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Le Temps d'un Crépuscule

Partie 3 : La Clef de la Mémoire

Ecrit par Cristal en 2013
Chapitres 1 à 14   •   Chapitres 15 à 29
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 1

Le soleil venait de se lever sur le petit village de Cocorico. L'unique rue traversant la bourgade était encore déserte à cette heure matinale. La porte d'une minuscule maison située tout en haut de cette artère s'ouvrit. C'était là qu'habitait le père Reynald avec sa fille, Louda.

Comme tous les matins, ce dernier sortit et savoura le calme de ce début de journée. Il pensa à ce qui l'attendait. Chaque année, c'était pareil. Des souvenirs lui revinrent en mémoire.

Sept ans auparavant, à cette même heure, le prêtre avait reçu une visite inattendue. Il s'était alors retrouvé face à un habitant du village de Toal, Moï. Celui-ci était un ami et semblait en proie à une agitation extrême.

"Mon père, auriez-vous reçu la visite de Link ?
- Pas depuis un moment ! Je le croyais à la citadelle. N'a-t-il pas un poste important là-bas ?
- Si, mais la princesse Zelda lui a accordé la permission de rentrer au village pour se reposer. Il est revenu avec Iria hier soir, mais elle a voulu lui préparer un repas et l'a laissé seul une petite demi-heure. À son retour, Link avait disparu.
- Il n'est sûrement pas très loin !
- C'est ce que nous avons pensé, mais nous l'avons cherché toute la nuit ! Nous sommes inquiets.
- Pour quelle raison ?
- D'après Iria, il a une blessure assez sérieuse qui a nécessité des points de suture. Nous avons retrouvé une tache de sang juste à côté de son lit.
- Tu penses qu'il aurait pu venir me demander de le soigner ?
- J'avais ce mince espoir, mais, visiblement, ce n'est pas le cas.
- Que crains-tu exactement ?
- Une attaque !
- Dans sa propre maison ? Tu as des preuves ? Des traces de lutte ?
- Non, aucune, mais ça ne veut rien dire...
- Qu'est-ce qui t'effraye à ce point ?
- Si Link s'est blessé seul, pourquoi n'a-t-il pas attendu Iria ? Il savait qu'elle allait revenir. Partir seul et sans arme dans la forêt est une idée stupide et ce n'est pas dans ses habitudes.
- Sans arme ? Voilà qui est étrange ! Mais peut-être est-il juste allé se soigner à la source ?
- Dans ce cas, nous aurions dû le retrouver. Or, nous avons cherché toute la nuit. Mais ce n'est pas tout ! En relevant des indices près de sa maison, j'ai ramassé un objet dans un buisson.
- Lequel ?
- Une attelle ! Avec une tache de sang au niveau de l'épaule. Ce qui prouve que c'est la sienne. Pourquoi l'aurait-il enlevée ?
- Qu'attends-tu de moi, exactement ?
- Je suis venu chercher des volontaires pour nous aider à le retrouver.
- Je vais parler aux habitants. Je suppose qu'il porte sa tunique verte !
- Justement, non. Nous l'avons retrouvée pliée sur son lit. Il doit porter sa tenue de berger : pantalon beige et chemise claire."

Reynald avait regardé Moï dans les yeux et y avait lu de l'inquiétude. En effet, ce dernier considérait Link comme son propre fils, car c'est lui qui l'avait recueilli lorsqu'il était petit. Le jeune enfant avait été découvert errant seul dans la forêt. À l'époque, le Toalien venait d'épouser Ute et le couple avait décidé de s'occuper de lui.

Par la suite, Moï s'était aperçu que son protégé présentait d'étonnantes aptitudes au maniement des armes et était ainsi devenu son mentor. En grandissant, le garçon avait pris son indépendance et était allé vivre en dehors du village, mais était resté très proche de sa famille d'accueil.

Ce matin-là, le prêtre avait fait appel aux volontaires pour retrouver le Héros du Crépuscule, disparu dans la nuit. La plupart des habitants participèrent aux recherches. Personne n'avait oublié ce que Link avait fait pour eux.

Moï se rendit ensuite au palais d'Hyrule pour avertir la princesse de la disparition de Link. Zelda avait accordé à cette information toute l'importance qu'elle méritait. Celle-ci envoya une partie de ses soldats pour qu'ils se joignent aux groupes de fouilles. Elle-même se mit à parcourir les routes du royaume en compagnie d'Iria qui avait beaucoup insisté pour aider.

Zelda avait choisi un des gardes de son armée pour lui servir de protecteur. Cette mission délicate, elle l'avait donnée à un jeune homme dont Link lui avait parlé. En effet, le Héros du Crépuscule avait raconté à la princesse le rôle joué par Corentin dans sa dernière aventure et celle-ci avait trouvé naturel de lui confier cette tâche, sachant l'admiration qu'il éprouvait pour le disparu.

Des traces de sang furent découvertes dans une des maisons de l'ancien village Kokiri, situé au fond de la forêt de Firone. Cela faisait des années que plus personne ne vivait là. Pourtant, les lieux avaient été visités.

Les gardes entreprirent alors de fouiller l'habitation pour y chercher des preuves du passage du Sauveur d'Hyrule. L'un d'eux aperçut un objet brillant sous un meuble. Une petite médaille sur laquelle un nom était écrit : "Link".

À partir de ce moment, les hypothèses furent nombreuses. La principale disait que Link avait fait un arrêt dans ce village après s'être perdu dans les bois. Il était entré dans l'unique cabane construite en haut d'un arbre. Ce choix paraissait logique à ceux qui l'avaient connu. D'autant plus que, selon la légende, le Héros du Temps y avait passé son enfance.

Après cette découverte, l'inquiétude avait augmenté : le jeune homme était visiblement blessé et les soldats se mirent à craindre pour sa vie. Seul et sans arme, ses chances de survie étaient déjà minces, mais ses blessures les diminuaient encore.

Petit à petit, les recherches avaient cessé. Le royaume avait besoin de son armée et les habitants étaient retournés à leurs occupations quotidiennes. Tous pensaient qu'il avait trouvé la mort. La princesse elle-même avait perdu l'espoir de le revoir vivant. Pourtant, Iria n'avait pas renoncé ! Elle ne voulait pas arrêter.

Zelda avait alors demandé à Corentin de continuer à protéger la demoiselle. Ensemble, ils avaient parcouru le pays, interrogeant les personnes rencontrées, visitant tous les domaines, en particulier ceux laissés à l'abandon. Sans succès !

Après plusieurs mois de recherches infructueuses, Iria avait bien dû se faire une raison : le jeune homme restait introuvable. Le soldat avait repris son poste à la citadelle et avait même reçu de l'avancement. Iria était retournée à Toal, auprès de son père Bohdan, le chef du village. Elle avait gardé le contact avec celui qui l'avait soutenue et qui était devenu son ami.

Un an après la disparition de Link, la princesse avait annulé la Fête du Triomphe et l'avait remplacée par la "Journée du Héros du Crépuscule", comme elle l'avait nommée. Une cérémonie du souvenir avait lieu le matin dans la ville, en hommage au sacrifice du Sauveur d'Hyrule. Ensuite, les festivités pouvaient commencer. Les Hyliens avaient également le droit de fêter la paix retrouvée. L'après-midi était consacré aux jeux. La célébration se clôturait par un grand bal qui se déroulait au château.

Le prêtre referma la porte de sa maison et se dirigea vers son église située de l'autre côté du village. Comme chaque année en ce jour de liesse, il recevrait la visite d'Iria. Celle-ci quitterait la citadelle après la commémoration pour venir se réfugier dans ce village. Elle était incapable de se réjouir, ce jour-là.

Personne ne savait exactement ce qu'il était devenu. Le mystère restait entier. La plupart de ceux qui avaient appris à l'apprécier doutaient que Link ait de lui-même pris la décision de disparaitre. Ses sentiments pour Iria n'étaient ignorés de personne.

Sa disparition avait coïncidé avec la fuite des complices de Ganondorf que le Héros du Crépuscule avait eu tant de mal à emprisonner. Les suppositions étaient nombreuses. Certains pensaient que c'était lui qui les avait aidés à s'échapper et qu'il s'était enfui avec eux. Ceux-là étaient minoritaires.

D'autres imaginaient que les évadés lui avaient réglé son compte et s'étaient arrangés pour cacher son corps. Parmi ceux qui l'avaient connu, une partie était convaincue que le jeune homme avait dû avoir un accident, tandis que les autres étaient persuadés que quelque chose de grave devait lui être arrivé.

Perdu dans ses pensées, le prêtre s'arrêta devant son église, prêt à y entrer lorsqu'un hennissement se fit entendre. Il tourna la tête dans la direction du bruit et remarqua un cheval, au milieu de la source qui alimentait le village.

Reynald referma la porte et s'approcha de l'animal. Celui-ci avait encore une selle sur le dos, comme si le destrier avait été monté récemment. Sa robe noire étincelait au soleil. Le religieux s'apprêtait à aller quérir le palefrenier qui serait mieux en mesure de s'occuper de la monture quand il aperçut une forme humaine allongée dans l'eau.

L'homme était couché sur le côté et ne bougeait pas. Ses vêtements étaient faits de toile grossière de couleur indéfinissable. Le prêtre avança avec précaution et l'observa un instant. Cette silhouette lui semblait familière. La poitrine de l'inconnu se soulevait régulièrement, ce qui signifiait qu'il était en vie.

Arrivé près de l'inconscient, Reynald s'arrêta, surpris. Il avait remarqué le visage de celui qui était étendu à ses pieds et le reconnut sans aucune hésitation. Certes, il avait changé : ses traits s'étaient creusés, mais c'était bien lui ! Le Héros du Crépuscule venait de réapparaître.

Chapitre 2   up

Reynald s'agenouilla dans l'eau près du Héros du Crépuscule et l'examina. Celui-ci était visiblement inconscient et le prêtre en cherchait la raison. Il remarqua des traces de sang sur une pierre juste à côté de la tête du jeune homme.

Son attention fut alors attirée par des bruits de galop. Deux chevaux arrivèrent de la plaine et leurs cavaliers en descendirent. Ceux-ci se précipitèrent vers le religieux qu'ils avaient repéré de loin. Il s'agissait de Colin et de Fénir, deux adolescents vivant au village de Toal.

"Père Reynald, c'est mon père qui nous envoie, cria Colin. Nous avons eu d'étranges visiteurs au village."

Reynald releva la tête et aperçut les deux garçons.

"Vous arrivez au bon moment, je vais avoir besoin d'aide.
- Qui est-ce ? demanda Colin en désignant la forme allongée devant le prêtre.
- C'est Link !"

Fénir qui avait commencé à avancer, s'arrêta net, surpris. Il se retourna vers Colin qui avait pâli. Ce dernier se précipita vers le jeune homme étendu sur le sol.

"Pourriez-vous le soulever et l'emmener à l'auberge ? Je pense qu'il va avoir besoin de soins. J'ai remarqué du sang sur une pierre. Probablement une chute."

Fénir rejoignit Colin et tous deux entreprirent de porter Link. Reynald les précéda pour aller demander une chambre à l'auberge et en obtint une sans difficulté. Ils déposèrent Link sur le lit et lui ôtèrent ses vêtements humides. Ceux-ci furent placés sur une chaise pour les faire sécher.

Pendant que les deux garçons s'occupaient de l'inconscient, le prêtre était descendu emprunter un habit et du matériel de soin au propriétaire de l'établissement. À son retour, il aida Fénir et Colin à l'habiller puis ils le couchèrent.

Ensuite, Reynald observa la blessure que Link avait à la tête et qui avait été provoquée par sa chute sur la pierre. Le religieux nettoya la plaie et lui mit un bandage. Il ne restait plus qu'à attendre son réveil.

"Colin, Fénir, pourriez-vous aller avertir la princesse Zelda du retour de Link ?
- Bien sûr, nous devions la voir de toute façon, nous avons un message pour elle de la part de mon père, répondit Colin.
- Vous en aviez un pour moi aussi, si j'ai bien compris.
- Oui ! Comme je vous l'ai dit en arrivant, nous avons reçu d'étranges visiteurs au village.
- Des hommes en armures sombres, ajouta Fénir. Ils voulaient parler au chef du village. Bohdan les a reçus avec Moï.
- Mon père ne voulait pas laisser le chef seul avec ces inconnus, ajouta Colin.
- Qu'est-ce qu'ils voulaient ?
- Nous n'en savons rien. Mon père n'a rien voulu nous dire. On est trop jeunes, selon lui ! Mais, il vous a écrit une lettre."

Colin tendit une enveloppe au prêtre qui la prit et l'ouvrit.

"Père Reynald,
Bohdan et moi avons reçu la visite de plusieurs gardes du royaume de Tradan. Ceux-ci se disent à la poursuite d'un esclave en fuite qui se serait rendu coupable de nombreux forfaits. Ils ne sont pas entrés dans les détails et se sont immédiatement mis sur la défensive lorsque nous avons essayé d'en savoir plus. Selon moi, leurs accusations sont là pour justifier leurs actes.
La description de l'individu est la suivante : jeune homme plutôt maigre avec des cheveux châtain clair et des yeux bleus, portant un uniforme beige. Cette description me fait penser à quelqu'un. Ils ont ajouté qu'il portait un tatouage derrière l'oreille droite : sept traits verticaux.
Ils ont promis une belle récompense pour sa capture. Nous leur avons expliqué que nous n'avions vu personne de nouveau. J'envoie Colin et Fénir avertir la princesse. Nous ne pouvons laisser des esclavagistes parcourir le pays à la recherche de cet homme, surtout si son seul tort est de s'être échappé.
Donc, si vous croisez le fuyard, avertissez-moi ! Je m'en chargerai. Particulièrement si mon intuition est bonne...
Bien à vous,
Moï"

Reynald observa les vêtements qu'ils avaient retirés à Link : "uniforme beige". Puis il reporta son attention sur l'inconscient : "jeune homme plutôt maigre avec des cheveux châtain clair et des yeux bleus". Le prêtre comprit immédiatement à qui Moï faisait allusion.

La lettre mentionnait également un petit tatouage derrière l'oreille. Il s'approcha de Link et déplaça sa tête pour l'examiner. La marque était bien là...

"D'après ce que me dit Moï, ces hommes sont à la recherche de quelqu'un ?
- De qui ?", demanda Fénir.

Reynald désigna Link. Les deux garçons se regardèrent en silence.

"La princesse doit être mise au courant. Je pense que la lettre que vous lui portez lui apprendra ce qu'elle doit savoir sur ces hommes. Pour le reste, dites simplement qu'il s'est passé un évènement important ici et que sa présence est vivement recommandée.
- Nous partons sur-le-champ, mon père."

Reynald accompagna les deux garçons à la porte de la chambre, leur recommandant d'être prudents sur la route. Personne n'était à l'abri d'une mauvaise rencontre.

Link n'avait toujours pas ouvert les yeux, ce qui inquiétait le prêtre. La blessure était sans nul doute responsable de son inconscience, mais Reynald n'avait aucune idée des éventuels dégâts qu'elle avait causés à l'intérieur ni si le blessé finirait par se réveiller. Si le cerveau avait été touché, il était probablement déjà trop tard pour le sauver.

Les heures passèrent. En début d'après-midi, le religieux se dirigea vers la fenêtre. Il s'était mis à observer les allées et venues des villageois, quand le Héros du Crépuscule commença à s'agiter. Reynald se retourna et vit que Link avait repris conscience. Ce dernier promenait son regard étonné sur ce qui l'entourait, ne reconnaissant pas l'endroit.

Ce qui n'avait rien de surprenant, vu que l'auberge avait changé de propriétaire durant son absence et avait été entièrement réaménagée. Les murs de la chambre avaient été peints en vert pastel. La pièce était meublée d'un lit et d'une commode en bois de chêne.

Le prêtre s'approcha du jeune homme et s'assit à ses côtés. Lorsque les yeux bleus du Sauveur d'Hyrule se posèrent sur son ami, un éclair de joie les illumina.

"Père Reynald ?
- Oui, je suis ravi de constater que tu as gardé tes souvenirs intacts."

Link tenta de s'asseoir dans le lit. Mais, très vite, il porta la main sur sa tempe, éprouvant une vive douleur. Un large bandage lui couvrait la tête.

"Que m'est-il arrivé ?
- J'espérais que tu pourrais me l'apprendre.
- Je n'en ai aucun souvenir ! Où sommes-nous et comment suis-je arrivé ici ?
- Je t'ai trouvé inconscient, couché dans l'eau de la source, ce matin très tôt. Apparemment, ta tête a heurté une pierre et tu t'es évanoui. Tu es dans une des chambres de l'auberge du village de Cocorico.
- L'auberge ? Je ne me rappelais pas qu'il y avait de telles chambres dans cet établissement ?
- Elle a changé de propriétaire durant ta longue absence ! Les nouveaux gérants ont fait de nombreux travaux."

Surpris, le jeune homme observa le prêtre.

"Qu'entendez-vous par ma "longue absence" ?"

Le père Reynald observait Link avec attention. Il choisit de lui poser une question sans lui dévoiler tout de suite la durée de sa "disparition".

"Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes ?
- J'avais rendez-vous avec la princesse pour régler un problème avec un commandant de son armée. Ensuite, elle m'a accordé un congé exceptionnel pour me permettre de retourner à Toal. J'ai fait le trajet avec Iria, mais je ne me souviens pas être arrivé à destination. Avons-nous été attaqués ?
- Je ne le pense pas. À part celle que tu as à la tempe, tu ne portes aucune trace de blessure récente, mais tu as quelques cicatrices. Que t'est-il arrivé ?
- Des cicatrices ?"

Link s'assit dans son lit et se mit à bouger son bras gauche. Ne ressentant aucune douleur, il ôta sa chemise et observa la marque qu'avait laissée le coup de poignard donné par le commandant Vernarte. Le jeune homme ne comprenait pas comment sa blessure avait guéri avec autant de rapidité. Combien de temps était-il resté absent ? Une plaie de cette importance ne peut pas cicatriser en seulement quelques jours.

Le Héros du Crépuscule s'attarda ensuite sur les vêtements qu'il portait.

"Où sont mes vêtements et mes armes ?
- La tunique et le pantalon que tu portais sont sur cette chaise. Mais tu n'avais rien d'autre."

Link se leva et s'approcha de la chaise. Il examina la tunique. Elle ne lui rappelait aucun souvenir.

"Toi et ton amie, vous êtes arrivés indemnes au village de Toal, mais tu as disparu dans la nuit.
- Comment ça, "disparu" ? Que s'est-il passé ?
- J'espérais que tu pourrais nous l'expliquer ? Je ne connais que la version d'Iria. Elle t'a laissé seul dans ta maison pendant une petite demi-heure. À son retour, tu n'étais plus là. Les villageois t'ont cherché des jours durant. La princesse Zelda a même envoyé ses soldats pour leur prêter main-forte. Les recherches ont duré deux mois entiers, mais personne ne t'a retrouvé. Nous ignorions où tu étais et ce qu'il t'était arrivé."

Link éprouvait des difficultés à comprendre ce que Reynald lui disait. Comment avait-il pu disparaître ? Malheureusement pour lui, le jeune homme n'était pas au bout de ses surprises.

"Après l'arrêt des recherches officielles, deux personnes ont continué à sillonner les routes dans l'espoir de te retrouver.
- Qui ?
- Iria et Corentin, un garde du château qui a été désigné par la princesse pour protéger ton amie.
- Je le connais ! Sont-ils sur les routes en ce moment ?
- Non, ils ont dû arrêter après plusieurs mois. Au moment où tu as été déclaré officiellement "mort"."

Link reçut un choc en entendant ces mots. Les termes résonnaient dans sa tête : trois ans, mort ! À combien de nouvelles de ce genre devait-il encore s'attendre ? Le jeune homme regarda le prêtre dans les yeux.

"Ne tournez plus autour du pot, mon père. Dites-moi combien de temps s'est passé depuis ma fameuse disparition !"

Le prêtre examina le Héros du Crépuscule essayant d'évaluer s'il était apte à entendre une telle nouvelle. Le jugeant suffisamment calme pour encaisser le choc, Reynald répondit :

"Sept ans, jour pour jour."

Chapitre 3   up

Sous le choc, Link dut s'asseoir sur le lit. Sept ans. Il avait oublié sept années de sa vie. Le même nombre que le Héros du Temps. L'Histoire se répétait ! Le jeune homme se prit la tête dans les mains.

À ce moment, quelqu'un frappa à la porte. Reynald alla ouvrir. C'était Iria.

"L'aubergiste m'a dit que vous étiez ici, mon père, mais je vois que vous n'êtes pas seul. Voulez-vous que je repasse plus tard ?"

Derrière le prêtre, Link s'était levé en reconnaissant la voix de son amie. Il lui souriait. Lorsqu'elle l'aperçut, les yeux de la jeune femme se remplirent de larmes. Elle s'avança vers lui lentement, craignant de le voir disparaître d'un coup, comme dans les rêves qui hantaient ses nuits.

Quand elle fut certaine qu'il était réellement là, Iria se jeta dans les bras du Héros du Crépuscule en pleurant.

"Tu m'as tellement manqué !"

Les deux jeunes gens restèrent enlacés un long moment sans parler, heureux de s'être retrouvés. Puis, Iria recula de quelques pas en gardant ses mains dans celles de Link. Il avait terriblement changé. Celui qu'elle connaissait depuis son enfance était devenu un véritable adulte.

"Tu as perdu beaucoup de poids. Où étais-tu pendant toutes ces années ?"

L'émotion provoquée par l'entrée de la jeune femme et les nouvelles qu'il venait d'apprendre empêchèrent Link de répondre à la question. C'est le prêtre qui le fit à sa place.

"Nous étions justement en train d'en parler ! Ses souvenirs s'arrêtent à votre retour de la citadelle. Il ignore tout des sept dernières années."

Iria dévisagea tour à tour Reynald et son ami. Ce dernier acquiesça pour lui faire comprendre que le prêtre disait la vérité. Elle s'installa sur le lit et invita Link à venir s'asseoir à ses côtés.

Le Héros du Crépuscule l'examina : sa physionomie avait un peu changé. Elle avait mûri. Ne pouvant détacher son regard de son visage, il lui prit les mains. Il se sentait enfin le courage de lui avouer ses sentiments, mais le contact avec un métal froid attira son attention.

Link aperçut soudain, un éclat doré sur l'annulaire gauche de la jeune femme. Il regarda plus attentivement avant de faire un bond en arrière. Son amie d'enfance portait un anneau à son doigt.

"Tu... tu es... mariée", demanda-t-il.

Iria baissa la tête et observa le Sauveur d'Hyrule, s'attendant à le voir exploser ! Comprenant sa réponse silencieuse, Link la lâcha et détourna les yeux. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix avait changé. Elle était devenue plus dure.

"Tu devrais partir ! Ton mari n'apprécierait sans doute pas que tu restes trop longtemps dans la chambre d'un célibataire !
- Ne t'inquiète pas pour lui, tenta Iria pour l'apaiser, il te connaît. Toi aussi, tu le connais ! C'est Corentin !"

La remarque de la jeune fille ne fit qu'accroître la colère de Link.

"Sors d'ici avant que je ne te dise des choses qu'on regrettera tous les deux."

Disant ces mots, il lui lança un regard lourd de reproches que la jeune femme ne put soutenir. Elle se leva et recula vers la porte, ne pouvant quitter son ami des yeux. Après quelques secondes, elle retrouva sa mobilité et sortit de la chambre en pleurant.

Link était conscient du mal qu'il lui faisait, mais sa propre douleur exigeait une vengeance. Le prêtre le regarda sévèrement.

"Tu n'aurais pas dû lui parler de cette façon. Elle a beaucoup souffert pendant ses sept dernières années. Si Corentin n'avait pas été là, Iria ne serait probablement plus de ce monde.
- Je trouve qu'elle a l'air de s'être très bien remise de ma "mort".
- Tu te trompes. Son amour pour toi est toujours aussi fort, mais elle a choisi de vivre. Pendant six ans, ton amie a mis son existence entre parenthèses. C'était suffisant ! Personne ne savait si tu reviendrais. Penses-y avant de la juger !"

Link détourna la tête pour ne pas voir le regard du prêtre. Il ne voulait pas entendre ses reproches.

"Je voudrais rester seul à présent, si cela ne vous dérange pas, dit-il.
- Je vais te laisser, mais pense à ce que je t'ai dit. Elle ne mérite pas ta colère !"

Reynald quitta la pièce et referma la porte derrière lui, laissant le Héros du Crépuscule à ses réflexions. Le prêtre avait de la peine pour Link qui avait perdu sept ans de sa vie et la fille dont il était tombé amoureux. Sa réaction était prévisible.

