La Triforce de l'intuition

Une légende persiste depuis des années et des années...

Lorsque le mal commençait tout juste à ronger Hyrule, les trois déesses fondatrices décidèrent d'unir leurs pouvoirs. La puissance, la sagesse et le courage se fusionnèrent ensemble afin de forger une quatrième Triforce, celle de l'intuition.
La Triforce de l'intuition ne devait servir au Héros du Temps qu'en cas d'extrême urgence. Lorsque Hyrule serait sur le point de tomber dans le sombre esprit du vil Seigneur Ganondorf, lorsque tout espoir serait perdu... à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, le Héros du Temps pourrait espérer trouver la deuxième Triforce lui étant réservée.

La Triforce de l'intuition fut cachée par les déesses dans les entrailles mêmes du Poisson-Rêve, créature divine vivant au royaume déchu d'Hoxalia. Celui-ci se trouvait à des centaines de lieues d'Hyrule, inaccessible pour celui qui ne mettrait pas toute sa volonté dans sa recherche. Pour se rendre jusqu'au Poisson-Rêve, il fallait ouvrir une porte ornée de cinq serrures. Le seul moyen de savoir quelles clefs à utiliser était de rencontrer Ozako, la sirène des Songes.

La route vers la Triforce de l'intuition s'annoncerait longue et extrêmement périlleuse... elle ne serait faisable que par la volonté hardie et sage du Héros du Temps. Mais, est-ce qu'un jour, Hyrule deviendrait assez près du gouffre pour que Link ait à la trouver ?

Il est possible que oui...

Chapitre 1 : Espoir retrouvé   

Depuis deux semaines, la princesse Zelda sentait le désespoir gruger son esprit tel un vil insecte. Depuis deux semaines, elle envoyait ses soldats se battre fièrement contre les épouvantables créatures de Ganondorf.
Et depuis deux semaines, elle perdait tous ceux en qui elle avait placé sa confiance. Tous.

Ce matin-là, le ciel était nappé d'un épais brouillard gris. Telma ouvrit la porte de sa taverne, jetant un coup d'oeil inquiet à l'extérieur. Elle vit, au sommet de l'escalier menant à la route sud de la citadelle, une dizaine de soldats qui se hâtaient à sortir. Les gens se bousculaient autour d'eux en chahutant, transportant leurs enfants et leurs animaux. Tout le monde songeait, depuis plusieurs jours, à quitter la citadelle d'Hyrule... et peut-être même le royaume. Telma aurait bien voulu rassembler ces gens pour leur signifier qu'il fallait rester ici et que l'espoir n'était pas perdu, mais rien à faire. Personne ne l'écouterait, de toute manière. Elle était la seule qui restait sensée dans cette citadelle. Un seul autre homme pensait comme elle, mais celui-ci était bien loin...
Telma savait que Link parviendrait à sauver Hyrule des griffes de Ganondorf. Seulement, plus le temps avançait et plus le désespoir des autres tendait à l'atteindre. Pourtant, elle devait se ressaisir et rester pleine d'espoir : Link allait les sauver ! Il allait... il allait réussir... il devait réussir... il devrait réussir... non ?
Telma retourna à l'intérieur de sa taverne en secouant férocement sa tête. Il ne fallait pas qu'elle se laisse à nouveau envahir par ces mauvaises pensées. Link allait les sauver, oui. Elle en était convaincue et ne devait pas laisser les gens détruire son espoir.
De toute manière, sans l'espoir, ce royaume n'était plus rien.
Telma se servit un café bien chaud et alla s'asseoir au fond de sa taverne en soupirant. Depuis si longtemps, elle se trouvait seule, ici. Plus personne ne venait la rencontrer, soit en tant qu'ami ou simple client. Lorsqu'elle s'asseyait ainsi, le silence était si lourd... mais, elle s'était entraînée à le supporter. Désormais, où que l'on allât en Hyrule, il y avait toujours un silence comme celui-là, ou alors un brouhaha épouvantable qui laissait le même effet : la solitude.
Soudain, alors que Telma sirotait doucement son café, un terrible coup de canon retentit à l'extérieur, les ondes agitant ses verres de cristal dans toute la boutique. Ça y est... les soldats de la princesse couraient maintenant sur les champs de bataille. Les plaines d'Hyrule, autrefois si verdoyantes, devaient désormais être recouvertes de sang, de suie et de peur. Telma ne savait pas ce qui se passait à l'extérieur de la citadelle : elle avait refusé d'en sortir, déjà effrayée par les horreurs qui se produisaient dans les environs de sa taverne. Tout à coup, on frappa à la porte.
Etonnée, la grande femme se leva, déposa sa tasse de café sur la table et alla ouvrir. Un soldat se trouvait là, son armure tachée de poussière sombre.
- Tout le monde doit se rendre au château, ordre de la princesse d'Hyrule, lança-t-il sur un ton grave.
Telma ne se fit pas prier. Elle ramassa quelques affaires, puis sortit à la suite du soldat. Elle gravit rapidement les marches, déboucha sur la rue et marcha en direction du château. Autour d'elle, une foule monstrueuse se hâtait dans la même direction, son brouhaha traversé de temps à autre par les pleurs, les cris de détresse, la panique et le désespoir.
Réussissant à se tailler un chemin au travers de tout ce monde, Telma rejoignit la porte d'entrée du château avant la plupart des autres. Une vingtaine de soldats gardait le passage, toutes armes levées. Lorsqu'ils la virent, ils l'observèrent longuement pour s'assurer qu'il s'agissait bien d'une civile hylienne et la laissèrent entrer.
Telma trouva la princesse Zelda assise dans son trône, le regard tourné vers les vitraux parant les murs. La salle était immensément vide.
- Tout est perdu, murmura la jeune femme.
Ses longues mèches blondes retombaient sur un regard si mélancolique, si transi d'effroi, que Telma se sentit mal à l'aise d'être là. Elle s'approcha de sa bonne amie et dit :
- Link reviendra bientôt.
- Je ne sais pas, avoua Zelda en tournant ses yeux vers elle. Il a quitté notre vue depuis maintenant deux mois. Reviendra-t-il vraiment ? J'en doute, maintenant. Mon royaume est en agonie. Ganondorf est en train de remporter la victoire.
- Les déesses ne peuvent laisser faire cela, reprit Telma en voulant se faire rassurante.
Derrière elle, la porte en chêne commençait à s'agiter, bousculée par la foule qui essayait d'y entrer. Zelda se leva de son trône et lança :
- Il existe un espoir, mais Link doit revenir pour cela... il ne le sait pas et je dois l'avertir...
- Il reviendra bientôt, répéta la propriétaire de la taverne. Et quel est cet espoir dont tu dois l'avertir ?
- Montons à mes appartements, répondit plutôt la princesse. Les gens vont bientôt entrer ici : je ne veux pas me faire surprendre par la foule.
Les deux amies de longue date se dirigèrent alors vers l'escalier et montèrent rapidement les marches. Peu après, la porte d'entrée du château s'ouvrit en grand, laissant entrer un peuple déchiré et effrayé à l'abri.

Zelda ouvrit la porte de sa chambre et y entra à la suite de Telma. Celle-ci reprit :
- Alors, cet espoir... de quoi s'agit-il ?
La princesse se dirigea vers la fenêtre, observant sobrement la pluie qui commençait à tomber, et commença :
- Même le Héros du Temps, dans la condition où il est, ne peut espérer triompher de Ganondorf. Par contre, tout ce qu'il suffit de faire, c'est d'améliorer sa condition...
- Et comment ? lança Telma, intriguée.
- Il existe une légende, expliqua Zelda en se tournant vers elle. Elle parle d'une quatrième Triforce créée par les trois déesses réunies. Cette Triforce aurait été réservée pour le Héros du Temps, mais celui-ci ne pourrait se lancer à sa recherche que lorsque Hyrule serait au bord du gouffre.
- Une quatrième Triforce ? s'exclama son interlocutrice. Pourquoi n'en as-tu pas parlé à Link avant qu'il parte ?
- Parce qu'il y a deux mois, Hyrule n'était pas encore en guerre, répondit froidement Zelda. Hyrule n'était pas encore à l'agonie. Aujourd'hui, par contre, il l'est... et Link est loin, si loin...
- Tu ne pourrais pas essayer de le contacter par télépathie ? Tu as toujours été très forte à ce jeu-là.
La princesse tourna soudainement les yeux vers elle, saisie par cette idée.
- Tu vois, commença-t-elle lentement, dans l'énervement de la situation, cette opportunité m'avait complètement sorti de la tête... Mais, pour que je puisse communiquer avec lui par télépathie, il doit être ouvert et accepter de m'écouter... Sinon, son esprit me restera fermé.
- Essaie, insista gentiment Telma. C'est peut-être notre seule chance.
Zelda acquiesça d'un signe de tête, puis ferma les paupières. Elle porta sa main droite à son coeur, la Triforce tatouée s'illuminant soudainement au travers de son gant.

"Ô, Link... Entendez-moi... Où que vous soyez... n'ayez crainte, il ne s'agit que de moi... Zelda... entendez-moi..."

***

A l'autre bout du royaume d'Hyrule, au coeur du gigantesque désert derrière la vallée Gerudo, se trouvait la forteresse maudite de Ganondorf, encerclée par une foule de créatures cauchemardesques. Derrière la maigre végétation qui se trouvait au sommet d'une dune, un jeune homme vêtu de rouge se camouflait pour observer la scène. Une petite boule de lumière ailée s'agitait autour de lui, nerveuse.
- J'aurais dû penser à enfiler la tunique Goron bien plus tôt, disait-il. La chaleur du désert est ainsi beaucoup plus supportable.
- Link, c'est bien trop risqué ! s'exclama soudainement la fée. Tu ne peux pas entrer là-bas comme ça, tout bonnement ! Ganondorf y est assisté de tous ses pires soldats !
- Je dois le faire, Navi, répliqua l'Hylien. Hyrule est en train de sombrer, la guerre y faire rage : je suis si près du but, si près... Il faut que j'aille le combattre !
- Mais, Link... protesta faiblement Navi.
- N'aie pas peur pour moi, je vais bien m'en tirer, j'en suis convaincu.
Sur ces mots, le Héros du Temps se redressa, épée en main, et allait dévaler la dune sablonneuse lorsque Navi murmura :
- Tu ne peux pas le vaincre.
Brusquement surpris, Link s'immobilisa dans son élan et tourna lentement la tête vers elle.
- Quoi ? finit-il par dire.
- Tu es incapable de le vaincre dans ta condition, reprit la fée en virevoltant sur place. N'entends-tu pas cette voix qui t'appelle... ? Moi, je l'entends, parce que nos esprits sont connectés.
Le jeune homme fronça les sourcils, puis, avant de se faire repérer par une créature quelconque, il revint se glisser derrière la végétation.
- Une voix ? s'étonna-t-il, encore plus confus. De quoi parles-tu, enfin ?
- Zelda essaie de te contacter, conclut fermement Navi. Ouvre ton esprit...
Link, étonné d'entendre le nom de la princesse, ferma doucement les yeux et essaya de se détendre un brin. Le vent chaud du désert venait souffler des mèches blondes dans son visage.

"Link..."

Le Héros du Temps sursauta malgré lui en entendant la douce voix de Zelda vibrer dans sa tête.

"Vous ne pouvez vaincre Ganondorf dans votre condition, Link... Ecoutez-moi... il existe... selon la légende... une quatrième Triforce... Vous devez la trouver... Trouvez Ozako... la sirène des Songes... Elle vous dira comment l'atteindre... Dépêchez-vous... Hyrule ne tiendra plus... pour longtemps..."

Lentement, sa voix s'évanouit au travers du silence, ses échos résonnant encore un moment dans l'esprit de Link avant de disparaître complètement. Ses yeux couleur source étaient figés dans une expression de profonde perplexité. Une quatrième Triforce... et il devrait la trouver pour espérer vaincre son ennemi ?

Chapitre 2 : Nouvelle quête   

Epona sortit de la Vallée Gerudo en hennissant, au galop effréné. A contrecoeur, Link avait décidé de quitter le désert. Si la princesse Zelda affirmait que trouver cette quatrième Triforce était le seul moyen pour lui de sauver Hyrule, il ne devait pas se faire prier.
Une rage montait malgré tout en lui. Les doigts serrés sur les rênes de sa jument, il n'arrivait pas à croire qu'il se trouvait maintenant hors du désert. Dire qu'il n'avait été qu'à quelques mètres de son duel ultime... Après avoir traversé tous ces temples épouvantables, après deux mois de route périlleuse où, chaque jour, il avait risqué sa vie... Il s'était trouvé là, tout juste devant la forteresse de son pire ennemi... Et, au dernier moment, on lui disait qu'il fallait faire autre chose pour sauver Hyrule. Quelle déception...
Epona atteignit la plaine d'Hyrule après une bonne heure de route. Elle était suffisamment épuisée pour que Link décide de ralentir sa cadence. A l'entrée de la citadelle, les soldats se battaient férocement contre d'horribles monstres : pris au coeur, le jeune homme détourna la trajectoire de sa monture et alla leur filer un coup de main. Quelques coups d'épée bien placés lui suffirent pour en finir avec ces ennemis.
Alors que les soldats blessés le remerciaient chaleureusement, Link reprit sa route.
- Link, lança soudainement Navi en apparaissant à ses côtés. Où t'en vas-tu comme ça ?
- Je dois trouver une sirène du nom d'Ozako, répondit froidement le cavalier. Le meilleur endroit pour recueillir de l'information est au Domaine Zora...
Sa voix était tremblante de fureur, la fée le sentait. Comment le consoler ?
- Tu n'as pas fait la route vers la forteresse maudite pour rien, décida-t-elle de dire. Ça t'aura permis de voir à quoi tu allais devoir faire face, tout au bout de ta quête.
- J'aurais pourtant bien aimé la finir aujourd'hui, ma quête, grommela Link. La citadelle agonise, les hommes souffrent... Il faut que je me dépêche, par Nayru.

