Le Linki Code
Les jours s'annonçaient sombres pour le Royaume d'Hyrule. Le pays traversait une des périodes les plus sinistres et graves de son histoire. Depuis 7 ans, cette terre bénie des dieux, verte et fertile, était envahie par les forces armées d'un pays voisin envieux de ses richesses. C'était le royaume du désert, Gérudoya. Depuis 7 ans, Hyrule était opprimée par les troupes du roi Ganondorf. Et chaque année, chaque mois, chaque semaine, les peuples libres d'Hyrule se soumettaient un peu plus. Les gens perdaient tout ce qui pouvait encore les motiver à se battre et repousser les envahisseurs. Ils oubliaient qu'ils avaient été libres. Ils ne désiraient rien d'autre que d'être épargnés par le passage des troupes Gerudos et cédaient à toutes leurs exigences. La fin du royaume d'Hyrule, tel qu'il avait existé depuis cinq siècles, était proche.
Dans le camp retranché des rebelles hyliens, deux personnages s'entretenaient. Il s'agissait des personnes les plus importantes des peuples libres : Rauru, chambellan et régent du royaume, et Impa, général en chef des armées et tutrice de la princesse héritière. Tous deux avaient la mine grave. Ils savaient qu'ils étaient dans une voie sans issue. Ils n'étaient pas assez nombreux et n'avaient pas assez de ressources pour résister. Ils ne pourraient pas chasser les Gerudos sans l'aide d'un peuple qui avait perdu force et espoir. Ils ne pouvaient pas gagner. Seulement, depuis une demi-heure, une bien étrange nouvelle annoncée à l'improviste venait de changer le cours de la guerre.
- Son fils n'est donc pas mort. Il a survécu au sac du comté d'Hylia.
- D'après le prisonnier, lui et sa mère ont pu atteindre la forêt. Lady Magdalène serait vite morte de ses blessures, mais le garçon vivrait toujours au sein de la communauté des hommes des bois.
- Il faut que nous voyions ce jeune homme.
- Je doute qu'il accepte de servir notre cause. Après tout, nous sommes un peu responsables du sort de sa famille. Nous nous sommes servis du comté d'Hylia comme bouclier pour freiner la progression des Gerudos. Ils attendaient notre aide, mais nous sommes restés en retrait pour organiser la défense du reste du royaume. Nous les avons lâchement sacrifiés. Il pourrait se venger, se servir de nous comme nous nous sommes servi de son père.
- Il se vengera contre les assassins de ses parents, et les assassins, ce sont les Gerudos. Il suffit de lui faire passer le message.
- Ne vous moquez pas de lui. Il avait 11 ans à l'époque. C'est bien assez pour comprendre ce qui se passe autour de soi. Il n'aura pas oublié, et il aura certainement entendu ses parents parler des renforts d'Hyrule qui n'arrivaient pas.
- Et bien, nous lui expliquerons notre version des faits.
- Attendez, seigneur Rauru, comment espérez-vous qu'un morveux de 17 ans puisse nous sauver ? Son père était un magnifique guerrier et fin stratège, soit. Mais même si le gosse a hérité des talents de son père, il ne chassera pas les Gerudos tout seul. Tout comme nous, il lui manque une armée.
- Et justement, je le crois capable de s'en trouver une, une armée.
- Pardon ?
- Laissez-moi vous expliquer mon idée. En quoi croit notre peuple, actuellement ?
- Croient-ils seulement encore aux dieux ? Ils sont tous persuadés qu'ils nous ont abandonnés. C'est le désespoir total.
- Et si, par miracle, ces dieux se manifestaient en leur envoyant un sauveur ?
- Je ne vous suis pas, seigneur Rauru.
- Le royaume d'une brave petite princesse est menacé. La pauvre demoiselle est perdue, elle est prisonnière de Ganondorf et son royaume est envahi. C'est alors qu'intervient un miracle. Les dieux désignent un jeune homme pour accomplir une sainte mission. Il eut des visions, reçut la visite d'un ange, où autre événement fantastique... Il doit sauver la princesse et son royaume en boutant les Gerudos hors d'Hyrule. Quelques brillants exploits suffisent à prouver au peuple que les dieux sont avec lui et donc avec Hyrule. Le peuple reprend espoir et se range derrière le jeune homme pour le soutenir, profiter de la grâce divine et participer à la victoire d'Hyrule contre le peuple du désert.
- Votre talent de conteur n'est pas très convainquant.
- Mais vous saisissez le principe, Général Impa.
- Oui. Mais s'il est le fils de son père, il refusera de jouer la comédie.
- Voyons, qui parle de comédie ? Il pourrait vraiment recevoir un véritable ordre divin. Vous savez... une simple voix sortant des entrailles de la terre, un ange, un esprit de la nature qui se manifeste... les rumeurs en font vite tout un plat. Réfléchissez bien. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un héros, et je ne vois pas de meilleure personne pour jouer ce rôle.
Le général ouvre grand les yeux. Elle commence à comprendre. Beaucoup d'idées lui viennent alors en tête. Elle sourit. Cela en devient presque drôle. Oui... les manifestations divines, après tout, c'est la spécialité des Sheikahs, dont elle est le chef.
