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Le voeu d'une déesse

Ecrit par Princess-Midna en novembre 2013


La pluie martèle le sol ensanglanté, comme des aiguilles tourmentent une chair déjà meurtrie. Car ces prairies, autrefois verdoyantes et synonymes de vie, sont devenues un champ de bataille, énième affrontement entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, dont se repaissent les charognards. Les cadavres des soldats et de créatures difformes observent le ciel avec la même indifférence, leurs traits parfois tordus par la terreur, la douleur, la surprise ou la férocité. Tant d'expressions qui ont un sens uniquement lors des affrontements. Et cette pluie qui tombe, et qui nettoie un peu ces visages figés, coulant sur les traces de sang coagulé, comme si elle cherchait à les purifier. Une jeune femme se tient au milieu de cette scène de cauchemar, agenouillée telle une pénitente. Ses cheveux de miel tressés de rubans bleus et détrempés par la pluie, forment une corolle autour d'elle, comme une traîne majestueuse. Ses yeux aussi bleus que les cieux rendent insignifiant le saphir ornant son corsage. Sa robe rose, aux manches ornées d'un liseré d'or lui colle à la peau, comme une membrane protectrice. Ses traits elfiques expriment colère et tristesse, qui s'entremêlent en un savant mélange destructeur. Si sa poitrine ne se soulevait pas au rythme de sa respiration hachée, on aurait pu croire qu'elle n'était qu'une simple statue abandonnée au milieu de ce décor sanglant, unique spectateur de cette ode à la sauvagerie.

Sur les genoux de cette femme sans âge, repose un jeune homme au magnifique visage couvert de sang, si semblable au sien. Quelques mèches d'un blond clair s'échappent d'un bonnet vert, assorti à la tunique et à la cape dont il est vêtu. Elle s'étend autour de lui à la manière d'un linceul, car la vie ne semble plus favoriser cet homme, comme le montre la tache rouge qui orne son flanc. À sa ceinture, un baudrier sur lequel est fixé un fourreau bleu roi et or, digne d'un prince. L'épée qu'il est censé abriter, une longue lame à la garde violette et ornée du signe de la Triforce, repose à droite de l'éplorée. Celle-ci caresse le visage du mort avec une infinie tendresse, emprunte de culpabilité, comme si c'était elle qui avait infligé le coup fatal. Comme une demoiselle qui pleure son amour perdu, elle ne cesse de caresser ce doux visage rendu serein par la mort. Comme si cela pouvait affaiblir l'étreinte de l'étau qui enserrait son coeur coupable et meurtri. Comme si cela pouvait réparer son âme ébréchée par les combats et la tristesse. Ses actes. Cette guerre. Provoquée par l'énième lutte entre les trois déesses créatrices et le Roi Démon, incarnation du mal. Guerre qui n'avait rien à voir avec les mortels qui gisent là, sur ce sol, honorés par la seule pluie, et avec la seule joie sinistre de nourrir des charognards. Elle revoit le visage de son ennemi : des yeux rouges aussi flamboyants que le feu destructeur, et animés d'une cruauté et d'une détermination sans faille, des cheveux noirs et ondulés qui encadrent un visage au teint blafard, une silhouette androgyne, moulée dans une armure d'un noir profond. Si l'aura qui l'entourait ne l'avait pas fait frissonner de dégoût, elle aurait pu le trouver beau. La jeune femme avait ressenti toute la haine qu'il nourrissait à son égard, et elle en avait tremblé : puis, avec désespoir, elle s'était préparée à ce que son peuple, à ce que ces mortels qu'elle chérissait tant, meurent en tentant de défendre sa cause, victimes de la rage de cette créature née pour détruire.

Il s'était délecté de son désespoir, s'en était nourri, repu, jusqu'à n'en plus pouvoir. Alarmée, et rongée par le remords, elle avait aidé le destin à se mettre en marche : il lui fallait désigner son champion, car un combat entre divinités aurait provoqué le chaos. Son regard s'était alors posé sur ce jeune homme, chevalier d'une terre nommée Hyrule. Elle avait admiré son courage, savouré la sensation d'espoir qu'il faisait naître chez ceux qu'il croisait, l'avait apprécié pour sa bonté, mais aussi pour sa force de caractère dont il faisait preuve à chaque instant. Elle n'était pas idiote : Farore, la déesse du Courage, l'une des trois Créatrices maîtresses de tous les mondes, avait jeté son dévolu sur ce jeune mortel. Cela avait déstabilisé sa fille : c'était bien la première fois que sa mère faisait ce choix, mais elle en connaissait la raison. La benjamine des démiurges agissait avec sagesse... sagesse que sa fille ne comprenait que trop, mais qu'elle haïssait de toute son âme. Elle aurait voulu désobéir. Elle aurait voulu être déraisonnable. Mais le devoir l'appelait, broyait son âme, la réduisait en mille morceaux. Elle était une divinité et devait se comporter en tant que telle. Même si son pauvre coeur, si semblable à celui des mortels, lui hurlait le contraire. Aucune larme n'avait roulé sur ses joues pâles. Aucune émotion ne s'était reflétée dans son regard perçant. Aussi froide qu'une statue. Aussi froide qu'une déesse. Seuls les mortels étaient autorisés à faire preuve de faiblesse, et à succomber à leurs sentiments. Les éternels n'avaient pas ce privilège.

Elle ferme les yeux, ses poings se serrent. Elle se retient de trembler. Elle se retient d'exploser. Pas encore. Pas ici.

Et pourtant... pourtant, elle s'était autorisée à prévenir ces êtres qu'elle chérissait tant. Les êtres auxquels Farore avait insufflé la vie, son peuple ! À nouveau, ses divines prunelles s'étaient posés sur cet Hylien d'exception, à l'aura si particulière. Le coeur de la déesse battait la chamade, sa main tremblait presque, mais elle était déterminée. Elle se trouvait dans une grotte aux murs de nacre aux nuances blanches, roses ou bleues. Une impression écrasante de sacralité émanait de ce lieu enchanteur, et elle se sentit presque oppressée, bien qu'elle soit une vive incarnation de cette pureté. Elle s'avança vers une vasque, alimentée par une source, et passa une main gracile sur la surface de l'eau pure. Son geste créa de petites ondes, et elle susurra :

"Élément béni de Nayru, montre-moi mon élu."

La surface de l'eau se rida, et le visage si pur du chevalier apparut. À cet instant, il chevauchait, juché sur une jument alezane au crin blanc.

Elle revoit ses prunelles saphir exprimant une joie sauvage, son corps musclé bougeant au rythme des pas de l'équidé. L'incarnation de la liberté. Aigle sauvage, dont elle a terni la beauté en attachant la corde du destin à ses serres, en le faisant le moins libre des hommes.

Elle prit une grande inspiration, comme une actrice s'apprêtant à entrer sur scène, et mit sa main au-dessus de la vasque.

"Chevalier Link d'Hyrule, moi, Hylia, au nom de ma mère et de moi-même, te choisis pour assurer le salut du monde. Afin que tu mènes à bien ta mission, je t'accorde le don de prescience."

Ses paroles sonnaient comme une condamnation, comme le glas de la liberté de cet homme, contraint à assumer un destin trop lourd. Mais Hylia, comme tous les dieux, lisait dans le coeur des hommes, et savait que celui-ci lui obéirait, car la loyauté rayonnait dans ce coeur pur. Sa main serra la vasque, jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches. Il fallait qu'elle se ressaisisse. Le salut du monde exigeait des sacrifices, et les dieux ne pouvaient intervenir directement. Comme le disait si souvent Nayru, sagesse incarnée, les hommes devaient garder leur libre arbitre, mais les dieux pouvaient s'arroger le droit de désigner leur champion. À forces égales, comme l'avait si souvent répété Din, sa tante aux yeux de braise. Farore restait toujours silencieuse, mais Hylia percevait la tristesse au fond de ses yeux verts, même si, en pure incarnation de la bravoure, elle n'en montrait jamais rien. La déesse aux cheveux verts pleurait ces mortels qu'elle allait devoir sacrifier, ces mortels auxquels elle avait donné vie. Farore pleurait ses enfants chéris, comme Hylia se lamentait sur leur sort.

Mais les lamentations sont bien vaines : elles ne ramènent pas les morts à la vie, elles ne réparent pas ce qui a été détruit. La pluie tombe toujours, impitoyable, comme pour purifier cette terre meurtrie par la folie divine, comme un écho au chagrin trop grand d'une déesse impuissante. Quelle ironie cruelle ! Elle, une déesse, un être aux formidables pouvoirs, ne peut même pas préserver ce qui doit l'être. Elle, éternelle toute-puissante, ne peut pas lutter contre la mort. Elle, déesse de l'espoir, n'en comprend même plus le sens. Pourtant, elle l'avait vu briller dans les prunelles magnifiques de son courageux élu.

Chevauchant un célestrier rouge, un majestueux oiseau géant, elle descendait en piqué sur les terres. Elle savoura avec délice la sensation du vent sur son visage, du vent qui passait dans sa superbe chevelure dorée, l'emmêlant. Des joies si simples, qu'elle adorait éprouver, des joies si douces. Et pourtant, sur le sol, elle voyait les armées des Hyliens, son peuple, se rassembler, prêts à mener une guerre dont ils savaient qu'ils ne ressortiraient pas vainqueurs sans une intervention divine. Hylia venait les aider, elle qui était la responsable de leur perte. Le célestrier poussa un cri pour avertir les mortels de la venue de la déesse, mais ceux-ci, loin de la reconnaître, braquèrent leurs arcs sur elle, en hurlant :

"Un monstre, un monstre !"

Alors qu'elle se préparait à se protéger des tirs, elle croisa le regard de ce mortel dont elle avait suivi la vie depuis des mois. Elle n'y lut nulle hostilité, mais simplement de la curiosité, et une pointe d'affolement. Hylia ne parvenait pas à se détacher de ce regard magnétique, et ce fut l'ordre qu'il intima à ses compagnons qui la sortit de sa rêverie :

"Ne tirez pas ! Ce n'est pas un monstre !"

Aussitôt, les chevaliers d'Hyrule, tous vêtus de vert, baissèrent leurs armes, et laissèrent la déesse atterrir. Ces braves hommes n'avaient pourtant pas toujours obéi au fier Hylien : ils l'avaient traité de fou lorsqu'il les avait prévenus d'une attaque imminente du Roi Démon, l'avaient même enfermé, tel une bête sauvage et dangereuse. Elle avait ressenti sa frustration, sa colère et sa douleur, comme des coups de poignard. Et pourtant, jamais il n'avait perdu espoir, même quand sa raison chancelait, à force d'être enfermé dans le noir, à force de se rendre compte qu'il était traité comme un paria, lui qui tentait désespérément de sauver les siens. Mais tel était le drame d'un élu : être différent, au point de ne jamais pouvoir être compris. Être seul. Être un instrument entre les mains de puissances qu'il n'osait même pas imaginer, qui le voyaient comme un pion, et pourtant, ne jamais se détourner d'elles. Elle devinait cette destinée, et ne pouvait la refuser... en tant qu'éternelle, elle était condamnée à faire des choix difficiles. Peut-être que la vie courte des mortels était bien plus enviable : ils étaient certains d'être délivrés de tout à un moment ou à un autre. Elle s'aperçut qu'on la dévisageait et se reprit. Avec grâce, elle descendit de sa monture, qui décréta que les mortels étaient stupides. Alors le chevalier, avec un regard plein de défi, se planta devant l'oiseau et répondit :

"Nous ne sommes pas stupides, juste méfiants.
- Ah oui ? Je suis à la recherche de mon cavalier, l'un de vous aurait-il l'audace de me défier ? Se moqua le célestrier vermeil.
- Oui, moi !
- Ça suffit, intervint Hylia. Je me présente : je suis la déesse Hylia, envoyée pour vous aider dans cette guerre contre le Roi Démon. Les anciens dieux et moi-même avons choisi un Héros, qui portera fièrement cette lame divine..."
Elle fit apparaître dans un halo de lumière dorée une magnifique épée : la lame, longue et assez large, sans être disgracieuse, était ornée, juste sous une garde violette en forme d'ailes déployées, du signe de la Triforce. L'ornement de la poignée faisait penser à une plante grimpante, surmontée d'un joyau bleu. Il émanait d'elle une aura sacrée presque écrasante. Hylia s'avança, en silence, vers le guerrier blond. Elle tendit l'épée vers lui, et celui-ci, surpris, articula :

"Moi, Votre Majesté ?
- Oui, c'est toi que j'ai choisi, Link, répondit simplement la déesse avec un sourire."

Aussitôt, il posa un genou en terre, la main droite sur le coeur et la tête baissée.

"Je tâcherai de vous servir loyalement et de sauver notre chère Hyrule, même au péril de ma vie, jura-t-il."

Un éclair de tristesse voila le regard de la jeune femme, mais il disparut aussi vite qu'il était venu. Son coeur battait la chamade, tant elle était émue par ce serment sincère.

"Relève-toi, chevalier d'Hylia, ordonna-t-elle d'une voix douce et solennelle, et prends cette épée qui est maintenant tienne."

Elle lui remit la sainte lame entre les mains et celle-ci, au contact du jeune homme, se mit à briller de mille feux. Excalibur reconnaissait son maître, et se soumettrait dorénavant au moindre de ses désirs. Le célestrier vermeil s'avança de son pas lourd, et baissa la tête en direction de Link, ses yeux jaunes brillant d'une lueur mystérieuse.

"Je reconnais en toi mon digne cavalier, dit-il en baissant humblement la tête.
- Ainsi donc, je ne suis pas si stupide que ça ?" rit le jeune hylien.

L'oiseau ne répondit pas, mais Hylia sentit qu'il était mi-amusé mi-agacé par ce jeune impertinent. Cependant, comme elle, il reconnaissait la valeur de cet homme plein de promesses. Link enfourcha la créature, qu'on disait monture des dieux, et aussitôt, celle-ci s'envola. À son grand regret, la mort dans l'âme, la déesse se retira. Sitôt arrivée, elle se précipita sur sa vasque, et observa les Hyliens combattre les hordes monstrueuses envoyées par le Roi Démon. Elle s'obligea à ne pas fermer les yeux lorsqu'elle vit les hommes tomber par milliers, elle s'efforça de refouler sa tristesse et sa trop grande culpabilité. Ces sentiments ne convenaient pas à une éternelle : les émotions étaient réservées aux mortels. Elle était trop puissante pour se laisser guider par les simples injonctions de son coeur... ah ce qu'elle maudissait son statut ! Que n'échangerait-elle pas contre ces pouvoirs qui ne lui permettaient pas de faire ce que lui hurlait sa conscience, et ce que lui interdisait sa raison. Comment sa mère et ses tantes faisaient-elles ? Farore lui répétait toujours qu'elle était encore jeune, qu'elle apprendrait, qu'elle finirait par accepter les affres que lui imposait sa nature. Comme elle aurait voulu croire la joyeuse déesse du Courage ! Pourtant, jamais elle ne perdait espoir, et elle l'appela de toutes ces forces. Hyrule gagnerait, c'était certain. Hylia passa une main à la surface de l'eau, qui se rida légèrement, pour laisser apparaître le Héros de la Légende, juché sur sa majestueuse monture, Excalibur à la main.

Il fauchait tous les monstres se trouvant sur son passage, sans aucun état d'âme. Un instant, la déesse admira les prouesses de ce bretteur doué, écouta les cris de rage qu'il poussait à chaque fois qu'il abattait sa lame sur une tête hideuse, à chaque fois qu'il transperçait un coeur noirci par les ténèbres, à chaque fois qu'il libérait un peu plus le monde de ses maux. Il s'était transformé en machine à tuer, impitoyable, purifiant la terre de ses miasmes, épurant les rangs de l'ennemi des dieux. Hylia souhaitait parfois l'aider, et amorçait un geste, juste avant de se retenir : elle ne pouvait intervenir davantage. La jeune femme, cependant, ferma les yeux, et, à travers l'eau magique, lui insuffla un regain d'espoir. Elle sentit l'âme de Link résonner lorsqu'elle la toucha de la sienne, un fait étrange, mais qu'elle laissa de côté. Le chevalier ne fut que plus féroce, et malgré les blessures, il continuait, sans relâche. Il y avait quelque chose de sombre et d'effrayant en cet homme, mais quelle créature ne l'était pas lorsqu'elle se faisait le messager de la mort ? Le monde n'allait pas tomber pour quelques égratignures ! La jeune femme joignit les mains, comme pour prier, envahie de cet espoir qui la caractérisait et qui ne se laisserait jamais vaincre, elle en avait la certitude.

Enfin, le Roi Démon, dans toute sa sombre splendeur, se manifesta, ses ailes déployées. Link le regarda sans ciller, l'air déterminé, et pourtant, Hylia sentait sa peur. Une peur viscérale, mais que contrebalançaient la détermination et l'espoir. Farore ne disait-elle pas que sans peur, le courage devenait folie ? Elle savait que sa mère avait raison.

"Alors Hylia, on se cache derrière des mortels ? se moqua son ennemi.
- Je ne te permets pas d'insulter la déesse de la sorte ! Elle m'a désigné comme son élu !" ragea Link.

Il y avait tant de colère et de ferveur dans cette voix d'habitude chaleureuse !

"Dis plutôt qu'elle t'a envoyé à la mort, parce qu'elle est trop lâche pour venir elle-même... mais qu'importe, j'aurai la Triforce et les déesses se soumettront !
- Qu'importe si je meurs, au moins aurais-je l'honneur de te faire ravaler ton orgueil, monstre ! Jamais le pouvoir des déesses ne sera tien, jamais tu ne le souilleras de tes mains viciées !"

Sur ces paroles, le jeune homme s'élança, l'épée levée, plus brillante que jamais. Mais le Roi para le coup, et blessa Link au flanc. Hylia sut, la mort dans l'âme, que la blessure était grave, et un instant, elle craignit que l'espoir d'Hyrule ne s'éteigne à tout jamais. Le chevalier chuta, mais sa monture le rattrapa.

"Merci... je te promets d'être toujours à tes côtés, murmura l'Hylien.
- Mon âme et la tienne sont liées à jamais, répondit simplement la créature.
- Allez, envoyons ce roi de pacotille dire bonjour à la Faucheuse !"

La voix de Link était assurée, mais Hylia voyait le liquide vermeil s'écouler en grandes quantités de son flanc. Elle se mordit la lèvre, anéantie. Le Roi Démon avait raison, elle venait d'envoyer un innocent à la mort, mais ne pouvait empêcher son funeste destin. Le maître du mal ne s'attendait pas à ce que le jeune mortel se relève, et aussi n'eut-il que le temps de se protéger d'un bouclier magique lorsque le jeune homme fondit sur lui. Link ne se laissa pas décourager, et, ignorant la plaie béante qui courait sur son flanc, se battit comme un beau diable, enchaînant des bottes toutes plus audacieuses les unes que les autres, cherchant les failles dans la défense de son ennemi. Sa monture ne ménageait pas les coups de bec et de serres, obéissant à la moindre injonction de son cavalier, devançant même ses désirs. Hylia admira l'osmose qui existait entre ces deux-là. Ils semblaient s'être trouvés, comme deux âmes soeurs. Et si elle n'était pas physiquement présente, son âme était sur les terres mortelles, aux côtés de son valeureux champion, comme dans les histoires chevaleresques que les hommes aimaient raconter.
Enfin, Link réussit à enfoncer Excalibur dans le coeur ténébreux du Roi Démon, qui disparut dans un formidable cri d'agonie. Mais celui-ci, dans un dernier souffle, se transforma en un tourbillon noir, se dirigeant vers Hyrule. Sachant les habitants menacés, Link descendit en piqué, son célestrier donnant toute son énergie. Lorsqu'il atteignit la terre ferme, le jeune homme tenait à peine debout, et pourtant, il enfonça la lame d'Excalibur dans le sol, y mettant toute son énergie, priant l'arme de donner toute sa puissance magique pour sceller le Roi Démon et mettre les siens en sécurité. Alors un immense morceau de terre s'éleva dans les airs, et tous les hommes présents s'y réfugièrent, accompagnés de femmes et d'enfants. Excalibur, elle, dans une spirale de lumière blanche, absorba le maître du mal. Hylia sut alors que c'était à elle de jouer. Elle se téléporta sur terre, et créa un sceau de forme triangulaire, qu'elle apposa sur la nouvelle prison de son ennemi. Elle restait invisible, ne souhaitant pas que les autres remarquent sa présence.

"Link ! hurla un chevalier aux cheveux châtains, viens avec nous, vite !"

Le concerné se contenta d'un pauvre sourire, le sourire de celui qui sait qu'il va mourir sous peu et qui accepte cette fatalité. La terre détachée s'éleva dans le ciel et Hylia se concentra pour former une barrière infranchissable de nuages. La nouvelle contrée dans le ciel ne devait plus avoir de contacts avec l'ancienne, pas avant que le nouvel élu n'arpente ce monde. Elle vit avec horreur le jeune homme s'écrouler contre un reste de colonne, les yeux fermés, pâle comme la mort, la sueur perlant sur son front.

"Hyrule est sauvée... comme je regrette de ne pas être avec vous, mes amis, mais je sais que vous vivrez en sécurité, sous la protection de la déesse. J'aurais aimé passer plus de temps avec elle, car son aura m'emplissait de bonheur, j'aurais aimé la remercier pour l'honneur qu'elle m'a fait... Et pour le cadeau qu'elle m'a offert. Toi, ami célestrier. Je n'ai pas tenu ma promesse, car je sens que la vie me quitte... je suis désolé."

Ce furent ces dernières paroles. Une goutte de pluie tomba sur la joue d'Hylia, coulant ensuite comme une larme, remplaçant celles qui ne voulaient pas venir.

Toute cette vie qu'il n'a pas eu le droit de vivre, ni même de toucher du doigt. La mort emporte les justes, eux qui méritent tant d'embrasser la vie à pleine bouche. La mort ne fait pas de différence, et se soucie peu des états d'âme des vivants. Froide, elle fait sa moisson sans regarder quels épis sont pourris. Quelle cruauté... pourquoi faut-il qu'elle se soit attachée à un mortel, une créature vouée à mourir, vouée à disparaître ? Elle s'était juré de ne jamais faire de différence, de toujours rester en retrait, mais cette âme, ces yeux bleus l'avaient attirée. Elle... elle était tombée amoureuse d'un mortel. Une relation interdite, et destinée à la perdition de l'un ou de l'autre, et même des deux... pourquoi ? Hylia se serait contentée de le voir vivre, de le voir s'épanouir, fût-il au bras d'une autre. Alors pourquoi le lui avoir arraché, pourquoi l'avoir rendue responsable de sa mort ? Que c'est injuste ! Elle n'est qu'une déesse inutile, trop lâche pour enfreindre les lois et sauver celui qu'elle aimait, comme le font les hommes. Elle a préféré se prélasser dans le confortable carcan des règles...

"Lorsque tu as été désigné comme élu, dit-elle d'une voix rauque et tremblante, je savais que tu devrais te sacrifier. Si tu savais comme je regrette, car... je t'aime. Qui eût cru qu'une déesse pouvait tomber amoureuse ? Certainement pas moi, et pourtant... mais c'est trop tard, tu ne peux plus m'entendre..."
Une larme roule sur la joue d'Hylia, et elle respire de plus en plus difficilement, sa trachée prise dans un étau, tout son corps envahi de la brûlure provoquée par le chagrin. Elle s'oblige pourtant à saisir la garde d'Excalibur et psalmodie d'une voix quasiment inaudible :

"Qu'à l'esprit de cette épée ton âme soit à jamais liée, qu'elle devienne éternelle, et purifie à tout jamais Hyrule du mal qui pourrait la menacer."

La lame s'illumine et brille de mille feux, répondant à l'appel d'Hylia. Aussitôt, une jeune femme à la peau bleue, vêtue d'un simple tissu bleu et violet, se matérialise devant elle.

"Tu te nommeras Fay, ordonne la déesse, et tu serviras l'âme de ce jeune homme, et uniquement elle."

Fay acquiesce, et pose sa main sur le coeur du défunt, afin d'entrer en contact avec celui qu'elle servirait à tout jamais, avant de disparaître. Hylia sait qu'elle vient de faire un cadeau à cet homme : la possibilité de se réincarner, même si c'est pour sauver Hyrule encore une fois, la possibilité de vivre. Elle veut lui donner cette chance à laquelle il n'a pas eu le droit, elle veut lui permettre une nouvelle fois de chérir ce monde qu'il a sauvé. Et puis, plus égoïstement, elle veut à nouveau voir la vie faire pétiller les yeux de l'être aimé. Puis, touchant de son esprit l'âme du célestrier, elle murmure :

"Il sera à tout jamais ton cavalier, oiseau des dieux, quelle que soit la forme que tu prendras, quels que soient les âges. Vous vous trouverez toujours, et jamais ne serez séparés."

Elle entend le célestrier hurler sa joie à travers la souffrance qui broie son coeur, et cela la rassure quelque peu. Au moins a-t-elle su consoler quelque peu quelqu'un. Puis, serrant plus fort la main froide et inerte de Link, elle la porte à son coeur, avant de l'embrasser, la mouillant des perles de douleur qu'elle ne peut plus retenir. Elle aussi va se sacrifier... et changer son destin à tout jamais. Mais elle le fait pour le monde, et surtout, pour lui. Pour elle aussi, pour se racheter de ses péchés, pour effacer cette culpabilité trop lourde à porter. Pour pouvoir être à tout jamais à ses côtés, pour ne plus être qu'une simple déesse contrainte d'observer, elle décide de se débarrasser de son corps divin. Elle décide de se délester de ce fardeau, elle rejette son éternité.

"Que de ce corps éternel je sois à jamais déliée, afin qu'aux côtés du Héros éternel, égale à lui, je puisse toujours exister. Ainsi, Link, je serai à jamais à tes côtés..."

Sa main droite s'illumine, et elle porte un grand coup à son coeur, brisant ainsi le lien qui relie son esprit à son corps. Elle se sent plus légère, à mesure que son enveloppe charnelle devient poussière dorée, absorbé par le néant, qui se nourrit de ses particules comme un chancre.

"Je suis désolée, mère, pense-t-elle.
- Ne le sois pas, Hylia : tu es l'espoir, le plus beau des sentiments, et tu as fait le choix du coeur, bien difficile, et bien courageux. Peu d'éternels choisiraient d'abandonner leur enveloppe charnelle, pour reposer en attendant une nouvelle réincarnation qui ne viendra peut-être jamais. Tu as choisi la vie mortelle, tout en connaissant les douleurs qu'elle impose, mais tu as aussi choisi de préserver Hyrule, et d'être heureuse. Seule toi et ce jeune homme pouvez restaurer sa gloire d'antan : nous, dieux, ne pouvons pas intervenir... À toi, je te confie la tâche de le soutenir, quels que soient les sacrifices que tu devras faire.
- La famille royale est décédée : à toi, Hylia, intervient Nayru, je te confie la tâche de préserver l'ordre et la loi.
- À toi, Hylia, je te confie la tâche de préserver notre pouvoir : la Triforce."

À tout jamais, Hylia, comme Link, serait la gardienne de cette Hyrule mythique, terre de légendes et de dangers, préservant la Triforce, cadeau divin, préservant l'équilibre d'un monde fragile. Un travail bien lourd, mais qu'elle assumerait avec dignité. C'est alors qu'elle voit l'âme de son éternel compagnon se matérialiser devant elle. Il lui sourit, et s'apprête à s'agenouiller, mais elle le retient.

"Non, Link, c'est à moi de m'incliner !"

Elle s'exécute, mais le jeune homme la relève bien vite. Elle lui sourit bravement, mais les larmes brouillent sa vue. Elle regrette tellement de le condamner encore à être un Héros, elle regrette tant qu'il n'ait pas vécu sa vie de simple mortel, qu'il n'ait pas rejoint les autres ! Tant de regrets... mais les regrets ne sont que les restes d'erreurs irrévocables : inutiles et douloureux, dont on ne parvient que difficilement à se débarrasser.

"Je suis désolée...
- Ne le soyez pas, Hylia. J'ai accepté ce destin, alors que j'aurais très bien pu le refuser, et laisser Hyrule sombrer : vous m'avez montré la voie, montré qu'il restait de l'espoir. Et surtout, à travers mes rêves, vous nous avez avertis de ce danger qui nous menaçait, alors que vous auriez pu nous laisser mourir. Vous avez sacrifié votre corps de déesse pour pouvoir être, à l'instar de ma personne, une mortelle... argumente-t-il d'une voix douce.
- Je t'ai tout de même arraché ta liberté.
- Ne pensez jamais cela : je suis fier d'avoir été choisi pour préserver ce monde... bien peu de gens ont cette chance, et avec vous à mes côtés, je n'ai pas de regrets à avoir."

Elle s'avance vers lui et l'embrasse timidement sur la joue : pas un vrai baiser, mais une simple et précieuse promesse. Il prend sa main et lie ses doigts avec les siens. C'est alors que, à leur grande surprise, ils entendent le son d'une harpe s'élever, aussitôt suivi de la mélodie plus enlevée d'une flûte de pan, accompagnée d'un ocarina. Hylia comprend, avec émotion, que les déesses les accompagnent dans leur repos, repos qu'elle espère être éternel... alors elle ferme les yeux, et bercée par la douce et envoûtante musique, elle se laisse emporter par un sommeil salvateur.

C'est ainsi que s'endorment pour la première fois l'âme du Héros éternel et de la Princesse de la Destinée. Deux êtres liés par le voeu d'une femme amoureuse. Deux incarnations pures de l'espoir. Deux êtres sources des plus belles légendes.

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Princess-Midna". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 26.03.24