Le Masque d'Effroi

- Brrr... où... où suis-je ??! J'ai froid.... Et puis on y voit rien ici... que... que s'est-il passé ? Essaie de te souvenir, concentre-toi bon sang... C'est à n'y rien comprendre ! A L'AIDE ! Est-ce que qu'il y a une âme qui vive dans cet enfer ??? Je suis mort, c'est ça... ? J'ai quitté le monde de la lumière... ?

La lumière... Justement... Essayons de retracer son histoire... Avant d'être une âme errante, Ell avait bel et bien une vie. Retrouvons-le à l'heure où son destin bascula.

Ell se faisait passer pour un soldat de la garde, mais était en réalité le détective envoyé par le Roi d'Hyrule en personne à la recherche de traîtres. En mission dans un troquet douteux, buvant de l'hydromel en tentant de se fondre dans la masse, il se fit prendre malheureusement à son propre jeu...
En effet, Ell s'était bien fait avoir. Voilà quelques heures qu'il gisait là, le visage sur le pavé, un sérieux mal de crâne lui cognant dans les tempes.

Pendant ce temps, dans le bar, la fête battait son plein. Quand soudain, un homme petit, l'air narquois, sortit en s'approchant de notre héros de ce soir. Dans son dos, un énorme sac auquel étaient accrochés...
des masques. Le petit homme :

- Dites-moi, vous avez l'air dans un sale état...
- Oui, je crois que j'ai bu quelque chose... d'inapproprié.

Ell ne pouvait plus sentir ses jambes. Il se rendit compte que son corps entier était paralysé, sans doute à cause du poison qui avait été versé dans son verre d'hydromel. L'étrange petit homme glissa alors une main dans son sac et en sortit une petite fiole.

- Tenez mon ami, voilà qui pourrait vous remettre en état ! Gnihihi...
- Pourquoi devrais-je vous faire confiance ? Peut-être est-ce vous qui m'avez drogué ?
Il se contenta de ricaner.
- Buvez-la plutôt, votre fiole douteuse !
Sans un mot, le petit homme enleva le bouchon, posa la fiole sur ses lèvres et prit une gorgée.
- Satisfait... ?
- Bon... très bien... donnez-moi ça !

Ell engloutit la fiole d'une traite. Une sensation de chaleur envahit son corps entier, douloureuse mais salvatrice à la fois. Il regarda ses bras, puis ses jambes, comme s'il pouvait ressentir chaque parcelle de son corps. Puis... puis...

Puis la douleur devint insupportable. Soudain, un flux parcourut son corps, telle une décharge. L'atroce sensation commença d'abord dans sa gorge. Quelque chose d'inhumain, que jamais il n'aurait osé imaginer. Puis la décharge, le flux continua dans tout son corps. Il avait envie de se gratter la peau, jusqu'à s'en faire saigner. Ce qu'il ne savait pas c'est qu'en réalité, ces symptômes n'étaient que le symbole de la délivrance, enfin : il remua d'abord un pied, puis l'autre, puis les doigts, les mains. Il bougea sa mâchoire de gauche à droite. Tout allait mieux, la douleur ressentie précédemment avait disparu. Il s'apprêtait à se relever, quand soudain le rire diabolique résonna à nouveau dans sa tête.

Surpris, il regarda autour de lui. Plus personne ! Le petit homme avait disparu. Il se dirigea alors vers la foule, encore titubant de ses péripéties. Telle une apparition fantomatique, toute la scène parut avoir été de l'ordre de son imagination toute entière. Soudain, un cri d'horreur dans l'assemblée. Ell s'approcha en courant aussi vite qu'il le pouvait. La foule était regroupée en cercle. Au centre de ce cercle, une personne gisait, inerte. La panique s'était jointe à la fête qui était pourtant si joyeuse auparavant. Ell s'approcha doucement du cadavre, incertain de ce qu'il allait découvrir. Et là, l'innommable se produisit. Il vit son propre visage.

Des tremblements secouèrent tout son corps, il détourna le regard, regarda de nouveau l'homme à terre pour être bien sûr. Non, ce n'est pas possible, comment ! C'était lui, là, gisant sur le sol. Si l'homme couché à terre était Ell lui-même, dans quel corps Ell s'était-il transposé... ? Il baissa lentement les yeux, et porta son regard, le plus lentement possible, vers ses mains. Il fallait qu'il sache. Son coeur battait sourdement dans sa poitrine, tambourinant jusque dans ses tempes. Ses mains se levèrent à hauteur de son regard. Elles étaient d'un sombre, marron, comme... Comme si... Elles étaient en décomposition.

C'est alors qu'au travers de ses mains, il aperçut au second plan qu'en réalité la foule le regardait. Ils étaient tous figés d'horreur. Il tenta d'ouvrir la bouche pour leur dire quelque chose, mais à la place des mots... A la place des mots sortit un cri... d'Effroi. Un long cri strident qui glaçait le sang des personnes alentours. Insupportable et atroce pour quiconque l'entendait. Oui, Ell s'était transformé en Effroi.

