Déclarations : Mourir, vivre, que choisir ?
Note de l'auteur : Pour comprendre l'histoire, vous devrez avant tout lire "La lettre amoureuse". Bonne lecture !
"Tiens, une lettre avec le cachet royal ?"
Link prend la lettre et remercie le facteur. Sans empressement aucun, il monte dans sa cabane, s'assied sur son lit et l'ouvre.
Dehors, les oiseaux chantent, les enfants de la forêt rient aux éclats. Tout à coup, Navi volette rapidement vers Saria, qui cueille des fleurs.
"Saria ! Saria ! hurle la petite fée.
- Oh, Navi ! Comment vas-tu ?
- Pas... pas trop bien ! Je n'ai pas pu... Le...
Puis la fée bleue se met à sangloter. Saria ne comprend pas, elle la prend sur son épaule et décide d'aller voir Link, pour lui demander pourquoi elle est dans cet état-là.
Une fois arrivée au pied de l'échelle, elle hurle : "Link ! Descends, j'dois te parler !"
Aucune réponse.
"Link ! Fais pas l'imbécile ! C'est urgent !"
Toujours rien.
Saria s'agace. Elle décide de monter l'échelle pour aller voir son ami. Navi, sanglotant toujours, verse des larmes de plus belle.
Une fois montée dans la cabane du garçon, Saria lève les yeux.
Ses fleurs tombent sur le bois sombre du sol. Jamais elle n'aurait pu y croire...
Dehors, les oiseaux ont arrêté de chanter, les enfants ne jouent plus. Seuls les larmes et les cris de tristesse transpercent ce pesant silence.
Ce silence de mort.
"Ainsi reposeront-ils ici, en paix, où les déesses les accueilleront au ciel, dans le lac Hylia."
Zoras et Hyliens, Gorons et Kokiris sont réunis ici, près du lac, versant des larmes. Le prêtre fait signe. On peut descendre les cercueils. Le roi Zora n'a plus goût à la vie : sa fille est morte et il en est responsable, il lui avait demandé d'aller voir Jabu-Jabu... Mais maintenant, elle n'est plus ! Sa douce fillette, morte après seulement 12 ans d'existence... Une existence malheureuse par le destin tragique de sa mère...
Peu après la cérémonie, Princesse Zelda cherche Link des yeux mais ne le voit pas. Elle décide d'aller à la rencontre de Saria. A contrecoeur.
Pourquoi à contrecoeur ? La jalousie ! La jalousie est mauvaise. Zelda voudrait avoir Link auprès d'elle, Saria est une sorte de barrière entre ce beau garçon blond et elle.
"Saria, hum...
- Oui ? répond tristement la jeune fille aux cheveux verts. Que voulez-vous ?
- Je voulais savoir... Où est Link ?
- Je...
Saria regarde vers la forêt. L'image du pendu lui revient en tête, alors elle s'effondre sur Zelda et pleure sur son épaule.
Etonnée, la princesse la repousse et s'écrie : "Et bien, dis-moi où il se trouve !"
Saria lui prend la main et l'emmène vers la forêt. Sans bruit, elles quittent le lac Hylia. Elles traversent la forêt et montent aux bois Perdus.
"Il repose ici, déclare-t-elle, la voix tremblante. Navi ne le quitte pas, sa tristesse l'emporte sur tout."
Elle traverse quelques endroits des bois puis hurle "Navi, c'est moi ! Saria !"
Zelda n'y comprend absolument rien. Mais elle veut voir Link. Qu'est-ce que cette fille aux cheveux verts lui a-t-elle fait ? Puis elle sent un objet tranchant et froid lui caresser son pied. Ah, c'est vrai ! Il est là... Si elle lui a fait du mal, si la Kokiri a fait du mal à Link, elle ne le lui pardonnera jamais.
Saria et Zelda, main dans la main, arrivent devant une grosse touffe d'herbe. Navi y est posée, et pleure encore. Des fleurs blanches et jaunes, les préférées de Link, sont déposées sur une pierre taillée. La princesse veut savoir, enlève sa main de celle de la Kokiri et lui jette un regard haineux. Saria baisse la tête et ses yeux redeviennent rouges et embués de larmes.