Il sortit de l'auberge et rejoignit Iria près de la source, sous le regard de Link qui les observait depuis la fenêtre de sa chambre. Quand la jeune femme se retourna, Reynald s'aperçut qu'elle avait beaucoup pleuré.

"Je sais ce que vous allez me dire. Je dois lui laisser le temps de se remettre. Je comprends sa souffrance.
- Il finira par accepter ton mariage et vous serez de nouveau amis.
- Je l'espère ! Je ne voudrais pas le perdre, encore", dit-elle ses sanglots dans la voix.

Ils furent interrompus par des bruits de sabots venant de la plaine. Un grand nombre de cavaliers se dirigeaient vers eux. C'était Colin qui ramenait la princesse, escortée par sa Garde Rapprochée. Fénir avait préféré repartir directement pour Toal afin de prévenir les villageois du retour de leur protégé.

Le prêtre marcha vers les nouveaux venus afin d'accueillir Zelda avec les honneurs dus à son rang. Colin alla rejoindre Iria, qui n'avait pas bougé.

"Soyez la bienvenue, Votre Altesse !
- Bonjour, mon père. Colin et Fénir m'ont dit que vous désiriez me voir ? Cela a-t-il un rapport avec la lettre de Moï ? Vous avez des informations sur le fugitif ?
- Oui, je l'ai trouvé à cet endroit ce matin, dit-il en désignant la source. Il était inconscient, suite à un probable coup sur la tête.
- Êtes-vous sûr qu'il s'agisse bien de lui ?
- La description correspond et les vêtements également. De plus, il porte la marque mentionnée...
- Je l'ai lu la lettre... On dirait...
- C'est bien lui ! Il est vivant, mais a subi de mauvais traitements. Ses cicatrices attestent des coups violents qu'il a reçus."

La princesse repensa au récit que lui avait fait le Héros du Crépuscule à son retour de la Clairière, la veille de sa disparition. Ce dernier lui avait parlé des mauvais traitements qu'il avait subis durant sa captivité. Il avait également été gravement blessé par Vernarte. Zelda espérait que les cicatrices ne venaient pas de nouveaux coups.

"Comment va-t-il ? S'est-il réveillé ?
- Oui, il va bien !
- Je veux le voir, ajouta-t-elle, où est-il ?
- Dans une des chambres de l'auberge. Il y a une chose que vous devez savoir avant de le voir.
- Laquelle ?
- Comme je vous l'ai dit, il a reçu un choc sur la tête.
- Vous venez de me dire qu'il allait bien !
- Oui, mais Link a perdu une partie de sa mémoire. Il n'a aucun souvenir des sept dernières années.
- Je ne comprends pas !
- Ses souvenirs remontent au jour de sa disparition. Il ne sait pas ce qu'il lui est arrivé.
- Il ignore également que ces hommes le recherchent, je suppose.
- Oui, mais il faudra le lui dire.
- Mon père, laissez-moi le voir !
- Comme vous voulez, mais il n'est pas de très bonne humeur."

Iria et Colin vinrent les rejoindre. Le jeune homme avait raconté ce qu'il savait à son amie.

"Il vient d'apprendre de bien mauvaises nouvelles, ajouta Reynald.
- Ah ? Il est au courant pour le mariage ?"

Iria baissa la tête, honteuse. La princesse lui releva le menton.

"Tu n'as pas à t'en vouloir ! Tout le monde le croyait mort. C'est un garçon intelligent, il finira par comprendre ! Je dois lui parler, ajouta-t-elle en se tournant vers le prêtre.
- Suivez-moi !"

Par la fenêtre de sa chambre, Link n'avait rien perdu de la scène. Le jeune homme se doutait qu'ils devaient parler de lui et il sentait sa colère s'accentuer. Si Zelda voulait avoir de ses nouvelles, elle ferait tout aussi bien de les lui demander directement.

Voyant le prêtre et la princesse prendre la direction de l'auberge, le Héros du Crépuscule quitta son poste d'observation et se recoucha. Il n'avait pas envie de discuter et décida de faire semblant de sommeiller pour ne pas être dérangé.

Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit et Reynald entra suivi de Zelda. Cette dernière comprit rapidement que Link ne dormait pas. Elle pria le religieux de la laisser seule avec le Sauveur d'Hyrule. Il sortit sans un mot.

Zelda s'assit sur une chaise à proximité du lit. Elle ressentait la douleur physique et morale du blessé.

"Ce n'est pas la peine de simuler le sommeil, lui dit-elle.
- Je ne peux décidément rien te cacher, ajouta-t-il en posant son regard sur elle.
- Tu as raison sur ce point. Je sais même ce que tu éprouves en ce moment.
- Ça, ça m'étonnerait beaucoup !
- Je te connais mieux que tu ne le crois !
- Dans ce cas, je t'écoute, lui lança-t-il sur un ton de défi.
- Tu es en colère parce que tu te sens trahi par Iria, mais tu l'aimes toujours. Alors, tu te reproches de lui avoir fait du mal. J'ai vu juste ?

Link ne répondit rien, se contentant de la regarder, en serrant les dents.

"Ton silence est éloquent ! Je ne suis pas venue te faire la morale, le père Reynald s'en est probablement déjà chargé.
- Pourtant, tu vas tout de même me parler d'elle.
- Oui, je vais te donner le point de vue d'une femme. Iria ne pouvait passer toute sa vie à t'attendre. Elle avait le droit d'aimer et d'être aimée.
- En gros, elle a raison et j'ai tort.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit. Laisse-moi te raconter ! Lorsque tu as disparu, Iria a mobilisé tous les villageois pour fouiller la forêt. Elle avait trouvé une trace de sang près de ton lit et pensait que tu t'étais blessé. Après plusieurs heures de recherches infructueuses, le chef de ton village a décidé de faire prévenir le château et il a envoyé Moï. J'ai pris l'information très au sérieux et j'ai mis en place des recherches intensives. Tu avais laissé tes armes dans la maison et je savais que tu ne t'aventurais pas dans la forêt sans ton épée. Nous avons craint un enlèvement !
- Un enlèvement ? Qui serait assez fou pour tenter de s'en prendre à moi ?
- De nombreuses personnes ! Comme tous les complices de Ganondorf qui n'ont pas encore été arrêtés ! Puisque mon scénario te semble impossible, explique-moi où tu étais pendant ces sept dernières années."

Link se tut, ne sachant que répondre.

"Donc, nous avons fait surveiller les frontières, craignant qu'on ne tente de te faire sortir du pays et nous avons fouillé chaque coin du royaume. Sans succès ! Malheureusement, je ne pouvais continuer à utiliser l'armée pour te chercher indéfiniment. J'ai dû tout stopper, mais Iria voulait continuer. Alors, j'ai désigné Corentin pour la protéger durant ses voyages. D'après ce que tu m'avais raconté sur lui, j'estimais qu'il était le candidat idéal.
- Au vu des résultats, c'était une erreur stratégique !
- Ce n'est pas mon avis. Ce jeune homme s'est très bien occupé de ton amie. Il te ressemble beaucoup au niveau du caractère. Elle a continué à sillonner les routes pendant plusieurs mois.
- Je le sais. Le père Reynald me l'a dit.
- Ce que tu ignores, c'est que j'ai dû officialiser ta mort pour qu'elle cesse enfin les recherches. Tu n'avais pas pu quitter le pays et tu étais introuvable."

La princesse se tut un instant pour laisser le temps au jeune homme de digérer ses paroles.

"Corentin et Iria ont continué à se voir régulièrement. Je pense qu'elle trouvait en lui une oreille attentive. Au début, tu étais leur seul sujet de conversation. Puis, ils ont appris à se connaître et à s'apprécier.
- Comment as-tu appris tout ça ?
- Iria et moi, nous avons sympathisé et nous nous sommes vues régulièrement pendant des années. Nous avions un point commun : un ami disparu. Un jour, elle m'a parlé de ses sentiments naissants pour Corentin. Pensant te trahir, elle a tout tenté pour les étouffer.
- Apparemment, sans grand succès !
- Nous ne pouvions la laisser continuer à vivre avec ton souvenir et nous avons été nombreux à la pousser vers lui. Ils se sont mariés, il y a un peu plus d'un an. Iria est heureuse avec lui. T'oublier est la chose la plus difficile qu'elle ait jamais eue à faire.
- Ce n'est pas simple pour moi !
- Je le sais."

Link leva les yeux vers elle. Sa colère avait redoublé d'intensité.

"Non, tu ne sais pas ! Tu n'as pas la moindre idée de ce que je ressens. J'ai dû combattre Ganondorf. Ensuite, je me suis retrouvé dans le passé où j'ai fait tout ce que je pouvais pour qu'Iria ne soit pas blessée. Quand je pensais avoir de nouveau détruit mon ennemi, le voilà qui revient et fait en sorte que je sois condamné à mort. Pourtant, ce n'est pas fini ! Il faut encore que je perde sept années de ma vie et... elle.

Sa voix s'était cassée sur les derniers mots. La princesse le regarda. Elle l'avait laissé déverser sa colère. Il avait réussi à en extérioriser une partie.

"Tu te sens mieux ?"

Il détourna la tête et ne répondit pas.

"T'en prendre à moi n'est pas la solution !
- Tu n'aurais pas dû te mêler de ça.
- J'étais venue pour t'aider, mais apparemment mon soutien n'est pas le bienvenu. Réfléchis à ce que je t'ai dit. Si tu changes d'avis, viens me voir !"

Zelda se leva et se dirigea vers la porte. Link la regarda quitter la pièce, de la colère dans les yeux. Des larmes commencèrent à glisser sur les joues de la jeune femme. A présent, il éprouvait du ressentiment à son égard, alors qu'elle voulait juste se rapprocher de lui.

Quelques jours après sa disparition, elle avait perçu comme un choc sur la Triforce, comme si un des trois porteurs avait été mortellement blessé. Cela ne pouvait être que le Héros du Crépuscule, puisque Ganondorf n'était plus. Ensuite, la présence de ce fragment, le Courage, avait diminué jusqu'à n'être plus perceptible.

Un an après, alors que la princesse préparait la cérémonie qui devait rendre hommage au Sauveur d'Hyrule, le morceau de Triforce s'était de nouveau manifesté durant une semaine. Elle avait mis cette sensation sur le compte de la douleur d'avoir perdu celui qui faisait battre son coeur.

Les années suivantes, un événement identique s'était produit, toujours à cette même période. Pourtant, cette fois-ci, Zelda avait ressenti une petite différence, comme si la Triforce avait retrouvé un peu de son pouvoir. C'est en lisant la lettre de Moï qu'elle avait compris que cette impression n'était pas le fruit de son imagination.

Chapitre 4   up

Dans la salle à manger de la taverne, Reynald et Iria discutaient avec Corentin qui venait d'arriver. Colin avait dû retourner à Toal. L'auberge était inhabituellement pleine de clients. Depuis la reprise de l'établissement par les nouveaux gérants, de grands travaux d'aménagement avaient été réalisés. La pièce principale, servant de restaurant, avait été repeinte dans des tons clairs reflétant la lumière du soleil.

Les tableaux et les vases disséminés un peu partout donnaient une certaine chaleur à l'endroit. Beaucoup de tables rondes étaient éparpillées et entourées de fauteuils confortables. Au fond de cette immense salle se tenait un imposant escalier qui menait aux étages supérieurs.

Pourtant, ce n'était ni le décor, ni la bonne cuisine de la tenancière qui avaient attiré tout ce monde. La fréquentation du lieu était due à la présence d'un personnage hors du commun. La nouvelle de la réapparition du Héros du Crépuscule avait déjà fait le tour du royaume et nombreux étaient ceux venus dans l'espoir de l'apercevoir.

La princesse qui était descendue rejoignit le prêtre et le jeune couple.

"J'ai essayé de le raisonner, dit-elle en regardant la jeune femme, mais il n'a rien voulu entendre.
- Il peut se montrer excessivement têtu, quand il le veut ! Il vit des moments plutôt difficiles.
- Tu trouves encore le moyen de prendre sa défense !
- Je méritais ses reproches ! Je l'ai trahi."

Corentin qui était assis près d'elle, lui prit la main pour la réconforter.

"Tu n'as trahi personne, lui murmura-t-il. Tu as vécu ta vie ! S'il ne le comprend pas, c'est dommage pour lui."

Iria se tourna vers le prêtre.

"Que peut-on faire pour l'aider à retrouver la mémoire, demanda-t-elle.
- Pas grand-chose, j'ignore la cause exacte de ce phénomène. C'est peut-être lié au choc qu'il a reçu sur la tête, mais pas seulement. La mémoire est sélective.
- Vous voulez dire qu'il a oublié exprès ?
- C'est une possibilité ! Probablement pour se protéger ! Ses sept années de captivité ont dû être très dures, si j'en crois son état physique. Les conditions de vie d'un esclave ne sont pas de tout repos. Je pense qu'il devrait commencer par retourner chez lui. Cela pourrait lui rappeler des souvenirs concernant la nuit de sa disparition.
- Je suis d'accord, mais quelqu'un doit l'accompagner, ajouta Zelda. Nous ignorons ce qu'il va découvrir et quelle sera sa réaction."

Elle se tourna vers Corentin.

"J'aimerais vous confier la mission de veiller sur lui jusqu'à ce qu'il ait retrouvé la mémoire.
- Je ne pense pas être le mieux placé pour ça !
- Je vous le demande comme un service personnel. J'ai confiance en vous !"

Corentin accepta malgré ses craintes. Ce dernier avait toujours eu beaucoup d'admiration pour le Héros du Crépuscule, mais il n'approuvait pas sa manière de s'adresser à Iria. Ses sentiments risquaient de compromettre le bon déroulement de la mission. Un grand sang-froid lui serait nécessaire.

Soudain, ils entendirent un remue-ménage dans la salle. De nombreux clients s'étaient levés et s'étaient dirigés vers l'escalier. Tous se retournèrent. Link était sorti de sa chambre et s'était arrêté en bas des marches, comme pétrifié. Iria et Corentin lurent de la peur dans ses yeux.

Le Sauveur d'Hyrule se revit, les bras attachés dans le dos, en train d'avancer entre deux rangées de soldats. Derrière ceux-ci se tenait un peuple en colère et prêt à participer à son exécution.

Incapable de faire un pas de plus, le Héros du Crépuscule n'avait pas bougé. Link regardait autour de lui, paniqué. Descendu pour venir présenter ses excuses à la princesse, il fut surpris par la présence de tant de monde. Les clients l'attendaient en bas de l'escalier, espérant pouvoir lui serrer la main.

Link serait obligé de passer entre eux pour atteindre la table où se trouvaient ses amis, mais il ne s'en sentait pas capable. La peur le clouait sur place et l'empêchait de réfléchir. Corentin se leva et traversa la foule pour rejoindre le jeune homme. Il tenta d'expliquer aux personnes présentes que le Sauveur d'Hyrule avait besoin de calme afin de se remettre d'un choc à la tête.

Mais ils ne l'écoutèrent pas cherchant à s'avancer plus afin de le toucher, ce qui ne fit qu'accroître le malaise de Link. Ce dernier fit un pas en arrière pour s'éloigner des curieux. Il perdit l'équilibre en percutant une des marches avec son pied et se retrouva assis sur l'escalier, en proie à une panique qui ne cessait d'augmenter.

La princesse dut intervenir pour convaincre les indiscrets de retourner à leurs occupations. Iria s'était levée également. Elle ne comprenait que trop bien la réaction de Link, sachant par quelles épreuves le jeune homme était passé avant sa disparition.

Une fois que les clients eurent regagné leurs places respectives, elle s'approcha et lui tendit la main pour l'aider à se redresser. Le silence revenu calma le Sauveur d'Hyrule qui s'aperçut de la présence de son amie. Sa colère reprit le dessus, se mélangeant à la honte qu'il éprouvait d'avoir eu un instant de faiblesse.

"Je n'ai pas besoin de ta pitié", lui dit-il en se relevant.

Il s'éloigna en direction de la table où Reynald l'attendait. Iria resta debout, les larmes coulant le long de ses joues. Corentin qui avait entendu les paroles du Héros du Crépuscule se précipita vers sa femme pour la consoler.

Link s'assit, sans un mot. Il sentait peser sur lui le regard lourd de reproches du prêtre et n'osait pas lever la tête. Reynald ne fit aucun commentaire, comprenant que le jeune homme était conscient d'avoir mal agi. La princesse les avait rejoints.

Quelques minutes plus tard, Corentin et Iria s'installèrent également avec eux. Iria gardait les yeux baissés pour ne pas croiser ceux de son ami. L'atmosphère était pesante. Ne pouvant plus la supporter, Link s'adressa à Zelda.

"Je te présente mes excuses pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû te parler de cette façon.
- Je les accepte, mais je ne suis pas la seule à qui tu en dois."

Le Héros du Crépuscule détourna la tête. Il n'avait pas envie de présenter d'excuses à Iria. Celle-ci se leva, prétextant un besoin de prendre l'air. Corentin voulut la suivre, mais elle l'en empêcha.

"Reste, j'ai besoin d'être seule. De plus, vous avez une mission à organiser."

Elle sortit. Tous la suivirent des yeux, excepté Link qui n'avait pas bougé. Zelda voulut parler, mais il l'arrêta.

"N'en rajoute pas ! C'est déjà assez difficile comme cela. De quelle mission parlait-elle ?
- J'ai demandé à Corentin de t'accompagner à Toal demain. Je ne te laisserai pas courir les routes seul et sans arme.
- Pourquoi lui, demanda-t-il sans adresser un seul regard à l'intéressé. Je ne pense pas que ce choix soit judicieux, au vu des circonstances. Prête-moi une arme et je serai apte à me défendre !
- Tu te plieras à ce choix, pourtant !
- Ce ne sera pas une partie de plaisir pour moi non plus, ajouta Corentin en fixant le jeune homme.
- Calmez-vous, s'emporta Zelda. Vous agissez comme des enfants !"

Link et Corentin se turent. La princesse observa le jeune homme. Devait-elle lui parler des soldats lancés à ses trousses ?

"Je dois te dire quelque chose.
- Encore une mauvaise nouvelle, j'imagine.
- Malheureusement, mais pour ta sécurité, tu dois le savoir. Je refuse que tu prennes des risques inutiles.
- Tu commences à me faire peur !
- J'ai reçu une lettre de Moï ce matin. Je pense que Reynald a dû avoir la même."

Le prêtre acquiesça et la tendit à Link qui la prit et la lut. À la fin de sa lecture, il reporta son attention sur la princesse.

"Vous pensez que c'est moi qu'ils recherchent ?
- La description te correspond et les vêtements que tu portais également, lui répondit Reynald. De plus, tu portes la fameuse marque derrière l'oreille !"

Link porta machinalement la main à son visage, mais la retira rapidement. Un tatouage ne pouvait se sentir avec les doigts. Il regarda autour de lui, soudain inquiet. La princesse s'en aperçut et tenta de le rassurer.

"Ne t'inquiète pas, lui dit-elle à voix basse. Personne ici n'a encore croisé ces hommes. Tu n'as rien à craindre d'eux. Et de toute façon, le royaume d'Hyrule est contre ce genre de pratique."

Le jeune homme lui sourit doucement.

"La dernière fois que tu as été vu, tu étais chez toi. Il serait judicieux que tu commences tes recherches par là. Peut-être trouveras-tu un indice quelconque.
- Je devais de toute façon y retourner pour récupérer mon matériel."

Corentin se leva.

"Je vais raccompagner Iria. Sois prêt demain matin à la première heure. Je passerai te prendre avec des chevaux."

Il salua et sortit. La princesse regarda Link.

"Sois prudent ! Je ne veux pas que tu prennes le moindre risque. Je refuse de te perdre encore !
- Que veux-tu qu'il m'arrive à Toal ?
- Je te rappelle que c'est là-bas que tu as disparu et là qu'ils t'ont cherché en premier lieu.
- Justement, ils ne vont pas frapper deux fois au même endroit.
- J'espère que tu as raison. Je dois vous quitter. Donne-moi de tes nouvelles régulièrement ! Je veux connaître l'avancée de tes recherches."

Le jeune homme acquiesça. Zelda sortit le laissant seul avec le prêtre qui n'avait toujours pas ouvert la bouche. Link sentit qu'il allait devoir recevoir un certain nombre de reproches de sa part.

"Je te propose de manger un morceau avant d'aller te coucher. La journée de demain risque d'être longue.
- Vous ne comptez pas me faire la morale, lui demanda-t-il, surpris.
- Non ! Je n'approuve pas ta façon d'agir, mais je la comprends."

Reynald se leva pour aller commander leur repas auprès de l'aubergiste. Link se mit à observer les clients autour de lui. Remarquant que certains d'entre eux lui jetaient des coups d'oeil furtifs, il fit semblant de s'intéresser à une tache sur sa tunique, pour cacher son trouble.

"J'ai demandé à ce qu'on nous serve dans ta chambre, dit le prêtre, en revenant.
- Merci", répondit Link, soulagé de pouvoir enfin quitter cette pièce surpeuplée.

Ils prirent la direction de l'escalier sous les regards des curieux. Arrivé dans sa chambre, Link s'assit sur le lit.

"J'ai vu que tu n'étais pas à l'aise au milieu de cette foule.
- Je suis quelqu'un de plutôt solitaire.
- Ce n'est pas la seule raison ! J'ai vu de la peur dans tes yeux.
- C'est que...
- Ne te justifie pas ! Tu n'en as pas besoin avec moi ! Avec ses hommes à ta poursuite, il vaut mieux que tu te fasses discret."

Ils entendirent frapper à la porte. Reynald se leva et alla ouvrir. C'était le repas qu'il avait commandé.

Quand ils eurent terminé de manger, le prêtre laissa Link se reposer. La journée avait été très riche en surprises de toutes sortes et le jeune homme était très fatigué. Ce dernier se coucha aussitôt, mais eut du mal à trouver le sommeil. Toutes les informations qui lui avaient été révélées tournaient dans sa tête, l'empêchant de fermer l'oeil. Il finit tout de même par s'endormir.

Reynald avait jugé préférable de passer la nuit dans la chambre jouxtant celle du Héros du Crépuscule afin d'être présent en cas de problème. Vers minuit, un grand cri le réveilla. Il se leva rapidement et se précipita au chevet du blessé.

Le prêtre vit Link, assis dans son lit, le visage en sueur et les yeux vides. Il tremblait de tout son corps et murmurait.

"Non ! Laissez-moi ! Je ne veux pas devenir comme eux !"

Reynald s'arrêta, se demandant quelles terribles épreuves avait dû endurer le jeune homme aux mains de ces esclavagistes. Il décida de le réveiller. L'attrapant par les épaules, le prêtre le secoua légèrement. Au bout de plusieurs minutes, Link sembla prendre conscience de sa présence et posa les yeux sur lui.

"Tu as dû faire un cauchemar. Raconte-le-moi, cela pourrait certainement nous en apprendre davantage sur ce qu'il t'est arrivé."

Mais le jeune homme secoua la tête, incapable de raconter ce qu'il avait vu.

"D'accord, nous reparlerons de tout cela demain à la lumière du jour. Recouche-toi !"

Une fois encore, il reçut une réponse négative. Link semblait incapable de pouvoir se rendormir. Reynald prit un verre d'eau et donna un somnifère au Héros.

"Non, si je prends ça, je ne pourrai pas être prêt à temps, demain matin.
- Tu as besoin de te reposer. Je m'occuperai de Corentin."

Link avala la pilule et s'enfonça dans un sommeil sans rêve.

Chapitre 5   up

Le lendemain matin, à l'arrivée de Corentin, Link dormait toujours. Le prêtre en profita pour lui parler des événements de la nuit. Il lui rapporta les paroles qu'avait prononcées le jeune homme.

"Tu devrais en parler à la princesse Zelda. Je pense que cela confirme mes craintes : son amnésie n'est pas uniquement liée au coup qu'il a reçu. Je lui ai donné un sédatif pour l'aider à dormir.
- Vous avez bien fait ! Cela ne pourra lui être que bénéfique !
- Il ne devrait pas tarder à se réveiller, mais je voudrais en apprendre davantage sur son rêve avant votre départ ! Je suis inquiet : ses paroles m'ont travaillé toute la nuit.
- Que signifient-elles à votre avis ?
- Je l'ignore !
- Si vous avez raison concernant sa mémoire, il risque de ne pas se rappeler de son rêve. Que fait-on si c'est le cas ?
- Rien, nous tairons l'incident. Il est inutile de l'affoler pour l'instant."

