous serions tous en danger, si notre ennemi parvenait à ses fins.
- Je comprends !
- Merci à vous, mes amis, ajouta Zelda. Nous prendrons la route, demain matin. En attendant, je vous invite à terminer les derniers préparatifs."

Sur ces mots, elle mit fin à la séance et regagna ses appartements, après avoir fait promettre à Link de venir la rejoindre le soir même.

Le reste de la journée se déroula en deux temps. Le jeune homme accompagna Corentin et Moï qui voulaient vérifier que l'armée d'Hyrule serait bien prête au départ le lendemain matin. Puis il se rendit à la taverne de Thelma où Iria était également présente. Leurs retrouvailles furent chaleureuses. Les deux femmes forcèrent Link à leur raconter son histoire dans les moindres détails. Elles avaient entendu parler de la tentative d'enlèvement ratée. La tenancière ne laissa le Héros du Crépuscule quitter son établissement qu'après lui avoir offert un repas. Elle le trouvait amaigri.

La nuit était tombée lorsqu'il se dirigea vers le palais. On lui fit savoir que la princesse l'attendait dans le petit salon. Le majordome conduisit Link à travers les couloirs et sortit de la pièce. Celle-ci était vide. L'endroit avait été aménagé avec goût par Zelda elle-même, vu qu'elle y passait énormément de temps. Deux canapés, séparés par une table basse sur laquelle un service à thé avait été posé, trônaient en son milieu. Le bleu profond de la moquette contrastait avec la pâleur de celui des murs. Des fleurs avaient été posées sur les différents meubles qui décoraient la salle.

Link décida d'aller prendre l'air sur la terrasse, avant l'arrivée de son hôtesse. Le balcon était délimité par une barrière à hauteur d'épaules. Ses pas résonnèrent sur le dallage, lorsqu'il franchit la porte-fenêtre. Il vit une forme humaine accoudée sur la clôture. Plongée dans ses pensées, celle-ci ne l'avait pas entendu. Le Héros du Crépuscule se plaça derrière elle et passa ses bras autour de la taille de Zelda qui eut un léger sursaut, avant de reconnaître celui qui l'avait rejointe.

"Je suis désolé d'être en retard. Thelma a tenu à me préparer un repas. Tu la connais. Elle me trouve trop maigre...
- Elle a raison, ajouta la princesse en se retournant et en le fixant dans les yeux. Tu as perdu beaucoup de poids pendant tes années de captivité.
- Tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi ?
- Non, ne t'inquiète pas, on s'occupera de ce problème plus tard quand tu auras..."

Les yeux de Link devinrent sombres, comme si un nuage venait de les traverser. Il lâcha la princesse et s'accouda à la barrière à ses côtés.

"Oui, si je parviens à le vaincre...
- En douterais-tu ?"

Le jeune homme acquiesça. Il craignait de ne pas être à la hauteur. À chacune de ses tentatives de défaire son ennemi, celui-ci avait réussi à survivre malgré tout et à revenir.

"Il s'attend à notre venue et aura préparé une offensive. J'ai peur pour les nombreux soldats qui risquent de mourir dans une guerre que j'ai causée.
- Tu n'en es pas responsable. Ganondorf est le seul coupable dans cette affaire. Je comprends tes inquiétudes. Elles sont totalement justifiées.
- Si je ne parviens pas à le battre cette fois, le royaume et tous ses habitants seront perdus.
- Tu dois avoir foi en toi !"

Zelda vint poser sa tête sur l'épaule de Link qui mit son bras autour de la taille de la princesse. Ils restèrent un long moment en silence. Lorsqu'il sentit sa compagne frissonner, le Héros du Crépuscule lui proposa de rentrer prendre une boisson chaude. La jeune femme se releva et se tourna vers lui. Lorsque leurs regards se croisèrent, le monde entier cessa d'exister autour d'eux, les enfermant dans une bulle de bien-être. Leurs visages se rapprochèrent lentement. Au moment même où leurs lèvres se touchèrent, leurs yeux se fermèrent.

Après un tendre baiser, Link et Zelda se séparèrent et décidèrent de revenir dans le petit salon. Ils discutèrent plusieurs heures pour définir ce qu'il conviendrait de faire à leur arrivée au château de Tradan. Ensuite, chacun regagna sa chambre pour s'y reposer.

Le lendemain, l'armée d'Hyrule et ses alliés se mirent en marche en direction du désert, accompagnée de soldats Zoras et Gorons, ainsi que de nombreux Bulbins, conduits par leur souverain. Le trajet fut long, car les légions se déplaçaient à pied. Au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de l'endroit où Link avait vécu un véritable cauchemar, ce dernier sentait son coeur battre toujours un peu plus fort. La troupe passa la nuit suffisamment loin de leur destination pour ne pas éveiller l'attention et repartit à l'aube afin de surprendre ses adversaires au réveil.

Une fois arrivés, en vue du palais royal, ils s'aperçurent qu'une énorme unité d'esclaves les attendait de pied ferme. Le seul chemin escarpé qui menait au château était bloqué par des milliers d'hommes et de femmes. Ils portaient tous une épée dans un fourreau et avaient les yeux fermés, sans bouger. Cette vision inquiéta le Héros du Crépuscule qui se tourna vers Moï. Tous deux se trouvaient en tête de peloton et furent les premiers à voir l'accueil qui leur avait été réservé. La fatigue se lisait sur le visage de Link. La perspective de devoir affronter de nouveau son ennemi l'avait empêché de dormir.

"Je me doutais que Ganondorf avait prévu notre venue. Depuis combien de temps sont-ils là à attendre notre venue ?"

Mais le maître d'armes n'eut pas le temps de répondre à la question. Une voix familière résonna aux oreilles de Link.

"Depuis que vous avez quitté votre campement cette nuit."

C'était Cadmeen, le bras droit de Ganondorf.

"Nous savions que tu ne serais pas suffisamment courageux pour venir seul."

Le jeune homme voulut descendre de son cheval pour montrer à son adversaire qu'il ne manquait pas d'audace, mais Moï le retint par le bras, puis s'adressa directement à Cadmeen.

"Il vous a suffisamment prouvé sa force de caractère !
- Justement, il sait de quoi nous sommes capables. Nous avons réussi à le faire trembler et hésiter...
- Ce n'est pas par la lâcheté qu'il a agi de la sorte. Ton maître ne respecte jamais ses engagements. Link ne serait jamais sorti vivant de ce château, s'il avait osé y pénétrer seul. Nous sommes là pour veiller à son retour.
- Oh ! Tu as des protecteurs. Tu risques effectivement d'en avoir besoin.
- J'imagine que tu as posté des sentinelles tout le long du chemin, intervint Link.
- Même pas !
- Comment as-tu fait ?"

Le sourire qui apparut sur le visage du général ne laissa aucun doute au Héros du Crépuscule. La conversation à laquelle il avait involontairement assisté la nuit précédente lui revint en mémoire. Sur le moment, les paroles prononcées lui avaient paru insignifiantes. Pourtant avec le recul, certains mots employés prirent un tout autre sens.

"Un traître, nous avons un traître ! Et je sais qui c'est !"

Moï regarda son élève, sans comprendre. Corentin venait de les rejoindre. Cadmeen reprit, s'adressant directement à Link.

"Ganondorf m'a envoyé te proposer un marché. Il tient à t'affronter seul à seul. Suis-moi sans discuter jusqu'à lui et personne ne sera blessé. Je te donne une heure pour en discuter avec tes amis."

Les soldats hyliens restèrent face à leurs adversaires pendant que les différents généraux organisaient une concertation autour du Héros du Crépuscule afin de décider de la conduite à tenir.

Chapitre 26   up

Les différents gradés d'Hyrule se réunirent avec Link et les membres chargés de l'accompagner à l'intérieur du château.

"Nous ne pourrons pas atteindre le palais sans faire de victimes, commença Corentin.
- Ces hommes sont manipulés. Ils ne doivent pas perdre la vie dans cette guerre.
- Je comprends. Que comptes-tu faire ?
- Accéder à sa requête. Je crois que nous n'avons pas d'autre choix.
- Tu es fou, intervint Moï, il est hors de question que je te laisse y aller seul !
- Ce n'était pas mon intention. Mais, avant de vous exposer mon plan, nous devons régler un point important.
- Le traître, demanda le maître d'armes. Tu disais connaître son identité."

Link commença par raconter l'étrange conversation à laquelle il avait assisté la nuit précédente. Le jeune homme avait eu du mal à trouver le sommeil, sentant que le destin de son royaume reposait une fois de plus sur ses épaules. Les doutes l'envahissaient. Que deviendrait Hyrule en cas d'échec ?

Vers minuit, il avait surpris deux personnes en train de discuter juste à côté de sa tente. Le Héros du Crépuscule avait alors tendu l'oreille. Les deux voix n'étaient pas suffisamment fortes pour être reconnues.

"Les troupes sont-elles prêtes à l'attaque ?
- Nous n'attendons que votre signal, capitaine Mithran."

Tous les regards se tournèrent vers le concerné qui se trouvait adossé à la roche. Celui-ci leva les yeux vers Link, comme s'il s'attendait à cette accusation.

"Sur le moment, je pensais qu'il parlait de notre armée, mais ces mots prennent un tout autre sens, au vu des circonstances.
- Tu crois que je préparais un guet-apens, demanda-t-il en souriant.
- Tu ne le nies pas !
- Qu'est-ce que cela changerait, répondit-il en se redressant. Vous m'avez déjà condamné !"

Deux généraux s'approchèrent de lui, suivis du Héros du Crépuscule.

"N'oppose pas de résistance. Je ne tiens pas à te faire de mal, mais je dois te mettre hors d'état de nuire.
- Tu fais une énorme erreur. C'est un piège et tu es en train de tomber dedans la tête la première.
- Je sais de quoi il est capable.
- Qui te conduira à travers les couloirs du château ?
- Ne t'inquiète pas, tu nous accompagnes toujours..."

Les généraux firent sortir Mithran, après lui avoir attaché les mains, et le confièrent à la garde de plusieurs soldats. Moï s'approcha du jeune homme et le prit à part.

