L'enfant des Gerudos
Pendant une nuit tout à fait ordinaire pour les Hyliens, on pouvait apercevoir à l'horizon d'ouest la lumière du feu briller fortement. Et si on s'approchait de cette lumière à l'horizon, on pouvait remarquer qu'elle provenait du désert et on pouvait également constater le brouhaha de voix féminines. En effet, la tribu de femmes voleuses, les Gerudos, fêtait la venue de leur nouveau chef qui allait régner sur elles à partir de ses dix-huit ans. Et comme cela était un événement particulièrement singulier, auquel chaque Gerudo ne pouvait participer qu'une seule fois, elles profitaient pour en faire un grand festin, et une ou plusieurs nuits blanches. D'ailleurs, pour une fête pareille, elles avaient besoin de bonnes provisions. Voilà donc pourquoi elles avaient pillé Hyrule entier quelques jours auparavant, plus violemment que jamais.
Que dire au sujet du nouveau prince ? Pour l'instant il n'était qu'un petit bout d'homme qui hurlait de toutes ses forces pour manifester sa présence, et pour faire part de ses besoins. Car se nourrir soi-même, il en était incapable.
Donc passons les premières années. Disons... jusqu'à ses quatre ans. Mais avant d'y passer, il est préférable de noter également quelques détails généraux : Le petit prince fut honoré de porter le nom d'Alexandre. Depuis toujours, il manifestait une curiosité énorme à ce qui concerne son entourage. Donc pas étonnant qu'il fut capable de ramper et plus tard marcher rapidement, examinant chaque pierre de la chambre où il hébergeait, ensuite les couloirs proches. Il était un enfant vivant, doux, gentil et obéissant. En bref, le rêve de chaque mère. Inutile de s'imaginer la joie de cette dernière au sujet de son petit bout d'homme, futur chef !
Mais alors arriva quelque chose qui intrigua la mère, et sûrement toutes les femmes. Alexandre avait maintenant quatre ans. Et curieux comme il était, il venait de découvrir qu'on pouvait examiner chaque grain de sable devant la forteresse et y trouver des petits monstres étonnants, nommés insectes ! Alexandre était spécial, pas seulement au point de vue de son comportement, mais il avait aussi un secret. Il avait un ami, un ami que les Gerudos ne pouvaient pas voir. Un ami imaginaire, depuis qu'il pouvait s'en souvenir. Et cet ami allait bientôt intriguer la mère.
Le petit prince avait découvert un nouveau monstre à six pattes et avec une bouche bizarre. Du moins c'était ce qu'il croyait en l'examinant bien. Il ne possédait pas une loupe.
- C'est étrange cet animal ! dit-il à son ami par les pensées. Parce qu'il n'avait pas besoin de parler pour communiquer avec lui. C'était ce qui était tellement génial !
- Oui, le monde entier est étrange, confirmait l'ami.
Alexandre riait de bon coeur, et laissait l'animal, car il venait d'en trouver un autre.
- Wouah ! Celui-là il n'a que cinq pattes ! s'exclamait-il toujours en pensée.
- C'est parce qu'il a perdu une patte, expliquait son ami. Comme il était sage !
- C'est cruel ! pensait Alexandre en lâchant le pitoyable insecte.
- C'est la loi de la nature, répondit l'ami, les Gerudos aussi sont cruelles.
- Même pas vrai ! protesta Alexandre violemment, Maman elle est gentille elle ! Comme toutes les autres femmes !
- Avec toi, elles sont gentilles ! le corrigeait l'ami, mais sais-tu aussi que ce sont des voleuses ? Qu'elles prennent le bien des autres en les blessant des fois ? Rien que pour ta naissance, Hyrule fut ravagé par leur cruauté. Parce qu'elles avaient besoin de provisions pour fêter ta naissance ! Elles ont même tué !
- Elles ne sont pas méchantes ! protestait toujours Alexandre. Mais l'ami ne répondit plus. Alors l'enfant cessa sa découverte du monde pour aller à la recherche de sa mère. Il savait la signification du mot "voler". Il avait pris une fois le bien d'une autre Gerudo sans demander la permission. Sa mère lui avait dit que c'était voler, et que ce n'était pas bien, et qu'il ne fallait pas le faire, plus jamais ! Et comme Alexandre était un brave garçon, il n'avait plus jamais volé. Alors les paroles de son ami le choquaient. Il savait que son ami ne lui mentirait jamais, et il savait aussi que sa mère ne lui mentirait jamais. Mais quelle était donc la solution à ce problème ?
Finalement il trouva sa mère dans leur dortoir de la forteresse en train de préparer le repas de midi.
- Maman ? demanda l'enfant timidement.