Après une quinzaine de minutes au trot, Epona s'immobilisa près de la rivière qui coulait devant le village Kakariko. Son cavalier sauta à terre, repéra un grand rocher et alla s'y cacher. Navi resta près de la jument, intriguée, puis comprit qu'il était allé se changer lorsque sa tunique rouge apparut sur le rocher.
- Tu n'as jamais entendu parler de cette légende ? lança la petite fée. La légende de la quatrième Triforce...
Link réapparut dans son champ de vision, vêtu de sa belle tunique vert émeraude, et ramassa ses affaires en répondant :
- Non. C'est une légende ?
- Zelda l'a dit, rappela Navi. Cette Ozako t'expliquera certainement tout en détail.
Le jeune homme suivit la rivière, marchant sur sa berge étroite, et atteignit le Domaine Zora au pas de course. Saisi par la froideur des environs glacés, il frissonna en marchant.
Sa fée sur les talons, il gravit les escaliers menant au roi Zora et déboucha sur la salle miroitante de givre. Le gigantesque homme-poisson le salua respectueusement, puis sa fille Ruto, en le reconnaissant, s'approcha aussitôt de lui.
- Link ? s'étonna-t-elle. Que fais-tu ici ?
- Je sui-is venu t-t-te poser quel-quelques qu-questi-tions, bafouilla l'Hylien, ses dents claquant à cause du froid.
Ruto passa son bras autour de son épaule et l'invita à sortir de la salle.
- Vas-y, murmura-t-elle, je t'écoute. Ça faisait un bon moment qu'on ne t'avait pas vu dans les environs. Comment va la citadelle ? Plutôt mal, à ce que je peux lire sur ton visage...
Du mieux qu'elle pouvait, la princesse Zora s'acharna à réchauffer la peau glacée de Link. Celui-ci murmura :
- Ça va, merci, je me sens mieux. Je viens du désert, après tout.
- Dis-moi, insista alors Ruto. Qu'as-tu à me demander ?
- Zelda m'a donné une nouvelle quête à accomplir, confessa le Héros du Temps. Je dois trouver une femme du nom d'Ozako... la sirène des Songes, à ce qu'elle m'a dit. Tu... tu ne connaîtrais pas quelqu'un dans ce genre ?
Ruto se mit à réfléchir un moment et répondit :
- Ozako... la sirène des Songes... bien sûr que je la connais ! Tous les Zoras la connaissent. Tu as bien fait de venir me voir, je sais exactement où elle habite !
Soulagé, Link soupira et l'écouta ajouter :
- Ozako vit dans le royaume d'Hoxalia, bien au sud d'Hyrule. Par contre, au lieu d'avoir à parcourir des centaines de lieues, il y a un truc pour atteindre ce royaume bien plus rapidement. Rends-toi au lac Hylia à la tombée de la nuit et décoche une flèche de glace vers la lune. Le portail vers Hoxalia s'ouvrira.
- Merci beaucoup, murmura le Héros du Temps en souriant.

Comme il était prévu, Link atteignit le lac Hylia lorsque le soleil s'approchait de la cime des montagnes, prêt à se coucher au travers du mince brouillard. Son reflet doré miroitait sur la surface de l'eau bousculée par la brise fraîche. Ici, aucune trace de guerre ni de désespoir : seulement la nature calme et complètement solitaire.
Link descendit d'Epona, suivi par Navi. Il traversa le lac grâce au pont de bois et se rendit jusqu'à l'île où un immense tronc d'arbre asséché s'élevait.
- La lune est cachée dans le brouillard, grogna le jeune homme avec colère.
- Tu réussiras bien à l'apercevoir, assura sa fée en voletant autour de lui.
Finalement, il s'avéra qu'elle avait bien raison. Link s'empara d'une flèche de glace et banda son arc, pointant la silhouette de l'astre nocturne devant lui. D'un geste précis, il décocha : la flèche fendit l'air comme un fouet, une traînée immaculée dans son sillage, et alla se perdre dans l'immensité du ciel grisâtre.
Quelques secondes de silence s'écoulèrent lorsqu'un immense trou noir apparut au sommet de l'arbre séché, aspirant le décor et les couleurs autour de lui dans une spirale bruyante.
Link rangea son arc et s'appliqua à grimper sur le tronc, son écorce étant tellement écalée qu'elle permettait une ascension facile. Il atteignit le sommet, s'agrippa sur les deux uniques branches et parvint à se hisser devant le trou noir. Il attrapa de justesse Navi qui allait se faire aspirer par l'énergie violente du portail en soupirant de soulagement.
- Je ne savais pas qu'il existait un autre royaume près d'Hyrule, avoua Link en traversant le trou noir.
Il y eut une détonation fulgurante à son passage, suivi d'un éclat de lumière bleu. Puis, plus rien.

Link fut projeté violemment contre le sol, tenant toujours Navi entre ses mains. Il se releva doucement et s'aperçut qu'il avait débouché sur une forêt luxuriante. Une route pavée menait à une immense clairière, plutôt une plaine, où un temple trônait au sommet d'une colline. Ici, le soleil était haut dans le ciel sans nuage, donnant un choc au jeune Hylien.
- Hoxalia n'est pas seulement un autre royaume, murmura-t-il en marchant. Il s'agit d'une autre dimension.
Navi s'envola à ses côtés et lança :
- Crois-tu que cette Ozako habite le temple, là-bas ?
- Oui. Allons-y.
Link dégaina alors son épée et, en quelques minutes, atteignit la mystérieuse bâtisse. Il gravit un long escalier avant de se retrouver devant la grande porte d'entrée. La façade du temple semblait sculptée dans le marbre noir et finement décorée.
Hésitant, l'Hylien frappa finalement à la porte sombre. Surpris par la dureté de celle-il, il s'en endolorit les jointures.
Tout à coup, une bourrasque de vent violent s'éleva autour de lui, manquant de faire s'envoler son long bonnet vert. Link se retourna sèchement et leva son épée, prêt à tout. Au pied de l'escalier, en face de lui, apparut une jeune femme à l'allure tout à fait particulière. Elle avait un front très haut recouvert d'un symbole, des yeux bleus comme le ciel ainsi qu'une longue tresse de cheveux violets. Son corps recouvert de bandages lui donnait l'air d'une momie vivante et ses jambes se profilaient en deux queues de poisson terminées par des nageoires impressionnantes.
- Ô, noble voyageur... lança-t-elle d'une voix éthérée. Approche, n'aie crainte... Tu me cherches ?
Peu rassuré, Link commença à descendre lentement les marches de l'escalier, la lame d'Excalibur pointée vers la curieuse dame.
- Seriez-vous... marmonna-t-il d'une voix douce en fronçant les sourcils. Seriez-vous Ozako, la sirène des Songes ?
- Elle-même, répondit-elle avec un sourire.
Navi alla se cacher derrière l'épaule du jeune homme, inquiète. Celui-ci finit par baisser son épée et lança :
- Oui, je vous cherchais. Mon nom est Link et je suis en quête pour sauver le royaume voisin au vôtre, Hyrule. On m'a dit que... qu'il existait une quatrième Triforce... est-ce vrai ?
Ozako le regarda longuement, immobile. Sa longue tresse s'agitait doucement derrière elle dans la brise. La sirène répondit finalement :
- Le Héros du Temps... c'est bien toi, je le sens. Je vois que les déesses ont bon goût : tu es tout à fait charmant.
Sur ce, elle eut un petit rire et s'approcha de lui, glissant sur sa queue double de poisson.
- Hyrule serait-il donc en agonie ? Sur le bord du gouffre, prêt à s'y laisser tomber comme une feuille morte poussée par la dernière brise...
- Malheureusement oui, confessa Link sur un ton attristé.
Il gaina son épée et reprit :
- Je me croyais assez fort pour réussir à accomplir ma quête... et voilà qu'on me demande de trouver cette quatrième Triforce...
- Je sens ta déception, murmura Ozako en passant ses doigts sur la joue de l'Hylien. Ce n'est pas que tu ne sois pas assez fort, mais plutôt que tu n'aies pas le pouvoir nécessaire. Ganondorf est bien plus puissant que tu pourrais l'imaginer...
- Que dois-je faire pour trouver cette Triforce ?
- La Triforce de l'intuition, tel est son nom, est gardée par le Poisson-Rêve, créature divine envoyée sur terre par les déesses. Mais, te rendre jusqu'au Poisson-Rêve ne sera pas tâche facile.
- J'imagine...
- Tu devras rassembler les cinq clefs qui permettent d'ouvrir la porte menant au Poisson-Rêve. Chaque clef est gardée dans un temple au travers d'Hoxalia, et chaque temple est associé à un élément... Les sens, la ruse, la force physique, les sentiments et la peur. Tu devras combattre le protecteur de la clef sur son propre terrain pour espérer triompher.
A la suite de ces mots, la sirène s'apprêta à disparaître lorsque Link tendit la main en criant :
- Non, attendez ! Par où dois-je commencer ? Je ne connais rien de ce royaume !
- Retourne au pas de la porte et tu verras... murmura les échos de la voix d'Ozako.
Celle-ci s'évapora dans une explosion de petites lumières bleues, laissant le Héros seul avec son nouveau destin.

Chapitre 3 : Un combat des plus... invisibles   

Link gravit quatre à quatre les marches de l'escalier et trouva, au pas de la porte, une carte d'Hoxalia ainsi que deux bouteilles remplies de potions différentes.
Il s'empara aussitôt des objets et observa la carte silencieusement.
- Ozako a laissé des notes, constata-t-il. La première clef se trouve... au Temple Intangible, là où son boss se sert du pouvoir des sens pour combattre.
Navi voletant devant lui, il leva les yeux vers elle et ajouta :
- Ce boss se nomme Dukata. C'est une sorcière.
- Une sorcière ? Ça va peut-être te rappeler ton combat contre Koume et Kotake, murmura la fée sur un ton malicieux. Garde ton bouclier miroir, on ne sait jamais !
Link eut un petit rire et redescendit l'escalier. Il lança :
- Je me demande à quoi servent ces potions... L'une est jaune-beige et l'autre violette : je n'ai jamais vu de telles couleurs de potion.
- Tu pourrais peut-être essayer une petite gorgée et attendre de voir les effets ? proposa Navi, tout aussi intriguée.
Le jeune homme approuva cette idée et prit la potion jaune. Il retira le bouchon, approcha précautionneusement ses lèvres du goulot et avala une gorgée. Sa fée semblait le fixer du regard, attendant que les effets se manifestent.
Les secondes s'écoulèrent, silencieuses.
- C'est... commença finalement Link à voix basse, c'est... de la soupe au poulet.
Navi eut un sursaut, s'étant attendue à entendre quelque chose de plus percutant.
- De la soupe au poulet ? s'exclama-t-elle brusquement. Tu es sûr ?
- Ben oui, répondit simplement l'Hylien en refermant la bouteille.
- Et la violette ? reprit la fée. Ce ne sera sûrement pas de la soupe aux aubergines...
Link prit la deuxième bouteille et fit le même rituel qu'avec la première : un long silence s'en suivit, troublé par les battements d'ailes de Navi.
- Alors ? se hâta celle-ci de dire. Comment te sens-tu ?
- Aucun effet apparent... murmura Link en refermant la bouteille. Mais, celle-là, ce n'est pas de la soupe, parce qu'elle a vraiment un goût de m...
- D'accord, j'ai compris, interrompit sa compagne. On verra tout ça plus tard. Allez, en route ! Où se trouve le Temple Intangible ?
- Dans la forêt Tokieza, à quelques heures d'ici, confirma Link en analysant sa carte. Si seulement Epona était avec moi...
En disant cela, une idée lui vint et il reprit :
- Peut-être que si je jouais sa mélodie, elle l'entendrait quand même... Il est possible de faire le lien entre Hoxalia et Hyrule sans prendre le portail, comme Ruto l'a dit ! Allez, j'essaie.
- Elle risque d'être drôlement essoufflée si elle fait tout ce trajet, assura Navi.
- Lorsqu'Epona entend sa mélodie, rien ne peut l'empêcher de venir me rejoindre.
Sur ce, Link sortit son ocarina et y joua le doux chant que Malon lui avait enseigné jadis. Les notes se perdirent en échos dans l'immensité du royaume, laissant un lourd silence à leur suite.
- Marchons un peu, murmura-t-il alors. Elle me retrouvera.
Les deux compagnons firent donc route vers le nord. C'est après une quinzaine de minutes d'attente que la magnifique jument à la robe flamboyante accourut au grand galop vers son maître, la crinière immaculée au vent. Elle galopait si vite que Navi crut voir une boule de lumière rougeâtre passer dans son champ de vision.
- Eponaaa ! l'appela Link en riant. Je savais que tu me retrouverais ! Allez, viens là, ma belle !
L'Hylien courut vers sa jument qui se cabrait en hennissant de bonheur. Il plongea ses mains dans sa crinière et l'ébouriffa de bon coeur, lui faisant de temps à autre un bisou sur le chanfrein.
- Elle est incroyable... marmonna Navi en allant les rejoindre. As-tu vu à quelle vitesse elle est arrivée ? Je... je suis renversée.
- Je te l'avais dit ! s'exclama Link en serrant l'encolure d'Epona dans ses bras, ravi.