"Es-tu convaincu de sa culpabilité ?
- Pour être honnête, je n'en sais rien, mais j'ai un doute. C'est sûrement un leurre. S'il était réellement du côté de son père adoptif, pourquoi avoir mis au point une histoire aussi compliquée ? Ce n'est pas dans les habitudes de notre ennemi. La seule certitude, c'est que nous sommes visiblement surveillés.
- Tu penses que le véritable traître est ici ?
- Probablement. Il doit croire que son plan a fonctionné. Il commettra peut-être une erreur...
- Nous devrons être prudents."

Ils rejoignirent les autres qui parlaient avec animation. Tous se turent à l'arrivée du Héros du Crépuscule.

"Quelle est ton idée, lui demanda Moï.
- Je vais accéder à la requête de Ganondorf et emmener le traître ainsi que deux personnes : Corentin et toi. Tout en sachant que nous ne sommes pas sûrs d'en revenir... Donc, je comprendrais si tu préfères laisser ta place.
- Je viens avec toi, mais je pense que Corentin devrait rester avec ses hommes. Le combat qui risque de débuter exigera la présence de tous les chefs d'équipe. Il nous faut un volontaire.
- Tu as raison ! Nous ferons un appel parmi les troupes.
- Pas besoin, ajouta un des sous-lieutenants. Je vous accompagne.
- Que ferez-vous de votre unité ?
- Nous sommes deux à la tête de celle-ci et je ne suis que second...

Link observa le soldat avec attention, cherchant à connaître ses motivations.

"Pourquoi une telle proposition ?
- Je vis seul. La plupart de ceux qui sont ici ont une famille qui les attend. Ils auront plus de chance de survivre en demeurant de ce côté.
- C'est un geste d'une grande générosité. C'est entendu, vous viendrez avec nous, reprit Moï."

Link s'apprêtait à retourner devant Cadmeen pour lui annoncer sa décision, mais Corentin l'arrêta.

"Attends ! Que devrons-nous faire, si l'armée de Tradan attaque ?
- Défendez-vous, répondit-il, mais évitez de les tuer. Essayez de leur enlever les colliers. Sans eux, ils redeviendront inoffensifs.
- Nous ferons le maximum."

Le Héros du Crépuscule et les généraux revinrent devant Cadmeen qui attendait toujours.

"Tu n'as pas utilisé tout le temps que je t'ai donné. Mais peu importe ! Quelle est ta réponse ?
- Je viens...
- Sage décision...
- Je n'ai pas fini ! Je viens, mais pas seul.
- Tu comptes emmener tes gardes du corps ?
- Je désire être sûr que ton maître tiendra ses engagements.
- Ne t'inquiète pas, tu arriveras vivant jusqu'à lui. Que veux-tu d'autre ?
- Emmener le traître, Mithran, avec moi !"

Le général regarda Link dans les yeux.

"Ainsi, tu as découvert son identité ?
- Il n'a pas été très discret...
- Reste ici, je reviens...".

Cadmeen partit en direction du château et le Héros du Crépuscule attendit, Moï à ses côtés.

"Je ne te comprends pas, Link. Pourquoi l'emmener avec nous ? Tu risques de le mettre en danger s'il est innocent.
- Il le sera là-bas aussi. Le véritable traître voudra l'empêcher de parler. Son rôle était de nous accompagner...
- Il devait nous guider... Et nous allons le livrer pieds et poings liés à celui qui désire lui faire payer son manque de loyauté.
- Je sais que l'idée peut sembler mauvaise, reprit le jeune homme en fixant son mentor, mais je te demande de me faire confiance. Je n'agis pas à la légère...
- Je suis content de t'entendre dire ça ! J'ai cru un instant que tu doutais de tes capacités."

Link sourit à son maître d'armes. Ce dernier était convaincu de leur victoire. Le jeune homme espérait ne pas s'être trompé, car en cas d'erreur de sa part, ses amis risquaient de le payer de leur vie. D'un autre côté, l'échec condamnerait l'ensemble des peuples du pays.

Cadmeen ne tarda pas à réapparaître. À ce moment-là, certains esclaves se décalèrent afin de dégager une allée menant directement à l'entrée du palais royal.

"Tes conditions sont acceptées. Après toi !"

Link attrapa Mithran par le bras et se mit à avancer avec lui. Le captif avait les mains attachées dans le dos.

"Je ne te poserai la question qu'une seule fois, lui murmura Link. Nous as-tu trahis ?
- Non, mais me croiras-tu, répondit-il en levant les yeux vers le jeune homme. Si tu me ramènes à mon père, tu me condamnes à mort.
- Je ne le laisserai pas te tuer ! Je vais te permettre de t'échapper. Puis-je te faire confiance ?
- À toi de voir, je n'ai aucune garantie à te donner.
- C'est ce que je voulais entendre. Voilà de quoi te libérer. Choisis bien ton moment pour l'utiliser. Excuse-moi d'avoir agi ainsi, mais je devais faire en sorte que tout le monde pense que tu es coupable.
- Pourquoi ?
- Pour que le véritable traître commette une imprudence. Corentin et Lafrel sont capables de le démasquer. Tant qu'il sera présent, nous serons vulnérables. J'espère que mon hypothèse est juste. La vie de tout un peuple dépend de mes décisions.
- Je t'aiderai de mon mieux !"

Le Héros du Crépuscule glissa discrètement une petite lame dans la poche arrière du pantalon de son prisonnier. Ils continuèrent tous deux à avancer en silence, conscients que la dernière bataille était sur le point de commencer. Moï et le sous-lieutenant volontaire les suivaient. Ceux-ci n'avaient pas entendu un mot de la conversation.

Arrivés devant les portes du palais, ils s'arrêtèrent un instant pour jeter un oeil en arrière. Les esclaves avaient repris leurs positions, leur coupant toute retraite. Un peu à l'écart se tenait Cadmeen qui souriait d'un air triomphant.

"Il est trop tard pour reculer !"

Sans tenir compte de sa remarque, Link prit une profonde inspiration et entra dans le château, suivi des autres. Le hall était vaste et désert. Un tapis bleu traversait la pièce tout en longueur qui menait à un escalier. Aucun ornement ne venait apporter de chaleur au lieu. Le jeune homme se tourna vers le général.

"Où se trouve la salle du trône ?
- Droit devant. Monte et avance dans le couloir. Il te mènera directement là où Ganondorf t'attend."

Link marcha, traînant toujours Mithran par le bras. Ses deux compagnons les suivaient. Le groupe gravit l'escalier dans le silence ambiant. Cadmeen semblait avoir cessé de les surveiller. Ce calme rendait le jeune homme nerveux, il sentait que son ennemi lui avait préparé une mauvaise surprise.

L'absence de soldats à l'intérieur du château lui rappela son arrivée dans la forteresse de Ganondorf en compagnie du Héros du Temps. Link se remit à avancer en observant tout autour de lui. Parvenu près de la porte de la Salle du trône, il posa la main sur la poignée et arrêta son geste en entendant un bruit étouffé derrière lui.

Il se retourna et aperçut le sous-lieutenant qui menaçait Moï de sa lame. Aussitôt, plusieurs gardes surgirent de nulle part et entourèrent le petit groupe.

"Tu pensais avoir découvert le traître, mais tu as fait une erreur sur la personne.
- Qui es-tu ?
- Tu ne sais pas qui je suis ! Mon nom est Milan. J'ai été moi aussi un des complices de Ganondorf, mais je me suis montré discret. Pas comme cette andouille de Vernarte. J'ai conservé ma fonction sans faire de zèle excessif. Et j'ai servi ma patrie du mieux que j'ai pu.
- Quelle est la cause de ce changement ?
- J'ai fait partie de ceux qui t'ont remis aux mains des soldats de Tradan. Le même jour, Ganondorf est venu au château. D'après les rumeurs, il devait épouser la princesse. Alors, je me suis rappelé à son bon souvenir. Je connais le sort réservé à ceux qui s'opposent à lui.
- Tu as choisi de t'allier à lui.
- Oui. Il m'a dit que des ordres me seraient donnés par la suite. J'ai reçu les premiers juste après ton retour. Je devais le tenir informé de tout ce qui se passait dans le royaume. C'est ce que j'ai fait.
- Donc, tu lui as dévoilé nos projets ?
- Bien sûr ! Et j'ai fait en sorte que les soupçons se portent sur un autre, selon les instructions de mon maître. Et son plan a parfaitement fonctionné. Comme il l'avait prévu, tu m'as emmené avec toi. Tu es tellement facile à comprendre. Alors, maintenant, ne bouge pas, si tu ne veux pas que ton ami perde la vie. Je veux voir tes mains."

Link leva les bras. Un des soldats attrapa le fils adoptif du roi et l'éloigna du jeune homme. La porte s'ouvrit derrière ce dernier et sa lame fut retirée du fourreau. Le Héros du Crépuscule se retourna et se retrouva en face de son ennemi.

"Comment peux-tu ..., commença Link.
- Toucher l'Épée de Légende ? Je te rappelle que je possède un fragment de Triforce, moi aussi. Je suis donc un Elu."

Il se tourna vers un des gardes.

"Enlevez-lui ses armes et attachez-le."

L'interpellé s'approcha de Link et suivit les ordres reçus avant de l'emmener à l'intérieur de la salle.

"Bien, laisse-nous, maintenant !
- Que doit-on faire de ses amis, mon roi ?
- Tuez-les !
- NON", hurla Link.

Ganondorf gifla le jeune homme avec une telle violence qu'il s'effondra sur le sol. Le soldat quitta la pièce en refermant la porte.

"Ils auront beaucoup plus de chance que toi.
- Que comptes-tu faire ?
- M'amuser un peu, pour commencer."

Le roi de Tradan s'approcha de Link, le releva et l'emmena près des grandes portes-fenêtres qui donnaient sur le lieu de la confrontation. Il souleva les vêtements du jeune homme afin d'observer son dos.

"Je vois que tu t'es parfaitement remis de tes blessures. Et en un temps record qui plus est."

Le roi de Tradan alla poser l'épée sur son trône, laissant le Héros du Crépuscule observer le combat qui faisait rage, puis revint se placer près de son captif.

"Regarde, j'ai lancé l'attaque contre ton peuple."

Les peuples d'Hyrule étaient en train de perdre du terrain face aux nombreux esclaves qu'ils avaient en face d'eux. Link ferma les yeux en cherchant quelle erreur avait été commise. L'armée de Tradan avait un avantage : celui d'être constituée de soldats dépourvus de sentiments et de crainte. Leurs adversaires, quant à eux, tentaient toutes les manoeuvres pour éviter d'ôter la vie à des innocents.

