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Le Troisième Monde

Ecrit par Shinzuku en 2004
Chapitre 1 : La voleuse d'âmes

NubiaCela faisait quelques mois que Link, jeune garçon de douze ans élevé dans la forêt par les Kokiris, avait quitté Termina, monde parallèle à Hyrule qu'il avait sauvé de Majora. Après son départ, il s'était lancé à la recherche de Navi, sa fée qui l'avait accompagné pendant sa quête en Hyrule, qu'il n'avait pas revue depuis. Il se sentait très seul, et même si de temps en temps, il allait revoir les amis qu'il s'était fait dans tout le pays, il ne pouvait s'empêcher de penser à sa vieille amie. Mais plus il y réfléchissait, et plus il se disait que ce n'était pas spécialement elle qui lui manquait, mais plutôt quelqu'un qui l'accompagnerait et avec qui il partagerait ses aventures. "Finalement, n'importe qui ferait l'affaire..." pensa-t-il tristement.
En ce moment, il chevauchait dans la Plaine d'Hyrule, assis fièrement sur la croupe d'Epona. Il avait l'intention de rendre visite à Ruto et aux Zoras, mais il décida de faire une escale au Ranch Lon Lon.
- Epona ! lança joyeusement la voix de Talon quand la jument entra dans le ranch.
Le fermier apparut et vint caresser l'animal.
- Bonjour Talon, le salua Link.
- Bonjour mon garçon... je suis content que tu sois là... déclara l'homme en baissant les yeux.
Et il emmena le jeune garçon dans la chambre de sa fille Malon. Celle-ci était allongée dans son lit. Elle semblait dormir très profondément mais était très pâle. De la pâleur de la mort. Pourtant, elle respirait.
- Que lui est-il arrivé ? demanda Link.
- Je n'en ai pas la moindre idée... Il y a un mois, elle est partie se coucher, et le lendemain matin, elle ne s'est pas réveillée. Et quand je suis monté la chercher, elle était comme ça... Je t'en prie, aide-moi... Il n'y a que toi qui puisses la sauver...
- Je vais faire ce que je pourrai pour aider votre fille ! répondit fermement le jeune garçon. Je vous le promets !
Et il reprit sa route. S'il y avait quelqu'un qui pouvait l'aider, c'était bien la princesse Zelda. Il fallait absolument qu'il aille la voir. Ce qu'il fit. Il arriva au château et demanda à voir la princesse. On lui dit qu'elle ne pouvait le recevoir pour le moment. Il répondit qu'en attendant il pouvait toujours discuter avec Impa, sa nurse, mais on lui répliqua qu'elle non plus ne pouvait lui parler. Il demanda les raisons de ces indisponibilités.
- Une étrange maladie les a touchées il y a de cela deux semaines, lui dit la garde. Un matin, on les a retrouvées endormies d'un sommeil d'où on ne peut les tirer. Et...
- Et elles sont pâles comme si elles étaient mortes, n'est ce pas ? continua Link.
- En effet. Connais-tu cette maladie ? Peut-être sais-tu comment la soigner ?
- Je suis désolé, mais je n'en connais que les symptômes... Vous voyez, ce n'est pas la première fois que je suis confronté à cette "maladie". Je pensais demander à la princesse si elle la connaissait, mais j'arrive trop tard... Merci pour le renseignement.
Il se remit en selle et s'éloigna. Il n'aurait pas dû rester un mois chez les Kokiris. Beaucoup de choses s'étaient passées sans qu'il n'en ait connaissance. Il en était là de ses réflexions, quand il sentit quelque chose l'effleurer. C'était une plume, il leva la tête et vit Kaepora le Hibou.
- Houu... Houu... Alors, comment vas-tu jeune Héros ?
- Bien Kaepora, merci. Dis-moi, tu dois être au courant de la maladie qui a touché Zelda et Impa, non ?
- Quelle maladie ?
- Oh... C'est une sorte de sommeil très profond dont on ne se réveille pas, et on devient très pâle, comme si on était mort, mais on respire toujours.
- Houu... Ce n'est pas une maladie.
- Comment ça, pas une maladie ? Qu'est-ce que c'est alors ?
- Houu... Houu... si je ne me trompe pas et d'après ce que tu dis, houu... Je dirais qu'un voleur d'âme est passé par là.
- Un voleur d'âme ?
- Oui, c'est une personne capable de voler l'âme des gens pour les revendre. D'habitude, il s'attaque que très rarement aux humains.
- Tu veux dire qu'un type est arrivé au château et a volé l'âme de Zelda et d'Impa pendant qu'elles dormaient et qu'il a fait la même chose à Malon !?
- Il n'y a pas qu'à elle qu'il a volé l'âme. Cela fait un mois qu'il s'attaque aux sages.
- Aux sages ?
- Oui. Ruto, Darunia, Nabooru... Cinq des sept sages ont déjà été dépossédés de leurs âmes.
- J'étais avec Saria pendant tout le mois, c'est peut-être pour ça qu'il ne l'a pas volée, et le Sage du Temps reste en continuité dans la Chambre des Sages. Mais alors... Saria est en danger ! Je dois aller l'aider !
Sur ce, il adressa un salut à Kaepora et lança Epona au galop en direction de la Forêt. Cependant, quelque chose le gênait dans tout ça : Malon n'était pas un sage et elle aussi avait été privée d'âme. Il en était là de ces réflexions quand il entra dans la forêt. Il laissa Epona et partit en courant, tout droit vers les Bois Perdus, là où se trouvait habituellement son amie à cette heure de la journée. Il ne tarda pas à arriver à destination, mais n'y trouva pas Saria. Enfin, si... mais c'était déjà trop tard. A côté de la Kokiri gisant à terre, une jeune fille d'environ douze ans elle aussi, le regardait l'air sévère. Elle avait le teint mât, de grands yeux marron clair et des cheveux tressés en deux nattes sur le côté dont deux mèches rebelles étaient, l'une verte, l'autre bleue. Elle était habillée d'une tunique rouge, d'un collant noir lui arrivant aux genoux, de gantelets et elle avait aux pieds d'imposantes bottes. Elle tenait à la main un étrange bâton terminé par un croissant de lune qui retenait une sphère par les extrémités et dont le manche était noir.
Elle se tourna vers lui et le dévisagea.
- Tu arrives trop tard pour elle... dit-elle calmement. Son âme a déjà quitté les lieux.
- Qui es-tu ? demanda Link rageusement en sortant son épée de son fourreau et en prenant son bouclier.
- Je me présente ! s'exclama-t-elle. Nubia, voleuse d'âme la plus réputée d'Hyrule (et la seule aussi), je vole les âmes, je les revends ! Je peux aussi m'occuper des esprits, et dans mon temps libre, j'exorcise les personnes possédées !
Elle le salua avec deux doigts et s'avança.
- Toi... laisse-moi voir en toi... Elle s'approcha tellement près de lui que son visage était à quelques centimètres du sien et le regarda dans les yeux.
- Toi... tu es Link de la Forêt Kokiri, je m'trompe ?
- Non... mais comment le sais-tu ?
- J'ai un don de voyance... dit-elle en se grattant le menton et en regardant le ciel.
- Si c'est toi la voleuse d'âme, alors, ça veut dire que c'est toi qui t'amuses à voler l'âme des sag... il se reprit, de cinq personnes que je connais très bien.
- Tu parles des cinq sages, enfin six en la comptant.
- Tu connais l'existence des sages ?!
- Bien sûr que je les connais ! C'est moi qui les aide à trouver un nouveau corps quand celui qu'ils occupent devient trop vieux. Mais revenons à ta question, ce n'est pas moi.
- Mais si tu es la seule voleuse d'âme d'Hyrule, c'est toi qui les as volées !
- Théoriquement oui, mais... Depuis quelques temps, quelqu'un s'amuse à voler l'âme des sages d'Hyrule sur mon territoire. Et ça, ça m'énerve ! Celui qui fait ça me vole mon travail, et si ça continue comme ça, je vais me retrouver au chômage technique ! Mais bon...
- Et c'est aussi l'autre qui a volé Malon ?
- Malon ? Elle parut réfléchir un moment. Non, elle c'est moi qui me suis occupée de son cas. Tu parles bien de la fille du fermier Talon ?
- Oui ! A qui l'as-tu revendue ?
- A un type qui travaille au ranch... Ingo.
- Ingo !
- C'est ça oui.
- Mais pourquoi...
- Il m'a demandé de faire ça ! C'est pourtant évident. Il rêve de prendre la place de Talon à la tête du ranch Lon Lon. Alors, il prive Talon de sa fille, Talon désespère, Ingo lui propose de l'aider dans la gestion du ranch... et il en profite pour le mettre à la porte. Après ça, il me rappelle, il me demande de faire réintégrer à son corps l'âme de Malon et il en fait son esclave.
- C'est lui qui te l'a dit, ou alors tu as trouvé ça toute seule ?
- Je l'ai trouvé toute seule. Tu voudrais que je rende la vie à ton amie ? demanda Nubia avec une lueur dans les yeux.
- Tu ferais ça pour moi ?
- Oui. Je pourrais le faire, mais il faudra quand même payer. Et oui, faut bien que je vive moi.
- C'est combien ?
- Mille rubis.
- Mille rubis !!
- Et alors, c'est une vie qui est en jeu ! Surtout que son âme était particulièrement belle et pure. Mais je peux te faire une réduction. Je te la fais à moitié prix... Mais c'est toi qui me ramènes l'âme. Moi, je ne m'occupe que de la faire réintégrer son corps.
- Tu en parles comme si ce n'était qu'une vulgaire marchandise.
- Pour moi... oui. Bon, alors, tu acceptes ?
- Je crois que je n'ai pas le choix... d'accord alors.
Elle lui tendit la main et il la serra.
Elle lui expliqua ce qu'il avait à faire. Il devait s'arranger pour aller dans les appartements d'Ingo et trouver une sphère de couleur bleue. Il devait la lui ramener, et elle, elle s'occuperait du reste. Elle l'attendrait ici. Après avoir écouté attentivement les informations, Link se mit en route vers le Ranch Lon Lon, tandis que Nubia s'assit sur la souche où se tenait habituellement Saria pour attendre le retour du jeune garçon.

Chapitre 2 : Nouvelle amie, nouvelle aventure   up

Sur le chemin du ranch, Link se demandait comment faire pour reprendre l'âme de la pauvre Malon. Il réfléchit tout haut :
- Bonjour Ingo ! s'exclama-t-il à haute voix. Alors comment ça va ! Dis-moi, juste une petite question comme ça, une question sans importance... Tu n'aurais pas une boule bleue qui possède l'esprit de Malon ? Ah ! C'est toi qui l'as ! Tu ne pourrais pas me la donner ? Ce serait juste pour rendre la vie à Malon, après je te la rends... Merci beaucoup au revoir !
Il soupira et leva les yeux au ciel. Si Navi était là, elle lui proposerait une solution.
Une idée lui était venue, mais ce n'était pas ce qu'il préférait faire. S'introduire en douce dans la chambre d'Ingo et fouiller jusqu'à ce qu'il arrive à trouver ce dont il a besoin. Mais Ingo pouvait revenir à tout instant alors qu'il était encore en train de chercher.
Il en était là de ces réflexions quand devant lui se dressa le Ranch Lon Lon pour la deuxième fois de la journée. Le soleil allait bientôt se coucher. Il rentra à l'intérieur et appela Talon. Celui-ci arriva immédiatement.
- Alors mon garçon... Tu... tu as trouvé ? Tu peux la réveiller ?
- Je crois bien que oui, répondit Link, mais j'ai besoin que vous m'aidiez.
- Moi ! Mais comment pourrais-je t'aider ?!
- Chut... Pas si fort... J'aimerais savoir... et Ingo, comment réagit-il ?
- Il est très compréhensif et m'aide dans la gestion du ranch.
- Je...
Link s'interrompit. Dire à Talon qu'Ingo était le responsable de l'état de Malon parce qu'il avait payé une voleuse d'âme pour ça, n'était peut-être pas la bonne solution. De plus, pendant ses aventures passées, il avait dû faire face à beaucoup de situations, ce qui avait développé chez lui une sorte d'intuition. Et en ce moment, ce que lui disait cette intuition, c'était de ne pas parler de l'existence de Nubia.
- Qu'y a-t-il mon enfant ? questionna le fermier.
- J'aurais besoin que vous reteniez l'attention d'Ingo ce soir. Pendant un certain temps.
- Pourquoi donc ?
- En fait, j'ai découvert qu'un des composants du remède était en sa possession.
- Dans ce cas c'est parfait ! s'écria-t-il de joie. Il n'y a qu'à lui demander de nous le donner !
- Mais, c'est en fait que... je voudrais... lui faire une surprise ! C'est ça, une surprise !
- Ah... D'accord... Bien sûr mon garçon !
Et il lui fit un clin d'oeil l'air entendu et alla appeler Ingo sous prétexte de vouloir lui parler de choses importantes. Link en profita pour monter à l'étage et s'introduire dans la chambre de l'assistant de Talon. Il fouilla, tentant de faire le moins de dérangement possible, et finit par trouver le fruit de ses recherches. Sous le lit, dans un vieux coffre en bois, la sphère resplendissait d'un bleu intense. Il la prit et la rangea. Il referma le coffret et le remit à sa place. Il se releva et recula, se cognant contre la table. Un livre tomba de la bibliothèque. Il le ramassa et le feuilleta. C'est à ce moment là que la porte s'ouvrit et qu'Ingo entra en le dévisageant sévèrement.
- Qu'est-ce que tu fais ici toi ! aboya-t-il sèchement.
- Je... cherchais un livre à lire et Talon m'a dit que tu pourrais m'en prêter un... répondit-il en tendant le livre.
- Si c'est celui-la que tu veux, alors prends-le et va t-en !
Link ne se fit pas prier et s'en alla sans demander son reste.
Maintenant qu'il avait récupéré l'âme de Malon, il pouvait toujours rester passer la nuit ici et partir retrouver Nubia le lendemain. Ce qu'il fit donc, et le lendemain, il promit à Talon de revenir dans la journée avec une spécialiste qui soignerait sa fille. Ingo ne s'était douté de rien. Link arriva de bonne heure dans la forêt. Il passa d'abord chez lui afin de prendre les 500 rubis qui lui étaient demandés et retrouva Nubia. Il la vit en train de nettoyer, avec un chiffon, le croissant de lune de son bâton. Elle lui jeta un regard et se leva.
- Tu en as mis du temps, lui reprocha-t-elle avec un sourire.
- C'est que j'ai passé la nuit là-bas.
- Je sais que tu as passé la nuit là-bas, ce dont je te parle, c'est du fait que tu ais pris plus de deux heures pour la trouver.
- Mais comment tu le sais ?
- En le sachant, répondit-elle sèchement. Bon, garde-la pour le moment. Tu me la donneras au ranch. Mettons-nous en route !
Ils retournèrent au ranch, Link sur Epona et Nubia sur son propre cheval, nommé Equi. Une fois arrivés, Link la présenta comme une excellente doctoresse. Talon était aux anges, mais Ingo l'avait reconnue et se méfiait.
- Ma méthode de soins est très particulière, mais surtout, elle doit rester secrète. C'est pourquoi je préfèrerais que vous n'assistiez pas à la séance. Link par contre peut m'accompagner, il va m'assister.
- Bien sûr ma fille ! Moi, du moment que le résultat est positif, la méthode m'importe peu !
Il les fit entrer dans la chambre de la fillette et referma la porte.
- Bon, lâcha Nubia en prenant son bâton, donne-moi le conteneur d'âme.
- Le quoi ?
- La boule !
- Ah, oui.
Il la lui tendit. Elle la prit, désemboîta celle qui était entre les pointes du croissant de lune et les interchangea. Elle s'approcha ensuite du lit, se pencha sur Malon et lui ouvrit les yeux de la main. Ensuite, elle leva son bâton d'un geste brusque et l'abattit violemment sur le pâle visage. Juste avant de le toucher, une sorte d'écran se forma au-dessus de ses yeux et des sortes de cercles concentriques s'élargissaient en s'éloignant du point d'impact. Un grand vent se mit à souffler, faisant voler les longs cheveux de Malon. Quelques instants plus tard, le conteneur était redevenu de la même couleur que le croissant de lune et Malon était réveillée. Elle bailla et se frotta les yeux.
- Papa, quelle heure est-il ? demanda-t-elle d'une voix endormie.
Elle regarda Nubia, puis tourna la tête et aperçut le Kokiri.
- Link ! s'écria-t-elle en se relevant et en lui sautant au cou.
La voleuse leur jeta un regard et ressortit.
- Qui était-ce ? demanda la fillette. Et que faisait-elle dans ma chambre ?
- Ne t'inquiète pas, c'est une amie. Je suis content de te revoir, mais je dois partir maintenant.
- Quoi ? Déjà ? Mais on ne s'est même pas vu ! protesta-t-elle.
- Oui, mais c'est que j'ai quelque chose de très important à faire et ça ne peut pas tarder.
- Oh...
Elle fit la moue et croisa les bras. Link sortit, suivi de Malon que Talon s'empressa de prendre dans ses bras, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Elle fut d'ailleurs très surprise d'apprendre ce qui lui était arrivé.
- J'ai dormi un mois ! s'étonna-t-elle. Oh, papa ! J'espère que tu ne t'es pas trop inquiété !
Puis, elle se tourna vers Nubia et la remercia.
- Merci, c'est grâce à toi que je suis guérie. Je te suis redevable.
- Tu n'as aucune dette à avoir envers moi, tu peux en être sûre. Et maintenant, je dois reprendre ma route, j'ai une affaire urgente à régler et je dois partir maintenant, car j'ai un long chemin à parcourir.
- Mais vous ne pouvez pas partir comme ça ! protesta une fois de plus Malon. Vous êtes restés à peine une ou deux heures !
- Et c'était déjà trop long... répondit Nubia. Non, vraiment, nous devons partir maintenant où ce sera trop tard.
Sur ces mots, elle et Link sortirent, et après de brefs au revoir, les deux jeunes gens s'en allèrent. Un moment plus tard, la voleuse d'âme prit la parole.
- Nos chemins se séparent ici, Link de la forêt des Kokiris. Je dois partir.
- Où ça ?
- Retrouver les autres.
- Quels autres ?
- Vois-tu, je ne suis pas la seule voleuse d'âme qui existe. En fait, nous sommes trois. Un par monde parallèle. Moi, j'exerce le métier en Hyrule. Shin à Termina et Pago à Caela.
- Caela ?... Tu veux dire qu'il y a un troisième monde ?
- Oui. Il y a plus de 3000 ans, lorsque je suis née pour la première fois, j'avais un corps de Sheikah. Et comme tu le sais sans doute, nous les Sheikahs, avons des pouvoirs mystiques. Mais moi, je ne savais pas comment faire pour m'en servir. Alors on m'a bannie. Et oui, à l'époque, les temps étaient durs ! Alors, j'ai fait comme j'ai pu pour me débrouiller. Je suis devenue brigand de grands chemins, volant, pillant, me battant pour le plaisir, tuant même parfois... Toute la haine que j'avais sur le coeur, je la laissais se déchaîner sur mes adversaires. Jusqu'au jour où j'ai rencontré Kurrecx. Un Sheikah. Il a faillit me tuer, mais, pour une raison que j'ignore, il m'a épargnée et m'a prise pour élève. Il m'a appris comment faire pour développer mes pouvoirs, et surtout, il m'a enseigné le vol d'âme. Et je suis devenue son successeur. Il m'a aussi indiqué les emplacements des portes vers les autres mondes et m'a donné quelques conseils... Il est mort quelques temps après. C'est alors que j'ai décidé de réunir tous les voleurs d'âmes. Nous n'étions que trois. Un par monde (et moi la plus jeune), et nous avons chacun émis une règle pour régir notre métier.
- Donc, trois règles.
- Oui. Pago a imposé d'une voix puissante que nous devions chacun avoir une méthode de vol personnelle. Le plagia était interdit. Shin a sagement décidé que nous ne devions être que trois. En effet, s'il y avait trop de voleurs, le métier coulerait très vite. Et moi... J'ai ordonné que personne n'empiète sur le territoire des autres. Si l'un de nous était surpris à voler hors de ses terres...
- Et bien ?
- Il serait impitoyablement tué, en Hyrule en tout cas ce serait ainsi, car j'ai le courage de le faire, moi. Et aujourd'hui, quelqu'un a enfreint cette règle. Et c'est pour ça que je dois partir. Pour savoir qui l'a fait et lui donner la mort qu'il mérite.
- Tu me donnes froid dans le dos. Je n'ai jamais rencontré personne qui soit capable de tuer sans le moindre remord.
- Bah, il en existe d'autres comme moi. Mais je dois trouver le responsable.
- Je viens avec toi !
- Pourquoi ?
- Parce que je dois récupérer l'âme des cinq sages et les ramener en Hyrule ! Je l'ai promis !
Nubia le regarda un instant, et finalement sourit et lui tendit la main.
- D'accord, alors. Prépare-toi à une nouvelle aventure avec une nouvelle amie, Héros d'Hyrule !
Ils se serrèrent la main et reprirent la route à travers la Plaine, au grand galop.

Chapitre 3 : Retour à Termina et rencontre avec Shin   up

Nubia et Link étaient quelque part dans la forêt. Aucun d'eux ne parlait. Nubia était trop occupée à chercher la porte vers Termina et Link préférait se faire oublier afin de ne pas avoir à payer les 500 rubis. Ils arrivèrent bientôt devant trois troncs d'arbres successifs disposés de manière à former un escalier, et au bout, une ouverture.
- Hé ! s'écria Link. Je me rappelle de cet endroit ! Quand j'ai rencontré Skull Kid pour la première fois, je l'avais suivi jusqu'ici ! Si on continue par cette porte, on devrait arriver à Bourg Clocher !
- Oui, mais nous ferions mieux de laisser les chevaux ici. Termina, ce n'est pas un endroit pour eux.
Ils descendirent de selle, prirent tout ce dont ils avaient besoin et grimpèrent l'escalier. Arrivés à l'ouverture qui était en fait un tunnel, Link continua son flash-back, tout en continuant à avancer et en gardant les yeux rivés au plafond comme s'il s'attendait à voir quelque chose en tomber :
- Je m'en souviens parfaitement, c'était il y a cinq ou six mois déjà. Taya et Tayël avaient effrayé Epona et j'étais tombé par terre. Skull Kid est arrivé et il a pris mon ocarina. Quand je me suis réveillé, il est monté sur Epona et s'est enfui avec elle. Alors, je me suis accroché à sa patte et il a disparu dans ce tunnel quand je l'ai lâché. Et finalement, j'ai continué à le poursuivre à l'intérieur et je suis tombé dans un trou très profond.
- Justement, à propos de trou, si j'étais toi, je regarderais devant moi.
- Pourquoi ? dit-il en baissant la tête.
C'est à ce moment-là qu'il tomba dans le fameux trou en criant. Nubia s'agenouilla au bord et regarda au fond d'un air dépité en se passant la main sur le visage.
- Il faut croire qu'il se fait avoir à chaque fois. Ça va ! cria-t-elle.
- Oui, oui ! Je suis tombé sur une énorme fleur, ça a amorti ma chute !
- Attends en bas, je te rejoins !
Elle sortit une corde de son sac, la frappa avec son bâton en marmonnant quelque chose et la lâcha dans le vide. La corde se raidit instantanément et forma ainsi une sorte de rampe sur laquelle la jeune fille se laissa glisser. Arrivée en bas, elle tira d'un petit coup sec sur la corde et celle-ci retomba à ses pieds. Link la regardait avec des yeux ronds. Elle s'avança vers lui et le frappa sur le crâne.
- Aïeee ! cria le jeune garçon en se prenant la tête. Mais ça fait mal ! Qu'est-ce qui te prend ?!
- Ça t'apprendra ! Tu n'avais qu'à faire attention ! T'es volontaire au suicide ou quoi ?!
- Je ne l'ai pas fait exprès ! Et puis arrête de crier !
- Mais c'est toi qui cries !
Ils restèrent un instant là à se mitrailler du regard quand finalement Nubia se retourna.
- Ce n'est pas en se disputant qu'on va arriver à quelque chose alors on va partir, et la prochaine fois, tache de faire attention.
- OK, d'accord...
Il soupira et ils se mirent en route. Ils arrivèrent enfin à la porte s'ouvrant sur Termina. Ils la passèrent et se retrouvèrent au beau milieu de Bourg Clocher.
- Nous y voila, annonça Nubia. On n'a plus qu'à trouver Shin.
- Ça ne va pas être une partie de plaisir, c'est grand Termina. Elle peut être n'importe où.
- Moi, je sais qui peut nous dire où elle se trouve. Les Bombers. Ils sont au courant de tout ce qui se passe à Bourg Clocher.
- Et si elle n'est plus à Bourg Clocher ?
- T'es toujours aussi pessimiste ? lui reprocha-t-elle.
- C'est juste que j'essaie d'envisager toutes les situations dans lesquelles nous pourrions nous trouver.
- Tu réfléchis beaucoup trop pour ton âge.
- C'est toi qui es trop irréfléchie pour le tien.
Elle se tut à cette dernière réflexion. Puis, elle détourna les yeux et dit :
- N'essaie pas de te comporter en adulte alors que tu n'as encore que douze ans... Ce serait perdre une partie de ton enfance... Hé ! mais qu'est-ce que je suis en train de raconter ! Je me prends pour Shin ou quoi !?
Elle éclata de rire, mais Link vit bien qu'il était un peu forcé.
- J'ai entendu parler de moi, coupa une voix féminine.
A quelques pas de là, une jeune femme aux courts cheveux noirs et aux imposantes lunettes qui lui tombaient sur le nez les toisait du regard. Elle avait des vêtements étranges (un jean, un pull-over noir et des baskets... faut avouer que c'est bizarre pour l'époque), et, de sa poche arrière, dépassait un lance-pierres. Elle s'approcha d'eux.
- J'ai enfin trouvé ma voleuse, dit-elle. Tu sais que tu viens d'enfreindre deux règles d'un coup, n'est-ce pas ? Tu viens voler sur mon territoire et tu prends un apprenti.
- Bonjour, très bien merci... et toi ça va aussi Shin ? fit la jeune fille comme si elle n'avait rien entendu.
- Qu'est-ce que tu as à dire pour ta défense ? demanda la dénommée Shin.
- Mouais, les affaires ne vont pas trop mal non plus, et toi ? continua l'autre.
- Arrête ce petit jeu avec moi ! s'énerva pour de bon la fille aux lunettes. Et réponds !
- Ce n'est pas moi qui vole chez toi, et ce gosse n'est pas mon apprenti.
- C'est vrai ? demanda-t-elle à Link.
- Euh... Je crois oui...
- Tu ne pourrais pas être plus convaincant ? Ou alors être convaincant et un acte trop IRREFLECHI pour toi !
- C'est-à-dire que je n'y avais pas pensé... Je t'ai cru comme un idiot avec ton histoire.
- C'est pas vrai !
Elle le frappa sur le crâne comme elle l'avait fait précédemment et se tourna vers sa collègue.
- Je ne suis pas coupable, Shin. Chez moi aussi il y a des vols illégaux.
- Parce que voler des âmes est légal maintenant ? se risqua Link.
- Couché ! aboyèrent les deux filles en même temps.
- Je peux te jurer sur l'honneur que ce que je dis est vrai ! continua la plus jeune.
- Pff... Bon, allons en parler autre part qu'en plein milieu de la ville. Suivez-moi.
Elle les emmena hors de Bourg-Clocher, dans la Plaine Termina, jusque dans les marais, où finalement, elle les fit entrer dans une sorte de grotte.
- Tu habites encore dans cet endroit insalubre ! remarqua Nubia.
- Aucun chasseur de prime n'aurait l'idée de venir me chercher ici, et puis, je suis protégée par les Mojos. Mais j'ai quand même refait la déco.
Ils entrèrent dans une sorte de salle, plutôt bien aménagée pour un tel endroit, et ils s'assirent tous à la table.
- Explique-moi maintenant. Si tu es innocente, que fais-tu ici ?
- Comme je te l'ai dit, chez moi aussi, un type s'amuse à faire mon boulot. Au début j'ai laissé faire, parce qu'il ne s'était attaqué qu'à un certain type de personnes et je voulais savoir s'il le faisait exprès ou pas. Et il s'avère que oui. Alors, je suis venue te voir pour te demander si c'était toi.
- Tu sais parfaitement que je respecte les règles. Comment as-tu pu me soupçonner ?
- Et toi, comment as-tu pu me soupçonner moi ? C'était moi qui avais posé cette limitation.
- J'étais toujours persuadée que ça ne pouvait être que... Cette pourriture de Pago... Mais je t'ai vu, alors... Mais je pense que tu dis la vérité. Et lui, pourquoi est-il venu avec toi ?
- Comme tu le sais, c'est un héros possédant une partie de la Triforce...
- Mais comment tu sais tout ça à mon propos ! cria Link en se levant, faisant tomber sa chaise au passage.
- Je suis une grande amie des sages, je te l'ai dit pourtant ! En ce qui concerne la Triforce et tout ce qui peut les toucher, je suis incollable. Pendant ton aventure en Hyrule, j'ai été ton ombre sans que tu ne le saches. Et c'est aussi moi qui ai enseigné à Zelda comment se transformer en Sheik.
Link était éberlué par ces révélations.
- Si tu voyais ta tête ! s'écria-t-elle en pouffant de rire. Shin, je suis persuadée que quelque chose de très grave se trame, déclara-t-elle en reprenant son sérieux. Le type qui fait ça s'est uniquement attaqué aux sages d'Hyrule. Et sans leur protection, tu sais ce qui arrive.
- Chez moi aussi c'est grave. Pago...
- Si c'est lui !
- Ça ne peut être que ce salopard ! Il s'en est pris à Lulu, à la Princesse Mojo, au bébé du chef des Gorons, à la capitaine des Pirates, à Skull Kid et puis à une fée qui s'était égarée ici, mais elle ce n'est pas important. En bref, uniquement à des personnes importantes de Termina. Partout on pense que c'est moi et une guerre va peut-être être déclarée. Les Mojos contre les Gorons, et les Pirates contre les Zoras !
- Ce sont des personnes que j'ai rencontrées et aidées... intervint Link.
- Je crois que le responsable lui en veut, fit remarquer Nubia. Il n'y a pas de doute possible. Dès demain, j'irai à Caela et je poserai moi-même la question à Pago.
- J'irais volontiers régler son compte à cet enfoiré, mais je préfère rester pour le cas où il serait ici alors que tu serais là-bas.
- Sage décision... approuva la jeune fille.
- Pourquoi n'apprécies-tu pas Pago ? demanda naïvement le garçon.
- Pago et Shin sont très différents l'un de l'autre. Alors que Shin est très sage et réfléchie, Pago ne pense que par ses muscles. C'est pour ça qu'ils ne s'aiment pas vraiment. Pago reproche à Shin de n'être pas assez bagarreuse et de trop réfléchir. Shin, elle, lui reproche de trop se jeter dans les combats sans prendre la peine d'analyser le contexte. Au début ça allait, mais un jour, Pago l'a insultée. Et là, j'ai bien cru qu'ils allaient s'entretuer. Moi, je suis un peu l'intermédiaire entre les deux.
- C'est drôle...
- Quoi, qu'ils aient failli s'entretuer ? D'un certain point de vue, c'est vrai, j'ai été déçue qu'ils se soient séparés seulement après que Pago lui ait cassé les deux jambes et arraché une partie du visage, et que Shin l'ait seulement rendu aveugle, sourd et que sa langue ait fini à terre, mais...
- Je te parle pas de ça ! Ce qui est drôle, c'est que vous ressemblez à la Triforce.
- Quoi ?
- Oui ! Shin serait la Triforce de la Sagesse, Pago, celle de la Puissance, et toi, l'intermédiaire entre les deux, la Triforce du Courage.
- Ah... rien que ça...
Link soupira. Cette fille était vraiment bizarre. Comment pouvait-elle trouver un combat à mort amusant ?
- Et sinon, demanda soudainement la jeune fille. Toujours avec ton vieux lance-pierres ?
- Mon lance-pierres, au moins, il me permet d'attaquer à distance et sans me faire repérer. Toi par contre, tu es obligée de te battre au corps à corps.
- De quoi vous parlez ?
- De nos méthodes de captures. Moi, c'est au bâton, Shin au lance-pierres et Pago au Boomerang.
- Il commence à se faire tard pour vous les enfants, dit Shin en regardant son horloge.
- Tu es la reine des transitions, toi ! Tu te rends compte que ces pauvres lecteurs sont obligés de réfléchir pour comprendre pourquoi tu dis ça ? Et puis au fait, c'est vrai, pourquoi tu dis ça ?
- Parce qu'il est tard, que vous êtes des enfants et que demain vous devez vous lever tôt pour partir.
- Mais c'est pô juste ! protesta Nubia. Et puis, chuis plus une enfant !
- Bon, t'y vas ou tu veux la fessée !
- Ok c'est bon, mais toi, tu perds rien pour attendre !
Ils allèrent se coucher (car il était effectivement très tard) afin de prendre des forces pour le voyage qui les attendait.

Chapitre 4 : Retrouvailles inattendues   up

Link, Nubia et Shin se trouvaient devant la porte qui menait à Caela, c'est-à-dire quelque part dans le cimetière Ikana. Ils étaient partis tôt le matin, afin d'arriver là-bas avant la mi-journée. Ils se tenaient devant une des tombes et Shin demanda pour la énième fois à Nubia :
- Es-tu sûre de ne pas vouloir changer de corps avant de partir ? Le nouveau corps de Pago est au moins trois fois plus grand que le tien.
- Et mon nouveau corps à moi est au moins trois fois plus rapide que le sien. Ne t'inquiète pas ! Je serai très prudente !
- Je te reconnais bien là, soupira Shin. Toujours à dire que tout ira bien, mais aussi la première à se jeter dans les coups fourrés. Je ne sais pas si je peux te faire confiance.
- Bien sûr que si ! répondit-elle en souriant et en tentant d'être la plus conciliante possible. Bon, il faut qu'on y aille maintenant.
- Attends ! intervint Link. Shin... La fée dont tu parlais, est-ce que ça serait Taya ?
- Je t'ai déjà dit que non.
- Dans ce cas, je ne vois pas qui cela pourrait être d'autre... Je ne connais aucune fée à Termina, à part elle.
- On peut partir maintenant ? s'impatienta Nubia.
Elle pressa sa main sur la pierre tombale qui se déplaça laissant place à un escalier. Elle commença à s'y engouffrer quand son amie la retint.
- Nubia...
- Oui ?
- Prudence est mère de sûreté. Ne l'oublie pas.
- ... Ne t'inquiètes pas. J'y penserai à chaque seconde qui s'écoulera !
Elle disparut sous terre en portant ses affaires.
- Toi, c'est bien Link ton nom ?
- Euh... oui.
- Tu as intérêt à être à la hauteur de ta réputation. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis persuadée que Nubia aura plus besoin de toi qu'elle ne se l'imagine. Prends soin d'elle pour moi.
- Euh... J'essaierais.
Il s'engouffra lui aussi dans le souterrain et rejoignit Nubia. Après un certain moment de marche, ils virent un point blanc au loin.
- Un long tunnel noir avec une lumière blanche au bout, marmonna Link.
- Tu disais quoi ?
- Non, non rien.
Quand ils arrivèrent à l'ouverture, ils contemplèrent le paysage qui s'offrait à leurs yeux.
Le ciel était sombre et menaçant, la terre était sèche et semblait brûlée, une rivière rougeâtre coulait en contrebas. Au loin, on distinguait la silhouette d'un imposant château.
- C'est pas très beau comme pays, dit Link.
- Je me permets de te faire remarquer qu'on n'est pas là en touriste. Caela est le pire des trois mondes. Ici, pas de loi ni de règle. Pas même d'autorité. Chacun fait ce que bon lui semble. Et la nature étant ce qu'elle est, les Hommes quand ils n'ont pas de limites, font plus souvent des choses mauvaises que bonnes. Il parait que c'était un joli endroit au moment de sa création, mais regarde ce que c'est devenu... Mieux vaut ne pas s'attarder. Ici, les nuits sont plus longues que les jours.
Ils se rendirent donc dans la ville la plus proche, qui se trouvait au pied du château.
- S'il n'y a pas d'autorité, pourquoi y a-t-il ce palais alors ? demanda Link.
- Il n'était pas là la dernière fois que je suis venue, répondit-elle.
- Quand était-ce ?
- Bof... A peu près 400 ans.
- Celui qui l'a construit avait largement le temps alors. Je me demande bien qui peut y habiter.
- Quelle question stupide ! fit une voix derrière eux. Le grand roi Pago !
Ils se retournèrent et virent une petite vieille encapuchonnée qui s'appuyait sur une canne pour marcher.
- Depuis quand est-il roi ? s'étonna Nubia.
- Depuis la nuit des temps. Je suis bien trop jeune pour vous le dire !
- Si à cet âge elle se trouve jeune... chuchota Link.
- Espèce de petit insolent ! J'entends parfaitement !
- Mais j'ai rien dit moi ! protesta-t-il.
- Merci beaucoup Madame, intervint la voleuse d'âme en tirant Link à l'écart.
- Au moins on va le trouver facilement, c'est déjà ça, dit-elle quand ils se furent suffisamment éloignés. Allons-y à ce château !
Ce qu'ils firent et ils se retrouvèrent bientôt devant les deux immenses portes. A peine eurent-ils frappé qu'elles s'ouvrirent, laissant apparaître derrière, les sorcières Twinrova.
- Ah ! Mais qu'est-ce que vous faites là vous ? demanda Nubia.
- Nous sommes au service de notre maître, répondit Koume.
- Quoi ? Ne me dites pas que Ganon se trouve ici aussi ? fit Link.
- Suivez-nous au lieu de poser des questions inutiles, répondit Kotake.
Elles les emmenèrent dans le dédale de couloirs qu'était le palais, jusqu'à une porte.
- Le roi vous attend, dirent en coeur les deux sorcières. Et elles s'en allèrent.
- Tout de même, passer de Sbires à Portières... Ganon exagère sur ce coup-là, fit remarquer Nubia.
Elle poussa la porte et entra, suivie de Link qui n'était pas très rassuré. Et il y avait de quoi. Il n'avait pu battre Ganondorf que de justesse la dernière fois, et encore ! Il était adulte à ce moment-là. Mais en tant qu'enfant, il avait très peu de chance d'en réchapper. Mais à sa grande surprise, ce n'était pas Ganon qui se trouvait assis sur ce qui aurait pu s'appeler un trône, mais un homme de très grande taille vêtu de peaux de bêtes, et tenant dans une main une sorte de gourdin, et dans l'autre, un boomerang serti d'une pierre dorée.
- Nubia. Je t'attendais. Je me demandais combien de temps tu mettrais avant de réagir. Tu as mis très longtemps, mais au moins, tu es venue par rapport à... à l'autre là, Shin, dit l'homme de sa voix grave.
- Apparemment tu sais pourquoi je suis là, et tu sais donc ce qui t'attend.
- Laisse-moi rire ! Tu crois vraiment que c'est avec ton minable petit corps que tu vas pouvoir faire quelque chose contre moi ? Même en étant venu avec le soi-disant Héros de ton monde, tu ne pourras rien !
- Ça c'est toi qui le dit, Pago. C'est toi qui le dit. Mais raconte-moi plutôt, pourquoi as-tu enfreint ma loi ? Tu dois avoir une bonne raison ?
- J'en ai une en effet. Vois-tu, un homme m'a payé très cher pour que je le fasse. En fait, c'est arrivé il n'y a pas si longtemps :

- De ce que j'ai entendu dire, tu es un redoutable chasseur d'âme, dit l'homme. Le plus redoutable des trois même.
- Tu as bien entendu alors. Mais dis-moi, tu n'as pas l'air de la région, d'où viens-tu ?
- D'une terre nommée Hyrule.
- Il y a quelqu'un qui se débrouille bien aussi là-bas. Pourquoi faire tout ce chemin pour me voir ? Si tu avais besoin d'un chasseur d'âme, il fallait t'adresser à celui qui exerce là bas.
- J'aurais bien voulu, mais vois-tu, il existe en Hyrule, des gens nommés les Sages. Ils m'ont enfermé dans ton monde et je ne peux retourner dans le mien. Alors, je te propose l'affaire de ta vie. Si tu m'aides à voler l'âme de tous les sages, je ferai de toi quelqu'un d'encore plus puissant que ce que tu n'es déjà.
- Comment ?
- J'ai vu et entendu beaucoup de choses dans ma vie, et notamment le fait qu'on puisse combiner deux âmes, du moment qu'elles sont semblables. Tu connais sûrement l'existence d'une chose qui s'appelle Triforce ?
- C'est cette espèce de joyau qui a une forme de triangle, non ?
- Exactement. J'en possède une partie, celle de la Puissance. Et toi et moi sommes pareils. Si tu allies ton âme à la mienne, nous serons les plus forts, et je pourrai retourner en Hyrule accomplir ma vengeance !
- Ta théorie est exacte, mais incomplète. L'un de nos deux esprits sera récessif. Le plus faible des deux en sorte.
- Et alors ?
- Bon, très bien, j'accepte.