Le petit groupe se mit finalement en chemin. Le soleil commençait à se coucher lorsqu'il atteignit la forêt Tokieza qui s'apparentait davantage à une jungle équatorienne plutôt qu'à une simple forêt.
Link sortit sa carte d'Hoxalia en murmurant :
- Bon, hum... le Temple Intangible se trouve au coeur de Tokieza... Le chemin le plus court semble être par-là.
Il pointait l'entrée d'un petit sentier s'enfonçant entre les palmiers. Puis, il y engagea Epona, Navi posée sur son épaule.
La route se fit sans embûche, jusqu'à ce qu'ils débouchent sur une grande plaine dénuée. Rien à l'horizon, autre que l'orée de la forêt.
- Etrange... marmonna le cavalier en descendant de cheval. Le temple est censé se trouver exactement ici, selon la carte, et il n'y a rien du tout.
- N'oublie pas, répliqua Navi, c'est le Temple Intangible...
- Tu crois qu'il est invisible ?
- Tout est possible.
Link dégaina Excalibur et s'avança d'un pas lent, Epona à sa suite. Il marcha, marcha... jusqu'à ce que la lame de son épée frappe quelque chose droit devant lui. Cette chose avait brusquement fait crisser le métal et n'était pas du tout visible.
- Et voilà, déclara l'Hylien en souriant.
Il tendit la main et sentit un mur de brique froide en face de lui. Il ne pouvait le voir, mais, en tâtant, il le sentit bien présent.
- Il faut trouver la porte d'entrée, conclut Navi.
Durant de longues minutes, Link tapota le mur invisible de ses paumes, cherchant au toucher un passage pour entrer dans le temple. Finalement, en marchant vers la droite, il faillit s'enfarger dans un pan à angle droit. En l'enjambant, il sentit les marches d'un escalier sous ses pieds et le gravit. Ses yeux se baissèrent et il put constater qu'il flottait dans les airs.
- Quelle... quelle curieuse sensation, avoua-t-il en tâtant la galerie invisible de son pied.
Il réussit à trouver une poignée en forme de Triforce et la tourna. Il y eut un grincement terrible et la porte dut s'ouvrir. Link entra dans le Temple Intangible et essaya de refermer la porte derrière lui. Il marchait dans les airs ! Navi se heurta à plusieurs reprises contre ce qui semblait être des lampes pendantes du plafond.
- Je crains le pire, murmura le jeune homme en poursuivant sa route à tâtons. Si ce temple n'est pas visible et que... sa locataire s'y trouve sans que nous l'ayons vu, alors elle sera peut-être bien invisible elle aussi...
Ses mains, glissant sur les murs pour le diriger, finirent par bouger dans le vide. Link se rendit alors compte qu'il venait de pénétrer dans une salle. Encore peu habitué à ce que ses pieds marchent sans toucher le sol apparent, il s'avança du mieux qu'il put et trébucha même dans le tapis invisible.
- Qui va là... ? gronda soudainement une voix vaporeuse.
Link leva son épée dans un réflexe et répondit :
- Je viens rencontrer la sorcière Dukata.
- Que vaut ta présence à l'intérieur de son temple... ? reprit la voix.
- Je suis le Héros du Temps, assura-t-il sur un ton ferme.
Tout à coup, une rafale de vent se mit à tourbillonner entre les murs invisibles, agitant la longue tunique verte de Link. Deux yeux violets éclatants apparurent brusquement devant lui, le faisant sursauter.
- Je suis Dukata... murmura la voix éthérée. Si tu es le héros d'Hyrule, alors tu viens pour cette clef...
Sur ces mots, une clef pourpre au bout d'une chaînette se matérialisa dans les airs. Link tendit la main vers elle, mais elle disparut aussitôt dans un nuage de poussière fine.
- Tu dois la mériter, mon cher...
- Que veux-tu que je fasse ? lança l'épéiste, prêt à n'importe quel défi.
Dukata se manifesta brièvement. Elle portait une longue robe noire dont le pan s'évanouissait dans le décor et sa peau était d'un bleu glacial. Ses cheveux translucides étaient formés de millions de bulles colorées.
Dès que Link put l'observer suffisamment, la sorcière disparut de nouveau et lança :
- Est-ce que tu peux me combattre sans utiliser tes sens... ? Hahahaaa !
Le jeune homme se rendit à ce qui semblait être le centre de la salle et brandit Excalibur. De temps à autre, une bourrasque de vent le poussait violemment contre les murs invisibles, lui arrachant un cri de douleur.
Comment combattre un ennemi immatériel ? Link tourna sur lui-même, essayant de localiser la source de ces rafales dangereuses, et garda son bouclier levé. Finalement, une idée le frappa. Il gaina ses armes, sortit quelque chose de la besace pendant à sa ceinture et disparut dans un éclair de lumière noire. Navi le regarda alors qu'il tombait à quatre pattes et se métamorphosait en loup.
L'animal poussa un grognement et se concentra pour mettre ses sens en alerte.
- Bien essayé... siffla la voix de Dukata au-dessus de lui. Mais, même les sens affûtés d'un animal ne peuvent détecter ma présence...
Link reprit aussitôt forme humaine, furieux. Comment allait-il réussir à battre cette vilaine sorcière ? Une nouvelle bourrasque de vent, encore plus violente, le projeta contre le sol avec fracas. Excalibur glissa même hors de son fourreau, allant se frapper contre le mur invisible d'en face.
Link se releva, confus. Autour de lui, il n'y avait que la plaine loin sous ses pieds entourée de la jungle. La lune venait d'apparaître dans le firmament étoilé de la nuit, magnifique.
Nouveau souffle de vent. L'épéiste tenta désespérément de garder pied, mais il ne put résister à cet affront. Il poussa un cri de surprise en s'affaissant de nouveau contre le sol.
- Vas-y ! hurlait Navi. Tu peux la battre !
Tout à coup, une nouvelle idée saisit le jeune homme. Il se leva, s'empara de la bouteille remplie de soupe jaunâtre et la cacha derrière son bouclier, reculant contre le mur. Il attendit patiemment que Dukata lui jette une autre bourrasque de vent : ainsi appuyé, il resta en équilibre et jeta de toutes ses forces la soupe de poulet sur la sorcière. Celle-ci vit sa silhouette se faire découvrir, recouverte de bouillon dégoulinant.
- Ta soupe au poulet t'aura servi à quelque chose d'utile, finalement ! s'écria Navi en riant.
Link jeta la bouteille sur le sol invisible, s'empara de son épée et bondit sur Dukata en hurlant. La lame frappa violemment ce qui semblait être la jambe de la sorcière. Vaincue, celle-ci cria de douleur et réapparut, s'effondrant sur le sol.
D'un coup, le temple en entier reprit sa consistance matérielle. Link fut un moment surpris de voir quatre murs ainsi qu'un plancher autour de lui.
Dukata était assez bien blessée, sa longue robe noire imbibée de sang. Elle marmonna :
- Tu as bien joué, je dois l'admettre...
- Donne-moi la clef, maintenant, tonna le Héros du Temps en tendant la main vers elle.
Il garda Excalibur pointée sur elle, juste au cas où elle tenterait autre chose. La sorcière arracha le pendentif en forme de clef pourpre qu'elle avait autour du cou et le posa dans sa main, furieuse.
- Merci bien, lança ironiquement Link.
Puis, en gardant soin de la menacer du regard, il finit par quitter la salle, Navi à sa suite. Mais, à peine fut-il sorti qu'il revint dans la pièce, alla chercher la bouteille vide sur le sol, jeta un regard furieux à Dukata et quitta à nouveau la salle.

Chapitre 4 : Au coeur du labyrinthe   

Lorsque les deux compagnons retournèrent à l'extérieur, il faisait bien nuit. Epona attendait sagement son maître en broutant l'herbe haute, non loin du temple.
- Tu veux prendre une pause pour la nuit ou continuer ? demanda alors Navi en voletant devant ses yeux.
- Hyrule ne tiendra plus longtemps, rappela Link. Allons-y immédiatement.
Sur ce, il sortit la carte d'Hoxalia et y jeta un coup d'oeil en murmurant :
- Alors... hum... la prochaine clef la plus proche d'ici se trouve être... au Temple-labyrinthe. Le boss de ce temple est Koumieno, le mage du Troisième Oeil. Un labyrinthe... ajouta-t-il en rangeant le parchemin. Ce temple est associé à la ruse... Je déteste les énigmes.
- Je sais, assura sa fée sur un ton amusé.
Le Héros du Temps alla rejoindre Epona, l'enfourcha et la talonna. La jument partit au grand galop vers la jungle Tokieza qu'elle traversa en moins de deux.
Une heure de route suffit pour atteindre la falaise des Montagnes Naines, en bordure d'un océan magnifique. Au pied de cette falaise se trouvait l'entrée du Temple-labyrinthe, devancée par une allée de monolithes impressionnants.
Link descendit d'Epona et la laissa aller trotter dans la plaine. Puis, il marcha dans l'herbe, épée levée. Lorsqu'il se retrouva à la hauteur du Temple-labyrinthe, il remarqua que l'entrée, placée en hauteur, était inaccessible.
Le Héros du Temps sortit aussitôt son grappin, mais il n'y avait rien pour s'agripper. Navi dit alors :
- La ruse, Link, utilise la ruse...
Le jeune homme grommela des paroles incompréhensibles et recula de quelques pas. Il remarqua que l'un des monolithes était aligné avec l'entrée du temple. Il suffirait de le renverser et il servirait de pont vers la porte...
Pourvu des bracelets qu'il avait autrefois trouvés au Temple de l'Esprit, Link s'approcha du monolithe et, d'une force vigoureuse, le poussa. L'immense menhir finit par s'arracher au sol et se renversa dans un grand fracas, son sommet allant se poser sur le pas de la porte surélevée.
- Et voilà, conclut l'Hylien en se frottant les mains.
Il put alors atteindre l'entrée du temple et l'ouvrit, Navi posée sur son épaule.

***

A Hyrule, la citadelle était maintenant en proie au pire des cauchemars. De gigantesques monstres envoyés par Ganondorf s'acharnaient sur les remparts en hurlant de colère. Une deuxième vague de soldats se dirigea vers eux, armes levées, et se jeta dans le combat.
La population, toute réfugiée entre les murs du château, essayait d'apercevoir quelque chose à travers les vitraux, inquiète.
Dans la chambre, à l'étage, Zelda et Telma étaient toujours en discussion.
- J'espère que Link est en route, murmura cette première en frissonnant. Par pitié, que les déesses fondatrices le guident sur sa nouvelle voie, et rapidement...
- Ne t'inquiète pas, assura sa grande amie. Il reviendra très vite et nous sauvera, fais-moi confiance.
- Il reste deux groupes de soldats que je peux encore envoyer sur les champs de bataille, confessa la princesse avec tristesse. Ensuite... si Link n'est pas revenu, je... je devrai céder mon royaume...
- Courage, reprit Telma. Il reviendra à temps, comme toujours.