Juste à ce moment, Link descendit l'escalier. Il semblait prêt à partir.

"Nous pouvons y aller, dit-il à Corentin.
- Tu ne veux pas prendre un repas avant de partir ?
- Non, j'ai dormi trop longtemps et je n'ai pas faim. Je pensais que tu voudrais en terminer rapidement avec cette mission.
- Bien sûr ! Mais je n'ai pas envie de te porter si tu venais à t'évanouir !"

Le Héros du Crépuscule ne releva pas la remarque et se tourna vers le prêtre.

"Puis-je vous demander de régler la note de la chambre à ma place ? Je vous rembourserai dès que possible.
- Ne t'inquiète pas pour ça ! La chambre et le repas t'ont été offerts par la maison. Tu as ramené des clients. Comment s'est passée ta nuit ?
- Bien ! J'ai dormi comme une souche. Pourquoi cette question ?
- Je voulais juste savoir si tu t'étais suffisamment reposé", répondit-il en recommandant le silence à Corentin.

Reynald leur souhaita bonne chance et les deux hommes sortirent de l'auberge. Corentin avait amené deux chevaux, prêts à prendre la route. Ce qu'ils firent après avoir entendu les recommandations du prêtre.

Les deux compagnons chevauchèrent sans échanger une seule parole. Après avoir quitté le village, ils traversèrent les deux plaines les séparant de Toal à vive allure. Ils y arrivèrent en fin de matinée. Link se dirigea immédiatement vers sa maison, située à l'écart des autres habitations. Celle-ci avait été construite dans un arbre et n'avait pas changé. La plupart de ses effets personnels étaient bien rangés à leur place.

"Iria venait régulièrement faire le ménage, l'informa Corentin. S'il s'est passé quelque chose ici, nous ne le verrons probablement pas."

Mais Link ne l'écoutait pas. Il faisait le tour de son habitation, observant chaque objet, à la recherche de tout ce qui pourrait lui paraître inhabituel. Le jeune homme n'avait pas le moindre souvenir d'être repassé par sa maison, pourtant la présence de ses armes disait le contraire.

Rien n'avait changé dans la disposition des lieux. Sa chambre était accessible grâce à une échelle qui menait à une sorte de petit balcon intérieur. La salle principale comportait une étagère où il rangeait ses affaires et une table. Dans un coin se trouvait un meuble où les repas étaient préparés.

Iria s'était contenté de nettoyer sans rien déplacer. Link parcourut la pièce des yeux en insistant sur le sol. Il monta et s'approcha de son lit, suivi par Corentin.

"Il y avait une tache de sang, juste à cet endroit, dit-il en montrant une auréole sur le sol. Iria a tout tenté pour la faire disparaître, sans succès.
- Une façon pour elle de nettoyer mon souvenir !
- Tu ne veux décidément rien comprendre ! Elle l'a fait, car elle a toujours cru que tu reviendrais, même lorsque la princesse elle-même a perdu tout espoir !"

Link ne répondit pas. Son regard venait d'être attiré par un objet qui dépassait de sous son lit. Il s'agenouilla et ramassa une petite fléchette. Corentin qui l'avait vu faire s'approcha.

"Qu'as-tu découvert", lui demanda-t-il.

Link lui montra sa trouvaille.

"Cet objet t'appartient-il ?
- Je n'utilise pas ce genre d'armes.
- Dans ce cas, cela signifie que quelque chose s'est effectivement produit ici.
- Cela peut aussi avoir été laissé à un autre moment. Ma maison est restée vide pendant sept ans. Elle a pu servir d'abri à des personnes de passage.
- Si cela avait été le cas, Iria l'aurait remarqué. Je pense qu'il faut faire des recherches sur cet objet. Tu devrais le montrer à la princesse.
- Si tu y tiens ! Je pense que nous ne trouverons rien d'autre ici. Je ne vois rien d'anormal."

Le jeune homme récupéra ses vêtements de combat qu'Iria avait repliés et rangés soigneusement. Corentin quitta les lieux afin de le laisser se changer. Ensuite, Link s'approcha de l'étagère sur laquelle ses armes étaient posées et entreprit de se rééquiper correctement. Puis, il sortit de sa maison, s'adressant au soldat.

"Maintenant que j'ai récupéré mes armes, je pense ne plus avoir besoin de ta protection. Je suis apte à me défendre seul.
- J'en suis conscient, mais la princesse a été formelle : je n'ai pas le droit de te laisser seul."

Link était sur le point de répondre quand il entendit une voix derrière lui.

"Tu n'allais pas partir sans venir nous saluer, j'espère."

L'interpellé se retourna. Devant lui se tenaient Colin, Fénir et Anaïs. Link n'en revenait pas. La dernière fois qu'il les avaient vus, ils avaient une dizaine d'années. Le jeune homme les serra dans ses bras. Avant que son aventure ne commence, le Héros du Crépuscule passait beaucoup de temps avec les enfants du village.

Les deux garçons avaient bien grandi et leur musculature s'était développée. Colin semblait avoir gagné en maturité et en courage. Sa blondeur contrastait avec sa peau bronzée. Fénir, quant à lui, avait gardé un visage espiègle malgré les années. Il portait toujours le bandeau rouge qui ne le quittait jamais. Anaïs était devenue une belle demoiselle. Elle avait laissé pousser sa chevelure qui retombait en cascade dans son dos.

"Où est Balder, demanda-t-il à Fénir.
- Mon jeune frère continue de s'occuper de la boutique de Cocorico. Il se débrouille plutôt bien. Tu devrais aller le voir.
- Comment vont vos parents ?
- Tu devrais le leur demander toi-même, répondit Colin. Ils seront très contents de te revoir.
- En tout cas, tu es toujours aussi beau garçon, lui murmura Anaïs en lui faisant les yeux doux.
- Anaïs, s'écrièrent ensemble Colin et Fénir.
- Quoi ? Iria est mariée ! Il est libre, non", dit-elle en passant sa main dans les cheveux du jeune homme.

Celui-ci attrapa son poignet et l'éloigna de son visage. Son sourire s'était figé.

"Bravo, la réprimanda Colin, tu as réussi à le blesser !
- Non, tout va bien ! Je vais aller saluer vos parents, ajouta-t-il en se dirigeant vers le village.
- Pas si vite, dit une voix. Tu vas plutôt venir avec nous !"

Link se retourna et se retrouva face à deux cavaliers vêtus d'armures noires. Ils descendirent de cheval.

"Qui êtes-vous, demanda-t-il.
- Tu ne nous reconnais pas ?"

Le jeune homme les détailla. Leurs oreilles pointues prouvaient leur appartenance à la race hylienne.

"J'ai malheureusement oublié les événements des sept dernières années. Je ne pense pas avoir eu l'immense honneur de vous rencontrer auparavant.
- Ce n'est pas faute d'avoir essayé, car tu as passé beaucoup de temps à nous traquer après ta victoire !
- Vous êtes...
- Oui, nous faisions partie de ses complices, mais, comme tu peux le constater, nous avons trouvé refuge dans un autre pays et ainsi évité de te donner l'occasion de nous enfermer !
- Le royaume de Tradan !
- La mémoire serait-elle en train de te revenir ?
- Pas du tout ! Je sais juste que vous êtes à ma recherche !
- Oui, j'imagine que ce Moï a réussi à te prévenir. J'avais bien compris que ces deux-là te connaissaient. C'est pourquoi nous sommes restés dans les environs. Mon nom est Cadmeen, je suis le général en chef de l'armée de Tradan.
- Que voulez-vous ?
- Te ramener avec nous, bien sûr. Si tu nous suis sans opposer de résistance, nous en tiendrons compte lorsque tu seras jugé !
- Jugé ? Que me reproche-t-on exactement ?
- Je ne voudrais pas choquer de jeunes oreilles en rapportant tes horribles crimes. Alors, sois gentil et mets ces jolis bracelets à tes poignets."

Celui qui venait de parler lança une chaîne reliant deux anneaux qui atterrit juste devant Link. Ce dernier dégaina son épée et se mit en garde.

"Si vous voulez que je porte ces choses, vous devrez venir me les enfiler vous-mêmes", dit-il sur un ton de défi !

Link se tenait l'arme à la main devant Colin, Fénir et Anaïs. Corentin avait également tiré sa lame et s'était placé à ses côtés. Les deux garçons ramassèrent chacun un bout de bois, prêts à participer à la bagarre et à protéger la jeune fille.

"Je vous conseille de ne pas vous en mêler. Tout se passe entre nous et le Héros du Crépuscule ! Nous sommes là pour le ramener à la place qui est la sienne et qu'il n'aurait jamais dû quitter.
- Ma place est ici, parmi les miens !"

L'un des hommes sortit une chaînette où une petite pierre rouge était accrochée, reflétant la lumière du soleil. Il la lança en direction de Link qui l'attrapa machinalement avec sa main droite.

"Tu as oublié cet objet dans ta précipitation."

Au moment même où ses doigts entrèrent en contact avec l'objet, Link ressentit une douleur intense dans tout son corps. Il avait l'impression que ses veines s'étaient embrasées d'un seul coup. Sa main s'était crispée sur la pierre, l'empêchant de la lâcher.

À travers le voile de souffrance, il entendit une voix familière dans son esprit :
"Fais attention, il reste un peu de leur produit dans tes veines ! La Pyronite peut le réactiver ! Ne t'en approche pas !"

Le Héros du Crépuscule s'effondra sur le sol, sous les regards inquiets de Corentin et des trois adolescents. Cadmeen sortit un petit flacon de la sacoche dont il avait équipé son cheval et en versa le contenu sur le jeune homme, couché à ses pieds. Une forte odeur se répandit immédiatement autour d'eux.

Link ne put retenir un cri. L'air qui lui entrait par le nez semblait être en feu. Il sentait ses forces le quitter. Corentin se plaça entre lui et les deux chevaliers.

"Si vous le voulez, il va falloir me vaincre.
- Et nous aussi, ajoutèrent Colin et Fénir qui s'étaient avancé.
- Votre ami ne vaut pas la peine que vous perdiez la vie pour lui. Regardez-le ! Il est incapable de se défendre."

Ils se retournèrent. Link se tordait de douleur.

"Que lui avez-vous fait, hurla Colin.
- Anaïs, emmène Link et préviens Bohdan et Moï. Nous allons avoir besoin d'aide, lui cria Fénir."

Elle s'approcha du jeune homme, mais il était incapable de se mettre debout.

Chapitre 6   up

Une voix retentit derrière eux, c'était Moï, le père de Colin, accompagné de Bohdan, le chef du village, tous deux armés de leur épée.

"Nous sommes là ! Les garçons, emmenez Link ! Nous allons nous occuper d'eux !"

Colin et Fénir lâchèrent leur bâton et soulevèrent le Héros du Crépuscule. Ensuite, ils l'emportèrent en direction des habitations. Anaïs ramassa l'arme du jeune homme et les rejoignit. Link était toujours en proie à de fortes douleurs et semblait sur le point de s'évanouir. Les deux chevaliers voulurent les suivre, mais Corentin et les deux villageois les empêchèrent de passer.

"Vous lui avez fait suffisamment de mal ! Vous n'êtes pas les bienvenus ici !
- Cet esclave nous appartient ! Ce document l'atteste, ajouta-t-il en montrant un parchemin.
- Vous n'avez aucun droit sur lui ! C'est un homme libre."

Les adolescents emmenèrent le jeune homme dans la maison du maître d'armes et le couchèrent sur le canapé. Ute, la femme de Moï s'approcha et l'examina. Il semblait avoir du mal à respirer, comme si chaque bouffée d'air lui provoquait une souffrance insupportable.

"Que lui est-il arrivé, demanda-t-elle en cherchant les causes des douleurs de Link, je le croyais en meilleure santé que ça.
- Les soldats de la dernière fois sont revenus et voulaient l'emmener. Je pense qu'ils surveillaient le coin pour attendre son arrivée. L'un d'entre eux lui a lancé un pendentif et il s'est écroulé après l'avoir attrapé.
- Serait-ce ce qui dépasse de son poing ?"

Colin s'approcha et tenta d'ouvrir la main du Héros afin de lui faire lâcher l'objet en question. Les mouvements désordonnés du blessé rendaient l'opération difficile. Après bien des efforts, il parvint à desserrer ses doigts crispés, mais la pierre s'était enfoncée dans la chair en trouant le gant usé du jeune homme.

Sans plus d'explications, Ute attrapa le tisonnier qui reposait dans l'âtre et l'utilisa pour extraire le pendentif de la paume de Link. Celui-ci poussa un cri. Au moment précis où le caillou tomba sur le sol, il perdit de son éclat. Le Sauveur d'Hyrule se calma et sa respiration redevint régulière, même si la souffrance ne l'avait pas quitté.

"Où est ton père, demanda Ute à son fils.
- Avec Corentin et Bohdan. Ils affrontent les soldats. Nous devrions aller leur prêter main-forte.
- Allez-y, je m'occupe de Link avec Anaïs."

Fénir prit l'épée du Héros du Crépuscule des mains de la jeune fille et Colin récupéra la sienne. Tous deux sortirent pour retourner sur le lieu du combat.

Lorsque les garçons rejoignirent les trois hommes, la bataille faisait rage. Les chevaliers étaient très forts, mais les défenseurs de Link étaient plus nombreux et bien décidés à les empêcher de passer. À l'arrivée de deux combattants supplémentaires, ils optèrent pour un renoncement temporairement.

"Vous avez gagné, dirent-ils en remontant sur leurs chevaux, mais nous ne renoncerons pas. Il est à nous. Le cacher ne vous avancera à rien. Vous ne pourrez pas le protéger indéfiniment !"

Ils lancèrent leurs montures au galop vers la plaine d'Hyrule, sous le regard de leurs adversaires. Ceux-ci restèrent là à attendre que le silence revienne. Moï se tourna alors vers son fils.

"Comment va-t-il ?
- Nous avons réussi à lui faire lâcher l'objet que cet individu lui avait lancé, mais il a tellement serré ses doigts que la pierre s'est enfoncée dans la chair.
- De quel objet parles-tu ?
- L'un des chevaliers a lancé un pendentif, répondit Corentin, Link a commencé à souffrir au moment où il l'a touché.
- Et donc, vous avez réussi à le lui faire lâcher, reprit Bohdan.
- Oui, et juste après, il semblait déjà respirer plus facilement.
- Respirer plus facilement. Que veux-tu dire ?
- Lorsque Link est tombé, celui qui se fait appeler Cadmeen lui a versé le contenu d'une fiole sur le corps. Une forte odeur s'en échappait. C'est à ce moment-là qu'il a commencé à éprouver des difficultés à s'oxygéner, comme si chaque bouffée d'air le faisait souffrir.
- Nous devrions aller le voir, ajouta Moï, son état de santé me préoccupe. Que lui ont-ils fait pendant ses sept années de captivité ?"

Juste à ce moment, les cinq combattants entendirent des bruits de sabots. Craignant un retour des cavaliers avec des renforts, ils se préparèrent à repousser l'assaut.

Reconnaissant les membres de la Garde Rapprochée de la princesse, ils se sentirent soulagés. Zelda descendit de cheval et s'approcha d'eux.

"Pourquoi êtes-vous armés ?
- Les soldats dont je vous ai parlé dans la lettre, répondit Moï. Ils sont revenus. Ma fille est venue nous avertir que son frère, Fénir et Anaïs étaient en danger près de la maison de Link. Je suis allé chercher Bohdan et nous sommes partis leur prêter main-forte.
- Lorsque nous sommes arrivés, Link était allongé par terre et semblait beaucoup souffrir, ajouta Bohdan. Les garçons et Corentin semblaient prêts à se battre contre les gardes.
- J'ai envoyé mon fils et Corentin mettre Link à l'abri et le combat s'est engagé. Au retour des garçons, ils ont cessé le combat et sont partis.
- Où est Link ? Pourquoi ce jeune homme se bat-il avec son épée", demanda Zelda en désignant Fénir ?

Corentin s'approcha et raconta à la princesse tout ce qu'il s'était passé depuis leur arrivée à Toal.

"Donc, ces hommes sont des anciens complices de Ganondorf qui se sont réfugiés au royaume de Tradan. Ils ont dû se cacher là-bas après la défaite de leur maître pour éviter toute condamnation.
- Puis-je vous demander ce que nous vaut l'honneur de votre visite, demanda Moï.
- Un mauvais pressentiment ! Ces hommes sont venus chercher Link ici, cela veut dire qu'ils connaissaient son identité. Votre village est trop isolé pour que ce soit une coïncidence.
- C'est ce que nous avions également pensé.
- Ce n'est pas tout. Le nom du royaume, Tradan, ne m'était pas inconnu, mais je n'arrivais pas à savoir pourquoi. Tout m'est revenu ce matin.
- Que voulez-vous dire ?
- Vous souvenez-vous d'un événement de grande envergure qui a coïncidé avec sa disparition ?
- Vous voulez parler de la fuite des complices qui avaient été arrêtés ?
- Exactement ! Mais ce n'est pas tout. Ce jour-là, j'ai reçu une délégation de Tradan. Leur roi nous demandait de le fournir en esclaves. Il acceptait de nous débarrasser de nos prisonniers et de s'occuper de leur trouver du travail. Je leur ai bien sûr répondu que nous étions contre ce genre de pratique et ils sont repartis. Ensuite, deux incidents majeurs se sont produits : la grande évasion et la disparition de Link. A l'époque, je n'avais pas fait le lien, mais maintenant... J'aurais dû les faire raccompagner à la frontière !
- Vous ne pouviez pas connaître leurs intentions et rien ne dit que ce sont eux qui ont emmené Link, intervint Moï. Que vous a-t-il appris ?
- Rien, il n'a aucun souvenir des sept dernières années ! Il est venu ici pour essayer de se rappeler, en partant du dernier endroit où il avait été vu.
- La mémoire lui reviendra ! Commençons par aller voir comment il se porte !"

Tout en parlant, ils étaient arrivés devant la maison de Moï où Link avait été emmené. Il était toujours couché sur le canapé. La princesse y entra et s'assit à côté du jeune homme.

"Comment te sens-tu, lui demanda Zelda.
- Mieux que tout à l'heure, répondit Link difficilement, la douleur perd du terrain. Que s'est-il passé ?"

Colin ramassa le pendentif qui était resté sur le sol et le montra au jeune homme.

"Ton état était lié à cet objet !"

Link tendit la main pour s'en saisir, mais l'adolescent l'éloigna rapidement.

"Tu ne devrais pas y toucher !
- Tu as probablement raison. J'ai entendu une voix dans ma tête, juste avant que la souffrance ne s'empare de moi !
- Que disait-elle ?
- Elle me disait de me méfier de la "Pyronite", mais j'ignore ce que c'est.
- Il s'agit peut-être de cette pierre rouge. Vu l'effet qu'elle a sur toi, ce ne serait guère étonnant.
- La voix a également dit qu'elle pourrait réactiver le produit qui coule dans mes veines.
- Cela a-t-il un rapport avec celui qu'il a versé sur toi ?"

Link secoua la tête.

"Je n'en ai aucune idée.
- Tu as besoin de voir un médecin, ajouta Zelda. Nous devons te ramener immédiatement au château.
- Comment ferons-nous, demanda Corentin. Dans son état, il ne tiendra pas sur le dos d'un cheval. Surtout si nous sommes amenés à fuir devant l'ennemi.
- Le laisser ici, même le temps de ramener un praticien est tout aussi dangereux, reprit Moï. Les hommes de Tradan peuvent revenir à tout moment avec des renforts. Ils ont bien dit qu'ils ne renonceraient pas. S'ils attaquent le village, Link est perdu.
- Je vais laisser quelques gardes ici, au cas où ils décideraient de frapper encore. Les autres vont assurer notre protection. Si jamais ils reviennent, laissez-les fouiller le village. Ne jouez pas aux héros !"

Colin s'approcha de la princesse et lui tendit le pendentif.

"Prenez-le, votre médecin en aura sans doute besoin pour déterminer de quoi il souffre."

Ils sortirent de la maison. Moï soutenait Link qui éprouvait encore quelques difficultés à se déplacer seul. La douleur avait diminué, mais l'épreuve l'avait vidé de ses forces.

La princesse donna des ordres pour que la moitié de sa garde reste au village jusqu'à ce qu'ils soient sûrs que les habitants ne courent plus aucun danger. Puis elle s'adressa au reste de ses troupes afin de chercher un volontaire pour prendre en charge le Héros du Crépuscule.

"Nous avons besoin du meilleur cavalier, car en cas d'attaque, il faudra distancer nos ennemis. Ils ne doivent pas s'emparer de lui."

Les soldats se regardèrent. Puis leur chef prit la parole.

"La meilleure cavalière, c'est vous, Votre Altesse ! Il serait préférable que vous vous en chargiez. Ces cavaliers étant des Hyliens, ils réfléchiront à deux fois avant d'oser vous attaquer !
- Vous avez raison, je vais m'en occuper."

Elle se tourna vers Link.

"Te sens-tu capable de t'accrocher à l'encolure du cheval ?
- Oui, tant que tu ne me demandes pas de rester debout, ça ira."

La fatigue se faisait sentir dans sa voix. Zelda espérait qu'il pourrait tenir suffisamment longtemps pour qu'elle puisse le conduire dans l'enceinte du château. C'était le seul endroit où Link serait réellement en sécurité.

Les gardes firent les préparatifs de départ. Une fois que tout le monde fut prêt, les villageois vinrent saluer le Héros du Crépuscule, ignorant quand ils pourraient de nouveau le revoir.

Ils partirent quelques minutes plus tard. Link était parvenu à se hisser, en s'agrippant au pommeau de la selle, mais il ne pourrait maintenir cette position indéfiniment. Zelda se trouvait derrière lui et avait passé ses bras de part et d'autre du jeune homme pour pouvoir attraper les rênes. Nerveuse à l'idée d'être si proche de lui, elle essayait de se ressaisir : sa liberté était en jeu, peut-être même, sa vie.

Ils avaient à peine commencé la traversée de la seconde plaine qu'un groupe de cavaliers galopa dans leur direction. Comme la princesse avait laissé la moitié de ses effectifs au village, la Garde Rapprochée se retrouvait en sous-effectif face aux nombreux ennemis présents.

"Votre Altesse, partez devant ! Nous couvrons votre fuite !
- Accroche-toi", souffla-t-elle à l'oreille de Link.

Celui-ci s'allongea sur l'animal en s'agrippant à sa crinière. Zelda lança son cheval au galop, tentant de retenir le jeune homme qu'elle sentait glisser de la selle. Aussitôt, les chevaliers qui ne furent pas attaqués par l'armée d'Hyrule les prirent en chasse. Corentin les suivit immédiatement.

Ils arrivèrent en vue de la citadelle. Les soldats chargés de la surveillance de la porte comprirent rapidement qu'il se passait quelque chose d'anormal et appelèrent du renfort. La princesse incita son destrier à accélérer remarquant que les cavaliers gagnaient du terrain. Elle percevait les tremblements que la douleur provoquait sur le corps de Link et s'en inquiéta.

Zelda espérait pouvoir atteindre la ville avant que son protégé ne tombe dans l'inconscience. Ses propres forces commençaient à la trahir. Au moment où les sabots touchèrent le pont surplombant les douves, le Héros du Crépuscule se mit à glisser de la selle. Lancée à pleine vitesse, elle ne put éviter sa chute. Le cheval continua sa course à l'intérieur de la cité.

Elle réussit à stopper sa monture et revint sur ses pas en courant. Les soldats de la citadelle s'étaient précipités pour repousser l'assaut des chevaliers et l'empêchaient d'avancer plus loin. Elle n'arrivait pas à voir où se trouvait Link. Zelda tenta de se frayer un chemin entre les gardes, mais Corentin la retint en arrière.

"N'y allez pas ! C'est trop dangereux !
- Où est-il ?
- Je ne sais pas. Je vais aller voir. Il est sans doute tombé sur le pont.
- Il était inconscient ! Je n'ai pas pu le retenir, dit-elle les larmes aux yeux.
- Je vais vous le ramener. Les cavaliers n'ont pas pu s'emparer de lui, vos hommes ne les laisseront pas faire. Ils ont reçu l'ordre de les repousser dans la plaine."

Corentin retourna vers l'endroit où se déroulait un combat entre les gardes d'Hyrule et ceux de Tradan qui tentaient de percer leurs défenses. Le soldat aperçut le Héros du Crépuscule allongé à proximité du bord de la passerelle. Il voulut le rejoindre, mais remarqua que d'autres l'avaient repéré également.