- Ce qui nous prouve donc que tu es encore plus fort que Ganon, remarqua Nubia.
- Je comprends que tu t'en sois pris aux sages hyliens, dit Link. Mais pourquoi les habitants de Termina ?
- Tout simplement parce que les sages et les habitants de Termina que j'ai volés sont semblables ! Et si je combine leurs âmes deux à deux, ils seront encore plus puissants ! et ensuite, j'insérerai la nouvelle âme dans le corps d'une créature que j'aurai conditionné à me servir. Si je conditionne le corps avec un sort adéquat, l'esprit ne peut plus le contrôler, mais lui prête quand même sa puissance ! J'ai déjà réussi avec la plupart des âmes, il ne me reste que la dernière créature à créer. Et voici les deux containers.
Il montra deux boules, l'une blanche, l'autre bleu très clair.
- Zelda et la fée, dit Nubia.
- En effet. Tu ne réussiras pas ton coup Pago.
- Quoi ?
A peine eut-il posé cette question, que Nubia, tellement rapide que Link ne la vit même pas, courut vers Pago, fit un saut de côté et lui assena un violent coup de bâton à la tête qui le fit vaciller. Mais il ne lâcha pas les deux conteneurs pour autant et essaya de frapper la jeune fille. Elle l'évita facilement et lui donna un coup de pied au visage. Cette fois il en laissa une tomber pour se frotter les yeux. Nubia en profita. Elle attrapa la boule et la lança à Link.
- Va t-en Link ! cria-t-elle avant de tomber par terre, assomée par le poing de Pago. Mais elle se releva et repartit à l'assaut.
- Va t-en ! Je le retiens !
- Mais... bon... d'accord !
Il s'en alla en courant tout en serrant la boule contre lui. Mais le château était immense et il ne tarda pas à se perdre. Il pensa à revenir en arrière, mais il ne reconnaissait plus son chemin. C'est alors qu'à un détour, Koume et Kotake apparurent. Link sortit son épée.
- Je vous préviens, je ne me laisserai pas tuer facilement ! lança-t-il aux sorcières.
- Nous sommes là pour t'aider garçon. Ne nous provoque pas, répondit sèchement Kotake.
- Pour m'aider ?!
- Oui. Cet impertinent de Pago nous a forcées à être ses esclaves quand il a pris le dessus sur notre véritable maître Ganon. Alors, nous allons t'aider à sortir, ça le fera enrager. Suis-nous.
- Et Nubia !
- Il est trop tard pour elle, suis-nous et ne fais pas d'histoire.
Elles le conduisirent au dehors et sans même lui jeter un regard, elles s'envolèrent sur leur balai vers on ne sait où. Link regarda le conteneur. Il était bleu pâle.
Soudain, une terrible explosion se fit entendre et le sol trembla. Le rire de Pago retentit dans toute la ville, terrible et sonore. Link comprit que tout était fini pour Nubia. Il s'en alla en courant, ignorant où il allait, mais voulant s'éloigner le plus possible.
- Mais qu'est-ce que je fais ? se demanda-t-il soudain.
- Justement, je te le demande, fit une petite voix dans sa tête. Le Link que je connais, serait en train de combattre ce monstre, pas en train de s'enfuir lâchement !
- Mais qui parle ?
- Ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est que tu as une mission à remplir et que tu es incapable de la mener à bien. Tu es un lâche et un incapable ! Lâche ! Lâche ! Lâche !
- Tu as raison. J'ai reçu la Triforce du Courage. Ce n'est pas pour rien. Si je l'ai reçue, c'est que je dois en être digne ! Je ne dois pas être lâche !
- C'est bien. Tu es enfin redevenu celui que j'ai connu à l'époque.
- ... Navi ?
- Oui...
La Triforce sur sa main se mit à briller. Le conteneur d'âme aussi. Il se mit à flotter devant le visage du jeune garçon et, dans un flash, il devint Navi.
- Grâce à toi, j'ai pu m'échapper du conteneur. Maintenant que tu as de nouveau l'étoffe d'un héros, je peux t'aider en redevenant ta fée ! Si tu le veux bien entendu.
- Bien sûr que je le veux !
- Très bien, dans ce cas, voilà la destination qui sera tienne ! Même si Nubia n'est plus là, tu peux toujours récupérer les âmes volées et demander l'aide de Shin ensuite ! Tu dois aller vers le nord. Là bas, il y a une forêt et un temple. C'est là que se trouve la première créature créée par Pago.
- Très bien, allons-y !
Ils prirent la direction du nord, heureux d'être de nouveau réunis comme au bon vieux temps, à la conquête du premier temple.

Chapitre 5 : Dans la Forêt du Nord   up

- Non !! Maître ! s'écria Nubia.
Elle voulut aller l'aider, mais Shin la retint. La jeune femme était alors une Pirate, et l'adolescente, encore une Sheikah.
- Laissez-moi y aller Shin !! Je dois l'aider ou il va mourir !
- Tu ne dois pas, répondit l'interpelée. Tu vois, Kurrecx n'est pas du genre à prendre des apprentis comme ça pour le plaisir. Il déteste l'idée d'avoir un débutant qui lui colle au train. Et pourtant, il t'a prise. S'il l'a fait, c'est parce qu'il savait que tu étais spéciale. La preuve, tu as appris les rudiments du vol d'âme en à peine une année. Ce qui fait déjà de toi une fille exceptionnelle. Mais s'il t'a appris et enseigné tout ce qu'il savait, c'est qu'il avait déjà pris une décision... Celle de mourir. Tu ne dois pas t'opposer à sa volonté...
- Mais... tenta de riposter Nubia.
- Suffit ! la coupa la Pirate en resserrant plus fort l'étau de ses doigts sur le poignet de la Sheikah.
L'adolescente versa quelques larmes en voyant son maître se faire impitoyablement tuer. Elle tenta une dernière fois de se diriger vers lui, mais cette fois, elle était enserrée aux deux poignets et aussi aux chevilles. Elle était immobilisée.
- Maître !!! cria-t-elle en fermant les yeux.
Quand elle les rouvrit, elle était attachée dans un lit et un jeune garçon blond et une fée se penchaient sur elle.
- Elle a l'air d'être réveillée, dit le blondinet. Tu crois qu'on pourrait en tirer un bon prix au collectionneur de corps ?
- Peut être, qui sait ? répondit la fée.

Link et Navi marchaient depuis des heures dans la forêt. Ils avaient pris du repos pendant la longue nuit et s'étaient remis en route avant le lever du jour. La forêt, en raison de ses arbres gigantesques bien plus grands que la moyenne et des lianes et hautes herbes en tous genres, ressemblait plus à une jungle. Les deux amis ne savaient pas où aller et étaient perdus.
- C'était par-là, dit Navi un peu affolée. Ou alors par-là...
- Tu te rappelles Navi ? demanda Link. Quand je t'ai dit qu'on avait perdu le sentier ?
- Oui ?
- Et ben on venait de perdre le sentier.
Soudain, ils entendirent un bruit derrière eux.
- Qui est là ? demanda Link en prenant son épée et son bouclier.
- Tu es prompt au combat, jeune homme, dit une voix féminine.
Le jeune garçon observa son interlocutrice et vit qu'elle ressemblait beaucoup à une fée.
- Qui êtes-vous ? demanda une nouvelle fois Link.
- Je suis Saeva, Grande Reine des Fées déchue.
- Déchue ? demanda-t-il en levant un sourcil.
- Oui, j'ai été destituée de mes fonctions à cause... de certaines choses. Tu es à la recherche du Temple de l'Arbre ?
- C'est quoi le Temple de l'Arbre ? demanda Navi méfiante.
- C'est un endroit où est venu Pago il n'y a pas longtemps. Je pense que c'est là que tu veux aller, non ?
- Si Pago y est allé il n'y a pas longtemps, alors je dois probablement m'y rendre. Tu pourrais me conduire là-bas ?
- Non, elle ne peut pas ! coupa Navi. On va se débrouiller tous seuls !
- Eh ! qu'est-ce qui te prend ! protesta Link. Si elle ne nous conduit pas, on va se perdre.
- On ne peut pas faire confiance à une fée déchue ! s'écria la petite fée.
- On n'a pas le choix de toute manière. Et puis, tu peux compter sur moi, s'il y a un problème, je sais me défendre.
- Je peux te mener au temple, à une seule condition.
- Laquelle ?
- Je te la dirai quand tu en sortiras. Tu acceptes ?
- ... Oui, dit Link après un moment de réflexion.

- Pourquoi ? pensa Nubia. Pourquoi je ne m'enfuis pas ? Je pourrai aisément me défaire de ces liens et m'enfuir, mais je ne le fais pas. Pourquoi ?
- Tu poses toujours des questions stupides, répondit la voix de son maître.
A chaque fois qu'elle se posait des questions ainsi, c'était par la voix de Kurrecx que sa raison lui répondait.
- Comment ça stupide ? protesta-t-elle.
- Tu sais parfaitement pourquoi tu ne fais rien. Réfléchis et tu comprendras.
- Bon, voyons voir. Si je ne tente rien, c'est parce que je sais que ça n'en vaut pas la peine et que ça risquerait plutôt de me gêner. Pourquoi m'enfuir me gênerait-il ? Parce que je dois retrouver Link pour l'aider. Donc, ça veut dire que Link viendra probablement chez ce collectionneur de corps. Donc, je n'ai qu'à me laisser emmener et attendre.
- Tu vois que quand tu réfléchis, tu peux trouver des réponses sans avoir à poser des questions stupides.
- Bon ben ça va j'ai compris ! s'énerva-t-elle.
- Compris quoi ? demanda le jeune Kokiri qui la menait.
Elle le regarda pour la première fois et poussa un cri d'exclamation en découvrant son visage : C'était la réplique parfaite de Link, mais avec un air plus mauvais.
- Qu'est-ce que tu mates comme ça ? questionna-t-il méchamment
- Non rien, c'est juste que je t'ai pris pour quelqu'un d'autre. Tout à l'heure tu as dit que tu m'emmenais chez un collectionneur de corps, n'est-ce pas ?
- Oui, et alors ? répondit la fée qui les accompagnait. T'as peur ?
- Pas du tout, c'était juste pour être sûre. Alors, maintenant que je suis sortie totalement des vapes, est-ce que je pourrais sortir de cette brouette ? Parce que c'est pas très confortable.
- Je ne suis pas idiot, répondit le Kokiri. Si je fais ça, après tu vas t'enfuir.
Nubia soupira et se concentra sur ses mains. Quelques minutes plus tard, les liens qui lui enserraient les poignets avaient brûlé. Elle en fit de même pour ses chevilles. L'autre la regardait désemparé.
- Mais comment tu as fait ça ? demanda-t-il.
- Apprends qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Je ne suis pas aussi normale qu'on pourrait le croire. Et puis, j'allais oublier. Les collectionneurs de corps n'acceptent que les corps dépossédés de leur âme. Alors il y a peu de chances que tu tires un bon prix du mien, dit-elle en se levant. Mais, emmène-moi quand même là-bas.
- Premièrement, je suis pas ton chien, deuxièmement, vas-y toute seule, troisièmement... et ben y a pas de troisièmement.
- Bon, ben dis-moi au moins où il habite le collectionneur.
- Ça fera 10 rubis pour l'aller jusque chez lui.
- Et en plus il me fait payer, marmonna-t-elle.
- Si t'es pas contente, tu n'as qu'à y aller toute seule, répliqua la fée.
- Tiens, le voilà ton argent.
Elle lui tendit la monnaie et ils prirent la route du domaine du collectionneur.

- C'est ici, dit la fée déchue quand ils arrivèrent dans une sorte de clairière au centre de laquelle se dressait la copie conforme de l'Arbre Mojo. Maintenant, je vais pouvoir te dire ma condition. Comme tu vas probablement essayer de te battre contre le monstre qui vit à l'intérieur de la carcasse de cet arbre, je veux que tu signes ceci.
Elle tendit à Link une feuille de papier qu'il lut :

     "Moi, Link, jeune humain, je m'engage à donner mon défunt corps à Saeva la Collectionneuse de Corps, afin qu'elle puisse en disposer comme elle l'entend et qu'elle puisse ajouter une nouvelle pièce à sa collection."

- Je savais qu'on ne pouvait pas lui faire confiance ! s'écria Navi. C'est pour ça qu'elle a été déchue ! Parce qu'elle collectionne les corps humains ! Link ! Tu ne dois pas accepter !
- Nous avons conclu un marché, Link, dit Saeva avec une voix sournoise. Si tu as le sens de l'honneur, tu dois signer.
- Link... protesta Navi.
- Ne t'inquiète pas, répondit-il. Rien ne dit que je vais mourir. J'ai déjà combattu beaucoup de monstres. Très bien, j'accepte ton offre, bien qu'elle soit malhonnête.
- Parfait ! Quand tu seras face au monstre, montre-lui ce papier, il ne t'affligera pas de coups qui abîmeraient ton corps.
Il signa au bas de la page et après un regard méfiant, il entra dans la bouche béante de la réplique de l'arbre Mojo, accompagné de sa fée. Saeva, elle, disparut dans le feuillage de l'arbre après avoir grimpé à son tronc.

- Voilà. Maintenant, d'ici, tu grimpes au tronc et au milieu du feuillage, tu devrais trouver la maison de la collectionneuse, dit le Kokiri à Nubia.
- Merci beaucoup ! s'écria l'adolescente.
- Pourquoi tenais-tu autant à venir ici ? demanda le jeune garçon.
- Je ne le sais pas moi-même. Tout ce que je sais, c'est que je devais venir ici.
- Et comment tu as fait pour te détacher ? demanda la fée.
- J'ai utilisé une technique appelée le feu de Din. C'est une technique très pratique pour quand on se fait attraper par des Kokiris et qu'ils vous ligotent pour vous emmener chez un collectionneur de corps dans une brouette.
- Excuse-moi, mais je me dois de traiter les gens de cette manière. Je suis un hors-la-loi, moi.
- C'est normal que tu sois un hors-la-loi, dit la fée, puisqu'il n'y a pas de lois.
- Là, elle a raison. Et puis, moi non plus je ne suis pas une honnête personne. Je suis une voleuse d'âme, moi.
- Quoi !!! C'est vrai ? Mais je croyais qu'il ne devait y avoir qu'un voleur d'âme ici, et que c'était une règle qu'on ne peut transgresser sous peine de mort assurée !
- C'est une histoire assez compliquée et longue. Mais je veux bien te la raconter en détails pour dix rubis.
- D'accord !
Il la paya et elle commença son récit.

- On est déjà passé par cette salle, fit remarquer Navi.
- Merci, j'avais vu, répliqua sèchement Link.
Cela faisait plus de deux heures qu'ils marchaient dans le temple de l'Arbre. Ils ne savaient plus où aller, même en se repérant à l'aide de la carte et de la boussole qu'ils avaient trouvées.
- Voyons voir, on a trouvé une clé dorée, mais pas de porte. Est-ce que tu es sûre qu'on est allé dans toutes les salles ?
- Il nous manque un étage en fait.
- Et c'est maintenant que tu me le dis ?
- C'est toi qui avais la carte depuis le début ! Ce n'est pas moi qui ai voulu faire ma connaisseuse ! Pour le moment, il faut qu'on trouve comment descendre.
Ils regardèrent partout autour d'eux et virent finalement qu'une des plantes carnivores qui vivaient ici, était plantée sur quelque chose d'étrange. Ils la tuèrent et virent qu'il s'agissait en fait d'une sorte d'ascenseur. Link se tint debout dessus et le sol s'enfonça sous lui, pénétrant dans les entrailles de la terre. Quand ils ne purent plus descendre plus bas, ils s'avancèrent et virent une énorme porte dorée. Link l'ouvrit et ils se retrouvèrent dans une grande salle envahie par des bêtes grouillantes et rampantes. Et au milieu, un monstre mi-lion, mi-chauve souris, mi-homme, les toisait du regard. La créature rugit et les chargea. Link avait beau essayer de l'éviter, le monstre l'attaquait toujours. Il remarqua que sur son front, la créature avait un symbole qui ressemblait au médaillon de la forêt.
- C'est là qu'il faut frapper Link ! cria Navi.
- Je voudrais bien t'y voir, moi ! rouspéta-t-il.
Mais comme il disait cela, la créature profita de son instant d'inattention pour le plaquer au sol. Elle leva la patte pour l'achever. Link ferma les yeux, attendant que la mort vienne lui raidir les membres, mais il sentit bientôt un liquide chaud lui couler sur le visage. Il rouvrit les yeux. Le monstre avait le bâton de Nubia planté au milieu du front.
- Heureusement que je suis arrivée à temps ! fit une voix juste derrière lui qu'il reconnut immédiatement. Franchement, qu'est-ce que tu ferais sans moi ?

Chapitre 6 : Vers le Village Goron   up

- Nubia ! s'écria Link. Je te croyais morte !
Il se releva et s'élança vers elle, mais elle se déplaça, alla récupérer son bâton et captura l'âme du monstre qui n'était autre que la fusion des âmes de Saria et de la Princesse Mojo. Le conteneur devint d'un vert intense et au centre, flottait le symbole du médaillon de la forêt. Puis, la jeune fille se retourna et donna à Link un magistral coup de poing sur le sommet du crâne.
- Ça, c'est pour m'avoir sous-estimée, lui dit-elle avec un large sourire. Comme si je pouvais me faire tuer par Pago ! A ce que je vois, tu as récupéré Navi, continua-t-elle en regardant la fée. C'est bien ce que je me disais. Les petites fées sont une âme à elles seules et n'ont pas besoin d'enveloppe charnelle pour exister. Je ne sais pas comment tu as fait pour la sortir du conteneur, mais félicitations !
- Mais, et l'explosion que j'ai entendue en sortant du château, qu'est-ce que c'était ?
- Bon, en gros, quand tu es parti, Pago m'a lancé une bombe, je l'ai évitée de justesse mais j'ai quand même été touchée, alors, plutôt que de me tuer, il a préféré m'emprisonner, j'ai réussi à m'enfuir, et je me suis retrouvée dans la forêt, là j'ai rencontré quelqu'un qui m'a fait venir ici, et puis voilà.
- Et c'est qui ce quelqu'un ? demanda Navi.
- C'est moi, dit une voix venant d'un coin.
Link sursauta en le voyant. Il avait l'impression de se tenir devant un miroir tellement la ressemblance était frappante.
- Je m'appelle Anuck, dit le nouveau venu. Alors c'est toi le soi-disant guerrier venu mettre fin au règne de Pago ? demanda-t-il. T'as pas l'air terrible. Et en plus, t'es moche.
- Excuse-moi, mais on se ressemble comme deux gouttes d'eau, répondit Link.
- Je suis d'accord avec lui sur ce point Anuck, répondit l'autre fée qui était là.
- Hé ! On dirait moi ! s'écria Navi.
- Salut, moi je suis Noctis ! La fée d'Anuck depuis sa naissance.
- En fait, Anuck est le dernier Kokiri de cette forêt, intervint Nubia. Ils ont tous disparu depuis la mort de l'Arbre Nojo.
- L'arbre Nojo ?
- L'Arbre Nojo était à cette forêt ce que l'Arbre Mojo était à la tienne. Il la protégeait de toutes les malveillances, et, quand il est mort, le mal s'est emparé des Kokiris. Anuck est le seul à avoir survécu à cette poussée de violence. Nous nous trouvons actuellement dans la dépouille de l'Arbre Nojo.
- Oui, bon, c'est pas la peine de raconter toute ma vie non plus, dit l'autre en détournant les yeux.
- Et comment avez-vous fait pour nous retrouver ? questionna Link.
- Mon intuition. Je compte souvent sur elle dans ce genre de situation. Et puis, ne t'inquiète plus pour le contrat que tu as signé avec la collectionneuse d'âme.
- Pourquoi ?
- Parce que je me suis chargée d'elle. En fait, on est passé par en haut et on a trouvé sa maison dans le feuillage de l'arbre. Alors, comme elle m'énervait et que j'avais un mauvais pressentiment, je l'ai tuée.
La jeune fille avait dit cela sur le ton de la conversation, comme si elle parlait de choses banales et futiles.
- Bon, maintenant, sortons d'ici, ajouta-t-elle.
Ce qu'ils firent. Dès qu'ils furent au dehors, le grand arbre mort se dessécha et tomba en morceau, laissant à la place, un bourgeon. En même temps, une sorte de flash les aveugla, et, quelques minutes plus tard, des Kokiris les entouraient et les observaient avec curiosité. Même Anuck semblait avoir été transfiguré.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Link.
- Qui êtes-vous ? questionna son jumeau caelien.
- Tu te rappelles plus de nous ? demanda à son tour Nubia.
- Je ne vous ai jamais vus de ma vie. J'ai l'impression de me réveiller d'un très long rêve dans lequel j'étais devenu très méchant. Mais c'est impossible bien sûr ! Les Kokiris sont et seront toujours très gentils ! Arbre Nojo ! s'écria-t-il ensuite. Vous êtes redevenu un bourgeon !
- Oui, répondit l'interpelé. Et maintenant, va rejoindre les autres, je dois parler à ces deux-là.
Anuck s'éloigna vers ses compagnons de la forêt, laissant seuls les deux étrangers avec le petit arbuste.
- Je dois vous remercier, dit-il. Sans vous, je n'aurais jamais pu me réincarner. En tuant la collectionneuse de corps qui habitait ma souche, vous avez débarrassé la forêt de l'esprit maléfique qui la hantait.
- De rien voyons ! répondit en souriant Nubia. Tant mieux si nous avons pu rendre service. Nous aimerions beaucoup nous attarder, mais nous devons partir tout de suite pour les Montagnes Filunes, à l'est.
- Je vous suis redevable, alors avant de vous en aller, acceptez ce présent. C'est de la sève Nojo. Si vous en mettez sur une plante, elle grandira à une très grande vitesse. Puisque vous n'avez pas le temps de rester pour découvrir de fond en comble la forêt, je vais utiliser mes pouvoirs pour vous transporter jusqu'à la sortie.
- Merci beaucoup vénérable arbre Nojo, remercia Navi. Comme cela, nous ne prendrons pas le risque de nous perdre, n'est-ce pas Link ?
- Encore une réflexion de ce genre, et je te jure que tu retourneras dans le petit conteneur d'où je t'ai sortie et que tu ne seras pas prête d'en sortir.
- C'est bon, je me calme ! répondit en riant la fée.
A ce moment-là, un rayon vert les enveloppa tous les trois et ils se retrouvèrent comme par magie (... par magie en fait...) à la lisière de la forêt. Après un dernier regard en arrière, le trio se retourna et se dirigea d'un pas sûr vers l'est, là où se dressaient les sombres et menaçantes Montagnes Filunes.

Trois jours de marche, quarante disputes entre Link et Nubia, cinquante remarques sarcastiques de Navi à leur sujet et cinquante menaces de Link qui menaçait Navi de la renvoyer dans un conteneur plus tard, les trois amis avaient bien entamé l'ascension des Montagnes Filunes. Le soleil se levait, et, se réveillant d'une nuit de sommeil reposante, les trois amis se remirent en marche afin d'arriver le plus tôt possible au village goron de ces montagnes. Mais, c'était sans compter sur la tempête qui se leva. Elle était d'une violence anormale pour cette époque de l'année.
- Ce n'est pas normal ! cria Nubia pour se faire entendre. En plein été, c'est à peine si la neige tombe !
- Tu as raison ! répondit Link en criant lui aussi. Nous ferions mieux de nous abriter !
Elle acquiesça et ils se mirent en quête d'une grotte ou quelque chose de ce genre. Par chance, ils finirent par trouver une cavité creusée dans la roche qui tournait quelques mètres plus loin et accédait à un endroit protégé du vent et de la neige. Ils s'assirent ici et patientèrent. La tempête ne semblait pas vouloir prendre fin.
- On dirait que nous sommes coincés là pour un bout de temps, remarqua Nubia, n'est-ce pas Link ? ... Link ?
Elle tourna la tête vers lui et vit qu'il était extrêmement pâle. Ces lèvres étaient toutes bleues. Il avait les yeux fermés. Elle comprit ce qui s'était passé. Ce n'était pas dans sa forêt qu'il avait rencontré de telles températures sans vêtements chauds. Il s'était... endormi. Pareil pour Navi. Elle se leva. Il fallait absolument les réveiller ! Elle s'occupa d'abord de Navi. La capturer dans un conteneur suffirait. Quand ce fut fait, elle se tourna vers le jeune Kokiri et commença à le secouer. Mais rien n'y faisait. Il ne se réveillait pas. Elle le gifla, mais toujours aucune réaction.
- Allez ! réveille-toi, bon sang !! cria-t-elle en le frappant de plus en plus fort. Tant pis, je n'ai plus qu'une seule solution !
Elle prit les couvertures qu'elle avait dans son sac et enveloppa Link dedans. Puis, elle se concentra pour déclencher un feu de Din un peu particulier. En effet, au lieu de produire une grosse flamme, elle se contenta de faire chauffer ses mains et de les placer au-dessus du visage de son ami. Elle resta ainsi un long moment. Elle était épuisée, car utiliser de la magie lui prenait beaucoup d'énergie, mais elle tenait bon. Pourquoi faire ça ? Après tout, elle n'avait aucunement besoin de ce petit effronté maladroit pour régler son compte à Pago. Elle le savait parfaitement. Alors pourquoi ? Elle avait du mal à le reconnaître, mais il fallait dire que pendant les quelques jours qu'ils avaient passé ici, elle avait fini par vraiment le considérer comme un ami avec un grand A. Ce n'était pas dans son habitude de se faire des amis avec n'importe qui. Elle avait bien sympathisé avec Anuck, mais lui, c'est parce qu'elle savait que plus tard, quand Pago serait en train de nourrir les vers à quelques pieds sous terre, il deviendrait un excellent voleur d'âme et pourrait succéder à l'autre. Mais Link, c'était différent. Tous les deux passaient leur temps à se disputer, pourtant, elle l'aimait bien. Elle se remit à penser à son enfance au village Riko, maintenant appelé Kokoriko. Tout le monde la refoulait. Elle en avait beaucoup souffert. Elle en était devenue misanthrope jusqu'au jour où elle avait rencontré, Kurrecx. Lui avait été si gentil avec elle. Comme Link. Bien qu'elle avait eu l'intention de tuer celui qui deviendrait plus tard son maître, il lui avait laissé la vie sauve et l'avait prise sous son aile. Link, lui, n'avait eu aucun préjugé quand elle lui avait dit qu'elle volait des âmes. Pas comme ces sages ! Eux la méprisaient. Elle se demandait bien pourquoi elle continuait de les aider.
Et puis, elle eut un choc. Elle venait de comprendre pourquoi elle se liait ainsi à Link. Parce qu'il ressemblait tellement à son maître ! Ils avaient ce même regard déterminé, cette même gentillesse, ce même caractère un peu enfantin qui pouvait pourtant devenir très sérieux et responsable quand il le fallait... Mais, le fait que des gens se ressemblent ainsi, cela peut parfois être néfaste. Avoir autant de traits de caractère communs qu'eux deux, pouvait aussi signifier avoir le même destin tragique. Si ça devait être le cas, alors, elle ferait tout pour protéger Link. Quelqu'un qui était comme Kurrecx méritait forcément de vivre ! Il bougea, ce qui la fit sortir de sa rêverie. Elle arrêta la magie, ce qui la soulagea, et le gifla.
- Allez ! réveille-toi ! lança-t-elle.
- Qu'est-ce qui m'est arrivé ? demanda le jeune garçon.
- Tu t'es endormi comme un idiot !
- Je me suis endormi ? Dans ce cas, j'ai dû dormir sur quelque chose de pas très confortable, parce que j'ai les joues qui me font horriblement mal.
- C'est normal, je t'ai frappé pour que tu te réveilles. Moi au moins, je suis capable de supporter un peu de fraîcheur.
- Je n'appelle pas une tempête de neige un peu de fraîcheur, moi !
- Evidemment, ce n'est jamais de ta faute avec toi ! Alors, Monsieur-je-ne-fais-jamais-rien-de-mal-et-ce-n'est-jamais-de-ma-faute, tente de rester éveillé cette fois !
Il soupira. Toujours aussi énervante celle-là ! Mais il remarqua qu'elle avait l'air exténué. Des cernes se dessinaient sous ses yeux.
- Qu'est-ce que tu as fait pendant que je dormais ? Tu es épuisée.
- ... C'est tout à fait normal que je sois fatiguée, répliqua-t-elle en détournant le regard, moi, je n'ai pas piqué un roupillon à mes risques et périls !
Elle alla s'asseoir un peu plus loin et ils restèrent sans rien dire jusqu'à la fin de la tempête qui arriva bientôt. Ils firent sortir Navi, et ils reprirent leur route d'un pas décidé.

Le village était recouvert par la neige. Partout, le blanc recouvrait les toits et les jardins comme un tapis qui craquait sous chacun des pas des deux enfants. Mais quelque chose n'allait pas : ce village était vide. Pas un chat, pas un Goron, personne, les rues étaient désertes.
- Où sont-ils tous passés ? demanda Link.
- Ne me pose pas la question, je n'en sais pas plus que toi. Je ne me rappelle pas avoir entendu dire que le Village Goron avait été abandonné. Allons voir dans les maisons, peut-être trouvera-t-on quelqu'un qui puisse nous éclairer sur ce qui se passe ici.
Ce qu'ils firent. Ils arrivèrent bientôt à la place principale du village, où trônait une fontaine de pierre représentant un Goron dans la force de l'âge qui ne crachait plus aucune eau. Ils virent alors ce qui semblait être la "maison du chef". Ils entreprirent d'y entrer, mais ils furent arrêtés par deux gardes dès qu'ils y pénétrèrent.
- Que désirez-vous ? demanda le premier garde goron.
- Nous désirons voir votre chef, répondit Nubia.
- C'est à quel sujet ? demanda le second Goron.
- Nous voudrions savoir si dans les deux dernières semaines, un certain Pago ne serait pas venu ici, répondit Link.
Les deux gardes pâlirent à l'évocation de Pago.
- Je regrette, mais vous n'êtes pas autorisé à parler à notre chef si vous n'avez pas la carte du Travailleur.
- C'est quoi la carte du Travailleur ? questionna le jeune garçon.
- C'est la carte prouvant que vous possédez un emploi stable dans le village. Vous en obtenez automatiquement une en prenant du travail.
- Bon, et bien on en trouvera alors, si ce n'est pas plus compliqué que ça. Mais où sont passés tous les autres Gorons du village ?
- Ils sont à la mine, au sud du village. C'est l'endroit qui offre continuellement du travail, et qui est toujours ouvert. Si vous voulez vous faire embaucher et obtenir une carte, il faudra que vous réussissiez à trouver une certaine quantité de minerai. Ce n'est pas très difficile, la mine en est pleine.
- Merci pour le conseil les gars ! On va y faire un tour ! On sera probablement de retour avant ce soir ! lança Nubia.
- Nous l'espérons de tout coeur, répondit le premier garde avec une sorte de lueur d'espoir dans les yeux. Nous l'espérons !
Elle et Link s'en allèrent. Quand ils furent dehors, elle regarda la porte et dit :
- Ils savent quelque chose qu'ils ne veulent pas nous dire.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? demanda le Kokiri.
- Ça sautait aux yeux pourtant ! s'écria-t-elle. Il se passe des trucs bizarres ici, et quand tu leur a parlé de Pago, ils ont pâli, et après, ils nous ont donné toutes les informations qu'il fallait pour que nous puissions parler à leur chef. Ce n'est pas normal. Des gardes sont sensés protéger leur chef, pas donner des informations à des étrangers qu'ils ne connaissent pas pour les aider à le rencontrer. Ils veulent qu'on le rencontre et qu'on parle avec lui de Pago et de ses actions, c'est évident. Allons à cette mine, et obtenons cette carte, j'ai hâte de savoir ce qui nous attend.
Ils se dirigèrent effectivement vers le sud du village, prochaine étape de leur aventure.

Chapitre 7 : Combat dans la mine   up

Il y avait foule à la mine. Il y avait des Gorons de tous les âges, y compris des vieillards et des enfants suffisamment âgés. Quand Link et Nubia arrivèrent, c'est à peine si on fit attention à eux. Tous étaient trop occupés à relayer les seaux remplis de minerai qui était extrait des différentes galeries de la mine. Nubia questionna un Goron afin de savoir où ils pouvaient se faire engager. Le Goron tendit le bras vers une petite cabane délabrée qui tenait debout par miracle. Les deux enfants s'y avancèrent et frappèrent à la porte. Un Humain vint leur ouvrir.
- C'est pourquoi ? demanda-t-il.
- Nous voudrions nous faire embaucher, répondit Link.
- Vous n'êtes pas des Gorons. Vous ne pouvez pas vous faire embaucher ici.
- Il le faut absolument ! protesta le jeune Kokiri.
- Je vous ai dit que vous n'aviez pas le droit !
- Un instant, intervint Nubia alors que l'embaucheur allait refermer la porte. Elle marche bien votre mine ?
- Comment ça ?
- Vous êtes sûrs de ne pas avoir besoin de main d'oeuvre supplémentaire ? continua la jeune fille.
- Ahahaha ! Je ne pense pas que ce soit deux petits enfants aussi maigres que vous deux qui puissent augmenter la rentabilité de cette mine. Allez les mioches, dégagez !
Il referma la porte dans un claquement.
- Il me donne la chair de poule, dit Navi.
- Ce n'est pas un humain comme les autres, dit la voleuse. Il dégage quelque chose de très mauvais. Je pense qu'il fait partie de cette catégorie de gens appelés les Maîtres Exploiteurs.
- C'est quoi un Maître Exploiteur ? demanda Link.
- Les Maîtres Exploiteurs sont des personnes qui sont persuadées de la supériorité de la race Humaine sur les autres peuples. Alors, ils trouvent tout à fait légitime de rendre les peuples comme les Zoras ou les Gorons esclaves. C'est une tendance qui était très populaire il y a 2000 ans en Hyrule. Ç'a été une période très difficile pour les sages. Même les Kokiris ont été menacés. Mais, pour échapper aux Hyliens, les tiens se sont réfugiés dans les Bois Perdus. Les Gorons eux se sont cachés à l'intérieur même du cratère du Mont du Péril. Quant aux Zoras, et bien, sous l'eau ils étaient en sécurité.
- Et les Gerudos et les Sheikahs alors ? questionna Navi.
- Les Gerudos ont su se défendre et les Sheikahs... Ils n'ont eu aucun problème avec leurs pouvoirs.
A l'évocation des Sheikahs, Link vit que le regard de l'adolescente s'était durci et que sa voix était plus sèche.
- Il faut absolument qu'on obtienne une carte. Et je crois savoir comment on va se débrouiller, annonça-t-elle en regardant en direction de la foule de Gorons qui grouillait un peu plus loin.
- Et comment ?
- On va effectuer un petit transfert de corps.