***

Link traversa un long couloir sombre dont les murs avaient été peints de symboles colorés. A l'entrée du Temple-labyrinthe, il avait pris soin de se faire une torche. La lumière de Navi, également, venait faciliter sa vision dans la pénombre.
Le Héros du Temps, Excalibur toujours en main, tourna vers un autre couloir, puis poursuivit sa route. La respiration haletante sous la nervosité, il prit un passage plus étroit, déboucha sur une salle et vit que trois nouveaux corridors s'offraient à lui.
- Lequel dois-je prendre ? murmura-t-il.
- Celui du milieu, répondit aussitôt sa fée. Enfin, je crois...
Sans réfléchir davantage, Link s'engagea dans le couloir, braquant sa torche devant lui. Il longea le mur, prit un chemin sur sa gauche et continua. Nouvelle salle à deux entrées : il prit celle de gauche. Sur la carte d'Hoxalia, il y avait un petit tracé du Temple-labyrinthe, mais les traits n'étaient pas assez précis pour guider convenablement Link.
Le jeune homme marcha dans un long couloir, ouvrit une porte sur sa droite et s'engagea dans un immense corridor. Il prit un passage à gauche, traversa une salle pour prendre le couloir à sa droite, ouvrit une nouvelle porte, prit le couloir de gauche, à nouveau le passage de gauche pour tourner à droite, courut dans une autre pièce et atteignit la porte de gauche...
Bref, Link tournoya au travers du labyrinthe durant ce qui lui sembla être une bonne heure. Navi, tout aussi confuse que lui, essayait tant bien que mal de lui venir en aide.
Finalement, dans un mouvement de rage, le Héros du Temps s'immobilisa et jeta Excalibur sur le sol en hurlant.
- Comment veux-tu que nous nous retrouvions ici ? s'écria-t-il. Par Farore, ce dédale est bien trop complexe...
- Ne te décourage pas ! répliqua Navi en éclairant son visage avec sa douce lumière blanche. Hyrule compte sur toi, alors il faut que tu trouves le moyen de sortir d'ici !
Puis, elle parcourut la salle où ils se trouvaient en marmonnant :
- Hum... Bon, voyons voir... Tous les murs sont décorés de la même manière, ce qui est confondant...
Tout à coup, une voix résonna dans la pièce, semblant provenir des profondeurs du temple, et dit :
- Le grand Koumieno sent ta présence, Héros d'Hyrule... Parviendras-tu à déjouer son labyrinthe ? Le soleil, une fois complet, ne peut se faire voir que par l'oeil en forme de lune...
Puis, plus rien. Le silence revint, bien trop lourd. Link resta accroché aux dernières paroles du mage, les sourcils froncés dans une expression de profonde confusion.
- Le soleil, une fois complet, ne peut se faire voir que par l'oeil en forme de lune, répéta-t-il. Mais... qu'est-ce que c'est que ce charabia ?!
- Calme-toi, assura Navi. C'est une énigme : tu dois trouver la réponse pour rencontrer Koumieno, à ce que j'ai compris.
Link reprit Excalibur, la gaina sur son dos et alla s'asseoir dans un coin de la salle en soupirant. Une énigme... encore.
En tenant sa torche entre ses deux mains, le menton appuyé sur ses genoux repliés, il se mit à réfléchir avec la compagnie de sa fée.
Durant une bonne demi-heure, on n'entendit que des marmonnements sortant de la bouche d'un Link plongé dans ses réflexions.
- Le soleil, une fois complet... le soleil... Une éclipse, peut-être ? Non, pourtant, le soleil est toujours complet... A moins qu'il soit camouflé par des nuages... Mais, comment est-ce que des nuages peuvent m'aider à sortir d'ici ? Non, non, du calme Link, tu vas bien finir par trouver. Hum... le soleil... l'oeil en forme de lune... l'oeil en forme de... l'oeil... un oeil... hum... Argh ! Réfléchis Link, un peu de nerf, allez ! L'oeil en forme de lune voit le soleil... Le soleil qui... le... pfff...
Découragé, le jeune homme leva doucement ses yeux vers le mur en face de lui, lorsque soudain, il se leva brusquement.
- Tu as trouvé ? s'étonna Navi.
Link s'avança lentement vers le mur, comme s'il était hypnotisé par lui. Il venait de remarquer que l'un des symboles était en forme d'oeil. Cet oeil était bleu, recouvert d'un croissant.
- L'oeil en forme de lune... murmura-t-il. Et... le soleil serait donc...
En disant cela, il jeta des coups d'oeil autour de lui, reculant lentement, et finit par s'apercevoir que le plancher de cette salle circulaire était recouvert d'un immense soleil peint.
- C'est ça ! s'écria l'épéiste en bondissant sur place.
Le soleil, une fois complet, ne peut se faire voir que par l'oeil en forme de lune ! Donc, voir peut aussi dire passer... enfin, je me comprends...
Il retourna devant le symbole de l'oeil et passa ses mains dessus, cherchant quelque chose du toucher. Finalement, il sentit une faille minuscule. En la tâtant de ses doigts, il trouva les contours d'une trappe, une porte sans poignée.
D'un geste brusque, mais néanmoins précis, Link fit quelques pas vers l'arrière et se rua sur le mur en hurlant : grâce à la force de ses bracelets, la trappe se renversa de l'autre côté du mur et s'écroula sur le sol dans un nuage de poussière.
- Tu es fabuleux ! s'écria alors Navi.
Le jeune homme dégaina son épée et s'engagea dans le nouveau passage avec sa fée, débouchant sur une salle tout à fait immense et grandiose. Un homme se tenait là, assis dans un grand siège richement décoré. Il possédait trois yeux - ce qui fit sursauter Link - et portait une longue barbe blanche retombant jusqu'à sa taille. Son costume rouge et or rappelait les apparats d'un roi.
- Koumieno ? devina le Héros du Temps en s'avançant lentement.
- Tu t'adresses au bon homme, répondit le mage du Troisième Oeil d'une voix solennelle.
Celui-ci se leva de son trône, descendit les quelques marches qui l'accompagnaient et reprit :
- Tu es plutôt sage et ton sang-froid est très fort, jeune guerrier... Tu as réussi à ne pas perdre la tête dans mon labyrinthe.
Link exécuta une petite moue de satisfaction un peu gênée : il avait bien failli le devenir, fou...
- Ne te mets pas sur la défensive, assura Koumieno en le voyant lever Excalibur vers lui. Je ne souhaite pas me battre avec toi.
Le Héros du Temps baissa son arme, intrigué.
- Alors ? questionna-t-il.
- Pour mériter l'une des clefs menant au Poisson-Rêve, commença le mage, tu devras passer une dernière épreuve mentale.
- Quelle est-elle, je vous prie ?
- Approche.
Sur cet ordre, Koumieno se rendit au centre de la salle éclairée par des torches. Là se trouvait un objet recouvert d'un drap de satin rouge. L'homme le retira, découvrant une petite table basse où un vase avait été déposé.
- Si tu peux faire léviter cette amphore par la force de ta pensée, expliqua-t-il, alors ton esprit sera digne de recevoir la clef.
Puis, il recula. Link resta longuement immobile, observant fixement le vase qui, dans ses pensées, semblait le narguer. Faire de la télékinésie ? Il n'avait jamais réussi à accomplir un tel exploit ! Pourtant, il devait essayer de le faire... le destin d'Hyrule en dépendait.
L'Hylien déposa son épée sur le sol et s'assit devant la table basse, les jambes croisées. Koumieno le regardait sagement faire, posté devant son trône.
- Concentre-toi, murmura Navi à l'oreille de son ami. Tu peux sûrement le faire...
Link joignit les mains pour y accoter son menton et observa le vase, les paupières légèrement plissées. Il fallait que cet objet lévite... il devait le faire bouger...
Les minutes s'écoulèrent, longues et silencieuses, troublées par le crépitement des torches. Après avoir changé maintes fois de position, le jeune homme faillit abandonner : il ne pouvait tout simplement pas faire de la télékinésie, c'était au-dessus de la force de son esprit ! Quoi faire, alors ?
- Je sens que tu es sur le point de laisser tomber, murmura soudainement la voix de Koumieno. Courage, les trois angles sont pointés vers toi...
Link fronça les sourcils, agacé de sa manière de parler en énigme. Les trois angles sont pointés vers toi... courage... la Triforce du courage ?
L'épéiste retira brusquement son gant gauche et regarda le tatouage qui recouvrait sa main. Un étrange sourire s'étira sur les lèvres du mage.
Link ferma les yeux et se concentra de toutes ses forces... non pas sur le vase qu'il devait faire léviter, mais plutôt sur Hyrule...

***

Telma sortit du château en courant, paniquée. Dehors, les chaumières en bordure de la citadelle étaient maintenant en proie aux flammes. Les plaines d'Hyrule, sombres et effrayantes, étaient recouvertes d'hommes au combat.
Zelda ne tarda pas à la rejoindre, tenant le long pan de sa robe entre ses doigts.
- Nous sommes perdus, murmura-t-elle d'une voix désespérée. Aucun de mes hommes ne revient... c'est un épouvantable massacre, je ne peux plus gaspiller des vies ainsi !
- Tu crois donc que Link ne reviendra pas ? s'inquiéta Telma.
- J'ai toujours eu confiance en lui, mais...
La princesse s'interrompit sèchement, ayant ressenti une drôle d'impression.
- Zelda ? s'étonna son amie, intriguée.

"Zelda..."

Une voix l'appelait, provenant de l'intérieur de son esprit. Zelda la reconnaissait trop bien... Une voix si douce, si mélodieuse et virile à la fois...
- Link ! s'exclama-t-elle. C'est Link ! Il essaie de me contacter par télépathie !
- Il en est capable ? lança Telma, surprise.
- Oui, nous sommes liés par la Triforce, il le peut lui aussi, mais jamais il n'avait tenté de le faire auparavant...

"Zelda, je suis en route... Je m'approche de plus en plus de la quatrième Triforce... Mais, tu dois m'aider..."

Link avait toujours décidé de tutoyer la princesse, malgré leurs rapports hiérarchiques. La jeune femme s'en amusait bien, car elle n'aurait permis à aucun autre homme de le faire.
- Que dit-il ? s'intrigua Telma.
- Il a besoin de moi, murmura Zelda en écoutant.

"Je dois faire de la télékinésie... Toi, tu en fais, mais comment puis-je en faire, moi... ? Le destin d'Hyrule est en jeu... Aide-moi..."

- Calmez-vous, pensa alors la princesse. Vous pouvez en faire... Je vais vous permettre d'accomplir cette tâche... Laissez-moi pénétrer votre esprit... Ensemble, nous y arriverons... Je suis si heureuse d'avoir de vos nouvelles... Vous devez revenir rapidement, je vous en conjure... Hyrule est en train de sombrer et vous êtes notre seul espoir...

"Je ne dormirai pas avant de tenir la Triforce de l'intuition entre mes mains... Ne t'inquiète pas... Je te promets... Dans deux aubes, tu verras le soleil se relever enfin sur Hyrule... Dans deux aubes, oui, je te le promets..."

***

Link ouvrit sèchement les yeux, rompant sa communication avec Zelda. Il respira profondément, se détendant, puis attendit. Navi voletait nerveusement autour de lui, inquiète.
Soudain, la Triforce du courage s'illumina sur sa main. L'Hylien sentit une bouffée d'énergie l'envahir rapidement, quelque chose de si fort qu'il n'avait jamais vécu auparavant. Lorsqu'il se concentra sur le vase, à sa simple pensée, celui-ci s'éleva dans les airs et alla se poser sur le trône de Koumieno.
Aussitôt cette tâche accomplie, Link sentit le fameux pouvoir de Zelda le quitter instantanément. Son tatouage redevint sombre et il remit son gant.
- Tu as su utiliser ton esprit pour aller chercher de l'aide, constata le mage du Troisième Oeil en souriant. Je ne peux t'empêcher de poursuivre ta route.
Sur ces mots, une clef dorée se matérialisa devant l'épéiste qui l'attrapa en disant :
- Merci, sincèrement.
Puis, tout à coup, il ferma les yeux sous un choc indescriptible et bascula. Une fraction de seconde à peine écoulée, Link rouvrit les paupières et se rendit compte qu'il était étendu dans l'herbe, devant le Temple-labyrinthe.
- Merci, Zelda... murmura-t-il en observant le ciel étoilé. Dans deux aubes, comme je te l'ai promis, Hyrule reviendra à la vie... Ganondorf sera sous mon épée, vaincu.

Chapitre 5 : Parmi les ruines, un homme se battra   

La plus grande partie de la nuit était passée lorsque Link se remit en route. Prochaine destination ?
- Le Temple des deux Piliers, marmonna l'Hylien en scrutant sa carte.
Epona galopait à une vitesse folle, traversa les magnifiques mais totalement désertes contrées d'Hoxalia. Navi, cachée entre le bouclier et le dos de son compagnon pour se protéger du vent, lança :
- Qui devras-tu y affronter ?
- Le Gardien Polycéphale, répondit Link en rangeant le parchemin. Aucune idée de qui il s'agit, comme pour les deux autres que j'ai affrontés... Mais, ce que je sais, c'est qu'il est associé à la force physique.
Après une route beaucoup trop longue au goût du Héros, le petit groupe arriva à Kinamea. Il s'agissait d'une cité en ruine abandonnée depuis bien longtemps par ses habitants... enfin, s'il y avait déjà eu.
Epona avançait difficilement sur les routes aux dalles brisées. Les ombres, étirées par la douce lumière de la lune, se faisaient extrêmement menaçantes. Une vieille chapelle à demi effondrée, aux ruines recouvertes de mousse, possédait une cloche qui sonnait - étrangement - sans arrêt. Navi frissonna en retournant voleter autour de Link et murmura :
- Cet endroit donne la chair de poule...
Epona arriva finalement devant le Temple des deux Piliers. Comme son nom l'indiquait, deux immenses colonnes s'élevaient devant son entrée, ornées de torches allumées. Il s'agissait probablement de la seule bâtisse à tenir encore debout à Kinamea.
Link descendit de cheval et monta l'escalier entre les deux piliers. Il dégaina aussitôt Excalibur, prêt à tout, et entra dans le vieux temple.