C'est alors que la foule, remise de sa stupeur, se mit à fuir, tandis que Ell hurlait de désolation. Il n'en revenait toujours pas de ce qu'il était en train de lui arriver. Il s'en voulait atrocement d'avoir été aussi faible, et de s'être fait avoir aussi facilement. Il aurait dû se méfier de la présence de Koume et Kotake dans cette taverne peuplée d'oiseaux de nuit aussi louches les uns que les autres, mais pour le bien de l'enquête, il n'avait pas eu le choix. Il aurait été prêt à tout pour élucider le mystère des disparitions inquiétantes de ces derniers mois... Le Roi lui avait fait confiance, il devait honorer sa mission. Mais pour l'heure, la situation était des plus horribles et dramatiques. Plus il essayait d'hurler à la foule, que, non, ce n'était que lui, Ell, fidèle serviteur du peuple d'Hyrule, plus ses cris torturés figeaient les citoyens dans une posture d'horreur et de désolation. Il fallait agir, et vite. Réfléchis... pensa Ell. Trouve une solution, vite... Le château. Il fallait qu'il se rende au château. Seule la famille royale pouvait le sauver et trouver un moyen de le libérer de sa malédiction. Et dire que le corps inanimé à quelques mètres de là lui ressemblait comme deux gouttes d'eau... Quel type de sordide magie avait bien pu produire cela ? Était-ce lui, transformé en Effroi, qui dans un cri létal avait ôté la vie de son ancien corps...?

Alors, avant que les témoins de la scène ne sortent de leur stupeur paralysante et qu'ils ne se mettent à le poursuivre, il souleva son double de lui-même et le porta sur son dos, courant à toute vitesse, en direction du château d'Hyrule. Il fallait qu'il trouve en priorité l'étude de la princesse, car s'il se présentait tel quel devant le Roi dans la salle du trône, il serait capturé et condamné dans l'instant sans tout autre procès. Seule Zelda avait le coeur certes pragmatique, mais suffisamment pur pour chercher à comprendre pourquoi un Effroi se présenterait à elle, le corps gisant d'un homme dans les bras. Il avait du mal à se déplacer dans son nouveau corps, ses membres longilignes et maigres le ralentissaient, lui qui auparavant était vif et rapide. Bientôt il aperçut le château, qu'il connaissait par coeur bien heureusement. Ses longues années de service et d'entraînement militaire avaient fait de cet endroit sa deuxième maison. Tout lui était familier : chaque porte, chaque corridor, chaque tenture portant le sceau royal. Ce qu'il préférait avant tout, était ses longues heures à discuter avec la princesse de tout et de rien, ou bien lorsqu'ils partaient chevaucher Sagesse et Epona à travers les plaines d'Hyrule verdoyantes. Zelda et lui avaient noué de forts liens d'amitié, mais rien d'étonnant puisqu'ils se connaissaient depuis leur plus tendre enfance. Enfin il aperçut la petite porte cachée qu'il espérait tant. Celle qui menait directement à l'étude de Zelda. Le coeur battant, il abaissa la poignée, et ouvrit la porte... La princesse était, comme à son habitude, penchée sur son bureau, étudiant d'énormes livres qui paraissaient anciens. Surprise, elle se retourna.

- Père, je vous ai déjà dit que... Un cri d'horreur résonna dans tout le château. Oh non ! Non... ! Qu'as-tu fait à.... à... L.... Éprouvée par l'émotion, Zelda s'évanouit.

"L"... ? Oui, c'était bien son nom de code, "Ell", lorsqu'il était en mission. Il se sentit bizarre. Comme si vivre dans ce nouveau corps lui faisait oublier son identité peu à peu. La scène ne se déroulait pas du tout comme il l'avait espéré. Les gardes ne tarderaient pas à arriver, et il en serait fini pour lui. Il déposa son ancien corps inanimé sur la banquette de la princesse, puis sortit de la pièce à toute vitesse. Hélas... les gardes royaux étaient déjà là. Empoigné fermement par les deux bras, Ell fut emmené puis jeté dans un cachot avant que son procès n'ait lieu. Il était au comble du désespoir, sa vie était terminée. Les événements s'étaient succédés avec une malchance rare, sans qu'il n'ait aucune prise sur son destin. Soudain, un bruit... des pas. Deux ombres qu'il avait du mal à distinguer s'arrêtèrent devant la porte de sa cellule.

- Gnihihi... il est là, comme promis ! Je vous l'avais dit, Ô seigneur, que mon plan se déroulerait à merveille ! Faites ce que vous voulez de lui, je me charge de récupérer les restes... Gnihihi...
- Bien... tu as été efficace en effet. Je vais l'emporter avec moi comme prévu de l'autre côté du miroir, mon armée des ombres a besoin d'être renforcée, encore et encore. Tous ces hommes que tu m'as livrés ces derniers mois ne sont pas suffisants.
- Bien Seigneur, comme bon vous semblera ! Bon retour au royaume du Crépuscule, Maître... Xanto !

D'un geste de la main, Xanto ouvrit la cellule, s'empara d'Ell, et disparut. Il ne resta qu'une chose, gisant sur le sol : un masque d'effroi.

- Et un de plus à ma collection ! Gnihihi...

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Eraxis & Co". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.