Une demi-heure s'était écoulée depuis l'entretien des deux enfants avec le Maître Exploiteur. Deux Gorons vinrent frapper à la porte de la cabane. La porte s'ouvrit et l'homme les toisa du regard.
- Vous voulez ?
- Nous faire embaucher, répondit celui des deux qui semblait être le plus costaud.
- Et ben, c'est la journée on dirait.
- Pourquoi ? demanda le deuxième Goron.
- Il y a à peine une demi-heure, deux gamins sont venus aussi. Mais bon, je ne vais pas cracher sur de la main d'oeuvre qui vient d'elle-même. Allez, entrez, je vais vous inscrire sur le registre.
Il les fit entrer et s'installa derrière une table.
- Vos noms, ordonna-t-il sèchement.
- Euh... Link, répondit le premier.
- Euh... euh...
- Dépêche-toi! lui souffla Link.
- Ce n'est quand même pas de ma faute s'il y a un problème avec les filles chez les Gorons ! répondit l'autre de la même manière.
- Et ben invente !
- Alors, on a perdu la mémoire ? ironisa l'homme.
- Je m'appelle Kurrecx.
- OK. Ages !
- Et ben... on dira 30 ans, dit Link.
- Mouais. Votre adresse dans le village.
- C'est-à-dire qu'on vient d'un autre pays. On voyage à travers le monde, et on a décidé de faire une escale dans le village, et on nous a dit qu'il fallait impérativement avoir une carte pour être accepté ici. Alors on est venu se faire embaucher avant de trouver un endroit où vivre, répondit Kurrecx.
- Bon, vous me le direz quand vous aurez trouvé. OK, alors, vous allez commencer par une journée de test. Vous extrairez autant de minerai que possible, et le type de votre carte de travail changera selon votre performance.
- C'est-à-dire ?
- Plus vous extrairez de minerai, plus vous aurez de privilèges.
- Faut qu'on travaille d'abord avant d'avoir la carte ?
- Ouais, et alors, ça vous déplaît ?
- Non, c'est bon, on fera avec.
Les deux Gorons sortirent et l'homme les mena vers l'entrée d'une galerie. Là, un autre homme, équipé d'un fouet celui-là, les prit dans une sorte d'ascenseur, et ils descendirent jusqu'aux confins de la plus profonde des galeries. Ils furent jetés avec un autre Goron et on leur donna une pelle et un seau.
- Tiens, des nouveaux... fit remarquer le travailleur isolé. Dire que vous vous êtes jetés la tête la première dans un véritable enfer...
- On fait ce qu'on veut d'abord ! protesta le dénommé Kurrecx. Si on avait envie de venir nous !
- Si vous aimez être traités pire que des chiens, ce n'est pas mon problème. En plus, ils vous ont envoyés dans la pire des galeries...
- Tu veux dire quoi par là ? demanda Link. Au fait, tu peux sortir Navi, tu nous feras un peu de lumière...
La petite fée apparut et en effet, elle éclaira de sa lumière bleutée les parois de la galerie.
- Une fée ? On n'en voit pas tous les jours des Gorons avec une fée. En général, ce sont plutôt ses petites pestes de Kokiris qui en ont.
- Vous n'êtes pas obligés de les insulter !
- Incroyable, un Goron qui apprécie les Kokiris ! J'aurais vraiment tout vu !
- Vous allez nous dire pourquoi cette galerie est la pire ?
- Parce que depuis deux jours environs, elle est habitée par un monstre très puissant qui nous terrorise et qui a déjà dévoré 10 Gorons. Plus personne ne veut travailler ici. Il ne reste que moi... et vous.
- Il y a deux jours vous dites ? questionna Kurrecx. Et voilà, on l'a trouvé le deuxième finalement. Vous pouvez nous dire par où on peut le trouver ?
- Vous êtes fous ! Vous n'allez tout de même pas aller voir ce monstre !!
- C'est exactement ce qu'on va faire, et vous savez quoi, on va même se battre contre lui ! Et le pire là-dedans, c'est qu'on va ressortir vivants.
- Pff... De toute façon, il n'y a pas assez de place sur cette terre pour les fous... soupira-t-il en désignant un endroit où la galerie disparaissait dans un trou béant et noir, s'enfonçant plus profondément dans les ténèbres.
- Allez Link, on y va !
- Je te suis, on a pas de temps à perdre avec un vieux grincheux qui n'aime pas les Kokiris !
Les deux Gorons disparurent dans ce noir qui engloutissait tout ce qui s'en approchait, suivis de très près par la petite fée.
- Après tout... ils ont peut-être raison... peut-être bien qu'ils vont ressortir vivants..." pensa le vieux Goron.

- On va marcher encore longtemps ? demanda Link.
- Etant donné que je suis une fille, ça devrait normalement être à moi de dire ça. Je suis sensée être moins résistante que toi. Mais on voit bien là à quel point les garçons s'affaiblissent.
- Epargne-moi tes remarques douteuses s'il te plaît.
- Comme tu veux, après tout, ce n'est pas moi qui ne veux pas voir la vérité en face en ce qui concerne la supériorité évidente des filles.
- Chut ! Tu n'as rien entendu ?
- Si, à l'instant même, une sorte de grondement.
Ils échangèrent un regard et coururent le plus rapidement possible vers là d'où le bruit venait. C'est alors qu'ils découvrirent avec stupeur, que le soi-disant monstre, était en fait une sorte de taupe avec une vrille en guise de nez. Le rongeur se réfugia immédiatement sous terre à leur vue.
- Où est-il passé ? demanda Link avant d'être projeté avec force et de percuter le plafond de la galerie, provoquant au passage un mini tremblement de terre qui fit s'effondrer une partie de la galerie, leur coupant toute possibilité de retraite.
- Ça va ? demanda Nubia en s'élançant vers lui.
- Je crois, oui.
Link était encore sonné par l'attaque et la taupe en profita pour essayer de le transpercer avec sa vrille. Il en fut empêché par un magistral coup de poing à la tête que lui assena Nubia, et il alla se cacher sous terre.
- Tant qu'il est sous terre, on ne peut pas l'attaquer ! fit remaquer Navi.
- C'est exact. Il faut absolument qu'on le force à sortir ! compléta Link.
- Moi, je sais comment faire. Regarde et fais pareil !
Elle se mit en boule et effectua un bond. Quand elle s'écrasa au sol, une secousse se fit sentir.
- Mais tu es folle, si tu continues, tout va s'écrouler.
- Mais au moins, ça a le mérite de le gêner et de le faire sortir si on le fait à deux, alors dépêche-toi si tu ne veux pas finir tes jours ici !
Link se résigna et ils se mirent tous les deux à marteler le sol avec leurs sauts. La taupe finit par revenir, exaspérée par la propagation des secousses dans la terre. Elle baissa la tête et les deux Gorons virent le symbole du médaillon du Feu sur son crâne.
- Link ! cria Nubia. Il faut qu'on le frappe à cet endroit, tous les deux, en même temps !
- Entendu ! répondit l'interpellé.
La taupe abattit sa tête sur eux, mais ils l'évitèrent et, prenant appui sur le mur, ils se mirent en boule et sautèrent sur le symbole. Malheureusement, Link n'était pas parti assez tôt, et il frappa le monstre une seconde plus tard que Nubia. La créature flancha, mais survécu et elle repartit sous terre.
- Il faut qu'on soit parfaitement synchronisés ! gronda Nubia.
- Oui oui, je vais essayer !
Ils firent d'autres tentatives mais jamais ils n'étaient en même temps. Au bout de la cinquième, ils entendirent une voix derrière eux.
- Alors les jeunes, on n'arrive pas à tuer ce monstre ? Mais j'avoue qu'être toujours vivant, est déjà un exploit pour des petits insolents comme vous.
Ils se retournèrent. C'était le vieux Goron.
- Encore vous ! protesta Link. Vous n'avez rien de mieux à faire, vous nous gênez, c'est dangereux !
- Link attention !
Mais c'était trop tard, il était une nouvelle fois victime de l'attaque.
- Fais attention, et ne te déconcentre pas ! lui reprocha-t-elle. Il faut qu'on essaye encore, on arrivera bien à lui faire sa fête à ce rongeur de seconde zone !
- Je vous observe depuis un moment, reprit le vieux, et je crois savoir ce qui vous embête. Il faudrait que vous ayez un point de départ commun, et je vais vous aider. Je vais sauter trois fois et à la troisième secousse, vous partirez.
- Ça peut marcher, accorda Nubia, on peut essayer.
Le vieux se mit en boule et commença. Il sauta une fois. Deux fois. Trois fois. Nubia et Link partirent tous deux d'un seul mouvement, et, répétant l'opération qu'ils avaient déjà effectuée, ils arrivèrent exactement en même temps sur le symbole, et, dans un râle qui retentit dans la mine entière, la créature s'effondra pour ne plus jamais se relever. Sans perdre une seconde, la jeune fille ferma les yeux et se concentra. Une lumière apparut devant elle et prit la forme de son bâton. Elle l'attrapa et captura l'âme du monstre. Le conteneur se teinta d'un rouge sanglant où flottait le médaillon de Darunia.
- Comment est-ce que tu as fait ça ? demanda le jeune garçon. Je veux dire, comment as-tu fait apparaître...
- Je n'ai pas le droit de te le dire, le coupa-t-elle. C'est un secret que m'a enseigné mon maître avant de mourir.
- Je vois...
- Ne fais pas cette tête, on a réussi à le battre, c'est ça qui compte non ? dit-elle avec un sourire. Et ça, c'est grâce à vous Grand-Père.
- Ne m'appelle pas comme ça petit, ça me vieillit. Mon nom est Schimo. Je suis le chef du Village Goron... Ou tout du moins, je l'étais...

Chapitre 8 : Libération du peuple Goron   up

Le vieux Goron termina de raconter son histoire. Il avait été détrôné par un humain dont la famille, étrangement, servait les Gorons depuis près de 400 ans.
- Bon, c'est très bien, mais nous on n'a pas que ça à faire, fit remarquer Nubia. On doit partir pour un endroit appelé la Cascade de la Lune Bleue.
- Quoi, vous n'allez même pas m'aider ! s'étonna le vieux.
- On pourrait au moins faire ça pour lui, intervint Link.
- Mais on n'a pas le temps ! Tu veux sauver ta Zelda, oui ou non.
- D'accord, mais...
- Oh, et puis zut ! Ça m'apprendra à travailler avec un type conditionné à sauver le monde. Débrouille-toi sans moi alors, quand tu auras fini de faire le mariole, tu viens me retrouver au nord du village et on lève les voiles.
Et elle s'en alla en maugréant sans même un salut.
- Il a mauvais caractère ton copain, lâcha Schimo. Bon, sortons.
Arrivés à l'extérieur, ils se dirigèrent vers la maison du chef.
- Que voulez-vous ? demandèrent les gardes.
- Parler au chef.
- Vous avez votre carte du travail ?
- Lui non, mais moi oui.
- Votre identité !
- Schimo, ancien chef de ce village.
- Je regrette, mais nous avons des ordres. Celui appelé Schimo, ne doit pas passer. Allez-vous-en !
On leur claqua la porte au nez. Ils tambourinèrent à la porte, mais on refusa de leur ouvrir.
- Bon j'en ai assez de t'attendre moi ! fit une voix féminine derrière eux après un moment.
Ils se retournèrent. Nubia, dans son propre corps, portait le corps de Link sur le dos et tapait du pied sur le sol gelé.
- Si je ne viens pas t'aider, on y sera encore dans sept ans. Tout d'abord, tu réintègres ton corps.
- Qui est cette fillette ? demanda le vieux Goron. Et pourquoi porte-t-elle un minable petit Kokiri sur le dos ?
- Premièrement, je ne suis pas une fillette, étant donné que je suis au moins cent fois plus vieille que vous. Deuxièmement, je suis celle qui vient vous aider à retrouver votre trône, troisièmement, Link, tu réintègres ton corps, et plus vite que ça !
Elle lâcha le corps qui tomba à terre tel un mannequin, et prit son bâton. Elle captura d'abord l'âme de Link avant de redonner vie au corps du jeune garçon. Puis, elle prit une sphère marron et rendit son âme au Goron qui s'éloigna en courant quand il vit Nubia.
- Vous êtes des Voleurs d'âmes ? s'étonna le Vieux. Mais comment est-ce que c'est possible ? Je croyais qu'il n'en existait qu'un et que c'était le grand roi Pago !
- C'est une longue histoire Grand-Père, répondit Nubia. Pour le moment, on vous aide, et peut-être, si vous êtes chanceux, on vous expliquera. Puisque vous n'avez pas le droit d'entrer, on n'a qu'à forcer le passage.
- A mon avis, ils doivent être des dizaines là-dedans, et je ne me vois pas du tout affronter vingt Gorons à la fois.
- Quand je dis on, je veux dire tout le monde. Nous, et les autres Gorons. Ce qu'il faut, c'est les convaincre de se révolter. Et pour ça, il faut que ce soit vous, Schimo qui le fassiez. Ils vous écouteront parce que vous êtes leur chef. Les gardes ne pourront rien faire contre toute une population.
- Tu as raison, acquiesça le vieux. C'est mon peuple, c'est à moi de le libérer.
Ils retournèrent à la mine et firent sonner la cloche du rassemblement. Tous les Gorons vinrent sans grand enthousiasme jusqu'à la place et observèrent avec curiosité les deux enfants.
- Ecoutez-moi tous ! commença Schimo. Le temps est venu pour nous, Gorons, de nous révolter contre ceux qui nous ont asservis ! Ils nous ont maltraités et menacé de tuer nos enfants et pire, récemment, ils ont fait venir un monstre et ont donné en pâtures quelques-uns des nôtres pour montrer l'exemple ! Mais aujourd'hui, les données ont été changées ! Grâce aux deux valeureux enfants ici à coté de moi, ce monstre n'est plus. Je les ai vus de mes propres yeux le tuer ! Ce sont des étrangers et l'un d'entre eux est même un Kokiri ! Mais malgré cela, ils nous proposent leur aide et veulent participer à la libération de notre peuple ! Ils sont dignes de confiance ! Alors moi, Schimo, seul véritable chef de ce village, je vous le demande : Voulez-vous me faire confiance et nous aider à vous libérer de vos chaînes ?
Les Gorons l'acclamèrent. Leurs cris de joie étaient tels que l'embaucheur arriva, alarmé par tout ce bruit.
- Hé là ! Qu'est-ce que vous faites ici ! Retournez au travail vous tous ! Hey ! Mais je vous reconnais tous les deux ! Vous êtes les deux gamins de ce matin ! Allez déguerpissez !
Nubia s'approcha de lui et le toisa du regard.
- C'est toi qui vas déguerpir si tu tiens à la vie, répondit-elle.
- Tu oses me menacer petite ? Mon dieu, je suis mort de trou...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il se reçut un formidable coup de pied dans le ventre qui le fit vomir son déjeuner. Il tomba à genoux et la fillette se pencha à son oreille.
- Dé-ga-ge, répéta-t-elle.
Cette fois, il ne demanda pas son reste et s'en alla en claudicant vers la maison du chef où il entra.
- Suivez-moi ! lança Schimo.
Et ils se dirigèrent tous vers ce bâtiment qui était autrefois le leur. La garde intérieure ne présenta aucune résistance et se rallia même à la rébellion. Ils arrivèrent finalement dans la salle du chef. C'était un homme qui ressemblait beaucoup à Ingo.
- Que faites-vous ici, demanda-t-il. Vous êtes chez moi, et je n'accepte aucune mutinerie !
- Corbius ! ordonna Schimo, tu n'es pas chez toi, mais chez nous ! Va t-en !
- Jamais ! Il faudra me tuer si vous le voulez !
- Puisque tu le demandes si gentiment, intervint Nubia. Elle lui fit face avec un sourire cruel qui en effraya plus d'un. Corbius lui-même recula.
- Tu n'es pas sérieuse petite fille, tu n'es pas capable de tuer quelqu'un. Tu as l'air bien trop gentille pour ça et...
- J'en suis très capable, répondit-elle. C'est même mon métier de tuer des gens.
- Nubia ! l'interpella Link, laisse-le partir.
- Oui, écoute ton gentil ami... balbutia l'autre qui transpirait.
- Je suis désolée, mais moi je ne suis pas une héroïne. Je ne suis pas assez stupide pour laisser partir un type qui mérite de mourir.
Et comme pour illustrer ses paroles, elle trancha la tête de Corbius. Tout de suite, une sorte de grand flash de produisit comme quelques jours auparavant dans la Forêt du Nord, et tout changea.
Schimo se trouvait sur son siège avec à ses cotés un conseiller. La maison était de nouveau vide. La porte s'ouvrit d'un coup et un petit enfant Goron entra.
- Papa ! s'écria-t-il, j'ai faim !
- Ne t'inquiètes pas, fiston, le repas sera bientôt servi. Mais soit poli et dis bonjour à nos invités.
- Mais Papa, c'est un Kokiri ! T'as dit que les Kokiris ils étaient méchants !
- Et bien je retire ce que j'ai dit mon fils. Je t'ai appris que les Kokiris étaient méchants parce que mon père m'a dit qu'ils étaient méchants et je n'ai pas cherché à comprendre. Mais aujourd'hui, je ne peux te dire qu'une chose dont tu devras toujours te souvenir : Tu ne jugeras pas les gens sans les connaître. Maintenant, dis leur bonjour et va jouer.
- Bonjour étrangers et bienvenue dans notre beau village, fit le petit Goron en s'inclinant avant de disparaître par là où il était entré.
- Je dois vous remercier, grâce à vous, je suis redevenu le chef de mon village, et mes sujets ont oublié le grave traumatisme qu'ils ont subi. Les enfants qui avaient été tués sont de retour et ceux des nôtres qui furent assez courageux sont de retour parmi nous. En tuant cet homme vil et mesquin, vous avez purifié cette terre qu'il avait corrompue. Je dois vous remercier pour cela. Acceptez ceci, continua-t-il en claquant des doigts pour qu'un Goron approche en apportant une sorte de pierre sur un coussin. C'est du Minerai Modelable. Avec une petite quantité comme celle-là, vous pourriez construire un pont. Il suffit de lui demander. Je vous l'offre, ainsi que mon hospitalité.
- Je regrette, mais notre route est encore longue, et le temps nous est précieux, répondit Navi qui n'avait pas ouvert la bouche depuis un bon moment (quand j'y pense, est-ce que les fées ont une bouche ?). Peut-être à la fin de notre voyage...
- Je ne vous retiens pas, partez mais sachez que ce village vous est ouvert. Et une nouvelle fois, je vous remercie.

Chapitre 9 : Le monstre de l'eau   up

La nuit tombait tandis que les deux enfants s'arrêtaient et préparaient leur bivouac pour dormir. Ils s'étaient arrêtés près d'une espèce de chute d'eau qui prenait sa source en haut d'une immense falaise. Le site était boisé, et le feu qu'ils avaient allumé jetait des ombres parfois effrayantes aux alentours.
- Nous sommes arrivés, déclara Nubia. C'est ici que demeurent les Zoras. Je m'attendais presque à voir la cascade asséchée, mais je vois que tout a l'air calme ici. Alors, dès demain, nous irons leur rendre une petite visite. En plus, demain soir, tu vas voir quelque chose d'extra !
- C'est quoi ? demanda Link.
- Tu vas voir ! C'est Kurrecx qui me l'avait montré il y a longtemps. C'est magnifique !
- C'est étrange, mais à chaque fois que tu parles de ton maître, j'ai l'impression que ton regard s'adoucit, remarqua le jeune garçon. Je me trompe ?
- Si tu savais, soupira-t-elle. Kurrecx était la meilleure personne qui puisse exister sur cette terre. Il était parfois très naïf malgré qu'il soit adulte, mais il savait redevenir sérieux quand il le fallait. Il était si gentil avec moi... C'est à cause de moi qu'il est mort... Il m'a tout enseigné, et après, il s'est fait attaquer par Pago... Et j'aurais pu l'aider ! s'écria-t-elle brusquement. J'aurais pu ! Mais Shin me l'a défendu ! Elle ne voulait pas ! Et pourquoi ?! Parce que d'après elle, on n'a pas le droit de... Mais pourquoi je te raconte tout ça, moi ! se reprit-elle tout d'un coup en s'essuyant les yeux.
- Tu pleures ?
- Non... J'ai une poussière dans l'oeil !
- Euh... Nubia..., reprit Link en hésitant un peu. Tu ne devrais pas garder tout pour toi comme tu le fais. Saria m'avait dit un jour, que nous étions comme un vase, et que chaque émotion que nous ressentons était comme une goutte qui venait remplir ce vase. Mais si on ne vide pas ce vase en se confiant quelques fois, le vase déborde. Toi, je crois que tu en es déjà à ras bord, et ce depuis peut-être plus de trois mille ans. Si tu veux, je peux bien t'écouter, moi.
- Pour qui tu te prends pour me faire la morale ! cria Nubia en se mettant la tête entre les mains. Je suis ton aînée de plusieurs milliers d'années ! Tu n'as pas à m'apprendre quoi que ce soit !
- Mais...
- Pourquoi tu ne retournes pas avec ta stupide Zelda au lieu de venir m'embêter ici !
- J'essaie simplement de t'aider... Mais si tu n'as pas besoin de mon aide, alors tant pis.
Elle ne répondit rien et garda sa tête baissée. C'était la première fois qu'elle paraissait si faible... Qu'elle paraissait si... normale.
Au loin, dans la pénombre, assis sur la berge de l'autre côté de la rivière, deux ombres les observaient. L'une était d'une taille très imposante, tandis que l'autre semblait se confondre avec le liquide limpide qui s'écoulait.
- Ce sont eux ? fit l'une d'elle.
- En effet. Ils n'ont pas l'air bien méchant comme ça, mais ils ont déjà envoyé deux d'entre vous au tapis, répondit l'autre.
- La fille a une personnalité intéressante.
- Mais l'âme du garçon est bien plus pure... Trop pure. Elle est bien trop blanche et lumineuse pour continuer d'être. Elle ressemble trop à celle de l'Autre. Fais comme bon te semble. Du moment que tu gardes précieusement ce que je t'ai donné en attendant de te trouver un remplaçant docile qui accueillera le pouvoir de l'Eau.
- Entendu, je sens que je vais bien m'amuser.
L'ombre disparut dans l'eau tandis que l'autre se hâta de s'éloigner sans bruit. Les deux enfants de leur côté ne se parlaient plus et s'endormaient dans cette atmosphère de tension qui régnait.
- Pourquoi faut-il qu'il dise exactement la même chose que lui ? pensa Nubia. Pourquoi faut-il qu'ils se ressemblent autant ? Plus vite ce sera fini, mieux ce sera.

Le soleil se leva, leur laissant le loisir de découvrir réellement leur environnement. Ce qu'ils avaient pris pour des arbres, n'étaient en fait que des souches desséchées qui tenaient debout par le plus grand des miracles. L'eau, bien que claire et transparente, avait quelque chose d'étrange qui rappelait à Link de très mauvais souvenirs, comme Morpha dans le Temple de l'Eau. Tout comme dans les autres endroits, la désolation et une vague impression de chaos régnaient. Un corbeau passa, croassant de sa voix raillante qui prédisait le malheur et la mauvaise fortune.
- Finalement, tout ne va pas aussi bien que je le croyais, fit Nubia qui semblait calmée par rapport à la veille. Dépêchons-nous, je ne tiens pas à tarder.
Ils suivirent le lit de ce qui devint un torrent, et arrivèrent au sommet d'une immense chute d'eau.
- Et maintenant ? demanda Link.
- Normalement, j'aurais dit : on plonge. C'est très amusant et peu dangereux grâce aux Zoras qui ont aménagé un bassin très profond en bas. Mais, il ne vaut mieux pas toucher l'eau.
- Je suis d'accord avec toi pour une fois. Dans ce cas, il faut descendre en faisant de l'escalade.
- Pas forcément. Tu connais le Vent de Farore, non ? Alors fais comme moi.
Elle s'approcha du rebord, commença à former un point de ralliement qu'elle lança en bas avant que la sphère n'arrive à son terme.
- Tu vois, c'est simple et efficace. On se retrouve en bas.
Elle leva les mains au ciel et disparut.
- Simple, mon oeil, oui ! s'exclama Link après plusieurs échecs. Non mais, elle en a de bonnes elle.
Il soupira et refit encore quelques tentatives qui se soldèrent enfin par une réussite.
- Il était temps, commenta la fillette en voyant arriver la sphère en bas.
Elle s'était assise sur un tronc et attendait désespérément. Elle ne remarqua pas le mouvement derrière elle. Elle n'entendit pas non plus le fin bruit de l'eau qui glissait doucement vers elle.
Soudain, un tentacule d'eau se forma et l'attrapa. Elle essaya de se débattre, mais d'autres tentacules la saisirent. Elle fut bientôt englobée dans une bulle d'eau. Elle ne pouvait plus respirer, et s'évanouit, avec pour dernière vision, Link qui apparaissait. La chose aquatique disparut sous l'eau avant d'être vue.
- Et bien, où est-elle passée ? fit Link en regardant partout.
- Si c'est ça qu'elle appelle t'attendre... répondit Navi. A mon avis, elle doit encore t'en vouloir pour hier soir et elle est partie sans demander son reste.
- Je ne pense pas. Elle n'est pas du genre à faire ce genre de choses.
- Elle n'est pas partie, dit une voix de l'autre côté de la rivière.
En se retournant, ils virent que c'était une Zora qui leur parlait, de l'âge de Lulu environ, et au regard aussi triste que cette dernière.
- Comment le sais-tu ? fit Link. Et si elle n'est pas partie, où est-elle ?
- Tu parles bien de la fille avec une coiffure psychédélique et qui tient toujours un bâton un peu bizarre ? Elle s'est fait absorber, elle aussi. Je l'ai vue. Comme tous les autres. Elle s'était assise juste là, et l'eau l'a attrapée.
- Comment ça ? Je ne comprends rien ! répondit le garçon.
- Suis la rivière pendant quelques centaines de mètres, et tu arriveras à mon village. Tu marcheras sur une berge, et toi sur l'autre. Je t'expliquerai plus clairement là-bas.
Il suivit ses indications, et comme elle l'avait informé, ils arrivèrent dans un village qui semblait abandonné. Un pont passait au-dessus du cours d'eau qui séparait en deux le hameau. Il le franchit et alla rejoindre la Zora.
- Mon nom est Unda, fit cette dernière.
- Et moi, c'est Link, et voici Navi, ma fée.
- Tu dois venir de la forêt du nord, non ? J'ai appris que quelque chose d'étrange y était arrivé.
- Hein ?
- Oui, j'ai entendu dire que du jour au lendemain, cette région était devenue tellement paisible qu'elle en paraît presque irréelle. Mais viens chez moi, nous serons plus à l'aise pour parler.
Et elle l'entraîna dans une maison qui semblait de toutes, la mieux conservée.

- Où... Où suis-je ? demanda Nubia en ouvrant les yeux.
Elle flottait dans une immense étendue d'eau. Elle entendait le bruit des vagues venant se briser sur le rivage, pourtant, il n'y avait de rivage nulle part. Elle leva sa main et la regarda. Que lui était-il arrivé ? Où était-elle ? Elle chercha du regard un quelconque ciel qu'elle ne trouva pas. Il n'y avait que du blanc. Du blanc partout et puis cette eau aussi. Elle se rendit compte qu'elle avait son apparence de Sheikah. Les Sheikahs... S'il était un peuple qu'elle détestait, c'était bien celui-là. Aussitôt, de gros nuages noirs emplirent le ciel. Le tonnerre se mit à gronder et les vaguelettes se transformèrent en une gigantesque houle. Elle paniqua. Elle se sentait attirée par le fond. Elle était sur le point de se noyer. Elle commençait sérieusement à détester l'eau. La tempête redoubla de fureur.
- C'est comme si... la tempête réagissait à mes sentiments ! pensa la fillette.
Elle s'obligea à penser à des choses agréables. Elle réfléchit. Même si elle détestait les Sheikahs, il y en avait tout de même un pour racheter les autres : Kurrexc.
La houle s'affaiblit. C'était bien ce qu'elle pensait. Elle continua. Kurrexc était très gentil, très fort aussi, et très rapide. Le meilleur sans doute. Tout était redevenu normal. Elle flottait de nouveau sur le dos, se laissant bercer par le va-et-vient incessant des vagues. Elle se sentait si bien, si tranquille, elle aurait voulu rester ici pour toujours.
- Tu le peux si tu veux... fit une voix qui venait à la fois de nulle part et de partout. Si tu le désires, tu peux rester là et ne rien faire d'autre que de te laisser aller. C'est si apaisant d'être ici.
- Qui parle ? questionna la gamine.
- As-tu vraiment envie de le savoir ? A quoi bon de toute manière ? répondit la voix. Tu te poses trop de questions et tu te tourmentes l'esprit inutilement. N'es-tu pas bien ainsi ? Tu n'as pas besoin de savoir qui je suis.
- ... Oui... Je me sens si sereine... Mais... si seule...
- Seule ? Tu ressens de la... solitude ? Pourtant je suis là... moi.
- Ce n'est pas ça... J'ai... j'ai froid au plus profond de moi. Mon coeur est si serré qu'il me fait mal. Ça fait si longtemps que je ressens ça... Pourtant, ça s'était arrêté depuis quelques jours, mais ça me reprend. Je ne comprends pas pourquoi...Mon coeur est froid, froid parce que depuis plus de trois mille ans, je le protège d'une barrière de glace. Et aujourd'hui, je n'arrive plus à enlever cette barrière.
- Pourquoi l'as-tu enveloppé de cette barrière ?
- Parce que... il y a très longtemps, j'ai vu... quelqu'un... que j'aimais vraiment beaucoup... mourir. A cause de moi.
- Celui que tu aimais ?
- Peut-être bien que oui... Oui, j'en suis sûre maintenant... C'est pour moi qu'il est mort, ou à cause de moi... La différence est si minime aujourd'hui. Ce que j'ai ressenti ce jour-là était tellement intense, que je n'ai jamais plus voulu supporter un tel sentiment.
Une fine pluie d'été se mit à tomber : La matérialisation des larmes qu'elle ne voulait pas laisser couler dans cet endroit si étrange.

La Zora avait expliqué à Link que le paysage environnant la Cascade avait changé à partir du jour où l'eau avait changé. En effet, l'eau était devenue d'une couleur bleue un peu mauve, et quiconque essayait de la toucher se faisait engloutir pour ne plus jamais revenir. Après quelques pertes, plus personne n'avait osé s'approcher du bassin. Alors, l'eau avait pris la forme des Zoras qui avaient disparu et avaient attiré les derniers encore en vie en les leurrant.
- J'ai failli me faire avoir moi aussi, termina-t-elle. Cette chose... avait pris l'apparence de mon fiancé, de mes parents aussi. Je suis la dernière maintenant, la dernière. Les Zoras vont s'éteindre ici à Caela.
- Ne dites pas ça mademoiselle Unda ! s'exclama Link. Je vais aller voir ça de plus près et je vais libérer vos parents, votre fiancé et tous les habitants ! Et en passant, je libérerai Nubia !
- Tu es un petit garçon bien courageux, mais on ne peut pas faire revenir ceux qui sont morts, on peut seulement les pleurer...
Link était déjà parti sans entendre cette dernière phrase.
- Rien ne vous dit qu'ils sont morts, répliqua Navi qui était restée un peu en arrière. Et puis, c'est bien mal le connaître...
Elle rejoignit Link qui arrivait au bassin de la cascade. Il se pencha au-dessus de l'eau. Elle lui faisait penser à Morpha. Il tendait la main pour toucher le liquide et sans même y songer, il se penchait dangereusement, quand le reflet se brouilla et refléta une Sheikah aux courts cheveux blonds attachés en une queue de cheval et aux immenses yeux rouges.
- Ne me touche pas ! fit la Sheikah en sortant miraculeusement de l'eau, faisant se relever le Kokiri. Si tu fais ça, je risquerais de te faire du mal, beaucoup de mal.
- Qui êtes-vous ? demanda Link. Est-ce que vous êtes la chose qui a remplacé l'eau de la cascade ?
- Tu poses tes questions sans détour à ce que je vois. Et bien oui, je crois que c'est ce que je suis, répondit l'autre qui s'était accoudée à la berge et dont la moitié du corps était encore en immersion. On me nomme Soul's Mirror. Je suis la soeur de Morpha que tu dois très probablement connaître, Link, élu des déesses, puisque c'est toi qui l'as tuée. Il faut dire qu'elle n'est pas très maligne. Tu es venu sauver cette contrée qui a été condamnée depuis sa création à n'être qu'une terre de désespoir. Je peux voir que ta quête sera fructueuse, mais tu devras sacrifier quelque chose auquel tu tiens beaucoup. Quelque chose que tu n'auras eu que récemment et à peine l'auras-tu découvert qu'il te sera pris. Mais revenons au présent.
- Si tu es le monstre, alors libère tous les Zoras ! s'exclama Link. Tu n'as pas le droit de faire ce que tu as fait !
- Je pourrais le faire, mais pas maintenant. Discutons un peu d'abord. J'en profite, cela fait si longtemps que je n'ai pu me matérialiser. Car vois-tu, je ne peux prendre une forme qu'à condition d'absorber un corps dont je refléterai l'âme. Et c'est la première fois que j'absorbe un tel être. Une fillette dont l'âme est très différente de ce qu'elle essaye de faire penser. Nubia ? C'est ainsi que s'appelait ton amie ? Et bien voici l'apparence qu'elle avait bien longtemps avant que tu ne la rencontres. Veux-tu la sauver elle aussi ?
- Bien sûr que oui !
- Alors, écoute bien ce que je dirai, car je ne le dirai qu'une seule fois. Le temps t'est compté, car pour t'apparaître comme je le fais, je consume l'énergie que me donnent les âmes que je reflète. Et quand j'aurai fini son âme, elle sera morte pour de bon...

Chapitre 10 : Révélations (1ère partie) : Link   up

- Si je l'ai avalé, ce n'est que pour son bien, continua Soul's Mirror. Il n'y a que comme ça qu'ELLE peut s'éveiller.
- Qui ça elle ?
- Quelqu'un que tu as connu il y a bien longtemps, avant que tu ne naisses sous cette apparence. Mais laisse-moi te conter mon récit. Il te sera d'une grande aide pour comprendre la suite de ta quête. Il est même capital pour toi de l'entendre.
- Pourquoi nous aidez-vous ? demanda Navi. Vous êtes bien un monstre au service de Pago, non ?
- C'est un rôle que j'ai accepté dans l'unique but de pouvoir te rencontrer Link. Et aussi pour pouvoir rendre ce qu'on m'a prêté il y a trois mille ans. Mais écoute plutôt, tu comprendras mieux : Il y a de cela très longtemps, trois Déesses soeurs naquirent. Elles étaient Din, Nayru et Farore. Elles entreprirent la construction d'un monde en commun, ce fut Caela. Mais Din et Nayru, les deux plus vieilles se disputaient sans relâche sur la meilleure manière de maîtriser ce monde. Elles se querellaient sans cesse, tant et si bien que Nayru en eut assez. Elle créa son propre monde qu'elle baptisa Termina et invita sa jeune soeur, Farore, à l'aider dans cette tâche. Din fit aussi cette requête auprès de sa benjamine, et celle-ci, prise dans ce terrible dilemme, opta pour la troisième réponse. Elle déclina les deux invitations et choisit de créer son monde. Elle voulait garder son impartialité et ses deux soeurs acceptèrent son choix. Chacune participa donc à la construction de ce monde que tu appelles aujourd'hui Hyrule. A la demande de Farore, d'étroites portes furent créées afin de relier chaque monde aux autres. Elles décidèrent d'un commun accord de laisser leur Héritage, la Triforce, aux trois mondes en même temps, dans un temple qu'elles érigèrent dans le Saint Royaume. Le Saint Royaume est en réalité une passerelle qui appartient à la fois à Caela, Termina et Hyrule. Malheureusement, il n'y a qu'en Hyrule que cette légende s'est perpétuée, et encore, uniquement en partie. Voilà pourquoi dans ton monde, tu n'avais jamais entendu parler de Termina et Caela, avant d'y venir dans cette vie-ci.
Or, il y a trois mille ans, la haine que Din et Nayru nourrissaient l'une envers l'autre fut si forte, qu'elle donna naissance à un monstre qui s'attaqua aux trois Déesses. Le Mal venait d'être créé. Farore supplia ses deux soeurs de se réconcilier afin de pouvoir venir à bout de l'Ange du Malin, ainsi se baptisait-il. Elles acceptèrent, et toutes trois unirent leurs pouvoirs. Si leur désunion avait créé cet être maléfique, seule leur union pouvait créer l'être qui les en débarrasserait. C'est ainsi que l'Unificateur naquit. Il était à la fois doté de la Force de Din, de la Sagesse de Nayru, et du Courage de Farore. Il lutta longuement contre son ennemi, et réussit à l'affaiblir au sacrifice de sa vie. Mais le Mal n'était qu'affaibli, et ce à cause de Din qui n'avait pas encore tout à fait oublié sa rancune. L'Unificateur s'en était trouvé désavantagé, et n'avait pu porter le coup fatal. Dans un dernier souffle, l'Ange du Malin proféra une sombre menace :

- Vous ne perdez rien pour attendre... souffla l'Ange du Malin. Dans trois mille ans, jour pour jour... je reviendrai... Pas directement ici, non... Ce serait trop facile de vous attaquer directement, je vais d'abord détruire vos minables mondes... L'un après l'autre... Et vous ne pourrez rien faire pour m'en empêcher, car d'ici, vous n'avez pas le pouvoir d'influencer sur vos pitoyables créations... Et je commencerais par Hyrule... Ta belle Hyrule dont tu es si fière... Farore...
- Je protègerai mon monde coûte que coûte ! le défia Farore. Si moi je n'ai pas le pouvoir d'intervenir, et bien, je le protègerai par des représentants à qui je donnerai la force de te combattre ! Ils seront sept. Sept grands sages sacrés.
- Hahaha ! Ne me fais pas rire ! Ce ne sera jamais assez pour m'arrêter, seul l'Unificateur en avait eu la possibilité, et regardez ce qu'il est devenu...
- Et bien, je m'engage à descendre en Hyrule alors ! Et d'y vivre dans un corps mortel ! Avec mes dernières forces, je vais redonner naissance à l'Unificateur. Il renaîtra, et te combattra quand tu te réveilleras ! Et moi, je l'aiderai !
- Je m'y engage aussi ! s'exclama Din ! Je ne vais tout de même pas laisser ma soeur te donner ton compte toute seule, moi aussi je veux participer !
- Je n'ai pas le choix, je crois, continua Nayru. Il n'y a qu'unies que nous en finirons avec cette histoire. Et je veux bien coopérer avec Din s'il le faut.
- Tu fais erreur sur un point Nayru, répondit la concernée. J'ai dit que j'aiderai Farore, je n'ai rien dit de sûr à ton propos.
- Héhé... j'ai déjà gagné cette guerre. Vous avez beau essayer de me le faire croire, vous ne serez jamais unies. Une fois que j'en aurai fini avec Hyrule et Farore, les deux autres seront incapables de s'allier... Les fossés que vous avez creusés entre vous seront vos tombes !

