Le Temple des Dragons
Partie 2
Chapitre 2 : Tetra
Chapitre 3 : L'épreuve finale
Chapitre 4 : La source de Firone
Chapitre 5 : Le chant du coq
Chapitre 6 : Épona
Chapitre 7 : Discrétion
Chapitre 8 : Avant le départ

Cette deuxième partie fait suite à la première partie (sans blague). Il est recommandé d'avoir lu cette dernière pour suivre cette nouvelle, mais ce n'est pas obligatoire. Seuls certains détails vous échapperont.
Moï entra chez Bohdan. Il trouva son chef assis autour de sa table au milieu de son salon.
- Bonjour, Bohdan. On peut parler ?
- Oui, mes filles jouent dehors. Quelle est la situation à la citadelle ?
- Pas facile. Le roi Bulbin est de plus en plus autoritaire. Cela dit, il faut reconnaître que son armée est impressionnante. En dehors de ça, il semble que les gardes soient réellement dans tout Hyrule. J'imagine qu'il y en aura bientôt quelques-uns ici aussi.
Bodhan se leva et se rapprocha de son ami.
- Ils ont changé si progressivement que nous n'avons pas remarqué à quel point nos libertés disparaissaient. Sept ans que, chaque jour, l'oppression augmente. Et je ne sais même pas à quoi tout cela va leur servir. Autre chose ?
- Le palais continue d'affirmer qu'il n'y a plus de dragon. Il y a aussi une rumeur comme quoi la princesse Zelda aurait disparu. De nombreuses personnes ne croient plus en sa maladie de longue durée. Sept ans, c'est trop gros.
- Où en sont les autres cellules de la rébellion ?
- Monsieur Smith gère celle de la citadelle d'une main de maître. Et avec Telma et Rauru, c'est la plus efficace. À Cocorico, aucun problème pour Impa et Reynald. Anju et Kafey patinent toujours un peu. La Matriarche et le Locomo Pysto continuent de vouloir gérer seuls Papousia alors que Ringo et Numéro Trois veulent se joindre à nous. Les Locomos nous embêtent aussi à Boquillon où la moitié du village suit le chef, pour la rébellion et les autres suivent Spap, qui est contre. Les Skimos sont tout autant divisés par le locomo Dohmu. C'est encore pire chez les Gorons, car Morock, l'oncle de Darunia, Dangoross, le frère de Darmani et les doyens sont de retour, accompagnés du Locomo Bouyer. Il semblerait que le Locomo Tendor se soit allié au Gerudo contre l'avis de Nabooru, leur chef.
- Hum, et j'imagine qu'Ignis n'améliore pas la situation des Gorons.
- C'est exact. Toute l'armée goron est occupée.
- Et ces Locomos qui sortent de nulle part et arrivent à être suivis d'un grand nombre... Il faudra enquêter sur eux. Et pour ce qu'il en est des autres peuples ?
- Les Zoras sont encore perturbés par la mort de leur roi. Cela dit, la reine fait tout ce qu'elle peut. Les Kokiris et les Mojos sont sur le qui-vive. Aucun problème de ce côté-là.
- Et Link ?
- Telma me certifie l'avoir vu. Il serait parti dans les hauteurs de la montagne d'Hyrule pour rencontrer Maître Tesshin. Je pense qu'il a suivi l'entraînement des frères.
- Et à propos du nouveau général de la garde ?
- Il se nomme Traucmahr. Il a une main en acier. Je ne sais rien de plus de lui.
- Tu as fait du bon travail, Moï. Tu es à la fois notre guerrier, notre forgeron, notre espion et notre messager. Je ne saurai jamais comment te remercier.
- Ce n'est rien. Vous savez que c'est mon passé comme garde d'Hyrule qu'il faut remercier. Je vais retourner chez moi, ma femme et mon fils m'attendent.
Moï sortit et suivit le chemin qui le mena en haut d'une petite montée. Dans la maison, sa femme, Ute, enceinte, était assise autour de la table en train de coudre, une jeune fille à ses côtés.
- Bonjour ma chérie, dit-il en embrassant sa femme. Bonjour Iria. Je reviens juste de chez ton père. C'est toi qui as cousu tout cela ? Tu as fait de gros progrès. Tu sais où se trouve ta soeur ? Je voudrais lui demander quelque chose.
- Bonjour Moï. Bien sûr, elle est à la source de Latouane. Elle y va souvent ces derniers temps.
- Je vais passer la voir. J'ai vu Colin. Il joue avec Fénir, Anaïs et Balder près de la cabane. À plus tard.
La source de Latouane se trouvait à deux pas du village. Elle était connue pour ses propriétés curatives et pour des légendes à propos d'une chèvre lumineuse envoyée pour protéger Hyrule. Une jeune fille était assise au bord, les pieds dans l'eau, lorsque le forgeron y entra. Elle se retourna de surprise.
- Ce n'est que moi, Tetra. Que fais-tu là ? Je passais juste pour me reposer un peu. Tu sais certainement que je reviens tout juste d'Hyrule. (Il s'assit à côté d'elle.) La situation n'y est pas simple. Il y a une étrange rumeur qui circule à propos de la princesse Zelda. Elle aurait disparu il y a sept ans de cela.
- J'ai du mal à le croire. Une princesse ne pourrait pas vivre en dehors de son palais. Et même si elle y arrivait, elle serait reconnue très facilement.
- Sauf si, quelque part, elle a une cousine disparue depuis de nombreuses années qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Tu te souviens de comment tu as disparu ? (Tetra ne répondit rien, il poursuivit donc.) Ta mère s'appelait Guelia. Sa soeur et elle étaient descendantes de la noble famille de la reine Ambi de Labrynna. Aujourd'hui, ce n'est plus un royaume, mais ils conservent encore des liens avec la famille royale d'Hyrule. Toutes deux étaient promises aux deux fils du roi Dartas, feu Daphnès Nohansen et Bohdan Olihinsen. Ton père était censé rester au palais et devenir chevalier, mais il décida de s'installer ici, à Toal, car sa femme n'aimait pas le milieu bourgeois. De toute évidence, elle n'aimait pas non plus la vie de famille. Elle voulut partir, mais elle aimait trop ses filles. Iria étant trop jeune, elle partit avec toi. De plus, tu étais aussi aventureuse qu'elle. J'ai assez peu d'information sur son passé pour te dire où elle est partie. Tu dois le savoir mieux que moi, puisque tu en es revenue. Un postier nous avait informés de sa mort il y a dix ans.
- Bien sûr que je sais tout cela, puisque je suis Tetra, dit-elle en riant nerveusement. Où voulez-vous en venir ?
- Cela fait sept ans que tu es de retour parmi nous. Pourquoi es-tu revenue, déjà ?
- Je vous l'ai déjà expliqué de nombreuses fois, après la mort de ma mère, j'ai décidé qu'il était temps que je quitte la vie d'aventure.
- Donc tu as mis trois ans pour revenir là où un postier a mis quelques jours.
- Je devais mettre quelques affaires en ordre. J'aimerais continuer à méditer seule maintenant. Votre retour me réjouit. Bonne journée.
- Avant de partir, je voulais juste vous annoncer que la situation en Hyrule est de plus en plus difficile. Le peuple aurait bien besoin d'une princesse.
- Si j'en vois une, je vous ferai signe. Merci Moï.
Il n'était plus attentif à la princesse. Il fixait la route avec attention.
- Tetra, tu as entendu ?
- Quoi ?
- Un hennissement de cheval.
Tetra se leva, mais le vieil homme lui fit signe de rester en arrière. Il fit quelques pas en avant et sortit son épée de son fourneau. Il se mit en garde de façon très professionnelle, ce qui étonna légèrement la jeune fille. Des bruits de sabots se firent entendre et ce de plus en plus fort.
- Tetra, si je te demande de courir te cacher dans la fontaine, fais-le.
- Ils sont beaucoup ?
- Difficile à dire, le bruit est étouffé par les feuilles, mais je dirais un seul homme. Peut-être un éclaireur.
- Que viendrait-il faire dans un village aussi reculé ?
- Rechercher la princesse.
- Elle n'est pas ici !
- Qui sait ?
Le coeur de Tetra battait de plus en vite à mesure que les bruits de sabots s'intensifiaient. Moï restait dans sa position de garde, prêt à trancher le premier venu. C'est alors qu'un jeune homme, habillé tout en vert, chevauchant une jument à la robe marron et à la magnifique crinière blanche entra dans la zone du lac. Il s'arrêta net quand il vit le guerrier sur le qui-vive et mit pied à terre. Moï fit un rapide inventaire de la menace que pouvait représenter ce jeune homme. Dans son dos, il avait une épée à une main, qui à la vue de la garde semblait être une de ses épées. Il pourrait déterminer à qui il l'avait vendue en voyant la lame. Le garçon avait aussi un bouclier, vraisemblablement hylien, ainsi qu'un arc et un carquois sur l'épaule gauche rempli de flèches. À sa ceinture étaient attachés une lanterne, un grappin et un boomerang. Il portait une cotte de mailles sous ses vêtements. Tout indiquait qu'il allait être un adversaire redoutable. Pourtant, il ne bougea pas, fixant Moï avec beaucoup de bonté. C'est alors que le vieux guerrier eut une révélation. Son ennemi potentiel était blond, des oreilles pointues et une paire de boucles d'oreille bleues. Ce jeune garçon correspondait à la description de Link qu'il avait entendue dernièrement. Mais comment en être sûr ?
- Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire à Toal ? demanda Moï.
- C'est comme ça que vous recevez les voyageurs ici ? répondit le jeune homme.
- Nous sommes en guerre. Répondez à la question.
- Rectification, nous serons probablement en guerre dans très peu de temps. Je m'appelle Link. Avez-vous entendu parler de moi ?
- Comment savoir que vous êtes le vrai ?
- Vous avez donc entendu parler de moi. Je voudrais parler à Bodhan, le chef du village de Toal. C'est vous ?
- Non, mais je ne vous y conduirai pas avant de savoir qui vous êtes.
- Tetra s'impatienta et fixa le blondinet avec insistance pour lui faire comprendre qu'il faisait fausse route. Link capta son regard, mais ne fit rien en retour, car il ne savait pas comment s'y prendre. Il n'avait pas réalisé toute la tension que ce conflit pouvait générer. Il était resté loin de toute civilisation pendant près de sept ans durant lesquels il s'était entraîné afin de pouvoir gérer tout type de situation conflictuelle, mais pas de ce genre-là. Quant à Moï, il avait envie de croire au retour de Link, mais prendre le risque de laisser un traître s'approcher d'aussi près de la rébellion lui était impossible.
- Link, tu es incorrigible, dit une voix venant de la directement du garçon.
Une fée sortit de la tunique de Link. Moï et Tetra n'en revenaient pas. Une fée... C'était incroyable et la preuve de l'authenticité du garçon.
- Je suis Navi, la fée de l'Arbre Mojo et protectrice de Link depuis sept ans environ. Je vous certifie que ce garçon est bien le héros que vous attendiez tous. Maintenant, allons discuter avec Bodhan. Que se passe-t-il, demanda la fée devant les visages surpris de ces deux interlocuteurs, vous n'avez jamais vu de fée ou quoi ?
- Les fées sont très rares, Navi, expliqua Link.
- Vous êtes un des nombreux réseaux de la rébellion, non ? Vous ne communiquez pas avec les autres réseaux grâce aux fées ?
- Nous ne sommes pas un réseau officiel, répondit Moï.
- On fait quoi, Link ? chuchota-t-elle.
- On continue le plan initial, on va à la rencontre de Bodhan. Je te rappelle que ne nous sommes pas venus pour le réseau rebelle.
- Telma nous a certifié qu'il y avait un réseau à Toal.
- C'est ce que t'a rapporté Kaepora Gaebora. Et de toute façon, on ne nous a rien dit concernant leur officialité.
- Si vous voulez aller parler à Bodhan, suivez-nous, lança le vieux garde.
Link et Navi suivirent Tetra et Moï, le jeune homme tirant son cheval. Le village n'était pas très loin. Sur la route, après un long silence gênant, la fée ne put plus tenir sa langue.
- Surtout ne me remercie pas, Link.
- En quel honneur ?
- C'est encore grâce à moi que nous progressons dans ta quête.
- J'allais finir par trouver un moyen de les convaincre.
- Et comment ?
- C'est simple, j'allais... sortir mon épée.
- Il aurait pris cela pour une menace.
- C'était celle de mon père, qu'un forgeron de Toal lui a forgé. Avec un peu de chance, il l'aurait reconnue.
- Reicht, le faux élu, confirma Moï. Je me disais bien que je connaissais ce pommeau. C'est mon père qui l'a forgée. Je me souviens du jour où il la lui a vendue. Ton père était déjà bien connu. C'était avant le fiasco de la citadelle. Une terrible histoire. J'étais en poste à la citadelle à cette époque.
- J'aimerais féliciter votre père pour cette superbe lame qui m'a protégé pendant ces sept longues années, demanda le garçon avec beaucoup de reconnaissance.
- Ça ne sera pas facile, il est mort. Depuis, c'est moi le forgeron de Toal. Je ne suis pas aussi doué que lui, mais mes lames restent la référence en la matière, depuis la mort de Smith en tout cas.
- Smith ? interrogea Link. Maguo Smith ?
- Un vieux monsieur sans importance, interrompit Navi.
- Navi, on avait dit plus de secret.
- Ce forgeron de renom a longtemps travaillé avec mon père, expliqua Moï. Il habitait près d'Hyrule. Ce qui en a fait le forgeron officiel de la citadelle. Lorsque mon père est mort, il est devenu le meilleur forgeron et ce titre me revint à la mort du vieillard.
- Navi ?
- Il est fort probable qu'il était ton grand-père maternel. Ne me regarde pas comme ça, il est mort il y a plus de dix ans.
- Pourquoi ne m'a-t-il pas élevé ?
- C'est une longue histoire, mais, en gros, il était fâché avec sa fille, car il n'aimait pas ton père. Ta mère a préféré que tu restes avec l'Arbre Mojo. Il est fort probable qu'il n'ait jamais connu ton existence.
- Il est mort peu de temps après ma naissance, c'est ça ? Et la maison du vieux Smith était la sienne, où il a vécu avec sa fille. Maguo savait tout cela et c'est pour cela que lui et Satina sont venus s'y installer, car il savait qu'elle était vide. Je me trompe ? Je n'ai plus douze ans, Navi. En plus, je te connais par coeur. Je connais ta façon de me mentir.
- J'ai encore du mal à savoir si cet entraînement avec maître Tesshin était une bonne chose.
- Je le savais, vous avez bien suivi l'entraînement de Tesshin. Un type formidable. Comment va-t-il ?
- Très bien. Il n'est plus tout jeune, mais a encore de l'énergie à revendre. C'est entre autre lié à lui que je suis ici.
- Nous en parlerons plus tard, nous approchons de la maison de Bodhan.
Effectivement, ils étaient à Toal. Link observa les alentours. C'était un petit village bucolique. On pouvait y voir un moulin, une ferme où l'on élevait des chèvres et plein de petites maisons. Les habitants observaient la petite troupe depuis leur arrivée dans le village, mais le jeune ne le remarqua que maintenant. Pourtant, les habitants étaient restés à bonne distance, comme s'il avait peur de quelque chose. Il n'y avait même pas eu de vives réactions à la vue de Navi. Peut-être qu'ils avaient un immense respect envers lui. C'était plus simplement parce que Moï leur avait lancé de nombreux regards noirs que Link n'avait pas remarqués.
Tous entrèrent dans la maison du chef, le cheval attendant dehors sans attache. La maison semblait vide, mais le bruit de la porte fit surgir Bodhan d'une pièce située derrière le salon.
- Moï, Tetra, que se passe-t-il ? dit-il avec étonnement. Qui est ce garçon ?
Il remarqua Navi. C'est alors que son visage se ferma. Link, ici, maintenant, ce n'était pas une bonne nouvelle du tout. Tetra allait devoir partir encore une fois.
- Link, reprit-il froidement, je crois savoir pourquoi tu es là. Tu te trompes, Zelda n'est pas chez nous. Impa s'est trompée. La princesse est toujours au château, malade. Elle n'aurait jamais abandonné son peuple.
- Ce n'est pas mon avis, répondit Link avec malice. Reculer pour mieux sauter, se cacher pour revenir encore plus fort. Je la comprends très bien, car c'est exactement ce que j'ai fait ces sept dernières années, je suis devenu plus fort, plus malin, plus sage, prêt a gagner une guerre. En effet, je suis ici pour trouver un chef à la rébellion. La princesse est tout indiquée. Maintenant qu'elle est majeure et parce que sa mère n'est plus elle-même, c'est elle qui dirige le royaume. Le conseil des grands prêtres pense que la reine mourra bientôt. Le contrôle des esprits ne fonctionne pas éternellement et à chaque fois qu'elle fait quelque chose qui va à l'encontre de sa nature, son esprit lutte et ceci l'épuise jour après jour. En sept ans, on imagine facilement dans quel état elle doit être maintenant. Nos espions ont découvert qu'une loi fera bientôt d'Agahnim le nouveau dirigeant du royaume. À ce moment-là, la reine sera condamnée. Ce moment se rapproche à grands pas. Quand tout ceci aura eu lieu, je peux vous assurer du retour de Ganondorf. Le peuple sera alors qu'il est trop tard. C'est pour cela qu'il faut agir maintenant.
Tetra avait le regard vide. Pendant le discours de Link, elle s'était assise. Chaque mauvaise nouvelle était un poignard de plus qui lui transperçaient le coeur. Le chef la fixa du regard et s'approcha d'elle lentement. Il lui murmura à l'oreille des mots que personne n'entendit, mais ils ne la réconfortèrent pas. Au contraire, elle était désormais coincée. À la fin de son discours, le jeune Hylien la remarqua. Il décida alors de changer de sujet.
- Je suis ici pour une raison. Moï. (Il se retourna vers lui.) Vous avez suivi l'entraînement de maître Tesshin il y a de nombreuses années.