"Arrête ce combat, demanda-t-il.
- Ça ne fait que commencer, crois-moi."

Ganondorf attrapa Link par le col de sa tunique. Ce dernier observa la salle dans laquelle il se trouvait. Hormis le trône au fond de la pièce et l'immense pierre rouge située à proximité des fenêtres, on ne pouvait voir aucun objet. Aucune décoration ne venait agrémenter les murs sans âme. Des traces sur les parois témoignaient que cet endroit n'avait pas toujours été aussi épuré.

Le jeune homme rassembla tout son courage et fonça droit vers son ennemi. D'un simple geste de la main, Ganondorf arrêta la charge de Link et l'envoya percuter le grand caillou, placé dans le coin opposé. Il ferma les yeux sous la douleur provoquée par le coup et s'écroula sur le sol.

"Toute tentative de ta part est vouée à l'échec, ajouta-t-il en le relevant. Tu ferais mieux de rester tranquille. Ta fin est proche.
- Cette pierre, est-ce une pyronite ?
- Tu comprends vite. As-tu lu le livre ? J'imagine que non. Après tout, tu n'es qu'un berger..."

Link ne réagit pas à l'insulte. Le roi de Tradan l'observa en train de se relever.

"Si tu t'étais légèrement renseigné, tu saurais que les pierres, utilisées en complément de la potion, peuvent te rendre plus coopératif. Mais cette méthode nécessite d'être à côté de chaque esclave pour qu'il travaille. Ce qui n'était pas très efficace.
- D'où la présence de ce caillou...
- Tu n'es pas aussi stupide que tu en as l'air... C'est la pyronite qui relie toutes les autres : grâce à elle, il suffit de donner ses ordres à un seul d'entre eux pour qu'ils obéissent tous.
- Donc, un simple appel ici permettrait de faire cesser le combat ?
- Peut-être ! Tente le coup..."

Le Héros du Crépuscule observa son adversaire, réfléchissant à toute vitesse. Tout dépendait de lui. Le jeune homme se tordait les mains pour essayer de se détacher, mais les cordes étaient trop serrées. Soudain, il sentit un petit objet se trouvant dans sa poche. La mini-bombe de Crahmé. Le soldat qui l'avait fouillé l'avait sans doute jugée inoffensive. Une idée germa dans son esprit. Il releva la tête et se remit à parler.

"Je pense que c'est inutile.
- Et tu as raison.
- Que se passerait-il si cette pierre était détruite ?"

Ganondorf partit d'un éclat de rire et regarda Link.

"Rien ne pourra la briser, à part une explosion. Mais je ne vois pas comment tu pourrais le faire. Dans l'hypothèse peu probable où tu réussirais à récupérer une de tes jolies bombes, la destruction de cette pierre couperait les communications avec les esclaves.
- Donc, le combat cesserait...
- Non, pas forcément. Il resterait les ordres donnés à chaque soldat. Cette action ne sauvera pas tes amis."

Le Héros du Crépuscule regarda son adversaire. Le jeune homme devait absolument trouver un moyen de gagner du temps et, pour ce faire, il devait le faire parler.

"Comment as-tu réussi à t'en sortir ?
- Comme je te l'ai expliqué la première fois que je t'ai rencontré, j'ai eu des informations capitales sur mon futur.
- Xanto...
- Tu as bonne mémoire, mais tout est récent, dans ta tête. Pour moi, cela remonte à des centaines d'années... Cet idiot n'a pas été avare en détails. La seule chose qu'il ait oublié de me révéler, c'est la véritable identité de Sheik. Et pourtant, je le lui avais dit.
- Tu aurais dû faire le déplacement toi-même !
- C'est vrai, mais je ne savais pas s'il pourrait revenir, après avoir délivré son message. Je n'ai pas voulu prendre de risque.
- Tu préfères jouer avec la vie des autres..."

Ganondorf adressa un sourire à Link en l'observant attentivement. Celui-ci cessa tout mouvement. Il venait de réussir à glisser sa main dans la poche de son pantalon, mais la retira rapidement lorsque son ennemi s'approcha de lui.

"Vois-tu, je savais que le Héros du Temps parviendrait à me vaincre, c'est pour ça que j'ai cherché à éviter cette confrontation. Par contre, j'ignorais de quoi tu étais capable. Le portrait que m'avait fait Xanto démontrait de grandes aptitudes, mais je voulais me faire ma propre opinion. Tu es très fort."

Le roi de Tradan observait son captif, guettant une réaction, mais ce dernier ne bougeait pas.

"J'ai éprouvé ton courage et tu as tenu bon, tu as même pu vaincre toute une armée avec l'aide de ton ancêtre. J'ai compris que je ne pourrais gagner contre l'union des deux Héros. C'est la raison pour laquelle j'ai fait le voyage dans le futur. Je n'aurais jamais imaginé qu'il te suivrait. Je vous ai sous-estimés tous les deux.
- Alors, tu as cherché à me discréditer aux yeux de mon peuple.
- Oui et je dois avouer avoir adoré ça. Tu as réussi à t'enfuir et à me faire pénétrer dans la clairière. Puis, vous m'avez battu et j'ai passé de nombreuses décennies dans le monde du Crépuscule. J'ai eu le temps de préparer ma vengeance."

Ganodorf s'approcha de nouveau de Link et le saisit par le col de sa tunique pour le plaquer contre le mur, juste à côté de la pyronite. Le choc lui fit lâcher la mini-bombe qu'il venait enfin d'attraper. Celle-ci retomba au fond de sa poche.

"Oui, je voulais que tu payes pour cet échec et celui plus cuisant encore qui m'attendait. J'étais conscient du fait que je ne devais en aucun cas changer les événements qui devaient mener à ton séjour dans le passé. J'ai laissé les choses évoluer et je me suis débrouillé pour que tu penses m'avoir tué.
- Ton plan a parfaitement marché, répondit Link qui avait réussi à sortir l'objet qu'il tenait fermement dans sa main droite.
- Il a été élaboré de façon méthodique et poussée. J'ai cherché un endroit où me cacher et j'ai appris l'existence de ce pays et de ce souverain qui était soupçonné d'avoir usurpé le trône. Alors, je suis venu et je l'ai menacé de tout révéler s'il ne me cédait pas sa place. Évidemment, il a refusé.
- Comment l'as-tu convaincu ?
- J'ai utilisé la mine d'informations qu'était la bibliothèque du château d'Hyrule. J'y ai lu beaucoup de choses intéressantes, comme la manière de fabriquer le produit qui permet de contrôler les hommes. Le livre que tu m'as volé regorgeait d'idées.
- Le roi a eu droit à ce traitement, comme la princesse et Nabooru.
- Ne parle pas de ce que tu ignores. Pour elle, tout a été différent..."

Ganodorf relâcha le jeune homme et se mit à arpenter la pièce.

"Les Gerudos sont particulièrement sensibles à cette pierre. Quelque chose dans leur sang. Cela provoque invariablement le même phénomène : la perte totale de tout sentiment de pitié. Tu es bien placé pour le savoir. Vernarte et Zelda ont bu une potion fabriquée à l'aide d'une molécule ayant les mêmes caractéristiques."

Link se rappela la façon dont la jeune femme l'avait traité après qu'il eut réussi à fissurer la pierre qu'elle avait sur le front.

"J'ignore comment tu as pu la libérer.
- J'ai dû fendre le caillou.
- Je comprends mieux pourquoi je n'ai rien remarqué. Tu as dû la déboiter de son socle. Elle n'était donc plus en contact direct avec sa peau..."

Ganondorf se tourna vers la fenêtre pour observer l'extérieur.

"Tes amis sont en mauvaise posture, dit-il en souriant. Pour en revenir au sujet qui nous intéresse : je t'ai vu réapparaître après ta victoire dans le passé. J'ai assisté à ta fuite quand Vernarte t'a attaqué. Je suis allé lui parler, mais il a refusé de m'aider. Alors, j'ai utilisé le fameux produit sur lui. Je comptais l'employer sur toi à ce moment-là, mais l'intervention de cet imbécile m'a coupé l'herbe sous le pied.
- Tu l'as convaincu de me livrer à ton général.
- Exactement. J'ai même réussi à lui faire croire que te vendre était son idée."

Link qui cherchait à amorcer la bombe arrêta son geste un instant pour fixer son attention sur son adversaire. Ce dernier souriait devant sa réaction. Il se concentra de nouveau sur sa tâche et réussit à déclencher le mécanisme. Le Héros du Crépuscule lâcha l'objet près du caillou et s'approcha de Ganondorf.

Le captif risqua un regard en direction du lieu du combat et remarqua des formes allongées sur le sol. Link sentit un frisson courir sur sa peau. De sa position, il ne pouvait pas savoir à quel camp appartenaient les victimes, déjà nombreuses.

L'intensité de la déflagration le surprit. Crahmé n'avait pas menti à propos de l'efficacité de son invention. L'explosion le projeta contre le trône et brisa toutes les vitres. Il se releva et observa autour de lui. Le jeune homme chercha son adversaire, mais ne le vit pas. Son arme se trouvait à présent juste à côté de lui, il s'en servit pour couper les liens enserrant ses poignets. L'épée en main, Link parcourut la pièce des yeux. La pierre s'était désintégrée et une poussière rouge retombait doucement sur le sol rendant la salle obscure.

Il s'approcha de la fenêtre pour voir les conséquences de la destruction de la pyronite sur les esclaves, mais la lutte n'avait pas cessé. Un rire retentit derrière lui. Ganondorf sortit de la brume provoquée par les débris.

"Tu as réussi à faire entrer une bombe dans mon palais. Malheureusement pour toi, elle ne semble pas avoir eu l'effet escompté sur mes combattants. Chacun d'eux obéit encore au dernier ordre reçu.
- Quel est-il ?
- Probablement : tuez-les tous !"

Link jeta un denier regard vers ses amis et se retourna vers son adversaire qui affichait un sourire cruel. Il leva son épée et la dirigea vers Ganondorf.

"Tu vas payer pour ça !"

Le roi de Tradan dégaina sa propre lame et fonça droit vers le jeune homme. Celui-ci réussit à parer le coup, mais la violence du choc le fit reculer le rapprochant du vide qui remplaçait désormais les fenêtres brisées par l'explosion.

