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Les enfants perdus

Ecrit par Max en 2006
Chapitre 1 : Dans les bois perdus

Comme tous les jours en se réveillant, Link but du lait fraîchement trait de sa vache, cadeau de Malon. Mais le lait était fade, lui qui avait été si goûteux.
- As-tu un problème, ma jolie ? demanda Link à la vache.
Pour toute réponse, elle émit un petit "meuh" plaintif. Link sentait qu'elle n'était pas dans son état normal. Il passa la main à travers ses épais cheveux blonds et observa la vache sous tous ses profils afin de découvrir la cause du problème. Link, au travers de ses voyages, avait vu de nombreuses choses extraordinaires mais poussa tout de même un cri d'étonnement en voyant les tâches noires de la vache couler le long de son corps, formant une flaque sombre à ses quatre pieds. Aussitôt le nez de Link fut assailli par une odeur nauséabonde. C'est à ce moment qu'il remarqua l'absence de Navi, sa fée. Chaque Kokiri avait sa propre fée pour lui tenir compagnie et le conseiller. Celle de Link l'avait accompagné au cours de ses quêtes et l'avait soutenu dans les moments difficiles et l'avait éclairé dans les ténèbres. Elle ne l'avait jamais quitté depuis que le vénérable arbre Mojo, un sage, lui avait confié la mission de veiller sur Link. Son absence inquiétait encore plus le garçon. Puis l'odeur avait atteint le degré de puanteur insupportable et Link fut contraint de sortir de sa maison, construite au sommet d'un arbre. De son balcon il voyait par-dessus la forêt vers la plaine d'Hyrule. Il voyait en dessous de lui des enfants vêtus de vert essayer d'arracher des touffes d'herbe, sans grand succès. Puis un point rose se rapprocha de lui. Il n'y avait aucun doute : c'était Navi. Elle l'avait rejoint et tournait autour de lui en lui murmurant que Saria lui avait donné rendez-vous au bosquet sacré. Oubliant sa vache, il sauta d'un cran l'échelle et courut en direction des bois perdus. La première hutte dépassée, une voix acide l'interpella :
- Je t'interdis d'aller à nouveau voir Saria, sous peine d'être exilé de notre belle forêt.
C'était Mido, un garçon du même âge que Link, vantard et provocateur, il ne perdait pas une occasion de le rabaisser. Il était membre du grand conseil et se permettait depuis lors de lancer des ordres de-ci de-là. Il portait l'habituelle tenue des Kokiris, une corde lui servant de ceinture. Un bonnet vert recouvrait ses cheveux bruns qui eux-mêmes cachaient ses yeux.
- Comment peux-tu te permettre de me donner un ordre pareil ? répondit Link.
- Ordre du grand conseil... Maintenant qu'elle est sage de la forêt, elle ne doit plus recevoir de visites. D'ailleurs, ça ne te ferait pas de mal d'abandonner Saria. Entre nous : ça m'arrange. Elle se vexe, te laisse tomber et ne s'intéresse plus qu'au beau, au jeune, au magnifique Mido... Moi !
Link dégaina son épée et menaça :
- Laisse-moi passer où je te transperce de mon épée !
- Tu n'oserais pas, déclara Mido.
- Je ne plaisante pas lorsqu'il s'agit de Saria.
L'autre s'écarta et Link marcha d'un pas alerte droit devant lui. Il n'entendit pas Mido grommeler : "Tu le regretteras" en entrant dans les bois perdus.

A peine la première ouverture franchie, les bruits extérieurs disparurent, et seule demeurait une musique entraînante jouée à la flûte, surgissant de l'intérieur même des haies. C'était une musique vive et joyeuse et Link semblait l'avoir déjà entendue quelque part. Il connaissait son chemin par coeur et n'eut pas de mal à atteindre le bosquet sacré, là où il se retrouvait régulièrement avec Saria. Les deux enfants se connaissaient depuis leur naissance, il y a de cela douze ans, et avaient tous deux perdu leurs parents. Ils étaient devenus inséparables... Mais depuis que Link devait voyager et que Saria avait été élue sage de la forêt, ils se voyaient de moins en moins souvent. Mais elle n'était pas là. Seule résonnait la musique de flûte de plus en plus proche. Soudain, Link entendit une voix murmurer à son oreille :
- Joue avec moi, disait la voix mystérieuse, je n'ai pas d'amis. Saria a été enlevée, je suis le maître, non pitié, pas moi, meurs ! Je suis perdu dans ces bois et tu cherches la princesse... Tu... dois... mourir !
Toute une série de paroles dénuées de sens. La voix était familière à Link. Il donna des coups d'épée dans le vide et la voix émit un rire froid.
- Tu penses sérieusement pouvoir me vaincre une nouvelle fois, Link ?
Peu à peu, les contours flous de Skull Kid apparurent devant Link. Il portait un énorme chapeau de paille et une espèce "robe" assortie au chapeau par-dessous laquelle il portait un "pantalon" de brindilles de feuilles tissées. Fait de la même matière il portait des mitaines couvrant ses mains sales. Une fée volait à ses côtés et un masque étrange lui cachait le visage : Le masque Majora. "Ainsi le masque Majora est revenu à lui, pensa Link, et s'il avait enlevé Saria ? Je sais qu'elle ne m'aurait jamais posé un lapin..."
- Non, dit Skull Kid, comme s'il lisait dans les pensées de Link, je n'ai pas enlevé Saria. Je t'ai suivi depuis ton réveil...
- Comment pourrais-je te croire ? Après tout ce que tu as fait...
- Tu le dois. Je peux t'aider à retrouver le sage.
- Alors tu sais où elle est.
- Je ne sais pas où elle est. Mais je sais où elle n'est pas...
- Dis-le-moi !
- Elle n'est pas là où elle devrait être !
Il s'esclaffa d'un rire aigu. Puis il se mit à jouer de la flûte. Link soupira. D'un autre côté, Skull Kid semblait avoir à moitié perdu la raison et ne risquait pas d'être une menace.
- Je n'ai pas d'amis, reprit-il, sois mon ami. S'il te plaît...
- Après tout, pourquoi pas ? se dit Link.
Puis il sourit à Skull Kid.
- D'accord...
- C'est vrai ? demanda le joueur de flûte, comme s'il ne s'attendait pas à ce que Link accepte. Voyant que Link ne changeait pas d'avis, il sourit sous son masque et se mit à sautiller d'une jambe et joua de nouveau le même air sur sa flûte traversière en bois. Puis il s'interrompit. Il avait repéré l'instrument que portait Link. C'était un ocarina. Un ocarina, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est un instrument à vent en terre cuite ou en métal (ici en terre cuite) de forme ovoïde percé de trous et muni d'un bec pour souffler. Maintenant, Skull Kid le montrait du doigt.
- Joue ! ordonna-t-il. Mon ami... s'empressa-t-il d'ajouter.
Et Link joua. Skull Kid ferma les yeux et se mit à danser. Il sautait, soulevait les jambes au-dessus de sa poitrine, tourbillonna et plus la musique accélérait, plus ses mouvements se faisaient élargis et compliqués. Link continua de jouer appréciant de voir danser son nouvel ami. Celui-ci lui rappelait un épouvantail qu'il avait autrefois connu qui lui aussi adorait danser. Skull Kid bondissait et riait tel un chien enjoué... Maintenant, les deux fées virevoltaient à ses côtés en passant en dessous de lui ou en décrivant des cercles au-dessus de lui en laissant des traînées or et violettes sur leur passage. Link accéléra encore le tempo et ne voyait plus les jambes de son ami toucher le sol... Puis, chose étrange, la flûte en bois flottait à un mètre du sol et accompagnait Link dans sa foulée. Celui-ci faillit arrêter de jouer sous l'effet de la surprise mais s'était reprise juste à temps. Ça faisait déjà dix minutes que Link improvisait un solo d'ocarina mais Skull Kid ne se lassait pas. Link ne l'aperçut que plus tard mais Skull Kid s'élevait peu à peu dans les airs, continuant de danser comme si de rien n'était. Sûrement ne s'en était-il pas aperçu lui-même. Puis Link ralentit, la flûte également et tout se passa en un quart de seconde : Skull Kid tomba par terre, une ombre apparut derrière Link et le frappa si fort qu'il tomba lui aussi par terre avec un bruit sourd.

Link se réveilla enfin. Il ne savait pas combien de temps il avait dormi là mais sut tout de suite qu'il faisait nuit en dehors des bois. Il se massa la nuque et observa les alentours : plus personne, évidemment. Puis il vit Skull Kid, allongé face contre terre. Il se précipita vers lui et le retourna sur le dos. Il sauta sur ses jambes : Skull Kid ne portait plus le masque Majora et là où il y aurait dû se trouver un visage, il n'y avait rien. Aucune forme, juste un trou noir comme les ténèbres de la nuit. Qui était-il ? Une sorte de démon ou un membre d'une tribu de sans visage ? Quoi qu'il en soit, il avait prêté serment d'amitié et ne pouvait donc pas l'abandonner ici. Il posa la tête sur la poitrine du joueur de flûte et remarqua avec joie que son coeur battait allègrement. Celui-ci se redressa brusquement, repoussant Link et dit d'une voix démoniaque :
- Il va payer de son sang le vol de mon masque et maître. Je vais le trouver et le punir pour son outrecuidance...
Link l'observa avec des yeux ronds. Se pouvait-il que l'ami qu'il avait à peine connu soit à nouveau possédé par le masque Majora. Il devait le réveiller avant qu'il ne bascule entièrement dans la folie. Il le prit, le secoua, le gifla mais il lui donna un coup de poing si violent que Link alla se cogner contre la haie opposée qui en fait était plus dure qu'il n'y paraissait. Skull Kid se releva et prit la direction du trou par lequel Link était entré. Puis arrivèrent les deux fées portant un seau qui faisait pas moins de cinq fois leur taille. Elles déversèrent son contenu sur la tête de Skull kid : c'était un liquide vert visqueux. Aussitôt, Skull Kid se mit à hurler.
- Mais c'est quoi ce truc ? demanda Link à Navi.
- C'est de la bave de blob.
Link émit un grognement dégoûté. Un blob était une créature vert fluo transparente genre guimauve. Elles rampent doucement vers leurs victimes et les avalent entières sans se soucier de mâcher (d'ailleurs ils n'ont pas de dents), leur suc gastrique se charge de la digestion. Aujourd'hui, elles ont complètement disparu d'Hyrule... Bref, Skull Kid poussa un hurlement de douleur. Quelques secondes plus tard, il se tut. Puis...
- Salut mon ami. C'est lui, c'est un Kokiri. Il m'a attaqué...
- Qui ? Mido ?
Skull Kid réprima un sourire mauvais.
- Oui...
Ce simple mot suffit à donner de l'entrain à Link. Quelque part au fond de lui-même, il le savait déjà ...
- Tu va voir, dit Skull Kid, on va le retrouver et libérer Saria.
Il fit des mouvements rapides de la tête. Link eut peur, croyant qu'il fut atteint d'une crise. Pourtant, Skull Kid rigola.
- J'ai voulu te faire un clin d'oeil, mais j'avais oublié que je n'avais plus d'yeux...
Il soupira.
- Mon visage me manque horriblement, si tu savais. Mais je continue de croire qu'un jour je vais le retrouver.
Il avait donc "perdu" son visage. Bizarre. Il ne se doutait pourtant pas qu'il allait très bientôt le retrouver.

Maintenant que Mido avait le masque Majora, un nouveau périple allait commencer. Il devait retrouver Mido, lui prendre le masque et le détruire, afin qu'il ne cause plus jamais de tort. Link exposa son idée à Skull Kid et celui-ci accepta avec joie. Ils sortirent des bois, demandèrent à un villageois dans quelle direction Mido s'était dirigé et comme Link s'en doutait, il leur dit qu'il était sorti de la forêt. Cela signifiait qu'ils devraient traverser la plaine d'Hyrule et le traquer à travers le pays.

Ils sortirent donc eux aussi de la forêt, décidant de d'abord aller au château demander conseil à la princesse Zelda. Ils devaient donc fouiller le pays en quête du plus petit indice pouvant les mener sur la piste de Mido, empêcher le masque Majora d'agir et sauver Saria.

Chapitre 2 : La guerre des ranchs   up

Link et Skull Kid avaient à peine parcouru le quart de leur trajet vers la ville que déjà la nuit était tombée. Le temps à Hyrule n'était pas le même à l'époque : Le soleil se levait à huit heures du matin, puis se couchait à deux heures de l'après-midi pour laisser place à la lune, qui elle-même laissait sa place au soleil à cinq heures du soir pour à nouveau au tour de la lune à huit heures du soir et ainsi de suite. Ce système complexe de la nature déroutait complètement les nouveaux venus et même certains des plus vieux habitants du pays. Par contre, le temps s'arrêtait complètement dans les endroits habités, c'est-à-dire que les habitants vivaient et bougeaient normalement sauf que le soleil (ou la lune) ne changeait pas de place dans le firmament. Seul changeait l'éclairage, c'est-à-dire jour ou nuit, si la princesse Zelda quittait un de ces endroits pour aller faire un tour dans des régions plus désertes, comme la plaine d'Hyrule par exemple. C'est ainsi que la nuit fit son apparition dans la plaine d'Hyrule, laissant un sentiment de panique sur son passage. Le hurlement d'un loup retentit au loin, déchirant le silence de l'obscurité. Les deux compagnons ne dirent mot de crainte de réveiller un des monstres hantant la plaine la nuit. En effet, une fois la nuit tombée, toutes sortes de monstruosités apparaissaient dans la plaine : esprits, momies, squelettes... Il y avait également le fantôme d'un fossoyeur, répondant autrefois au nom d'Igor, qui hantait les lieux.
Soudain, Skull Kid empoigna Link et lui signala qu'il avait entendu une voix. Link tendit l'oreille et l'entendit lui aussi : Une voix rauque et lointaine chantait tout doucement un refrain (sur l'air de Se Canto) :

Je suis le marathonien,
Et m'en vais courir,
Tout autour des ranchs,
Sans jamais m'épuiser.

Elle ne devait être à pas plus de quelques mètres d'eux mais la nuit avait considérablement rétréci leur champ de vision et leurs yeux ne s'étaient pas encore habitués à l'obscurité. (Un des mystères demeurant entier de mon récit est celui-ci : comment quelqu'un comme Skull Kid, si vous voyez ce que je veux dire, pouvait-il voir, sentir, manger etc.) Puis, une voix les interpella :
- Hep ! vous deux, dit-elle, vous pouvez vous décaler de deux mètres sur la gauche ?
- C'est ça... répondit Skull Kid, qu'est-ce qu'il y a comme piège à deux mètres sur la gauche, et dans lequel tu veux nous faire tomber ?
La voix, qui en fait était celle d'un homme maigre et fatigué, rit.
- Non, je ne suis pas votre ennemi. Je suis un marathonien officiel d'Hyrule. La nuit je cours à travers la plaine. Je fais cinq tours et je rentre chez moi. Pour cela je prends toute la nuit. Et le jour je me repose de mes exercices nocturnes.
- Bonsoir, dit Skull Kid, mais, dis-moi, pourquoi est-ce que tu cours comme ça ?
- Pour m'entraîner pour le marathon annuel, répondit le coureur, mais chaque année, une fois la grande course arrivée, je suis trop fatigué pour y participer...
- Mais pourquoi vous vous entraînez dans ce cas ?
- Bah pour le plaisir de gagner.
- Mais vous ne pouvez pas gagner sans participer, non ?
- Mais si ! Comme je suis un marathonien officiel d'Hyrule, je gagne à chaque fois, vous me suivez ?
Link et Skull Kid se regardèrent l'air de dire : T'as compris, toi ? Le coureur les vit et s'expliqua :
- C'est-à-dire qu'en fait, je suis le seul homme qui ait le courage de courir. Et comme je suis le seul marathonien officiel d'Hyrule, à chaque fois je suis désigné vainqueur. Bon. Je vais vous laisser...
Puis il reprit sa course folle. Environ un quart d'heure après avoir rencontré le coureur, ils rencontrèrent leur première difficulté : Du sol sortit doucement un squelette. Il portait un bouclier et tenait une épée. Soudain, rapide comme l'éclair, il fonça sur eux et Link brandit son bouclier afin de parer l'attaque.
- Protège-nous jusqu'à ce qu'elle arrive, dit Skull Kid.
Link n'eut pas le temps de demander "qui ?" que le squelette revint à l'assaut. Cette fois-ci, Link contra l'arme de son adversaire avec sa propre épée puis se lança à son tour en avant et le squelette n'eut pas le temps de riposter et eut la tête coupée. L'os du crâne roula à terre. Mais là, deux autres squelettes sortirent du sol, en plus du premier qui se releva sans tête. Link n'allait pas tenir longtemps sans l'aide de son ami. Une musique forte et très rapide se fit entendre.
- La voilà ! dit Skull Kid.
Il tendit une main en avant et la source de la musique vola droit dedans. Il referma sa main sur sa longue flûte en bois. Maintenant les trois squelettes attaquèrent en même temps, leurs épées levées hautes au-dessus de leur tête. Link n'aurait jamais pu éviter les trois lames. Il serait perdu si les trois ténébreux personnages ne s'étaient figés sur place. Skull Kid avait joué un son grave et pénétrant qui avait arrêté leurs ennemis dans leur élan. Puis, il joua une courte mélodie de huit notes qui commencèrent graves et qui montèrent dans les aiguës. Puis la nuit disparut soudainement, le soleil fit son apparition au-dessus du Péril et un coq chanta quelque part vers le nord. Cette mélodie mystérieuse avait sans doute détraqué tout le cycle jour/nuit car à présent le soleil se lèverait à trois heures et vingt-trois minutes de l'après-midi (heure à laquelle Skull Kid avait joué le chant) au lieu de huit heures du matin, et se coucherait sept heures plus tard etc. Au contact de la lumière, les trois monstres retournèrent de là où ils étaient venus c'est-à-dire de la terre.
Cela faisait cinq heures qu'ils étaient sortis de la forêt Kokiri et qu'ils marchaient dans la plaine vers le nord. Ils ne discutaient presque pas et n'avaient pas encore fait de pause. Link avait promis à Skull Kid qu'ils pourraient se reposer à la moitié du parcours qui ne devait pas tarder à "apparaître". Link lui avait parlé d'un ranch nommé Lon-Lon dont le propriétaire se ferait un plaisir de les héberger. Link y était déjà venu durant ses voyages et connaissait ses occupants : Un propriétaire balourd, nommé Talon, fainéant et fanatique de "cocottes" mais qui toutefois était un brave homme. Il possédait des chevaux, réputés dans tout le pays pour leur force et leur vigueur, qui avaient autrefois, contre le gré du propriétaire, servi au vil Ganondorf. Il possédait également des vaches grasses et sportives qui fournissaient un lait si exquis que les guerrières gerudos parcouraient plus de dix heures de marche pour s'en procurer. Et évidemment, dans tous les coins, à chaque décamètre carré au moins trois cocottes. Sa femme, paix à son âme, avait eu un accident mortel de cheval. De leur union était née une fille, Malon. Chaque jour, elle chantait pour sa défunte mère et attendait le prince charmant qui l'emmènerait à cheval vers des terres lointaines. Elle avait aidé Link dans ses quêtes passées et n'hésiterait pas à l'aider une nouvelle fois. Un seul et unique employé travaillait au ranch Lon-Lon : Ingo. Il était sournois et d'une mauvaise foi extrême. Il rêvait jour et nuit de prendre la place du propriétaire actuel et d'exporter son lait vers la vallée Gerudo et partout ailleurs dans Hyrule. Quand Ganondorf était au pouvoir, il avait nommé Ingo fournisseur officiel de montures pour le Suprême, c'est-à-dire lui-même, et avait viré Talon ainsi que sa fille. Mais depuis que le règne de Ganondorf avait touché à sa fin, Talon avait repris sa place et avait "licencié" Ingo.
Aussitôt que Link et Skull Kid eurent atteint le haut d'une colline, ils virent devant eux toute l'étendue nord de la plaine : Droit devant eux, à l'horizon, ils virent les remparts de la ville et plus loin encore le château où vivait la princesse Zelda. A droite ils virent les hautes montagnes, le petit sentier menant au village Cocorico, le fleuve Zora qui débouchait de la montagne et le mont du Péril, dominant le tout. Mais surtout, et c'était le plus important, ils virent au pied de la colline non pas un, mais deux ranchs. Ils étaient exactement identiques. Des murs d'environ cinq mètres les entouraient telle une forteresse.
- Bon, dit Link, on prend lequel ?
- Je dirais celui de gauche, répondit Skull Kid.
- Alors allons-y !
Ils dévalèrent la colline en courant et se dirigèrent vers le ranch de gauche. Ils franchirent la haute entrée du ranch, et remarquèrent que les murs faisaient un angle droit vers l'intérieur et c'était dans ces murs qu'étaient construits maison et étables. C'était exactement comme dans les souvenirs de Link. Une voix leur arriva de devant. Ils avancèrent encore et les murs s'arrêtèrent pour laisser place à un grand espace carré au milieu duquel était construit un enclos rempli de vaches, chevaux et cocottes. Link se dit qu'il devait s'agir de la voix de Malon et n'en fut que plus ravi. Puis ils virent une silhouette habillée d'une robe se dessiner au milieu de l'enclos. C'était elle qui chantait.
- Malon ! hurla Link.
La silhouette se retourna et Link fut pris de frayeur. C'était une fille, certes, mais sûrement pas Malon. Celle-ci portait les mêmes vêtements, avait la même chevelure mais son visage n'avait pas la beauté et l'expression de Malon. Link le remarqua tout de suite.
- Salut Malon, moi c'est Skull Kid, dit celui-ci en s'inclinant, Link m'a beaucoup parlé de vous... Et je remarque que votre beauté est telle qu'il me l'a décrite.
Malon sursauta : elle n'avait sans doute jamais vu de personne sans visage... Elle rougit malgré tout du compliment.
- Vous n'êtes pas Malon, n'est-ce pas ? se rattrapa Link.
- Non, en effet, répondit la fille, je m'appelle Angora, Ango pour les intimes. Mais dites-moi plutôt ce qui vous amène au ranch N'Go-Go.
- Ango, se permit de dire Skull Kid, l'éclat de votre intelligence m'éblouit tel un... Aïe ! Link lui avait marché sur le pied.
- Nous venons de la lointaine forêt Kokiri et cherchons le ranch Lon-Lon...
- Mais nous nous contenterons de votre modeste demeure, le coupa Skull Kid.
- Oui ! jubila Ango, restez ici. Ça me ferait tellement plaisir...
- En fait, je pense que nous...
- Où est mon lit, ma cocotte ? coupa Skull Kid.
Ango détourna le regard, gênée.
- Ça fait depuis longtemps que vous habitez dans ce ranch ? demanda Skull Kid.
- Non, nous venons juste de le faire construire - Elle soupira - Mon père a insisté pour le faire à l'identique du ranch Lon-Lon. Evidemment, les gens de là-bas l'ont mal pris. D'après mon père, ce sont tous des imbéciles. Moi je m'entends bien avec Malon, une fille de Lon-Lon. Mais mon père m'a interdit de la revoir. Mais dites-moi plutôt d'où vous venez et où vous allez...
Les deux garçons firent un résumé détaillé à leur hôtesse. Ils la firent rêver en parlant de la forêt Kokiri et de ses habitants, de leur long voyage et de leur première rencontre.
Ils étaient tous trois assis par terre quand une sorte de missile surgit de par-dessus un mur, zigzagua vers une pile de bouteilles de lait et les percuta de plein fouet. Elles volèrent en éclats arrosant les trois adolescents. Puis arriva un homme en courant.
- Alors il veut la guerre ? aboya celui-ci, il va voir, je vais le ruiner ! Il ne restera plus rien de son ranch lorsque j'en aurai fini avec lui.
Le garçon reconnut tout de suite cette voix enragée. C'était Ingo. Il n'avait pas changé depuis leur dernière rencontre. Mais il ne reconnut pas Link.
- Vous êtes qui vous ? hurla-t-il, mais ne laissa pas le temps de répondre. Vous êtes des espions travaillant pour le ranch Lon-Lon. Vous devez mourir !
Link dégaina son épée, Skull Kid sa flûte. Le second joua sans plus tarder une note infiniment grave. Pourtant, elle n'eut pas l'effet voulu : Aussitôt, une poule, puis deux, puis trois, et enfin toutes les poules du ranch (et ce n'est pas peu dire) attaquèrent les deux garçons, pinçant, griffant et battant des ailes... Les poules, en très grand nombre, ont un pouvoir de destruction très fort, et ceci en était l'exemple parfait. Les cinq centaines de poules formaient à présent une énorme boule de plumes autour de nos deux héros.
Ils ne surent jamais comment il les avait sortis de là mais Ingo les avait chacun attaché par de solides cordes à deux missiles. Ils étaient destinés à exploser dans le ranch voisin. Ingo alluma les mèches et les deux missiles partirent en trombe. Ils fonçaient droit vers le mur et ne risquaient pas de s'arrêter avant de le percuter. Mais ils ne le percutèrent pas, en tout cas pas vraiment : il avait foncé dedans mais au lieu de s'arrêter dans une explosion, les missiles suivirent le tracé des murs. Ils furent donc le nez vers le ciel en montant le haut mur, puis deux secondes droite, ensuite en direction du sol le temps de descendre de l'autre côté du mur et finalement à nouveau parallèles au sol. Une dizaine de mètres les séparaient à présent des murs du ranch Lon-Lon. Mais, comme surgi du néant, vint un chevalier en armure, montant un cheval. Il galopa à leurs côtés puis dans un acte de gymnastique incroyable, il se laissa tomber d'un côté de son destrier, se rattrapa à ses sangles, puis coupa d'un coup d'épée rapide, les liens des deux malheureux. Ceux-ci, n'étant plus attachés aux deux missiles, volèrent quelques mètres en arrière puis touchèrent le sol et roulèrent dans un nuage de terre. Le chevalier, par un salto miraculeux, revint en position normale sur sa monture. Il fit demi-tour, se dirigea vers nos deux héros, se baissa et les prit d'une main par le col pour les déposer en douceur derrière lui sur le cheval.
Ils se dirigèrent vers la ville. Ils ne trouvèrent pas la force de remercier leur sauveur mais le pensaient très fort intérieurement. Soudain, tout comme le chevalier tantôt, apparurent devant eux une cinquantaine de femmes à cheval, sans armures mais toutefois armées jusqu'aux dents. Link reconnut tout de suite les guerrières gerudos, venues de la vallée. Elles leur barraient le chemin. Le cavalier fit demi-tour, galopa quelques instants dans cette direction mais une nouvelle cinquantaine de guerrières apparurent. Ils étaient encerclés.
- Qui êtes-vous, que voulez-vous ? demanda l'une des femmes.
- J'accompagne ces jeunes hommes auprès de la princesse Zelda, quant à mon identité, vous devriez la connaître.
Le chevalier enleva doucement son casque d'acier et découvrit une longue masse de cheveux bruns. Link reconnut Impa la chasseresse. Des murmures parcoururent les rangs de Gerudos. Une moitié s'inclina, l'autre se tint droite et lançait des regards méprisants. Link sentit la division au sein de la centaine.
- Oui, je suis Impa, votre chef. Ecartez-vous de notre chemin !
Mais personne ne bougea. Une moitié serait bien partie mais fut maintenue en place par la seconde.
- Vous nous avez trahies, dit l'une d'elles, vous nous avez abandonnées trop longtemps, à jouir de tous les plaisirs à la cour, nous avons juré fidélité à Ganondorf...
- C'est faux, coupa une autre, nous sommes toujours restées fidèles à la chasseresse.
Au moment où elle eut fini sa phrase, une flèche la transperça. Elle tomba morte de son cheval. D'autres murmures parcoururent la centaine.
- Ganondorf nous a promis des vies meilleures, reprit la guerrière comme si rien ne s'était passé, il nous a promis le luxe et le repos...
Elle fut à nouveau coupée, cette fois par plus d'une vingtaine de personnes.
"Ganondorf est un menteur !" ; "Ganondorf vous manipule !" ; "C'est lui notre véritable ennemi !"
Puis Impa intervint :
- Ganondorf est mort ! Il a été tué par ce garçon ! (Elle désigna Link.) Quand celui-ci avait huit ans !
Pendant cinq secondes régna le silence puis retentit un cri : "LONGUE VIE A LA PRINCESSE ZELDA !"
Puis une féroce bataille débuta : Les Gerudos partisanes du défunt Ganondorf contre Gerudos fidèles à Zelda. Elles chargèrent et s'entre-tuèrent. Le bruit métallique des épées et de la chair déchirée retentit tout autour d'Impa, de Skull Kid et de Link. Ils étaient au coeur de la bataille et ne pouvaient plus s'échapper : ils devaient combattre. Mais comment différencier les bons des mauvais ? Impa les déposa (quel manque de responsabilité !) et chargea. Elle fit tomber nombres de ses soeurs sans se soucier de leur camp. Link aimait de moins en moins leur protectrice. Mais à présent, ils devaient se frayer rapidement un passage hors de ce cercle mortel et s'éloigner le plus possible de cette tuerie. Skull Kid remarqua avec désespoir qu'il avait perdu sa flûte.
Les chefs des deux ranchs, apercevant au loin la bataille, virent là une excellente occasion pour régler leur différents : Maintenant arrivaient, courant, volant en désordre, hommes (propriétaires et employés des ranchs) et animaux (vaches, poules, chevaux, chiens, sangliers...) se ruant dans la bataille, griffant, mordant, enfourchant, défonçant tout sur leur passage, mais se mêlèrent aux guerrières déchaînées.
Link et Skull Kid avaient pendant ce temps réussi à sortir du cercle, avec uniquement quelques égratignures. Je peux vous dévoiler, car je n'en aurai pas l'occasion plus tard, l'issue de la bataille : Plus tard, alors que presque tous les animaux (hormis deux ou trois cocottes) avaient crevé, que Talon et Ingo étaient encore vivants et que les deux camps de Gerudos avaient considérablement diminué, s'étaient ajoutés à la bataille d'étranges animaux : Ils ressemblaient à des bulbes de plantes, avec des yeux et une bouche par laquelle ils crachaient. Ingo avait succombé, vaincu par Talon lui-même. Talon n'était pas de nature agressive mais Ingo l'avait provoqué, construit le même ranch que lui, avait même recréé sa propre fille. Bien sûr, ce n'était pas une raison suffisante pour tuer un homme mais s'il ne l'avait pas tué, ce serait Ingo qui l'aurait achevé. Ça peut paraître bête mais Talon savait qu'il devait le faire et ressentit malgré tout un puissant remords le ronger. Malon, elle, s'inquiétant pour Link qu'elle avait vu depuis le ranch, avait donc décidé d'envoyer Epona, sa jument favorite, le secourir (ou en tout cas le sortir de ce cafouillage). Note : Etrange qu'elle soit venue au secours de Link et non de son père...