En effet, deux chevaliers avaient quitté leur groupe et cherchaient à atteindre Link en passant par les douves du château. Agrippé par les mains de ses ennemis, le jeune homme inconscient glissa du pont avant que Corentin ne parvienne jusqu'à lui. Il fit un plongeon dans l'eau glacée.

Chapitre 7   up

Le contact de l'eau glacée le fit revenir brutalement à la réalité : le contenu d'un seau venait de lui être déversé sur la tête. Une lumière aveuglante était braquée sur son visage, mais un épais bandeau placé sur ses yeux l'empêchait de voir l'endroit où il se trouvait. Ses mains étaient enchaînées à un mur froid et tout le poids de son corps reposait sur ses bras tendus. Link se redressa en reprenant appui sur ses jambes afin de soulager ses membres supérieurs, rendus douloureux par l'étirement prolongé.

Le jeune homme s'aperçut rapidement qu'il n'était pas seul, car une voix forte et caverneuse retentit :

"Alors, le voilà, votre fameux Héros du Crépuscule, celui dont tout le monde parle ! Je n'ai jamais eu l'occasion de le voir en vrai.
- C'est bien lui, Général Cadmeen. Ne vous fiez pas à son physique ! Il est plus résistant qu'il n'en a l'air."

Celui qui venait d'être nommé s'approcha du prisonnier et arracha le morceau de tissu qui lui recouvrait les yeux. Ce dernier fut immédiatement aveuglé par une forte lumière provenant du plafond. Il ne distinguait rien, juste des ombres. Le général le dévisagea d'un air sceptique.

"Il n'a pas l'air bien solide. Le travail que je lui destine n'est pas de tout repos. Comment puis-je être sûr que ce gringalet ne va pas me claquer dans les mains ?
- Comme je vous l'ai expliqué lors de notre entrevue dans les couloirs du palais, mon but n'est pas de le tuer. Je veux le voir souffrir le plus longtemps possible. Vous avez comme moi entendu toutes les histoires que l'on raconte sur lui. La moitié seulement prouve ses capacités de résistance et d'adaptation. Vu le prix que je vous en demande, vous êtes gagnant sur toute la ligne."

Link en eut le souffle coupé. L'homme qui l'avait amené de force jusqu'ici était en train de le vendre.

"C'est encore un point qu'il faudra éclaircir : le prix ! Pourquoi ne pas en demander plus, si sa valeur est si grande ?
- Parce qu'il s'agit avant tout d'une vengeance ! Je ne compte pas en faire un métier. Vous serez mon unique client. Ce gringalet a gâché ma vie et je veux le lui faire payer. Mais je veux poser certaines conditions. Je vous en ferai part lorsque nous discuterons les termes du contrat. Vous avez émis le souhait d'examiner la marchandise, elle est devant vous !"

Le général s'approcha de Link et commença à l'examiner. Il voulait évaluer la force physique de celui-ci. Le jeune homme se débattit furieusement.

"Ne me touchez pas !
- Tais-toi, un esclave n'a pas le droit à la parole.
- Je vous répète que je ne suis pas..."

La gifle magistrale qu'il reçut à ce moment-là lui coupa la parole. Celle qui suivit provoqua un trou noir.

Lorsque le Héros du Crépuscule ouvrit les yeux, un haut-le-coeur l'obligea à se tourner sur le côté pour recracher l'eau qu'il avait avalée en tombant dans les douves. Link grelottait et ses vêtements étaient humides. La lumière l'aveuglait toujours, mais elle était différente : chaude et rassurante.

En regardant autour de lui, le jeune homme s'aperçut qu'il était couché près de l'entrée du château. Zelda et Corentin semblaient soulagés de le voir éveillé.

"Tu nous as fait peur. Une minute de plus et nous n'aurions pas pu te ramener !"

Link voulut parler, mais Zelda l'en empêcha.

"Ne dis rien pour l'instant ! Nous allons te faire examiner par un médecin."

Le Héros du Crépuscule se sentit soulevé, mais il était incapable de faire un geste, comme si son corps ne répondait plus à ses volontés. Le jeune homme tourna la tête vers son sauveur et reconnut le mari d'Iria. Link se surprit à penser que la princesse avait bien choisi le protecteur de son amie et ferma les yeux.

Corentin le déposa sur un lit. Ses vêtements humides furent remplacés par des secs. Un feu avait été allumé à la hâte dans la chambre afin de réchauffer le blessé, qui était déjà retombé dans l'inconscience.

A son réveil, Link se retrouva de nouveau dans la caverne, mais, cette fois, il était seul. Tous ses efforts pour essayer de se détacher furent vains : la taille des fers était ajustée à celle de ses poignets. La lumière qui l'aveuglait ayant été éteinte, Link en profita pour observer les lieux : de nombreuses chaînes étaient fixées au mur à intervalles réguliers. Le héros du Crépuscule devait se trouver dans un de ces vieux repaires de pirates qui servaient de salle de vente aux marchands d'esclaves.

Cette pratique n'avait jamais existé à Hyrule, mais beaucoup de contrées lointaines n'hésitaient pas à pratiquer le commerce des êtres humains. Le jeune homme en avait entendu parler, mais n'y avait jamais été réellement confronté.

Il fut tiré de ses pensées par des bruits de pas venant dans sa direction. Ses deux visiteurs entrèrent de nouveau. L'un des deux ne lui était pas inconnu. Link ne put voir son visage, mais reconnut facilement l'uniforme de l'armée hylienne. Ce dernier resta en retrait, dans un coin sombre de la grotte. Le général, quant à lui, s'approcha.

"Je vous laisse le soin de l'amener à l'endroit convenu, ainsi vous pourrez assister à son entrée en fonction. Il reste néanmoins une dernière formalité à remplir. Détachez-le !"

Deux soldats que Link n'avait pas remarqués sortirent de l'ombre et vinrent libérer ses poignets. Profitant de l'occasion qui lui était ainsi offerte, le Héros du Crépuscule fonça droit vers celui qui l'avait vendu comme une simple marchandise, mais il ne put l'atteindre. Le général par un habile mouvement de la jambe l'avait déséquilibré. Le jeune homme se retrouva rapidement par terre, se débattant de toutes ses forces sous la poigne de son adversaire.

"Vous aviez raison, il a une certaine force. Quant à toi, ajouta-t-il à l'adresse de Link, tu ferais mieux de te calmer ! Dans le cas contraire, je me ferai un plaisir de t'arracher la langue."

Comprenant que toute résistance était inutile, le jeune homme cessa le combat. Le général le relâcha et laissa les gardes le remettre debout.

"Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, comme la façon de te tenir devant ton maitre.
- Je ne sers que la princesse de mon royaume !
- C'est ce qu'on va voir !"

Les soldats frappèrent le jeune homme pour qu'il se mette à genoux ! Link releva la tête et observa le général avec un air de défi. Encore un qui croyait pouvoir le forcer à obéir. Cadmeen lui lança un pantalon et une tunique en toile grossière.

"Enfile ça, tu dois désormais revêtir l'uniforme de ta condition.
- Pas question ! Les vêtements que je porte me conviennent parfaitement !
- Tu refuses ! À ta guise !
- Je ne serai jamais votre propriété, affirma-t-il avec force. Vous n'avez pas d'ordre à me donner !
- Tu es une forte tête ! Ce n'est pas grave, quand tu seras passé par les mains expertes de nos spécialistes, tu ne seras plus en état de te rebeller."

Les soldats immobilisèrent le jeune homme. Ensuite, le général prit le couteau qui était accroché à sa ceinture et s'approcha. Il déchira la chemise et le pantalon de son captif qui tombèrent sur le sol. Apercevant la blessure que Link avait à l'épaule, Cadmeen se tourna vers son homologue hylien.

"Vous ne m'avez pas parlé de ce détail ! Cela risque de poser problème. Notre traitement ne peut être appliqué si le sujet est blessé. Cela risque de tout retarder.
- Vous ne me l'aviez pas précisé lors de notre première entrevue. J'ignorais que c'était important."

Le chef de l'armée de Tradan retira le bandage qui recouvrait l'épaule du jeune homme et examina la plaie.

- Cette blessure n'est pas récente.
- Effectivement, cet idiot est tombé en essayant de s'enfuir. Il a fait sauter ses points de suture. Nous avons été obligés de le soigner !
- C'est un vice de procédure. J'ai annulé des transactions pour moins que ça !"

En entendant ces mots, Link eut un regain d'espoir, mais il fut de courte durée.

"Le prix dérisoire que vous en demandez comblera ce petit souci, mais j'espère pour vous que ce sera le seul !"

Une fois que les soldats l'eurent lâché, Link n'eut d'autre choix que de revêtir l'uniforme qu'on lui destinait. Quand il fut prêt, les gardes se saisirent de lui et le forcèrent à s'agenouiller à nouveau. Un homme d'âge mûr apparut tenant dans ses mains un petit plateau avec divers instruments : un pinceau, un pot d'encre et un fin couteau. Celui-ci s'installa à côté du prisonnier et se mit à examiner sa tête.

Link se débattit avec force. Le général s'approcha et l'attrapa par les cheveux. Ensuite, il le traina vers le mur. D'une seule main, Cadmeen agrippa le Héros du Crépuscule par le col de son vêtement et le plaqua contre la cloison.

"Maintenant, tu vas te tenir tranquille pendant l'opération !"

Sur un signe du général, deux soldats attrapèrent les mains de Link et lui remirent les chaînes. Cadmeen tourna la tête du prisonnier pour laisser l'homme âgé pratiquer une petite incision derrière son oreille gauche. Un peu de sang se mit à couler de la blessure. Sans en tenir compte, le vieillard trempa son pinceau dans l'encre et l'approcha de l'entaille. Le Héros du Crépuscule sentit le liquide se répandre sur la chair à vif.

"Cette marque sera votre laissez-passer. Les soldats aux frontières comprendront que vous amenez un esclave et vous laisseront entrer dans le royaume. Je laisse un chariot à votre disposition pour le voyage. Je vous rejoins là-bas, je dois encore prendre quelques dispositions."

Le général lâcha Link et lui remit le bandeau sur les yeux. Le soldat hylien s'approcha du jeune homme et lui murmura quelques mots à l'oreille.

"Tu es désormais la propriété du roi de Tradan. Je te souhaite bien du plaisir dans ta nouvelle vie d'esclave."

Il partit d'un éclat de rire et s'éloigna. Le jeune homme aurait voulu sauter sur son adversaire pour lui faire ravaler ses paroles.

"Tu paieras pour ce que tu viens de faire !"

Le soldat venait de se retourner et de lancer un couteau en direction du poignet droit du prisonnier. Heureusement pour ce dernier, la lame ne provoqua qu'une légère entaille sur le dos de sa main. Link ferma les yeux en ressentant la première pointe de douleur...

... puis les ouvrit brusquement quand elle s'accentua. Il ramena soudainement son bras vers lui.

"Doucement, jeune homme, je voulais juste examiner votre blessure, vous avez là une plaie qu'il convient de désinfecter", lui dit le docteur.

Le Héros du Crépuscule regarda autour de lui et vit le visage rassurant de la princesse. Celle-ci s'approcha.

"Calme-toi, personne ici ne te veut de mal !
- Pardonnez-moi, je pense que je viens de faire un cauchemar", avoua-t-il.

Link s'assit dans le lit et laissa le médecin le soigner. Celui-ci examina la plaie causée par la pierre et posa un bandage après l'avoir désinfectée. Il profita du fait que le jeune homme était éveillé pour procéder à un examen complet.

"La perte de mémoire est probablement due au choc reçu à la tête, déclara-t-il, mais pas uniquement. Si j'en crois votre état physique, les sept années que vous avez passées loin d'ici ont dû être éprouvantes. Votre esprit refuse de s'en souvenir pour l'instant.
- Que dois-je faire?
- Rien pour l'instant ! Vous devrez faire preuve de patience ! Il est fort possible que les rêves que vous faites soient des souvenirs distillés pas votre inconscient. Soyez attentif, ils pourraient vous donner des indices. Quant aux autres blessures, elles sont superficielles. Vous avez eu de la chance, mon garçon. Vous seriez resté une minute de plus dans l'eau et personne n'aurait pu vous sauver !
- Merci, docteur !
- En ce qui concerne les douleurs causées par le contact avec cette pierre, pourriez-vous me décrire les sensations exactes que vous avez éprouvées ?
- Au moment où j'ai attrapé la pierre, j'ai ressenti une douleur vive dans tout mon corps, comme si mon sang s'était mis à bouillir à l'intérieur de mes veines. Ensuite, j'ai été recouvert d'un liquide à l'odeur forte qui me brulait le nez quand je la respirais.
- Je vous ai amené la pierre, ajouta Zelda, lui tendant une chaînette avec une jolie pierre rouge.
- Je vais faire des recherches. Il semble, d'après ce que vous me dites, que le produit soit encore dans votre corps. Je vais faire mon possible pour vous trouver un antidote."

Il salua la princesse et sortit. Celle-ci s'approcha de Link.

"Que s'est-il passé, lui demanda-t-il. Pourquoi suis-je dans ce lit ?
- Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes ?
- Nous avons quitté Toal pour venir ici et nous avons rencontré les soldats de Tradan. J'ignore ce qu'il s'est passé ensuite.
- J'ai poussé le cheval au galop, car je devais impérativement t'éloigner d'eux. Mes gardes ont tenté de les retenir, mais certains d'entre eux se sont lancés à nos trousses. C'est à ce moment-là que tu as perdu conscience.
- Ont-ils réussi à nous rattraper ?
- Je suis bonne cavalière et mon cheval est un des plus rapides du royaume. Nous étions sur le pont au-dessus des douves lorsque tu as glissé de la selle. Je n'ai pas pu te retenir. Lorsque je suis revenue sur mes pas, un combat se déroulait devant la porte et m'empêchait de passer. C'est Corentin qui est parti à ta recherche."

La princesse se tut en remarquant la réaction de Link. Un éclair avait traversé ses yeux bleus.

"Sans lui, tu ne serais peut-être plus de ce monde. Lorsqu'il t'a retrouvé, deux soldats venaient de te faire basculer dans l'eau. Pendant que ses hommes chassaient tes agresseurs, Corentin t'a récupéré et ramené à l'intérieur de la citadelle où nous avons pu te réanimer."

Link ne répondit pas, s'enfermant dans le silence. Il ne supportait pas de devoir la vie au mari d'Iria pour la seconde fois. Il allait devoir l'en remercier !

Ce fut Zelda qui le sortit de sa rêverie.

"Veux-tu me raconter ton rêve ?"

Le jeune homme s'exécuta et relata les événements qui s'étaient déroulés dans la grotte.

"En effet, cela ressemble fort à des souvenirs. Les informations que nous avons pu recueillir le prouvent. La bonne nouvelle, c'est que ta mémoire te revient petit à petit.
- Pourtant, je ne suis pas sûr d'avoir envie d'en apprendre davantage sut ce qu'il s'est passé. Cet avant-goût m'a amplement suffi.
- Je comprends, mais il faut que tu saches ! En attendant, le médecin a recommandé que tu te reposes."

Zelda l'aida à se recoucher. Soudain, elle poussa un cri lorsque ses yeux se posèrent sur la main gauche du jeune homme.

"Qu'est-ce qu'il se passe, lui demanda-t-il ?
- La marque de la Triforce ! Elle a changé !"

Link observa sa main et en resta muet de surprise : le triangle représentant le Courage avait perdu son éclat doré et était devenu violet foncé. Que lui était-il arrivé ?

Chapitre 8   up

Link leva les yeux sur Zelda.

"Est-elle...", commença-t-il.

La princesse prit la main du Héros du Crépuscule dans la sienne et se concentra.

"Ton fragment de Triforce est faible, mais toujours là !
- Comment est-ce possible ?
- Je n'en sais rien, mais je vais demander à ce que l'on effectue des recherches. Tu n'as vraiment aucun souvenir de ce qu'il s'est passé ?"

Link secoua la tête. Il se sentait complètement perdu et avait du mal à comprendre ce qui lui arrivait.

"Tu devrais te reposer, maintenant, dit Zelda en se levant. Pendant ce temps, je vais consulter le bibliothécaire du château pour en apprendre davantage sur le phénomène qui te frappe.
- S'il te plait, reste encore un peu", demanda le jeune homme.

Elle l'observa avec attention. L'inquiétude se lisait sur son visage. Le Héros du Crépuscule semblait si fragile, couché dans ce lit. L'état de son fragment de Triforce était-il responsable de sa soudaine faiblesse ? Était-ce dû aux différents chocs qu'il avait subis depuis son réveil dans une des chambres de l'auberge ?

Elle se rassit. Son geste détendit Link qui posa sa tête sur l'oreiller et ferma les yeux. Au bout de quelques minutes, il dormait profondément. Zelda voulait entamer ses recherches rapidement, mais n'osait pas le laisser seul. Ses réactions étaient devenues imprévisibles.

La princesse ne connaissait pas cette facette de sa personnalité : derrière sa force et son courage se cachait un jeune homme frêle et attendrissant. Les sentiments qu'elle avait commencé à éprouver pour lui un peu avant sa disparition refaisaient surface.

Des larmes se mirent à couler de ses yeux pendant qu'elle observait son visage. Ses joues s'étaient creusées et son teint était pâle, mais il avait conservé ce charme qui l'avait séduite sept ans auparavant.

Zelda se souvint de la décision qu'elle avait prise de l'autoriser à retourner dans son village. La menace avait été écartée. La région avait retrouvé son calme. Faire le voyage jusqu'à Toal avec pour seule compagnie une demoiselle amoureuse ne représentait pas un quelconque danger pour le Héros du Crépuscule.

Pourtant la culpabilité la rongeait. Elle savait que tous les complices du tyran n'avaient pas été arrêtés et que certains d'entre eux désiraient toujours se venger du sauveur d'Hyrule, mais ils semblaient avoir déserté le pays. En quittant le palais, ce jour-là, Link n'était pas au mieux de sa forme. Pourquoi ne lui avait-elle pas imposé une escorte ?

La princesse fut tirée de ses pensées par le bruit de quelques coups donnés sur la porte. Séchant ses pleurs, elle se leva et alla ouvrir. C'était Iria qui paraissait en proie à une grande inquiétude.

"Comment va-t-il ? Les soldats racontent qu'il a failli se noyer."

Zelda raconta les derniers événements à la jeune femme.

"Je devrais être en train d'effectuer des recherches, mais je n'ose le laisser seul.
- Allez-y ! Je vais rester avec lui !
- J'ai peur qu'il ne te fasse pas un très bon accueil à son réveil ! Link n'a toujours pas accepté ton mariage.
- Je prends le risque. Il compte encore beaucoup pour moi et je veux le lui prouver.
- Dans ce cas, j'accepte ton offre. Je vais faire placer des gardes à la porte de sa chambre, par sécurité. Si les hommes de Tradan sont en fait des Hyliens, ils peuvent connaître le palais et y pénétrer. Je refuse de prendre le moindre risque. Je ne veux pas le perdre encore.
- Moi non plus", dit Iria en souriant.

La jeune femme connaissait les véritables sentiments de Zelda pour le Héros du Crépuscule, même si celle-ci avait toujours évité de les montrer, refusant de s'interposer dans un couple déjà formé. La nouvelle venue ne fut donc pas surprise par ses paroles qui étaient parfaitement justifiées par la peur de perdre encore l'être aimé. Cette crainte la ramena sept années en arrière.

Iria avait longtemps cru que Link serait celui qui deviendrait son époux. Après la disparition de celui-ci, elle avait parcouru le royaume à sa recherche, excluant l'hypothèse de sa mort. Un garde l'avait accompagnée dans ce périple. En fouillant le pays, ils avaient appris à s'apprécier et étaient restés en contact après leur retour. Leur relation avait alors commencé à évoluer.

Persuadée de tromper l'absent, Iria s'était confiée à Zelda. Lors de leurs discussions, la jeune femme s'était rendu compte que ses sentiments pour le soldat étaient différents de ceux qu'elle éprouvait pour son ami d'enfance. Dans son village, Link était le seul garçon de son âge et le fait de partager leurs jeux avait créé un lien particulier entre eux.

Elle avait réalisé que son affection pour Link n'était que fraternelle et qu'elle aimait vraiment Corentin. Ils s'étaient mariés un an auparavant. Aujourd'hui, elle ne regrettait pas son choix. Link le comprendrait le jour où lui aussi découvrirait le véritable amour.

Un souvenir lui revint en mémoire : la cérémonie par laquelle le Héros du Crépuscule était officiellement entré dans la Garde Rapprochée. Elle se rappela que ses joues s'étaient légèrement colorées au moment où Zelda avait accroché la Médaille du Courage sur sa tunique. Avait-il été troublé par ce geste ou par la personne qui l'avait accompli ?

La voix de la princesse la sortit de ses pensées.

"En cas de problème ou s'il se réveille, les soldats sauront où me trouver !"

Iria acquiesça et s'assit à côté du lit dans lequel dormait Link. Zelda sortit de la pièce, donna ses instructions aux gardes et se dirigea vers la bibliothèque du palais.

Dans sa chambre, le Héros du Crépuscule commença à s'agiter dans son sommeil.

Le jeune homme ouvrit les yeux. Il était couché à plat ventre sur le plancher d'une charrette, recouverte d'une bâche. Ses mains étaient attachées dans son dos et des liens l'empêchaient de bouger ses jambes. Les deux soldats, chargés de le surveiller, l'observaient, prêts à le bombarder de coups au moindre geste de sa part.

Soudain, le convoi s'immobilisa. Link porta son attention sur ce qu'il se passait à l'extérieur.

"Général Cadmeen, quelle joie de vous revoir !
- Épargnez-moi vos formules de politesse ! Le roi désire vous parler. Un de mes hommes va vous amener jusqu'à lui.
- Je dois d'abord livrer le "colis".
- Je m'en charge, mais ne craignez rien, notre souverain souhaite assister aux festivités. Nous ne commencerons pas sans vous."

Le Héros du Crépuscule entendit des pas s'éloigner. Puis une voix retentit.

"Faites-le descendre !"

Les hommes délièrent les pieds de Link et le soulevèrent. Ils le firent ensuite descendre du chariot et le posèrent sur ses jambes en le maintenant chacun par un bras. Cadmeen s'approcha du prisonnier.

"Viens avec moi, j'ai quelque chose à te montrer."

Le général s'avança. Les gardes forcèrent Link à le suivre jusqu'à une profonde crevasse. Le jeune homme regarda au fond. Ce qu'il vit le stupéfia : de nombreuses personnes, vêtues de la même façon que lui, sur un gigantesque chantier. Les travailleurs semblaient agir comme des automates. Link se tourna alors vers Cadmeen.

"Ce sont tes futurs compagnons d'infortune. Certains sont des Hyliens comme toi, mais la plupart sont nés ici. Tu te demandes sans doute pourquoi aucun d'entre eux ne cherche à s'enfuir, malgré l'absence de chaînes et de murs. Tu vas bientôt le comprendre !"

Le général se dirigea vers un petit sentier en pente douce conduisant vers la construction. Les soldats lui emboîtèrent le pas en entraînant le prisonnier qui se débattait. Lorsqu'ils furent arrivés en bas, Cadmeen demanda à un garde présent de lui amener un esclave. Ce dernier s'exécuta et alla chercher un des hommes qui oeuvrait à proximité.

Link profita de ce laps de temps pour observer les alentours. Il remarqua rapidement que l'ouvrage était bien organisé. Pendant que certains travailleurs extrayaient des morceaux de roches de la montagne, d'autres les apportaient aux tailleurs qui leur donnaient une forme rectangulaire.

Ensuite, les pierres étaient acheminées vers la bâtisse où elles prendraient leur place définitive. De grands récipients étaient éparpillés un peu partout. Un feu avait été allumé sous chacun d'eux. De la vapeur s'élevait des chaudrons et se répandait dans l'air, dégageant une forte odeur âcre.

Lorsque l'ouvrier amené par le soldat fut près de lui, Link eut un choc si violent qu'il faillit en tomber à la renverse : les yeux de l'esclave étaient immobiles et ternes. La princesse Zelda avait eu cette même expression le jour où Ganondorf lui avait infligé un châtiment devant les habitants d'Hyrule.

Pourtant, il avait senti la présence de Zelda derrière son regard sans vie. Le travailleur forcé, quant à lui, semblait absent, comme si son corps était une coquille vide. Le Héros du Crépuscule en frissonna. Autour de son cou, l'homme portait un pendentif sur lequel était accrochée une petite pierre rouge scintillante.

"Que leur avez-vous fait ?
- Tu le sauras bien assez tôt ! D'ici quelques jours, tu leur ressembleras !"

Les yeux de Link s'agrandirent. Ils voulaient le transformer en automate sans vie qui répondrait à leurs ordres sans réfléchir. Le jeune homme commença à tenter de se dégager des bras qui le maintenaient immobile. Avec le regain d'énergie que lui donna la peur du sort qu'on lui réservait, il réussit à se libérer de l'emprise des gardes et se mit à courir droit devant lui.

Il n'eut pas le temps d'aller bien loin avant d'être rattrapé par le général. Avec une facilité surprenante, le chevalier en armure le prit par le cou et le plaqua contre une des parois de la falaise. Les mains toujours attachées dans son dos, Link n'avait aucun moyen de se défendre.

"Je me serais fait un plaisir de t'arracher la langue pour t'apprendre l'obéissance, mais le roi a l'air de vouloir te garder en un seul morceau. Ce qui ne veut pas dire que je ne peux pas te faire regretter d'être né, si tu t'obstines à te rebeller."

L'attrapant par le col de son vêtement, Cadmeen le conduisit vers un bâtiment situé à l'écart. Il le fit entrer dans une sorte de grande pièce rectangulaire. L'endroit était silencieux malgré la présence de prisonniers enfermés dans différentes cellules. Link en compta quatorze dont douze étaient occupées. Les quatre qui se trouvaient au fond étaient séparées par une porte, ouverte sur un petit couloir sombre.

Link reconnut l'odeur âcre qui flottait autour de lui. C'était la même que celle qu'il avait sentie à l'extérieur, mais elle était plus forte et plus entêtante. Au milieu de la salle trônait un siège mobile équipé de sangles. Le général le lâcha et s'adressa aux deux gardes postés près de là.

"Installez-le pendant que je vais chercher le docteur !"

Ils s'approchèrent de Link qui avait commencé à reculer vers la porte située derrière lui. Ayant atteint celle-ci, il tenta de l'ouvrir avec ses mains liées. Le Héros du Crépuscule réussit à saisir la poignée, mais elle refusait de bouger. Arrivés à sa hauteur, les gardes l'agrippèrent chacun par un bras et le conduisirent vers le fauteuil.

Deux autres soldats, sans doute envoyés par leur chef, vinrent aider leurs collègues à attacher Link. Ce dernier se débattit violemment, mais ses efforts furent vains. Une fois le jeune homme immobilisé sur la chaise, ils firent pivoter celle-ci de manière à cacher la vue du couloir au captif.

Link ne dut pas attendre longtemps. Des bruits de pas résonnèrent et une femme apparut devant lui.

"Alors, c'est toi, le fameux Héros du Crépuscule ! Je suis le docteur Pelly, je suis là pour soigner ta blessure à l'épaule."

Elle s'approcha de lui et posa sa main sur le visage du prisonnier qui eut un mouvement de recul. Celui-ci planta son regard dans celui du médecin qui sourit.

"Tu as de très beaux yeux, dit-elle en faisant glisser ses doigts sur la joue du jeune homme qui ne put réprimer un frisson. Je regrette presque de devoir les éteindre."

Link tira de toutes ses forces sur les sangles qui le retenaient pour essayer de se dégager.

"Reste tranquille si tu ne veux pas que je te fasse mal !
- Ne me touchez pas, je vous l'interdis !
- Malheureusement pour toi, tu n'es pas en position de me défendre quoi que ce soit."

Après avoir remonté la manche de la tunique du jeune homme, elle retira le bandage qui recouvrait son épaule et observa la plaie.

"Cette blessure n'a pas été nettoyée correctement. C'est la meilleure façon de provoquer une grave infection."

Le médecin désinfecta la plaie et la sutura avant de la couvrir soigneusement.

"Dans combien de temps pourra-t-il travailler, demanda une voix qui semblait familière à Link.
- Dans deux semaines environ."

Le jeune homme tenta de se retourner pour voir qui venait de parler, mais il ne put l'apercevoir. Un bandeau fut placé sur ses yeux.

"Il est temps de rendre son fragment de Triforce inutile. Prenez ceci !"

Le Héros du Crépuscule n'eut pas le temps de s'interroger sur ce qu'il se passait. Une douleur intense lui traversa la main gauche de part en part.

Dans son lit, Link se redressa subitement. Cela faisait un moment qu'il s'agitait dans son sommeil. Sa pâleur et les gouttes de sueur qui perlaient sur son front en témoignaient. Iria s'approcha de lui et posa ses doigts sur son visage.

Sentant le contact sur sa peau, le jeune homme reprit ses esprits et se tourna vers la personne assise à ses côtés. Reconnaissant son amie, il retira son bras avec violence et se recoucha.

"Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je veillais sur ton sommeil !
- Va-t-en, lui dit-il en détournant la tête, je ne désire pas te voir !
- Link, je..., murmura-t-elle des sanglots dans la voix.
- Je ne veux pas entendre tes excuses ! Tu m'as trahi ! Tu n'es qu'une... Sors d'ici avant qu'il ne soit trop tard !"

Il la regarda, les yeux remplis de colère. Iria comprit qu'insister était inutile. Elle se leva et se dirigea vers la porte. Les larmes s'étaient mises à couler sur ses joues. Pourraient-ils un jour redevenir amis ?

Elle demanda à un des soldats de prévenir la princesse du réveil du Héros du Crépuscule et attendit son arrivée. Zelda remarqua directement que la jeune femme avait pleuré.

"Que s'est-il passé ?
- Il était agité dans son sommeil et s'est réveillé d'un seul coup, pâle et en sueur : probablement un mauvais rêve.
- Non, je veux savoir ce qu'il y a eu entre vous.
- Rien, il m'a juste demandé de sortir !
- Que t'a-t-il dit ?"

Iria ne répondit pas et éclata en sanglots. Corentin qui venait d'arriver voulut entrer dans la chambre pour défendre l'honneur de sa femme, mais Zelda l'en empêcha.

"Occupe-toi d'elle. C'est ton rôle d'époux. Je vais parler à Link."

Le soldat prit sa femme dans ses bras et l'emmena. La princesse pénétra dans la pièce, bien décidée à faire comprendre au jeune homme que son comportement vis-à-vis d'Iria était inacceptable. Sa colère disparut d'un coup quand elle le vit recroquevillé sur lui-même. Il tremblait...

Chapitre 9   up

Link s'était recroquevillé sur lui-même. Tournant le dos à la porte, celui-ci n'avait pas vu la princesse entrer. Lorsqu'elle lui toucha l'épaule pour lui signaler sa présence, il sursauta violemment.

"Calme-toi ! C'est moi, lui dit-elle. Un souvenir ?"

Il tourna la tête vers elle et acquiesça.

"Raconte-moi !"

Link fit ce que Zelda lui avait demandé. À la fin du récit, celle-ci parut troublée. S'en apercevant, le jeune homme l'interrogea.

"Quelque temps après ta disparition, j'ai eu une étrange impression : comme si ton fragment de Triforce perdait de sa puissance. Plus les heures passaient et moins je la ressentais. Au bout de plusieurs jours, c'était comme si ton fragment n'existait plus. Je suis allée consulter plusieurs savants. Personne n'a pu m'expliquer le phénomène, alors je me suis mise à lire des livres sur ce sujet.
- As-tu trouvé une réponse ?
- Non, après plusieurs mois, je me suis mise à croire que tu avais disparu pour de bon. Au bout d'un an, j'ai perçu de nouveau ta présence, très faible, pendant quelques jours, puis plus rien. Cela s'est reproduit l'année suivante et celles d'après. J'en ai parlé autour de moi, mais on m'a fait comprendre que tu étais mort et que mon envie de te revoir me provoquait des hallucinations. Comme celles-ci se produisaient toujours à la même période, celle des cérémonies du souvenir, j'en ai conclu qu'ils avaient raison. Plus le temps passait et plus cette sensation diminuait.
- Tu penses que cela a un rapport avec ce qu'ils ont fait à mon fragment ?
- C'est possible. Il y a quelques jours, le phénomène s'est renouvelé, avec un peu plus d'intensité que les autres fois, comme si tu te rapprochais.
- Sans doute dû au fait que je suis revenu.
- Oui, lorsque j'ai reçu la lettre de Moï, j'ai su qu'il s'agissait de toi. Le message de Reynald n'a fait que confirmer mes soupçons. Ce que je ne comprenais pas, c'est pourquoi ce signal était si faible. J'ai ma réponse maintenant. Je pense que nous comprendrons bien des choses quand ta mémoire sera revenue. Donne-moi ta main, je voudrais vérifier quelque chose."

Link lui tendit la main. Zelda se concentra. Plusieurs minutes s'écoulèrent dans un silence complet.

"Ton fragment s'affaiblit de plus en plus. D'après ce que tu m'as dit et les sensations que j'éprouve, tu es sous l'emprise d'un pouvoir qui étouffe la Triforce. Si tu ne réagis pas, tu pourrais la perdre. C'est le même principe que lorsque tu as été transformé en loup par Xanto. Un seul objet pouvait t'en libérer...
- L'Épée de Légende...
- Ce n'est qu'une hypothèse ! Mais c'est peut-être la solution. Il y a juste un petit problème.
- Lequel ?
- En temps de paix, l'accès à la Clairière est verrouillé.
- Y a-t-il une autre solution ?
- Pas à ma connaissance !
- Que se passera-t-il si on ne fait rien ?"

La princesse ne répondit pas, mais son regard était explicite.

"Je me rendrai à l'Ancien Sanctuaire, dès demain matin.
- Je vais nommer une patrouille pour t'accompagner !
- Ce n'est pas nécessaire !
- Je ne te donne pas le choix. Si tu avais été accompagné par quelques soldats, il y a sept ans, nous ne serions pas dans cette situation."

Link observa Zelda et se rendit compte que celle-ci se reprochait ce qu'il lui était arrivé.

"Tu n'es pas responsable", lui murmura-t-il doucement.

La princesse se leva sans un mot, ouvrit la porte et demanda aux gardes de ramener le médecin.

"C'est parfaitement inutile, il m'a déjà examiné.
- Je veux qu'il te donne quelque chose pour que tu puisses dormir et te reposer. Tu es épuisé, cela se voit.
- Je refuse de prendre un somnifère !
- Tu le feras ! C'est un ordre !"

Lorsque le médecin entra, le jeune homme s'était enfermé dans le silence.

"Avez-vous pu découvrir quelque chose au sujet de la pierre ?
- Malheureusement, non, j'aurais besoin du produit pour pouvoir élaborer un traitement. Puis-je savoir pourquoi vous m'avez fait venir ?
- Je pense que Link ne pourra pas se reposer tant qu'il continuera à revivre ses souvenirs pendant son sommeil !"

Le médecin s'approcha du jeune homme, s'assit sur le lit et l'examina.

"Vous avez dormi ?
- Oui, plusieurs heures.
- À vous voir, on ne dirait pas. Prenez ceci, dit-il en sortant une pilule de son sac !
- Je ne veux pas...
- Fais ce qu'on te demande si tu veux que je te laisse partir demain matin", dit Zelda en lui tendant un verre d'eau.

Vaincu, Link avala le médicament. Quand il fut endormi, elle interrogea le docteur.

"Vous êtes sûr qu'il ne sera pas réveillé par ses souvenirs ?
- Non, pas cette fois. Il devrait se reposer."

Soulagée, la princesse sortit de la chambre, suivie par le docteur. Dans le couloir, Iria et Corentin l'attendaient.

"S'est-il excusé ? demanda le jeune homme.
- Non, mais je ne lui ai pas encore fait de reproches. Pour l'instant, nous devons trouver un moyen de lui sauver la vie. Nous parlerons de son comportement plus tard.
- Vous ne savez pas ce qu'il a osé lui dire !
- Il est en tort. Nous sommes d'accord sur ce point, mais il y a plus urgent. Pourriez-vous réunir une escorte afin de l'accompagner demain matin à l'Ancien Sanctuaire ?
- Bien sûr, mais dans quel but ?
- Il doit récupérer un objet d'une grande importance.
- L'Épée de Légende, intervint Iria. La seule arme capable de vaincre le Mal.
- C'est cela, puis-je compter sur vous, Corentin ? Je dois encore trouver quelqu'un pour le veiller cette nuit. Même si son sommeil est artificiel, je n'ose toujours pas le laisser seul.
- Laissez-moi m'en charger, demanda Iria.
- Tu veux encore t'occuper de lui, après ce qu'il t'a dit ? interrogea Corentin.
- Link souffre par ma faute. De plus, il dort et ne se rendra pas compte de ma présence. Je partirai avant son réveil.
- D'accord, je viendrai te remplacer demain matin, à la première heure."

Iria entra dans la chambre.

"Je suivrai vos ordres et l'accompagnerai, ajouta le soldat, mais je ne le laisserai plus insulter ma femme.
- Je lui parlerai avant votre départ. Il sera plus calme demain matin, soyez tranquille !"

Corentin partit pour réunir la patrouille qui devrait escorter le Héros du Crépuscule. La princesse regagna la bibliothèque pour continuer ses recherches.

Le lendemain, lorsque Zelda entra dans la chambre de Link, elle le trouva fin prêt.

"Tu veux partir tout de suite ?
- L'Ancien Sanctuaire n'est pas tout près et tu l'as dit toi-même, ma Triforce s'affaiblit de minute en minute. Sans oublier leur produit qui coule encore dans mes veines.
- Je comprends ! Ton escorte est prête ! Corentin t'attend avec ses hommes !"

Link se figea et leva la tête vers Zelda.

"Pourquoi lui ?
- Parce que je lui fais confiance ! À ce propos, je dois te parler !
- Si tu es venue pour prendre la défense d'Iria, tu perds ton temps !
- Sais-tu qu'elle t'a veillé toute la nuit, se privant de sommeil ?
- Non, je l'ignorais. Quand je me suis réveillé, la chambre était vide.
- Elle a dû partir un peu avant ton réveil, car elle sait que tu ne lui as toujours pas pardonné. Elle t'aime, mais pas de la façon dont tu le souhaiterais. Je n'ai qu'une demande à te faire : surveille tes paroles devant Corentin !"

Trois coups retentirent sur la porte qui s'ouvrit sur Vernarte.

"Vous m'avez fait demandé, Votre Altesse ?
- Oui, général, je voulais vous avertir que j'allais envoyer Corentin en mission avec le Héros du Crépuscule !"

En entendant ces deniers mots, Vernarte se releva et aperçut Link aux côtés de la princesse. La stupéfaction se lisait sur son visage. Il leva les yeux vers Zelda qui lui souriait.

"Je voulais vous faire la surprise, car je sais que vous aviez été affecté par l'annonce de sa mort.
- Merci, Votre Altesse. Je suis touché par cette attention. Je suis heureux de te savoir en vie, ajouta-t-il en s'adressant à Link, guettant ses réactions.
- Moi aussi, je suis content de vous revoir. Comment se porte votre famille ?
- À merveille ! Puis-je savoir où vous devez vous rendre ?
- Je dois me rendre au Temple du Temps pour y récupérer un objet.
- Entendu, je vais aller inspecter les troupes choisies par Corentin et leur donner quelques instructions. Veuillez m'excuser !"

Il sortit précipitamment, après avoir jeté un regard méfiant à Link. Celui-ci le regarda quitter la pièce, surpris.

"Que lui arrive-t-il ? Il n'a pas l'air très heureux de me revoir !
- C'est l'émotion ! Ta disparition l'a beaucoup ému !
- Son comportement est étrange ! N'oublie pas qu'il a essayé de me tuer à plusieurs reprises !
- C'est de l'histoire ancienne. Il s'est remis de son incarcération.
- Je vois que tu l'as nommé général ?
- Oui, il s'est beaucoup impliqué dans les affaires du royaume et a été un véritable soutien pour moi. Je lui fais entièrement confiance."

Soudain, le Héros du Crépuscule se figea.

"L'homme qui m'a vendu portait les armes d'Hyrule. Se pourrait-il que...
- Non, il a prouvé son allégeance au royaume.
- Je me méfie de lui.
- Tu as changé...
- C'est possible ! Je dois y aller à présent, dit-il.
- Sois prudent !"

Le Héros du Crépuscule quitta la chambre et sortit. Devant le palais, Corentin l'attendait avec une dizaine de soldats. Le jeune homme monta sur le cheval qui avait été préparé pour lui. Puis, ils prirent la direction de la porte est et se dirigèrent vers l'Ancien Sanctuaire.

Ils n'avaient parcouru que quelques mètres lorsqu'ils aperçurent un groupe de chevaliers foncer vers eux à vive allure. Corentin sépara sa troupe en deux parties.

"Link, pars devant avec quelques hommes, nous nous chargeons de les retenir et nous vous rejoindrons dès que possible.
- Mais...
- Ne discute pas, pour une fois ! C'est un ordre exprès du général Vernarte. Ne t'arrête sous aucun prétexte, ton unique mission est d'atteindre le Sanctuaire. Laisse-nous nous occuper du reste !"

Link accéléra l'allure, laissant Corentin et la moitié de la troupe aux prises avec les gardes de Tradan. Il se retourna à de nombreuses reprises, mais aucun d'entre eux n'avait essayé de les rattraper. Ils empruntèrent le passage menant à la plaine suivante et perdirent les combattants de vue.

Mais là aussi, des cavaliers les attendaient. Les gardes qui l'accompagnaient se lancèrent à l'assaut des nouveaux ennemis, pendant que Link continuait son chemin vers la forêt, toute proche. Ce dernier regardait fréquemment en arrière, craignant d'être poursuivi, mais ce ne fut pas le cas. Le jeune homme se demanda pourquoi ses adversaires combattaient les soldats d'Hyrule, alors qu'il se trouvait désormais à leur portée.

Le Héros du Crépuscule ralentit l'allure : galoper dans les bois pouvait s'avérer dangereux. Il arriva rapidement en vue des ruines du Temple du Temps. Comme la princesse l'avait mentionné, l'accès à la Clairière était fermé par une porte en pierre. Link descendit de cheval, s'en approcha et posa la main dessus, espérant que son fragment de Triforce lui permette d'entrer dans le lieu sacré. Mais rien ne se produisit.

Il entendit soudain un rire et se retourna. Devant lui se tenait une dizaine de cavaliers vêtus d'armures sombres et coiffés de casques leur cachant le visage. Le jeune homme reconnut l'un d'eux comme étant le Général Cadmeen.

"Comme on se retrouve ! J'avais bien dit à tes amis que tu ne nous échapperais pas.
- Comment m'avez-vous retrouvé ?
- Nous savions que tu viendrais rechercher ton arme fétiche ! Rends-toi ! Nous sommes nombreux et tu es seul !
- Si vous me voulez, il va falloir venir me chercher !
- Tu prends des risques inutiles. Chacun des hommes, ici présents, a de très bonnes raisons de vouloir ta mort."

Puis il s'adressa aux chevaliers.

"Enlevez vos heaumes pour qu'il sache à qui il a affaire ! Vous ne risquez rien ! Ses protecteurs sont occupés ailleurs !
- Comment sais-tu ça ?
- Qu'est-ce que tu crois ? Nous t'avons vu quitter la citadelle avec ton escorte et j'ai envoyé mes hommes pour qu'ils occupent tes petits camarades, sachant très bien où tu te rendais..."

Chacun d'eux retira son casque et Link les reconnut aussitôt : les complices de Ganondorf, ceux qui avaient été arrêtés avant sa disparition. Il dégaina sa lame, prêt à en découdre avec eux.

Le combat s'engagea, mais le Héros du Crépuscule était seul face à un grand nombre d'adversaires. Les cavaliers attaquaient de toutes parts et le jeune homme avait bien du mal à dévier les coups qui lui étaient portés.

"Je te croyais plus fort que ça !
- Tu n'as pas encore gagné, répondit Link en bloquant l'épée d'un de ses adversaires.
- Pourtant, tu as l'air d'avoir des difficultés ! Manquerais-tu d'entrainement ?"

Soudain, un des soldats réussit à lui faire lâcher son arme et la ramassa. Link recula et alla s'adosser à la porte de la clairière. Aucune solution ne se présentait à lui. Il voulut prendre son arc, mais celui-ci lui fut arraché des mains. Le jeune homme se laissa tomber par terre.

"Remettez-le sur ses pieds et attachez-le", ordonna Cadmeen.

Les gardes relevèrent Link et lui lièrent les poignets dans le dos. Puis ils l'amenèrent devant le général. Celui-ci sortit une chaînette avec une pierre rouge et la lui passa.

"Avec ça, tu vas devenir beaucoup plus coopératif", lui dit-il.

Link tenta vainement de se débattre, mais au moment où le caillou entra en contact avec sa peau, il sentit de nouveau la douleur envahir son corps. Les soldats le lâchèrent et le Héros du Crépuscule s'écroula sur le sol.

Chapitre 10   up

Le Héros du Crépuscule s'attendait à être emmené par les soldats quand un son familier se fit entendre : un air de musique joué par une flûte. Devant lui se trouvait Skull Kid, ce petit être des bois qui l'avait guidé vers l'Épée de Légende lorsqu'il était venu la chercher sous sa forme de loup. Celui-ci le fixa de ses yeux ronds, puis reporta son attention sur les gardes qui entouraient le jeune homme.

Couché sur le sol, le corps secoué par la souffrance, Link observa Skull Kid qui lui adressa un clin d'oeil avant de souffler dans son instrument. Plusieurs pantins apparurent et attaquèrent les ennemis de tous les côtés. Décontenancés par une offensive qu'ils n'avaient pas prévue, les anciens complices de Ganondorf se mirent à courir en direction de la forêt, poursuivis par leurs assaillants. Seul, le général n'avait pas bougé et utilisait la lame qu'il avait prise à Link pour se défendre.

"Revenez, bande de froussards", hurla Cadmeen.

Mais plus le chef de l'armée de Tradan se démenait, plus ses adversaires devenaient agressifs. Chaque fois qu'il parvenait à se débarrasser de l'un d'entre eux, d'autres arrivaient pour le remplacer, ce qui le poussa à rejoindre ses hommes. Le petit être des bois se retourna vers Link, toujours couché sur le sol et souffla de nouveau dans sa flûte, faisant disparaître la porte qui menait au Sanctuaire du Temps. Une voix se mit à résonner.

"L'Épée... Le temps presse..."

Le Héros du Crépuscule chercha Skull Kid des yeux, mais celui-ci avait déjà disparu. Malgré sa fatigue et la douleur toujours présente, Link tenta de se relever. Une fois debout, il se dirigea vers l'entrée de la clairière en marchant avec difficulté. L'Épée de Légende était bien là ! À l'endroit exact où elle avait été plantée, sept ans auparavant.

Le jeune homme avança lentement. Avait-elle le pouvoir de réveiller son fragment ? Il repensa à sa conversation avec la princesse. Le regard de celle-ci ne lui avait laissé que peu d'espoirs concernant sa vie si l'arme n'était pas en mesure de libérer la Triforce du Courage.

Inquiet, Link se tourna et approcha ses poignets attachés de la lame avec précaution. Il comptait couper les cordes avec, mais ses doigts touchèrent le manche. Juste à ce moment, un éclair l'aveugla et tout devint noir autour de lui.

Peu à peu, la lumière revint. Le Héros du Crépuscule se trouvait dans une pièce circulaire. Il était couché sur un lit d'enfant, les pieds et les poings entravés. Le captif tenta de se dégager en tirant sur les liens qui lui maintenaient les mains dans le dos, mais ses mouvements étaient limités.

Le jeune homme observa ce qui l'entourait et vit une table placée au milieu de la chambre. La maison semblait avoir été construite dans un arbre, comme la sienne. Link s'aperçut rapidement qu'il n'était pas seul. Un soldat hylien était assis sur une chaise près de la porte d'entrée et le fixait, un sourire sur le visage.

"Te voilà enfin réveillé !
- Vernarte... Détache-moi !
- Après m'être donné autant de mal pour te ramener ici ?
- Que veux-tu ?
- Ma vengeance !
- Mais je croyais que le problème était réglé !
- J'ai menti. Lorsque je suis entré dans le bureau de la princesse et que je t'ai vu à ses côtés, j'ai su que tu me proposerais ta vie, mais je savais également que Zelda ne te laisserait pas faire. Elle est amoureuse de toi. Tout le monde le sait. Sauf l'idiot que j'ai devant moi !
- Tu dis n'importe quoi !
- Crois-tu ? Donc, j'ai fait semblant d'entrer dans votre jeu à tous les deux, afin de gagner du temps pour préparer ma revanche.
- Que comptes-tu faire de moi ?
- Tu le sauras bien assez tôt, mais sache que si j'avais voulu te tuer, tu serais déjà mort.
- Tu ne t'en sortiras pas comme ça. Mes amis vont me chercher...
- Oui, c'est évident, mais ils ne te trouveront pas. As-tu la moindre idée de l'endroit où tu es ?"