Chapitre 27   up

Link n'avait aucune idée de la manière dont ses amis s'en sortaient et n'avait guère le temps de s'occuper d'eux pour l'instant. Il reculait sous la force de l'épée de Ganondorf dont le but était de le faire basculer dans le vide. La salle du trône ne se trouvait qu'au premier étage, mais le château avait été bâti selon les plans définis par le roi.

Des douves avaient été creusées tout autour du palais pour le protéger des invasions. La construction avait débuté sept ans auparavant. Au moment même de son accession au pouvoir, il avait décidé de créer une demeure à sa démesure. Elle n'était pas terminée, mais les travaux avaient bien avancé. Les fosses n'avaient pas leur profondeur définitive, mais elles atteignaient déjà plusieurs mètres de hauteur. L'eau qui devait les combler n'avait pas encore été détournée du fleuve tout proche.

Le Héros du Crépuscule jeta un oeil vers le bord, mais ne vit pas le sol. Une chute le tuerait sur le coup sans lui laisser une seule chance de s'en sortir. Son regard se reporta alors sur son ennemi qui forçait sur son épée pour le faire plier. Link posa les yeux sur ses amis qui étaient toujours en train de combattre. Il devait trouver un moyen de se dégager. Pour eux. Pour que leurs efforts n'aient pas été vains. Pour que ceux qui étaient tombés sous les coups ne soient pas morts pour rien. Son esprit s'envola vers Hyrule et vers Zelda à qui il avait promis de revenir.

Elle était demeurée au château afin de le protéger de Ganondorf. Sa confiance envers Link était inchangée, mais il lui avait permis de comprendre que tout était possible et que le royaume devait se préparer à toute éventualité. Leur ennemi était capable de tout. Il pouvait avoir envoyé une partie de ses soldats pour attaquer la citadelle d'Hyrule pendant que l'armée était en manoeuvre. La princesse était donc restée pour aider les habitants.

Remarquant que Link s'était égaré un instant dans ses pensées, le souverain de Tradan donna une impulsion à sa lame pour le déstabiliser. Ce dernier recula, mais ne rencontra que le vide. Il perdit l'équilibre et chuta, tout en lâchant son épée qui tomba sur le sol de la pièce à quelques pas de lui. Le Héros du Crépuscule eut juste le temps de se rattraper au bord. Ganondorf s'approcha de son adversaire et le regarda d'un air supérieur.

"Tes émotions te font encore perdre ta concentration."

Il posa son pied sur la main gauche du Héros du Crépuscule et l'écrasa dans le but de lui faire lâcher prise, appuyant en même temps sur le fragment de Triforce qui se mit à briller brusquement.

* * *

Les soldats d'Hyrule levèrent la tête en entendant le bruit de la déflagration. Un épais nuage rouge sortait du lieu de l'explosion. Néanmoins, ils n'eurent pas le temps de se poser de questions, car leurs adversaires n'avaient pas été surpris par le choc et continuaient le combat. Les esclaves avaient commencé à attaquer à la minute où Link et ses compagnons avaient pénétré à l'intérieur du château. La première ligne de l'armée de Tradan avait entamé son avancée en direction des Hyliens. Les différents chefs de section avaient alors donné leurs instructions à leurs troupes.

"Le Héros du Crépuscule vous l'a dit : ces hommes sont manipulés et innocents. Ils ne sont pas conscients de leurs actes et ne doivent en aucun cas mourir dans cette guerre. Vous devez faire de votre mieux pour gagner du temps. Si vous avez l'occasion de retirer un collier à l'un d'entre eux, faites-le et emmenez-le loin du combat."

Lorsque l'explosion avait retenti, Corentin venait juste de réussir à retirer la pyronite d'un des esclaves. Il leva les yeux vers le lieu du tumulte. Ce qu'il vit le cloua sur place. Link était en mauvaise posture, sur le point de chuter dans le vide. Il résistait à la charge de Ganondorf. Soudain, il assista impuissant à la perte d'équilibre du jeune homme et hurla quand celui-ci tomba et se rattrapa au bord du bâtiment. Le regard de triomphe qu'arbora leur ennemi à ce moment précis ne lui échappa pas, malgré la distance. Horrifié par ce qu'il se passait, Corentin ne remarqua pas l'arrivée d'un de ses adversaires qui lui enfonça une lame dans le bas ventre, sans qu'aucune émotion n'apparaisse sur son visage. Le mari d'Iria s'effondra en pensant à celle qui risquait de perdre son époux et son meilleur ami le même jour. L'image de celle-ci se dessina devant ses yeux. Il se rappelait leur dernière conversation. Elle lui avait demandé de prendre soin du Héros du Crépuscule et surtout de revenir vivant. Il avait manqué à sa parole une première fois en laissant Link entrer dans le château. Et maintenant, la mort allait l'emporter l'empêchant ainsi de respecter l'autre moitié de sa promesse.

* * *

Dans le couloir menant à la salle du trône, Moï vit la porte se refermer sur son élève qui avait les mains liées dans le dos. Il reporta son regard sur les gardes qui les entouraient. Ceux-ci se rapprochaient inexorablement d'eux en dégainant leurs armes. Mithran était retenu par le bras par un des soldats. Le croyant attaché et sans défense, celui-ci s'était contenté de le placer à ses côtés, mais le jeune homme avait sorti de sa poche la lame que Link lui avait donnée. Bénéficiant de l'inattention de son surveillant, il coupa les cordes qui l'entravaient.

Il attrapa son opposant par le cou et serra pour lui bloquer la respiration assez longtemps pour provoquer son évanouissement. Ce dernier s'écroula avant d'avoir pu prévenir ses collègues. Le fils adoptif de Ganondorf s'empara de l'épée de son adversaire et fonça droit sur les ennemis. Moï profita de la confusion qui s'ensuivit pour frapper le traître afin de se libérer. Il récupéra son arme. La confrontation qui débuta mit directement les deux volontaires dans une situation délicate.

En effet, les soldats de Tradan qui se trouvaient en face d'eux n'avaient aucune ressemblance avec la horde d'esclaves qu'ils avaient aperçue. Ceux-ci étaient des combattants aguerris qui avaient juré allégeance à Ganondorf lors de sa première tentative de conquête du territoire. Moï et son allié préféraient mourir dans le feu de l'action plutôt que d'être exécutés dans un couloir sombre. Tous deux étaient conscients du fait que leurs chances de vaincre étaient quasiment inexistantes. Pourtant, aucun d'eux n'hésita à s'engager dans une bataille que semblait perdue d'avance.

Grâce à l'entraînement qu'il avait reçu du général Cadmeen depuis sa plus tendre enfance, Mithran était capable de se défendre contre plusieurs adversaires simultanément. Moï quant à lui avait pas mal d'expérience. Tous deux faisaient de leur mieux pour ne pas se laisser submerger par le nombre d'opposants. Le combat durait depuis un certain temps lorsque le bruit d'une explosion retentit. Tous les regards se tournèrent vers le lieu de la déflagration. Surpris par celle-ci, les anciens complices se retournèrent, inquiets pour leur souverain. Le maître d'armes et Mithran éprouvaient également de la peur concernant la vie de celui qu'ils étaient censés protéger, mais ils se reprirent rapidement.

Ils profitèrent du moment d'égarement de leurs ennemis pour mettre certains d'entre eux hors d'état de nuire. Malheureusement, ces derniers sortirent assez vite de leur état de stupéfaction et se lancèrent derechef à l'assaut de leurs adversaires. Certains d'entre eux étaient couchés sur le sol, inconscients. Les gardes qui étaient encore debout se regroupèrent et entourèrent les deux résistants. Ceux-ci levèrent leurs lames, prêts à défendre chèrement leurs existences dans un combat qui semblait perdu d'avance.

* * *

Pendant ce temps, la citadelle d'Hyrule était encerclée par une armée d'esclaves. Zelda avait heureusement fait venir tous les habitants entre les murs de la ville afin de les protéger en cas d'invasion. Une petite partie de la troupe était restée pour défendre la cité.

Dans la salle du trône, la princesse angoissait. Les soldats d'Hyrule avaient probablement déjà lancé l'attaque contre le château de Ganondorf. Comment se déroulait le plan qu'elle avait mis au point avec Link ? Avaient-ils rencontré des difficultés sur la route ? Toutes ces questions tournaient dans sa tête. Lorsqu'un garde entra, une lettre à la main, elle échangea un regard avec Iria qui était debout à côté d'elle.

"Cette missive a été envoyée depuis l'extérieur avec cette flèche, Votre Altesse."

Le Premier Ministre s'approcha, prit la feuille et la lut. Puis il adressa un regard à Zelda dont l'angoisse ne cessait d'augmenter.

"C'est une lettre de Ganondorf !
- Qu'a-t-il écrit ?
- Je ne pense pas que ce soit...
- Je dois en connaître le contenu."

À contrecoeur, il lui tendit la missive qu'elle lut aussitôt. Elle s'écroula sur le trône, son visage ayant perdu toutes ses couleurs. Iria se précipita vers elle.

"Que dit cette lettre ?
- Link est ...
- Il est quoi ?"

Zelda prit une profonde inspiration et lut à voix haute.

"A l'heure où vous parcourrez ces mots, votre petit protégé sera probablement déjà entre mes mains. Je lui réserve un sort peu enviable. Mais ne craignez rien, je vous laisserai la possibilité de lui dire adieu."

Elle se tut un instant puis reprit, la voix chargée de sanglots.

"Ganondorf connaissait nos projets. Nous avions un traître dans nos rangs.
- Qui ?
- Je ne sais pas. Il dit qu'un de nos sous-lieutenants lui a révélé notre plan et l'a aidé à faire en sorte que..."

Elle ne put continuer, les larmes se mirent à couler sur ses joues.

"Link est fort. Il aura deviné les intentions de son ennemi. En plus, cette lettre a été écrite bien avant son arrivée au château de Tradan. Tout ne s'est pas forcément passé comme Ganondorf l'avait prévu.
- Si, ajouta Zelda en levant les yeux vers Iria. L'armée de Tradan a débarqué à l'aube. Pourquoi ne nous ont-ils envoyé ce pli que maintenant ?
- Je l'ignore.
- Parce qu'ils devaient attendre une confirmation de la réalisation de ce que dit cette missive.
- De quelle façon ?
- Je ne sais pas. Mais j'ai ressenti quelque chose moi aussi."