Les trois Déesses concentrèrent leurs dernières forces pour redonner une étincelle de vie à l'Unificateur. Elles y mirent tant de conviction, qu'elles en perdirent leur essence divine et devinrent mortelles. Elles oublièrent leur passé divin, mais pas l'Unificateur. Il renaquit en même temps que ses trois mères et longtemps, il les chercha avant d'enfin les trouver et de les réunir. Là, il leur rendit la mémoire. Malheureusement, il était né trop tôt. Et seule une mort donnée par une Déesse pouvait lui permettre de revivre et de lier sa naissance à celle de l'avènement du Mal. Ce fut Din qui s'en chargea. Farore exprima alors le souhait de continuer leur vie Terrestre comme si rien ne s'était passé. Elle remplaça alors leurs souvenirs par des souvenirs de vie mortelle, et stocka les véritables mémoires dans une créature digne de confiance. C'est à ce moment-là que je vis le jour.
- Mais pourquoi vouloir continuer comme si rien ne s'était passé ? C'est illogique... remarqua Link.
- Qui sait ? Farore s'était peut-être rendu compte que la vie Terrestre était le meilleur moyen de se renforcer.
- Comment ça ?
- Oui, les mortels n'ont pas la vie facile. Nous connaissons une multitude de sentiments différents. Nous sommes si instables et changeants, et nous sommes parfois motivés par des raisons si obscures... Mais surtout, le meilleur moyen de se renforcer, c'est en connaissant tous les maux dont le coeur peut être atteint. Toutes ces afflictions qui rendent fort face à l'extérieur, mais si faibles à l'intérieur en vérité... Farore a probablement voulu partager la vie des êtres qu'elle avait créés. Une manière d'être en osmose totale avec son monde...
- Pourquoi me racontez-vous tout ça ? Vous n'êtes pas censée être un monstre au service de Pago ?
- Pago est persuadée que je me suis attaquée à vous. Elle pense m'avoir conditionné à faire ce qu'elle demande. Mais voilà, elle ne conditionne que le corps... Or moi, je n'ai pas de corps... Si j'ai accepté de jouer ce rôle, c'est parce que j'avais su que le moment était enfin venu et que l'Unificateur allait enfin réapparaître... J'ai guetté ce moment si longtemps... Et comme l'avait annoncé Farore avant de tout oublier, elle t'accompagne.
- Vous voulez dire que...
- Oui, Link... Dans une langue ancestrale aujourd'hui oubliée, Link signifie "Celui qui lie". Autrement dit, "Celui qui unifie"... L'Unificateur. Tu ne te souviens de rien aujourd'hui, mais tu as vécu tout cela. Je n'ai pas le pouvoir de te rendre ta mémoire, car ce n'est pas moi qui la possède. Tu n'as pas l'air de me croire, pourtant c'est la vérité. Héros du Temps, Héros des Masques, tu es aujourd'hui le Héros des Ames. Tu dois aller au bout de ce que tu as commencé et terminer le combat que tu as entamé il y a si longtemps. Farore est à tes côtés et veille sur toi. Oh... Je crois que c'est la fin... Je commence à m'affaiblir... Il ne lui reste que très peu de temps pour s'éveiller... Je doute que ton amie ne puisse sortir à temps...
- Vous m'avez dit que je pourrais la sauver ! protesta Link.
- Il n'y a qu'elle qui puisse encore la sauver. A l'heure qu'il est, elle est prise dans un dilemme. Revenir ici ou rester là où elle s'est enfermée. Si elle décide de revenir, ce qui est le moins probable, elle t'expliquera tout ça un peu mieux... Mais je crois qu'elle a décidé de te laisser. Vois-tu, elle a tant souffert que maintenant, l'extérieur lui fait peur. Elle ne veut plus être considérée avec mépris par les autres. C'est dur d'être voleuse d'âme... C'est même un rôle très ingrat mais qui est pourtant absolument nécessaire pour la survie d'Hyrule. Elle a dû te dire qu'elle aidait les sages à se réincarner. Et bien ces Sages ne lui en ont jamais été reconnaissants. C'est difficile de vouloir vivre quand toutes les personnes qu'on connaît nous méprisent. Tu ne peux pas le comprendre. Toi, tu as toujours été entouré de gens qui t'aiment et t'admirent. Ainsi va la vie ! Quand quelqu'un d'exceptionnel ou de spécial naît, il y a toujours un sentiment qu'il ne peut connaître, car ça va à l'encontre de sa nature. Il n'y a qu'une fois qu'il a accompli pour de bon la tâche qui lui a été confiée à la naissance qu'il peut enfin ressentir cette émotion.
- Euh... J'ai un peu de mal à comprendre...
- Je vais te donner un exemple. Ganondorf est né en étant voué à ne pas connaître ce qu'est la générosité ou l'amour. C'est parce que ça va à l'encontre de son rôle de méchant. Toi, tu ne pouvais pas connaître ce que c'est que d'être réellement méprisé, car tu es le Héros de Légende admiré de tous. Il aurait été inconcevable que tu deviennes misanthrope. Pour celle que tu appelles Nubia, c'est la même chose. Elle est née et a toujours vécu en étant vouée à ne jamais connaître la reconnaissance de ses pairs.
- Mais pourquoi ? Ça n'a pas de sens !
- Tout a un sens... Rien n'est jamais laissé au hasard. S'il en va ainsi pour elle, c'est parce qu'elle a un rôle tellement important à jouer pour l'Humanité, qu'autrui ne peut le supporter. Je suppose que tu vas me demander pourquoi ? C'est vrai que tant que toi non plus tu ne te seras pas totalement éveillé, tu ne peux pas le comprendre. Mais c'est l'esprit Humain qui est ainsi. Il faut faire plus de mal à ceux à qui on ne peut rendre le bien qu'ils nous ont fait. Tu comprendras plus...
Elle s'appuya sur le sol, une main sur la poitrine à la place du coeur. Elle pâlit d'un coup et semblait souffrir énormément.
- C'est... trop tard, articula-t-elle. Je... je m'affaiblis... Elle n'aura jamais le temps de sortir... Elle vient de renoncer à vivre... Je n'ai réussi que la moitié de la mission qu'on m'a confiée. Il est trop tard pour ELLE... C'est la fin...
- Non ! cria Link. Où est-elle ? Je veux lui parler !
- ... Rassure-toi, à ma mort, tu pourras récupérer le conteneur de l'âme des Sages de l'eau... Et les Zoras renaîtront...
- Ce n'est pas ma question ! Je veux savoir où est Nubia !
Elle se contenta d'émettre un petit ricanement. Trop tard... Il était trop tard... Il ne pouvait plus rien... Finalement, ça n'était plus la peine qu'il aille à la fin de sa mission. Même s'il arrivait à récupérer toutes les âmes volées, ce serait vain car l'équilibre était maintenant rompu et il ne pourrait jamais vaincre l'Ange du Malin, car avec Nubia, s'éteignait... ELLE.
- Arrêtez de divaguer ! Nubia ! Je ne sais pas si tu m'entends, mais sors ! Sors de là tout de suite ! Tu n'as pas le droit de me laisser ! Tu m'avais promis de m'aider !
- Tu t'agites pour un rien... C'est la fin...
- Je m'en fiche ! Nubia !
Sa voix commença à se casser. Même s'ils ne se connaissaient pas depuis longtemps... Même si elle était voleuse d'âmes... Même si elle n'était pas toujours gentille... Même si elle avait un très mauvais caractère... Elle était tout de même son amie. Et c'était ça qui importait. Elle lui avait déjà sauvé la vie dans la dépouille de l'Arbre Mojo, et aussi dans les Montagnes Filunes. Il devait faire quelque chose pour l'aider.
- Elle a peut-être souffert, fit-il en baissant la tête, et je sais qu'elle serait trop fière pour l'avouer. Elle joue les durs, mais en vérité, j'ai bien vu qu'elle était bien plus fragile qu'elle ne le laisse apercevoir. Peu importe ce que les autres peuvent penser d'elle... moi, je ne la méprise pas. On se disputait beaucoup, d'accord, mais finalement, je m'amusais bien avec elle. Pour la première fois, quelqu'un m'a accompagné dans ces fichues quêtes où on m'ordonne de sauver le monde sans me demander mon avis... Nubia... je sais que tu peux m'entendre... Alors écoute-moi ! Reviens ! Moi je ne te déteste pas ! Tu verras ! Quand tout sera fini, on retournera en Hyrule et on fera en sorte que personne ne pense plus jamais de mal sur toi !
- Tu... Tu es bien gentil avec elle... Mais c'est inutile... balbutia Soul's Mirror dont la souffrance se lisait sur son visage. J'en suis à sa dernière étincelle...
- Et alors ! s'exclama Link qui commençait à s'énerver de ne pouvoir rien faire d'autre. Nubia ! N'oublie pas que tu dois mettre une bonne raclée à Pago ! Et puis tu dois aider Shin aussi ! Tu ne peux pas l'abandonner !
Soul's Mirror se liquéfia. Le lac commença à s'évaporer, tandis qu'un conteneur d'âme s'élevait et que la voix de la créature retentissait :
- N'oublie pas, tu es l'Unificateur... Même si ta quête ne sera pas fructueuse, essaye tout de même de réconcilier les deux soeurs qui restent. Qui sait ? Peut-être qu'elles accepteront enfin de réagir en conséquence en apprenant la mort de leur benjamine...
Que voulait-elle dire par là ? Il n'arrivait pas vraiment à comprendre. Ou plutôt il ne le voulait pas... Est-ce que Nubia serait... ?
Il attrapa la sphère qui rayonnait d'un bleu intense et où flottait le symbole du médaillon de l'Eau. La même lumière que les autres fois les éblouit, lui, Navi et Unda. Le jeune Kokiri ferma les yeux, mais il ne voulait pas les rouvrir en sachant qu'il venait de perdre l'une des seules personnes qu'il pouvait selon lui qualifier de véritable amie.
Il les rouvrit tout de même pour découvrir...

Chapitre 11 : Révélations (2ème partie) : Nubia   up

(Avant de commencer ce nouveau chapitre, je voudrais passer un message à Aurore qui m'a gentiment écrit à propos de cette fiction. J'ai bien reçu ton message Aurore, mais je n'ai pas pu te répondre car ton adresse e-mail n'a pas l'air de fonctionner. Pourtant, j'ai essayé de t'envoyer des messages, mais ils me revenaient toujours. Alors je t'en supplie, réécris-moi, et essaye avec une autre adresse. Je veux absolument pouvoir te répondre !!! (PS : je veux bien que tu m'envoies la suite que tu as imaginée !))

Elle se balançait toujours. Inlassablement au gré des vagues. Combien de temps s'était écoulé maintenant ? Elle l'ignorait totalement et ne voulait même pas le savoir. Elle leva sa main au ciel et la regarda. Alors voilà ? C'était ça la vie qu'elle allait mener à partir de maintenant ? Se contenter de se laisser bercer par le reflux ?
Rester ainsi à se lamenter sur son pauvre sort ? Etait-ce réellement ce dont elle avait envie ? C'était vrai, elle se sentait bien ici, mais au fond d'elle, elle sentait que quelque chose la poussait à s'en aller d'ici. Elle avait promis... une chose dont elle ne se souvenait pas. Qu'était-ce donc ?
- Ne t'occupe plus de tout ça... fit la voix. Qu'est-ce que ça peut faire que tu aies promis quelque chose ? Personne ne viendra plus te déranger. Nous serons toutes les deux.
- Encore à paresser à ce que je vois... fit ironiquement la voix de Kurrecx.
- Maître ?
Un minuscule atoll avec un petit bosquet d'arbres était apparu, et le Sheikah assis sur la plage la fixait. Elle se dépêcha de nager pour le rejoindre. Dès qu'elle toucha le sol elle se précipita, mais il l'arrêta de la main.
- Attends. Il faut que nous parlions un peu tous les 4, déclara-t-il.
- Que voulez-vous dire ?
- Nubia... Tu n'as jamais accepté ma mort n'est-ce pas ? Je veux dire toi en tant que Nubia, habitante d'Hyrule. Nous sommes ici à l'intérieur même de ton esprit, tel que tu te le représentes... Tu n'as jamais vraiment eu d'imagination. Si ça avait été moi, j'aurais plutôt imaginé un haut plateau et...
- Vous pourriez abréger ?
- Euh... Oui, bien sûr ! Je m'éloigne... Où j'en étais ? Ah oui ! Ça a été un grand traumatisme pour toi. C'est pour ça que tu m'as créé, moi, le Kurrecx de tes pensées. Celui qui vient te conseiller et te remuer quand tu es en mauvaise posture. Tu m'as créé à l'image de celui que tu as connu, mais je ne suis pas lui. En fait, moi je suis ce qu'on pourrait appeler ton instinct de survie personnifié. Le temps est passé, et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Sans même en prendre conscience, tu as créé une autre personnalité. Ta peur de l'extérieur je crois... C'est bien ça ? Je ne me trompe pas ?
Une ombre sortit du bosquet et s'avança aussi. C'était... la petite fille de douze ans qu'elle était aujourd'hui.
- Comment as-tu su ? fit la petite fille. C'était la voix qui parlait à Nubia depuis qu'elle était ici.
- Je suis l'instinct de survie, celui qui résonne pour s'en sortir, répondit Kurrecx. C'est normal que j'aie compris quelque chose d'aussi simple. Quoi qu'il en soit Nubia, je crois que maintenant, il est temps de faire apparaître ta dernière personnalité.
- Il y en a une autre ? s'étonnèrent les deux Nubia.
- Oui. Je l'ai repérée dès que nous sommes arrivés ici. Je pense que de nous toutes, c'est elle la plus ancienne. Vous pouvez venir... Mademoiselle Farore... N'est-ce pas ?
- ... Je dois avouer que je ne suis pas fâchée de pouvoir enfin m'éveiller, retentit une voix. Excellente déduction ! Bravo !
Un ange aux cheveux verts apparut dans un rayon de lumière. La Triforce était tatouée sur son front.
- Comme tu l'as deviné, je suis la Déesse Farore. Voilà trois mille ans que je me suis endormie dans les méandres de ton inconscient. Il me fallait quelque chose de spécial pour me réveiller. Il fallait absolument que mon corps terrestre soit en contact avec Soul's Miror.
- Je ne comprends pas... Je ne comprends absolument rien !
- Il n'y a pourtant rien à comprendre, mais tout à constater, fit Kurrecx. Si Farore se trouve dans ton corps, cela veut dire que tu es Farore. Par contre, moi non plus je ne sais pas qui est Soul's Miror.
- Tu ne t'en souviens pas car elle fait partie des souvenirs que tu ne possèdes pas. Mais laisse-moi te montrer...
La déesse s'approcha et prit à deux mains la tête de Nubia. Une lueur verte les enveloppa. Et instantanément, la jeune Sheikah se souvint de tout. D'absolument tout. De son véritable passé. Pas celui qu'elle avait en tant que Nubia, mais celui qu'elle avait en tant que Farore. Elle se souvint comment, après avoir vaincu l'ange du Mal, elle avait perdu son identité de Déesse. Comment Kurrecx, qui était en fait l'Unificateur, la lui avait rendue en s'occupant d'elle. Enfin, comment en ce jour funeste, il était mort. Ce n'était pas à cause d'elle qu'il était mort, comme elle l'avait toujours cru et rêvé. Il était mort parce qu'il n'était pas né à la bonne époque. Pago avait été la seule à avoir la force de le tuer. Voilà pourquoi c'était elle qui lui avait donné la mort. Elle se souvint aussi que Pago et Shin... étaient ses soeurs : Din et Nayru. Elle se souvint du souhait qu'elle avait elle-même fait : continuer cette vie mortelle. Pourquoi ? lui avaient demandé ses soeurs. Parce qu'elle avait voulu savoir si c'était une bonne chose ou non d'avoir donné la vie à ces êtres. Elle avait voulu savoir et expérimenter la vie terrestre en vivant parmi... ses enfants en quelque sorte. Elle se souvint qu'elle avait donné vie à Soul's Miror, à qui elle avait confié leur mémoire à toutes les trois et à qui elle avait demandé de la retrouver quand elle aurait vu l'Unificateur. Oui, elle se souvenait de tout maintenant... Mais était-ce une bonne chose ?
- N'oublie pas que nous avons promis d'aider l'Unificateur... C'est le moment ou jamais de tenir cette promesse. Il est temps maintenant que tu fasses une croix sur tout ce qui s'est passé pendant ces trois milles années, et que nous ne fassions à nouveau qu'un seul et même esprit... Une seule et même âme...
- Moi, je suis d'accord, approuva Kurrecx. Il est temps d'en finir avec cette histoire. Qu'est-ce que tu en penses toi ?
Il s'était tourné vers la petite fille. Elle avait baissé la tête et mit un moment avant de répondre.
- Non... Moi, je ne veux pas retourner là-bas... Je ne veux pas revoir les gens de l'extérieur. Je les déteste tous... parce qu'ils me détestent. Je ne veux plus souffrir là-bas ! C'est tellement vide... Il me manque quelque chose, alors qu'ici, je suis tellement bien !
- C'est parce que je suis là que tu te sens bien, répondit la Déesse. Je suis celle qui comble le vide. Je suis ce qui vous a été enlevé. Il n'y aura plus de vide quand nous serons à nouveau qu'une. Et puis... je me suis forgé mon opinion sur mon monde maintenant. Après, quand tout sera fini, je prendrai les mesures adéquates pour...
- Pour quoi ? fit la grande Nubia.
- Vous le saurez en temps utile. A présent c'est le moment de...
- J'ai dit que non ! s'écria de nouveau la petite Nubia qui en avait assez qu'on ne prenne pas en compte son avis. Moi, je ne veux pas ! Personne ne tient vraiment à moi là-bas ! Tout le monde ne fait que me regarder avec des trous sombres et profonds remplis de haine à la place des yeux ! Personne ne veut vraiment que je revienne. Pour tous en fait, c'est un soulagement que je ne revienne pas ! Et pour moi aussi ce serait un soulagement !
- ... Elle a peut-être raison dans le fond... acquiesça lentement la Sheikah. Dans le fond, elle a même plus que raison. C'est vrai que je n'ai fait que souffrir et... personne ne tient vraiment à moi... Depuis ma naissance, ils m'ont tous rejetée... Les Sheikahs, les Sages, cette fichue Princesse Zelda qui m'a toujours haïe... Au fond, tout le monde me méprise... Elle a totalement raison...
Deux grosses larmes perlèrent sur ses joues. Elle regardait enfin la vérité en face. Elle avait si longtemps entretenu ce mensonge qu'elle se faisait à elle-même. En se disant qu'après tout, ce n'était pas grave et qu'elle se fichait des autres. Qu'il n'y avait qu'elle qui importait. Que tout allait bien. Mais c'était faux ! Tout allait mal !
- Moi aussi je veux rester... finit-elle par articuler. Vous n'avez qu'à reprendre ce fichu corps, je m'en fiche maintenant...
- Nous ne pouvons pas ! protesta Farore. C'est toi qui as la conscience dominante du corps. Même si nous refaisons de nouveau qu'une avec toi, c'est quand même toi qui auras le contrôle absolu du corps. Il faut que tu sois d'accord, sinon, tout ce que tu auras enduré et souffert n'aura servi à rien !
Nubia s'accroupit en se tenant la tête dans les mains. Elle savait qu'elle devait le faire, qu'elle devait retourner dans la réalité et aider Pago, mais elle ne voulait plus être confrontée au regard des autres. Ce regard si dur et si froid.
- Nubia ! hurla une voix qui lui fit lever la tête. Je ne sais pas si tu m'entends, mais sors de là ! Sors de là tout de suite ! Tu n'as pas le droit de me laisser ! Tu avais promis de m'aider !
C'était Link. Son visage était apparu en plein ciel. Il semblait si inquiet. Mais ce n'était probablement pas pour elle, mais plutôt pour cette fichue princesse. Il savait pertinemment que sans elle, l'âme de Zelda ne pourrait jamais réintégrer son corps.
- Je m'en fiche ! cria-t-il en levant la tête. Nubia !
Il resta ainsi quelques instants avant de baisser la tête vers elle de nouveau.
- Elle a peut-être souffert, déclara-t-il, et je sais qu'elle est trop fière pour l'avouer. Elle joue les durs, mais en vérité, elle est bien plus fragile qu'elle ne le laisse apercevoir. Peu importe ce que les autres peuvent penser d'elle... Moi, je ne la méprise pas... On se disputait beaucoup, d'accord, mais finalement, je m'amusais bien avec elle. Pour la première fois, quelqu'un m'a accompagné dans ces fichues quêtes où on m'ordonne de sauver le monde sans me demander mon avis... Nubia... je sais que tu peux m'entendre, alors écoute-moi ! Reviens ! Moi, je ne te déteste pas ! Tu verras ! Quand tout sera fini, on retournera en Hyrule, et on fera en sorte que plus personne ne pense de mal de toi !
- L... Link...
- Et puis, n'oublie pas que tu dois mettre une raclée à Pago ! Et puis tu dois aider Shin ! Tu ne peux pas l'abandonner !
Nubia s'était relevée. Kurrecx la regarda gravement.
- Il ne reste plus que très peu de temps pour prendre une décision, et c'est à toi de la prendre, lui dit-il. Tu vois Nubia, il n'y a que toi qui puisses réconcilier Din et Nayru. Mais si tu n'en as pas envie, si tu ne veux pas en finir définitivement avec toute cette histoire, alors personne ne te forcera à le faire. Mais personne ne le fera pour toi non plus. Toi qui ne veux plus souffrir, tu ne pourras jamais connaître le repos, même ici. Tu seras toujours tourmentée par les remords. Est-ce réellement ce que tu veux ? Maintenant que tu as enfin trouvé un but à atteindre dans la vie, maintenant que tu as une raison d'être, est-ce que tu veux tout abandonner maintenant ? Ici, tu erreras pour l'éternité dans ta propre conscience, prisonnière de ton propre coeur. C'est ça ta solution ? Fuir ? Encore et toujours ? Depuis ma mort, tu n'as cessé de fuir tes sentiments, de fuir les gens qui auraient pu t'aider à t'en sortir, de fuir ce qui aurait pu te faire du bien et te soulager. Mais aujourd'hui ça ne marche pas. Aujourd'hui, tu dois affronter tout ce que tu as fui et prendre une décision. Alors voilà : que décides-tu ?
- Je... je ne sais pas...
- Et bien c'est le moment de savoir une bonne fois pour toute. Tu n'es pas encore prête à savoir ce qu'est errer sans but. Et puis... je crois qu'on t'attend... dans la réalité.
Elle leva de nouveau la tête vers Link.
- Nous attendons ta réponse, la pressa Farore.
- Je... commença Nubia en se penchant sur la petite fille. Je crois qu'on a encore besoin de moi. Ce serait vraiment trop stupide de tout abandonner alors que je viens tout juste de trouver ce que je cherchais...
- Non !
La petite fille se prit la tête dans les mains et disparut en vapeur.
- Tu viens de faire disparaître ta peur de l'extérieur, lui expliqua Kurrecx. Très bien alors ne tardons pas, sinon, on ne pourra plus sortir.
Il s'approcha de la Sheikah et se fondit en elle. Farore fit de même. Et pour la première fois depuis de longues années, Nubia se sentit elle-même. Elle leva fièrement la tête vers le ciel, et deux grandes ailes lui poussèrent dans le dos. Elle s'envola, bien décidée à sortir quand la petite fille refit à nouveau son apparition.
- Tu ne dois pas partir ! Tu dois rester ! cria-t-elle hystérique.
- Désolée, mais je t'ai déjà dit que ma réponse était non !
Elle fit apparaître son bâton et avec le tranchant, découpa en deux l'image qui fit place au reflet de son corps de Sheikah.
- Maîtresse Farore... fit-elle en s'inclinant.
- Tu es Soul's Miror ?
- Oui. Je vous ai enfin rendu votre mémoire, vous allez pouvoir terminer le combat aux côtés de l'Unificateur. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de tout bien expliquer. Mais vous pourrez compléter mes révélations. Je peux mourir en paix maintenant. J'espère que vous pourrez enfin réconcilier vos soeurs... Maîtresse Farore...
- Merci d'avoir gardé ma mémoire et de m'avoir attendue pendant si longtemps, mais il faut que je te dise une chose.
- Laquelle Maîtresse Farore ?
- Moi, je suis Nubia !
Sur ces mots, elle dépassa sa créature et continua de voler toujours plus haut, jusqu'à ce qu'elle soit prise d'un immense sentiment de fatigue et qu'elle retombe, évanouie...

Link ouvrit les yeux. Tout autour de lui, la forêt avait repoussé, et un doux vent soufflait, faisant bruisser les feuilles. Des Zoras s'amusaient à sauter depuis le haut de la cascade, tandis que d'autres pataugeaient dans l'eau claire. Il ouvrit sa main et observa le conteneur d'âme.
- Link ! Regarde ! s'exclama Navi en voletant près de la rive.
Quelque chose était étendu là, sur un duvet de plume.
- Nubia ! s'écria le Kokiri.
Elle semblait dormir. Son visage semblait si paisible et serein qu'on aurait voulu qu'elle ne se réveille jamais. Deux larmes vinrent éclabousser son visage, lui faisant ouvrir tout doucement les yeux. Ils se regardèrent sans savoir quoi dire, puis finalement, elle l'attrapa et le serra contre elle.
- Merci... articula-t-elle entre deux gros sanglots. Merci...

Chapitre 12 : La Vallée des Trépassés   up

Nubia remua puis ouvrit enfin les yeux. Elle se trouvait dans une petite chambre coquette d'une petite maison tout aussi coquette. Link, assis près du lit dans lequel elle était allongée, avait son regard soucieux posé sur elle. Elle se mit sur son séant. Sa tête lui faisait atrocement mal.
- Ça va ? s'inquiéta le Kokiri en se penchant sur elle.
- Ça aurait pu être mieux, répondit-elle en se massant les tempes. Où sommes-nous ?
- Dans le village des Zoras, près de la cascade... Tu m'as fait peur tout à l'heure, tu sais... J'ai cru que tu ne reviendrais plus...
- ... Tout à l'heure... lâcha-t-elle tournant la tête vers le mur... C'est toi qui m'as fait revenir... Tout ce que tu as dit... Ça m'a beaucoup touchée... Je voudrais juste savoir...
- Quoi ?
- Tu sais, j'ai tué beaucoup de gens en trois mille ans... Et c'est peu dire. Je suis une criminelle que les sages laissent en liberté dans l'unique but de s'incarner dans de nouveaux corps pour éviter d'avoir à refaire tout un apprentissage à chaque nouvelle vie. Et malgré ça... tu m'as dit que... tu ne me méprisais pas... Est-ce que...
- Tu veux savoir si j'étais sincère ? demanda Link. Et bien non, je ne l'étais pas. Si je t'ai dit tout ça, c'était uniquement pour te faire revenir pour que tu termines ce que tu as commencé parce que moi, je ne peux pas y arriver tout seul.
- Tu mens très mal, répondit-elle sans le regarder.
- Je n'ai fait que dire ce que tu voulais entendre, mais pour dire la vérité... Je n'ai jamais été plus sincère de ma vie. Tu es quelqu'un qui compte beaucoup pour moi, même si on ne se connaît pas depuis longtemps.
- A ce propos, tu te trompes lourdement, rectifia-t-elle en le fixant enfin dans les yeux. Nous nous connaissons en fait depuis très, très, très longtemps. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois il y a trois mille ans. Comme je te l'ai dit, à l'époque, j'étais une Sheikah très recherchée pour banditisme. Et toi... tu étais aussi un Sheikah. Tu avais été emprisonné pendant vingt ans par la famille royale pour un crime que tu n'avais pas commis et tu avais été libéré tout spécialement pour m'arrêter. Et finalement, tu as été chargé de mon éducation... En fait, tu es la réincarnation de mon maître Kurrecx, qui était lui-même l'Unificateur. Soul's Mirror t'en a probablement parlé, n'est-ce pas ?
- Euh... elle m'a dit que j'étais l'Unificateur, mais pas que j'étais la réincarnation de ton maître ! s'exclama-t-il éberlué.
- Elle m'avait prévenue qu'elle n'avait pas eu le temps de tout t'expliquer... soupira-t-elle. Et bien voilà, maintenant tu le sais. Pago et Shin sont mes deux soeurs Din et Nayru, et au moment où j'ai connu mon maître, il leur avait déjà redonné leurs essences divines. Il aurait sûrement dû me trouver avant que je ne tourne mal, mais à cause de son emprisonnement, il a perdu beaucoup de temps.
- Pourquoi a-t-il été enfermé ?
- Ça... je n'en ai qu'une vague idée... Officiellement, c'était pour le meurtre de la Princesse Zelie, la soeur de la Princesse Zelda. Mais en réalité, c'est très difficile à dire. Je n'étais pas encore née quand cette affaire est arrivée. Et la famille royale était passée maître dans l'art de la désinformation en masse. Mon Maître n'a jamais voulu me donner plus de détails. Par contre, je crois que Farore doit le savoir, elle.
- Mais toi et Farore vous ne faites pas qu'une seule et même personne ? s'étonna Link. Si elle, elle le sait, alors toi aussi non ?
- Ce n'est pas aussi simple que ça, répondit-elle. En fait, pour le moment, elle et moi nous partageons en effet le même corps, mais tant que Din et Nayru ne se seront pas éveillées, nous n'aurons pas la même conscience. Alors il ne faudra pas s'étonner si de temps en temps je fais un dédoublement de personnalité.
- Le problème maintenant, c'est de savoir qui sont Din et Nayru, avança le Kokiri.
Elle le regarda avec de gros yeux, s'assit dans le lit et le frappa comme elle avait l'habitude de le faire avant.
- T'es sourd, stupide ou alors tu le fais exprès ? lui reprocha-t-elle. T'as toujours pas compris que ce sont Pago et Shin ? T'es encore plus bête que ce que je pensais !
- Mais... protesta le jeune garçon en se frottant la tête. Pago ne peut pas être une déesse, puisque c'est un garçon !
- Ce n'est pas parce qu'elle a un corps de garçon, que c'est un garçon ! s'exclama Nubia. En fait, tu comprendras beaucoup mieux ce soir, lors de la cérémonie.
- Quelle cérémonie ?
- La cérémonie de la Lune Bleue. Je t'expliquerai tout ça tout à l'heure. En attendant, continua-t-elle en s'étirant, j'ai envie d'aller me dégourdir les jambes ! Je suppose que l'eau du lac est redevenue normale avec la mort de Soul's Mirror, non ? Alors viens ! On va se baigner !

Que faisaient-ils ? Elle aurait donné cher pour le savoir. Ici, la situation était de plus en plus difficile à contenir. Elle faisait tout pour empêcher qu'une grande guerre n'éclate, ravageant tout le pays, mais c'était quasiment impossible. Le conflit général était de moins en moins évitable. Fallait-il qu'elle aille les rejoindre ? Qui sait peut-être que Nubia aurait besoin d'elle. Et puis, elles ne seraient pas trop de deux pour vaincre Pago...
Assise à sa table dans sa grotte, Shin réfléchissait. Une énième fois depuis le début de la journée, une pirate vint la trouver. Elles étaient les seules qu'elle avait réussi à convaincre de son innocence. Ayant anciennement été l'une d'elles il y a trois mille ans, elle avait toujours gardé de bons rapports avec ce peuple.
- Je ne sais pas ce que tu as l'intention de faire, lui déclara la nouvelle venue, mais fais-le vite. Les Zoras sont de plus en plus menaçants. Nous ne les avons jamais vus dans cet état. Même nous les Pirates, nous ne sommes pas sûres de pouvoir les contenir.
- Hum... C'est décidé... répondit la voleuse d'âme.
- Alors ?
- Je pars. J'ai eu tort de faire confiance à Nubia pour régler ce problème. Elle a de la bonne volonté, mais elle n'est pas de taille. Je vais rester encore quelques jours ici pour régler deux trois petites choses, et ensuite je quitterai Termina.
- Tu comptes donc t'enfuir ?
- Au contraire, je vais aller là où se trouve le vrai coeur de la bataille. Mais d'abord, je dois m'assurer qu'aucun combat n'aura lieu pendant mon absence, histoire d'assurer mes arrières. Retourne à la forteresse et fais passer ce message à votre nouvelle chef. Dis-lui que je veux la rencontrer dans trois jours dans la plaine, face à la porte sud de Bourg-Clocher. Va maintenant, et fais bien attention à ne pas te faire surprendre par une patrouille Mojo en passant. Ils sont persuadés que leurs ridicules tours de garde me tiennent enfermée ici, alors laissons-leur cette illusion.
- Très bien.
La Pirate se retira silencieusement et Shin se retrouva de nouveau seule. Si elle arrivait à gagner un peu de temps grâce à son plan, alors elle aurait le temps de faire un petit voyage à Caela.

Link regardait son amie s'ébattre joyeusement dans l'eau. Il ne l'avait jamais vue aussi sereine depuis leur "première" rencontre. Pour la première fois, il la voyait rire franchement, avec l'air de réellement s'amuser. Comme si quelque chose s'était débloqué en elle.
Elle remarqua son regard inquisiteur et s'avança vers la berge où il était assis les pieds dans l'eau.
- Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai quelque chose sur le visage ?
- Non, ce n'est pas ça, répondit-il, mais... je trouvais que tu avais l'air beaucoup plus heureuse maintenant.
- Disons que, commença-t-elle en s'asseyant à côté de lui, je me suis réveillée d'un horrible cauchemar dans lequel j'étais enfermée pendant trois mille longues années. Et j'espère ne plus y replonger, mais ça, même moi je ne peux le prévoir... Tout ça à cause de Farore...
Pendant une fraction de seconde, sa mine s'était assombrie, mais immédiatement, elle se remit à sourire et le poussa dans l'eau.
- Au lieu de me faire dire n'importe quoi, nage un peu ! Ça te fera faire un peu d'exercice !
Tandis qu'ils recommençaient à se bagarrer amicalement dans l'eau, le soleil déclinait fortement, et des reflets oranges et rouges tintaient le ciel, lui donnant un aspect irréel. Dans un arbre, une ombre se retira lentement et silencieusement, sans s'apercevoir que de l'autre côté du lac, une autre ombre faisait exactement la même chose.

La nuit était vite tombée. Dehors, les Zoras s'affairaient activement aux préparatifs de la Cérémonie de la Lune Bleue. Nubia expliqua à Link que cette cérémonie avait lieu tous les cinquante ans, lorsque la nuit de la lune bleue coïncidait avec une nuit de pleine lune. Outre le fait que cette cérémonie était un magnifique spectacle, elle permettait aussi tout autre chose que les Zoras eux-mêmes ignoraient.
- Et qu'est-ce que c'est ? questionna Navi.
- En fait lors de cette cérémonie, l'eau de la cascade se met à couler dans l'autre sens, à remonter donc, et si on se laisse emporter par le courant, on est transporté dans un endroit normalement interdit aux vivants et qui porte le nom de Vallée des Trépassés. C'est là que sont regroupées les âmes damnées qui ne peuvent pas être jugées et châtiées si besoin est.
- Pourquoi ne pourraient-elles être jugées ? demanda à son tour le Kokiri.
- En règle générale, c'est parce que de leur vivant, elles ont vu quelqu'un mourir en les maudissant, répondit machinalement la fée.
- Comment tu sais ça ? s'étonna Link.
Navi se mit à bafouiller en se rendant compte de l'énorme bêtise qu'elle venait de faire. S'il y avait bien une personne qui ne devait surtout pas être au courant, c'était bel et bien lui. Le jeune garçon avait l'air suspicieux, mais Nubia se contentait de hocher la tête tranquillement, et la fée comprit qu'elle savait. Après tout c'était tout à fait normal, puisqu'elle était l'une des trois Déesses, mais elle devait absolument lui faire comprendre qu'il ne fallait rien dire à Link. Mais c'était trop tard, la fillette ouvrait déjà la bouche pour donner une explication.
- T'es vraiment bête quand tu veux, toi alors ! Tout le monde sait ça ! s'exclama-t-elle en haussant les épaules et en adressant un furtif clin d'oeil à la fée. En fait, au départ, je comptais seulement vous faire voir la cérémonie, mais les données ont changé maintenant. J'ai la conviction que l'âme de Kurrecx s'y trouve, et il pourra sûrement nous donner quelques informations.
- Mais si Link est la réincarnation de ton maître comme tu l'affirmes, alors son corps devrait être un réceptacle à l'âme de ton maître non ?
- En principe oui, répondit Nubia. Et c'est ça qui est inquiétant. Normalement, si tel avait été le cas, lui et Kurrecx se seraient ressemblés comme deux gouttes d'eau à quelques petites différences près. Hors là... Premièrement, tu n'es pas un Sheikah, ensuite, il y a quelques différences de comportement, même si j'étais la dernière à m'en plaindre, et puis toi, tu es amoureux de Zelda, alors...
- Qu'est-ce que tu racontes ! protesta le garçon en rougissant. Et même si c'était vrai, où serait la différence ?
- La princesse Zelda que tu connais est la réincarnation de la princesse Zelda de l'époque. Et si je me rappelle bien, elle était un peu amoureuse de lui il me semble. Même si d'après ce qu'il m'avait raconté, c'était elle qui avait ordonné de le jeter en prison quand elle avait huit ans. Mais lui par contre a toujours refusé l'amour que toute fille pouvait lui porter. Pourtant, il ne manquait pas de prétendantes ! C'était un vrai tombeur malgré son caractère un peu tordu. Quand je lui ai demandé pourquoi, il s'est contenté de regarder vers le ciel en souriant d'un air très triste. Il n'a jamais voulu me dire la moindre chose à ce sujet... Mais ce n'est pas là le problème ! En fait, je pense qu'il n'y a qu'une partie de lui qui s'est réincarnée en toi, la partie de lui qui faisait qu'il était l'Unificateur et qui fait de toi maintenant l'Unificateur. Plus une bonne partie de son caractère. Par contre, il est fort probable que le reste de son âme se trouve dans la Vallée des Trépassés. De toute manière, même si je me trompe, on ne perd rien à aller y jeter un petit coup d'oeil. C'est assez intéressant d'aller fouiner dans les endroits interdits. On y trouve souvent les choses les plus instructives.

A minuit, la cérémonie commença. De chaque côté du lac, des Zoras chantaient d'une voix grave des incantations. Au milieu, sur une barque, Unda dirigeait le choeur avec sa voix aiguë qui dominait les cinquante autres. Dans le ciel dépourvu d'étoiles et de nuages, la pleine lune se leva et vint frapper la surface de l'eau de son reflet d'un bleu profond. Quatre des chanteuses plongèrent alors en même temps dans le lac, et commencèrent à danser dans l'eau, chose facile pour elles. Sur un coin, Link, Navi et Nubia observaient la scène avec émerveillement. C'était véritablement magnifique.
- A mon signal, souffla Nubia, on plonge dans l'eau, et on nage le plus rapidement possible vers la cascade. Même si les Zoras nous poursuivent.
- Pourquoi nous poursuivraient-ils ? demanda Link.
- Parce que nous allons perturber un tantinet leur cérémonie en faisant ça. A l'origine, cette cérémonie consistait exclusivement à accéder à la vallée des Trépassés. Mais avec le temps, ils en ont oublié le véritable sens, et ils ne continuent à la célébrer que par tradition. Attention...
L'eau commençait à bouillonner dans le lac. Un immense tourbillon se créa, et les Zoras se dépêchèrent de grimper dans la barque d'Unda. Un grondement se fit entendre, et aussi incroyable que cela puisse paraître, l'eau remonta le long de la falaise pour couler dans le sens inverse à celui habituel. Tous les Zoras levèrent leurs bras au ciel et leurs chants redoublèrent de volume.
- A trois, on y va, ordonna Nubia... Trois !
Elle et Link plongèrent d'un bond dans l'eau et battirent frénétiquement des bras et des jambes afin de rejoindre la cascade. Tous les regardèrent frappés de stupeur avant de se rendre compte de ce qu'ils étaient en train de faire.
- Que quelqu'un les arrête, voyons ! s'écria une voix dans la foule.
- Non ! répondit d'une voix forte Unda. Laissez-les ! Nous leur devons tous la vie, alors qu'ils fassent ce que bon leur plaise.
Nubia poussa un sonore soupir de soulagement. Si les Zoras avaient plongé, ils les auraient rattrapés en un rien de temps, et adieu la petite visite aux morts vivants. Ils furent soudainement entraînés par le courant, et ils remontèrent la cascade eux aussi. Link tenta de rester à la surface, mais plus ils remontaient, et plus quelque chose l'entraînait sous l'eau. Il lutta, puis finit par s'évanouir...

Ils ouvrirent les yeux et ne virent d'abord que du blanc sale voire grisâtre. Ils se rendirent compte que c'était une sorte de brume lourde qui flottait à hauteur du sol. En se relevant, ils purent apercevoir où ils se trouvaient : Au fond d'une immense vallée peu accueillante, dont toute la surface était quadrillée de pierres tombales très strictes. Il faisait probablement jour, mais la luminosité était atténuée par l'énorme couche de nuages gris qui obscurcissaient le ciel.
- Alors c'est ça la vallée des Trépassés ? demanda Link. Un énorme cimetière ?
- On dirait bien, répondit Nubia. Je ne suis jamais venue ici avant. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, je ne sais pas non plus comment on en repart...
- Je ne sais pas pourquoi, mais je m'y attendais presque sur ce coup-là... soupira le jeune garçon.
- De toute manière on n'a qu'à aller se renseigner.
Elle désigna du doigt une toute petite silhouette encapuchonnée dont le visage caché par l'ombre du vêtement laissait voir deux grands ronds jaunes disproportionnés pour la taille de sa tête.
- Excusez-nous... commença Nubia quand ils se furent approchés. Nous aimerions savoir si vous n'auriez pas reçu il y a environ trois mille ans, l'âme d'un Sheikah maudit. Il était originaire d'Hyrule, mais son décès a eu lieu à Caela. Il se nommait Kurrecx.
Les deux grands yeux jaunes les dévisagèrent les uns après les autres. Il se dirigea d'un pas uniforme vers une tombe qui aurait pu être celle de n'importe qui et posa le plat de sa main sur la pierre sépulcrale. Puis, sans mot dire, il repartit, laissant là les deux jeunes gens et la fée qui se regardaient interloqués.
- Et maintenant ? fit Link.
Mais avant que quelqu'un ne réponde, une lumière se dégagea de la pierre, et un homme apparut, assis sur la pierre. Ses yeux rouges étaient encadrés par de longues mèches qui hésitaient entre le violet et le rouge et qui lui arrivaient aux épaules. Une longue cicatrice semblait séparer son visage en deux au niveau du nez, et une autre lui barrait la joue gauche. Ses longues oreilles étaient percées.
A peine le vit-elle que Nubia se figea. Elle prit trois courtes respirations, tandis que ses yeux s'agrandissaient. L'homme la regarda de la tête aux pieds comme s'il l'évaluait, et finalement il posa sa main sur la tête de la jeune fille.
- Ça faisait un bail ! lança-t-il avec un sourire.
- Maître ! s'exclama Nubia en lui sautant dans les bras. C'est vraiment vous cette fois ! Je n'arrive pas à y croire ! Ça faisait tellement longtemps que je rêvais de pouvoir vous parler ! Vous n'avez pas pris une ride ! Mais c'est vrai que les morts ne vieillissent pas !
- Merci de me le rappeler... soupira l'homme. Toujours aussi vexante à ce que je v...
Il s'interrompit. Elle se tenait serrée contre lui, et Link n'en était pas sûr, mais il lui semblait qu'elle sanglotait. Elle leva les yeux vers son maître et en effet, ses yeux étaient mouillés par de grosses larmes. Le regard du Sheikah s'adoucit et il lui essuya les joues.
- Par pitié, arrête-toi... soupira-t-il.
- Je... j'essaye mais... Ça faisait tellement longtemps que je voulais vous revoir... Je... j'aurais voulu que vous me disiez pourquoi... Pourquoi avez-vous fait ça il y a trois mille ans. Farore vous avait laissé le choix. Elle vous avait demandé si vous désiriez mourir tout de suite ou si vous vouliez terminer votre vie mais... Vous avez préféré mourir... Pourquoi ?
- Je vois... C'est pour me poser cette question que tu es venue jusqu'ici. En fait, j'avais deux raisons, mais toi tu ne pourrais pas comprendre. Tu es encore beaucoup trop humaine pour que mes explications te satisfassent. Par contre, toi, continua-t-il en pointant Link, toi tu pourrais éventuellement comprendre. Je suppose que tu es mon successeur. Quel est ton nom ?
- ... Je suis Link.
- Link... répéta-t-il pensivement. Moui... C'était plutôt prévisible... Mais tu es peut-être un peu jeune. Tu n'as pas encore eu le temps de vivre pleinement et voilà déjà que tu dois faire face à ta destinée. Mères sont si cruelles parfois... Mais c'est aussi un peu de ma faute. Il y a trois mille ans, j'ai affronté l'Ange du Malin dans le Royaume Céleste où vivent les Dieux, et je n'ai pas réussi à lui porter le coup fatal.
- Ce n'est pas de votre faute ! s'écria Link. Soul's Mirror m'a dit que c'était celle de Din qui n'avait pas effacé toute sa rancune !
- Haha, rit tristement le Sheikah. Même les Dieux peuvent se laisser abuser par leurs sentiments. Si je n'ai pas pu le faire, c'est tout simplement, parce qu'à ce moment-là, je l'ai regardé dans les yeux, et sais-tu ce que j'y ai vu ?
Le Kokiri secoua la tête, tandis que Nubia écoutait gravement, ses larmes séchées.
- Je n'y ai pas vu un monstre froid et rempli de haine, mais je n'y ai vu que mon propre reflet. Et là j'ai compris quelque chose qui m'a fait me remettre en question. Et finalement, j'ai été incapable de le détruire.
C'est le moment que choisit la fillette pour vaciller et s'évanouir sans crier gare. Quand elle rouvrit les yeux, le symbole de la Triforce brillait sur son front.
- Tu ne m'avais pas dit tout cela, la dernière fois, déclara-t-elle avec une voix qui n'était pas la sienne.
- Mère, c'est vous ? s'enquit Kurrecx.
- Euh... Vous voulez dire que ce n'est pas Nubia qui parle en ce moment mais... commença Link.
- Je suis Farore, Déesse de Courage, la Protectrice de tous les êtres de justice qui vivent en Hyrule, déclama Farore à travers les lèvres de Nubia. Je comprends, continua-t-elle à l'adresse de Kurrecx, que tu puisses éprouver des regrets à propos de ce fameux jour. Mais tu nous auras au moins fait gagner du temps. Tu n'as pas à t'en vouloir.
- Qui a parlé de m'en vouloir ? s'enquit l'ex Unificateur. Ne vous méprenez pas sur moi Mère. De ce fameux jour, comme vous dites, je ne regrette ni mes paroles, ni mes actes, mais j'en assume pleinement les conséquences. Seuls ceux qui ne contrôlent pas leur destin ont des regrets. Or le mien était scellé dès ma naissance et même probablement avant. Si j'ai agi comme je l'ai fait il y a si longtemps, c'est parce que tout m'est apparu clair. La Gangrène que vous essayez d'éradiquer se trouve bien plus haut que vous ne le croyez, et là où on s'y attendrait le moins. J'espère, dit-il en se tournant vers Link, j'espère que tu t'en rendras compte à temps et que toi aussi tu prendras la bonne décision.
- Moi qui étais si fière de toi, te voilà qui te révolte ouvertement contre tes mères, et en plus, tu oses inciter sous mon nez ton successeur à faire la même chose... La mort ne te réussit vraiment pas, décréta sèchement Farore. Mais je veillerai personnellement à ce qu'il fasse ce que tu as été trop lâche pour faire. Quitte à m'approprier totalement ce corps. Tant pis pour son occupante.
- Serait-ce une menace, Mère ?
- Ce n'est que mon projet. De toute façon...
Elle tomba à genoux en se prenant la gorge. Elle suffoquait et recommençait à ruisseler de sueur, et elle semblait lutter contre quelque chose. Elle se roula carrément par terre en faisant mine d'étouffer. Elle finit par s'arrêter et se releva avec difficulté.
- Compte là-dessus ma vieille ! murmura-t-elle en reprenant son souffle.
Elle était de nouveau Nubia.
- Est-ce que ça va ? demanda Link. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je trouve les Dieux beaucoup trop arrogants à mon goût, répondit-elle. Je n'ai vraiment pas aimé le ton sur lequel elle s'adressait à Maître Kurrecx, alors, j'ai pris sa place de force. Moi en tout cas, je vous fais confiance Maître. Je ne connais pas vraiment vos raisons, mais je sais que vous avez pris la bonne décision.
Il la regarda un moment d'un air surpris puis lui farfouilla dans les cheveux avec un sourire.
- Tu es devenue forte, lui dit-il. Je dois te dire que quand tout sera fini, tu n'auras plus la capacité du vol des âmes, mais... ce n'est que comme ça que tu pourras enfin avoir ta vie à toi. Et alors, je souhaite que tu puisses être heureuse et rattraper tout le bonheur que tu n'as pas pu avoir.
Elle lui rendit son sourire et des larmes recommencèrent à courir sur ses joues, mais cette fois, elle ne tenta pas de les refouler. Le fossoyeur du cimetière arriva derrière eux.
- Il est temps pour vous de partir, remarqua Kurrecx. N'oubliez pas, vous ne devez vous fier qu'à vous-même. Quelles que soient les décisions que vous serez amenés à prendre, elles seront toujours bonnes, et vous n'aurez rien à regretter, car vous aurez fait votre choix seul. C'est ça maîtriser son destin. Je vous souhaite bon courage pour la suite !
Et tandis que le petit homme encapuchonné levait les bras au ciel, un rayon de lumière perça les nuages et les enveloppa.
- Au fait Link ! rappela Kurrecx avant qu'ils ne soient trop loin pour l'entendre. Si tu es réellement ma réincarnation, alors, nous nous retrouverons bientôt ! Toi et moi, nous sommes identiques après tout !
Le Kokiri tenta de comprendre le sens des propos du damné, mais il ne tarda pas à s'évanouir. La dernière vision que les deux enfants eurent de la Vallée des Trépassés, fut celle de Kurrecx les saluant avec deux doigts en clignant de l'oeil.

Chapitre 13 : Séparation   up

Une semaine s'était écoulée. Les deux enfants avaient quitté les Zoras depuis bien longtemps et se trouvaient actuellement dans une forêt montagnarde. La nuit assombrissait le ciel et les premières étoiles pointaient déjà quand ils finirent par s'arrêter pour dormir. Pour une raison que Link ignorait, Nubia semblait se méfier de cet endroit et elle jetait des regards défiants aux alentours.
"Je reviens, déclara-t-elle. Je vais aller chercher du bois pour faire du feu."
Elle s'éloigna à travers les épais troncs et disparut dans la pénombre. Le Kokiri s'assit en l'attendant et observa sa fée voleter joyeusement en diffusant une lumière bleutée qui projetait son ombre par terre. Il repensa aux dernières paroles de Kurrecx.
"Si tu es vraiment ma réincarnation, nous nous retrouverons ! Toi et moi sommes identiques après tout !"
Qu'avait-il donc voulu dire par là ? L'autre chose qui occupait son esprit était sa mise en garde.
"Ça ne va pas Link ? lui demanda Navi.
- Oh... Non c'est juste que... répondit-il pensivement. Si on y regarde de plus près, Nubia et Kurrecx n'apprécient pas les Déesses. Pourtant, Kurrecx est en quelque sorte leur fils, et Nubia m'a dit qu'après avoir renoué avec l'esprit de Farore qui vit en elle, elle était devenue plus sereine. Cependant, elle semble la détester. Ce sont des sentiments plutôt contradictoires non ?
- Visiblement, Kurrecx a l'air de savoir beaucoup de choses sur le Monde des Dieux et il a sûrement dû prendre conscience de quelque chose de très grave et c'est pour ça qu'il se méfie de ses mères. Quant à Nubia, je pense que c'est plutôt le fait qu'elle ait retrouvé des souvenirs qui lui avaient été enlevés qui l'a apaisé. Et au contraire, elle doit en vouloir à Farore pour lui avoir justement enlevé son passé et lui avoir fait endurer cette douleur.
- C'est vrai que vu comme ça...
- Et en ce qui concerne la recommandation de Kurrecx ? Tu comptes faire quoi ?
- ... Ce sont les Déesses qui m'ont donné pour destin de sauver leurs mondes. Je me dois de leur obéir et de sauver Hyrule. Après ça, je pourrai enfin retourner dans la Forêt Kokiri et mener une vie tranquille. Et puis cette fois, je ne te laisserai pas t'éclipser ! Tu resteras avec moi, d'accord ?
- Hum, hum..." toussota une voix grave qui les fit sursauter tous les deux.
Link se retourna en sortant son épée pour faire face à l'intrus, mais il n'en vit aucun. Pas du premier coup d'oeil en tout cas, car après un examen poussé des environs, il se rendit compte qu'un homme vêtu tout de noir l'observait perché sur la branche de l'arbre le plus proche. Son visage était caché par un long foulard et finalement, la seule partie de son corps visible était ses yeux. Il sauta à terre et s'inclina avant de se relever.
"Je vous prie d'excuser mon impertinence en interrompant votre conversation, sollicita l'homme. Seriez-vous par hasard celui connu sous le nom de Link d'Hyrule ? Le voyageur exterminateur des monstres de la Forêt du nord, des Monts Filunes et de la Cascade de la Lune Bleue ?"
Le Kokiri opina du chef avec une expression perplexe.
"Cela faisait bien longtemps que nous attendions votre venue. Ce n'est pas la peine de sortir votre arme, je ne suis qu'un modeste éclaireur envoyé par mon chef afin de vous remettre ceci, continua-t-il en lui tendant une enveloppe de papier. Tout vous sera expliqué à l'intérieur. Mon chef vous prie de la lire attentivement et d'accepter sa requête. Maintenant, je dois vous quitter. Si vous acceptez, continuez plus loin sur le sentier et au carrefour, prenez le chemin qui descend vers la vallée."
Et sans que Link ait eu le temps de dire autre chose, l'homme avait sauté sur sa branche et avait disparu dans l'obscurité. Le jeune garçon considéra l'enveloppe, l'ouvrit et déplia la feuille de parchemin qui s'y trouvait.
"Cher étranger, lut-il à voix haute pour que Navi l'entende, mon nom est Nox. Je suis le chef de la puissante tribu de Calligo. Vous ne savez probablement pas qui nous sommes, mais nous, nous avons entendu parler de vous et de vos exploits. Vous venez de loin et vous avez fait un long voyage pour en arriver à notre modeste territoire, mais malgré votre probable lassitude, j'en appelle à votre aide pour régler un problème de la plus haute importance. Mais tout d'abord, laissez-moi vous exposer la situation.
Vous vous trouvez actuellement sur les flancs de la Montagne Animis dont le territoire est disputé par deux tribus rivales : Nous, les Calligos, vivant dans la vallée des Ombres, et une tribu de guerrières nommée tribu Ki, vivant sur les flancs même de la Montagne. Depuis la nuit des temps l'hostilité qui nous oppose n'a fait que croître, et aujourd'hui, la guerre est ouvertement déclarée.
Connaissant vos talents de combattant, et vous sachant de passage sur notre territoire, j'ai eu dans l'idée de vous faire parvenir cette invitation afin de vous demander votre aide pour que vous puissiez appuyer nos stratégies par votre expérience du combat. Vos conseils nous seraient d'une aide plus que précieuse pour remporter cette guerre, et, bien entendu, vous serez grassement récompensé pour vos services.
Je vous prie de bien considérer cette proposition et tous les avantages qu'elle peut vous apporter. L'éclaireur vous indiquera la route.
Mes salutations les plus respectueuses."
Il s'arrêta et réfléchit à ce qu'il venait de lire. On lui proposait de prendre part à une guerre de gangs qui avait mal tourné et ce le plus naturellement du monde. Un craquement lui annonça que Nubia était de retour. Elle ne portait pas de bois, mais une petite boule de lumière qui brillait dans sa main. L'air soucieux, elle jeta un regard interrogateur à la feuille de papier. Il lui raconta ce qu'il y était écrit et attendit sa réaction.
"Je vois... finit-elle par dire. Alors toi aussi ?
- Comment ça moi aussi ?
- J'ai aussi reçu une invitation, mais de la part de la tribu Ki. D'aussi loin que je me souvienne, ces deux clans se sont toujours détestés, parce que les Calligos sont exclusivement des hommes, et inversement, les Ki ne sont que des femmes. Alors évidemment, entre machos et féministes, ça ne peut pas être le grand amour. Mais là, ça devient du sérieux et puis...
- Et puis ?
- Mince ! s'exclama-t-elle. J'ai oublié le bois ! J'avais fait un petit tas quand cette éclaireuse est arrivée et puis je l'ai oublié là-bas ! Je reviens dans un instant ! Tu viens Navi ? Je ne suis pas sûre de pouvoir m'y retrouver sans lumière !
- ... J'arrive..."
Elles s'éloignèrent toutes les deux, laissant Link seul dans le noir. Il n'en avait pas spécialement peur, mais il avait juste un pressentiment comme si quelque chose d'important se passait, et qu'il en était tenu à l'écart.
Pendant ce temps, Nubia montra à la fée le message laissé par Leporis, la chef des Ki. Le message était en fait contenu dans la boule de lumière et un hologramme en était projeté représentant la jeune femme.
"Je suis pratiquement sûre que c'est un piège, annonça-t-elle en rangeant la boule après l'avoir visionnée une nouvelle fois. Quelqu'un essaye de nous diviser Link et moi en espérant que ce sera plus facile de nous avoir un par un. Et ce quelqu'un ne peut être que Pago. Elle se sert de ces deux tribus et de leur rivalité pour nous séparer.
- Que proposes-tu de faire alors ?
- Ce que je propose... Et bien..."

Les deux enfants se levèrent avec le soleil ce matin-là. Ils partirent rapidement et ne tardèrent pas à arriver au fameux carrefour. Le sentier de gauche descendait dans la vallée, tandis que celui de droite montait vers le sommet de la montagne. Un troisième sentier continuait tout droit.
"Alors ? Que fait-on ? demanda Link.
- Comment ça qu'est-ce qu'on fait ? s'écria Nubia avec force. Tu crois vraiment que j'ai envie d'aller chez ces machos de Calligos ? Désolée, mais c'est non !
- Dans ce cas on va chez les Ki alors ? proposa-t-il un peu étonné par la vivacité de son refus.
- Ha ha ! ricana-t-elle. Oui, moi je vais y aller, mais toi... Tu peux venir si tu veux, continua-t-elle avec une lueur de cruauté pointant dans son regard, mais je ne te garantis pas qu'elles te laisseront en vie. Elles ont horreur des garçons. Et moi aussi tu commences sérieusement à me gaver ! Je me demande même si je ne vais pas leur épargner cette peine en m'occupant moi-même de toi !"
Elle tendit les bras en avant et dans un rayon de lumière, son bâton apparut. Elle pointa la lame vers Link avec un sourire glacial.
"Qu'est-ce qui te prend ? s'étonna le jeune garçon.
- Il me prend que ta présence à mes côtés me tape sur les nerfs. J'en ai marre d'avoir un sale parasite comme toi dans mon espace vital !
- Dis donc, tu lui parles sur un autre ton ! s'interposa Navi.
- Navi, tu devrais mieux choisir ton camp, enfin... Mais ça faisait longtemps que j'en avais envie... de me battre contre toi, Link ! Alors si tu ne veux pas mourir maintenant, tu as intérêt à savoir te défendre !
- Arrête Nubia ! Qu'est-ce que tu as ? Tu es devenue folle ou quoi ? cria le Kokiri en dégainant son épée.
Pendant le bref combat qui s'ensuivit, la fillette fut de loin la plus offensive, le jeune garçon se contentant de se défendre et d'esquiver. Même si elle perdait l'esprit, elle n'en restait pas moins son amie, il ne pouvait se résoudre à lui faire du mal. Mais il n'eut pas à envisager ce cas, car les fourrés bougèrent et deux individus firent leur apparition.
Sur le sentier allant vers la vallée, un homme aux cheveux noirs accrochés en une queue de cheval et dont de longues mèches lui cachaient une partie du visage, apparut. Il était vêtu de manière très ancienne, et deux katanas pendaient de chaque côté de son corps. Sur le sentier allant vers le sommet, une jeune femme aux longs cheveux noirs tressés dans son dos lui faisait face. Son kimono blanc et rouge indiquait qu'elle était probablement une prêtresse. Ils se dévisageaient hostilement sans mot dire.
"Leporis, salua froidement l'homme.
- Nox, répondit la femme sur le même ton. Vous devez être Nubia, la voleuse d'âmes de passage dans ces contrées, continua-t-elle à l'adresse de la fillette. Il est inutile d'affronter ce garçon. Nous avons passé un accord de non-agression pour le moment. Cessez ce combat.
- C'est comme vous voulez ! répondit l'intéressée en haussant les épaules.
- Bien, dans ce cas, je vais pouvoir vous accompagner jusqu'à notre village. Demain à midi, nous reprendrons les hostilités. Est-ce que cela convient ?
- C'est absolument parfait, répondit Nox. Quant à vous, j'ose espérer que vous avez décidé de vous rallier à notre cause.
- C'est-à-dire que...
- Bien sûr que oui ! répondit à sa place Navi. Non mais vous avez vu pour qui elle se prend celle-là ? Nubia, je te préviens ! Tu vas regretter de nous avoir défiés !
- J'attends de voir, répondit-elle avec un clin d'oeil arrogant. Allons, bon... T'ciao les nazes !"
La dénommée Leporis repartit vers la montagne, suivie de Nubia qui regarda une dernière fois la fée avec un drôle d'air, alors que Link s'éloignait avec Nox.
La fillette s'étira et bailla.
"Parfait... pensa-t-elle. Tout est absolument parfait..."

La ville Ki était une grande bourgade qui devait être aussi grande que l'actuel Bourg d'Hyrule. Et toutes ses rues n'étaient parcourues que par des femmes. La plupart portaient des vêtements de soldate et affichaient des mines résolues et déterminées. Elles étaient plus que jamais remontées pour une guerre imminente.
Nubia était déjà venue ici jadis, mais alors, l'atmosphère était bien plus légère et chaleureuse. Elle suivit son guide jusqu'au temple de la ville d'où elle fit sortir toutes les autres prêtresses pour se retrouver seule avec son invitée.
La grande salle principale n'était meublée que par un magnifique autel ainsi qu'une statue représentant une jeune femme habillée elle aussi en prêtresse et dont le front était orné du symbole de la Triforce.
"Vous jouez admirablement bien la comédie, déclara Leporis après s'être agenouillée sur un tapis de prière. Même votre compagnon est tombé dans le panneau. Mais cela fait longtemps que je vous observais sur les flancs de la montagne. Si vous avez agi comme cela, c'est parce que vous saviez que nous vous observions, Nox et moi. Vous vouliez endormir nos méfiances, n'est-ce pas ?
- J'arrive pas à croire que je sois déjà grillée ! s'exclama Nubia en exagérant. En fait, j'avais remarqué vos propres espions depuis notre arrivée sur la montagne, mais ce n'est pas vous que j'essayais de tromper, rassurez-vous.
- Pourquoi avez-vous abusé ce jeune garçon ?
- Vous m'avez demandé de vous aider à gagner cette guerre, non ? Et le proverbe dit : Si tu veux tromper ton ennemi, trompe d'abord tes amis. Et puis... Vous, vous ne détestez pas vraiment les Calligos. Ou en tout cas, pas Nox.
- Mais que... sursauta la prêtresse. Bien sûr que je le déteste !
- Vraiment ? Pourtant tout à l'heure, quand vous vous observiez, seuls vos regards étaient hostiles. Vous ne dégagiez aucune aura qui allait dans ce sens. Au contraire même...
- ... C'est vrai... Nox est en réalité mon frère... murmura Leporis en baissant les yeux. Lui et moi avons été abandonnés sur la ligne de la frontière séparant les territoires Ki et Calligos. C'est comme ça que nous avons été élevés dans des tribus rivales qui se détestent et que nous avons dû être séparés. Ni l'un ni l'autre ne voulons de cette guerre, mais il le faut... Vous n'ignorez sans doute rien de l'histoire de nos tribus. Après tout, vous aussi êtes une voleuse d'âmes qui avez vécu pendant des siècles et des siècles. Nous sommes une tribu vivant sous la Protection de la Grande Déesse Din dont le représentant n'est autre que le Druide immortel Zen. Les Calligos eux, se disent sous la protection de la Déesse Nayru, représentée sur Caela par la Druidesse Ren.
- Quelle ironie du sort... remarqua ironiquement Nubia sans s'empêcher pourtant de froncer des sourcils. Une tribu de femmes guidée spirituellement par un homme et une tribu d'hommes guidée par une femme.
- A qui le dites-vous... Or, voilà qu'il y a un peu plus d'un mois maintenant, Maître Zen s'est absenté pour se rendre au château du roi Pago, et quand il est revenu, il était... Comment dire... différent. Lui qui d'ordinaire prônait la non-violence nous a ordonné de multiplier les missions de reconnaissance et les raids. Dans le même temps, les Calligos sont devenus eux aussi plus violents. J'ai réussi à rencontrer mon frère en secret, et il m'a indiqué que c'était cette Ren qui en était la cause. Et pour finir, comme vous l'avez deviné tout à l'heure, nous vous avions en effet remarqué depuis votre premier pas sur les flancs de la montagne, et quand nous avons parlé de vous à Maître Zen, il a immédiatement donné l'ordre de vous faire venir ici seule. Du côté des Calligos, Nox m'a raconté que Ren a, elle, fait demander le jeune garçon qui vous accompagnait.
- Je vois... Excusez-moi, mais où pourrais-je voir Zen ?
- Il est probablement sur le toit du temple pour sa méditation quotidienne."

"C'est à croire qu'elle est schizophrène ! s'exclama Link en frappant du poing le mur de la chambre où on l'avait installé.
- Je suis parfaitement d'accord avec toi ! approuva Navi. Elle ne tourne vraiment pas rond cette fille.
- Je ne dirais pas cela si j'étais vous... fit Nox en entrant avec un plateau-repas. Mais mon avis ne compte pas. D'ailleurs, je ne suis pas venu parler du comportement de vos fréquentations, mais vous informer des troubles qui règnent ici."
Et il lui exposa rapidement et objectivement la situation.
"Et donc notre guide, Ren, désirerait vous rencontrer afin que vous nous éclairiez de vos conseils. Vous vous rendrez au temple dédié à Nayru, où elle vous attend, dès que vous aurez fini votre repas."
Il sortit, laissant seuls Link et Navi. Cette dernière repensa à ce que lui avait dit Nubia la veille au soir.
"Je crois que j'ai compris pourquoi Pago fait tout ça, avait déclaré la fillette. En fait, ce n'est pas elle que nous avons vue la dernière fois, mais Ganondorf lui-même.
- Quoi ?! s'était affolée la fée. Tu te rends compte de ce que tu dis ? Comment ça pourrait être possible ?! Et puis d'ailleurs, que faisait-il à Caela alors qu'il était sensé être enfermé dans le sceau des Sages ?
- Il faut que je t'explique une chose sur ce qu'on appelle la réincarnation, avait répondu la gamine. On peut dire qu'il en existe deux types. Les réincarnations totales, et les réincarnations partielles. Une réincarnation totale se fait quand une personne morte, obtient le droit, après son jugement au royaume céleste, de se réincarner. Mais ça, tu le sais déjà. Les réincarnations partielles, quant à elles, se font dans les cas exceptionnels. Ce sont ceux dont on dit qu'ils sont nés de l'esprit des déesses. Je ne tiens pas à en parler à Link, il ne comprendrait pas... Pas pour le moment. Ceux qui naissent de l'esprit des déesses sont voués à se réincarner en laissant après leur mort, une partie de leur ancienne vie, et par conséquent, une partie de leur âme. Ils se réincarnent, mais une partie de leur esprit défunt reste sur Terre en tant qu'âme errante.
- C'est pour cela que l'âme de Kurrecx se trouvait dans la vallée des Trépassés ?
- Attention, il ne faut pas confondre âme errante et âme damnée. Ce sont deux choses totalement différentes. Mais revenons au sujet. Ganondorf, tout comme mon maître, ou tout comme Link et moi, est un être issu de l'esprit des Déesses. Ainsi, en l'enfermant dans le sceau des Sages, c'est la partie de lui qui est Ganondorf qui a été enfermée, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il est l'Ange du Malin. Et c'est en tant que tel qu'il s'est réincarné à Termina dans le masque maléfique de Majora. Et quand Link en a eu fini avec Majora, il s'est encore réincarné. Ce qui est étonnant, c'est qu'il ait gardé ses souvenirs en se réincarnant, et il nous a fait croire qu'il était Ganondorf, probablement pour justifier son attaque sur la personne des Sages d'Hyrule. Ensuite, il nous a aussi fait croire que Pago avait pris le dessus sur lui pour endormir notre méfiance... Il est rusé. Je m'en suis rendue compte trop tard. Il pense que nous allons nous séparer et accepter les deux invitations à la fois pour tenter de calmer l'hostilité. Je suppose que près de chaque tribu, se trouve l'un de ses monstres, et il espère probablement que divisés, nous serons plus vulnérables. Mais j'ai un atout : Dans chaque tribu, j'ai un excellent ami qui pourra nous apporter une précieuse aide. Alors, moi, je vais aller chez les Ki pour parler à cet ami, quant à toi et Link, vous irez chez les Calligos. Là, tu chercheras une fille du nom de Ren. Dis-lui que tu viens de ma part, et explique-lui la situation. Et surtout, tu n'en parles pas à Link.
- Pourquoi ? avait demandé Navi.
- Pour la simple et bonne raison, qu'il faut lui faire croire que son plan a marché. Et pour cela, il faut que ce soit le plus réaliste possible. Je pense qu'il y a probablement des espions à sa solde dans chaque tribu et si Link était au courant de tout ça, je suis persuadée, niais comme il est, qu'il finira par dire quelque chose qui fera tout tomber à l'eau. On va apprendre à cet ange dégénéré qu'il ne faut jamais nous sous-estimer.
- Très bien !"
Et elles étaient reparties avec le bois vers l'endroit où se trouvait Link. Mais elles ne s'étaient pas doutées que dans la profondeur de la nuit, une furtive ombre les avait épiées. Après leur départ, l'intrus s'éclipsa discrètement, et l'Ange du Malin sourit intérieurement dans son palais.
Il avait fait un très bon choix en s'appropriant ce nouvel espion. Il était très discret, et il avait l'avantage de pouvoir lui transmettre ce qu'il voyait ou entendait directement par la pensée.
"Ma chère Farore, déclama-t-il à voix haute et sa voix résonna dans la grande salle vide, voilà bien longtemps que j'ai dépassé la phase de sous-estimation de l'ennemi. Par contre, toi tu t'es totalement embourbée dedans. C'est ce qui fait que cette fois-ci, j'ai une bonne longueur d'avance sur toi. Je sais pertinemment que ces deux bons à rien ne tiendront pas longtemps contre toi et l'Unificateur, mais ce n'est pas ce que je veux. Au contraire, j'espère bien que vous les tuerez ! Et le summum serait que tu t'en charges personnellement ! Ainsi donc, pour tromper ton ennemi, tu trompes d'abord tes amis ? Ah ah ! Je vais t'apprendre un nouveau proverbe ! Pour tuer le général, vise son cheval !"

Chapitre 14 : La vengeance du Démon   up

Un vent vif fouetta le visage de Nubia quand elle arriva sur le toit du temple. Elle regarda aux alentours pour découvrir un jeune garçon à peine plus jeune qu'elle aux courts cheveux mauves encadrant un visage angélique. Il portait une sorte de serre-tête, une cape en très piteux état et un unique gant au bras gauche. Assis en tailleur, il semblait très concentré sur sa méditation, et, ses yeux étant fermés, il ne sembla pas s'apercevoir de la présence de la fillette. C'est du moins ce qu'elle pensait, mais dès qu'elle fit un pas dans sa direction, il rouvrit ses yeux bleus et la fixa d'un regard sans expression. Il ferma les yeux et son corps fut parcouru d'un frisson. Il se leva en titubant et tendit faiblement la main vers la fillette.
"Nu... Nubia... appela-t-il avec un pâle sourire. Je serai capable de reconnaître ton âme même après 400 ans... Je..."
Il chancela.
"Zen ! Qu'est-ce qui se passe !" s'exclama Nubia en venant le soutenir.
Son visage avait pris une teinte cireuse et il était couvert de sueurs froides.
"Je savais... que tu viendrais... Aide-moi... je...
- Que je t'aide à quoi ? Explique-toi !"
Mais son regard était de nouveau vide.

"Vous pouvez entrer, elle vous attend," annonça le Calligos qui gardait l'entrée du temple.
Link le remercia et entra dans ce qui était la cour intérieure du lieu sacré dédié à Nayru. Un bassin où nageaient bruyamment de gros poissons en occupait la plus grande partie. Quelques pierres dépassaient à peine de la surface, et, assise sur l'une d'elles, une petite fille occupée à pêcher leur tournait le dos. Des cheveux blonds dont les pointes étaient teintes en rouge dépassaient d'un bandana, pour arriver à la hauteur de ses yeux qu'elle avait vert émeraude. Ses gants et ses chaussures étaient d'une taille démesurée.
En les entendant arriver, elle se retourna et se leva, sans lâcher sa canne.
"Salut !!! s'écria-t-elle en sautant de pierre en pierre pour venir à leur rencontre. Te voilà enfin ! Ça fait un petit moment que j'attendais que tu passes par ici ! Je me présente, je suis Ren, je suis l'immortelle chargée de guider spirituellement les Calligos sur la Voie des Déesses. Link, le chasseur de monstres... C'est le nom qu'ils t'ont donné ici, mais je ne t'ai pas fait venir pour un monstre. Enfin, je parle, je parle, mais ce sera mieux si je te montre, viens !"
Elle sauta d'une pierre sur l'autre et entra dans le bâtiment au fond de la cour en faisant signe à Link de la suivre, ce qu'il fit. A l'intérieur, mis à part la grande statue représentant une jeune femme dont le front était marqué de la Triforce et quelques tapis de prières, il n'y avait qu'un autel, sur lequel était dépliée une grande carte de la région.
"Au fait, Nubia n'est pas avec toi ? demanda soudain Ren.
- Elle a préféré aller chez les Ki, répondit Navi.
- Oh... soupira la fillette. Tant pis pour elle alors ! Elle ne connaît pas encore mes talents de stratège ! Je suppose que Nox a dû te mettre au courant de la situation. J'ai besoin de ton aide pour m'aider à gérer les prochaines batailles qui nous opposeront aux Ki.
- Tu es réellement sûre de vouloir une guerre ? C'est peut-être encore possible de l'éviter non ?"
Elle le regarda droit dans les yeux, et il vit avec étonnement, les pupilles de la gamine se rétrécir pour n'être plus que deux fentes. Elle eut un petit rire sauvage et se retourna.
"Oh non... foi de Ren, personne n'évitera rien du tout. Cette guerre aura lieu !"

Zen se réveilla enfin. Nubia avait fait attention à ce qu'on l'installe dans une chambre du temple et l'avait veillé jusqu'à son réveil. Elle ne le trouvait pas normal depuis qu'elle l'avait vu, et une très mauvaise intuition lui disait que c'était très probablement grave. Elle se sentait très mal à l'aise en sa présence, et quand elle rencontra son regard, elle découvrit pourquoi. Il avait les pupilles anormalement fines. Le jeune garçon aux cheveux mauves se mit sur son séant en arborant une expression joyeuse.
"Nubia ! Ça va ? Je suis vraiment désolé pour tout à l'heure, je ne sais pas ce qui m'a pris, je n'ai rien dit de stupide au moins ? débita-t-il gaiement.
- ... Imbécile, tu crois vraiment que je serais capable de me faire du mauvais sang pour toi ? fit-elle en lui balançant un oreiller à la tête. Au contraire, je serais heureuse quand tu te décideras enfin à crever !"
Les pupilles se dilatèrent légèrement, témoignant à Nubia qu'elle avait probablement bien fait de faire comme si elle ne s'était aperçue de rien. Zen se leva et l'entraîna dans une salle juxtaposée où une carte était dépliée sur la table.
"Je n'aime pas trop ce qui se passe en ce moment, crois-le, se justifia le gamin. Mais je n'ai pas vraiment le choix, ce sont les Calligos qui m'obligent à prendre les dispositions que j'ai prises. Leporis t'a expliqué la situation, je crois ? Idéalement, j'aimerais que cette guerre fasse le moins de victimes possible. Je voudrais organiser une réunion diplomatique pour tenter de s'expliquer avec l'autre tribu. Qu'en penses-tu ?
- Pourquoi faire ça ?
- Hein ?
- Je te disais que c'est inutile, si les Calligos veulent la guerre, alors il faut la leur donner. Mais il faut s'assurer de pouvoir la remporter sans faire la moindre victime si c'est ce que tu veux, et dans ce cas, il faut la remporter vite en prenant le dessus dès le début de l'affrontement.
- Oui, mais les Calligos ont Ren avec eux, et c'est une sacré stratège ! se plaignit-il.
- Moi, je préfère la tactique à la stratégie. C'est plus efficace sur le terrain (Amis lecteurs, tous à vos dicos pour vérifier le sens de tactique et stratégie !). Si tu me laisses commander les troupes, je m'arrangerais pour que tout se passe avec le minimum de heurts."
Au lieu de répondre à cette proposition par son enthousiasme, Zen baissa la tête et ricana.
"Tiens donc ? fit-il en posant ses yeux sur elle. Je serais curieux de savoir comment tu comptes t'y prendre pour mener une guerre sans faire de victimes !"
Ses pupilles étaient presque invisibles tellement elles étaient fines. Son sourire cruel ne déstabilisa pourtant pas Nubia. Elle avait déjà compris depuis longtemps que quelque chose clochait.
"Tu n'es pas surprise ? demanda-t-il. Il est inutile que je continue plus longtemps à me cacher, alors. J'ai ouï dire que tu avais compris qui j'étais réellement. Etant donné que je n'ai pas réellement de nom, tu peux toujours m'appeler par l'un de mes anciens noms : Ganondorf suffira pour le moment.
- Je m'en doutais... siffla-t-elle. Qu'est-ce que tu as fait à Zen et à Ren ?
- Je n'ai fait que prendre possession d'eux, corps et âmes. Le moyen que j'ai utilisé, je te le révélerai si tu parviens à faire cela : minimiser les pertes au maximum et remporter cette guerre. Si tu y parviens réellement, je consentirai même à quitter leur corps. Alors fixons la prochaine bataille à dans une semaine, qu'en dis-tu ?
- J'en dis que dans une semaine, la paix reviendra sur cette montagne.
- Voilà qui est parfait, je te cède donc les pleins pouvoirs dans la tribu Ki. En attendant, je n'ai plus besoin de contrôler celui-là."
Zen ferma les yeux et il tomba une nouvelle fois dans le coma.

Quelques jours auparavant, dans la plaine de Termina.
Shin posa un regard satisfait sur les quatre personnes se trouvant en face d'elle et se mit à tripoter inconsciemment son lance-pierres : le roi Mojo, le vieux chef des Gorons, la nouvelle capitaine des Pirates, et le responsable du groupe Zora les Indi-gos. Derrière eux, un rassemblement de soldats et autres gardes du corps des quatre peuples attendaient bruyamment la raison de leur venue ici. Des regards méfiants se jetaient de toutes parts, mais la voleuse d'âmes n'y fit aucune attention. Elle avait de quoi les calmer pour le temps de son absence. Elle se décida à prendre la parole et se leva pour imposer le silence.
"Mes amis, dit-elle. Vous devez probablement vous demander pourquoi je vous ai réunis ici aujourd'hui. Si je l'ai fait, c'est parce que pour régler au plus vite le conflit qui vous guette tous, j'ai décidé de m'absenter pour arrêter le fautif. Malheureusement, il me faut d'abord l'assurance que vous ne lancerez aucun raid armé les uns contre les autres, et pour cela, je n'ai qu'une solution. Il me fallait absolument que vous soyez tous réunis ici afin que vous soyez tous sur un pied d'égalité. Donc, je poserai tout d'abord une question. Quels sont ceux parmi vous qui voulez à tout prix que je leur ramène leurs proches."
Tous sans exception levèrent la main. Elle sourit et prit son lance-pierres.
"Dans ce cas, nous sommes tous d'accords..."
Et elle tira 4 conteneurs sur les quatre représentants des différents peuples. A peine touchées, un vent enveloppa les cibles et les conteneurs se remplirent avant de retourner rapidement dans les mains de Shin qui poursuivit son discours.
"Voilà, si vous me promettez de passer une trêve le temps de mon absence, tout le monde obtiendra ce qu'il voudra. Mais pour plus de sécurité, je prends ces quatre-là avec moi.
- C'est du chantage ! protesta un Goron.
- Peut-être bien que oui, mais je n'ai pas vraiment le choix. Maintenant, rentrez chez vous et je ne veux plus entendre parler de vous avant mon retour !"
La foule, après un brouhaha de protestation, se dispersa. La jeune femme regarda les quatre boules brillantes et retourna chez elle pour commencer les préparatifs de son départ.

Une semaine s'écoulait tellement vite. Nubia avait à peine eu le temps de s'assurer que les troupes étaient prêtes et de mettre un stratagème au point. Elle avait reçu une visite secrète de Navi qui lui avait fait part de l'étrange comportement de la druidesse Ren.
"Ils sont possédés, expliqua la voleuse d'âmes. Tout ce qu'on peut faire, c'est relever le défi et espérer que "Ganondorf" n'ait qu'une parole. Ce dont je doute foncièrement. De toute façon on n'a pas le choix, il faut régler cette histoire une bonne fois pour toutes. Je dois absolument sauver Zen et Ren.
- Oui, je comprends, ce sont de très vieux amis pour toi... déclara la fée.
- Au fait, se rappela Nubia. Je ne suis pas certaine que Link en réchappe cette fois. Les guerres sont cruelles, et un accident arrive très vite. Alors, si jamais il lui arrivait malheur dans une semaine... Je pense que tu devrais lui dire la vérité.
- Mais si je fais ça, c'est moi qui oublierai ! protesta Navi.
- Et alors ? Toi, tu es morte depuis longtemps et tu as commencé une nouvelle vie en tant que fée. Lui par contre, il a toute son existence encore, et il a besoin de pouvoir s'identifier à quelqu'un. Que toi tu oublies finalement, ce n'est pas ça qui est grave. Ce qui l'est, c'est que lui ne le sache pas.
- ... J'y réfléchirai..."

Et aujourd'hui, par ce froid matin, alors que le soleil commençait tout juste à pointer ses pâles rayons sur le plateau où se déroulerait la bataille, les deux armées se faisaient face. Chacune dressant fièrement son étendard. La tacticienne Ki ne perdait pas de vue son objectif. Gagner le plus rapidement possible, en minimisant les victimes des deux côtés. Et pour y arriver, il n'y avait qu'un moyen : réussir à prendre en otage Ren et Nox. Seule Leporis avait été dans la confidence de cette action, et était prête à l'aider à convaincre son frère. Malheureusement, la garde était très rapprochée et Link était de l'autre côté. Donc, cela signifiait qu'elle aurait très probablement à l'affronter pour mener cette opération à bien. D'un côté, elle savait qu'elle n'avait pas le temps de mener un combat inutile puisqu'il lui suffirait de lui expliquer sommairement ses intentions pour qu'il coopère, mais d'un autre point de vue... Elle se mordit le pouce avec un petit sourire. Elle avait très envie de se battre contre lui pour une fois. Juste histoire de voir si elle était capable de le battre... Elle ne le tuerait pas bien sûr, mais...
Un cor sonna le début de la bataille. Les deux armées foncèrent l'une sur l'autre avec la même précipitation, la même hargne, la même haine. Nubia se faufila rapidement entre les Calligos évitant au maximum leurs armes, ne se servant de la sienne qu'en dernier recours, et se contentant de blesser. Absorbée comme elle l'était, elle ne remarqua pas la présence dans le ciel d'une silhouette peu commune. Ceux qui y auraient fait attention, auraient alors aperçu un jeune homme d'environ dix-huit ans, suspendu à la patte d'une grue blanche à l'allure suspecte et plutôt saugrenue. Le jeune homme regardait la scène qui se déroulait plusieurs dizaines de mètres sous ses pieds avec gravité.
"Jeune Maître, dit la grue sur un ton plaintif. Je suis fatiguée de survoler le pays de la Déesse Din ! Si nous rentrions ?
- Désolé Grue-Blanche, mais tu m'as promis que tu m'accompagnerais en l'échange de trois pêches magiques du royaume Céleste, répliqua le jeune homme. Et puis, c'est Mademoiselle Talula qui veut que nous nous assurions que tout va bien pour Nubia et Kurrecx.
- Je le sais bien, mais..."
La grue ne termina pas sa phrase et se contenta de se déplacer un peu au-dessus de la boucherie.

Pendant ce temps-là, la bataille faisait rage. Link faisait de son mieux pour ne tuer personne, mais il n'était pas habitué à ce genre de conflits. D'habitude, on ne lui demandait qu'une chose, se battre contre des monstres. Il les tuait et tout allait bien, mais... contre des humains comme lui... il ne pouvait même pas envisager de les blesser. Il se contentait de se défendre grâce à son bouclier et de défendre Ren au besoin comme elle le lui avait demandé quelques heures avant que la bataille ne commence. Elle n'était pas beaucoup plus jeune que lui, mais elle ne savait pas se battre, et en tant que stratège, elle avait absolument tenu à être présente sur le terrain aux côtés des troupes.
Il jeta un bref coup d'oeil aux alentours pour constater que tous n'avaient pas sa conscience et qu'au contraire, ils s'étripaient "dans la joie et la bonne humeur". Mais chacun défendait très chèrement sa vie, faisant ainsi plus de blessés plus ou moins graves que de morts. Mais pour combien de temps encore ?
Il s'arrêta là dans sa réflexion pour bloquer une lame qu'il connaissait : C'était celle de la lance de Nubia. Et effectivement, en baissant son bouclier, il vit que c'était bel et bien son amie qui l'avait attaquée.
"Pas mal les réflexes ! le gratifia-t-elle en souriant.
- Nubia, il faut arrêter ça ! s'exclama-t-il.
- Je suis parfaitement d'accord avec toi ! répondit-elle sans cesser de sourire. J'ai même un excellent plan pour ça, mais tu es un obstacle à sa réussite !
- Mais qu'est-ce qui te prend depuis la dernière fois ! Tu ne cherches que la bagarre ! Je suis sérieux, c'est un vrai massacre qui se déroule ! On verra après pour tes changements de caractère totalement aberrants !
- Oh non, Link ! Au contraire ! C'est même le moment idéal pour ça ! Regarde autour de toi, pourquoi ne pas prendre part aux réjouissances ?
- Tu es devenue cinglée ma parole !
- Je n'ai jamais prétendu être saine d'esprit ! Allons Link, nous sommes embarqués dans une guerre, et nous sommes à présents ennemis ! Alors... bats-toi !"
Elle l'attaqua à nouveau avec sa lance, et il para à nouveau le coup avec son bouclier. Elle se mit alors à enchaîner les coups qu'il continuait à contenir de plus en plus difficilement. Il faiblissait alors qu'elle, redoublait d'ardeur à chaque coup. Il fallait qu'il fasse quelque chose. Il fit un pas de côté et passa lui aussi à l'offensive. Surprise par ce changement d'attitude, elle eut à peine le temps de caler la lame qui lui entailla assez profondément l'épaule. Elle grimaça sous l'effet de la douleur. Quant à Link, il regarda son épée tachée par le sang de celle qu'il considérait pourtant comme son amie. Comment en était-il arrivé là ? Lui qui faisait tout pour éviter de blesser quiconque parmi tous ces étrangers dont il ne connaissait pas le huitième et qui s'entre-tuaient à côté de lui, voilà qu'il n'avait pas hésité, ou à peine, à attaquer une amie. Finalement il ne valait probablement pas mieux que tous ces fous autour de lui.
"Ce n'est pas le moment de rêver !" intervint Nubia en se relançant à l'attaque.
Cette fois-ci, c'est elle qui le surprit et il se retrouva désarmé après qu'elle eut balayé son épée Kokiri d'un coup de lance. Il bascula en arrière, et se retrouva assis par terre avec la lame de la gamine pointée sur sa gorge. Elle poussa un petit soupir désappointé.
"C'est tout ? Je m'attendais quand même à mieux de la part du pantin créé par les trois pouffiasses."
Il déglutit difficilement et serra le poing sur une poignée de terre qu'il jeta à la figure de Nubia. Le temps qu'elle se protège les yeux, il fit une roulade en arrière et récupéra son épée à deux pas de là pour la désarmer à son tour.
"Oh ! Quel joli combat ! applaudit quelqu'un. J'ai bien fait de venir, tu ne penses pas comme moi Zen ?
- Parfaitement Ren, répondit une autre voix. Il n'y a pas meilleur spectacle que celui de deux anciens amis en train de se déchirer.
- Tu te montres enfin... déclara Nubia en fermant les yeux et en hochant la tête. Monstre !"
Elle tourna la tête vers les deux enfants qui s'étaient approchés du lieu du duel et fit un pas vers eux, se désintéressant totalement de Link, comme si leur combat n'avait jamais eu lieu. Elle ramassa sa lance et les dévisagea gravement. Bien que Zen n'ait pas été là au début de la bataille, il était mystérieusement arrivé, et, comme son acolyte, ses pupilles étaient fendues en deux minuscules fentes à peine visibles tant elles étaient fines.
"Qu'est-ce qui se passe ? demanda le Kokiri. Je ne comprends plus rien !
- Mademoiselle Nubia, s'exclama Leporis en surgissant accompagnée de Nox. J'ai réussi à convaincre Frère de... Maître Zen ?
- Vous tombez bien tous les deux, déclara Nubia. Puisque nous sommes tous réunis, on va pouvoir commencer. Je vous présente Zen et Ren, continua-t-elle en désignant les deux autres enfants. Ce sont deux druides immortels placés respectivement sous la protection des Déesses Din et Nayru. Pago et Shin avaient décidé de les faire endosser le rôle de guides spirituels de vos tribus respectives afin que l'événement auquel nous assistons aujourd'hui n'ait pas lieu. Mais voilà, il a bien eu lieu, et ce pour la simple raison que ces deux druides sont possédés corps et âmes par, voyons... pour le moment, on l'appellera Pago. Donc, ils sont possédés par Pago, et je peux même vous dire par quel moyen ils ont été possédés.
- Vraiment ? fit Zen.
- Parfaitement ! Il a fait appel à toi ! Wangzhi ! Le démon renard à neuf queues qui prend possession du corps de personnes haut placées afin de conduire des peuples sur le chemin de la guerre ! Je t'avais déjà rencontré il y a trois mille ans (cf. : bientôt dans "The Lost Past" !). Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Bravo, je ne pensais pas que tu me démasquerais, mais je suppose que c'est ta chère Déesse Protectrice bien-aimée qui t'a rendu ta mémoire ! Mais si tu te souviens de moi, est-ce que tu te souviens aussi des circonstances de notre rencontre ?
- Bien sûr que..."
Elle laissa sa phrase en suspens en constatant qu'effectivement, elle ne souvenait absolument pas de ce qui s'était passé la seule et unique fois où elle s'était mesurée à cette Wangzhi. Quand elle y réfléchissait, elle voyait juste un nuage noir et opaque, et plus elle essayait de se concentrer sur ce qu'elle recherchait, et plus elle avait l'impression que ça lui échappait.
"On dirait que ta chère Protectrice a omis de te remettre certaines choses en mémoire ! ricana Ren. C'est véritablement dommage ! Ce devait probablement être ton seul souvenir heureux de toute ton existence !
- Tais-toi ! cria Nubia. Et arrête d'appeler cette garce comme ça ! Elle ne m'est ni chère, ni bien-aimée ! De toute façon, je me fiche pas mal de ce qui s'est passé ce jour-là, tout ce qui m'importe c'est le présent, alors libère Zen et Ren immédiatement !
- Sinon quoi ? Tu vas me tuer ?
- S'il y a bien une chose que je n'ai pas oublié à ton sujet, c'est qu'il suffit d'infliger une douleur suffisamment intense à ton corps d'emprunt pour que la faible liaison qui te maintient à lui se brise et que tu sois expulsé de l'enveloppe ! Ensuite, il ne me restera plus qu'à m'attaquer directement à toi, sale renarde !
- Et bien, essaye donc !" fit Zen de manière arrogante.
Nubia ne se fit pas prier et s'élança sur le jeune garçon pour lui saisir le bras qu'elle plia derrière son dos. Elle commença à le tordre de plus en plus, attendant une quelconque réaction, mais rien ne vint excepté un rire sadique.
"Tu aurais beau me casser le bras que ça ne me ferait rien ! déclara gaiement Wangzhi par la voix de Zen. Il y a trois mille ans, tu m'as battue de manière humiliante. Tu n'étais pas très forte, mais moi non plus. Alors, après ça, j'ai décidé qu'il me fallait prendre du repos, mais surtout qu'il me fallait de l'entraînement. Et pendant trois mille ans, j'ai mis au point cette toute nouvelle technique d'infiltration !"
Zen se dégagea d'un geste et déchira ses vêtements, laissant son torse nu. Une énorme toile de chair grouillante battait selon un rythme régulier sur sa poitrine. Ren, quant à elle, défit son bandana. Les mèches de cheveux qui en dépassaient tombèrent et tous purent voir qu'une même toile était collée à la peau de son crâne.
"Vois-tu ? C'est Pago qui a fait appel à mes services il n'y a pas si longtemps de ça afin que je l'aide à mener son plan à bien. Comme cela me permettait d'accomplir ma vengeance, tu comprends que j'ai immédiatement accepté ! Il m'a dit que grâce à cette toute nouvelle technique, je n'aurais rien à craindre de toi ! Et tu sais pourquoi ?"
Nubia secoua la tête. A la vérité, elle avait une petite idée, mais elle préférait se tromper. Elle aurait donné absolument tout pour pouvoir se tromper à ce moment-là.
"Parce que maintenant, si tu veux me tuer, tu n'as pas d'autre choix que de tuer mes hôtes..."
Zen et Ren partirent dans un immense éclat de rire.

Chapitre 15 : Substitution   up

Nubia sentit son coeur s'arrêter. Ses bras retombèrent le long de son corps et son bâton disparut. Les mots résonnèrent à ses oreilles comme un glas qui sonnait, sonnait et sonnait, lui martelant le cerveau dont elle avait l'impression qu'il était complètement desséché. Elle sentit l'air lui manquer et se mit à haleter bruyamment pour tenter de puiser plus d'air, mais à force de respirer ainsi, ou peut-être à cause du choc que provoquait en elle cette terrible déclaration, des petits points noirs vinrent consteller sa vision. Elle tomba à genoux et se tint la poitrine d'une main.
"Alors ? fit Ren. On a perdu toute combativité ?"
Elle appuya sa question d'un coup de pied dans les côtes de la jeune fille qui encaissa sans broncher. Link fit un pas vers elle pour venir la secourir, mais il fut arrêté par Zen.
"Halte là, le pantin ! l'arrêta-t-il. Je ne me mêlerais pas de ce qui ne me regarde pas si j'étais toi... A moins que tu ne préfères que tous ces pauvres abrutis ne meurent par mon sort du Dragon Maudit de Din...
- Qu'est-ce que c'est que ça encore ? fit le Kokiri un sourcil levé.
- Ne fais pas attention... répondit Nubia d'une voix morne. Ce n'est que du bluff... Zen est incapable de produire un tel sort.
- Tu veux voir ?"
Il leva ses deux mains en avant, l'une ouverte, l'autre fermement serrée autour de son bâton dont la boule à l'extrémité se mit à briller d'une lumière noire.
"Forces enfouies depuis la nuit des temps, j'en appelle à vous aujourd'hui !
Ô Din à la Colère Destructrice, prête-moi ta puissance infinie !
Dragon Maudit de Din !"

A peine eut-il fini de réciter son incantation que le ciel s'assombrit d'un coup. Un tourbillon se déclencha au-dessus de lui, et en sortit un gigantesque dragon de feu noir qui fit retentir un long cri perçant qui glaça le sang de tous.
"C'est... c'est impossible... bafouilla Nubia.
- Et pourtant ça l'est, répondit Wangzhi à travers Ren. Grâce au supplément magique que je lui ai apporté en prenant possession de son corps. Et maintenant, tous ces gens vont payer pour ce que tu m'as fait..."
Zen abattit son bâton en avant et le dragon fonça droit sur les combattants des deux tribus qui ne purent que regarder la mort arriver à eux sans aucune possibilité de lui échapper.
"Grue-Blanche... prends un peu d'altitude, sinon nous risquons d'être touchés nous aussi, conseilla gravement le jeune homme toujours suspendu à la patte de l'oiseau.
- Maître... Vous ne comptez pas intervenir, n'est-ce pas ?
- Tu sais bien que Mademoiselle Talula me l'a interdit...
- Tant mieux, vous savez pertinemment qu'il est très dangereux d'aller à l'encontre de ses interdictions !
- ..."
Quand le feu se dissipa enfin, Link eut du mal à reconnaître le champ de bataille. Mis à part lui, Navi, Nubia, Nox, Leporis, Zen et Ren, il n'y avait plus un seul être dont le corps ne fut pas calciné. Une désagréable odeur de chair brûlée empestait l'air et des fumerolles noires se dégageaient du sol qui n'avait pas été épargné lui non plus. La moindre végétation avait été totalement annihilée, et ce, sur une distance de deux bons kilomètres aux alentours. Un silence lourd que seul le cri d'un animal mourant venait briser accompagnait cette vision d'horreur. Nubia resta bouche bée devant la scène.
"Ce... ce n'est pas possible... ce n'est pas... possible... répétait-elle.
- Et pourtant comme tu le vois, ça l'est, répondit Ren. Mais je suis un peu embêtée... Il ne me reste plus personne pour m'amuser un peu, mais ce n'est pas grave, le village Zora est juste au pied de la montagne...
- Arrêtez ça tout de suite ! protesta violemment Link.
- Dans ce cas, tu n'auras qu'à te tenir tranquille pendant que je la tue à petit feu. Tu ne voudrais tout de même pas que d'autres innocents meurent ? Et en tant que création des Déesses c'est ton rôle de protéger les innocents, quitte à sacrifier une vie pour sauver la masse, n'est-ce pas ?"
Le Kokiri serra rageusement le poing. Il ne pouvait pas se permettre de mettre en danger la population Zora, mais d'un autre côté, il se devait de venir en aide à son amie. Le sourire de Zen s'agrandit en le voyant aussi décontenancé. Il lui jeta un dernier coup d'oeil avant de se désintéresser de lui et alla rejoindre sa comparse. Tous deux se mirent à ruer de coups la pauvre Nubia qui se laissait totalement faire, sans même essayer de se défendre ou même de répliquer.
"... Désolé Grue-Blanche, mais cette fois, je ne tiens plus !
- Il en est hors de question, Maître ! Mademoiselle Talula m'a dit avant de partir qu'il fallait que je veille à ce que vous ne fassiez pas de bêtise, et ce que vous vous apprêtez à faire, en est une !
- Ecoute Grue-Blanche...
- Non, c'est vous qui allez m'écouter, Maître ! Je suis navrée de devoir vous parler ainsi, mais les ordres que m'a donnés Mademoiselle sont formels ! Si vous ne vous tenez pas tranquille, vous serez expulsé !
- ..."

Nubia faisait peine à voir. Le visage en sang et couverte de bleus, elle gardait pourtant un regard amorphe. Les deux druides s'arrêtèrent avec une expression dépitée.
"Hum... Ce n'est pas bon... dit finalement Ren. Pourquoi est-ce que tu ne cries pas, hein ? demanda-t-elle en lui donnant un coup de plus. Pourquoi ne veux-tu pas me faire plaisir en me montrant que tu souffres ?
- Ce n'est sûrement pas suffisant, continua Zen. Il faut sans doute que nous passions à un niveau supérieur, n'est-ce pas ?"
Il s'éloigna en ricanant et revint avec une épée toute noircie qui avait sans doute appartenu à l'un des combattants. Un sourire carnassier sur les lèvres, il l'appuya contre la poitrine de la voleuse d'âmes.
"Alors, par quoi je commence ? demanda-t-il. Que dirais-tu, si je te découpais un bras. Ren ?"
La fillette saisit le bras gauche de Nubia et le tendit afin qu'il soit bien raide. Link comprit ce qui allait se passer, et tenta d'intervenir, mais c'était trop tard. Dans un "tchac" sanglant, le druide venait d'abattre la lame juste en dessous du coude de la jeune fille qui pourtant ne cria même pas. Ce manque de réaction acheva d'exaspérer Wangzhi qui appliqua sa lame sur le cou de son adversaire.
"Je te préviens, si tu n'y mets pas un peu plus du tien, je te décapite, déclara-t-elle d'un ton faussement mielleux.
- ...
- C'en est assez !!!" hurla-t-elle à travers Zen.
Il leva son épée, et l'abattit violemment. La respiration de Link s'arrêta au même moment que la lame qui, après quelques centimètres de plus aurait tranché net le cou de Nubia qui ne cilla même pas. Celui qui tenait l'épée semblait le premier surpris. Il réitéra son geste, mais à chaque essai, il n'arrivait pas à terminer son mouvement. Sans qu'il ne sache pourquoi, il lâcha l'épée et tomba à genoux en se tenant la tête. Quand il regarda ses mains, il vit qu'elles étaient couvertes de sang. Link comprit pourquoi. Zen... pleurait des larmes de sang. Il en allait de même pour Ren qui elle aussi tomba par terre.
Nubia sembla enfin réagir et les observa. Son regard, jusque là amorphe, devint d'abord surpris, puis profondément compatissant.
"Zen... Ren... dit-elle. Pardonnez-moi, tout est de ma faute...
- ... Non... répondit le petit garçon en fermant les yeux. Ce... ce n'est pas toi..."
Il les rouvrit, et le Kokiri constata qu'il avait de nouveau des pupilles tout à fait normales.
"Nous... nous aurions dû faire plus attention... compléta Ren qui était de nouveau normale elle aussi.
- Je t'en supplie... Tue-nous, implora Zen. Nous sommes devenus des monstres pervertis, des démons... S'il te plaît, tue-nous avant que... avant que nous ne recommencions à te faire du mal..."
Il se tordit de douleur, et saisit à nouveau l'épée.
"C'est la deuxième fois que ça me fait ça, avec celui-là ! Le lien qui vous unissait l'un à l'autre était sans aucun doute puissant, mais pas assez pour m'arrêter alors que je touche enfin au but !" ragea Wangzhi en reprenant le contrôle des deux corps.
Elle leva à nouveau la lame, mais cette fois-ci, loin de se laisser faire, Nubia évita prestement, et sans aucune difficulté, bien qu'amputée d'un bras. Malgré tous les coups qu'il tentait de lui porter, il ne la toucha pas une fois, non seulement à cause du regain d'énergie de son adversaire, mais aussi à cause des larmes de sang dont le débit avait doublé et qui l'aveuglaient quelque peu.
La voleuse d'âmes tendit sa main valide en avant.
"Zen... Ren... Vous ne voulez plus vivre ? demanda-t-elle. Dans ce cas, je vais exaucer votre dernière volonté. Il en va de mon devoir."
Son bâton apparut dans un rayon de lumière, mais cette fois, avec un manche plus court de manière à être maniable, même d'une seule main. Et pour la première fois depuis le début de la matinée, Link put lire la peur et l'affolement dans les yeux des deux enfants. Zen recula de deux pas.
"Non... Ça ne va pas finir comme ça... Non ! Dragon Maudit de Din !" hurla-t-il.
Le dragon s'élança et dévala à grande vitesse le flanc de la montagne en direction du village des Zoras, brûlant absolument tout sur son passage. Nubia fonça sur les deux druides.
"Désolée... mais c'est fini... déclara-t-elle avant d'enfoncer successivement la lame de son bâton dans la poitrine de Zen et dans le crâne de Ren. Wangzhi... Tu es satisfaite maintenant ?"
Les corps des deux enfants s'effondrèrent, et deux puissants rayons s'en échappèrent et filèrent tout droit dans le ciel. Quand ils se dissipèrent, les deux cadavres avaient disparu. Il ne restait plus qu'un renard au pelage blanc comme neige et à la queue divisée en neuf. Près de lui, deux conteneurs d'âmes, l'un mauve contenant le symbole du médaillon de l'ombre et l'autre jaune avec à l'intérieur le symbole du médaillon de l'esprit, étaient posés côte à côte. Le renard montra les crocs férocement.
"D'où sort cet animal ? questionna Nox.
- Voici la forme primaire de Wangzhi, répondit d'une voix froide Nubia. Comme je vous l'ai dit, c'est une renarde devenue démon, et elle n'a même plus assez de force pour prendre une apparence humaine..."
La voleuse d'âmes considéra l'animal avec dégoût et lui planta son bâton entre les deux yeux. Au même instant, un flash illumina les alentours, et quand enfin tous purent rouvrir les yeux, ils découvrirent le plateau, tel qu'il était avant que cette sinistre matinée ne se déroule. La végétation avait repoussé, et il n'y avait plus la moindre trace de la bataille et du passage du Dragon Maudit. Link, tout à la contemplation du magnifique paysage qui s'étendait désormais à leurs pieds, sursauta presque en entendant Leporis prendre la parole.
"Mademoiselle, nous... commença-t-elle.
- Fermez-la ! aboya la fillette. Je ne veux pas vous entendre, ni vous ni votre crétin de frère !
- Mais...
- Je vous ai dit de la boucler ! hurla-t-elle. Je vous préviens tout de suite : Si la prochaine fois que je viens sur votre pourriture de territoire, cette histoire de guerre n'est pas réglée, je m'occuperai moi-même du problème ! Les morts ne se disputent aucune terre, eux."
Et sans même attendre une réponse, elle s'éloigna en titubant, le plus rapidement possible. Link tenta de l'approcher, mais elle le repoussa violemment et continua à avancer. Elle ne savait pas très bien où elle voulait aller, mais ce qui était sûr, c'était qu'elle voulait quitter cette montagne. Elle commençait à ressentir la douleur dans son bras gauche et prit conscience qu'elle avait déjà perdu beaucoup de sang, juste avant de sombrer dans un lourd sommeil contre lequel elle ne put lutter.

Link suivait toujours avec difficulté ce drôle de jeune homme et ce volatile étrange sur le petit sentier de montagne. Une ou deux minutes après que Nubia se fût évanouie, ils avaient surgi de nulle part et sans même se présenter ni leur demander leur avis à lui et à Navi, ils leur avaient ordonné de venir avec eux. Le jeune homme avait pris Nubia dans ses bras et semblait ne faire plus attention qu'à elle, si bien que, marchant rapidement, il ne se souciait pas de savoir si le Kokiri et sa fée étaient toujours derrière lui ou non.
"Ne vous inquiétez pas, expliqua la Grue comme pour se justifier. D'habitude, mon maître fait beaucoup plus cas de ce qui se passe autour de lui, mais aujourd'hui... ça fait tellement longtemps qu'il ne l'a pas vue... Il était tout émoustillé à l'idée de revenir ici après tant de siècles !
- De quoi parlez-vous ? s'étonna Link. Qui êtes-vous d'abord ? Est-ce que vous connaissez Nubia ? Et pourquoi je me retrouve à faire la conversation à un oiseau ?
- Ne posez pas tant de questions à la fois, vous le saurez bien assez tôt. Ah ! d'ailleurs, nous arrivons !"
En effet, une petite cabane en bois, perdue au creux de cette forêt montagnarde se dessinait au loin. On ne la distinguait d'abord pas en raison du feuillage dense qui la cachait en partie, mais elle était là, comme un îlot dans cet océan de verdure. Un petit filet de fumée s'échappait de la cheminée construite sur le toit en planches, et sur la petite véranda qui précédait la porte d'entrée, une fillette de son âge avec de courts cheveux à l'inhabituelle couleur bleue turquoise buvait un verre de thé qui sentait bon le jasmin. Elle leva ses yeux qu'elle avait dorés vers les arrivants. C'était un regard impénétrable dont on ne pouvait savoir quel sentiment il dissimulait, qui était souligné par deux petits ronds noirs peints sous chaque oeil. Le jeune homme entra sans accorder le moindre regard à la fille qui fit s'arrêter Link devant elle d'un geste de la main.
"Bonjour à toi Unificateur, salua la gamine.
- Heu... Bonjour, répondit le Kokiri qui sans savoir pourquoi, se sentait tout intimidé par cette fille. Est-ce que... Est-ce que vous allez m'expliquer ce qui se passe ?
- Je suis Mademoiselle Talula, et ceux qui t'ont accompagné ici sont mon protégé et son yokai : Grue-Blanche.
- C'est quoi un yokai ? s'enquit la fée.
- C'est un animal qui, après un certain temps de vie, se transforme peu à peu pour devenir un démon capable de prendre une apparence humaine. Grue-Blanche est jeune. Il n'est encore qu'au début de sa mutation. C'est pourquoi j'ai demandé à mon protégé de s'en occuper.
- Il a pas de nom votre protégé ? questionna le garçon qui se rendit compte qu'il la vouvoyait.
- Si j'en ai un, répliqua sèchement le jeune homme qui était ressorti de la maisonnette. Mais je n'ai pas le droit de le dire, continua-t-il en jetant un regard noir à celle qui répondait au nom de Talula.
- Ne fais pas de caprice s'il te plaît, se contenta de répondre celle-ci. Tu devrais m'être reconnaissant de t'avoir laissé m'accompagner ici. Mais je vois que c'était un acte irresponsable de ma part puisque tu n'es pas capable de contrôler tes émotions. Tu devrais te remettre à ton entraînement, histoire de te remettre les idées en place.
- Il... il en est hors de question, dit-il d'une voix décidée. De toute manière mon sort est au point, même si elle me voyait, elle ne me reconnaîtrait pas. Donc, je reste ici pour m'occuper d'elle."
Il tourna les talons et rentra à l'intérieur en claquant la porte. Mademoiselle Talula porta son verre à ses lèvres.
"L'idiot, lâcha-t-elle en regardant Link après avoir bu une gorgée. Il s'apprête à reproduire la même erreur que toi...
- Quelle erreur ?
- Ne fais pas attention... Il s'appelle Kamen, c'est un druide immortel que j'ai recueilli auprès de moi pour l'aider dans sa formation. Normalement, les druides immortels ne peuvent pas s'améliorer au cours d'un entraînement, mais Kamen n'est pas un immortel inné.
- Vous pourriez recommencer avec des mots plus simples, s'il vous plaît ?
- Les druides immortels sont des êtres nés de l'esprit des Dieux au moment même de la naissance de ceux-ci. Ils possèdent un don inné pour la magie, mais ce don est immuable. Ils sont incapables d'améliorer leurs capacités. C'était le cas pour Zen et Ren, les deux gamins qui vivaient chez les Calligos et les Ki.
- Je vois, fit Link pensivement. C'est pour ça que Nubia a été si surprise quand il a lancé son espèce de Dragon alors...
- En effet, répondit Talula. Mais en ce qui concerne Kamen, c'était un jeune garçon comme les autres auparavant. Mais au moment de sa mort, l'immortalité lui a été offerte et cette particularité lui permet d'évoluer peu à peu et d'étendre ses pouvoirs en suivant un entraînement.
- Pourquoi est-il devenu immortel ?
- Tu en sais déjà un peu trop à ce sujet pour le moment, le reste, tu le découvriras par toi-même un jour, tu verras."
Elle se tut et l'invita à entrer à l'intérieur.

Nubia se trouvait sur une plage qu'elle reconnut aussitôt. A chaque fois qu'elle se retrouvait face à Farore dans le théâtre de son esprit, c'était ici que cela avait lieu. Et en effet, la Déesse apparut et vint s'asseoir près d'elle, à même le sable chaud. Seules les vagues qui venaient lécher leurs pieds et leur remous incessant troublaient le pesant silence qui s'était installé.
"Je veux savoir ce que vous me cachez d'autre ! s'écria soudainement Nubia.
- Ecoute, j'agis dans l'intérêt des habitants de mon monde et...
- Que me cachez-vous ! J'en ai assez de vous ! Vous avez passé votre vie à me manipuler, moi et mes souvenirs ! Est-ce que je n'ai donc pas le droit de vivre normalement ?
- Toi, toi, toi ! Toujours toi ! s'énerva à son tour la Déesse. Arrête donc de te prendre pour le nombril du monde ! Tu crois que je suis responsable de tous tes petits tracas ? Ta vie, c'est toi qui l'as construite ! Si tu avais vraiment voulu être heureuse, tu aurais bâti toi-même ton bonheur au lieu de te morfondre ! Mais en vérité, tu te complais dans cette souffrance ! "Regardez-moi ! Je suis triste, malheureuse et j'ai une vie pourrie ! Alors ne soyez pas méchants avec moi !" Tout ce que tu veux en fait, c'est attirer l'attention sur toi !
- Ce n'est pas vrai !
- Si c'est vrai ! Ce doit être commode pour toi de m'accuser de tous tes maux ! Mais est-ce que tu penses au moins à moi ? Evidemment que non ! Tu es bien trop obnubilée par ta petite personne ! Je suis l'une des Déesses créatrices de ces mondes ! Par conséquent, mon premier devoir est de les protéger. Alors sache que tout ce que j'ai fait jusqu'ici n'avait pas pour but de te faire souffrir, mais de préserver les peuples de Caela, Termina et Hyrule !
- ... Mais pourquoi a-t-il fallu que ça tombe sur moi ?
- C'est ce qu'on appelle le facteur chance. Tu étais le seul enfant en Hyrule à être né avec un esprit tel qu'il pouvait accueillir un esprit divin auprès de lui.
- Montrez-moi...
- Quoi ?
- Montrez-moi ce que vous me cachez... S'il vous plaît...
- ... D'accord, accepta Farore après un temps de réflexion. Mais à l'unique condition que tu ne feras aucune bêtise après avoir retrouvé le reste de ta mémoire.
- Ça, c'est moi qui verrai..."
Sur ces mots, la Déesse se leva et fit apparaître une porte tenant debout toute seule et comportant une énorme serrure, ainsi qu'une grosse clé. Elle glissa l'objet dans la serrure et la porte s'ouvrit d'elle-même. Un flot de lumière blanche se déversa par l'ouverture.
"Entre ! ordonna Farore.
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est le reste de ta mémoire. J'avais demandé à ce qu'elle soit scellée. Il a d'abord été réticent, mais il a fini par agir dans l'intérêt de la population lui aussi.
- De qui parlez-vous ?
- Continue et tu verras. Je t'attendrai à l'extérieur."
Tandis que Nubia avançait et retrouvait ses souvenirs perdus, la déesse refermait la porte et tournait la clé dans la serrure.
"Désolée, murmura-t-elle. Mais je n'ai pas le choix..."

Nubia remua légèrement puis ouvrit enfin les yeux. Elle tourna la tête pour voir qu'elle était sur une paillasse dans le coin de ce qui devait être une petite cabane. Près d'elle, un jeune homme dont le côté droit du visage était caché par un masque l'observait attentivement. A l'autre bout de la pièce, face à la cheminée, une fille aux cheveux turquoise se versait du thé, tandis que Link, assis en tailleur devant elle, baillait. Il remarqua enfin qu'elle s'était réveillée et se pencha sur elle.
"Nubia ! s'exclama le Kokiri.
- Tu es enfin réveillée ! s'écria à son tour le jeune homme avec un empressement qui fit sursauter le jeune garçon. Euh... je veux dire... j'espère que vous allez mieux mademoiselle Nubia," se reprit-il.
Nubia se releva avec difficulté et regarda tour à tour le jeune homme et la petite fille qui s'était approchée.
"Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu fais ici Kamen ?" articula la malade à la plus grande surprise de tous.

Mademoiselle Talula considéra Nubia un instant et porta une nouvelle fois son verre à ses lèvres en se retournant.
"Demoiselle Farore, vous devriez faire plus attention à vos actes, déclara-t-elle sévèrement.
- Ne me confondez pas avec l'autre ! protesta Nubia.
- La comédie ne prend pas, répliqua sèchement la fille aux cheveux étranges. Vous n'êtes en aucun cas autorisée à remplacer de force la conscience qui habite ce corps !
- Ecoutez Talula, je n'ai pas le choix, répondit Farore. Cette fille s'oppose à tous mes actes. Elle est un obstacle à l'éradication du Mal sur mes terres. Et d'ailleurs ? Que faites-vous ici alors que le passage menant à Hyrule est censé être scellé ?
- C'est la Sainte Trinité elle-même qui m'envoie, expliqua la gamine sans même lui adresser un regard. Elle m'a chargée de vous mettre en garde contre vos projets.
- Comment cela ?
- La Sainte Trinité vous fait savoir que vous faites fausse route sur votre rôle en tant que déesse, mais qu'elle ne vous en tiendra pas rigueur puisque c'est votre premier monde. Cependant, vos agissements pour arriver à vos fins sont intolérables et pour cela, vous risquez de recevoir une sanction.
- Mais enfin, je n'ai jamais fait qu'agir pour l'intérêt de la population ! explosa la Déesse. Je me tue à le répéter !
- Justement, ce n'est pas ça qu'il vous incombe de faire en tant que déesse ! s'énerva Talula en se retournant enfin. Votre rôle à vous, Farore, Déesse du Courage, et par conséquent, déesse de seconde classe, est de ressentir de la compassion pour ceux que vous rencontrez. Et non pas d'agir en froide calculatrice pour l'intérêt de personnes dont vous n'avez que faire. Votre conduite face à la Sheikah Nubia est inacceptable. Vous l'avez abusée à maintes reprises et vous êtes servie d'elle tout en vous enfonçant dans une voie erronée, et vous l'avez tirée avec vous dans votre déchéance. Et maintenant, il est trop tard pour faire machine arrière, car vos deux soeurs en payent les conséquences. Ecoutez ce que je vous prédis : Vous ne le savez pas, mais un être bien plus puissant que tous les dieux de seconde classe réunis s'apprête à détruire le Royaume Céleste. Or, il se trouve que vous allez y retourner très bientôt. Un jour viendra où cet être se dressera contre vous et n'aura aucun scrupule à vous anéantir vous, vos soeurs et tous les autres dieux du royaume ! Ce sera le prix que vous paierez pour votre stupide arrogance !
- ... C'est pour me dire ça que vous êtes revenue ? rétorqua la Déesse. Dans ce cas, vous n'aviez pas besoin de l'amener avec vous, continua-t-elle sur le même ton sec en désignant celui qui s'appelait Kamen. Je lui avais strictement interdit de remettre les pieds ici. Les conséquences seraient désastreuses.
- Kamen n'a aucun ordre à recevoir d'une déesse de votre rang. Lui, tout comme moi, n'obéit qu'aux ordres de la Sainte Trinité elle-même.
- C'est quoi la Sainte Trinité ? demanda timidement Link qui se sentait totalement largué par tout ce qui se passait ici, comme s'il n'était pas à sa place dans cet endroit.
- La Sainte Trinité représente les trois phases essentielles de la vie du Monde avec un grand M. Le Monde qui contient tous les autres, celui issu de l'OEuf Primordial, expliqua doucement Talula... Tu es encore trop jeune pour comprendre, mais crois-moi, tu en ré-entendras parler dans un avenir proche."
La Déesse pesta et tenta de se lever, mais elle fut déséquilibrée par son bras gauche. En voyant les bandages et le membre amputé, sa colère sembla s'accroître.
"L'idiote ! ragea-t-elle. Elle s'est laissée couper un bras !
- Où que vous vouliez aller, intervint pour la première fois Kamen, laissez d'abord Nubia revenir.
- Il en est hors de question ! explosa Farore. Vous ne savez pas ce qu'elle pense ! Cette fille est une dangereuse hérétique, et je compte bien la faire juger par le Tribunal Céleste à mon retour au Royaume !"
Ces dernières paroles semblèrent estomaquer le jeune homme au masque. Link, lui, comprenait de moins en moins. Pourquoi donc en voulait-on à Nubia ? Mais ce qui le choquait le plus, était le comportement de la Déesse du Courage. Il avait toujours pensé qu'un dieu était un être généreux, juste, compatissant et infiniment bon, mais l'image stéréotypée qu'il se faisait, venait de se briser en mille morceaux. Finalement, c'était fou ce qu'elle pouvait être... humaine.
Kamen ouvrit la bouche pour protester mais aucun son n'en sortit. Mademoiselle Talula remplit à nouveau son verre.
"Kamen, laisse faire, déclara-t-elle d'une voix douce mais ferme qui n'accusait aucune réponse. Demoiselle Farore, vous venez de signer votre arrêt de mort. Vous risquez d'être très surprise par les alliés que possédera cet être qui vous détruira. Et Dame Hikari ne pourra pas vous protéger."
Le Kokiri sursauta en entendant ce nom. Il ne savait pas pourquoi, mais un étrange pincement lui titilla le coeur et se propagea comme un frisson dans la totalité de son corps, accompagné d'une sorte de chaleur dans son estomac.
"Hikari me comprendra ! lâcha Farore. Link, reprit-elle d'une voix plus douce, est-ce que tu veux bien m'aider à me lever ? Nous nous en allons. Je vous remercie d'avoir soigné le corps de cette écervelée et nous ne vous dérangeons pas plus longtemps..."
Link prit quelques secondes à réagir, puis vint soutenir celle dont il ne savait pas exactement s'il devait la considérer comme son amie ou non, et tous deux sortirent de la cabane sans un salut, ni aucune autre politesse de la part de la Déesse. Kamen se tourna vers sa protectrice avec un regard implorant.
"Mademoiselle, s'il vous plaît... supplia-t-il.
- Et bien ? Que fais-tu encore ici ? Va !
- Merci mademoiselle ! s'écria le jeune homme en se précipitant dehors.
- Ça, c'est ce qu'on appelle un acte irresponsable, commenta le volatile.
- ..."
Farore, toujours en possession du corps de Nubia, repoussa doucement le jeune garçon et marcha toute seule. Ce dernier, totalement intimidé par le fait d'être juste à côté d'une véritable déesse, osait à peine la regarder en face.
"Qui... qui étaient ces gens ? questionna-t-il avec une petite voix.
- Des personnes sans importance qui n'ont absolument rien à faire ici, répondit-elle d'une voix blanche avant de reprendre plus gentiment. Link, as-tu conscience du poids qui pèse sur tes épaules ? Tu es l'Unificateur, le seul capable de nous réconcilier, Din, Nayru et moi. Le seul capable de vaincre l'Ange du Malin. Tu ne dois pas perdre de vue le fait que ton devoir, en tant que fils, indirect certes mais fils tout de même des Déesses créatrices, ton devoir est de participer à la protection de ces mondes. Tu dois toujours penser à ça, et ne laisser aucun autre sentiment extérieur t'aveugler et t'éloigner de ta tâche. Tu me promets que tu le feras ?
- Ben... c'est-à-dire que... Je ferai de mon mieux, bafouilla le Kokiri.
- Je suis sûre que le mieux sera le meilleur, assura-t-elle avec un sourire chaleureux. Il en va de l'intérêt et du bonheur de tous."

Comment avait-elle pu penser l'espace d'un instant qu'elle pouvait faire confiance à cette pouffiasse ! Elle s'était faite avoir en beauté ! Cette sale arriviste avait profité du choc causé par la mort de ses deux plus anciens amis pour la faire culpabiliser sur son comportement et pour la tromper. Mais elle n'allait pas se laisser faire ! Nubia battit rageusement sur la porte qui restait désespérément fermée. Enfermée... dans ses propres souvenirs en plus... Mais ce qui l'énervait le plus, c'était ce qu'elle avait découvert... Elle ne comprenait toujours pas pourquoi cette pouffe tenait à ce qu'elle ne se souvienne pas de lui, mais elle n'avait absolument pas le droit de lui enlever ses souvenirs. Surtout celui-là... Wangzhi avait eu raison. Le souvenir le plus heureux de ses trois mille années d'existence... Elle tendit ses mains en avant et tenta de faire apparaître son bâton, mais cette fois-ci, elle n'y arriva pas. Elle était donc totalement coincée ici, sans aucune issue possible. Elle essuya une larme rebelle qui était restée accrochée à sa joue, après le torrent qu'elle avait versé en se remémorant cette partie de sa vie passée. Non... il n'en était pas question. Elle ne laisserait pas la pouffiasse lui voler encore une fois sa vie. "Assez... assez ! d'être contrainte de faire passer les intérêts des autres avant les miens !" hurla-t-elle plus décidée que jamais à reprendre le contrôle de son corps et de sa vie.

Après plusieurs jours de marche intensive, Link, Farore et Navi arrivèrent enfin dans la plaine de leur arrivée à Caela. Ils venaient de sortir des montagnes, et voyaient, s'étendant au loin, la ville d'Angélus avec son triste château qui pointait ses tours sinistres vers le ciel. L'affrontement final avait sonné. Ils se dirigèrent sombrement vers le palais et s'arrêtèrent une dernière fois devant l'immense porte. Farore prit la main de son fils indirect.
"Ne t'inquiète pas, tu y arriveras, certifia-t-elle. Tu possèdes la sagesse de Nayru, la force de Din et mon courage. Je sais que tu seras à la hauteur.
- C'est vraiment sympa de lui mettre la pression comme ça... ironisa Navi.
- En plus vous faites erreur, je ne possède que la Triforce du Courage... ajouta un peu dépité le Kokiri.
- Non... Ganondorf n'a pu posséder que la Triforce de la Puissance, corrigea la déesse. Si tu avais essayé de t'en emparer, jamais notre héritage ne se serait fragmenté. Après tout, tu es notre fils à toutes les trois...
- Allez Link ! encouragea la fée. De toute façon, ce gros plein de soupe, tu l'as déjà battu deux fois si on compte ce que tu lui as fait quand il était sous l'apparence de Majora ! Et comme dit le proverbe : jamais deux sans trois !
- Oui ! tu as raison ! s'exclama le Kokiri que ces encouragements gonflaient à bloc. Je vais lui montrer ce que c'est que de se frotter à nous ! Pas vrai Navi ? Comme au bon vieux temps contre Ganon !
- Vous avez vu ? railla la fée. C'est comme ça qu'on encourage vraiment."
Il échangèrent un regard confiant, et entrèrent.

Comme il avait pris l'habitude de le faire, l'Ange du Malin regarda la fragile sphère qu'il tenait à la main et dont la couleur d'un blanc pur laissait apparaître le symbole de la Triforce. Et voilà... Son plan avait marché sur toute la ligne, du début à la fin. Ils étaient si prévisibles... Aucun d'entre eux ne s'était rendu compte que tout cela n'avait été qu'une immense mise en scène où ils avaient chacun joué leur rôle à la perfection, sans aucun faux pas. Et tout cela, pour en arriver à son but ultime... Les sages d'Hyrule, de Termina, la Triforce, les Déesses... Tout cela, il s'en fichait comme de l'an 40. Ce qu'il voulait, c'était l'Unificateur, et uniquement lui. Et il était enfin sur le point d'obtenir ce qu'il voulait. Il n'avait plus besoin de cet appât. Que devait-il faire ? Briser le conteneur d'âmes tout de suite ? Ou alors attendre que l'Unificateur arrive pour le faire ?
Il sourit en imaginant la réaction qu'aurait le pauvre gringalet en voyant la boule se fracasser au sol.

Chapitre 16 : Ça commence...   up

La fillette aux cheveux d'un rouge flamboyant et aux petites ailes de flammes se pencha en avant sur le bassin de la cour intérieure du pavillon où elle se trouvait. L'eau claire était parsemée de nénuphars et elle pouvait y distinguer son reflet mais, plus que cela, elle pouvait assister à ce qui se passait à Caela. La situation devenait très intéressante. Fallait-il informer ses deux soeurs de la tournure des événements, ou était-ce superflu ? Elle choisit la seconde option. Elles la renverraient à son poste si elles apprenaient qu'elle n'y était pas dans un moment aussi crucial. Mais elle n'avait aucune envie de rater un tel spectacle qui s'annonçait plus que jamais passionnant.
"Ça commence enfin..." murmura-t-elle.

Mademoiselle Talula remua une bûche dans sa cheminée. Qu'il fasse jour ou nuit, elle était toujours allumée. C'était un besoin pour elle de pouvoir, à toute heure de la journée, faire infuser son thé. C'était le seul remède pour elle, que la présence en ce bas monde faisait souffrir plus que n'importe quel autre mal. Sa bouilloire siffla, et elle se versa une tasse du liquide odorant. A peine en eut-elle bu une gorgée, qu'une foule d'images l'assaillirent de toute part. Elle vit d'abord un palais sinistre, un homme massif derrière lequel flottait la silhouette d'une femme rousse aux grandes ailes enflammées qui se faisait contrôler par une ombre menaçante qui cherchait à l'engloutir, une femme enchaînée à un mur gardée par la silhouette d'une femme dont les ailes étaient formées d'eau et qui cherchait à la réconforter. Elle but une autre gorgée. Cette fois, elle vit un jeune garçon vêtu de vert. Derrière lui flottait un homme aux yeux dorés. Ils étaient accompagnés d'une fée qui semblait protégée par une belle jeune fille aux longs cheveux blonds, et d'une gamine à la peau mâte. Nubia... Derrière elle, flottait le spectre d'une jeune Sheikah blonde aux yeux rouges qui se faisait étouffer par une jeune femme aux cheveux verdoyants.
Dire que c'était sur cette jeune fille que tout reposait à présent. Talula comprenait mieux à présent ce que lui avait dit Kurrecx lors de la dernière entrevue qu'elle avait eue avec lui trois mille ans plus tôt.
"La gangrène est là où on ne s'attendait pas qu'elle soit... répéta-t-elle à demi voix. Je te comprends mieux maintenant Unificateur, mais... ce jeune garçon te comprendra-t-il lui ? Il n'a pas encore atteint la maturité requise pour comprendre ce qu'est l'équilibre du monde. Il n'y a plus qu'à espérer que Nubia se réveillera à temps pour le combat et réussira à le lui expliquer avant qu'il ne commette l'irréparable. Ce serait si dommage pour lui de ne pas goûter à un bonheur qu'il mérite pourtant amplement.
- Vous parlez toute seule Mademoiselle ? questionna Grue-Blanche en s'approchant.
- Je réfléchissais à propos de ce qui s'apprête à commencer, répondit-elle. Malgré que le monde d'où nous venons soit définitivement coupé d'Hyrule, leurs destinées sont pourtant secrètement liées.
- Comment ça ? C'est pourtant impossible puisque ce sont des mondes créés par des déesses qui n'ont aucune parenté !
- C'est vrai, mais c'est un tout autre lien qui les unit... Nubia est la seule à pouvoir tout arrêter avant que ça ne dégénère... Puisse-t-elle s'éveiller à temps."

"Bam !"
Laissez-moi sortir...
"Bam !"
J'étouffe...
"Bam !"
Je veux me réveiller...
"Bam !"
Je veux me réveiller !

Nubia battait faiblement sur cette porte qui ne s'ouvrait toujours pas. Ce n'était pas le moment de désespérer, mais elle sentait... elle sentait toute sa détermination la quitter peu à peu, comme une bougie qui lentement se laissait consumer par une petite flamme. Elle avait de plus en plus envie de se recroqueviller dans un petit coin et de fermer les yeux pour ne plus voir ce qui se passait. De se boucher les oreilles pour ne plus rien entendre. Rester dans un petit coin et se faire oublier. Que lui arrivait-il donc ? Elle avait envie de dormir aussi. Dormir et ne plus se réveiller. Ce devait être agréable de ne plus jamais avoir à se réveiller, de ne plus jamais avoir à se poser de questions, de ne plus jamais avoir à affronter la vie. Elle le savait, c'était une attitude très lâche, mais elle en avait assez de se montrer courageuse.
C'est alors que les battements de son coeur s'accélérèrent. Elle se tint la poitrine. Dire qu'elle avait mal était bien trop peu. Elle souffrait atrocement. Son coeur... son coeur lui faisait mal. Et contre toute attente, elle vit des filaments verts lui percer la poitrine et s'étendre pour la ligoter férocement et la percer de toute part pour lui pomper le sang.
"Qu'est-ce que c'est que ça ?"
Elle sentit peu à peu la vie la quitter. Elle tenta d'abord de se débattre, mais plus le temps passait, et plus sa volonté l'abandonnait. Elle tomba par terre. Elle ne pouvait plus lutter... Elle ne voulait plus lutter.

Link et Farore arrivèrent dans la grande salle dont l'un des seuls meubles était l'imposant trône qui n'était occupé par personne. Celui qui aurait dû y être assis entra par une porte située dans la pénombre en souriant. Il tenait à la main le conteneur d'âmes contenant l'esprit de Zelda.
"Bienvenue à vous dans mon modeste palais, déclara Pago avec un sourire carnassier. Unificateur... Demoiselle Farore... Je suppose qu'il est temps maintenant que je me présente véritablement.
- Soeur, arrête de jouer à ce petit jeu avec nous ! ordonna sévèrement la Déesse du Courage.
- Ho ! ho ! ricana l'homme. Vous vous méprenez sur mon identité... Mère..."
Son sourire s'élargit en voyant les expressions défaites de Link et de sa mère indirecte.
"Alors... Alors cette hérétique avait raison ? balbutia la déesse. Ce qu'elle pensait était juste ?
- Mais je croyais que vous étiez Din ! s'exclama le Kokiri.
- Je le suis aussi, expliqua l'Ange du Malin. En fait, pour que vous compreniez, il faudrait reprendre l'histoire depuis le début. Vous souvenez-vous, Mère ? Je suis né de la rancoeur que vous éprouviez toutes les trois les unes pour les autres, vous, Din et Nayru. Vous étiez jalouses les unes des autres, et c'est de vos esprits gangrenés que je suis né. Vous avez alors voulu m'éradiquer, et c'est ainsi que celui que vous avez nommé l'Unificateur a vu le jour. Et quand je suis mort après la lutte acharnée que nous nous sommes livrés, j'ai réfléchi pendant trois mille ans à ma vengeance. Je n'ai plus eu de cesse que de trouver le moyen de vous anéantir. Et c'est il y a peu que j'ai trouvé la solution. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, notre point fort est bien souvent notre point faible.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? questionna curieusement Link.
- Je veux dire par là que nous développons toujours ce qui nous rend fort afin de camoufler nos faiblesses. Prenons par exemple, le guépard dont la vitesse lui permet d'échapper à d'éventuels ennemis. Il est certes rapide et pourtant, la vue d'un adversaire le paralyse sur place, si bien que sa vitesse ne lui est alors plus d'aucune utilité. De même, les Dieux ont souvent pour faiblesse cela même qui fait leur force. Nayru est certes la Déesse de la Sagesse, mais c'est pourtant la Bêtise qui l'a fait se précipiter entre mes mains alors qu'elle pensait que c'était l'action la plus sage.
- Notre soeur est ici ?! s'étonna Farore.
- C'est le cas, oui..."
Il claqua des doigts et dans un cliquetis désagréable, Shin fut emmenée par quatre enfants portant des masques que Link connaissait pour les avoir vus à Termina. Les quatre masques maléfiques qui avaient servi de sous-fifres à Majora.
"Je reprends mes explications, continua Pago. En ce qui concerne Din, elle est la déesse de la Puissance, mais cette force cache en réalité une grande faiblesse : la faiblesse psychologique. Ceux qui se cachent derrière des tonnes de muscles cherchent en général à cacher un esprit faible. Et c'est comme ça que j'ai facilement pu infiltrer son esprit. Et puis finalement, il y a vous, Mère, Farore... Déesse du Courage... Laissez-moi rire ! A la vérité, vous vous contentez d'encourager ceux qui sont véritablement courageux pour mieux les manipuler. Ainsi, vous vous dites protectrice des braves, mais en fait c'est par lâcheté que vous les laissez faire ce que vous auriez dû faire vous-même.
- Je savais que cette hérétique de Sheikah qui porte le nom de Nubia n'était pas quelqu'un de fréquentable, ironisa la Déesse. Elle pense exactement la même chose que toi, ce qui prouve qu'elle se leurre totalement.
- Soeur... soeur, c'est bien toi ? s'enquit la voix faible de Shin.
- Nayru ! s'exclama la mère indirecte de Link.
- Soeur... arrête, tu...
- Ne t'inquiète pas ! l'interrompit-elle. Nous allons te sortir des griffes de cette dégénérescence à laquelle nous avons donné vie.
- Vous croyez vraiment pouvoir y arriver, Mère ? J'en doute fort avec ce bras manquant. Vous auriez dû changer de corps, mais... c'est vrai que vous êtes incapable d'utiliser les capacités magiques de votre hôte, puisque vous avez enfermé sa conscience, et la moindre sollicitation de son aide lui permettrait de reprendre le contrôle, ce qui serait dangereux pour vous, puisqu'elle ne vous laisserait probablement plus jamais vous éveiller...
- Je ne peux peut-être pas me battre convenablement, mais mon fils, lui, le peut ! s'exclama Farore sur un ton de défi. Link, le destin d'Hyrule, de Termina et de Caela repose sur toi.
- Bien..."
Le Kokiri dégaina son épée. Une fois de plus, le sort du monde entier reposait sur ses épaules. Il n'avait pas le droit à la moindre erreur. Surtout qu'ensuite, on le laisserait probablement enfin vivre une vie paisible puisque le Mal serait définitivement éradiqué. Il se jeta sur son adversaire avec une soif de vaincre décuplée par cette perspective d'avenir.
Adossé au mur dans la pénombre du couloir qui menait la salle où se déroulait le dernier des combats, Kamen ne regardait même pas ce qui se passait, se contentant d'écouter. Il devait intervenir et maintenant, mais... Mademoiselle Talula le lui pardonnerait-elle ?
Alors qu'il s'apprêtait à sortir son arme, il sentit une présence à ses côtés. Il soupira et rangea sa badine. Une chaîne cliqueta et il sentit un souffle chaud sur son oreille.
"Ne fais pas de bêtises, voyons... lui susurra une voix féminine à l'oreille. Je m'en occupe...
- C'est la Trinité qui t'envoie ?
- Pas exactement, mais... cette fille qui s'appelle Nubia... Elle et moi sommes identiques dans le fond, et comme tu m'es aussi très sympathique, même si tu persistes à me repousser, je veux bien faire quelque chose pour vous deux.
- Que va dire Farore en te voyant ?
- Peu importe... Elle ne fait pas le poids face à moi..."
La femme aux cheveux noirs de jais disparut.
Pendant ce temps, Link attaquait vaillamment son ennemi. Navi en était impressionnée. Sa technique et sa combativité s'étaient considérablement accrues depuis qu'elle l'avait quitté. Il était devenu si fort... Le jeune Kokiri enchaîna rapidement plusieurs successions de coups précis que Pago, avec sa masse et sa corpulence, avait du mal à éviter, cependant, l'homme était très résistant et ses blessures ne semblaient pas plus l'affecter que quelques égratignures. L'Ange du Malin lança son boomerang, et sans l'avertissement de Navi, le Kokiri se serait vite retrouvé dépourvu d'âme. Ce ne fut qu'au prix d'un saut sur le côté qui lui fit perdre de vue quelques secondes seulement son ennemi qu'il l'évita, mais cette acrobatie lui valut un coup de poing bien senti qui l'expédia dans le mur opposé.
"Alors ? fit Pago. C'est un peu mou tout ça... Peut-être auras-tu plus d'entrain, si je te montrais ceci..."
Il sortit le conteneur d'âmes qui diffusait sa lumière blanche comme neige, où flottait le symbole de la Triforce.
"Zelda ! appela le Kokiri.
- Effectivement... Et que dirais-tu si je faisais ça maintenant ?"
Il tendit le bras en avant et lâcha la sphère. Tout sembla se passer au ralenti. Le nouvel Unificateur vit chaque mouvement de la fragile boule de lumière, seconde par seconde, qui se précipitait inéluctablement vers le sol. Il s'entendit crier, mais avec une voix qui lui paraissait déformée et lointaine, comme s'il était dans un rêve. Quand elle se fracassa et qu'elle se brisa, il vit chaque petit morceau jaillir dans une direction différente, il vit chaque éclat sans la moindre exception. Et sans qu'il ne s'en rende compte, il était tombé à genoux. Il se trouvait incapable de faire quoi que ce soit. Il venait de prendre conscience de ce qu'avait dû être la perte de Zen et Ren pour Nubia. Cela ne lui était jamais arrivé. Il n'avait jamais, ô grand jamais, vécu la perte d'un être cher sans aucune possibilité de lui venir en aide. Et voilà que... que ça arrivait à Zelda... à son amie Zelda... il la voyait encore qui lui souriait dans le jardin du palais d'Hyrule la première fois qu'il l'avait rencontrée, et puis toutes ces autres fois... Tous ces moments passés ensemble... réduits à néant en une seconde de chute qui lui avait paru une heure.
"De toute manière, elle ne m'était plus d'aucune utilité maintenant que j'ai enfin obtenu ce que je voulais...
- Comment ça, maintenant que tu as obtenu ce que tu voulais ?! s'écria la Déesse du Courage.
- Hé hé !" ricana-t-il.
Mais il n'eut pas le loisir d'en dire plus sur ses réelles motivations car Link, dans un accès de fureur, se jetait sur lui et le frappait en plein ventre avec son épée. Pago tomba à la renverse avec le jeune garçon assis à califourchon sur son ventre désormais largement ouvert. Il était le premier surpris par la tournure des événements. Il ne s'attendait pas réellement à un tel regain d'énergie. Il s'attendait plus à un abattement et un désespoir qu'à une telle fureur. Pendant qu'il cogitait, le Kokiri continuait à le frapper encore et encore de son épée. Sa tunique était tachée de sang. Il frappait dans un seul et unique but. Tuer. Tuer celui qui avait tué Zelda. L'anéantir, le détruire peu importe. Pourvu qu'après ça, plus jamais il ne voit un rayon de soleil. Du sang, du sang, encore du sang, il fallait qu'il tue. C'était la seule chose à laquelle il était capable de penser.
L'Ange du Malin, tout d'abord surpris, finit par se ressaisir et balaya le jeune garçon d'un revers de la main. Celui-ci se releva presque instantanément, devenu insensible à toute douleur par la rage qui bouillonnait en lui. L'Ange se releva difficilement et sourit d'un air malsain. Il était recouvert du liquide poisseux mais cela le rendait étrangement euphorique. Il partit d'un éclat de rire à glacer le sang.
"Il n'y a pas de quoi rire, décréta sèchement Farore. De vous deux, tu es le plus mal en point. Tu vas mourir cette fois !
- Vraiment ? N'auriez-vous pas oublié un détail qui a son importance, Mère ?"
Il ferma les yeux, et une lumière noire l'entoura. La lumière se mit à briller de plus en plus fort pour finalement éblouir tous ceux qui se trouvaient là. Quand la lumière se dissipa, Link eut du mal à croire que c'était réellement le même adversaire qu'il avait combattu quelques secondes à peine plus tôt...

Nubia suffoquait. Sa vison se troubla. Allait-elle réellement finir comme ça ? Sans avoir pu revoir une dernière fois Link, Mademoiselle Talula, et surtout... surtout... celui qu'on l'avait forcée à oublier pour une raison qu'elle ignorait... Kamen... Elle aurait voulu faire un dernier effort pour tenter de se dégager, mais elle s'en savait incapable. C'était fini pour elle. Elle se résignait donc...
"Ne fais pas ça voyons..." entendit-elle.
Elle leva les yeux, et entr'aperçut, dans le flou le plus complet, une silhouette entourée d'un halo de lumière.
"Il y a des gens qui t'attendent de l'autre côté, tu n'as pas le droit de les décevoir, continua la silhouette floue.
- Que... qui êtes-vous ? articula la Sheikah.
- Quelqu'un qui ne te veut que du bien puisque nous sommes semblables.
- Comment pourrais-je vous être semblable, alors que je ne vous connais pas ?
- Mais moi je te connais, et je sais que toi et moi, avons la même haine... Le même désir secret... Tu sais de quoi je veux parler, non ?
- Absolument pas...
- Cherche, interroge ton coeur... Tu sais ce que tu hais, et tu sais ce que tu aimerais."
Oui, cette énigmatique personne avait parfaitement raison. Elle savait ce qu'elle désirait secrètement et que Farore n'acceptait pas. Comme si leurs cerveaux étaient connectés, elle et la silhouette semblèrent s'accorder sur ce point.
"Un jour, je réaliserai mon désir qui est aussi le tien. Voudras-tu le réaliser avec moi ? continua la silhouette.
- ... Oui... Je suis sûre qu'un jour ce sera possible... Notre souhait se réalisera, et je t'aiderai s'il m'est donné de voir son accomplissement.
- Je le savais... Viens... Ensemble, nous LE bâtirons..."
Nubia vit la main de la silhouette se rapprocher d'elle et plonger dans sa poitrine pour lui arracher le coeur. Quand la nouvelle venue retira sa main avec son sanglant trophée, elle vit que ce n'était pas le muscle qui aurait dû se trouver à cet emplacement qu'elle avait sorti, mais un oeuf. Un oeuf à la coquille translucide qui laissait voir une toute petite fille ailée qui flottait dans un liquide vert. Et c'était de cet oeuf que partaient tous les filaments qui l'enserraient. Ceux-ci, d'ailleurs, rentrèrent tous à l'intérieur de l'artefact.
"A présent, tu peux reprendre le contrôle de ton corps. Tu en as assez de devoir consacrer ta vie à l'intérêt de la masse ? Alors va et agis comme te l'indique ta propre conscience.
- Oui... Agir comme me l'indique ma conscience... répéta-t-elle. J'aurais dû le faire il y a si longtemps..."
Le halo de lumière autour de la silhouette s'épaissit et bientôt, cette mystérieuse personne avait disparu, ne laissant derrière elle, que l'oeuf. Nubia tendit doucement son bras, et à l'instant même où son doigt effleura la surface lisse presque parfaite, elle se sentit comme expirée d'une pièce exiguë et eut l'impression de se retrouver à l'air libre après avoir erré pendant des siècles et des siècles dans une grotte.

Pago n'existait plus. Il ne restait maintenant plus qu'une ombre qui s'étendait de plus en plus. Elle commença par s'étendre dans toute la salle, puis dans tout le château, et au fur et à mesure de son extension, les murs se désagrégeaient et fondaient, engloutis par cette... chose... C'était le seul mot que Link pouvait mettre sur ce qu'était devenu le voleur d'âmes. Un rire satanique retentit quand le bâtiment disparut entièrement. L'Ombre continuait pourtant à s'étendre dans tout le pays. Elle engloba d'abord la ville, puis la plaine et se répandit encore.
"Oh non... murmura Farore totalement déboussolée avant de sentir une petite douleur dans sa poitrine. Non... pas maintenant... nooon !"
Elle hurla et tomba par terre en se tenant la tête entre les mains. Elle s'effondra lourdement sur le sol. Le Kokiri se précipita sur elle pour la secourir. Un peu plus loin, en retrait de la scène, la jeune femme aux poignets enchaînés réapparut près de Kamen.
"Comme je le pensais, elle est comme moi... déclara-t-elle. J'ai fait ce que j'ai pu pour vous deux, je ne peux pas intervenir plus que ça, sinon, ça risquerait de ruiner mes objectifs. A ce sujet, maintenant que tu as une dette envers moi, est-ce que je peux compter sur ton soutien ?
- Je t'ai déjà dit que oui, répondit le jeune homme. Tu auras même celui de Mademoiselle Talula. Après ce que Demoiselle Farore a fait, c'est presque sûr.
- Alors au revoir et à très bientôt, mon cher Kamen..."
La femme lui effleura la joue avec un sourire enjôleur et disparut pour la dernière fois.

Chapitre 17 : Adieu ? Non, Au revoir !   up

La première vision qu'eut Nubia en ouvrant les yeux fut celle de Link se penchant sur elle.
"Farore ? Vous allez bien ? demandait-il.
- Ne me... articula-t-elle difficilement. Ne me confonds pas avec la pouffiasse !
- Nubia ! s'écria joyeusement Navi.
- Et ouais ! J'ai bien failli y passer cette fois, mais on ne se débarrasse pas de moi comme ça !"
Elle se releva et regarda aux alentours. Où que se posait son regard, il n'y avait plus que les ténèbres. Ils avaient fini par être totalement englobés par l'Ombre eux aussi. Le corps de Shin s'éleva dans les airs et une sorte de main noire se saisit d'elle. Son corps se désagrégea et il ne resta bientôt plus qu'un oeuf lisse et translucide qui laissait apparaître à l'intérieur, une toute petite fille qui nageait dans un liquide bleuté. La main saisit l'oeuf et le plongea à son tour dans les ténèbres. Une voix caverneuse retentit.
"Et voilà ! disait-elle. Je possède maintenant avec moi le pouvoir de deux Déesses. Pourras-tu en venir à bout, Unificateur ?
- Bien sûr ! Je vais te faire regretter tous tes actes ! s'exclama le Kokiri.
- ... Hum... Link, tenta d'intervenir Nubia. Je ne crois pas que tu doives faire ça...
- Mais qu'est-ce que tu racontes ! Il a tué Zelda ! C'est à cause de lui que Zen et Ren sont morts ! Tu devrais le détester, non ? Il mérite amplement de mourir ! Et puis... C'est le Mal ! Et le Mal doit être éradiqué !"
Il avait dit ces derniers mots sans vraiment se rendre compte que c'était lui qui prononçait ces paroles, mais il était dans un tel état de fureur, de rage... Son état psychique était très instable. Nubia le savait, et elle ne comprenait pas pourquoi, mais le voir ainsi... lui faisait presque peur. Comme si une force enfouie en lui était sur le point de s'éveiller et qu'il ne fallait absolument pas. Elle ne savait pas encore à ce moment-là, à quel point elle était proche de la vérité, mais elle ne tarda pas à en prendre conscience car le corps de Link se mit soudainement à luire. De longues ailes blanches lui poussèrent dans le dos et ses yeux perdirent leur bel éclat bleu pour briller comme l'or, tandis que sur son front, apparaissait le symbole de la Triforce. La couleur de ses vêtements s'effaça, le laissant vêtu de blanc. Il regarda Nubia sans véritablement la voir avant de se retourner vers l'endroit où avait surgi la main noire.
"Ange du Malin, lança-t-il d'une voix devenue étrangement calme et posée alors que quelques instants auparavant il était hors de lui. Il est temps pour moi d'achever ce que j'ai commencé il y a trois mille ans.
- Mais je t'attends, retentit la voix caverneuse du Mal. Viens donc, je n'attends que toi !
- Link... risqua Navi.
- Mon nom est Unificateur, répondit Link de la même voix calme. Je me suis enfin éveillé à ma véritable essence. Je suis né dans l'unique but d'anéantir le Mal, c'est ma seule raison d'exister, j'accomplirai donc la mission que m'ont confiée mes mères."
Il lâcha son épée et s'envola au plus profond des Ténèbres. Un bruit de pas interpella Nubia. Elle se retourna et son coeur faillit lâcher en découvrant la personne qui se tenait derrière elle.
"Ka... Kamen ! s'écria-t-elle en se jetant dans ses bras.
- Et oui ma belle, c'est moi, fit-il en répondant à son étreinte. Ce n'est peut-être pas vraiment le moment, mais... tu m'as manqué... Dis-moi, c'est mon sort d'oubli qui est défaillant pour que tu te souviennes aussi bien de moi ?
- C'est Farore qui l'a désactivé, répondit-elle. C'est vrai que ce n'est pas le moment non plus, mais toi aussi tu m'as manqué...
- Nubia... Il faut l'empêcher de faire ce qu'il va faire. Si l'Unificateur détruit le Mal, l'équilibre du Bien et du Mal sera rompu et ces mondes seront anéantis, et il sera impossible pour les Déesses de le reconstituer à partir de ses cendres. Je comprendrais parfaitement que tu ne veuilles pas le faire... Après tout ce qu'elles t'ont fait, ce serait une belle vengeance pour toi, mais si ce n'est pas pour elles, fais-le pour moi... Comme ça, je pourrais essayer de venir te voir et... Enfin tu comprends... Tu es la seule à pouvoir essayer de le convaincre... J'ai analysé sa mémoire la première fois que je l'ai vu, et il te tient en haute estime. Je suis sûr que tu réussirais à faire revenir la partie de son esprit qui est Link."
Nubia détourna les yeux et réfléchit. A tout, à rien, à beaucoup de choses. A ce qui arriverait si elle faisait ça, à ce qui arriverait si elle ne le faisait pas. A ce qui serait arrivé si rien de tout ceci ne s'était passé.
"Je... commença-t-elle en le regardant à nouveau dans les yeux. Je suis désolée Kamen, mais je ne peux pas faire ça...
- ...
- Ecoute... Je suis différente de Farore... Elle, elle manipule ceux dont elle a besoin afin d'arriver à ses fins. Même si c'est pour la bonne cause, je le reconnais, mais cela reste de la manipulation. Link a fait un choix : celui de se battre jusqu'au bout. Tenter de le détourner de la voie qu'il a choisie reviendrait à se comporter comme Farore. Je ne suis pas une manipulatrice de pensée. Tu comprends ? Personne n'a le droit de choisir pour les autres ce qu'ils doivent faire, ni ce qu'ils doivent penser. Puisque Link a la volonté d'anéantir le Mal, je ne contesterai pas son choix et ne tenterai pas d'intercéder, même si ce sera la cause de la perte de tous.
- ... Nubia... Tu es quelqu'un de grand. Tu aurais pu être une Déesse de première classe.
- Pourtant je ne le suis pas... Je ne suis qu'une simple demi-déesse hérétique... ironisa-t-elle.
- De vous deux, c'est Farore l'hérétique..."
Il la serra contre elle et ils se tournèrent vers l'affrontement qui avait lieu pendant ce temps-là. L'Unificateur croisa ses bras devant son visage et les décroisa en avant avec une violence inouïe. Les ténèbres se scindèrent en deux, comme un voile qu'un coup de vent trop vif venait de déchirer, et trois oeufs apparurent. L'un contenait un liquide rouge où flottait une toute petite fille, le deuxième un liquide bleu et laissait apparaître une autre petite fille, et le dernier était noir. C'est celui-ci que l'Unificateur attrapa. Il tenait dans sa main la pauvre petite chose fragile et il la serra, tant et si bien que la coquille commença à se fendiller. Une silhouette apparut alors. D'abord totalement floue, ses traits finirent par devenir de plus en plus nets. C'était un homme aux yeux dorés vêtu tout de noir. Les mêmes fissures que sur l'oeuf étaient visibles sur son corps. L'envoyé des Déesses s'arrêta momentanément de serrer l'artefact. L'homme sourit faiblement.
"Et bien ? lâcha-t-il ironiquement. Achève-moi donc, puisque c'est ce que tu veux... Depuis le temps que j'attendais ça...
- Qu'est-ce que tu veux dire ? s'enquit durement l'Unificateur.
- Oui, je n'attendais que ça... Depuis que je suis né, je n'ai vécu que dans l'attente de ce moment. Tu ne sais pas à quel point tu me fais du bien...
- Explique-toi !
- Mais c'est ce que je fais... Je suis l'Ange du Malin, l'entité née de la rancune et de la haine de ces trois écervelées de Déesses... Je suis comme toi, je suis leur fils... Je suis né dans la haine, c'est le seul sentiment que je puisse ressentir. Mes Mères se détestent entre elles. Et elles me détestent parce que je suis le fruit de leur haine... Comment pourrais-je éprouver un autre sentiment ? A ma naissance, j'ai été refoulé et exilé... Et toi mon frère, tu es né avec une seule raison d'être, me tuer... Comme je t'envie... Toi au moins, tu sais pourquoi tu vis... Moi je l'ignore... Alors, comme tout ce qui me restait était la haine, j'ai haï, haï et encore haï. J'ai haï le monde entier, mais plus que tout, j'ai haï mes Mères... Puisque ce sont elles qui m'ont donné la vie avec ce seul sentiment, il est normal qu'elles soient les premières à en subir les conséquences... Mais ce n'était pas suffisant pour moi... Etais-je réellement né dans le seul but de haïr ? Cet objectif ne me convenait pas... Alors j'ai décidé de me donner une fin à atteindre puisque personne d'autre ne m'en avait donné... Et ma raison d'être dès ce jour... a été de vivre... dans le but de mourir et de disparaître... Ta venue a été pour moi une libération, mais voilà... tu ne m'as pas tué... mais aujourd'hui, je te le demande... Achève-moi...
- Mais je ne compte pas me comporter autrement.
- Avant que tu ne termines enfin ton ouvrage, je voudrais juste te poser une question... Et ensuite ? Que feras-tu quand tu auras atteint ton objectif ? Que feras-tu quand la seule raison qui faisait que tu existais aura disparu ?
- Je... je..."
Là était la question. Que ferait-il ? Que lui resterait-il ? Il n'en avait pas la moindre idée.