Alors qu'il s'enfonçait dans les ténèbres d'une gigantesque salle, le son mystérieux du clocher de la chapelle s'estompait peu à peu. Puis, il arriva au point que le silence était complet. Sans regarder précisément devant lui, le jeune homme trébucha sur une marche et tomba en poussant un cri de surprise. Son épée lui glissa des mains lorsqu'un pied se posa sur la lame, empêchant Link de la reprendre.
Inquiet, celui-ci leva lentement les yeux vers le Gardien Polycéphale.
Des torches s'allumèrent brusquement autour d'eux, dévoilant que l'intérieur du temple était une arène de combat. Des armes rouillées étaient accrochées aux murs et le centre de la salle était surélevé (voilà sur quoi Link avait trébuché), ressemblant aux arènes des Gorons pour le sumo.
Le Gardien Polycéphale se révéla être un immense homme vêtu d'une armure lourde et finement ciselée. Ses muscles étaient vraiment impressionnants et sa peau était d'un vert marais un peu dégoûtant. De son large cou s'élevaient cinq horribles têtes de serpents gigantesques.
- Un visiteuL... siffla-t-il avec un fort accent roulant. Voilà depuis bien longtemps que peLsonne n'a mis les pieds dans cette Légion du Loyaume d'Hoxalia...
Link se releva, n'arrivant même pas à la hauteur des épaules du Gardien, et gronda, en se faisant le plus imposant possible :
- Je suis le Héros du Temps, redonnez-moi mon épée !
- Le HéLos du Temps ? répéta l'homme aux têtes de serpent. Le sauveuL d'HyLule, n'est-ce pas ? IntéLLessant... J'avais bien senti que ton espLit était bien plus foLt que celui d'un simple humain... Tu viens donc cheLcher la clef que je gaLde pour atteindLe la quatLième TLifoLce...
Sur ces mots, le Gardien Polycéphale descendit la marche qui entourait l'arène de lutte sumo et, d'un pas extrêmement lourd, il se dirigea vers les armes accrochées au mur. Il s'empara d'une hallebarde étonnamment brillante de propreté et s'écria de sa voix magistrale :
- Tu devLas me battLe dans un duel, selon les Lègles de l'aLt !
Link reprit possession d'Excalibur alors que son opposant revenait vers lui, menaçant. Ses cinq têtes de serpents crachaient et sifflaient en se tortillant dans tous les sens, furieuses.
Le jeune homme se hâta d'enfiler ses Bottes de Fer, espérant atteindre un poids semblable à celui du Gardien, puis leva son bouclier.
- Allons-y ! hurla-t-il aussitôt.
Ses pas étaient maintenant beaucoup plus difficiles, mais au moins, il éviterait de se faire projeter contre les murs d'un simple coup. Son adversaire aux multiples têtes fit une démonstration de son agilité : il brandit sa hallebarde et la fit tournoyer autour de lui à grande vitesse. Après quelques manoeuvres impressionnantes, il baissa son arme et fit un geste de la main vers Link. Celui-ci, à son tour, fit une brève expression de ses talents athlétiques.

C'est alors que le combat s'engagea violemment.

***

Zelda retourna à l'intérieur du château d'Hyrule, incapable de retenir ses larmes. Voir ainsi son royaume se faire torturer était insupportable.
Mais, maintenant qu'elle savait que Link était sur sa route, l'espoir était revenu en elle comme une petite flamme qu'on viendrait d'allumer dans l'obscurité.
- Dans deux aubes, lança Telma en allant la rejoindre. C'est bien ce qu'il t'a dit ?
- Je lui fais confiance, murmura la princesse en s'asseyant sur son trône, la voix tremblante. Je sais qu'il a toujours tenu les promesses qu'il m'a faites... Il reviendra donc.
- Hyrule est sauvé ! s'écria la grande femme en souriant.
Par contre, le regard mélancolique de son amie fit tôt de taire sa joie.
- Link reviendra, reprit-elle. Encore faut-il que nous, nous tenions jusqu'à son retour...
- Ne t'inquiète pas, assura Telma en faisant les cent pas. Je suis convaincue que tes soldats tiendront. Ils sont forts et adroits, le Héros du Temps s'est bien occupé de leur moral, il y a deux mois, avant de partir pour sa quête. Tu verras, il faut avoir confiance.
- Là, ce n'est plus que de la confiance, c'est du suicide ! s'écria Zelda en se levant. Je ne veux pas qu'Hyrule s'en sorte alors que tous les hommes qui se sont battus pour lui ne soient plus là !
Telma devint alors silencieuse, résignée.
- Si seulement Link pouvait revenir plus tôt... murmura doucement la princesse en reprenant son calme.
- Il fait tout son possible, reprit son amie. Tu sais bien qu'il se démène, mais il est humain, après tout : c'est un homme comme tous ici. Il fait son maximum pour le royaume, tu le sais trop bien.
- Oui, je le sais, assura Zelda. Je le sais tant...

***

Link para habilement la hallebarde qui s'abattait avec violence sur son bouclier, reculant légèrement sous le choc. Son ennemi était extrêmement fort, mais grâce à ses bottes et à ses bracelets de force, il évitait le pire.
Lorsque le Gardien Polycéphale prit un nouvel élan pour le toucher, le jeune homme exécuta une lourde roulade sur le côté et commença à déferler des coups d'épée sur lui. Son armure était, par contre, trop bien résistante. Link recula d'un bond, ses pieds retombant sur le sol avec un fracas métallique pesant.
- Tu te défends plutôt bien, avoua l'homme aux multiples têtes. Mais, tu ne peux Lien faiLe contLe moi...
Effectivement, après une quinzaine de minutes de combat acharné, Link, recouvert de sueur, se rendit compte de l'évidence. La respiration haletante, il recula et alla s'adosser contre le mur. L'armure du Gardien le protégeait de tous ses coups !
- Link, tu dois viser ses têtes ! murmura Navi à son oreille. C'est le seul point de son corps à découvert.
- J'avais remarqué, grommela le Héros du Temps.
Sur ce, il retourna hâtivement au combat. En hurlant de rage, il se jeta sur son adversaire et parvint, après plusieurs minutes d'armes frappées ensemble, de faire une entaille sur la tête de serpent la plus à gauche du Gardien. Celui-ci poussa un léger cri de douleur et laissa aller sa colère sur l'épéiste. Link évita efficacement tous ses coups et réussit, une fois de plus, à passer son épée au-dessus de son bouclier : après un coup bien placé et un son désagréable, la tête reptilienne s'affaissa sur le sol, tranchée.
Le Gardien Polycéphale sentit son sang chaud et verdâtre couler sur sa peau, ce qui le mit de très mauvaise humeur. Il se rua sur son opposant et, à son tour, parvint à le blesser. Link s'effondra sur le sol en hurlant sous le choc, son épaule droite gravement entaillée. Sa tunique déchirée se recouvrit peu à peu de rouge humide, ce qui fit crier Navi aussitôt :
- Ta blessure est épouvantable ! Arrête !
- Je ne peux pas, siffla le Héros entre ses dents. Hyrule est entre mes mains...
Il se leva d'un bond lourd et se remit à l'attaque. Après une quinzaine de minutes : deuxième tête reptilienne de tranchée.
Le Gardien finit par s'époumoner dans un cri de douleur enragé. Il brandit sa hallebarde et donna du terrible fil à retordre à son opposant. Link sentait son bras droit faiblir de plus en plus et son bouclier devint très difficile à supporter. En réfléchissant à peine une fraction de seconde ainsi, il laissa le loisir à son ennemi de lui blesser le dos, ce qui le fit à nouveau hurler. C'est alors qu'il commença réellement à s'inquiéter pour sa santé.
- Tu vas périr ! s'enragea le jeune homme en fondant sur lui.
L'adrénaline étant à son maximum, Link déjoua toutes les manoeuvres du Gardien et, en glissant derrière lui, trancha d'un coup d'épée une troisième tête reptilienne. Finalement, son armure ruisselant de sang, le monstre humanoïde tomba à genoux, sa hallebarde lui glissant des mains.
Aveuglé par la peur et la colère, l'Hylien posa son pied sur l'épaule du vaincu et s'apprêta à trancher ses deux dernières têtes, lorsque celui-ci murmura :
- Vas-y, achève-moi... Et la clef te restera à jamais interdite, je l'emporterai dans ma tombe... vas-y, achève-moi !
Link, en entendant cela, recula brusquement, ayant de plus en plus de difficulté à supporter ses lourdes Bottes de Fer. Il étira lentement les muscles blessés de son dos, sentant son sang couler sous sa tunique. Son bras droit semblait si dur à bouger, immobilisé par l'entaille de son épaule.
- Dépêche-toi ! s'écria la petite voix paniquée de Navi. Tu saignes beaucoup trop !
Le Héros du Temps fut brusquement pris d'un vertige et il laissa échapper son bouclier. Le Gardien maintenant bicéphale s'effondra et roula sur le côté, agonisant.
- Donne-moi la clef... marmonna Link en retirant ses bottes métalliques.
Sa voix était rauque et essoufflée, il n'arrivait plus à crier. Dans un mouvement désespéré qu'il tentait de faire le plus fort possible, le jeune homme attrapa son adversaire par le collet de son armure et gronda :
- Je t'en prie, donne-moi la clef ! J'achèverai tes souffrances... allez, par Din, donne-la-moi...
Au bout de longues minutes, une clef gris acier se matérialisa au-dessus de lui. Le Gardien se laissa ensuite sombrer dans la mort, ses deux têtes restantes retombant lourdement sur le sol baigné de sang.

Link sortit du Temple aux deux Piliers très lentement. La troisième clef au bout d'une chaînette récupérée autour du cou, il tenait son bouclier et son épée au bout de ses bras. La blessure sur son dos était trop grave pour qu'il remette ses armes dessus.
- Il faut te soigner à tout prix ! s'alarma Navi en voletant autour de lui, paniquée. Tu vas te faire emporter ! Je t'en prie, trouve quelque chose pour te soigner !
Epona, en reconnaissant son maître, s'approcha de lui au trot. Elle hennit doucement en passant son large museau sur le visage du jeune homme, inquiète de son état.
- Il n'y a personne ici... murmura Link en tombant à genoux. Je suis seul... le prochain temple doit se trouver à des lieues d'ici...
Ses yeux plissés par la douleur se levèrent vers le ciel. Le soleil était en train de se lever doucement derrière les montagnes, illuminant la vieille cité Kinamea de ses beaux rayons.
- Regarde, comme le soleil est magnifique... chuchota le Héros du Temps. C'est... c'est un spectacle qui me manquera tant...
- Tu ne peux pas abandonner ! protesta Navi. Je t'en prie !
- Tu diras à la princesse Zelda que... je l'ai toujours aimée... comme un vrai fou... et que... je suis désolé... je suis... si... désolé...

Link ouvrit doucement les yeux, intrigué. Il se trouvait dans le néant, tout autour de lui n'était que noir absolu. Il était étendu dans les airs, flottant lentement à la dérive dans cet univers éternel.
- Hyrule a besoin de toi... murmura une voix à son oreille.
Le jeune homme se releva et s'étira, sentant une étrange impression sur son bras droit ainsi que son dos. Devant lui apparut soudainement la Triforce, merveilleux artefact doré des déesses.
- Link... reprit la voix.
Une femme, vêtue d'une longue robe recouverte de fleurs, se manifesta dans son champ de vision. Elle possédait deux immenses ailes de libellule lumineuses qui battaient paresseusement l'air derrière elle.
- Tu es toujours vivant, dit-elle en souriant. Les déesses t'accordent un cadeau... prends-le, n'aie crainte.
Elle tendit ses mains vers Link et rit de bon coeur. L'Hylien les prit dans les siennes et, brusquement, il se sentit aspiré dans un trou noir. Les couleurs se mélangèrent autour de lui à une vitesse vertigineuse, le forçant à fermer les yeux sous le choc.
- Les déesses te redonnent la vie... murmura encore la voix de la femme ailée. Dorénavant, tu pourras t'accrocher davantage à elle...

La respiration de Link reprit brusquement, le faisant ouvrir les paupières. Navi voletait au-dessus de lui et, lorsqu'elle vit qu'il était revenu, s'écria :
- Link ! C'est... c'est un miracle ! Tu étais... tu allais... Enfin bref, tu es guéri !
Le Héros du Temps se leva et passa sa main sur son épaule droite. Il sentait le tissu de sa tunique déchiré, mais la profonde entaille avait complètement disparu. Il refit la même chose dans son dos : aucune trace de blessure.
Link soupira en riant, extrêmement soulagé.
- Les déesses m'ont sauvé la vie, lança-t-il avec conviction. J'ai vu la Grande Fée...
- Tu sais pourquoi ? dit Navi. Souviens-toi, la potion violette qu'Ozako t'avait donnée : c'était des larmes de fées. Cette potion t'a ramené à la vie lorsque, miraculeusement, on te l'a donnée à boire.
Le jeune homme se releva dans un bond, enfila son épée et son bouclier sur son dos et attira Epona à lui. Celle-ci hennit de joie en retrouvant son maître en santé.
- Il n'y a pas une seconde à perdre ! s'exclama Link en la chevauchant. Dans une journée et une nuit, je devrai tenir ma promesse. Les déesses m'ont permis de vivre : je ne dois pas les décevoir.
Navi alla se poser sur son épaule, tout aussi soulagée. Puis, le cavalier talonna sa monture qui partit au grand galop dans le soleil levant.

Chapitre 6 : Lutter contre ses instincts   

Alors qu'il faisait route vers sa prochaine destination, bien installé sur sa jument, Link passa sa main sur les trois médaillons pendant à son cou. Il avait maintenant la majorité des clefs en sa possession : plus que deux temples à franchir et, ça y est, la quatrième Triforce était à lui.
Le vent dans ses longs cheveux blonds, il ferma les yeux et continua de remercier les déesses dans ses pensées. Grâce à elles, il vivait encore aujourd'hui.
- Comme ça... murmura soudainement la voix de Navi à son oreille, tu as toujours été fou amoureux de la princesse Zelda ?
- Quoi ? s'exclama le jeune homme, pris au dépourvu. Hum... c'est que... euh... non ! Enfin, je... je souffrais horriblement, je t'ai dit ça dans un état de... je délirais, quoi ! Oui, c'est ça : du délire ! Je n'ai jaaamais ressenti quoi que ce soit pour la princesse !
La fée sembla rire, amusée par son comportement. Puis, pour changer de sujet, elle demanda :
- Où nous en allons-nous, maintenant ?
Link sortit sa carte et marmonna :
- La prochaine clef la plus près... se trouve au Temple du Coeur. Là-bas se trouve Zeruda, une farouche guerrière.
- Encore un combat ? supposa Navi sur un ton offusqué. Ils veulent tous ta peau ou quoi ?
- Calme-toi, assura l'Hylien en souriant. Nous verrons ça une fois arrivés là-bas. Ce temple est associé aux sentiments... étrange.
Malheureusement, la route prit bien plus longtemps que prévu. Seulement lorsque le soleil fut à son apogée dans le ciel, la berge de la mer Ona fut à la portée du petit groupe. Link sauta à terre, prit les longes d'Epona pour la faire trotter à ses côtés et commença à marcher. L'eau de la mer était sublime, d'une couleur tout à fait incroyable, et ses vagues roulaient doucement sur la rive de sable blanc.
- Le temple se trouve sur une île à proximité de la berge, commenta Link. Je pourrai m'y rendre à la nage, certainement.
Aussitôt dit, aussitôt fait : dès qu'il arriva à la hauteur de l'île en question, le jeune homme se jeta à l'eau, nageant avec grâce. Navi volait au-dessus de lui et dit :
- Fais attention. Tu ne sais pas ce qui t'attend...
Link n'eut qu'à faire deux minutes de route avant d'atteindre le Temple du Coeur. Il prit un moment pour tordre sa tunique imbibée d'eau et repéra la porte d'entrée. Comme il le faisait toujours, il dégaina Excalibur avant de tourner la poignée. Puis, en prenant une bonne respiration pour se redonner courage, il entra à l'intérieur du temple.

Comme au Temple des deux Piliers, le Temple du Coeur n'était qu'une immense salle sombre. A la différence, les murs étaient d'un rouge vin recouverts de symboles argentés et une gigantesque pile de coussins satinés prenaient place au centre de la pièce. Quelques torches éclairaient l'endroit.
Link s'avança lentement, cet endroit ressemblant plus à un salon qu'à une aire de combat.
- Il y a quelqu'un ? finit-il par risquer.
- Tu arrives enfin, Héros du Temps... murmura une voix douce.
Le jeune homme fut frappé par cette voix. Elle lui était si familière... Il pouvait la reconnaître facilement, parce que cette voix le faisait fondre sur place...
- Z... Zelda ? bégaya-t-il malgré l'impossibilité de cette évidence.
Navi lui donna un coup d'aile sur le visage, ayant l'air de lui dire que c'était stupide. La silhouette d'une femme se découpa dans l'obscurité, au fond de la salle, et reprit :
- Je suis Zeruda, bel épéiste. Approche-toi.
Link sentait, pourtant, que cette guerrière était trop semblable à la princesse qu'il aimait. Maladroit, il gaina son épée et fit quelques pas vers le centre de la salle, là où s'empilaient les coussins à l'allure confortable.
Zeruda sortit finalement de la pénombre, se découvrant devant les yeux déconcertés de l'Hylien.
Elle était identique à Zelda, sauf au niveau de sa tenue. En effet, elle portait de longs gants ainsi que des sandales aux lacets croisés bourgognes. Son haut, lui arrivant bien au dessus du nombril, possédait... hum... un décolleté très plongeant, et sa jupe brodée d'argent était bien trop courte. Ses longs cheveux bruns dévalaient en cascade sur son dos et ses yeux bleu clair étaient remplis de malice.
Link remarqua qu'elle tenait un fouet roulé dans sa main. Ne sachant trop quoi faire devant cette supposée guerrière, il se contenta de rester immobile.
- Ne me crains pas, murmura Zeruda en arrivant en face de lui. Je ne te ferai pas de mal... Je n'ai pas la moindre envie de me battre avec toi.
Elle posa ses doigts sur la joue du jeune homme, puis caressa le long de son cou. Link frissonna aussitôt et recula d'un pas en disant :
- Et qu'est-ce que... et qu'est-ce que tu comptes faire, alors ?
- Ce n'est pas le guerrier en toi que je veux, répondit doucement le sosie de Zelda, mais bien l'homme que tu es...
Sur ce, elle passa ses bras autour de la taille du héros, puis l'attira à elle en ajoutant :
- Après une si longue route... Tu dois être épuisé... N'as-tu pas envie de te laisser aller, un peu ?
Link voulut se défaire de son étreinte, mais il se rendit compte que ses émotions étaient en train de prendre le dessus. Cette femme était la réplique parfaite de Zelda, celle-ci étant son coup de foudre secret : comment allait-il pouvoir lui résister ?
A mesure que les mains de Zeruda parcouraient le corps du jeune homme, il sentait de vilaines pensées lui venir en tête. Elle était si belle, si douce... Il tendit la main vers elle, mais se ressaisit brusquement et recula en s'écriant :
- Woh ! Euh... Temps mort, hein ! Je... je suis venu pour la clef que tu gardes, alors tu... tu ferais mieux de... de...
Il n'arrivait pas à conclure sa phrase : Zeruda se rapprochait de lui en souriant malicieusement. Elle attira son visage au sien et déposa un baiser sur son cou pour ensuite murmurer :
- Tu n'as pas à t'inquiéter, bel Hylien, je te la donnerai... Si tu acceptes de faire ce que j'attends de toi.
Les jambes de Link faillirent céder sous son poids. Depuis si longtemps, il rêvait de Zelda et, maintenant, elle était droit devant lui... Mais, ce n'était pas Zelda. Pourtant, elle était identique à la princesse, ce qui ne rendait pas la tâche facile du tout. Et si cela se trouvait, il s'agissait même de son épreuve : le Temple du Coeur portait ce nom pour la simple et bonne raison qu'il devait y combattre ses pulsions.
Zeruda passa ses bras autour du cou de l'épéiste, le faisant danser du bassin avec elle.
- Détends-toi... chuchota-t-elle en plongeant ses doigts dans ses cheveux couleur d'or.
- Je... hum... tu ne devrais pas... pas faire ça... bafouilla Link en essayant de retirer les mains qui lui caressaient la peau.
- Je te trouve beaucoup trop tendu, s'acharnait quand même la guerrière. Laisse-moi te...
- Woooh, non ! s'écria brusquement le jeune homme en se défaisant de son étreinte.
Il fit un bond de côté et braqua ses mains devant lui, signifiant à Zeruda de rester à distance. Il était en train de fondre, littéralement ! Ça ne pouvait plus continuer, sinon... il allait devoir se soulager d'une manière qu'il ne devait absolument pas.
- Arrête, tu es en train de... de m'avoir ! lança-t-il d'une voix tremblante. Donne-moi la clef sinon... sinon...
Trop tard : Zeruda l'avait rattrapé par la taille et ses mains... enfin, ses mains commençaient à se promener un peu trop sur son corps.
Link ferma les yeux un instant, ce qui suffit à la jeune femme pour poser un baiser sensuel sur ses lèvres. L'Hylien se retira sèchement, mais Zeruda le tenait fermement contre elle. Il était convaincu que ses instincts allaient bientôt prendre le dessus, ce qu'il devait empêcher à tout prix.
- Laisse-toi aller... reprit-elle. J'ai envie de toi...
Link sentit soudainement qu'on lui retirait sa ceinture. Il recula rapidement et alla s'adosser contre le mur, poursuivi par Zeruda qui était maintenant en train de défaire les lacets de sa tunique verte.
- Arrête, je t'en prie... murmura le jeune homme d'une voix presque imperceptible.
Il parvint, une fois de plus, à l'éviter et se dirigea vers le centre de la salle. Tout à coup, quelque chose le saisit soudainement par la taille et il se retourna. Zeruda l'avait attrapé avec son fouet et le tirait à elle en disant :
- J'adore les hommes comme toi, qui font leur indépendant, mais qui refoulent de si belles émotions... Allons, laisse-toi aller.
Pris au piège par son charme et par... son fouet, Link se laissa embrasser de nouveau. Ce baiser fut si langoureux, si passionné, que le Héros du Temps crut bien y laisser sa raison. Alors qu'il perdait un moment le contrôle de ses sens, il se retrouva allongé sur les coussins, Zeruda assise sur ses jambes.
- Je ne vais pas... faire ça... protesta faiblement Link.
Il avait beau se concentrer de toutes ses forces pour rester lucide, mais son corps en entier réclamait qu'il se laisse aller sous les caresses de la jeune femme. Celle-ci lui retira son bonnet vert et dit :
- Tu es à moi, dorénavant.

***

Zelda faisait les cent pas dans la salle du trône, inquiète. Depuis des heures, elles n'avaient aucune nouvelle de ses soldats. A cause des événements, elle n'avait pas mangé ni dormi depuis la veille.
- Essaie d'avaler quelque chose au moins, lança Telma qui restait à ses côtés.
- Si seulement je pouvais savoir où Link en est dans sa quête, murmura la princesse en ignorant son amie. Mais... oui, je le peux, bien sûr !
- Tu peux quoi ?
- Voir où Link se trouve présentement...
Saisie d'une idée, Zelda posa sa main droite sur son coeur, la Triforce s'illuminant soudainement.
- Si je me concentre à travers l'esprit de Link, je pourrai voir où il se trouve...
- Il t'a promis qu'il reviendrait demain matin, rappela Telma.
- C'est trop tard, répliqua la jeune femme. Il doit revenir plus tôt... Et je me demande où il se trouve, de toute manière. Peut-être en train de vaincre héroïquement un monstre ou un soldat diabolique, qui sait !
- Tu ne devrais pas faire ça, s'entêta la propriétaire de la taverne. Il fait du mieux qu'il peut, tu risques de l'énerver en l'espionnant.
- Ce n'est pas de l'espionnage, assura Zelda. C'est juste... pour voir ce qu'il fait.
- Et bien sûr, ce n'est pas la même chose... marmonna Telma sur un ton indifférent.

***

Link finit par craquer. Zeruda, penchée sur lui, s'affairait à embrasser la douce peau de son torse nu. Navi, postée loin à l'entrée du temple, ne songeait à rien faire. Comment empêcher un homme de résister autant à celle qui ressemble en tout point à la femme de ses rêves ? Difficile tâche.
- Donne-moi la clef... murmura l'Hylien, les paupières closes.
- Tu l'auras bientôt, répondit la voix de la guerrière.
Leurs lèvres finirent par se redonner un baiser passionné. Link allait défaire les lacets de son haut lorsque, brusquement, il sentit une horrible sensation lui traverser l'intérieur du corps. Prisonnier des bras de Zeruda, ses pensées basculèrent par contre vers celui - ou celle - qui était en train d'essayer de traverser son esprit.
Oui, l'impression était bien là : Zelda revenait de prendre contact avec ses songes.
- Attends! s'écria-t-il en se relevant d'un coup sec.
Zeruda fut surprise d'un tel changement de tempérament et fronça les sourcils.
- Quelqu'un essaie de me contacter, expliqua Link. Par mon esprit.
- On t'espionne ? s'exclama la jeune femme. Ne laisse pas faire cela et... reviens t'occuper avec moi, mon beau guerrier.
Le héros venait de perdre complètement le désir qui le brûlait il n'y avait que quelques secondes. Redevenu impassible et stoïque comme il l'était avant, il se concentra sur les ondes psychiques étrangères qui planaient dans son esprit.
- Zelda, comment oses-tu m'espionner... marmonna-t-il avec fureur.
Finalement, tout s'effaça, laissant Link seul avec ses pensées. La princesse venait de le quitter.
Ayant repris le contrôle de ses sens par ce bref intermède, il se leva, alla chercher sa tunique qui traînait sur le sol et la remit en disant :
- Zeruda, donne-moi la clef immédiatement, ou je devrai te combattre pour l'avoir.
La jeune femme sembla offusquée, elle qui était en train de l'avoir...
- Tu as su me résister lorsque cette autre personne t'a traversé l'esprit, lança-t-elle d'une voix plus rude. Mais, beaucoup trop d'hommes auraient cédé à mes avances bien plus tôt que toi tu l'as fait... Tu possèdes un sang-froid exceptionnel.
Sur ces mots, elle matérialisa une clef bourgogne et la donna à Link. Celui-ci, plutôt étonné de la tournure des événements, se revêtit comme il faut et avoua, dans un murmure :
- Pourtant... j'aurais bien aimé que nous terminions ce que nous avions commencé.
Puis, en souriant malicieusement, il se dirigea vers l'entrée. Zeruda lui fit un petit geste de la main lorsqu'il sortit du temple.

Chapitre 7 : Un esprit couvert de peurs   

Zelda se laissa tomber sur son trône lourdement. L'homme qu'elle aimait depuis si longtemps, dont elle ne cessait de rêver... Elle venait de le voir à la merci d'une autre femme. Et il avait semblé prendre un malin plaisir à se laisser embrasser...
Furieuse, elle se releva lorsque Telma dit :
- Je t'avais bien dit que tu n'aurais pas dû l'espionner.
- Et puis quoi, encore ? répliqua férocement la princesse. Il m'aurait donc caché cela ? Qu'il est épris d'une autre femme ?
- Il ne sait même pas que tu l'aimes, rappela son amie sur un ton sévère. Si ça se trouve, peut-être même que tu l'aimes en vain !
Zelda fut frappée au coeur par ces terribles paroles. L'aimer en vain ? C'était impossible... ! Link lui avait toujours démontré des marques d'affection extravagantes lorsqu'ils étaient seuls, tous les deux. Pourtant, la vérité était bien là.
- Ont-ils fait plus que de... s'embrasser ? risqua Telma, intriguée mais inquiète.
- Je ne sais pas, marmonna la jeune femme. Mais, ce que je sais, c'est qu'il adorait tout ce qu'elle lui faisait, oh oui ! Il semblait si bien avec elle...
Elle se mordit la lèvre inférieure, brusquement attristée.
- Il y a peut-être une autre explication, proposa Telma.
Tout à coup, la porte du château d'Hyrule s'ouvrit en grand, laissant entrer un soldat à l'armure amochée. Celui-ci s'inclina respectueusement devant Zelda et lança :
- Oh, Majesté, il faut envoyer de nouvelles troupes sur les champs de bataille. Les hommes fatiguent et ne peuvent plus tenir pour longtemps.
- Envoyez une nouvelle vague de soldats, ordonna la princesse. Faites attention et... surtout, tenez jusqu'à demain matin... Vous verrez, les déesses nous souriront.
Sur ce, le guerrier acquiesça d'un signe de tête et retourna à l'extérieur.
- Tu tireras cette histoire au clair lorsque Link reviendra, conclut Telma.

***

Link enfourcha rapidement Epona, se hâtant de quitter la berge de la mer Ona. Il repensait, malgré lui, à cette aventure avec Zeruda. Il frissonna en se souvenant des caresses auxquelles il avait eu droit, ses rêveries lui revenant en tête.
- Tu as failli te faire avoir, lança la voix de Navi à son oreille. Un peu plus et tu passais à l'acte avec elle... Bien joué.
- C'est à cause de Zelda, expliqua le cavalier. Elle a pénétré mon esprit pour essayer de voir ce que je faisais. Bref, elle m'a espionné. Je l'ai bien senti. Elle a dû me voir dans les bras de Zeruda... Oh, par toutes les déesses, faites qu'elle ne se soit rien imaginé...
- Ne t'inquiète pas, assura sa fée. Tu lui expliqueras tout à ton retour.
Link sortit de nouveau la carte d'Hoxalia et scruta sa prochaine destination.
- Le Temple des Vérités, murmura-t-il. Il est habité par un boss du nom de Miroki. Celui-ci est associé à la peur... Inquiétant.
Le soleil se couchait déjà lorsque le Héros du Temps atteignit la Vallée noire, se trouvant à l'autre bout du royaume déchu. Le temple en question n'était qu'une haute tour ornée d'un toit conique très pointu. Ses briques étaient d'un noir de jais et un vieux pavillon s'agitait tout en haut, bousculé par le vent soudainement violent.
Link posa ses mains sur son bonnet, l'empêchant de s'envoler, et lança :
- Dépêchons-nous de récupérer la dernière clef. Je sens qu'Hyrule souffre beaucoup trop, maintenant... Il me faut la quatrième Triforce, et vite.
Navi et lui entrèrent alors dans la tour, la porte se refermant vivement derrière eux. Le jeune homme dégaina son épée et vit un escalier en colimaçon devant bien faire toute la hauteur du temple. En prenant son courage à deux mains, inquiet de ce qu'il allait trouver en haut, il commença l'ascension des marches. C'est au bout de quinze longues minutes et essoufflé qu'il atteignit l'unique salle, tout en haut de la tour.
Un homme se tenait dos à lui, face à la seule fenêtre présente.
- Te voilà ici pour mettre la main sur la dernière clef, marmonna-t-il sur un ton rauque.
Sa voix était trop familière... Link leva Excalibur vers lui, sur la défensive.
- Retourne-toi, Miroki, l'appela-t-il aussitôt.
C'est alors que l'homme se retourna. L'épéiste fut frappé sous le choc d'une épouvantable surprise : deux yeux rouges sans pupille, une peau grise comme la poussière, une tunique noire et déchirée, des cheveux immaculés...
Aucun doute. Link se trouvait en face de son clone sombre.
Celui-ci sourit sournoisement, puis reprit :
- Tu me connaissais mieux sous le nom de Dark Link, n'est-ce pas ? Mais, mon véritable nom est Miroki. Tu devras me battre pour mettre la main sur la dernière clef.
Le Héros brandit son épée, mais Miroki leva la main en disant :
- Non, non, nous ne nous battrons pas à l'épée. Je sais par quoi tu as dû passer pour arriver jusqu'ici... Tu as dû combattre une sorcière invisible, résoudre les énigmes d'un mage à trois yeux, survivre contre un monstre reptilien humanoïde, résister à tes instincts sous la pression d'une magnifique femme... Maintenant, tu te retrouves devant moi pour affronter ce qui te tracasse depuis qu'elle est née en toi. Elle est toujours présente, te menaçant à tout moment d'éclater...
- De qui parles-tu ? grogna Link, sur ses gardes.
- Je parle de ta peur, répondit dans un murmure Miroki.
Le jeune homme haussa les sourcils en entendant cela. Sa peur ? A la simple prononciation de ce mot, ses jambes faiblirent.
C'était bien là sa plus grosse faiblesse : il n'arrivait pas à surmonter la seule et unique peur qu'il avait. Il l'enfouissait, au plus profond de lui, afin de se donner de la force ailleurs. Mais, jamais il ne l'affrontait. Jamais.
Les yeux bleus de Link croisèrent ceux impitoyables de son clone sombre, implorants.
- Allons... marmonna-t-il finalement en baissant Excalibur. Tu... tu peux me donner la clef immédiatement et... tout sera réglé, non... ?
- Hélas, reprit Miroki. Ce n'est pas aussi facile que ça... Tu as beau être un héros, mais tu as ta faiblesse comme tout le monde. Sentirais-je en toi une nouvelle peur ? La peur de ton unique peur ?
- Je n'ai pas peur, répliqua Link. Mon courage est à toute épreuve.
- C'est donc ici que nous verrons si le pouvoir béni des déesses en toi est réellement efficace.
Sur ce, Miroki disparut, puis tous les alentours du Héros fondirent dans le noir.

Link ferma les yeux un court instant, désorienté, puis les rouvrit. Il se trouvait sur une immense plaine saccagée, recouverte de milliers de cadavres sanglants. Au loin, baignée dans les rayons d'un soleil rouge, la silhouette sombre d'un château d'Hyrule en proie aux flammes s'élevait.
Epouvanté de se trouver au coeur d'une telle scène, le Héros voulut avancer, mais il tomba brusquement à genoux, se rendant compte qu'il était blessé. Il passa ses mains sur son corps, sa tunique étant complètement lacérée, et découvrit que sa peau était recouverte de sang frais. Il était désarmé et dépourvu de son ocarina. Il n'avait plus rien.
Les effets torturants de ses blessures finirent, peu à peu, à se manifester. Etourdi, Link tenta de se relever, lorsqu'il entendit un cri de panique. Ses yeux se tournèrent vers la droite et aperçurent la princesse Zelda. Celle-ci tentait d'échapper aux horribles mains de Ganondorf qui finissent, malheureusement, par la rattraper.
- Allons, ma belle, marmonna-t-il de sa voix désagréable.
- Laisse-moi ! hurla Zelda en se débattant. Tu as brûlé mon royaume, tué mon peuple et saccagé mes terres ! Tu as eu tout ce que tu souhaitais, alors laisse-moi !
- Il n'y a qu'une seule chose que je n'ai pas encore, gronda Ganondorf. La Triforce... Je dois la rassembler...
Il souleva aisément la princesse et la força à avancer, ce qu'elle refusait en essayant de s'enfuir. D'un pas menaçant, le Seigneur du Malin s'approcha de Link et dit :
- Enfin, je vais rassembler les trois parts de la Triforce... Tu as échoué, Héros du Temps. Hyrule est mort par ta faute !
Ces mots frappèrent le jeune homme au coeur comme un coup de poing. Echoué ? Lui... avoir échoué ?
- Tu as lamentablement perdu le combat, reprit Ganondorf.
Il donna un violent coup de pied à Link qui s'effondra sur le sol, ses horribles blessures se faisant bien trop douloureuses.
- Dire que les déesses avaient placé leur confiance en toi ! éclata de rire le malveillant guerrier. Elles ont eu si tort de croire en un petit Kokiri sans volonté, ni courage ! Tu as échoué et, maintenant, je vais enfin réussir.
Il jeta violemment Zelda à ses pieds. Link s'approcha d'elle péniblement, la prenant doucement dans ses bras. Il ne pouvait rien dire : ses mots étaient complètement bloqués dans sa gorge, malgré lui.
Ganondorf tira son épée, puis posa la lame sur la nuque du jeune Hylien.
- Je vous tuerai, lança-t-il, et je pourrai enfin récupérer les deux parts de la Triforce qui me manquent ! Ganondorf règnera, désormais, sur tout le Saint-Royaume et même au-delà !
Link s'effondra sur la pauvre Zelda, blessé et agonisant. Il ne pouvait pas le croire... C'était donc vrai, il arrivait trop tard... Hyrule était rasé de la carte et c'était de sa faute...
Non.
Impossible.
Il n'y avait que quelques minutes, il se trouvait dans le Temple des Vérités, en face de Miroki...
Alors...
C'était une épreuve.
Link savait bien que sa plus grande peur était d'échouer dans sa quête pour sauver le royaume. Il était en train de la vivre, mais... ce n'était pas réel.
Une brusque bouffée de courage l'envahit dès lors. Link se releva en hurlant de douleur et posa durement ses mains sur l'armure de Ganondorf.
- Tu... bégaya-t-il en cherchant la force de vaincre en lui. Tu... tu n'es pas réel ! Je... je ne crois pas en toi ! Ce n'est pas vrai ! Tu n'as pas gagné, je vais te battre ! Je suis le vainqueur, tu verras !
Au fur et à mesure que la parole lui revenait aisément, sa force revenait elle aussi. Les blessures mortelles qu'il avait se guérissaient rapidement et la Triforce se remit à briller en lui.
- Tu n'es pas réel ! s'acharna à hurler le jeune homme. Tu n'existes pas !
Brusquement, tout redevint noir autour de lui.

Link s'affaissa sur le sol, complètement étourdi. Il se releva lentement, tâtant le sol avec ses mains. Une douce lumière immaculée vint frôler sa joue : c'était Navi.
- Tu as réussi ! murmura-t-elle d'une voix aimable. Tu te rends compte ? Tu as réussi à affronter ta pire peur !
Le Héros du Temps était de retour dans le réel, au sommet de la tour. Miroki était debout en face de lui, les bras croisés sur sa poitrine, tapant le sol avec son pied dans un geste d'impatience.
- Il faut avouer que tu es plus fort que je ne l'aurais cru... marmonna-t-il. En fait, je crois que c'est toi qui as découvert que tu étais bien plus fort que tu ne le croyais. Avoue donc qu'auparavant, jamais tu n'avais osé vouloir affronter ta peur.
- Je l'admets, chuchota Link sur un ton gêné. Je... je sais bien que... j'ai toujours eu si peur de mes propres peurs.
Navi voletait joyeusement autour de lui, ravie que son compagnon ait réussi à combattre sa pire crainte. Soulagé, le jeune homme finit par sourire.
Miroki leva la main et matérialisa une clef noir métallique. Link l'attrapa et dit :
- Merci. Je n'aurais jamais cru te dire merci, à toi, mais... il semble qu'aujourd'hui, tu m'aies fait réaliser bien des choses.
Son clone sombre acquiesça d'un signe de tête avant de disparaître dans un nuage de poussières ternes.