La princesse leva sa main. La marque de la Triforce était étincelante, mais la clarté ne venait pas de son fragment de la Sagesse. Le triangle lumineux était celui situé en bas à gauche : le Courage.

* * *

Link sentait une chaleur émaner de son fragment, mais crut que celle-ci était causée par la souffrance et la pression subies. Il essaya de trouver une prise sur le mur afin de se redresser. Tout en lui écrasant la main, Ganondorf le regardait se débattre.

"Tu ferais mieux de te laisser tomber. Ce sera beaucoup moins douloureux pour toi !
- Tu n'as pas encore gagné !"

Ganondorf se recula un instant et observa son adversaire. Il ramassa l'épée du jeune homme et la posa contre un des murs.

"Tes efforts pour te redresser ne serviront à rien. Tes amis ne vont pas tarder à passer de vie à trépas et tu finiras par les suivre. En ce moment même, une partie de mon armée entoure la citadelle d'Hyrule. Ta princesse a mis trop de monde à l'abri. Les réserves manqueront rapidement ; elle sera obligée d'ouvrir les portes pour sauver son peuple...
- Non !
- Tu as perdu ! Cesse de lutter et lâche prise. Tu ne pourras plus aider personne..."

Le Héros du Crépuscule sentait que ses doigts glissaient. Soudain, la porte qui menait au couloir s'ouvrit. Moï et Mithran se précipitèrent dans la pièce et s'arrêtèrent un instant pour évaluer la situation. Conscients du fait que Link ne tiendrait plus le coup très longtemps, ils se regardèrent avant d'agir. Le maître d'armes se dirigea vers son élève pendant que son compagnon s'approchait de son père adoptif.

* * *

Couché sur le sol, Corentin continuait de fixer l'endroit où le Héros du Crépuscule était accroché, mais il ne pouvait pas bouger. Lafrel le vit et se précipita à ses côtés.

"Li... Li... Link..."

Le nouveau venu leva les yeux et aperçut le jeune homme et Ganondorf juste au-dessus de lui.

"Tu dois... aller l'aider, articula Corentin en s'accrochant à son aîné.
- D'abord, mais nous devons te soigner. Ensuite, je prendrai quelques soldats et nous essayerons de trouver un passage derrière les troupes ennemies.
- Vite, il ne tiendra plus très longtemps."

Corentin qui avait concentré son attention sur son interlocuteur reporta son regard sur l'endroit où Link se trouvait quelques minutes plus tôt, mais il n'y avait plus personne. Ses yeux s'agrandirent d'horreur en pensant à ce qui avait pu lui arriver. Cette dernière émotion le fit sombrer dans l'inconscience.

Lafrel appela quelques soldats qui emmenèrent le blessé. Avec quelques volontaires, il explora les lieux à la recherche d'un autre chemin. Son but était de passer derrière les lignes ennemies afin de les prendre à revers.

* * *

Dans le couloir, Moï et Mithran s'étaient retrouvés encerclés par une dizaine de soldats. Ils s'étaient alors placés dos à dos pour se protéger mutuellement, attendant l'attaque de leurs assaillants. Les gardes n'étaient pas encore arrivés à leur hauteur quand deux d'entre eux s'écroulèrent, transpercés d'une flèche. Tous se tournèrent en direction de l'endroit d'où provenaient les tirs. Un Hylien se trouvait là, un arc à la main. Il tua les trois ennemis qui se précipitèrent sur lui pendant que les autres s'en prenaient aux compagnons de Link.

Au bout de quelques minutes, tous les adversaires étaient étendus sur le sol.

"Qui êtes-vous ? demanda le maître d'armes.
- Mon nom est Roven. Où est le Héros du Crépuscule ? Il n'est pas avec vous ?
- A l'intérieur, avec Ganondorf. Il m'a parlé de toi.
- Dans ce cas, les présentations ne sont plus nécessaires. Que s'est-il passé ?
- Nous sommes tombés dans un piège tendu par un traître. Link a été fait prisonnier et emmené à l'intérieur de cette salle. Nous devons l'aider. Il y a eu une explosion.
- Aurait-il..."

Sans dire un mot de plus, Roven se précipita vers la fenêtre donnant sur le lieu du combat qui était toujours aussi acharné. Il observa les esclaves, puis se tourna vers Moï et Mithran.

"Il a sans doute réussi à détruire la pyronite principale. Sa réputation est amplement méritée.
- De quoi parles-tu ?
- De la pierre qui se trouve dans la salle du trône. En tant que fils adoptif du tyran, tu devrais le savoir. Tu ignores à quoi elle sert ? Mais, nous n'avons pas le temps d'en discuter maintenant. Allez aider votre ami. Je redescends pour essayer de libérer les autres esclaves avant que leurs chefs ne les envoient à la mort."

Sans attendre de réponse, il dévala l'escalier laissant Moï et Mithran perplexes. Ces deniers se dirigèrent vers la porte qui les séparait de Link.

* * *

Au château d'Hyrule, Zelda ne se remettait pas des nouvelles reçues. Elle avait peur que les informations données soient vraies. Son fragment de Triforce lui disait que Link était en mauvaise posture. Le silence était tombé dans la salle. Personne n'osait formuler l'hypothèse que tout le monde craignait. Puis, doucement, la lumière émise par la main de la princesse diminua et s'éteignit sous les regards anxieux de l'assistance. Zelda observa Iria qui semblait prise de la même frayeur qu'elle. La Triforce du Courage venait de cesser de se manifester.

Chapitre 28   up

Dans la salle du trône, Moï se précipita vers son élève et se mit à genoux au bord du vide. Il tendit son bras pour rattraper le Héros du Crépuscule. Ce dernier se débattait pour remonter, mais ses doigts glissaient sur la pierre lisse. Dans une tentative désespérée, le jeune homme avança sa main, mais ne vit pas l'endroit où elle se posa.

Un morceau de verre lui pénétra alors profondément dans la chair, ce qui lui fit lâcher prise. Le maître d'armes arriva juste à temps pour l'empêcher de tomber. Mais, malgré tous ses efforts, il ne parvint pas à soulever Link qui ne trouvait aucune accroche sous ses pieds.

Mithran, quant à lui, marchait vers son père adoptif, l'épée en avant.

"Tu ne comptes tout de même pas attaquer celui qui t'a sauvé la vie.
- Non, je désire venger mon peuple que tu as réduit en esclavage pour réaliser tes projets de conquête.
- Ton peuple ? Tu ne crois pas si bien dire ! Ignores-tu qui sont tes vrais parents et quelle est la véritable raison qui m'a poussé à faire de toi mon héritier ?
- Qu'est-ce que ça signifie ?
- Tu dois connaître l'histoire de ton pays. J'avais chargé tes précepteurs de te l'enseigner.
- Évidemment, tu parles de la mort tragique de la famille royale et de la disparition du prince.
- Ce souverain, comme tu le sais sans doute, a été assassiné par son propre frère qui a pu ainsi obtenir la couronne, tant convoitée. Mais il a commis une erreur.
- Laquelle !
- Cet imposteur a été incapable de tuer l'enfant, âgé de deux ans. Il l'a donc fait déposer sur le perron d'une église pour lui laisser une chance de survivre.
- Qu'est-il devenu ?"

Ganondorf se mit à rire.

"Il a grandi dans la rue, jusqu'à ce qu'une personne le prenne sous son aile pour lui donner une éducation convenable..."

Mithran regardait son père adoptif sans comprendre. Moï avait tourné la tête en direction des deux adversaires.

"Tu veux dire que...
- Oui, tu es le prince héritier du trône de Tradan. Quelle ironie, tu ne trouves pas..."

À ce moment, le maître d'armes sentit la main de Link glisser dans les siennes. Il n'avait toujours pas réussi à le faire remonter et ses doigts lâchaient prise. Moï voulut appeler son compagnon à l'aide, mais celui-ci était encore sous le choc de cette révélation.

Il reporta alors son attention sur le jeune homme et lut dans le regard de celui-ci la demande de continuer le combat à sa place. Malgré tous ses efforts pour le retenir, la main de son élève s'échappait des siennes. Le Héros du Crépuscule tomba sous les yeux de son mentor.

* * *

Dans le château d'Hyrule, la salle du trône était silencieuse. Personne n'osait faire le moindre mouvement. Tous les yeux étaient tournés vers Zelda et sur la marque qu'elle portait à la main droite. La lumière émanant du fragment commençait à perdre de son éclat.

La princesse sentit les larmes couler sur ses joues au moment où la lueur disparut complètement. Elle releva la tête et croisa le regard d'Iria. Celle-ci s'approcha et s'agenouilla.

"Pardonnez-moi, demanda-t-elle, mais que signifie cet événement ? Je sais que Link possède exactement la même trace. Pourtant, je ne l'ai jamais vue réagir de cette façon.
- La Triforce est composée de trois morceaux, répondit-elle, en essuyant son visage. Ganondorf a celui de la Force et Link celui du Courage. Voici la Sagesse. Ils sont liés entre eux. Si l'un des porteurs est en danger de mort, les deux autres sont informés par ce moyen.
- Le fait qu'elle se soit éteinte, n'est-ce pas un point positif ?
- Ce n'est pas sûr, cela peut avoir plusieurs significations..."

Le silence revint, toujours aussi pesant. Dehors, les soldats avaient installé leur camp en attendant que les Hyliens se rendent. Le siège avait débuté.

* * *

Pendant ce temps, Corentin avait été emmené dans une tente où les premiers soins lui furent apportés. Colin et Fénir qui avaient été postés derrière les premières lignes le virent et suivirent le médecin. Le blessé n'avait toujours pas repris connaissance et délirait.

"Link est en danger ! Je dois aller le sauver ! Iria m'a fait jurer ! Tombé... Lafrel...
- Il devait essayer de trouver un chemin pour arriver à la porte du château, se rappela le fils de Moï. Nous devons l'accompagner, la situation semble avoir évolué."

Les deux garçons sortirent en trombe et partirent dans la direction qu'avait prise la troupe menée par le membre de la Résistance. Ils ne mirent pas longtemps à rattraper le petit groupe qui avançait prudemment.

"Que faites-vous ici ? C'est dangereux !
- Nous voulons venir avec vous !
- Ton père...
- Mon père est peut-être en danger de mort et je refuse de rester inactif pendant qu'il risque sa vie auprès de Link.
- D'accord ! Tu es aussi entêté que lui ! Allons-y."

Les hommes continuèrent leur progression, cherchant un chemin pour se faufiler derrière les lignes ennemies. Bientôt, ils tombèrent sur un sentier qui avait été récemment utilisé. Les traces sur le sol indiquaient qu'une troupe était passée par-là.

Colin et Fénir observèrent Lafrel dont les yeux s'étaient soudainement assombris.

"Link avait raison. Ganondorf a envoyé une partie de son armée à Hyrule. J'espère que les réserves du château permettront aux nôtres de survivre. Nous devons nous hâter de gagner cette guerre."

Ils reprirent le chemin, en pressant légèrement le pas, et atteignirent bientôt les portes du palais. Devant celles-ci se tenaient des esclaves immobiles. Aucun d'eux ne bougeait et ce spectacle avait quelque chose de glacial et de terrifiant. Les nouveaux venus restèrent abasourdis par cette vision de cauchemar.

* * *

Mithran et son père adoptif avaient entamé le combat. Ganondorf qui connaissait toutes les techniques qui avaient été apprises au jeune homme parait chacun de ses coups avec habileté.

En se penchant pour essayer de voir si son élève avait pu survivre, Moï s'aperçut que celui-ci avait été stoppé par un crochet qui avait été installé un peu plus bas. Link s'était visiblement cogné la tête contre la paroi parce qu'une trace de sang se devinait sur le haut de son crâne.

Il semblait inconscient et se situait au niveau de l'étage inférieur. Distinguant les immenses fosses sous les pieds du Héros du Crépuscule, le maître d'armes se releva d'un bond et se précipita dehors, en espérant pouvoir arriver à temps pour empêcher la chute qui avait toutes les chances d'être mortelle.

Les deux adversaires ne remarquèrent pas son départ. Ils étaient bien trop absorbés par leur duel. Le roi de Tradan observait son opposant, un sourire sur le visage. Il connaissait tous ses points faibles et savait également où appuyer pour le déstabiliser.

"Selon toi, comment suis-je parvenu à te sauver des mains de ceux qui étaient prêts à te tuer, ce jour-là ? Je te surveillais depuis un moment, car j'avais entamé des recherches pour retrouver l'héritier du trône. Tu n'avais rien de plus que les autres enfants de ton âge.
- Alors, pourquoi m'as-tu pris sous ton aile ?
- Ta famille et celle de la princesse Zelda ont des liens de sang. Très éloignés, mais bien réels. Je voulais faire de toi un tyran accompli. Ce que je n'ai visiblement pas pu faire.
- Tu espérais changer ma nature profonde. Les mauvais traitements que tu infligeais au peuple m'ont toujours fait horreur.
- Je l'avais remarqué, c'est pour ça que je t'ai fait assister à des exécutions capitales dès ton plus jeune âge pour te désensibiliser et je pensais avoir réussi.
- Il faut croire que j'ai simplement appris à contrôler mes émotions.
- Nous allons voir si tu les gères si bien que ça..."

Ganondorf qui, jusque-là, s'était contenté de parer les coups se mit à contre-attaquer avec une violence inouïe, tout en continuant ses révélations.

"Tu n'as été qu'un jouet pour moi. Une partie de mon plan visant à contrôler le monde. Une fois le royaume d'Hyrule en mon pouvoir, je t'aurais laissé diriger ce pays, mais pas de ta propre volonté. Tu aurais bien sûr été sous l'influence de la pyronite. Ton seul défaut étant cette capacité à la pitié..."

Mithran avait du mal à encaisser les différentes informations que lui donnait son père adoptif, mais il cherchait à le cacher en se concentrant sur ses actions. Pourtant, son coeur était meurtri. Le jeune homme parvenait encore à parer les coups, car la haine commençait à naître au fond de lui.

* * *

Dans la salle du trône du château d'Hyrule, la tension était à son comble. Zelda ne pouvait lâcher sa main des yeux, espérant revoir la lueur sur celle-ci, une preuve que celui qu'elle aimait était encore en vie.

Régulièrement, un soldat entrait annoncer que l'armée ennemie n'avait toujours pas bougé, préférant attendre que les vivres viennent à manquer et que la princesse soit obligée de capituler. Celle-ci ne remarquait même pas les allées et venues.

Que pouvait bien signifier le réveil de la Triforce ? Pourquoi s'était-elle soudain allumée ? La dernière fois que cela s'était produit, Ganondorf avait attaqué le fragment du Courage. Avait-il recommencé ? Des questions sans réponses se bousculaient dans sa tête et l'empêchaient de se concentrer sur les problèmes actuels.

Zelda aperçut une multitude de visages tournés vers elle. Tous souhaitaient entendre des ordres ou un discours. La peur se faisait sentir. Si Link s'était avéré incapable de vaincre leur adversaire, il était probable que personne ne pût y parvenir.

"Votre Altesse, avança le Premier Ministre, je comprends votre inquiétude. Elle est légitime, mais tant que nous ne savons pas ce qu'il est advenu du Héros du Crépuscule, nous ne devons pas perdre espoir. Interrogez votre coeur, lui seul est à même de vous dire la vérité. La Triforce n'est pas l'unique chose qui vous lie.
- Je ressens de la vie, mais il est faible et, si j'en crois mon fragment, il n'est plus protégé par le sien.
- Ne doutez pas de lui ! Il est fort et pourra mener sa mission à bien. La vôtre est de rassurer votre peuple.
- Vous avez raison ! Je vais faire ce pour quoi je suis restée ici, au lieu de l'accompagner."

Zelda se leva et se dirigea vers le balcon d'où elle pourrait parler aux hommes et aux femmes venus se mettre à l'abri entre les murs du château.

* * *

La troupe de soldats emmenés par Lafrel vit sortir du palais un Hylien qui fut surpris de tomber sur eux. Après avoir examiné plusieurs des hommes immobiles, il s'approcha des nouveaux venus.

"Qui êtes-vous ? demanda Lafrel qui avait déjà dégainé son épée.
- Mon nom est Roven et je suis de votre côté.
- Oui, Link nous a parlé de toi. Tu étais emprisonné avec lui et il t'avait promis de venir t'aider, ainsi que ton peuple. Tu n'étais pas un esclave toi aussi. Comment t'es-tu échappé ?
- Ganondorf a appris que je lui avais révélé certains secrets et il m'a enfermé pour que je retrouve mes esprits. Son but était d'affaiblir le Héros en m'exécutant sous ses yeux. J'ai réussi à me libérer lorsque mes gardes m'ont emmené à la salle du trône. J'avais eu plus de temps que nécessaire pour me remettre.
- Ils n'ont pas pu t'arrêter ?
- Je leur ai fait croire que je n'avais pas entièrement récupéré mes forces. Ils ne se sont pas méfiés et, à la première occasion, je les ai assommés vite fait bien fait, avant de m'emparer de leurs armes.
- Sais-tu ce qui est arrivé à ces hommes ? Pourquoi ne bougent-ils plus ?
- C'est très simple. Comment croyez-vous que les ordres leur étaient donnés ?"

Colin et Fénir se regardèrent sans comprendre. Roven leur expliqua le rôle qu'avait la grande pyronite dans l'envoi des troupes au combat.

"Maintenant que la pierre est détruite, les ordres doivent être donnés à chaque esclave séparément. Donc, je suppose que les généraux se sont rapprochés du lieu du conflit. J'espère que vos compagnons auront eu la présence d'esprit de profiter de leur immobilité pour tenter d'en libérer un maximum.
- Ils ont reçu cette consigne. C'est Link qui a demandé aux soldats de les épargner.
- Ça ne m'étonne pas. Il s'est battu pour moi, alors qu'il me connaissait à peine et qu'il était déjà blessé..."

Soudain, la porte d'entrée du palais s'ouvrit à la volée sur Moï qui se précipita sur eux.

"Link, il est..."

Le maître d'armes pointa son doigt en direction du bâtiment, incapable d'en dire plus, puis se précipita dans cette direction. Les autres le talonnèrent aussitôt. Lorsqu'ils aperçurent le Héros du Crépuscule, visiblement inconscient, suspendu par sa tunique, la peur les envahit.

Sous les pieds du jeune homme s'étendait un gouffre profond qui ne lui laisserait aucune chance de survie. Ils devaient trouver rapidement un moyen de le récupérer et de le ramener sur la terre ferme. Le tissu de son vêtement commençait déjà à se déchirer.

Moï regardait autour de lui en réfléchissant. Il remarqua quelques planches abandonnées et appela des soldats pour venir l'aider. Ils prirent les plus grandes d'entre elles et les posèrent en équilibre sur la petite bordure qui avait été construite contre les murs du château.

Roven et le maître d'armes grimpèrent sur le pont de bois ainsi formé afin de se rapprocher de Link. Ceux-ci le décrochèrent et le portèrent sur le sol où ils purent l'examiner. À part la plaie à la tête et le morceau de verre planté dans sa main, il ne semblait pas avoir de blessure sérieuse.

Lafrel se mit à soigner les différentes lésions, profitant de l'inconscience du jeune homme pour retirer le fragment de vitre de sa paume. Puis, il chercha à le réanimer. Après plusieurs minutes, Link ouvrit enfin les yeux et regarda autour de lui, surpris.

"Je suis... vivant ?
- Tu as eu de la chance...
- Roven, tu... es libre."

L'ancien esclave relata au Héros du Crépuscule les événements récents et la façon dont il avait pu échapper à ses gardiens. Link, quant à lui, raconta son entrevue avec Ganondorf et la destruction la pyronite.

"J'ai cru que ma dernière heure était arrivée", ajouta-t-il, en observant son fragment qui avait cessé de briller.

Il releva la tête et aperçut Moï.

"Où est Mithran, demanda-t-il, en se levant précipitamment.
- Probablement là-haut...
- Ganondorf va essayer de le tuer, je dois l'aider.
- Nous t'accompagnons, dirent en choeur Roven et Moï.
- Je reste ici pour libérer un maximum d'hommes.
- Emmenez-nous, intervinrent soudain Colin et Fénir qui étaient demeurés en arrière tout ce temps.
- Pas question !
- Deux épées supplémentaires ne seront pas de trop face à cet adversaire", surenchérit le fils du maître d'armes.