- Qu'y a-t-il mon petit ? demanda la mère, en arrêtant de cuisiner. Elle se penchait vers son enfant, en lui caressant les cheveux rouges flamboyants.
- Est-ce vrai que vous volez ? demanda l'enfant.
La mère fronça les sourcils. Qui le lui avait dit ? Il était encore trop jeune pour en comprendre la raison. En plus le mot "voler" était un peu mal placé.
- Il paraît que vous voliez les Hyliens, se plaigna Alexandre, et que vous les blessez et tuez en leur volant leur bien. Mais tu m'as dit que c'était mal.
La mère prit son enfant dans ses bras.
- Nous ne volons pas, expliquait-elle, tu vois, il est difficile de vivre dans le désert. Il n'y a pas d'eau. Et où il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de vie. Donc nous ne pouvons trouver de la nourriture par nous-mêmes. La seule issue que nous avons est de prendre la nourriture ailleurs. Mais comme celle-ci appartient déjà aux Hyliens, ils emploient le mot "voler". Mais ce n'est pas correct. Nous ne prenons que ce dont nous avons besoin pour vivre. Chaque être a le droit de vivre, alors nous aussi.
La mère savait que ce n'était pas tout à fait vrai, mais la réponse sembla satisfaire le petit prince. Alors la mère demanda :
- Qui t'a dit que nous volons ?
- Mon ami ! répondit Alexandre.
- Ton ami ? demanda la mère perplexe. Comme Alexandre était le futur roi, il était interdit qu'il joue avec les autres filles. De même qu'il préférait de loin découvrir le monde aux poupées.
- Oui ! confirma l'enfant, il est toujours là mon ami ! Depuis toujours. Je peux toujours lui parler !
- Il est où ? demanda la mère intriguée.
L'enfant montra avec son doigt sa tête.
- Ici !
La mère déposa son enfant sur le sol, mécontente. Cet ami ne lui plaisait pas. Son enfant était-il frappé par une maladie ? Schizophrénie ? Quelque chose du genre ? Où était-ce le fruit de l'imagination du petit parce qu'il se sentait trop seul ? Mais alors, d'où sait-il qu'elles étaient des voleuses ? Il avait dû entendre la conversation de quelques femmes sans aucun doute. La mère soupirait.
- Va encore un peu jouer, dit-elle, je n'ai pas encore fini de préparer le dîner !
Sagement Alexandre inclina la tête et s'en alla en courant à la découverte de son petit monde, la forteresse Gerudo. La mère l'observa partir inquiète. Mais elle décida de ne pas en parle aux autres femmes. Cet ami n'était que le fruit de son imagination. Oui sûrement... cela ne pouvait être que ça...
Alexandre découvrait maintenant son côté artistique. En effet, il était étonné qu'on puisse former le sable, faire des tas. Et si on le mélangeait avec un peu d'eau, la construction restait ! Un bol d'eau avait été renversé par imprudence, et curieux, Alexandre avait examiné le sable. Comment cela se faisait qu'il avait une couleur plus sombre ? Et c'était là qu'il découvrit sa joie pour former des châteaux de sable. Il ferait le plus beau château de sable existant ! Naturellement, il ne savait pas ce que c'était un château. Mais son ami lui avait dit qu'une construction avec le sable s'appelle ainsi. Et pour son apparence... Alexandre se contenta de la forteresse Gerudo comme modèle.
- Il ne faut plus que tu leur parles de moi, dit l'ami alors soudainement, elles sont incapables de comprendre. Comment tu peux avoir un ami imaginaire. Donc ne leur parle pas de moi ! Plus jamais.
Alexandre accepta. Il était un enfant sage. Il fallait obéir aux plus savants. Donc il fallait obéir à son ami. Parce qu'il était sage. Peut-être même plus savant que sa mère.
- Il faut aussi que tu saches, Alexandre, reprit son ami, que les Gerudos auraient sans problème pu aller habiter une autre partie que le désert. La plaine par exemple. De même que les arguments de ta mère ne justifient pas pourquoi elles blessent et tuent. Chacun a le droit de vivre, elle l'a dit elle-même, donc elles n'ont pas le droit d'arrêter la vie d'autrui.
Alexandre arrêtait de construire son château de sable, réfléchissant sur les paroles de son ami. Il ne lui mentirait jamais. Donc il devait avoir raison. Et la mère n'a rien dit sur ce sujet-là. Donc il avait raison. Il devait avoir raison. Mais alors, les Gerudos étaient méchantes ?
L'enfant voulait rejoindre sa mère pour en savoir plus. Mais il était intelligent. S'il le faisait, il devait parler de nouveau de son ami. Et il ne voulait pas qu'il parle de nouveau de lui. Donc il ne devait pas aller demander à sa mère.
Ainsi il continua tranquillement à construire son château de sable.
Des années plus tard, Alexandre était devenu un jeune adolescent de dix-sept ans. Au cours des années, il avait fait preuve d'une grande intelligence. Il comprenait, concluait rapidement. Il avait fini par accepter les actes de Gerudos, bien qu'il était contre. Au cours de son adolescence, les femmes lui avaient expliqué pourquoi ils volaient. Les Hyliens eux étaient méchants. Ils les obligeaient à vivre dans le désert, parce qu'ils n'aimaient pas leur peuple. Un peuple de femmes où les hommes se faisaient bien rares. Cela n'était pas naturel. Donc les Gerudos s'étaient installées dans la grandeur infinie du désert. Quelque chose les y attirerait, comme l'odeur d'une fleur une abeille. Et elles volaient les Hyliens pour pouvoir vivre. Quelque chose du genre.
Mais son ami avait raison. Les Gerudos, elles, étaient méchantes. Elles n'avaient tout de même pas le droit de tuer ou blesser. Et elles niaient carrément ces actes. Du moins, elles n'en avaient jamais parlé. Seul son ami lui avait dit la vérité. Et il le croyait, car il ne lui mentirait jamais. C'était son ami à lui. Durant dix-sept ans déjà. Et il faisait une confiance absolue à son ami. Pendant ses douze, treize ans et plus, quand il était à la recherche de lui-même, quand il cherchait des explications pour le monde actuel, il avait souvent eu recours à son ami qui lui avait à chaque fois répondu patiemment et calmement des paroles très sages. Son ami était le seul à qui il pouvait faire confiance. Il ne lui mentait jamais. Les Gerudos, elles, mentaient, niaient leurs propres actes !
Avec cette pensée en tête, Alexandre parcourait sa vie. Et à côté de lui, toujours son ami, toujours. Le caractère du jeune homme n'avait point changé : il était toujours gentil, curieux de savoir plus sur la vie, intelligent, mais il haïssait surtout la violence. Il était pacifique. Donc il ne participait jamais au pillage des Gerudos, il refusait chaque entraînement de sabre, ou quoi que ce soit d'autre qui servait à se battre. Quand il sortait de la forteresse, c'était pour entreprendre des excursions dans la plaine d'Hyrule pour voir à quoi le reste du monde ressemblait. Mais Alexandre était également très naïf d'une certaine manière. Et il ne se sentait également pas à la hauteur de venir le roi des voleuses. Et puis, il haïssait voler, il n'aimait pas la façon dont se prenaient les Gerudos, alors il devait devenir leur chef ? Cette pensée était insupportable. Mais il ne voulait pas non plus rejoindre les Hyliens. Un événement qui avait eu lieu quand il avait treize ans l'avait décidé. Les Hyliens, eux aussi, étaient méchants. Là au moins, les voleuses avaient raison !
En effet, à l'âge de ses treize ans, les Hyliens avaient décidé de se venger des pillages Gerudos. Ainsi ils envoyèrent une troupe d'hommes prêts à se battre vers la forteresse. Du moins, c'était ce que son ami lui disait. Car Alexandre n'avait pas été là. Il vagabondait dans le désert, et trouva tout dans le chaos à son retour. Du sang partout, des hommes inconnus, même sa mère y avait laissé la vie. L'image était atroce pour le garçon. Ceux qui avaient fait cela, étaient encore plus méchants !
- Ce sont les Hyliens, avait dit son ami, ils ont attaqué la forteresse.
- Alors eux aussi, ils sont méchants, pensait Alexandre, comme c'est triste ! Tout le monde est méchant ! Pourquoi ne pas vivre en harmonie les uns avec les autres ?
- Ils n'y arrivent pas, comme tu vois, expliqua son ami.
- Oui... mais moi, je vais changer le monde ! déclara Alexandre, Moi je vais construire un monde nouveau où tout le monde s'aime !
- Oui, c'est une bonne idée, dit l'ami, je vais t'aider, je vais t'encourager.
A présent Alexandre avait dix-sept ans, et le monde n'avait toujours pas changé. La vie dans la forteresse avait repris normalement, même si la perte de voleuses était énorme.
Mais le jeune prince n'avait pas oublié ses paroles. Il allait changer le monde ! Il faisait de plus en plus souvent des excursions à Hyrule, pour connaître l'avis des habitants sur les Gerudos. Naturellement il était déguisé, et naturellement aussi, personne ne possédait un avis positif sur les voleuses, et vice-versa. Alexandre se retrouvait dans un dilemme : comment changer le monde, comment unir deux peuples s'ils se haïssent ? De nouveau un problème sans solution, et maintenant plus de maman à questionner. Il n'avait plus quatre ans.
Ce fut par une belle journée qu'il réalisa qu'il était impossible de changer le monde. De nouveau, il voyageait dans Hyrule pour examiner le peuple. Durant le début de sa vie, il avait étudié les Gerudos et leur environnement, maintenant c'était les Hyliens. Le jour était certes beau, quand il se rendit à Hyrule, mais le spectacle qui l'y attendait beaucoup moins. En effet, un soldat de l'armée était exécuté ce jour même, sous prétexte d'avoir tenté d'assassiner la princesse Zelda qui venait à peine de voir le jour il y a quelques jours. Et ce fut sans gêne, que le soldat prétendit avant de mourir que toute la famille royale devait être anéantie.
- Nous sommes sous l'ordre de cette famille ! avait-il dit, mais moi, je veux être un homme libre !
Ce furent ses dernières paroles avant de mourir, sous les yeux du peuple qui s'en réjouissait.
Abattu comme jamais, Alexandre quitta Hyrule, et s'assit derrière un arbre, le regard vide.
- Ils se tuent même entre eux, dit-il à son ami, ils se haïssent entre eux ! Je n'arriverai jamais à changer le monde avec des gens pareils !
- En effet, répondit son ami, en effet... tu te souviens de mon nom ?
- Oui, répondit Alexandre perplexe, Ganon, c'est bien cela ?
- En effet, répondit Ganon, je vivais il y a longtemps à Hyrule. Les Gerudos n'existaient pas encore, mais les Hyliens oui. Moi aussi, j'étais comme toi, je voulais changer le monde. Mais il y en avait deux qui m'en ont empêché. Ils s'appelaient Link et Zelda. A présent, leurs descendants sont nés, comme tu as pu le constater.
La logique d'Alexandre était bonne. La princesse Zelda était une des descendantes.
- En effet. Ecoute, la seule manière de changer ce monde est de recommencer à zéro. Avec les peuples actuels tu ne peux rien faire. Et c'est pour ça que je suis là, depuis toujours. Comme je voulais refaire le monde moi aussi. Mon devoir est de t'aider. Ensemble nous pouvons changer le monde ! Ensemble nous pouvons en faire un monde meilleur !
Alexandre le croyait sur parole. Il n'avait jamais eu à douter de ses paroles. Comment aussi ? Jamais il pouvait parler de son ami, donc il ne pouvait jamais vérifier. Mais il n'en avait pas besoin, il savait que Ganon avait raison, depuis toujours il avait raison. Donc là aussi... Oui... pour refaire ce monde, il fallait recommencer à zéro. Entièrement.
- Si tu te mets sous mon ordre, on changera le monde ! Laisse-moi contrôler ton corps, laisse-moi y habiter entièrement pas que dans ta tête ! Mon ancien corps et le tien ne feront qu'un alors, on pourrait changer aisément. Ensemble nous aurons le pouvoir de changer le monde ! Ensemble pour un nouveau monde !
La voix de Ganon retentissait dans la tête d'Alexandre. Oui, ensemble pour un nouveau monde ! Il allait se mettre à son service. Il voulait changer le monde ! Et Ganon était la meilleure personne ! Que lui et son ami ne faisaient plus qu'un !
A cette pensée, il sentit perdre le contrôle de son corps, il se sentit repousser au plus profond de lui-même. Et c'était alors la première fois qu'il commençait à douter. Cela lui faisait mal d'être repoussé ainsi en soi. Son ami lui ferait-il mal ? Il ne vit même pas sa peau changer en vert, il ne vit pas que de son regard jaillit une immense folie, une grande soif de pouvoir, de vengeance. Il sentait plus rien, plus rien... soudainement la douleur disparut, et maintenant il n'y avait plus rien.
Mais son corps était toujours vivant. Il riait.
- Dès à présent tu t'appelles Ganondorf ! déclara-t-il, parce que tu es au service de moi, Ganon ! Ensemble nous changerons le monde !
Et c'est ainsi que le jeune homme Alexandre mourut par sa propre naïveté et que naquit Ganondorf, le corps fidèle à Ganon.
Note de l'auteur :
Juste pour préciser que cette fiction-ci relie "A Link to the Past" à "Ocarina of Time". En effet, le Ganon dont je parle est celui du jeu SNES, détruit par Link (évidemment), et il essaie d'avoir une nouvelle chance de prendre Hyrule en manipulant Alexandre, jusqu'à ce que ce dernier lui donne volontiers le contrôle de son corps. Donc la suite à cette fiction-ci est en fait "Ocarina of Time".
FIN
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Reven Niaga". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.