Un soleil timide se lève pour déposer de douces couleurs pastel sur la neige fraîchement tombée. Les oiseaux commencent à sautiller sur la poudre blanche, en quête de nourriture. Le ciel est clair. Il y a quelques nuages roses, une petite brise. C'est le genre de matin qui pousse chaque être humain à apprécier la vie et croire à la paix.
Une belle adolescente se promène dans ce doux paysage. Elle est vêtue d'un grand manteau de laine et de bottes en fourrure. Elle ferme les yeux et lève le nez pour sentir l'air frais caresser sa peau. Elle est en paix, elle est heureuse. Il lui suffit de voir une nature se réveiller en parfaite harmonie pour se dire que la vie vaut la peine d'être vécue. Elle aimerait même passer sa vie entière dans cet endroit. Elle voudrait devenir une simple bergère, soigner les moutons, filer la laine en hiver, faire paître les moutons en été, récolter le miel des ruches, aller puiser l'eau à la source. Elle pousse un soupir. S'il y avait bien quelqu'un à qui ces doux plaisirs étaient interdits, c'était elle. Elle était princesse héritière. Ses tuteurs voulaient qu'elle retrouve le trône qui lui était dû. Les gens du peuple voulaient qu'elle les protège, qu'elle soit une sorte d'ange gardien. Quant à ses ennemis, les Gerudos, ils ne lui laisseraient jamais le moindre répit tant qu'elle représenterait un obstacle à leur expansion territoriale. Ils la poursuivraient jusqu'à sa mort. Personne ne la laisserait devenir une petite bergère ne régnant que sur ses moutons et ses abeilles.
Des bruits de course se firent entendre derrière elle. Un jeune homme de quatre ans de plus qu'elle courait pour la rejoindre.
- Princesse... ne sortez jamais... sans... (reprend son souffle)... sans me... prévenir. C'est... dangereux. Ils peuvent être... n'importe où.
Le garçon était vêtu de gros draps de laine bleue et blanche. Il avait les cheveux aussi blonds que la princesse et d'envoûtants yeux rouges.
La jeune fille sourit.
- Pardon de t'avoir fait peur, Sheik. Mais je me sentais si bien, ce matin. J'avais envie de remercier la nature pour ce qu'elle était.
- Elle mérite d'être remerciée. Sa beauté, c'est tout ce qui reste pour réchauffer nos coeurs.
Le garçon parlait comme un poète. D'ailleurs, il était officiellement le précepteur et chaperon de la princesse, spécialement choisi pour sa vaste culture générale, ses manières, son intelligence. On disait même qu'il était un peu magicien. Un jeune homme aussi brillant et aussi raffiné ne pouvait avoir que des bonnes influences sur la jeune fille.
- Pourquoi êtes-vous de si bonne humeur ce matin, princesse, heureuse à vous exposer seule sur la lande ?
- Sheik, depuis le temps que nous nous connaissons, tu pourrais tout de même t'habituer à me tutoyer et m'appeler Zelda. Les amis s'appellent par leur nom.
Le garçon poussa un soupir et pensa : * Ce que tu peux être naïve quand tu veux. Personne n'a d'amis par les temps qui courent, et surtout pas toi.*
- Si je vous appelle par votre prénom, on m'accusera de tentative de séduction et de corruption sur votre personne. Ça peut se payer cher, très cher. Et vous ne pourrez rien y changer. Vous savez bien que vous n'avez jamais le dernier mot avec le général.
Le regard de la princesse se perdit un instant dans le vide. Elle sourit.
- Tu sais quoi, Sheik ? Ça va changer.
Son chaperon la regarda d'un air étonné.
- J'ai fait un rêve cette nuit, et il m'a donné la conviction que tout allait changer, que tout allait rentrer dans l'ordre. Mais surtout, il m'a donné l'envie de me battre pour ce royaume que les Gerudos anéantissent.
- Ça devait être un sacré rêve, alors.
- Dans ce rêve, Hyrule était gris, balayé par les vents et les cendres. Il n'y avait pour seules couleurs des nuances de noir et de gris. Le royaume était envahi par les ténèbres. Puis, une lumière verte est apparue. Elle était si vive, si chaleureuse qu'elle rendait la couleur aux arbres de la forêt. Cette vague de couleur se répandait vite. En quelques instants, toute la nature reprenait vie. C'est à ce moment-là que je vis que les couleurs avançaient au même rythme qu'une personne. Je ne sais pas qui c'était. Je n'arrivais pas à voir son visage, mais elle marchait d'un pas décidé, confiant et chacun de ses pas apportait des couleurs au sol. Elle tenait dans ses mains ce qui était la lumière vive. C'était une émeraude grande comme un poing, et elle brillait, brillait... Et elle brille encore dans mon coeur.
- Il suffit parfois d'un rêve pour changer le monde.
- J'ai décidé d'assumer mes responsabilités pour redonner la lumière à mon peuple. Je veux leur faire partager ce rêve de lumière ardente qui ressuscite tout sur son passage.
- C'est une excellente décision !