Moï dut bien admettre qu'ils avaient besoin de toutes les bonnes volontés et accepta à contrecoeur. Le petit groupe ainsi formé passa la porte afin de regagner la salle du trône où Mithran était toujours aux prises avec son père.

* * *

Dans le château d'Hyrule, la princesse achevait le discours qui devait rassurer le peuple venu se réfugier dans la forteresse. Elle avait fait de son mieux pour cacher sa propre inquiétude quant à la survie du Héros du Crépuscule.

Ensuite, elle passa les troupes en revue afin de veiller à ce que chaque parcelle de la citadelle fût protégée, en adressant des paroles d'encouragement aux soldats chargés de la surveillance. Pour terminer, Zelda alla faire l'inventaire des réserves.

Après avoir fait le tour des fortifications, elle revint dans la salle du trône et s'écroula sur celui-ci, en proie à une grande fatigue morale. À chaque seconde qui s'écoulait, sa peur augmentait...

* * *

Dans la salle du trône, le combat faisait toujours rage. Ganondorf et Mithran se battaient avec force. Chacun d'eux connaissait les capacités de l'autre et parvenait à anticiper chacun des mouvements de son adversaire.

Le roi de Tradan en profita pour lui raconter comment son oncle s'était débarrassé de ses parents, l'inondant de détails sanglants. Des images violentes lui revinrent en mémoire, celles qui avaient peuplé ses cauchemars d'enfant et dont il n'avait jamais parlé à personne.

Le jeune homme se rendait maintenant compte que ses souvenirs resurgissaient dans ses rêves et qu'il avait bel et bien assisté au meurtre de son père et de sa mère à l'âge de deux ans. Les choses devenaient plus claires pour lui. Mais toutes ces révélations commençaient à rendre ses gestes un peu maladroits.

Mithran fut momentanément distrait en entendant des bruits de pas précipités dans le couloir. Il tourna la tête en direction de la porte qui s'ouvrait et reçut un coup qui l'assomma directement.

"Fais un somme, j'aurais encore besoin de toi, plus tard."

Puis, il se tourna également vers les nouveaux venus et sourit en reconnaissant le Héros du Crépuscule.

"Tiens, tu as survécu à ta chute. Tu es plus costaud que je ne le pensais.
- Je suis l'Elu, ne l'oublie pas.
- C'est vrai, mais seras-tu assez fort pour me vaincre ?"

Ganondorf pointa son arme sur Link qui lui n'en avait pas. Il jeta un regard circulaire dans la salle et aperçut l'Épée de Légende, posée contre un mur.

"Emmenez Mithran à l'extérieur et laissez-moi m'occuper de lui."

Moï et Roven transportèrent le jeune homme dans le couloir pendant que Colin et Fénir leur maintenaient la porte ouverte. Le roi de Tradan leva une main vers le groupe et une force les repoussa à l'extérieur, tout en bloquant l'accès à la salle.

"Toi et moi ! Tout se jouera entre nous. Es-tu prêt à mourir ?"

Disant ces mots, Ganondorf s'élança sur Link et abattit sa lame au dessus de sa tête. Le Héros du Crépuscule fit un bond sur le côté, en direction de l'endroit où était placée son arme. Il la ramassa et se retrouva face à son adversaire, prêt à engager ce qui devrait être leur dernière bataille.

Les deux opposants se toisèrent longuement, en se contournant l'un l'autre. Ils n'en étaient pas à leur premier combat. Chacun d'eux savait à quoi s'attendre de la part de l'autre. Les épées se croisèrent dans un bruit de ferraille. Link tenta de chasser de son esprit tout ce qui pouvait le déconcentrer pour fixer son attention sur les gestes de son ennemi. Celui-ci souriait en diminuant l'espace qui les séparait.

"Depuis le temps que tu essayes de me battre, j'ai eu le temps d'étudier tes coups et je pourrai parer tes attaques. Pendant les sept dernières années, j'ai pu faire évoluer ma technique, mais je pense que ce n'est pas ton cas.
- Je me suis entraîné, ne t'inquiète pas pour moi.
- Oui, je vois ça, tu sembles être un peu plus assuré, même si tu ne tiens pas ton arme de la bonne main. Que t'est-il arrivé ?"

Le Héros du Crépuscule posa un regard sur le bandage ensanglanté qui recouvrait sa blessure. Il pouvait à peine bouger les doigts et savait pertinemment que manier une lame serait impossible dans de telles circonstances.

"Ne t'en fais pas pour moi, grâce à toi j'ai appris à utiliser mon arme des deux mains. Tu m'as rendu un immense service, en fait. Sois-en remercié.
- Ce n'était pas intentionnel.
- Je m'en doute.
- Cesse de parler et viens de battre."

Ganondorf s'élança vers Link, l'épée en avant. Celui-ci eut juste le temps de se décaler pour ne pas recevoir la lame directement entre les côtes. Il se retourna pour faire face de nouveau à son ennemi. Et le duel commença réellement.

Les armes s'entrechoquèrent à plusieurs reprises sous les coups multiples et répétés du roi de Tradan. Le Héros du Crépuscule devait utiliser toutes ses ressources pour pouvoir parer les attaques de son adversaire. Il sentait la fatigue le gagner, mais cela ne semblait pas être le cas de son opposant.

Il cherchait une ouverture dans la défense du souverain afin de pouvoir le blesser et l'affaiblir. La rapidité de celui-ci ne lui avait encore laissé aucune possibilité. Lors d'un impact un peu plus violent, Ganondorf réussit à déstabiliser le jeune homme qui tomba sur le sol, un peu sonné.

Le tyran leva son épée pour transpercer Link. Celui-ci amorça une roulade pour se dégager mais ne put terminer son geste. La lame effleura son bras droit déchirant ses vêtements et abîmant les mailles de sa protection qui s'enfoncèrent dans sa chair. Il poussa un cri de douleur qui fut entendu par ses compagnons qui essayaient de revenir dans la pièce.

Après avoir vaincu les quelques soldats qui s'étaient tenus en face d'eux, ils avaient commencé à attaquer les grandes portes de la salle du trône, ne lésinant pas sur les efforts à fournir. Le bruit des tentatives de ses amis pour le rejoindre rassura un peu le Héros du Crépuscule qui retrouva dans ce soutien la force et le courage perdus lors du précédent échange. Il se releva et se remit face à Ganondorf qui était bien décidé à en finir rapidement.

Ce dernier chargea vers Link qui utilisait maintenant son arme avec ses deux mains, ignorant la souffrance que ce geste provoquait. Il réussit à parer le coup, mais dut maintenir toute la pression dans ses bras pour arriver à faire dévier la lame de son opposant.

Au moment précis où le bois céda enfin, Link découvrit ce qu'il cherchait depuis le début de ce combat : une faille dans la défense de son adversaire. L'Épée de Légende s'engouffra par cette ouverture et transperça le coeur du tyran. Celui-ci regarda celui qui était parvenu à le terrasser, puis s'écroula sur le tapis.

Épuisé par cet effort, Link se laissa également tomber sur le sol. Il ferma les yeux un instant afin de reprendre son souffle. Moï et Roven qui venait d'entrer dans la salle n'eurent pas le temps d'avertir son élève du danger.

Ganon avait remplacé le souverain, doublant sa taille et sa puissance, et avait retiré l'arme de sa poitrine. Il la leva et visa Link. Celui-ci s'aperçut de la menace et tenta une roulade, mais son action ne fut pas assez rapide, la lame s'enfonça dans sa chair, au niveau du bas ventre, lui arrachant un hurlement de douleur.

Les nouveaux venus mitraillèrent leur ennemi avec les flèches qu'ils avaient récupérées sur les gardes du château, le forçant à se tourner vers eux. Le Héros du Crépuscule vit là sa dernière chance de vaincre, car il sentait ses forces diminuer.

Le jeune homme enleva l'épée de son corps et se mit lentement debout, sachant pertinemment qu'il venait de réduire ses propres possibilités de survie. Dans un ultime effort, Link transperça le dos de Ganon, touchant son coeur pour la seconde fois, avant de s'écrouler sur le sol.

Le cri que poussa le tyran fit éclater les quelques vitres épargnées par l'explosion. Celui-ci s'effondra, les yeux grands ouverts, mort. Moï se précipita vers son élève. Les autres suivirent, craignant le pire.

"Il est...
- Oui, tu as réussi à le battre, répondit le maître d'armes, au bord des larmes. Il ne se relèvera pas. Reste tranquille ! Nous allons te soigner. Tu t'en sortiras.
- J'ai gagné... Je peux partir... en paix."

Le Héros du Crépuscule ferma les yeux et sombra dans l'inconscience. Il n'entendit pas son mentor crier à ses compagnons de ramener un médecin...

Chapitre 29   up

Un an s'était écoulé depuis les événements qui avaient mené à la défaite, réelle cette fois, de Ganondorf. Il avait été tué par la seule personne capable de manier l'Épée de Légende. La paix s'était installée sur la région et Excalibur était retournée dans son sommeil millénaire, peut-être pour toujours...

La vie avait repris ses droits et la plupart des habitants d'Hyrule étaient revenus à leurs habitudes. Les différents peuples, après avoir pleuré leurs morts, étaient repartis sur leurs territoires. C'était le cas des Gorons et des Zoras. Les Bulbins, quant à eux, avaient élu domicile au fin fond du désert et avaient offert leur aide au nouveau monarque de Tradan pour la reconstruction du pays ravagé par le tyran.

Mithran avait facilement été reconnu comme le digne héritier du défunt souverain et l'oncle de celui-ci avait été déclaré coupable de régicide. Il avait été retrouvé au fond d'une cellule sombre et humide où Ganondorf l'avait enfermé après son coup d'état. L'usurpateur en était sorti très affaibli.

Après une longue période de convalescence, il avait été jugé par ses pairs, avant d'être chassé de la région. Le roi avait estimé, à juste titre, que trop de sang avait déjà été versé. Les habitants avaient approuvé cette décision. Cette ère de bonheur ne pouvait être entachée par l'horreur d'une exécution. Trop heureux de conserver la vie et la liberté, le condamné ne s'était pas fait prier pour s'éloigner du pays.

Mithran avait fait tout ce qu'il fallait pour reprendre des relations amicales avec les contrées voisines et plus particulièrement avec Hyrule. Les rapports entre les monarques n'avaient jamais été plus cordiaux et le souverain de Tradan faisait des séjours réguliers au sein du château d'Hyrule.

Ce jour-là, il était présent pour une cérémonie officielle : un mariage, celui de la princesse Zelda qui, par la même occasion, allait acquérir le titre de reine. La célébration devait avoir lieu dans la grande salle du trône qui avait été surchargée de décorations pour l'occasion.

Toutes les populations du pays avaient été conviées à cette fête qui promettait d'être grandiose. Des délégations des peuples environnants avaient également accepté l'invitation. La pièce était noire de monde, tous vêtus de leurs plus beaux atours. Le bruit des conversations se répercutait sur les murs et donnait de l'animation à cet endroit, habituellement si austère.

Devant les convives se tenaient trois personnes : le magistrat devant unir le nouveau couple, le prêtre venu pour bénir leur alliance et le futur époux qui paraissait nerveux. Habillé avec un costume de cérémonie, celui-ci tournait le dos au public et fixait ses yeux sur une des fenêtres sans vraiment la remarquer. Ce moment, il l'avait attendu pendant de nombreuses semaines.

Pourtant, sur le point de voir sa vie changer du tout au tout, il éprouvait une certaine appréhension devant la tâche qui lui incomberait désormais. Diriger un pays n'était pas à la portée du premier venu. Le jeune homme se demandait si ses épaules étaient suffisamment solides pour en porter le poids. Serait-il favorablement accueilli par le peuple, en tant que roi d'Hyrule ?

Un son de cor se fit entendre et l'orchestre entama la musique sur laquelle Zelda devait parcourir la longue allée qui devait la mener aux côtés de son futur époux. Tous se turent et tournèrent la tête vers l'endroit où venait d'apparaître la princesse, vêtue d'une robe d'une blancheur immaculée.

Celle-ci avait été taillée dans du satin et parsemée de perles qui en accentuaient encore la couleur. Les cheveux de la mariée avaient été laissés libres dans son dos et brillaient à travers le voile transparent dont la traîne courait derrière elle.

Elle ferma les yeux un instant, se retrouvant dans ce même lieu lors du siège de la citadelle par l'armée de Ganondorf. Zelda se rappela du moment où elle avait vu entrer deux soldats dans la salle. Chacun d'eux était porteur d'une nouvelle d'une grande importance.

Quelques heures auparavant, elle avait ressenti un bouleversement dans la Triforce. Deux des fragments s'étaient soudain éclairés avec une certaine violence pour s'éteindre complètement quelques minutes après. Depuis ce moment, son inquiétude n'avait cessé d'augmenter.

En apercevant l'un des gardes, un pigeon voyageur posé sur la main et la mine sombre, elle s'était précipitée au-devant de lui pour en apprendre davantage. Cet oiseau venait tout juste d'arriver du royaume de Tradan. L'homme s'était agenouillé devant la princesse et lui avait révélé des informations douloureuses.

Le message disait que le Héros du Crépuscule avait rempli la mission qui lui avait été confiée et avait mis un terme au règne de Ganondorf. Zelda avait accueilli cette nouvelle froidement, car elle avait senti qu'un grand malheur était sur le point de lui tomber dessus.

Son seul souhait était de le revoir en vie, mais en aurait-elle l'occasion ? Le visage fermé du soldat n'annonçait rien de bon. Son coeur avait commençé à tambouriner dans sa poitrine.

"Link s'est battu courageusement face à son ennemi, mais il a été gravement blessé. Un médecin est actuellement occupé à essayer de le sauver.
- Quelles sont ses chances ? demanda la princesse.
- D'après ce que j'ai pu en lire, elles sont minces. Il a repris conscience un moment et vous a réclamé.
- Je veux le rejoindre. Il ne peut pas...
- Vous ne pourrez sortir, Votre Altesse, intervient le Premier Ministre. N'oubliez pas que la ville est encerclée.
- Justement non, ajouta le second garde. Pardonnez mon audace, mais j'étais venu vous dire que les généraux chargés par Ganondorf de l'attaque du château ont tous déserté.
- Dans ce cas, je pars immédiatement pour le royaume de Tradan. Ma place est aux côtés de celui qui nous a aidés.
- Vous devez d'abord rassurer votre peuple. Pendant ce temps, je vais ordonner les préparatifs de votre départ."

La princesse ouvrit les yeux et distingua celui qui deviendrait bientôt le roi d'Hyrule. Ce dernier ne s'était toujours pas retourné. Elle commença à s'avancer, en repensant à son départ précipité pour Tradan, en compagnie d'Iria et du père Reynald. Pour la jeune femme, lui seul était capable de guérir le Héros du Crépuscule.

Zelda marchait lentement sur le rythme de la musique, laissant le temps à chaque invité de l'apercevoir, comme elle l'avait maintes fois fait, lors des répétitions. Tout devait être parfait. Son esprit se mit de nouveau à vagabonder dans ses souvenirs. Elle se revoyait au chevet du malade, au moment où le prêtre l'avait examiné.

"Avons-nous encore une chance de le sauver ? avait-elle demandé avec inquiétude.
- Tout dépendra de son envie de vivre. Il souffre d'une grave infection. Je peux lui prodiguer les soins qui l'aideront, mais je ne peux me battre à sa place."

Elle avait alors observé Link. Il était inconscient et semblait en proie à d'horribles cauchemars.

"Que puis-je faire ?
- Parlez-lui ! Votre présence et votre amour peuvent lui donner la volonté de se battre contre la maladie et contre la mort. Je ne vous le cacherai pas. Je ne suis pas sûr de pouvoir le guérir..."

Ces mots résonnèrent dans sa tête, alors qu'elle avançait en direction de l'autel qui avait été dressé pour l'occasion. Elle avait déjà fait la moitié du chemin, mais son esprit était toujours à Tradan.

Pendant les quelques jours qui avaient suivi son arrivée, elle avait vu la santé de Link se dégrader malgré les soins incessants que lui prodiguait Reynald. Il n'était pas rare de l'entendre parler dans son inconscience. Le jeune homme semblait revivre inlassablement les pires moments de sa vie.

"Dites à Zelda... que je l'aime !"

Cette phrase, la princesse l'avait entendue à maintes reprises. À chaque fois qu'il la prononçait, les larmes se mettaient à couler sur ses joues. Elle s'asseyait alors sur le bord du lit et lui parlait.

"Je suis là. Ne me laisse pas. Je ne peux pas vivre sans toi."

Mais ses paroles ne semblaient pas l'atteindre, comme s'il était prisonnier de ses propres souvenirs. Quand elle n'était pas au chevet de son époux qui avait également été grièvement touché, Iria venait parler au blessé afin de le guider sur la voie de la guérison.

La musique diminua quand elle arriva devant le magistrat qui devait procéder à l'union. La princesse tourna la tête et croisa le regard bleu de son futur mari. Ce dernier lui souriait, mais sa nervosité se lisait sur son visage.

Le silence se fit dans la salle, lorsque les premiers mots furent prononcés. Pendant toute la cérémonie, Zelda ne le quitta pas des yeux, redoutant de le perdre à nouveau. Elle entendit à peine le discours du ministre, ne reprenant le fil de la célébration qu'au moment où Reynald s'approcha pour l'échange des voeux.

Ils se jurèrent fidélité et amour sous les yeux de leurs amis réunis au premier rang. Les promesses furent dites avec tant de tendresse que les larmes coulèrent dans l'assistance. Ensuite, avec une infinie douceur, Link souleva le voile de l'élue de son coeur.

Elle repensa au moment où, après des jours passés à s'inquiéter à son chevet, le Héros du Crépuscule avait enfin ouvert les yeux et posé son regard sur la jeune femme. Ses premières paroles avaient été pour elle.

"Je savais que tu serais là."

Elle avait alors fondu en larmes, comprenant que ses appels avaient été entendus. Depuis ce jour, ils ne s'étaient plus quittés, participant aux différentes cérémonies qui marquèrent le début du règne de Mithran, enfin reconnu comme le digne héritier du trône de son père.

Ils étaient à ses côtés au moment où il fut couronné. Lorsque Link eut assez de force pour supporter le voyage de retour, Zelda et lui firent leurs adieux au souverain.

Après la bénédiction, le nouveau couple royal se tourna face au peuple sous les ovations. Au premier rang, Link put apercevoir toutes les personnes qui l'avaient soutenu tout le long des épreuves qu'il avait dû traverser. Tous les habitants de Toal s'étaient déplacés pour l'occasion.

Parmi eux, il vit Moï, qui s'était occupé de lui depuis son arrivée au village et qui avait été son maître d'armes, Colin, son fils et Fénir, le camarade de celui-ci. Iria, son amie de toujours, était présente aussi, aux côtés de Corentin, son époux qui avait également échappé de peu à la mort.

Derrière eux se tenaient les membres du groupe de résistance : Lafrel, Jehd, Ash et Thelma, la propriétaire de l'auberge. Cette dernière avait joué un rôle dans cette aventure et s'était rendue indispensable au jeune homme. Tous étaient venus pour partager son bonheur et le soutenir dans l'immense tâche qui l'attendait.

Le monarque de Tradan, Mithran Ier, s'avançait en portant les couronnes que devraient revêtir les nouveaux roi et reine d'Hyrule. C'est avec une profonde reconnaissance qu'il posa sur la tête du Héros du Crépuscule le symbole de ses fonctions.

Un an après son mariage, Zelda donna le jour à un petit prince qui fut prénommé Sheik, le seul et unique garçon d'une fratrie composée de cinq enfants. Chacun d'eux grandit dans l'amour que leur prodiguaient leurs deux parents qui les élevèrent du mieux qu'ils purent.

Leur règne dura de nombreuses années pendant lesquelles Hyrule connut la paix et l'abondance. La première action de Link, en tant que dirigeant, fut de créer un Conseil Constitutionnel. Chaque fois qu'une décision importante devait être prise, il n'hésitait pas à en consulter les membres, dont faisaient partie les anciens de la Résistance.

Le nouveau roi d'Hyrule s'était entouré de personnes de confiance, comme celui de Tradan, qui avait élu Roven, Premier Ministre. Les relations entre les deux pays se tissèrent autant entre les souverains qu'entre les deux populations. Une ère de prospérité venait de commencer...

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Cristal". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 30.04.25