Link jeta un coup d'oeil circulaire autour de lui et secoua la tête.

"Nous sommes dans la maison où ton ami, le Héros du Temps, a grandi.
- Mon ami ?
- Ne joue pas à ça avec moi, je sais que tu as voyagé dans le passé et que tu l'as rencontré. Je sais également qu'il t'a aidé à vaincre Ganondorf. Ils ne penseront pas à venir visiter cet endroit avant plusieurs jours et d'ici là, tu seras loin."

Soudain, on entendit des appels :

"LINK... LINK.."

Le jeune homme voulut répondre, mais une main se plaqua sur sa bouche, l'empêchant de bouger la tête.

"Tais-toi et ne fais pas un geste ! Si l'un d'eux s'approche, je lui envoie une flèche dans la tête", dit-il en prenant son arbalète.

Link se calma aussitôt. Les cris se firent entendre plusieurs fois, puis le silence revint. Vernarte relâcha son captif.

"Je vais te laisser seul quelques heures, car je dois régler les derniers préparatifs de ton départ. Tu quittes le pays pour ne jamais y revenir.
- Tu ne parviendras pas à me faire sortir du royaume ! Les frontières sont surveillées et tu le sais.
- Oui, mais tu oublies que je suis un commandant de l'armée d'Hyrule. Les soldats me laisseront passer sans difficulté. Pour en revenir au présent, je suis dans l'obligation de te bâillonner si je ne veux pas que tu ameutes toute la forêt. Laisse-toi faire !"

Le chef de section prit un morceau de tissu et l'approcha du visage de Link. Celui-ci détourna la tête, mais Vernarte réussit à le lui mettre dans la bouche et à l'attacher. Ensuite, il vérifia la solidité des liens et s'assura que le jeune homme ne pouvait pas bouger.

"Reste tranquille et tout ira bien pour toi !"

Vernarte tourna le dos à son captif et sortit. Le Héros du Crépuscule espérait que quelqu'un explorerait les environs et le trouverait. Il se rappela son arrivée à Toal, la veille. Après le départ d'Iria, des bruits de pas avaient résonné dans la maison.

Pensant que son amie avait oublié quelque chose, Link ne s'était pas retourné. Il avait rassemblé son courage afin de faire sa déclaration à celle qui faisait battre son coeur, mais s'était alors retrouvé face au commandant. Celui-ci s'était moqué de lui et avait envoyé une fléchette empoisonnée qui était venue s'accrocher dans son cou.

Après plusieurs minutes, pendant lesquelles le jeune homme s'était demandé pourquoi Vernarte s'en prenait à lui après avoir affirmé avoir changé, le produit présent sur le projectile avait commencé à l'engourdir. Il se souvint avoir ressenti une douleur à l'épaule au moment où ses jambes avaient lâché.

Link baissa les yeux et remarqua une tache de sang sur sa chemise. Cela voulait certainement dire que la plaie s'était rouverte. Il tenta de se positionner de façon confortable. C'est à ce moment, que les appels se firent de nouveau entendre.

"LINK... LINK..."

Ses amis approchaient. Le Héros du Crépuscule devait trouver un moyen de faire suffisamment de bruit pour attirer leur attention. Il se mit à s'agiter sur le lit, cherchant à tomber sur le plancher. Dehors, les cris résonnaient encore.

Au bout d'un moment, Link avait réussi à atteindre le bord et le poids de son corps avait provoqué sa chute, mais ne parvint pas à se rattraper correctement. Son épaule blessée fut la première à toucher le sol, ce qui lui déclencha une forte douleur. Il n'en tint pas compte, espérant que le vacarme n'était pas passé inaperçu.

Le jeune homme tendit l'oreille, mais n'entendit plus rien. Même les appels avaient cessé. Après deux heures d'attente, Vernarte réapparut, accompagné de deux gardes en armure sombre. Lorsqu'il vit le Héros du Crépuscule étalé par terre, son sourire s'élargit.

"Qu'as-tu essayé de faire ? T'échapper ?"

Le commandant fit signe aux deux soldats l'accompagnant. Ceux-ci relevèrent le captif, après lui avoir délié les pieds. Le chef de section observa le jeune homme et remarqua que la tache sur sa tunique s'était agrandie. Il se mit à rire.

"Bravo, tu as réussi à te blesser. Nous n'avons pas temps de nous occuper de ça maintenant ! C'est l'heure du départ. Tu devrais faire tes adieux à ta chère forêt, car tu ne la reverras jamais !"

Les deux soldats attrapèrent Link par les bras et l'emmenèrent à l'extérieur. L'un d'eux le porta sur son épaule pour descendre l'échelle qui menait à la maison du Héros du Temps, perchée en haut d'un arbre. Ensuite, ils le déposèrent au fond d'un chariot bâché et s'installèrent à ses côtés pendant que Vernarte se plaçait devant, pour conduire les chevaux.

Le voyage commença. Un des gardes s'occupa de soigner la plaie de Link au début du trajet. Ils roulaient depuis plusieurs heures, quand Vernarte arrêta le convoi.

"Empêchez-le de faire du bruit ! Voilà sa petite amie, la princesse et leur chevalier servant."

L'un d'eux plaqua sa main sur la bouche de Link pour étouffer les bruits qu'il aurait pu produire malgré le bâillon. L'autre lui maintint les bras et les jambes pour l'empêcher de bouger. En entendant la voix de la princesse, le captif leva les yeux dans sa direction et la vit en compagnie d'Iria, par un trou de la bâche. Elles étaient descendues de cheval et discutaient avec l'homme qui le détenait.

"Je sais que vous êtes en congé, commandant ! Mais un événement grave s'est produit. Nous sommes sans nouvelles du Héros du Crépuscule depuis hier soir. L'auriez-vous vu ?
- Non, Votre Altesse, je m'apprêtais à aller chercher ma femme et mes enfants pour les ramener ici. Je vous promets de vous le ramener si, par hasard, je venais à le rencontrer."

Link observa son amie. Celle-ci s'était mise à pleurer. C'est alors qu'il vit le cavalier qui les accompagnait descendre de sa monture et venir prendre Iria dans ses bras pour la consoler. Cet événement n'échappa pas à Vernarte, qui avait également remarqué la réaction du jeune homme.

Le commandant claqua les rênes pour faire avancer les chevaux. Une fois qu'ils furent assez loin pour ne pas être entendu, les gardes relâchèrent leur pression sur le captif.

"On dirait que ta petite amie t'a déjà remplacé", dit Vernarte en s'adressant à Link.

Celui-ci baissa la tête. Il ne devait pas écouter les paroles de son ennemi, mais continuer à avoir confiance en elle.

Les heures s'écoulèrent. Au moindre de ses mouvements, Link recevait des coups de pied de la part des deux soldats chargés de le surveiller. Il se mit donc à observer ce qui se passait autour de lui, cherchant à savoir où ses agresseurs l'emmenaient.

"Que fait-il, interrogea soudain Vernarte.
- Il doit chercher à savoir où on l'emmène.
- Dans ce cas, vous savez quoi faire", répondit le commandant.

Les gardes s'approchèrent de Link qui se recula instinctivement. L'un des deux lui appliqua un bandeau sur les yeux pendant que l'autre le maintenait au sol. Le jeune homme se retrouva dans le noir complet. Il resta alors aussi immobile que possible, se concentrant sur les différents sons de l'extérieur.

Mais aucun bruit ne lui sembla en mesure de lui apprendre quelque chose sur l'endroit où il se trouvait. Soudain, il entendit une voix.

"Halte-là ! Qui êtes-vous et que voulez-vous ? Vous n'êtes pas autorisés à passer !
- Je suis le commandant Vernarte ! Je suis en mission pour Son Altesse, la princesse d'Hyrule. J'ai ici un document qui me permet de me rendre dans cette direction."

Les deux soldats qui surveillaient le jeune homme s'assurèrent qu'il ne ferait aucun bruit. Ils l'immobilisèrent et l'un d'eux lui plaqua la main sur la bouche. Link réfléchit : un seul endroit était interdit aux habitants du royaume, le désert Gerudo. Après quelques minutes, le dialogue reprit.

"Vos documents sont en règle. Que transportez-vous ?
- Rien !"

Le silence se fit. Link espérait que le soldat demanderait à voir le contenu du chariot. Il s'agissait de sa dernière chance d'être secouru. Une fois qu'ils seraient dans le désert, plus personne ne pourrait lui venir en aide. Le garde fit le tour du véhicule, mais ne regarda pas à l'intérieur.

"Vous n'êtes pas équipés pour rouler dans le sable, vous n'irez pas très loin.
- Notre destination est toute proche, ne vous inquiétez pas.
- Bien, circulez !"

Le convoi se remit en marche et les derniers espoirs de Link s'effondrèrent. Le voyage se poursuivit. Le jeune homme ne pouvait dire depuis combien de temps durait le trajet, mais savait qu'ils avaient pénétré dans le désert, car les chevaux avaient ralenti la cadence et les bruits des sabots étaient étouffés par le sable.

Soudain, la charrette s'immobilisa. Vernarte avait quitté sa place et était venu s'asseoir à côté de Link. Il lui enleva son bâillon.

"Ici, tu peux crier tant que tu veux, personne ne t'entendra. Un conseil : garde ton souffle, tu vas en avoir besoin."

Il se tourna vers ses deux hommes.

"Préparez les chevaux ! Nous partons immédiatement. Nous devons arriver sur le lieu du rendez-vous cette nuit.
- Où m'emmènes-tu ?
- Si je te le dis maintenant, ce ne sera plus une surprise !"

Vernarte l'attrapa par son vêtement pour le mettre debout. Il le fit descendre du chariot puis lui passa une corde autour de la taille.

"Que comptes-tu faire, demanda Link.
- Continuer notre route. Tu sais marcher, il me semble !
- Marcher ? Mais je ne vois rien.
- La corde te guidera ! En route, nous avons perdu assez de temps."

Quand les chevaux commencèrent à avancer, la corde se tendit et Link n'eut d'autres choix que de suivre, sans savoir où il mettait les pieds. La chaleur suffocante du désert se fit bientôt sentir et le Héros du Crépuscule se rendit compte qu'il n'avait consommé ni nourriture ni boisson depuis un moment. Sa bouche s'était asséchée et son souffle se faisait court. Ses pas devenaient mal assurés.

Après plusieurs heures de marche, la lumière déclina et le froid nocturne fit son apparition. Soudain, Link buta contre une pierre et chuta. Vernarte se retourna.

"Relève-toi !
- Donnez-moi à boire, s'il vous plait, demanda-t-il.
- Tu auras de l'eau lorsque nous arriverons."

Le jeune homme s'exécuta et le voyage reprit. Au bout d'une heure de trajet, Vernarte s'arrêta et descendit de cheval.

"Nous y sommes !"

Le commandant s'approcha de Link, le prit par le bras et l'emmena vers une grotte. Il le fit entrer et le conduisit au fond. Pendant que le chef de section le maintenait par le col de sa chemise, un des deux gardes coupa la corde qui liait ses mains.

Le Héros du Crépuscule voulut aussitôt retirer le bandeau placé sur ses yeux, mais il n'en eut pas le temps. Les hommes s'emparèrent chacun d'une de ses mains et enserrèrent ses poignets dans des bracelets retenus au mur par des chaînes. Ensuite, Vernarte lui donna de l'eau fraîche.

Au bout de plusieurs minutes, il sombra dans l'inconscience.

Chapitre 11   up

C'est dans cette grotte que le Héros du Crépuscule apprit le sort que lui réservait Vernarte. Ce dernier comptait le vendre. Le futur acheteur, dont le nom était Cadmeen, était venu l'examiner avant de discuter des termes du contrat.

Une fois tombés d'accord, Vernarte et son client étaient revenus voir Link. Celui-ci avait dû revêtir l'uniforme porté par les esclaves au royaume de Tradan, le pays où le commandant devait l'emmener. Il avait également été marqué derrière l'oreille d'un tatouage symbolisant son nouveau statut.

Après le départ des deux hommes, Link fut laissé seul. Il se mit à tirer de toutes ses forces sur ses bras pour essayer de faire bouger les chaînes, mais celles-ci étaient bien ancrées dans la roche.

Au bout d'une heure, il entendit les bruits de pas de deux soldats qui se rapprochaient de lui. Après avoir libéré ses poignets, ils le plaquèrent au sol avec violence et lui attachèrent les mains dans le dos.

"Toute tentative de fuite est vouée à l'échec et tu en subiras les conséquences. Alors, réfléchis bien avant de faire quoi que ce soit de stupide."

Les soldats le relevèrent et l'emmenèrent à l'extérieur. Ils le firent monter dans un chariot et l'obligèrent à se coucher avant d'immobiliser ses jambes. Ensuite, il y eut encore de longues heures de trajet jusqu'à la frontière du royaume de Tradan. Le garde prit la peine de vérifier le contenu du convoi et laissa passer le chargement après avoir vu la marque derrière l'oreille de Link.

À ce moment, Vernarte confia le guidage des chevaux à un des hommes et vint s'asseoir près de son prisonnier. Il retira le bandeau que le captif avait sur les yeux et lui adressa un sourire cruel.

"Nous y sommes presque ! Maintenant que je sais que tu ne pourras plus t'échapper, je vais te faire un aveu : je ne pensais pas y arriver avec autant de facilité.
- Tu n'as pas encore gagné !
- Oh que si ! Tu es ici dans le royaume de Tradan. Tu n'en sortiras jamais ! Tes vêtements sont ceux des esclaves. Même si tu parvenais à fuir, tu n'irais pas loin, habillé de la sorte.
- Tu me le payeras !
- Ne fais pas de promesse que tu ne pourras pas tenir ! Lorsque tu seras hors d'état de nuire et tu le seras bientôt, je m'occuperai de consoler Zelda, ainsi que ta petite amie. J'ai l'intention de prendre le pouvoir en Hyrule. Ça prendra le temps qu'il faudra, mais je monterai les échelons jusqu'à obtenir la confiance totale de la princesse. Elle ne s'attendra donc pas au coup que je lui porterai."

Link se mit à s'agiter.

"Je ne te laisserai pas faire !
- Et que comptes-tu faire pour m'en empêcher ?"

Le commandant partit d'un éclat de rire et regarda le jeune homme tenter de se défaire de ses liens. Incapable de se dégager, ce dernier commençait à se rendre compte que ses chances d'échapper au sort qui l'attendait étaient minces. Il connaissait les véritables intentions de son ennemi, mais n'était pas en mesure d'avertir ses amis du danger qui les menaçait.

"Te démener ne te servira à rien, je te l'ai dit. Ici, tu n'as plus rien ; ici, tu n'es plus rien ! Tu ferais bien mieux d'accepter ta défaite ! Te rebeller ne t'attirera que des ennuis !"

Vernarte avait ensuite repris sa place devant le chariot laissant Link sous la surveillance des deux soldats. Après plusieurs heures de trajet pendant lesquelles le jeune homme put s'assoupir, les chevaux s'immobilisèrent et le commandant en descendit. Après sa discussion avec Cadmeen, il emboita les pas du garde qui le conduisit près du roi.

Link fut emmené par le général vers un chantier de construction. C'est à ce moment-là que le Héros du Crépuscule découvrit ce que ses ennemis comptaient faire de lui : un esclave sans volonté, corvéable à merci. Il avait tenté une évasion avec l'énergie du désespoir, mais n'avait pu aller bien loin.

Après l'avoir introduit dans une sorte de prison, Link avait été attaché à un siège et avait reçu quelques soins de la part d'une doctoresse. Il avait alors entendu une voix familière, mais un bandeau placé devant ses yeux l'avait empêché de voir celui qui avait parlé. Une douleur intense avait succédé à ce geste et l'avait fait sombrer dans l'inconscience.

À son réveil, il était enfermé dans une des cellules et ressentait encore des picotements dans sa main. Ses forces semblaient l'avoir quitté. Le Héros du Crépuscule s'aperçut rapidement que la marque de la Triforce avait perdu de son éclat. Un rire retentit derrière lui. C'était Vernarte qui le regardait, un sourire cruel sur le visage.

"Ton fragment sera bientôt incapable de te protéger. Regarde, dit-il en désignant sa main, il commence déjà à perdre sa puissance. Bientôt, tu deviendras un automate semblable à ceux que tu as vus dehors."

Link se releva d'un bond et passa ses bras entre les barreaux afin d'atteindre son ennemi, mais celui-ci s'était reculé.

"Bien essayé, mais tu ne peux plus rien contre moi ! Et quand j'aurai acquis la confiance de Zelda, je lui réserve le même sort qu'à toi. Je te tiendrai au courant de mes progrès. C'est une clause que j'ai fait ajouter au contrat, en compensation du faible prix que je demandais : la possibilité de te sortir de ton état comateux pour te faire part des nouvelles d'Hyrule...
- Tu n'es qu'un...
- Un quoi ?
- Un traître ! Finalement, tu méritais amplement ta place dans les prisons du palais.
- Peut-être bien, mais pour le moment, c'est toi qui es enfermé et tu ne retrouveras jamais ta liberté."

Vernarte commença à s'éloigner, mais revint rapidement sur ses pas.

"Une dernière chose : veux-tu savoir à quel prix, je t'ai cédé ?"

Link ne répondit pas !

"J'imagine que tu ne t'es jamais renseigné sur le prix d'un esclave. Dix mille rubis sont nécessaires pour acquérir un homme de peu d'importance. Tu peux doubler le prix lorsqu'il s'agit de quelqu'un comme toi. Moi, je me suis contenté de cinq cents, car rien que le fait de te savoir ici vaut le triple de la somme que j'aurais pu gagner !"

Link se laissa tomber sur le sol et regarda son ennemi s'éloigner. Vernarte était désormais le seul à savoir où il se trouvait et personne à Hyrule n'imaginerait que le capitaine était responsable de sa disparition.

Se sentant observé, le jeune homme tourna la tête. Il vit une ombre dans la cellule à côté de la sienne qui le fixait.

"Cet homme semble te haïr.
- Le mot est faible, répondit Link.
- Que lui as-tu fait ?
- C'est une très longue histoire et je ne vois pas en quoi elle pourrait t'intéresser.
- J'en sais beaucoup plus sur toi que tu ne le crois, Link, Héros du Crépuscule !"

Le jeune homme regarda son compagnon de cellule de façon plus approfondie. Celui-ci avait les oreilles pointues, caractéristique de la race hylienne. Ses cheveux blonds encadraient un visage fin, éclairé par deux yeux verts. Il portait la même tenue que Link.

"Comment connais-tu mon nom ?
- Je viens d'Hyrule, comme toi ! Mon nom est Roven. J'ai quitté le royaume juste avant que les ténèbres ne s'abattent sur le pays pour vivre avec celle qui est devenue ma femme et qui vivait ici. J'ai entendu parler de tes exploits par des amis venus me rendre visite après ta victoire. Donc tu n'as pas besoin de me raconter tout. Réponds juste à ma question.
- Après la défaite de Ganondorf, j'ai été chargé de poursuivre tous ceux qui lui avaient apporté leur aide. Ce commandant a fait partie de ceux qui ont été arrêtés, mais il avait agi contraint et forcé. Depuis, son idée fixe était de se venger de moi. Comment t'es-tu retrouvé ici ?
- C'est une longue histoire également. Tout a commencé quelques semaines avant ta victoire, un homme est venu et a reçu le pouvoir absolu des mains de notre roi. Nous ignorons comment il s'y est pris. Ce tyran a alors commencé à faire régner la terreur, réduisant en esclavage tous ceux qui s'opposaient à lui. Nous avons formé une Résistance avec les volontaires.
- Étiez-vous nombreux ?
- Suffisamment pour lui faire peur ! Nous avons réussi à lui tenir tête un certain temps. Quelques-uns de nos membres faisaient partie de l'armée régulière. Malheureusement, nous avons été trahis par l'un des nôtres. Connaissant l'endroit où nous étions cachés, notre nouveau souverain a organisé une attaque et nous avons tous été pris. Tous les hommes présents ici faisaient partie de cette organisation. Ils vont perdre leur identité et finir comme esclave pour avoir osé s'opposer à un dictateur. Je pensais que nous avions perdu la partie, mais tu es arrivé !
- Tu penses réellement que je vais pouvoir vous aider ?
- Tu as sauvé Hyrule ! Tu peux sauver Tradan !
- J'ai été enlevé et vendu comme esclave ! Comment veux-tu que je vienne en aide à ton peuple ?
- Les Hyliens viendront à ton secours !
- Pour ça, il faudrait qu'ils sachent où je suis."

Ils entendirent des bruits de pas venant dans leur direction.

"Ça va être mon tour !
- Ton tour ?
- Ils vont me transformer en esclave obéissant ! Avant qu'ils ne m'emmènent, promets-moi de nous aider !
- Je n'ai aucune chance d'y arriver ! Je suis sans arme !"

Deux soldats venaient d'arriver et ouvraient la porte de la cellule de Roven. Celui-ci prit la main de Link. Lorsqu'ils s'emparèrent de son compagnon, le jeune homme le retint par le bras, bien décidé à ne pas les laisser faire.

Immédiatement, d'autres gardes entrèrent dans son cachot pour le faire lâcher. Sentant leurs doigts se séparer, Roven regarda Link droit dans les yeux.

"Promets-moi de nous aider, si tu parviens à t'échapper, le supplia-t-il. Je pourrai affronter les épreuves qui m'attendent le coeur léger.
- Je te le promets..."

Au moment où il dit ses mots, leurs doigts se séparèrent. Roven fut emmené et Link fut roué de coups par les deux gardes. Le général qui venait d'entrer s'approcha.

"Pourquoi le frappez-vous ?
- Il a tenté de protéger un membre de la Résistance.
- Je vois que tu n'as toujours pas compris ! Attachez-le et amenez-le-moi !"

Les gardes lui lièrent les mains dans le dos et le sortirent de sa cellule. Cadmeen l'attrapa par le col de son vêtement et le força à le suivre. Ils prirent la porte du fond. Devant eux se tenaient les deux hommes qui avaient emmené Roven et qui tentaient de lui passer une chaînette.

Link reconnut la pierre qui pendait au bijou. Il en avait déjà vu des semblables (une sur le front de Nabooru et l'autre au cou de la princesse Zelda). L'esclave qui lui avait été présenté quelques heures plus tôt en portait une également.

Après avoir réussi à lui mettre le collier, ils le firent entrer dans une minuscule pièce.

"Attendez ! Je veux que celui-ci assiste à la transformation.
- Il risque de se prendre des coups si le sujet réagit mal.
- Dans ce cas, ça lui servira de leçon. Il réfléchira à deux fois avant de s'interposer !"

Le général força le Héros du Crépuscule à pénétrer dans le local et à s'asseoir dans un coin. Le jeune homme remarqua que Roven était couché par terre, en proie à la panique. Il se releva et voulut s'approcher de lui. Quand la porte se referma, l'obscurité les recouvrit tous les deux. Ne sachant pas où se trouvait son compagnon, Link n'osait se déplacer. Soudain, un petit claquement se fit entendre, semblable à une trappe qui aurait été ouverte.

"Roven, que se passe-t-il ?
- Link, reste dans un coin. Ça va commencer ! Tu ne peux rien faire pour m'aider. Protège-toi ! Je ne voudrais pas te blesser ! Si ça tourne mal, pardonne-moi !
- Je ne comprends pas..."

Link n'eut pas le temps de terminer sa phrase, car son compatriote hurlait. La surprise le fit reculer. Son nouvel ami était en train de souffrir et le Héros du Crépuscule ignorait les causes de ses douleurs. De plus, avec les mains attachées dans le dos, il était incapable de lui venir en aide.

Le jeune homme se recroquevilla dans un coin. Roven commença à s'agiter et ses cris se firent plus intenses. Il se mit à bouger les jambes dans tous les sens et donna plusieurs coups à celui qui avait été enfermé avec lui. Ce dernier se roula en boule pour se protéger.

Au bout d'une heure, Roven se calma. Link, dont les yeux s'étaient habitués à l'obscurité, observa l'Hylien, couché sur le sol. Celui-ci ne faisait plus aucun mouvement et avait le regard vide.

"Roven, tu m'entends", demanda-t-il.

Lorsque la porte s'ouvrit, il se recula. Le général entra et sourit en voyant les marques sur le visage du prisonnier. Cadmeen porta son attention sur Roven, puis se baissa pour lui libérer les mains.