Link avait réussi à s'enfuir. Pas Skull Kid. Celui-ci était encore dans la bataille et Link le cherchait des yeux. Tout à coup, quelque chose lui tira la botte. Link ne l'avait pas vu arriver mais c'était un cheval qui tirait ses bottes. Link lui caressa le cou et le cheval, marron à la crinière blanche, émit un grognement.
Cinq minutes plus tard, Link chevauchait en direction de la ville abandonnant Skull Kid dans l'intention d'aller demander l'aide de la princesse. Mais les ennuis le rattrapèrent : Mido apparut, volant à ses côtés, son visage, d'habitude caché par ses cheveux, était dissimulé par le masque Majora. Voici l'occasion de décrire ce masque maléfique plus en détails : Il avait la forme d'un coeur, surmonté de deux cornes lisses. Deux grands yeux jaunes-oranges, pas de paupières ou de sourcils. Autour de ces yeux inquiétants était posé une sorte de maquillage, style égyptien. Quatre petites cornes étaient pointées vers le bas, et de chaque côté. Les couleurs, violet, rouge et noir, renforçaient l'aspect démentiel et inquiétant du masque, qui faisait complètement oublier les habits verts et joyeux de Mido. Contrairement à Skull Kid, avec qui Majora allait très bien (vêtements déchirés, déteints, etc.) Mido paraissait franchement ridicule avec ses cheveux bruns retombant de chaque côté du masque, sans parler du bonnet style "nain" vert pétant... Bref : Mido défia solennellement Link :
- Tu m'as volé ce qui m'appartenait, je te l'ai repris. Je suis le nouveau possesseur du vénérable Majora et tu as expulsé l'ancien. Tu dois donc mourir.
- Tu n'es pas le possesseur de Majora, répondit Link, il ne se laisse posséder par personne : il manipule et utilise ses porteurs en attendant de retrouver sa force. Puis il s'en débarrasse !
- Assez ! hurla Mido.
Il fit un geste de la main et le cheval se cabra faisant tomber Link à terre. Il en eut le souffle coupé. Il se souvint en une fraction de secondes que quelques années plus tôt, ils s'amusaient dans une paisible forêt, inconscients des troubles se produisant en dehors, et surtout ensemble, amis pour la vie... Il se souvint du jour où Navi vint le voir, envoyée par l'arbre Mojo, et l'entraîna vers le monde extérieur. Du jour au lendemain, celui qui avait été son meilleur ami (en dehors de Saria) devint un véritable rival. Et maintenant ils devaient s'affronter. Mais d'où venait cette aversion soudaine ? Sûrement pas du fait qu'il avait été désigné comme sauveur d'Hyrule. Non. Mido ne pourrait pas le détester pour ça. Il devrait le remercier au contraire. Puis Link eut une illumination : Mido était jaloux. Il l'enviait jusqu'à ses amis. Saria ! Elle ne l'avait jamais aimé autant qu'elle l'aimait lui. Et c'est pour ça qu'il l'a enlevée. Une vengeance totalement inutile... Une rage incompréhensible se mit à bouillonner en lui. Il se releva, hors d'haleine, fit face à Mido et cracha dans l'herbe desséchée. Il prit une flèche, tendit son arc et tira. La flèche fendit l'air. Une petite voix dans l'esprit de Link dit : "Et si le masque Majora y était pour quelque chose ?"
- Noooonnn ! hurla-t-il le temps que la flèche transperce Mido.
Transpercer. D'habitude un mot mal utilisé dans des situations comme celle-là vu que la flèche reste normalement coincée dans le corps de la victime. Pourtant, cette flèche transperça Mido littéralement sans même laisser un trou dans sa tenue. Comme si rien ne s'était passé. La flèche tomba à terre une dizaine de mètres derrière sa cible. Mido ricana mais fut coupé dans son hilarité. Il tomba à son tour. Link se retourna et vit Skull Kid muni de sa flûte. Il la tenait levée comme une épée.
- Dans les dents, gloussa-t-il. Maintenant donne-moi ce masque ou je t'achève à coups de flûte...
- Jamais je ne te redonnerai le contrôle de Majora. Avec toi, il a trop souffert du manque de sang. Je saurai exhausser son désir... Il m'a soufflé certaines choses sur toi et sur ce que tu es, sale nop...
Skull Kid fendit l'air de sa flûte produisant un son à vous déchirer les tympans. Mido se tordit de douleur pendant six secondes puis tout s'arrêta. Il se décida à attaquer : Une boule de matière d'environ vingt-cinq centimètres se forma devant Mido et s'envola rapidement en direction de Skull Kid. Celui-ci prit sa flûte à la manière d'une batte de base-ball et frappa la boule de toutes ses forces. Elle doubla de vitesse en se dirigeant vers son envoyeur. Mido la renvoya à nouveau vers son adversaire augmentant nouvellement sa vitesse. Ainsi démarra une partie de tennis effrénée. Link observa la scène mais ne vit bientôt plus la boule voyager entre les joueurs. Une détonation retentit : la boule avait passé le mur du son. Puis il eut la nette impression que ce match durerait infiniment. Il décocha une flèche entre les deux combattants et elle éclata la boule. Elle s'allongea en un épais filet violet reliant Skull Kid et Mido. On voyait sur leur visage la concentration qui crispait leurs traits. Je ne sais pas pourquoi, mais tous deux devaient lutter pour survivre. L'un poussé jusqu'au bout par le masque Majora, l'autre résistant pour le récupérer. Mais le masque n'était pas là que pour motiver Mido, il devait passer à l'action. Il attira d'abord le rayon violet (assorti à sa couleur) sur lui, l'aspira quelques instants puis se décolla du visage de Mido pour aller flotter à égale distance entre ses deux ex-possesseurs. Puis un flash aveugla les protagonistes, laissant le temps au masque de s'échapper discrètement.
Ce que vit Link le laissa sans voix : Skull Kid gisait sur le sol, les vêtements déchirés. Il ne portait plus son immonde tenue de rôdeur mais, ô stupeur, une tenue kokiri. Et, plus étonnant encore, il avait un visage. Il était jeune et beau, lisse et bronzé. Il se caressa le nez, les yeux, la bouche... Il semblait si heureux.
- T'as vu, mon ami, dit Skull Kid à Link en lui faisant un clin d'oeil, j'avais raison d'y croire.
Mido aussi avait changé : Il ne portait plus de cheveux bruns lui cachant la moitié du visage : il était chauve. D'ailleurs, il n'y avait plus rien à cacher : son nez, ses yeux et même son sourire moqueur avaient disparu. Plus qu'un trou, aussi noir que les ténèbres de la nuit...
Ils décidèrent deux choses : Link allait trouver la princesse Zelda au château afin de lui demander conseil au sujet du masque Majora, tandis que Skull Kid allait interroger Mido sur l'endroit où il avait caché Saria.
Link galopa vers le château, le coeur léger, loin de se douter que Mido-sans-visage s'était déjà dérobé de la garde de Skull Kid.

Chapitre 3 : Une ancienne promesse...   up

Link avait marché longtemps. Très longtemps. Il avait affronté plusieurs nuits de suite des squelettes avec acharnement, lutté contre la fatigue, la faim et la soif et sauta de joie en voyant enfin apparaître les murs de la ville et les tours du château devant lui. Le soleil venait à peine de se lever et le pont-levis qui protégeait l'entrée dans la ville était encore fermé. On l'ouvrait le jour et le fermait la nuit et Link savait qu'il allait bientôt s'ouvrir. Mais il n'était pas au bout de ses peines. Vous savez que la face sud des murs était entourée du fleuve Zora ? Et bien de l'eau du fleuve sortirent deux monstres : Ils ressemblaient à quelques détails près à des bernard-l'ermite cracheurs de pierres.
Le premier cracha une pierre grise qui vola à toute allure vers Link qui eut le réflexe de se protéger de son bouclier. La pierre rebondit dessus et curieusement, bien que sa trajectoire était changée, elle vola bien droite jusqu'à disparaître au loin. Puis Link passa à l'attaque : Il chargea sur les deux monstres mais ils se réfugièrent sous l'eau dès qu'il approcha.
- Sortez de votre cachette, bande de lâches ! cria Link. Mais ses ennemis ne sortirent pas de l'eau.
- Ça ne sert à rien de leur parler, chuchota Navi à son oreille gauche, ils sont aussi sourds que des serpents... Ce sont des octoroks : ils se cachent sous les flots à la moindre approche.
- Mais comment les battre ? demanda Link.
- Bats-les avec leurs propres armes...
Cette fois, il avait compris. Il recula, les deux sortirent et tirèrent chacun une pierre. Link avait en tête de dévier le tir et de le diriger vers eux. Mais comme deux pierres arrivaient de deux côtés différents, Link sut qu'il ne pourrait en dévier qu'une à l'aide de son bouclier... Il le tint devant lui de manière à ce que la pierre fasse un angle de soixante degrés. La pierre tiré par l'octorok toucha celui de gauche, qui coula, assommé. Mais comme Link avait tenu le bouclier sur sa droite, le tir de l'octorok assommé n'avait pas pu être dévié et Link fut touché à l'épaule gauche. Il tituba et le monstre restant en profita pour tirer une nouvelle pierre. Link eut tout juste le temps de rouler sur le côté, aggravant sa douleur à l'épaule. Puis un nouveau tir. Par contre, cette fois, il lui fit face, tenant son bouclier bien droit. La pierre ricocha et alla assommer le second octorok.
Un bruit lourd et grave retentit. Puis un coup frappé sur du métal. Le pont protégeant la ville s'ouvrit lentement. Link se frotta son épaule ensanglantée. Le bruit métallique des chaînes s'allongeant lentement... clic clic clic clic clic clic...
Le pont-levis tomba sur le sol dans un bruit sourd. Link vit à travers l'ouverture nouvellement formée que la ville était plongée dans l'obscurité. Il entendit des râles longs émerger de là et frissonna. Mais plus que les râles, c'était cette obscurité qui l'inquiétait : d'habitude, même les nuits au village étaient plutôt claires du fait qu'il y avait toujours des lumières allumées dans des salons. Mais là il n'y avait rien du tout. Pourtant, même s'il n'avait pas envie, il devait traverser ce village pour aller au château. Il avança donc d'un pas rapide vers l'inconnu.
Il arriva à la place du marché et les râles avaient gagné en puissance. Link sentait des présences près de lui mais ne vit personne. Soudain, une faible lueur, comme celle d'une chandelle, apparut plus loin dans une rue perpendiculaire. Elle semblait flotter, tanguer à une trentaine de centimètres du sol. Link avait appris au cours de ses voyages qu'il ne fallait surtout pas croire qu'il pourrait s'agir d'un veilleur de nuit animé d'intentions amicales, mais plutôt s'enfuir à toutes jambes. Link choisit la seconde solution. Il parcourut quelques mètres et se cogna contre quelque chose de mou.
- Il n'est pas bon de sortir la nuit... dit une voix provenant de l'objet mou. Link recula et vit qu'il s'agissait d'une silhouette encapuchonnée, comme courbée par la vieillesse. Un nouveau frisson le parcourut. La silhouette ricana.
- Tu as peur ? Je peux te vendre l'angoisse, je peux négocier tes frissons, et plus jamais tu ne souffriras de ce que vous autres appelez la peur.
Link ne voulut pas savoir ce que cette chose voulait dire par "vous autres" et il ne le sut jamais. Link remarqua que la silhouette portait un sac.
- Vois-tu ce sac ? Il est rempli de bouteilles. Ces bouteilles contiennent toutes un spectre. Je m'appelle Gregor et je suis un chasseur de spectres. Les spectres hantent Hyrule à peine le soleil couché et viennent tourmenter les malheureux qui ont le courage, ou l'audace, de s'aventurer la nuit dans le village ou dans la plaine...
Il sortit une bouteille de son sac. A l'intérieur il y avait une forme noire tenant une lanterne à la main. Elle semblait avoir une espèce de queue. Elle avait deux yeux jaunes et une sorte de bec comme nez. Link aurait voulu s'enfuir à toutes jambes mais elles refusaient de bouger.
- Voici un spectre. Et de la meilleure qualité. Il te protégera contre tes ennemis les plus valeureux... Enfin je voulais dire les plus ignoblement terrifiants. Ils s'enfuiront à toutes jambes... De plus, il te tiendra compagnie. Achète-le !
Link se vit un instant face à Ganonforf. Il sort le spectre et Ganondorf s'enfuit à toute vitesse. Puis il se vit, courant dans la plaine, une forme noire flottant à ses côtés.
- Alors ?
Link fut tiré vers la réalité. Il revit les alentours sombres, regarda derrière lui et vit la lumière flotter à un mètre du sol. Il refusa l'offre de Gregor.
- Non ? Comment ça ?
Il se redressa, dominant Link de toute sa taille. Il ne faisait plus du tout penser à un homme âgé et voûté... Un rayon de lune éclaira son visage : Il ressemblait étrangement à celui du spectre dans la bouteille. Yeux jaunes et brillants, bec à la place du nez et une peau si noire qu'on dirait qu'il n'en avait pas du tout. Voyant le visage horrifié de Link, le vendeur recula, plongeant à nouveau son visage dans l'ombre.
- En fait, dit-il, je vais te révéler un secret : Je ne capture pas des spectres. Je les crée !
De sa manche sortit une main avec de longs doigts gris et osseux tenant une lampe tempête. Lentement, la main et la lampe s'envolèrent dans la nuit noire, éclairant la place déserte. Link n'osa à peine penser à ce qu'il y avait sous la longue robe de Gregor...
- J'attire les voyageurs curieux et je les transforme. Je ne fais ça que pour leur bien : Ils ne sentent plus la peur, ils la représentent ! Maintenant, à ton tour...
Il se rapprocha de Link, les manches de sa robe tendues en avant, pliées par l'absence d'avant-bras. Link dégaina son épée et voulut réduire ce spectre sadique en poussière. Il savait que même les spectres sentaient une épée les traverser, même s'ils ne pouvaient pas mourir à proprement parler. Mais une main vint de derrière lui et le tira par la gorge. Link se débattit mais la main ne lâchait pas. Soudain, Link sentit deux serres puissantes se refermer sur ses mains. Il se sentit soulevé, emporté dans les airs. Il volait maintenant. La main restait accrochée mais d'un coup de bec, l'oiseau qui le portait la fit tomber. Link entendit le marchand jurer.
- Alors ? Tu t'es encore fourré dans une situation délicate, et encore une fois, j'ai dû voler à ton secours, Link. Pourquoi toujours moi ? dit la voix familière de l'oiseau qui plus précisément était un hibou : Kaebora Gaebora.
Link rit. Combien de temps n'avait-il plus ri ? Kaepora avait réussi sa mission.
- Et maintenant, en avant vers le château !
Link risqua un regard vers le sol : Il vit des formes humaines, nues et de couleur marron : des effrois. C'était une sorte de zombie qui restait immobile, attendant une occasion de pouvoir sucer le sang d'un humain et de le transformer en son pareil. Il vit aussi le temple du temps, sorte d'église refermant mille secrets...
Ils volèrent paisiblement vers le château isolé.

- Link ! Enfin ! s'écria la princesse Zelda, je t'attendais depuis longtemps.
Link s'inclina devant elle. Mais Zelda l'arrêta.
- Pas de ça entre nous voyons. Elle lui sourit. Ça me fait toujours plaisir te voir... Mais tu es blessé à une épaule ! Elle fit un geste de la main et la blessure disparut. Elle regarda sa main. Link, ma fin est proche et mes pouvoirs diminuent. Ces dernières nuits, mes rêves m'ont prédit ma mort, ainsi que celle du sage de la forêt, Saria. Link ne dit rien.
- Le masque Majora a retrouvé sa puissance. Ganondorf est de retour... Je l'ai vu, assis sur un grand cheval aussi noir que son âme, parlant à un enfant sans visage.
- Mais que dois-je faire ? demanda Link.
- Je n'en sais rien, répondit Zelda, mais je peux te révéler l'endroit où l'enfant sans visage a emmené Saria. Link, tu as déjà accompli mille exploits. Saria est prisonnière dans la caverne de glace. Tu sais où se trouve cette caverne, n'est-ce pas ?
Link hocha la tête.
- Mais le fleuve Zora est bloqué. Tu vas devoir aller au lac Hylia. Devant le château, un bateau t'attend. Allonge-toi dedans et laisse-toi guider. Une fois arrivé, cherche un signe de la Triforce dessiné sur le sol. Positionne-toi dessus et joue le chant du temps. Tu seras téléporté à l'entrée de la caverne de glace. Maintenant pars. Gaebora, mon fidèle hibou t'attend... Bonne chance, Link.
Elle déposa un délicat baiser sur la joue brûlante de Link.

Un peu plus tard, Gaebora déposa Link sur le pont-levis et s'envola vers le nord par-delà le château de la princesse en direction, dit-on, de l'océan lointain. Link vit devant lui, flottant dans l'eau du fossé, un petit bateau à voiles. Il sauta dedans, ses voiles se gonflèrent bien qu'il n'y ait pas de vent et le bateau démarra. Link fit confiance à la magie de Zelda et s'allongea. Il se blottit dans la coque arrondie du bateau. Il regardait le ciel et sentit l'odeur de l'herbe fraîche. Il eut tout le temps de réfléchir à ce qui était en train de se passer. Skull Kid questionne Mido afin de lui faire dire où il a laissé Saria. Il est allé demander conseil auprès de Zelda qui a vu en rêve Mido amener Saria à la caverne de glace. Donc il aurait eu raison de vouloir avoir Skull Kid à ses côtés, étant donné que la mission de celui-ci ne servait plus à rien désormais. Sans parler du masque Majora qui se promène en toute liberté dans Hyrule semant sûrement la destruction sur son passage. Il ne savait pas que la situation était beaucoup plus grave qu'il ne le pensait. Je vous rappelle que Mido s'était déjà dérobé de la garde de Skull Kid et se dirigeait lui aussi vers la caverne de glace.

La nuit était tombée quand Link arriva au lac Hylia. Il descendit du bateau, tout de même un peu heureux de poser pied à terre.
Il observa les alentours : rien. Juste le lac, immense, aux reflets argentés et à l'eau cristalline. Il se rendit également compte qu'il ne voyait pas de signe de Triforce (trois triangles disposés de telle sorte à ce qu'il y en ait un troisième au milieu) aux alentours. Il n'avait pas vraiment envie de faire le tour du lac en cherchant désespérément, aussi décida-t-il d'aller demander aux paisibles habitants de la hutte qui était construite sur un dock non loin de là.

La scène dans la hutte du savant fou me dégoûte encore aujourd'hui. J'ai le regret de dire que ce n'était pas du tout une famille paisible que Link trouva dans la hutte. A peine entré, il faillit vomir tellement l'odeur de pourriture, style enfermé à l'intérieur pendant quelques années, était forte. Il claqua la porte qu'il venait d'ouvrir, respira l'air frais du soir, se plaqua le tissu de sa tenue sur la bouche et rentra à nouveau. Cette fois il eut le temps de voir un homme plutôt âgé, portant une longue barbe jaunie et habillé d'une robe violette. Il venait de boire une louche de liquide violet (assorti à sa robe) extrait d'une grande marmite. Heureusement que ça faisait longtemps que Link n'avait rien mangé. Le bonhomme le salua.
- Mais entre, voyons, dit-il.
Mais en voyant la mine dégoûtée de Link, il ajouta :
- C'est de la bave de blob mélangée à du sang d'octorok.
Link eut un nouveau haut-le-coeur.
- Tu peux regarder si tu veux, mais ne me dérange pas, d'accord ?
Link voulut l'interrompre mais il s'interrompit. Le vieux posa sa main droite à plat sur la table, prit un hachoir à viande dans l'autre, le leva au-dessus de sa tête et Link ferma les yeux juste à temps pour ne pas voir l'image allant avec le "tchac flop" qu'il entendit. Il ne les rouvrit qu'après avoir entendu le "plouf" de l'objet coupé balancé dans la marmite. Le vieux lui sourit découvrant une bouche contenant uniquement une ou deux dents orange. Link voulut s'en aller de suite mais le vieux l'arrêta en attrapant son bras de la main gauche.
- Si tu m'aides deux secondes, je te dis où se trouve ce que tu cherches.
Je préfère ne pas citer ce que le "chercheur" avait demandé à Link mais je peux dire que ce n'était pas facile à supporter intérieurement... C'est ainsi, en tout cas, que Link apprit où était dessiné le signe de Triforce.

Un peu plus tard, Link était debout sur le signe, son ocarina en terre cuite à la main. Il le prit en bouche et joua le chant du temps, une petite mélodie simple légèrement spirituelle. Un cercle de lumière jaune se forma autour de lui, l'éblouissant et le forçant à fermer les yeux. Quand la lumière disparut et que Link ouvrit les paupières, il se trouvait toujours sur un signe de Triforce mais à un endroit différent. Il se trouvait à présent dans une grotte. Une cascade déversait des flots d'eau cristalline dans un lac de taille moyenne. Des reflets miroitaient sur les parois et Link fut émerveillé par la beauté de l'endroit, tout comme à chaque fois qu'il venait ici. Le domaine Zora n'avait pas perdu de sa splendeur. Des Zoras nageaient ou se reposaient par-ci, par-là, sans penser un instant à travailler. (Ils n'en avaient absolument pas besoin.) Sur un petit îlot, un groupe de cinq Zoras jouaient d'un instrument : un guitariste, un bassiste, un violoniste, un chanteur et un flûtiste. Ils jouaient et chantaient une chanson intitulée : N'est-ce pas merveilleux ? (Suteki Da Ne : hommage...)

La voix et la musique résonnaient en écho dans la caverne. Link ferma les yeux, écoutant le groupe. Cette chanson lui rappelait étrangement quelque chose. Le dernier accord retentit, les cinq artistes s'inclinèrent et un tonnerre d'applaudissements emplit la grotte.
Link monta un escalier taillé dans la pierre afin de rejoindre la salle du trône, où s'asseyait d'habitude le roi des Zoras, par laquelle il fallait passer pour rejoindre la caverne de glace. Il arriva dans cette salle. Devant lui était dressé un grand trône avec le roi assis dessus, ses pieds ne touchant pas le sol. Le roi ressemblait à un gros poisson, avec des jambes et une toge rouge.
- Sois le bienvenu dans notre vaste royaume, Link.
Le roi avait une tendance à exagérer les choses... Link se demanda comment le roi pouvait se rappeler de lui.
- Nous nous souvenons de tous nos bienfaiteurs, dit le roi, surtout ceux qui sauvent notre fille.
Il parlait de lui au pluriel.
- Ne fais pas attendre la princesse, Link. Il ne comprit pas tout de suite. C'est alors qu'une voix forte et aiguë retentit :
- Il était temps ! dit-elle.
Une jeune Zora entra dans la pièce. Link reconnut Ruto, qui avait pourtant changé depuis leur dernière rencontre...
- Te voilà enfin ! La dernière fois, après m'avoir sauvée, je n'ai même pas eu le temps de te remercier, que déjà tu t'étais fait la malle. (Elle se rua sur lui pour l'enlacer tendrement.) Alors maintenant, accepte le gage de ma gratitude.
Ce n'était pas dans les habitudes de Ruto d'offrir des "gages de gratitude". Ce n'était pas non plus dans ses habitudes de remercier quiconque. Aussi Link se méfia.
- Aussi je t'offre l'honneur de pouvoir épouser la princesse, tenant ainsi une ancienne promesse faite à elle.
Link pensa à Zelda.
- Moi-même, compléta Ruto.
- Quoi ?! s'écria Link en s'éloignant. Mais... je... je ne veux pas !
- On ne te demande pas ton avis, répondit Ruto d'un ton agressif. Je suis sûre qu'on sera heureux, reprit-elle d'une voix mielleuse voyant la grimace de Link, nous aurons un palais, avec des serviteurs et... des sujets et... des litres de la meilleure eau et... trois enfants. Non. Cinq enfants et...
"Laissons-la fantasmer. De toute façon je vais sauver Saria dans la caverne de glace et je fuis loin d'ici", pensa Link.
- Laisse-le s'il n'a pas envie, dit le roi. Mais dis-nous plutôt ce qui t'amène dans notre royaume.
- Eh bien, en fait, répondit Link, je venais visiter la caverne de glace afin de... d'accomplir une quête.
- Une quête ? reprit le roi. Comme c'est passionnant. Et quel genre de quête ?
- C'est une quête un peu personnelle.
- Ça va, dit Ruto jalouse, tu vas sauver l'autre fille, tout à fait moche d'ailleurs, kidnappée par un petit morveux vert affublé d'un horrible masque aux couleurs surnaturelles et aux pouvoirs magiques et terrifiants, prenant entière possession du premier venu et capable de détruire tout Hyrule en prononçant une formule magique de sa voix intérieure et subconsciente. C'est ça ?
- Pas exactement, dit Link, stupéfait d'apprendre que Ruto savait tout. En fait, le morveux vert est censé être sous la surveillance d'un de mes amis (mon seul ami, pensa-t-il) et non avec sa prisonnière.
- Ah si, si, reprit la princesse, je l'ai vu ce matin entrer dans la caverne.
Ce qui voulait dire que Mido se serait échappé de la surveillance de Skull Kid ! Link crut cela impossible.
- Et bien soit, déclara Ruto, va sauver ta copine. Mais à ton retour, le repas et les invités pour la cérémonie seront arrivés, sois-en sûr.
Link les salua et se dirigea en direction de la caverne de glace.

Chapitre 4 : Pendant ce temps...   up

Après le départ de Link, Skull Kid s'était retrouvé seul avec Mido. Aussi décida-t-il de l'amener au ranch N'Go-Go. Après tout, il ne connaissait pas ces gens du ranch Lon-Lon... Il tira sur la corde qui ficelait Mido et celui-ci avança en gémissant : "Mon visage, mon si beau visage, perdu pour toujours..."
Skull Kid lui ordonna d'arrêter de se plaindre et d'avancer en silence mais Mido, rancunier, se mit à gémir encore plus fort. Aussi, Skull Kid se mit à chanter une chanson traditionnelle, couvrant la voix de Mido.

DE BON MATIN (sur l'air de la marche des rois)

De bon matin, j'ai rencontré un nain,
Qui, ma foi, était bien étrange,
De bon matin, j'ai rencontré un nain,
Qui volait par-dessus les grands chemins.
Il vint vers moi et là je le vis,
Ce grand ballon, auquel il était attaché,
Il vint vers moi et là il me dit :
"Bonjour, mon ami, comment vas-tu ?"

C'était Tingel, que j'avais vu c'matin,
Qui m'proposa d'acheter une de ses cartes
Mais moi j'savais qu'il voulait m'arnaquer
Alors je lui dis d'aller voir plus loin.
- J't'la fais pas cher, qu'il me répondit,
Juste un million de petits rubis bleus.
- Non merci bien, j'n'en ai point besoin.
Et je m'éloignai vers ce bon matin...

- Ouf ! Enfin finie, dit Mido, tu chantes tellement mal...
- La ferme ! répliqua Skull Kid. D'ailleurs il faudrait que je me trouve un meilleur nom... pensa-t-il.
Puis les deux ranchs apparurent, devant eux gisaient une centaine de cadavres : Gerudos et animaux. Mido ricana :
- Admire les dégâts que Majora a causés. Ces idiots s'étaient opposés à lui. Vois ce qu'il a fait à ceux-là.
Skull Kid lui saisit la gorge.
- N'as-tu pas honte de déclarer cela ? Quand on ne sait pas, on ne parle pas, dit-il. Bien. Allons au ranch de tout à l'heure.
Un peu plus tard Skull Kid et son prisonnier étaient arrivés au ranch N'Go-Go où ils furent aussitôt accueillis par Angora.
- Bonjour, appelle-moi Flirto, commença-t-il.
Il vit que la fille avait le visage mouillé de larmes.
- Qu'y a-t-il ? Pourquoi pleures-tu ?
- Ingo, mon... mon... Elle renifla. Cet homme ... Il va me manquer. Il était comme un père pour moi.
Elle pleura pour de bon.
- Et voilà que je sanglote alors que j'ai des hôtes qui ne demandent que l'hospitalité... Je suis pitoyable.
- Mais non, mais non, essaya de la consoler Flirto.
- C'est vrai quoi, dit Mido, il y a deux ranchs et il fallait que tu choisisses celui où habite une fille qui chiale seulement parce que son vieux a crevé dans une baston.
Angora tomba dans les bras de Flirto qui fusilla Mido du regard. Celui-ci éclata d'un rire sonore.
- C'est quand même pas cette petite hystérique qui va impressionner le grand...
Flirto l'interrompit en s'adressant à Angora.
- T'en fais pas, il vient de perdre la face alors il est un peu sur les nerfs...
Angora sourit légèrement. Elle respira un grand coup et proposa de faire visiter le site à Flirto. Mido s'allongea par terre et fit mine de vouloir dormir.
- Tu ne crois pas que je devrais lui proposer un lit ? demanda Angora.
- Non, répondit Flirto, je ne pense pas qu'il en ait besoin.
Mido entendit leurs pas s'éloigner. La perte de son visage avait aiguisé ses sens. Bien qu'il n'ait plus ni d'yeux, de bouche, de nez ou d'oreilles, il pouvait très bien voir, goûter, sentir ou entendre. Il risqua un coup d'oeil aux alentours et ne vit personne. Il décida donc de se lever et de commencer son évasion. Malheureusement, Angora avait fermé une grille devant la sortie donc il ne pouvait pas sortir par-là. Il devait trouver une autre solution. Il se creusa les méninges mais ne vit pas de moyen de fuite. Il parcourut sa mémoire en quête d'un cas similaire duquel il pourrait s'inspirer. Il se souvint d'une des histoires ayant Link pour héros qu'on racontait dans la forêt.
Cet épisode s'était passé au ranch Lon-Lon quand Ingo en était le propriétaire. Vivait dans ce ranch une jument, nommée Epona, forte, rapide et courageuse, qui ne se laissait monter que par Malon. Fort fut l'étonnement d'Ingo quand Link, de passage au ranch, chevaucha Epona. Il défia Link en une course autour de l'enclos intérieur. Celui-ci battit Ingo à plate couture. Rageur d'avoir perdu, il enferma Link dans l'enclos et alla piquer un somme. Link monta sur le dos d'Epona qui partit en trombe, sauta par-dessus la barrière de l'enclos, continua de foncer droit vers le mur du ranch et au dernier moment, avec un saut spectaculaire, le franchit.
Mido était fermement décidé à faire pareil. Il s'élança sans aucune prudence vers l'enclos rempli de chevaux et de cocottes. Angora et Flirto n'étaient nulle part en vue. Il caressa la tête d'un grand cheval noir et sauta sans hésiter sur son dos. Il savait faire de l'équitation et fit aller sa monture dans la direction voulue. Mais tout ne se déroula pas comme il l'avait prévu. Une cocotte se trouva malencontreusement sur leur chemin. Elle ne fut pas piétinée mais sa peur alerta ses congénères et une centaine de cocottes poursuivaient maintenant le cheval. Celui-ci réussit toutefois à sauter par-dessus l'enclos. Il fut imité par certaines des cocottes mais la majorité de celles-ci se retrouvèrent coincées. Il continua de foncer tête baissée vers le mur de la liberté.
Angora fit sortir Flirto de l'étable où elle l'avait amené et vit Mido s'enfuir avec son meilleur cheval. Elle avertit son compagnon qui envoya sa flûte à l'attaque. Elle vola à un mètre cinquante au-dessus du sol en direction de Mido.
Mido vit la flûte arriver à temps et l'éloigna d'un coup de pied. Mais elle revint à la charge, cette fois à l'arrière du cheval.
Celui-ci se cabra, effrayé du choc, faisant tomber Mido. Mais le fuyard avait déjà repéré le plan de fuite "b". A un endroit du mur, poussait une plante grimpante, sorte de liane, aux tiges assez larges pour permettre l'escalade.
Flirto s'élança voyant que sa flûte avait atteint son but. Il vit Mido tomber de son cheval et crut un instant la partie terminée. Mais déjà Mido s'élançait à pied vers le mur. Flirto se donna à fond mais le fuyard commença son ascension. Pourtant, il allait le rattraper.
Mido avait atteint la moitié du mur quand il sentit quelqu'un lui attraper la jambe. Il se débarrassa de l'agresseur d'un coup de pied. Voilà qu'il allait atteindre le sommet. Il vit un court instant le monde extérieur et retomba au sol.
Flirto vit une cocotte attraper la jambe de Mido et le retarder. Il se défit de la poule mais cela permit au poursuiveur de le rattraper. Flirto sauta le plus haut possible et s'agrippa à la taille de Mido, ce qui les fit tous deux rouler à terre. Flirto se fit plaquer à terre et puis sentit une douleur atroce. Puis... plus rien.

Chapitre 5 : Dans la caverne de glace   up

Link entra dans la caverne. Les murs étaient par endroits bleus transparents et à d'autres d'un blanc de neige opaque. Soudain, une forme noire apparut devant lui, qu'il trancha d'un coup d'épée. La chose tomba par terre avec un bruit sourd. C'était un saigneur, une sorte de chauve-souris, particulièrement agressif. Puis il entendit le bruissement d'une cinquantaine de paires d'ailes approcher. Un nuage de chauves-souris noires prit le tournant et s'attaqua à Link. Celui-ci donna des coups d'épée à l'aveuglette, tuant à chaque coup deux ou trois de ces bestioles. Mais à chaque seconde, de nouveaux saigneurs arrivèrent. Il décida finalement de s'enfuir. Il s'élança, coupant le nuage de chauves-souris. Il suivit un couloir, poursuivi par les animaux et glissant quelques mètres à chaque virage, manquant souvent de peu de s'éclater par terre. Il déboucha sur plusieurs croisements où il prit à chaque fois le chemin le plus à droite. Au bout d'une vingtaine de minutes de course, il s'arrêta, essoufflé. Il tua les quelques saigneurs qui avaient réussi à le suivre jusque là et se laissa tomber par terre.
Un peu plus tard, il était arrivé dans une gigantesque salle, au plafond étonnamment haut. Des hauts blocs de glace, suffisamment grands pour cacher Link, y étaient également dispersés. Le garçon entendit des voix à l'autre bout de la grande salle mais ne vit pas leurs propriétaires.
- Je vous le dirai... En échange, exhaussez mon voeu le plus cher.
Disait l'une, que Link reconnut aussitôt : Mido.
- Et quel est ce voeu ? demanda l'autre, froide et impatiente.
- Donnez-moi le pouvoir de Nayru. Le pouvoir d'amour.
- En gros tu me demandes de faire de toi un Dieu ?
- Seulement d'en avoir les pouvoirs.
Link resta cloué sur place. Un bruit de clochettes emplit la vaste salle. Link décida finalement de s'approcher prudemment des deux individus, craignant le pire quant à l'identité du second. Il sortit de sa cachette et vit à l'autre bout de la salle Mido. A côté se tenait un homme de grande taille, plutôt robuste, vêtu d'une armure grise. Link crut qu'il s'agissait là du diable en personne : Cet homme avait des cheveux rouges pétants, d'énormes yeux jaunes exorbités. Sa peau était violette et pour finir il avait trois cornes de chaque côté du visage. Mais plus important encore : derrière ces sinistres personnes, se trouvait Saria, attachée à un bloc de glace. Elle semblait inconsciente. Mais soudain le sol se fracassa et la glace se brisa sous les pieds de Link. Il tomba dans le vide. Sa chute sembla durer éternellement.
Puis sa chute se termina en un "plouf". Il avait atterri dans une eau chaude. Il mit tout de même une dizaine de secondes pour remonter à la surface. Il sortit du bassin puis chercha une sortie. A son désespoir il était entouré de quatre murs. Il leva la tête et aperçut bien plus haut la glace et le trou par lequel il était tombé.
Link remarqua qu'il n'y avait plus de glace du tout : Les murs étaient d'une pierre noire cendrée. Il toucha une des parois et retira aussitôt la main. Le mur était chaud comme la braise. Sa main était devenue aussi noire que le mur. Il constata avec étonnement que le mur était en fait du charbon. Des murs de bois carbonisés... Mais cela n'allait pas l'aider pour sortir de sa prison. De rage, il jeta son épée contre une des parois de charbon. Le bruit du choc résonna dans l'énorme salle. Il s'assit par terre et prit sa tête dans ses mains. Il pensa à ses amis, à Zelda qui croyait en lui. Il avait accompli autant d'exploits, avait vécu tant d'aventures... Pourtant il avait échoué. En plus si bêtement. Il se dit que comme pour chaque héros, le jour était venu de disparaître. On dira : Link, le héros qui avait à huit ans vaincu Ganondorf, le prince des voleurs, qui avait vaillamment poursuivi Skull Kid et l'avait libéré de Majora, celui dont le courage n'avait jamais fléchi, dont la force n'avait jamais faibli, il s'est fait mettre à mal par un trou dans un sol de glace. Et pour la première fois, Link pleura. Il déversa avec ses larmes toute les choses horribles qu'il avait vécues, ainsi que son courage et sa détermination.

Mido se sentit renaître. Le don du "prince des ténèbres" lui avait redonné de la force. Il avait enfin trouvé le moyen d'atteindre son but. Dans quelques minutes, la personne qu'il aimait allait l'aimer en retour. Il remercia Nayru intérieurement et s'agenouilla devant le prince, lui criant ses remerciements. Le prince des ténèbres le repoussa du pied.
- A toi maintenant de remplir ta part du contrat, dit-il d'une voix impatiente. Dis-moi tout...
Mido entreprit d'expliquer au grand homme violet de peau ce qu'il savait.
Il existe un océan. Un océan immense. Il se trouve par-delà les bois perdus. Mais pour que le passage jusqu'à là soit révélé, il faut avoir en sa possession la tunique des hommes des sables.
Le prince des ténèbres eut un sourire à peine caché.
- Quelque part dans cet océan se trouve une île où vit un peuple appelé les flûtistes, (parce que chacun possède sa flûte) ou encore : les enfants perdus. Ils sont, comme les Kokiris, éternellement enfants. Je vous dirai même plus, ce sont des Kokiris, où plutôt : c'étaient. Effectivement : s'il advient que quelqu'un s'égare dans les bois perdus, il ne perd pas seulement son chemin, mais également son âme et son esprit. Extérieurement, l'absence d'âme et d'esprit se manifeste par l'absence de visage... Ces personnes sont condamnées à errer dans Hyrule le reste de leur vie. Mais il existe pour eux un exil : l'île du dragon, dont je vous ai parlé tout à l'heure. Tous entreprennent le voyage vers l'île du dragon, afin d'y vivre sereinement en compagnie de leurs semblables. Tous ? Non ! Deux seuls de ces enfants ne sont pas sur l'île. Un certain Skull Kid, se faisant maintenant appeler Flirto, et moi-même. Je suis le messager de Majora, qu'on appellera désormais le messager funeste.
- Je me fiche du nom idiot que tu t'es trouvé, parle-moi plutôt des flûtistes.
Mido fit une grimace dégoûtée mais continua.
- Mais il y a une chose que les enfants perdus ignorent. Ils possèdent un pouvoir. Un pouvoir immense.
- Dis-moi quel est ce pouvoir ! Tout de suite ! hurla le prince des ténèbres. Je veux savoir lequel !
- Et bien ils ont le pouvoir de vérité.
- C'est tout ? J'ai déjà la vérité ! Je vois la vérité et tu me mens ! protesta le prince.
- La vérité est une notion plus philosophique que visuelle, répondit simplement le messager, la percevoir est le fruit d'un long travail intellectuel. Mais ces enfants ont une autre façon de procéder...
Il s'éloigna de Ganondorf et se tourna vers Saria, toujours inconsciente, attachée au bloc de glace. Il murmura des paroles incompréhensibles et le sage ouvrit les yeux. Une lumière rouge mêla Mido et la jeune fille. Elle lui sourit.
A cet instant, le sol trembla et s'écroula à quelques mètres des deux personnages. La jeune fille referma les yeux et son sourire disparut. La solide couche de glace qui recouvrait le sol noir fondit en un instant et l'eau s'évacua par le trou nouvellement créé. Un épais nuage de vapeur en sortit. Puis une vague de lave entra dans la pièce. Sur cette vague, un bloc de pierre flottait et sur ce bloc se tenait Link. Il surfa vers les deux autres et juste avant de les atteindre, la lave avait durci, évitant au prince et au messager de finir carbonisés. Mais il serait maintenant utile d'expliquer comment Link était arrivé jusque là :

Après avoir calmé sa nervosité, il se mit à réfléchir sérieusement au problème. Mais ce n'est qu'en examinant la salle qu'il vit la solution : L'épée qu'il avait jetée contre le mur d'en face avait fait une entaille de plusieurs centimètres de profondeur. Il sauta sur ses jambes, s'élança vers son arme et se mit à attaquer le mur avec férocité, déversant un flot de rage incompréhensible. Après plusieurs minutes d'acharnement, il réussit à créer une ouverture vers ce qui semblait être un couloir. Il se glissa dans le passage et s'engouffra dans le nouveau conduit, absolument ténébreux. Il entama ce qui allait être une très longue marche.
Il suivit ce couloir à l'aveuglette pendant plusieurs heures, son courage ne le délaissant à aucun instant. Puis, après un long moment de ligne droite légèrement montante, le couloir fit une longue courbe révélant à Link ce qu'il aurait le moins soupçonné ici : Un immense lac souterrain s'étendait à perte de vue dans une non moins immense grotte, évidemment carbonisée. Link fut également surpris de trouver une petite barque amarrée non loin de là, prête à être utilisée. Link s'en approcha, et après l'avoir examinée attentivement, grimpa dedans.
Il avait ramé pendant plusieurs heures sans jamais s'arrêter. Vint un moment où il arriva à la fin de son voyage en bateau. Il mit pied à terre et suivit maintenant un petit chemin se terminant par une épingle à cheveux et débouchant sur un cul-de-sac. Il voulut vérifier si la vision du mur, signifiant que sa marche n'aurait servi à rien, était bien réelle mais, pour la deuxième fois dans cette grotte infernale, le sol s'écroula sous ses pieds. Il tomba cinq secondes et atterrit sur une plate-forme de charbon de deux mètres de diamètre. La chaleur avait augmenté considérablement au point où Link en vint à regretter d'avoir laissé sa tunique goron à la maison. (Honte à ceux qui ne savent pas à quoi elle sert)
Il en comprit bien vite la raison. La plate-forme sur laquelle il avait atterri se trouvait au milieu d'une pièce si haute que le plafond en était invisible, en tous points semblable à celle qu'il avait quittée il y a maintenant un bon moment. Sauf qu'il n'y avait pas cette petite surface d'eau dans laquelle il avait plongé précédemment, mais un étang de lave, entourant la plate-forme. Soudain une secousse violente fit tomber Link à genoux. Puis un grondement surpuissant tonna dans la haute pièce. Link se sentit soulevé. En fait, une poussée de magma fit monter la plate-forme de charbon dans les airs. Il s'allongea à plat ventre sur la surface solide. Au bout d'un certain temps, il prit de l'assurance et ouvrit les yeux. Il remarqua que la plate-forme de charbon était en parfait équilibre et il se leva, tout en faisant bien attention de rester au milieu. Mais il constata avec horreur que la lave "mangeait" la plate-forme, c'est-à-dire qu'elle devenait de plus en plus petite. Bientôt, Link allait se retrouver les pieds dans la lave, ce qui n'était sûrement pas très agréable...
Link faillit perdre l'équilibre quand la vitesse de son ascension diminua. Le conduit dans lequel il était propulsé diminua également de diamètre. Soudain, un épais nuage de vapeur emplit le petit conduit. Link sentit la plate-forme s'arrêter.
Le nuage de vapeur s'évanouit découvrant à Link un décor familier : Il était revenu dans la caverne de glace. Puis, doucement, le bloc de charbon sur lequel se tenait Link (qui avait considérablement perdu de sa taille) glissa en direction des deux hommes décrits plus haut. Il sauta à terre, devant Mido et le prince des ténèbres, ébahis par sa soudaine apparition.
- Nous voici à nouveau face à face... dit le prince des ténèbres. Après ces quelques années tu m'avais envoyé dans le royaume des morts mais grâce à Majora, je suis enfin de retour et je compte bien me venger.
- Ganondorf ? C'est bien vous ? demanda Link, n'osant pas ajouter : "Votre séjour là-bas vous a donné des couleurs..."
- Eh oui, c'est bien moi. Mais je ne compte pas te laisser une seconde chance. Maintenant tu dois mourir...
Il leva les bras au-dessus de la tête et il se transforma en panthère. Il se jeta sur Link, toutes griffes dehors. Le garçon eut tout juste le temps de sauter sur le côté. La panthère glissa sur la glace et ne réussit pas à éviter le puits de lave, dans lequel elle disparut.
Mido, ne voyant pas Ganondorf réapparaître attaqua à son tour. Leurs épées s'entrechoquèrent mais ne touchaient aucune cible. Les deux ennemis sautaient, se protégeaient et attaquaient sans montrer un quelconque signe de fatigue. Puis Link entendit une voix l'appeler. Il ne sut dire si elle résonnait dans la caverne ou dans son esprit. "Link ! disait-elle. Ne me laisse pas ! Ne m'abandonne pas !"
C'était la voix de Saria.
Subitement, alors que Mido leva son épée pour attaquer, il se figea dans son mouvement. Link entendit une seconde voix, plus forte que la première :
- C'est à moi de te tuer, et non pas à ce petit morveux.
Puis à nouveau la première :
- Non, ne le laisse pas s'emparer de moi... défends-moi...
- Tuer ! Qu'est-ce que tu attends ? Viens te battre ! dit l'autre.
Pendant ce temps, les bras de Saria se levèrent mais Link ne le vit pas. Il se retourna et vit que Ganondorf volait à présent derrière lui. Son visage diabolique était flou. Link n'attendit pas : Il se rua sur son ennemi, le couvrant de coups. Celui-ci ne se défendit que quelques instants plus tard. Ganondorf combattait avec une sorte d'épée invisible mais toutefois résistante. Link n'arrêtait pas de le toucher et ceci lui sembla trop facile pour être vrai. Il ne vit pas qu'à chaque coup porté sur Ganondorf, Saria esquissait une grimace de douleur.
- Link... Link... Ne pars pas ! dit la voix de Saria.
- Tu vas tuer ! TUER ! répondit celle de Ganondorf.
Link continua d'attaquer son adversaire, voulant en finir pour de bon. Peu à peu, le visage flou de Ganondorf réapparut. Link redoubla de détermination. Mais le visage qui apparut sur la face du prince des ténèbres n'était pas le sien.
- Link ! Non ! cria la voix de Saria.
C'était le visage de la jeune fille que Link vit face à lui.
- Link !
Le garçon esquiva une attaque de son adversaire.
- Je !
Il roula à terre.
- T'aARGH !
Il venait de transpercer Ganondorf de son épée. Son corps tomba lourdement sur le sol. Plus loin, près du bloc de glace, les bras de Saria tombèrent également. Une larme coula sur la joue de la jeune fille et un mince filet de sang sortit de ses lèvres bleutées et goutta le long du menton. Link se précipita vers elle. Il lui toucha la joue. Elle était froide. Quand il la retira, la tête de Saria bascula vers l'avant. Link coupa la corde qui l'attachait, rattrapa le corps de la fille et le déposa délicatement sur le sol. Elle ne respirait pas. Une voix le fit sursauter.
- Je l'aimais et tu l'as tuée ! sanglota Mido en larmes. En voulant empêcher la fleur d'être cueillie, tu l'as écrasée... Ganondorf avait pris possession de son corps, tu aurais dû te douter que si tu tuais le prince des ténèbres, tu la tuerais également.
Après ces paroles, Mido tomba également à terre. Link se laissa tomber auprès du corps sans vie de Saria et se mit à pleurer silencieusement. Il ne désirait plus qu'une seule chose à présent : Mourir également, abandonnant la princesse et tous ses ennuis derrière lui.

Il pleura toutes les larmes de son corps, repensant à l'acte qu'il avait commis : il a tué Saria. Elle était bien plus qu'une amie... Mais il vint un moment, bien plus tard, où plus rien ne voulut sortir. Son chagrin s'était quelque peu apaisé, il put lever la tête sans éclater en sanglots. Même dans la mort, son visage restait beau comme un rayon de lumière. Ses cheveux toujours verts comme la luxuriante forêt kokiri tombaient en désordre sur le sol de glace. Son corps, bien qu'affreusement froid, dégageait une certaine chaleur. Cette même chaleur qui régnait dans les bois perdus au printemps. Link n'éprouvait pas cette chaleur, ce jour-là dans la caverne de glace. Il ne put la sentir. Elle avait les yeux grands ouverts et un regard figé. Il effleura le visage de Saria pour fermer enfin ses paupières. Il se leva et parcourut la salle du regard. Le corps sans vie de Mido était allongé un peu plus loin. Mais là où devait se trouver Ganondorf, il n'y avait plus qu'un petit objet. Link s'approcha et vit qu'il s'agissait du masque de Majora. Il le prit entre ses mains et le caressa. Sa surface était rugueuse mais douce. Ses couleurs étaient horribles mais charmantes. Sa taille était petite mais infiniment grande. Ses yeux jaunes luisaient d'une lueur malicieuse. D'une lueur démente. Ces yeux avaient l'air de dire : "Vas-y. Mets-moi sur ta peau. Tu vas voir, c'est agréable. Je t'aiderai et te guiderai vers un avenir prospère et serein. Tu oublieras tes problèmes et tu vivras le reste de ta vie loin de tous ces massacres. Loin de Zelda."
Link le retourna et le rapprocha doucement de son visage. Le masque avait une attirance particulière. Il vit alors les yeux jaunes de l'autre côté et cette fois, ils disaient clairement : "Je te tuerai, comme j'ai tué Mido et tous ces autres imbéciles."
La réaction de Link ne se fit pas attendre : il lança le masque de toutes ses forces. Celui-ci atterrit sur la lave séchée. Elle redevint liquide à l'endroit où le masque était tombé et l'engloutit entièrement, se solidifiant après qu'il ait complètement disparu. Il se sentit un peu soulagé : Au moins, dans sa prison de roche, le masque ne fera plus de mal à personne. Une brève secousse le fit trébucher. La caverne n'allait pas tarder à s'écrouler avec tous ces séismes. Il se tourna vers le corps inerte de Saria et sa décision fut prise. Il la souleva, la cala sur ses épaules et se mit en marche. Il sortit de la grande salle, s'engouffrant dans le couloir par lequel il était entré précédemment. A chaque croisement rencontré, il prit le chemin de gauche, de manière à atteindre sans aucune hésitation la sortie. (En arrivant, il avait prit à chaque croisement le chemin de droite.) Mais au bout de son septième croisement, le poids de son amie commença à sérieusement peser sur ses épaules. Mais sa détermination ne flancha pas. Il espéra à chaque virage voir enfin la lumière du jour, également stressé par la possibilité de voir le nuage de saigneurs apparaître.
Au bout d'une heure de marche dans la caverne, bien après que Link ait arrêté de suer par manque d'eau dans son corps, un flot de lumière dorée s'engouffra dans la caverne, l'aveuglant. Il continua néanmoins de marcher vers la sortie.

Durant la nuit suivante, un carrosse vert et noir emmenait les corps de Saria et Mido vers la forêt Kokiri. Derrière la voiture funèbre marchait Link, à côté de lui, Zelda, suivis par Ruto et le roi des Zoras, Malon et Talon ainsi que Flirto et Angora, derrière eux une foule de Kokiris exceptionnellement vêtus de noir. Autour du cortège galopaient des soldats du roi sur de grands chevaux noirs, ayant avant tout pour mission de tenir les êtres animés d'intentions mauvaises à distance. Tous avaient les larmes aux yeux et la tête baissée.
Ils marchèrent trois jours et trois nuits avant d'arriver dans la luxuriante forêt Kokiri. Le carrosse s'arrêta devant l'ancienne maison de Mido. Link et Flirto soulevèrent Saria, deux garçons Kokiris prirent Mido, et les emportèrent devant la carcasse de l'arbre Mojo, suivis par les autres membres du cortège. Saria et Mido furent déposés près de l'énorme tronc de l'arbre mort. Link et Zelda, personnes qui avaient le mieux connu Saria et Mido, prononcèrent chacun un long discours émouvant pour Saria et un autre, bref et sans émotion pour Mido. Link parla de la gentillesse et de la vivacité d'esprit de Saria, de l'impertinence et de l'égoïsme de Mido. Zelda souligna l'excellente "carrière" de Saria en tant que sage, pour Mido, elle semblait persuadée qu'il possédait un bon fond et même une certaine philosophie... Quand elle eut terminé, elle recula et s'arrêta près de Link. Soudain, une immense flamme verte s'éleva au-dessus de Saria et Mido et toute l'assemblée eut un mouvement de recul. En quelques secondes, les deux corps avaient disparu, et à l'endroit où ils étaient allongés précédemment, il n'y avait plus qu'une épaisse fumée vert émeraude. Le visage de chaque personne présente reflétait de l'étonnement mêlé à de l'admiration. Seulement la princesse Zelda n'avait pas l'air étonnée. Il semblait qu'elle savait exactement ce qui allait se produire. Comme d'habitude. Elle risqua un regard à sa droite, là où se trouvait Link. Celui-ci était trop occupé pour le remarquer. Elle se demanda combien de personnes Link avait déjà rencontrées au cours de ses voyages et lesquelles il appréciait particulièrement. Sûrement beaucoup... Elle espérait tout de même avoir droit à une petite place dans son coeur.

Chapitre 6 : Enfin voici l'Océan   up

Durant trois semaines, l'ensemble de nos héros avait profité de la tranquillité de la forêt Kokiri.
Link avait fait le récit de ces jours précédents, comment la caverne de glace communiquait avec le Péril, comment Ganondorf était revenu du royaume des morts et de quelle manière Saria et Mido étaient décédés. Il oublia de préciser que c'était entièrement sa faute... Son orgueil lui fit aussi oublier son moment de déprime après être tombé dans le trou. Il leur raconta à partir du moment où il avait trouvé qu'un mur était creux. Tous, à part Ruto et le roi Zora qui étaient déjà repartis, l'avaient avidement écouté. Quand il eut terminé, Flirto demanda :
- Et qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
- Mido a parlé d'une île, quelque part dans l'océan, répondit Zelda, uniquement accessible si on a la tunique des hommes des sables en sa possession. Cette île serait habitée par des enfants comme toi et Mido l'avaient été, possédant un immense pouvoir. Si cette île du dragon existe vraiment, Ganondorf cherchera sûrement à forcer les enfants perdus à lui enseigner ce pouvoir. Nous devrons donc y arriver avant et l'en empêcher. Mais d'abord, il nous faudra trouver la tunique des hommes des sables. Evidemment, en tant qu'ancien homme des sables, Ganondorf aura un avantage certain.
- Excusez-moi, princesse, répondit Link, mais il m'a semblé entendre "nous". Or, seulement Flirto et moi ...
Il n'avait pas bien mesuré ses propos.
- Tu ne me crois pas assez forte pour vous accompagner ?
- Non, mais...
- N'est-ce pas moi la princesse, ici bas, à qui il advient de choisir qui mènera cette expédition ?
- Si. Bien sûr... Je suis désolé, Zelda, dit Link, je ne voulais pas...
- Bien. Nous irons à la vallée Gerudo. Ce sont elles les plus enclines à nous renseigner sur les hommes des sables. Nous en profiterons pour demander à Nabooru la véritable signification de leur intervention lors de la bataille devant les ranchs et pourquoi certaines guerrières ont renié ma protection et ont juré fidélité au prince des ténèbres. Mais en attendant, profitez tous de la dernière journée de repos que nous passons dans ce lieu magnifique.
Tout le monde se retira, excepté Angora que Zelda avait retenue. Link vit la princesse l'emmener à l'écart, derrière l'arbre creux servant de boutique. De quoi pouvaient-elles bien discuter ? Au moment où Link allait les rejoindre, Malon lui prit la main.
- Je sais que vous étiez des amis intimes, dit-elle, je suis désolée...
- Tu ne dois pas. C'est uniquement de ma faute si elle est...
- Non, ce n'est pas de ta faute, c'est une fois de plus l'oeuvre du vil Ganondorf. C'est lui la cause de tous les malheurs qui arrivent.
- Elle était ma seule véritable amie.
- Et moi alors ? demanda-t-elle, vexée. Et ce Flirto ? Sans oublier notre bonne princesse... et Ruto... ainsi que le hibou, qui souvent venait apporter de tes nouvelles, à moi et à mon père au ranch.
Link sourit. Comment avait-il pu oublier tous ses amis ? La mort de Saria allait changer bien des choses...
- Elle t'appréciait beaucoup, tu sais... C'est elle qui me l'a dit. Moi aussi d'ailleurs... tu as beaucoup fait pour moi, pour mon père et pour le ranch Lon-Lon. Tu comptes énormément pour moi... Bien plus que tu ne le penses...
Link ne sut comment réagir à ces propos. Intérieurement, une bête féroce rugit de joie. D'une certaine manière, il espérait entendre cet aveu. Mais était-ce une insulte à la mémoire de Saria que de l'avoir attendu, alors qu'elle l'avait aimé ? Depuis quelques instants déjà, Link regardait ses pieds. Il leva les yeux et croisa le regard de Malon. Elle lui sourit mais resta silencieuse. Lui non plus ne dit rien. Ils restèrent là un long moment, à se regarder.
Un bruit métallique rompit ce silence légèrement embarrassant : C'était la cloche signalant que le dîner était servi. Exceptionnellement, une longue table avait été dressée au milieu de la petite forêt, où tout le monde mangeait en même temps. Un peu plus loin, un feu de bois crépitait joyeusement. Malon et Link se dirigèrent ensemble vers la table. Link se retrouva entre Zelda et Malon. Ils furent bientôt rejoints par Talon, seul ainsi que le reste des habitants de la forêt. Seuls Ango et Flirto manquaient à l'appel. Ils avaient tous deux disparu après avoir attentivement écouté l'histoire contée par Link. Enfin bon. Ça faisait plusieurs jours que Link n'avait plus rien mangé et il espérait en profiter. Il se servit une côte de veau (du ranch Lon-Lon, bien sûr...) du filet d'Octorok en sauce, du caviar de blob (???), trois oeufs de cocottes ainsi que deux cocottes entières. Il ne se préoccupa pas plus que ça de l'absence d'Angora et de Flirto au banquet.

Marabu, un jeune Kokiri, avait raté le début du dîner. Il s'était retiré dans les bois perdus, qu'il connaissait comme sa poche, pour y rechercher solitude et tranquillité. Il n'avait de toute façon pas faim. Il prit un passage obscur mais fit tout de suite demi-tour, voyant dans la "salle" qu'il allait atteindre un Kokiri embrasser amoureusement une Hylienne. Il essaya donc de se retirer sans bruit. Mais qui était ce Kokiri qu'il avait certes vu de dos, mais dont la silhouette lui était totalement inconnue ?
Au moins, il y avait des gens heureux. Lui n'avait jamais vraiment été heureux : Il avait grandi à l'écart des autres et n'avait jamais pris contact avec eux. Quand viendrait le jour où il serait obligé de vaincre sa timidité et de rejoindre ses compagnons pour survivre ? Soudain, il se rendit compte qu'il avait franchi un passage qu'il n'aurait pas dû franchir. Son ventre se contracta. Il allait disparaître à tout jamais, car il s'était perdu dans les bois, alors qu'il pensait au bonheur de deux inconnus. Tout devint noir autour de lui. Il aurait voulu revenir sur ses pas mais ses jambes refusèrent et l'emmenèrent droit devant lui. Puis une lumière vive l'aveugla. Il vivait ! Il n'arriva pas à y croire. Mais où était-il ? Quand ses yeux s'habituèrent à la lumière, il vit devant lui une grande étendue désertique, constituée de sable jaune formant des dunes à perte de vue. Instinctivement, il se retourna. Il s'attendait à ne rien voir mais il fut agréablement surpris de voir une grande paroi, et au centre de celle-ci, une entrée sombre. Sans hésiter, il se précipita à l'intérieur.

Le jour d'après, les chevaux étaient sellés et Zelda, Link, Flirto, Ango, Malon et Talon étaient prêts à partir, les uns au ranch Lon-Lon (Ango avait été recueillie par Talon) et les autres à la vallée Gerudo afin de chercher la tunique des hommes des sables. Ils montèrent à deux par cheval : Link et Zelda sur Epona, Flirto et Ango sur un beau cheval blanc, finalement, Talon et Malon sur un dernier, noir. Ils se mirent donc au galop vers l'est.

Ils avaient voyagé depuis un jour et une nuit, en dormant à tour de rôle, quand le moment vint aux six compagnons de se séparer. Link fit ses adieux à Malon, serra la main de Talon et souhaita bonne chance à Ango. Zelda salua officiellement Malon et Talon et enlaça Ango, pour laquelle elle avait beaucoup d'amitié. Flirto aussi enlaça cette dernière, un peu trop amicalement, pensa Link, et salua également Talon et sa fille. Les adieux prirent bien dix minutes et la moitié d'entre eux était au bord des larmes, craignant ne jamais revoir ceux qu'ils avaient connus...

Avant d'arriver dans la vallée des Gerudos, il fallait traverser une falaise et pour traverser cette falaise, les voleuses avaient construit un unique pont. Nos trois amis arrivèrent devant ce pont et remarquèrent qu'il était gardé par deux guerrières de chaque côté de la falaise.
- Vu leur attitude agressive de la semaine dernière, je pense qu'il est plus sûr pour nous de ne pas trop les approcher, dit Zelda, enfin tant qu'elles peuvent nous voir.
Elle ferma les yeux, et aussitôt, les quatre gardes tombèrent à terre, leurs lances roulant dans la falaise.
- Tu les as tués ! s'exclama Link.
- Non, répondit la princesse, juste endormis.
Elle s'aventura en première sur le pont, qui avait l'air fragile. Mais, comme chacun l'avait espéré, il tint bon. Elle arriva sans problème de l'autre côté. Link et Flirto la suivirent.
Ils avancèrent encore une centaine de mètres avant d'atteindre le repaire des voleuses, sorte de forteresse construite sur plusieurs étages. Mais maintenant, il y avait beaucoup trop de ces femmes pour que les trois jeunes gens aient une chance d'échapper à leur surveillance. Au premier angle de mur franchi, une garde s'élança vers eux, leur ordonnant de la suivre jusqu'à sa chef, Nabooru. Zelda fit un signe discret aux deux garçons pour leur signifier qu'il valait mieux la suivre.

Quelques minutes plus tard, ils étaient dans une petite salle, gardée par cinq guerrières. Nabooru s'adressa à Zelda :
- Nous ne sommes plus en sympathie, princesse, tu n'aurais jamais dû venir. Surtout avec le garçon.
Elle baissa d'un ton, afin de ne pas se faire entendre des gardes.
- Je ne me fais plus obéir, Zelda, prenez ce que vous cherchez dans un coffre, au centre de la salle d'à côté et partez d'ici.
- Tu ne te sens plus chez toi dans la vallée, Nabooru ? demanda calmement Zelda.
- Non, en effet.
- Alors accompagne-nous dans notre quête, vers un océan lointain. Ta capacité à te diriger dans le désert nous sauvera peut-être la vie...
Elle sembla réfléchir quelques instants et déclara :
- Je vous laisse la vie sauva si vous quittez la vallée à l'instant même !
Le ton de sa voix était sans réplique, mais elle ajouta à voix basse :
- De toute façon, je n'ai trouvé que deux tuniques...
- Soit, dit Zelda, nous partons.
Elle fit signe à Link et à Flirto de la suivre, pivota sur les talons et quitta la salle. Avant de quitter la forteresse, ils récupèrent deux tuniques dans une salle proche.
Ils montèrent en selle sur leurs deux chevaux en chantant de traditionnelles chansons hyliennes :

Un jour, que je voyageais à travers Hyrule,
Que j'étais jeune et intrépide,
Que je craignais pas même la mort,
J'ai rencontré une voleuse Gerudo.

Ah ! qu'elle était belle,
Ma voleuse Gerudo,
Je pense que sans elle,
Je serais malheureux.

Elle était aussi belle que le soleil levant,
Dans ses habits d'un rouge de feu,
Et le voile recouvrant sa bouche,
Et sa longue lance qu'elle serrait dignement contre elle.

Ah ! qu'elle était belle,
Ma voleuse Gerudo,
Je pense que sans elle,
Je serais malheureux !

A quelques mètres de moi, elle s'était arrêtée,
Elle m'a longuement regardé,
Je lui ai gentiment souri,
Le coup de foudre existe, chère voleuse Gerudo.

Ah ! qu'elle était belle,
Ma voleuse Gerudo,
Je pense que sans elle,
Je serais malheureux.

Elle s'était retournée, puis s'est mise à marcher,
Et sans même me regarder,
Elle s'est lentement éloignée,
A jamais.

Ah ! qu'elle était belle,
Ma voleuse Gerudo,
Je pense que sans elle,
Je serais malheureux.

Ah ! qu'elle était belle,
Ma voleuse Gerudo,
Quand je pense qu'avec elle,
Je serais si heureux !

Ils galopèrent à nouveau un jour et une nuit vers la forêt Kokiri, chacun étant évidemment déçu par l'absence de Nabooru.
A peine étaient-ils arrivés dans la forêt qu'un Kokiri se précipita vers eux, l'air surexcité.
- Princesse, dit-il, je suis allé dans les bois et j'ai pris un passage qu'il fallait pas prendre mais en fait, il faut le prendre parce qu'il mène à un désert jusque là inconnu et...
- Montre-moi ce passage, Marabu, dit Zelda.
- Comment vous... Enfin, peu importe. Suivez-moi.

Il les mena devant l'ouverture du fameux passage et déclara :
- C'est là.
- Merci Marabu, tu peux partir.
Une fois le Kokiri disparu de leur vue, Zelda ferma les yeux quelques instants et dit à Link et à Flirto :
- Deux d'entre nous seulement pourront survivre dans le désert, étant donné que nous n'avons pu récolter que deux tuniques. Allez-y tous les deux, moi je dois retourner au château afin de résoudre un problème personnel.
Elle prit les mains des garçons dans les siennes.
- Bonne chance. J'espère vous revoir un jour et qu'alors, Ganondorf sera anéanti.
Elle adressa un dernier regard à Link et fit demi-tour, laissant Link et Flirto seuls face à la petite ouverture d'un noir de jais.
Link regarda Flirto. Son visage avait une expression craintive, comme si le passage allait cracher quelque monstre particulièrement agressif. Flirto regarda Link.
- Je... je ne peux pas... Ce trou noir me fait affreusement peur...
- Réfléchis, dit Link, pourquoi est-ce qu'il te fait peur exactement ?
- Je me rappelle... Le jour où je me suis perdu dans les bois. J'avais une famille... des amis... J'étais intrépide et avide d'aventures. J'ai tout perdu, simplement en franchissant un petit passage insignifiant. Ensuite, ma détresse et mes remords m'amenèrent au masque Majora. Tu connais la suite. Link... ce trou me rappelle étrangement celui d'autrefois. Et si le Kokiri nous avait menti ? Et ce trou nous transformait en ce que j'ai été ?
- Et bien, répondit Link, nous serions des flûtistes et nous arriverions plus vite à l'île du dragon.
Mais Flirto ne comprit pas le trait d'humour de Link.
- Je ne veux pas être un flûtiste ! Skull Kid, c'est du passé. Je ne franchirai pas ce passage !
- Et bien moi, j'ai confiance en Zelda. Et si elle croit ce petit Kokiri, alors moi aussi.
- Tu as raison, si Zelda dit qu'on peut y aller, alors on va y aller !
Link regarda Flirto. Flirto regarda Link et ils franchirent le passage ensemble. Tout devint noir mais ils continuèrent d'avancer côte à côte. Puis un petit point de lumière apparut loin, très loin devant eux. Il grossit au fur et à mesure de leur avancée jusqu'à les éblouir. Soudain ils ne sentirent plus le sol terreux des bois perdus mais un sable chaud sous leurs chaussures en peau de yahko. Ils se frottèrent les yeux pendant une bonne dizaine de minutes avant de pouvoir y voir quelque chose, même de dos au soleil. Mais Link aurait justement aimé voir autre chose que ce qu'il vit à ce moment-là : le désert. Que du sable orange, d'un bout à l'autre de l'horizon, empilé en une interminable série de dunes plus hautes les unes que les autres.
- Evidemment, dit Flirto tout en marchant, Zelda a oublié de nous dire ce qu'il faut faire et où il faut aller pour survivre.
- Elle-même ne doit pas le savoir, répondit l'autre.
- Elle aurait quand même pu nous donner à boire...
- Je reconnais avoir oublié ce détail, mais toi aussi tu aurais dû y penser.
- J'avais autre chose en tête à ce moment-là...
Soudain, un seau d'eau se renversa sur la tête des deux compagnons, les arrosant de la tête aux pieds. En quelques secondes, ils avaient déjà séché. "Très drôle, Zelda" pensa Link. "Princesse Zelda" répondit une voix dans sa tête.

Ils marchèrent longtemps. Très longtemps. Le soleil semblait refuser de se coucher et laisser un peu de fraîcheur aux deux voyageurs. Link regrettait de plus en plus sa tunique goron, soigneusement pliée et rangée dans une armoire de sa chambre, qu'il n'avait pas pensé à emmener. Il commençait à se demander à quoi pouvait servir le lourd vêtement des hommes des sables qu'il portait, sinon à lui tenir plus chaud qu'il ne l'aurait souhaité. Il essuya la sueur qui gouttait sur son front d'un revers de manche et essaya de ne plus penser à ces nombreuses choses qu'il avait oubliées.
- Je m'ennuie, déclara Flirto.
- Hein, demanda Link, la tête ailleurs, qu'est-ce qu'il y a ?
- Je m'ennuie, répéta Flirto, l'air morose.
- N'y pense pas, continuons à marcher.
- Je m'ennuie... mais de quoi ?
Link commençait à s'impatienter. Il ne comprit pas ce que Flirto entendait par-là.
- Si tu ne sais pas pourquoi tu t'ennuies, alors ça veut dire que tu penses à l'ennui mais en fait tu t'amuses bien...
- Non, répondit l'autre, c'est un poème d'un poète dont j'ai oublié le nom...
Je m'ennuie,
Mais de quoi ?
Une étreinte sous la pluie,
Un...

Il fut interrompu par un étrange phénomène, se produisant sous leurs yeux : Bien qu'il n'y ait pas de vent, un nuage de sable s'éleva devant eux. Le sable soulevé devint vert et forma une petite tornade de deux mètres cinquante de haut, qui les attirait vers elle comme un aspirateur. Inévitablement, ils allaient entrer dedans et alors...
Ils se regardèrent puis s'enfuirent à toutes jambes. Flirto risqua un regard en arrière et vit que la tornade les suivait. Ils la montra à Link et tous accélèrent encore. Pourtant, la tornade verte leur courait après, si je puis dire. Ils zigzaguèrent mais la tornade suivait leurs mouvements. Elle ne pouvait être naturelle. Link le comprit aussi et s'arrêta. Il fit face à la tornade, l'épée pointée sur elle, et se laissa aspirer.

Dans les cuisines du château d'Hyrule, tout le monde s'activait, cuisiniers, marmitons, elfes, serveurs et préparateurs-de-salle-à-manger (métier à plein temps...) afin que tout soit prêt pour la soirée que le roi donnait à l'occasion du carnaval du temps. Même Anju, engagée comme suivante de la princesse depuis sa rupture avec Kafei, n'échappait pas à la corvée : Elle devait faire l'intermédiaire entre la cuisine et la princesse, apportant des échantillons du futur festin à cette dernière.
Elle arriva avec un énorme plateau de gelée de baies sauvages confites avec feuilles d'arbre Mojo fraîchement cueillies sur une main, et une serviette dans l'autre devant la chambre de la princesse.
"Par les cornes de Majora ! Comment fait-elle pour manger tout ça ?" se demanda Anju, avant de frapper à la porte de la chambre en criant :
- Gelée de baies sauvages confites avec feuilles d'arbre Mojo fraîchement cueillies.
- Merci Anju, dit Zelda en ouvrant la porte et en souriant à sa suivante, je me demande comment le cuisinier veut que je mange tout ça !
Elle prit le plateau d'argent et le déposa sur une petite table près d'elle. Elle fit signe à Anju de partir, et dès que celle-ci eut fermé la porte, elle revint à ses activités : Elle surveillait Link et Flirto par la force de sa pensée et vérifia qu'ils se dirigeaient toujours dans la bonne direction. Elle vit soudain une tornade s'approcher d'eux et les vit s'enfuirent. Elle souffla à Link :
"Ceci n'est pas un phénomène naturel, c'est un fruitanor, un monstre qui avale ses ennemis en les aspirant. Retourne-toi brusquement et enfonce-lui une bonne épée dans l'estomac..."
Link fut aspiré dans la tornade et vit tout juste la forme verte du fruitanor et y enfonça son épée de Légende. Aussi vite qu'il était entré, il en sortit. Le sable retomba et il ne resta plus qu'une mare d'un liquide vert fluorescent.
- Pas mal, dit Flirto, mais comment as-tu su que c'était un monstre ?
- Grâce à mon ingéniosité et surtout mon intelligence hors du commun.
Il faillit se prendre un nouveau seau d'eau sur la tête mais il y échappa en ajoutant :
- Non, en fait, notre princesse y était aussi pour quelque chose...
- Je me disais aussi...
- Rrrr...

Ils continuèrent à avancer toujours tout droit, franchissant des centaines et des centaines de dunes, sans rencontrer la moindre difficulté, en laissant de côté la chaleur, la soif, la fatigue, l'ennui, le silence et la peur de ne jamais arriver à l'océan ou même de ne pas arriver par-dessus quelques milliers de dunes. Mais, au bout d'un moment, la nuit avait fini par tomber recouvrant l'immense étendue désertique par son voile sombre et glacial. La différence de température fit un choc à nos deux voyageurs. Ils décidèrent d'en profiter pour faire une pause, même s'ils n'avaient aucune idée de la longueur de la nuit. C'est à ce moment qu'ils découvrirent l'utilité des tuniques des hommes des sables : elles faisaient d'excellentes couvertures... Mais la nuit fut plus courte que prévu et Link, qui avait bien failli s'endormir, se releva d'un saut, alors que le soleil s'était levé et que le sol était redevenu brûlant... Flirto également. Sans prononcer un mot, mais en poussant un profond soupir, ils se remirent en route.

Ils marchèrent encore une journée. Ils se reposèrent encore une nuit. Puis une autre. Encore une. Beaucoup d'autres en fait... C'est ainsi qu'un jour, sans prévenir, une oasis apparut devant eux. Ils crurent d'abord à une fata morgana, c'est-à-dire à un mirage, mais le point d'eau était bien réel. Après l'avoir constaté, ils plongèrent dedans et burent sans modération. Mais tout en étant réelle, cette oasis n'en était pas vraiment une, mais cela, ils ne le surent que trop tard...
Effectivement, sans le savoir, Link et Flirto avaient avalé un blob. Vous savez, ces trucs roses, verts ou jaunes, visqueux et collants. Sauf que celui-ci était un blob du désert, une race particulièrement rare et surtout plus ingénieuse que ses congénères de la plaine Termina. L'eau que les deux voyageurs avaient avalée était le blob lui-même, transformé en oasis pour mieux tromper les innocents en quête de rafraîchissement et il retrouva sa matière d'origine, gluante et dégoûtante, dans l'estomac de ses victimes. Heureusement que la princesse veillait au grain et qu'elle sut pertinemment ce qu'il advenait de faire dans ce genre de situation. Comme elle avait fait apparaître de l'eau au-dessus de la tête de ses protégés, là elle fit apparaître des pilules laxatives, qui tombèrent directement dans les bouches grandes ouvertes de Link et de Flirto. Je vous épargne la suite mais sachez qu'une fois dehors, le blob fut rudement maltraité par les deux garçons.
Quand Zelda trouva le courage de regarder où en étaient Link et Flirto avec le parasite anciennement abrité dans leur ventre, elle vit qu'ils étaient déjà repartis. Malheureusement dans la mauvaise direction. Pauvres garçons encore choqués par l'impressionnante différence entre les races de blob, complètement déboussolés ! Elle les redirigea dans la bonne direction et se retourna vers Anju qui lui apportait un nouveau plat à goûter.

Le blob, mine de rien, avait assouvi la soif des deux voyageurs, qui pourtant ne tiendraient plus longtemps sans manger. L'occasion se présenta deux heures après : Ils virent apparaître devant eux un gros chameau bien dodu qu'ils s'empressèrent de tuer et d'enlever la peau poussiéreuse. Je ne sais pas si vous en avez déjà goûté, mais la côte de chameau froide n'a vraiment rien de bon... Mais qui dit que les voyageurs durent la manger froide, cette côte ? En quelques secondes, elle avait entièrement disparu... Bizarrement et heureusement, ce repas bien mérité ne donna pas du tout soif aux voyageurs qui se remirent aussitôt en route, le coeur un peu plus léger et le ventre un peu plus lourd...

Ils marchèrent encore par-dessus quelques centaines de dunes et leurs jambes avaient recommencé à leur faire mal. Ils ne dirent toujours rien, économisant le souffle et la salive qu'ils leur restaient. Soudain, au pied d'une montagne de sable particulièrement imposante, Flirto s'arrêta brusquement et huma l'air.
- Tu ne sens rien ? demanda-t-il.
Link renifla à son tour.
- C'est vrai, ça sent... attends... le poisson !
- Les crevettes ! ajouta Flirto.
- Et le sel...
- Ecoute... le piaillement des mouettes...
Ils se regardèrent et s'élancèrent pour une longue grimpette...
En courant, ils mirent une demi-heure à monter la haute dune. Arrivés en haut, ils eurent la vue dégagée : Loin, en bas de la pente, s'étendait une plage d'un sable différent, avec une unique maison sur pilotis. Au-dessus d'eux était le ciel bleu azur, parsemé de mouettes cherchant des poissons ou des crabes à manger. Entre le ciel et la plage, s'étendait l'océan. Bleu clair presque transparent, même au grand large, l'océan semblait recouvrir le triple du désert en largeur et au moins le centuple en longueur... Autant ils avaient mis une demi-heure pour monter, pour descendre, c'était beaucoup plus court. En dix secondes, ils avaient dévalé la pente, trébuchant par moments, roulant quelques mètres par d'autres, et arrivant tout en riant en bas, recouverts de sable, et prenant au moins vingt mètres pour s'arrêter en bas de la dune...

Chapitre 7 : L'île du dragon   up

Link et Flirto arrivèrent en bas de la dernière dune, couverts de sable, sautant et criant pour exprimer leur joie d'avoir enfin atteint l'océan qu'ils avaient tant cherché. Etait-ce le même que celui que Link (Flirto, en tant que Skull Kid, aussi d'ailleurs) avait vu à Termina, sur lequel se trouvait le temple de la baie ainsi que le Théâtre Zora et près duquel se trouvaient la forteresse des pirates, cousines éloignées des Gerudos, ainsi que la maison des skulltulas et où deux étranges castors faisaient faire des courses à ceux qui était assez habiles pour les trouver ? Ce serait fort possible... Mais qu'il en soit ainsi ou non, les nombreux cartographes d'Hyrule, dont un certain Tingle, seraient forts réjouis de la découverte de cet océan, pouvant ainsi dessiner de nouvelles cartes, les anciennes étant légèrement démodées, et doubler leur chiffre d'affaires, sans en venir à l'idée que leurs superbes cartes actuelles sont fausses...
Mais je m'égare... Pourtant, Link et Flirto n'étaient pas les seuls Hyliens dans le coin, en tous cas en admettant que les habitants de la charmante maison au bord de la plage était bel et bien habitée par des Hyliens et non pas par quelque savant fou... Pourtant, bien que le souvenir de Link de la maison au bord du lac Hylia était encore frais, ils se dirigèrent vers celle-là. Flirto frappa avec modération à la lourde porte de bois et des bruits de pas s'approchèrent. Puis, la porte s'ouvrit. Au grand soulagement de Link, c'était une femme qui ouvrit la porte. (Les femmes n'étant pas très connues pour être des savants fous...) Elle était grande et blonde, portait une longue robe violette, et parlait avec un accent inconnu des deux voyageurs. Elle ne venait sûrement pas d'Hyrule, en admettant que cette plage ne fasse pas partie d'Hyrule, enfin pas du même endroit que Link et Flirto, je veux dire qu'elle venait certainement d'autre part...
- Entrrrez mes cherrrs enfants. Ma demeurrre serrra la vôtrrre.
- Excusez-nous, se risqua Link, mais nous ne cherchons pas une demeure éternelle mais juste quelques renseignements...
- Mais tout ce que vous voulez Hyliens, enfin je veux dirrre : Mes adorrrables cherrrubins...
- Aussi un bon chameau grillé et de la bière ? commença Flirto.
Mais Link le tira par le pantalon. Il venait de voir, derrière la femme, un chaudron. Un chaudron par lequel s'échappaient des volutes de fumée violettes et qui dégageait une odeur assez nauséabonde, comme venait de le remarquer Link. Mais ce n'était pas tout : La blonde essayait tant bien que mal de cacher le moignon qu'était le bout de son bras gauche sous la manche bien trop courte de sa robe. Bien trop de coïncidences au goût de Link qui commençait à se méfier des maisons isolées au milieu de nulle part. Ce n'est qu'en voyant lui aussi le moignon de main gauche que Flirto se décida à abandonner la belle blonde sans autre discours.
- Oups, fit-il, nous avons oublié que nous avons une carriole à prendre... Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps, au revoir !
- Non, attendez...
Mais les deux garçons étaient déjà partis en courant. L'étrangère, pourtant sans quitter le perron de sa maison, continua à leur hurler après des "Revenez" et des "s'il vous plaît" plaintifs. Pourtant, ils ne s'arrêtèrent pas, je les comprends, j'aurais sans doute fait pareil.

- Longez la plage, continuez vers le sud-ouest, vous trouverez normalement un bateau de pêche assez grand et solide pour entreprendre un voyage sur l'océan.
La princesse Zelda donnait ses instructions par télépathie. Elle avait beau être intelligente, divinatrice etc. mais comment faisait-elle pour ne pas perdre le nord dans cette histoire ?
Les deux voyageurs suivirent donc les conseils de Zelda et longèrent la plage, au son des vagues et au ricanement des mouettes. Ils marchèrent un certain temps comme cela. Link entendit par moment Flirto marmonner : "Je m'ennuie, mais de quoi ? Une étreinte sous la pluie, un écho de sa voix..." Mais à chaque fois qu'il demandait à son compagnon, soit par qui et pour qui ce poème était fait, soit pourquoi il le récitait, Flirto semblait revenir à la réalité et hausser les épaules ou changer de sujet.
Ils assistèrent à un beau coucher de soleil, par delà l'océan. A trois couchers de soleil, très exactement, avant de trouver le bateau dont parlait la princesse. Il était amarré sur un petit quai et tanguait au gré des vagues, assez hautes par le temps qu'il faisait, c'est-à-dire nuageux et venteux. La princesse confirma à Link que c'était bien de ce bateau là qu'elle parlait et qu'ils pouvaient embarquer sans crainte. Il était de taille moyenne, pour aujourd'hui, mais pour l'époque, il était immense, surtout pour Link, qui n'avait jusqu'alors connu que des petites barques. Ses grandes voiles étaient pliées mais un petit drapeau flottait tout en haut du plus grand mât : Son dessin représentait deux flûtes croisées entourées par un long dragon blanc de style asiatique. Au devant du bateau était une proue également de forme draconienne et de couleur rouge pétante. Une petite passerelle s'étendait de la plage au bateau et ce n'est qu'avec un scepticisme mal dissimulé que les deux voyageurs montèrent à bord. Ils examinèrent attentivement comment fonctionnait ce navire et constatèrent avec soulagement que son mécanisme, bien que cinq fois plus grand, était le même que sur un petit bateau à voiles. Link enleva l'attache qui retenait le navire et Flirto déplia toutes les voiles qui n'étaient en fait pas très nombreuses et qui se gonflèrent rapidement. Flirto, qui avait plus d'expérience avec ces machins-là, tint le gouvernail tandis que Link s'occupait de la voilure. Ils partirent à vive allure, le vent venant bien de derrière les assurant d'une vitesse raisonnable pendant un certain temps.
La première partie du voyage fut archi-monotone, toutefois moins que la ballade dans le désert, car là, au moins, ils pouvaient parler. Ils se racontaient des histoires, entendues dans leur plus lointaine jeunesse, des contes hyliens et des épopées kokiris. Entre autre, la triste histoire d'Iralya, la jeune princesse d'Hyrule, qui a rencontré son futur mari et réveillé la plus grande menace qu'Hyrule ait jamais connue :

Iralya vivait dans un temps encore plus lointain que Link et Flirto. Elle était la toute jeune et belle princesse d'Hyrule, fille du roi Aymeric Oswald Hyrule. Son deuxième prénom, mais comment en aurait-il pu être autrement, était Zelda. Le pays était alors à son apogée, quand la plaine d'Hyrule était encore verte et que le Péril crachait encore des flammes. Chacun vivait heureux, du petit Kokiri jusqu'aux grands Sheikahs, encore plus nombreux en ce temps-là. Mais la jeune princesse s'ennuyait, seule au château, et décida, malgré l'interdiction de son père, d'aller au bourg d'Hyrule, jouer avec les enfants de son âge. Elle fut aidée dans son escapade par un vieux hibou qui s'appelait, comment en aurait-il pu être autrement, Kaepora Gaebora. Iralya arriva donc au petit bourg qu'elle voyait depuis les hautes fenêtres du château et réussit à se faire accepter dans un groupe de cinq enfants de son âge. Ils jouèrent un certain temps, mais il vint un moment où ils ne surent plus quoi faire et comme tous les enfants qui s'ennuient, ceux-ci eurent la merveilleuse idée d'aller faire une bêtise. Comme ce groupe-ci comptait un certain elfe aventureux que nous connaissons assez bien, leur intention fut d'aller en dehors des hauts murs de pierre de la ville, dans la vaste plaine d'Hyrule. Ils se faufilèrent discrètement par la grande porte, sous le non moins grand nez du garde en faction et se dirigèrent en direction du lac Hylia. Mais, malheureusement pour eux, et pour mon histoire sans aucun doute aussi, sur leur chemin ils rencontrèrent un vieil homme, portant toutefois un lourd chaudron d'acier sur ses épaules. Il s'approcha du groupe d'enfants et leur dit d'une voix mielleuse :
- Bonjour, jeunes bambins insouciants, aidez un vieil homme fragilisé par de longues années de durs labeurs à porter son chaudron.
Ils auraient dès lors dû s'enfuir en courant, le plus loin possible de cette chose que vous et moi avons déjà vue plusieurs fois, mais un des gamins se proposa pour aider le vieil homme soi disant fragilisé par de longues années de labeurs. A peine le chaudron posé sur son dos, limitant ses possibilités de fuite, le vieil homme tira d'une poche de sa robe violette un immense hachoir à viande. C'est à ce moment que tous les autres s'enfuirent en criant, laissant le pauvre bougre seul face au fou. Il n'en échappa pas et j'ai le désespoir de vous dire que ses jambes servirent à la préparation d'un philtre d'amour... Iralya courut aussi vite que possible, avec à côté d'elle le jeune kokiri l'ayant entraînée dans cette aventure. Il courut tout en criant à la princesse qu'il regrettait de l'avoir entraînée ici. Il l'avait reconnue aux nombreux signes de Triforce que portait sa robe. Ils se réfugièrent dans une grotte qui se trouvait non loin de là. Ils s'adossèrent contre un mur humide, essoufflés. Mais ils eurent à peine le temps de reprendre haleine qu'une voix claire et pure résonna en écho dans la caverne. Elle emplit les deux enfants, la princesse et l'elfe, d'une indescriptible joie. Elle disait :
- Venez vers le fond de l'antre noir,
Suivez ma voix, ma douce voix,
Venez au fond, venez me voir,
Venez, venez à moi.

Et ils y allèrent. Ce son cristallin les tirait inévitablement de plus en plus profondément dans la caverne. Ils se laissèrent guider dans une grande salle, parsemée de stalactites et de stalagmites, dans laquelle était un immense orgue en bois, ce qui n'étonna en rien les deux enfants dans leur état second.
- Pour qu'à vous je sois révélé,
L'épée il faudra retirer.
Au milieu de la salle apparut un socle, dans lequel était enfoncée une épée. Suivant les ordres de la voix, l'elfe se dirigea vers le socle et tira sur l'épée. Il n'arriva pas à la retirer. Les événements auraient pu s'arrêter là... mais Iralya rattrapa l'elfe et tira elle-même l'épée. Doucement, elle sortit du socle. Une musique forte et rapide les ramena à la réalité : Quelqu'un jouait de l'orgue. Le son n'avait aucune chaleur... Ils s'enfuirent, le plus vite possible. Ils sortirent de la grotte et regagnèrent le bourg. Iralya parla de la grotte à son père le roi, qui envoya des gardes l'inspecter, mais ceux-ci ne la retrouvèrent pas, malgré les indications précises des deux enfants. Iralya ne fut pas sanctionnée, son père étant trop content de la retrouver vivante pour cela. L'elfe, qui plaisait bien au roi, fut désigné comme le futur mari d'Iralya. (L'avis d'Iralya ne fut pas demandé, bien qu'elle apprécie également l'elfe.) Quelques années plus tard, ils se marièrent et eurent un enfant : Doraïn Oswald Hyrule.

Ce conte pourtant n'en serait pas totalement un. Il relaterait l'histoire d'une ancêtre de la princesse actuelle, à laquelle on aura rajouté quelques éléments fictifs pour parfaire le tout. Link n'avait jamais eu l'idée de demander à la princesse si c'était bien vrai, pourtant il connaissait cette histoire depuis un certain temps. Sinon Flirto raconta un autre conte à propos d'un jeune elfe dont Ganondorf aurait capturé la soeur dans une Hyrule engloutie sous les flots parsemé d'îles peuplées de dragons et d'autres monstruosités. Ainsi passa la première partie du voyage et ainsi débuta la seconde :

BOOOUM ! Un immense tentacule venait de sortir des flots et de cogner contre la coque du bateau. Tout le navire fit un soubresaut. Flirto faillit tomber par-dessus bord et Link faillit se prendre la barre de la grand voile, qui tourna subitement, en pleine tête. Le tentacule révéla bientôt le corps d'un octorok. Mais pas les petits octoroks minuscules que l'on peut voir dans le Fleuve Zora, mais une bête géante d'au moins vingt mètres de haut (deux fois la taille du bateau). Il n'était pas question, si jamais il se mettait à cracher des pierres, d'essayer de les renvoyer avec le bouclier. Ils étaient totalement perdus, ne sachant que faire face à un monstre pareil. L'octorok fouetta pour la seconde fois de son tentacule, visant les occupants du bateau à présent. Link plongea en avant, Flirto sur le côté. C'est à ce moment que Zelda intervint, dans l'esprit de Flirto :
- C'est fou comme tu peux être négligent !
- C'est pas le moment de me critiquer alors que...
- Ta flûte, imbécile.
Flirto leva la main, sa flûte de bois sauta dedans. Il s'apprêta à jouer quand un tentacule le ligota et le souleva dans les airs. Sa flûte tomba et Link la rattrapa au vol. Bien sûr, elle ne fut d'aucune utilité pour lui. Mais là, encore une fois, un tentacule jaillit de l'eau, tentant d'attraper le garçon, mais Link esquiva et elle alla fracasser la magnifique figure de proue en forme de dragon. Elle tomba dans l'eau froide et sombre. Elle se mit à bouger, à voler. Le dragon s'anima doucement et s'envola dans le ciel clair. Il poussa un profond rugissement et fonça sur l'octorok. Celui-ci surpris, relâcha Flirto qui tomba sur le sol en bois du bateau. Le dragon rouge cracha des gerbes de flammes sur le monstre, sous les yeux ébahis des deux marins. L'octorok, à moitié brûlé par la déflagration, concentra ses coups de tentacules sur l'animal volant qui les évitait avec une grâce extraordinaire. Finalement le monstre, blessé et étourdi, finit par retourner au fond de l'eau. Le dragon rouge, à la crinière de flammes fit un dernier tour d'honneur puis partit vers le large, suivi des yeux par les passagers du navire, jusqu'à l'horizon lointain.
La troisième partie du voyage ne fut pas plus réjouissante. Moins morne que la première, sans doute moins distrayante que la deuxième, elle révéla à nos deux héros ce qu'ils étaient réellement.
Deux semaines déjà que nos deux voyageurs voguaient sur l'océan paisible, à pêcher du poisson pour se nourrir et pour se distraire. Trois jours après l'octorok, un matin chaud et sec, une voix résonna dans l'esprit de Link. Mais ce n'était pas la voix pressée de la princesse, mais plutôt une voix calme et rassurante, d'un timbre moyen. Il ne sut dire s'il s'agissait là d'un homme ou d'une femme. A vrai dire, c'était ni l'un ni l'autre.
- Link ? Me vois-tu ? Je suis là !
- N... non, répondit poliment Link, où êtes-vous ?
- Mais à qui est-ce que tu parles ? demanda Flirto.
- Ici, dit la voix que Flirto aussi put désormais entendre, sur ton épaule.
Link se retourna brusquement et une forme au pelage orange sauta de son épaule au sol : C'était un renard, assez petit, au beau poil rouge-orangé.
- Je suis le messager de Din. Je suis là pour vous apprendre la vérité.
Les deux garçons le regardèrent bouche bée.
- Mais d'abord, vous devrez répondre à quelques questions...
Première question, qui va à Link : Dans le conte de la princesse Iralya, quelle est cette menace que décrit l'histoire ?
- ... Enfin je pense... Que c'est le seigneur du malin, Ganondorf, acheva Link.
- Très bien, très bien... A ton compagnon maintenant...
Link ne vit, ni entendit le renard à ce moment-là. Il avait disparu. Flirto, pourtant, le voyait très bien.
- Qui sont réellement les enfants perdus ?
- Ce sont des Kokiris perdus dans les bois, exilés sur une île inconnue des Hyliens.
- Certes... et toi, penses-tu faire partie de ces enfants ?
- J'en étais peut-être un, à un moment donné, mais maintenant, je suis redevenu Hylien, entièrement.
- Penses-tu réellement que faire partie de ces individus, c'est seulement physique ? Ne crois-tu pas avoir gardé certaines des particularités qui leur sont propres, intérieurement ?
- Je... je ne sais plus... Depuis quelques temps, je ne sens plus les mêmes choses, je ne pense plus pareil non plus. En fait, je ne sais plus quoi penser...
- T'es-tu déjà posé la question, non pas à quoi, mais à qui tu penses dernièrement... Je te laisse y réfléchir.
Flirto n'entendit plus rien, seul face à lui-même. Le renard revint à Link.
- Bien, ton ami est perturbé. C'est très bien. Maintenant à nous : Combien de garçons la princesse Zelda a-t-elle connus dans sa vie ?
- Euh... bah... j'en sais rien moi...
- A ton avis...
- Un certain nombre je suppose.
- Combien ?
- Quinze, déclara Link au hasard, redoutant la réponse du renard.
- Combien parmi eux sont des héros du temps ?
- Un seul... moi.
- Faux. Tous les garçons que notre princesse a connus étaient des héros du temps. En revanche, tu as raison sur un point : c'est toi. Ils sont toi. Par contre, il y en a bien plus que quinze. Une infinité...
Link ne sut que dire. En fait, il n'avait pas tout compris.
- Réfléchis, reprit le renard, qui est la personne qui te ressemble le plus ?
Après un instant de silence, Link répondit :
- Mon père.
- Et à qui lui-même ressemblait le plus ?
- Mon grand-père...
- Alors, qui sont tous les héros du temps que la princesse a connus ?
- Mes ancêtres !
- Et oui, Link, certains de tes ancêtres, pas tous, étaient des héros du temps, ils ont chacun leur tour sauvé Hyrule d'une menace constante, rencontrant ainsi une princesse Zelda différente, une des mères de l'actuelle. La menace ? Ganon ! Il se réincarne tous les cent ans en un corps différent, parfois un Hylien, un homme du désert, un elfe, un monstre... Link. Tu n'es pas un Kokiri, ni un Hylien d'ailleurs. Tu es un elfe. Ta mère était hylienne, mais tous tes ancêtres masculins étaient des elfes, cette race ayant disparu depuis des années. Mais quelques individus existent encore. Toi, bien sûr, et Zelda. Ne t'étais-tu jamais demandé où était passée la mère de la princesse, pourquoi le roi règne seul ? La reine mère a disparu, après avoir mis au monde un enfant, mais qui n'était pas de son mari. Pour sauver la vie de celui-ci et la sienne, elle s'enfuit et, face aux gardes du roi qui ne tarderaient pas à la retrouver, elle l'abandonna. Ce fils avait pour père un elfe, et ça ne m'étonnerait pas que ce soit toi...
- Moi ? Je suis le frère de Zelda ?
- Demi-frère... Mais je vais revenir à Flirto, il a déjà assez mijoté...
Ce fut au tour de Link de devenir sourd et de ne plus voir le renard et Flirto.
- Alors ? As-tu réfléchi à ce que je t'ai dit ?
- Oui. Je pense à une personne bien précise. C'est...
- Chut ! Oublions cette personne pour le moment et occupons-nous de nos questions... Qui est réellement Angora ?
- Elle... elle est la fille d'Ingo. Il aimait une femme, une Gerudo, qui s'en alla, lui laissant une fille dans les bras. Il plongea dans le malheur le plus profond et devint mauvais. Il vit son enfant grandir, dans le secret, et un jour sa jalousie envers Talon et Malon le rendit complètement fou. Ango est vraiment triste. De plus, elle habite maintenant avec celui qui a tué son père...
- Je vois que la fille t'a déjà raconté. Et qu'en penses-tu, toi ?
- C'est entièrement compréhensible. Moi, si je tenais celui qui a tué mes parents...
- Comment ça ?
- L'homme... l'homme aux yeux flamboyants qui a tué mes parents. Cette nuit, ce jour d'hiver... Je me souviendrai toujours de ces yeux emplis de haine ! Je le retrouverai et je...
- Chut ! Je sais qui est l'assassin de tes parents.
- Je veux connaître la fiente de blob qui a tué mes parents !
- Calme-toi. Tu le sauras. Mais pour le moment...
- MAINTENANT !!!
Il voulut attraper le renard mais quand le garçon fit le geste, celui-ci disparut aussi subitement qu'il était apparu. Link vit à nouveau Flirto, Flirto entendit à nouveau Link, et tous deux se regardèrent un long moment sans rien dire. Enfin, ils s'éteignirent, en bons amis, et se racontèrent les révélations faites par le renard.

La quatrième partie du voyage fut à nouveau une longue période d'ennui pour les deux voyageurs. Au début, ils discutèrent des révélations du renard, mais ce sujet s'épuisa assez vite. L'un regardait l'horizon en tenant le gouvernail, l'autre dormait dans les filets de pêche, lui servant de hamac. Une fois par jour, les filets furent jetés à l'eau afin de se nourrir, ainsi, plus ou moins, deux mois durant. Parfois, Zelda entrait en contact avec Link pour prendre de leurs nouvelles, mais s'en lassait rapidement. Cette période d'ennui se termina par une bonne nouvelle : Zelda leur annonça qu'ils allaient entrer dans le périmètre que surveillaient les enfants perdus depuis leur île. Quelques minutes après cette annonce, un autre navire fut aperçu par Link. Il se dirigea vers eux. Par-dessus la rambarde de celui-ci, se penchait une dizaine de jeunes personnes, tenant chacune une flûte traversière en bois dans une main. Personne n'avait de visage, juste une face affreusement ténébreuse. Ils crièrent aux deux voyageurs de baisser les voiles. C'est ce que fit Link. Leur bateau fut mis au coude à coude avec celui des enfants perdus, une planche de bois les relia que Link et Flirto traversèrent pour rejoindre le second navire. Le bateau des enfants passa devant l'autre et ils furent tous deux reliés par des lourdes cordes d'acier. Le bateau des flûtistes était à rames et tira l'autre.
Link et Flirto furent bien accueillis, même félicités pour leur audace et leur patience. Ils expliquèrent au chef des flûtistes d'où ils venaient, entourés par une cinquantaine d'autres enfants. Ils les firent rêver, en parlant du lac Hylia, de la vallée Gerudo, de l'affreuse montagne, des différentes races habitant Hyrule, leur rappelant leur passé. En route, les enfants perdus décrivirent l'île du dragon. Une plage merveilleuse, un village paisible, de vertes plaines, une haute montagne, la Montagne du Dragon, et un immense palais où siégeait leur chef suprême.
Ils étaient maintenant plus impatients que jamais d'atteindre leur destinée. Ils naviguèrent encore une demi-journée sur le bateau des flûtistes avant d'atteindre l'île. Elle était réellement aussi belle qu'elle leur fut décrite. Ils jetèrent l'ancre dans un petit port. Dès lors, ils virent l'impressionnante Montagne du Dragon, bien plus grande que leur volcan local. Ils virent aussi la merveilleuse plage dont on leur avait parlé, plus grande et plus merveilleuses encore que leur baie zora locale. Ils ne virent pas les vertes prairies, deux fois moins grandes que la plaine d'Hyrule, je dois le concéder, mais bien plus vertes encore... Enfin bref, ils adorèrent tout de suite cet endroit, bien qu'ils aient la nette impression que ça allait changer. Link surprit encore Flirto à chantonner son éternel : Je m'ennuie mais de quoi ? Une étreinte sous la pluie, un écho de sa voix...
Mais l'autre ne voulut toujours pas dire à quoi cela correspondait...

Chapitre 8 : Zippo le flûtiste   up

Ils débarquèrent dans le petit port de l'île, sur un quai de briques bleues, l'odeur de poisson frais pêché du matin planait dans l'air. Ils furent contents de pouvoir se dégourdir un peu les jambes, en se promenant le long du quai, avec le chef des marins flûtistes. Il leur expliqua comment vivaient les habitants de l'île : Par maison vivaient une fille avec un garçon, des fois avec des enfants plus petits, représentant une famille. Le matin ils se réveillaient dans leurs lits, au coeur des maisons, puis ils allaient travailler, emportés par des sortes de pousse-pousse, puis, le soir venu, ils rentraient dans leurs maisons puis dormaient, sauf en cas de veillée. Comme les Hyliens, en fait... Puis soudain, un autre enfant qui était apparu devant eux trébucha sur une flûte abandonnée et se rattrapa au compagnon de Link et de Flirto en suppliant le pardon de ce dernier. Celui-ci repoussa le nouveau venu d'un geste si violent que le malheureux tomba à terre. Sans même s'excuser, il fit signe de continuer. Mais Link et Flirto ne bougèrent pas.
- Venez, ordonna le chef des marins.
Mais au lieu de le suivre, l'un tendit la main à l'agressé, l'autre l'aida à se relever. Le chef fit une grimace dégoûtée et s'enfuit...
- Les gens ne sont pas très polis ici, remarqua Link.
- C'est vrai, avoua l'enfant, il n'y a que moi, ma femme et mes enfants que j'aime bien, sans vouloir vous offenser...
- Rassure-toi, répondit Flirto, j'étais comme toi avant.
- C'est vrai ? Comment es-tu redevenu normal ?
- Et bien, c'est un peu long à expliquer...
Evidemment, Flirto n'était pas sûr de vouloir raconter leur longue histoire à un parfait inconnu, qui pourrait très bien être un espion de Ganondorf, bien que ce gosse-là n'en ait pas l'air. Enfin, après avoir appris que des Gerudos étaient au service de Ganondorf, plus rien ne pouvait surprendre Flirto... Après tout, ce pauvre bougre ne voulait que retrouver sa forme normale. Ils se mirent donc à deux pour expliquer leur aventure à ce gamin dont ils ne connaissaient même pas le nom. Au bout d'un moment de marche sur les quais, ils pénétrèrent dans la petite ville. L'enfant leur proposa d'aller s'asseoir autour d'un café dans sa petite maison, avec sa petite femme et ses petits enfants. Les deux voyageurs acceptèrent volontiers, après tout pas mécontents de pouvoir se reposer un peu. Sa maison était plutôt grande vue de l'extérieur, de couleur blanche plâtre, elle était sans doute faite de torchis. Elle possédait un magnifique toit de chaume, rappelant les maisons dans l'histoire des trois petits Moblins et du grand méchant Lobo... Ils y pénétrèrent - ils en étaient au moment où Link arrivait au lac Hylia - et virent un intérieur superbement éclairé mais largement pas assez aéré.
Une fille d'environ huit ans était assise dans un fauteuil et tricotait une chaussette violette.
- Qui as-tu encore emmené à la maison ?
- Deux voyageurs qui m'ont protégé contre un de ces vils marins. Ils s'appellent...
- Link, héros du temps.
- Flirto, héros de la princesse Zelda.
- N'exagère pas.
- Oui bon...
La fille se tourna vers eux et les fixa de sa sombre figure et dit d'un ton méfiant :
- Héros du temps ? Comment peut-on être le héros d'une notion aussi compliquée et paradoxale que le temps ?
- Et bien...
- Je sais, ce n'est qu'un terme employé flatteusement par la princesse Zelda, qui pense à toi en ce moment, soit dit en passant...
En voyant les figures interrogatives des deux garçons, elle ajouta :
- Nous autres flûtistes savons tout. Toute la vérité. Je sais par exemple que mon mari ne s'est pas encore présenté...
- Oui, dit celui-ci, sur un ton d'excuse, je m'appelle Zippo.
- Enchanté. Moi c'est Flirto, héros...
- C'est bon on aura compris, dit la femme de Zippo, d'ailleurs votre princesse vous aime bien, vous aussi, à ce que je vois dans vos souvenirs...
- Ma femme, précisa Zippo, est l'une des prophétesses de l'île. Nous avons tous le don de percevoir la vérité, non seulement dans les pensées, les paroles et les comportements des hommes, mais dans toute chose existante. Mais certaines femmes voient plus. Ce sont les trois prophétesses. Mais asseyons-nous et racontez-moi la suite votre aventure...
Ils s'assirent autour de la grande table du salon, et, après s'être laissés servir deux cafés, Link et Flirto racontèrent l'épisode de la caverne de glace et le reste de l'histoire. Il était vingt heures quand ils eurent fini de raconter. Zippo proposa à nos voyageurs de passer la nuit dans leur maison de campagne, à trente minutes à pied de chez lui. Il faisait nuit noire quand les trois garçons sortirent de la maison et marchèrent à travers le village. Link aperçut une ombre courir au coin d'une rue.
- Il vous faut savoir que ce ne sont pas que des gens bien qui se perdent dans les bois et qui deviennent des enfants perdus, mais également des malfrats et des tueurs. Ce coin de l'île est mal famé la nuit... Sortons le plus vite possible de ce quartier.
Cinq minutes plus tard, le paysage avait radicalement changé : Il n'y avait plus une maison de bord-de-quai ni un seul entrepôt de poisson séché. Tout était vert. Des champs, des arbres, des prairies, le tout baigné dans la faible lueur du croissant d'argent, qui émettait une ambiance presque romantique. Link surprit même Flirto à marmonner son éternel "je m'ennuie, mais de quoi ?".
Dix minutes plus tard, ils atteignirent une grande maison verte, avec un grand jardin laissé à l'abandon, où poussaient des hautes herbes sauvages, des arbres de taille moyenne et même quelques fleurs des champs très rares. Mais Zippo les mena vers la porte d'entrée de sa maison de campagne, traversant une petite cour au sol caillouteux. Il sortit une clé à l'ancienne rouillée et ouvrit la lourde porte de bois, non sans difficulté. Ils pénétrèrent dans un long couloir noir, froid, où régnait une agaçante odeur de renfermé. Zippo alluma une bougie dans un bougeoir en or, éclairant des murs blancs, couverts de toiles d'araignées. Ils se dirigèrent vers un petit salon où s'assirent Link et Flirto, le temps que Zippo aille leur allumer un bon feu dans une cheminée noire de suie.
- Vos chambres sont au premier étage, dit Zippo, désolé, je dois vous quitter, ma femme va s'inquiéter. Etes-vous d'accord pour que je vienne vous chercher demain vers dix heures pour vous faire visiter notre merveilleuse île ?
- Bien sûr !
- Evidemment !
Zippo leur serra la main sans vigueur, sans doute fatigué par une rude journée...
Après le départ de leur hôte, ils regagnèrent leur chambre. Ils se jetèrent en vêtement dans leur lit (le pyjama n'était pas encore à la mode dans notre magnifique Hyrule...) et s'endormirent aussitôt. Link rêva du vieux fou en robe violette poursuivant un renard orange qui criait : "Tu es le frère de la princesse la plus mignonne que j'ai jamais rencontré, hormis Peach... (Bien que j'aie fait des recherches, je n'ai rien trouvé de pareil à cette princesse Peach, mais bon...). Ensuite, il se retrouva sur un immense bateau, en pleine tempête, agressé par une Saria trente fois plus grande que lui, lui reprochant de regarder une petite fermière de trop près...
Flirto, quant à lui, se vit à l'entrée des bois perdus. Une ombre furtive lui apparut et s'engagea à travers l'une des ouvertures. Flirto la suivit. Il la suivit pendant un certain temps, curieux d'en savoir plus. Mais, dans une autre "clairière", l'ombre s'arrêta. Elle se tenait sur une souche d'arbre coupée et dansait. Flirto put distinguer sa forme sombre : celle d'un petit humain, qui semblait jouer de la flûte bien que Flirto n'entendit rien. Il portait un assez grand chapeau de paille et un pantalon de végétaux tressés. Là, un faible rayon de lumière verte vint éclairer son profil. Flirto sursauta, bien qu'il s'attende un peu à cette vision macabre : Le danseur n'avait pas de visage, juste un trou aussi sombre que les ténèbres de la nuit... Mais deux yeux rouges brillaient tels des rubis dans cette face effroyable, toisant Flirto d'un regard à glacer le sang. Là, la silhouette déclara solennellement :
- Skull Kid, je suis ton père !
- NOOOOON !!!
Il se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Link arriva en trombe dans sa chambre, l'épée dégainée, prêt à défendre son ami.
- Sors de ta cachette, que je te transperce, hurla-t-il.
- Non, fit Flirto, ce n'était qu'un cauchemar. Un horrible cauchemar. Désolé de t'avoir réveillé.
- Tant mieux, parce que s'il y avait le moindre être malveillant, je l'aurais réduit en miettes ! Mais ce n'est pas grave. Le soleil est déjà levé et Zippo ne devrait pas tarder à arriver de toute façon...
Flirto regarda à travers une fenêtre et remarqua qu'effectivement, le soleil était déjà haut dans le ciel. Link prétendit avoir remarqué une fontaine dans le jardin, et sortit de la maison afin de se laver. Flirto resta seul et repensa au cauchemar qu'il venait de faire.

carteVers dix heures, Zippo arriva et les emmena faire du tourisme dans l'île. En voici une carte :

D'abord, ils allèrent se promener sur la grande et magnifique plage sud, balayée par la tramontane d'automne. Elle était aussi belle que les voyageurs l'avaient imaginée. Zippo leur raconta comment en été la plage était noircie d'enfants en quête des plaisirs de la mer et comment l'an dernier, un petit bébé s'était malheureusement fait manger par un poisson vorace. De la plage, ils rejoignirent le village. Ses maisons ne ressemblaient pas du tout au port. Elles étaient d'une architecture ancienne, très rare aujourd'hui, et étaient assez hautes et imposantes. Zippo expliqua que la première maison construite, par le premier couple de flûtistes, était toujours là, occupée par la même famille. Ils sillonnèrent les rues du village avant d'arriver sur une grande place, où se trouvait un marché de fruits de légumes et de poissons. Une grande masse jetait une ombre sur la place : un grand palais, deux fois plus grand que le château d'Hyrule, sur une petite colline. "Le seigneur flûtiste doit avoir une magnifique vue sur la mer à partir de son palais" pensa Link.
- Comment s'appelle le riche seigneur qui habite le palais ? demanda Flirto à Zippo.
- Je n'en sais rien. Seuls ses conseillers et les trois prophétesses connaissent son nom. Mais ma femme ne veut pas me le révéler. Je sais juste qu'il est grand et effrayant. Il ne sort jamais de son palais, mais se laisse livrer du poisson par des marins que je connais...
- Et bien c'est un mode de vie bien mystérieux, déclara Link, je me demande ce qui le pousse à garder l'anonymat.
- Moi je pense que c'est trop louche pour être bénéfique à long terme pour l'île. Je suis sûr que ce souverain prépare quelque chose de maléfique...
Bien entendu, le château n'était pas fait pour être visité, et des gardes au visage sombre gardaient l'entrée.
Ils traversèrent la ville et arrivèrent aux prairies dont le chef des marins avait venté la beauté. Link et Flirto, qui étaient habitués à la plaine d'Hyrule, dont l'herbe était usée par le passage de tant de monde, furent étonnés de sa verdure. Ils marchèrent donc dans cette prairie vers le nord, en direction de la montagne du dragon, que les trois garçons virent de très loin. Ils marchèrent ainsi plusieurs heures, dans le plus grand des silences, le vent froid d'automne pliant les brins d'herbes vertes. Ils commencèrent même à s'ennuyer. Zippo rompit le silence en chantant une chanson traditionnelle de l'île, rappelant à ses habitants leur passé dans Hyrule. Par la suite, pour passer le temps, Link et Flirto l'apprirent par coeur et tous trois chantaient joyeusement :

Dix Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un moblin tête en l'air,
S'en alla dans les bois perdus,
Et s'y égara par malentendu.
Ils n'étaient plus que neuf...

Neuf Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin, le coeur léger,
S'en alla au lac Hylia et rencontra un fou,
Il perdit les jambes jusqu'aux genoux.
Ils n'étaient plus que huit.

Huit Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin, assez courageux,
Escalada le Mont Péril à moitié,
Et par le vent fut emporté.
Ils n'étaient plus que sept...

Sept Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin d'assez belle figure,
S'en alla au domaine Zora,
Et Ruto, de dépit, le tua.
Ils n'étaient plus que six...

Six Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin par les femmes attiré,
S'en alla à la vallée Gerudo.
Il y resta... penaud !
Ils n'étaient plus que cinq...

Cinq Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin pas très gros,
Au pic des neiges il s'en alla,
Entièrement il y gela.
Ils n'étaient plus que quatre...

Quatre Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin assez peureux,
Alla à la vallée Ikana,
Et d'angoisse dans le ravin se jeta.
Ils n'étaient plus que trois.

Trois Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin complètement ballot,
S'en alla près de l'océan,
Deux secondes après il se noya en criant.
Ils n'étaient plus que deux...

Deux Moblins voulaient voyager,
De leurs maisons ils voulaient s'éloigner.

Un Moblin partiellement fêlé,
Au marais du sud pour un Mojo se fit passer,
Et dessécha en prison.
Il n'en restait plus qu'un...

Le dernier Moblin, intelligent,
- Tiens donc, un Moblin intelligent -
Resta tranquillement chez lui,
Mais sa maison brûla, il n'y échappa pas...

Au bout d'un moment, l'image de la montagne du dragon arrêta de grossir car les voyageurs en avaient atteint le pied. Elle était littéralement gigantesque.
- Quelque part dans cette montagne, habite Dragon Rouge. Tout le monde craint sa colère ravageuse, mais chacun espère garder sa protection, car c'est le gardien de l'île. Il voit tout, ce qui veut dire qu'il approuve votre présence ici.
Link et Flirto se demandèrent tous deux si Dragon Rouge avait un rapport avec la figure de proue de leur ancien bateau.
- Allons, longeons la montagne vers l'est, je connais une joyeuse auberge sur notre chemin... qu'on ait pas fait tout ça pour rien...
Après avoir longé la montagne du Dragon quelques minutes, ils arrivèrent devant une grande maison sur laquelle on pouvait lire "A l'Antre de Dragon" au-dessus d'une sculpture représentant une tête de dragon. C'était l'auberge dont avait parlé Zippo. Ils poussèrent la porte en bois de chêne de l'établissement et entrèrent. Leur vue était floue à cause d'épais nuages de fumée âcres, et une forte odeur les prit à la gorge. Pourtant, la salle était remplie d'enfants, fumant des pipes à vapeur d'eau, jouant aux cartes et aux dés, des grandes chopes de boisson à la main. Zippo les entraîna vers une table à l'écart, dans une alcôve du mur, où était assis un groupe de jeunes gens sans visage jouant à la "crapette hylienne", un jeu de cartes local, par équipe de deux. Zippo les salua et présenta Link et Flirto à ces gens qui semblaient être des amis. Zippo s'installa en face d'un autre joueur, son coéquipier de jeu, Link en face de Flirto, et une partie acharnée commença. Les perdants payaient la tournée... Zippo commanda pour ses amis deux mielz, boisson non alcoolisée et de très bon goût. Tout en jouant, ils discutaient. Et c'est généralement dans des situations comme celles-ci où tout bon fouineur peut glaner des informations vitales... Et cet après-midi-là ne fit pas exception. Link et Flirto apprirent que Ganondorf (ou une personne qui lui ressemblait à se confondre) était arrivé par bateau il y a de ça quelques jours, et dut combattre le dragon. Le dragon avait évidemment reconnu en Ganondorf une âme mauvaise. Mais Ganondorf vainquit son adversaire qui dut revenir, blessé, dans son antre dans la montagne. Cet homme fut invité par le Seigneur à venir dans le palais de l'île partager une "collation".
Le dragon, protecteur de l'île, serait au bord de la mort. Lui qui avait vécu depuis plus de trois millénaires, allait disparaître à jamais, entraînant l'Ile du Dragon dans sa chute. A une table voisine, la conversation n'échappa pas à une oreille indiscrète. Elle appartenait à un médecin, où plutôt guérisseur, comme il s'appelait lui-même. Celui-ci rabattit sa grande capuche violette par-dessus sa tête afin de cacher son visage et se dirigea vers la table des joueurs de cartes et demanda à parler à Link et à Flirto en privé. Ceux-ci suivirent l'inconnu dans une pièce déserte, j'ai nommé les W.C.
- Je peux guérir le dragon et assurer la survie de l'île. Mais il faut que vous m'aidiez. Je suis vieux et faible et ne pourrais pas atteindre le sommet de la montagne. Vous devez m'aider ! Pour sauver tous ces enfants.
- Hmmm... fit Flirto, méfiant, comment vous faire confiance alors que vous n'osez même pas nous montrer votre vrai visage, caché par cette capuche.
- Non. Je ne peux pas... j'ai mes raisons. Mais voilà la preuve que je suis de votre côté.
Il sortit de dessous sa robe un insigne de Triforce, le symbole de la famille royale, que portaient seulement les plus fidèles, cet insigne que Link portait en chaîne autour du cou.
- Je la reconnais, s'écria Link, c'est une preuve incontestable.
Mais Flirto ne semblait pas convaincu.
- Venez, sortons d'ici, le temps nous est compté...
- Mais nous ne pouvons pas abandonner Zippo, protesta Flirto...
- Le sort de cette île en dépend. Ganondorf va devenir immortel et semer le chaos dans le monde entier. Rappelle-toi ce que Mido a révélé au seigneur du malin : "Ils possèdent le pouvoir de vérité, et par le temps ils ont trouvé un moyen de devenir immortels.
Sur ce, Link suivit l'homme encapuchonné dehors dans la nuit. Flirto les suivit à contrecoeur.
- Au fait, dit le guérisseur, je m'appelle Smaug, pour vous servir...
- Link, héros du temps.
- Flirto, répondit froidement le concernant.
- Sois un peu moins repoussant envers notre futur sauveur, ordonna Link.
- Ce n'est pas à toi de me dire comment je dois parler et agir, murmura Flirto d'une voix cinglante.
- Tu es vraiment d'une mauvaise foi...
- Et toi tu n'es plus comme avant. Tu as changé.
- Oui, j'ai changé. Je commence à m'apercevoir où se trouvent mes véritables amis, à présent.
Flirto ne répondit rien. Il était profondément blessé par la remarque que Link venait de faire. Smaug rit sous cape.
La route se poursuivit en silence ponctué par des commentaires du guide, afin de refroidir l'ambiance du groupe au niveau de la température de la nuit noire. Bientôt, les voyageurs ne virent plus rien. Smaug sortit de sous sa cape un bocal rempli d'une fée qui éclaira les environs. D'ailleurs, où était Navi ? Link n'avait même pas remarqué son absence...
Après avoir longé la montagne, Link et Flirto suivirent Smaug le long d'un petit sentier en pente montant vers l'antre du Dragon... Au bout d'un moment, ils virent une maison dont les fenêtres laissaient échapper une angoissante lumière violette. Ils s'en approchèrent et Smaug déclara en ouvrant la porte :
- Soyez les bienvenus dans ma modeste demeure, mes amis...
- Je ne suis pas votre ami, répondit Flirto.
- J'accepte ton invitation de bon coeur Smaug, que tes descendants soient aussi serviables et généreux que toi.
Bien sûr, ce n'était qu'une formule de politesse, mais Flirto le prit mal. Toutefois, il entra à la suite de Link dans la maison de Smaug...
- Je dois d'abord préparer une potion dont j'ai le secret, dit-il, ensuite, nous pourrons aller chercher le dragon.
La maison empestait une odeur maintenant connue de Link : Celle qui avait régné dans sa maison, dans le laboratoire au lac Hylia, dans la maison au bord de l'océan et près des entrepôts dans le port... Mais ça ne l'inquiéta pas plus que ça. Flirto la sentit tout de suite, mais n'osa pas le faire remarquer à Link.
Dans la pièce où les emmena Smaug se trouvait une table d'expérimentation, couverte de bocaux remplis de liquides verts Quark (ce n'est pas grave si vous ne comprenez pas l'allusion), de tubes à essais fumants, d'alambics sifflants et de divers ingrédients entrant dans la composition de quelque potion magique. Il ajouta que la préparation de la potion devait rester secrète et que sa préparation prendrait un certain temps. Il leur proposa d'aller se reposer dans une chambre d'amis. Il les réveillerait dès que la potion serait prête. Link, fatigué, accepta immédiatement la proposition alléchante de Smaug. Flirto le suivit, mais contre sa volonté. Il ne faisait absolument pas confiance à Smaug, qui n'osait même pas leur montrer son vrai visage, et qui n'acceptait pas leur présence durant la préparation de la potion qu'ils devraient soi-disant livrer au dragon.
Link se jeta sur le lit qui se trouvait dans la chambre indiquée par Smaug. Flirto, lui, examina attentivement la pièce. Il remarqua une inquiétante recette, écrite sur un parchemin jauni par les années accroché à un mur :

Bec de corbeau,
Sang de lobo,
Epines d'épicéas,
Et venin de Skulltulas.
Mélangez dans un chaudron,
Jusqu'à ce que ça sente bon.
Mais surtout n'oubliez pas,
Les cinq pattes de rats,
Les deux écailles de Zora,
Et les dix griffes de chats.
Pour donner du goût :
De la peau de zoulou,
Un Cerveau de Moblin,
Si vous en trouvez un,
De la fiente de Goron,
Avec un zeste de citron.
Une fois que ça fume,
Et qu'il y a de l'écume,
Jetez-y sans retenue,

La fin était brouillée par une tâche rouge sang...
C'est avec une grande inquiétude que Flirto s'allongea dans le lit et, au bout d'un certain temps, finit par s'endormir. Mais une voix inquiète le tira du sommeil :
- Flirto, réveille-toi, fit la voix, Hyrule a besoin de toi !
C'était la voix de Smaug.
- Comment ça ? demanda Flirto, encore endormi, en se grattant l'oreille.
- Suis-moi...
Il tira le garçon du lit et le traîna le long du couloir vers les escaliers. Flirto se releva quand même pour les descendre. Smaug l'emmena dans une pièce qu'ils n'avaient pas encore visitée. Elle était plus sombre que les autres, si c'était possible, seule une ouverture bleue éclairait juste quelques centimètres, et encore, seulement devant elle. Smaug y emmena Flirto et fit un geste de la main. A la place de la surface bleue se dessina un paysage d'Hyrule, les deux ranchs, plus exactement. Ils entendirent des cris, des hurlements, des hommes et des femmes et des animaux courant de tous les côtés : Le site était en feu. Flirto vit aussi des gens qu'il connaissait : Talon, Malon, la princesse Zelda... Tous essayaient de s'échapper du brasier.
- Tu peux les sauver, Flirto, fit Smaug, il te suffit de traverser la porte pour les rejoindre...
- Mais que puis-je faire ? Si j'y vais, je brûlerai avec eux.
- Tiens, voici un seau d'eau de mer. Si tu le jettes dans les flammes, tout l'incendie s'éteindra comme par magie...
Smaug lui tendit le seau, comme s'il avait tout prévu, et Flirto le saisit d'une main tremblante. Mais le garçon sembla hésiter. Il redonna le seau à Smaug, déclarant ne pas avoir le cran. "Tu ne m'échapperas pas comme ça..." grommela Smaug. Il secoua légèrement l'index de sa main gauche sous sa robe violette, et soudain, Flirto vit à travers la porte Angora. La fille trébucha, tandis que les autres s'enfuyaient à toutes jambes. Déjà, elle était entourée par les flammes d'une violente déflagration. Flirto hésita une fraction puis arracha le seau des mains du guérisseur et courut vers Hyrule, vers son passé, et vers la folie...

Chapitre 9 : Le dragon de l'île   up

Flirto courut vers ce qu'il croyait être un passage vers Hyrule, vers le noir aussi sombre que les ténèbres de la nuit. J'espérais ne plus jamais utiliser cette expression, bien pratique, je dois dire, pour décrire tout ce qu'il y a de plus sombre et de plus affreux... Pourtant, Flirto ne se méfiait pas, bien qu'il aurait dû, de la sobriété de ce passage. Soudain, il vit de la lumière, vers laquelle il continua de courir, et déboucha... eh bien là d'où il était parti, c'est-à-dire la salle d'expérimentation de Smaug. Celui-ci, en le voyant débarquer, éclata d'un rire sardonique, se tenant à une grande cage vide pour ne pas tomber. Flirto fut aussitôt pris d'une inquiétude sans nom. Il se sentit vide, comme s'il lui manquait quelque chose. Il s'aperçut qu'il ne sentait plus l'odeur rance qui régnait tantôt dans la pièce. Avait-elle disparu ou... n'était-il plus capable de la sentir ? Doucement, il porta ses mains à son visage, mais ne sentit plus la forme du nez auquel il s'était à peine habitué. Il ne sentit plus sa bouche, qui encore quelques semaines auparavant faisait tant d'heureux, ni sa peau propre et douce. Tout avait disparu. Son visage avait disparu ! Plus qu'un trou noir, aussi sombre que les ténèbres de la nuit... En une fraction de secondes, il revit la scène où ses parents furent assassinés, et où il perdit pour la première fois son visage :
Ils étaient tous les trois dans les bois perdus, quand soudain une forme sombre apparut derrière eux, une grande hache levée, qu'elle abattit apparemment sans raison sur ses malheureux parents. Il se mit à courir, oubliant de choisir le bon passage. Tout devint noir. Il sortit des bois perdus, sans visage...
Flirto se souvint. Ce personnage qui avait tué ses parents, qui l'avait suivi pendant tout leur voyage, n'était autre que Smaug.
- Tu en as mis du temps, dit Smaug avec des yeux de dément, pour comprendre...
- C'est vous qui avez tué mes parents, et qui nous avez suivis, moi et Link dans notre voyage, afin de terminer ce que vous avez commencé dans les bois perdus...
- Au bord du lac Hylia ou de l'océan, j'ai essayé de finir ma tâche... Mais tu m'as échappé. J'ai besoin de ton corps sans visage pour finir la potion ultime, qui me permettra de devenir immortel. Mon âme pourra trouver le repos...
- Vous n'avez aucune âme capable de se reposer. Meurtrier !
- Je te tuerai comme j'ai tué tes parents. Tu souffriras mais tu serviras la bonne cause...
Flirto remarqua un chaudron, juste derrière Smaug, dans lequel chauffait un épais liquide violet. Flirto comprit que Smaug comptait utiliser ses restes dans une quelconque potion, et réussit, avec un haut-le-coeur, à compléter la "recette" affichée dans la chambre du premier étage :
Une fois que ça fume,
Et qu'il y a de l'écume,
Jetez-y sans retenue...
Un enfant perdu !
C'est pour cela que Smaug l'avait incité à traverser la porte fatale, afin d'avoir un enfant perdu sous la main, et se débarrasser de la preuve vivante que Flirto représentait au sujet du meurtre de ses parents par la même occasion...
- Votre âme est aussi noire que celle du vil Ganondorf, dit Flirto pour gagner du temps, mais permettez-moi une question : Est-ce que ça vous procure un certain plaisir sadique à tuer des gens ?
- Le plaisir le plus grand sera quand ton corps mijotera dans l'eau bouillante, que ton sang te brûlera de l'intérieur, que...
- Enfoiré !
Smaug tira de sous sa cape une lame étincelante dans le clair-obscur de la pièce, une hache à viande, comme celle qu'il avait utilisée contre les parents de Flirto. Il la leva au-dessus de sa tête, les yeux animés d'une lueur plus que mauvaise, carrément démente.
Flirto plongea de côté, le coup porté par Smaug alla se planter au plus profond dans une table basse. Flirto fut saisi d'un esprit de vengeance. Celui qui avait tué ses parents, qui lui avait fait perdre la partie la plus significative du corps humain, était là, désarmé, essayant de retirer la hache enfoncée dans le bois de la table. Il se leva rapidement, et, les larmes aux yeux et les yeux rougis de larmes, poussa Smaug avec la force du désespoir dans la marmite posée derrière lui.
Le fou hurla de douleur, le corps brûlé par sa potion de longue vie, mais fit basculer le chaudron, renversant son contenu sur le sol en terre battue, et se tortilla en jurant. Mais Flirto avait déjà atteint la porte qu'il ouvrit d'un coup de pied et sortit à l'air libre. Il était persuadé de devoir s'isoler, et courut le plus vite possible loin de la maison du guérisseur.
Loin derrière lui, Link, réveillé par le vacarme de la scène, descendit en trombe l'escalier de la maison. Il découvrit Smaug allongé au sol, atteint de convulsions, et vit la hache enfoncée dans la table. Il comprit aussitôt et se précipita au dehors, avec l'espoir de rattraper Flirto. Il vit sa forme noire s'éloigner dans la faible lumière de la lune, et cria d'une voix forte, espérant se faire entendre par le Flirto décidé :
- Pardonne-moi !
Il entendit Flirto lui répondre :
- J'espère ne plus jamais te revoir, Héros du Temps.
Quand il revint à l'intérieur, Smaug s'était levé et lui faisait face, la peau couverte de cloques. La lame de la hache luisait d'un éclat mortel dans la main gauche de Smaug. Avant qu'il ne puisse faire un geste, Link tira une flèche de son étui et visa Smaug, qu'il toucha en plein coeur (en admettant qu'il en ait un).
Il tomba à genoux et son corps disparut, comme aspiré par le sol, ne laissant derrière lui que la hache macabre.

Flirto continua de courir, maintenant dans la descente vers le pied de la montagne. Inutile de préciser qu'il est très dangereux de courir à l'aveuglette dans la descente d'une montagne, le sol jonché de feuilles mouillées, alors que le sentier est parsemé de virages malicieux et que l'on est dans un état d'énervement proche de l'hystérie... Soudain, le sol sembla disparaître sous les pieds de Flirto, qui resta une demi-seconde dans les airs, et tomba dans l'abrupte s'étendant à droite du sentier. Il roula à une vitesse sans cesse grandissante, dans les feuilles mouillées par la dernière pluie d'automne, et ne s'arrêta qu'après avoir brutalement fait connaissance avec le tronc d'un grand chêne. Le choc lui fit perdre connaissance.
Il vit des images flouées et des voix à peine perceptibles. Il se sentit envahi d'une nostalgie étrange, et une forme se détacha des autres. C'était un corps de femme, vêtu d'une longue robe bleu azur, deux entailles laissaient voir des jambes frêles et magnifiques. Elle lui offrit un sourire bienveillant dont elle seule avait le secret, ce qui emplit le coeur de Flirto d'une sensation étrange et depuis longtemps oubliée... La femme qui toisait Flirto du regard de l'amour était sa mère. Flirto aurait voulu se lever et l'enserrer très fort contre lui, oubliant le temps et l'espace, mais évidemment ce fut impossible : A peine eut-il cette pensée que l'image de sa mère devint légèrement plus floue... Elle lui dit d'une voix douce :
- Je t'aime, mon enfant, avec ou sans visage... Je t'aime pour ce que tu es et je t'admire pour tes actions, et non pas pour ton apparence.
- Maman...
Mais elle avait déjà disparu. Flirto fut atteint d'une tristesse encore plus grande. Il pensa à Angora et se rendit compte que jamais il ne pourrait lui révéler ses sentiments... Il en avait pourtant eu l'occasion, l'autre jour dans la forêt Kokiri, alors que les autres étaient au banquet, mais il n'avait pas osé, craignant de gâcher le moment qu'ils passaient ensemble. Une autre forme devint claire : celle de la jeune fille. Elle aussi portait une robe, légèrement moins longue. Ses cheveux brun clair, presque blonds, attachés en une natte parfaite, lui tombaient jusqu'à la moitié du dos. Elle était ravissante. Ce fut au tour de Flirto de sourire, bien qu'Angora ne sembla pas s'en apercevoir. Elle fixait obstinément le vide, au-dessus de Flirto. Le garçon prit le plus grand plaisir à pouvoir simplement la regarder, examiner le moindre détail de son corps. Il repensa à la poésie qu'il avait apprise pour elle, et qu'il n'aurait jamais l'occasion de lui réciter :
Je m'ennuie,
Mais de quoi ?
Une étreinte sous la pluie,
Un écho de sa voix,
Le baiser de la nuit,
Un regard d'effroi...
Mais avant qu'il puisse se la réciter entièrement, Angora disparut, comme sa mère quelques instants plus tôt, le plongeant à nouveau dans le désarroi. Il entendit une voix, diabolique :
- Je te hanterai... toujours... jusqu'au bout... Je ne te laisserai pas un seul instant de répit, je te harcèlerai jusqu'à ce que tu en deviennes fou !
Flirto ne put rien faire ni répondre, alors qu'une hache maculée de sang commençait à planer à l'endroit où se trouvait Angora quelques instants plus tôt. Elle semblait se moquer de lui en s'agitant sous son nez. Une main coupée rejoignit la hache et se mit à la poursuivre devant les yeux dégoûtés de Flirto. Le masque Majora remplaça bientôt les deux objets macabres. Lui aussi flottait devant le garçon, ses couleurs vives faisant souffrir ses yeux épuisés. Dans son inconscience, il essaya de fermer davantage ses yeux mais cela ne changea rien. Il essaya de se réveiller, mais ce fut impossible.
- Smaug, vieux fou, je te maudis dans ta mort ! hurla Flirto.
Sa voix résonna dans les deux versants de la montagne, réveillant le moindre petit animal, ne fut-ce la plus sourde des taupes... Smaug le hantait et il ne pouvait rien y changer. Il n'existe aucun moyen pour sortir de cette situation. Après deux jours et deux nuits d'inconscience mouvementée, son cerveau était réduit en une infâme bouillie. En plus de Smaug, un horrible mal de crâne le harcelait. Il n'avait même plus la force de dormir... Il devint aussi fou que Smaug. Mais je promets que c'en n'est pas encore fini avec lui et qu'il jouera encore un rôle important dans l'histoire...

Link respecta la décision d'isolement de Flirto et ne le suivit pas alors qu'il s'éloignait. Il avait été son meilleur ami et il eut la désagréable impression de l'avoir trahi. Il comprenait très bien que Flirto ait envie d'être seul. Par contre, lui, qui avait commencé à s'habituer de voyager en duo, se sentit mal à l'aise à la perspective de continuer en solitaire, comme avant... Mais il s'ennuyait, car même Zelda ne lui parlait plus.
Un long voyage s'annonçait à Link, pour la recherche du dragon de l'île... Il savait juste qu'il était blessé et qu'il se trouvait quelque part dans la montagne. Mais il se jura de le trouver, même s'il fallait pour cela explorer le moindre centimètre carré de la montagne. Il revint à l'intérieur de la maison, en quête du moindre objet pouvant lui être utile. Il dénicha une bouteille remplie d'eau dans laquelle nageait un poisson doré. Il fit le plein de flèches, de bombes et de noix mojos. Il prit une couverture, un petit objet rouge lui fit retrouver la santé par magie (!), un haricot étrange, ainsi que des provisions. Nous voilà face à un des plus grands mystères de notre siècle : Comment Link fait-il pour transporter tout ça ? Sans compter ses trois épées et boucliers, un boomerang, une dizaine de bâtons mesurant la moitié de sa taille, quatre tenues différentes, cinq bouteilles, un carquois de flèches, des missiles, à une époque plus de vingt masques, bien sûr ses deux ocarinas, ainsi que son capital : cinq cents rubis. (Les mauvaises langues diront qu'il met ses objets dans le "Menu Start", ce qui n'est évidemment pas le cas...)
Après cela, il se mit en route - il devait être une heure du matin - vers le sommet de la montagne du dragon. La nuit était froide, et bien vite, Link s'était enveloppé dans la couverture qu'il avait emmenée, rendant la marche encore plus difficile. La fatigue et sa difficulté à avancer mis à part, la nuit se déroula paisiblement, et le matin venu, il avait déjà parcouru la moitié du chemin vers le sommet, sans avoir vu ne serait-ce que la queue du dragon. Vers dix heures, le sentier auparavant couvert de feuilles mortes, était tapissée d'une fine couche de neige. Vers midi, cette couche faisait bien dix centimètres de haut et Link eut encore plus de mal à avancer. Alors qu'il allait s'écrouler d'épuisement, il vit un long couloir dépourvu de neige, comme si un objet d'une taille énorme y avait été traîné. Le héros du temps en déduisit qu'il approchait de son but, et suivit ce couloir. Au bout d'un moment, il arriva effectivement devant l'entrée d'un tunnel sous la montagne. A droite et à gauche, uniquement de la neige d'un blanc immaculé, et au milieu un trou noir. Link s'y engagea. L'endroit était entièrement envahi d'une obscurité invincible, et à plusieurs reprises, Link se cognat aux parois. L'air devint de plus en plus en plus chaud. Soudain, une voix grave fit vibrer la caverne :
- Qui es-tu pour venir réveiller le Dragon ?
- Je m'appelle Link, héros du temps, et je viens pour vous aider. Je sais que vous souffrez d'un mal atroce et...
- Si tu es venu pour me blâmer, enfuis-toi avant que mon souffle de feu te carbonise !
- Non, au contraire, je suis de votre côté pour combattre Ganondorf.
Une immense forme rouge sortit de l'ombre : Link reconnut le dragon qui avait été la figure de proue de leur ancien bateau.
- Alors tu es le héros du temps, moucheron, dit le dragon ayant reconnu Link, heureusement que je t'ai sauvé l'autre jour, sur le navire dont j'étais le protecteur.
- Merci, dit Link, merci beaucoup... Mais vous ne semblez pas blessé !
- Excellente observation.
- Mais les gens disent...
- Les gens disent beaucoup de mensonges derrière mon dos... Comment quelqu'un comme Ganondorf aurait-il pu me faire le moindre mal ? Et dire que je dois protéger ces imbéciles du Mal. Mais je suis las...
- Vous devez descendre de votre montagne et trouver Ganondorf... La survie des enfants perdus est entre vos mains... Si Ganondorf arrive au pouvoir, des centaines de personnes vont mourir.
- J'avais toujours voulu défendre la population, sauver la veuve et l'orphelin, parcourir les terres à la recherche d'aventure. Mais je suis trop fatigué. Et j'ai d'autres choses à faire. Dormir, par exemple.
- Vous vous défilez ?
- Non, ce n'est pas ça...
- Vous... ne pouvez pas. Des enfants croient en vous... Vous êtes leur seul espoir. Le seigneur du malin va s'approprier le pouvoir de vérité... Moi je ne suis qu'un misérable petit Hylien, qui a vaincu Ganondorf par pure chance. Ce serait pour vous l'occasion de devenir le héros que vous avez toujours rêvé d'être...
- Je ne peux pas... Qui suis-je pour décider qui doit ou ne doit pas mourir ?
- Vous êtes pitoyable.
Link s'en alla en courant, profondément dégoûté, alors que le dragon enfouit sa tête sous une aile et s'endormit.
Dehors, un cercle de flammes bleues d'un mètre de diamètre semblait attendre sa venue. Link avait déjà vu une semblable chose : C'était le moyen de transport le plus rapide d'Hyrule, la téléportation. Une haute compétence magique est nécessaire pour créer ce cercle, appelé téléporteur, donc il ne pouvait pas être apparu par hasard. Bien qu'elle ne lui ait rien dit, Link suspectait Zelda de l'avoir constitué. Elle seule avait le pouvoir nécessaire pour ce faire. Link se dirigea vers le cercle et attendit en son centre. Quelques secondes après, il sentit son corps vibrer et ses pieds quitter le sol. Il se laissa mener par la magie.
Il atterrit lourdement sur un sol en terre battue, qu'il connaissait bien : il était arrivé dans la maison de Zippo. Sa femme sursauta, n'ayant probablement jamais vu quiconque apparaître de nulle part, entouré de hautes flammes bleues. Après avoir dévisagé Link quelques instants, elle appela son mari. Zippo arriva en trombe dans la pièce.
- Link... te voilà, dit-il, je savais que tu reviendrais et que tu étais parti pour une bonne raison. Où est Flirto ?
- En fait... euh...
Link venait de remarquer que le détour qu'il avait fait n'avait servi à rien, et ne lui avait fait que perdre un ami. Il avait honte. Honte de s'être laissé tromper par Smaug, honte d'avoir entraîné Flirto avec lui, honte de n'avoir su convaincre le dragon. honte de l'avoir abandonné, lui et Flirto. Puis il lui avoua tout. Il lui raconta leur petite escapade tout en détails. A sa fin, il y eut un long silence, que Zippo coupa ainsi :
- Il faut tout de suite arrêter Ganondorf ! Comment s'y prend-il généralement pour contrôler toute une ville ?
- Il s'arrange pour s'associer avec le souverain. Si ça ne marche pas, il l'hypnotise. S'il résiste, la ville visée se fait bientôt attaquer par des bestioles sauvages...
- Et bien on a plus qu'à espérer que notre bon souverain est aussi bon qu'il le prétend... Tu sais quoi ? Demain je dois livrer du poisson au palais avec ma carriole. Tu pourrais t'y cacher et ainsi te faufiler dans le palais.
- Il n'y a pas d'autre moyen je suppose.
- Si sûrement... Mais si tu veux empêcher Ganondorf d'agir, il ne faut pas passer notre temps à chercher un moyen plus agréable...
Link dut admettre que c'était une bonne occasion... Surtout qu'ils n'étaient pas sûrs de trouver le prince des ténèbres lors de ce raid. Enfin bon, comme le dit le proverbe : "Si tu veux réussir ce que tu entreprends, petit moblin, commence par apprendre à marcher..."

Chapitre 10 : Dans le palais   up

Link se réveilla de bonne heure le lendemain. Il but du lait de vache fraîchement trait, mais ne retrouva pas le goût de son bon vieux lait de sa bonne vieille vache. La nostalgie l'envahit comme l'eau froide de l'Hylia. Sa chère forêt kokiri, la lumière douce des bois perdus, sa maison en haut du tronc, la chaleur d'un feu de bois lui manquaient profondément. Rien ne pouvait les remplacer. La voix perçante de Zippo interrompit ses rêveries.
- Link ? Mais que fais-tu ? Nous devons partir au plus vite !
- J'arrive.
Il fit toutefois un détour par une petite fontaine dans le jardin de la famille pour se laver le visage et rejoignit Zippo sur la route devant la maison. Il était déjà assis sur le devant d'une carriole assez grande, le compartiment arrière rempli de poissons de toutes sortes. Un des deux grands chevaux attelés hennit bruyamment, rappelant à Link son devoir. Il grimpa sur une petite rambarde et vit des centaines de poissons l'observer avec des yeux morts. Il se dit que c'était pour la survie de l'île et plongea dans le tas. Il se recouvrit de poissons, laissant un petit trou afin de pouvoir respirer autre chose que l'odeur des animaux, qu'il trouvait fétide. Zippo vérifia une dernière fois que la têtière et les oeillères étaient correctement fixées puis s'assit sur le devant de la carriole. Il tira sur la bride, pressant ainsi légèrement les dents des chevaux, qui se mirent à avancer au trot sur la route.

Flirto était toujours au même endroit, dans un certain coma, et le froid de la nuit se fit sentir. Au loin, alors que la lune était au plus haut dans le ciel, un lobo hurla à la mort. Un plus loin dans cette montagne, une cinquantaine de formes grises se dirigeaient vers lui, en silence, écrasant les herbes et les feuilles mortes au passage. Les animaux les plus chanceux de la forêt eurent le temps de se réfugier dans les arbres, les autres furent piétinés par cette vague frénétique. Mais qui étaient ces formes féroces ravageant tout sur leur passage ? Et bien c'était les loups les plus dangereux d'Hyrule, pendant leur nuit d'extermination. Des lobos gueule-de-bois. Une fois par mois, lors de la vingt-septième apparition de la lune (Je rappelle : en fonction de la princesse Zelda) ces monstres sanguinaires, vivant en meutes, tuent par instinct les plus vieux de leurs congénères, qui déclenchent en voulant y échapper, une poursuite à travers les bois. On raconte que celui qui se fait mordre par un de ces lobos se transforme, le temps de ce "rituel", en l'un de ces monstres. Heureusement personne à ce jour, du moins dans les souvenirs des enfants perdus, ne s'était fait mordre. Par précaution, tout le monde était enfermé dans sa maison lors de cette nuit...
Tout ça pour dire que Flirto était plutôt en mauvaise posture alors qu'une meute de lobos gueule-de-bois fonçait droit sur lui, et qu'il ne pouvait même pas bouger un cil. Il réfléchissait pourquoi il s'était disputé avec Link...

Le balancement irrégulier et désagréable de la carriole arrêta soudain. Link entendit la voix du conducteur. Mais Zippo ne s'adressait pas à lui :
- Laissez-moi passer, garde, je viens livrer du poisson à notre vénérable seigneur.
- Hum, fit le garde méfiant, n'essayerais-tu pas d'empoisonner le roi avec ces poissons avariés ?
- Je vous interdis d'insulter mes poissons, fraîchement pêchés du matin.
- Laisse-le, dit une troisième voix, je le connais. Tu viendras bien prendre un verre chez moi ?
- Volontiers Aggy.
Link entendit le bruit des pas de Zippo et du dénommé Aggy s'éloigner. Il attendit quelques minutes et le garde s'en alla également. Il risqua alors un coup d'oeil au dehors. La carriole était arrêtée au milieu d'une grande cour, au sol pavé, de hautes murailles de pierres l'isolant du monde extérieur. Il ne vit pas une seule personne aux alentours, et, après avoir scruté le moindre recoin, se décida à mettre pied à terre. Il atterrit tout dégoulinant sur le sol pavé et courut se réfugier dans un sombre endroit où il était sûr de ne pas se faire arrêter. Il vit en face de lui un haut donjon, dans lequel vivait sans doute le seigneur, vers lequel menaient les deux chemins de ronde en haut des murs. Il se dit que c'était le chemin le plus court pour rencontrer son homme. Il prit son grappin, visa un des créneaux de la muraille et se hissa sur celle-ci. C'était évidemment un grappin mécanique, avec lequel on tire sur une cible pour s'y accrocher, et la mécanique remonte le tireur vers celle-ci ; et non ces vieux grappins où il faut utiliser la force de ses bras... Il regarda à gauche et à droite et vit sur sa gauche un garde en armure lui tournant le dos. Il arma le grappin et lui tira dans la tête. Son casque lui sauva la vie mais il tomba tout de même dans les pommes. Link courut avec la discrétion qui lui était propre vers le donjon. Par chance, la lourde porte en bois épais n'était pas verrouillée. Il pénétra dans une salle poussiéreuse, très froide dans laquelle étaient accrochés des jambons fumés et des canards, posé des caisses de bouteilles de lait et où se trouvaient deux gardes.
- Halte ! cria l'un.
- Qui est là ? demanda l'autre.
- Miaou ! fit Link en se cachant derrière une caisse.
- C'est bon, reprit le premier, ce n'est qu'un chat.
Le second n'eut que le temps de dire "Depuis quand y a-t-il des chats ici ?" que déjà les deux s'écroulèrent, touchés au casque par le grappin mécanique. Link sortit de sa cachette et vit de l'autre côté de la pièce un escalier en colimaçon. Voyant qu'il s'agissait de la seule possibilité de progresser, il traversa la salle et se mit à grimper les marches. L'escalier était plutôt long. Sombre, sa montée n'était éclairée que par des bougies, dans des chandeliers accrochés aux murs. Il arriva finalement dans une autre salle, moins grande, mais nettement mieux chauffée. Effectivement, dans un coin était une cheminée et dans cette cheminée brûlait un bon feu de bois. A quoi pouvait servir cette salle ? Il n'y avait en tout cas aucun garde pour la surveiller. Le plafond était très haut, visiblement, car on ne le voyait pas. Link repéra aussitôt un second escalier à l'autre bout de la pièce. Il avait déjà vu beaucoup de ces endroits, où il fallait traverser plusieurs pièces, truffées de pièges, avant d'arriver à destination. Jusque là, il trouvait normal pour un souverain vivant en haut d'un donjon de poster des gardiens dans les salles inférieures, pour assurer sa sécurité. Mais après bien des aventures, le garçon se méfiait. Il n'avait vu jusque là ni mains géantes se laissant tomber du plafond sur ses victimes, ni de gros rochers roulant continuellement dans les dédales d'un labyrinthe, ni même de guillotines automatisées "coupant" la possibilité de traverser un étroit couloir. Il n'avait vu ni torches à allumer pour déverrouiller une porte, ni de robinets à actionner pour inverser des courants marins, ni même des momies auxquelles il fallait donner des poissons pour qu'elles le laissent passer. Bref, jusque là, Link avait l'impression, pour une fois, d'avoir affaire à un souverain ordinaire, vivant dans un château ordinaire, gardé par des hommes ordinaires... Mais ses espérances furent quelque peu anéanties : Lorsqu'il voulut traverser la salle, une dizaine de saigneurs apparurent de l'ombre et se ruèrent sur le garçon. Il se défendit vaillamment à coups d'épée, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que cinq de ces bestioles. Mais ces cinq-là eurent une idée diaboliquement pyro-maniaque : Ils se jetèrent dans les flammes de la cheminée, enflammant leur peau couverte de phosphore. Cet acte était fatal pour elles, bien que devenant des ennemis plus redoutables. Elles se précipitèrent sur Link. Heureusement qu'il avait changé son petit bouclier kokiri en bois contre un bouclier hylien bien plus résistant. Il le tint droit devant lui et les cinq saigneurs s'y cognèrent. Leur feu s'éteint. Les animaux tombèrent par terre avec des bruits étouffés. Morts.
Link arriva à la fin du second escalier en colimaçon et déboucha dans une nouvelle pièce, vide, encore une fois. Il commença à douter de la sympathie du seigneur. Mais en y regardant mieux, il vit au centre de la salle une statue en métal, représentant un guerrier géant, dans son armure, tenant entre ses mains une grande hache. Link reconnut en cette statue un hache-viande, l'une des plus redoutables créatures qu'il avait jamais dû affronter. Il en avait déjà rencontré dans le château de Ganondorf, ainsi que dans le tombeau de Bémol, l'un des frères compositeurs d'Ikana. Mais alors il avait dû les combattre pour débloquer des portes magiquement scellées. Là, il n'y avait pas de porte, uniquement un troisième escalier. Sa théorie sur la sympathie du seigneur s'évanouit définitivement. Ganondorf n'avait-il pas déjà colonisé le palais ? A son grand désespoir, alors qu'il allait atteindre l'escalier, une lourde grille de fer s'abattit, lui fermant l'accès, et un bruit de métal rouillé retentit derrière lui. Il se retourna aussitôt. Le hache-viande, relevé, poussa un cri effroyable, mélange entre un grincement de craie sur un tableau noir et le frottement d'une corne de zoulou sur le dos de Gohma (monstre insectoïde géant en forme d'araignée). Le monstre se dirigea, aussi lentement qu'un Goron, vers Link. Ce dernier connaissait la tactique à adopter. Il tourna aussi vite qu'il put autour de son agresseur, qui lui-même dut tourner sur place pour garder le garçon en visée. Mais bientôt, le hache-viande étourdi laissa à Link l'occasion de tirer un coup de grappin dans son dos. Il poussa un nouveau hurlement, avant de faire un rapide tour, la hache tendue devant lui, obligeant Link à plonger à plat ventre pour éviter ce coup rotatoire. Là, l'affreux voyant Link à terre, abattit sur lui un coup de hache, que le héros du temps esquiva par une roulade sur le côté. Pendant que l'assaillant releva sa lourde arme, légèrement plantée dans le sol, Link se remit rapidement sur pied et actionna pour la seconde fois son grappin mécanique qui alla à nouveau se planter dans le dos du hache-viande. Ce dernier coup le rendit plus vulnérable, ce qui expliquait le fait que sa rapidité et ses réflexes s'accroissaient. Il était désormais impossible à Link d'avoir le dos de son ennemi en visée. Il allait devoir l'attaquer de front. Il se mit à bonne distance de l'ennemi, qui se dirigeait rapidement vers lui, et prépara son coup. Le hache-viande leva son arme au-dessus de l'épaule droite et l'abattit à nouveau dans le sol à sa gauche. Link sauta instinctivement en arrière, et tira une nouvelle fois avec son grappin qui toucha le vilain en pleine tête. Celui-ci émit un troisième cri furieux, mais ne chancela même pas. Maintenant, il faisait tourner sa hache à tout hasard autour de lui, donnant des coups dans le vide. Link tira une flèche, qui resta plantée dans le ventre du monstre. Il sut aussitôt que le guerrier géant était vaincu. La lourde grille de fer bloquant le passage se relava. Il monta ce troisième escalier. Mais alors qu'il allait arriver dans une nouvelle salle, cinq gardes en armure lui bloquèrent le passage. Contre cinq hommes, il ne pouvait espérer une victoire. Il dévala l'escalier, dans l'espoir de s'enfuir, et, alors qu'il allait pénétrer pour la seconde fois la salle du hache-viande, il reçut un puissant coup en pleine tête. Il vit cinq autres gardes arriver face à lui juste avant qu'un voile noir n'obscurcisse sa vue.

Quand il reprit connaissance, il se trouvait dans un cachot, fermé par de lourdes barres d'acier. Il remarqua qu'il avait horriblement faim, et qu'il devait être à peu près l'heure du dîner... Il vit une banquette en bois accrochée par des chaînes de fer au mur. Il s'y allongea et finit par s'endormir à nouveau. Une heure après, il fut brutalement tiré du sommeil par un garde qui le saisit par le bras et le tira hors du cachot. Le garde mena Link le long de couloirs, à travers des salles et des passages secrets dissimulés derrière de faux murs, le fit monter des escaliers et passer de nombreuses portes. Finalement, ils arrivèrent dans une salle de taille moyenne, mais richement décorée, où le garde se jeta à genoux. Link vit au fond de cette salle un trône, et sur ce trône, un homme. C'était un homme grand et mince, portant une robe bleu marine et une longue barbe blanche lui tombait sur les genoux. Mais, et c'était sans doute le détail le plus important que Link remarqua chez lui : il avait un visage. Link ne reconnut pas cet homme, mais il ne lui inspirait plus aucune sympathie.
- Alors c'est toi, le petit homme qui a réussi à s'infiltrer dans mon château jusqu'à la salle du hache-viande ? Je t'imaginais plus petit...
Il avait une manière de parler ferme et froide. Aussi étrange que cela puisse paraître, Link pensait qu'il s'agissait de la voix du dénommé "Aggy" qui avait invité Zippo à boire un coup.
- Je me demande comment tu as fait pour arriver jusque là. Tu dois avoir des talents hors du commun. Comment t'appelles-tu ?
- Je m'appelle Link, et je suis le héros du temps. Et vous, comment vous appelez-vous ?
Le souverain montra de l'étonnement dans son regard, qu'il s'empressa aussitôt de cacher.
- Je te trouve bien insolent, Link. Mais je vais tout de même te répondre. Je suis Aghanim, fils de Agonin. Ma famille règne sans partage depuis six siècles. Je suis le protecteur de l'île et assure la sécurité des enfants perdus.
Link trouva sa réponse complètement incohérente. Le dragon était le vrai protecteur de l'île, enfin bon, du moins il devrait en être ainsi. Seulement, le dragon passait sa journée à dormir dans sa grotte et celui-ci dans son palais... Comme s'il avait lu dans ses pensées, Aghanim reprit :
- Je surveille les alentours de l'île, de manière à ce que personne ne pénètre sur cette terre sans ma permission. Tous les intrus seront chassés par mes gardes. Mais tu as réussi à échapper à ma surveillance. En plus de cela, tu as osé me défier sur mon propre terrain. Tu as détruit mon hache-viande et assommé mes hommes les plus valeureux. Je te tiens en haute estime. Je vais même te parler franchement : Ganondorf n'est pas ici. Je suis de ton côté. Je hais Ganondorf et la misère qu'il sème sur son passage.
- Vous mentez !
- Sinon, pourquoi aurais-je protégé l'île avec tant d'ardeur ? Tu dois savoir une chose : Ganondorf a déjà essayé d'envahir l'île du dragon plusieurs fois, depuis quelques semaines. Et ce n'est pas ce dragon stupide qui l'en a empêché. De l'autre côté de la montagne, une armée d'hommes entraînés au combat sont prêts à défendre l'île. Ce sont eux, sous mes ordres, qui ont empêché Ganondorf de s'emparer du pouvoir de Vérité. Tu dois me croire. J'ai besoin de toi. Je te le demande en face : Tu dois m'aider à apprendre ce pouvoir de vérité, sans lui, je ne pourrai plus défendre cette population très longtemps... Si tu n'es pas d'accord, je te laisse rentrer chez toi, à Hyrule, mais sache que Ganondorf et ses sbires n'auront bientôt plus personne face à eux. Et Hyrule tombera également.
Link réfléchit longtemps. Mais il décida finalement de donner sa chance à cet homme.
- Que dois-je faire pour apprendre le pouvoir de vérité ?
- Tu connais sûrement un flûtiste ? Sache que chacun de ces enfants en connaît le secret.
Link n'avait jamais demandé à Zippo ce qu'était réellement ce pouvoir de vérité. Ce moment était alors venu...

Flirto entendit les hurlements des lobos gueule-de-bois approcher. Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres de lui et l'avaient déjà repéré... Il pouvait déjà sentir les reniflements des loups contre sa peau. Comme il aurait voulu savoir voler à cet instant précis...

Chapitre 11 : Le vol du dragon   up

Le lobo gueule-de-bois qui dirigeait la meute ouvrait sa gueule, prêt à dégager Flirto, qui gênait son passage. Alors qu'il n'y avait pour Flirto plus aucun espoir, un éclair orangé traversa les arbres, et le loup claqua des dents dans le vide. Flirto n'était plus allongé près du chêne : La forme orangée, qui n'était autre que le dragon de l'île, l'avait pris sur son dos, et emporté au-dessus de la cime des arbres. Le vent frais de cette nuit pré-hivernale rendit peu à peu vie à Flirto et des dizaines de questions lui venaient à l'esprit. Il eut envie de demander comment il était arrivé sur le dos de cet étrange animal. Ou pourquoi il était allongé dans cette forêt, à la merci d'une meute de loups enragés. Mais il se tut, appréciant le voyage aérien qui l'emplissait de vitalité. Il vit un paysage merveilleux s'étendre en dessous de lui, la mer, les vagues, la plage... Il s'imagina un instant qu'Angora était assise derrière lui sur le dos du dragon, se tenant fébrilement à ses hanches. Il voulut se retourner et lui prendre la main mais elle n'était pas là... La jeune fille n'était plus qu'un souvenir...
Le dragon l'emmena par-dessus la cité des enfants perdus, grommela des paroles incompréhensibles, puis passa près du donjon du palais, à travers la fenêtre duquel Flirto aperçut un vieil homme avec une barbe blanche et un bâton. Ensuite, il l'emporta par-dessus la montagne, découvrant une grande plage, noircie par les ténèbres de la nuit, mais aussi par une véritable armée d'hommes en armure, certains à cheval, d'autres à pied. A chacun de ces endroits, Flirto poussa des cris d'étonnement, mêlés d'anxiété. Que se passera-t-il si Ganondorf tire parti de la situation ? Et où était Link ? Enfin après tout, pensa-t-il, je m'en fiche. Qu'il retourne jouer les héros du temps à Hyrule. Et pourquoi le dragon lui montrait-il ces choses ? Il n'allait pas tarder à le savoir. L'animal se posa sur une petite colline. Flirto lui demanda :
- Mais comment m'avez-vous trouvé ?
- Et bien le héros du temps est passé me voir cette après-midi, et après une petite sieste de réflexion, je me mis à ta recherche. Mon regard fut attiré sur une meute de lobos carnassiers quand je te vis...
- Merci infiniment, je vous dois la vie.
- Ce n'est rien. Mais dis-moi plutôt : As-tu retenu le visage de l'homme dans le donjon ?
- Un homme grand et vieux avec une longue barbe blanche.
- C'est ça... il s'appelle Aghanim. C'est un vieux sorcier, mais sous ses apparences de vieillard sénile, il maîtrise une force magique pouvant rivaliser avec la princesse Zelda. Il est dangereux et profondément retors, ses talents manipulateurs sont sans égal. Lui aussi convoite le pouvoir de vérité...
- Mais, le coupa Flirto, attendez un instant... C'est quoi exactement le pouvoir de vérité ?
- Et bien... c'est... une notion euh... plus philosophique que visuelle et...
- Je vois... Quelqu'un disait que seuls les enfants perdus ont ce pouvoir. J'en suis un et n'ai pas vraiment l'impression de le posséder.
- Par exemple... Quand toi et le héros du temps avez rencontré un certain Smaug, ton compagnon lui fit tout de suite confiance, alors que toi tu sentais chez lui un esprit sadique et démoniaque.
- Mais ce n'était qu'un hasard... Je l'ai jugé avant même de l'avoir rencontré. Et puis d'abord, comment savez-vous ce qui s'est passé ce soir-là ?
- Et bien disons que je possède un certain don de clairvoyance. Mais pour cette question de hasard... Tu l'as peut-être jugé trop tôt mais tu as vu juste. Je vais même te dire plus : C'est le pouvoir de vérité qui t'a permis de voir clair dans le jeu de Smaug.
- Mais au final, je me suis fait piéger, simplement par une image entièrement conçue qu'il m'a fait voir afin que je coure vers son pseudo-téléporteur.
- Il a découvert ton pouvoir de vérité et te l'a fait voir : Quand tu voyais le ranch brûler, tu n'as pas tout de suite réagi, parce qu'en toi tu savais que ce n'était pas réalité, mais lorsqu'il te fit voir Angora en danger tu as réagi. Car, j'ai le malheur de te l'annoncer, elle était véritablement en danger. En ce moment même, elle risque la mort.
- Non, c'est impossible !
Pourtant, quelque part en lui-même, Flirto sentait que le dragon disait la vérité.
- Je n'arrive pas à vous croire mais je sens le pouvoir de vérité me dire le contraire. Mais que lui est-il arrivé ?
- Elle a été enlevée par Aghanim.
- Mais pourquoi ?
- Dans le but de t'attirer dans un piège.
- Pourquoi moi ?
- Parce que tu es la seule personne capable de ramener Link à la raison, et ainsi empêcher le mage de s'approprier le pouvoir de vérité.
- Mais vous disiez...
- Aghanim, d'après les dires d'une prophétesse, sait qu'un homme, avide lui aussi du pouvoir de vérité, un jour créa un objet capable de simuler ce pouvoir. Le monocle de vérité... Les ancêtres de Zippo, le flûtiste que tu connais, protégèrent cet objet d'un bouclier magique ne pouvant être franchi que par un Hylien de sang elfique, au coeur bon et courageux. Comme tu le sais, il n'existe plus que deux êtres de sang elfique : Link et sa soeur Zelda. La princesse étant trop inaccessible, Aghanim devait donc essayer avec Link. En ce moment même, le héros du temps est en train de récupérer le monocle de vérité.
- Pourquoi fait-il ça ? Est-il donc si crédule ?
- Aghanim lui dit que régulièrement Ganondorf attaquait l'île et que l'armée que tu as vue tout à l'heure servait à la défendre. C'est entièrement vrai. Sauf que le mage ne défend pas l'île pour sauver des milliers de vies, mais pour empêcher Ganondorf de récupérer le monocle. Il dit également à Link avoir besoin du monocle pour repousser définitivement Ganondorf. Cela aussi doit être vrai. Dis-moi : es-tu conscient de la puissance que peut avoir un homme avec cet objet ?
- Il pourrait conquérir le monde, empêchant toute contre-attaque en la prévoyant... Et connaissant Ganondorf...
- La première chose qu'il ferait, je pense, serait d'anéantir la princesse Zelda, ainsi que toutes les personnes pouvant représenter une menace pour lui. Et, effectivement, il ne tarderait pas à conquérir le monde. Mais, et c'est ça le pire, il en va de même pour Aghanim.
- Nous devons faire quelque chose...
- Je suis d'accord.
- Mais quoi ?
- Réfléchis... Que peut un homme au pouvoir de vérité, à la tête d'une armée de deux mille yeux, contre le dragon le plus fort du monde et l'enfant le plus perdu de cette terre, à la tête d'une armée de deux mille yeux, je veux dire mille trous noirs, détenant chacun le pouvoir de vérité ?
- Vous voulez convertir tous les enfants de cette île en combattants ?
- Pourquoi pas ?
- Il faudra recruter dès maintenant... Mais où trouverons-nous l'équipement nécessaire ?
- Oh, mais ils l'ont déjà...

Une demi-heure plus tard, Flirto et le dragon avaient rejoint Zippo dans le jardin de sa maison et lui expliquèrent leur plan. De son côté, Zippo raconta en détail à son compagnon son parcours avec Link. Encore un peu plus tard, Zippo avait rassemblé ses amis de la taverne et tous se mirent à avertir les enfants de l'île du danger qui les menaçait, et nombreux furent ceux décidés à mourir pour arrêter Aghanim. A la fin de la journée, plus d'un millier de têtes avaient rendez-vous sur la plage, le lendemain. Le dragon retourna dans sa caverne, content de son travail. Flirto dormit chez Zippo cette nuit-là, qui était encore plus froide que la précédente. Le ciel était couvert de nuages pleins de neige, menaçant d'éclater d'un instant à l'autre...
Flirto s'endormit, avec le souvenir de la bataille devant les deux ranchs à Hyrule, et espérait que cette fois-ci il y aurait moins de victimes, même s'il n'y croyait qu'à moitié...

Link dormit au palais, dans un grand lit douillet, deux hommes armés montant la garde devant la porte de sa chambre. Il avait rapporté le monocle de vérité à Aghanim, persuadé que celui-ci empêcherait Ganondorf d'attaquer l'île. Le mage lui avait prédit que le seigneur du malin les attaquerait le jour prochain, et qu'il devait donc se reposer parfaitement pendant cette nuit. Il ne s'attendait pas du tout à devoir affronter directement une armée d'enfants perdus, dirigée par Flirto, Zippo et le dragon... Pourtant, Aghanim le savait déjà : aucune vérité ne pouvait plus lui échapper désormais.

Une vague de cauchemars hantèrent nos héros cette nuit-là. Une féroce bataille, où personne n'avait l'avantage, et où chacun combattait avec la force du désespoir. Des milliers de victimes, de chaque côté, un flot de sang. Ganondorf au sommet de sa gloire, se réjouissant des dégâts causés par la simple évocation de son nom.

Je m'ennuie mais de quoi ?
Une étreinte sous la pluie,
Un écho de sa voix.
Le baiser de la nuit,
Un regard d'effroi,
Mon âme seule sous mon toit...

Flirto se répétait la poésie pour se donner du courage. Il se trouvait sur une petite dune, sur la plage de l'île. Face à lui, un millier de flûtistes, les uns tenant une épée, les autres un arc, tous une flûte, noircissant le sable jaune, se détachant à peine de l'océan. C'était à lui de diriger les opérations, le temps que Zippo et le dragon aillent en éclaireur vers la montagne, où siégeait l'armée de soldats d'Aghanim. Le plan était clair : emmener les enfants perdus dans la plaine, là où le terrain les avantageait, et attendre que les ennemis attaquent les premiers. Là, ils allaient se séparer en trois parties, chacune dirigée par l'un de nos héros. Flirto cria ses ordres à pleins poumons, espérant se faire entendre par chacun. Lentement, l'armée se mit en marche. Chacun de ces enfants, pourtant de redoutables guerriers, faisait une confiance aveugle au dragon, et donc également à Flirto. Tout en se dirigeant vers la plaine, les enfants perdus jouaient une mélodie entraînante et chantaient un chant de marche, spécialement écrit pour l'occasion :

Nous marchons,
En chantant,
En jouant à l'unisson !

En avant,
Compagnons,
Nous marchons vers l'horizon !

Nous tenons,
Droit devant,
Nos flûtes et notre passion !

Avançons,
Compagnons,
Nous marchons vers l'horizon,

Venez donc,
Ennemis,
Car nous serons sans merci !

Avancez,
Ennemis,
Car nous serons sans pitié,

Battez-vous,
Sans relâche,
Sans attaches,

Combattons,
Condisciples,
Condamnés à l'horizon.

Vérité,
Cruauté,
Nos valeurs sont opposées.

Nous voyons,
Dans l'esprit,
Apitoiement et compassion.

Notre pouvoir,
C'est de voir,
En chacun la vérité.

Le devoir :
Retrouver,
Celui qui en chacun est caché !

Et châtier,
Ceux qui de notre confiance ont abusé.

Aghanim devait bien paniquer, voyant avancer face à lui un millier de petits guerriers, chantant à tue-tête d'une même voix effrayante accompagnée d'une mélodie jouée par deux cent flûtes. Du moins c'est ce que Flirto croyait. Car Aghanim, averti par le monocle de vérité, avait déjà rejoint son armée, qui avait franchi la montagne du dragon, au commandement du héros du temps. Celui-ci était toujours persuadé d'agir pour le bien de l'humanité. Et le sorcier, à l'esprit aussi tordu que le nez de Ganondorf, lui avait dit que Flirto et le dragon étaient de mèche avec le seigneur du malin. Et Link, comme un imbécile, l'avait cru. Inévitablement, les deux amis allaient s'affronter, chacun pensant que l'autre était du mauvais côté. Quel sort funeste !

Link fut réveillé pendant la nuit, vers trois heures du matin. Il ne se sentait pas du tout reposé. On lui dit qu'une bataille était imminente, que les flûtistes s'étaient révoltés, et qu'Aghanim était déjà parti vers son armée de l'autre côté de la plaine. On lui dit également qu'il devait le rejoindre, le plus tôt possible, avec le meilleur cheval de l'île. Quand le garde lui rapportant la nouvelle lui dit que les flûtistes étaient menés par Flirto, le dragon et Zippo, il sauta jusqu'au plafond. "Comment pouvaient-ils êtres naïfs à ce point ? Leur attaque ruinerait tout ce qu'il avait entrepris avec le mage Aghanim pour repousser Ganondorf. En y pensant, il eut un doute : Et si ses anciens amis avaient rejoint les rangs du seigneur du malin ? En fait, c'était plus que probable : Les deux attaques, en même temps, ne pouvaient être une coïncidence... Comment avait-il pu faire confiance à Skull Kid après tout ? Il avait servi le mal et n'avait jamais vraiment prouvé sa bonne intention ... Et s'il avait à nouveau basculé du côté obscur ? (référence). Le dragon non plus n'avait pas fait grand-chose pour l'île. Lui aussi était avec Ganondorf depuis le début..." Il se mit à cultiver dans le jardin de son jeune esprit une sorte d'antipathie pour ses anciens amis. Même Zelda, qui était pourtant sa soeur, l'avait laissé tomber. Ses parents l'avaient abandonné. L'arbre Mojo l'avait quitté. Mido l'avait quitté. Même Saria l'avait quitté. Et maintenant Flirto et Zippo... Etait-il victime d'une malédiction, visant à effacer la moindre trace de bonheur dans sa vie ? Etait-il condamné à affronter épreuve après épreuve, connaître souffrance après souffrance, sans amitié durable, ni même d'amour ? Son esprit le torturait. Qu'en serait-il s'il avait le monocle en ce moment même ? Il connaîtrait la vérité. Il saurait que tous les héros vivent heureux pour toujours...

Au petit matin, Flirto, chevauchant sur un bel alezan de robe marron, presque brûlée, avait mené les guerriers jusqu'à la plaine. Désormais, leur progression ne pourrait être ralentie que par les hommes d'Aghanim. Flirto attendait impatiemment le retour de Zippo et du dragon. Il espérait qu'ils seraient porteurs de bonnes nouvelles. Ils avancèrent deux heures encore, avant de voir se dessiner dans le ciel une forme rouge. Le dragon atterrit devant le cheval meneur et Zippo sauta à terre. Il courut à l'encontre de Flirto, qui fit signe à l'armée de s'arrêter. (Elle mit un certain temps...)
- Les nouvelles sont désastreuses ! Une gigantesque armée, plus de deux mille hommes, bien mieux équipés que nous. Des renforts les ont rejoints. Nous n'avons aucune chance. Pourtant, j'ai l'impression qu'on va gagner !
- Le pouvoir de vérité, chuchota Flirto, moi aussi je le sens.
- Devons-nous continuer ? Les pertes seront nombreuses.
- Maintenant que nous en sommes là, nous devons le faire. Allez, cria Flirto à l'adresse des enfants perdus, continuons !
Ils progressèrent à peine une demi-heure dans la plaine, la montagne était déjà visible, quand des cris stridents s'élevèrent de leur droite. Le dragon s'envola aussitôt pour savoir quelle en était la cause. Ce qu'il vit lui fit réellement peur. En fait ce qu'il vit l'effraya tellement qu'il faillit arrêter de battre des ailes et tomber à plat dans l'herbe grasse. A droite des milliers d'enfants perdus, s'étendaient, à perte de vue, une troisième armée composée de monstres en tous genres. A vue d'oeil, ils étaient au moins quatre mille. Il y avait, en grande partie, des moblins. Les premières lignes étaient constituées de tetdoss bleus, crânes ornés de deux ailes de chauve-souris, destinés à priver les adversaires, par une malédiction, de leur épée ; mais aussi des teigneux, petits animaux suicidaires explosant au contact d'un solide. Derrière eux, venaient des chevaliers armos à cheval, avec un savant mélange de stalfos (squelettes armés d'une épée et d'un bouclier), de lizalfos (sorte de lézards géants, équipés d'une peau solide et d'une épée courte) et de dinolfos (les mêmes en forme de dinosaure). Ensuite venait une série de danseurs de feu (petite tête noire, montée sur un immense corps de feu, sa manière de foncer sur les ennemis et de les brûler rappelant une danse). Parmi ces plusieurs lignes, étaient éparpillés des boos (petits fantômes blancs très difficiles à repérer) ainsi que des grossbaff (mains de géants coupées se mouvant naturellement). Pour fermer la marche, il y avait des dodongos (mélange entre dinolfoss et lizalfoss, marchant lentement sur quatre pattes et crachant du feu) et des dodongos juniors (les mêmes en plus petit, mais beaucoup plus rapides et explosifs), le tout évidemment bleuté par des moblins. Quand le dragon rapporta cette information aux deux flûtistes, eux non plus n'en crurent pas leurs oreilles. Comment n'avaient-ils pas pensé à une attaque de Ganondorf ? (Car ceci en était bien une...) Ils avaient maintenant non plus deux mille ennemis, mais six mille ! Heureusement, ils n'étaient pas encore rassemblés. Ils décidèrent de ne pas forcer une bataille et entreprirent un grand arc de cercle par la gauche, pour éviter cette armée terrifiante. Ce qu'ils ne savaient pas, c'était que Ganondorf et Aghanim ne s'étaient jamais vraiment aimés. En fait, ils étaient même les deux plus grands rivaux, bien que les pouvoirs de mage d'Aghanim n'égalaient pas ceux de nécromancien du seigneur du malin.
Mais Ganondorf s'attendait à cette manoeuvre et n'avança plus pile vers l'est, mais vers le nord-est, de manière à croiser l'armée de nos amis avant qu'ils n'arrivent à la montagne. Mais Ganondorf connaissait la nature lâche d'Aghanim et prévoyait sa stratégie : Le mage allait laisser s'entre-tuer ses deux adversaires et venir tranquillement achever les survivants. C'est pour ça que Ganondorf ordonna à son armée de monstres de se séparer en deux, diminuant peut-être sa force de frappe, mais permettant de combattre les enfants perdus et le sorcier en même temps. Je résume : Les enfants perdus (mille guerriers) contournent les monstres, attaquant Aghanim (deux mille guerriers) par la gauche. L'armée des monstres (quatre mille) s'est séparée en deux groupes de deux mille afin de couper le chemin aux flûtistes et d'attaquer Aghanim au même moment.
D'abord arriva le moment fatal où les deux mille monstres croisèrent les flûtistes. Ceux-ci, malgré leur infériorité numérique, leur firent face. Flirto vit les crânes entourés d'une flamme bleue arriver vers lui. Il prépara son bouclier et se récita une ultime fois sa poésie.

Chapitre 12 : Là où le soleil croise la lune   up

Le froid se fit plus que jamais sentir dans la plaine. Alors que l'armée des enfants perdus avançait vers ces macabres adversaires, une fine bruine commença à tomber. Un tout petit peu plus froid et c'était de la neige. Le moral des troupes avait diminué et des chuchotements parcouraient la foule. Ils avaient arrêté de chanter et de jouer, le froid leur gelant les poumons. Mais les crânes bleus les rejoignirent plus vite que prévu. Bien que les flûtistes n'aient jamais eu affaire à des tedoss bleus, leur don de vérité leur souffla de se protéger de leurs boucliers. Les flammes des monstres s'éteignirent, empêchant ainsi la malédiction, et il suffit d'un petit coup d'épée aux flûtistes pour se débarrasser de leurs premiers adversaires. Mais venait déjà la seconde ligne... Sauf que là, chose qui surprit les flûtistes, l'armée du malin se divisa en deux. Une petite moitié (à peine le double de leurs effectifs...) resta face à eux. L'autre moitié continua vers la montagne du dragon. Dans la plaine, la bataille fit maintenant rage. Le pouvoir de vérité des enfants perdus ne leur servait pas toujours, face à la rapidité des ennemis, par exemple. Flirto et Zippo se battaient avec acharnement, tuant parfois plusieurs moblins d'un seul coup d'épée. Ceux-ci furent les premiers des guerriers ganondorfiens à disparaître... Les teigneux aussi ne résistèrent pas longtemps (évidemment puisqu'ils mourraient après leur première attaque...). Les dinolfos, les grossbaff, les lizalfoss et les boos non plus ne firent pas long feu... Au bout d'une heure de combat acharné, il ne restait parmi les monstres qu'une petite cinq centaine de Dodongos, quatre cents Stalfos, deux cents chevaliers armos et presque la totalité des danseurs de feu, contre lesquels les enfants perdus avaient le plus de mal à résister. Pourtant, nos guerriers faisaient beaucoup plus de victimes qu'ils ne subissaient de pertes. "L'armée de vérité" n'avait perdu qu'à peu près deux cents membres...

Une deuxième bataille, opposant la seconde moitié des monstres aux hommes d'Aghanim faisait rage un peu plus au nord. Mais les soldats du mage étaient mis beaucoup plus à mal que les enfants perdus. Le monocle du mage pouvait peut-être prévenir des attaques en masse, mais cela ne suffisait pas aux guerriers pour anticiper les coups des monstres. Déjà les premières lignes furent privées d'armes par les tetdoss et anéantis par les petits moblins. Par contre, les crânes ailés furent tous détruits par les secondes lignes, qui elles-mêmes ne résistèrent pas aux teigneux, tuant une centaine d'hommes avec leurs explosions. Ensuite, l'armée humaine n'eut pas trop de mal face aux moblins, aux lizalfos et aux dinolfos, mais le combat s'envenima quand les gros calibres des monstres vinrent à l'attaque : Les chevaliers armos faisaient beaucoup de dégâts, sans parler des boos, des stalfos et des dodongos. Mais ceux contre lesquels ils avaient le plus de mal étaient les danseurs de feu, brûlant tout sur leur passage.
Link, lui, était en quelque sorte l'arme secrète de l'armée. Il avait déjà eu affaire à chacune des variétés de monstres, et tuait aussi vite que Flirto et Zippo réunis. Il n'avait pas besoin du pouvoir de vérité pour anticiper chacun des coups lui étant porté, et savait massacrer une dizaine d'ennemis d'un seul coup (avec un petit supplément de magie, tout de même...). Il était le seul à savoir comment se débarrasser des danseurs de feu avant qu'Aghanim, en retrait du combat, ne hurle à ses troupes la stratégie à adopter face à ces incendiaires. Mais les pertes, au bout d'une heure de bataille, étaient considérables : Il ne restait à peine que cinq cents hommes, face à mille cinq cents monstres. Et le carnage n'était pas fini. Au cours du combat, Link se demanda si le monocle de vérité servait vraiment à l'armée pour laquelle il combattait. Mais il se dit que sans lui, ça aurait sans doute été pire...

Un peu plus tard, il n'y avait plus de monstres face aux enfants perdus. Cette première victoire leur avait donné du courage, de plus, ils avaient subi moins de pertes que prévu. Quand l'armée se remit en marche vers le nord, ils étaient environ huit cents. Bien sûr, ce n'était pas beaucoup, étant donné qu'ils avaient face à eux au moins mille cinq cents hommes... Mais, et c'était le principal, le moral était revenu parmi les troupes, qui s'étaient remises à chanter leur chant de guerre... Ils se dirigèrent donc vers la montagne, pour rejoindre la bataille entre les soldats d'Aghanim et les sbires de Ganondorf. En cours de route, la fine bruine laissa sa place à une pluie drue, réduisant encore la visibilité des marcheurs. Et c'est au bout d'une bonne demi-heure qu'ils entendirent les premiers bruits du combat. Des croisements de fer, des hurlements de douleur ou de victoire, le souffle glacé des monstres de Ganondorf... Pourtant, les bruits de la bataille était eux aussi plus silencieux que prévu. Quand les enfants virent les deux armées adverses, ils furent impressionnés par leur nombre amoindri : En effet, il ne restait plus beaucoup d'hommes d'Aghanim, environ trois cents, mais face à eux restaient pas moins de mille monstres des plus redoutables. Miraculeusement, même quelques moblins... Flirto, toujours sur son destrier, vit une forme verte se distinguer de la masse noire et compacte. Avec sa petite épée, elle formait un petit vide autour d'elle. Le garçon observa son déplacement et lança les troupes dans le combat, du côté opposé à cette forme... Il tenait à retarder le plus tard possible son combat avec la forme verte, qu'il supposait être Link. Car il savait que ce combat, bien que complètement superflu, était inévitable. Il se jeta dans la mêlée, décidé à en finir le plus vite possible.

Link était trop occupé à détruire son dixième danseur de feu pour voir l'arrivée des flûtistes. D'ailleurs il ne pouvait pas risquer de penser à autre chose qu'au combat, car le moindre relâchement de concentration causerait sans doute sa mort. Et il savait qu'il ne pouvait pas mourir. Il ne devait pas mourir. Pas avant d'avoir affronté Flirto. Il croyait pouvoir lui faire confiance, que c'était un véritable ami... En fait, alors que le flûtiste s'était enfui l'autre jour dans la montagne, Link ne l'avait pas vraiment renié, conscient du fait que son ami avait subi un grand choc. Mais son alliance avec le dragon et le soulèvement des enfants perdus contre leur protecteur, avaient détruit définitivement leur amitié. Link le détestait maintenant. Après avoir éliminé le danseur de feu, il essaya de le rejoindre, afin d'en finir... Dans son esprit, les traîtres devaient êtres punis de mort. Même si le traître en question avait été l'un de ses meilleurs amis...

La suite de la bataille ne vaut pas la peine d'être racontée en détails. Sachez juste qu'au final, il ne restait plus que Link et Flirto. (Les derniers combattants de chaque camp avaient été tués par nos héros.) Zippo avait lui aussi péri. Il avait été tué par Aghanim lui-même. Le mage avait mystérieusement disparu... Le dragon avait préféré mourir que de se voir perdre la bataille, ou fuir vers son antre. Link repéra Flirto un peu plus loin. Les deux adolescents se rejoignirent, peinant à ne pas marcher sur les corps des victimes. Link vit face à lui le Skull Kid qu'il avait combattu à Termina, avec ses habits en paille, son chapeau d'épouvantail et son visage, aussi noir...
Flirto ne reconnut pas ce Link, changé par les épuisants affrontements. Le visage anguleux, le bonnet de travers, la tunique déchirée, l'épée fermement tenue à deux mains, les muscles raidis à force de donner la mort... Ce n'était plus le gamin joyeux et plein de vie qui avait vécu ces aventures à Termina et à Hyrule. Ce Link-là était mort en même temps que leur quête commune de la paix. Non, le nouveau Link, maintenant à quelques mètres de lui, ne laissait plus émaner cette aura de gentillesse et gaieté, mais un esprit confus et une lueur vengeresse au plus profond des yeux. Flirto, lui aussi, vit face à lui un trou aussi sombre que les ténèbres de la nuit. Seulement il ne se trouvait pas à l'emplacement du visage, mais du coeur de Link.
Soudain, l'Hylien sauta, l'épée levée. Le pouvoir de Vérité prévint Flirto du coup, qui eut le temps d'esquiver. Ce don lui dit également que le combat allait durer longtemps... Mais déjà, Link utilisa un sort de magie, l'un des seuls qu'il connaissait : le feu de Din. Un dôme se constitua autour du héros du temps. Seulement Flirto, encore une fois prévenu, joua trois notes à la flûte. La pluie, alors déjà importante, se fit plus violente que jamais, mêlée de bourrasques de vent et de grondements de tonnerre. Le chant des tempêtes. Le dôme de feu disparut aussi rapidement qu'il était arrivé. Link utilisa alors un second sort de magie, que Flirto n'eut pas le temps de contrer : le vent de Farore. Ce vent arracha la flûte des mains de Flirto. Heureusement, son épée, à l'abri du sort, resta en sa possession. Après que le sort se soit dissipé, il dégaina son arme et fondit à son tour sur Link. Celui-ci essaya un troisième sort de magie, l'amour de Nayru, destiné à former un bouclier infranchissable autour de lui, mais sa jauge de magie était vide à présent et il n'arriva pas à l'exécuter. Il ne réagit que trop tard : Le coup de Flirto l'atteignit à la main gauche, que le tranchant de l'épée coupa net. La douleur fut insoutenable. Mais ce coup en traître décupla sa rage de vaincre. Maintenant, le combat était à armes égales, les deux garçons privés de leurs atouts spéciaux. Chacun attaquait avec une force égale, une fureur hors du commun. Quand l'un attaquait, l'autre contrait, et inversement. Chacun s'acharnait, prenant l'autre pour un traître sans scrupules et sans pitié. Il se battirent plusieurs heures durant, et au coucher de soleil, personne ne montrait de fatigue, conscients que l'autre utiliserait la moindre occasion. Mais soudain, un cri rauque retentit. Mais ce n'était ni Link ni Flirto. Ce cri surgit du néant. Puis, peu à peu, deux formes se matérialisèrent : Une panthère et un lion en train de se battre. L'épaule de la panthère déversait un flot de sang. (Le bras sans main de Link s'était un peu guéri grâce à la magie mais le garçon souffrait toujours.) Link et Flirto cessèrent leur combat, fascinés par celui des fauves. Le lion attaquait sans cesse la panthère, qui se défendait tant bien que mal. Puis, le lion se métamorphosa en serpent. La panthère, elle, n'eut pas le temps de changer d'apparence, que déjà le serpent la mordit à une cuisse. Instantanément, le félin se tordit gracieusement et tomba. Sous les yeux ébahis des deux garçons, la panthère se transforma. Un homme d'allure fébrile, avec une longue barbe, portant une robe rapiécée, trouée par endroits, avec un bâton de bois, presque enseveli sous la boue, à ses côtés. C'était Aghanim. Son épaule saignait abondamment, répandant une trace rouge dans l'herbe boueuse. Link le regardait d'un air horrifié, tout en jetant des regards de côté au serpent et à Flirto. Ce dernier avait à présent une lueur d'espoir : Le grand sorcier machiavélique et manipulateur n'était plus une menace désormais. Mais ce serpent l'inquiétait, car il signifiait un nouvel ennemi, qu'il devait, celui-ci, combattre avec Link. Ses soupçons se confirmèrent quand le reptile s'allongea, grandit. Ses écailles vertes laissèrent place à une peau rouge. La tête triangulaire devint plus ovale. Une crinière rouge bordeaux poussa sur le crâne et retombait bientôt derrière jusqu'à la moitié du dos. Ensuite, ce corps presque nu se revêtit instantanément d'une armure noire et d'un heaume gris. Le bâton d'Aghanim se souleva du sol, vola vers ce démon et sa main l'attrapa au vol. Il n'y avait maintenant plus aucun doute possible : Ganondorf, le seigneur du malin, le prince des voleurs, était debout face à eux. Le masque de Majora lui avait redonné la vie, mais lui avait pris tout ce qui restait d'humain en lui. Un instant, les regards de Link et de Flirto se croisèrent. A nouveau, ils avaient un objectif commun : sauver leur vie, ou si possible tuer ce démon. Leur combat à mort pouvait attendre. Ganondorf éclata d'un rire tonitruant. C'était tout à fait son genre de rire dans des moments pareils... Mais une certaine fatigue perça de cette muraille d'animosité. Link et Flirto eurent une pensée commune à cet instant : "Serrer les dents et faire taire ce rire torve."
- Mon armée a failli, mais je suis toujours là ! Et je suis plus fort que jamais !
Il se baissa et tendit la main vers le corps ensanglanté d'Aghanim. Il ramassa le monocle de vérité. Doucement, il le porta devant son oeil droit.
- Ha, ha ! Je vois la vérité : Je suis bien plus puissant que vous deux réunis ! Vous n'avez aucune chance. D'ailleurs, plus personne ne peut se mettre au travers de mon chemin désormais. Plus personne !
- Si, rugit Link, une personne restera pour défendre Hyrule : Vous ne serez jamais aussi fort que la princesse Zelda. Et je serai toujours à ses côtés.
Ganondorf rit de nouveau.
- Je vais te révéler, grâce au monocle de vérité, la vraie identité de la personne dont tu défends les intérêts : Zelda est ta soeur !
Il le déclara comme si c'était la nouvelle du siècle. Link se souvint des paroles du renard.
- Merci mais je le savais, s'emporta Link, et si le monocle ne lui sert qu'à ça, le prince du Malin n'est pas très malin...
- Bon, je vois que le héros du temps, l'élu de la Triforce, n'a toujours pas corrigé son humeur tempétueuse... Et je crois que je vais en finir dès maintenant avec son impertinence.
- Moi, je vois que le seigneur du malin, le prince des voleurs, n'a toujours pas lavé son visage vert de crasse.
Ganondorf arrêta subitement de rire et leva le bâton du mage pour envoyer une boule d'énergie. Link, maintenant habitué à cette façon de combattre, la renvoya d'un coup d'épée et la boule revint à l'envoyeur. Pendant ce temps, Flirto se dirigea vers le démon et frappa un point faible de son corps, là où l'armure laissait transparaître une cotte de mailles. Mais Ganondorf le repoussa d'un coup de bâton. Du coup, la boule l'atteignit en plein visage. Il recula de quelques pas et se métamorphosa. Cette fois, ce n'était même plus un animal, mais un effroyable monstre de cinq mètres de haut, qui avait pour bras quatre longs tentacules. A une vitesse vertigineuse, le tentacule attrapa Link par les jambes et le souleva du sol. Flirto, grâce au pouvoir de vérité, sauta au dernier moment sur le côté. Le démon envoya Link sur le sol. Le choc fut très violent. Flirto attendit que le héros du temps saute sur ses pieds, prêt à reprendre le combat, mais Link ne fit rien. Il resta allongé sur l'herbe boueuse, la pluie martelant sa tunique non plus verte, mais noirâtre, marron. Flirto ne l'aimait plus, mais il ne voulait pas qu'il meure dans ces circonstances. Pas ici ni maintenant. Le prince des voleurs se retransforma dans sa forme originelle et contempla Link d'un regard presque triomphateur.
- A nous deux maintenant...
Ganondorf fendit l'air avec le bâton et Flirto sentit ses muscles s'engourdir. Puis, incapable de tenir debout plus longtemps, il tomba. Ses jambes ne soutinrent pas le poids de son corps. Son visage s'écrasa dans la boue. C'en était fini. Le mal avait triomphé. Il eut une dernière pensée pour Angora et s'évanouit.

Il ne savait combien de temps après, mais toujours est-il que le garçon vit une lumière rose approcher, puis l'aveugler. Il revint peu à peu à la vie. Le paysage redevint visible autour de lui. La plaine, l'herbe boueuse, la montagne, les centaines d'hommes morts au combat... Il vit Link flotter dans une bulle rose à côté de lui et déduit que lui-même devait flotter dans une bulle semblable. Il vit en dessous de lui Ganondorf, qui fixait un point précis derrière eux. Mais il ne réussit pas à se retourner pour voir de quoi il s'agissait. Une voix douce lui chuchota à l'oreille : "Pardonne-lui et reprenez le combat ensemble. Il ne t'a pas trahi : lui-même pense que tout est de ta faute. Mais en vérité, c'est la rivalité de deux déments qui vous a amenés à vous disputer. Pardonne-lui... Je veille sur vous. Fais-le pour ceux que tu aimes, Flirto."
Flirto reconnut la voix de Zelda. Doucement, la bulle le reposa à terre. Celle de Link en fit de même. Zelda fit un geste avec les bras et le moignon de bras de Link fut remplacé par une nouvelle main. A nouveau, les deux garçons se regardèrent. Mais ce n'était plus un regard de haine, car tous deux avaient compris. En se retournant, ils virent la princesse debout, les traits tirés par la concentration. Devant eux, Ganondorf ne bougeait plus, il était comme paralysé. C'était le moment ou jamais. Link lui tira un coup de grappin dans la tête et se rua sur lui. Flirto massacra directement son armure de coups, là où il pouvait l'atteindre (Ganondorf faisait bien deux mètres de haut). Au bout d'un moment, son armure, qui n'était plus qu'un tas de ferraille, céda, et tomba à terre avec un bruit métallique étouffé par l'herbe imbibée. Il n'avait pour vêtements plus qu'un pagne. Zelda arrêta son sort de paralysie et le démon s'écroula. Mais quand Link et Flirto essayèrent de l'attaquer, une barrière invisible les empêchait d'approcher. Ganondorf utilisait ses derniers pouvoirs magiques pour se protéger. Mais Zelda neutralisa la protection d'un geste de la main. Ganondorf, dans un dernier souffle, se transforma en corbeau et s'envola. Bientôt, il disparut dans les nuages noirs.
Mais le monocle de vérité tomba aux pieds de la princesse, qui le détruisit d'un coup de talon avec une expression de victoire. Puis, elle s'approcha de Link et de Flirto.
- C'est dommage qu'il se soit enfui, je l'aurai bien tué, moi !
- Au moins, il n'a pas emporté le monocle de vérité.
- Mais moi, fit Link, j'en aurais eu besoin. Toi, Zelda, tu as ta magie, Flirto a le pouvoir de vérité, et moi...
- Toi tu as un don pour attirer les jolies filles, sans me vanter...
Link grimaça.
- Mais comment avez-vous fait pour nous rejoindre, princesse ?
- Tutoie-moi, Flirto, voyons... Eh bien je me suis téléportée ici, tout simplement.
Link et Flirto la fusillèrent du regard.
- Nous on a fait tout ce chemin, à travers un désert lointain et un océan brûlant, on a combattu des blobs de trois mètres, des octoroks de vingt mètres, on a été poursuivis par des fous assassins, des dragons paresseux, je me suis infiltré dans un château au péril de ma vie et on a livré une gigantesque bataille, presque au prix de notre excellente amitié pour venir jusqu'ici, et toi, tu te téléportes en deux secondes ?! Mais c'est du ...
- Du calme, Link, ce n'était qu'un test... Et l'avantage, c'est qu'au moins maintenant, vous n'avez plus à faire le chemin inverse pour revenir à Hyrule... Alors allons-y !
- Au fait, Zelda...
- Oui Link ?
- Merci pour la main.
- C'est naturel. En plus, je ne supporte pas la vue du sang...
Link se calma durant la courte marche à pieds vers le téléporteur. Flirto, lui, ne dit rien du tout, honteux du comportement qu'il avait eu envers Link. Le héros du temps, lui aussi, avait honte, mais ne le montrait pas.
Ils virent un cercle de lumière bleue, qui se révélait être un téléporteur. Ils durent se serrer pour y entrer tous les trois. (Ce n'est pas la princesse qui se plaindrait...) Mais le "voyage" dura plus longtemps que prévu, et Link et Flirto eurent le temps de se parler.
- Je suis vraiment désolé, je pensais que tu...
- Non, c'est moi, c'est de ma faute...
- Je n'aurais pas dû...
- Moi non plus...
- Oublions ça, d'accord ?
- Bien sûr... Ami.
Ils ne purent se jeter dans les bras l'un de l'autre car la princesse gênait le passage...
Bientôt, leurs pieds touchèrent le sol de la plaine d'Hyrule. Mais il n'y avait plus aucune trace d'herbe sur le sol... Smaug avait-il vraiment mis le feu à ce paysage idyllique ? Non, évidemment, car si l'on ne voyait pas l'herbe, c'est parce qu'elle était recouverte d'une épaisse couche de neige. D'ailleurs, une fine neige tombait sur leur tête. Link jeta un coup d'oeil autour d'eux et vit qu'ils étaient près du ranch Lon-Lon. Etrangement, ils virent une épaisse fumée noire s'élever par-dessus les hauts murs. Par moment, ils voyaient même des flammes vertes monter par-dessus ces mêmes murs. Ils se dirigèrent vers l'entrée du ranch et Talon vint à leur rencontre.
- Joyeux anniversaire Link, heureux de vous revoir vivants tous les trois.
Il serra la main de Link, qui avait complètement oublié que c'était son anniversaire.
- J'ai préparé une petite fête. Allez, suivez-moi.
Et les trois jeunes gens le suivirent à l'intérieur. Face à eux, il y avait tout un comité d'accueil : Malon, Angora, Darunia, Nabooru, les deux frères épouvantails, Impa, Ruto, ainsi que Guru-Guru, Kaepora Gaebora, une dizaine de Kokiris que Link connaissait, et d'autres vieilles connaissances. Tous lancèrent un "joyeux anniversaire" très convaincant... Des bancs étaient installés en cercle autour de l'enclos. Evidemment, des poules picoraient le sol par-ci par-là. Le groupe se précipita sur les arrivants, serrant les mains, s'inclinant devant la princesse. Angora et Flirto se montrèrent, contrairement à ce que Link pensait, très distants l'un de l'autre.
- Que la fête commence ! cria Talon, couvrant le vacarme des conversations de sa voix forte.
Une musique vive retentit et chacun se mit à danser. Elle était jouée par ce groupe de Zoras, que Link avait entendu la dernière fois au domaine, mais qu'il n'avait pas remarqué ici avant qu'ils ne commencent.
Chacun dansait joyeusement, le groupe interprétant alternativement des thèmes traditionnels et des chansons de leur composition. Au bout d'une heure, ils chantèrent le slow qui les avait rendus célèbres, afin de radoucir l'ambiance. Ruto se précipita vers Link. Il se tourna vers Malon, qui se trouvait heureusement près de lui, et demanda précipitamment :
- Steplaitmalontudanses ?
La fille sourit et répondit :
- Avec plaisir...

Je peux, après de longues recherches, vous rapporter les paroles de cette chanson intitulée : Là où le soleil croise la lune.

Ils étaient jeunes,
Ils étaient trois.
Trois véritables amis,
Que même la mort ne pouvait séparer,
Là où le soleil croise la lune.

Ils étaient trois,
Deux garçons et une fille ;
Fille d'un riche marchand,
Et fils de malheureux ouvriers,
Là où le soleil croise la lune.

Ils étaient ensemble,
Jour et nuit.
Nuit et jour.
Car chaque instant compte,
Là où le soleil croise la lune.

Mais un soir d'automne,
Une dispute les sépara.
Sépara leur destin,
Et leurs coeurs s'emplirent d'un espoir nouveau,
Là où le soleil croise la lune.

Tous trois grandirent,
Fondèrent une famille.
Familles pourtant heureuses,
Sans cette inébranlable amitié,
Là où le soleil croise la lune.

Mais les souvenirs restent,
Dans les coeurs des trois amis.
Amis par la pensée.
Pensées entremêlées,
Là où le soleil croise la lune.

Et finalement ils moururent,
Tous les trois le même jour.
Jour et nuit, nuit et jour,
Leur amitié restera,
Là où le soleil croise la lune.

Flirto était resté assis sur un banc, à l'écart du groupe. Il les avait regardés danser, en couples, et les enviait. Plusieurs personnes l'avaient invité, mais lui ne voulait danser qu'avec une bien précise... Qu'il ne vit pas ni sur la piste, ni sur les bancs. Quand les Zoras en étaient à "ils étaient ensembles", une main se posa sur son épaule. Flirto se retourna précipitamment et la vit. Il saisit sa main froide et l'entraîna un peu à l'écart. Il récita un petit "speech" appris par coeur, que la fille écouta, lançant des regards passionnés. Flirto rougit jusqu'aux oreilles, respira un peu trop fort et récita, enfin, sa poésie :

Je m'ennuie,
Mais de quoi ?
Une étreinte sous la pluie,
Un écho de ta voix,
Le baiser de la nuit,
Un regard d'effroi,
Mon âme seule
Sous mon toit.
Je m'ennuie... de toi.

Le soleil de ma vie,
Ma lumière dans la nuit,
Je m'ennuie...
D'une étreinte sous la pluie.

La pluie me rappelle,
Ce jour-là ton appel...
Un écho de ta voix...
Un regard d'effroi...

Je me souviens de ce soir,
Une lumière verte, une odeur de forêt,
Ta présence près de moi...
- Ce baiser dans la nuit -
Je m'ennuie... de toi

- Oh, Flirto... C'était... si... romantique !
Flirto eut un petit sourire gêné. Ils se tenaient toujours les mains, la neige tombait toujours sur leur visage. La même scène que dans la forêt kokiri se déroula. Comme je ne suis pas sûr de mes informations à ce sujet, je ne vais pas la raconter, de peur d'entacher les mémoires de nos deux tourtereaux par des mots mal choisis ou des détails gênants et complètements faux...
La nuit se poursuivit, la boisson fit oublier la neige aux invités et Link profita pleinement de ses quinze ans d'existence, évitant Ruto de peur de les gâcher...

Epilogue   up

"Ce Link ne vécut plus d'autres aventures durant sa vie. Il éleva des cocottes avec sa femme, Malon, dans le ranch Lon-Lon. Flirto faisait la même chose, juste quelques mètres plus loin, dans le ranch N'Gogo, avec sa chère Angora. Cette princesse Zelda ne fut pas enlevée une seule fois dans sa vie (ce qui n'est pas peu dire pour une fille de sa lignée) et vécut dans le luxe avec un mari séduisant mais pas très futé. Ganondorf ne fit pas de retour, en tout cas pas avant la mort de nos héros, mais ça, c'est une autre histoire. Comme vous le savez, les descendants de Link sont éternellement condamnés à devoir sauver alternativement Hyrule, ou une descendante de Zelda, et demain soir, je vous raconterai ce qui est arrivé au petit-fils de ce Link-là. Cette histoire-là se déroulera dans une Hyrule envahie par les flots."
Et le vieil homme qui a raconté l'histoire se tut, assurant le suspens, mais aussi l'attention des enfants qui étaient assis autour de lui, au coin du feu...

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Max". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 14.04.24