- En effet. Après cela, je suis devenu général puis instructeur de la garde royale. À la mort de mon père, j'ai tout quitté pour revenir ici. J'ai pris une retraite anticipée, j'ai repris la forge, je me suis marié et j'ai eu un fils. Je suis prêt à relever ton défi.
- Quel défi, Moï ? interrogea Bodhan.
- À la fin de chaque formation, Tesshin demande à son élève d'aller affronter l'un de ses anciens élèves qui a réussi sa formation. Et comme je suis le dernier à l'avoir terminée, il est normal que ce soit moi que Link doit affronter. C'est la procédure habituelle.
- Non, quelqu'un d'autre a obtenu le titre entre nous deux, rectifia Link, quelqu'un que vous connaissez bien, Bohdan. Oui, votre femme. Elle avait commencé sa formation avant de vous rencontrer, mais prise par ses devoirs de princesse, elle ne put la terminer. Elle allait le faire après son départ du village.
- J'aimerais me préparer avant mon combat, jeune Link. Demain matin, ça vous convient ? La nuit commence à tomber et vous devez être fatigué après ce voyage. Vous...
- C'est une bonne idée, coupa le chef. Vous dormirez chez moi, vous êtes un invité de marque.
- C'est très gentil. Je suis désolé, mais dans ce cas, je vais devoir m'occuper de la princesse.
- Venez-en fait, Link ! cria Tetra. Arrêtez de tourner autour du pot. Où est-elle ?
- Vous le savez très bien, Tetra. La princesse Zelda Marinia Hyrule, fille de feu Daphnès Nohansen Hyrule et Julia de Labrynna, souveraine d'Hyrule, des Hyliens et protectrice du Saint Royaume, c'est vous.
Le visage de Tetra se ferma encore plus. Malgré l'évidence que sa couverture venait de tomber, elle insista. Peut-être que ce n'était que pure spéculation.
- Non, vous vous trompez. Je suis Tetra, fille de Bodhan, chef du paisible village de Toal. Qu'importent les rumeurs, Zelda n'est pas chez nous.
- Bodhan, vous devriez aller chercher votre fille, car je vais vous raconter comment, alors que je devais trouver votre femme Guelia pour terminer ma formation, j'ai rencontré Tetra, votre fille. Dès cet instant, je savais où était Zelda, car j'avais eu vent des rumeurs du retour de Tetra à Toal. Une chance qu'elles se ressemblent autant.
Bodhan s'exécuta. À son retour, il trouva Moï, Link et Zelda autour de la table, deux chaises vides à disposition pour lui et Iria. Ils s'assirent. Link commença alors son histoire.
Accoudé au bar de la taverne de Ringo, Link attendait le propriétaire, occupé à servir des clients. Parcouru de douleurs au dos et aux jambes à cause de sa jument récemment obtenue et du fait qu'il n'avait que peu monté à cheval, il savourait son verre de lait bien frais qui le soulagea en profondeur.
- Tu es sûr que tu ne veux rien d'autre, mon garçon ? demanda Ringo tout juste installé derrière le comptoir.
- Ce verre de lait était juste ce qu'il me fallait, merci.
- Pas de quoi. Alors, que me vaut cette visite ? Tu as bien changé en sept ans. Tu es un beau grand jeune homme maintenant et tu es fort bien équipé. J'ai vu ton cheval, dehors, aussi. C'est un bien bel animal.
- C'est une jument. Elle s'appelle Epona. Elle vient du ranch Romani. Je viens tout juste de l'avoir. J'ai encore un peu de mal avec, mais je m'y fais. Je n'ai appris à monter que récemment.
- Je sais, oui. Auprès de Maître Tesshin. Les nouvelles vont vite, tu sais.
- Alors vous devez savoir pourquoi je suis ici.
- Elles ne vont pas aussi vite, répondit-il en riant.
- Je suis à la recherche de quelqu'un. Une pirate, pour être précis.
- Et cette pirate a un nom ?
- Guelia.
- La capitaine du Dragon des mers. Cela fait longtemps qu'on ne l'a pas vu. Il y a un membre de son équipage qui passe régulièrement récupérer des marchandises. Il s'appelle Sénèque. Tu le reconnaîtras facilement, sa chaloupe est rouge et en forme de dragon. Il devrait passer d'ici trois, quatre jours.
- Il n'y a aucun autre moyen ?
- Tu peux toujours tenter de partir sur un bateau de pêche et espérer croiser le Dragon, mais c'est incertain.
Va pour la chaloupe de Sénèque.
Link resta au village Papousia pendant trois jours durant lesquels il en apprit davantage sur la rébellion locale. Elle était dirigée par Ringo et numéro trois, mais la Matriarche, vielle voyante et maire de Papousia, avec l'aide de Pysto, un Locomo, voulaient continuer à suivre la reine, coûte que coûte. Leurs arguments lui étaient assez incompréhensibles. Les Locomos craindraient le retour d'un certain Mallard et la venue des dragons les en protégerait. De vieilles légendes infondées, selon numéro trois, qui pensait, au contraire, que les Locomos protégeaient le nouveau général de l'armée d'Hyrule, Trauchmar, un Locomo également. C'était un peuple avec peu de membres qui revendiquait leur légitimité divine depuis des années, mais se retrouvait relayé au second plan derrière des figures plus charismatiques telle que l'arbre Mojo, Valoo ou encore Jabu-Jabu. Et même les quatre esprits de la lumière qui n'étaient que des légendes ou, pire, les grandes fées semblaient avoir plus de crédibilité aux yeux des autres peuples.
- Les Locomos verraient en Agahnim et dans les dragons une opportunité de passer au premier plan. Etant donné que Ringo avait déconseillé à Link de parler avec Pysto pour le moment, il n'avait aucune opinion sur la question. Navi trouvait cela plausible, mais n'en savait de toute façon pas plus non plus. Comme le tavernier, elle estimait qu'il fallait se concentrer sur la mission confiée par Maître Tesshin et finir cette formation qui n'avait que trop duré. Lorsque le jeune homme aperçut la chaloupe rouge de Sénèque, elle était déjà amarrée dans le port de Papousia. Link remarqua un homme barbu avec un haut violet extrêmement moulant qui laissait entrevoir ses poils de torse et qui portait sur ses épaules deux énormes sacs. L'Hylien s'approcha de lui.
Je peux vous aider ? Vous avez l'air chargé.
- Ça ira, mon mignon, merci. Je vais juste là, derrière toi. La barque dragon rouge.
L'homme posa les sacs dans son bateau et monta à bord. Il tourna la tête vers Link et lui sourit. Le garçon en profita.
- Vous êtes un membre d'équipage du Dragon des mers ?
- Oui, mon petit chou. Je m'appelle Sénèque. Tu veux quelque chose ?
- J'aimerais monter à bord.
- Pourquoi faire ?
- J'aurais besoin de parler à votre capitaine.
- Désolé, mon biquet, mais je ne peux pas avant d'avoir eu son accord.
Link dégaina son épée à la vitesse de l'éclair et menaça Sénèque avec.
- Et maintenant, vous m'y emmenez ?
- Oh, ne le prends pas comme ça. Si tu avais insisté un peu plus, je l'aurais fait. Je ne peux rien refuser à de si jolis yeux.
Link rougit et rengaina.
- Monte vite, le vent nous est favorable.
Il s'exécuta. Avec les sacs et la voile, la place qui lui était assignée était juste assez petite pour être dans un incroyable inconfort. Heureusement, le voyage ne dura pas longtemps. Une grue remonta la chaloupe et Link monta à bord du Dragon des mers en aidant Sénèque avec les sacs. Rapidement, un grand pirate, portant un foulard sur la tête et une tunique verte s'approcha de lui.
- C'est qui, ça ? Naggi, prend le sac de ce jeune homme et va chercher la capitaine.
- Je m'appelle Link. Sénèque m'a conduit jusqu'à vous car...
- Il t'a conduit jusqu'à nous par erreur. Un séjour en prison te fera le plus grand bien. Tu partiras d'ici lors de notre prochaine escale.
- Je veux parler à votre capitaine ! lança Link encore plus rapidement que se déplace sa jument lancée au galop.
- Je suis son second. Mes décisions ont autant de valeur qu'elle.
- S'il vous plaît, je dois vraiment parler à Guelia. C'est à propos de maître Tesshin.
Guelia est morte, dit une voix douce mais ferme venant de la droite de Link.
Une jeune femme apparut alors. Elle portait une tenue simple de pirate avec short blanc et un petit gilet bleu sans manche. Pourtant, elle arborait un magnifique foulard rouge en soie autour du cou et une épée courte et courbe à la ceinture. Le jeune Hylien n'en avait encore jamais vue, mais cette arme de bonne finition correspondait à la description du cimeterre de Guelia que lui avait fait maître Tesshin. Le visage de la jeune femme ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui de la Zelda des souvenirs de Link, mais en plus mature et avec une expression plus sévère.
- Je suis la capitaine Tetra, reprit la jeune femme. Guelia était ma mère. Tu as fait tout ce chemin pour rien.
- Je suis navré de l'apprendre. Il y a longtemps ?
- Ça fera bientôt dix ans, d'une grave maladie que nous n'avons pas pu soigner.
- A propos de Tesshin...
- Je me souviens à peine de lui. Je devais avoir environ cinq ans. Lorsque ma mère quitta le village, elle alla terminer sa formation qu'elle avait commencée avant son mariage. Ce sabre est tout ce qu'il me reste d'elle, dit-elle froidement en sortant légèrement son arme de sa ceinture. Elle m'a appris tout ce que je sais. Dans l'idée, je suis moi aussi une disciple de Tesshin.
- Qui a-t-elle dû affronter pour son épreuve finale ?
- Orco, un vieux pécheur qui habite sur l'île de l'Aurore. C'est d'ailleurs comme ça que ma mère a pris la mer et ne l'a jamais rendue. C'était ses mots à elle. En théorie, elle aurait dû affronter un certain Moï. Je me souviens qu'elle m'avait dit que c'était un ami proche de mon père. C'est pour ça qu'elle a refusé.
- Bon, j'imagine qu'il ne me reste plus qu'à retourner auprès de maître Tesshin afin qu'il me dise où trouver ce Moï. Merci de m'avoir accordé un peu de votre temps et désolé pour le dérangement. Une dernière chose avant de quitter votre navire. Pendant mon voyage, j'ai eu vent de rumeur comme quoi, Tetra, la fille perdue du chef du village de Toal serait de retour chez elle. Il s'agit de vous ?
- Je suis bien la fille de Bohdan, mais comme vous pouvez le constater, ces rumeurs sont fausses.
- On vous a déjà dit que vous ressembliez à la princesse Zelda ?
- Oui, mais rien de surprenant puisque c'est ma cousine.
- Pardon ?
- Ma mère est la soeur de la reine et mon père est le frère du roi. Je l'ai toujours su. Mais je suis comme ma mère. Je suis contente d'être loin de tout ça.
- Pirates ennemis en vue, capitaine, fit une voix venant d'en haut.
- Jolène ? demanda fort Tetra en direction de la vigie.
- Oui, capitaine !
- On continuera cette discussion plus tard, reprit-elle à Link.
Tetra monta les escaliers situés derrière elle qui menaient à la barre qu'elle attrapa fermement. Elle cria alors :
- Tous à vos postes. Ennemis en approche. Abordage à prévoir. Préparer la manoeuvre d'évitement.
Le jeune Hylien rejoignit la capitaine. Son regard avait changé. Elle fixait l'horizon, les yeux légèrement plissés et cria de plus belle :
- Toutes voiles dehors ! Si ce navire nous rattrape, il y aura des morts, mais sûrement pas moi.
Les six membres d'équipage s'exécutèrent. Ils grimpèrent partout. D'un seul coup, la grande voile descendit et le vent s'y engouffra. Le bateau accéléra et Tetra tourna la barre légèrement à droite. Link observait les alentours avec attention. Tout le passionnait. Il admirait les pirates faire leur travail et virevolter au-dessus de lui de droite à gauche. Il appréciait le vent dans ses cheveux et la manière avec laquelle Tetra dirigeait ses hommes. "Elle va plus vite que nous" annonça la vigie. La capitaine jura et hurla :
- Gonzo, prends la barre.
- Je peux servir à quelque chose ? demanda Link dans la précipitation.
- À l'évidence, tu ne sais pas naviguer. Par contre, tu sais forcément te battre et tu sembles très bien équipé. Mes hommes sont de bons marins, mais donne-leur une arme et ils ne pourraient blesser qu'eux-mêmes. La mer n'était pas aussi dangereuse avant. Seule, j'arrivais à nous défendre de la plupart des agresseurs. Et puis, je suis mauvaise langue, Gonzo ne se débrouille pas trop mal avec une lance.
- On s'organise comment ?
- Je m'occupe de défendre mes hommes avec Gonzo. Toi, tu vas monter à la vigie et tirer sur les bokoblins qui tentent d'approcher. Mais attends qu'ils aient commencé à nous aborder, car sinon, l'agression vient de nous. Pour grimper, utilise ce filet.
- Je ne suis pas très fort en escalade. Je préfère faire les choses à ma façon.
Link prit son grappin à sa ceinture, visa le mât situé juste au-dessus de la vigie et se hissa. Une fois en position, il dégaina son arc et encocha une flèche.
Le bateau ennemi s'approchait de plus en plus. Il vira de bord et des crochets d'abordage volèrent dans leur direction et agrippèrent le navire. Tetra n'eut pas le temps d'en couper un seul qu'un monstre à tête de cochon l'attaqua. Il ressemblait à un moblin mais était plus petit. Link décocha une flèche et tua un bokoblin qui essayait de monter à bord du Dragon des mers. Tetra, quant à elle, para le coup de son adversaire et lui trancha la tête. Ce dernier explosa. Gonzo lâcha la barre et attrapa sa lance qui était posée sur un râtelier à proximité. Il fonça sur un monstre qui explosa instantanément. C'est alors qu'une femme accrochée à une corde provenant d'un grappin d'abordage agrippé sur l'un des mâts du dragon sauta dessus et attaqua Tetra. Gonzo, qui venait de faire passer par-dessus bord un ennemi d'un revers de lance, chargea la femme. Elle para et le frappa d'un coup de pied retourné qui assomma le lancier. Elle tourna alors les talons et retourna vers Tetra, Link toujours en train de jouer de l'arc pour protéger le navire. Le combat Tetra contre Jolène était rude et la femme avait nettement le dessus. Les lames courbes virevoltaient dans tous les sens lorsque, d'un coup, Tetra se retrouva au sol, essoufflée, désarmée et l'épée de la femme pirate sous la gorge.
- Par ordre de sa majesté la reine d'Hyrule, je vous arrête pour présence illégale dans les eaux d'Hyrule. Pour information, je suis Jolène, capitaine du dent bleu, le bateau le plus rapide du monde.
- Le fait que vous dites répondre aux ordres de la reine et que vous dirigiez un équipage de monstres montre bien le lien entre la reine et les dragons. Je ne réponds pas aux ordres des dragons.
- C'est un peu plus compliqué que ça. Je réponds aux ordres du général Traucmahr. Mais pour accomplir au mieux ma mission, il me fallait un équipage. Les pirates gerudos ayant refusé, le général a demandé au roi Bulbin de lui prêter des hommes, ce qu'il fit. Bon, les bokoblins ne sont pas des bulbins, donc ils ne sont pas vraiment des hommes du roi, mais vu que le roi est un peu le général des monstres... Il ne peut pas y avoir de lien avec les dragons puisque les dragons ne sont pas en Hyrule. Maintenant, levez-vous et montez à bord de mon navire.
- Vous parlez trop, Jolène.
Link, qui avait tout entendu décida de sauver Tetra quitte à devoir s'occuper des monstres ensuite. Il s'agrippa à un mât à l'aide de son grappin et se laissa tomber, son épée sortie. Jolène entendit le bruit de la chaîne, leva les yeux ainsi que son épée, et para le coup de Link avant de reculer à cause du choc. La jeune capitaine en profita pour se relever, ramasser son épée et s'occuper des monstres qui continuaient de monter sur le bateau. Les techniques de l'Hylien étaient parfaites. Il bloquait chaque coup de son adversaire avec une aisance incomparable. Il profita d'un léger moment de répit pour sortir son bouclier. Jolène n'arrivait plus à toucher l'épée de Link qui lui assigna un coup de bouclier afin de l'assommer un moment. Il examina le combat de son amie. Elle était épuisée et n'arrivait plus à faire face à tous ces ennemis. Il ordonna alors à Navi, cachée dans sa tunique d'aller l'aider, ce qu'elle fit après avoir légèrement protesté. Jolène reprit plus rapidement ses esprits que prévu et Link para son coup de justesse.
- Je ne suis pas un assassin, Jolène, je n'ai aucune envie de vous tuer, mais si vous m'y obligez, je ne vais pas avoir le choix.
- Tu n'as aucune diplomatie, mon garçon. Je ne risque pas de perdre face à gamin de ton espèce. J'ai déjà éliminé des adversaires plus coriaces.
J'ai du mal à croire que vous ayez rencontré plus coriace que moi. Je suis Link, élue des déesses et disciple de maître Tesshin. Je maîtrise l'épée, l'arc, le boomerang et je me débrouille avec la plupart des autres armes.
La peur pouvait désormais se lire sur le visage de Jolène. Elle fit alors un bon en arrière, cria "repliez-vous" et disparut dans un nuage de fumée. Les bokoblins restants retournèrent en toute hâte sur leur navire et coupèrent les cordes qui reliaient les deux bateaux entre eux. Le dent bleu sortit la grand voile et disparut à l'horizon.
- Vous vous battez divinement bien, Link, s'étonna Tetra. Je vous remercie. Heureusement que vous étiez là.
- Pourquoi recommencer à me vouvoyer ?
- Pendant le combat vous étiez sous mes ordres. Maintenant vous redevenez un passager.
- Nous avons combattu ensemble. Je pense que nous pouvons nous tutoyer désormais, non ?
- Comme tu veux. Cela fait des mois que je retarde l'installation de canons à bord de mon navire, je pense qu'il est grand temps de m'en occuper. Jolène est trop forte pour moi et tu ne seras pas toujours là pour me protéger. Merci pour la fée, elle a été un excellent guide.
- Je devrais peut-être penser à rester avec elle, Link, fit Navi. Elle écoute mes indications, au moins.
- Avec plaisir, ça me fera des vacances.
- Il est temps pour toi de retourner à terre. Hyrule t'attend. Le dragon des mers a une dette envers toi.
- Je ne l'oublierai pas.
Link venait tout juste de finir de raconter sa rencontre avec Tetra. Pour rompre le silence pesant qui s'était installé, Moï prit la parole :
- Vous devriez aller faire le tour du village, Link. Iria sera votre guide.
- Je préférerais aller me coucher. J'ai fait un long voyage depuis le mont Gongle et je dois être en forme pour notre combat de demain. Il faudrait aussi que…
- Il faudrait aussi que nous discutions Link et moi, coupa Navi. Une balade nous fera le plus grand bien. Nous devrions très bien nous en sortir sans guide, Iria peut rester ici si elle le désire.
- Ne vous en faites pas pour moi, dit Iria après avoir reçu un regard significatif de son père. Je vais retourner auprès d'Ute, j'ai de la couture à terminer.
Elle se leva et sortit, suivie du jeune Hylien et de la fée. Link attendait un regard d'Iria qui ne vint pas. Elle partit directement vers la maison de Moï et de sa femme. Le jeune homme caressa sa jument et se dirigea vers la ferme.
- Tu y es allé un peu fort avec Zelda tout à l'heure, lança Navi. Nous ne sommes pas venus pour nous en faire une ennemie. Tu es peut-être un bon guerrier, mais tu as encore du travail en diplomatie.
- Nous sommes justement venus chercher la princesse pour l'aspect diplomatique de cette bataille. Sur ce coup, je ne pouvais pas lui demander de m'aider.
- Alors tu aurais dû me laisser faire.
- Tu aurais fait comment, hein ? Tu aurais prétendu savoir qu'elle est Zelda, car tu es une fée ? Tu es peut-être une fée très vieille qui sait beaucoup de choses, mais je suis grand, maintenant. Je suis un Hylien qui s'adressait à des Hyliens. Bohdan est un homme intelligent, il a besoin de faits, d'être mis en face de la vérité. Et Zelda avait besoin d'être légèrement bousculée. Je n'ai fait qu'écouter mon instinct. Je suis l'élu des déesses, après tout. En plus, je trouve que je l'ai fait le plus gentiment possible.
Nous verrons bien la réaction de la princesse.
Après le départ de Link, Navi et Iria, Moï se leva.
- J'en étais sûr! Tu es Zelda !
- Super, vous le savez, fit Bohdan. Et que comptez-vous faire de cette information ? Vous connaissez les risques qu'elle encourt si on découvre qu'elle est ici. Agahnim la recherche et il dispose d'une armée et de dragons pour arriver à ses fins. Si vous me respectez, Moï, vous devez respecter mon choix, imposa-t-il après s'être levé d'un bond. Jusqu'à nouvel ordre, elle est Tetra.
- Link a raison, mon oncle, reprit Zelda. Il est temps pour moi d'arrêter de fuir mes responsabilités. Quand je suis arrivée chez vous il y a sept ans, je vous ai dit qu'un jour on viendrait me trouver pour combattre l'oppression et ce jour est venu.
- Mais enfin, tu as passé sept ans ici à être Tetra. Tout le monde s'est attaché à toi, à Tetra. Nous avons plus besoin de toi ici que le royaume. Il y a d'autres meneurs capables de diriger cette armée. Link lui-même peut s'en occuper.
- Link est un soldat sorti de nulle part. Moi, je suis la princesse d'Hyrule. Lorsque ma mère mourra - et cela arrivera très bientôt - je serai la reine. Mon père ne m'a pas appris à rester passive. Oui, j'ai peur. Oui, je suis bien ici, oui je vous aime tous, mais je dois rester forte et accepter mon destin, termina-t-elle les larmes aux yeux.
Elle se leva, sortit de la maison en pleurant et courut vers la source de Latouane. Link entendit des enfants crier le nom de Tetra en contrebas de la ferme. Inquiet, il courut, sauta sur sa jument qui partit aussitôt. D'un coup, il se retrouva à terre après avoir pris un projectile dans la tête. Le cheval s'arrêta net.
- C'est vous qui avez fait pleurer Tetra ? demanda un enfant brun qui tenait fermement un lance-pierre.
- Fénir ! cria une femme qui accourut vers eux. Vous n'avez rien, mon garçon ? fit-elle en relevant Link.
- J'ai la tête dure, répondit-il en se frottant le front. Tu vises bien, petit. Fénir, c'est ça ?
- Il n'aurait pas dû viser du tout. Excuse-toi.
- Non, il a fait pleurer Tetra, expliqua le garçon.
- Je n'ai rien fait du tout. J'ai sauté sur Epona pour voir ce qui arrivait à Tetra. Elle était chez son père.
- Que s'est-il passé, Pia ? interrogea Moï qui avait été alerté par les bruits extérieurs.
- Fénir a tiré au lance-pierre sur ce jeune homme, car il prétend qu'il a fait pleurer Tetra. Il semble qu'elle était chez son père. Tu sais quelque chose ?
- Ce sont des histoires de famille qui ne nous regardent pas. Par où est-elle partie ?
- La source de Latouane, dit Fénir.
- Evidemment. Je m'en occupe. Retourne chez Bohdan, Link. Repose-toi. Tu dois être en forme pour demain. Ne t'en fais pas, il te laissera tranquille. C'est un grand garçon. S'il y a quoi que ce soit, va chez moi. Ma femme t'accueillera avec plaisir.
Comme à son habitude, Zelda était assise au bord de la source de Latouane, mais cette fois-ci, elle n'y était pas pour méditer. Le moment était venu pour elle de redevenir la princesse Zelda. Pourquoi a-t-il fallu que Link revienne maintenant et qu'il ait rencontré la vraie Tetra ?
- Rien n'est simple, princesse, annonça une voix calme provenant de la source. Je suis Latouane, l'esprit de cette source et protecteur de cette paisible région loin de tout.
Zelda leva les yeux et aperçut une grande chèvre lumineuse lévitant au-dessus de la source qui continua :
- Je t'ai observée pendant ces sept années où tu es régulièrement venue prier les déesses pour qu'elles protègent ton peuple. Lorsque tu es arrivée, tu étais déterminée. Tu avais la détermination et l'impulsion de la jeunesse. Désormais, tu as la sagesse. Celle-ci te demande de faire attention. J'aurais voulu te faire connaître la situation exacte de ta nation en ce moment même, mais je ne suis qu'un esprit de seconde zone, envoyé par la déesse Hylia bien après les trois autres. Va dans la forêt rencontrer Firone, l'esprit envoyé par la déesse Farore, mais n'y va pas seule. Prends le jeune élu avec toi.
- La déesse Hylia ? entendit la princesse venir de derrière elle. Voilà qui est intéressant, continua Moï après qu'elle se soit retournée. J'ai toujours été amusé par le temple de la Triforce dans la citadelle. A l'origine, il s'agissait du temple d'Hylia. Cette pauvre déesse, arrivée en dernière position pour protéger la création des trois autres, a fini par être oubliée. Selon la légende, elle se serait incarnée en Hylienne afin de connaître la vie de ses protégés et de ne plus subir la foudre de ses trois grandes sœurs. Les conséquences de ce choix auraient été que personne ne se souviendrait d'elle. Elle-même s'est oubliée avec le temps. Pourtant, on raconte que la famille royale descendrait d'elle.
- Je suis au courant de toutes les légendes d'Hyrule, Moï. J'ai suivi les enseignements des meilleurs prêtres du royaume.
- Je sais, je disais cela pour moi, pour m'en souvenir et pour prouver à Latouane que je n'ai pas oublié ce qu'il m'a dit il y a de nombreuses années. Il y a une chose que tu ignores sur moi, ton oncle, et tout le village de Toal. Si Bohdan est venu vivre ici avec sa femme, ce n'est pas un hasard. Sa tante, ma mère et la sœur de ton grand-père vivaient ici depuis des années. Je suis le cousin de ton père et de Bohdan. Je descends moi aussi de la déesse Hylia. Depuis de très nombreuses années, il y aurait dû avoir un château ici, mais la zone est protégée par la Déesse elle-même afin qu'aucun mal ne puisse s'y installer. Ainsi, un membre de la famille royale doit toujours habiter ici pour que la magie de la zone perdure. Plus le membre est proche du sang du roi, plus la protection est efficace. C'est pour ça que Bohdan refuse que tu partes. Demain, après mon combat contre Link, partez ensemble à la source de Firone. Avec lui, tu seras toujours en sécurité. Ce soir, profite du village, de tes amis, de ton oncle et de ta cousine. C'est le plus beau cadeau que tu puisses leur faire. D'autant plus que Bohdan t'aime comme sa fille et qu'il aura du mal à lui dire au revoir encore une fois.
- Merci de vos précieux conseils, Moï. Quel est votre nom complet ?
- Moïherik Galvanias Hyrule, majesté.
- D'où était votre père ?
- D'une contrée lointaine. Il était le troisième fils du roi.
Ils restèrent assis pendant des heures à discuter de généalogie sous le regard bienveillant de Latouane, la plus grande chèvre d'Hyrule.
Le lendemain matin, Link se réveilla dans la maison du chef du village au son des coqs qui, bien que n'étant que trois, avaient fait plus de vacarme que toutes les armées de monstres réunies. Le jeune guerrier avait mal dormi. Entre le combat qui arrivait, les regards noirs que lui avait lancé Bohdan pendant tout le repas, et la froideur dans laquelle il avait été toute la soirée, son anxiété avait rarement été aussi élevée. Mais maître Tesshin lui avait appris à se battre dans tous les états d'esprit. Il se souvenait encore du difficile combat à trois heures du matin affamé dans la pénombre et la pluie, la peur au ventre à cause du craquement de la foudre après une journée à s'être entraîné à l'arc. Il sortit de chez Bohdan tout équipé ayant à peine mangé, car son hôte n'avait pas été très généreux sur les quantités. Dehors, la plupart des villageois étaient déjà au travail. Moï s'approcha de Link, le sourire aux lèvres, habillé léger et une épée en bois dans chaque main.
- Bonjour Moï, commença Link. C'est pour quoi ces épées ?
- Pour notre combat. Je n'ai pas d'épée émoussée pour l'entraînement.
- Comme vous voulez. Donnez-m'en une que l'on en finisse.
- Je te conseille de t'entraîner un peu avant avec. Une épée qui n'est pas la sienne est toujours plus difficile à utiliser au début.
- Je suis près. Je n'en ai pas besoin.
- Comme tu voudras. Par contre, je vais te demander de retirer ton arc, ton carquois, ton boomerang, ton grappin, ta lanterne et ton bouclier. Nous ferons un combat à l'épée classique et sans fioriture. Je voudrais aussi que tu me promettes que ta fée n'interviendra pas.
Navi sortit de la tunique de Link et s'éloigna des deux bretteurs.
- Je suis prêt Moï. En garde.
- Tous les habitants s'étaient désormais attroupés autour d'eux, Zelda, Iria et Bohdan s'étant assis sur des chaises à leur balcon.
Moï commença les hostilités en exécutant une frappe rapide et classique que Link para avec aisance. Le vieux guerrier riposta aux pieds et le jeune Hylien l'évita par un saut simple et net qui se termina par une roulade sur le côté qui le rapprocha de l'arrière de son adversaire. Ce dernier pivota, para le coup facilement et fit une roulade arrière vers un petit ruisseau qui traversait tout le village pour en sortir son épée qu'il avait cachée là avant le combat. Il profita de la surprise du gamin pour le charger dans une attaque sautée très acrobatique. Link fit un salto arrière pour éviter les deux épées de Moï. Il regarda de tous les côtés pour trouver une de ses armes, mais ne trouva que son bouclier qu'il saisit avant de parer un nouveau coup du vétéran qui réalisa ensuite une danse étrange que Link évita difficilement et qui eut pour effet de couper son épée en bois en deux morceaux bien distincts qu'il projeta au sol. Le jeune Hylien courut vers son épée qui fut interceptée par le vieux guerrier qui envoya son épée en bois sur le garçon. Il se protégea avec son bouclier et roula pour récupérer son boomerang qu'il envoya sans réfléchir. La cible l'évita et chargea de nouveau. Le jeune l'esquiva de justesse et attrapa son grappin grâce à un audacieux mouvement de son pied gauche. Il tira alors en plein dans Moï qui le dévia avec les deux épées. Soudain, il fut déstabilisé. Le boomerang avait fait demi-tour et venait tout juste d'atteindre sa cible. Link ramassa très rapidement une flèche dans son carquois au sol et courut vers son adversaire qu'il frappa d'un net coup de poing retenu dans le ventre avant de l'attraper par la taille et de se retrouver derrière lui à le menacer avec la flèche. Moï lâcha les armes et applaudit. Tous les spectateurs firent de même. Link relâcha le vieux soldat.
- Tu as été exceptionnel, mon garçon, s'exclama Moï. Tu as su éviter tous mes pièges. Tu es désormais officiellement un guerrier de Tesshin.
- Pourquoi m'avoir menti et avoir sorti votre épée cachée ? demanda Link en ramassant ses armes.
- Tes ennemis useront de toutes les stratégies les plus vicieuses pour te vaincre. Je n'ai pas fait cela au hasard. Orco m'avait fait exactement le même coup. Toi aussi, un jour, quelqu'un viendra te trouver pour son épreuve finale et tu devras faire la même chose.
- Et maintenant ?
- Eh bien, maintenant, à toi de suivre ton destin. Maître Tesshin sera ravi de te remettre le titre en mains propres.
- Bravo Link, interrompit une Zelda admirative. Vous nous avez offert un spectacle incroyable. Marchons ensemble un moment. Je suis prête à partir avec vous, continua-t-elle après que Navi les ait rejoints. Mon oncle et ma cousine se sont faits à l'idée. Nous irons vers la source de Firone qui se trouve dans la forêt de Firone et ensuite, je prendrai mes responsabilités de meneuse.
- Je vous remercie. Je sais à quel point cette décision a dû être difficile à prendre. La base de la rébellion se situe à Cocorico. Une fois là-bas, je vous laisserai afin de m'occuper des derniers dragons. Vous serez entre de bonnes mains puisque vous y retrouverez Impa.
- Link ! cria Moï. J'ai un cadeau pour toi avant ton départ.
- Allez-y, Link. Retrouvez-moi chez moi lorsque vous serez prêt.
Il courut rejoindre le vétéran qui prit la parole :
- Ce que je vais te donner est un objet très précieux et très spécial. Tiens.
Il lui tendit un paquet bien emballé avec un joli ruban bleu. Link l'ouvrit. C'était un gantelet gauche comme le sien, mais plaqué d'argent et contenant un cristal rouge au niveau du dessus de la main.
- Il te permettra de porter des objets bien plus lourds, comme des boulets ou des gros rochers par exemple et de les manier comme s'ils étaient très légers. Il n'augmente pas la force de tes coups, leur magie est plus subtile. Il te servira, par contre, à parer des coups d'épée si tu dois te battre à mains nues. Il m'appartenait, mais je suis sûr que tu en auras plus besoin que moi. Va, et sache que tu auras toujours des amis dans ce village.
Link alla donc frapper à la porte de Bohdan. Il ouvrit et Zelda sortit. Elle serra son oncle et sa cousine dans les bras. Le chef du village fit un signe de la tête à Link et referma la porte. Le jeune Hylien aida la princesse à s'installer sur sa jument à l'arrière de la selle avant de monter lui-même dessus. Zelda portait la même robe à capuche noire qu'elle avait sur elle lors de son départ, à l'exception qu'elle avait été talentueusement agrandie par Ute qui était une couturière incroyable. Link éperonna Epona qui prit la direction de la sortie du village. Les villageois, bien que ne comprenant pas la raison du départ de leur bien-aimée Tetra, étaient tous là pour lui dire au revoir dans une longue haie d'honneur. Zelda versa une larme. Toal était désormais derrière eux.
La forêt de Firone était un endroit vraiment tranquille, mis à part quelques Babas Mojo, des sortes de plantes carnivore. Le chemin qui reliait la source de Latouane et celle de Firone était très sinueux mais suffisamment large pour qu'Épona puisse passer sans problème. Il eut juste fallu que Link et Zelda se baissent quatre ou cinq fois afin d'éviter des branches un peu trop basses.
- Qui entretient ce chemin ? demanda le jeune Hylien, curieux.
- Je ne sais pas, répondit la princesse. Bien qu'ayant peu d'adeptes, les quatre sources des esprits de la lumière font l'objet de pèlerinages par certains fidèles. Aujourd'hui, les gens préfèrent faire celui des quatre temples des déesses, car ils ont des prêtres qui améliorent la crédibilité des lieux.
- Et vous, que croyez-vous ?
- Je crois que tout cela est en lien avec les déesses. Firone, Ordinn, Lanelle et même Latouane ont, de toute façon, étés envoyés par les déesses. Il en est de même pour l'Arbre Mojo, Jabu-Jabu et Valoo, les trois esprits protecteurs ou encore les grandes fées.
- Que pensez-vous des Locomos ?
- Pas grand-chose. Même les plus grands prêtres d'Hyrule n'en savent rien.
- Ils craindraient le retour d'un certain Mallard. Ils pensent que la venue des dragons les en protégerait. Ils mettent de gros bâtons dans les roues de la rébellion. Je vous en parle car ce sera l'un de vos plus gros dossiers.
- J'en ai entendu parler, bien que j'ignore qui est ce Mallard.
- C'est un démon, affirma Navi qui venait tout juste de surgir de la tunique de Link. Il aurait régné sur Hyrule il y a de nombreuses années et les Locomos l'en aurait chassé. Par contre, je ne sais pas d'où il viendrait. Ne t'en occupe pas. Ce sont de vieilles histoires. Les Locomos ne sont pas la priorité.
Un cri provenant d'au-dessus d'eux retentit. Link arrêta sa jument et tous levèrent les yeux. C'était un dragon. Il était très grand et couvert d'écailles jaunes.
- C'est Clarunis ! affirma Zelda surprise et légèrement effrayée. J'espère qu'il ne nous a pas vus.
- Si c'était le cas, nous serions déjà morts, rassura Link.
- C'est vrai que vous avez trouvé et vaincu Silvinis ?
- Je l'ai trouvé, mais je ne l'ai pas vraiment vaincu.
- Il est toujours vivant, alors ?
- Non, rassurez-vous. C'est mon père qui s'en est occupé.
- Votre père ?
- Reicht. Il est mort mais est revenu en Stalfos car il s'est perdu dans les bois perdus. Il s'est sacrifié pour me sauver. J'étais jeune et inexpérimenté. Maintenant, comme vous l'avez vu, je suis prêt à vaincre n'importe qui.
- N'en abusez pas, ce n'est pas la guerre que je recherche. Beaucoup ont prétendu que Silvinis vous avait tué, informa la princesse après un temps.
- Le cri du dragon. Après sa mort, je suis passé par le Lieu Vide et une statue de lui était apparue, l'une de celles qu'avait faite le roi, feu votre père. En m'en approchant, ses yeux s'étaient illuminés et son cri avait retenti. On m'en a parlé. Depuis ce jour, je ne suis pas retourné ni à Cocorico ni dans la forêt Mojo. Si le peuple me croit mort, j'espère qu'Agahnim aussi.
- Le Lieu Vide… Notre première rencontre. Vous vous souvenez, Link ? C'était il y a tellement longtemps.
- Comment oublier le début de mon incroyable épopée ? C'était il y a bientôt sept ans.
- Pour moi, il s'agit de la mort de mon père et le début de la légende des dragons. J'ignore toujours pourquoi et comment elle s'est répandue si vite.
- Toutes mes condoléances. À l'époque j'étais un Kokiri, impressionné par une figure comme la vôtre et j'ignorais qu'il avait été tué, enfin je n'avais pas vraiment réalisé. Je vous présente mes excuses.
- Je ne vous en ai jamais voulu. J'étais jeune moi aussi. Je ne cherchais pas de la compassion auprès de vous mais des réponses. Malheureusement, je n'ai obtenu que des questions. Qui est vraiment ce Ganondorf dont a parlé mon père dans son récit ? Comment a-t-il survécu ? Comment les dragons ont survécu ? Quel est le véritable but des dragons ? Que cherche Agahnim ? Et vous dans tout cela, quel est le rôle de l'élu des déesses ?
- Nous aurons les réponses, majesté, et nous vous rendrons Hyrule. Le peuple ne sera plus divisé et ne vivra plus dans la peur. Les enfants grandiront dans la même paix qu'ont connu leurs parents. Je vous le promets.
- Je vous remercie, Link. Vos paroles me touchent. Mais elles ne me rendront pas mes parents. J'espère éviter cette guerre et limiter les pertes. Je ne souhaite à aucun enfant de vivre ce que j'ai vécu.
- Malheureusement, la guerre est à nos portes et semble inévitable. Je ne connais pas toutes vos futures missions en tant que chef des rebelles, mais je crois que l'une d'elles consiste à créer une armée afin de lutter contre celle des monstres.
- Ôtez-moi d'un doute, Link, si vous n'êtes pas revenu à Cocorico depuis sept ans, comment savez vous cela ?
- Grâce au grand réseau d'information des fées. Il y a des fontaines de fées dans tout Hyrule et elles sont connectées entre elles par de multiples mini-tunnels qu'elles peuvent emprunter. Il y a mon amie Saria à Cocorico qui prévient les différents réseaux grâce à Taya, sa fée. Je fais de même avec Navi.
- Qui ne le fait pas par obéissance à Link mais pour le bien de la nation, rectifia-t-elle.
- Tu pourrais me laisser finir ?
- Ça ira, j'ai compris l'idée, dit Zelda. Vous laissez des fées à chaque nouveau réseau rebelle. C'est plutôt astucieux. Qui en a eu l'idée ?
- Je ne sais pas, cela s'est décidé sans moi.
- Je voulais vous demander comment se porte Impa, mais j'imagine que vous ne savez pas.
- Il y a sept ans, elle se portait bien. Je suppose que…
- Je suis désolée, mais nous continuerons plus tard, coupa la jeune femme. Nous sommes arrivés à la source de Firone.
- Je ne la vois pas.
- C'est là, tournez à gauche.
- Où ça ?
- Mais là, voyons ! Vous venez juste de le louper.
- Je suis désolé, je n'ai pas vu de chemin. Je fais demi-tour.
- Merci. Le chemin n'est pas évident à trouver, je vous l'accorde, mais de là à ne pas le voir…
- Je suis désolé, princesse, c'est la première fois je viens ici. En effet, il y a un chemin mais trop étroit pour Épona. Je suis désolé, ma belle, mais tu vas devoir nous attendre ici, dit-il en flattant l'encolure de sa jument.
- Par chance, elle ne sera pas seule.
- Comment ça ?
- Vous ne venez pas avec moi.
- Hein ?
- Mettons pied à terre, ce sera plus facile pour discuter.
- Je ne vous laisserai pas y aller sans protection, lança Link après être descendu de cheval.
- Pas de négociations. Il se trouve que… Merci, répondit-elle après que l'Hylien l'ait aidée à descendre. Il se trouve que seuls les membres de la famille royale peuvent parler avec les esprits de la lumière.
- Je suis sûr que vous inventez.
- Pourquoi dites-vous cela ?
- Déjà, on ne sait pas exactement pourquoi vous devez venir ici et, de plus, vous m'avez dit que Moï avait parlé avec Latouane.
- Moï est de sang royal.
- Pardon ?
- C'est le cousin de mon père et de Bohdan, le fils de ma grande-tante, la soeur de mon grand-père, le père de mon père, roi avant lui. Sa mère était la protectrice de Toal et Bohdan a pris sa place pour renforcer la magie.
- Je n'ai rien compris.
- C'est assez compliqué mais, en gros, Toal a été créé il y a des années pour protéger le royaume et la famille royale en cas de grave danger, mais cette protection n'est effective que si quelqu'un de sang royal y vit. Plus le sang de cette personne est proche de celui du souverain, plus la protection est puissante.
- Ce n'est pas si compliqué que ça.
- Il y a plein d'autres paramètres à prendre en compte pour que la magie fonctionne.
- Et quels sont-ils ?
- C'est vraiment le moment d'en parler ?
- J'aimerais comprendre cette magie afin de voir si on peut l'utiliser autre part.
- Je vous aime bien, Link, mais si vous continuez à m'agacer de la sorte, cela va mal finir pour vous.
- Je suis désolé, je n'aime pas l'idée que vous vous retrouviez seule, sans défense au milieu de la forêt. Allez parler à Firone, que l'on puisse retourner à Cocorico.
- Je vous demande pardon, Link. Je sais que vous voulez me protéger et je vous en suis très reconnaissante, mais je dois aller à la source seule. Je fais au plus vite. Promettez-moi de ne pas envoyer Navi me surveiller.
- C'est promis. Criez si vous avez besoin d'aide et j'accourrai.
- Je n'y manquerai pas.
Elle emprunta l'étroit chemin qui passait à travers de hauts arbres très feuillus. Elle poussa des branches, se baissa, enjamba une racine, tourna sur sa droite et Link ne la vit plus. Il tourna en rond pendant un moment. Lorsqu'il aperçut un singe avec une rose sur le côté gauche de la tête courir vers la source, il avait déjà eu le temps de tailler une dizaine de petites branches d'arbre. La dernière aurait même pu faire office de petite lance tant il l'avait bien sculptée. Le jeune Hylien se leva et interpella l'animal qui ne réagit pas. Il s'engouffra dans le chemin qu'avait prit la princesse sur les traces de cet étrange animal après avoir précisé à sa jument qu'il allait vite revenir. Il était persuadé de l'avoir entendu lui demander de le suivre et ce, à plusieurs reprises. Soudain, il entendit un cri, certainement celui de Zelda, provenir de plus en profondeur dans la forêt. Il se mit alors à accélérer très nettement sans réfléchir, esquivant agilement tous les obstacles qu'il rencontrait, toujours derrière le singe, qui venait d'escalader un arbre et continua sa route. Rapidement, il vit la princesse au sol, Clarunis sur elle. Il sortit son arc et décocha une flèche vers l'oeil de la bête qui la bloqua avec l'une de ses pattes avant. Ce dragon était quatre à cinq fois plus grand que Silvinis, qui faisait la taille d'un Hylien adulte. Sa longue queue attrapa Link au niveau de la taille. Il fit tomber son arc et se trouva soulevé à environ deux mètres au-dessus du sol. Il fut alors violemment projeté contre un arbre qui délimitait la source. Il eut à peine le temps de se relever qu'un puissant rayon de lumière aveuglant semblant provenir de la source frappa le dragon de plein fouet. Ce dernier hurla de douleur et s'envola rapidement avant de disparaître dans les nuages. Le guerrier accourut vers la princesse à terre, rapidement rejoint par le singe, qui venait de sauter d'un arbre. Elle se releva lentement avec l'aide de son protecteur. Il leva la tête et remarqua un grand singe lumineux serrant une boule lumineuse entre ses bras et ses jambes qui luisait au-dessus de la source.
- On ne peut pas quitter la forêt, princesse, sinon il vous tuera, déclara Link.
- On organise les réunions ici ?
- Toal est protégé grâce à Bohdan. Les chefs de la rébellion s'y rendront. Ils comprendront.
- Non. Si j'y retourne, Clarunis l'attaquera. La protection n'est pas aussi efficace. De plus, Toal est excentré. Cocorico est bien mieux situé.
- Si on sort de la forêt, il nous trouvera et nous tuera !
- On n'en sait rien. Peut-être qu'il a attaqué au hasard.
- Vous êtes la princesse Zelda, l'espoir d'Hyrule. Personne ne vous attaque au hasard.
- Ma robe à capuche noire est magique ! Quand je la porte, je suis protégée des sorts les plus simples et je passe inaperçue si je n'attire pas l'attention sur moi.
- Je ne suis pas certain que les pouvoirs de Clarunis soient simples.
- Le jeune héros n'a pas tort, interrompit calmement le singe lumineux. Cependant, la princesse n'a pas tort non plus. Je suis Firone l'un des quatre esprits de lumière protecteur d'Hyrule, héro. J'ai montré à la princesse le sort actuel de son peuple.
- Il souffre. Je dois me rendre rapidement à Cocorico, Link, indiqua Zelda.
- D'accord, mais on fait quoi pour Clarunis ?
- Mon ami le singe ici présent va bientôt recevoir ma lumière, la même qui a fait fuir le dragon, continua Firone. Elle vous accompagnera. Elle ne pourra tirer qu'une seule fois, mais cela devrait suffire pour le faire définitivement fuir. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'a pas eu l'air effrayé par vous, Link, alors que vous êtes son principal adversaire, surtout depuis la mort de Silvinis. Vous allez devoir sérieusement vous préparer pour triompher de ce monstre.
- Vous avez des informations sur les dragons et leurs temples ?
- Il n'y a qu'un temple des dragons, celui du Lieu Vide. Le monde des dragons est un monde parallèle à celui d'Hyrule, tel que la Terre d'Or, Lorule ou même le monde du crépuscule.
- On peut en savoir plus sur ces trois mondes ?
- Nous n'avons pas le temps. Partez vite et soyez vigilants. Si vous avez le moindre problème, vous pouvez consulter mes deux camarades, Ordinn et Lanelle.
- Ah, ces esprits, tous les mêmes. L'Arbre Mojo aussi changeait de sujet à chaque fois que ça devenait intéressant.
- Le rôle des esprits n'est pas de satisfaire votre curiosité, mais de vous protéger. Nous ne sommes pas censés parler aux simples mortels.
- Heureusement que nous n'en sommes pas, alors.
- Au revoir Firone et merci, acheva Zelda.
Il disparut de la même façon que la grande fée que Link avait vue au Lac Hylia quand il était enfant, dans une pluie lumineuse. Le singe à la rose se mit à briller puis se rendit devant le chemin du retour, faisant des petits cris et leur montrant la route avec ses petites pattes. Ils le suivirent, arrivèrent auprès d'Épona et remontèrent dessus, le singe se tenant derrière Zelda, dans la petite place qui restait. La jument démarra après un doux éperonnage de Link. Navi sortit de la tunique de link et dit :
- Pardon ne pas être intervenue, Link, tout est allé très vite. Je ne sais pas quoi dire.
- Tu es de l'avis de Firone ? demanda le jeune homme.
- La rébellion a besoin d'un leader et elle ne peut pas venir à Toal, car le village est trop loin de Cocorico et trop excentré en Hyrule.
- Qu'est-ce qui empêche Clarunis d'attaquer Cocorico ?
- En sept ans, c'est la première fois qu'il se montre. Je pense aussi qu'il a reconnu Zelda. Par contre, je ne pense pas qu'il veuille la tuer, car il l'aurait déjà fait, sinon.
- C'est très rassurant.
- Je suis désolée, j'ai que ça.
- Zelda, vous êtes très silencieuse, demanda Link.
- Merci d'avoir essayé de m'aider, Link. Peut-on accélérer ?
- Nous sommes dans une forêt.
- Elle est traumatisée, Link, laisse-la tranquille, expliqua la fée.
- J'ai peur de Clarunis, ça vous va ?
- Ne vous inquiétez pas, princesse, je vous comprends. Je me souviens de ma confrontation contre Silvinis.
- Tais-toi, Link, vraiment.
Après plusieurs heures à marcher lentement dans la forêt sur Épona, ils en discernèrent l'orée. Ils franchirent la limite et arrivèrent dans une plaine. Le chemin continuait jusqu'à un carrefour et des panneaux en bois qui leur indiquaient des villages tous très éloignés. Dans le secteur, Toal était la seule bourgade. Ils suivirent alors la direction "Village Cocorico - Source d'Ordinn". Rapidement, un bullbo, sorte de grand sanglier, monté par deux monstres verts, les chargea. Navi, alertée par l'accélération des battements du coeur de Link, surgit.
- Ce sont des bulblins ! cria-t-elle.
- Link avait déjà sorti son arc et décocha une flèche dans leur direction. Elle toucha le bulblin qui pilotait le sanglier. Le bulblin blessé tomba à terre, mais l'animal ne s'arrêta pas. L'archer tira alors sur le bulbos qui s'écroula. Le second bulblin, à terre, se releva rapidement et décocha une flèche sur Épona qui s'effondra à son tour. Link exécuta une roulade pour ne pas se faire mal en tombant et se retrouva debout, les pieds solidement ancrés au sol et son arc tenu fermement dans sa main droite. La femelle singe aida Zelda à se relever. Le bulblin archer se prit une flèche de Link en pleine tête et explosa, laissant derrière lui de nombreux projectiles. Soudain, le hurlement de Clarunis retentit. Ils levèrent les yeux et le virent descendre en piqué droit sur eux. Le singe leva les bras dans sa direction et le rayon de lumière de Firone jaillit. Le dragon brilla très fortement, le rayon ricocha sur lui et retomba violemment sur l'animal qui mourut. Le dragon se rapprochait d'eux de plus en plus vite. Link ordonna à Zelda de courir dans la forêt avant de décocher une flèche vers le monstre volant qui ne la sentit même pas. La princesse bougea ses jambes comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Brusquement retenue par une énorme patte griffue jaune, elle s'éleva du sol. Elle était gênée par cette étreinte, mais ne ressentait aucune douleur physique. Son coeur battait la chamade et sa peur avait atteint son paroxysme. Pour ne pas blesser la princesse, Link ne tira pas. Clarunis monta assez haut pour ne plus être vu. Un étrange pouvoir émanant du dragon protégea la captive dans une bulle d'air et de chaleur plutôt agréable. Il accéléra. De là où elle était, Zelda voyait Hyrule qui ressemblait aux cartes qu'elle avait étudiées dans la bibliothèque du château étant plus jeune. Rapidement, ils arrivèrent au-dessus de la citadelle d'Hyrule puis du château. Là, Clarunis la déposa calmement sur le balcon de sa chambre. Il s'envola et disparut dans les nuages. Elle entra et vit sa mère ainsi qu'Agahnim.
- Bonjour, princesse, dit-il calmement. Je suis ravi de vous retrouver.
- J'en étais sûre ! s'énerva-t-elle. Vous êtes la cause de l'invasion des dragons et des monstres.
- Il n'y aucune raison de s'emporter ainsi, nous sommes entre amis. Après tout, je suis votre conseiller.
- Vous n'êtes pas mon conseiller, vous êtes celui de ma mère à la limite, mais vous êtes surtout un imposteur.
- Votre mère va mourir d'une soudaine crise cardiaque. Le palais, ainsi que tout le royaume, sera sous le choc. Heureusement, la princesse, malade depuis sept ans, est de nouveau sur pieds et prête à reprendre le pays. Princesse Zelda Marinia Hyrule, vous êtes désormais la reine Zelda Marinia Hyrule, souveraine d'Hyrule, des Hyliens et protectrice du Saint Royaume.
- Ma mère est toujours en vie. Elle est juste là, à côté de vous, imbécile !
- Vous devriez faire attention à ce que vous dites, votre majesté.
Soudainement, la reine Julia de Labrynna tomba au sol. Zelda accourut, prit son pouls et hurla de douleur quand elle constata sa mort. Agahnim se tourna vers elle, le sourire aux lèvres et prit le contrôle de son esprit par un mouvement ample de ses bras. Le regard de la princesse se figea puis elle se leva et alla fermer la porte de son balcon pendant que son conseiller et ministre ouvrait celle du couloir. Zelda et lui s'agenouillèrent auprès de feu la reine. Un soldat surgit.
- Que se passe-t-il ?
- C'est la reine, je ne sais pas ce qui lui arrive, expliqua Agahnim. Elle était venue pour voir sa fille, car elle allait beaucoup mieux et elle est tombée dans les pommes. Eh bien, ne restez pas planté là, allez chercher le docteur Borville !
Le garde partit en courant. Agahnim se releva et dit avec beaucoup de bonheur dans la voix :
- J'ai beaucoup de projets pour vous, reine d'Hyrule.
Épona se releva difficilement. La flèche qu'elle avait prise dans le ventre venait d'être retirée par Link. Il récupéra une bande dans sa sacoche et l'installa autour de la jument pour protéger sa plaie - les premiers secours faisaient aussi partie de la formation de maître Tesshin - puis il y attrapa une carotte qu'il lui donna à manger. Sa monture allait déjà mieux et ils purent patiemment rapporter la dépouille du singe à Firone. Grâce à l'eau de la source, la plaie se referma et Link put remonter en selle afin de retourner à Toal. La rébellion avait toujours besoin d'un leader.
Link n'avait pas dit un mot depuis l'enlèvement de Zelda malgré l'insistance de Navi. Pourquoi ne pas la tuer ? Pourquoi ne pas le tuer lui ? Comment expliquer cela à Bohdan et le convaincre de rejoindre la rébellion ? Il s'en voulait. Lui qui avait juré de la protéger avait échoué lamentablement. Et ce dragon, comment le vaincre ? Comment vaincre les autres ? Firone lui avait expliqué qu'il devait se focaliser sur le peuple d'Hyrule et apprendre à supporter la mort de ces alliés, car la prochaine fois, cela pourrait ne pas être une gentille femelle singe qu'il connaissait à peine, mais bien des amis de longue date. Pour lui, si Zelda était toujours en vie, c'était pour avoir l'approbation que le peuple a perdu et donner une raison aux gardes réticents de servir un inconnu comme leur nouveau général Traucmarh et de prendre les armes. Quant à la raison pour laquelle Clarunis avait épargné l'élu des déesses, il avait peut-être eu peur d'une confrontation directe. L'heure n'était plus à la réflexion, car il arrivait en vue du paisible village.
Sans frapper, Impa entra chez Reynald qui venait tout juste de finir son petit déjeuner, amoureusement préparé par sa fille.
- La reine est morte et Zelda est de retour à la Citadelle ! cria la guerrière Sheikah.
- Un peu de retenue, Impa ! Redis-moi cela calmement.
Elle s'assit sur le canapé et reprit la parole.
- Je viens de recevoir une lettre officielle indiquant des nouvelles fraîches du royaume. La reine est morte d'une crise cardiaque, selon le docteur Borville. Zelda, rétablie, va être couronnée reine d'Hyrule dans une semaine, le temps pour le palais d'organiser les funérailles et de préparer la cérémonie. C'est n'importe quoi, Zelda ne peut pas être au château puisqu'elle est en sécurité à Toal !
- Tu penses que c'est un mensonge ?
- C'est la seule possibilité. Les rumeurs concernant la loi faisant d'Agahnim le dirigeant du royaume sont tout à fait fondées. Il fait cela pour brouiller les pistes.
- Très honnêtement, Impa, je préférerais que tu aies tort. Si tu as raison, cela veut dire qu'Agahnim se méfie de nous et c'est une très mauvaise nouvelle.
- Je vais au château, je dois en avoir le coeur net.
- Inutile. Je vais demander à Saria d'envoyer Taya auprès de Rauru. Ne t'inquiète pas, je suis sûr que tout va bien pour la princesse.
- Eh bien, tu ne vas pas parler à Saria ?
- Je finis de me préparer. Va faire un tour dehors, pour te détendre. La précipitation nous ferait chuter et nous n'avons pas le droit à l'erreur.
Elle sortit en grognant. Zelda était comme une fille pour elle et si elle était effectivement revenue au château, c'était très mauvais signe, d'autant plus si la reine était réellement morte. Elle décida de marcher dans la ville, sans but, afin de se changer les idées. Instinctivement, elle se rendit au cimetière.
- Bonjour Impa, comment vas-tu aujourd'hui, lui demanda Igor le fossoyeur ?
- Bonjour Igor. Pas terrible, je suis inquiète pour la princesse. Et toi ?
- C'est calme ici. J'espère que ça le restera. Des nouvelles du petit héros ?
- Toujours pas. Mais d'après les rumeurs, il se porte bien. Je pense qu'il devrait finir par...
Elle se tut d'un coup, surprise par un bruit de foule provenant du village.
- Je dois y aller, reprit-elle avant de courir vers la cohue.
- Descendez de votre cheval, messieurs, je ne le répéterai pas ! ordonna un garde à un jeune homme habillé tout en vert et un homme un peu boudiné tous deux assis sur un cheval à la robe marron et aux crins blancs.
- Ne nous attirons pas d'ennuis. Descendons maintenant, dit l'homme à l'arrière.
- J'allais le faire, mais seulement une fois ma jument installée avec les autres. Elle mérite du confort elle aussi.
- Allons, vous n'aurez qu'à la tirer une fois que nous aurons mis pied à terre.
- Que se passe-t-il ici ? demanda Impa qui profita qu'on la regarde pour se frayer un chemin jusqu'à eux.
- Dame Impa, ces voyageurs refusent de respecter la procédure.
- C'est ce que je constate. Écoutez votre ami, jeune homme, descendez mener votre jument jusqu'aux autres chevaux. C'est une mesure de sécurité à laquelle tout le monde doit se plier.
Link descendit de son cheval, se retourna pour aider Bohdan à en faire autant, mais il n'insista pas quand il faillit se prendre un coup pied de lui qui descendit à son tour après avoir foudroyé le jeune homme du regard. Impa leur fit signe de les suivre, mais seul le chef du village de Toal le fit. Ils furent rejoints par Link chez Impa quand ce dernier eut attaché Epona.
- Je viens de me rendre compte que c'est la première fois que je viens chez vous, Impa, remarqua Link.
- Où est Zelda ?
- Voyez-vous, chère madame, ce héros a laissé la princesse se faire enlever par Clarunis lui-même, expliqua Bohdan.
- C'est impossible.
- Malheureusement, Impa, j'ai bien peur que cela soit la stricte vérité. Je n'ai rien pu faire. Même la magie de Firone ne le déstabilisa pas.
On toqua à la porte. Saria suivie de Reynald et Taya entrèrent rapidement. Le prêtre dit :
- Taya vient de revenir. Nous avons confirmation de Rauru lui-même que la princesse va bientôt être couronnée reine.
- Quand exactement ? demanda Impa.
- Dans quatre jours.
- Dans ce cas, nous n'avons pas de temps à perdre. Il faut l'enlever maintenant. Avec vous deux ici, je peux partir tranquille, affirma-t-elle en montrant Link et Bohdan du doigt.
- Je m'en occupe, maman, fit un jeune homme qui venait de surgir de sa chambre. Cette mission est tout à fait dans mes cordes. Après tout, j'ai été formé par la meilleure.
Il exécuta un clin d'oeil presque sonore et chargea sur le jeune Hylien. Link, très surpris, dévia le coup de pied de Sheik d'un revers de sa main droite et eut tout juste le temps de faire un salto arrière pour esquiver un coup de poing vif comme l'éclair. Hâtivement, il sortit son bouclier et se protégea d'un coup à la tête encore plus rapide que le précédent. Il profita de la douleur ressentie par son assaillant pour lui saisir le bras, se retourner, lui donner un léger coup de coude dans le ventre et lui faire une prise pour le faire basculer devant lui sur le dos. Il retint le cou du jeune Sheikah par le pied.
- Bonjour Link, dit-il faiblement, le souffle légèrement bloqué par l'Hylien.
- Bonjour Sheik, répondit-il avant de retirer son pied du cou de son adversaire et de l'aider à se relever. Je suis ravi de te revoir. Tu es plus vif qu'il y a sept ans.
- C'est moi qui devrais dire ça ! Tu m'as mis à terre avec une aisance rare. Les rumeurs à ton sujet disaient donc vrai, tu t'es entraîné.
- Auprès de maître Tesshin, oui.
- Devenir aussi fort en seulement sept ans, c'est incroyable !
- C'est un entraînement très exigeant. J'ai souvent eu envie de renoncer.
- Mais il a tenu grâce à mon réconfort de tous les jours, affirma fièrement Navi qui venait subitement de sortir de la tunique de Link.
- En partie, c'est vrai. Mais j'ai aussi pensé aux raisons qui m'avaient poussé à commencer : sauver Hyrule et tous ses habitants.
Depuis qu'elle avait vu Link, Saria s'était fermée. Elle n'avait jamais cessée de l'aimer, avait toujours eu l'espoir que ses sentiments soient réciproques mais, maintenant qu'il était hylien... Elle s'approcha de lui et lui donna un coup de poing dans le mollet droit.
- Il y avait une centaine de façons de me donner des nouvelles, aboya-t-elle ! Et une centaine d'autres de m'annoncer que tu étais un Hylien !
Elle donna six autres petits coups à Link et lui tourna le dos. Il s'approcha lentement de la petite Kokiri.
- Je suis désolé, Saria. Il le fallait, pour le bien d'Hyrule.
- A chaque fois que je retournais au village, les autres m'affirmaient avoir entendu le cri du dragon et que tu étais mort. A chaque fois je leur disais que tu étais vivant. Je me suis fâchée avec Talia et Kibo ! Il t'était impossible d'envoyer Navi ?
- Sur le coup, c'est moi la responsable, intervient la fée de Link. J'ai insistée pour rester avec lui à chaque instant. Et, sans vouloir me vanter, j'ai eu raison.
- Saria, je sais que ces sept dernières années ont été très éprouvantes pour toi, mais tu as été d'une efficacité et d'une patience rare, soutint Impa. Maintenant, nous devons nous réjouir que Link soit en vie et intensifier notre action. Nous devons aller de l'avant. Le passé ne compte plus. Et c'est valable pour chacun de nous. Installons-nous autour de la table, la réunion à venir sera certainement la plus importante depuis le début de notre rébellion.
Tous s'installèrent à leur place habituelle, sauf Link et Bohdan qui restèrent debout, dans l'entrée. Il restait tout juste deux places autour de la table rectangulaire du salon d'Impa. Ils s'y placèrent après un signe de la main de l'hôte.
- Commençons par le début, énonça-t-elle. Link, que dois-tu faire maintenant ?
- Tuer les dragons. Je vais m'occuper d'Ignis chez les Gorons. J'en profiterai pour demander à Darunia de nous rejoindre.
- Cela ne sera pas facile : il y a une guerre politique actuellement, expliqua Bohdan. Morock, le chef goron de la partie Est de la Montagne de la Mort et oncle de Darunia a décidé de prendre le contrôle de tous les Gorons. Avant, c'était le père de Darunia, mais depuis la mort de ce dernier, certains Gorons avaient choisi Darunia et d'autres Morock. Avec la crise actuelle, tout est remis en question.
- Dans ce cas, j'aurais besoin du chef de la rébellion à mes côtés pour les négociations.
- Uniquement en cas d'extrême nécessité, affirma Impa. Bohdan va devoir travailler sur d'autres dossiers.
- Et je n'ai aussi aucune envie de traîner plus longtemps avec le gamin qui a laissé la princesse se faire enlever.
- Bon, puisque je ne suis plus le bienvenu à votre table et que l'on me demande de me débrouiller seul, je vais commencer ma mission dès maintenant.
Link se leva d'un bond et se dirigea d'un pas pressé vers la porte sous le regard hébété de tous les membres de la rébellion, sauf Bohdan qui le regardait avec dédain. Saria serra ses poings posés sur ses cuisses, se pinça légèrement les lèvres et cria "Link !" Toutes les têtes étaient désormais tournées vers elle. La boule au ventre, elle décida spontanément de laisser parler ses émotions.
- Tu dois rester ! Au moins jusqu'à demain matin. Tu es fatigué, vous avez fait le voyage toute la nuit et j'ai vraiment envie qu'on se raconte nos sept dernières années.
- Et je dormirai où ?
- Tu pourras prendre ma chambre, Link, le rassura Sheik. Je partirai pour la Citadelle dans la matinée.
- Et Bohdan dormira chez moi, dit Reynald. Il serait malvenu de surcharger cette maison alors que j'ai de la place dans la mienne.
- Attends-moi, Link ! fit Saria lorsque celui-ci ouvrit la porte pour sortir.
Elle se retrouva si rapidement auprès du jeune Hylien que tous eurent l'impression qu'elle s'y était téléportée. Taya, n'ayant pas eu la vivacité de sa Kokiri se fit attendre un court instant puis, quand la fée fut à leur hauteur, Saria exécuta un signe de la main à Link pour lui indiquer qu'ils pouvaient y aller.
- Très bien, Bohdan. Nous avons beaucoup de choses à nous dire, affirma Reynald d'un ton sec après s'être redressé sur sa chaise.
Impa fit signe à Sheik de sortir. Reynald avait besoin d'être seul avec Bohdan pour lui expliquer l'importance de son rôle à venir et les raisons pour lesquelles Link était indispensable à son plan. De plus, elle devait préparer son fils à sa périlleuse mission au château.
- Je sais que je ne devrais pas vous parler de cette façon car, désormais, vous êtes le représentant officiel du royaume, expliqua clairement le prêtre une fois seul avec son interlocuteur. Cela dit, je suis toujours le plus gradé dans la rébellion tant que vous n'avez pas officiellement accepté le rôle de chef. C'est donc en tant que chef qui s'adresse à un futur membre que je vais vous parler. Vous n'aviez pas prévu de devenir roi, j'en ai conscience. Mais avec la princesse entre les mains d'Agahnim, c'est vous qui êtes le prochain dans la ligne de succession, comme vous le savez. Ainsi, vous aurez à coordonner l'action de tous les réseaux, qui comporte...
- Qui comporte celui de la citadelle, dirigé par M. Smith, celui de Bourg-Clocher, dirigé par Kafey, celui de Papousia, dirigé officiellement par Ringo mais qui est limité à cause d'un Locomo. Le réseau de Boquillon souffre du même problème. Le dernier réseau hylien est celui de Cocorico dirigé par vous-même. Que pensez-vous que je faisais à Toal ? Je me renseignais. Je connais l'exacte situation de mon royaume. Je suis prêt à prendre la régence de la princesse Zelda. A ce propos, j'aimerais commencer par Bourg-Clocher. Dès que possible, j'aimerais m'entretenir avec Kafey, Ringo et M. Smith, bien sûr. La taverne d'Anju et Kafey sera très bien pour cette première réunion. Vous viendrez, cela va de soi. Mais avant cela, je voudrais rendre le réseau de Toal officiel. Comment dois-je m'y prendre ?
- Il me suffit d'avoir un nom à communiquer à la grande fée et l'une de ces protégées ira à Toal à la rencontre de la personne de laquelle vous m'aurez donné le nom.
- Moï.
- Très bien. En tant que représentant du chef d'Hyrule, il vous faudra également déterminer le chef de l'armée des Hyliens, car j'ai bien peur qu'il n'existe aucune solution pacifiste à ce conflit face à Agahnim.
- Moï.
- Ce n'est pas un problème. Chez les Kokiris, Mido a également ce double rôle.
- Je suis content que cela ne soit pas un problème, car il n'aurait pas pu en être autrement.
- Passons chez moi, je vais vous montrer votre chambre. Vous avez besoin de repos et la réunion à Bourg-Clocher peut attendre demain. De toute façon, il faut que je prévienne les concernés.
Link et Saria s'étaient assis sur des marches, près de la boutique de bombes. Le propriétaire, Crahmé, était un homme excentrique et très loyal. C'est un membre important de la rébellion locale, expliqua Saria à Link.
- Je vois que tu connais toute la ville maintenant, remarqua le jeune Hylien.
- Ça fait sept ans que j'y vis. Je passe de temps en temps au village, bien sûr, mais je suis indispensable ici.
- Tu l'es aussi pour les Kokiris.
- Soyons lucide un moment, Link. Le village se porte très bien sans moi. C'est Mido qui est indispensable.
- Ne dis pas ça. Tu as toujours été indispensable à mes yeux.
- Je t'en prie, Link, ne dis pas ça. J'ai trop souffert ces sept années pour t'entendre me dire cela.
- C'est très culotté et mal venu de ta part, Link ! affirma Taya.
- J'ai dit quelque chose de mal ?
- Je t'expliquerai plus tard, Link, fit Navi. Vous n'êtes pas venu ici pour vous disputer. Viens Taya, laissons-les tranquilles un moment.
Elles s'éloignèrent et Link reprit.
- Je n'ai pas cessé de penser à toi pendant ces sept ans, à toi, à Satina, à Mido, à l'Arbre Mojo, à mes frères kokiris, à tous ceux que j'ai laissés pour m'entraîner. Chaque jour, j'imaginais vos vies.
- Oh, tu sais, je ne faisais rien de très passionnant. Réunions et allers-retours entre ici et le village.
- Et servir, grâce à Taya, de connexion entre les différents réseaux, si j'ai bien compris. C'est une excellente idée.
- C'était la mienne. Je me suis dit que si la grande fée du lac avait décidé de renouer le lien avec l'Arbre Mojo, c'était pour une bonne raison.
- Tous les Kokiris ont retrouvé leur fée ?
- Tous sans exceptions. On a fait une fête en ton honneur. Je leur ai dit que c'était grâce à toi. Même Mido ne s'y est pas opposé, c'est dire.
- Comment va-t-il ?
- Je ne l'ai jamais vu aussi sérieux. Il entraîne Fugo d'une main de maître.
- Tu te souviens du tournoi qui a fait de Fugo l'apprenti de Mido ?
- Oui, tu avais gagné, mais Mido avait estimé que c'était Fugo qui méritait la victoire, mais je ne me souviens pas pourquoi.
- Il avait été aveuglé par le soleil. Je lui en avais voulu pendant des mois. Avec le recul, je me dis qu'il avait raison, je n'étais pas prêt. J'ai failli mourir contre Sivinis. Si mon père n'avait pas été là...
- Ton père ?
Il lui raconta tout. La révélation de Navi après son départ de Cocorico, la rencontre avec son père Stalfos, la confrontation violente avec le dragon et l'action héroïque de son père.
- C'est une histoire incroyable, Link ! Je suis contente que tu aies enfin eu des réponses sur tes origines.
- Tu n'imagines même pas à quel point. J'ai rencontré ma grande-tante, Telma, la propriétaire de la taverne. Elle s'est occupée de mon père pendant de nombreuses années. C'est elle qui m'a indiqué où trouver Maître Tesshin. J'ai une famille, Saria, une vraie famille.
- C'est gentil pour tes frères et soeurs Kokiris. Mais, je ne t'en veux pas. Je sais que tu ne t'es jamais vraiment intégré parmi nous.
Épona, agitée depuis le moment où elle avait aperçu Link, hennit si fort que Saria sursauta. Link se leva et alla urgemment voir ce qu'il lui arrivait, la Kokiri à sa suite. Il l'examina scrupuleusement.
- Elle n'a rien, affirma Saria. Elle cherchait juste ta compagnie.
- Je pense surtout qu'elle veut que je la détache. Elle n'a pas l'habitude.
- Pourquoi tu l'as fait, alors ?
- Je l'ai depuis peu. Je pense qu'elle ne se sauvera pas.
- Comment as-tu pu acheter une jument ? demanda la fillette pendant qu'il libérait la jument de la barrière. Ça coûte une fortune !
- Retournons nous asseoir, je vais te le raconter.
Dès le lever du soleil, Link était prêt à partir pour le village Papousia, toutes les armes et les outils qu'il avait appris à maîtriser pendant ces sept dernières années à la ceinture.
- Cette fois, ça y est Link, annonça maître Tesshin. Tu es prêt à affronter les épreuves.
- Je le serai quand j'aurai vaincu Guelia et terminé ma formation.
- Je suis sûr que tu y arriveras sans problème. À ce jour, aucun de mes élèves n'a encore raté son défi. De plus, tu es l'un des meilleurs élèves que j'ai eu de ma vie et, je pense aussi, de celle de mes prédécesseurs.
- Merci maître, je ne vous décevrai pas.
- Je sais que tu aimerais partir à cheval, mon garçon, mais ce n'est pas négociable. Lamacime reste avec moi.
- C'est à une journée de marche, maître.
- C'est la suite de ton entraînement, mon garçon. La survie. Tu as une épée et des silex dans ton sac. Je t'ai appris à faire un feu de camp et tu as un sac de voyage complet dans le dos avec sac de couchage et tout le nécessaire pour monter une tente. En plus, en partant maintenant, tu n'auras même pas à passer la nuit dehors avant le village Papousia. Tu es prêt à partir, oui ou non ?
- Oui, maître.
- Alors, pourquoi es-tu encore là à essayer de négocier un cheval ?
- C'est vous qui...
- Va, Link. Va affronter les épreuves et triompher de chacune d'elles. Reviens quand tu auras fini.
Il s'inclina rapidement et alla dans sa cabane en bois récemment rénové par Link. Le jeune Hylien sourit et se mit en route. Le chemin vers Papousia était très direct. Il lui suffisait de rejoindre la route le reliant à la Citadelle. La veille, Kaepora Gaebora, le hibou parlant de l'un des grands-prêtres du Temple de la Triforce à la Citadelle d'Hyrule, Rauru, était venu, comme souvent ces sept dernières années, lui parler, cette fois-ci, plus particulièrement de la résistance de Taol et de Papousia. Il en avait profité pour lui rappeler de ne pas traîner avec les habitants pour ne pas attirer l'attention sur lui. Link en était devenu très méfiant et avait soigneusement rangé dans son sac un masque de renard que maître Tesshin lui avait offert.
La montagne d'Hyrule, qu'il venait de descendre, se situait non loin de la citadelle. De là où il était, Link pouvait en apercevoir le pont-levis et des gardes se tenant fièrement devant lui. Il y a sept ans, seul un garde derrière suffisait. Le jeune homme ne resta pas longtemps à constater les changements et dut rapidement se remettre en route en faisant attention aux nombreuses patrouilles de Bokoblin de la plaine d'Hyrule. Il ignorait le comportement qu'il devait adopter en leur présence. Allaient-elles l'attaquer à vue ? Le contrôler ? Lui dire simplement bonjour ? Il n'avait pas peur de devoir les affronter, mais d'être reconnu. Officiellement, il n'y avait aucun dragon en Hyrule, mais il était certain que la mort de Silvinis sept ans auparavant n'était pas passée inaperçue et qu'Agahnim et Ganondorf se méfiaient de lui. Pourtant, il n'avait pas eu vent d'une quelconque recherche intensive de sa personne, d'affiche annonçant qu'il était recherché ou de quoi que ce soit d'autre. Il marcha tranquillement en regardant le sol et le ventre noué à l'approche d'une patrouille de Bokoblins. Il s'efforça de regarder droit devant lui. Les six Bokoblins se ressemblaient comme six gouttes d'eau et tenaient tous un fendoir à la main. L'un d'eux s'arrêta et fixa le jeune Hylien. Il poussa un cri étrange qui ressemblait à "C'est lui" et assena un coup. D'instinct, Link se décala dans le sens opposé au cri. Il attrapa le poignet du Bokoblin par le dessus et le désarma d'un choc violent. Il le fit tomber d'un coup de coude dans le ventre. Les cinq autres Bokoblins réagirent plutôt vite et tentèrent de le frapper en même temps. Il recula, jeta le fendoir sur le monstre à terre, para tous les coups en même temps avec son bouclier juste installé, dégaina son épée dans la confusion et tourbillonna sur lui-même pour les tuer simultanément. Navi sortit de sa place habituelle.
- J'ai la tête qui tourne, Link. Tu as intérêt à avoir une bonne excuse.
- Six Bokoblins. Mais ils sont morts à présent.
- Et tu ne m'as pas prévenue ?
- Ils m'ont attaqué par surprise, je n'ai pas eu le temps. Et six Bokoblins, on ne peut pas dire que ce soit un défi.
- Tu n'as pas eu peur ? C'est la première fois que tu affrontes des monstres seuls depuis ton entraînement.
- Navi, j'ai déjà éliminé bien pire. Et affronter bien pire. Tu es sûre que tu as été avec moi ces sept dernières années ? Ne traînons pas ici. D'autres risqueraient d'arriver.
- C'est ma réplique, ça, normalement.
- Alors, vas-y, dis-la.
- Trop tard. À quoi je sers si tu ne m'appelles pas au combat et si tu ne me laisses pas être prévenante ?
- On se disputera plus tard, d'accord ? La route est encore longue.
Il reprit la route. Navi voleta sur place un moment, dépitée. Elle avait besoin de réfléchir sur l'enfant qu'elle avait suivi toutes ces années. Serait-il adulte ? Impossible. Se prendre pour un adulte alors qu'on est juste adolescent, c'est typique d'un enfant et un enfant a besoin qu'on l'aide.
- Tu viens, oui ? Je n'ai pas que ça à faire, Navi.
Elle le rattrapa et reprit sa place. Le reste de la route se déroula en paix. Régulièrement, Navi prenait de l'avance pour avertir son protégé des éventuelles patrouilles à éviter. Ils prirent leur pause déjeuner loin de la route, à l'abri des regards. Link se leva d'un bon en direction d'un hurlement étrange qu'il venait d'entendre. Il aperçut au loin ce qui ressemblait à une charrette en proie à quatre Bokoblins et deux Moblins. Link sortit rapidement son arc tout en courant dans cette direction. Une petite explosion dont il n'avait pas décerné l'origine l'arrêta un petit moment. Il reprit sa course quand il vit l'un des Bokoblins mourir. Une fois à bonne distance, il tira sur l'un des Moblins qui reçut la flèche en pleine tête et trépassa. La vue dégagée, il remarqua que l'un des trois Bokoblins restant était monté dans la carriole et s'apprêtait à fendre les deux occupants. Sans réfléchir, il lança son boomerang qui fit tomber le Bokoblin au sol, le fendoir désormais planté dans la terre. L'homme sur la charrette tira avec un fusil sur le Moblin qui recula. Tout juste arrivé à leur niveau, le jeune Hylien tira une flèche sur le Moblin qui tomba définitivement. Il remit son arc dans le dos, sortit son épée et s'occupa très rapidement des trois derniers monstres. Il rangea son épée et releva la tête.
- Crémia, Ingo, c'est vous ? s'étonna-t-il.
- C'est bien nous, affirma Crémia. Nous sommes contents que tu nous aies aidés, jeune homme, mais je ne pense pas te connaitre.
L'un des deux chevaux qui tirait la charrette hennit et s'agita. Link, intrigué, s'approcha lentement, se plaça en face de lui et le regarda dans les yeux. L'animal baissa la tête et le jeune Hylien le caressa prudemment.
- Link ! s'écria Crémia. Tu es Link, le jeune garçon qui était venu chez nous le jour de la mort de Matrina. C'est incroyable comme tu as grandi. Et tu te bats si bien !
- Je ne suis pas le seul à avoir changé, dit-il en continuant à caresser le cheval. Épona est vraiment devenue une merveilleuse jument. Je l'ai reconnue à ses yeux et également au fait qu'elle ressemble énormément à sa mère.
- Je vois que tu te souviens très bien de ta journée. Pour ma part, et je pense qu'Ingo dira la même chose, on n'en a pas oublié un seul instant. La mort de Matrina a été difficile. C'est surtout la seule jument que nous avons dû abattre pour son bien.
- Je m'en souviens pour les mêmes raisons. Le bruit seul du fusil m'avait déjà traumatisé, vous avez bien fait de me demander de rentrer. Vous m'avez reconnu grâce à Épona ?
- Oui. Elle est très timide et ne se laisse toucher par personne à part moi et Ingo. Il semble qu'elle ne t'ait pas oublié non plus, c'est fou comme elle est intellige...
- Nous avons encore du travail à la ferme, Créma, coupa froidement Ingo. Alors, à moins que le jeune homme vienne avec nous, dis-lui au revoir.
- Oh, mais c'est une bonne idée, ça ! Tu voyages seul ? Pour aller où ?
- Oui, je suis seul. Je me rends à Papousia.
- Tu veux monter ? Je ne te promets pas de t'emmener jusqu'à Papousia, mais, de la ferme, ça te fera déjà moins de distance.
Elle sourit tellement que la température et la luminosité ambiante s'intensifièrent légèrement.
- Avec plaisir. Je dois juste aller récupérer mes affaires et je monte.
Link retourna rapidement là où il avait mangé. Navi voletait en l'attendant.
- Link, qui sont ces gens ?
- Crémia et Ingo. Je t'ai déjà parlé d'eux. J'ai rejoint le Lac Hylia rapidement grâce à eux il y a sept ans.
- Il y a quelque chose qui me tracasse, Link. Les monstres n'ont pas pour habitude d'attaquer les villageois sans raison et encore moins de simples paysans.
- Peut-être que si. Les premiers que j'ai vus m'ont attaqué sans la moindre hésitation.
- Oui, mais tu es Link.
- D'accord, je me renseignerai. Retourne dans ma tunique, ils nous attendent. Ils m'avancent jusqu'à leur ferme. Tu as un problème avec ça ?
- Tu ne suis pas les recommandations de Kaepora Gebora, mais sinon, non, aucun problème.
Elle s'exécuta et Link rebroussa le chemin. Dans la calèche, Crémia n'arrêta pas de parler une seule seconde. Elle lui raconta avec passion la vie de tous les animaux depuis la dernière fois qu'il était venu ainsi que la situation à la ferme de son père.
- Romani s'est mariée au fils du propriétaire du Milk Bar à Bourg-Clocher. Quant à Malon, elle tient la ferme avec mon père. Il n'est pas prêt à la laisser partir. C'est une jolie jeune femme maintenant. Je suis sûre qu'elle te plairait.
Elle sourit et continua.
- Si tu ne l'interromps pas, ça peut durer toute la nuit, avertit Ingo. Regarde-la. Elle ne remarque même pas que je suis en train de te parler. Je n'ai aucune idée de pourquoi ces monstres nous ont attaqués, c'est la première fois. En plus, j'entretiens de bonnes relations avec le palais.
- Donc vous reconnaissez que les monstres sont en lien avec la reine ? demanda Link.
- C'est de notoriété publique. Le nouveau général de la garde royale, Traucmahr, s'est allié avec le Roi Bulbin. Ainsi, la menace d'une invasion ne pèse plus sur le royaume.
- Vous n'êtes pas dérangé par l'omniprésence de la garde de la citadelle partout dans le royaume ?
- Personnellement non. Et la majorité des gens partagent mon avis. La sécurité est primordiale.
- Je ne comprends pas. Qu'y a-t-il de si effrayant qui nécessite une protection aussi rapprochée ?
- Il y a des monstres qui rôdent aux quatre coins du royaume et attaquent les habitants.
- Nous pouvons en témoigner.
- Je ne parle pas des Bokoblins ou des Moblins, mais des Araknons ou des Octorocks, par exemple. Le Lac Hylia est infesté de Zoras et de Baris. Le volcan est envahi par les Dodongos. Partout, des Pestes Mojos, des Mojos Baba et des Lobos sont apparus. Et je ne te parle même pas des Chilfos et des Pengator sur les sommets glacés. Nous étions bien loin de la sécurité.
- Vous en êtes plus proches, maintenant ?
- Il y a toujours quelques incidents isolés à cause de citoyens imprudents bien sûr, mais, oui, nous sommes désormais en sécurité.
- Alors, il faut alerter la garde que certains de vos protecteurs vous ont attaqués, sinon, cela risque de recommencer.
- C'est un incident isolé.
- Et alors ? Si c'est arrivé une fois, ça peut se reproduire. La prochaine fois, l'attaque pourrait vous être fatale.
- Tu as raison, Link, dans les faits seulement.
- Pourquoi cela ?
- Personne ne nous croira. Il ne reste plus rien d'eux. Nous avons agi comme il fallait.
- Donc vous acceptez la tyrannie.
- C'est rien comparé à ce que les autres monstres pourraient nous faire ou même les dragons.
- Donc vous reconnaissez que les Bokoblins et les Moblins sont des monstres.
- Oui, mais qui nous protègent de monstres encore bien pire.
- Vous avez peur. C'est comme ça qu'Agahnim fait pour asservir le royaume. La peur paralyse. Je ferai tout pour éliminer ces monstres qui vous effraient et vous rendre votre liberté de mouvement et de penser.
- Regarde comme les arbustes ont poussé en sept ans, Link ! continua Crémia en les montrant du doigt.
- Rien a changé ici, constata Link. C'est exactement comme dans mes souvenirs.
Ingo arrêta la calèche dans l'entrée, descendit et détacha les chevaux.
- Tu veux boire quelque chose, Link ? demanda la fermière.
- Je vous remercie, non. Je n'ai pas beaucoup de temps. Je vais simplement faire un petit tour de la ferme avant de continuer mon chemin, si vous me le permettez.
- Bien sûr, fais comme chez toi ! Ne pars pas sans nous dire au revoir, d'accord ?
Le jeune Hylien hocha la tête et alla regarder les chevaux. Il s'accouda ensuite sur l'enclos des chiens. Il admira de nouveau une chienne en train d'allaiter ces petits. C'est alors qu'il fut rejoint par Ingo.
- Tu sais, mon garçon, les gens parlent. À Papousia, ils disent que tu es l'élu des déesses.
- Ce sont des bêtises.
- Tu as la protection de l'Arbre Mojo.
- J'ai grandi en Kokiri.
- Mais tu es un Hylien.
- La dernière fois que l'Arbre Mojo a nommé un élu des déesses, ce fut un véritable fiasco.
- Il avait été poussé par l'opinion publique.
Link sourit. Ingo n'était pas le gros bêta qu'il avait imaginé jusqu'à présent. C'était quelqu'un d'étonnamment lucide et il venait juste de s'en rendre compte. Pour être heureux, le peuple n'avait pas le choix, il devait faire confiance au pouvoir en place quitte à tirer ses propres conclusions. Les Hyliens prêts à prendre les armes ne courraient pas les rues. L'avis du fermier concernant les monstres était logique si on voyait les choses sous cet angle. Égoïste, peut-être, mais dans un monde comme celui-là, c'était une question de survie. Le jeune homme se redressa et regarda Ingo droit dans les yeux.
- Je suis le fils de Reicht, le faux élu. Et, pour ma part, que je sois l'élu des déesses ou non n'y changera rien, j'irais jusqu'au bout. Je me suis entraîné sept ans auprès de maître Tesshin. Je ne dois pas ma force aux déesses.
- Non, mais tu leur dois très certainement ton courage. Je refuse de rejoindre la résistance de Papousia, Link et je pense sincèrement que cette invasion est un mal pour un bien. Cependant, tu nous as été d'un grand secours à ma femme et moi. Je veux que tu prennes Épona avec toi. C'est la jument la plus vive que je connaisse. Elle n'est clairement pas faite pour la ferme. Crémia l'avait bien senti et elle l'a entraînée en conséquence. À tes côtés, elle pourra se surpasser. Je sais que tu en prendras grand soin.
- Je ne peux pas accepter.
- Tu le dois. Si tu ne le fais pas pour toi ni pour moi, fais-le pour elle. Regarde comme elle est heureuse depuis qu'on l'a détachée. Je vais la seller. Merci Link.
Il s'éloigna et disparut dans la grange. Link décida de dire au revoir à Crémia dès maintenant. Lorsqu'il ressortit de leur maison, Épona l'attendait. Il la caressa, embrassa Crémia qui le prit dans ses bras, heureuse de voir sa jument prête à vivre d'incroyables aventures. Il monta sur son cheval maladroitement et prit la route.
- Quelle histoire incroyable ! Quelle chance tu as eue de tomber sur ces gens-là il y a sept ans et la dernière fois !
Saria et Link étaient toujours assis sur les escaliers près de la boutique de Crahmé.
- Honnêtement, Saria, je me demande si c'est vraiment dû à la chance.
- Tu penses aux déesses ?
- Inévitablement. Surtout depuis que j'ai discuté avec un esprit de la lumière, Firone.
- Ah oui ?
- Oui. Peu de temps avant que Zelda ne se fasse enlever.
- Quelle chance tu as eue ! L'Arbre Mojo nous en a souvent parlé.
- Toutes ces coïncidences...
- Tu devrais aller voir la source d'Ordinn, Link, fit Sheik qui venait d'arriver. Tu traverses le cimetière et tu suis le sentier pour la trouver. C'est une des quatre sources du pèlerinage des esprits.
- J- e sais, oui, Zelda m'en avait parlé. Merci Sheik.
- Tu t'en vas ? demanda Saria.
- Oui. Je dois aller récupérer la princesse.
Le jeune homme portait une armure bleue très légère en cuir très similaire à celle de sa mère avec un tabar blanc arborant les armoiries des Sheikahs sur le devant dessiné en rouge, un oeil géant versant une larme avec trois triangles sur le dessus. Horizontalement, dans le bas du dos, il avait une dague, ainsi que deux kunaïs sur le côté de chacune de ses jambes. On pouvait également apercevoir une sacoche au niveau de sa fesse droite solidement accrochée à sa jolie ceinture noire. Il avait des longs cheveux blonds disposés de telle façon à distinguer clairement seulement l'un de ses yeux et tressés à l'arrière de la tête maintenus par un long et fin tissu blanc. Le haut de son crane était recouvert d'un long foulard blanc attaché sur le devant par une petite barrette en forme de croix. Enfin, une longue écharpe blanche et ample lui entourait le cou.
- Sois prudent !
- Comme toujours, ma jolie, assura-t-il à Saria en souriant. Toi aussi, hein ?
La Kokiri se leva d'un bond et serra le jeune homme dans ses bras. Il lui caressa rapidement ces courts cheveux verts avant que Saria ne se rasseye.
- Dis au revoir à la grincheuse Taya de ma part.
- Compte sur moi.
Il se retourna vers Link et son attitude devint soudain moins familière. Il fit un pas vers lui et lui tendit la main pour qu'il la lui serre. Link s'exécuta timidement après avoir pris la peine de retirer son gantelet droit. Le Sheikah profita de cet instant pour encourager le jeune héros.
- Ta quête sera encore longue, Link. Tu ne manques pas de courage et c'est tant mieux, car tu en auras besoin.
- Reviens-nous sain et sauf.
- Je sauverai Zelda au péril de ma vie, Link. Rien ne m'empêchera d'accomplir ma mission. Fais en sorte qu'il en soit de même pour la tienne.
Il fit un clin d'oeil, replaça son écharpe de façon à recouvrir jusque son nez et s'éloigna après cette longue poignée de main. Sans se retourner, il arriva au niveau de son cheval noir et monta aisément sur la selle bleutée. Il regarda longuement le village, chuchota un petit "En avant, Éclat" et partit. Au bout de quelques heures au galop, il arriva au niveau du ranch Lon Lon et entra. Il descendit de son cheval et toqua à l'écurie. Il entendit comme quelqu'un se prenant un coup puis un homme bedonnant ouvrit.
- Ah c'est toi. Je m'étais assoupi. Tu viens pour te rendre à la Citadelle ?
- Oui, Talon. Tu peux garder Éclat pour moi ?
- Bien sûr, mon garçon. Combien de temps ?
- Je ne sais pas. Jusqu'à demain, j'espère. Peut-être plus. Au bout de combien de temps il sera un problème ?
- Il n'en sera jamais un. C'est toujours un plaisir de revoir l'un de mes poulains.
- Je ne te remercierai jamais assez, mon ami. De toute façon, si je tarde à revenir, c'est ma mère qui le récupérera.
- À ce propos, comment va-t-elle ? Et Lune ?
- Elles se portent très bien toutes le deux. Je dois y aller. Mes amitiés à Malon.
- Au plaisir, mon petit. La prochaine fois, reste un peu, Malon serait contente que tu te joignes à nous pour dîner.
- J'en prends note. Bonne journée !
Il sortit rapidement. Pendant qu'il marchait vers la porte ouest de la Citadelle d'Hyrule, Sheik pensa à Talon qui, à chaque fois que l'occasion se présentait, essayait de le marier à sa fille, Malon. Elle était plutôt jolie, mais il ne s'était jamais posé la question du mariage. Après tout, il était encore jeune et était beaucoup trop occupé à s'entraîner et aider le village pour ça. Quand tout sera fini, il prendra peut-être le temps de faire ce fameux repas. Soudain, il pensa à Link et à ces magnifiques yeux bleus encore plus sauvages que dans ces souvenirs. Il se surprit à se souvenir de la douceur de la main du jeune héros dans la sienne pendant leur poignée de main d'au revoir. Légèrement troublé par cette pensée, il se ressaisit rapidement à l'approche de la porte.
Il franchit le petit pont-levis sous le regard méfiant des deux gardes et arriva sur la place Ivahn II. Il décida d'emprunter une petite ruelle pour continuer à évoluer discrètement dans la ville jusqu'à la taverne de Telma dont la porte se situait dans une impasse. Il entra prudemment. Le brouhaha et le son de la vaisselle étaient assourdissants. Il se fraya un chemin entre les tables et les chaises jusqu'au comptoir. Là, en train d'essuyer un verre, se tenait une femme forte qui posa son verre dès qu'elle aperçut le jeune homme.
- Salut, mon mignon ! Que viens-tu faire ici ?
- Bonjour, Telma. Je suis Sheik. Vous vous souvenez de moi ?
- Sheik ! Eh bah ça alors, si je m'attendais ! Ça doit bien faire dix ans que je ne t'ai pas vu ! Comment va ta mère ?
- Très bien merci. Je cherche Rauru. Il est ici ?
Elle avança la tête et chuchota :
- Il est dans la salle de derrière.
Avec sa tête, elle lui indiqua la droite du comptoir puis reprit aussi bas :
- Fais attention à toi quand même. On n'a pas l'habitude de voir des Sheikah par ici. Avec le climat ambiant, on pourrait rapidement faire le lien avec Impa.
Elle se redressa, prit un autre verre et commença à l'essuyer.
- Telma ! Une autre bière, s'il te plaît ! cria-t-on depuis une table située derrière le garçon.
- Ouais, j'arrive, Lucien ! répondit-elle aussi fort. Tu ne vois pas que je suis avec un client ? Vas-y, mon garçon, ordonna-t-elle calmement à Sheik. Je te rejoins rapidement.
Elle se déplaça vers la gauche du comptoir. Le Sheikah se faufila jusqu'à l'arrière-salle sans que personne ne le remarque. Il franchit la porte. Il y avait une table avec six chaises dépareillées, un canapé rapiécé, une bibliothèque presque vide, un gros chat blanc avec un ruban violet autour du cou et une porte en métal qui semblait lourde. Autour de la table, un vieil homme bedonnant et légèrement barbu se leva.
- Bonjour, Sheik. Je suis ravi de te voir. Prends donc une chaise.
Le jeune homme s'installa sur une chaise verte en face du vieillard en le fixant avec méfiance.
- Bonjour... Rauru ?
- Bien sûr, p'tit gars. C'est évident, non ? Tu es donc venu pour libérer Zelda, c'est bien ça ?
- Oui. Votre hibou a dit à ma mère de vous retrouver ici.
- Je sais. Une chance qu'il était au village ce matin, non ?
Rauru rit longuement avant de s'arrêter brusquement et de reprendre.
- Sais-tu pourquoi je t'ai fait venir ici ?
- Pour parler tranquillement ?
- Non. Pour cela, je t'aurais donné rendez-vous dans le temple de la Triforce, d'autant plus que Sahasrahla aurait été ravi de rencontrer le fils d'Impa. Il y a une toute autre raison. Comment comptes-tu t'introduire dans le château ?
- En escaladant les remparts de nuit, par le chemin que ma mère empruntait pour entrer par la cuisine. Je ferai la route en sens inverse avec la princesse.
- Je crains malheureusement que ce chemin soit surveillé. Il en existe cependant un autre. Mais je vais laisser notre chère Telma te l'expliquer.
Sheik se retourna et vit la tavernière se tenir devant la porte. Elle fit trois pas devant elle et pivota pour ne pas parler au dos du garçon.
- Par les égouts, dit-elle. Il y a tout un réseau qui parcourt la cité en sous-terrain. C'est un vrai labyrinthe, mais j'ai une carte qui devrait te permettre de t'y retrouver.
Rauru se leva, se dirigea vers la porte en métal et l'ouvrit difficilement.
- Suis-moi, p'tit gars.
Le jeune homme s'approcha, passa devant le vieillard et avança la tête à travers la porte. Il y avait un escalier poussiéreux qui s'enfonçait loin dans le noir. Le Sheikah recula pour laisser passer Rauru. "Tiens" fit Impa. Elle lui tendit une lanterne à huile très classique ainsi qu'un long bout de parchemin. Le vieillard sortit une lanterne rectangulaire et plus grande que celle du jeune homme de sous sa chasuble qui s'alluma comme par magie. Il commença alors à descendre les marches avec assurance, suivi d'un Sheik peu sûr de lui. La porte se referma derrière eux, éclairée d'une lumière bleutée par la seule lanterne de Rauru.
- Tu ne l'allumes pas, demanda-t-il ?
- Je n'ai rien pour le faire, répondit le garçon.
- C'est vrai. J'avais oublié.
Rauru pivota lentement en faisant attention à ne pas s'emmêler les pieds dans les marches et approcha sa lanterne de celle de Sheik qui s'alluma aussitôt.
- Tu feras attention. Le niveau d'huile n'est pas infini.
Le Sheikah acquiesça. Rauru reprit sa position initiale et continua sa route. Une fois en bas, on pouvait apercevoir de longues galeries surplombant un canal d'eau presque vide. Ils tournèrent à droite et marchèrent d'un pas pressé virevoltant de-ci de-là à travers ce dédale de tristes pierres grises. L'homme s'arrêta à côté d'un escalier éclairé par des torches.
- Je ne vais pas plus loin. C'est un accès vers le temple de la Triforce. Montre-moi ta carte que je te montre où nous sommes.
Tous deux s'exécutèrent. Sheik essaya de repérer la route qu'il venait de parcourir, mais Rauru l'interrompit.
- Balade-toi un peu, mais ne t'y éternise pas. Aussi, je te conseille de retourner voir Telma.
Il se retourna vers l'escalier et monta si vite que Sheik eut l'impression qu'il flottait. Le jeune homme fit lentement un tour sur lui-même. Chaque centimètre carré qu'il observait était humide et crasseux. Il avait légèrement froid. Il sortit de nouveau sa carte. Après l'avoir attentivement observé, il décida de se lancer. Il marcha prudemment, les yeux non loin de sa carte. Tout se ressemblait et le Sheikah se sentit rapidement perdu. À cet instant, il comprit pourquoi Rauru avait agi de la sorte. Il était préférable qu'il se perde maintenant plutôt que ce soir pendant l'opération de libération de la princesse. Il décida alors de s'asseoir, de poser la carte au sol et de l'observer attentivement. Au bout d'un moment qui lui avait paru durer une éternité, son esprit s'éclaira. Il se releva d'un bond sans oublier de récupérer la carte qu'il rangea grossièrement dans sa sacoche. Il courut à travers les tunnels sans hésiter, visualisant parfaitement le chemin dans sa tête. Soudain, il remarqua quelque chose d'étrange au-dessus de lui. D'instinct, il s'arrêta net et fit une esquive vers l'arrière. Une énorme araignée venait de tomber du plafond juste devant lui, pendu à un fil de toile. C'était une Skulltula. Il n'en avait encore jamais croisé, mais sa mère lui en avait parlé. Il savait comment les vaincre, en théorie. Il attrapa l'un de ses kunaïs et le lança afin de couper le fil. Le monstre retomba sur ces huit pattes sans difficulté. Skeik recula légèrement. Il ne remarqua pas le point sensible. Il analysa chaque centimètre du corps de la bête avant de se souvenir qu'il se situait sous son ventre. Rapidement, il planta sa dague dans la tête de l'araignée. Son crane toucha le sol et son abdomen se releva. Il sauta par-dessus et atterrit avec une roulade non loin de son kunaï qu'il ramassa d'un geste grossier avant de se retourner et de planter deux kunaïs dans son point faible désormais accessible. La bestiole explosa. Le jeune homme rangea ses armes, se concentra pour retrouver son chemin et reprit la route. Il n'était plus très loin de la taverne. Il monta quelques marches et se retrouva face à la porte de métal qu'il ouvrit dans un faible grincement en forçant légèrement.
- Alors, mon garçon, ça s'est bien passé ? lui demanda Telma, assise sur une chaise, caressant sa chatte sur les genoux.
- C'est humide, labyrinthique et il y a également des Skulltulas.
- Bienvenue à Hyrule ! Qu'as-tu prévu aujourd'hui ?
- Je vais essayer de me reposer un peu. Ma nuit sera longue.
- Prends le canapé, dit-elle en lui montrant un tas de coussins rapiécés au fond de la pièce.
Sheik se réveilla difficilement après avoir entendu des miaulements de chat directement dans son oreille. Il ouvrit les yeux sur Louise, la chatte de Telma et s'assit sur le canapé. Il se frotta le cou, endolori par la position non confortable de sa sieste.
- Il est minuit, mon garçon, affirma la tavernière qui venait d'entrer. Il est grand temps. J'espère que tu t'es bien reposé. Tu sais par où passer ? Tu as repéré le chemin ? Tu n'auras pas le droit à l'erreur, Link. Agahnim et ses hommes sont très puissants. Il connait la méthode des Sheikahs puisqu'il en est un lui-même.
- Ne vous en faites pas Telma, je sais exactement ce que je fais. Les gardes ne me verront même pas. Peut-être sur le retour cela dit. Mais une fois que j'aurai la princesse, plus rien ne pourra m'arrêter.
- Tu veux faire une prière, mon garçon ? J'ai une harpe si tu veux.
- Je vous remercie, Telma, mais ça ira. Je vais partir tout de suite.
- Comme tu veux.
Elle ouvrit la porte pendant que le garçon alluma sa lanterne à l'aide d'une des bougies posées sur la table. Près de la porte, il sourit à Telma, respira profondément et s'engouffra dans les égouts. Il avait repéré un chemin qui devait le mener droit dans les jardins du château, près de la cuisine. À part quelques rats et chauves-souris, son chemin se passa sans encombre, si on oublie les deux ou trois petites fois où il s'était trompé de chemin. Il sortit par un petit passage dans la muraille qui entourait le jardin de derrière le palais. Il fit un détour pour esquiver trois gardes et se retrouver face à la porte de la cuisine, fermée. Il regarda autour de lui et s'éloigna pour observer le château de plus loin. Il repéra une fenêtre ouverte. "Je vais devoir escalader" se dit-il. Il saisit deux kunaïs et commença la montée après avoir pris soin d'éteindre sa lanterne. Il passa par la fenêtre et chercha discrètement la chambre de la princesse. Au détour d'un couloir, il tomba nez à nez avec un vieil homme vêtu de noir, les mains derrière le dos.
- La chambre de la princesse se trouve deux étages plus haut, deuxième couloir, porte violette.
- Merci, mais qui êtes-vous ?
Il ne répondit pas et continua sa route comme si de rien n'était. Sheik suivit les indications et ouvrit prudemment la porte violette. La chambre était éclairée faiblement par la lune seule et Zelda dormait profondément. Il s'approcha lentement d'elle et commença à la réveiller. Elle ouvrit légèrement les yeux puis soudain bien grand. Le garçon lui mit la main sur la bouche pour l'empêcher de crier.
- N'ayez pas peur. Je m'appelle Sheik. C'est Impa qui m'envoie pour vous libérer, chuchota-t-il avant de retirer sa main.
- Je n'ai pas besoin d'être libérée, je suis ici de mon plein gré, dit-elle d'une voix normale et les yeux vides, mais avec conviction.
- Vous ne viendrez donc pas avec moi ?
- Non. Allez-vous-en.
- Je ne partirai pas sans vous.
- Vous ne me laissez pas le choix. Garde, cria-t-elle !
Ce fut si brusque que le jeune homme eut un mouvement de recul. Rapidement, il sortit une noix mojo brillante de son sac et la lança sur la princesse qui s'effondra sur son lit. Il prit ensuite un long fil et un kunaï. Au moment où il passait le fil dans l'anneau de son arme, un garde surgit. Il lui lança une noix mojo plus classique et son assaillant se figea. La ficelle tout juste attachée, il saisit Zelda par la taille, la porta sur son épaule et se rendit sur le balcon. Il passa précipitamment le kunaï autour d'un barreau et commença à descendre tant bien que mal. Le fil n'était pas assez long et il dut sauter presque trois fois sa taille. L'atterrissage fut douloureux, mais la princesse n'avait rien. De sa main libre, il sortit un petit flacon de potion rouge qu'il but d'une traite pour se remettre de sa chute. Plusieurs gardes courraient vers lui, leur lance en avant. Il lâcha une boule fumigène à ses pieds et profita de la confusion pour entrer dans le rempart le plus proche. Il dut paralyser deux autres gardes avant de pouvoir emprunter le passage secret qui menait aux égouts. Là, il marcha d'un pas pressé en direction de la taverne de Telma. Il y entra avec fracas en poussant la porte en métal avec sa jambe droite et déposa la jeune femme sur le canapé.
- Que lui arrive-t-il ? demanda la tavernière en arrivant dans la pièce.
- Une noix mojo. Elle ne voulait pas venir avec moi, j'étais obligé.
- Alors, il faut faire vite. À son réveil, elle voudra retourner au château.
- Inutile de se presser. J'ai utilisé une noix spéciale qui paralyse bien plus longtemps que les autres. Les Sheikahs sont pleins de ressources. Cependant, vous avez raison sur un point, je ne dois pas m'éterniser ici. Je partirai à l'aube. Mon cheval est au ranch Lon Lon et Talon n'apprécierait pas être réveillé avant. Je pense avoir repéré une sortie des égouts à l'extérieur de la citadelle.
- J'ai quelque chose qui te sera très utile, mon garçon.
Elle ouvrit un tiroir de sa vieille commode, en retira une robe à capuche noire et en habilla la princesse.
- C'est la sienne. Elle est magique. C'est Rauru qui me l'a apportée avant que tu arrives.
- Comment l'a-t-il récupérée ?
- Par Roger, le majordome du château. C'est l'un de nos plus fidèles alliés.
- Je vois, ça doit être lui qui m'a indiqué la chambre de Zelda.
Agahnim entra dans la chambre de la princesse.
- Alors, Traucmahr ?
- Rien. À part ce kunaï.
- C'est un Sheikah, j'en suis sûr, dit-il après avoir récupéré la lame.
- Que fait-on, monsieur ?
- Allez à Cocorico avec dix de vos hommes et ramenez-la-moi !
- Oui, monsieur.
Il sortit. Roger entra à son tour dans la pièce.
- Vous tombez bien. Après la princesse, qui est le prochain dans la ligne de succession ?
- Je suis navré, monsieur, mais je l'ignore. C'est le précédent ministre, Tengaro, qui connaissait ce genre de choses.
- Quelqu'un d'autre pourrait me renseigner ?
- Lafrel, monsieur. L'ancien professeur particulier de la princesse qui était également l'historien du château.
- Amenez-le-moi dans mon bureau. Continuez également les préparatifs pour le couronnement mais assurez-vous qu'il puisse être stoppé et repris à tout moment.
Roger s'inclina et s'éloigna. Le ministre se rendit sur le balcon et admira le royaume un moment. Il regarda le kunaï et dit : "Tu retrouveras ton propriétaire. Tu iras te loger profondément dans son coeur, je te le promets." Il attacha l'arme à sa ceinture sous sa longue toge rouge.
Merci à Prince Sidon pour l'orthographe et quelques petites modifications.
Sur le canapé d'Impa, Zelda ouvrit les yeux. Elle se redressa difficilement. Impa, après l'avoir remarquée, commença à allumer les bougies situées tout autour d'elle en disant :
- Doucement, princesse. L'effet des super noix mojo va encore durer quelques instants.
- Où suis-je ?
- En sécurité, chez moi, à Cocorico.
- Je dois retourner au château. Je dois devenir reine.
Impa la regarda dans les yeux et ne vit rien. Zelda essaya de se lever, mais perdit l'équilibre et retomba sur le lit.
- Elle est encore sous l'emprise d'Agahnim, affirma Sheik, assis dans un fauteuil.
- Je suis en pleine possession de mon esprit, fit Zelda. Je vous ordonne de me porter jusqu'au palais.
- Que fait-on, maman ?
- Elle ne peut pas rester ici. C'est trop dangereux. Escorte-la jusqu'à Toal. La protection du village pourra peut-être la guérir. Pars avant que Bohdan ne la voie, sinon il refusera qu'elle parte.
Sheik se sortit vite du siège et prit une super noix mojo dans son sac. Impa s'éloigna et se cacha les yeux.
- Vous avez réussi ? cria Bohdan après avoir violemment ouvert la porte de la maison d'Impa.
- Oui, répondit-elle. Mais elle...
- Je veux la voir ! Où est-elle ?
- En route pour Toal.
- Alors, moi aussi.
- Je suis désolé, Bohdan, mais je crains que cela soit impossible. Asseyez-vous, je vais vous en expliquer les raisons.
- Faites ce qu'elle dit, s'il vous plait, conseilla Reynald tout juste arrivé sur le pas de la porte, empêchant l'oncle de Zelda de sortir.
Il s'assit sur la première chaise qu'il vit, croisa les bras et regarda méchamment Impa.
- Elle est sous l'influence d'Agahnim. Elle voulait absolument rentrer à la citadelle. J'ai donc décidé de la renvoyer auprès de votre fille, à Toal, dans l'espoir que la protection magique lui fasse retrouver la raison.
- Prévenez Moï, ordonna le chef à Reynald. Qu'il l'enferme dans la cabane à l'entrée du village en attendant qu'elle se remette. Qu'il évite que les habitants ne la voient. Ils risqueraient de faire le lien avec Tetra. Seule Iria s'occupera d'elle. Je veux de ces nouvelles le matin, le soir et dès son arrivée au village.
- Je vais prévenir Saria. Pour le moment, retournez vous préparer, nous devons partir pour Bourg-Clocher ce matin.
Bohdan sortit rapidement en marmonnant diverses phrases incompréhensibles.
- Sheik a oublié un kunaï dans la chambre de Zelda, expliqua la Sheikah au prêtre.
- Alors, il faut nous tenir près à ce que Traucmahr vienne nous rendre une petite visite. Je doute qu'Agahnim se déplace lui-même.
- Il faut prévenir Link. Il dort encore dans la chambre de Sheik. Je m'en occuperai dès son réveil.
- Très bien. Explique-lui et envoie-le-moi à la source.
Le prêtre sortit et se rendit calmement à la source d'Ordinn, naturellement creusée dans la roche marronâtres de la montagne. Il s'assit sur la même pierre que d'habitude et profita du calme de la matinée pour prier.
- Je ne sais pas ce qui va se passer, maintenant, Din. Hier, je disais à Nayru de ne pas s'inquiéter, de faire confiance à Bohdan et Link, mais si Traucmahr débarque avec toute l'armée d'Hyrule, j'ai peur que le village ne fasse pas long feu. Oui, je sais que la destruction du village n'apporterait rien de bon à Agahnim, mais s'il devait en être ainsi, il trouverait facilement un mensonge officiel. J'ai peur pour l'avenir du village et de tout le pays.
Il médita ensuite en silence jusqu'à l'arrivée de Link.
- C'est toujours aussi paisible, les sources des esprits de la lumière. Bien que celle-ci soit moins fleurie que les deux autres, commenta Link.
- La différence principale qu'il y a entre les sources et un temple, c'est le lien avec l'extérieur. Parfois, la musique de la nature permet une méditation plus efficace. De plus, la source d'Ordinn est dédiée à la déesse Din alors que le temple de Cocorico est dédié à la déesse Nayru. C'est la particularité de Cocorico : deux déesses pour le prix d'une.
Reynald sourit et fit signe à Link de s'asseoir près de lui.
- Impa m'a dit que Zelda était en route pour Toal et que Traucmahr, le capitaine de la garde d'Hyrule, allait certainement bientôt arriver avec un bataillon ?
- Pour Zelda, c'est une certitude. Pour Traucmahr, nous verrons bien, mais c'est très probable. Je connais Agahnim et il connaît les Sheikahs.
- Vous voulez que je reste pour défendre le village ?
- Au contraire. Tu dois partir d'ici au plus tôt. Officiellement, nous entretenons une relation amicale avec la citadelle. Zelda n'étant pas ici, nous aurons plus de chance de prouver notre innocence.
- Vous n'avez pas peur que les gardes parlent ?
- Ils ont plus foi en Impa qu'en leur général. C'est pour cela que nous pouvons gérer et héberger la tête du réseau rebelle sans crainte d'être découvert. Cela dit, s'ils apprennent que nous sommes bien la cause de l'enlèvement de Zelda, nous risquons de perdre leur confiance. Link, va chez les Gorons. Occupe-toi d'Ignis et relie-les à notre cause.
- Pour Ignis, c'est comme si c'était fait. Mais pour les rallier à notre cause, nous aurions besoin de Bohdan, plutôt.
- Contente-toi de convaincre leur chef de venir nous parler, qu'ils s'agissent de Darunia ou Morock.
- Je connais Darunia, s'il se souvient de moi.
- Je sais. Mais Morock a plus d'expérience et est le chef actuel officiel.
- Pourquoi ?
- Il est l'oncle de Darunia. À la mort du précédent chef, les Gorons n'arrivant pas à se mettre d'accord sur leur nouveau chef, deux tribus se sont formées, chacune dans un endroit différent de la montagne, les partisans de Darunia d'un côté et ceux de Morock de l'autre. Avec la crise des dragons et Ignis, Morock est revenu accompagné d'un Locomo nommé Bouyer, persuadé qu'Ignis n'est pas une menace. Ainsi, prétextant leur légitimité par leur ancienneté, ils ont pris le contrôle de la jeune tribu de Darunia. Donc, soit tu convaincs Morock de la menace d'Ignis et d'Agahnim, sois tu aides Darunia à reprendre le pouvoir. Mais dans tous les cas, tu ne pourras pas atteindre Ignis tant que Morock dirigera du côté des méchants.
- Je ne suis pas là pour faire de la politique, Reynald. C'est à Bohdan d'y aller.
- Pour le moment, nous devons nous rendre à Bourg-Clocher. Bohdan a priorité sur le réseau hylien.
- Dans ce cas, peut-être que Saria peut venir avec moi ?
- Link, tu peux y arriver. Saria doit rester ici pour transmettre les messages.
- Alors quoi, vous voulez faire de moi le chef de toutes les rébellions ?
- Il n'est pas question de trouver un grand chef, mais de vaincre Ignis. En ce qui concerne les Gorons, ils ont juste besoin d'un petit coup de pouce, mais ils devront se libérer par eux-mêmes.
- J'ai bien compris. Je m'en vais de ce pas.
Il se leva et partit à la vitesse de l'éclair. "Passe dire au revoir à Saria !" lui cria le prêtre avant de reprendre sa méditation. Link ne prit pas la direction de la maison de Reynald où logeait la Kokiri.
- Tu ne vas pas voir Saria ? lui demanda innocemment Navi.
- Pourquoi devrais-je lui dire au revoir ? On s'est vus hier.
- Elle est amoureuse de toi, expliqua la fée, désespérée.
Le garçon s'arrêta, le regard vide. Il aimait bien Saria. Ils s'étaient toujours connus et ils avaient toujours été là l'un pour l'autre. Mais c'était avant qu'il parte pour son entraînement, avant d'être un Hylien. Et même avant ça, il n'aurait jamais dit être amoureux de Saria ou de qui que ce soit.
- Ce n'est pas mon cas ! affirma-t-il après avoir repris ces esprits. Pourquoi j'irais lui dire au revoir, dans ce cas ?
- Que tu sois amoureux d'elle ou pas ne change rien. Tu as vu comment elle a réagi hier soir ? Va la voir et ne discute pas !
- Mais explique-moi, bon sang !
- Saria est ton amie ?
- Oui.
- Tu ne veux pas lui faire du mal ?
- Non.
- Dans ce cas, tu ferais mieux de clarifier la situation entre vous.
- D'accord. Mais vite. Les Gorons n'attendent pas.
- Ils ont attendu sept ans, ils peuvent attendre encore un peu. Tu ne dois pas oublier tes amis sous prétexte de devoir sauver le monde.
La maison ne Reynald était collée au temple. Elle faisait deux étages et un tiers était ancré dans la roche, tout comme l'arrière du temple. Le garçon toqua à la porte et une jeune fille lui ouvrit.
- Bonjour, euh, Louda, c'est ça ?
- Oui. C'est la première fois qu'on se rencontre vous et moi, Link. Enchantée. Que puis-je pour vous ?
- Saria est là ?
- Elle est en train de se préparer. Je vais lui dire que vous l'attendez. Entrez donc vous asseoir dans le salon.
Toute la pièce principale était parfaitement rangée. Les meubles étaient très propres, mais faisaient vieux. Sur le canapé du salon était assis Bohdan qui regarda Link méchamment. Le garçon s'assit sur un fauteuil situé le plus loin possible du nouveau chef de la rébellion. Ils s'évitèrent du regard jusqu'à ce que Louda leur apporte un verre de lait.
- Saria est prête, elle ne devrait pas tarder, dit-elle à Link avec beaucoup de bonté.
- Merci.
Bohdan vida son verre d'une traite et le posa brutalement sur la table. La jeune fille sursauta et récupéra le verre avant de retourner dans la cuisine, légèrement tremblante.
- Tu as décidé de faire en sorte que Saria se fasse également enlever par les dragons, Link, attaqua le chef ?
- Nous en avons déjà parlé. J'ai fait tout mon possible.
- Pas si tu es toujours en vie.
- Clarunis a évité le combat. Je ne peux pas voler. Et Épona non plus. Je ne vois pas pourquoi je reprendrais cette discussion. Je vous ai déjà tout dit, finit Link en croisant les bras.
- Heureusement, maintenant, elle est sauvée. Mais pas grâce à toi.
- Ce qu'il y a de bien quand on est une équipe, c'est qu'on peut compter sur les autres.
- Quelle est ta prochaine mission ?
- Ignis et les Gorons.
- Bon courage, alors. Tu en auras besoin.
Il se leva, arracha son verre de lait des mains de Louda et se dirigea vers la porte qui menait au temple. Il se retourna, fixa Link avec un regard à la fois d'excuse et de colère, vida de nouveau son verre d'une traite et le posa sur un meuble.
- Vous aussi, à Bourg-Clocher, risqua le jeune Hylien.
Bohdan fit oui de la tête et sortit. Saria descendit peu de temps après, suivie de très près par Taya. Elle portait la même tenue verte que d'habitude. Elle sourit en apercevant Link et s'assit juste à ses côtés. Navi fit signe à Taya de s'éloigner, mais elle refusa.
- Bonjour, Link. Je suis contente de te voir. Tu pars chez les Gorons ?
- Oui. C'est la raison de ma venue.
- Je te souhaite bonne chance, alors, dit-elle en lui prenant les mains. Et bon courage aussi. Le combat contre Ignis sera rude.
Les battements de coeur du garçon s'accélérèrent. Il libéra ses mains rapidement et sans la moindre délicatesse puis se leva d'un bond.
- Bon courage à toi aussi, Saria, et Taya bien sûr. Normalement, je devrais revenir assez vite.
- Il y a un problème, Link, s'inquiéta la Kokiri ?
- No... non, aucun, répondit-il, le visage écarlate. Pour... pourquoi dis-tu ça ?
- Je te sens fuyant, tout d'un coup. J'ai fait quelque chose de mal ?
Link ne répondit rien. Il était paralysé par la situation. Était-il victime d'un mauvais sort d'Agahnim, ou était-ce Saria ? Était-il amoureux de Saria ? Même Navi ne savait comment réagir. Son protégé était visiblement en détresse, mais il n'y avait aucun danger immédiat. Devait-elle le laisser comprendre tout seul ? Le mettre sur la piste ? Attendre que Saria réagisse ? Pour une fois, elle attendit une habituelle bourde de Taya.
- Tu es amoureux de Saria, Link ? s'amusa la jeune fée.
Saria se leva et fixa le jeune homme dans les yeux.
- C'est ça, Link ? espéra-t-elle.
- Je ne sais pas, répondit-il en détournant le regard. Je ne me suis jamais posé la question. Et ce n'est pas maintenant que je vais le faire alors que je dois aller tuer six dragons et sauver le royaume. En plus, ça fait sept ans qu'on ne sait pas vus. Et tu es Kokiri et moi Hylien. Au-delà du fait que ce n'est pas le moment, c'est aussi impossible. Donc je ne vois pas pourquoi je me poserais la question.
- Donc, après notre victoire, si je ne suis plus Kokiri, tu te poseras la question ?
- Sans doute, oui, répondit-il rapidement alors qu'il n'avait pas compris ce qu'elle venait de dire. Bon, je dois y aller. Bon courage à vous deux.
Il tapota l'épaule de la fillette et sortit sans lui adresser le moindre regard. Elle resta debout sans bouger. Louda s'approcha, posa son plateau sur la table basse, commença à dire quelque chose, mais fut interrompue par une Taya en colère.
- Ne l'envisage même pas, Saria ! J'ai déjà perdu Maguo, je ne vais pas te perdre toi aussi ! En plus, la rébellion a besoin de toi.
- Je n'y pense pas pour maintenant, c'est sûr. Mais lorsque notre victoire approchera, nous aurons cette discussion, décréta la Kokiri. Pour le moment, n'y pensons plus. Louda, garde ça pour toi, veux-tu ?
- Bravo, Link. Tu étais venu pour clarifier la situation et tu as fait tout le contraire, pesta Navi.
- Oui, eh bah, j'ai fait comme j'ai pu. Je suis vraiment mauvais en relations sociales.
- J'ai vu ça. N'en parlons plus. Allons récupérer Épona et partons pour le village Goron.
- Je crois que je préfère la laisser ici. Elle n'est pas très montagne. Saria s'en occupera sans doute. Tu peux aller la prévenir ?
- Link...
- Quoi ? Je n'y avais pas pensé avant. Et je n'ai pas envie de lui parler pour l'instant.
- Et elle non plus, à mon avis. C'est bon, je m'en occupe. Commence à monter, je te rattrape.
Link était tout juste sorti du village que sa fée était déjà de retour. Saria avait accepté sans hésiter, mais paraissait troublée. Le garçon ne fit aucun commentaire. Soudain, il s'arrêta face à un carrefour entre trois chemins. La route avait changé en sept ans et il ne savait pas du tout où aller. Il garda son calme et décida de prendre de la hauteur en s'agrippant à un arbre qui dépassait de plus haut à l'aide de son grappin. Il ne vit pas le village, mais reconnut une grotte devant laquelle il était passé la dernière fois. Il descendit plus vite qu'il n'était monté et prit le chemin du milieu jusqu'au point qu'il avait repéré. De là, le chemin lui parut évident et il se retrouva, après encore un peu de marche, face à la porte en pierre bloquant l'entrée d'une grotte, un garde goron lui interdisant l'accès.
- Aucun Hylien n'est autorisé à pénétrer dans le Village Goron.
- Je connais personnellement Darunia, votre chef.
- C'est Morock notre chef. Aucun Hylien n'est autorisé à pénétrer dans le Village Goron.
- Je voudrais parler avec Morock, votre chef.
- Aucun Hylien n'est autorisé à pénétrer dans le village Goron.
- Ça ne va pas être simple, soupira Link.
A suivre...
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Thewerewolf". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.