"Tu ne laisseras aucun sentiment extérieur t'aveugler et te détourner de la tâche que tu dois accomplir, tu te souviens ? Tu l'as promis !
- Nubia lui en veut pour lui avoir enlevé une partie de ses souvenirs, et Kurrecx a dû prendre conscience de quelque chose de terrible.
- La Gangrène est là où on ne s'attend pas qu'elle soit !
- Je l'ai regardé dans les yeux, et tout ce que j'y ai vu... c'est mon propre reflet..."

Il lâcha l'oeuf et se prit la tête entre les mains. Des voix... Il entendait des voix et ce qu'elles lui racontaient se contredisaient.
"Taisez-vous ! hurla-t-il. Taisez-vous ! Laissez-moi réfléchir !"
Une à une, les plumes de ses ailes se détachèrent en une pluie de duvet et il chuta durement au sol. Il s'accroupit tout en continuant à se tenir la tête.

"Tu dois l'anéantir, tu l'as promis !
- Et après ? Que feras-tu quand ta seule raison d'exister aura disparu ?
- Anéantis-le !
- Que feras-tu ?
- Tue-le ! Tue-le ! Tue-le !

- Je vous ai dit de vous taire !!!" cria-t-il de plus belle.
Il était totalement perdu, déchiré entre sa conscience et sa promesse. Que devait-il faire ? Plus il réfléchissait à ce dilemme insoutenable, et plus la solution lui échappait. C'était un cercle vicieux infernal qui lui torturait l'esprit et dont il ne voyait pas la fin. Que faire ? Que faire ? Que faire ?! Une main sur son épaule le sortit momentanément de sa douleur psychique. C'était Nubia qui était venue s'agenouiller près de lui et dont le sourire bienveillant l'apaisa quelque peu. Elle le serra un instant contre elle avec son bras valide.
"Link, écoute-moi, lui dit-elle doucement. Regarde-le... et dis-moi ce que tu vois.
- C'est... c'est le Mal ! Il doit être anéanti ! C'est ce pour quoi je suis né ! Et c'est aussi ce que j'ai promis de faire ! s'écria-t-il d'une voix incertaine destinée plus à le convaincre lui-même qu'à la convaincre elle.
- Et maintenant, continua-t-elle. Regarde-le avec ton coeur. Plonge tes yeux dans les siens et dis-moi ce que tu ressens au plus profond de ton âme..."
Il leva les yeux vers celui qu'il se devait de considérer comme son ennemi héréditaire.
"Je... il..." bafouilla-t-il complètement déstabilisé.
Et puis il comprit. Il comprit où elle voulait en venir. Il comprit aussi ce qu'avait voulu dire Kurrecx.
"Je suis pareil à lui... murmura-t-il. Lui et moi, nous sommes identiques... Je suis né de l'union de mes trois mères et c'est pour cela qu'on m'a donné le nom d'Unificateur, mais lui aussi est né de leur union... Il est le résultat de l'association de leur haine à toutes les trois... Il est la projection de mon avenir proche... Quand il ne sera plus ? Que me restera-t-il sinon le même sentiment d'une vie vide de tout objectif... Alors, comme lui, je ne demanderai qu'une chose, être anéanti à mon tour... Mais à qui le demanderai-je ? Il ne restera plus personne pour me soulager... et... je deviendrai lui... Il est mon reflet..."
Des larmes coulèrent sur ses joues.
"Je... je ne peux pas te tuer... continua-t-il à l'adresse de l'Ange du Malin. Je ne le veux pas... Je comprends ce que tu ressens... C'est cette douleur qui est en toi qu'il faudrait détruire, mais pour la détruire, je dois t'anéantir. Et si je t'anéantis, elle renaîtra en moi et ta mort n'aura servi à rien si ce n'est à propager ta souffrance... Et ça, je ne le veux pas..."
A ces paroles, Nubia se débattit soudainement. Les mêmes filaments que lorsqu'elle se trouvait dans son esprit lui percèrent la poitrine et la transpercèrent de toute part, l'enserrant avec force. Le fantôme d'une jeune femme aux cheveux verts sortit par sa fontanelle. Elle se pencha sur Link.
"Mon fils... lui dit-elle. N'oublie pas la promesse que tu m'as faite... C'est exactement ce que je craignais qui est en train d'arriver. Ne l'écoute pas, elle te trompe pour te détourner de la voie qui est juste. Elle t'a embrouillé l'esprit pour pouvoir mieux te persuader d'agir comme elle l'entend. Tu dois anéantir le Mal... Pour le bien de la population...
- C'est faux ! protesta Nubia. Je n'ai rien fait ! Il a de lui-même exprimé ce qu'il ressentait, sans aucune pression extérieure ! C'est vous qui le trompez ! Laissez-le donc agir comme le lui indique sa conscience !
- Tais-toi !"
Les filaments se plantèrent plus profondément encore. Kamen accourut et tenta de les retirer, mais à peine les eut-il touchés qu'une décharge le secoua.
"Inutile de rêver jeune impertinent ! s'exclama Farore. Je t'ai déjà dit qu'elle sera jugée par le tribunal céleste ! Et toi aussi pour avoir désobéi à une interdiction divine !
- La seule qui sera jugée ici, c'est vous."
Tous se retournèrent pour découvrir à qui appartenait cette voix. Entourée d'un Kokiri accompagné d'une fée, d'un Goron massif, d'une Zora, d'une Miko et d'un jeune homme, Mademoiselle Talula toisait la scène avec un stoïcisme sévère.
Les oeufs avec le liquide rouge et le liquide bleu se mirent à briller et les fantômes de deux magnifiques jeunes femmes apparurent. La première avait des vêtements et des cheveux rougeoyants et dans son dos, s'ouvraient deux grandes ailes enflammées. La seconde portait des vêtements aussi bleus que ses cheveux et ses ailes étaient parcourues de gerbes d'eau. Sur leur front, brillait le symbole de la Triforce. Elles s'approchèrent toutes deux.
"Soeurs ? s'exclama joyeusement Farore.
- Soeur Farore, salua celle aux cheveux bleus avant de gifler la Déesse du Courage.
- Mais qu'est-ce qui te prend ! protesta-t-elle.
- Il me prend que tu es encore plus butée que Din ! Voilà ce qu'il me prend ! explosa Nayru. Regarde ce qui est en train d'arriver par ta faute !
- Ma faute ?! Je vous rappelle que si vous ne vous étiez pas disputées toutes les deux, nous n'en serions pas là !"
Elle reçut une autre gifle, mais de la part de la Déesse de la Force.
"Je reconnais que j'ai ma part de tort dans cette affaire, déclara celle-ci. Mais nous sommes toutes trois fautives.
- Heureuse de vous l'entendre dire, appuya la fille aux cheveux turquoise.
- Mes respects, Mademoiselle Talula, s'inclina la Déesse de la Sagesse. Notre soeur a parfaitement raison. Nous sommes toutes trois responsables de la situation délicate dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui. La dispute qui a éclaté entre moi et Soeur Din en est l'un des facteurs, mais l'obsession née chez Soeur Farore d'obtenir un monde où tout mal serait éradiqué, et qui serait parfait selon elle, l'est tout autant.
- Mais un monde sans mal est un monde parfait ! s'écria le fantôme aux cheveux verts.
- Vous n'avez donc toujours pas compris votre erreur, constata Talula. Vous n'avez donc toujours pas compris qu'un monde ne peut vivre que si l'équilibre y règne ? Vous êtes des Déesses de seconde classe, c'est donc l'équilibre du bien et du mal qui régit vos mondes. Or, par votre faute, cet équilibre vient d'être rompu. Est-ce que vous savez ce que cela signifie ?"
Farore se tut. Elle venait de prendre conscience de la gravité de ce qu'elle avait accompli par arrogance. Ces mondes étaient voués à disparaître sans possibilité de régénération...
"Mais... son oeuf n'a pas encore été détruit. On peut peut-être encore... tenta-t-elle.
- Il est trop tard... répondit l'Ange du Malin. Il est fêlé, et je ne pourrai survivre ainsi très longtemps. Finalement... continua-t-il en esquissant un faible sourire. J'aurais réussi... à détruire vos mondes...
- Non... Il y a encore une possibilité..." entendit-on.
Nubia se releva en titubant. Les filaments la ligotaient si forts que ses lèvres en étaient toutes bleuies. Elle tendit son bras en avant et dut s'y prendre à deux fois avant de pouvoir faire apparaître sa lance.
"Incroyable... s'étonna Mademoiselle Talula. Elle a encore assez de force pour... C'est impossible ! Nubia ! Arrête ! Tu es top faible pour tenter de contenir une entité aussi puissante ! Ton esprit n'y résistera pas !
- J'en ai rien à foutre de toutes vos histoires ! rétorqua-t-elle d'une voix faible. J'avais promis que je mettrai une raclée à Pago, et elle n'est plus là alors... Autant me venger sur le responsable de ce truc !
- Tu es sourde ou quoi ? proteste Farore. Si tu le tues, tu détruiras irrémédiablement le monde !
- Oh vous... Fermez-la !"
Elle leva son bâton, mais s'effondra. Elle laissa échapper un juron. Elle n'arrivait presque plus à tenir debout.
Kamen se tourna vers sa protectrice.
"Qu'est-ce que vous insinuez quand vous dites que son esprit n'y résistera pas ?
- Je ne te l'ai jamais expliqué, mais la technique du vol d'âmes est redoutable et beaucoup la craignent, mais elle est aussi très dangereuse pour celui qui l'utilise, expliqua-t-elle. Son bâton n'est autre que la matérialisation de son esprit. En se concentrant, elle peut canaliser son esprit dans sa main et lui donner une forme matérielle palpable. Il faut être doué d'une capacité psychique hors du commun pour y parvenir, mais c'est un acte éreintant.
- Alors... ça tient du miracle si elle est encore debout en ce moment...
- Oui, mais ce n'est pas le plus grave, continua la fillette. Lorsqu'elle capture une âme, elle l'expire de son corps originel et la contient momentanément dans son propre esprit avant de la transférer dans le conteneur. L'âme d'une personne ordinaire ne pose aucun problème, mais l'affaire se corse quand il s'agit par exemple de l'âme d'un grand Sage, ou pire, d'un être à caractère divin. Alors une entité comme le Mal en lui-même, surtout dans l'état de fatigue psychologique dont elle est atteinte... Même si ce passage ne prend qu'une seconde, son esprit ne sera jamais assez fort pour le faire. Il va tout simplement imploser..."
Kamen resta bouche bée. Il n'arrivait toujours pas à saisir les intentions de la voleuse d'âmes, mais tout ce qu'il avait retenu, c'était qu'elle allait mourir, et ça, il ne le voulait à aucun prix.
"Il faut l'empêcher de faire ça ! s'écria-t-il.
- Je ne te le permettrai pas, ordonna sèchement Talula. Que t'a dit Nubia tout à l'heure ? T'en rappelles-tu ?
- ... Elle m'a dit... qu'il ne faut pas détourner les gens de la voie qu'ils ont choisie... Mais je ne veux pas la laisser mourir !
- Il faut la laisser faire Kamen, je suis désolée. C'est la seule façon pour toi de te montrer fidèle à elle jusqu'au bout."
Le jeune homme masqué essuya une larme qui commençait à perler sur sa joue.
"Puisque c'est comme ça..."
Il se précipita vers la voleuse et constata avec surprise que Link s'était élancé pratiquement en même temps que lui. Et ses yeux... étaient redevenus bleu océan.
"Qu'est-ce que vous foutez, encore ? souffla Nubia en les voyant la relever.
- On vient t'aider, bien sûr ! répondit Link. Je ne sais pas ce que tu as l'intention de faire, mais... je te fais confiance ! Depuis que je t'ai rencontrée, tu m'as toujours sauvé la mise, alors à moi de te rendre la pareille ! Parce que tu es mon amie !
- Et moi... compléta tristement Kamen. Essayer de t'empêcher d'accomplir ce qui est peut-être ton dernier acte serait criminel de ma part, parce que... ce serait manquer de respect à tes convictions. Mais, je peux au moins t'aider à faire ce que tu veux faire, parce que tu es mon amour..."
A ces mots, Farore faillit s'arracher les cheveux. Elle avait tout fait pour empêcher que ça ne se passe, mais après tout, au point où on en était maintenant... Cette fille était décidée à éradiquer le Mal, et donc à détruire le Monde, alors que ces deux-là reprennent leur stupide amourette n'avait plus d'importance.
"... Vous êtes franchement stupides tous les deux... sourit Nubia. Mais puisque vous êtes décidés à m'aider... Kamen, soutiens-moi, et toi Link, aide-moi à tenir mon bâton. Je vais avoir droit à une belle vengeance..."
Aidée du Kokiri, elle leva sa lance et l'abattit sur l'oeuf dont la coquille vola en éclats. Le liquide contenu à l'intérieur se déversa et la réplique exacte de l'Ange du Malin, mais en version miniature, se retrouva en plein air. Le Mal sourit et commença à s'estomper peu à peu.
"Et voilà, enfin... déclara-t-il en se tournant vers ses mères. J'ai enfin atteint mon objectif... Je vais disparaître, et le monde entier disparaîtra avec moi...
- Tu rêves mon grand ! Toi qui as tellement envie de crever, je suis sûre que t'apprécieras si je te prive de ta mort !" cria Nubia.
Elle leva une nouvelle fois son bâton, et cette fois-ci, le rabaissa du côté du conteneur. Un tourbillon de vent se déclencha autour d'elle et des deux garçons, si bien que momentanément, plus personne ne put voir ce qui se passait. On entendit simplement, au beau milieu du vacarme provoqué par la rafale, un cri inhumain à en percer les tympans. Quand tout fut fini, tous découvrirent le spectacle qui s'offrait à eux. Les Ténèbres s'étaient dissipées. Ils se trouvaient présents à l'emplacement où aurait dû se trouver le château, sauf que celui-ci était en ruines devant eux. Une petite brise souffla et un oiseau gazouilla... Tout était absolument fini. Plus de Seigneur du Malin, plus de Ténèbres... Nubia, allongée sur le sol, tenait à la main une boule toute noire, dont les parois étaient martelées par un petit homme... par l'Ange du Malin. Elle avait réussi. Elle avait enfermé l'essence divine du Mal, dans un conteneur. Mais à quel prix ? Kamen la prit délicatement. Son visage s'assombrit en la retournant.
"C'est fini... murmura-t-il. Cette fois... elle ne reviendra plus..."
En effet, la voleuse d'âmes, était plus pâle que la mort elle-même, et son regard vitreux se posait sur le néant. Le jeune homme la souleva de terre, et ses membres ballants se balancèrent mollement. La vie l'avait quittée.
Un oeuf sortit de sa poitrine et s'éleva. Une petite fille qui flottait dans un liquide vert y était enfermée. Elle les regardait tous avec des petits yeux tristes. Tous les filaments qui en partaient revinrent et y rentrèrent. Tout de suite après, une jeune fille aux courts cheveux blonds et aux yeux rouges comme le tatouage qu'elle arborait sous l'oeil gauche apparut à son tour.
"Nubia... appela Link dont les joues étaient déjà tout inondées de larmes.
- Adieu... fit-elle avec un sourire en essayant de le toucher, mais sa main le traversa. J'ai été ravie de te connaître... Tu as été un véritable ami pour moi. Le seul ami, même... Je te remercie d'avoir croisé ma route, mais... nos chemins se séparent ici...
- Mais je ne veux pas que tu partes ! s'écria le jeune homme. Tu te rappelles ? Je t'avais dit que quand ce serait fini, on rentrerait en Hyrule ! On devait rester ensemble et... et...
- C'est vrai, mais... je ne peux pas... C'est une réaction égoïste de ma part, mais je suis heureuse de pouvoir enfin mourir. Quelque part, moi aussi j'étais comme l'Ange du Malin... J'attendais ce jour avec impatience. Je vais enfin pouvoir me reposer de la vie... Kamen... continua-t-elle en se tournant vers le jeune homme qui avait autant de mal que le Kokiri à retenir ses larmes. Je suis contente d'avoir pu te revoir une dernière fois...
- Une minute ! intervint Farore. J'avoue que je suis épatée par le sacrifice qu'elle a fait pour nous sauver tous, mais... elle n'en reste pas moins une hérétique qui sera jugée au...
- Mais tu vas te taire, oui ! l'interrompit Nayru."
Nubia s'approcha de la déesse du Courage et, avec un grand sourire, elle la gifla une fois sur chaque joue.
"Depuis le temps que je rêvais de ça... soupira-t-elle. Maintenant, je peux partir sans aucun regret. Vous vous chargez du reste, Talula ?
- C'est bien pour ça que je les ai fait venir, non ? répondit la fillette en désignant les six habitants de Caela.
- Pour le septième, Navi fera l'affaire, continua le fantôme de la Sheikah.
- Attends, nous avons une dette envers toi à présent, intervint Din. Nous pouvons très bien faire quelque chose pour que tu retournes en Hyrule auprès du bureau des Défunts.
- Si vous voulez me rendre service, faites plutôt revenir l'âme de Zelda. Ça te fera sûrement très plaisir, Link... N'est-ce pas ?"
Avant qu'il ait pu répondre quoi que ce soit, un rayon de lumière s'abattit sur elle, et elle fut soulevée vers le ciel.
"Adieu ! cria-t-elle avant qu'elle ne soit trop loin pour qu'on ne l'entende. Et n'oublie jamais ça ! Le bien ou le mal... ça n'a pas d'importance ! Devant un choix, seule ta conscience compte vraiment !
- Je m'en souviendrai ! cria à son tour le Kokiri. Adieu... Non ! Au revoir !"

Epilogue : Une porte close   up

"... Vous serez donc relaxée, décréta la voie froide et sévère. Mais sachez, Demoiselle Farore, que la prochaine fois que vous ferez preuve d'un tel comportement, la sentence sera bien différente ! Vous pouvez disposer à présent !"
Un à un, les trois doubles pupitres s'effacèrent dans l'ombre, et avec eux leurs occupants. La Déesse du Courage sortit de la salle du Tribunal céleste soulagée de ne pas avoir eu plus qu'un simple avertissement de la part de la Sainte Trinité. A l'extérieur, une petite fille aux cheveux et aux vêtements verts l'attendait.
"Ah ! Kazeki, c'est toi... lâcha Farore en s'éloignant rapidement, la gamine sur les talons.
- Oui, je me suis renseignée sur ce que vous m'avez demandé à votre retour, expliqua la fillette. Donc, voilà, juste après que vos soeurs, vous et les Sages de Caela ayez enfermé l'Ange du Malin et que vous soyez revenus, j'ai appris que Mademoiselle Talula avait fait apposer un sceau de mémoire à l'Unificateur. Il n'a donc plus aucun souvenir remontant à plus de trois mois. Après ça, Mademoiselle et son protégé sont retournés eux aussi de là où ils venaient, mais je n'ai pas réussi à découvrir par où ils sont passés. Je pense qu'ils s'attendaient à une enquête de votre part, et ils ont camouflé leur départ. Comme il a été demandé, l'âme de la Princesse Zelda a regagné son corps d'origine, ainsi que toutes les âmes contenues dans tous les conteneurs d'âmes que vous avez ramenés. Les Sages d'Hyrule et de Termina ont donc repris leurs fonctions. En ce qui concerne la fée Navi, futur Oracle, elle a été endormie et placée dans une salle aménagée pour les circonstances dans votre Pavillon en attendant de s'incarner. Et pour finir, suite à une lettre écrite par la main de Mademoiselle Talula elle-même, l'âme de la défunte Nubia a été rapatriée dans le monde placé sous la tutelle de Dame Hikari. Il est fort probable qu'elle lui ait déjà fait cadeau de l'une des pêches de la Montagne Kunlun.
- C'est peut-être mieux ainsi, soupira la Déesse. De toute façon, maintenant que je ne fais plus un avec cette insupportable fille, je n'ai plus aucune raison de m'opposer à cette stupide relation... Autre chose ?
- Oui, nous attendons vos directives et celles de vos soeurs pour ce que vous prévoyez de faire.
- ... Combien y a-t-il de dimensions parallèles actuellement ?
- Et bien... Nous avions la dimension principale qui est celle dans laquelle a lieu la quête du Héros du temps... réfléchit Kazeki. Puis, il a remonté le temps, ce qui a créé une dimension parallèle à celle-là... Nous en avons donc deux.
- Très bien ! Din, Nayru et moi, avions prévu et décidé de créer un nouveau monde de toute façon. En revenant, nous avons discuté, et nous sommes toutes les trois d'accord pour tout reprendre à zéro, alors voilà ce que tu vas faire. Tu vas commencer par envoyer quelqu'un à l'intérieur du sceau où est enfermé l'Ange du Malin pour briser le conteneur. Ainsi, privée de réceptacle, son âme dépérira. Après ça, Din réveillera Ganon, alors charge-toi de faire remonter le temps à son esprit pour créer une autre dimension parallèle dans laquelle il pourra s'entraîner un peu. Avec Din et Nayru, on se chargera de le convaincre d'aller dans la dimension principale pour détruire l'Unificateur.
- Vous allez tuer votre propre fils ?! s'étonna la fonctionnaire divine qui se ravisa aussitôt. Enfin... je veux dire...
- Il le faut. J'ai décidé de repartir à zéro. La suite, c'est à mes soeurs et à moi de nous en charger.
- J'envoie tout de suite Ryûchi se charger de ça, elle a les ailes qui lui démangent depuis qu'elle sait que vous êtes de retour.
- Alors, va ! Inutile de perdre plus de temps en digressions inutiles."
Pendant ce temps, quelque part... ailleurs, une jeune femme aux poignets enchaînés scrutait avec intérêt un bassin où prospéraient de belles fleurs de lotus. Un sourire éclaira son visage.
"... Je t'ai trouvé petit chat..."

Les images se succédaient avec une vitesse inimaginable dans sa tête. Il y avait cette fille aux cheveux blonds et aux yeux rouges, ce type avec un masque, cette ombre, ces oeufs aux couleurs étranges qui lui rappelaient la Triforce, cette gamine avec des cheveux turquoise, une autre avec la peau mâte et un bras amputé, une autre fille avec un bandana et un garçon avec un bâton tordu, un renard au pelage blanc et neuf queues, un plateau dévasté et ravagé, un champ de bataille, une femme aux cheveux noirs et un homme, un homme aux cheveux roux tirant sur le violet, un lac, une cascade, des Zoras se baignant, la fille à la peau mâte mais avec ses deux bras, des Gorons en colère, une mine, une grosse taupe, la fille à la peau mâte, une tempête de neige, une grotte, la fille à la peau mâte, un énorme monstre qui s'apprêtait à le tuer, un arbre semblable à l'Arbre Mojo, la fille à la peau mâte, une Grande Reine des Fées, un Kokiri qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, la fille à la peau mâte, un homme de stature imposante, la fille à la peau mâte, une femme avec un lance-pierres, la fille à la peau mâte, la fille à la peau mâte, la fille à la peau mâte, la fille à la peau mâte, la fille à la peau mâte... une porte close.
Il se sentit chuter et une douleur sourde dans le dos le réveilla.
Il faisait chaud aujourd'hui. C'était une belle journée qui se préparait en l'occurrence. Il envisageait d'aller faire un petit tour chez les Zoras, et il se promenait dans la plaine avec Epona quand il s'était bêtement endormi. Son rêve avait été étrange, et mouvementé, mais il ne s'en souvenait déjà plus. S'il n'était pas tombé de selle, il ne se serait sas doute pas réveillé avant un moment. Sa pouliche frotta son museau contre son visage.
"Ça va Epona, je n'ai rien, la rassura-t-il avec un sourire. Tiens, nous sommes près du Ranch, ça te dirait d'aller y faire un tour ?"
Pour toute réponse, la jument se frotta de plus belle contre lui. Il lui flatta l'encolure et remonta en selle.
A peine fut-il arrivé au Ranch Lonlon, qu'une petite fille rousse vint l'accueillir avec joie.
"Liiiink ! s'écria-t-elle en l'apercevant. Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus ! Attends un instant, je vais réveiller mon père ! Tu peux laisser Epona dans l'enclos avec les autres chevaux !"
Ce qui fut dit fut fait, et la fermière alla frapper à la porte du poulailler.
"Papa ! appela-t-elle en entrant. Papa ! Réveille-toi ! Regarde qui est venu nous rendre visite ! Papa !"
Talon, confortablement installé sur une botte de paille, ronflait, entouré de ses chères cocottes. Après dix bonnes minutes d'appels claironnants, il finit enfin par se lever. Son accueil fut plus que chaleureux pour Link. Il lui serra si fort la main, que le pauvre garçon eut l'impression que ses doigts allaient finir broyés.
"Alors gamin ! Ça faisait un bail, non ? s'exclama le tenant du Ranch. La dernière fois, ça devait être il y a deux mois ou trois peut-être, je ne m'en souviens plus très bien, mais tu es parti si rapidement ! Je te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait au fait.
- Ce que j'ai fait ? répéta le Kokiri totalement abasourdi. De quoi parlez-vous ?
- Et modeste avec ça ! Franchement, je te trouve vraiment sympathique mon garçon ! Tu vois bien de quoi je veux parler, non ?
- Et bien... Pas vraiment en fait...
- Mais si ! Quand Malon était malade ! Tu es revenu avec ta copine aux cheveux tricolores et au bâton bizarre ! Et zoup, zip, zap ! En deux minutes, ma p'tite Malon chérie gambadait comme un poulain ! D'ailleurs, tu passeras le bonjour à ta copine de ma part ?
- Ma copine ? Vous êtes sûr de ce que vous me racontez là ? Parce que je ne me souviens absolument de rien.
- Si je te le dis ! Mais j'te comprends ! Tu dois faire tellement de choses pour les autres que ça, pour toi, ce n'était rien de vraiment compliqué ! Ça a pas dû trop te marquer, n'est-ce pas ?
- Euh... sûrement..."
Trois mois... Trois mois de sa vie s'étaient envolés comme par magie, et il n'en gardait aucun souvenir... si ce n'est cette porte close sur laquelle était gravée cette inscription :

"Le Bien ou le Mal n'a pas d'importance.
Devant un choix, seule notre conscience compte véritablement..."

FIN

Blablas et remerciements :

Nubia : Bon, alors aujourd'hui, c'est moi, la Grande, la Magnifique, la Puissante Nubia qui vais m'occuper de cette rubrique de blablatage ! Après tout j'y ai bien droit pour ma dernière apparition.
Alors papotons un peu !
- Tout d'abord, vous avez sûrement remarqué que certains personnages apparaissant dans les tous derniers chapitres sont assez flous au niveau des descriptions et n'ont pas une personnalité très marquée, tels que Zen, Ren, Kamen ou Talula. Ceux qui pensent que c'est par flemme de Shinzuku ont à moitié raison, mais je vais rétablir la vérité : La raison à ce flou qui est volontaire, est que ce sont des personnages qui ont un rôle relativement secondaire dans cette histoire, mais qui réapparaissent dans d'autres fics où ils seront un peu plus important. Donc pas de panique !
- Ensuite, vous devez tous vous poser aussi certaines questions, comme par exemple : Mais qu'y a-t-il entre moi et Kamen ? A vous je vous réponds : C'est pas vos affaires d'abord, c'est ma vie privée ! Mais si vous voulez vraiment le savoir, ne ratez pas la suite de la BD de Shinzuku ! (et oui, je me retrouve obligée de faire de la pub pour celle qui a eu le culot de me faire mourir pour pouvoir apparaître encore...) Tout vous y sera dévoilé !
- Tiens une question qui vient tout juste de me parvenir, je vous la lis en direct : "Vers la fin, on lit souvent quelque chose à propos de la Sainte Trinité, et de Dieux de Deuxième et Première classe. Est-ce qu'on pourrait avoir une petite explication ?" Mais bien sûr ! Je suis là pour répondre à toutes vos questions ! Pour vous éclairer un peu, les Dieux vivent tous au Royaume Céleste. Là-haut, il y a une Hiérarchie qui se présente ainsi : Tout en bas, il y a les Demi-Dieux : ce sont ceux dont on dit qu'ils sont nés de l'Esprit des Dieux. Mais par définition, ce sont tous ceux dont la naissance a une origine divine, comme moi par exemple. Ceux qui vivent au royaume, sont généralement des fonctionnaires, ou alors, ils font partie de l'Armée Divine. Juste au dessus, il y a les Dieux de Deuxième classe. Ce sont des Dieux avec un certain pouvoir, mais qui finalement sont assez limités. Il ont la possibilité de créer des mondes, et s'ils réussissent à maintenir un bon équilibre dans leurs créations, ils peuvent être promus Dieux de Première Classe. Ceux-là, sont beaucoup plus puissants et beaucoup plus expérimentés aussi. Et enfin, tout au dessus, on trouve la Sainte Trinité. C'est l'autorité suprême ici. Elle est composée, non pas de trois mais de six Dieux dont les pouvoirs sont sans limite. Ils représentent les trois phases essentielles du cycle du Monde avec un grand M : Chaos et Ordre, Ténèbres et Lumière, Vie et Mort. Chacun a sa correspondance, et ils sont indissociables. Mais à ce qu'on dit, il paraîtrait qu'en ce moment, la Sainte Trinité est incomplète. Je n'en sais pas plus, si ce n'est qu'on les appelle aussi les Dieux Primordiaux.
- Autre chose : Lors de l'épilogue, Farore mentionne le terme de dimensions parallèles. "Mais qu'est-ce donc ?" vous demandez-vous tous. Pas de panique, je suis là pour reprendre les explications ! Ce que nous appelons ici la dimension principale, est celle qui suit l'histoire d'Ocarina of Time : Link va voir la Princesse, il ouvre les portes du Saint Royaume, son esprit y est enfermé pendant sept ans, Ganon prend le pouvoir, Link se réveille, libère les Sages et tabasse Ganondorf. A la fin du jeu, Link remonte le Temps jusqu'au moment où il rencontre Zelda pour la première fois. Ce retour dans le temps crée donc une dimension parallèle, dans laquelle Link, qui est conscient de ce qui arrivera s'il ouvre les portes du Saint royaume, refuse la requête de la Princesse. Dans cette dimension, l'histoire prend donc une toute autre tournure qui aboutit au jeu "Majora's Mask", et à cette fic, et aussi à "Sora no Kuni". Pendant ce temps-là, dans la dimension principale, Ganon se fait libérer du sceau des Sages, et en le faisant remonter le temps, on crée une autre dimension parallèle, et on arrive au "Dernier Sacrifice de Link". Je vous accorde que cette dimension-ci présente quelques particularités, mais je n'ai pas plus d'informations à ce propos pour le moment. Pour la chronologie, donc, "Le dernier Sacrifice de Link" se déroule en fait de manière simultanée à toutes les autres, et se termine lorsque Ganon retourne dans la dimension principale pour buter Link et Zelda.
Et oui, on ne dirait pas comme ça, mais c'est très technique toute cette histoire !
- Allez, je réponds encore à une ou deux questions : "Et Talula ? Qui c'est ?" Aha ! Vous avez donc remarqué que Talula est très respectée des Dieux et que son avis a beaucoup d'importance auprès d'eux. Tout ce qu'on sait pour le moment, c'est qu'elle circule librement entre les mondes comme elle l'entend, et qu'elle n'est pas subordonnée aux Dieux de Deuxième Classe. Cependant elle reçoit des ordres de la Sainte Trinité. Peut-être est-elle une Déesse de Première Classe ? Mais mon intuition me dit que c'est peu probable...
- Bon, une dernière pour la route : "Qu'est-ce qu'elle fiche là Kishin' ?" Vous aussi ça vous a choqué de la voir apparaître dans une fic où elle a absolument rien à voir... Surtout que moi, je ne la connais absolument pas, je l'ai découverte en relisant cette fic. Je ne l'ai jamais vue dans aucune de mes vies précédentes, alors le mieux est encore de poser la question à l'intéressée :
"Excuse-moi Kishin' tu as une minute ?
- Pas le temps, je chasse le chat sauvage en ce moment.
- ... Mais je voudrais juste savoir ce que tu faisais dans cette fic.
- Il fallait bien que je te rencontre pour te rallier à ma cause, non ?
- Ah oui, pas bête... Bon ben bonne chasse alors !"
Maintenant, je passe aux remerciements : Tout d'abord, je tiens à remercier Maître Kurrecx pour m'avoir formée et pour m'avoir remise dans le droit chemin. Ensuite, il y a Link, pour avoir été un super pote pour moi, et puis Mademoiselle Talula, qui m'a permis d'aller retrouver mon Kamen adoré. Voilà ! Maintenant, je passe la parole à Shinzuku que je ne remercie pas, parce qu'elle a eu le culot de me tuer !!!
Shinzuku : Très aimable de sa part... Elle oublie que sans moi, elle aurait jamais vu le jour...
- Bon alors, je vais commencer par remercier tous ceux qui m'écrivent souvent pour me dire des gentilles choses sur le forum : Linkette, Morticia, Regout, Nalaya, Fadina et Draco pour ne citer qu'elles, et aussi tous les autres.
- Ensuite, il y a bien évidemment Ariane ! Comment pourrais-je l'oublier ? Sans elle et son fabuleux site, toutes mes fis n'auraient jamais vu le jour !
- Et puis, il y a le petit monsieur qui bosse chez Wanadoo, sans qui je n'aurais pas 60 heures de connexion pour le même prix que vingt. Sans lui, j'aurais explosé mon forfait ce mois-ci... (lolll)
- J'allais oublier Mr Pint (anciennement appelé Finchy, mon crétin de frère). Je lui dis merci pour enfin considérer mes fics et mes dessins. Ça c'est vraiment le must pour moi !
- Et enfin, petite dédicace spéciale à Renwyck et Johey, à qui j'adore envoyer des mails et qui sont trop sympa ! Alors, si vous ne l'avez pas encore fait, je vous ordonne tous d'aller lire leurs fics qui sont excellentes ! C'est un ordre !
- Et j'en profite pour faire passer un petit message à Patrick qui m'avait envoyé sa fic pour que je la lise : "Je suis désolée, j'ai bien lu ce que tu as écrit et je trouve que tu te débrouilles excellemment bien pour ton âge, mais je suis incapable de te répondre, puis que j'ai perdu ton adresse, alors j'espère que tu me réécriras pour que je te dise plus clairement ce que j'en pense !"
Et voilà, c'était la fin du Troisième Monde... je me sens toute vide... Dire que c'était ma première fic et que j'ai mis deux ans et six mois pour la finir alors qu'elle n'est pas spécialement longue face à d'autres... Mais je suis quand même contente d'avoir mis tout ce temps pour la finir, parce que, le temps passant, j'ai gagné en maturité, et je pense que j'aurais été incapable d'écrire une fin pareille il y a deux ans.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à me consacrer à mes autres fics. J'espère sincèrement que celle-ci vous aura plu...
Alors @ bientôt !

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Shinzuku". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 14.04.24