L'Hylienne s'approche de la touffe et en dégage quelques morceaux. Puis, sur la pierre taillée, elle lit : "Link, Kokiri, gît en paix ici."
Zelda ne lâche pas la pierre des yeux. Puis, se retournant vers la jeune fille, elle bredouille :
- Qu'est-ce que tu lui as fait ?
- Je...
- QUE LUI AS-TU FAIT ?" commence à s'énerver Zelda, les larmes aux yeux.
La princesse sort de sa bottine le couteau, ayant la garde de cristal, la Triforce y étant inscrite en or.
La lame brille dans cette forêt verte et touffue. Zelda s'avance, menaçante, vers Saria.
"Qu'est-ce que tu lui as fait ?" répète-t-elle sans arrêt.
Puis un cri déchirant Hyrule et le temps se forme. Un cri de jeune femme. Mais les Hyliens et Kokiris, Zoras et Gorons sont tous au Lac Hylia. Ce cri de terreur n'atteint aucune oreille, aussi bien les ouïes que les pointues.
Sauf une... une paire en particulier, a entendu ce cri déchirant. Une petite paire qui ne voulait assister à l'enterrement d'une jeune amie. Mais qui est-ce ?
...
Les ténèbres ont envahi la plaine d'Hyrule. On peut y voir une silhouette frêle courir. C'est... c'est Zelda ! Zelda fuyant la forêt, Zelda fuyant l'horreur, Zelda fuyant les gardes à sa recherche. Mais elle l'a, elle l'a ! SON défunt est entre ses mains.
...
Et malgré cela, le sang coule... Elle s'affaiblit...
C'est le matin. Mido va se recueillir sur la tombe de Link.
En vérité, il l'aimait beaucoup. C'était pour lui un très bon ami ; mais avoir pour ami un garçon-sans-fée, c'était chose impossible, surtout quand on est le chef des Kokiri. Il regrette tellement tout ce qu'il lui a dit...
Lorsqu'il arrive, il voit un terrible carnage : La tombe du mort est sans dessus dessous, du sang tache l'herbe humide de rosée... Et au milieu, dans un trou, Saria, les yeux vides de vie. Sa douce Saria, se noyant dans son sang ; morte d'une dizaine de coups de poignard dans le ventre. Navi n'est plus bleue, mais violette, couverte d'hématomes ; elle est accrochée à un arbre, sans ailes.
Malgré cela, elles sourient. Comme si la mort les a apaisées de la tristesse de cette vie.
Mido se retourne et vomit tout le dégoût qu'il a pour cette image glauque. Puis, lentement, il se rapproche de son amie. Que doit-il faire ? Prévenir les autres ? Garder cela pour lui ?
Non.
Prévenir. Prévenir qu'il y a un fou furieux en liberté. Il tourne les talons.
Mais il a oublié un détail.
Le couteau. Le couteau est resté dans une des plaies sanglantes de Saria.
Zelda a fui toute la nuit. La fatigue lui monte à la tête ; elle titube et trébuche. Le mort sur le dos, il roule à ses côtés. Relevant sa robe, elle examine son genou douloureux : Elle saigne.
Enfin, ce n'est pas grave.
Elle tourne la tête et regarde son ami.
"Link, je vais trouver un moyen, ne t'inquiète pas."
Le héros du temps, plus mort que la mort elle-même, ne bouge pas ; Zelda prend cela pour un : "Je ne m'inquiète pas, puisque je suis avec toi."
Elle se remet en route.
Tout à coup, elle entend un bruit de pas léger derrière elle ; se retournant vivement, elle ne voit rien, sauf de la terre rouge et sèche, et la plaine d'Hyrule infestée de monstres, comme à son habitude.
Pourtant, quelqu'un la suit. Une jeune fille, ayant entendu le cri la veille.
"Elle est devenue complètement folle !" se répète la petite rouquine, reprenant son souffle et continuant son chemin. "Qu'est-ce qu'elle fait là ?"
Maintenant, trouver un endroit pour se reposer. La princesse se dirige vers une grotte, près du désert. Là, personne ne viendra la chercher.
Elle entre et s'installe. Elle embrasse Link sur la joue ; il faut qu'elle trouve Nabooru.
Quand tout à coup, le même bruit de pas de velours atteint ses oreilles ; ses yeux deviennent blancs ; elle demande froidement, sans oser se retourner :
"Qui est-ce ?"
La peur que ce soit son père la terrorise. Mais ses pas ne sont pas comme ça. Même, ce ne sont pas des bruits métalliques, donc ce ne sont pas des gardes. Sûrement un enfant...
"Je... C'est... La fille de Talon..."
La rouquine rougit et regarde la terre. Zelda tourne sa tête et murmure :
"Pourquoi m'avoir suivie ?
- Eh bien..."
Malon s'arrête de parler, voyant l'enfant de la forêt inerte, une trace bleuâtre autour du cou. Elle fait un pas en arrière, regarde Zelda, puis Link, Zelda, Link, avant que ses yeux ne s'arrêtent sur le regard de la princesse.
Zelda a compris. Elle dira tout, cette peste !
La princesse se lève, prend le couteau de Link. Elle s'approche doucement de la fermière, paniquée par la présence de ce mort.
Zelda tire une petite mèche rousse de Malon derrière son oreille, lui murmurant : "Jamais tu n'en parleras, compris ? C'est un secret."
Elle devient livide. Ses mains sont moites, sa gorge sèche. Puis elle tombe en arrière, sans avoir peur de salir ses vêtements.
La poitrine rouge, elle tourne de l'oeil.
Zelda, plus calme que jamais, arrache violemment l'arme du corps de la jeune victime, le sang giclant sur sa robe parsemée d'or.
"Tu es quelqu'un sur qui on peut compter pour garder les secrets, toi..."
Nabooru a tout vu.
Assise sur une branche vêtue de feuilles, les yeux plissés à cause du soleil, elle a vu.
De ses 14 ans, cela ne la choque pas tellement.
Zelda sort dehors, elle traîne par le bras la petite fermière, le souffle saccadé, les larmes et la sueur mouillant sa chevelure rousse. Après une dernière convulsion, elle s'éteint.
La princesse jette dans un trou loin de la grotte la victime, et se retourne.
Elle hurle d'effroi... Quelqu'un l'a - encore - vue ! Et c'est une...
"Gerudo ?"
Le mot sort seul de sa bouche.
Nabooru, droite, posée devant elle, répond :
"Oui... Je suis Nabooru. Que fais-tu, les mains pleines de sang, Zelda ?
- Je... Je..."
Zelda reprend son calme. Elle la cherche bien, cette fille, non ? Eh bien elle est là. Autant tout lui expliquer !
"Je te cherchais.
- Moi ? Pourquoi ? s'étonne Nabooru."
Une brise de vent frais caresse la pointe de leurs oreilles.
"Oui, toi. J'ai entendu dire que tu savais ramener les morts à la vie...
- Ah... C'est pour cela que le héros du temps est dans ta grotte ?
- Voui. Enfin, suis-moi, je te montrerai un peu sa blessure..."
"Effectivement... Il s'est suicidé, lui !
- Quoi ? s'écrit Zelda. Comment ça ?"
Nabooru mâche ses mots. La princesse n'entend que des grommellements.
"Il s'est pendu..."
Nabooru tourne la tête, les cheveux reflétant les rayons du soleil couchant. Un sourire mesquin apparaît au bord de ses pommettes. Il faut lui apprendre les bonnes manières, à cette gamine !
"Bon, tu veux lui redonner vie ?
- Oui... S'il te plaît, que dois-je faire ?
- Tu dois simplement m'amener trois gouttes d'eau cristalline et cinq grammes d'or."
Zelda ouvre des yeux ronds.
"Et je trouve ça où, moi ?
- Dans la Caverne du Cristal, et dans la Mine d'argent.
- Et c'est tout ?"
Nabooru regarde le cadavre, s'assit au sol.
Fermant les yeux, elle répond, calmement :
"Il en restera un dernier, mais je sais où le trouver. Ne t'inquiète pas."
Nabooru explique à Zelda comment aller à la Caverne du Cristal.
La princesse part tard le soir, pour ne pas se faire repérer. Elle court vers le sud.
"Le dernier ingrédient... Si seulement tu savais où... Je pourrais le trouver..."
Les yeux rivés maintenant sur la frêle petite gamine qui trottine en quête de bonheur, elle se demande si elle survivra...
Zelda court, les yeux rouges de fatigue, le dos voûté pour lutter contre le vent. Les pieds enflés, elle arrive devant la Caverne du Cristal. La porte formant un losange, aussi terne qu'un corbeau, s'illumine d'une lumière soudaine lorsque la princesse approche sa main gauche de la poignée. Aveuglée par cette vive couleur bleu clair, elle plisse ses yeux et ouvre la grande porte.
"C'est horrible, horrible !"
Le village est choqué.
Un fou dans les bois ? Que faire ?
Mais l'arbre Mojo, de sa sagesse éternelle, réunit ses Kokiris autour de lui.
"Mido, aurais-tu vu une arme quelconque à côté de Saria ?
- Euh, non...
- Bon..."
L'arbre Mojo prend un air grave. Se tournant vers les jumelles blondes, il leur demande :
"Pourriez-vous aller voir les cadavres ?"
Il les sait terriblement courageuses, voulant toujours connaître ses propres connaissances ; elles viennent souvent voir le vieux végétal pour lui poser des questions.
"Oh, oui ! On te ramènera un indice, tu verras !" s'exclament-elles toutes les deux.
Elles se mettent face à face, sautent en se tapant la main.
"Faites attention, d'accord ? Si vous avez peur, revenez de suite !" prévient l'arbre Mojo.
Mais elles partent déjà en courant vers les bois perdus, sans faire attention au conseil de leur père.
"Ooooooooooh !"
Un petit lac souterrain reflétant le plafond garni de stalactites se trouve au centre de la première salle.
Tout semble calme. La princesse traverse la pièce, scrutant le moindre indice. La deuxième porte se trouve à l'opposé de la première ; il suffit de contourner le petit lac. Alors qu'elle marche tranquillement, ses pieds s'enfonçant légèrement dans la mousse verdâtre vivant grâce à l'humidité, elle ne peut quitter des yeux le reflet du plafond. Une sorte de symbole y est gravé. Il ressemble à un oeil.
L'oeil de quoi ?
L'oeil des Sheikahs. Il y ressemble fortement, elle se rappelle très bien du pendentif de sa nourrice, Impa.
Elle continue sa marche. Zelda arrive devant la seconde porte ; comment s'ouvre-t-elle ? Il n'y a pas de poignée ni de serrure. Juste un losange rouge au centre.
Tout à coup, elle sent une brûlure au niveau de sa poitrine ; elle s'allonge par terre, sous le coup de la douleur, puis observe sa robe : elle est illuminée d'une lumière orange. Plus la lumière est forte, plus la douleur est intense.
La princesse n'en peut plus, elle arrache un morceau de tissu et aperçoit le pendentif sacré des Sheikahs offert par sa nourrice, brillant dans la pénombre de la pièce...
"Oh là là, c'est vraiment... répugnant !"
L'une d'entre elles vomit. L'autre petite Kokiri se contente de froncer les sourcils :
"Ça sent la mort !"
Elle décrispe son visage, s'approche du trou où est enfouie Saria. Elle l'observe. L'observe. Puis ses yeux s'illuminent : un objet brillant, coincé dans l'une des plaies séchées de Saria !
"Soeurette, viens voir ! Abandonne Navi quelques instants, j'ai trouvé un truc méga-génial !
- Je n'étais pas allée voir Navi, j'étais sortie un peu de cet endroit, je ne me sentais pas très bien, déclare la Kokiri, s'essuyant la bouche avec le revers de sa manche. Tout cela m'a un peu dégoûtée !
- Oh, tu aurais dû me prévenir... Enfin bon, viens, faut descendre dans le trou ! Tu veux y aller ou j'y vais ?
- Huuum, vas-y. Je t'aiderai à remonter. C'est vachement profond."
Son visage est très pâle. Plus elle est loin de la morte, mieux elle se sentira !
"Comme tu veux. Je ne me rappelais pas que tu étais sensible à ce point."
La jumelle ayant le coeur le plus accroché saute dans le trou, qui fait trois bons mètres de hauteur. Elle tombe sur ses deux pieds chaussés de bottines et s'accroupit pour amortir sa chute.
En haut, la fillette la regarde de ses grands yeux bleus. Elle envie sa soeur de ne pas être aussi sensible. Elle est courageuse ; elle le sait. Mais voir sa soeur affronter les odeurs et la vue de la mort sans aucun problème la rend ridicule. Laissant ses idées de côté, elle se retourne vivement, inspecte les lieux :
"C'est glauque ! Si tu pouvais te dépêcher... En plus, il va bientôt faire nuit !
- Yeah ! J'ai trouvé un truc ! C'est une sorte de couteau... Il y a trois triangles dorés inscrits sur la garde ! Tu peux m'aider à remonter ?
- Oui, prends cette corde."
Elle la lui lance, regardant attentivement derrière elle. Ouvrant ensuite la bouche sans émettre le moindre son, elle lâche la corde ; sa soeur a le temps de se rattraper de justesse au rebord de la tombe !
"Mais qu'est-ce que t'as fait ? Mido va nous tuer, on a laissé sa corde tomber ! Tu te rends compte que j'aurais pu me faire mal, en plus !?"
Sa soeur ne répond pas, elle semble être absorbée par un buisson. Les yeux humides, les mains moites, le corps tremblant, elle murmure :
"J'ai entendu un... bruit..."
Zelda regarde le pendentif attentivement. Il brûle ! Il lui brûle le corps ! Elle l'arrache si brutalement que le fil se casse, et les perles rougeoyantes s'éparpillent au sol, illuminant la mousse et le lichen d'une lumière douce. Elle assiste alors à un spectacle magnifique et effroyable.
L'eau du lac devient sang. La mousse devient pics. Les stalactites deviennent lames, narguant la princesse au risque de se rompre du plafond à chaque instant. L'oeil gravé au plafond clignote dans un bruit sinistre, et, d'un coup, une frise d'yeux miniatures apparaît sur les parois de la grotte ; les pupilles et les iris se tournent et semblent observer Zelda. La panique au coeur, une bouffée d'adrénaline s'éparpille dans son sang lorsqu'elle voit une affreuse créature colossale sortir du bain de sang.
Fuir, ne pas fuir ? Fuir. Il ne faut pas rester ici. Tous ces yeux qui l'observent, ce monstre sortant du sang. Il ne ressemble à rien, mis à part à un tas de chair sanguinolant avec deux jambes. Il avance vers la fillette, désarticulé, marchant d'un pas lourd.
La princesse se lève, la robe déchirée par les pics. Le pendentif clignote intensément lui aussi, puis, lentement, s'élève et se place sur une partie du corps du monstre. Il obtient la vue.
"Les sheikahs... Ils seraient donc aussi... malfamés ?"
Elle n'y croit pas, Impa était si gentille avec elle... Mais que signifie cet endroit ?
Zelda se lève avec le peu de force qu'il lui reste, les pieds douloureux, transpercés par les petits pics. Et puis, de la vapeur émise par l'oeil unique du monstre emplit la salle.
Les fines gouttelettes brûlent la peau claire de la princesse. Qu'est-ce que c'est ? De l'acide. De l'acide très fort. Cela lui fait atrocement mal, mais l'unique issue qu'elle sait praticable est de l'autre côté. Contourner le monstre. Courir, les bottines percées, sur les pics ; survivre à ce crachin de liquide destructeur.
La créature suit Zelda de près. Il lance de l'acide par fines gouttelettes ou bien par jets à haute pression. Le lac commence à déborder, il sort de son lit. Le sang s'étale lentement sur les pics. Une véritable boucherie, cet endroit ! Si l'on veut crever en paix, pas de souci ! Autant venir ici !
Et puis... une dizaine de lames accrochées au plafond se rompent et se dirigent vers Zelda à toute allure. Il n'y en a qu'une qui la touche, et, heureusement, ne lui coupe que les cheveux !
Le monstre à ses talons, elle court vers l'extérieur. Elle réussit à s'échapper de cet enfer.
Elle s'assoit, exténuée. Respirant à pleins poumons, elle s'étouffe. Elle a respiré de l'acide ; toute sa voie respiratoire lui brûle. Une multitude de petits trous laissant entr'apercevoir la chair de ses bras et de ses joues nues la piquent. Elle se relève, regarde fièrement le soleil couchant. Un coup de vent soulève ses jupons et ses cheveux en bataille.
D'un pas décidé, elle retourne à la grotte.
Tant pis pour les gouttes cristallines.
"La douleur n'est qu'une simple information..."
Les jumelles Kokiris rentrent sans incident au village, au crépuscule.
La plus sensible porte un petit raton laveur, ce petit raton laveur auteur du bruit effrayant dans les broussailles.
La moins sensible a justement en main l'arme plantée dans le corps de Saria.
Elles vont voir l'arbre Mojo, suivies des autres Kokiris, heureux que rien ne leur soit arrivé de mal.
"Arbre Mojo, toi qui sais tout et qui renfermes un savoir éternel, qu'est-ce que c'est, ces petits triangles dorés, inscrits sur le manche du poignard ?
- Le signe des déesses...
- Des déesses ?" s'écrie l'une d'entre elles.
Le petit raton laveur s'en va, effrayé par le sursaut de la petite fille.
"Ce couteau appartient à la famille royale...
- Mais qui ça peut être alors ? demande Mido, perplexe.
- Eh bien, ma petite Kokiri, dépose l'arme devant mon tronc. Je vais l'inspecter."
La fillette s'exécute. Elle dépose l'arme doucement sur l'herbe humide.
L'expression du visage du végétal semble incertaine.
Après quelques minutes de silence pesant, Mido, apparemment gêné, dit, d'une voix tremblante :
"Alors Arbre Mojo ? Il se passe quoi ?
- Cette arme appartient à... ou bien appartenait... à Zelda.
- La princesse de notre royaume ? demande un Kokiri.
- Oui, malheureusement ! J'espère que les gardes l'ont retrouvée, il ne faut pas qu'elle reste ici. La forêt peut être dangereuse pour une princesse."
La stupeur est générale. L'arbre Mojo ne dit rien ? A croire que ce n'est pas si grave !
"Elle a quand même trucidé nos amies ! hurle Mido. Non, c'est pas juste ! Moi j'vais aller la voir dans sa cabane !
- Calme-toi Mido. Elle n'habite pas ici, et encore moins dans une cabane. Et puis, je ressens quelque chose d'étrange... C'est comme si elle s'affaiblissait en permanence... Je sais que c'est triste et dur à entendre. Mais nous ne pouvons rien pour notre amie Saria et notre fée Navi. C'est terminé."
Ainsi les petits Kokiris, une boule au coeur, enterrent leurs amies, à côté de la tombe dévastée de Link, maintenant vide.
Zelda trottine en direction du désert. Alors que la lune est au plus haut, elle décide de se reposer un peu. Elle inspecte ses bras ; l'acide ne les ronge plus, mais l'air frais brûle ses plaies à vif. Puis, elle rencontre, sans le vouloir, trois petites âmes. Des âmes qu'elle connaît bien. Si bien.
Saria. Navi. Malon.
"Donc, tu n'as pas pu ramener les gouttes que je t'ai demandées ?
- Non. Regarde dans quel état je suis, je n'aurais pas voulu y laisser ma peau ! Déjà que mes bras et ma gorge me brûlent, je n'allais pas battre un tas de chair humaine vivante !"
Nabooru esquisse un sourire : ses épreuves fonctionnent à la perfection. Elle n'a pas hésité à s'enfuir !
"Tu préfères donc laisser Link mourir, enfin, qu'est-ce que je dis... laisser Link mort ?
- Oui.
- Et avoir tué trois âmes maintenant errantes dans la plaine d'Hyrule pour rien ?
- Et bien cette nuit je les ai vues, et elles ont commencé à voler après moi. Elles m'ont attrapée et m'ont expliqué que Link n'était pas devenu une âme, et que si je n'arrivais pas à le sauver, je devrais lui arracher le coeur, pour être sûre qu'il "meure". Je trouve cela un peu stupide, non ?"
Nabooru s'assoit en tailleur près du corps de l'enfant inanimé.
"Maintenant, tu n'auras plus à te déplacer. L'autre ingrédient ne va pas marcher. De toute façon, je n'avais besoin d'aucun truc de ce type.
- Tu m'as donc fait courir un grave danger pour rien !? s'écrie Zelda. Mais j'aurais pu mourir !
- Je voulais te tester. Et je n'ai besoin que d'une seule chose. Elle se trouve ici.
- Pourquoi t'as voulu me tester ? Tu voulais que je meure ou quoi !?"
Zelda commence à s'énerver. Ses sourcils se froncent, elle serre les dents. En hurlant, elle saute sur Nabooru, mais se ramasse sur le sol de terre rouge et se casse une dent. La Gerudo l'a esquivée de près, et, plus calme que jamais, déclare :
"Pourquoi te mets-tu en colère ? Je veux sauver Link. Je le souhaite sincèrement.
- Alors pourquoi m'avoir testée ? J'aurais pu ne pas ramener tes saletés d'ingrédients !
- Je t'ai dit que je n'en avais pas besoin."
La princesse se relève et tâtonne du bout de ses doigts sales sa mâchoire et ses dents. Elle s'approche de la fière Gerudo, et, sans crier gare, pointe une pierre taillée tel un silex sous sa gorge. Nabooru ne panique pas, et se contente de murmurer :
"Serais-tu prête à mourir pour lui ?"
Zelda écarquille les yeux. Recule d'un pas. Puis, un filet de sang coule de sa bouche. Son souffle devient saccadé.
Nabooru vient de lui planter son poignard jusqu'à la garde au niveau du ventre.
"Que je t'explique, Zelda, et regarde-moi dans les yeux."
La princesse s'exécute.
La jeune adolescente n'est pas satisfaite, elle prend la gamine par le cou :
"Maintenant, tu me regardes dans les yeux. Ingrédients ? Je n'en ai besoin que d'un seul.
Du sang. Le sang de la personne désirant redonner vie. TON sang. Et moi je ne redonne vie qu'au véritable amour. Si tu hésites entre mourir ou pas pour cet enfant, si tu ne désires pas le revoir bouger et rire, le revoir pleurer et chanter, hurle Nabooru, et préférer vivre à sa place, alors, tu n'aurais pas dû faire appel à moi. Maintenant, rejoins les ténèbres au plus profond d'Hyrule et admire son corps renaître, son âme revivre."
Le soleil se lève. L'aube éblouit deux enfants.
"C'est beau... déclare une petite voix frêle.
- Ceci est ton jour de renaissance... Link ! Admire ce soleil baignant Hyrule d'un ciel rouge, d'un ciel sanguinolant..."
Link, ses cheveux blonds balayés par le vent, la trace violette autour du cou s'estompant peu à peu, repart vers la forêt Kokiri, sans se soucier de rien.
Nabooru ne lui a pas remémoré les derniers événements qu'il a vécus. Sa longue queue de cheval rougeoyante et brillante comme jamais, elle admire ce petit enfant pour lequel une déesse vit.
Zelda, gisant dans son sang, réussit à tourner la tête vers le soleil levant. Dans son dernier souffle, elle murmure :
"Vivre ? Mourir ? ... Que choisir ?"
Ses paupières se referment lourdement, dans un long sommeil, un sommeil éternel...
Cette nuit, les émotions ont fait surface. Les larmes, la joie, le rire.
Dans un château, un roi pleure la disparition de sa fille, tant choyée et tant appréciée. Un roi pleure la disparition d'une fille meurtrière, gracieuse et égoïste. Un roi pleure la disparition d'un être aimé.
Dans une forêt, un petit peuple d'enfants et un arbre vénéré célèbrent le retour de leur ami disparu. Un petit peuple d'enfants et un arbre vénéré célèbrent le retour d'un héros ne comprenant pas ce qui se passe, cherchant Saria et Navi des yeux.
Sur une des collines d'Hyrule, au clair de lune, des enfants rient et chantent autour d'un feu silencieux et inexistant.
Une lanterne à la main, chacun de ces enfants ne regrette en rien leur vie d'avant.
Une lanterne à la main, renfermant leur histoire passée, elles s'amusent à faire peur aux voyageurs imprudents.
Elles s'amusent à faire peur aux animaux, aux différents peuples puisant leur vie grâce aux terres fertiles qu'offrent les déesses.
Elles sont quatre. Quatre petites filles pour qui la vie n'est pas encore terminée, mais continuera longtemps, très longtemps...
Saria. Navi. Malon.
Zelda.
Remerciement à Linkorange pour sa correction !
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Sandwich'". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.