Les deux jeunes gens se retournèrent. Le général Impa était arrivée derrière eux sans qu'ils ne s'en rendent compte.
- Mes respects, Général.
- Bonjour Impa, belle journée, non ?
- Ce qui est beau, c'est le discours que tu viens de prononcer, ma chérie. C'était des paroles dignes d'une souveraine.
- Je n'ai pas fait exprès, je ne faisais que raconter mon rêve.
La tutrice de la princesse la regarda avec un sourire énigmatique, puis lui répondit :
- Il faut croire à ses rêves, ma chérie. Ils ne viennent jamais par hasard. C'était peut-être un signe des dieux, qui sait ?
- Les Dieux ?
- Nos oracles ont étudié les signes du ciel. Ils annoncent qu'un miracle va bientôt se produire. Ton rêve est prémonitoire.
- Vraiment ? Mon rêve ?
- Zelda, tu es une princesse de droit divin. C'est normal que les dieux préfèrent te tenir au courant des évènements.
La jeune fille baissa les yeux, rougissante.
- Eh oui, Zelda. Maintenant, j'aimerais que tu retournes te préparer. Nous allons encore lever le camp. Il ne faut pas rester trop longtemps ici. Sheik, reste. Nous devons parler.
La princesse retourna à l'étable délabrée qui lui servait de cachette depuis une semaine d'un pas léger. Sheik la regarda partir en soupirant.
- Elle est si naïve. Vous ne devriez pas lui raconter de pareilles histoires, maître Impa. Si elle doit régner, autant qu'elle le fasse bien.
- Ces histoires sont nécessaires pour qu'elle puisse régner un jour. Ne comprends-tu pas ce que ce rêve peut signifier pour nous ?
- Pour moi, il signifiait qu'elle commençait enfin à prendre ses devoirs au sérieux.
- Elle les prendra au sérieux. Nous allons juste accélérer les choses.
- Mais un rêve ne suffira pas à en faire une reine, maître, vous le savez bien.
- Il faudra l'entretenir. C'était d'ailleurs pour ça que j'étais venue. Tu es nommé pour une mission très spéciale, mon élève. Tu vas partir à la recherche du porteur de l'émeraude du rêve et le ramener à Zelda.
- Quoi ? Mais il n'existe que dans son imagination !
- Et dans la mienne, il a une identité toute trouvée. Il se nomme Link, fils de Philipe, comte d'Hylia. Tu te souviens de cette famille, non ?
Sheik baissa les yeux. Oui, il se souvenait de l'impressionnant Philipe et de son fils. Il les avait vus au palais royal lors du dernier anniversaire du souverain. Le père était un héros de guerre et le fils, le garçon le plus téméraire et casse-cou que Sheik n'avait jamais vu. Il l'avait admiré, à cette époque. Ce Link semblait n'avoir peur de rien, même pas des punitions de son instructeur. Il sourit. Il s'était souvent demandé ce que ce garçon était devenu après le début de la guerre. On le disait mort, mais Sheik était persuadé que le dernier des comtes d'Hylia avait la peau dure. Le chaperon de la princesse confirma les paroles de son maître. Celle-ci continua :
- Les comtes d'Hylia étaient également connus pour la possession d'un très fameux trésor de famille, l'émeraude kokiri...
Le coeur de Sheik fit un bond. L'émeraude kokiri était la plus grosse pierre en son genre. Elle était aussi grosse qu'une pomme, donc, au moins de la taille d'un poing, comme dans le rêve de Zelda. La princesse n'avait jamais vu le joyau. Comment aurait-elle pu en rêver ? Etait-ce vraiment un signe ?
- Je continue, dit Impa en élevant la voix. Hier, nous avons appris qu'il était toujours en vie. Il se cache dans la grande forêt, au milieu des hommes des bois. J'aimerais qu'en un premier temps, tu t'arranges pour le rencontrer "par hasard", me faire une évaluation de ses capacités et dans la mesure du possible, découvrir ce qu'il est advenu de l'émeraude. Si elle a été perdue dans le sac, fais-le-moi savoir le plus vite possible, que j'envoie des espions à sa recherche. S'il est convaincant, amène-le au Ranch Lon-lon, incognito. Nous vous rejoindrons dès que possible.
- Pardonnez-moi cette question, maître, mais qu'attendez-vous de Link ?
- J'espère qu'il pourra correspondre au personnage du rêve de Zelda et qu'il pourra devenir le héros qui rendra l'espoir et la lumière au peuple.
Sheik inclina la tête. Il avait compris où son maître voulait en venir. Il prit congé du général de l'Hyrule libre et partit chercher ses affaires.
Impa leva les yeux vers le ciel rose. Elle souriait.
- L'opération Linki Code verra le jour.
C'était un jour comme un autre dans la forêt. Le peuple des bois vaquait à ses occupations. Certains étaient en quête de fruits, de céréales et de champignons. D'autres étaient postés à la lisière des bois pour surveiller les mouvements dans la plaine. D'autres encore soignaient les quelques réfugiés ayant réussi à atteindre la forêt. Les hommes des bois n'avaient pas encore subi de raids Gerudos, tout au plus une ambassade leur ordonnant soumission et tribut en bois et nourriture. Ils avaient accepté et avaient la paix. Ils n'évaluaient pas encore l'ampleur de la menace. Il leur arrivait encore de faire des fêtes et des festins, allumant de grands feux de camps et chantant jusqu'au lever du soleil. C'était dans ce bel environnement que Link, fils d'Philipe, comte d'Hylia avait passé son adolescence. Il se souvenait encore du château de son enfance disparaître dans les flammes alors que son cheval s'éloignait. Il se souvenait des larmes de sa mère, du visage résigné de son père. Il en avait gardé la leçon que les Hyliens étaient des menteurs et des traîtres. Au bout de sept années, il avait fini par comprendre qu'ils n'avaient pas eu le choix et que toutes les troupes se seraient fait massacrer de toute façon, que ce soit en Hyrule où à Hylia. Il gardait néanmoins de la colère, car le roi et le général Impa s'étaient vraiment moqués de son père. S'ils n'étaient pas morts...
Ce matin-là, il se passa quelque chose d'étrange. Un groupe d'artistes ambulants arriva dans le village. Par ces temps-là où chaque village se repliait sur lui-même, voir des Hyliens voyager sur les routes était une chose des plus insolites. Link déposa son panier de bois à l'entrée de sa cabane et se rendit sur la place du village, où on avait installé les artistes ambulants. Une jeune fille de quinze ans le rejoignit très vite.
- Il paraît qu'ils ont montré leurs talents aux quatre coins du royaume, affirma-t-elle au jeune homme.
La demoiselle en question était la fille du Shaman du village. Elle s'appela Saria et s'apprêtait à suivre les traces de son père. Elle se faisait un point d'honneur à être la personne la mieux informée de la forêt. Ses connaissances ne devaient donc pas se limiter à la connaissance des plantes et des mythes de la région. Elle était également soucieuse de connaître le "monde extérieur". Personne ne savait mieux qu'elle comment évoluait la guerre et à quoi ressemblait le royaume en dehors de la grande forêt. Elle observait donc les nouveaux venus avec le plus grand intérêt et avait la ferme intention d'obtenir un maximum d'informations.
Accessoirement, Saria était la "petite amie" de Link. Dès que le garçon était arrivé au village, la petite fille l'avait pris sous sa protection et avait entrepris de l'initier aux mystères de son "royaume". Les deux enfants avaient passé beaucoup de temps à explorer la forêt et à s'imaginer vivre des aventures extraordinaires. Saria vouait une admiration sans limites à l'exilé, mais lui ne voyait dans leurs escapades qu'un moyen de fuir son triste passé. L'amour que portait la jeune fille au beau blond était à sens unique. Avec le temps, elle s'était résignée à n'être que sa précieuse amie qui veillait sur lui. Comme ce dernier paraissait très intrigué par les nouveaux arrivants, il fallait qu'elle l'aide à en savoir plus. Elle s'arrangea vite pour engager une conversation avec les femmes de la troupe. Link, lui, s'installa sur la terrasse du magasin pour pouvoir observer tout à son aise.
Un bref coup d'oeil lui indiqua que les voyageurs n'étaient pas aussi suicidaires qu'il ne l'avait pensé. Il y avait deux colosses capables de soulever les mules avec leurs seules mains. Un autre était spécialisé dans le lançage de sabres. Les trois femmes de la troupe étaient également très adroites pour manier les projectiles de feu. Ils avaient de quoi dissuader les bandits de grand chemin. Un seul personnage ne semblait pas dangereux. Il s'agissait d'un jeune garçon de son âge, aux cheveux blonds comme le blé et aux yeux rougeoyants. Il était plutôt maigre, pour ne pas dire frêle. A l'avis de Link, il était nettement plus faible que le reste de la troupe, et sans talent particulier. Il restait en retrait, ne parlant pas aux habitants des bois. Le jeune homme en conclut qu'il était l'homme à tout faire et l'eut immédiatement en amitié.
Plus tard dans la soirée, les artistes donnèrent une première représentation. Link constata qu'il ne s'était pas trompé dans ses observations. Les colosses broyaient des rochers, soulevaient des bancs où étaient assises les belles spectatrices. Le lanceur de sabre avait pour partenaire l'adolescent aux yeux rouges. Ses lancers étaient de plus en plus risqués, il visait le front du garçon et celui-ci les stoppait avec de simples pièces de monnaie. Link admira le calme et le sang-froid de ce dernier. Ensuite vint le tour des trois demoiselles. Elles avaient revêtu de fines tenues de soie et dansaient avec grâce autour du feu. Elles allumèrent des torches et se mirent à jongler avec. Tous les hommes de l'assemblée étaient captivés. Alors vint l'apothéose.
Les trois bohémiennes jetèrent leurs voiles dans le feu. Il y eut une explosion et un grand nuage violet. Quand il se dissipa, une personne enveloppée d'un voile noir se tenait au centre du brasier. La foule poussa des cris d'émerveillement. Il s'avança, en silence, fit le tour de l'assemblée en scrutant les spectateurs. Le coeur de Link bondit. A travers le voile, il pouvait apercevoir des yeux aussi rouges que ceux du brasier. Etait-ce le garçon à tout faire ?
- Peuple des bois, écoutez la voix du passé !
Tout le monde sursauta. Le personnage en noir avait subitement crié d'une voix puissante. On aurait dit un coup de tonnerre.
- Je suis le gardien des vieilles légendes, des secrets des grands esprits, de la volonté des Dieux. Peuple de la forêt, écoute ton passé te parler.
Et il agita un cistre, ce qui fit frémir l'assemblée.
- Ce soir, je vous dévoilerai les plus profonds secrets de la plus fascinante des légendes, celle des trois joyaux sacrés.
Il plongea la main dans sa poche et en sortit de la poudre. Il la jeta au feu. Il y eut une petite explosion et de la fumée bleue sortit du brasier.
- Il y a cinq siècles, le roi Léo-Paul Nohansen fonda le royaume d'Hyrule, sous la bénédiction de trois déesses : Favore, déesse de l'espoir, Naryu, déesse du savoir, et Din, déesse de la passion. Pour bénir éternellement le royaume d'Hyrule, les trois déesses firent un magnifique cadeau au roi. Elles lui offrirent trois pierres sacrées, trois pierres majestueuses, les joyaux légendaires.
La foule poussa de nouveaux cris d'exclamation. Trois lumières vives rouge, verte et bleue étaient apparues dans le feu.
- Vous les connaissez sous les noms de rubis Goron, Emeraude Kokiri et saphir Zora. "Tant que les trois pierres seront, Hyrule restera", avaient dit les déesses. Et le roi garda ses pierres précieusement dans un sanctuaire. Mais un jour, une créature maléfique tenta de s'emparer des pierres. Elle tua les prêtres et s'approcha des joyaux. Mais quand elle toucha la pierre de Din, elle se changea en un dragon repoussant. Furieuse, elle détruisit le sanctuaire et incendia la ville. Deux jeunes héros, cependant, parvinrent à stopper la créature. Un jeune homme ramassa la pierre de Favore, celle qui possédait l'espoir, et combattit le dragon, le blessant gravement. Le deuxième héros était la fille du roi. Elle s'empara du don de Naryu, et avec les connaissances que le joyau lui apporta, elle scella le dragon dans une autre dimension. On raconte que si les trois pierres se retrouvent un jour réunies au même endroit, le dragon s'échappera de sa prison pour se venger sur les descendants de ceux qui l'ont vaincu.
Toute la foule était fascinée. Lors du récit, de nombreuses images étaient apparues dans le feu. Les joyaux, le sanctuaire, le dragon, les héros... Une seule personne n'était pas à l'aise, Link. Son père lui avait déjà souvent raconté cette légende, celle du Héros Linki et de la princesse Zéphyr. C'était une légende qui concernait sa famille, qui descendait directement de Linki. Zéphyr avait anobli le valeureux guerrier et en fit le comte d'Hylia. Depuis, la famille gardait la fameuse émeraude Kokiri.
L'homme en noir continua son histoire, décrivant chacun des joyaux. Il expliqua que la princesse avait décidé, par mesure de sécurité, de confier les joyaux à des hommes de confiance. Le rubis Goron alla au peuple de la montagne, le saphir Zora au peuple des cascades et l'émeraude Kokiri à la famille du héros. Alors qu'il terminait son histoire, un grondement se fit entendre. Une colonne de fumée noire s'échappa du feu et prit la forme d'un dragon au long cou. La foule hurla, plus d'excitation que de peur. Ils pensaient que c'était certainement l'apothéose du spectacle. Link fut plus angoissé que jamais et se leva. Le dragon le remarqua et fonça sur lui. Le jeune homme fit un bon de côté pour l'éviter. Le monstre revint à la charge. Link le stoppa de ses mains. La bête tomba en cendre. La victime regarda autour de lui. L'homme en noir et le lanceur de sabres avaient leur épée plantée au milieu du feu.
La foule applaudit, sans vraiment comprendre ce qui s'était passé. Ils devaient tous croire que le jeune homme était de mèche avec les artistes. "Bande d'imbéciles", grogna Link. L'homme en noir s'approcha. "Je suis désolé, la bête devait s'attaquer à un membre de notre équipe". Link ne répondit pas et partit dans les bois. L'homme en noir sourit sous son voile. Le plan s'était déroulé à merveille. Son dragon mécanique avait désigné devant un grand public l'héritier de Linki et ce même héritier allait, de ce pas, le mener au joyau sacré.
Link traversa les étangs qui étaient à l'extrémité du village, s'approcha de la falaise de schiste et se glissa derrière un buisson. Ce dernier dissimulait une faille dans la paroi, que le jeune homme emprunta. Il marcha cinq bonnes minutes dans un long défilé accidenté. Sa progression était encore plus difficile à cause de l'obscurité. Il n'avait pas l'habitude de s'aventurer dans cet endroit, mais cette fois-ci, il y avait une urgence. Le descendant de Linki n'appréciait absolument pas le spectacle de la soirée. Il avait l'impression que les artistes étaient venus spécialement pour lui rappeler tous ces affreux souvenirs. La légende de Linki, l'émeraude, le dragon qui s'était attaqué à lui... Il était persuadé qu'on l'avait retrouvé. Ces voyageurs étaient certainement des espions Gerudos lancés à sa recherche. Il devait quitter la forêt avant la fin de la nuit, profiter de la fête et que personne ne le remarque.
Il arriva dans une grande clairière, où se trouvait un arbre majestueux. Les rayons de la lune en dessinaient les formes et révélaient les anomalies du tronc, lui donnant un visage anthropomorphe. Cet arbre avait une certaine importance pour le peuple des bois. Apparemment, il était là depuis près de huit siècles. Autrement dit, il était beaucoup plus vieux que le royaume d'Hyrule. Les vieilles croyances disaient que l'esprit de la forêt résidait en lui, et ces croyances étaient renforcées par l'étrange morphologie de l'arbre.
Par réflexe, Link commença par s'agenouiller et saluer l'arbre. Le peuple des bois estimait que cet arbre était leur protecteur et leur permettait de vivre en paix. Le jeune homme avait vécu beaucoup de désillusions, mais il avait encore assez de respect pour les esprits ancestraux. Ensuite, il s'approcha de l'arbre et plongea sa main entre deux racines de l'arbre. Il en ressortit un sac de toile. Il l'ouvrit. Une lumière verte vint illuminer son village. L'émeraude Kokiri était toujours là. Il referma le sac et le plaça dans sa chemise. Il se prosterna devant l'arbre.
- Arbre Mojo... je dois vous quitter. Il semble que mes ennemis m'aient retrouvé. Je ne veux pas apporter le malheur aux gens qui m'ont accueilli lorsque je fuyais mon pays. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi. J'ai été très heureux ici. Veillez sur moi dans mon exil.
A cet instant, une étrange voix lui répondit.
"Link... tu ne fuiras plus".
Link sursauta. La voix était grave, très grave, elle résonnait dans la clairière, mais semblait venir de l'arbre Mojo.
"Relève-toi, héritier de Linki. Tu vaux plus que ce que tu es devenu."
Link regarda autour de lui. Il n'y avait personne, mais une étrange brume avait envahi la clairière. Et la voix venait vraiment de la "bouche" de l'arbre. Etait-ce vraiment l'arbre Mojo qui lui parlait ?
"Je suis l'arbre Mojo, ancien esprit de la forêt. Je t'observe depuis ton arrivée sur mon domaine. Tu n'étais qu'un simple fuyard qui voulait échapper à la guerre. Tu étais traumatisé par la destruction de la terre qui t'avait vu grandir et tu voulais tout oublier. Mais mes bois ne peuvent pas te cacher éternellement."
- Je comprends, vénérable arbre Mojo, c'est pourquoi je vous dis adieu.
"Non, Link, tu ne comprends pas. Je ne veux pas que tu ailles te trouver une autre cachette. Je veux que tu accomplisses ton destin. Je veux que tu te battes, que tu venges tes parents, que tu sauves le royaume que j'ai vu naître."
- Vous voulez que...
"J'ai vu et entendu mes enfants souffrir, car ils sont tous nés de mes entrailles. Cette émeraude que tu tiens dans tes mains, elle a été créée dans mes racines. J'ai veillé, avec de nombreux esprits, sur ce peuple béni et je souffre de le voir souffrir et de nous maudire pour notre absence. Je veux les aider en leur envoyant un sauveur. Veux-tu être ce sauveur ?"
- Arbre Mojo... mais que puis-je faire seul ?
"Pars maintenant avec les Hyliens, ils te conduiront à la princesse d'Hyrule. Elle te donnera le soutien dont tu as besoin. Eveille les Hyliens comme je t'ai éveillé. Rappelle-leur qu'ils sont nés sur ces terres, que leurs parents, grands-parents y sont nés aussi et qu'aujourd'hui, on les dépossède de leur héritage. Ils doivent se battre. Ils doivent chasser l'envahisseur et retrouver leur place."
- Oui, Arbre Mojo, mais... moi, que puis-je faire ? Je suis... j'ai peur. Je ne sais pas me battre, je n'ai aucune force.
"Tu as appris dans ton passé. Tu réapprendras. Sois le digne fils de Philippe d'Hylia. Fais honneur à ta famille, à tes ancêtres..."
La voix s'éteignit doucement. Link resta prosterné quelques minutes, puis se releva. La lumière était redevenue normale. L'arbre était redevenu un simple tronc. Tout était silencieux.
Le jeune homme sentit des larmes couler sur ses joues. Il pensait à son père, qui était resté au château d'Hylia jusqu'à la fin, et qui avait dû être exécuté depuis très longtemps. Là où il était, le comte devait avoir honte de son fils.
Le jeune garçon quitta la clairière et retourna à sa cabane. L'arbre avait raison, il devait se comporter en digne descendant de Linki.
Quelques minutes après le départ du garçon, quelque chose bougea dans la clairière. Une ombre descendit de l'arbre Mojo. "Je n'avais pas souvenir qu'il était aussi crédule. Enfin, c'est tout de même fou ce qu'on peut faire avec des croyances locales, des bombes fumigènes et un bon talent de ventriloque."
La silhouette enleva son voile noir. Sheik secoua la tête et respira l'herbe fraîche. Il fit un signe de la main à l'arbre plusieurs fois centenaire et prit le chemin du défilé. "Désolé pour le cirque, monsieur l'arbre, mais aux grands maux, les grands remèdes. Ne t'inquiète pas pour Link. J'en prendrai le plus grand soin."
Le lendemain matin, Link alla voir les saltimbanques. Il leur expliqua qu'il devait quitter la forêt et qu'il souhaitait faire un bout de chemin avec eux. Les voyageurs furent étonnés de cette requête, mais après une concertation d'un quart d'heure, ils autorisèrent le garçon à les accompagner. Link partit donc préparer ses affaires.
Une surprise l'attendait dans sa cabane. La fille du Shaman était assise sur son lit. Elle avait le regard dans le vide et des larmes coulaient sur son visage.
- Saria...
- Je savais depuis le début... que tu nous quitterais.
- Faut-il que je reste ?
- Je sais que le monde est vaste, qu'il est plein de périls comme de merveilles. Je sais aussi qu'il y a des centaines de filles plus belles que moi.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ?
- Durant ces six années, nous avons joué aux amoureux. J'ai apprécié chaque seconde que nous avons passée ensemble. Mais je ne me fais pas d'illusions. Tu n'as pas pensé à moi une seule seconde quand tu as décidé de partir et je suis sûre que tu n'avais pas l'intention de me dire au revoir. Tu ne m'aimeras jamais comme je t'ai aimé. Alors... promets-moi que nous resterons amis et que tu resteras en vie. J'espère que nous nous reverrons un jour.
- Pourquoi tu dis ça ? Je ne vais pas mourir dès que je quitterai la forêt.
- Il y a une légende à propos de notre peuple... Tout Kokiri (c'est ainsi que le peuple des bois s'appelle) qui quitte la forêt n'y reviendra jamais. Je ne pense pas qu'ils meurent, mais le vaste monde qui s'étend devant eux doit les transformer à tout jamais. Je suis sûre qu'ils oublient les bois, tellement ils sont émerveillés par ce qui se passe en Hyrule, dans les montagnes, en Hylia...
- Saria... je te promets que je reviendrai la tête haute, après avoir rétabli l'honneur de ma famille. Mais je ne peux pas rester ici. Il y a des choses que je dois faire.
L'adolescente sourit. Elle se leva et sortit de sa sacoche un petit ocarina taillé dans du bois de chêne.
- Prends-le. Il te rappellera la forêt et la promesse que tu viens de me faire. Mais tu sais... tu as le droit de tomber amoureux d'une autre fille. Tu es un garçon exceptionnel et ce serait du gâchis de ne pas en rendre au moins une heureuse.
- Tu exagères, Saria. Je n'ai aucun succès auprès des filles.
- Tu n'es peut-être pas au goût des Kokiris, mais je suis sûre qu'elles seront toutes folles de toi à l'extérieur.
- On verra ça.
Le jeune homme mit l'ocarina de son amie dans son sac, puis saisit quelques provisions, son arc, ses flèches et une épée enveloppée dans un vieux tissu. Il considéra cette dernière. Saria s'approcha de lui.
- C'est une épée de famille ?
- C'est une épée qui se transmet de génération en génération. C'est la première arme que chaque comte d'Hylia apprend à manier. Il la garde jusqu'à ce qu'il ait prouvé qu'il est un homme. Je l'ai reçue à huit ans, comme mon père. A quinze ans, il a obtenu le droit de se choisir une autre épée. Je suis en retard de trois ans par rapport à lui.
- Qu'est-ce que tu vas faire pour prouver que tu es un homme ?
- Je ne suis pas encore sûr, mais je te promets que ma prochaine épée sera celle de Linki.
- Celle du héros qui a vaincu le dragon ?
- C'est cela.
- Je ne suis pas rassurée... Pourquoi as-tu subitement décidé de te battre ? C'est à cause du spectacle d'hier ?
- Plus ou moins.
- J'ai un mauvais pressentiment. Ces artistes ambulants... c'est comme s'ils étaient venus te chercher. Il y a quelque chose d'étrange chez eux.
- Ils sont venus me chercher... enfin, c'est plus qu'un simple hasard. Les dieux arrangent bien les choses.
- Je suis vraiment inquiète pour toi, tu sais... Promets-moi de revenir entier.
Elle se jeta dans ses bras et pleura quelques minutes. Puis Link se dégagea, ramassa ses affaires et sortit.
Les gens du voyage l'attendaient près de la sortie du village. Link fit ses adieux à quelques personnes, puis monta dans une des roulottes. Il tremblait un peu. Il quittait un lieu rassurant pour se jeter dans l'inconnu, et de nombreuses responsabilités pesaient sur lui. L'esprit de la forêt voulait qu'il devienne un héros, qu'il chasse les ennemis d'Hyrule. Durant quelques heures, cela lui avait un peu monté à la tête, mais il se sentait un peu perdu, à présent. Il eut subitement envie de se retourner pour voir ses amis, mais une voix l'interpella.
- Si tu te retournes, tu ne voudras plus partir.
Link réalisa enfin que la roulotte abritait une autre personne. Le garçon aux yeux rouges était à l'autre bout de la tente, et il était occupé à assembler des morceaux de tissus sur des tiges de métal.
- Je ne sais pas pourquoi tu veux quitter ton joli village, mais si c'est pour changer de vie, tu ne dois pas regarder en arrière.
Link resta silencieux quelques secondes, fixant le bric-à-brac de la roulotte. Le garçon aux yeux rouges eut un sourire.
- Si tu veux tout savoir, un garçon de ton âge est en train de consoler la jeune fille qui était avec toi hier.
Ce fut au tour de Link de sourire.
- Maintenant que je ne suis plus là, Mido va avoir Saria pour lui tout seul.
- Et ça t'énerve ?
- Ce n'est pas ma petite amie et elle n'est pas intéressée par Mido.
- Alors, qu'est-ce qui t'inquiète ?
Le jeune homme réfléchit quelques secondes. Il était angoissé, mais son orgueil lui interdisait de montrer ses faiblesses.
- Je me demande si ma sortie a été correcte.
- Ça dépend de ce que tu espérais.
Le garçon aux yeux rouges abandonna son travail et vint s'installer auprès du nouveau.
- Avec mon expérience du spectacle, je peux te dire que tu leur as donné l'impression de quelqu'un de très déterminé. Mais si tu te retournes pour les regarder, ça va tout gâcher, car tu leur montrerais que tu n'es pas si sûr de toi.
Le fils du comte d'Hylia eut un rire nerveux.
- Je ne suis pas sûr de moi du tout. J'ai un devoir sacré à accomplir, mais je ne sais pas par quoi commencer. Je ne sais même pas de quoi je suis capable.
- Quel genre de devoir sacré ?
- Restaurer l'honneur de ma famille, punir leurs assassins, des choses comme ça... Mais cela fait des années que je ne me suis plus battu et l'ennemi est très fort.
- Qui es-tu vraiment, pour avoir un honneur de famille à défendre ?
Link se renferma. Ce n'était pas le genre de chose à dire à un inconnu. En tant que fils du comte d'Hylia, il allait avoir pas mal d'ennemis dans les terres qu'il allait parcourir. Le garçon aux yeux rouges le sentit. Pour le mettre en confiance, le magicien décida de commencer les présentations.
- Je m'appelle Sheik.
Les deux premiers jours de voyage se passèrent tranquillement. Link n'eut aucun mal à gagner l'amitié de ses hôtes. Par un étrange hasard, la troupe était constituée d'anciens soldats et Sheikahs qui s'étaient retrouvés sans chef et sans domicile à la chute du roi. Tous avaient erré quelques temps avant de se rencontrer. Ils avaient alors décidé d'exploiter leurs talents en tant qu'artistes, ce qui était beaucoup plus lucratif que leurs anciens postes. Link ne leur révéla pas toute son identité. Il leur expliqua qu'il avait été au service de Philippe d'Hylia et que par un certain concours de circonstance, il s'était trouvé dans la grande forêt à la mort de son seigneur et qu'il s'y était retrouvé coincé.
Sa vie ressemblant assez fort à celle de ses compagnons, il fut vite adopté. Les hommes se mirent à l'entraîner au maniement des armes et Sheik l'initia à l'art du spectacle. Le jeune exilé était plutôt doué et apprenait très vite. Toutes les leçons que son père lui avait données revenaient dans sa mémoire. Il avait l'art du combat dans la peau. Au début du troisième jour, Link parvint à désarmer le lanceur de sabres, sous les yeux ébahis de tout le monde.
Sheik observait les progrès de son protégé avec la plus grande attention. Le futur héros avait beaucoup de talent. Il avait aussi un charisme étonnant. Il pourrait facilement susciter l'admiration du peuple et le rallier à sa cause. Toutefois, Sheik notait un sérieux problème. L'héritier de Linki était très fier, pour ne pas dire orgueilleux. Ses rapides progrès lui montaient à la tête. Sheik estimait que le "héros" aurait vite tendance à se surestimer et à se jeter dans le premier piège venu. De plus, cette fierté le rendait très manipulable. Le Sheikah en avait déjà fait l'expérience. Rien qu'en lui disant "Je t'ai choisi pour être un héros", il lui avait donné envie d'affronter tous les Gerudos de la terre entière. Donc, du moment qu'on le brosse dans le sens du poil, on pourrait lui faire entreprendre n'importe quoi.
Les inquiétudes de Sheik triplèrent vers le midi du troisième jour. Une troupe de guerrières Gerudos croisa leur convoi. Le magicien craignit que son "héros" ne déclenche une bagarre.
Les guerrières ordonnèrent aux voyageurs de s'arrêter. Elles voulaient savoir ce que ces voyageurs faisaient sur les routes et ce qu'ils transportaient. La chef du groupe, Carmen, répondit calmement ce qu'elle était habituée à dire à chaque contrôle. Mais cette fois-ci, les guerrières n'avaient pas envie de les laisser passer. