La légende de Talon
Chapitre 2 : Le cheval
Chapitre 3 : La pêche
Chapitre 4 : Le côté obscur
Chapitre 5 : Le puits
Chapitre 6 : Premier jour à : Termina
Chapitre 7 : Deuxième jour à Mùlia : Romani
Chapitre 8 : Dernier jour à Mùlia: Kafu et Anjeï
Chapitre 9 : Secrètes sécrétions de joncs
Epilogue
Musique de Max "Thème principal"
Le récit qui suit n'est pas une légende. Alors, me direz-vous, pourquoi le titre est "la légende de Talon" ? Et bien parce que j'en ai décidé ainsi, et que ce que je décide doit être appliqué... Je suis la princesse Zelda. Iralie Zelda Hyrule. Je suis jeune, bien que plus âgée que vous, et j'interviens directement dans l'histoire du jeune Talon. J'ai été choisie par le grand conseil des Légendes pour rapporter cette histoire par écrit, alors personne n'a à se plaindre si elle ne plaît pas. Voilà !
L'histoire commença un beau jour d'été particulièrement chaud. Sur la place du marché du bourg d'Hyrule, à l'ombre d'un arbre, dormait un jeune homme, ma foi pas si mal physiquement, répondant au nom de Talon. Enfin il ne répondait pas souvent car il passait la plus grande partie de la journée et de la nuit à dormir. Cet après-midi où la chaleur était étouffante, il était plus fatigué que jamais. Son père était parti quand il avait cinq ans. Sa mère était une belle femme, quoique ses traits fussent abîmés par ses longues journées. Son mari était parti à cause de la pauvreté. Et quinze ans plus tard, elle et son fils n'avaient plus un sous, et ne risquait pas d'en gagner puisque le fils dormait à longueur de temps et que la mère avait les jambes paralysées par un accident du travail, et qu'elle était même trop fatiguée pour mendier. La femme avait une faiblesse : Elle ne pouvait vivre sans avoir constamment autours d'elle une vingtaine de chiens-chiens (race locale de chiens, ressemblant vaguement à des fox-terriers...). C'était une grande faiblesse car Talon devait se procurer de la nourriture pour tous les animaux, sans quoi sa mère mourrait. Ils avaient un repas par journée, offert par l'association des "Mojos du coeur", dont Talon dut parfois se priver. Toujours est-il que cet après-midi-là, malgré sa faim, il dormait à l'ombre d'un arbre de la place du marché. Il rêvait d'une fille qu'il avait rencontrée le matin et qui lui avait donné rendez-vous près du château. Il fut réveillé en douceur par la reposante musique d'une fanfare. Tous les marchands et les clients de la place se retournèrent vers le pont-levis qui se baissa vers l'extérieur. Tout un cortège se mit à défiler sur la place, en direction du château. D'abord, une quinzaine d'hommes jouant d'un instrument de musique (Talon les fusilla du regard), puis quatre cavaliers chevauchant de beaux chevaux blancs, portant l'étendard d'une région inconnue de Talon. Ensuite une cinquantaine d'hommes à pied, portant des costumes bleus et jaunes, défilant sérieusement, exécutant tous les mêmes mouvements des bras et du corps. Ensuite un énorme carrosse, également bleu, mais parsemé d'or. Derrière lui un petit (par rapport au carrosse) palanquin aux rideaux bleu marine tirés de manière à cacher son intérieur. Juste avant de passer devant le jeune homme, une fine main blanche, puis une tête au visage pâle et aux joues roses sortit d'entre les rideaux. Le visage appartenait à une magnifique jeune fille, légèrement plus jeune que Talon. Elle salua la foule regroupée sur la place de la main. Mais son visage resta impassible. Tous les hommes, jeunes où âgés, la toisaient de regards suppliants. Apparemment Talon n'était pas le seul à penser qu'il s'agissait là de la plus belle femme jamais vue. Dix fois, même cent fois plus belle que la fille avec qui Talon avait rendez-vous. Mais elle n'était pas faite pour lui. Elle voyageait en palanquin, avec autour d'elle tout un cortège, et lui devait vivre aux dépens d'une association humanitaire et de chiens-chiens. Elle était visiblement issue d'un milieu aristocratique et lui ne pourrait se payer même pas une vis du carrosse passé tantôt.
Pourtant, en passant devant lui, la jeune femme croisa son regard. Talon pensa ne jamais plus pouvoir détourner les yeux du visage de la belle. Ses petits yeux légèrement plissés l'hypnotisaient. Sa main semblait attendre lui demander de monter à bord du palanquin. Mais son regard se fit insistant, comme pour lui faire comprendre quelque chose. Elle lui sourit, tourna la tête et rentra sous la protection du rideau.
Un "ooooooh !" déçu parcourut l'assemblée. Là, un gant tomba du rideau, aux pieds de Talon. Celui-ci se baissa et trois autres hommes se jetèrent dessus, se battant pour le gant de la jeune femme. Mais ce fut Talon qui s'en saisit, plus rapide que les autres. Mais ceux-ci n'étaient pas décidés à abandonner la partie.
- C'est à moi qu'il est destiné, cria l'un.
- Non, à moi, répliqua le second.
- C'est moi qu'elle aime, fantasma le dernier, c'est un message d'amour éternel.
- Qui voudrait donc de vous, face de Goron ! commença le premier en élevant le ton.
- Ma femme, déjà, répondit le deuxième.
- Mon charme de Zora a déjà fait plus d'une victime, continua le troisième.
- C'est moi le plus beau !
- Non moi !
- Mon corps de...
- La ferme, homme-poisson, cria le premier.
- Tu sais ce qu'il te dit le poisson ? hurla le troisième.
- Je veux ce gant, beugla le second en se jetant sur les deux autres.
Ils commencèrent à se battre, oubliant totalement Talon et le gant. Le cortège était passé depuis longtemps et la foule se mit en cercle autour des trois hommes, hurlant comme des chiens, espérant une mort atroce de l'un des combattants. Pendant ce temps, Talon s'engagea dans une ruelle étroite, où se trouvait sa petite maison. Il était décidé à parler de son aventure à sa mère. Il franchit la porte, le gant fermement serré contre sa poitrine.
Midor, Harreï, Gecko, Susy, Uemi et Zouzou vinrent saluer Talon. Les quatorze autres chiens-chiens étant à d'autres occupations.
- Talon, mon fils, tu es rentré ?
- Oui maman.
- Viens, je veux voir ton visage.
Talon s'approcha du fauteuil où sa mère était assise et lui prit la main. Il lui raconta ce qui était arrivé et l'avis de sa mère fut catégorique :
- Non. Je hais ces aristocrates, se pavanant avec leurs carrosses et leurs palanquins. Même si elle te demandait en mariage, je ne voudrais pas que tu la revoies.
- Mais...
- C'est moi ou elle !
- Mais je n'ai jamais dit que je voulais l'épouser ! Ne t'énerve pas...
- Remarque, elle est peut-être la seule à vouloir d'un mari aussi paresseux...
- Maman...
Il retira sa main vers lui et laissa tomber le gant. Un petit papier s'en échappa. Quand il le lut, il n'en crut pas ses yeux :
Je m'ennuie, mais de quoi ?
Une étreinte sous la pluie,
Un écho de ta voix,
Le baiser de la nuit,
Un regard d'effroi,
Mon âme seule sous mon toit...
Je m'ennuie... de toi.
Retrouve-moi au château.
Il le relut plusieurs fois et en resta bouche bée. Etait-ce sérieux ? Ne voyant aucun signe de la part de son fils, la mère demanda de quoi il s'agissait. Talon lut le billet à voix haute. La mère n'en crut pas ses oreilles.
- Serait-ce possible ?
- Je ne sais pas mais ça vaut bien la peine de laisser tomber le premier rendez-vous...
- Quel rendez-vous ?
Mais Talon avait déjà quitté la maison en courant. Il longea la ruelle pour se retrouver à nouveau sur la place du marché. De là, il prit le petit chemin caillouteux qui devait le mener sur les traces du cortège, au château d'Hyrule, loin de se douter que la princesse Zelda l'épiait par la plus haute fenêtre de la plus haute tour... Mais assez loin du château, déjà, son chemin fut bloqué. Une grande porte de pierre, fermée par une grille, se trouvait sur son chemin. Elle était gardée par un unique homme en armure. Talon essaya d'engager la conversation.
- Euh... bonjour, je peux passer ?
- Non.
- Et... est-ce que je peux voir le cortège ?
- Non.
- Vous ne voulez pas discuter un peu ?
- Non.
- Vous êtes sûr ?
- Non.
Comprenant qu'il était inutile d'insister, Talon s'assit sur une pierre et réfléchit à ce que le petit billet voulait dire. Peut-être la femme s'était-elle moquée de lui... C'est vrai quoi. Comment voulait-elle qu'il la retrouve, si on ne le laisse même pas pénétrer dans le château ? Peut-être était-ce une sorte de test, visant à savoir ce qu'il était prêt à faire pour elle... Il était prêt à mourir pour ses yeux...
Une voix l'appela derrière lui. Mais elle ne venait pas du garde : Une troisième personne était présente. Il s'agissait d'un homme, pas beaucoup plus vieux que Talon, portant un drôle de costume. A Hyrule, comme à Termina, Labrynna ou Holodrum, chaque peuple avait une caractéristique propre. Ce jeune homme portait une tenue tout à fait singulière, mélange de blanc et de bleu, un voile cachant la moitié la plus basse de son visage, ses longs cheveux blonds la partie haute, découvrant uniquement deux yeux d'un bleu profond. Il s'adressait à Talon d'une voix douce et bienveillante :
- J'imagine que tu veux pénétrer dans le château, jeune homme ?
- Oui, j'aimerais bien, répondit Talon étonné que l'inconnu ait deviné ses desseins, mais ce vigile m'en empêche.
- C'est normal : empêcher les inconnus de passer constitue son travail.
- Mais comment vais-je faire ?
- Raconte-moi pourquoi toi, petit villageois que tu es, veux entrer au château de la princesse Zelda...
Quelque chose en ce jeune homme inspirait confiance à Talon, qui se confia entièrement à lui en lui racontant toute l'histoire.
- C'était un récit bien passionnant. Je peux peut-être t'aider à pénétrer dans le château. Mais ça risque d'être long et épuisant pour toi. Mais, considérant la passion avec laquelle tu as fait ce récit, je suppose que tu es prêt à tout...
Talon admit d'un signe de la tête.
- Très bien, dit le blond en lui tendant sa main, je m'appelle Sheik.
- Et moi Talon, répondit le concerné en serrant la main tendue vers lui.
- Je suis heureux de t'avoir rencontré, Talon. Montrer autant de courage, car de beaucoup de courage tu auras besoin, afin de rencontrer cette jeune femme, prouve que tu es un homme bon. Moi aussi je tiens à te prouver que je suis une personne digne de confiance.
Sheik tira sa manche droite jusqu'au coude, révélant, comme tatoué dans sa chair, un signe de Triforce. Cette figure géométrique (trois triangles dorés, se touchant par les sommets, formant un quatrième triangle à l'intérieur) était le symbole de la famille royale. Même Talon le savait, dans l'inculture dans laquelle il avait grandi. Ce qu'il ne savait pas, c'était que très peu de personnes avait ce signe gravé dans la peau. Ceci montrait que Sheik était, eh bien, un peu plus qu'un membre de la famille royale d'Hyrule. Mais pour garder un peu de suspens, je n'en dirai pas plus. Patience...
- La Triforce ! s'exclama Talon.
- Chut, siffla Sheik, personne ne doit être au courant.
Il prit un air volontairement mystérieux.
- Ce que je vais te demander pour entrer dans le château peut paraître louche, et effrayant pour ce que ça vaut, mais je t'assure que c'est ce qui te reste à faire. C'est ton destin et tu ne peux de toute façon pas y échapper... Tu es toujours partant ?
Talon réfléchit quelques instants à ce que Sheik venait de lui dire et répondit finalement :
- Dès le premier coup d'oeil, j'ai su que nos vies seraient communes... Alors, pour ce regard, je dis oui. Je suis prêt à faire n'importe quoi pour la revoir.
- Très bien, répondit Sheik à haute voix. C'est toi qui l'auras voulu, siffla-t-il à voix basse. Tu devras dresser un cheval de la plaine, pêcher le plus gros poisson de l'étang, tu devras apporter une âme, une fée, un coeur de blob de Termina et une cuvée de lait Romani au scientifique du lac Hylia afin qu'il prépare une certaine lotion. Tu devras me rapporter le masque des amoureux et la preuve d'un amour véritable.
- Parfait, dit Talon en riant, au moins j'en ai déjà un des huit...
Sheik eut un petit sourire en coin. Le jeune homme pensa que c'était un signe d'encouragement, mais moi je sais parfaitement que ce sourire était dû au fait que Sheik avait déjà prévu tout ce que Talon allait faire, et que sa dernière réplique était complètement fausse. Talon n'avait pas un seul des huit éléments, et surtout pas celui qu'il croyait avoir conquis. Sheik promit à Talon qu'il pourrait le retrouver au temple du temps, et après avoir, sur une requête du jeune homme, écrit les huit éléments sur un morceau de papier, il disparut dans un nuage de fumée. Talon resta quelques instants à contempler les alentours, car le garde semblait ne rien avoir remarqué. Sheik venait de se volatiliser dans un acte de magie impressionnant, l'homme continuait de monter la garde comme si rien ne s'était passé, et le jeune homme en vint à se demander s'il n'avait pas rêvé. Pourtant, il tenait toujours un petit bout de papier blanc dans sa main droite, lui prouvant qu'il avait bien une sorte de quête à mener à bien.
Mais avant de partir, notre héros se devait d'aller faire ses adieux à sa gentille maman... Laquelle ne se montra pas gentille du tout :
- Quoi ?! Comment oses-tu ? M'abandonner, moi qui t'ai éduqué, moi qui t'ai appris à vivre, qui t'ai chéri durant toutes ces années. Tu ne partiras pas, c'est moi qui te le dis ! Regarde-moi quand je te parle !
Un chien-chien venait en effet de mordre férocement le mollet de Talon, qui s'était occupé à lui faire lâcher prise.
- Mais maman...
- Ah ! maintenant tu m'appelles ta chère maman ! Sache que tu ne me persuaderas pas comme ça. Oh non, on ne me la fait pas... Tu crois que je peux me débrouiller toute seule, avec mon infirmité ?
- Oui, maman, mais...
- Et bien non, reprit-elle d'un ton se voulant dramatique, sans toi, je mourrais de faim. Sans toi je ne pourrais plus vivre, le chagrin me prendrait, comme il a pris ton père...
Ce fut à Talon de s'énerver :
- Mais qui est ce père ? Une fois tu me dis que c'était un ivrogne, un bon à rien, une autre fois un marchand, qui t'a quittée pour une riche veuve, l'autre jour, c'était le marathonien officiel d'Hyrule ou un aristocrate parent de Zelda. Et demain ? Commence par me dire la vérité !
- Demain, tu m'abandonneras, comme ton père l'a fait avant toi !
Voyant qu'elle n'y parviendrait pas par les sentiments, elle adopta une tactique plus sournoise :
- Tu veux savoir qui était ton père ? Reste avec moi et je te dirai la vérité... Sinon, pars, mais ne reviens jamais !
- Je préfère m'en aller que de céder au chantage.
La vielle femme n'avait pas prévu cela. Elle pensait que Talon ferait tout pour connaître la vérité... Mais il était comme lui. Exactement comme lui. Il lui ressemblait trop. De vieux souvenirs refirent surface, émergèrent de son coeur, flottèrent devant ses yeux comme un linceul blanc. Ah ! l'atroce vision ! Abominable hantise enfouie depuis des années, dans un coin sombre de son esprit, mais aussi précise maintenant qu'autrefois...Une peur à peine cachée, nette, cinglante, s'empara de la femme. Elle ne put porter plus longtemps le fardeau de l'angoisse.
- Sors de cette maison, fils, laisse-moi mourir comme une vieille chaussette puisque c'est ce que tu veux ! Mais ne reviens pas avant ma mort.
La mère fondit en larmes, et le fils, voyant qu'elle ne plaisantait pas, sortit. Dehors, la soirée était venue, avec cette atmosphère si particulière du couchant. Le soleil, orange, était sur le point de disparaître, là-bas par-dessus le lac Hylia. D'habitude Talon, adossé contre un arbre, rêvassait en contemplant l'astre du soir disparaître. Mais ce jour-là, cet instant magique ne lui inspira que désespoir.
Il s'engagea donc, seul, dans la plaine d'Hyrule. En voyant s'étendre devant lui ce vaste espace désert, le vent faisant onduler les quelques brins d'herbes solitaires, il eut un noeud au niveau de l'estomac. Le remords, poignant, faillit le faire renoncer à son voyage. Mais il revit les yeux de la jeune femme, noirs et flamboyants, plissés sous une fine couche de maquillage. Une main tendue, lui faisant signe d'avancer vers l'inconnu, scella sa décision : Il allait le faire pour ces yeux noirs et flamboyants. Il allait affronter cette plaine morne, balayée d'un vent glacial comme la mère abandonnée, et prouver à tous, mais surtout à lui-même, qu'il n'était pas qu'un homme gâté par les jeunes années, fainéant, rêveur, mais aussi courageux, téméraire et déterminé.
Je n'aurais jamais cru pouvoir écrire un début de chapitre aussi poétique, émouvant, plein de rebondissements, bref : aussi bien que celui-là. Mais, cher lecteur, ne sois pas dégoûté ! Toi aussi, avec le temps, tu écriras aussi bien que moi, princesse Zelda. Je plaisante... Allez, pour faire plaisir, je case encore une phrase philosophique, au sujet de la mère, que Talon n'aurait pas dû quitter de la sorte, et qu'il aime plus que tout : Quand l'être aimé est près de soi, il ne fait jamais nuit... Je tiens cette phrase d'un de mes nombreux amants, poète à ses heures, mais peu importe. Je sais que tout le monde s'en fiche alors je continue :
Il avait dans l'idée de se diriger vers l'ouest, afin de pêcher le plus gros poisson de l'étang. Il y avait en effet, près du lac Hylia, un stand de pêche, avec un petit étang. C'est par cette épreuve, qu'il croyait la plus facile, qu'il décida de commencer. Mais le destin en décida autrement...
Tout en marchant, le jeune homme fredonna une chanson que sa mère lui chantait quand il était encore un petit garçon innocent. Cela lui donnait du courage, son pas se fit plus léger.
Que nous réserve l'avenir ?
Demain ou dans quelques années ?
Où seront les joies passées,
Qui avec le temps disparaissent ?
A quoi ressemblera Hyrule ?
Quand ma vie sera oubliée,
Quand l'Arbre aura perdu ses feuilles,
Quand la poule aura pondu son dernier oeuf...
Mais où seront les joies passées ?
Mais que deviendront mes enfants ?
Le destin nous le dira,
Car tout est écrit...
A quoi ressemblera Hyrule ?
Ce monde que j'aime tant...
Quand l'Arbre aura perdu ses feuilles,
Quand j'aurais tout oublié...
Demain...
Tout en chantant et en marchant, Talon repéra du coin de l'oeil une forme imposante le suivre pourtant discrètement, une centaine de mètres derrière lui. Elle était de couleur brune, et disparaissait à chaque fois que le jeune homme se retournait. Au bout d'un moment il n'y fit plus attention.
Alors qu'il marchait depuis une heure et demie, et que la limite entre la plaine et le chemin du lac était déjà visible au loin, la chose mystérieuse, qui s'était fait discrète mais ne l'avait pas lâché, se montra enfin. C'était un cheval. Sa robe couleur café et sa crinière blanche comme la neige lui rappelait un animal rencontré il y a fort longtemps. La monture de son père quand il était parti... Au cours de sa vie, Talon n'avait vu que des chevaux à trois occasions : Au départ de son père, le matin au défilé, et maintenant. Du coup il ne sut pas comment réagir lorsque l'animal se rapprocha doucement de lui... Il était au bord de la panique, mais ne bougea pas. La distance qui les séparait diminuait trop vite. Le cheval soupira, ce qui eut pour effet de faire sursauter Talon. L'animal, surpris, eut peur également et rebroussa chemin. Talon, apercevant le gros doute qui planait au-dessus de sa tête, regarda le papier que Sheik lui avait donné. Et là il vit : un cheval de la plaine... Il savait qu'il n'en avait pas fini avec cet étalon sauvage...
Soudainement, on l'attrapa par derrière et il se retrouva ligoté. C'était l'affaire de cinq secondes. Il voulut se défendre, mais ne put pas bouger d'un poil. On le retourna, et il vit un petit groupe de Gerudos à cheval. L'une des femmes - celle qui le tenait - resta avec lui, les autres s'enfuirent à une allure folle. Mais pourquoi ?
"Mais pourquoi" demanda Talon.
Il n'eut pas de réponse. Par contre, il fut bâillonné.
Cinq minutes plus tard, les autres cavalières étaient de retour, tirant derrières elles, attaché par une corde, le cheval qui avait suivi Talon. Un petit hennissement lui échappa, avec un regard attendrissant en direction du jeune homme. Une des femmes tira sur la corde qui l'attachait, et ils se mirent en marche, homme et cheval traînés comme des chiens. Mais Talon imaginait déjà un plan pour échapper aux Gerudos...
En cours de marche, Talon apprit que les Gerudos voulaient le sanctionner pour vol de cheval, ce qui était osé de leur part vu qu'elles-mêmes vivaient de ça. Comme vous le savez, les voleuses gerudos font du trafic avec tout ce qui leur tombe sous la main, et bien sûr aussi avec des chevaux... Quelle mauvaise foi ! S'il ne faisait rien, il serait emmené à la vallée Gerudo, où il croupirait en prison.
Mais malheureusement, il ne fit rien. Son plan échoua et, une heure plus tard, il se trouvait dans une cellule de prison. En fait, c'était une pièce fermée, dont le seul moyen d'accès était un petit trou en hauteur. Le défaut de cet emprisonnement, c'est qu'on peut facilement en sortir, si on a un grappin en sa possession. Seulement, Talon n'avait pas de grappin. Il se crut perdu. Soudain, alors qu'il entendit un cri dehors, une brillante idée lui vint. Il cria le plus fort possible, d'une voix douloureuse. Quelqu'un allait forcément l'entendre. Alors, une corde tomba dans sa cellule. Il se roula à terre, feignant une douleur atroce. Bientôt, une Gerudo glissa le long de la corde, avec la grâce d'un félin. Elle s'approcha du jeune homme, le retourna avec le pied. Là, Talon joua des jambes, avec l'espoir de faire tomber la femme. Mais les Gerudos étaient de redoutables guerrières et celle-ci ne se laissa pas avoir par ces attaques de "débutants". Elle l'évita en sautant et le menaça de son sabre :
- Ne fais plus jamais ça !
- Oh, c'est quoi ?
Talon accompagna ces paroles d'un doigt pointé vers le ciel. La Gerudo, ne connaissant pas l'habile stratagème, tourna la tête dans la direction montrée. L'autre en profita pour la frapper d'un puissant droit. La femme, assommée, tomba par terre.
Il eut un peu de mal à remonter le long de la corde, mais sinon tout se passa sans problèmes. Il sauta de sa prison et se dirigea discrètement vers l'écurie où étaient attachés les chevaux. Vous vous demanderez comment Talon s'y est pris pour passer inaperçu... Et bien, disons qu'il a "emprunté" les vêtements de la Gerudo assommée pour les porter lui-même. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la ressemblance était frappante. Il n'y a d'ailleurs aucune raison pour lui d'avoir honte, premièrement parce que les vêtements gerudos sont faits de soie légère, et incroyablement douce au toucher, et parce que beaucoup de personnalités ont été contraintes de se travestir pour survivre, à commencer par moi...
Il avait maintenant face à lui le cheval qui l'avait suivi dans la plaine. Celui-ci renifla tendrement la main de l'Hylien. Talon le caressa et ainsi débuta une formidable amitié (j'exagère). Une main chaude se posa sur l'épaule de Talon. Celui-ci, comprenant qu'il s'agissait d'une Gerudo, ne se retourna pas.
- Alors Bernadette, toujours occupée avec les chevaux à ce que je vois. Tu veux pas me donner un coup de main pour décharger une cargaison de boissons ?
- Non, fit Talon d'une voix haut perchée, je vais m'en aller... euh... avec ce cheval... pour euh... voler une vache.
- Bon, d'accord... mais tu n'as vraiment pas cinq minutes ? Pour ton amie...
La Gerudo essaya de tourner Talon face à elle mais il se dégagea avec brutalité pour monter sur le cheval. Chacun sait qu'il ne faut jamais monter un cheval sans l'avoir sellé et préparé psychologiquement, mais Talon ne se formalisa pas de ces obligations, préférant jouer sur l'effet de surprise. Ils défoncèrent la porte de l'écurie et s'enfuirent du domaine. Mais un groupe de cavalières s'étaient lancées à leur poursuite.
Pourtant, Talon et le cheval étaient bien plus rapides et distançaient déjà les poursuivants. Ils passèrent par une petite zone déserte, juste avant le pont permettant de rejoindre la plaine d'Hyrule. Ah, me direz-vous, il existait toujours ce fameux pont ? Et bien plus pour longtemps...
L'homme et le cheval arrivèrent sur le pont. Ils allaient même le traverser lorsque les maigres poutres auxquelles étaient attachées les cordes retenant le pont sortirent du sol. Le cheval fit un saut magnifique, majestueux, à une trentaine de mètres en l'air. En contrebas, le fleuve Hylia se précipitait vers la plaine, un torrent d'eau glacée jaillissant d'une source jusqu'alors inconnue. La fin du saut se passa au ralenti pour Talon. Le bruit des sabots touchant le sol faillit laisser échapper un soupir à Talon, mais il n'en eut pas le temps. Le sol s'effondra sous les pattes arrières du cheval, qui bascula dans le vide. Derrière eux, cinq cavalières tombaient également. Il sembla à Talon de flotter. Mais il n'appréciait pas cette sensation. Pas maintenant...
L'Hylia, comme vous le savez, est le fleuve d'Hyrule. Sa source se trouve dans les montagnes du nord-est, il coule à travers le domaine Zora pour déboucher dans la plaine d'Hyrule. Le fleuve coule le long de la montagne vers le bourg d'Hyrule, au nord. Puis il s'élargit et entre dans la montagne de l'ouest. Il coule au fond d'une haute falaise (en haut de laquelle se trouvait Talon). Après des rapides, le fleuve coule vers le sud-ouest avant de se jeter dans le lac Hylia. Seuls les plus courageux osaient faire ce voyage en bateau, car ce fleuve est incroyablement imprévisible. Talon allait bientôt le constater.
Le jeune homme se retrouva plongé dans l'eau. Elle était glacée. Le seul problème, c'est qu'il n'avait jamais appris à nager... Ne vous moquez pas, seuls les plus riches apprennent à nager, et je suis sûre que très peu d'entre vous, chers Hyliens, le savent. Si seulement j'avais été là ! Mais je ne peux pas suivre Talon tout le temps, j'ai autre chose à faire, non mais.
Il flotta comme une bouteille. Il paniquait et se retrouvait souvent poussé vers le fond par le courant. Il était en zone de rapides... Il ne vit pas les Gerudos nager un peu plus loin, avec un crawl parfait. Le cheval, qui s'était d'ailleurs beaucoup attaché au jeune homme, battait des jambes quelques mètres plus loin. La force du courant le dirigeait vers un rocher... Il ne pouvait lutter... Il fut violemment plaqué contre la pierre, sur laquelle étaient accrochées des moules... Il perdit conscience.
Quand il se réveilla, il était allongé sur le bord du lac Hylia. Il caressa le sable fin, le fit couler entre ses doigts. Ses habits étaient secs. Le cheval se tenait près de lui, le regardant fixement. C'est à ce moment que Talon décida de l'appeler Andélis. Ce nom convient très bien à l'animal.
Mais comment Talon a-t-il fait pour survivre, pour ne pas se noyer ? Le cheval l'avait-il sauvé ? Y suis-je pour quelque chose ? Peut-être les Gerudos ? Vous le saurez... un jour... si je fais le choix de le révéler.
Le regard du jeune homme se perdit dans l'immense beauté du paysage, les reflets du soleil dans l'eau claire du lac, une petite île en son centre.
Talon avait entendu parler d'un stand de pêche, se trouvant au lac Hylia. Comme il n'avait pas le matériel nécessaire pour attraper un poisson, il décida de louer une canne à pêche dans ce stand. Pour les touristes : Allez-y, ce n'est pas cher, et en plus, comme ils n'ont pas beaucoup de clients, ils vous laissent le temps qu'il faut pour que vous attrapiez quelque chose.
Peu après, comme il montait Andélis, il arriva au fameux stand de pêche. Il entra dans la petite maison. Il vit à sa droite un stand en bois, derrière lequel était assis un homme maigre, avec un petit chapeau rouge sur le crâne.
- Ah, s'exclama-t-il, un client ! Tenez, voici une canne... Vous savez comment l'utiliser ?
- Euh, non !
L'homme lui expliqua. Il montra également le plus gros poisson jamais pêché à Talon. Il était accroché sur une plaque en bois. En dessous de celle-ci, on pouvait lire sur un petit écriteau : Plus gros poisson jamais pêché ! Artiste : Max. Poids : dix-sept kilos. Ensuite l'homme revint derrière son guichet et se mit à lire.
Talon se dirigea vers le bassin. Il vit un peu plus loin un second pêcheur. Il était grand et courbé, et somnolait sur un siège pliable. Le jeune homme lança son hameçon comme l'homme le lui avait montré. Il s'assit sur le sol et attendit.
Au bout de vingt minutes à peu près, le dormeur se réveilla et lorsqu'il vit Talon, lui adressa la parole :
- Ah ! Vous aussi vous pêchez ? Ça fait une semaine que je suis ici, que je n'ai rien mangé, et toujours aucune prise...
- Quoi ?! Ce n'est pas possible. Voyez-vous, je n'ai jamais pêché et je suis déjà dégoûté.
- Je vous comprends. Moi c'est un ami qui m'a recommandé ce stand de pêche. Il s'appelle Max, vous le connaissez ? C'est une légende de la pêche.
- Euh...
- Ce n'est pas grave. Et bien moi aussi, je commence à perdre patience. Normalement, les poissons se comptent par milliers ici. Il y a quelque chose qui cloche. Regardez ce bouton là-bas...
De l'autre côté du petit lac, Talon vit un petit, tout petit bouton bleu.
- Et maintenant celui-là...
Il montra un second bouton bleu du côté opposé.
- Si on appuie sur les deux simultanément, il doit sûrement se passer quelque chose... Or, en étant seul, je ne pouvais pas le faire et l'homme du stand ne voulait pas m'aider. Allez, viens, aide-moi.
Talon acquiesça et se dirigea vers le bouton.
- Au fait, cria l'autre, je suis Romuald.
Et là, un bruit, comme celui d'une bouteille de vin débouchée, puis un tourbillon se forma dans le petit lac. Les deux Hyliens eurent l'impression de voir le lac se vider. En effet, le niveau de l'eau diminuait à une vitesse prodigieuse. Romuald affichait un sourire satisfait. Bientôt, l'eau avait disparu. On pouvait voir à présent un petit escalier qui s'enfonçait dans les profondeurs d'un trou béant. Tous deux se rendirent au point de départ de la descente. Et ils commencèrent à descendre.
Tout au long de l'interminable escalier, Romuald et Talon eurent le temps de faire plus ample connaissance. Le premier disait habiter dans une autre contrée, au-delà d'Hyrule, nommée Termina. Il avait entrepris un long voyage vers ce stand de pêche, pour pratiquer sa passion. Il révéla comment aller à Termina (je vous expliquerai plus tard) et à quoi elle ressemblait. Une ville centrale, une grande plage, une haute montagne, une vallée hantée et une graaaande plaine. A mesure qu'ils descendaient, la lumière diminuait et une odeur de poisson augmentait. Soudain, le sol disparut sous leurs pieds : Ils avaient franchi la dernière marche du grand escalier et ils tombèrent... oh ! quelques mètres seulement, mais ils atterrirent dans de l'eau. L'eau du lac... Ils nagèrent vers un sol solide un peu plus loin, sur lequel ils se hissèrent. Mais en regardant en arrière, Talon s'aperçut qu'il leur était maintenant impossible d'atteindre l'escalier. Il le fit remarquer à Romuald.
- Parce que tu avais l'intention de revenir en arrière ?
- Euh ! non... ce n'est pas ça, mais...
- Alors continuons ! Et espérons qu'il y a une seconde issue...
Ce que nos deux amis ne savaient pas (et que moi je sais, évidemment !), c'est qu'ils venaient de découvrir l'entrée d'un "donjon" secret. Dans Hyrule, peu de personnes le savent, il y a plusieurs donjons, ou temples, ou palais, comme vous voulez, qui servaient à une époque aux différentes races à prier... Mais aujourd'hui, comme toute religion a été interdite à Hyrule
(après la fameuse guerre des religions de 564 avant notre ère), ils ne servent qu'à compliquer la tâche aux aventuriers comme Talon et Romuald ici... "Donjon" est un terme général qui regroupe les cinq temples et les trois "endroits sacrés des peuples". Les cinq temples sont : le temple du feu dans le cratère du Péril, le temple de l'eau sous le lac Hylia, le temple de la forêt près du bosquet sacré dans la forêt Kokiri, le temple de l'ombre dans le cimetière du village Kokoriko et le temple de l'esprit dans le Désert. L'endroit sacré des Kokiris est évidemment l'arbre Mojo lui-même, celui des Gorons est la caverne Dodongo et celui des Zoras est le grand Jabu-Jabu. En plus de ceux-là, il y a des donjons cachés dans Hyrule, non officiels en quelque sorte... Ce sont souvent des endroits que des personnes riches et influentes ont laissé construire afin de cacher et de protéger un objet. Celui où les deux jeunes Hyliens venaient de s'engager en était un.
Ils arrivèrent dans une première pièce rectangulaire. Elle était de taille plutôt moyenne, et entièrement vide (en apparence). En face d'eux, une porte. A droite d'eux, une seconde porte. Et à leur gauche... eh oui, une troisième porte. Ils constatèrent rapidement que deux des trois étaient verrouillées. Forcément, ils ouvrirent la seule qu'ils purent, celle de droite. Ce à quoi Talon ne s'attendait pas, c'était que dans la pièce sur laquelle donnait la porte il y avait des animaux. Et quels animaux ! C'étaient des méduses transparentes, et elles volaient à un mètre du sol. Il y en avait trois...
- C'est dangereux ? demanda Talon.
- Pas qu'un peu : ce sont des baris. Elles te repèrent grâce à des ultrasons, t'emprisonnent de leurs tentacules, t'électrocutent et laissent ton cadavre se décomposer. Elles ne tuent que pour le plaisir... Mais surtout, ne panique pas, je vais m'amuser...
Talon aurait bien voulu demander ce qu'il voulait dire, mais ce que fit Romuald se passe d'explications. Il tira une courte épée de sa ceinture et l'abattit de toutes ses forces sur une méduse. Elle tomba. Les deux autres ne firent pas long feu...
A peine la troisième tombée par terre, des étincelles jaillirent au centre de la petite pièce et un coffre apparut. C'était un tout petit coffre de bois... Romuald l'ouvrit, sourit et montra son contenu à Talon : c'était une clef en métal étincelant. Elle servait sûrement à ouvrir une porte... Evidemment, les deux chercheurs de poissons échangeaient maintes et maintes paroles, aussi intéressantes qu'instructives, mais que j'ai la flemme de rapporter. Eh oui, que voulez-vous, je suis une princesse !
Ils revinrent dans la première pièce et examinèrent les deux autres serrures. L'une était rongée par la rouille, l'autre aussi étincelante que des dents lavées par le dentifrice Mila.
(Mon récit est sponsorisé par plusieurs marques connues alors attendez-vous à ce que je fasse de la publicité !!!).
Avec leur capacité réflexive très développée, ils essayèrent d'abord d'introduire la clef dans la serrure rouillée... Ça ne marcha pas. Puis, ils la tournèrent dans la serrure éblouissante. La porte s'ouvrit.
Ils suivirent un petit couloir. Mais là, dans l'angle du mur droit, Talon aperçut comme deux bulles de savon, dix centimètres de diamètre, qui se rapprochaient doucement d'eux. Cela parut suspect à Talon... Et il avait raison (car dans un donjon, on ne peut se fier à rien ni à personne). Ces bulles étaient en fait des monstres. Eh oui ! et même les plus étranges et intrigants que je connais. Elles sont un véritable mystère pour les scientifiques : Comment se déplacent-elles ? Comment se nourrissent-elles ? Comment se repèrent-elles ? Comment se reproduisent-elles ? Je pourrais continuer longtemps comme ça... Quoi qu'il en soit, Romuald ne s'en méfiait pas le moins du monde et étendit même sa main quand la bulle s'approcha de lui. Aïe ! Elle explosa. Non, ce n'était pas la bulle qui avait fait aïe mais l'Hylien (enfin je veux dire Terminien, enfin Terminois, Terminais... Terminadors, enfin voilà quoi !)
- Raah ! C'est quoi cette arnaque ?!
- Je crois que c'était un truc méchant.
Romuald sauta, l'épée levée et les deux autres bulles disparurent.
- Je n'aime pas les méchantes bulles qui paraissent inoffensives...
- C'est bizarre, moi non plus. Mais je commence à m'inquiéter : je pensais qu'on retrouvait les poissons vite fait bien fait et qu'après on pêche un petit coup... Mais cet endroit semble s'allonger éternellement. Il y a encore beaucoup de portes et de clefs comme ça, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots ?
- C'est vrai, moi aussi je doute... Mais maintenant, nous devons continuer.
- Alors ne perdons pas de temps, allons-y !
Et ils y allèrent.
Le couloir déboucha sur une petite salle. Et dans cette petite salle... un petit coffre ! Talon donna un coup de pied dedans. Une musique retentit dans la petite salle, ce qui fit sursauter les deux hommes. Au bout de cinq secondes elle s'arrêta et le coffre s'ouvrit. Doucement, craignant un piège, Talon se pencha vers lui. Doucement, tout doucement. Et dans le coffre, il n'y avait... rien ! Il était entièrement vide. De dépit, Romuald cracha par terre.
- Cet endroit commence à me sortir par le...
- Si je trouve encore un seul coffre vide, je le prends avec moi et je le fais manger à l'homme du stand de pêche !
- Si je me fais encore avoir par des bulles de savon stupides, je prends l'homme du stand de pêche et je leur donne à manger, peu m'importe comment ils s'y prendront !
Une fois calmées, ils remarquèrent que le fond du coffre était moins profond que la hauteur de celui-ci. Ce n'est pas grave si vous n'avez rien compris, puisque je vais tout de suite vous expliquer : Le coffre avait un double fond. Ce fut Romuald qui découvrit le pot aux roses, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots... Il souleva le faux fond falsifié (essayez de le dire cinq fois de suite...) et découvrit un bout de papier. Il le déplia et constata qu'il s'agissait de quatre cartes carrées. (Si vous avez réussi le premier, vous ne réussirez pas celui-ci !). Se demandant ce qu'elles pouvaient représenter, Talon lut leurs titres. Sous la première, il était marqué : Donjon secret dont se créent des joncs, premier niveau. En dessous, une seconde avec : Joncs jouxtant dans grand donjon, second niveau. Sous la troisième carte : Donjon où se créent en secret des joncs, niveau tertiaire. Et enfin, sous la dernière carte : Secret donjon et joncs dont les sécrétions se créent secrètement, quatrième niveau.
Plusieurs choses vinrent aux esprits agités de Talon et de Romuald. D'abord, que l'endroit où ils se trouvaient était gigantesque, ensuite, ils se demandèrent secrètement ce qu'étaient des sécrétions de joncs se créant dans ce fichu et secret donjon, et enfin ce que signifiait la grande tête de mort dessinée sur la dernière carte.
Ils se repérèrent sur la carte du haut et découvrirent un couloir qu'ils n'avaient pas vu en réalité, prolongeant la diagonale sud-ouest de la première salle visitée. Ils revinrent donc à cet endroit et virent un mur d'une teinte légèrement différente. Romuald sortit un objet noir de je-ne-sais-où. Il l'alluma, je-ne-sais-comment et le posa près du mur. Il dit à Talon de reculer avant de le faire lui-même. Quelques secondes après, il y eut une explosion. Une fumée grise emplit la pièce. Quand elle disparut, on pouvait voir un trou dans le mur de la fameuse diagonale sud-ouest de la salle. Les deux jeunes hommes s'y aventurèrent. Là, une salle. Dans cette salle... un coffre ! Cette fois, il était beaucoup plus grand que les précédents. Et il contenait... un arc et des flèches. Romuald les tendit à son compagnon. Talon avait aussi besoin de quelque chose pour se défendre, d'autant plus que le tir à l'arc était le seul sport, avec l'équitation, qu'il avait le courage de pratiquer. C'était un magnifique arc en bois noir, avec au milieu des plantes tressées autour du manche comme pose de main. Talon prit une flèche, le banda et tira. Le missile alla se planter dans un mur de pierre. (Je sais c'est incroyable mais que voulez-vous...)
Ils consultèrent à nouveau la carte et constatèrent que leur visite de ce lieu allait continuer vers le nord, mais que derrière la salle où ils avaient trouvé la carte, il y avait encore un passage vers un cul-de-sac. Ils en déduisirent que c'est là qu'ils devraient aller pour trouver la clef qui ouvre la porte au verrou rouillé. Et ils y allèrent.
Dans la salle juste derrière celle de la carte, il y avait... un coffre. Et dans ce coffre... une petite clef rouillée ! Talon la laissa disparaître dans une de ses poches et ils revinrent dans la toute première salle. Encore une fois, ce n'est pas grave si vous ne comprenez rien aux déplacements de nos amis. Rappel : Ils ont visité cinq salles et ont en leur possession une petite épée, deux clefs, une carte, un arc et des flèches.
Grâce à cette clef rouillée, ils purent ouvrir la porte auparavant verrouillée au nord de la première salle. Malheur ! A peine rentrés dans la nouvelle salle, la porte claqua derrière eux. Un corps lourd tomba juste devant leurs yeux. Puis celui qui avait claqué la porte (ils ne s'étaient même pas retournés) leur tapa l'épaule. C'est là qu'ils sursautèrent : La personne, ou plutôt les personnes, étaient leurs doubles ! Celui qui était lourdement tombé devant eux était un Talon, et celui qui leur avait tapoté l'épaule était un jeune homme large et plutôt grand, c'était un Romuald. Sauf que les doubles étaient noirs comme des ombres ?
- Euh... Qui êtes-vous ? demanda naïvement Talon.
Pour toute réponse, le double de Talon arma son arc. "A couvert !" cria Romuald tout en sautant derrière une grande statue. Le second le suivit. Une flèche, aussi sombre que son envoyeur, vint se planter dans la statue. Et là, le double de Romuald atterrit également derrière la statue, à côté des deux Hyliens. Talon, machinalement, le frappa d'un coup de flèche. L'ombre fit un magnifique salto arrière puis aussitôt revint à l'attaque : Il fendit l'air de son épée noire, mais véritable, en visant Romuald. Celui-ci, prouvant à nouveau ses capacités à combattre, par le coup de sa propre épée. Pendant ce court instant, Talon put armer son arc et il tira sur son propre double. Malgré la vitesse fulgurante et la précision étonnante du tir, la cible put faire un saut périlleux arrière, comme son compagnon. Mais le jeune homme n'abandonna pas et recommença. Son double, une fois de plus, l'évita au dernier moment. Là, à quelques mètres, un combat au corps à corps entre les deux autres. On ne put voir plus qu'une traînée noire, montante et descendante. L'ombre ne se lassait pas de sauter et de contre-attaquer ! Romuald non plus d'ailleurs... Cette histoire pourrait continuer longtemps alors je passe les détails. En gros : Talon et Romuald réussirent à se débarrasser de leurs doubles en les faisant s'entre-tuer.
A la fin, ni l'un ni l'autre ne souffrait de blessures graves, mais tous les deux étaient à bout de souffle. Il restait juste un problème : La porte se trouvant en face de l'entrée de la salle était verrouillée, or ils n'avaient plus de clefs. Celle par laquelle ils étaient venus et qui avait été claquée par les deux ombres refusait obstinément de se rouvrir. Etait-ce la fin de leur aventure, ici dans ce donjon stupide, à la recherche de malheureux poissons. Et pire que tout, ils ne savaient pas ce qu'étaient des joncs. Mais évidemment, ils vont trouver le moyen de s'en sortir, sinon je ne me serais pas donné la peine d'écrire cette histoire. Alors voilà : au-dessus de la porte pour continuer se trouvait un oeil. Enfin je veux dire une espèce de sculpture en forme d'oeil. C'est bien joli tout ça, mais à quoi est-ce que ça va aider nos héros ? Talon eut la bonne idée de tirer une flèche dans cet oeil. Un cri retentit, comme un crissement de craie sur un tableau noir. Ceux d'entre vous qui ont déjà mis le pied dans une école savent sûrement ce que je veux dire... Et puis l'oeil se ferma et la porte laissa entendre un déclic. Elle s'ouvrit ! Et là, ô le magnifique spectacle ! Une salle assez grande, avec de l'eau. Beaucoup d'eau. Une eau claire et cristalline, des reflets sur le plafond, le tout baignant dans une lumière bleue, irréaliste. Soudain, quelque chose sortit brusquement de l'eau et fit sursauter nos deux amis imprégnés de cette atmosphère suave. C'était un poisson. Après qu'il ait disparu, et que les premiers cercles provoqués par son saut aient touché le bord du bassin, ils sautèrent de joie. (J'ai envie de dire comme des poissons dans l'eau...) Sauf que... Comment allaient-ils, maintenant qu'ils avaient retrouvé les animaux en bonne santé, s'y prendre pour les faire revenir dans le lac ? Un nouveau casse-tête. Et les Hyliens, surtout ces deux-là, détestent les casse-tête. Mais une incroyable chance, ou plutôt une aide de la bonne étoile qui semblait les suivre depuis le début, leur révéla le moyen de le résoudre. Effectivement, une voix retentit, claire comme de l'eau de roche. (Je ne sais pas si on le dit pour une voix, mais bon...)
- Dites dix fois : "La princesse Zelda, zen et zélée, belle comme un Zora et douce comme une gazelle, n'aura de paix que si le prince cesse, maladresse, de tirer sa tresse." Alors, le passage s'ouvrira à vous.
- Mais c'est quoi ce charabia ! ne put s'empêcher de lâcher Romuald.
- Si t'es pas content, répondit la voix, t'as qu'à trouver un moyen par toi-même, non mais !
- Il plaisantait, reprit Talon, répétez-nous plutôt votre phrase.
Et la voix, tendre et généreuse, répéta. Au bout de dix répétitions, les deux aventuriers la connaissaient par coeur. Ils la répétèrent encore dix fois et toute la salle se mit à trembler. Ce n'est qu'après vingt secondes que les Hyliens remarquèrent que l'eau montait... Pourtant, les imbéciles restèrent là à contempler le niveau de l'eau monter, assez rapidement pourtant. La voix devait encore une fois les aider :
"Eh, les gens, bougez vos fesses, rejoignez la sortie, ou vous vous noierez ici !"
Les deux hommes se regardèrent et se mirent en route. Ils traversèrent la salle avec la statue, remarquèrent un second oeil au-dessus de la porte suivante, l'ouvrirent à nouveau, l'eau mouillait maintenant leurs jambes jusqu'aux tibias, revinrent dans la salle de départ - l'eau leur arrivait au-dessus des genoux -, ils ouvrirent la première porte traversée et toute l'eau se déversa dans le petit bassin où ils étaient tombés tout au début. Après quelques instants de flottaison, la porte qu'ils venaient de traverser était sous les flots. Ils montèrent et montèrent vers la sortie. Ah non, pardon, vers l'interminable escalier dans lequel ils avaient fait connaissance. Ils s'y hissèrent, mais déjà l'eau les avait rejoints. Le niveau montait beaucoup plus vite maintenant ! II coururent aussi vite qu'ils le pouvaient, mais l'eau les suivait inlassablement. Enfin, cinq minutes après, ils atteignirent la surface, suivis de près par des torrents d'eau. Le lac se remplit à nouveau. L'homme du stand courut vers eux, ils étaient trempés et couverts de boue, en criant : "Miracle ! Miracle ! L'eau est revenue !"
Le hic, c'est que le vendeur remarqua rapidement qu'il n'y avait pas le moindre poisson en vue... Bon bah... les gars on refait tout. Non je plaisante : Quelques instants après, une très jolie carpe sauta en l'air, goba une mouche beaucoup moins jolie et disparut dans l'eau boueuse. (Elle n'était plus cristalline depuis qu'elle avait nettoyé le long couloir.)
Peu après, suite à une longue discussion sur cette aventure fort instructive, Romuald signala qu'il était temps pour lui de partir. Il devait en effet rejoindre sa bien-aimée, et célébrer leur mariage. Talon l'accompagna jusqu'au dehors, vit Andélis à côté du cheval de son ami, et fut tenté de le suivre vers sa terre natale, la mystérieuse Termina. Mais il se ravisa, se rappelant qu'il avait encore un poisson à pêcher. Et pas n'importe lequel... LE plus gros de tout l'étang ! Romuald lui promit qu'ils allaient bientôt se revoir, et se mit en route vers l'est.
L'épisode suivant est beaucoup trop long et ennuyant à raconter en détails, c'est pour cela que je vous fais ce petit résumé :
Talon s'était assis au bord de l'étant et pêcha. Après quelques heures (il s'était endormi) il eut une première prise. Un long moment après, il n'en avait eu que deux ou trois, et c'étaient des petits "poissonnets" ridicules. Ils ne pesaient que trois kilos. Sachant que le record était de dix-sept, il devait faire plus pour pouvoir affirmer avoir pêché le plus gros poisson de l'étang. A plusieurs reprises il faillit abandonner, notamment lorsqu'un poisson d'à peine sept kilos réussit à casser sa ligne. Le vendeur lui en prêta une deuxième, plus résistante. Après deux jours de pêche intensive, son record personnel était à douze kilos. Au bout de six jours, son plus gros poisson pesait seize ! Et enfin, après une semaine, ce qui allait être le gros lot mordit à l'hameçon. Le rusé poisson s'était caché sous une branche d'arbre mort ! Le combat, si on peut appeler ça un combat, fut presque aussi difficile que celui contre les ombres. En effet, il dura toute une journée... Mais Talon, maintenant doué pour ça, réussit à en sortir vainqueur. Tout fier, il le pesa : vingt et un kilos ! Quatre de plus que le précédent record. Le vendeur n'en crut pas ses yeux. Moi je sais que, quelque part dans Hyrule, ou au-delà, quelqu'un s'était déjà juré de faire mieux que Talon, coûte que coûte !
Il consulta sa liste des objets à récupérer et décida de prendre la route du village Cocorico. Le soleil se coucha, et Andélis, fidèle et courageuse, transporta son maître endormi vers le nord-est de la plaine.
Notre héros se dirigeait vers le village Kokoriko, avec l'idée de récupérer deux objets. La fée et l'âme. Il espérait donc faire d'une pierre deux coups. Il savait qu'un cimetière se trouvait au village, et Romuald lui avait indiqué l'emplacement de ce qu'on appelle une fontaine des fées. Je suis sûr que très peu d'entre vous savent ce que c'est, alors je laisse le suspens encore un moment. A cheval, on met normalement quatre heures (en mesures subrosiennes) pour traverser la plaine du nord au sud, il mit trois heures pour aller du lac Hylia au village Kokoriko. Un exploit de lenteur ! Il faisait nuit noire quand il arriva. Même dans l'obscurité, une odeur paisible et agréable se faisait sentir dans ce magnifique village de neuf habitants. Je pourrai vous les citer mais vu que cela n'apporte rien à l'histoire, je m'abstiendrai. Vous aurez l'occasion d'en connaître certains.
Quand il entra, il avait face à lui un immense chêne, autour de celui-ci, un banc, sur ce banc un homme, et sur cet homme, une poule. Ah oui, ce n'est pas pour rien que ce village s'appelle Kokoriko... Il y a effectivement un nombre incalculable de poules, appelées cocottes par les connaisseurs. Une de mes amies en élève. A sa droite était la demeure d'Impa, fondatrice du village, redoutable guerrière et nourrice de la princesse Zelda, c'est-à-dire la mienne. A sa gauche, un escalier menant sur une hauteur avec deux autres maisons, une appartenant à un guérisseur, l'autre étant un bazar. Elles se faisaient face, comme deux ennemis prêts au dur combat des affaires, les dents serrées. Au delà, une grille de fer protégeant le sentier du Péril. Elle (la grille) était protégée par un garde en armure grise, actuellement endormi à ses pieds. Devant lui, deux autres maisons : l'une abandonnée aux cocottes, habitée cependant par des araignées, l'autre renfermant un bien joli couple : le compositeur de musique officiel de la famille royale et sa femme, la diva officielle de cette même famille. (Je dois subir ses litanies chaque soir, dans des concerts plus barbants les uns que les autres.) Le compositeur, parlons-en, composait non seulement les chants pour sa femme mais aussi les titres les plus connus de "The black Ages" comme le fameux "The sky around" ou l'incontournable "maybe I'm a tiger". Inutile de vous présenter ce célèbre groupe de rock, qui a fait un carton ces dernières années. Je les adore ! Talon pensa à une de leurs chansons, qu'il adorait étant un peu plus jeune. En voici la traduction :
Un message de feu s'élève vers le ciel,
De plus en plus haut, oh, j'aimerais pouvoir m'envoler,
Sortir de l'histoire, cette fois je serais libre,
Me réveiller pour un moment de ce rêve.
Juste une légende, des mots glacés sur une page,
Je lève les yeux et m'envole,
Je déploie mes ailes d'argent vers le soleil,
Et quitte cette ville pour le ciel infini.
Au-dessus des ruines, une lueur ancienne,
Jamais perdue, jamais vaincue.
Suis-moi sur le chemin des hauteurs,
Avant que les ombres s'estompent dans la nuit.
Revenir, car je n'ai plus le temps.
Je pourrais tout dire
Entends les mots que ressent mon âme
Comment puis-je dire qu'elle est mienne ?
Ceci est un hommage.
(Note de l'auteur : J'ai fait la traduction moi-même de cette chanson à partir de l'anglais dont j'ai trouvé les paroles sur Internet.)
Plus à l'est encore, la maison de l'éleveuse de cocottes, sur le toit de laquelle était assis un homme. Il pratiquait un sport que l'on appelle "Grappin tuilé". On utilise un grappin mécanique pour se balancer de maison en maison, faisant un parcours. Tout au nord, un moulin à vent. Son propriétaire vend la farine produite, mais aussi du pain fabriqué maison, tout en jouant d'un instrument bizarre. Je n'en ai jamais vu de tel, il faudrait que je me renseigne : une boîte, au-dessus de laquelle tourne une espèce de corne, comme celle d'un gramophone, actionnée par une manivelle. Cela produit un son semblable à celui de ces petites orgues que l'on voit parfois dans nos rues. Enfin, pour assurer l'eau courante, un puits. Il était petit, insignifiant, mais avait toute une histoire chargée de mystère, que je ne vais toutefois pas vous conter maintenant. Il avait une valeur symbolique pour les habitants de Kokoriko.
Au nord-est, un passage menait au cimetière. Comme il se situait à l'angle de deux de ces altérations de hauteur formant des murs, ce passage était plongé dans l'obscurité. Talon avait failli ne pas le voir, puis se dirigea vers lui d'un pas alerte. Ah, cet inconscient ne connaissait pas les dangers du cimetière pour s'y aventurer la nuit... C'était aussi l'avis d'une voix qui l'interpella :
- Qui es-tu, étranger, pour oser t'aventurer dans le cimetière la nuit ? Seul un homme peut supporter la présence de spectres et de revenants, il s'appelle Igor. C'est le fossoyeur. Bien sûr, si tu veux mourir jeune...
Un rayon de lune éclairait l'homme qui parla. A vue d'oeil, il devait avoir une quarantaine d'années. Il était grand, portait un long manteau rouge et des lunettes noires. Pourtant, il n'était pas aveugle ! Il s'appelait Aaron et c'était un chasseur de morts. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, chasseur de morts est une profession, même si elle est très critiquée. Pour l'exercer, on doit être grand, fort physiquement et psychiquement, ne pas avoir le coeur fragile et ne pas connaître la peur. Il existe une confrérie des chasseurs de morts, tenue secrète, dont Aaron faisait partie. Ces personnes ne sortent que la nuit et disparaissent le jour. "Pour combattre ses ennemis, il faut adopter leur mode de vie" disait souvent Aaron. Ils étaient au service de la famille royale.
Talon resta un long moment à l'observer, sans rien dire. Puis comme ça, intuitivement, il demanda :
- Pouvez-vous m'aider à trouver une âme ?
- Tu me plais, petit. Tu as du courage, j'aime ça. Oui, je veux bien t'aider, je fais cela tous les jours.
- Merci beaucoup...
- Appelle-moi maître.
- Pourquoi maître ?
- Tu es curieux aussi, dans mon métier, ce n'est pas toujours bon. Mais je vais te répondre : Si tu veux avoir une chance de survivre là où je vais t'emmener, il va falloir que je t'enseigne les bases de la magie noire, Talon.
- Il ne me semble pas vous avoir dit mon nom, maître...
- Ah oui, la légilimancie, l'art de lire dans l'esprit... Mais peu importe. Maintenant je vais t'accompagner à un endroit où tu pourras dormir, et demain, je ferai de toi un apprenti mage noir...
- C'est vrai ?
- Chut... je vais maintenant t'endormir. Demain, tu te réveilleras dans un lit, à l'heure que je souhaite. Tu iras directement au cimetière. Je t'y attendrai.
Il n'eut pas le temps de se demander pourquoi cet étranger, Aaron, voulait ainsi l'aider. Sans qu'il s'en aperçoive, Talon s'endormit et s'écroula par terre. Aaron, grâce à la magie, souleva son corps, le fit flotter à un mètre du sol, et le transporta ainsi vers une maison. Là, il déposa l'endormi dans un lit et s'en alla. Il avait encore une mission à accomplir, de la plus haute importance. Mais ceci est une autre histoire...
Cette nuit, et ce sera la dernière avant longtemps, il dormit formidablement bien. Il rêva de poissons et d'eau cristalline, de ces belles voleuses gerudos, de Sheïk et de moi-même. Je n'ose pas demander ce que je faisais dans son rêve...
Le réveil, lui, fut pénible. Il n'arriva tout simplement pas à ouvrir les yeux. Ils étaient comme collés. C'est à l'aveuglette qu'il réussit à quitter la petite maison à une pièce, et se retrouva à l'air pur, l'air frais du matin.
Cet air frais permit de liquéfier la colle qui coula le long de ses joues et il y vit plus clair. Bon, d'accord, c'est un peu exagéré. Quoi qu'il en soit il vit face à lui le puits, avec autour de lui une aura sombre et angoissante, comme si c'était un trou noir aspirant la lumière et la matière. Les levers de soleil sont magnifiques au village kokoriko. Le moulin, un peu plus loin, est à l'arrêt. La demeure d'Impa est mise en valeur par un éclairage naturel provenant de l'arrière. Talon ne peut être qu'émerveillé par la paix, la sérénité de cette ambiance matinale. Pas un chat ne bouge - juste des cocottes - et le silence est complet.
Mais les souvenirs de la veille étaient flous dans l'esprit de Talon. Il savait juste qu'il devait absolument aller au cimetière, et que quelque que chose de très intéressant allait s'y produire. Instinctivement, il prit la direction du cimetière. Un dernier regard en arrière lui prouva que la petite maison où il avait dormi n'était pas là hier. Effectivement, il se souvenait distinctement d'avoir vu l'entrée du village depuis le puits. Comme pour vérifier sa théorie, la maison disparut...
Il arriva au cimetière du village kokoriko. Un mot lui vint à l'esprit : manger. Il est vrai qu'il n'avait pas mangé depuis... euh... longtemps. Moi j'aurais plutôt pensé à "lugubre" ou "mortel", m'enfin il faut le comprendre.
Des tombes. Cinq rangées. Trois face à Talon, parallèles, et deux sur les côtés, perpendiculaires. Devant certaines poussaient des touffes d'herbe. Et tout au fond, notre homme vit un grand et magnifique, si l'on peut dire, mausolée. C'est la tombe royale, là où reposent mes ancêtres. Et, depuis peu, ma mère... Ah, c'était une femme et une reine exceptionnelle ! Aimable, sérieuse, attrayante, serviable, humble, drôle, coquette, pieuse, sévère, logique, nostalgique, bénéfique, musicale, joyeuse, tolérante, vénérable, sage, glorieuse, blonde, singulière, humble, drôle et... enfin bref : tout comme sa progéniture.
Et face à ce mausolée, un homme. Sa cape noire le confondait aux ténèbres qui régnait en ces lieux. Talon se souvint d'un rêve, dans lequel cette silhouette était présente. Il resta là à la contempler.
"Approche, n'aie pas peur."
Il s'approcha, à tout petits pas. L'homme n'était pas tout à fait comme dans le rêve : Son visage, qui dans sa tendre jeunesse fut sans aucun doute beau, était couvert de cicatrices, sur ses joues, une barbe crasseuse de plusieurs jours. Son oeil gauche était bleu : un hématome. Sa bouche n'était plus qu'une fente, tant ses lèvres avaient perdu leur sang. Plus encore que son visage, son corps était méconnaissable : un de ses bras, apparemment cassé, pendait le long de son corps comme celui d'une marionnette. Sa veste, qui le jour de son achat, ou plutôt le jour de l'adoubement d'Aaron, scintillait d'un rouge de feu, était maintenant déchirée de tous les côtés, et aussi poussiéreuse qu'un vieux torchon ayant servi pour le nettoyage des longs couloirs du château de mon père le roi. Ses hautes bottes de cuir suintaient, car imbibées de vase. La partie inférieure de son pantalon avait disparu.
Aaron, même décrit sous un mauvais jour, ne perd pas de sa grandeur. Il est pour moi un modèle, un mentor. Je vais vous raconter une anecdote qui n'a pratiquement rien à voir avec cette histoire :
Un jour que j'étais encore toute jeunette et innocente, mon père eut le devoir de participer à la cérémonie d'adoubement des nouveaux chasseurs de morts. Cette communauté devant rester secrète, la cérémonie n'eut pas lieu en public, mais dans la cour intérieure du château, en présence de la famille royale. Un certain nombre de jeunes hommes s'y trouvait, attendant leur tour avec impatience. Ils devaient tous avoir plus ou moins vingt ans. Moi je devais en avoir dix ou onze. Pourtant je les examinais tous du regard. Certains étaient plutôt beaux... Un par un, ils s'agenouillaient devant le roi qui posait une épée sur leurs épaules en disant : "Au nom du père, du fils et de la mère, la nuit noire sera désormais votre guide, car je vous fais chasseur de morts au service du roi". On leur remettait une toge rouge, symbole de leur statut, et ils faisaient une démonstration de leurs pouvoirs. Un garçon attira tout spécialement mon attention : Je lui aurai donné quinze ans, alors que j'appris par la suite qu'il en avait vingt-cinq. Une aura de mystère planait autour de lui. Il portait des lunettes noires, des cheveux courts noirs, des bottes noires et une barbe tressée noire. Quand mon père eut prononcé sa phrase, et qu'on lui eut remis sa toge rouge, il fit une démonstration qui devait rester dans les annales de chasseurs de morts. Il disparut d'abord, puis le sol se fissura. Un profond abîme s'étendit devant moi, duquel sortit comme un geyser un torrent de lave sombre, faisant comme un feu d'artifice. Toute une série d'explosions étonnèrent les spectateurs, époustouflèrent la famille royale, en particulier la petite Zelda, alors très sensible à ces choses-là. Le bouquet final fut une suite de sculptures telles qu'un moblin aux allures féroces ou une reproduction miniature du Péril en éruption. Un geste de la main du mystérieux jeune homme et tout fondit. Une ultime explosion révéla une rose noire, qui me tomba directement entre les mains. Personne ne dit rien, et moi je devinais un regard profond derrière ces lunettes opaques. Ce chasseur de morts était Aaron, une quinzaine d'années avant l'aventure qu'il allait vivre avec Talon :
"Lock yore trobels gô önn flaterbliff"
Cette incantation, prononcée en ancien hylien, eut un effet miraculeux sur Talon : Il n'avait plus faim ! Et ses maux disparurent.
"Rap el tôa"
Et il se souvint de leur rencontre de la veille. Simple comme de la magie ! Magie noire. C'est ce qu'Aaron avait prétendu exercer. Il joignit les mains en pliant les index d'une façon bizarre et murmura :
"Maï hort ville gow ônn"
Un crissement, comme une craie sur un tableau noir, se fit entendre. Talon suivit la direction que semblait indiquer Aaron, et vit une tombe bouger... D'un trou béant s'extirpa une forme humanoïde de couleur marron. C'était un effroi. Le sang se glaça dans les veines de Talon, et une goutte de sueur froide coula le long de son front. Aaron tint son bras droit de sa main gauche, et les zombies commencèrent à planer, bras et jambes frétillant inutilement à deux ou trois mètres du sol. Puis leur corps s'étirèrent, pour se métamorphoser en serpents. Et par la suite en zoras, en moblins, en octoroks, en squelettes, en cocottes, en missiles teigneux, en boos, et finalement, une dizaine de Talons volaient ainsi... Aaron cassa le geste et les Talons, redevenus effrois, tombèrent dans leur demeure éternelle.
La démonstration avait fait son effet. Talon était prêt à apprendre cette magie noire. D'abord, Aaron lui récita la leçon que l'on apprenait à tous les jeunes Hyliens à l'école. Parents hyliens qui lisez ce texte, rassurez-vous : Vos enfants n'étudient que la théorie, n'apprennent jamais la pratique.
Pour les plus jeunes qui n'ont pas encore appris cette leçon, voilà à peu près ce qu'elle chante : Il faut savoir qu'il existe à Hyrule ce que l'on appelle la magie. Non, sans blague ?! Tout le monde le sait, mais peu l'utilisent. Il existe en gros deux types de magie : La magie blanche et la magie noire. La magie blanche c'est la magie que l'on applique sur soi, et la noire celle que l'on inflige à autrui. Le soin et la guérison font partie de la première catégorie. Bien qu'il existe la magie grise qui permet de soigner quelqu'un d'autre que soi mais peu importe. Ainsi que la métamorphose personnelle. La lévitation aussi. La téléportation. Je ne vais pas m'attarder vu que c'est la magie noire qui m'intéresse. C'est, par exemple, pour les apprentis incendiaires, faire brûler des choses. Et, dans notre cas, tout un tas de sortilèges qui permettent plus ou moins d'immobiliser, de désarmer, de blesser ou de tuer ses ennemis. Comme sous-catégories on peut citer la légilimancie, la nécromancie, la métamorphose bien sûr, l'hypnose, l'exclumancie, la psychagogie etc. Voilà. Quand votre professeur fera ce cours, vous lèverez la main et réciterez ça par coeur...
Je vais vous décrire plus ou moins en détails, pour la compréhension du récit, l'apprentissage de la magie noire par Talon. Surtout, et je m'adresse aux jeunes Hyliens qui la liront : N'essayez pas de la reproduire à la maison ! Ça peut être dangereux...
D'abord, avait expliqué Aaron, il faut savoir se défendre contre les tentatives des fantômes d'entrer dans sa psyché, son ego. Ils vont essayer d'embrumer ce "moi", ou ce "je" qui nous caractérise tous. Beaucoup de personnes confrontées à des âmes sont devenues amnésiques, ou folles, d'autres se sont tuées sur-le-champ... Certaines ont sombré dans la dépression ou la psychopathie, ainsi que toutes formes de folie... Ce n'est pas un sujet très amusant. Pour empêcher ces intrusions mentales, on doit prononcer la formule suivante, tout en pensant très fort à un souvenir heureux : anima exclusio.
Aaron essaya par la suite de lire dans les pensées de Talon, et le jeune Hylien devait l'en empêcher. Au bout d'une heure de cet exercice, Talon savait parfaitement le faire, et à ce moment-là, vu sa détermination à apprendre, aucun esprit n'aurait réussi à le rendre fou.
Ensuite, continua Aaron, il faut maîtriser la psychagogie, ou du moins les bases... Un psychagogue est un magicien dont le rôle est de rendre visible les ombres des âmes. Cela te sera utile pour en capturer. Car un ennemi invisible est un ennemi imprévisible. Pour cela, rien de mieux que le sort de visibilité : Reveal gnorere. Ceci crée un rayon de lumière, qu'il faut diriger sur la cible pour la faire apparaître. Une fois que Talon savait le faire, Aaron se rendit invisible, et le jeune Hylien devait le chercher. Après une heure de cet exercice, et vu la détermination de Talon, aucun esprit n'aurait su se cacher de lui.
Enfin, pour pouvoir neutraliser cette âme, il faut la transpercer d'une flèche ensorcelée. En prononçant la formule : Ombrella Sevant, tout en touchant la flèche de l'index de la main gauche, une lueur dorée devrait y briller. Mais cela ne fera qu'immobiliser le fantôme, et il faut vite l'enfermer dans une bouteille pour qu'il ne s'échappe pas... Une fois que le jeune homme maîtrisait ce sort "au bout des doigts", Aaron déclara qu'ils avaient fait assez d'exercices pour ce matin, et qu'il était temps d'aller casser la croûte. Et oui, il arrive parfois que même les chasseurs de morts les plus mystérieux aient faim...
- Je t'invite, fit le maître en quittant le cimetière.
- Merci, répondit l'élève en le suivant.
- Ça me fait plaisir. Tu sais, tu n'es pas mon seul disciple...
- Ah bon... Talon était visiblement déçu.
- Comme je suis, sans me vanter, le meilleur chasseur de morts d'Hyrule, le conseil a exigé que je forme de nouveaux jeunes. Il faut bien assurer sa descendance... Mon maître à moi était lui aussi un grand homme. Il est mort au combat.
- Désolé.
- C'est pas grave. Tu ne demandes même pas qui sont mes autres élèves ?
- Qui sont vos autres élèves, maître ?
- Justement, en voilà un. Ou plutôt une... Tu acceptes qu'elle déjeune avec nous ?
Talon vit, à l'autre bout du village, une jeune femme s'approcher. Elle devait avoir à peu près vingt ans (son âge quoi !) et était plutôt belle.
"Bien sûr !"
Elle s'appelait Termina...
Talon l'observa attentivement. Ses cheveux étaient blonds, avec des teintes de châtain et lui caressaient les épaules. Il semblait qu'elle avait des yeux surdimensionnés, bleus. Comme ceux de mère (la mienne, pas celle de Talon). Une bouche trop petite et des oreilles trop grandes. Elle était plutôt petite et mince. S'il l'avait croisée dans une ruelle du Bourg d'Hyrule, Talon aurait dit : "Mignonne la petite, bien que je n'aime pas les grandes oreilles..." et sûrement pas : "C'est une apprentie mage noir qui peut me transformer en moblin si je fais une remarque sur ses oreilles...". Oui, Termina lui rappelait quelqu'un, mais il n'aurait su dire qui. Tout ce qu'il savait, c'était qu'elle était largement moins belle que la femme au palanquin... Il n'eut aucun remords en se l'avouant, bien qu'il aurait dû. Mais comment aurait-il pu deviner que... Sur le visage de la jeune femme, un visage épouvanté traduisait qu'elle venait de voir les terribles blessures qu'avait son maître.
Ils étaient tous les trois assis dans l'herbe, comme trois vieux amis, se retrouvant après s'être perdus de vue. En fait, Termina ne parlait pas beaucoup. Comme beaucoup d'enfants hyliens, elle avait perdu ses parents étant très jeune. C'était la triste époque de la Grande Guerre. Son père était un espion hylien chez les Gerudos, mais s'était fait prendre. Un soir, alors que la petite famille mangeait tranquillement, une femme gerudo s'infiltra chez eux et tortura les parents de la petite fille à mort. Depuis cette triste soirée, Termina était pour ainsi dire muette. Elle répondait souvent par oui en acquiesçant de la tête, et non en croisant les bras et en secouant sa tignasse blond-châtain comme un tigre.
Talon constata très vite qu'elle devait être la plus forte dans tous les domaines. Seul Aaron était considéré comme un modèle, le dieu suprême. Le reste du monde n'était qu'imperfection... Evidemment, ceux que le maître prenait comme élève devaient avoir un petit quelque chose qui les rendait particuliers. Car le maître sait reconnaître les personnes de qualité... Oui, se dit Termina, quelque chose de spécial, d'exceptionnel même, émanait de ce garçon paresseux...
Elle allait bientôt le découvrir.
Le soir venu, Talon chercha son âme. Et ce faisant, il s'était retrouvé dans une situation assez délicate : Il combattait un esprit, sans flèches, sans Aaron, sans savoir quoi faire. Le fantôme l'attaquait sur son point faible : sa mère ! Le jeune homme était submergé de remords. Il l'avait laissée seule, alors qu'elle frôlait la cinquantaine et que sa santé mentale laissait à désirer. Mais Talon luttait. Il se disait qu'elle était en parfaite santé, qu'elle connaissait tout de la vie, le bien, le mal... Enfin bon, voyons plutôt comment notre héros en était arrivé là...
Termina, Aaron et Talon se quittèrent. Ce fut comme si les trois amis qui s'étaient retrouvés tantôt devaient à jamais se séparer. J'exagère un petit peu, mais vraiment pas beaucoup... Aaron avait presque la quarantaine, et cela lui faisait plaisir de discuter avec ces jeunes gens.
Mais qui est-il ? D'où il vient d'abord ? Talon posait beaucoup de questions mais répondait que rarement. Si le maître le dit, alors je dois le croire. Au fond, il n'est pas si différent de moi : La fuite de son père a laissé comme un trou dans sa vie. On me dit de l'aimer, alors je l'aimerai.
La jeune femme passa sa main à travers la chevelure et se coiffa d'un chignon. On pouvait maintenant nettement voir la rose tatouée dans son cou. J'ai intérêt à soigner ma coiffure, parce que des cheveux dans le visage au moment de combattre une âme ce n'est pas idéal.
- Allons-y Termina, c'est l'heure, cria Aaron.
Termina répondit en moulinant des bras.
Autant faire bonne impression dès le premier jour.
Le soir venu, Talon avait rendez-vous avec Aaron devant l'entrée du cimetière. Le chasseur de mort, comme vous l'aurez sans doute deviné, ne vint pas seul. Il était bien entendu accompagné de sa seconde élève. Et ce n'est pas Talon qui allait s'en plaindre. Les blessures du maître avaient disparu, comme si elles n'avaient jamais existé. S'il fallait être un maître en magie noire pour affronter un esprit, autant que celui-ci soit frais et dispos... Aaron expliqua que ça allait être un excellent exercice pour débuter. Cependant, il conseilla à Talon de rester à l'écart au début, afin d'observer la mise en pratique. Il donna à son élève une bouteille vide. Qui sait ce qu'elle peut contenir ?
Termina et Talon suivirent Aaron vers le centre du village Cocorico, là où se trouvait le puits : un trou béant, noir comme la suie, apparemment aussi insondable que le ciel. Pourtant, comme le dit un certain Goron qui inventa une fusée pour aller dans l'espace infini, il faut bien que quelqu'un se dévoue... Lui-même avait exploré les hauteurs célestes, ces jeunes et leur maître allaient explorer les profondeurs abyssales. Précision importante : Le Goron n'est jamais revenu de son voyage...
Termina se désigna volontaire pour descendre la première le long de l'échelle - en fait des petits trous le long de la paroi du puits, juste assez grands pour les pieds - ensuite vint Talon, puis l'homme portant des lunettes de soleil même la nuit. Pour couvrir les arrières : On ne sait jamais...
Enfin je pourrai prouver au maître ce que je vaux réellement, se dit Termina.
Je ne fléchirai pas devant cette fille, non je n'aurai pas peur, se répéta Talon.
Hum, je me demande si le puits est toujours aussi infesté de gross'baffes, se demanda Aaron.
Ah ah, enfin des humains à me mettre sous la dent, c'est que je commençais à avoir faim moi, jubila l'esprit de feu Jacques l'Etrangleur.
Peu à peu, les ténèbres enveloppèrent les trois personnages.
Ils arrivèrent au fond, cinq minutes plus tard. Ils voyaient plus rien du tout, et c'est à tâtons qu'ils trouvèrent une porte à pousser. Derrière elle, un long couloir, et au bout du couloir, la faible lueur d'une torche. Les jeunes, faute d'expérience, allaient se précipiter. Mais Aaron avait l'ouïe fine : Un léger crissement, à peine audible, semblait émaner du plafond. Il savait ce que c'était :
- Stop ! hurla Aaron.
- Qui y a-t-il ? cria Talon juste au moment où une grosse skulltula (vous savez, ces araignées géantes en forme de crâne) descendit le long d'un fil tendu à travers le chemin.
Evidemment, personne ne la vit. Heureusement que les deux élèves s'étaient arrêtés sur place, sinon l'araignée les aurait...
Enfin bon. Talon, appliquant les cours donnés par Aaron, métamorphosa la skulltula en petit lapin. C'est pas mignon ?
Au bout du couloir, près de la torche, il n'y avait rien. Une impasse ! Enfin c'est ce que pensaient Talon et Termina : Aaron marcha droit vers le mur... et le traversa. Evidemment ! Les architectes des donjons adorent ce genre de trucs... En langage technique on appelle ça un faux mur. Une fois de l'autre côté, Aaron expliqua à ses deux élèves que ce mur n'était qu'une illusion, destinée à faire abandonner les plus faibles.
Et moi qui étais sur le point de faire demi-tour...
Hélas, pour continuer, il fallait ramper dans un étroit passage... Trop étroit au goût de Talon, qui était un brin claustrophobe. Trop étroit aussi pour le maître, qui ne passerait sûrement pas sans l'aide de magie, car sa carrure était beaucoup plus grande que celle de ses disciples.
Après une formule murmurée, Aaron se volatilisa. Talon sentit un parfum de cannelle quand un coup de vent ébouriffa ses cheveux noirs.
Honneur aux dames : Sans un mot, Termina s'engagea à quatre pattes dans l'étroit conduit. Le jeune homme la suivit de très près. Une odeur de rose dissipa le parfum de cannelle...
Les trois personnages se retrouvèrent sains et saufs de l'autre côté. Ils étaient maintenant dans une espèce de cachot. Aux murs étaient accrochées des chaînes, et à ces chaînes pendaient parfois encore les os des avant-bras de prisonniers n'ayant pu s'échapper de leur funeste prison. En face d'eux, une sculpture de cuivre représentant un visage d'homme particulièrement laid, leur souriait. C'était un sourire de sadique, comme quelqu'un qui venait de vous jouer un tour particulièrement mauvais. Si on tendait bien l'oreille, on aurait pu entendre le crissement lointain d'une skulltulla. A leur droite et à leur gauche, deux autres couloirs.
Un frisson glacé parcourut Talon quand il vit qu'au bout de ces couloirs, deux autres têtes de cuivre les observaient.
Pendant que ses élèves mourraient lentement de peur, Aaron s'était approché de la sculpture de cuivre et lut ce qu'il y avait écrit sur le petit panneau au pied de celle-ci : "Ici se trouve la limite entre le monde des vivants et celui des morts."
- Ne vous approchez pas de ces sculptures, conseilla le maître.
Est-il besoin de le préciser : Talon et Termina n'en avaient pas la moindre intention.
- Bien, reprit Aaron, commençons par explorer le couloir de droite.
Le maître avança vaillamment, d'un pas décidé, suivit de Talon, puis Termina.
- Vous n'apprendrez jamais rien en restant derrière moi à frissonner. Allez... devant maintenant !
A-t-il aussi peur que moi de ce qui nous attend ?
Ils avancèrent encore quelques mètres quand soudain...
- AAAAAAAAAHhhhh !
Une araignée surdimensionnée était descendue du plafond, juste devant Termina. Talon laissa à la jeune femme le soin de tuer ou de transformer la skulltulla.
J'ai peur des araignées... J'ai si peur... Je ne peux pas...
- Il faut vaincre ta phobie, murmura Aaron.
Termina essaya, comme Talon un peu plus tôt, de la transformer en lapin. Le résultat fut encore plus horrible : Une boule de poil violette, armée de pattes crochues et de deux énormes mandibules, de cinq yeux démesurés, et d'une grande oreille de lapin. Ce monstre, comme pour se venger de sa métamorphose, sauta sur le visage de Termina. Quand elle sentit les pattes s'accrocher à sa peau, elle poussa un nouveau cri suraigu, tout en tirant de toutes ses forces sur les poils violets de la bête. Talon vint à son secours : Il transforma aussitôt le truc en petit lapin. Celui-ci atterrit dans les bras de la jeune hylienne.
Elle lui murmura : merci !
Ces deux-là sont faits pour s'entendre, pensa Aaron en se rappelant la première fois qu'il me vit.
Ils arrivèrent au bout du couloir, restant à une distance raisonnable de la lugubre sculpture de cuivre. S'ils avaient à ce moment tendu l'oreille, ils auraient pu entendre des bruits secs, métalliques et répétitifs, ainsi que des légers battements d'ailes. Peut-être même les coups de vent lointains des monstres auxquels Aaron songea dès l'entrée du donjon. Les plus terrifiants. Par contre, ce que personne n'aurait pu voir, ni même entendre, c'était le spectre qui les suivait et les observait depuis leur arrivée...
Après le virage en coude que prit le couloir, une vision de mort s'étendait devant eux : Tout le long de l'allée suivante, des socles de bois. Et bien, me direz-vous, et alors ? Sur ces socles de bois, coupant l'air de leurs lames tranchantes, des guillotines ! Le pire : Elles s'actionnaient toutes seules, continuellement. Talon et Termina allaient se noyer dans leur propre sueur froide... Autour de la première machine, des ossements humains semblaient leur conseiller de faire demi-tour immédiatement et de sortir de ce puits de malheur. Les reflets orangés des torches accrochées aux murs sur les plaques de fer cruellement tranchantes rendaient la scène encore plus macabre. Sans compter le léger crissement que les lames émettaient, continuels, comme un bourreau qui aiguise sa hache, assis sur l'échafaud... Mais que pouvait bien être celui qui invente des endroits pareils ? Un homme (en es-tu seulement sûr ?) sadique et fou...
- Après vous, dit Aaron d'une voix froide.
Evidemment, tout ce traquenard est bien conçu : Aucun moyen de contourner ces machines infernales.
Au bout du couloir, ce visage de métal diaboliquement familier souriait, de son sourire le plus mauvais...
Aaron grimpa sur la première estrade, attendit que la lame soit le plus bas possible, évidemment de manière à ce qu'il puisse traverser la triste porte, et plongea en avant. Deux secondes après, la lame s'abattit lourdement dans l'estrade. Ses élèves avaient bien observé son mouvement, car ça ne rigolait plus désormais...
Termina étudiait la magie noire avec Aaron depuis deux ans déjà, et ce premier saut ne posa vraiment aucun problème. C'était presque trop facile...
Le but de ce premier obstacle était évidemment de mettre la personne explorant le donjon en confiance. Les personnes qui ont créé jadis ces donjons possèdent d'abord une inventivité hallucinante, voir diabolique, et savent parfaitement comment le héros typique qui va se frotter à leur création va réagir aux différents obstacles rencontrés. Ils jouent avec Son mental et contrôlent le héros soi-disant valeureux comme une marionnette. D'abord, croyant avoir bravé le Premier Obstacle avec brio, le héros pense avoir berné le Donjon : C'est la mise en confiance. Mais peu à peu, les épreuves deviennent difficiles et vicieuses, et tout va être mis en oeuvre pour décourager notre héros. L'originalité des donjons, c'est que la stratégie utilisée varie : Il y a la méthode dite "je lui fais faire tellement d'énigmes tordues et je bourre mon donjon de portes et d'étages que le héros ne sait plus où se trouve le haut et le bas." Style temple de l'eau. Ensuite la technique du découragement par la force style temple du feu "chacune de mes nombreuses pièces regorge d'ennemis plus énervants les uns que les autres". Ici, nos amis se confrontent à la méthode assez courante du "J'ai recours aux pièges les plus vicieux, ignobles, terrifiants et originaux afin d'attaquer le héros faible d'esprit sur son mental, le tout baigné dans un environnement sombre et glauque, agrémenté de montres sanglants (au sens propre) et une musique de fond composée d'accords dissonants et...". Mais je m'égare. Non, il ne faut pas se croire plus malin que le donjon... Il vous contrôle, il vous entend (non, quand même pas). La meilleure stratégie à adopter... toujours s'attendre à pire.
Ce donjon-là faisait fort : La première "mise en confiance" passée par Termina, Aaron et Talon, ils remarquèrent que la seconde guillotine coupait l'air avec une cadence doublée. Aaron, cependant, rit un bon coup et sauta au travers. Ses élèves se regardèrent, le visage décomposé.
La troisième guillotine (il y en avait cinq en tout) s'avéra encore plus difficile à vaincre. Le maître dut indiquer par un "top" à quel moment ses disciples devaient sauter. Talon y laissa d'ailleurs un bout de sa chemise. Comme quoi, après toutes ces années d'exercice, les lames n'avaient pas rouillé.
Comble de la folie meurtrière : La cinquième guillotine se trouvait juste derrière la troisième. Soit, celle d'avant allait vite... Les deux derrières tranchaient moins rapidement, certes, mais à un rythme irrégulier. Aaron émit un autre rire froid. Il était absolument impossible de prévoir à quel moment allaient s'abattre les deux lames luisantes. Talon, le naïf, essaya cependant de calculer. Les intervalles entre chaque abat étaient les suivantes : Trois secondes, cinq secondes, vingt secondes, une seconde, six secondes, six secondes, trois secondes, cinq secondes, deux secondes, treize secondes ... Il arrêta là. Et encore, il n'avait compté que pour la première machine.
Aaron se volatilisa... Un peu après, il réapparut de l'autre côté. Termina et Talon étaient incapables de faire ça. A priori...
- Pensez très fort à cette sensation, vous savez... Quand vous étiez des petits morveux innocents, et que vous faisiez de la balançoire. Pensez très fort à ce picotement dans le ventre, au moment où la balançoire arrive au plus haut, là où elle semble flotter un court instant, avant de redescendre. Imaginez cette sensation de flottement...
Termina avait connu ça, elle se souvenait très bien. Elle adorait cette sensation, n'avait aucun mal à imaginer, bien que rien, à part cette vieille balançoire, ne put jamais la recréer.
Talon eut un peu plus de mal... Difficile de le deviner si on ne l'a pas connu. Il eut beau se concentrer, il n'y arrivait pas.
(Je comprends le Goron, déjà cité, qui voulut explorer l'espace, avec le but de ressentir ce flottement...)
Termina pensa enfin à un parfum bien connu, dans ses souvenirs : L'eau de toilette de sa mère. Ce rappel lui permit de disparaître. Légère comme l'air, elle traversa, invisible, les deux machines meurtrières.
Jamais je n'y arriverai... C'est impossible !
Et Talon sauta... Ce fut un saut prodigieux, je dois dire. Mais pas suffisant... La lame d'argent s'abattit sur lui. Le visage de cuivre affichait son éternel sourire malsain.
Termina détourna la tête, en larmes. Pour elle, la scène s'était produite au ralenti.
Talon mourut sur le coup, ce soir-là. Son père aurait été, cela dit, fier de lui. Il avait appris la magie noire, en une après-midi. Mais que pouvait-il faire contre le génie créatif machiavélique des personnes construisant les donjons ?
Cependant, Aaron, en bon chasseur de mort, avait tout prévu ! D'ailleurs, c'était devenu une habitude : Il ne se promenait jamais sans une ou deux fées en bouteilles...
- La vue de Talon s'était d'un coup assombrie. Il se sentit tomber sur le sol. A ce moment-là, il ressentit la sensation qu'il essayait tantôt de trouver. Il se sentait s'envoler... Mais dans une lueur rose pétante, il fut brutalement tiré vers le bas, et vers la vie...
- Maître, je vous aime !!!
- Fais attention, sermonna Aaron, je ne serai pas toujours là pour te protéger...
Caché par ses lunettes de soleil noires, les yeux du maître ne trahirent pas son inquiétude.
- Je m'en souviendrai...
- Cela vaut aussi pour toi, Termina, reprit le chasseur de mort.
La jeune femme acquiesça.
Ils quittèrent le couloir des guillotines pour arriver dans une nouvelle pièce, vide... En apparence...
- Leçon no 36 : Les pièces vides dans les donjons, ça n'existe pas !
Tout en disant cela, Aaron fit apparaître une peluche représentant un moblin, qu'il laissa courir à travers la salle. La marionnette allait atteindre la sortie de cette salle, quand soudain elle se scinda. La mousse qu'elle contenait tomba sur le sol noir de crasse.
- Qu'est-ce qui a coupé votre peluche de moblin, maître ?
- Regardez...
Une poudre orange se mit à tomber du plafond. Peu à peu, un autre sinistre piège se révéla aux trois héros. Eux qui croyaient avoir tout vu ! Voilà qu'une grande statue de pierre tournait au centre de la salle. Deux hommes siamois encapuchonnés, tenant dans chaque main une longue faucille. Evidemment, pour passer, impossible d'éviter le cercle décrit par les deux armes.
- Mais ce n'est pas vrai !
C'était un cri d'exaspération émit par Talon.
Au signal d'Aaron, tous trois se mirent à courir, dans le sens des aiguilles d'une montre, entre les deux faucilles. A la moitié du parcours, le sens de rotation changea brusquement. Heureusement qu'ils avaient de bons réflexes ! Un demi-tour après, alors qu'ils allaient atteindre la sortie, la statue changea de nouveau. Cela se reproduisit plusieurs fois. Quelqu'un, quelque part, devait trouver ça amusant de faire courir ainsi les pauvres victimes du puits. Afin de les fatiguer peut-être ?
C'est complètement essoufflés que Termina et Talon atteignirent le couloir suivant. Ils s'arrêtèrent, haletants, les mains sur les hanches. Mais déjà Aaron continuait son chemin. Ils furent obligés, aussi époumonés soient-ils, de le suivre.
Ils se retrouvèrent dans un couloir semblable à celui des guillotines. Sauf que celui-ci paraissait vide. Mais comme en témoigne la salle précédente... Termina et Talon avancèrent très lentement, attentifs au moindre bruit et au moindre mouvement.
CRAC !
Les jeunes gens lançaient des regards apeurés dans tous les sens.
- Il y a juste un os, les éclaira Aaron.
- Où ça ? demanda Talon.
Termina secoua la tête d'un air navré. Elle pensait peut-être que ce n'était qu'une façon de parler... Naïve !
- Sous mon pied, répondit froidement Aaron.
Soudain la jeune femme du groupe tendit l'oreille, faisant ainsi signe aux deux autres d'écouter. On pouvait distinguer un bruit de fond. Et ce n'était pas le crissement familier des skulltulas. Plutôt le son d'une légère brise...
"Courez !" Le cri d'Aaron eut pour effet de provoquer la panique chez ses deux apprentis. Termina courut le long du couloir, suivie de Talon.
Le cri d'Aaron réveilla en Termina les images des monstres les plus horribles, les plus vicieux. Ne pensant plus qu'à s'éloigner le plus possible de cet endroit, elle se mit à courir le plus vite qu'elle put. Le bruit de vent continua de résonner alors qu'elle avait déjà atteint la fin du couloir.
Un couloir vide ?!
Sans prendre le temps de regarder ce qu'il y avait de l'autre côté du virage, elle tourna.
Aucun son ne sortit de sa fine bouche. Elle vit juste ce sourire moqueur, dément, éternel... Elle eut le temps de penser
Ne vous approchez pas de ces sculptures... Ici se trouve la limite entre le monde des vivants et celui des morts... sourire de sadique... comme quelqu'un qui vient de vous jouer un mauvais tour... mort... mauvais tour...
Avant de sombrer vers les profondeurs abyssales.
Le cri d'Aaron n'avait pas surpris Talon. Il s'attendait à quelque chose de ce genre. Pourtant, alors qu'il vit Termina paniquer, il en fit autant... Quand elle se mit à courir vers l'autre côté du couloir, il en fit autant... Quand elle tourna à droite à la fin de ce couloir, il en fit autant. Mais quand il vit le masque de cuivre au sourire torve, il s'arrêta net. Talon vit alors la jeune femme se faire littéralement aspirer par le sol.
Si les faux murs existent, en est-il de même avec les sols ?
- Oui, fit Aaron, si ça peut répondre aux questions que tu te poses.
Derrière le maître gisait le cadavre (?) d'un gross'baff. C'était une grande main griffue, grise comme... enfin bon. Ces monstres se laissent tomber du plafond sur leurs victimes pour les étrangler. On peut les repérer grâce au vent qu'ils produisent constamment, et à leur ombre (même visible lorsqu'il n'y a pas de source de lumière). Quand il était gamin, Talon rêvait parfois qu'un gross'baff s'introduisait dans sa chambre, rampant, et voulait s'emparer de lui... Il frissonna à l'évocation de ce souvenir.
- Reste là, garçon, et attends-moi... J'ai peut-être déjà perdu un apprenti, alors ne bouge pas d'ici !
Talon n'eut aucun mal à accepter la décision de son maître. Il préférait autant rester en retrait, en sécurité... Aaron but une gorgée d'une potion et sauta dans le faux sol. Talon se rendit alors compte qu'il serait tout seul... Avec des gross'baff, des faucheurs, des skulltullas et tout le reste ! Au loin, il pouvait toujours entendre le son régulier des guillotines...
Il s'assit par terre, fermement décidé à résister.
Ça y est ! Il est tout seul ! Enfin !
Une image revenait sans arrêt dans son esprit. (Il sentit son haut coller contre sa peau, tellement il suait.) Il essaya de penser à autre chose... Peine perdue ! Lentement, il se leva.
Je ne me laisserai pas faire !
Il revint, tête baissée, vers l'endroit où Termina était tombée dans les "profondeurs abyssales". En levant la tête, très lentement, ce fut comme si une force invisible l'y obligeait. Et contre laquelle il ne pouvait lutter... Puis, soudainement, le jeune homme lui fit face : L'image qui le hantait depuis son entrée dans le donjon, se trouvait là, devant lui. La tête. Son sourire édenté... Ses yeux luisants... C'est à lui qu'elle s'adressait, cruelle. Peu à peu, l'expression du moulage de cuivre sembla changer. Changer dans le détail, imperceptiblement. Lentement, le visage de métal se rapprocha de celui de Talon, qui restait de marbre. La terreur glacée qu'il ressentait le paralysait.
Mais c'est quoi ce truc ?!
A quelques centimètres de lui, la statue articula lentement et froidement :
- Je... suis... ton rêve... le plus... infidèle !
- ...
C'est à ce moment que Talon se souvint, et qu'il prit son courage à deux mains.
Un pré verdoyant... Un monde heureux... Une mère attentive...
- Anima exclusio !
Il avait rassemblé ses souvenirs les plus heureux et prononcé la fameuse formule. Le visage de cuivre devint noir... C'était une matière indéfinissable, spectrale... Et deux yeux oranges, démesurés. Ensuite, que fallait-il faire ensuite ? Talon ne savait plus... L'âme essaya de pénétrer dans son corps.
Je suis parti laissant ma mère seule la malheureuse mais pourquoi d'ailleurs un défilé, je m'ennuie mais de quoi ? Sheik mission pour elle ses beaux yeux gerudo pour un cheval et un poisson Romuald Termina Aaron sourire spectre bouteille !
Evidemment, l'intrusion du spectre avait réveillé les récents souvenirs de notre héros : La formule était ombrella sevant !
Et Andélis, qui me fit tant confiance... Je l'ai également abandonnée... Mais qui suis-je donc ? Quel être abominable je représente !
Il sortit une flèche du carquois, l'ensorcela comme il l'avait appris, mais au moment de tirer, il se mit à trembler. Des souvenirs, mais qui n'étaient pas les siens, l'aveuglèrent. Il perdit toute notion du temps...
Cette jeune femme qui se trouve devant moi est ma future femme. Sa mince carrure et sa façon de parler si calme lui confèrent un air rêveur et lointain. C'est pour cela que je l'aime. D'accord, elle n'est pas particulièrement belle, mais je l'aime. Elle s'appelle... Je ne sais plus...
NON ! Ce n'est pas possible ! Ces pensées ne m'appartiennent pas ! Je ne connais pas cette femme !
Talon lâcha la corde et la flèche ensorcelée se figea dans la tête noire. L'âme était vaincue parce que Talon n'avait pas oublié. Il n'avait pas oublié qui il était, et pourquoi il était là. Mais à qui cette personne, qui était si claire dans l'esprit de Talon, était-elle promise ? A qui appartenaient ces pensées ?
L'âme fut emprisonnée dans la bouteille prévue à cet effet.
Comme on m'a fixé un nombre limité de pages par chapitre, j'ai un peu raccourci la scène de l'âme...
Aaron était allé, au péril de sa vie, secourir Termina. Tous deux revinrent sans une égratignure rejoindre Talon. Ce dernier les soupçonnait de lui avoir fait une blague... Une sorte d'épreuve à passer en fait... Hum...
L'Astre luisant, d'un rouge carmin très rare, se couchait à l'Horizon lointain, et Talon l'observait. Aaron était allé se coucher, prétextant une journée difficile. Termina, elle, avait disparu depuis la sortie du puits. Le lendemain, il était convenu qu'ils partiraient tous les trois vers l'Autre Monde, Talon pour chercher un coeur de Blob, et les deux autres pour continuer leur formation. Il entendit des pas approcher. Sans même se retourner, il sut que c'était Termina... Pourtant, là maintenant, il n'avait vraiment pas envie de lui parler. En plus il était très fatigué après cette journée... Si fatigué...
- C'est beau n'est-ce pas ? Je viens voir le coucher de soleil tous les soirs ici...
En fait c'était Aaron. Non je plaisante.
- ...
- Toi aussi tu aimes ça non ? reprit la jeune femme.
- ...
- Je voulais te remercier de m'avoir sauvée dans le puits. Demande-moi ce que tu veux.
- ...
Talon vit ses yeux bleus et profonds. Comme ceux de la sculpture dans le puits, ceux-ci se rapprochèrent de son visage. Tout aussi lentement... Talon sentit, à demi endormi, les lèvres de la jeune femme effleurer les siennes. Tendrement...
C'est là qu'il se réveilla : Il était tellement fatigué qu'il s'était endormi sur la petite colline où il avait regardé le coucher de soleil... Maintenant, il faisait nuit noire. Evidemment ce n'était qu'un rêve. Je vous rappelle que Termina est sombrement muette... Les rêves sont une chose bien étrange qui, selon la légende...... mais je vous raconterai ça une autre fois.
Musique de Max "Plaine de Mùlia"
Pourquoi est-ce qu'il me regarde si bizarrement ?
Le maître et les deux apprentis avaient, à cheval, traversé la plaine d'Hyrule, et se trouvaient maintenant dans la forêt Kokiri. Pendant tout le trajet, Talon n'avait pas ouvert la bouche. Termina, par définition, non plus. Aaron, quant à lui, n'allait pas parler tout seul... Une certaine tension planait au sein du groupe. Le jeune homme découvrit alors chez Termina et Aaron des défauts qu'il n'avait pas remarqués : Ils étaient rancuniers et se vexaient facilement... Toujours est-il que dans la forêt Kokiri, plus précisément dans les bois perdus, se trouvait le passage menant vers l'Autre Monde. Chacun naît dans un monde, Hyrule, Mùlia (c'est le nom de celui où nos héros s'apprêtaient à aller) ou autres, mais rares sont ceux qui peuvent explorer les autres. Cependant, on peut forcer la main au passage par un acte de magie complexe et ainsi quitter son monde. Toutefois, les personnes qui le mettent en pratique ne peuvent survivre que trois jours dans ce monde qui n'est pas le leur. Devant le "passage", Aaron accomplit le fameux acte de magie complexe, et un trou béant s'ouvrit, comme l'entrée d'une grotte, dans la falaise devant laquelle nos héros se trouvaient.
- Souvenez-vous, nous ne pouvons survivre que trois jours dans ce monde extérieur. S'il arrivait que nous nous perdions, rendez-vous ici à la tombée de la nuit du troisième jour. C'est très important, car à minuit, vous disparaîtrez...
Les deux élèves hochèrent la tête. Ils avaient compris...
Au moment de traverser, une idée traversa l'esprit de Talon : et s'ils ne revenaient pas de ce voyage ? Lui, jeune homme plutôt paresseux, n'aura rien fait durant les vingt années de sa vie. Il n'avait pas souvent été à l'école, préférant dormir au pied d'un arbre. Il n'avait pas beaucoup travaillé pour subvenir aux besoins de la famille : sa mère avait dû se fatiguer pour lui. En fait, il était aussi ingrat que son père. Tous deux avaient quitté la demeure, abandonnant la bonne mère, pour partir à l'exploration du monde. Son vieux l'avait fait pour "se dégourdir les jambes", comme il le disait souvent, et lui, l'avait fait pour les beaux yeux d'une femme...
Egoïstes
Talon avait survécu aux Gerudos, il avait sauvé le stand de pêche, avait appris les bases de magie noire, était sorti vivant du puits du village Kokoriko... Sa mère pouvait être fière de lui. Son vieux aussi d'ailleurs. S'il était encore vivant...
S'il était mort...
Il n'aurait jamais abandonné sa famille, lui ! Mais serait-il à la hauteur d'en fonder une ? Quelle femme voudrait pour mari un homme tel que lui ? Quel enfant voudrait d'un père comme celui-là ? Non, Talon était un aventurier désormais. Il tirait à l'arc et pratiquait un peu de magie noire. Toutes les femmes et tous les enfants rêvaient d'avoir un père/mari aventurier...
Non ?
- Qu'est-ce que tu fais ? T'as peur finalement ?
Non, c'est que... Allons-y !
Termina, Aaron et Talon se trouvaient dans le Monde Extérieur. Autour d'eux, quelques arbres, et l'abrupte falaise qu'ils venaient de traverser. Le ciel était bleu et le sol terreux. Devant eux, la falaise s'ouvrait et l'on pouvait admirer le magnifique paysage qui s'y trouvait. Une plaine, réplique miniature de celle d'Hyrule, s'étendait comme un immense tapis vert d'un bout à l'autre de la vallée. On voyait nettement, en son centre, les remparts de pierre qui entouraient un petit bourg dominé par un grand édifice, entouré d'échafaudages. (L'équivalent du bourg d'Hyrule) Au loin, par delà ces murailles, une montagne, dont on pouvait voir le sommet enneigé... (Montagne rappelant le Mont Péril). En avançant hors de la prison de falaises, ils purent voir à leur droite des terres sableuses (Vallée Gerudo ?!) et à leur gauche, une large flaque d'eau... C'était l'Océan Lointain. Ils entendirent le cri familier d'un coq. Le soleil venait juste de se lever : Il leur restait encore 66 heures à vivre...
Ils se rendirent au petit village, nommé le Bourg du Temps, et se mirent à la recherche d'un endroit où dormir. Pour l'histoire :
Dans ce monde, que ses habitants appelaient d'ailleurs Mùlia, vivaient plusieurs peuples, semblables à ceux connus des Hyliens : les Zoras, près de l'Océan lointain, les Mojos dans le marais, les blobeurs, ancêtres des Gorons, au sommet de la Montagne, les Ikanas, dans la vallée Ikana, et les Mùliens dans leur village du centre. Dans ce pays, il n'y a pas eu la fameuse "guerre de religion" qui prit la vie à tant de personnes, et tous les peuples, du moins les pacifistes, cohabitaient paisiblement et faisaient du commerce. Aussi, le Bourg du Temps était souvent animé, car point de rassemblement de tous... Ah oui : Une fois par an, une fête a lieu, rassemblant tout ce petit monde au village central. Ces soirées-là, peu importe son origine, peu importe si on possède des nageoires, si la peau est foncée et dure, ou si les oreilles sont démesurément longues, chacun boit, mange et s'amuse en se tenant la main... A minuit, un feu d'artifice a lieu, et Mùliens, Gorons, Zoras, Ikanas, Mojos, femmes, hommes, enfants, vieux et jeunes sont rassemblés sur la place centrale du village. Et ce soir-là, tout Mùlia fête le temps qui passe et qui unit les coeurs : c'est l'esprit du carnaval du Temps...
On leur conseilla un petit hôtel pas cher, dans le quartier Est de la ville. D'abord, ils allaient prendre une, ou plutôt trois chambres, et ensuite ils allaient visiter l'endroit. A première vue, il ressemblait beaucoup au Bourg d'Hyrule... Talon sentait qu'un lien mystérieux unissait les deux mondes, mais était incapable de justifier.
Le bâtiment de l'hôtel n'était pas particulièrement grand, ni joli, mais ils eurent l'impression que leur séjour y serait plutôt agréable... Aaron poussa en premier la lourde porte de bois. Comme dans tous les hôtels, l'intérieur était assez sombre, et faisait l'effet d'un salon. Dans un coin, Talon aperçut trois fauteuils autour d'une cheminée.
- Bonjour mes amis, soyez les bienvenus !
Une jeune femme (vingt-cinq ans à peine) était assise derrière un comptoir et leur offrit son sourire le plus radieux.
- Vous voulez une chambre je suppose...
- Trois chambres en fait, corrigea Aaron, et nous ne resterons pas plus de trois jours...
- Euh, c'est que... le carnaval du Temps approche, et... vous savez c'est la saison d'affluence euh...
- Et bien parlez... qu'est-ce que ça fait ?
La jeune femme parut embarrassée.
- Bah voilà, voyez-vous, nous sommes un hôtel de luxe. Le seul de tout Mùlia à vrai dire... Et, euh... voilà : Il nous reste tout juste une chambre de libre. Est-ce que ça vous dérange ?
- Un peu oui : Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, nous sommes trois. Et une chambre pour trois c'est un peu serré...
- Désolé alors, (la femme sembla vexée) je ne peux rien pour vous, sinon vous dire qu'il fait toujours plus chaud dans la rue du quartier ouest.
Nous n'allons quand même pas dormir dans la rue ?!
Termina était choquée à cette pensée, mais pensait néanmoins qu'Aaron était tout à fait capable de le leur faire subir.
C'est à ce moment précis que la chance leur sourit : Un homme assez grand (tout à fait mon genre, pensa Termina) descendit l'escalier qui montait aux chambres. Il s'accouda au comptoir et déclara :
- Anjeï, je suis désolé, mais je ne peux pas rester ici pour la fête. Je dois absolument partir. J'ai entendu votre conversation : Je vous laisse ma chambre.
- Vous êtes monsieur Max, c'est ça ?
L'homme hocha la tête.
- Et vous vous appelez comment ? Euh, au fait, deux chambres ça vous va ?
- Hum, dit Aaron, faudra faire avec... Inscrivez-moi sous le nom de Oron. Je représente également ces deux jeunes gens, qui se partageront la seconde chambre.
Toujours sa gentillesse habituelle...
- Très bien, répondit Anjeï qui avait retrouvé son sourire, vous payez maintenant ou après ?
- Après, il faut encore que je retire un peu d'argent à la banque.
Voici les clefs, vos chambres se trouvent au premier étage, juste côte à côte en plus ! Passez un agréable séjour au Bourg du Temps !
Talon, comme Termina, avait certaines questions à poser à leur maître. Premièrement : Pourquoi s'était-il inscrit sous un faux nom ? Parce que je n'ai pas de vrai nom, j'en ai un par monde en fait... Deuxièmement : Comment se faisait-il qu'il possédait un compte dans une banque à Mùlia ? Parce qu'il me faut toujours un peu d'argent en réserve, dans tous les mondes où je vais. Ensuite : Qu'est-ce qu'était ce carnaval du temps ? (...) Et pleins d'autres encore.
Tous les trois montèrent dans leur chambre. Celle de Talon et Termina se trouvait effectivement juste à côté de celle d'Aaron. Elle était petite : une table de chevet, une chaise, une fenêtre avec vue magnifique sur une petite place du village, pas de salle d'eau, une armoire dans un coin, et un lit. (UN lit ?!)
Mais ils régleraient ce problème plus tard. (Quel problème ?) Dans l'armoire, que Termina venait d'ouvrir, il y avait deux de ces portemanteaux qu'on ne pouvait voler. La jeune femme y déposa ses affaires. Elle fit signe à Talon qu'elle allait tout de suite prendre une douche (qui se trouvait par ailleurs sur le palier). Talon se jeta sur le lit : Il était vraiment épuisé. Il s'assoupit...
Quand Termina revint dans la chambre, la serviette nouée autour de la taille (elle portait pour la première fois une jolie chemise verte), elle vit Talon endormi sur le lit. Heureusement d'ailleurs, car elle ne tenait pas à faire son strip-tease devant lui. Tout en s'habillant, elle songea aux prochains jours : En quoi consisterait son entraînement ? Sûrement allaient-ils visiter le village pour commencer. Après tout, pourquoi ne pas faire un peu de tourisme ? Dommage qu'ils ne pouvaient rester que trois jours ici... Elle aurait bien aimé découvrir tous ces merveilleux endroits décrits par son maître !
Talon se réveilla peu après. Les deux amis communiquaient aisément maintenant. Aaron, lui, était encore un peu fatigué, et souhaitait dormir encore un peu. Les jeunes se mirent d'accord pour aller visiter le Bourg du Temps. Après tout, c'était peut-être l'occasion de se débarrasser du maître... du moins pour quelques heures !
Sur la place de l'hôtel se trouvait entre autres un bazar. Evidemment, comme toute femme qui se respecte, Termina obligea Talon à aller y faire un tour. Vêtements, parfums, tout ça n'intéressait pas le jeune homme : il se dirigea instinctivement vers la section "armement". Au bout d'une demi-heure, ils étaient dehors, Talon muni de nouveaux "missiles teigneux" et Termina armée d'un foulard aux couleurs du village. La jeune femme avait passé vingt minutes à essayer diverses robes et le jeune homme devait les noter. Il en avait vu une qui lui plaisait : de couleur bordeaux, une très longue ouverture sur le devant (de la moitié des épaules jusqu'au-dessus du nombril) avait séduit Talon. Trop indécent et trop cher pour Termina, elle l'avait laissée...
Les habitants du village commençaient à sortir de chez eux : midi approchait. La petite place du quartier Est s'assombrissait peu à peu, et les deux amis continuèrent leur route, en allant dans le quartier Nord. Entre autre, il y avait un stand construit à côté d'un vieil arbre et d'un toboggan : un stand où l'on vendait de la viande de boeuf rôtie ainsi que des saucisses avec sauce curry accompagnées de pain. Ça avait l'air délicieux et ils ne purent résister.
Termina n'avait jamais aimé manger devant des inconnus, aussi elle et Talon cherchèrent un endroit un peu moins fréquenté pour profiter calmement de leurs achats... Or, un endroit tranquille, au bourg du Temps (surtout aux alentours de midi), il n'y en a pas des masses. Après avoir traversé le quartier central - d'ailleurs au centre de ce quartier central s'élevait ce qui semblait être une tour : elle était encore en construction, d'où les échafaudages qui la cachaient - ils trouvèrent un endroit plus approprié. On y accède par un petit chemin discret, et on l'appelait communément le "lavoir". En effet, le lavoir est une sorte de petite arrière-cour, dont un plan d'eau occupait plus de la moitié de la surface. Le soir, les familles venaient laver leur linge. (Ici, contrairement à Hyrule, toute la famille s'occupe du lavage. C'est d'ailleurs de là que vient l'expression : "laver son linge sale en famille".) Mais maintenant, c'était désert. Le lavoir servait aussi de chemin d'accès à une ou deux maisons. Autour de l'eau on avait judicieusement construit des bancs, sur un desquels nos deux amis s'assirent. Evidemment, ils ne parlèrent pas, n'était-ce que pour mieux savourer leur déjeuner. Quelque part près de l'eau, une grenouille croassait, et, quelque part sur un toit des maisons voisines, un oiseau chantait. Il ne leur restait plus que 60 heures à vivre.
Après avoir fini leur repas, et après s'être encore reposé un quart d'heure, ils se dirigèrent vers le quartier ouest. Le bureau de poste était fermé, le facteur faisait sûrement sa tournée. Dans un recoin, deux jeunes femmes dansaient. C'était une chorégraphie un peu bizarre à mon goût, mais il faut dire que ce n'est pas Hyrule. Dans ce quartier, il y avait un peu de verdure : Plusieurs rangées de plantations le traversaient en son milieu. Ils entrèrent dans une maison devant laquelle une pancarte indiquait : "Augmentez vos chances de survivre face à une horde de moblins, école du maître d'armes".
Il y avait une seule salle, et c'était une sorte de dojo. Le maître d'armes était assis dans la position du lotus sur une souche d'arbre coupée. Il était vieux, à en juger par sa longue barbe blanche, et il portait un kimono blanc. Le tarif était de dix rubis pour une heure d'entraînement. L'heure écoulée, ils s'en payèrent une deuxième. Le vieux maître leur apprit des techniques de combat anciennes, et leur enseigna la bonne utilisation des armes. Talon et Termina ne regrettèrent pas leur investissement...
Ensuite, ils visitèrent un magasin dont la pancarte affichait : "Objets douteux en tous genres". En fait ce magasin revendait des objets volés, et comme indiqué, douteux. Justement, au moment où ils entrèrent, un grand homme chauve en sortit, portant un sac de voyage noir sur les épaules, et avait le visage caché par un bandeau.
- Je ne suis pas un cambrioleur ! Je vous jure ! Je sais que j'ai l'air suspect, mais il ne faut pas faire attention aux apparences ! Je vous jure...
- ...
Il sortit en courant.
Mais Talon et Termina, eux, ne savaient pas la provenance douteuse de ces objets, et achetèrent un joli masque de lapin, ainsi qu'un grappin mécanique. A peine sortis, ils testèrent leur équipement : Talon se hissa sur le toit d'une maison à l'aide du grappin, et Termina mit son masque de lapin. En plus d'être super mignon, elle remarqua qu'il permettait de courir plus rapidement. Ne me demandez pas pourquoi...
Plus bas dans le quartier ouest, il y avait la banque. C'est là qu'ils croisèrent Aaron. Il était en train de retirer des rubis de son compte. Les jeunes demandèrent comment cela était possible. Le vieux demanda ce qu'ils avaient fait et visité depuis ce matin. Aaron leur conseilla d'aller refaire un tour dans le quartier Est car ils n'avaient pas tout vu...
Effectivement, le quartier était divisé en deux parties de façon horizontale. Ils n'avaient vu que la partie Nord. Ici se trouvait la mairie. Le maire s'appelait par ailleurs Dotour. On pouvait visiter mais cela n'intéressait pas ces jeunes personnes incultes. Pourtant il y avait une magnifique exposition sur l'Histoire de Mùlia et... bref.
En hauteur, ils pouvaient apercevoir une grande cloche, au moins deux mètres de diamètre à vue d'oeil. Elle sonnait une fois par an, à l'ouverture du carnaval du temps. Là, ils se renseignèrent auprès d'un villageois au sujet de la tour en construction du centre. En fait, c'était censé devenir un clocher, muni d'une horloge : le clocher du temps...
Ils entrèrent dans une maison dont l'enseigne indiquait "manège des amoureux". Les Muliens aimaient beaucoup s'amuser, il faut le dire. Le manège des amoureux était l'un des célèbres stands de jeux de Mulia, parmi le tir au lance-pierres, la chasse au trésor et bien d'autres encore. Le nom de celui-là venait tout simplement du fait qu'il était tenu par un jeune couple. Le principe du jeu était simple : Le joueur, ici les participants, se tenait sur une plate-forme tournante, autour de laquelle étaient dressés des poteaux munis de paniers de différentes couleurs. Le but du jeu étant de s'entraider pour mettre trois balles vertes, trois bleues et trois rouges dans les paniers correspondant dans la limite du temps imparti. En arrière fond, on pouvait entendre une valse... Par contre, la partie coûtait vingt rubis. Ce jeu amusa tellement nos amis qu'ils y laissèrent le reste de leur argent. Evidemment, on pouvait aussi gagner des prix. Ils partirent avec un super lot de flèches, un porte-clefs goron, une peluche de renard et une de singe. Egalement une de ces amulettes censées unir des amis, et dont chacun portait la moitié autour d'un collier.
Vers seize heures, ils retrouvèrent Aaron à l'hôtel. Le temps que ce dernier se prépare, Termina et Talon eurent le temps de se reposer et de discuter avec Anjeï, la réceptionniste. Ils apprirent qu'elle allait se marier avec un certain Kafu, que son père était malade et vivait dans une chambre au rez-de-chaussée de l'auberge, que le postier était très paresseux, que le clocher serait inauguré deux jours plus tard et que les blobs étaient plus flasques ces derniers temps. En parlant de blobs, Talon se souvint qu'en fait, c'était pour ça qu'il était venu. Eh oui, après le cheval de la plaine, le poisson de l'étang, l'âme et la fée de Kokoriko, il devait se procurer un blob de Mùlia ! Il se souvint également de la femme du palanquin... et ses beaux yeux. Il l'avait complètement oubliée après cette journée en compagnie d'Aaron... et de Termina.
Tous trois étaient dans la plaine de Mùlia, pour partir à la recherche d'un petit blob dont on pouvait voler le coeur. Quelque part au Nord, Aaron leur montra un édifice biscornu, peint en bleu, et leur expliqua qu'il s'agissait d'un observatoire céleste. Talon eut du mal à comprendre l'intérêt d'observer le ciel à longueur de nuit, et ce qu'il y avait de passionnant à examiner les étoiles. Termina, au contraire, trouvait que ça avait du charme. Nuit et jour, la tête dans les nuages...
Ils en trouvèrent un, bien gros et dodu, d'un rose pétant. Talon eut la mauvaise idée de tester un missile sur lui : Le monstre explosa et les trois héros furent recouverts de gelée. Bien sûr, le coeur du blob avait disparu (ou coulait par-ci par-là sur une jambe ou une poitrine...). Au moins, il était content de son achat...
Aaron s'occupa du deuxième, avec un sort d'assèchement cette fois. Talon put récupérer le coeur intact, qui en fait était agréablement doux au toucher, et le fourra au fond de la poche de son pantalon. Pendant le chemin du retour, il se dit qu'il laisserait le coeur à l'auberge, car il n'aimait pas sentir son battement contre sa cuisse. J'ai dû par contre le lui rappeler, déguisée en jongleur.
Quand ils revirent au bourg du temps, le soleil s'était déjà couché. Aaron retourna directement à l'auberge... Termina et Aaron avaient d'autres projets pour la soirée. Jusqu'à dix heures du soir, ils discutèrent avec Anjeï, comme cette fin d'après-midi. C'était un peu compliqué car Talon devait plus ou moins traduire ce que voulait dire Termina. Mais cela les amusait assez, il faut l'avouer...
En fait, la réceptionniste leur avait parlé d'un bar, dans le quartier Est où ce soir-là aurait lieu un bal. Anjeï y avait rendez-vous avec son fiancé, Kafu, et proposa aux deux amis de l'y accompagner. Ce bar s'appelait le Milk-Bar (je me demande où les gens vont chercher des noms comme ça...) et avait un contrat avec le ranch Romani. Ce dernier était célèbre pour son excellent lait. Hum, ne devais-je pas également rapporter du lait ? se dit Talon. Oui, ce lait-là est particulier... Mais j'aurai l'occasion d'en reparler plus tard.
Devant l'établissement, Anjeï leur dit :
- Entrez déjà, je vous rejoindrai... avec Kafu !
- Vous avez rendez-vous à quelle heure ?
- Normalement, il devrait déjà être là...
- Bon, comme tu veux.
Et Talon et Termina entrèrent. Jamais ils n'avaient vu ça : une grande salle de danse, noire de monde, baignée d'une douce lumière bleutée. Tout au fond, une scène, sur laquelle jouait un groupe de musique locale, mais apparemment adorée, ainsi que des tables, des chaises et des banquettes. Sur la droite, un peu à l'écart, un bar. C'est là qu'on servait des boissons de toutes sortes, mais surtout du lait. Et oui, ces Mùliens ont des coutumes étranges... C'est là qu'ils se dirigèrent en premier lieu. Talon commanda un cocktail, modestement appelé "BON", qui en fait était un mélange de liqueur de noix gasha, d'alcool de Pampas et de lait. Termina prit simplement du lait. Le serveur qui le leur apporta avait d'ailleurs une étrange ressemblance avec Talon...
Bien sûr, notre héros était déjà allé à ce genre de bals, même s'ils étaient plus ruraux. Il connaissait donc la chanson... Aussi, nos deux amis ne mirent pas longtemps à se mettre dans le bain et à pleinement profiter de la soirée. Pour en revenir au groupe de musique : Ce n'était pas n'importe qui ! C'était les ROCKS, le groupe le plus adulé, non, vénéré, de Mùlia. Il était seulement composé de quatre membres : une chanteuse, un guitariste/chanteur, un bassiste et un batteur. la chanson célèbre des ROCKS, s'intitulait "Je rêve de pouvoir danser comme un effroi" :
La première fois que je t'ai vue,
Que je t'ai vue danser,
J'ai tout de suite su,
Su que tu me plairais.
La deuxième fois que je t'ai vue,
Que je t'ai vue tourner,
Tourner ton corps marron, nu,
Je me suis surpris à penser :
Si seulement je savais danser,
Tourner, virevolter comme lui,
Si je savais chanter et bouger,
Une flamme dans la nuit...
Si seulement je savais danser comme toi,
Danser comme un effroi.
C'est la fête au village,
Tout le monde est réuni,
Et tu es ici,
Et je vois ton visage
Le jour on t'aurait tué,
Mais quand les gens te voient valser,
Ils oublient volontiers
La différence...
Un grand cercle s'est formé,
Chacun applaudit,
Moi aussi,
Et tu ne peux plus t'arrêter...
Quand je te vois danser comme une flamme dans la nuit,
Je prends confiance en moi et me dirige vers toi,
Et j'oublie volontiers la différence.
Si seulement je savais danser,
Tourner, virevolter comme lui,
Si je savais chanter et bouger,
Une flamme dans la nuit...
Si seulement je savais danser comme toi,
Danser comme un effroi.
La première fois que je t'ai vue,
Que je t'ai vue danser,
J'ai tout de suite su,
Su que tu me plairais.
Sur la place du village,
La musique se tait,
Le public se tait
Je me tais.
La place est silencieuse
Je me rends compte,
(La musique se tait)
Je te dévisage
Je me tais
Je dis
Je
La deuxième fois que je t'ai vue,
Que je t'ai vue tourner,
Tourner ton corps marron, nu,
Je me suis surpris à penser :
Si seulement je savais danser,
Tourner, virevolter comme lui,
Si je savais chanter et bouger,
Une flamme dans la nuit...
Si seulement je savais danser comme toi,
Danser comme un effroi... (bis)
Si seulement je pouvais
Aimer un effroi...
Termina en avait les larmes aux yeux... Ce groupe était sensationnel. Talon avait la sueur au front... Cette chanson était vraiment entraînante. La lune continua son cheminement dans le ciel mùlien, et Anjeï attendait toujours son Kafu...
Talon fit rapidement la connaissance d'une ou deux jeunes femmes : Même à Mùlia, elles étaient à ses pieds...
Termina, quant à elle, fit rapidement la connaissance des banquettes au fond de la salle : Ce n'est déjà pas facile d'être timide et introvertie, mais si en plus on est muette...
Depuis tout à l'heure, il change de cavalière à chaque chant ! (pfffffff) N'importe quoi celui-là... Chez moi ça ne se passerait pas comme ça, mais alors pas du tout ! Mais elles n'ont pas l'air de se plaindre pourtant... Je devrais y aller moi aussi ! Et si je lui demandais, à lui ? Mauvaise idée... Il se ficherait de moi ! Ou à un autre ? Justement, la chanson qu'ils sont entrain de jouer parle de courage... Ahhh, j'adore ce groupe, comment déjà ? A oui : Ze Rocks...
Maintenant, ils jouaient une mélodie calme et apaisante. Si douce que Termina faillit s'endormir... D'ailleurs, le reste de la nuit se déroula lentement comme un rêve bleu... Des sensations comme des caresses, un voile de velours noir, la voie berçante de la chanteuse Zora, comme une bruine légère, et l'étreinte rassurante de bras protecteur... Sa tête se posa tendrement sur une épaule, et un souffle léger contre son cou lui donna l'impression de s'élever lentement, très lentement, vers le ciel, commun à Mùlia et Hyrule. Les paroles étaient maintenant des murmures... Et Temina était heureuse.
Au loin, minuit sonna : il leur restait encore 48 heures à vivre.
Talon se réveilla vers huit heures du matin. Il s'était endormi sur le banc du lavoir, là où ils avaient mangé leur repas de la veille, et près de lui, Termina dormait encore. Pour elle, le rêve ne s'était pas encore achevé... Par contre, Talon avait un de ces maux de ventre. Il ne se souvenait plus très bien de ce qui s'était passé : la fête, la magnifique voix de la chanteuse, l'ambiance... Mais aussi les quelques verres de substances non identifiées en trop. Il avait rencontré des hommes et des femmes de son âge... surtout des femmes en fait. Il avait dansé, possédé par une force inconnue, toute la soirée... Mais les détails lui échappaient. Il avait enchaîné chanson sur chanson, seul, en couple ou même à plusieurs... Bref, tout était flou à présent. Plus ou moins vers minuit il avait vu son amie seule, assise sur un banc au fond de la salle. Un sentiment inconnu s'était emparé de lui (serait-ce une sorte de pitié ?) et il prit une décision. Cette décision allait avoir d'importantes conséquences par la suite. Tous les plus grands physiciens d'Hyrule ont étudié cet étrange phénomène qu'on appelle dans le jargon la théorie du domino... Sauf qu'ici, Talon était à peine conscient qu'il venait de renverser le premier domino d'une longue file, et les autres suivront inévitablement le mouvement !
La conséquence directe de sa décision était qu'il avait passé le reste de la nuit sur un banc du lavoir, et que maintenant il avait un terrible mal de ventre et une affreuse envie de vomir... Au moins, il était heureux de voir Termina endormie sur le banc, un large sourire sur les lèvres. Et plus il la voyait heureuse, plus il devint heureux lui-même... Il ne pouvait être plus heureux.
Mais la vie, même si elle est ponctuée d'une série d'évènements heureux, est en général, plutôt cruelle. Disons qu'elle ne fait pas de cadeau. Moi je suis une princesse, j'ai tout ce que je veux... Mais j'ai aussi les mêmes problèmes que vous. Comme l'a dit un ami à moi : "On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses parents---" La nature, eh oui, est bien ou mal faite... C'est comme ça, on ne peut rien y changer---
La légende de Talon, qui en fait n'en est pas vraiment une, est elle aussi marquée par des incidents heureux, mais aussi de choses déprimantes, parfois macabres (ceux qui me contredisent n'ont visiblement pas lu le chapitre précédent) du suspense... Remarque ça je sais pas... Peu importe ! Suspense ou pas, c'est comme ça, on ne peut rien y changer. Je pourrais évidemment mentir, inclure des péripéties extravagantes afin d'intéresser le lecteur, mais ce n'est pas du tout mon genre... Bref : attendez-vous à bientôt rencontrer les évènements malheureux.
Talon repensa à sa quête... Maintenant, il devrait chercher le lait Romani. La veille, au bar, il avait certes bu de ce lait, mais ils n'en vendaient pas à emporter. Par contre, on lui avait conseillé d'aller s'approvisionner directement à la source, c'est à dire au ranch où on le fabriquait. Celui-ci se trouvait au sud-est de Mùlia. Mais, se dit Talon, pourquoi est-ce que je fais ça ? Pour cette aristocrate dans son palanquin, qui balance des mots d'amour au hasard dans la foule ? Non, sûrement pas... Mais depuis que je l'ai commencé, j'ai appris beaucoup de choses, j'ai beaucoup voyagé... Pense, mon vieux, à tous ces Hyliens qui ne se doutent même pas de l'existence d'un autre monde, ou pire, à ceux qui n'ont jamais quitté leur petit village... Et toi, tu te trouves à Mùlia, tu as passé la nuit sur un banc dans les bras d'une belle jeune femme. Non, tu n'as pas de remords à avoir, ce n'est pas à cause d'un ou deux verres en trop que... Oui, tu, je l'aurais fait de toute façon. N'est-ce pas... N'est-ce pas...
Oui, Talon se posait beaucoup de questions. Oui, il avait trop bu. Oui, oui, oui... Mais il en était venu à oublier pourquoi il avait entrepris sa quête. Ce qui au début lui parut évident se compliquait au fur et à mesure...
Lorsqu'il s'apprêtait à réveiller Termina, celle-ci se leva : Pourtant elle dormait toujours ! Talon, effrayé, fit quelque pas en arrière, et l'appela... sans succès. Soudain, la femme se mit à parler, d'une voix enrouée et gutturale. Ses yeux roulaient dans ses orbites, et ses bras pendaient mollement le long de son corps.
- Je suis née quelque part dans Hyrule, dans une petite maison coupée du reste du monde, et je vis avec mes deux parents. Je ne connais qu'eux et je dépends de leur volonté, mais je les aime. Mon père n'est pas souvent à la maison : Maman dit que c'est à cause de son travail. Moi je ne la crois pas...
- Je croyais que tu ne pouvais pas parler...
- Ce jour-là j'ai joué avec les chevaux de la plaine jusqu'au coucher de soleil, et lorsque que je reviens devant la maison, j'ai l'impression que quelque chose n'est plus ou ne sera plus jamais comme avant. Doucement, j'entrebâille la porte. Je sens le rythme de mon coeur s'accélérer. Je ferme les yeux et je pénètre dans le salon. Et là, au milieu de la pièce... Il n'y a rien. Absolument rien... Le tapis avec les tâches de couleur, celui sur lequel j'ai fait mes premiers pas, n'est plus là. Mon doute se confirme : Quelque chose n'est pas normal. J'appelle mes parents. Pas de réponse... Lentement, je me dirige vers la porte du jardin. Ce jardin aux mille odeurs, où j'ai joué si souvent... La majorité des fleurs est fanée, et les odeurs ont disparu. La lumière du soleil couchant éclaire d'une froide chaleur ce lieu de désolation. Mon coeur bat à tout rompre. Mes parents ont disparu ! J'entends soudain un bruit venant de l'intérieur... Les larmes aux yeux, je me précipite vers mon papa. Mais dans le salon, il n'y a toujours personne. Nouveaux appels de ma part. Partout dans la pièce, il y a des ombres inquiétantes. Puis, je remarque que la porte de la bibliothèque, dans le recoin le plus sombre, est à moitié ouverte. J'y entre... Arrrrgh ! Arrrrrgh !
Termina grimaça.
- Non !
- Quelque chose était caché derrière la porte, et me serre le cou. Je me débats mais la chose est beaucoup trop forte. Je vois le bras qui m'étrangle. Il me pousse difficilement au fond de la pièce. Soudain, il me lâche et claque la porte. Je suis enfermée dans la bibliothèque, dans le noir. Je crie et tambourine à la porte. J'entends la voix de mon père : "On t'a cherchée partout, mais où étais-tu ?" Puis ma mère : "Mais pourquoi ce vacarme ?" J'aurais voulu leur crier de partir, de me laisser, mais c'est déjà trop tard... Ma mère pousse un cri suraigu, et je m'imagine des choses horribles. J'entends un bruit sourd. J'entends mon père essayer de se défendre, mais rapidement, il s'arrête. La voix de l'agresseur retentit, comme amplifiée et raisonnante : "Tu le vois celui-là ? C'est comme ça qu'elle est morte... Jamais plus tu coucheras avec elle ! Jamais plus tu n'entendras sa voix ! Tu vas terriblement t'ennuyer, chéri... Ah, mais non ! Il y a encore ta fille--- Même qu'elle est enfermée juste à côté... Elle entendra toute notre petite conversation, elle entendra ce que son père a fait. Parce que tu vas tout me dire."
"Jamais"
"Tu ne voudrais tout de même pas voir son cadavre épluché à côté de celui de sa mère, n'est-ce pas ?"
Mon papa met du temps à répondre, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible... Ce n'est pas possible... Je sens le noeud dans ma gorge se resserrer. Il ne répond pas--- IL NE REPOND PAS !
Talon était pétrifié--- Peu à peu, Termina sembla revenir à elle. Confuse, elle contempla Talon. La surprise qui se lisait sur son visage incita notre héros à lui expliquer ce qui s'était passé. Effectivement, Termina avait oublié qu'elle venait de raconter la soirée fatale, alors qu'elle était muette depuis des années. Etait-ce un rêve, ou plutôt une sorte de transe ? Quoiqu'il en soit, le souvenir était trop douloureux pour être abordé maintenant. Mais Talon comprenait maintenant ce que son amie avait vécu, et ce qu'elle ressentait. Mais intérieurement, enfoui dans son subconscient, se terrait le désir de connaître la suite de l'histoire. Une chose était sûre, cette femme lui réservait encore bien des secrets...
Ils étaient maintenant de retour à l'hôtel, dans le petit salon du rez-de-chaussée, en compagnie de leur maître Aaron. Celui-ci avoua qu'il aurait fait pareil s'il était dix ans plus jeune. Le problème était qu'ils avaient à peine dormi, et qu'aujourd'hui, leur deuxième jour à Mùlia, ils devraient marcher vers la ferme Romani. Talon allait comme prévu y recevoir son lait... Mais de nouvelles épreuves attendaient nos héros. Ils se mirent donc en route vers le sud-est, passant par la place centrale, où ce jour-là on avait monté des stands de marché, et par la rue où se trouve le bazar. Enfin, ils sortirent du Bourg du Temps par la porte est, surveillée par un garde en armure, qui les laissa gentiment passer.
Vers midi, ils atteignirent le petit chemin qui allait les mener vers le domaine Romani. Talon adorait respirer à pleins poumons l'air mùlien, qui lui rappelait je ne sais quel souvenir d'enfance... Talon n'avait pas parlé à Aaron du souvenir de Termina, qui était restée muette depuis le matin. La discussion était mourante d'ailleurs... Personne ne disait rien, et ce n'était pas Aaron qui allait y changer quelque chose. Leur en voulait-il de leur sortie de la veille ?
C'est vrai après tout : Pourquoi fait-il tout ça pour moi, alors qu'il était bien tranquille avec Termina. Il me rencontre par hasard, et nous voyageons ensemble. Il disait que c'est parce qu'il m'aimait bien... Hum... Il ment sûrement. C'est trop mystérieux ! Fin bon, je ne vais pas me plaindre non plus--- Un chasseur de mort comme maître !
Un peu plus tard, ils virent en retrait du chemin, une ferme. Autour de celle-ci était tracé un cercle de sable... à côté de la maison se trouvait un enclos avec des chevaux, ainsi qu'une étable. Aaron fit signe à ses disciples de s'en approcher. A peine étaient-ils sortis de leur petit chemin, qu'un homme les aborda :
- Venez, nobles voyageurs, nous offrons gîte et couvert à nos hôtes.
L'homme, qui était visiblement un fermier, les poussa vers la maison. Il avait le dos bizarrement formé, et un air patibulaire assez inquiétant, et une odeur rance émanait de lui.
- Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
- Vous venez de pénétrer sur le domaine le plus réputé en matière de production de lait... Vous ne serez pas déçu. Entre nous, le lait d'à côté est coupé à l'eau ! Vous voyez : Vous êtes des gens intelligents et avez fait le bon choix.
Tout en disant cela, il poussa sans ménagement Termina et Talon vers sa demeure. Il n'osait apparemment pas s'en prendre à Aaron. C'est vrai qu'avec son grand manteau rouge feu et noir corbeau, son imposant sabre luisant attaché à sa ceinture, ses lunettes noir opaque et sa carrure de champion régional de lancer de choux-pêteurs, le maître chasseur de mort n'inspirait que profond respect et une étrange impression de se sentir vulnérable.
- Nous ne voulons pas de votre lait infecte, répliqua froidement ce dernier, donnez-le donc à boire à vos vaches si ça vous amuse, mais n'essayez surtout pas de vendre votre poison aux infortunés voyageurs qui ont le malheur de croiser le pitoyable chemin de votre misérable ferme. Termina, Talon, on y va.
Alors que le fermier resta cloué sur place, ne sachant que répondre, un second bonhomme se précipita vers eux. Il ressemblait à s'y méprendre au premier. Le détail qui faisait la différence était le fusil de chasseur qu'il pointait audacieusement sur nos trois héros.
- Je crois que je me suis mal fait comprendre, reprit Aaron d'une voix menaçante, frères Gorman, disparaissez sur-le-champ, ou je fais le ménage.
Accompagnant le geste à la parole, le maître, d'un imperceptible mouvement de la tête, fit s'élever l'arme que portait le second frère Gorman en l'air.
- C'est bon on a compris, fit le premier, n'est-ce pas vieux frère ?
- Oui oui, on a très bien compris... Même qu'ils vont rentrer chez eux les Gorman, n'est-ce pas vieux frère ?
Accompagnant le geste à la parole, les frangins Gorman s'enfuirent. Talon éclata de rire, Aaron soupira et Termina resta muette...
Les collines qui se dressaient des deux côtés du petit chemin depuis un bon moment disparurent finalement, et une nouvelle plaine se révéla à leur vue. Beaucoup moins grande que celle qu'ils avaient quitté le matin, Aaron pouvait leur montrer un vaste enclos en son centre, et leur expliquer qu'il s'agissait du ranch Romani. Au fur et à mesure qu'ils s'en approchaient, ils commençaient à y distinguer des vaches et des chevaux. Certains gambadaient joyeusement en grands cercles, mais la plupart broutaient paresseusement l'herbe tendre du pré. Quand ils atteignirent la grille de l'enclos, un cheval galopant s'approcha d'eux. D'ailleurs, il était muni d'une selle, ainsi que d'une cavalière... Aaron reconnut la fille de la mère Romani qu'il avait jadis rencontrée. Comme elle lui ressemblait... Le visage rayonnant constellé de tâches de rousseur et le teint frais des personnes qui vivent à la campagne, les cheveux auburn attaché en (tiens donc) queue de cheval, mais il la reconnut surtout grâce à sa robe, qui était pour ainsi dire l'insigne du ranch. Elle devait avoir l'âge de Termina et Talon, peut-être une ou deux années de moins... Elle sauta de son cheval.
- Je vous connais, dit-elle s'adressant à Aaron, vous êtes le mercenaire rouge de mon enfance.
- Alors tu me reconnais, répondit le maître, cela fait pourtant si longtemps... Tu ne devais pas avoir plus de sept ans...
- Oui, je m'en souviens très bien--- Depuis ce temps-là, je vous admire énormément. J'espérais tant vous revoir---
- Est-ce qu'on pourrait nous expliquer, intervint Talon, je ne comprends pas très bien.
La jeune femme sembla pour la première fois remarquer Termina et Talon.
- Eux, expliqua Aaron, sont mes disciples... Termina et Talon.
- Enchanté.
- ...
- Excusez-moi, dit la cavalière, je m'appelle Romani. Talon, c'est amusant comme nom--- Tes parents ont une imagination débordante...
Talon grogna méchamment.
- Excusez-moi encore : Mon plus grand défaut est d'être trop sincère et directe. Prends-le comme un compliment...
Tendant la main :
- Tu me pardonnes ?
Talon la serra. Romani salua également Termina.
- Autant partir sur de bonnes bases, puisque vous allez rester ici pour déjeuner, n'est-ce pas ?
- Je n'osais pas le proposer, dit Aaron, de plus je dois dire quelques mots à mon vieil ami...
- Papa est gravement malade, répondit sombrement Romani, je ne sais pas si...
- On pourrait pas nous expliquer comment vous vous connaissez et---
- Ah oui c'est vrai (ce fut Romani qui parla). Un jour, alors que mon père trayait les vaches, un jeune homme muni d'un immense sabre l'aborda. Il portait alors la même robe qu'aujourd'hui. Au début mon père prit peur mais l'inconnu le rassura. Papa n'a jamais voulu me dire pourquoi, mais cet inconnu aux allures guerrières vint habiter chez nous pour quelque temps. Taciturne et mystérieux, le jeune homme d'une vingtaine d'années m'inspira immédiatement le respect. Il intrigua la petite fille que j'étais. Mon père et lui finirent par se lier d'amitié, n'est-ce pas ?
Aaron acquiesça.
- Pourtant je ne connais toujours pas son nom. En fait, personne ne sait rien de lui, je me trompe ?
- On me nomme Aaron. Et dans mon métier, j'ai appris qu'il valait mieux rester discret...
Aaron, répéta doucement Romani. Mais venez, nous serons mieux à l'intérieur.
Romani avait une mère. Cette dernière s'appelait Romani également... Elle avait la cinquantaine, et ressemblait étonnement à sa fille. En plus elle portait les mêmes vêtements. Seuls ses traits plus creusés par l'âge et sa chevelure rousse grisonnante permettait de faire la différence. Mais son caractère également : Elle n'avait rien de cet air jovial et accueillant qu'affichait sa fille. D'ailleurs elle avait reçu les voyageurs plutôt froidement... Même lorsque Auron lui expliqua qu'il devait impérativement voir son mari, la mère se montra réticente.
"C'est vrai qu'il est malade maman, mais cet homme est son vieil ami, il serait sûrement ravi... Tu me disais que tu ferais n'importe quoi pour lui rendre le sourire."
Elle finit par accepter... et se replia dans l'étable près de ses chères vaches.
Quand Aaron se rendit dans la salle à coucher de son vieil ami, il sentit immédiatement l'odeur rance de l'air trop longtemps emprisonné. La différence de température ne le surprit pas non plus, ni l'absence de lumière due aux fenêtres voilées de lourds rideaux. Dans un coin de la pièce était installé un lit, et le chasseur de mort, habitué à l'obscurité, aperçut un homme allongé sous des couvertures. En mission officielle pour le roi, c'était mon travail. En s'approchant, il se rendit compte que l'homme dormait. Je n'étais pas prêt pour ça. A son chevet, il reconnut son vieil ami, cependant changé par l'âge et la maladie... Non, je ne voulais pas devenir une sorte de mercenaire. Aaron devait à présent achever la mission qu'il n'avait à l'époque pas eu le courage d'accomplir. Il était si jeune, et s'était lié au fermier... C'était l'erreur à ne pas commettre. On m'a puni parce que je n'étais pas capable de contrôler mes sentiments, mais maintenant, oui maintenant... Maintenant, il n'allait pas hésiter. Le chasseur de mort leva son long sabre au-dessus du lit du malade... et se figea.
- Aaron, vieux frère, est-ce bien toi ?
Le père ne reçut pas de réponse. Il me reconnaît...
- Depuis tant d'années que j'attends ta venue... La Maladie m'a touché, et j'ai fini par oublier notre amitié. Et aujourd'hui, je te vois face à moi... Ça me fait vraiment chaud au coeur... Toi tu ne l'as pas oublié : L'amitié triomphe de tous les maux.
Aaron resta muet. Attention...
- Peux-être que grâce à toi, je résisterai plus longtemps... Oui, je succomberai tôt ou tard à ma maladie, mais avec mes amis, ma femme et ma fille auprès de moi, ce sera moins douloureux.
Lentement, silencieusement et discrètement, Aaron rangea son sabre. Oui, il succombera tôt ou tard...
Ils avaient depuis longtemps bu leur tasse de lait, et Romani, Talon et Termina n'avaient pas entendu de sons s'échapper de la salle à coucher. Un silence gêné s'était installé entre eux, malgré les tentatives de Romani de relancer la conversation, ou plutôt le dialogue, puisque Termina ne parlait pas de toute façon.
- Euh, essaya Talon, comme ça tu aimes bien l'équitation...
- Oui, j'ai grandi avec les chevaux...
- J'avais moi aussi un cheval qui m'accompagnait partout, il n'y a pas si longtemps de cela---
La fermière soupira--- Le silence retomba. Les voix du père malade et d'Aaron s'élevaient faiblement de la salle à coucher.
Le père raconta... La maladie le toucha exactement deux ans après l'arrivée d'Aaron à Mùlia. Il se souvint que le premier jour il souffrait juste de vertiges, mais s'était tout de même occupé de la ferme. Le deuxième, il n'avait plus assez de force pour travailler et avait des vomissements. Plus tard, il fut victime d'hallucinations, et passait ses journées au lit. Il parla de moins en moins à sa femme et à sa fille... Il dit à son ami qu'il n'avait plus envie de rien, qu'il ne pouvait (voulait) tout simplement plus rien faire. Il se souvint qu'on devait le forcer à avaler de la nourriture, et que sa femme avait beaucoup de mal à lui faire boire quelque chose. Cependant, cette dernière avait toujours été là pour lui, elle passait des heures à lui parler. Lui avait toujours été muet comme une carpe. Cela le désespérait encore davantage... Il avoua qu'il n'avait parfois plus qu'une seule envie...
(mourir...)
Mais maintenant, tant d'années plus tard, son ami était revenu, et enfin il pouvait parler--- Car au fond de lui il savait que sa maladie était incurable. Peut-être même allait-il y passer.
Aaron l'avait écouté sans dire un mot. Une heure, deux heures... Il estimait avoir une dette envers son vieil ami, mais il aimait son métier. Quels mystères cache ce chasseur de mort ? Je me le demande encore aujourd'hui...
Le soir tomba sur mùlia. Quelque part une femme ferma son manège de course de chiens ; un jeune homme dépressif et laid comme un gobelin s'endormit, la tête entre les bras, parmi ses poules et rêva de la jeune femme qu'il aimait ; à l'autre bout du pays, un Goron avide de voyages et rêveur comme pas deux s'envola vers la lune à bord de sa fusée ; au bourg du Temps une vielle femme se fit voler son sac par un homme nommé Sakon ; la chanteuse d'un groupe de musique Zora embrassa le guitariste de "ZE ROCKS" ; et l'homme qui avait laissé sa chambre d'hôtel à nos héros fit son rapport au roi d'Hyrule...
Aaron sortit de la chambre à ce moment-là... Il avait l'air encore plus soucieux et sérieux que d'habitude, remarqua Talon. Enfin, s'était écrié Romani, on va pouvoir manger...
Bien sûr, ils allaient passer la nuit à la ferme.
Pendant que la mère préparait le repas, Romani leur fit visiter la propriété. Les manèges des chevaux, la partie des poules, l'enclos des moutons, les porcs, les chèvres... Romani commençait à parler et Talon également. Aaron ne disait que le strict minimum et Termina ne disait rien. Lorsqu'ils arrivèrent près des vaches, et que Romani voulait leur faire goûter le lait vanté à travers tout le pays, elle remarqua que les animaux n'étaient pas dans leur état normal... comme... excités. Elle décida de l'ignorer, même si cela ne lui inspirait rien de bon.
Un maigre repas fut préparé. Faut dire que la mère n'était pas très enthousiaste d'avoir ces invités. Un autre personnage les rejoignit. C'était un jeune homme travaillant à la ferme comme berger. Il était habillé de vert et s'appelait... Ingo. D'après Romani, il était souvent insatisfait, se plaignait de tout et de rien, mais était un gentil garçon... Il adopta le même comportement que la mère envers nos héros. Lui et cette dernière étaient silencieusement assis autour de la table, les lèvres pincées. Aaron semblait plus mélancolique et mystérieux que jamais... Mais au fur et à mesure du petit repas, entraînés par Talon et Romani, de naturel plus bavard, chacun changea : Voilà un des miracles de la conversation. Il faut parler les amis, adresser la parole à des inconnus croisés dans la rue, bavarder de météo avec votre pire ennemi... Si tout le monde y met du sien, et que vous ne tombiez pas sur des gens obtus, vous devriez réussir à bien vous entendre, ou au moins passer le temps... La mère voyait bien que les hôtes étaient des gens sympathiques (bien que la jeune femme soit un peu discrète). Seul Ingo montrait du mépris face aux invités : Au fond de lui, il présentait quelque chose de mauvais. De manière générale, il se méfiait des étrangers...
Evidemment, au grand dam d'Ingo, nos héros furent invités à passer la nuit là-bas. Talon était ravi, Aaron donna son accord, et Termina se montra encore plus timide que d'habitude... Et elle continua toute la soirée. D'ailleurs, très tôt (vers vingt heures), et sans rien dire à personne, elle alla se coucher. Pendant ce temps, les autres parlèrent de tout et de rien, au salon. Aaron l'imita un peu plus tard. Il fut vite suivi par Ingo et la mère. Bien que Talon eut l'impression d'un coup monté (vous aussi sûrement, non ?), il se retrouva seul avec Romani. Pourtant, il se sentait bien dans ce salon. Comme s'il était revenu chez lui... Quelques fauteuils confortables, des vieux tapis usés ; aucun feu n'était allumé dans l'âtre, et pourtant il faisait chaud. Les murs étaient gris et nus, les étagères étaient étrangement vides et poussiéreuses, et pourtant c'était convivial. Oui, Talon se sentait chez lui. Il lui semblait presque voir la silhouette fantomatique de sa mère hanter le fauteuil sombre, là-bas près de la chambre du père.
Et Romani parlait.
Et Talon écoutait.
Et le temps passait...
Le jeune homme connut bientôt la (courte ?) vie de Romani sur le bout des lèvres. Ils s'entendaient (comment ça évidemment ?!) très bien. Comme je l'ai déjà dit un peu plus haut, la conversation fait parfois des miracles. Or peu avant minuit, Talon était persuadé que Romani était la femme de sa vie... Vous l'aurez peut-être remarqué, Talon n'était pas du genre "fidèle". Il ne put d'ailleurs s'empêcher de penser, lorsqu'il admirait la masse rousse de cheveux, à la jeune femme avec qui il eut rendez-vous près du château (si, si, relisez la première page !), à la femme du palanquin, à sa vieille mère, et bien sûr à Termina... C'est à ce moment de son histoire que Talon commençait à se remettre en question. Tout ce qu'il faisait, toute sa vie, n'était-ce pas qu'une absurdité ? Pour qui, pour quoi faisait-il tout ça ? Le monde dans lequel il vivait, à la fois merveilleux et cruel, était-il la création d'un être exceptionnel, d'un dieu suprême ? Pourquoi tout ça... franchement, ne vaut-il pas mieux ne pas se poser la question ?
C'est vers minuit qu'un cri horrible, inhumain, retentit dans la cour. Romani reconnut immédiatement le meuglement d'une vache. Inquiète, non, paniquée, elle se précipita hors du salon, Talon sur les talons (haha !). Lorsqu'il fut sous le ciel étoilé de cette belle nuit étoilée, Talon aperçut une forme tachetée flotter au-dessus de la grange. Et c'était une vache...
- Vite, s'écria la jeune femme, il faut réveiller Aaron, lui seul peut les sauver !
- Mais qu'est-ce que c'est ?
- Vite ! Je t'expliquerai plus tard.
Talon courut le plus vite possible vers la chambre du chasseur de mort pour le réveiller. Pendant ce temps, Romani alla chercher un arc et des flèches. Ingo était déjà là, prétextant avoir été réveillé par le bruit.
Au bout de cinq minutes, tout le monde était dans la cour de la ferme. Aaron comprit aussitôt qu'il vit la vache flottante : C'était une attaque de spectres. C'était-là un phénomène assez rare, surtout que ces monstres ne font pas souvent des attaques groupées. Maintenant, Talon vit toute une armée se diriger lentement vers l'écurie. Pour la vache flottante, il était sûrement déjà trop tard. Aaron dut expliquer la meilleure technique à adopter : Il allait lancer des sorts de regroupement, ensuite Termina devait les immobiliser, et enfin Romani et Ingo devaient tirer des flèches, ensorcelées par Talon. Mais ce n'était pas aussi simple qu'il n'y paraît : Aaron arrivait tout juste à les rassembler par groupes de quatre, car ces saletés étaient rapides quand il s'agissait d'esquiver. Ensuite Termina devait s'y reprendre à plusieurs fois avant que ceux-là soient immobilisés. Ingo ne se débrouillait pas trop mal au tir à l'arc, mais Romani avait un peu de mal à toucher. Quant au travail le plus facile, Talon l'accomplissait à merveille. Mais au fur et à mesure qu'ils éliminaient des petits groupes de quatre, le reste avançait courageusement, et malgré leur effort, l'effroyable armée se rapprochait de plus en plus de la maison. De plus, ils l'attaquaient sur tous les fronts, c'est-à-dire qu'ils avaient formé un cercle autour de l'écurie, qui se resserrait toujours plus. Les défenseurs des vaches devaient courir d'un bout à l'autre de la cour, et ils commençaient à fatiguer. Mais chacun fit un effort incroyable : Termina immobilisait de mieux en mieux, Romani touchait de plus en plus souvent, Ingo resta imbattable, et Talon commençait à s'ennuyer.
C'est à ce moment qu'Aaron décida de faire deux équipes : D'un côté Termina et Romani, de l'autre Talon et Ingo. Et lui, mage noir surpuissant, devait se charger des deux groupes. Evidemment, Termina et Talon devaient à la fois immobiliser et ensorceler les flèches. C'était encore plus exténuant, mais beaucoup plus efficace : Chaque équipe agissait sur un demi-cercle autour de l'édifice, et les spectres s'en rapprochaient de moins en moins. Mais il en venait de plus en plus, interminablement. Cela faisait déjà presque une heure qu'ils se battaient. Une heure et demi... Deux heures... Ingo et Talon formaient une excellente équipe, l'un doué pour le tir, l'autre pour la magie. Non pas que les autres soient inutiles, mais eux s'entraidaient plus.
Au bout de deux heures et demi, Aaron en avait vraisemblablement assez de jouer la comédie. D'après lui, ses élèves s'étaient maintenant suffisamment entraînés. Il créa, par la magie, un immense dôme de lumière autour de l'étable, contre lequel les ennemis des vaches se heurtèrent. C'était comme un grand mur invisible, empêchant les spectres de passer.
- Pourquoi ne pas avoir fait ça tout de suite, dit Talon énervé et fatigué.
- Je pensais que c'était pour vous un bon entraînement. Vous avez ce soir appris le travail en équipe.
- Et si quelqu'un avait était derrière ce bouclier, demanda Romani, qu'auriez-vous fait ?
- Ce n'est pas arrivé non ?
- Oui mais...
- Allons nous coucher, la coupa Aaron, je suis fatigué.
Et il s'en alla.
Après cette épreuve, Ingo se montra déjà moins méfiant vis-à-vis des invités. Ils avaient aidé la ferme, non ? Mais il ne pouvait s'empêcher de penser à Talon avec rancoeur : Plus tôt dans la soirée, il avait "surpris" la conversation de ce dernier avec la fille de son employeur. C'est pour ça qu'il avait été si rapide à venir en aide aux vaches tout à l'heure.
- Et Ingo ?
- Oh, lui... Il se plaint de tout et de rien, mais au fond c'est un gentil garçon...
Gentil garçon... Gentil garçon...
Les paroles de Romani résonnaient sans arrêt dans son esprit. Mais pourquoi ? Ce n'était pas ses affaires... Il devait oublier...
Oublier...
Néanmoins Ingo dormit comme un Zora gelé, contrairement à Talon... Notre héros était encore troublé par tout ce qu'il avait vécu--- Il ne savait plus quoi penser... Sheik, Andélis, Romuald (eh oui, reportez-vous au chapitre 3...), Aaron et Termina, Anjeï et le mystérieux Kafu, Romani, le père malade, la mère méfiante, et Ingo... Toutes ces personnes qu'il avait rencontrées, sympathiques ou antipathiques, et dont il ne savait rien, au fond...
Il rumina ses pensées jusqu'à six heures de matin... C'est à l'aube du troisième jour qu'il finit par s'endormir : et il ne lui restait plus que 24 heures à vivre...
Musique de Max "Kafu et Anjeï"
Musique de Max "Ikana"
On remit à Talon une bouteille de lait bien méritée, après ce que notre petite équipe avait fait pour la ferme Romani, et on attendait plus qu'Aaron pour se remettre en route. Celui-ci ne dormait plus, évidemment, mais avait à nouveau disparu dans la chambre du père. Bien entendu, tous les adieux sont difficiles, surtout pour Talon en fait. Il s'était lié à Romani, mais aussi à Ingo, autant qu'on pouvait le faire en l'espace d'une journée. Pourtant, quitter la ferme s'avérait plus difficile qu'il n'y paraissait. Plus ce moment approchait, plus il devint anxieux. Et si Aaron passait autant de temps avec le père que la veille, Talon finirait par craquer. C'était encore un de ces sentiments indéfinissables.
Aaron de son côté subissait un affreux dilemme : Tuer le père de Romani, car telle était bien sa funeste mission, ou renoncer pour toujours à sa vocation de chasseur de mort.
"Je sais tout..."
Le vieil homme avait fini par avouer. Le vieil homme savait...
Je l'avais deviné il y a longtemps, dit-il à Aaron ce matin-là, faut dire que tu n'étais pas très expérimenté. Mais je savais qu'au fond de toi, tu étais bon. Et tu ne m'as pas ôté la vie... Et hier, lorsque je t'ai vu entrer dans ma chambre, alors que je faisais semblant de dormir, j'ai tout de suite deviné que tu étais revenu pour finir le travail. Je t'ai vu, malgré l'obscurité, lever ton sabre au-dessus de mon lit, et je m'étais alors résolu à mourir. Mais tu ne l'as pas fait... Sans doute te souvenais-tu des bons moments qu'on a passés ensemble. Non, je ne regrette rien. Cela pourrait-être le titre d'une chanson, n'est-ce pas ? Mais c'est la vérité : Je suis maintenant prêt à casser ma pipe... Alors vas-y, achève le vieil ami malade que tu vois dans ce lit, ne serait-ce pour abréger ses souffrances. Mes souffrances. Tu m'as apporté la touche de bonheur qui me manquait pour partir en paix, et je peux quitter ce monde... (heureux ?) Raaaah ! Le roi d'Hyrule sera satisfait : Tu auras accompli ta mission. Il enlèvera ton BANISSEMENT. Vas-y bon sang, coupe ma tête ridée ! Tranche mon chef malade ! Apporte-moi enfin la paix que j'attends ! Depuis... si longtemps...
Le vieil ami d'Aaron mourut. Et le long sabre étincelant n'était pas taché de son sang...
La porte de la chambre s'ouvrit et le chasseur de mort en sortit. Sa large carrure remplissait presque tout l'espace de celle-ci. Un silence tomba dans le salon. Romani dévisagea tour à tour Aaron et Talon. Le mage noir rompit le silence :
"Romani, ton père est mort."
Il l'avait dit d'un ton si froid... Il était si distant. Mais la jeune femme resta muette. Une unique larme coula sur sa joue alors qu'elle se perdait dans la profondeur des yeux de notre héros, qui lui rendait son regard sans ciller. Elle était triste, bien sûr, mais elle savait que ce moment viendrait... Elle s'y attendait et s'y était préparée... Son père était tout pour elle, mais sa mort représentait pour elle une vérité que personne n'aurait pu éviter. C'était écrit, diront certains. Elle venait de s'imposer. Mais autre chose encore semblait s'imposer :
Ma vie ne sera jamais plus comme avant, pensa Romani en voyant le maître et ses deux apprentis s'éloigner de plus en plus. Plus jamais je n'aurais de plaisir à voir mes chevaux, ni à rendre visite à la femme des chiens, à traire les vaches, à passer du temps avec ceux que j'aime... Maman, Ingo... Plus jamais comme avant. J'ai une terrible envie de pleurer, mais je n'y arrive pas... C'est terrible ! Plus envie de rien. Je vais maintenant m'allonger dans l'herbe (une odeur si agréable) et ne plus penser, ne plus parler. Juste laisser le vent me caresser, humer cette odeur de... souvenir.
La jeune femme, qui n'avait même pas la vingtaine, mit ses paroles en exécution. Elle était atteinte du même mal que son père. (Maladie contagieuse...) La mort du père acheva également la mère... qui restait dans sa chambre à pleurer. Ingo ne savait comment réagir face à une Termina déprimée, effacée. Il avait bien essayé de l'aider, de lui parler, la consoler... Mais en vain. Rien ne pouvait la guérir. Ingo se jura alors de tout mettre en oeuvre pour trouver un remède, tout en s'occupant de la ferme. Non, lui ne se laisserait pas avoir par la maladie, il serait fort. (Il le ferait pour elle...) Une seule solution lui vint à l'esprit, et il se mit en route...
Nos héros étaient dans un état d'esprit plutôt troublé. Aaron se disait qu'il fallait oublier le passé, et se concentrer sur l'avenir... (et le présent ?!) Les évènements qui s'étaient déroulés à la ferme rappelaient de mauvais moments à notre Termina. Elle n'avait pas eu de "crises" depuis la scène du lavoir, mais celle-là lui restait malheureusement en mémoire. La voix résonnante de l'agresseur...
"Tu le vois celui-là ? C'est comme ça qu'elle est morte... Jamais plus tu n'entendras sa voix ! Jamais plus tu ne coucheras avec elle... Tu vas terriblement t'ennuyer, chéri... Ah, mais non ! Il y a encore ta fille... Même qu'elle est enfermée juste à côté... Elle entendra toute notre petite conversation, elle entendra ce que son père a fait. Parce que tu vas tout me dire."
"Jamais"
"Tu ne voudrais tout de même pas voir son cadavre épluché à côté de celui de sa mère, n'est-ce pas ?"
Il ne répond pas...
"Voilà comment tu montres ton amour à ta fille ? Elle gardera cette scène en mémoire la petite garce, penses-y ! Et les morts ne pardonnent pas... Comment tu n'as rien fait pour protéger ta femme... Comment tu n'as rien fait pour la protéger, ELLE ! Alors tu vas tout me dire, fils de chienne, ou je la coupe en morceaux devant tes yeux !"
Il ne répond pas...
Tout à coup, en plein milieu de la plaine de Mùlia, Termina se mit à crier, et à se tordre de douleur... Horrifié, Talon se souvint... Il n'avait rien dit à Aaron.
J'entends des bruits de pas lourds s'approcher de la porte de la bibliothèque, et je ne fais plus rien. Lentement, je m'effondre, je ne bouge plus, j'attends qu'il vienne me chercher. Et je pleure.
Elle tomba à genoux, la tête dans l'herbe, entre ses bras, murmurant des paroles incompréhensibles, coupés par des sanglots et des reniflements.
- Tu le savais, n'est-ce pas Talon ?
- Oui, maître...
- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?
- Je pensais que... que vous l'abandonneriez... que...
- Je comprends... Tu m'en crois vraiment capable ? Ai-je donc l'air de n'avoir aucun sentiment ?
En vérité, c'est exactement ce que Talon pensait.
- Non, bien sûr... mais qu'est-ce qu'elle a ? Que doit-on faire pour l'aider ?
- Je suis désolé Talon, on ne peut rien faire, sinon attendre que ça passe. Elle a vécu des choses horribles... Et elle souffre énormément... Ne lui en parle jamais, n'évoque même pas son enfance, elle ne le supportera pas longtemps. J'ai aussi connu son père, il était dans la garde royale. Comme celui-de Romani. (Elle t'en a peut-être parlé.) Tu as dû le remarquer, elles se ressemblent beaucoup. Termina s'est refermée sur elle-même, elle s'est réfugiée dans le monde des rêves, c'est pour ça qu'elle ne parle plus... Romani au contraire a essayé d'oublier, de tourner la page. Elle avait réussi à dissimuler ses sentiments vis-à-vis de son père, mais la "maladie" et la mort de ce dernier ont réveillé ces sentiments.
- Pourquoi me racontez-vous ça ?
... Pour te faire prendre conscience...
Termina se mit à rire. Elle était maintenant allongée sur le dos.
"Un pré vert ! Un monde de lumière ! L'air frais et le soleil !"
Souvenirs...
Elle se mit à chanter, en une langue qu'elle seule comprenait :
Nun steh' ich hier,
Oh, in der Morgensonne
Träumend nur von der versprochenen Welt...
Irgendwo, sagt man, hinter dem blauen Himmel,
Liegt eine wunderschöne Insel.
Jeder spricht vom verlorenen Paradies,
Aber es ist das Nirgends-Land;
Keiner kann die versproch'ne Welt erreichen,
Aber jeder zieht in diese Richtung.
In meinem Traum seh' ich Leute,
Die von Liebe und Kummer reden,
Lachend und tanzend im weitem Sonnenstrahl,
Alle Tage singen sie an der Küste
Eines Tages wirst du mich sehen,
Langsam in deine Richtung streben,
Zu der versproch'nen Welt gehen...
Nun steh'n wir hier,
Oh, im glühenden Sonnenuntergang,
Sprächend nur von der versprochenen Welt,
Ich wei dass ich nicht die einzige bin,
Ich habe nun Freunde, die mit mir Träume teilen...
Zusammen werden wir segeln,
Wir sind noch so jung,
Oh, lasst uns auf den Tag warten,
Wo wir zu dem weitem Horizont gehen.
In meinem Traum seh' ich Leute docht,
Die von Liebe und Kummer reden,
In dem weitem Sonnenstrahl,
Leute die leben...
Eines Tages wirst du mich sehen,
Langsam in deine Richtung streben,
Zu der versprochenen Welt gehen...
Puis elle soupira. Sa crise semblait être passée et Talon l'aida à se relever.
- Ça va ?
- Je crois, oui...
- Et bien dans ce cas, dit Aaron, remettons-nous en route.
Et le maître se remit en route... sans un regard à ses apprentis.
Je profite de ce moment dans l'histoire pour vous parler des clichés dans nos chères légendes hyliennes... Pourquoi les personnages principaux sont-ils toujours des jeunes hommes qui sont particulièrement doués pour toutes sortes de choses exceptionnelles comme sauver le monde ou devenir mages noirs, et pourquoi tous les personnages féminins tombent-ils obligatoirement sous leur charme ? Certains appellent ça un cliché, mais ne faut-il pas être quelqu'un d'exceptionnel pour être un héros ? Pourquoi le (les) héros arrivent toujours à un endroit au moment précis ou quelque que chose de rare s'y passe justement... Ou pourquoi beaucoup de protagonistes ont-ils perdu un parent ? Cela s'explique peut-être parce que les personnes ayant perdu des êtres chers sont beaucoup plus déterminées à accomplir des choses hors du commun... Après il y a les prétextes comme une guerre de religion... Sans parler du vieux sage qui se bat avec classe, de la jeune femme timide, du garçon jaloux qui a un bon fond, et du personnage qui fait seulement une petite apparition tout au début, que tout le monde oublie au bout d'un chapitre, mais qui se révèle être l'élément clé qui va décider de l'issue jusque là incertaine d'une intrigue pourtant bien ficelée... Oups, je viens de révéler que... Non, si je dis cela, ce n'est pas du tout pour justifier le manque total d'originalité de mon récit parsemé de clichés, mais pour mettre au clair certains malentendus qui auraient pu s'installer entre vous et moi... Chers lecteurs...
Pendant que j'expliquais quelque chose de tout à fait inutile, Termina, Aaron et Talon étaient revenus au Bourg du Temps, et il était près de treize heures. Talon avait eu tout le voyage de retour pour penser à sa quête.
- Aaron, demanda-il au mercenaire, parmi les objets que je dois encore collecter, il y a ce "masque des amoureux"
- Ah oui, ça... et bien ici, à Mùlia, la fabrication de masques de toutes sortes est une vieille tradition... Ils confèrent au porteur un pouvoir étrange, par exemple courir plus vite, parler avec les grenouilles, se transformer en Goron... Un de mes vieux amis est vendeur de masques, et justement...
- Evidemment, son magasin est à l'autre bout de Mùlia, par-delà sept montagnes et sept vallées...
- Et bien en fait, conclut Aaron, il est juste ici, en face de nous...
Talon vit un panneau : "La foire aux masques reste ouverte même pendant les travaux" juste en-dessous de l'échafaudage du clocher.
En voyant nos héros, et surtout Aaron, entrer dans sa boutique, le vendeur se précipita pour les accueillir.
- Que puis-je faire pour vous, messieurs dames ?
- Tu ne me reconnais donc pas, dit Aaron, moi ton vieil ami !
Aaron avait beaucoup de vieux amis...
- Mais si évidemment, corrigea l'ami en question, bien sûr que je savais que c'était toi...
Il dévisagea Talon et Termina de ses yeux perçants.
- Qui sont ces jeunes gens qui t'accompagnent ?
- Voici Termina, et lui c'est Talon, ce sont mes premiers apprentis...
- Enchanté, fit le vendeur, moi c'est Roland.
Il leur adressa un sourire malicieux.
- Vous en avez de la chance ! Beaucoup de monde aimerait devenir chasseur de mort, surtout entraînés par ce grand maître...
- Je resterai modeste...
Roland eut un éclat de rire tonitruant, faisant cliqueter tous les masques qu'il portait sur son dos.
- Mais dites-moi : Quel bon vent vous amène ?
- Talon cherchait justement un masque, un en particulier...
Aaron donna un coup de coude discret à son apprenti.
- Alors voilà, dit ce dernier, je cherche... Enfin pas pour mon usage personnel, le masque des amoureux...
Nouvel éclat de rire.
- C'est étrange, toutes les personnes cherchant le masque des amoureux n'en ont pas besoin pour leur usage personnel... Mais dis-moi, sais-tu seulement quelle est sa particularité ?
- Non, je n'en sais rien, avoua Talon, je dois juste le rapporter à une personne de ma connaissance...
- Et bien sache que c'est un masque très rare tout d'abord. Il est issu de l'assemblage de deux autres masques : Celui du soleil et celui de la lune. Cela appartient à une vieille tradition d'un peuple oublié, mais certains Mùliens y croient toujours : C'est comme un échange de cadeaux entre deux mariés. La nuit de la cérémonie, l'homme apporte un masque du soleil, et la femme celui de la lune, et les unissent en un seul dans un rituel sacré et, paraît-il, assez agréable... C'est le masque des amoureux. C'est le symbole de l'union de deux êtres chers, censé apporter bonheur et prospérité à leur couple. Mais comme je l'ai déjà dit, cela ne se fait plus de nos jours... Je ne suis même pas sûr de posséder l'un des deux masques primitifs...
Il se dirigea vers une de ses étagères, cherchant parmi tous les objets exposés. Finalement, il revint avec un petit masque, ayant juste la taille d'un visage. Il était rond et gris... Le masque de la lune !
Il s'adressa à Termina :
- C'est à vous que je l'offre... Si votre ami veut absolument son masque des amoureux, il devra se procurer un masque de soleil - peut-être auprès des habitants du bourg ? - et s'arranger avec vous... Comprenez-moi : Je suis un fervent protecteur des anciennes traditions...
Termina prit le petit masque, l'air gêné.
- Non, reprit le Roland, vous ne me devez rien, je peux bien faire plaisir aux apprentis de mon vieil ami en gage d'une vieille amitié !
- C'est très généreux, Roland. Nous resterions bien parler un peu, mais j'ai une chose urgente à accomplir en ville.
Sur ce, Aaron dit brièvement au revoir à son vieil ami, et s'en alla, une fois de plus ! Termina et Talon ne purent que le suivre... Après avoir remercié Roland. Il avait si peu de clients qu'il n'était pas du tout vexé d'avoir eu une petite discussion...
Talon ne pensait plus qu'à une chose : dormir. La nuit dernière était, comme vous le savez, plutôt agitée, et notre paresseux donnerait n'importe quoi pour une chambre d'hôtel. Justement, c'est là que leurs pas les menèrent. Tout de suite en entrant, Talon et Aaron se précipitèrent dans leurs chambres. Mais pas Termina... Elle avait vu la réception vide. Et entendu des bruits étranges venant de la partie du rez-de-chaussée indiquée comme "accès privé". Généralement, quand un endroit est indiqué comme cela, il vaut mieux éviter d'y aller, ne serait-ce que par respect pour la personne qui a écrit le message... Par contre si on est curieux et qu'on cherche les ennuis... Mais Termina n'était pourtant pas de nature curieuse, mais se rendit quand même dans la partie indiquée comme accès privé : Les bruits étranges qui venaient de là étaient ceux d'une personne en larmes...
Il est bien connu que rester muet peut sauver un monde (et oui il y a beaucoup de "héros" muets...) Ce soir-là, le silence permit de consoler une personne en détresse. Cette personne était la réceptionniste Anjeï... Termina avait suivi le fameux couloir qui l'avait menée dans une petite cuisine. C'est là qu'elle avait trouvé la jeune femme. Termina ne la connaissait que depuis un ou deux jours, mais elle se sentait concernée par cette tristesse. Elle vint s'asseoir à côté d'Anjeï. Pendant un moment encore, on ne pouvait entendre dans la petite cuisine que des pleurs.
"Termina, fit Anjeï au bout d'un moment, je ne sais plus quoi faire... Je me sens inexistante, comme si toute vie en moi s'était éteinte d'un seul coup. Le fait de pleurer pouvait me soulager sur le coup, mais maintenant je comprends que ça ne sert à rien : Personne ne peut rien y changer. J'étais tellement impatiente, avant-hier, lorsque je vous ai rencontrés. C'était lors de cette soirée, au Milk-bar, que nous devions échanger nos masques... Kafu et moi... Mais il n'est pas venu."
Elle soupira, résolue...
"Je l'ai attendu jusqu'à tard dans la nuit. J'espérais encore, à ce moment-là, qu'il viendrait, en courant, me suppliant de l'excuser pour son retard... Lorsque je t'ai vue sortir du bar, aux bras de ton ami, je me suis mise à pleurer. Et je n'ai pas arrêté jusqu'à maintenant. Il m'a tout simplement abandonnée, lâche au moment d'accomplir ses promesses. Nous serions unis pour la vie à présent..."
Elle grimaça.
"Je dois l'oublier, maintenant. Je ne vais pas attendre éternellement, comme ces femmes dans les légendes, l'amour de ma vie. Mais ma vie... n'a plus aucun sens."
Termina avait déjà entendu ça quelque part. Inquiète, elle eut l'idée de demander un papier et un crayon... Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ?
Elle écrivit :
Tu ne dois pas être triste, surtout ne pas déprimer. Moi et Talon iront chercher Kafu, et on te le ramènera !
Termina, je t'aime...
A nouveau, elle pleura.
Talon dormait du Repos du Juste. Ses rêves furent beaux. Mais il en fut tiré par une secousse violente. C'était Termina, munie d'un bloc-notes. "Il faut absolument qu'on aille chercher ce Kafu !" Elle écrivit alors la suite de l'histoire. Talon était fatigué, mais pas totalement imbécile : Si ce Kafu possède un masque du soleil, alors il doit savoir où s'en procurer. Au pire... non, il n'allait pas s'abaisser à ce niveau. Ils allaient mener une enquête, et le retrouver ! Ça ne devrait pas être si difficile que ça... Avec un peu de chance, Kafu ne voudra plus de la réceptionniste, et leur vendra son superbe masque... Peut-être cette réceptionniste - avec un peu de chance - voudra également de lui... Peut-être était-ce mal ce que pensait Talon à ce moment... Peut-être était-ce complètement égoïste de vouloir retrouver Kafu à cause de son masque ? Peut-être ?
Dans le lavoir du Bourg du Temps, un curieux personnage, le visage caché par un masque de renard, se dirigeait vers la porte d'un petit réduit. Il jeta un coup d'oeil observateur aux alentours, histoire de vérifier que personne ne le suive, et entra. Derrière cette porte dérobée il n'y avait qu'une seule pièce, pas plus grande qu'un placard à balais. Il dut enlever son masque pour regarder à travers un petit trou dans un mur. Cela révéla une chevelure brune, assez longue, et le visage d'un Mùlien de vingt-cinq ans... A travers ce trou, on avait une vue excellente sur le bazar du quartier Ouest, où Talon et Termina étaient la veille. Mais ce qu'il cherchait ne s'y trouvait pas... Malheureusement. Le bruit d'une sonnette le tira de son observation : Quelqu'un se trouvait devant son repère. Lorsqu'il voulut entrouvrir la porte pour voir de qui il s'agissait, une canne s'introduisit dans la fente, l'empêchant ainsi de fermer. Elle appartenait à un grand homme en costume blanc. Tout de suite le personnage mystérieux reconnut ce second personnage mystérieux.
- Que voulez-vous ?
- Je connais tes problèmes...
- A oui, et bien tant mieux je vais vous dire. Maintenant allez-vous-en !
- Ne soyons pas si pressés, dit l'homme en costume blanc d'une voix extrêmement grave, écoute au moins ce que j'ai à dire. Je sais où se trouve ce que tu cherches, et que tu feras n'importe quoi pour le retrouver. Je te demande juste un tout petit service en échange...
- Qu'est-ce qui me prouve que vous dites la vérité ? Et même si c'était le cas, rien ne m'oblige à vous faire confiance...
- Effectivement, tu as raison... Ce n'est pas grave après tout : Moi je peux trouver un autre Moblin pour faire le boulot. Mais toi... Ceci est sûrement ta dernière chance de trouver... cet objet si précieux.
Un long moment, le personnage au masque de renard ne répondit pas. Il se trouvait face à un dilemme : Ce qu'allait demander l'homme en blanc en échange ne serait sûrement pas quelque chose de très légal. Après tout, il était le fils d'un personnage très important dans cette ville. Je sais que c'est frustrant de ne rien comprendre... Mais le personnage mystérieux au masque de renard finit par accepter le marché. Mais quel marché !
Aaron était trop fatigué pour les aider. Talon aussi, mais lui devait faire un effort, car il n'était pas un maître. Juste avant la soirée, Kafu avait dit à Anjeï qu'il allait se préparer chez lui. Et chez lui, c'était à la mairie du Bourg : Effectivement, le fiancé était le fils du maire. Celui-ci vivait à temps plein, avec sa femme et son fils, à la mairie. S'il n'était pas réélu, la famille serait à la rue... Mais cela ne risquait pas d'arriver. C'est donc là que Termina et Talon se rendirent en premier. En entrant, ils s'adressèrent au secrétariat, où une femme leur expliqua que le maire était en réunion, et qu'ils ne pouvaient vraiment pas le voir. Mais pour eux, cela ne posa aucun problème : Le père est occupé, alors allons voir la mère... Ils s'infiltrèrent discrètement, et pour la deuxième fois en ce qui concerne Termina, dans un couloir marqué d'une inscription "entrée interdite", ils frappèrent à une chambre sur laquelle une plaquette en or affichait : "chambre du maire et de sa femme."
Ils y trouvèrent, comme Talon l'avait espéré, la femme. Celle-ci leur adressa un regard étonné. Avec son corps surdimensionné, ses bras et son visage potelé, on aurait juré voir une truie...
- On est des amis de Kafu, dit Talon, et... il a disparu...
- Je sais... depuis avant-hier soir.
- Nous sommes à sa recherche, Mme, pourriez-vous nous dire quand vous l'avez vu pour la dernière fois ?
- Et bien... Il devait aller à une soirée au milk-bar avec des amis... Et un peu avant, il avait rendez-vous avec Toru. Vous devez le connaître puisque vous êtes ses amis...
Apparemment, ce Kafu n'avait pas dit à sa mère qu'il allait se fiancer... Sinon elle serait au moins au courant que c'est avec Anjeï que son fils sortait le soir. Non ?
- Toru, bien sûr ! Merci beaucoup madame. Nous allons de ce pas lui demander des nouvelles de votre fils, soyez-en sûre.
- Merci beaucoup... Vraiment ! Moi-même je n'ai plus beaucoup de temps à lui consacrer. Après tout, il a quand même vingt-six ans !
C'est ça, Latruie... Depuis qu'il est né, vous n'avez pas de temps à lui consacrer. Trop occupée à glander dans cette chambre, hein ! Et lui ? Vingt-six ans, d'accord, mais vingt-six ans de solitude... Mère indigne ! Ah oui c'est vrai ! La femme du maire... Savez-vous combien de fils de maire n'ont jamais connu d'amour maternel ? Qui n'ont jamais appris ce que veux dire le mot famille...
Ils s'en allèrent.
Bien sûr, c'était connu de tout le monde qu'ils étaient les amis de Kafu. Et de Toru... Bien sûr, ils savaient où habitait Toru, et où il passait ses journées. Bien sûr... mais supposons que ce ne soit pas le cas... Ils ne pourraient retourner voir la femme du maire pour lui demander ces renseignements ! Si c'était le cas, ils devraient chercher ce Toru dans toute la ville. Supposons maintenant que nos héros ne sachent même pas s'il travaillait en ville ou en dehors, ou même pas du tout... Alors, nos héros auraient vraiment du mal. Mais heureusement, même eux savaient qui était Tofu. Celui-ci avait l'habitude de se tenir dans le quartier Ouest, près de la banque, entouré d'un énorme nuage de fumée. Effectivement, il avait eu l'idée de faire brûler des bouts de trucs divers et variés, et d'en aspirer la fumée. On peut obtenir, paraît-il, des effets étranges ou insolites. L'homme avait appelé ça "fumer". En ce moment, Termina et Talon le virent avec une feuille roulée à la bouche... Quand il vit qu'on l'observait, il les dévisagea de ses yeux vitreux.
- Ça vous intéresse, hein ! Je vous propose le prix "essais" pour commencer...
- Vous fumez quoi, là, par exemple ? demanda Talon.
- Là, c'est une feuille de ricanier tout simplement. Cela me permet de me souvenir des choses que j'ai oubliées... mais je vous dis : On peut fumer absolument n'importe quoi ! Tenez : Je peux arracher la veste de madame (il regarda Termina) y envelopper la terre du pot de fleur là-bas, et le fumer. Chaque jour, je fais de nouvelles expériences !
Mais on pouvait tout de suite remarquer que ces "expériences" ne lui réussissaient pas si bien que ça : Il avait le teint plus que pâle, il était d'un gris-vert abominable ; ses yeux vitreux et à moitié fermés étaient soulignés de cernes qui tombaient presque jusqu'à la bouche ; sa voix était enrouée, usée ; les quelques cheveux qui lui restaient étaient marrons et pâteux et sa maigreur faisait horreur... En plus, pourrait ajouter Termina, l'odeur qui se dégageait de lui était si nauséabonde qu'on ne pouvait même plus sentir son haleine putride. Elle poussa Talon du coude.
- En fait, on est venus vous parler de Kafu, dit-il, il a disparu en voulant vous rejoindre avant-hier après-midi.
- Ah non, il m'a rejoint ce jour-là. Même qu'on devait aller à une fête ce soir-là.
- Ah ?
- Oui, s'il a disparu, alors c'était sans doute après notre rendez-vous... Je vous avoue que je ne suis pas allé au milk-bar non plus... Mais ne lui répétez pas !
- Merci beaucoup... Vous nous aidez beaucoup. Vas-y Termina, je te rattrape, juste le temps d'ache...
Il ne put terminer sa phrase, que Termina le tira loin du fumeur...
A peine eurent-ils tourné à l'angle de la première rue, qu'une vieille femme leur adressa la parole :
- Je vous ai entendu parler à ce... navet. Et je sais ce qui est arrivé à celui que vous cherchez... Voilà : Alors que je me promenais au quartier Nord, j'ai vu ce jeune homme - tout le monde le connaît - se faire sauvagement agresser par un homme muni d'une cagoule noire. Il a bien crié : "Je suis Kafu, le fils du maire, vous ne pouvez pas me faire ça !" Mais à quoi cela aurait-il pu servir ? Je vous le demande...
- Effectivement, répondit Talon, pas grand-chose... Et quand est-ce que cela est arrivé exactement, si je peux me permettre madame ?
- Bien sûr... mais je ne regardais pas le clocher à ce moment-là, désolée. Oh ! Il devait être aux alentours de dix-huit heures, peut-être dix-neuf même, je ne sais plus exactement. Vous savez, je n'ai pas besoin de toutes ces machines pour me repérer : Chaque jour, je vais faire les courses au même moment, c'est une sorte d'instinct, vous comprenez ? Et depuis que mon vieux mari est mort...
- Oui, coupa Talon, nous comprenons. Merci beaucoup Madame, vous êtes bien sympathique ! Nous devons malheureusement y aller... Vous comprenez, n'est-ce pas ?
Il avait dit cette dernière phrase avec une pointe d'ironie, mais la vieille femme ne semblait pas l'avoir remarqué. C'est sans plus de cérémonies qu'ils quittèrent leur informatrice.
Certes, maintenant ils savaient ce qui était arrivé à Kafu, et à peu près l'heure à laquelle c'est arrivé... Mais ça ne les menait nulle part : Comment allaient-ils faire pour le retrouver ? Ce fut Talon qui eut l'idée : Ils allèrent au poste de police de la ville, demander plus d'informations. Ils ne devaient pas y avoir beaucoup de voleurs comme le leur dans une si petite ville...
Au poste, on se moqua d'eux... Effectivement, il n'y avait qu'un seul voleur comme celui-ci dans toute la ville... Le pire c'était que ce dernier agissait toujours au même endroit, c'est-à-dire au quartier Nord, là où Kafu a été agressé ! On savait également où se trouvait son repère, son Sésame, et comment y accéder... Dans le Bourg du temps, plus personne ne lui prêtait attention, tellement c'était ridicule... Il répondait au nom de Sakon.
Maintenant, ils savaient où se trouvait le voleur. D'accord. Mais en quoi cela allait-il les aider à retrouver Kafu ? Leur petite enquête allait apparemment s'arrêter là... Ils décidèrent déjà d'aller retrouver la mère du disparu, au moins pour lui raconter ce qu'ils avaient appris. De retour à la maire, ils trouvèrent le maire Dotour avec sa femme dans la chambre... Lui aussi pleurait. Le petit homme, pourtant, ne s'inquiétait absolument pas pour son fils : Il était habitué à ses petites "absences". Non, si le maire pleurait, c'est parce qu'il venait de perdre son poste. Lors de la réunion, son rival politique avait montré à tous ces vieux représentants une photo de lui assez compromettante... Et ces mêmes vieux représentants décidèrent à l'instant qu'il était plus sage de "faire démissionner le petit Dotour", car après tout personne ne voulait d'un maire qu'on avait surpris en train de fumer de la bouse de Moblin. A sa place, on avait "élu" ce très compétant M. Deckart, dont tout le monde savait qu'il convoitait sa place depuis très longtemps...
Déjà que d'habitude il ne s'intéressait pas trop à son fils, alors dans ces circonstances... La femme fut pourtant surprise de déjà les revoir. Quand Talon lui raconta les évènements, Dotour dit d'un air absent quelque chose comme :
"Mon fils a toujours eu le goût de l'aventure : Ça ne m'étonnerait pas qu'il soit déjà en train de chercher Sakon, afin de reprendre ce qui lui a été volé - je suppose qu'on lui a volé quelque chose, car on n'aurait pas agressé mon fils juste comme ça, pour le plaisir - il a toujours été avide d'aventures !"
Talon ne pensait pas cela, beaucoup de personnes pourraient agresser, et même tuer, juste pour le plaisir, mais c'est sans importance. Par contre, il était d'accord avec lui : On avait sûrement volé quelque chose à Kafu... Et il y avait de fortes chances que ce soit le masque du soleil... Il n'avait sans doute pas osé apparaître devant Anjeï sans le masque, et donc avait disparu sans laisser de traces... Logique, non ? Et eux, Talon et Termina, connaissaient depuis peu cette caverne de Sakon... Et donc...
Ils se mirent en route vers les terres maudites d'Ikana, au nord de Mùlia, espérant y trouver Kafu. Ils savaient exactement à quelle heure le fiancé d'Anjeï y serait - s'il y était bel et bien - car cette fameuse caverne n'ouvrait sa porte qu'à une heure précise : minuit. Le seul problème c'était que Sakon y serait probablement aussi, afin d'y déposer son butin de la journée. Il était alors un peu plus de dix-neuf heures du soir, et ce petit voyage leur prendrait au moins quelques heures. Talon ne put s'empêcher de penser à Andélis, et oui, son cheval, qui devait bien s'ennuyer seul à Hyrule... rends-toi à l'évidence vieux, ce cheval t'a complètement oublié : Il est sauvage, rappelle-toi !
La nuit était magnifique dans la plaine... L'air y était frais... Et maintenant ils comprenaient comment un vieux fou pouvait observer ces étoiles chaque jour. Ce voile bleu, avec tous ces astres luisants... C'était magnifique... Une vague de liberté s'empara de Talon : Il pouvait faire, sous ce ciel infini, absolument ce qu'il voulait. Etrangement, cela lui rappela la fameuse soirée au milk-bar. Là aussi, lorsqu'il avait entendu la voix de la chanteuse, et qu'il serrait Termina contre lui, il avait l'impression de voler dans le ciel qui s'étendait maintenant au-dessus de sa tête...
Ou peut-être n'était-ce dû qu'à l'alcool... Un cocktail de liqueur de Gasha, d'alcool de pampa et de lait...
Termina pensait à la même chose... Même si elle ne parlait pas, elle avait bien des sentiments ! ... Je vis une vie merveilleuse. Ce fut probablement la première fois qu'elle pensait cela. Aaron avait permis à Termina d'oublier ses soucis,
(Il ne répond pas !)
et avait donné un sens à sa vie: Devenir chasseuse de mort. Et maintenant, Talon pouvait la rendre merveilleuse. La vie...
Il lui prit la main, d'un geste se voulant consolateur...
Elle sourit, et se mit à pleurer silencieusement. Ce soir, sous ce ciel infini, un vent de liberté rafraîchissant son visage humidifié, elle aurait pu l'embrasser...
Ce n'aurait pas été raisonnable... Heureusement, les scènes de romantisme n'ont jamais été mon fort, vous savez... Donc ils arrivèrent au domaine maudit d'Ikana, qui, paraît-il, est hanté. L'occasion rêvée pour deux apprentis chasseurs de mort de s'entraîner, non ? Aaron aurait été content, s'il savait...
"Le roi d'Ikana voulut un jour, depuis son château, devenir le roi de Mùlia. Il était pour cela prêt à tout... Et un jour, il entendit parler d'une boîte à musique, qui donnait à son joueur le pouvoir d'exaucer tous les voeux. Le dernier possesseur de cet objet avait écrit la mélodie jouée sur un vieux parchemin... Le roi fit n'importe quoi pour se le procurer. Et il finit effectivement par le trouver, dans la tombe d'un vieux compositeur de musique... Il laissa construire, par un architecte de renom, une maison boîte à musique, qui jouait cette fameuse mélodie... Mais quand le roi tourna l'immense ressort permettant de jouer, et que la mélodie retentit, tous les habitants de la ville se transformèrent... Des choses entre la vie et la mort : On ne pouvait regarder leur incroyable laideur. Lui-même n'échappa pas à ce sort cruel... Depuis lors, le roi des monstres règne depuis son château, mais toutes les nuits, à minuit, il vient lentement tourner la manivelle de la maison, faisant à nouveau retentir la funeste mélodie à travers la vallée du village maudit d'Ikana."
Mais eux n'avaient jamais entendu parler de cette histoire... On s'était bien gardé de la leur raconter. Pourtant ils ne furent pas étonnés de trouver un village désert, puisqu'il était presque minuit... Seules les planches clouées aux fenêtres, les jardins laissés à l'abandon, les peintures effrités, et les formes sombres se trouvant dans les petites rues auraient pu les mettre sur la voie. Mais même s'ils n'avaient d'abord pas fait attention à ces quelques détails, ils sentaient comme une présence dans cette ville. Comme - sans vouloir faire penser à des histoires de série B - s'ils étaient observés... Le village était construit de manière à ce que de n'importe quel endroit, le jour, on pouvait voir l'intégralité des maisons, dont certaines étaient même construites sur des flancs de montagne. Donc, si quelqu'un avait des yeux perçants, c'était possible que ce ne soit pas qu'une impression.
Grâce à l'éclat de la lune, ils purent repérer la petite rivière qui était censée les mener à l'endroit recherché. Ils s'en approchèrent et la longèrent dans le sens du courant. Talon ne vit pas cette bosse par terre, juste devant ses pieds, et trébucha par dessus-elle... Et la bosse n'aima pas ça ! De sa main, car la bosse avait évidemment une main, elle attrapa la cheville de notre héros. A son contact, Talon eut l'impression de tomber dans la rivière qui clapotait un mètre plus loin. Effrayé, il agita sa jambe, essayant de frapper la bosse, de se débarrasser de son emprise glacée. Termina resta plus calme, bien qu'elle vit qu'il ne s'agissait pas d'une bosse, mais bien d'un corps. Comme un enfant, roulé en boule, mais qui était doté de bras surdimensionnés... Mais elle ne put rien faire pour Talon, de peur de l'attaquer lui plutôt que la chose. Il se baissa pour attraper le poignet et lui faire lâcher prise, mais la chose s'attaqua à sa main, et le tira vers elle. Même en se débattant, Talon ne put ignorer les yeux blancs qui logeaient dans les orbites de la chose, et qui la rendaient encore plus effrayante, ainsi que le souffle chaud contre sa main... Alors qu'elle allait porter la main de Talon (avec une force incroyable) à sa bouche édentée, Termina se dit que ça devenait trop grave, et décida d'intervenir : Elle donna un puissant coup de pied dans ce qui était censé être le ventre de la chose, écrasant les doigts de Talon au passage. La "bosse" lâcha prise, et notre héros eut le réflexe de reculer d'au moins cinq mètres. Là, il utilisa encore un de ces missiles teigneux... qui, encore, eut pour effet de faire exploser sa cible. Efficace, certes, mais pas très propre...
Il avait reculé, et maintenant il devait avancer. Et cette petite aventure l'avait mis au parfum ! Ce n'est pas vraiment qu'il avait peur d'avancer, mais le fait qu'il ne sache pas à quoi s'attendre le rendait mal à l'aise... Termina l'attendait de l'autre côté de... des restes de la chose... et il se demanda s'il ne devait pas mieux faire demi-tour et prendre ses jambes à son cou. En même temps, l'idée de se retrouver seul dans le village désert... Non, il n'avait absolument pas peur !
Peu avant minuit, très peu avant, ils virent un bloc de pierre rond, bloquant probablement l'entrée de la fameuse caverne, ainsi qu'un énorme rocher un peu plus loin. Comment est-ce qu'ils virent tout ça ? Et bien entre les deux rocs se trouvait un lampadaire, solitaire, éclairant la place d'une lueur fantomatique. Mais plus rien, et surtout pas ce lampadaire inquiétant, perdu entre un village hanté et un désert de pierre rouge, à côté duquel se trouvait le repère d'un voleur raté, ne pouvaient les étonner... Ils avaient déjà conclu d'avance d'attendre sagement que Sakon, et (espérons-le) aussi Kafu se montrent et entrent dans la caverne. Les aborder directement, en tout cas le voleur, n'était sans doute pas une bonne idée. Mais maintenant que Talon venait de se faire agresser par ce monstre difforme, l'idée d'être accroupis derrière ce gros rocher et d'attendre ne leur disait plus grand-chose. Soudain, une voix terrifiante s'éleva de nulle part :
"Qui êtes-vous ?"
Pour être plus précis, elle s'éleva de derrière le gros rocher, celui qui ne cachait pas d'entrée secrète. C'était sûrement le voleur ! A moins que ce ne soit Kafu... Ou même un parfait inconnu, voire un autre monstre !
Il n'y avait qu'un moyen de le savoir, se dit Termina, c'était de l'approcher. Tant pis si c'était un monstre ! Talon la suivit. L'inconnu sortit de sa cachette, et le lampadaire l'éclaira. Immédiatement, Talon le reconnut. Une vague de souvenirs envahit son esprit : Romuald ! La pêche ! Comment ce dernier avait prétendu venir de Mùlia, et comment il l'avait décrit à Talon ! Une graaaaande plaine ! Un village hanté ! Comment il avait entrepris un long voyage ! Comment, ensemble, ils avaient retrouvé les poissons ! Mais que faisait donc Romuald ici ?
"Vous êtes deux, ça va alors... Venez vite vous cacher, avant qu'il n'arrive."
Tous trois allèrent derrière le rocher.
"Je suis Kafeï, dit-il, et je suis là pour reprendre ce qu'un voleur m'a pris."
"Mais je te connais ! Tu m'as dit t'appeler Romuald ! Je suis Talon... Le stand de pêche..."
"Oh, excusez-moi... Je ne donne jamais mon vrai nom aux inconnus, on ne sait jamais, vous comprenez ? En vérité, je ne m'appelle pas Kafeï non plus, je suis..."
"Kafu !" crièrent Termina et Talon d'une seule voix...
C'est-à-dire que Termina ne dit rien, mais le pensa... Vous comprenez ?
- Tu es le fils du maire Dotour ! Tes parents se font beaucoup de soucis...
- Ce sont eux qui vous ont envoyés, fit-il soudain effrayé, partez tout de suite !
- Non, si nous sommes là, c'est pour Anjeï... Elle aussi est affligée !
Kafu reprit son calme. Apparemment, ses réflexions n'étaient pas très poussées...
- Je pense bien... mais je ne pouvais plus la regarder en face... Si vous la connaissez, et que vous êtes ici, c'est que je peux vous faire confiance... La vérité, c'est qu'on m'a volé le masque du soleil. Et je me suis juré de ne jamais revoir ma bien-aimée sans celui-ci !
Talon avait l'agréable sensation qu'on a lorsqu'on a raison depuis le début. Maintenant, il s'agissait de se faire de cet homme un ami.
- Nous allons t'aider, dit-il, maintenant que nous sommes là. Au nom de l'aventure que nous avons vécue ensemble à Hyrule, et pour l'amour d'Anjeï.
Curieusement, au-delà du bonheur qu'avait Kafu en entendant cette nouvelle, on pouvait sentir un certain malaise... Ne faisait-il pas confiance à ces deux Hyliens ou était-il tout simplement anxieux quant à l'infiltration qu'ils allaient mener ? Ou était-ce encore autre chose ? Talon n'eut pas le temps de le remarquer que le lourd rocher bloquant l'entrée de la cachette se mit à rouler. Bien qu'ils ne puissent pas le voir, une manivelle sortant de la façade d'une maison tournait lentement, là-bas, dans le village désert. Et bien qu'ils ne puissent l'entendre, la mélodie grinçante et macabre envahissait le moindre recoin... Enfin, une ombre s'approchait d'eux.
Quand elle s'approcha du halo de lumière, Termina et Talon restèrent pétrifiés...
C'était l'homme qu'ils avaient rencontré en sortant du bazar !
Je ne suis pas un cambrioleur ! Je vous jure ! Je sais que j'ai l'air suspect, mais faut pas faire attention aux apparences ! Je vous jure...
Sur son dos, il portait ce même sac marron, débordant d'objets volés. Avec encore un regard observateur (décidément, beaucoup de personnes aiment ce fameux regard) aux alentours, il disparut dans les ténèbres de la grotte.
Ils fixèrent l'entrée un moment, puis Kafu sortit de la cachette et s'y précipita, suivi par Termina et Talon. L'intérieur ressemblait effectivement à la cachette d'un voleur : Entre deux rangées de colonnes parallèles, des montagnes d'objets, aussi divers que variés... Des coffres débordants de bijoux, des vases de porcelaine, en passant par des poussettes, des paires de lunettes, des tables et des chaises, et plein de choses méconnues de nos héros... Mais tout au fond, ils aperçurent un socle, sur lequel pointait un reflet de lune. Et sur ce socle - Kafu n'arrivait pas à y croire - il n'y avait rien. Il n'y avait pas non plus de trace de Sakon ! Il pouvait sans problème se cacher derrière une de ces montagnes ou encore derrière un de ces colonnes. Même s'il pouvait leur sauter dessus à tout moment, ils se dirigèrent vers le socle, attirés comme des aimants. Ils passèrent la première rangée, lentement, ignorant les divers éclats de lune perçant à travers le plafond. Puis, la deuxième. Kafu crut bien voir quelque chose bouger à sa gauche, mais il avait toujours le regard fixé sur le piédestal. Termina et Talon ne purent faire mieux... Lorsqu'ils passèrent la troisième rangée de piliers, Sakon bondit hors de sa cachette ! Il avait entre les bras un objet luisant bien connu de nos héros. Termina réussit à détourner le regard : C'était le masque du soleil avec lequel le voleur fuyait.
Termina fut la première à réagir, et tout de suite elle se mit à sa poursuite. Kafu le deuxième, mais bien plus tard, et enfin Talon, lorsqu'il s'aperçut que le rocher se mettait en mouvement : S'ils ne se dépêchaient pas, lui et Kafu allaient rester enfermés ! Aussi, ils coururent comme jamais ils n'avaient couru dans leur vie. Le fils du maire se dit que s'il ne sortait pas d'ici, il ne pourrait pas tenir une heure... Anjeï... Termina sortit sans problème, la pierre n'en était qu'à la moitié du chemin, mais Talon voyait encore défiler les colonnes. Il était concentré sur le rocher... Evidemment, c'est au dernier moment qu'il put sortir. Quant à Kafu... il était déjà dehors.
Lorsque notre groupe de poursuivants longeait la rivière, il ne pensait plus du tout aux "bosses" qu'il avait vu en arrivant. D'ailleurs, il y en avait des dizaines maintenant ! Sakon, habitué à la musique fatale (qui n'est nullement une légende) s'était muni de bouchons pour les oreilles... Par contre nos héros, en pénétrant dans le village maudit, furent frappés par la mélodie : Elle avait quelque chose de doucereux, métallique... Quelque chose qui vous glace le sang. Elle pouvait faire penser à ces petites musiques que l'on entend aux foires, près des manèges, et qu'un clown, arborant un large sourire, produisait en tournant la manivelle d'un orgue portatif... Soudain, Talon se figea : Il vit, dans l'ombre d'une petite maison sans fenêtre, dont chaque façade était peinte d'une couleur différente, un clown justement... Et il tournait la manivelle de la maison-boîte-à-musique ! Il portait le costume habituel des clowns, c'est-à-dire très coloré, affreux à mourir, et découvrant deux chevilles maigres et tordues. Mais le pire, c'était le sourire qu'arborait ce clown...
C'était un sourire de sadique, comme quelqu'un qui venait de vous jouer un tour particulièrement mauvais...
C'était le même visage ! Exactement le même !
Ici se trouve la limite entre le monde des vivants et celui des morts...
Oui, le même sourire que les visages de cuivre du puits de Kokiriko ! Talon resta paralysé, et l'abominable bouffon le dévisageait, tout en tournant sa manivelle avec de grands gestes. Toute cette situation ne pouvait être réelle ! Il allait se transformer en monstre difforme, comme ces malheureuses victimes de la folie du roi...
Depuis lors, le roi des monstres règne depuis son château, mais toutes les nuits, à minuit, il vient lentement tourner la manivelle de la maison, faisant à nouveau retentir la funeste mélodie à travers la vallée du village maudit d'Ikana".
C'était lui ! C'était ça ! Et les malheureuses victimes s'approchaient lentement, silencieusement de notre héros... Il en venait de partout ! Formes sombres, mais qui maintenant s'étaient redressées : Au clair de lune, on pouvait voir leur dos courbé, leurs bras tombants et de tailles différentes, et leur visage ridé et déformé... Et le roi souriait, et le roi tournait...
Tourne ! Tourne de plus en plus vite !
Mais Talon était toujours paralysé... Rien ne pouvait détourner son regard horrifié de la maison-boîte-à-musique. Maintenant, les habitants du village encerclaient notre héros. Il n'y avait plus aucun moyen de leur échapper !
Termina poursuivait toujours Sakon, et ils étaient déjà sortis du village... Mais le voleur était ralenti par son sac, qu'il n'avait pas eu le temps de décharger, et vite, Termina le rattrapait. Bientôt, elle était assez proche pour lancer un sort d'immobilisation. (Merci les skulltulas du puits...) Le pauvre homme tomba par-dessus ses propres jambes, face contre terre. Il ne pouvait plus rien faire à présent... La jeune femme récupéra le masque du soleil.
Un cri perçant retentit derrière Talon. C'était une voix masculine, mais d'un timbre terrifiant : Ce ne pouvait être que Kafu ! C'est ce qui redonna vie à notre héros. Pourtant, il ne savait pas comment sortir de cette situation... embarrassante. Autour de lui, il put sentir la puanteur des corps, comme s'ils étaient restés deux ans dans l'eau, et qu'ils avaient séché au soleil. Ils étaient trop nombreux : Ses flèches et ses missiles teigneux ne lui seraient d'aucune utilité. Il se rappela le jour où il s'était fait guillotiner... (C'était horrible !) Maintenant, Aaron n'était plus là avec ses fées... Il lui restait celle du flacon, mais s'il l'utilisait, cela signifiait également l'échec de sa quête... Talon regarda une dernière fois la maison-boîte-à-musique lorsque déjà des bras tordus se tendaient vers lui. Et eut une idée ! Il tira d'une de ses poches l'objet qu'il avait acheté au bazar : Le grappin mécanique. L'épisode de la prison Gerudo aura était riche en enseignements... Instinctivement, il tira. Alors que la poigne des monstres allait se refermer sur lui, il fut tiré vers le ciel... et se retrouva sur le toit de la maison. En dessous de lui, le roi maudit avait perdu son sourire : Maintenant son visage était tordu de rage.
Regardant toujours Talon, il redoubla d'efforts pour tourner sa manivelle, mais apparemment, la musique n'avait aucun effet sur lui. Mais tout n'allait pas très bien pour Kafu : Ses bras commençaient à pendre, et son visage à dégouliner. Il se transformait en monstre ! Talon devait intervenir avant qu'il ne soit trop tard : Il se concentra intensément - après s'il avait vaincu le sourire du visage de cuivre, pourquoi pas celui de ce clown dément - et prononça l'incantation qu'il avait dite dans le puits. Il avait l'impression déplacée que cela s'était passé il y a des années...
Qu'est-ce que tu as, bouffon, roi des monstres ? Pourquoi tu t'en prends à ces inconnus ? Tout ce que tu sais faire c'est tourner ta foutue manivelle, hein ! Tourne, tourne, de plus en plus vite ! ALLEZ TOURNE ! TOURNE !
Talon avait fini par crier. Le clown était déchaîné, et faisait tourbillonner le levier à une vitesse folle. Et la musique s'arrêta brusquement... En bas, les formes sombres se figèrent. Le roi resta lui-aussi crispé dans sa pose lugubre. Mais il savait que ça n'allait pas durer éternellement... Car rien n'est éternel. A part la mort peut-être... et encore !
Il sauta à terre, et tira Kafu... Celui-ci, n'ayant pas eu le temps de se transformer entièrement, put le suivre. Talon dut se frayer un passage entre les monstres, qui le faisaient horriblement penser à des cadavres. Maintenant, il devait retrouver la petite rivière, afin de pouvoir s'orienter, et trouver la sortie du village maudit. Même les maisons, hautes et imposantes, et sur lesquelles se projetaient des ombres traîtresses, semblait pouvoir leur faire du mal... Les ruelles étaient noires, (on se sait jamais à quoi s'attendre au détour de celles-ci...) et dans le ciel, la lune brillait d'une étrange couleur orange, blafarde. Talon avait l'impression de revoir le sourire de malade sur cette face livide... Soudain, Kafu vit un effroi bouger, là-bas dans l'ombre ! Heureusement, ce n'était qu'un volet brisé, qui pendait près d'une fenêtre et que le vent faisait doucement grincer. Ils tournèrent à gauche, à droite, montèrent sur une colline, redescendirent... Et là, comme une apparition maléfique, tout simplement démoniaque... La maison aux façades criardes... La maison-boîte-à-musique ! Ils avaient tourné en rond, et étaient revenus au point de départ. Juste les monstres, et leur affreux roi, avaient disparu... Lentement, la manivelle de bois se remit en marche... Talon crut voir le clown. Et effectivement, il était là ! Mais au bout de trois secondes, son image disparut...
Juste la musique, doucereuse, métallique... A glacer le sang !
Talon essuya d'un geste de bras la sueur qui couvrait son front, et se jura de rester calme, et de réfléchir. Kafu montra, d'un de ses bras mourants, le cours d'eau, qui coulait un peu plus loin. Ils essayèrent de se rappeler par où ils étaient arrivés... Et lorsque Talon vit que son compagnon, sous l'effet de la musique, avait repris sa transformation, il se souvint ! Ils prirent donc ce chemin.
A chaque croisement de rue, Talon croyait voir apparaître le sourire torve de son cauchemar... Son costume multicolore, s'arrêtant aux chevilles, tenant peut-être une hache au-dessus de sa tête... Ou était-ce une épée ? Une bombe ? Mais il gardait son sang-froid (d'ailleurs son sang était même plutôt glacé ces derniers temps...). Soudain, au coin d'une dernière ruelle, quelque chose leur sauta réellement dessus... Heureusement, c'était Termina. Talon faillit avoir une attaque... Mais maintenant, les trois personnages s'étaient retrouvés, et c'était le principal. En plus de cela, ils étaient presque sortis du village.
Le petit problème ici, c'était le "presque". Oui, car dans les derniers mètres, les derniers avant d'être définitivement en sécurité, le roi maudit apparut ! Et il n'était pas seul : Devant lui se tenait toute la population locale. Des dizaines de monstres... Pas loin de cent... Et en première ligne, feu Sakon le voleur déchu... Mais à ce moment, plus que jamais, ils étaient prêts à se battre. Surtout Talon, qui observait le clown : Ce dernier avait maintenant retrouvé le sourire. Termina se dit que ça devait être la même chose qu'avec les spectres de la ferme Romani... juste un travail d'équipe. Elle lança un premier sort d'immobilisation, et Talon tira sa première flèche. Kafu pensa une dernière fois à sa chère et tendre... avant de se lancer dans la masse !
Notre petite équipe fit des dégâts... au début. Mais bientôt Talon n'avait plus de munitions, et Kafu était plus que fatigué : Lui, comme les monstres, attaquait avec ses griffes... Tous les trois étaient couverts de blessures plus ou moins profondes. Surtout Termina, qui ne pouvait pas vraiment se défendre. Elle fut vite débordée, et les deux hommes devaient la protéger. Talon Kafu et Termina disparurent dans la masse marron des habitants du village maudit d'Ikana. Le clown tournant la manivelle de l'orgue arborait son sourire, plus large que jamais.
Et dans la ville M. Deckhardt, le mystérieux personnage vêtu d'un costume blanc qui avait comploté avec le premier mystérieux personnage, s'assit derrière le bureau du maire... L'ancien bureau du père de Kafu.
Musique de Max "L'envol de l'ange"
Musique de Max "Mélodie à un rêve oublié"
Ou : Comment (d'ailleurs dans ce chapitre Côme ment !) conclure en beauté et dans un dernier délire (et oui, il y a aussi des lyres à la fin...) cette légende qui n'en est pas vraiment une...
Une lumière éclatante éclaira le village. Non pas une lumière glauque, comme celle du réverbère, mais une lumière éclatante, chaude... Un miracle ! la lumière d'un ange ! Alors que le roi se tordait de douleur, ses sbires firent de même. L'armée de monstres recula, se rétracta... Lentement ils redevinrent les "bosses" qu'ils étaient, et disparurent finalement sous terre. Le clown sembla un moment être calme, voire paisible. Talon fut pris de pitié pour lui, alors que pour la première fois, le visage de ses cauchemars avait perdu son sourire... La musique elle aussi s'arrêta, dans un dernier accord raisonnant. Juste cette impression resta quelques instants, mais elle aussi finit par disparaître, comme tout le reste...
Les trois survivants se relevèrent, et leur sauveur se précipita vers eux. C'était Aaron... Et il n'avait pas l'air content.
"Me faire lever en pleine nuit ? Vous n'avez que ça à faire, hein ? Et pourquoi se promener dans ce sinistre endroit ? Et qui est cet homme ?" Il ne leur laissa pas le temps de répondre :
"Je sais que vous aimez l'aventure, le risque, mais il y a des limites ! Si vous ne vous êtes pas transformés en monstres, c'est uniquement parce que vous venez d'Hyrule... D'ailleurs je vois que votre ami n'a pas cette chance..."
Il regarda la triste mine de Kafu, mais finit cependant par sourire :
"Mais ça vous a fourni un excellent entraînement, et je pense que cette escapade sera très instructive pour vous... Non, sérieusement, racontez-moi maintenant les raisons de ce périple, et ce qui vous est arrivé exactement."
Ils racontèrent tout, à partir du moment où ils avaient quitté Anjeï. Bien sûr, ils s'étaient remis en marche, sans aucune pensée pour Sakon, désormais membre de la triste armée d'Ikana... Aaron se montra très intéressé, Termina silencieuse, et Kafu était perdu dans ses pensées.
Mais à quoi je ressemble maintenant ? N'aurais-je pas préféré me transformer entièrement en monstre, et rester à jamais à Ikana, plutôt que de devoir affronter le regard d'Anjeï ? D'accord, j'ai récupéré mon masque du soleil, mais il sera totalement inutile lorsque mon amour m'aura rejeté... (Il regarda ses bras, longs, marrons et couverts de plis.) Jamais plus je ne pourrais la regarder en face ! Et puis mon père... C'est à cause de moi qu'il n'est plus maire... Jamais je n'aurais dû accepter ce foutu marché ! Oui, je ferais mieux de m'enfuir, le plus loin possible de cette foutue ville, de ce foutu clocher, de cette foutue plaine et de tous ces foutus habitants ! Je m'exilerai dans les mystérieux bois perdus, et je crèverai seul, entre un petit rocher et un tronc d'arbre coupé...
Termina vit que Kafu serrait les poings, et regardait au loin avec un regard crispé... Elle devina que ce dernier venait de prendre une décision...
C'est bien connu : Les histoires d'amour finissent mal... Plus ou moins tard, d'accord, mais toujours mal. C'est en tout cas l'avis de la plus grande partie de la population d'Hyrule. La vérité, c'est qu'une relation - et peu importe son type - n'a rien à voir avec le hasard ou le destin, mais devient ce que l'Homme en fait... Ce sont nos choix qui décident de l'avenir, et non l'inverse... Kafu avait fait son choix, et maintenant il était résigné à aller jusqu'au bout.
Ils arrivèrent devant la porte de l'auberge. Et de là, ils virent immédiatement que la lumière de la cuisine était toujours allumée... Alors qu'il était un peu plus de deux heures du matin. Anjeï n'avait pas arrêté de penser à eux, et ne pouvait pas dormir. Mais Kafu ne le savais pas, et malheureusement, ni Talon ni Aaron n'eurent l'idée de le lui dire à ce moment-là...
"C'est le moment" avait dit Talon avant d'ouvrir la porte. Mais avant qu'ils aient pu faire quelque chose, Kafu s'enfuit en larmes... Notre héros voulut le rattraper - après tout ils n'avaient pas fait tout ça pour le retrouver s'il partait maintenant - mais Termina le retint. Elle écrivit rapidement sur son bloc :
"Il a pris sa décision, il faut respecter son choix."
C'était triste, même Talon le savait, mais c'était ce qu'ils devaient faire... Le laisser courir, même si Anjeï sera malheureuse, car c'est son choix. Bon ou mauvais, à vous de voir, mais ce n'était pas la question...
Aaron laissa le plaisir aux plus jeunes de parler à Anjeï... car il était fatigué ! Ils trouvèrent la jeune femme là où ils l'avaient laissée... Et toujours dans le même état. Elle se remit à pleurer quand elle vit que son bien-aimé n'était pas avec eux...
- Ecoute... s'il a disparu, c'est parce qu'on lui a dérobé le masque du soleil. Il ne pouvait pas apparaître devant toi, lors de ce bal, sans lui. Et il a décidé d'aller le récupérer... Et effectivement il l'a retrouvé, c'est Termina qui l'a maintenant. (Elle le montra à la malheureuse.) Mais en chemin, il lui est arrivé quelque chose d'horrible. Il s'est transformé à moitié en... monstre ! Et je sais que s'il n'est pas là maintenant, c'est qu'il ne voulait pas t'imposer cela...
- Mais monstre ou pas... je l'aime. Et jamais il ne sera un poids pour moi... Il le sait.
- Mais il s'est enfui, Anjeï... Il pensait que dans son état, tu ne voudrais plus de lui.
- C'est... impossible ! Pas mon Kafu... non !
Elle fondit à nouveau en larmes.
- Gardez le masque du soleil... Je ne veux plus le voir ! Je ne peux... plus... rien.
Anjeï allongea sa tête dans les bras, sur la petite table de la cuisine, et ne dit plus rien. Lorsque Termina voulut l'enlacer, elle la repoussa. Rien ne pourrait la consoler... Juste le retour éventuel de Kafu. Talon et Termina s'en allèrent, laissant derrière eux une nouvelle victime du Mal...
C'est dans leur chambre qu'ils se souvinrent d'un détail important : Il ne leur restait plus que trois ou quatre heures à vivre. C'était suffisant pour rejoindre les bois perdus... S'ils partaient sur-le-champ. Talon alla réveiller Aaron, alors que Termina semblait une nouvelle fois perdue dans ses pensées. Mais Aaron était plutôt de mauvaise humeur. Il n'aimait pas qu'on le réveille pour rien ! Il grommela juste : "J'espère que tu auras appris quelque chose avec moi... Tu étais vraiment un excellent disciple. (Etais ?!) Il est temps maintenant de partir... Va voir Termina, elle t'expliquera. Pour ma part, je resterai ici..." Talon était stupéfait : Pourquoi le maître semblait-il indifférent ? Un Hylien ne pouvait pas survivre plus de trois jours à Mùlia... Dans trois heures, ils allaient tous mourir ! Il décida d'aller voir Termina... Que pouvait-il faire d'autre ?
Il la trouva assise sur le lit, la mine dépitée. Elle pleurait ! Talon sentit que quelque chose n'allait pas... Qu'on lui avait caché la vérité.
"Allons nous promener" écrivit Termina sur son bloc, avant de se lever et de sortir de la chambre. Talon la suivit hors de l'auberge... La ville est déserte à cette heure... Comme le jour où... Silencieusement, ils traversèrent la ville. Au-dessus de leurs têtes, le même ciel étoilé... Mais cette fois, l'air portait une impression de... Les adieux sont toujours difficiles ! Talon ne comprit pas pourquoi il pensait à ça maintenant... Il avait juste un mauvais pressentiment. Ils avaient vaincu ensemble la vicissitude du puits, ils avaient passé la première journée ensemble à Mùlia, conclue par un bal qu'il n'était pas prêt d'oublier, ils avaient combattu ensemble les voleurs de vaches à la ferme Romani, retrouvé la trace du disparut Kafu, vaincu les habitants du village maudit d'Ikana... Et pourtant Talon avait l'impression de n'avoir fait que le mal... Romani et son père, Ingo et la mère, Kafu et Anjeï, Termina. Tant de malheureux sur son passage. D'accord, tout n'étais pas de sa faute... Mais il se sentait coupable. Il s'était lancé à la recherche de Kafu avant tout pour entrer en possession du masque du soleil, et maintenant c'était chose faite. Remords... Pour Termina, il ne put s'empêcher de penser qu'il avait bu un peu trop de "Bon" le cocktail à base de liqueur de Gasha, d'alcool de Pampa et de lait... Il avait entendu son histoire, et n'avait rien dit... L'autre jour au lavoir, ou dans la plaine... Oui, il avait mauvaise conscience, à tort ou à raison.
Une fois arrivés au banc du lavoir, car c'est bien là que Termina l'emmenait, elle eut une nouvelle crise. Peut-être était-ce dû aux souvenirs qui l'oppressaient à ce moment là... Ou peut-être que... Une nouvelle fois, Talon écouta, plus mal à l'aise que jamais :
"Il ne répond pas !
"Voilà comment tu montre ton amour à ta fille ? Elle gardera cette scène en mémoire la petite garce, penses-y ! Et les morts ne pardonnent pas... Comment tu n'as rien fait pour protéger ta femme... Comment tu n'as rien fait pour la protéger, ELLE ! Alors tu vas tout me dire, fils de chienne, ou je la coupe en morceaux devant tes yeux !
"Il ne répond pas
"J'entends la porte s'ouvrir ! Horrifiée, je vois l'assassin de ma maman, et le corps sans vie de celle-ci dans le salon. Mon père, aussi... Qui ne dit rien. L'homme s'approche de moi, me touche maintenant ! Il arrache mes vêtements, et...
"Papa ne dit rien... Il ne répond pas. Il se baisse et ramasse le couteau que Maman tient toujours dans sa main. Chancelant, il le porte à sa gorge, et...
"L'assassin me tient, pousse maintenant des cris d'animal, et je vois ses yeux luire d'un éclat atroce ! La porte s'ouvre à la volée, et un homme saute dans le salon, tenant son long sabre au-dessus de sa tête. Dans un éclair rouge et un bruissement d'étoffe, l'arme traverse le corps de mon agresseur. Il est sur moi, me tient par les épaules, et je vois la lueur démente de ses yeux s'éteindre. Lentement, il s'effondre, presque dans mes bras...
"L'homme portant une robe rouge sang retire son sabre du dos du mort, et se précipite vers mes parents. Mes yeux sont brûlants. Je le vois se pencher sur Papa, toucher le sang qui coule de sa gorge. Je le vois fermer les yeux de Maman, en les effleurant de la main. Et je le vois pleurer."
"Oh, Talon..."
Termina fondit en larmes.
Talon savait que cette fois la jeune femme était consciente de ses paroles, et que bientôt elle souffrirait du même mal que Romani et ses parents, Kafu, Anjeï, et Aaron... Non, c'était différent !
- Talon avait comprit... et la serra silencieusement contre lui.
- Termina lui rendit son étreinte - son visage mouillé de larmes - et son sourire.
Ils restèrent ainsi longtemps, sous ce ciel étoilé et infini...
Contre la Détresse, le meilleur remède est le Sourire.
Talon était en route vers son chez lui. Seul. La vérité c'était que Termina, mais aussi Aaron, étaient des habitants de Mùlia... Des mùliens. Tout ça n'était qu'une énorme mascarade ! Notre héros l'accepta, pas vraiment étonné. Il avait bien senti que Termina lui cachait quelque chose... Mais cela ne l'empêchait pas d'être malheureux. Il n'arrivait pas à cibler les sentiments qu'il éprouvait pour Termina... Mais il était sûr que c'était autre chose que de l'amour. Peut-être... une sorte de pitié. Elle avait vécu des choses que personne ne méritait de vivre... Et elle avait besoin de réconfort. Il le lui avait apporté. Mais s'agissait-il seulement de cela ? Je pense que tout le monde aurait réagi comme Talon dans cette situation... (Oui, ils avaient accompli pleins de choses ensemble.)
Mais pour la jeune femme, c'était bien plus que cela. Elle en était venue à faire vraiment confiance à Talon... mais ne savait pas pour quelles raisons... Lorsqu'elle était assise seule lors du bal au milk-bar, il était venu vers elle. Ce moment résume parfaitement, pensait-elle, sa relation avec Talon... Pour Termina, notre héros était une sorte de prince charmant. Plein de qualités, l'homme parfait ! Ce fut seulement après son départ qu'elle comprit ses sentiments. Qu'elle se comprit elle-même... Bien sûr, elle était affligée de devoir le quitter, et elle pleura beaucoup. Elle garderait éternellement en mémoire le souvenir de tous ces derniers jours ! Et de ce sourire... Non, maintenant elle n'allait plus sombrer dans la déprime. Grâce à lui, elle avait compris le sens de sa vie (!) Et à partir de cette nuit, elle était bien décidée à en profiter ! Mais l'image du prince charmant avait disparu.
Il n'avait pas arrêté d'y penser donc... Même lorsqu'il traversa le passage menant à Hyrule, sa dernière pensée fut pour Termina. Lui aussi se souviendrait (longtemps ?) d'elle, et de ce voyage en général... Peut-être même ne l'oubliera-il jamais, qui sait ? Mais ce passage symbolisait aussi un retour au calme... Enfin il pourrait à nouveau dormir près de son arbre préféré, près du temple du temps, au Bourg d'Hyrule ! Il passa la nuit à la forêt Kokiri, et se surprit même à penser que, quelque part assez loin, une autre personne regardait ce même ciel, plein de mémoires. Très vite, il traversa la petite forêt, ignorant les questions de ses jeunes habitants, (c'est quoi un château ?) afin de rejoindre la plaine. Là, Andélis, fidèle, l'attendait... C'est en le voyant que Talon se rendit compte d'une chose horrible, qui laissa un vide au niveau de son estomac : Le coeur de Blob... Il l'avait laissé dans la chambre d'hôtel (son battement était vraiment dérangeant dans sa poche...) Sans parler de la fée et de l'âme... D'accord, il avait toujours le lait Romani, mais que devenait le masque des amoureux ? C'était trop bête : Ils avaient eu les deux masques à portée de main ! Mais après tout Talon se moquait bien d'avoir tous les objets demandés par... Sheik, voilà ! Il se moquait bien de tous les billets reçus, serait-ce par la princesse Zelda elle-même (...) Ce qui comptait, c'était ce qu'il avait vécu ! Pourtant, il avait l'impression de n'avoir pas terminé ce qui avait été commencé... Aussi, au nom de toutes ces personnes qu'il avait rencontrées, il décida d'aller tout de même voir le scientifique du lac... Afin qu'il prépare sa fameuse lotion. Peut-être existait-il un autre moyen ? Il caressa le cheval... Et monta finalement sur ce fidèle compagnon.
Le lac Hylia se trouve, comme vous le savez, à l'autre bout d'Hyrule, et Talon mit un peu moins d'une journée avant d'y arriver. A pied, il aurait mis trois fois plus longtemps ! Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendre de la part de l'érudit... D'ailleurs les "scientifiques" ne couraient pas les rues à Hyrule, et cette appellation paraissait toujours un peu... bizarre. Il laissa Andélis près de la petite maison, et y entra après avoir frappé à sa lourde porte d'acier. Il savait qu'on ne pouvait l'entendre de l'intérieur, et décida d'entrer. L'unique pièce était enfumée, et à partir du moment où il entra, il sut que ce savant était de la même trempe que Tofu, le fumeur de Mùlia... Et tout comme ce dernier, notre homme se montra plutôt sympathique. C'était un vieil homme voûté, aux allures de sorcier, au nez crochu et à la robe violette, oui, un affreux violet couleur poison.
Il expliqua avec ironie, mais peut-être n'était-ce pas une plaisanterie, qu'il avait l'habitude de recevoir des envoyés de Sheïk, qui souvent n'avaient pas tous les ingrédients demandés... Aussi il proposa un arrangement : Talon allait lui chercher quelque chose dont il avait besoin, et lui fournirait alors la potion demandée par Sheïk, de laquelle il avait par chance quelques réserves en stock. Notre héros, repensant une nouvelle fois à ceux qu'il aimait, accepta le marché. Etrangement, le quelque chose demandé rappelait quelque chose à Talon : Donjon secret dont se créent des joncs, premier niveau. En dessous, une seconde avec : Joncs jouxtant dans grand donjon, second niveau. Sous la troisième carte : Donjon où se créent en secret des joncs, niveau tertiaire. Et enfin, sous la dernière carte : Secret donjon et joncs dont les secrétions se créent secrètement, quatrième niveau.
Si avec tout ça ces joncs ne se sont pas figés dans votre mémoire, alors je ne vois pas ce que je peux faire... Et il semblait à Talon, que l'autre jour, avec Kafu (alias Romuald), ils n'avaient pas visité le dernier niveau... Celui où était indiquée une petite tête de mort sur la carte du donjon, celui où les secrétions de joncs se produisent secrètement. Si vous regardez dans n'importe quelle grande encyclopédie hylienne, vous verrez que les joncs sont des plantes monocotylédones (joncacées) herbacées, généralement vivaces, à hautes tiges droites et flexibles qui croissent dans l'eau, les marécages, les terrains très humides. Autrement dit : une plante Mojo carnivore et aquatique... Et c'est bien de ça, les plus perspicaces l'auront vu venir, que Talon devait ramener les secrétions. Au moins, il n'était plus très loin du stand de pêche...
Le gérant de ce stand fut étonné de revoir déjà Talon, puisque généralement les clients ne revenaient pas avant quelques années, s'ils revenaient bien sûr... Encore une fois, il le félicita pour ce magnifique poisson, qui nageait toujours dans l'aquarium, et tendit sa main tout en prétendant : Je m'appelle Côme, et vous êtes maintenant mon plus fidèle client ! (Malheureusement, Côme ment...) D'ailleurs Talon ne devait pas l'oublier en partant, sinon il pouvait vraiment oublier l'honneur qu'il voulait faire à tous ceux qu'il aime...
En se tenant pour la seconde fois près du petit lac, et il repensa à l'aventure qu'il y avait vécu avec Kafu, un nouveau noeud se forma près du premier au niveau de son estomac : Il voyait tout près de lui, les deux boutons sur lesquels il fallait marcher pour libérer l'accès au donjon. Ils symbolisaient l'aide dont il avait eut besoin alors... Cette fois, il constata avec horreur qu'il était seul. La solitude ne l'avait jamais gêné plus que ça par le passé, mais cette fois c'était différent. Presque désespéré, (bien que les raisons de cela étaient moyennement valables, d'après moi) il s'endormit près du mince filet d'eau qui coulait d'un rocher gris vers le petit étang...
Lorsqu'il se réveilla, les rayons de soleil matinaux posaient leur douce chaleur sur ses épaules. Il respira profondément, emplissant ses poumons de ce bon air hylien, avant de se rendre compte que quelqu'un était assis près de lui, adossé contre un rocher couvert de mousse. Cette personne, Talon la connaissait déjà, pour l'avoir rencontrée il n'y a pas si longtemps de cela, et sa vue lui prouva avec soulagement que sa visite à Mùlia n'était pas un rêve : Cette personne assise à ses côtés était Ingo.
Ce dernier l'avait suivi depuis l'Autre Monde, et s'était enfin décidé à se montrer. Car il avait besoin de notre jeune paresseux, et il s'était juré de le suivre jusqu'à ce qu'il donne une réponse favorable à sa demande... Depuis que Romani avait sombré dans la détresse, Ingo était, comme je l'ai déjà dit, désespéré. Seul, il ne pouvait pas s'occuper de la ferme, malgré ses efforts surhumains. Et depuis peu, la jeune femme murmurait dans sa torpeur... Elle murmurait le nom de Talon. Ingo avait su mettre sa jalousie de côté, et il demanda au concerné de bien vouloir revenir à Mùlia, et de rester vivre à la ferme.
"Ecoutes Ingo, c'est impossible... Je ne peux pas retourner à Mùlia. C'est impensable, car j'en mourrais. J'ai cru comprendre qu'un seul homme pouvait entreprendre le voyage entre nos deux mondes plusieurs fois, et survivre. Et il est resté à Mùlia ! Malheureusement j'en suis incapable... Je suis désolé que tu ais entrepris ce voyage pour rien, et je te conseille d'en profiter le plus possible."
Ingo demeura silencieux... Avait-il vraiment fait tout ça pour rien ? N'y avait-il vraiment aucun moyen d'apporter le bonheur, c'est-à-dire Talon, à la ferme ? Mais il croyait à ses paroles : On sentait dans son discours que ce n'était pas l'envie de retourner à Mùlia qui lui manquait. Il décida alors d'accompagner Talon pendant quelque temps et effectivement d'en profiter pour visiter le pays...
Quand Talon lui expliqua son problème des boutons, il fut ravi de pouvoir l'aider : C'était une excellente occasion de le remercier d'avoir défendu la ferme. Il le suivra même jusqu'au quatrième sous-sol du Secret Donjon. Alors, ils seraient quittes, et il n'aurait pas fait le voyage inutilement. C'est ce que pensait Ingo...
Ils se positionnèrent donc aux deux côtés opposés de la mare, chacun sur un de ces boutons. Comme la première fois, l'eau disparut à l'intérieur du temple, avec un bruit de succion. De toute façon, ils devraient refaire tout le travail accomplit avec Kafu... Ces donjons, ainsi que leurs créateurs, étaient vraiment injustes !
Encore une fois, Talon fit ce chemin, massacrant des bulles impitoyables, et autres méduses volantes, et arriva enfin devant la porte à la serrure rouillée... Celle s'ouvrant avec la clé rouillée, que lui et Kafu avaient cherché dans toutes les autres fichues salles ! Lorsqu'ils essayèrent de l'ouvrir, ils constatèrent avec effroi qu'elle était à nouveau fermée... Et oui, les portes des donjons ont la fâcheuse habitude de se refermer après le passage des fameux aventuriers, même si ceux-ci ont cherché la clé dans toutes les autres fichues salles. Mais cela n'arrive qu'aux vrais aventuriers, ceux habillés d'une affreuse tunique verte... Et comme ni Talon ni Ingo... Attendez ! Oui, Ingo était entièrement vêtu de vert, souvenez-vous... Des pieds à la capuche ! De dépit, ou peut-être de rage, Talon donna un violent coup de pied à la porte récalcitrante. Là, elle s'ouvrit. Comme quoi les portes aux serrures rouillées...
Cette fois, au lieu prendre le chemin menant à la magnifique salle permettant de faire remonter le niveau de l'eau, ils se dirigèrent - d'après la carte que Talon avait soigneusement gardée dans une de ses poches - vers "l'escalier" permettant de descendre d'un étage. Le petit problème était le suivant : Le fait de marcher sur les boutons faisait descendre l'eau, mais seulement d'un niveau... Le passage était envahi de l'eau de l'étang, dans laquelle nageaient encore quelques poissons. Nos deux héros devront-ils parcourir tout le vaste étage, à la recherche de quelque bouton ou levier qui permettrait de faire descendre la flotte d'un, voir même deux étages ? Heureusement, nous sommes dans une légende, et cela implique quelque concours de circonstances : Comme la première fois, une voix cristalline résonna en écho dans ce couloir :
"Si le niveau de l'eau vous voulez faire chuter, alors cette phrase dix fois vous devrez répéter :
"La princesse Zelda, Attachante, Belle, Compatissante, Distordue, Elégante, Filée, Gracieuse, Hilarante, Incomparable, Judicieuse, Kalorifique, Lumineuse, Magnifique, Navrante, Opulente, Prestigieuse, Qui est aussi charmante que Raisonnable, Scintillante, Timorée, Umectée, Victorieuse, Walkirie, Xylophone, Yodelahié-hihou, et Zélée ne sait plus si elle doit charmer le Prince Charmant attendu, ou partir chercher l'âme soeur du frère aimé par son père, ou encore raconter que sa vie est aussi ennuyeuse que ce qu'elle voulait dire, sous-entendre le soutien sous-jacent de son sous-fifre sous-développé, ou même..."
Elle était aussi exaspérante aux oreilles de Talon que dans ses souvenirs...
- Vous pensez vraiment que nous pouvons répéter ça... dix fois ?
- Il faudra bien, renchérit la voix, si vous voulez avoir une chance de trouver ce que vous cherchez...
- Mais c'est impossible !
- Bon, et bien, j'aurais au moins essayé de vous aider...
- Attendez, cria Ingo, on va au moins essayer ! Répétez-le une dernière fois, s'il vous plaît...
Mais la voix ne répondit pas... Peut-être était-elle partie ? La descente d'Ingo et de Talon allait-elle s'arrêter ici ? Non, bien sûr, car si la voix ne répondait pas, c'était parce qu'elle ne pouvait pas répéter... Elle avait oublié ses propres paroles... Et comme elle était de bonne foi, ce qui se fait rare de nos jours, elle fit quand même baisser le niveau de l'eau. Et même de deux étages !
Sans même un remerciement, ils descendirent l'échelle de corde que l'on pouvait maintenant voir. Arrivés en bas, une sensation de froid les envahit : Leurs pieds étaient mouillés de l'eau qui ne s'était pas totalement échappée. Ce serait bête d'attraper froid à cause de ça... Ingo avait faim : Il sortit une bouteille de lait Romani, qu'il partagea avec Talon. C'est vrai que c'était une boisson délicieuse. Ils longèrent un nouveau couloir, éclatant plusieurs bulles au passage, traversèrent une ou deux salles... avant d'être à nouveau bloqués par l'eau. Et cette fois, aucune voix sympathique pour les aider. Juste des leviers, des geysers, des écrous géants à tourner, encore des boutons, toujours des boutons... Un certain ordre des choses était censé libérer le passage. Mais il y avait tellement de commandes à actionner qu'il faudrait plus d'une seule vie pour résoudre cette énigme. Pourtant ils essayèrent : En tournant la première manivelle, un geyser disparut et ils purent aller actionner un bouton, ce qui eut pour effet de libérer un passage par-dessus l'eau du départ, mais le passage était à nouveau bloqué, et ce n'est pas grave si vous ne comprenez rien, et ce n'est pas grave si vous ne comprenez rien, et ce n'est, vous avez l'impression de lire toujours la même phrase vous êtes fatigués par cette histoire soporifique, et vous avez décroché depuis plus de dix pages mais vous continuez inlassablement votre chemin entre ces lignes indéchiffrables et ces phrases beaucoup trop longues et qui ne disent absolument rien alors je vais maintenant m'arrêter là...
Toujours est-il que peu à peu, ils réussirent à avancer dans cette grande et tortueuse salle. Au bout d'une heure, ils finirent même par la traverser entièrement. Il faut dire qu'à eux deux, ils étaient assez intelligents... Après il faudra tout refaire en sens inverse (espérons qu'ils n'aient pas à courir contre la remontée de l'eau comme la fois précédente...) Bonne chance ! Finalement, ils atteignirent un ultime bouton. Un bouton rouge... Et quand Talon marcha enfin dessus, le bruit de suintement retentit de nouveau, et toute l'eau disparut. Comme par magie...
Enfin, ils arrivèrent au niveau - 4 du secret donjon, mais ils n'avaient toujours pas vu de joncs... Trop discrets peut-être. Enfin, d'après ce que Talon connaissait de ces plantes, elles n'étaient pas du genre à laisser passer des voyageurs vagabonds... Surtout dans un donjon comme celui-ci. Et justement, dès la première salle qu'ils visitèrent dans ce quatrième sous-sol, des plantes carnivores firent leur apparition, claquant bruyamment des mâchoires. Là, à gauche, à droite, dans l'eau, au plafond ! Il y en avait partout ! De peu, Ingo aurait eu la tête arrachée. Le cou de l'agresseur était juste un rien trop court... D'un coup d'épée rapide, le jeune fermier lui coupa la tige, et la tête, c'est-à-dire la fleur bleue munie de dents, tomba dans l'eau. Là, elle commença à nager, presque comme un petit chien, et se rapprocha de nos héros. Talon la transperça d'un coup de son grappin mécanique, et la fleur s'immobilisa, avec un petit cri aigu. Ils comprirent la leçon : Ne pas en attaquer plusieurs en même temps, au risque que tous se précipitent vers eux. Talon s'approcha du jonc, et l'examina... Malheureusement, pas de trace de sécrétion. Notre héros, qui avait tiré des leçons de son voyage, trouva la solution... Elle avait pour nom missile teigneux ! Il en utilisa son dernier exemplaire, qui fit exploser un jonc comme le blob, et comme la bosse d'Ikana. Un liquide vert et gluant gicla autour de la plante... Secrète sécrétion ! Il y avait juste un petit problème, remarqua Talon : Comment devaient-ils prélever ce liquide, et avec quoi en transporter ? Assez vite, une réponse s'imposa : Encore une fois, il devrait utiliser la magie noire d'Aaron. Ingo prêta généreusement sa bouteille de lait vidée, qu'il posa sur le rebord du bassin. Talon de son côté prononça quelque incantation mystérieuse, et une grande goûte de liquide s'éleva. Infiniment lentement, elle se dirigea au-dessus de la bouteille, et tomba soudain. Dans un bruit d'éclaboussure, le flacon se remplit, mais ne semblait pas fondre... Excellente nouvelle ! Ingo le reboucha, et l'offrit à son compagnon. Maintenant ils pouvaient faire demi-tour, abandonnant les secrets joncs là où ils les avaient laissés.
Pour traverser la salle aux leviers, aux geysers et aux manivelles, ils ne mirent pas plus de trente secondes : Ils avaient plongé dans l'eau, et la traversèrent à la nage. En sortant de l'autre côté, ils furent prit d'un fou rire... Ils avaient l'impression d'avoir enfin pris le donjon à son propre jeu, de s'être bien moqués de son créateur. Méfiez-vous, dans les donjons officiels, aucun obstacle n'est franchissable aussi facilement... Toujours hilares, ils remontèrent les deux ou trois étages restants, et sortirent de l'étang vide. Sans se calmer, et ignorant Côme le tenancier, ils quittèrent le stand de pêche. (Talon, au passage, emmena son poisson.) Pourquoi c'était toujours aux héros de régler les problèmes des autres ? Si le gérant avait envie de clients, il devrait lui-même descendre dans le temple et faire revenir l'eau. Quelque part, dans un sous-sol obscur, entre Secret Joncs Sécrétant Secrètes Sécrétions, une voix cristalline hurla de dépit...
Bien qu'ils aient passé de très bons moments ensemble, Talon et Ingo se quittèrent bientôt. Ce dernier ne voulait pas visiter Hyrule comme lors d'une visite guidée, mais plutôt l'explorer comme un aventurier solitaire, découvrant des endroits que jamais personne ne connaîtrait. Cette fois, les adieux se firent moins difficiles, car ils avaient l'habitude... Une chose était sûre, Talon et Ingo n'auraient plus d'occasions de se revoir. Ce dernier jura de passer le bonjour à Romani et promit de consoler cette dernière... Et d'être toujours à ses côtés, pour le meilleur comme pour le pire. Avec un dernier sourire, ils se quittèrent.
D'abord, Talon se rendit à la petite maison près du lac, et le vieil homme lui offrit la lotion demandée par Sheïk, en échange du contenu de la bouteille. Il en fut mille fois remercié. Ensuite notre héros fit un dernier inventaire, avant de se mettre en route vers le Bourg d'Hyrule : Il avait Andélis, et maintenant le plus gros poisson de l'étang attaché à lui ; il avait l'âme et la fée ; le Blob de Mùlia et le lait Romani ; il avait peut-être la preuve d'un amour véritable ainsi que la potion du savant. Il lui manquait juste le masque des amoureux... C'était trop bête ! Mais il se mit en route.
Devant lui s'élevaient maintenant, imposants mais consolateurs, les remparts du Bourg d'Hyrule. Jamais leur vision n'avait fait autant plaisir à Talon. Ils signifiaient le retour au pays, mais surtout le retour au calme. Oh, combien il avait hâte d'en finir : Donner ce que voulait Sheïk, et enfin retrouver son vieil arbre. Il passa la haute porte de pierre, et tout de suite ressentit une profonde émotion. Toute cette... ambiance typique à la Place des Fêtes : Les petits commerces tout autour, les villageois sortis pour le marché, ou simplement pour parler, formait une foule joyeuse ; par-ci par-là des troupes de quatre ou six gardes marchaient au pas ; là-bas près de la fontaine, des couples dansaient, entraînés par les musiciens qui jouaient un air enjoué (il y avait même des lyres...), un peu plus loin sous une toile volant au vent ; au petit restaurant du coin, on mangeait dehors sur la terrasse, et l'odeur des plats se répandait sur l'ensemble de la place. Talon avait la soudaine envie de faire à nouveau partie de ce tout : Ainsi, il aurait l'impression d'exister.
Quand il avait quitté son village, il était content de changer d'air, de sortir, et maintenant qu'il avait vécu tout ça... Combien de temps cette impression de bonheur durera-elle ? Combien de temps restera-il ici, avant que la monotonie du quotidien ne le reprenne, et qu'il ait à nouveau soif d'aventures ? Il décida de remettre cette question à plus tard, et traversa plus heureux que jamais la Place des Fêtes.
Il arriva finalement près de la grille du château, et retrouva le garde impassible qui la gardait. Et maintenant ? Peut-être que Sheïk savait qu'il manquait un objet à Talon, et ne viendrait pas... D'ailleurs comment allaient-ils se retrouver ? Ils n'avaient pas fixé de rendez-vous, croyait notre héros. Pourtant un homme posa une main sur son épaule : C'était Sheïk !
- Je pensais t'avoir dit que tu pouvais me trouver au temple du temps... (Ah si, il y avait bien un lieu de rendez-vous...) Alors, as-tu tous les objets que je t'ai demandés d'apporter ?
Le noeud dans l'estomac de Talon refit son apparition.
- Je... non, bredouilla-il, il me manque le masque des amoureux...
- C'est sans importance.
Talon était stupéfait, littéralement cloué sur place.
- Quoi ?!
- N'es-tu pas satisfait, Talon, d'avoir entrepris ce voyage ? Regrettes-tu d'avoir pêché le plus gros poisson de l'étang, d'avoir bravé les dangers du puits, repoussé une horde de spectres, d'avoir échappé au roi maudit d'Ikana ? N'es-tu pas content, finalement, d'avoir rencontré tant de personnes qui t'ont soutenu dans tes épreuves, qui t'ont fait confiance, et qui ont été tes amis ?
- Comment... comment savez-vous ?
- Je le sais Talon, parce que dans toutes tes aventures, j'étais avec toi, à tes côtés. Toujours... Oui, ces objets, ceux que tu devais me rapporter, tu peux les garder, c'est sans importance. Ils sont superficiels... Mais il y a d'autres choses que tu as amenées avec toi... Celles que tu gardes dans ton coeur...
Les souvenirs, Talon...
Comme il était venu, Sheïk disparut. Il disparut comme un songe... Il ne restait à Talon plus qu'une impression de leur rencontre. Et maintenant, il lui parut évident qu'il n'avait pas encore accompli entièrement sa mission... D'un pas décidé, il se dirigea vers sa maison, où attendait une vieille mère malade.
Toute la fin d'après-midi, après avoir déposé tous les objets récupérés, ainsi que la soirée, Talon raconta son voyage à sa mère. A sa mère, mais aussi à tous les habitants du village qui le connaissaient, et qui n'avaient jamais franchi ne serait-ce que la grille de celui-ci. Et dans ce genre de petits villages, tout le monde se connaît... Elle l'écouta, les lèvres pincées : Il y a longtemps, son défunt mari (ou était-il encore en vie ') avait cette même passion dans la voix... Maintenant que son fils avait goûté à l'aventure, elle ne pourrait pas le garder enchaîné ici, car tôt ou tard, il voudra repartir... Cette fois pour toujours ! Alors qu'il l'avait quittée, elle s'était juré de ne plus lui adresser la parole... Peut-être avait-elle cru que son fils ne reviendrait jamais... Mais elle fit comme si elle ne s'en souvenait pas, comme si les derniers mots qu'elle avait dits à Talon n'étaient pas : Sors de cette maison, fils, et n'y reviens pas avant que mon corps mort et mon âme envolée vers un monde moins cruel. Pourtant elle écouta, car elle le comprenait, et acceptait ses décisions.
Vers vingt-deux heures trente, la mère décréta qu'elle allait se coucher, et qu'elle préférait garder la fin pour le lendemain soir. Tout le petit monde s'en alla, ne laissant pas tout à fait la maison comme il l'avait trouvée. La soirée de Talon, en revanche, n'était pas terminée : Il devait encore aller retrouver un vieil ami à la limite de la ville.
C'était un pacanier centenaire, parsemé de bonnes noix, et dont les longues racines permettaient facilement d'y allonger son dos, parfait pour les voyageurs fatigués avides de faire une pause... Talon adorait passer du temps en sa compagnie, et il était devenu un véritable ami. Ce soir plus que jamais, il apprécia le contact de l'écorce, son agréable odeur, et profita de sa réconfortante rigidité. Entre ses feuilles presque jaunies, il pouvait voir le ciel, encore une fois infini et étoilé... Talon pensa à Termina (Voler dans le ciel infini, LIBERTE, si loin, ensemble, à jamais) et s'endormit.
Il était maintenant de retour dans le lavoir du Bourg du Temps, lors d'une nuit comme celle-ci, et il se sentait bien. Près de lui, également blottie contre le pacanier, une personne... Talon la connaissait, c'était évident, mais il ne la voyait pas. Il devait faire quelque chose, il le sentait... car tout n'est que sensations. Il ne pouvait pas voir son visage, mais sut qu'elle le regardait, et souriait. Elle tendit sa main effilée, avec laquelle elle tenait un objet. Talon savait ce qu'il devait faire à présent... Lentement, il sortit ce quelque chose qui pesait dans sa propre poche, et glissa vers la personne. Ils se touchèrent à présent (sa peau était froide, mais son coeur était chaud) et se blottirent l'un contre l'autre. Maintenant, ils volaient bel et bien dans le ciel, au-dessus de la ville, et au-dessus de tout. Ils partageaient ce tout. Il voyait l'immensité de la liberté, et la profondeur de l'infini... Il entendait la musique du bonheur et le chant de l'apaisement. Il sentait l'air frais, sentait une odeur inconnue mais pourtant familière, sentait les étoiles, et sentait la vie tout entière. Talon donna, Talon reçut. Tu es moi, je suis toi, et nous sommes Un...
Ce n'était pas un rêve, ce n'était pas un souvenir, c'était un sourire.
La sensation le quitta comme un liquide, ou comme une bouffée d'air matinal qui s'échappe. Les sourires oubliés se transforment en souvenir... Et maintenant, elle n'était plus qu'un souvenir... Un souvenir amer, comme si quelque chose n'était pas normal. (Trop normal pour être compréhensible.) Mais les sourires qui réchauffent le coeur y laissent aussi une marque brûlante... Talon ne savait plus. Il était toujours allongé aux côtés de son ami, et soupira. En fait, une noix de pékan lui était tombée sur la tête... Quelque chose avait changé dans sa vie, quelque chose qu'il ne pouvait définir... juste... une impression. Machinalement, il porta la main à sa poche. Et il y avait bien un objet, un dernier objet: c'était blanc, très léger, et avait la forme d'un visage. Un motif séparait schématiquement ce visage en deux, comme s'il était l'union de deux personnes différentes. Il ne connaissait pas cet objet, mais sentit ce qu'il était... La fantaisie ultime, la sensation finale. Talon le caressa, et sut qu'il s'agissait du masque des amoureux.
Il ne faut jamais vivre dans les souvenirs, c'est se torturer inutilement que d'y penser. Pourtant chacun possède quelque chose capable de faire revenir ces instants du passé, comme une habitude ou un endroit fétiche... Talon gardait ses souvenirs dans son coeur, comme l'avait conseillé Sheïk, mais pas uniquement. (Bonne ou mauvaise chose, je ne sais pas...) Il garda longtemps certaines marques de son voyage, à commencer par la série d'objets qu'il avait ramenés, et un jour il pourra dire à ses enfants : J'ai vécu !
Mais ce jour arriva plus vite que prévu... Talon n'habitait plus chez sa mère à présent, mais dans le petit ranch qu'il avait construit de ses propres mains (mais avec l'aide de quelques habitants du Bourg d'Hyrule, spécialement ceux qui avaient écouté son récit). Il était bâti à l'image de la ferme Romani, avec un manège en son centre pour ses chevaux, une étable pour ses vaches, et une grande maison. Andélis y vivait sa vie également, et il avait trouvé du réconfort auprès d'une magnifique jument à la robe brune et à la crinière blanche. Oui, Talon était heureux : Il avait de nombreuses poules - je dis ça parce qu'il adore les cocottes - et le samedi soir il organisait parfois de grandes fêtes, essayant au mieux de reproduire l'ambiance du Milk-bar. Le lait Lon-Lon (c'est ainsi qu'il l'appela) fut bientôt reconnu pour son goût exceptionnel et ses nombreuses valeurs nutritionnelles à travers Hyrule tout entière. Près du mur d'enceinte, il avait planté un jeune pacanier (à partir de la noix du premier arbre), afin de ne pas être dépaysé, qui très vite lui donna toute l'ombre dont il avait besoin pour roupiller.
Aaron mourut, car il n'avait pas accompli sa mission : Le roi était au courant de son échec (Bien que le père de Romani ne soit plus de ce monde). On l'avait assassiné. Cet événement boucla l'apprentissage de Termina, qui disparut dans l'ombre... Elle n'était plus certaine de vouloir servir le roi... Ingo réussit à guérir la fermière, avec le temps, car il avait lui aussi compris que le sourire est le meilleur remède contre la détresse ! Kafu s'était réfugié dans les bois perdus, et peut-être traîne-il toujours, déprimé, quelque part entre les deux mondes... Anjeï, désespérée, finit par se donner la mort, à l'âge de vingt-huit ans, un jour de Carnaval du temps, alors que tout le monde était heureux. Côme ment toujours, la voix du secret donjon se porte bien, et le fameux Goron arriva bel et bien sur la lune...
Un peu plus d'un an s'était écoulé, lorsqu'elle revint... C'était un jour d'automne, et Talon s'était assoupi sous les feuilles jaunies de son nouvel ami. Une douce odeur le réveilla : Il la connaissait bien, l'associait aux fleures roses d'un cerisier. Sous ses yeux seulement à demi ouverts, l'odeur se transforma lentement en le corps d'une très belle femme. Elle était habillée d'une robe rose très pâle et très légère, qui volait au vent, comme sa chevelure, et portait dans ses bras un lange... Oh, vision de l'absolu ! Ce ne pouvait être qu'un ange venu remercier Talon pour ses services... Elle avait pourtant comme un air de famille avec...
- Tu vois, dit l'ange, pour toi j'ai mis la tenue de soirée...
- Comment est-ce possible ? Tu ne peux pas être là, devant moi...
- Un petit peu plus d'un an s'est écoulé Talon... Je suis maintenant un mage noir accompli.
Cette idyllique personne ne pouvait être un... Ou peut-être Talon ne voulait-il pas comprendre ?
"Je peux voyager à ma guise entre les mondes... Et je suis revenue.
Talon avait les larmes aux yeux maintenant : Le souvenir était devenu...
"Tu ne dois pas... pleurer... C'est passé. Des souvenirs. Je ne peux pas rester longtemps, alors...
"Tu es un souvenir ?" demanda Talon.
"Non, le sourire est un souvenir, la magie de l'instant est un souvenir, mais moi je suis bien réelle..."
Elle retourna les langes, et une petite tête joufflue fit son apparition entre les plis. Talon ne pouvait rien dire...
"Autrefois, lorsque j'avais besoin d'aide, tu fus là pour moi... Jamais je ne l'oublierai. Mais maintenant, disons que celle-là me pose un petit problème...
(Elle sourit en regardant son enfant...)
"Talon, je sais que tu t'en occuperas parfaitement... Que tu seras un bon père... Tu as une grande ferme maintenant. Rends-moi ce dernier service, je t'en conjure, au nom de notre..."
Il prit le bébé des bras de Termina... qui soupira.
"Elle s'appelle Malon."
Comme par magie, un chant magnifique retentit dans Lon-Lon... Une musique céleste, envoûtante, un piano, peut-être des violons, des choeurs, et l'ange s'envola ! Malon leva sa petite main en signe d'adieu. Talon la regarda lentement partir - il pleura - jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un point blanc à l'horizon, et qu'elle disparut, finalement...
Un message de feu s'élève vers le ciel,
De plus en plus haut, oh, j'aimerais pouvoir m'envoler,
Sortir de l'histoire, cette fois je serais libre,
Me réveiller pour un moment de ce rêve.
Juste une légende, des mots glacés sur une page,
Je lève les yeux et m'envole,
Je déploie mes ailes d'argent vers le soleil,
Et quitte cette ville pour le ciel infini.
Au-dessus des ruines, une lueur ancienne,
Jamais perdue, jamais vaincue.
Suis-moi sur le chemin des hauteurs,
Avant que les ombres s'estompent dans la nuit.
Revenir, car je n'ai plus le temps.
Je pourrais tout dire
Entends les mots que ressent mon âme
Comment puis-je dire qu'elle est mienne ?
Ceci est un hommage !
FIN
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Max". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.