"Lève-toi et ramène le Héros du Crépuscule dans sa cellule."

Le nouvel esclave attrapa Link par les cheveux et le fit sortir de la pièce. Ils traversèrent le couloir. Après l'avoir déposé dans sa cellule, il se tourna vers le général qui les avait suivis. Celui-ci reprit en regardant Link dans les yeux.

"Maintenant, ôte-lui l'envie de se rebeller."

Roven se mit à donner des coups de pied dans le ventre du jeune homme. Cadmeen observa la scène, avec une joie visible.

"Arrête, il doit avoir compris maintenant ! Sors !"

L'Hylien releva doucement la tête. Link posa les yeux sur lui et vit son visage sans expression qui lui donna froid dans le dos. Il le regarda quitter sa cellule. Le général s'adressa à lui.

"Tu te passeras de repas ce soir ! Tu finiras par apprendre à obéir !"

Ensuite, il sortit en emmenant Roven. Link resta seul.

Deux heures plus tard, les gardes apportèrent le dîner des prisonniers. L'odeur de la nourriture réveilla l'estomac du jeune homme. Cela faisait deux jours qu'il n'avait rien mangé. Sa dernière collation remontait au pique-nique que lui avait préparé Iria, le jour de sa disparition.

Contre toute attente, un des soldats, un adolescent aux cheveux bruns, pénétra dans sa cellule et s'approcha du captif. Il coupa la corde qui reliait ses mains et lui donna un morceau de pain.

"Prends ça et mange doucement, lui dit-il à voix basse !
- Merci. Qui es-tu ?
- Un ami !"

Une fois seul et à l'abri des regards, le Héros du Crépuscule mangea la miche. Un mince espoir venait d'éclairer sa détresse. Épuisé par toutes ces épreuves, il finit par s'endormir.

Le lendemain, Link fut réveillé par le médecin qui entra dans le cachot pour examiner sa blessure à l'épaule. Lorsque celle-ci vit les différentes marques de coups que le jeune homme avait sur lui, elle demanda aux gardes de l'attacher sur le fauteuil afin de le soigner.

Vidé de toute son énergie, Link se laissa faire. Il sentait que la Triforce du Courage perdait sa force : le symbole présent sur sa main commençait à changer de couleur. La femme s'occupa de désinfecter ses plaies avant de le ramener dans sa cellule. Plusieurs heures plus tard, un autre des captifs fut conduit dans le couloir pour subir sa mutation.

Les jours suivants se passèrent de la même façon : visite de la doctoresse au lever du jour et disparition d'un prisonnier l'après-midi. Au bout de deux semaines, Link se retrouva seul dans la pièce. Les détenus avaient tous rejoint les rangs des travailleurs.

Ce matin-là, le médecin lui avait fait comprendre que sa blessure n'était plus un frein à sa transformation et qu'il était le prochain sur la liste. Le mystérieux soldat qui lui avait donné du pain le premier soir n'était pas réapparu. Ses chances de s'en sortir se réduisaient à vue d'oeil.

Vers quatorze heures, deux gardes vinrent le chercher. Ils lui attachèrent les mains et l'emmenèrent dans le couloir. Link tenta de se dégager, mais ses efforts furent vains. Il était enfermé dans le minuscule local où Roven avait été changé en automate.

Le noir s'abattit sur lui au moment où la porte se referma. Link se rappela les hurlements de son ami et la peur s'insinua dans son esprit. Soudain, un petit bruit se fit entendre et une odeur singulière emplit ses voies respiratoires. C'est à ce moment-là qu'il sentit la douleur.

L'air qui entrait par ses narines brulait tout sur son passage. Il voulut retenir son souffle, mais sa souffrance l'en empêchait. Rapidement, le mal se répandit en lui. Comme un feu qui lui dévorait les entrailles. Le temps parut se figer.

Le Héros du Crépuscule avait l'impression d'être là depuis une éternité. Au bout d'une heure, Link commença à perdre toute sensation : son corps refusait désormais de lui obéir. Ce n'est que plusieurs minutes après qu'il perdit conscience de la réalité...

Chapitre 12   up

À son réveil dans un lieu inconnu, Link se releva et regarda autour de lui afin de se situer. Ses mains n'étaient plus attachées et ses douleurs s'étaient calmées. Il se trouvait face à un petit homme d'âge mûr vêtu d'une robe de bure, qui l'observait avec un sourire bienveillant.

"Rauru ?
- Oui, c'est bien moi ! Comment te sens-tu ?
- Un peu perdu ! Où suis-je ?
- Tu es dans le Temple de la Lumière. Enfin, tu n'es pas vraiment ici.
- C'est un rêve ?
- On peut dire ça ! Voilà pourquoi tu ne ressens plus aucune douleur. Ton corps se trouve toujours dans le Sanctuaire. Je devais te parler. Tu es venu récupérer l'Épée de Légende ?
- Oui, je pensais qu'elle pourrait anéantir le pouvoir qui bloquait la Triforce.
- Et tu as bien fait, regarde ce qui emprisonnait ton Courage."

Rauru montra un objet triangulaire à Link. Il avait la même teinte que celle prise par la Triforce lorsqu'elle avait été affaiblie. Le jeune homme ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à sa main. La marque avait retrouvé sa couleur d'origine, mais pas son éclat.

"Ton fragment mettra du temps à se remettre d'un tel traitement. Il est encore faible et fragile. Cet artéfact n'aura plus aucune influence dessus, mais il a déjà causé beaucoup de dégâts.
- Qu'est-ce que c'est ?
- On l'appelle Darkforce, c'est un pouvoir aussi ancien que celui que tu portes en toi. Il a réduit ton Courage à l'impuissance te privant ainsi de protection contre leur traitement.
- Le rubis...
- C'est une pierre incandescente que l'on trouve dans le désert Gerudo. Elle a la particularité de faire réagir une molécule contenue dans les vapeurs de ce produit, le polyrème. Seule, cette solution est inoffensive. Tu peux en avoir dans les veines sans que cela affecte ton corps. Mais une fois mise en contact avec la pyronite, elle déclenche un procédé qui va endormir ta conscience, te privant ainsi de ton libre arbitre. Les yeux du sujet se vident alors de toute expression.
- Pourtant, j'ai vu la princesse Zelda avec ce pendentif autour du cou, mais son regard n'était pas vide. Elle semblait juste incapable de contrôler son corps.
- Elle avait une protection : la Sagesse.
- Pourquoi se sont-ils donné la peine de me priver de mon fragment ? Ce n'était pas utile pour faire de moi un de leurs esclaves.
- Je n'ai pas la réponse à cette question ! Tu devras la poser à celui qui t'a infligé ce traitement.
- Le roi de Tradan ? Je ne le connais même pas ! C'est Vernarte qui a tout manigancé et il ne pouvait pas connaître l'existence de cet artefact.
- Il est le responsable de ta soudaine disparition ?"

Link raconta à Rauru les dispositions qu'il avait mises en place pour aider le commandant à reprendre une vie normale et la trahison de ce dernier.

"Je reçois régulièrement des informations des autres sages et des différents protecteurs d'Hyrule. J'ai appris ta disparition et j'ai ressenti la douleur de ton fragment, mais j'ignorais où tu étais. Je savais néanmoins que tu étais toujours en vie, car la Triforce du Courage réapparaissait à intervalles réguliers. Sais-tu pourquoi ?
- Non, la dernière chose dont je me rappelle c'est d'avoir été enfermé dans une salle avec leur pierre autour du cou et d'avoir inhalé un produit brûlant. Puis, c'est le noir total jusqu'à mon réveil dans une chambre de l'auberge de Cocorico.
- Oui, j'ai appris ton retour par le protecteur de ce village. Il m'a raconté avoir vu arriver un cheval apeuré qui a laissé tomber son cavalier dans l'eau de la source. L'homme est tombé sur une pierre.
- J'imagine que cet homme, c'était moi ?
- Oui, des soldats sont arrivés juste après et se sont dirigés vers toi, mais tu t'étais évanoui. Sans l'intervention du gardien qui a fait fuir tes agresseurs, tu n'aurais jamais été retrouvé par Reynald.
- Je n'en ai aucun souvenir, mais j'irai le remercier !
- Ta mémoire te revient petit à petit. Donne-toi du temps ! Autre chose : en neutralisant la Darkforce, l'Épée a désactivé la pierre que tu portes autour du cou. Elle est désormais inoffensive. Conserve-la, tu pourrais en avoir besoin."

Link posa machinalement sa main sur le pendentif.

"Quelle utilité pourrait-il avoir ?
- Je ne peux te le révéler. Mais fais attention ! Tu es encore en danger, car le produit est toujours dans tes veines. Tu devras trouver un antidote pour en être libéré.
- Merci pour toutes ces informations. Je ne peux rester ici plus longtemps. Je dois empêcher Vernarte de prendre le pouvoir !
- Tu n'y arriveras pas seul, cette fois ! Demande de l'aide !
- Je sais à qui m'adresser, ne vous en faites pas !
- Sois prudent ! Une ombre rode au dessus d'Hyrule. Je ne parviens pas à la définir, mais je ressens le danger !"

Link acquiesça et ferma les yeux. Il les rouvrit presque aussitôt et se retrouva dans la clairière. Le pommeau de l'arme se trouvait dans une de ses mains toujours attachées dans son dos. Avec précaution, le jeune homme descendit ses poignets le long du tranchant. Au moment où la corde entra en contact avec celui-ci, elle se fendit en libérant ses bras.

Le Héros du Crépuscule se retourna et observa l'Epée Sacrée, plantée sur son socle. Celle-ci ne pouvait être utilisée que par lui, l'Elu. La reprendre signifiait que son combat n'était pas terminé et que sa vie ainsi que celles de ses amis seraient de nouveau en danger.

Délicatement, Link posa ses doigts sur la poignée et resserra lentement son étreinte. Une douce chaleur l'envahit aussitôt. La lame légendaire semblait l'encourager à la sortir de son sommeil. Respectueusement, il donna une légère impulsion à l'arme qui se délogea de son piédestal et la leva au-dessus de sa tête, face au soleil. Elle se mit alors à briller de mille feux.

Link la rangea dans le fourreau qui avait abrité le cadeau de la princesse et se dirigea vers la forêt en réfléchissant au meilleur moyen de commencer la lutte. L'ennemi disposait d'un terrible pouvoir contre lui. Rauru avait raison : seul, le jeune homme ne pouvait vaincre. Il avait besoin d'alliés.

Son ancien mentor pourrait l'aider à reformer la Résistance. Le Héros du Crépuscule s'approcha de sa monture, l'enfourcha et partit au galop en direction du village de son enfance. Il se demanda brièvement où se trouvaient les membres de son escorte. Mais la plaine était vide : aucun soldat n'était visible.

Le trajet fut de courte durée. Link passa devant sa cabane sans s'attarder et atteignit les premières maisons. Les habitants étaient occupés à leurs tâches quotidiennes lorsqu'ils le virent arriver. Il eut juste le temps de descendre de son cheval avant d'être assailli de toutes parts. Ses amis désiraient simplement prendre de ses nouvelles, mais ils ne lui laissaient pas la possibilité de répondre à leurs questions.

Ce fut Bohdan qui lui permit de leur échapper.

"Link, quelle bonne surprise ! Comment te portes-tu, dit-il en prenant le jeune homme par le bras.
- Beaucoup mieux que la dernière fois. Je suis venu pour voir Moï, je dois lui parler.
- Je savais bien que tu ne nous rendais pas une visite de politesse, mais où est passée ton escorte ? J'ai entendu dire que la princesse ne te laissait plus sortir seul, depuis qu'elle sait que tu es recherché.
- Nous avons été... séparés. Je dois voir mon ancien mentor. C'est important.
- Il ne devrait pas tarder à rentrer, intervint Ute au grand soulagement du jeune homme. Il est parti couper du bois. Viens l'attendre à l'intérieur."

Link suivit la femme qui tenait par la main une petite fille de sept ans. Il se sentait mal à l'aise en compagnie du père d'Iria suite aux récents bouleversements dans ses relations avec son amie. Ute le fit entrer dans la maison et lui proposa de prendre une tasse de thé en attendant.

"Je suis désolé de t'avoir effrayée lors de ma dernière visite, commença-t-il. Je crois savoir que c'est toi qui as réussi à retirer la pierre de ma main.
- Oui, ta main était si crispée. J'ai bien cru ne jamais y arriver. Ne t'excuse pas ! Ce n'était pas intentionnel de ta part.
- Non, mais je regrette de t'avoir inquiétée.
- C'est normal que ton état de santé nous intéresse. Après tout, tu fais partie de la famille, ajouta-t-elle en prenant le jeune homme dans ses bras. Comment te sens-tu à présent ?
- Bien mieux, répondit-il en souriant à celle qui avait pris soin de lui durant son enfance. Mais le mal est toujours en moi. Et je dois rapidement trouver un remède.
- Et tu as besoin de mon mari pour y parvenir ?
- Oui, je pense qu'il pourra m'aider.
- Il en sera ravi. D'ailleurs le voilà !"

La porte s'ouvrit et Moï entra portant un tas de bûches qu'il posa près de la cheminée. À la vue de son ancien élève, il sourit. Après s'être délesté de son chargement, le maître d'armes s'approcha du jeune homme.

"Tu sembles aller mieux que la dernière fois !
- Oui, j'ai reçu de bons soins au château. J'aimerais te parler en privé.
- Dans ce cas, viens avec moi !"

Les deux hommes sortirent de la maison et se rendirent près de la source, située au nord du village. Ils s'assirent sur les bords du petit étang pour discuter, selon leurs anciennes habitudes.

"Tu voulais me parler, il me semble, lui dit Moï.
- Oui, j'ai retrouvé une partie de ma mémoire et je vais avoir besoin d'aide.
- Raconte-moi ce dont tu te souviens."

Link relata à Moï les événements dont il s'était rappelé. Ce dernier l'écouta jusqu'au bout sans l'interrompre.

"Donc, tu as bien été victime d'un enlèvement et c'est ce Vernarte qui en est l'auteur.
- Il me rend responsable de l'arrestation dont il a fait l'objet après la défaite de Ganondorf.
- Je vois ! En quoi puis-je t'être utile ?
- Cet homme a l'intention de prendre le pouvoir et je dois l'en empêcher, mais j'ignore l'avancée de ses projets. Peut-être est-il déjà trop tard. Penses-tu pouvoir réunir les membres de la Résistance ?
- La Résistance a déjà été reformée. Corentin ne t'a rien dit ?
- Pour être honnête, mes relations avec le mari d'Iria sont assez difficiles...
- Pourtant, ce garçon t'admire beaucoup !
- C'est pour ça qu'il m'a volé celle que j'aimais ?"

Moï comprit que son élève ne désirait pas pousser plus avant cette partie de la conversation.

"Après ta disparition, des recherches ont eu lieu dans tout le royaume. Au bout d'un certain temps, elles ont cessé. La Résistance a pris le relais : Ash, Corentin, Jedh, Lafrel et moi. Nous avons commencé à te chercher en dehors du royaume.
- Donc, vous n'avez jamais...
- Cru à ta mort ? Non, je savais que tu étais en vie. Pourtant, toutes les traces que nous trouvions nous prouvaient le contraire.
- Quelles traces ?
- La tache de sang dans ta maison et puis celles que nous avons trouvées dans la maison du Héros du Temps.
- Oui, j'y étais ! C'est là que Vernarte m'a conduit, avant de me faire quitter le pays.
- Nous organisions des réunions régulières pour nous tenir au courant de nos découvertes. Chacun te cherchait selon ses possibilités et ses disponibilités. Ash et Lafrel étaient les explorateurs !
- Que faisaient-ils ?
- Ils parcouraient les routes en interrogeant un maximum de personnes. Nous n'avons jamais perdu l'espoir de retrouver ta trace. Tu te trouvais bien quelque part."

Link restait silencieux. Savoir que les membres de la Résistance avaient cru en son retour lui réchauffait le coeur.

"Notre prochaine réunion a lieu ce soir, je devais justement m'y rendre. Veux-tu te joindre à moi ? Ils seront très contents de te revoir. Lors de notre dernier rendez-vous, Ash nous a dit qu'elle était sur une bonne piste. Imagine sa déception !"

Les deux hommes se levèrent et regagnèrent le village où Moï prépara sa monture pour rejoindre la citadelle.

"Mais attends une seconde, tu es seul ?
- Oui", répondit Link étonné par la question.

La rougeur que prit alors le visage de son maître d'armes lui fit comprendre le problème.

"Tu te promènes sans escorte dans le royaume avec cette meute à tes trousses ? Tu tiens vraiment à redevenir un esclave ?
- J'étais accompagné d'une troupe de soldats, mais Vernarte nous a tendu un piège."

Il raconta ses difficultés pour rejoindre la clairière. Moï sembla se calmer un peu.

"C'est une raison de plus pour laquelle tu ne dois pas te balader sans protection. Tu aurais fait quoi si tu avais croisé des soldats en venant ici ?
- Je n'ai croisé personne. Je ne pouvais tout de même pas rester à la clairière en attendant une éventuelle arrivée des soldats d'Hyrule. J'étais bien trop exposé.
- Tu aurais dû rentrer à la citadelle et envoyer Corentin me chercher.
- Encore lui ! Je ne suis plus un gamin ! Je peux me protéger seul !"

Les joues de Link s'étaient teintées de rouge au moment où son maître d'armes avait prononcé le prénom du mari d'Iria.

"Pourquoi es-tu venu jusqu'ici en sachant les dangers que tu courrais ?
- Parce que le temps presse. Vernarte a eu sept années pour mettre son plan à exécution. Il est maintenant le bras droit de la princesse. Le fait que j'aie retrouvé la mémoire pourrait le pousser à accélérer les choses. Mon retour l'a peut-être déjà incité à le faire.
- Je comprends, mais tu as pris énormément de risques !
- Je sais ! D'un autre côté, ils ne s'attendaient pas à ce que je revienne ici. D'ailleurs, je n'ai croisé personne sur le chemin !
- Et tu crois qu'ils ne te cherchent pas ? Tu ne penses pas à la peine que nous pourrions éprouver s'il t'arrivait quelque chose !
- Je suis désolé !"

Link avait baissé la tête devant les reproches de Moï.

"Tu as toujours été inconscient du danger !"

Le jeune homme leva les yeux vers son mentor et lui fit un sourire contrit.

"Nous ferions mieux d'y aller, ajouta Moï. Plus vite, nous serons partis et plus vite tu seras en sécurité derrière les portes de la citadelle.
- Je suis encore capable de me défendre !
- Tu manques d'entrainement, d'après tes derniers exploits. Ce qui est compréhensible vu ce que tu as vécu, mais nous devons résoudre ce problème. Je me charge de te réapprendre les bases.
- Merci, Moï."

Link sourit à son mentor et tous deux enfourchèrent leurs montures. Ensuite, ils se dirigèrent vers la citadelle.

Chapitre 13   up

Ils atteignirent la citadelle en début de soirée et se dirigèrent vers la taverne de Thelma dans laquelle la Résistance avait établi sa base. Au moment où il entra dans la salle principale, Link eut une mauvaise surprise. Iria était en train de discuter avec la propriétaire. Lorsque cette dernière aperçut le jeune homme, elle se précipita sur lui et le serra dans ses bras.

"Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente de te voir. Les autres vont être ravis. Tout le monde est présent, sauf Ash qui n'est pas encore là. Que t'est-il arrivé ?
- Laisse-le souffler un peu, répondit Moï. Il racontera son histoire tout à l'heure ! Tu n'auras qu'à te joindre à nous."

Pendant qu'ils parlaient, Iria s'était approchée.

"Link, je voudrais te parler !
- Pas moi ! En plus, ce n'est pas le moment ! J'ai des choses importantes à faire !
- Non, cette fois, tu ne vas pas te défiler ! Thelma, y a-t-il un endroit où nous pourrions discuter tranquillement ?"

La tavernière se dirigea vers l'escalier. Iria prit Link par le bras, mais celui-ci résistait.

"Vas-y, vous avez besoin de discuter tous les deux, ajouta Moï. Je raconterai ton histoire aux autres pendant ce temps".

À contrecoeur, le jeune homme suivit Thelma qui les conduisit dans une chambre inoccupée et les laissa. Link s'assit sur le lit.

"Alors, que voulais-tu me dire ? J'attends ! Je te l'ai dit : je suis très occupé !
- Ce n'est pas facile, laisse-moi un peu de temps !"

Juste à ce moment, Corentin entra dans la pièce. Thelma lui avait parlé de la présence de Link et il était inquiet.

"Tu as besoin d'un protecteur pour discuter avec moi, dit-il en lançant un regard méprisant à Corentin. Me crois-tu capable de te frapper ? Ce n'est pas parce que tu le mérites que je le ferai !"

Sentant que la présence du jeune homme irritait le Héros du Crépuscule, Iria demanda à son mari de l'attendre à l'extérieur. Ce qu'il fit, de mauvaise grâce. Pour lui, Link n'était plus le même.

"Voilà, nous sommes seuls à présent ! Es-tu disposé à entendre ce que j'ai à te dire ?
- Ça dépend ! Je ne suis pas d'humeur à écouter tes excuses !
- Je ne suis pas là pour t'en présenter ! Je n'ai pas à le faire ! Je n'ai rien fait de mal !
- Arrête, le lendemain de ma disparition, tu étais déjà dans les bras de cet emplumé ! Tu m'as trompé dès que j'ai eu le dos tourné !
- Qu'est-ce que tu racontes ? Si j'avais voulu t'être infidèle, ne penses-tu pas que je l'aurais fait bien avant ? Qui a bien pu te mettre des idées pareilles en tête ?
- Personne, je t'ai vue ! Tu te pavanais dans ses bras ! Tu devrais avoir honte !
- Mais de quoi parles-tu ?
- N'as-tu pas accompagné la princesse Zelda dans ses recherches ? Ce cher Corentin était avec vous. Il a probablement voulu profiter de la situation.
- C'est vrai, j'y étais et lui aussi. Quant au reste, tu te fais des idées. Mais comment le sais-tu ?
- Je te le répète, je vous ai vus.
- Tu as vu quoi exactement ?
- Te souviens-tu d'avoir rencontré le commandant Vernarte dans la plaine d'Hyrule pendant vos recherches. Il conduisait une petite carriole.
- Oui, et alors ! C'est lui qui t'en a parlé ? Qu'a-t-il vu ?
- Iria, j'étais dans cette voiture, pieds et poings liés. Je n'ai pas pu vous faire comprendre que j'étais là. Des soldats m'ont contraint au silence. Je t'ai vue faire semblant de pleurer pour t'attirer ses faveurs. Et il est tombé dans le panneau !"

La jeune fille avait pâli.

"Tu veux dire que nous sommes passés à côté de toi sans le savoir et que si nous avions regardé dans cette carriole, nous aurions pu te sauver ?"

Iria avait les larmes aux yeux.

"Exactement, mais vous avez cru cet homme et j'ai vécu un enfer par sa faute. Tu n'as pas idée de ce qu'il s'est passé là-bas. Ils m'ont...
- Tu as retrouvé la mémoire ?
- Une partie seulement ! Mais ne change pas de sujet ! Quand Vernarte vous a dit qu'il ne savait pas où j'étais, tu as commencé à pleurer...
- Je culpabilisais de t'avoir laissé seul !
- Ne cherchais-tu pas plutôt à attirer l'attention du beau garde présent ! Une pauvre fille seule et sans défense attire la compassion de tout le monde...
- Tu n'as pas le droit de dire ça !
- Pas le droit, commença-t-il à crier. Je t'ai vue, Iria. À travers la bâche, tu étais dans ses bras ! À te pavaner ! Et devant mon pire ennemi, en plus ! Alors, ne joue pas à la victime ! Tu es le bourreau !"

Attirés par les éclats de voix, Corentin et Thelma étaient entrés.

"Après tout ce que j'ai fait pour toi, c'est comme ça que tu me remercies ! J'ai risqué ma vie pour sauver la tienne. Tu disais m'aimer ! Ce que j'ai pu être naïf de le croire ! Tu n'es qu'une...
- Je t'aimais et je t'aime toujours, mais pas comme tu le souhaiterais. J'ai grandi, Link... sans toi !
- Dis tout de suite que c'est de ma faute ! Je t'ai poussé dans ses bras sans doute ?
- Je n'ai pas dit ça ! Je t'ai attendu, mais tu ne revenais pas.
- Je suis là maintenant ! Tu aurais dû savoir que je réapparaîtrais. Si tu m'aimais, tu aurais dû le savoir ! Ces sept années n'ont pas été une partie de plaisir ! Sache que j'ai été vendu comme esclave par un homme qui a désormais toute la confiance de Zelda et qui compte prendre le pouvoir en Hyrule.
- Ça n'a pas été facile pour moi, non plus !
- Ne compare pas ta vie à la mienne ! Je n'ai trahi personne, moi. Je n'ai pas changé ! Je ne me suis pas donné à la première venue. Je te suis resté fidèle malgré tout !
- Moi aussi !
- Non, tu m'as trahi ! Tu n'es qu'une... traînée !"

C'en était trop pour la jeune fille qui fondit en larmes et se précipita à l'extérieur de la pièce. Corentin qui avait assisté à la scène ne put s'empêcher d'intervenir. Il faisait un effort considérable pour ne pas frapper Link.

"Tu es drôlement gonflé de lui dire ça ! Après le temps qu'elle a passé à t'attendre ! Tu n'as aucune idée de ce qu'elle a enduré durant ton absence !
- Et toi, tu prends sa défense comme un bon toutou ! Elle t'a bien embobiné, toi aussi !"

Le Héros du Crépuscule ne vit pas arriver le coup de poing que lui asséna le mari d'Iria.

"Ne t'avise plus de lui parler sur ce ton ou de la faire pleurer, car tu auras affaire à moi !"

Link passa sa main sur sa lèvre et essuya le sang qui coulait, puis il se releva prêt à rendre le coup reçu, mais Thelma s'interposa.

"Pas de bagarre dans mon établissement. Corentin, va t'occuper d'Iria, elle a besoin de toi. C'est ton rôle ! Je m'occupe de lui.
- C'est ça, va retrouver ta "femme", avant qu'elle ne tombe sur un autre et ne t'abandonne toi aussi."

Le jeune homme voulut s'élancer vers Link pour lui faire ravaler ses paroles, mais un seul regard de la tavernière suffit à le calmer. Il sortit en claquant la porte. Elle se tourna alors vers Link, de la colère dans les yeux.

"Que t'arrive-t-il ? Jamais je ne t'ai vu dans un état pareil ? Te rends-tu compte de ce que tu viens de lui faire ? Tu n'avais pas le droit d'utiliser ce mot contre elle. Ce n'est pas justifiable ! Tu devrais avoir honte de ton comportement !
- Pourquoi prends-tu sa défense, toi aussi, s'énerva-t-il ? C'est moi qui ai été trahi ! Pas elle !
- Ça suffit, maintenant, tempêta-t-elle à son tour, Iria m'a tout raconté sur ta façon de réagir. Tu n'as aucune idée de la manière dont elle a vécu après ta disparition.
- Et comment devrais-je réagir selon toi ?
- Commence par te mettre à sa place. Nous n'avions aucune nouvelle de toi ! Nous ignorions même si tu étais toujours en vie ! Devait-elle mettre sa vie entre parenthèses ? Et si tu n'étais jamais revenu ?
- Je ne suis pas parti de mon plein gré !
- Je me doute ! Laisse-moi soigner ta lèvre !
- Ce n'est pas la peine ! Les autres m'attendent ! J'ai déjà perdu assez de temps ! Merci Thelma !
- Attends !"

Link qui s'était levé se retourna.

"Viens t'asseoir !"

Le jeune homme s'exécuta en soupirant.

"J'ignore ce que tu as vécu pendant tes années d'absence et à te regarder, je pense que cela n'a pas été facile. Mais sache que c'est également le cas pour elle.
- Ça ne l'a pas empêché de vivre sa vie !
- Elle a vécu plusieurs années dans ton souvenir. Corentin a patienté le temps qu'il a été nécessaire à Iria pour pouvoir de nouveau s'ouvrir aux autres. Je n'ai qu'une question à te poser : as-tu toujours été honnête avec elle ?
- Évidemment !
- Pourtant, je me souviens d'un jour où une certaine personne a rougi lorsque la princesse lui a accroché une belle médaille sur la tunique."

Le rouge monta de nouveau aux joues de Link.

"Ça n'a rien à voir. Zelda est une altesse royale et...
- Crois-tu ? Ne serait-ce pas plutôt, parce qu'elle te plaît..."

Le jeune homme la regarda, médusé. Qu'était-elle allée imaginer ? Il repensa aux paroles de Vernarte : "Elle est amoureuse de toi. Tout le monde le sait. Sauf toi ! Quel idiot !"

"Iria et toi, vous avez grandi ensemble et vous êtes devenus inséparables. Tu le sais, au fond de toi ! Tu aimes aussi la princesse et...
- Ce n'est pas la même chose !
- Non, tu as raison ! Ces deux sentiments sont très différents. Prends le temps de les analyser et tu comprendras beaucoup de choses !
- C'est tout ce que tu avais à me dire ?
- Une dernière chose encore. Tu aimes Iria, ne prends pas le risque de perdre son amitié !"

Link se leva. Il en avait assez entendu. La colère bouillonnait en lui.

"Tu es exaspéré, je le sens ! Repense à ce que je t'ai dit ! Elle ne mérite pas tes reproches ! Et repasse me voir ! Tu m'as manqué !"

Le jeune homme sortit de la chambre et se rendit dans la petite salle qui servait aux réunions de la Résistance. Link sourit en repensant aux nombreuses heures qu'il avait passées ici lors de sa convalescence après la blessure infligée par Vernarte qui avait bien failli lui coûter la vie ! Moï, Jehd, Corentin et Lafrel étaient en pleine conversation. Tous se turent à son apparition.

"Ash est déjà repartie ? demanda-t-il en s'asseyant.
- Elle n'est pas venue et n'a donné de nouvelles à personne depuis plusieurs jours.
- Vous croyez qu'il lui est arrivé quelque chose ?
- Elle suivait une piste qui semblait sérieuse et n'a pas voulu nous en dire plus avant d'en être sûre.
- Nous avions convenu d'envoyer régulièrement de nos nouvelles, ajouta Lafrel, c'est inquiétant !"

Le silence s'installa entre eux. Moï reprit.

"J'ai raconté ton histoire. Nous sommes prêts à te venir en aide. Quels sont tes plans ?
- Je dois d'abord parler à Zelda et lui révéler les véritables intentions de Vernarte. Il ne doit pas s'emparer du pouvoir.
- Qu'est-ce qui nous dit que ce n'est pas toi qui cherches à le faire, l'interrompit Corentin. Tu as des preuves de ce que tu avances ? Ce sont des soldats qui sont à ta poursuite. Peut-être as-tu tenté un coup d'État là-bas. La célébrité, ça rend fou !
- Rien ne le prouve en effet ! Il s'agit de ma parole, si tu ne me crois pas, tu peux toujours sortir. Mais jette un oeil à ceci !"

Le Héros du Crépuscule retira le pendentif qu'il portait autour de son cou et le posa devant Corentin.

"Les hommes qui m'ont attaqué à la Clairière m'ont mis ceci. Tu dois savoir ce que cela provoque. Tu l'as vu de tes yeux. Ce collier ne fera plus de mal à personne, car la pierre est désactivée. Penses-tu réellement qu'ils s'autoriseraient ce genre de procédé si leurs accusations étaient valables ?
- La fin justifie parfois les moyens !
- Et qui t'a appris un tel précepte ? Vernarte, probablement ! Sache que c'est certainement lui qui a envoyé les soldats à nos trousses ce matin. Les ordres que tu as suivis n'étaient destinés qu'à m'isoler. Ainsi, je me retrouvais sans protection face à mes ennemis ! Et son plan a bien failli fonctionner !
- Il est venu à notre secours, figure-toi.
- Laisse-moi deviner, les gardes se sont enfuis en le voyant arriver. Il n'a même pas eu à sortir son épée du fourreau, j'imagine. As-tu une idée de l'identité de ces hommes ?
- Oui, je sais. Moï nous a tout raconté. Mais là encore, il s'agit de ta parole."

Link se leva.

"Dans ce cas, je ne vois pas ce que je fais ici.
- Assieds-toi, lui ordonna Moï. Il va falloir commencer à vous entendre tous les deux. Vous êtes dans le même camp."

Il se tourna vers Corentin.

"Tu ne connais pas Link aussi bien que nous. Si tu n'as pas confiance en lui, fie-toi à moi.
- Personne ne le voit pendant sept ans et il faudrait le croire sur parole.
- Ça suffit, je ne veux pas en entendre plus. Surveillez Vernarte, vous comprendrez rapidement que je vous dis la vérité. Je repars au palais."

Après avoir dit ces mots, Link se leva et sortit, laissant le pendentif sur la table de la pièce. Il en avait assez de devoir se justifier. Le jeune homme quitta la taverne après avoir remercié Thelma et se dirigea vers le palais. Zelda devait être avertie rapidement des véritables intentions de celui en qui elle avait placé toute sa confiance.

Devant les portes du château, il s'annonça demandant à être reçu par la princesse. On lui répondit qu'elle s'entretenait avec le général Vernarte en privé dans la Salle du Trône. Pris d'une soudaine inquiétude, le Héros du Crépuscule se précipita à l'intérieur et traversa les couloirs en courant pour rejoindre Zelda le plus vite possible.

Arriverait-il à temps pour empêcher son ennemi de mettre son plan à exécution ?

Chapitre 14   up

Lorsque Link poussa la porte de la Salle du Trône, Zelda était en pleine conversation avec Vernarte. Celui-ci cachait un petit flacon dans son dos et tentait de le déboucher. La présence d'un nouveau collier autour du cou de la princesse alarma le jeune homme.

"Éloigne-toi de ce sinistre individu, lui cria-t-il. C'est lui, le traitre qui m'a vendu.
- Qu'est-ce que tu dis, demanda-t-elle en se retournant brusquement.
- Il m'a enlevé et séquestré avant de me céder au roi de Tradan pour un prix dérisoire."

Le Héros du Crépuscule prit son arc et encocha une flèche. Ensuite, il menaça son ennemi.

"Dépose ce flacon délicatement sur le sol et recule ! Après ce que tu m'as fait, je n'hésiterai pas à te tuer. Donc, je te conseille d'obéir."

Effrayée par une situation qu'elle ne comprenait pas, Zelda s'était mise à reculer. Link attendait que Vernarte obtempère. Le soldat laissa tomber ce qu'il tenait sur le sol, puis s'éloigna de quelques pas.

Le jeune homme s'approcha, tout en gardant son arc pointé sur le traitre. Il se baissa pour prendre le flacon et le ranger dans une de ses pochettes, tout en observant son ennemi. Celui-ci sourit en posant son regard vers une des fenêtres à la droite de Link.

Ce dernier n'eut pas le temps de se retourner. Une douleur intense lui traversa le bras. Son arme lui échappa des mains. Une flèche s'était fichée dans son biceps. Le Héros du Crépuscule fixa l'endroit d'où venait le projectile. Ne distinguant rien, il reporta alors son attention sur Vernarte qui s'était emparé d'une épée et s'avançait vers lui.

Sans réfléchir, Link cassa la tige, lassant la pointe enfoncée dans sa chair, et dégaina à son tour, prêt à défendre la princesse qui s'était réfugiée contre un mur. Ignorant la souffrance, il marcha vers son ennemi.

"Je pensais pourtant t'avoir réduit à l'impuissance !
- C'est raté visiblement, tu n'as probablement pas prévu tous les cas de figure.
- Cette erreur sera bien vite réparée. Ne t'en fais pas !"

Disant ces mots, Vernarte leva sa lame et l'abattit sur son opposant qui para. Link se sentait un peu rouillé. Resté sept ans sans entrainement, le Héros du Crépuscule avait déjà ressenti ce manque lors de son expédition pour récupérer l'Épée de Légende. Pourrait-il venir à bout de cet ennemi avec sa nouvelle blessure ?

Le jeune homme parvint à dévier l'arme. Pour sauver Zelda, il devait l'emporter sur son adversaire. Ou, au moins, tenir jusqu'à l'arrivée du Premier Ministre qui n'était jamais très loin d'elle. Lorsque celui-ci reviendrait, tout rentrerait dans l'ordre.

Des pensées contraires se bousculaient dans l'esprit de Vernarte. Il devait faire en sorte qu'elle soit sous son contrôle avant le retour du diplomate, parti régler une affaire urgente. En fait, c'était le soldat qui l'avait envoyé au loin sous un prétexte quelconque pour pouvoir être seul avec Zelda.

Le combat faisait toujours rage sous les yeux de la princesse inquiète. Elle avait confiance en Link, mais le savait affaibli par sa captivité et par les nombreuses épreuves traversées. En l'observant plus attentivement, elle remarqua qu'il avait déjà dû se battre. En effet, le jeune homme présentait de nouvelles blessures.

Les épées s'entrechoquèrent. Vernarte s'aperçut rapidement que son adversaire fatiguait. Le traitre redoubla alors d'efforts et se mit à multiplier les assauts, ne laissant aucun moment de répit à son opposant. Épuisé par les événements de la journée, celui-ci sentait ses forces le quitter. Il décida de jouer le tout pour le tout.

Link évita un coup à revers de Vernarte en faisant un saut sur le côté et se plaça ainsi derrière lui. Mais le général se retourna et réussit à parer. Le soldat fit quelques pas en arrière pour se dégager et se retrouva dos au mur. Il parvint néanmoins à stopper l'attaque du Héros du Crépuscule en levant son arme.

"Tu ferais mieux de te rendre, si tu ne veux pas y rester, lui dit-il.
- Tu n'as pas encore gagné", répondit Vernarte en jetant un oeil dans le dos de Link.

Juste à ce moment, le jeune homme entendit un grand cri.

"Derrière toi !"

Mais le Héros du Crépuscule ressentit une douleur familière au niveau de son cou et y porta la main. Une fléchette. La même que celle qu'il avait trouvée dans sa maison la veille. Tout en continuant à garder son adversaire sous sa lame, Link se tourna vers l'endroit d'où venait le projectile. Un des gardes de l'armée de Tradan s'avançait vers lui. Celui-ci retira son casque et montra son visage.

"Cadmeen, comment es-tu entré dans le palais ?
- Je suis venu pour porter un message de mon roi te concernant ! Tu ne pensais tout de même pas que nous t'avions oublié !
- Te fatigue pas je sais que tu conspires avec Vernarte depuis le début !
- Aurais-tu retrouvé ta mémoire ?
- Une partie seulement. Que m'as-tu fait ?
- Je t'offre la possibilité de te reposer. Tu m'as l'air exténué."

Link commençait à ressentir les effets du produit qui venait de lui être injecté et sentait ses forces le quitter. Il abaissa son épée et recula légèrement, en proie à de violents vertiges et luttant contre le sommeil qui le gagnait.

"Ne résiste pas, lui dit Cadmeen, ça ne sert à rien."

Le Héros du Crépuscule fit un pas vers son ennemi, mais il s'écroula sur le sol. La princesse poussa un cri et se précipita vers lui. Elle s'agenouilla à ses côtés et posa sa main sur son visage.

"Link, que t'arrive-t-il ?
- Va-t-en, Zelda, fuis ! Laisse-moi !
- Non, ne me demande pas ça. Je ne peux pas le faire ! Je... je... je t'aime."

Mais le jeune homme avait déjà sombré dans l'inconscience et n'avait pas entendu les derniers mots prononcés par son ennemi.

"Voyez-vous ça, se mit à ricaner Cadmeen, une princesse amoureuse d'un petit berger.
- Que lui avez-vous fait ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.
- Vous avez vraiment l'air inquiet pour lui ! Il n'est pas mort, pourtant cela aurait peut-être été préférable pour lui", dit-il en l'attrapant par le bras et en la remettant debout.

Vernarte fit quelques pas vers elle et s'arrêta devant Link.

"Je vous conseille d'être coopérative si vous voulez qu'il se réveille", ajouta-t-il en approchant son arme de celui qui était étendu à ses pieds.

Le traitre se baissa et fouilla Link à la recherche du flacon que ce dernier avait ramassé. Après l'avoir retrouvé, il le tendit à Cadmeen qui l'ouvrit et le plaça sous le nez de Zelda. Elle voulut détourner la tête, mais le général la maintint par le cou pour la forcer à respirer le produit.

La princesse ressentit une intense douleur en inspirant la première bouffée. Elle poussa un long cri et s'écroula perdant peu à peu conscience.

"Pourquoi est-ce aussi rapide ? demanda Cadmeen.
- C'est du concentré, votre roi a insisté pour que ce soit expéditif pour elle.
- Pourquoi ? Elle mérite de souffrir autant que lui !
- Je n'en ai pas la moindre idée. Il doit éprouver des sentiments à son égard."

Ce furent les derniers mots que la princesse entendit avant que l'obscurité ne vienne l'entourer.

* * *

À son réveil, Link était allongé sur une banquette dans une pièce sombre qui lui semblait familière. Observant tout autour de lui, il reconnut la cellule de haute sécurité dans laquelle Ganondorf l'avait enfermé à son retour du passé.

En se redressant, le jeune homme s'aperçut que ses mains étaient attachées par une grosse chaîne accrochée au mur de chaque côté de la couchette. Le prisonnier ne se souvenait pas de la présence de ces fers lors de son précédent séjour. Ceux-ci ne lui permettaient que peu de mouvements et l'empêchaient de se déplacer à l'intérieur de sa geôle.

Les derniers événements lui revinrent en mémoire en un instant : sa dispute avec Iria, la réunion de la résistance, l'opposition de Corentin, son combat avec Vernarte, la fourberie de Cadmeen... et la princesse qui n'avait pas voulu fuir. Il se leva d'un bond.

"Zelda !
- C'est trop tard, lui dit Vernarte qui l'observait à travers les barreaux, tu ne la sauveras pas !
- Que lui as-tu fait ?
- Cela ne te concerne plus ! Tu es désormais considéré comme un criminel. Les fers autour de tes poignets le prouvent. Ils ont été installés après l'évasion des hommes que tu avais arrêtés.
- Je veux savoir comment va la princesse !
- Elle est devenue très obéissante !"

Link repensa au flacon qu'il avait ramassé sur le sol juste avant son combat avec Vernarte et voulut chercher dans une de ses pochettes, mais celles-ci lui avaient été retirées.

"Pourquoi suis-je ici ?
- Quand le Premier Ministre a appris ce que tu avais failli faire à la princesse...
- Je ne l'ai pas touchée, tu le sais très bien !
- Tu avais le couteau qui l'a blessé dans la main. Tu risques d'avoir du mal à prouver ton innocence.
- Blessée ? Elle est blessée ?
- Rien de grave ! Tu l'as à peine effleurée !
- Et maintenant, que va-t-il se passer ?
- Le Conseil des ministres est justement en train de décider de ton sort. Vois-tu, le roi de Tradan est venu en personne pour te réclamer à la princesse. Tu as beaucoup de valeur à ses yeux.
- Je ne le connais même pas.
- Tu l'as pourtant rencontré à plusieurs reprises !
- Qui est-ce ?
- Tu le sauras bien assez tôt. Le monarque est venu poser un ultimatum. Soit Hyrule te livre bien gentiment à eux, soit il y aura une guerre."

Link regarda son ennemi dans les yeux.

- Livrer le Héros qui a sauvé le royaume leur aurait sans doute posé des problèmes de conscience ! Par contre, livrer celui qui a attaqué la princesse Zelda...
- Tu avais tout prévu !
- Bien sûr ! J'ai d'abord essayé de t'empêcher d'atteindre la clairière en lançant les soldats de Tradan à tes trousses.
- Je me doutais que tu étais derrière tout ça ! Ils ont tout fait pour me séparer de mon escorte !
- Évidemment, ils devaient te ramener avant que tu ne retrouves la mémoire ! Mais tu as réussi à te faire aider par le petit monstre qui vit dans la forêt de Firone.
- Skull Kid n'est pas un monstre.
- Je lui réglerai son compte en temps voulu, car je serai bientôt le maître incontesté de ce pays.
- Tu n'as pas encore gagné !
- La princesse Zelda est déjà en mon pouvoir et fera tout ce que je lui dirai. Elle a subi le même traitement que toi."

Link ferma les yeux en repensant à la souffrance que provoquait la transformation. Il les rouvrit et les fixa sur son adversaire.

"Je suis encore là et je suis au courant de tes intentions.
- Peut-être, mais tu n'auras pas l'occasion de les dévoiler ! Dès demain, tu seras de nouveau aux mains des hommes de Tradan, tu n'auras plus l'occasion de parler à qui que ce soit en dehors de ma présence.
- J'ai sauvé ce royaume. Ils vont en tenir compte.
- Crois-tu ? Une guerre pourrait tuer beaucoup de monde. Perdre des milliers de vies pour sauver un homme qui s'en est pris à la princesse n'est pas envisageable.
- Je n'ai rien fait !
- Bien sûr que si, tu étais sur le point de poignarder Zelda, le général Cadmeen a été obligé de te tirer une flèche dans le bras pour t'en empêcher. Ensuite, tu as cassé la flèche et tu l'as attaqué, j'ai été obligé de t'assommer !
- Et comment expliques-tu l'absence de coups ?
- Mais, je suis un membre reconnu de l'armée, ma parole ne sera jamais mise en doute. Par contre, malheureusement pour toi, ta longue absence et le mystère qui l'entoure jouent en ta défaveur ! Bon, je dois retourner à mes occupations. Je vais t'envoyer un médecin pour ton bras. N'essaye pas de fuir, tu pourrais aggraver ton cas."

Vernarte sortit. Le Héros du Crépuscule retourna s'asseoir sur la banquette. Il connaissait d'avance la décision qui serait prise. Link repensa à la princesse et sentit son coeur se briser en imaginant la souffrance qu'elle avait dû endurer par sa faute. À cause de son incapacité à la protéger.

Un quart d'heure plus tard, le docteur Borville entra dans le cachot. Celui-ci jeta un coup d'oeil au prisonnier et poussa un soupir de mécontentement en reconnaissant le jeune homme. Il était accompagné du général Cadmeen, venu surveiller sa proie. Mais Link savait très bien que ce charlatan ne lui serait d'aucuns secours.

Le médecin retira le morceau de flèche avec beaucoup de brutalité. Ayant été réquisitionné, il ne toucherait rien pour ses soins et voulait en finir rapidement. La plaie fut néanmoins suturée avec application et bandée. Une fois son travail accompli, le praticien quitta la cellule.

Cadmeen referma la grille et ressortit de la pièce avec les deux soldats de garde. La porte se rouvrit quelques minutes plus tard devant Moï et Vernarte. Link se leva. Le mentor s'assit à côté de son ancien élève et l'invita à faire de même. Le général hylien resta debout derrière le visiteur.

"Je viens d'assister à la réunion du Conseil des ministres. Je suis chargé de t'annoncer leur décision.
- Pourquoi toi ?
- J'y étais en tant que représentant du village dans lequel tu as grandi. J'ai demandé à t'annoncer le résultat et la permission m'a été accordée. Je voulais te parler. Pourquoi, Link ? Pourquoi avoir tenté de nuire à celle que tu as eu tant de mal à sauver ? Je ne comprends pas !"

Link ouvrit la bouche pour démentir l'accusation, mais croisa le regard de Vernarte qui lui fit comprendre ce qui arriverait à Moï s'il prononçait une seule parole.

"Parle-moi ! Je suis prêt à t'écouter. Donne-moi tes raisons !"

Le Héros du Crépuscule garda le silence, les yeux au sol.

"Je suis déçu ! Je pensais que nous étions amis, mais je vois que tu m'as menti. Le Conseil a décidé de te livrer au roi de Tradan. Tu seras conduit à leur camp demain matin. Nous n'aurons plus l'occasion de nous revoir, tu n'as toujours rien à me dire ?"

Craignant de lire de la déception dans les yeux de son mentor, Link baissa la tête. Le jeune homme préféra continuer de se taire pour ne pas mettre la vie de son maître d'armes en danger. Pourtant, au fond de son coeur, le Héros du Crépuscule était torturé. Même lorsqu'il faisait des bêtises étant enfant, jamais Moï ne s'était dit déçu par son comportement.

"Dans ce cas, adieu, Link !"

Moï tourna le dos à son ancien élève et sortit sans lui accorder un seul regard, par la porte restée ouverte. Le Héros du Crépuscule le vit s'éloigner, le coeur lourd. Il posa les yeux sur Vernarte qui lui souriait avec cruauté. Ce petit échange l'avait amusé et la détresse du jeune homme lui procurait beaucoup de plaisir.

"Profite de ta dernière nuit dans ce château, car tu ne reviendras pas, cette fois."

Il éclata de rire et sortit. La porte se referma derrière lui, laissant Link seul, avec ses doutes et sa peine.

chapitres suivants...

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Cristal". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 20.04.24