Chapitre 8 : La Triforce du courage intuitif   

Enfin pourvu des cinq clefs, Link se rua à l'extérieur du Temple des Vérités, poussant un immense soupir de soulagement.
- Vite ! s'exclama-t-il en sortant sa carte d'Hoxalia.
Le soleil était couché depuis probablement longtemps et la nuit, bien avancée.
- Il y a un dessin de la Triforce là, marmonna-t-il en scrutant le parchemin. C'est... l'Autel des cinq Mégalithes. Quelle horreur ! gronda-t-il brusquement. C'est à l'autre bout du royaume !
- Du calme, Link ! s'écria Navi. Tu arriveras à temps pour l'aube !
Mais, il n'y avait rien à faire pour calmer le jeune homme. Celui-ci, paniqué, bondit sur le dos d'Epona et la talonna avec vigueur. Sentant sa nervosité, la jument se hâta de répondre à son geste et partit au galop, sortant de la Vallée noire.
La route prit au moins deux bonnes heures. Link faisait claquer les rênes d'Epona, le vent sifflant à toute vitesse autour de lui. L'horizon était légèrement teinté de rosé, annonçant déjà l'aube.
L'Autel des cinq Mégalithes se trouvait au coeur d'une gigantesque plaine verdoyante. Comme son nom l'indiquait, il était composé de cinq menhirs impressionnants posés en cercle autour d'une statue. Epona n'était même pas arrêtée lorsque Link sauta à terre, courant à toutes jambes vers l'Autel.
- Je n'ai jamais rompu mes promesses auprès de Zelda, marmonna-t-il. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer.
Il retira les cinq clefs qui pendaient à son cou et repéra des serrures disposées en triangle sur la statue. En faisant correspondre les couleurs, il les inséra une à une avec des mains tremblantes d'excitation.
- La quatrième Triforce, dit-il en entrant la dernière clef.
Un déclic retentit alors, puis la statue se mit à reculer grâce à un mécanisme. Link fit un pas en arrière, découvrant un escalier qui menait au sous-sol de l'Autel.
- Allons-y, lança Navi en s'engouffrant dans les ténèbres souterraines.
Le Héros du Temps se hâta de la suivre, épée en main. Les deux compagnons débouchèrent sur une immense caverne. Un lac se trouvait là, son eau cristalline et azurée se reflétant magnifiquement sur les parois de la grotte. Fébrile, Link s'en approcha lentement.
- Je viens chercher la Triforce de l'intuition ! décida-t-il finalement de dire avec une voix forte.
Un moment de silence suivit cette déclaration, lorsque tout à coup, la surface du lac se mit à bouillonner. Un gigantesque poisson émergea de l'eau, son dos et ses ailes recouverts de plumes multicolores, exécuta un saut et replongea dans le lac en poussant un chant mélodieux. Link recula sous le choc de l'eau qui s'abattait sur lui, puis eut un sourire.
- Le Poisson-Rêve, devina-t-il dans un murmure.
- Que comptes-tu faire ? demanda Navi, inquiète.
- Je ne sais pas... mais, peut-être...
Sans terminer sa phrase, l'Hylien s'approcha du lac et, en écartant les bras en croix, se jeta à l'eau, semant la panique chez sa fée.
- Qu'est-ce qui te prend? s'écria-t-elle. Reviens !
Link se laissa couler au fond de l'eau, observant fixement le Poisson-Rêve. Celui-ci nageait en cercle avec une grande beauté, ses plumes satinées brillant au rythme de ses mouvements. Il finit par sentir la présence du jeune homme et se plaça juste devant lui, ses immenses yeux bleus et globuleux posés sur lui. Tout à coup, après avoir marmonné quelques phrases en hylien d'une voix sonore, le Poisson-Rêve ouvrit grand sa gueule et avala Link.
Navi entendit un curieux son provenant des profondeurs du lac, ce qui l'inquiéta aussitôt.
- Link ? appela-t-elle.
Aucune réponse. Des bulles vinrent à apparaître à la surface de l'eau.
- Link ! hurla-t-elle de nouveau.
Brusquement, une lumière aveuglante éclata dans toute la caverne, projetant la fée contre le sol rocheux. Une silhouette sombre émergea du lac, au coeur de cette intense luminosité, et alla doucement se poser sur la berge. Puis, tout redevint brusquement obscur.
Navi s'envola timidement, surprise par l'intensité du court phénomène venant de se passer, et observa devant elle. Link se trouvait bien là et souriait. Sa tunique et son bonnet semblaient constitués de lumière immaculée pure. Il montra son poing gauche à sa fée : deux Triforces étaient maintenant tatouées sur sa peau, formant un losange.
- Lorsque le courage et l'intuition fusionnent, lança-t-il d'une voix mélodieuse, ils forment la Triforce du courage intuitif. Jamais je ne m'étais senti aussi prêt à conclure ma quête... Je le suis, maintenant. Ganondorf va périr... Avec toute la souffrance que je pourrai lui donner.

***

Le soleil se levait au-dessus des montagnes d'Hyrule. Zelda, postée à la fenêtre de sa chambre, finit par s'écrouler sur son lit en soupirant.
Voilà...
L'aube était là et aucune trace de Link.
Telma entra timidement dans la pièce, apportant un plateau avec un petit-déjeuner à l'allure savoureuse.
- Ne t'inquiète pas... murmura-t-elle en allant s'asseoir aux côtés de son amie.
La princesse allait dire quelque chose lorsqu'elle entendit un brouhaha incommensurable s'élever dans le château.
- Mais, qu'est-ce qui se passe, par Farore ? s'exclama-t-elle en se levant.
Furieuse, elle sortit de sa chambre et traversa le couloir, Telma à sa suite. Lorsque les deux femmes débouchèrent dans la salle du trône, toute la population rassemblée applaudissait et hurlait de joie à tout rompre.
Zelda resta ébahie, n'y comprenant rien. Son royaume était en train d'agoniser et les gens étaient de bonne humeur ?!
C'est alors qu'à l'entrée de la salle, encadré par les soldats survivants qui s'inclinaient autour de lui, elle le vit, lui...
- LINK ! hurla-t-elle, sa voix dépassant soudainement la folie de la foule.
En reconnaissant la princesse, le jeune homme leva les yeux vers elle et sourit. Il ouvrit les bras alors qu'elle se jetait contre lui, provoquant de nouveaux applaudissements parmi les gens rassemblés.
- Vous avez réussi... ? se risqua Zelda en finissant par le lâcher, incertaine.
Link avait retrouvé la couleur verte de sa tunique. Le tissu tombait en lambeau, ayant été lacéré par la lame d'une épée, et sa peau était écorchée à plusieurs endroits. Malgré son état de grande fatigue et de douleur, il souriait chaleureusement. Il expliqua :
- Ganondorf est enfermé à jamais, maintenant. Je l'ai combattu jusqu'à ce qu'aucun de nous deux n'en puisse plus. Il est loin et faible... Hyrule est libéré et, tant que je serai ici, le royaume le restera... J'ai réussi, oui... grâce à la Triforce de l'intuition.
Une vague de cris de joie parcourut la foule et les soldats applaudirent en s'inclinant encore. Telma, qui s'était glissée parmi eux, émergea soudainement et attrapa le héros en s'écriant :
- Toi, tu es très fort ! Oooh oui, tu es vraiment fort !
Elle le souleva de terre et le serra à tout rompre. Le pauvre Link la supplia de le lâcher, cette accolade accentuant vivement les douleurs de ses nombreuses blessures et contusions. La grande femme s'excusa en riant et ébouriffa ses cheveux blonds avec le sourire.
Zelda s'approcha alors de l'Hylien et lui prit la main, son visage n'étant pas vraiment réjoui...
- Je dois vous parler, dit-elle d'une voix soudainement rude.
En se frayant un chemin dans l'assemblée, les deux jeunes gens se rendirent à l'étage du château. La princesse entra la première dans sa chambre, suivie par le héros qui boitait légèrement.
- Qu'advient-il de la quatrième Triforce ? demanda-t-elle tout d'abord.
- Elle n'est restée que le temps du combat en moi, expliqua Link. Ensuite, elle m'a quitté, pour probablement retourner auprès des déesses, ses créatrices. Et moi, si ça ne t'embête pas, j'irais volontiers faire un tour à l'infirmerie... et...
Il s'interrompit, un moment de silence suivit, ce qui le fit ajouter :
- Tu sembles si... contrariée...
- Ne vous inquiétez pas, assura Zelda. Vous avez sauvé mon royaume et je vous remercierai éternellement. Mais, pour l'instant, il y a... quelque chose que je souhaite mettre au clair.
- De quoi s'agit-il ? s'inquiéta l'épéiste, essayant de soulager ses blessures en y passant sa main.
La princesse recula de quelques pas, comme si elle craignait sa réaction, et dit :
- Voilà. Oui, c'est vrai, je... je vous ai espionné, un moment, au travers de votre esprit et...
- En effet, coupa sévèrement Link. Tu m'as espionné.
- Vous êtes donc épris pour une autre femme ? finit par déclarer Zelda.
- Non, murmura le Héros du Temps. Elle n'était que la gardienne d'une des clefs... Je t'assure qu'il s'agissait de mon épreuve, oui ! Je devais combattre mes propres émotions...
- A ce que j'ai vu, reprit la princesse, vous ne les avez pas combattues très fortement...
- Je suis désolé, avoua Link.
- Pourquoi ?
Cette question étonna le jeune homme. Il haussa les sourcils, mais le mouvement raviva la blessure qu'il avait à la tête et plissa les paupières sous la douleur.
- Allons, je t'amène voir le médecin, se reprit Zelda en lui tendant la main. Tu as une mine affreuse.
Elle l'entraînait à l'extérieur de la chambre lorsque Link répondit finalement :
- Je suis désolé, parce que je me suis laissé tenter par cette femme à cause de son apparence. Elle était identique à toi.
- Identique à moi ? répéta la souveraine.
- Aucune autre femme ne pourrait me plaire... assura le héros sur un ton timide.
Cette phrase laissée en suspens donna un curieux sourire à Zelda. Elle lui tapa affectueusement l'épaule, s'excusa d'avoir accentué la douleur d'une autre de ses blessures, et dit :
- Allons... Toi, tu vas à l'infirmerie et tu viens nous retrouver pour la fête. Tu viens de battre Ganondorf et de libérer Hyrule : nous devons fêter cela !
Link fut brusquement étonné. Elle venait de le... tutoyer ? Il n'eut pas bien le temps d'y réfléchir lorsque la souffrance revint parcourir tous les muscles de son corps. Il marmonna :
- Tu sais, j'ai découvert des parties de mon corps que je ne savais même pas qu'elles existaient...
- Tu as besoin de beaucoup de soin et de repos, assura Zelda en le poussant gentiment vers l'infirmerie. Ensuite, tu me raconteras tout ce que tu as vécu. J'ai bien hâte d'entendre tes nouveaux exploits !
Soudainement, Navi apparut à leurs côtés, faisant sursauter la princesse.
- Allez, dépêchez-vous ! s'écria-t-elle en voletant joyeusement. Je veux une fête géniale, ici !
Les trois compagnons s'en allèrent alors en riant, soulagés.

***

Link avait décidé qu'il n'allait jamais avouer ses véritables sentiments à Zelda. Il préférait cela comme ça, entre l'amitié et l'amour, avec quelques petites allusions de temps à autre. Il était le Héros du Temps, le protecteur d'Hyrule... Sa vie était plutôt condamnée à rester solitaire, parcourant les routes pour sauver le peuple de son royaume.
Il ne pouvait pas vraiment se permettre de prendre femme. De toute manière, il était si proche de la princesse que tout était bien comme cela. Elle avait, de plus, sûrement plus besoin d'un ami et protecteur plutôt que d'un amant.

Maintenant qu'il savait qu'un autre royaume côtoyait Hyrule, ses immenses paysages grandioses totalement inhabités, Link allait souvent y faire une randonnée avec Epona. La solitude complète se trouvait à Hoxalia, légère et soulageante. Il en avait souvent besoin. Depuis que toutes ses aventures avaient commencé, il s'était si bien habitué à être seul que, maintenant, se retrouver dans la foule était presque un calvaire. Alors, il retournait au lac Hylia, ouvrait le passage et se glissait dans l'autre dimension... Parfois, Zelda l'accompagnait et il lui racontait son récit en l'amenant sur place.

La vie était redevenue paisible et pure, comme elle aurait dû toujours l'être.

Hyrule était enfin sauvé... Pour le moment.
Et Link allait garder un précieux souvenir de la Triforce de l'intuition...

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "LinkLeQuébécois". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.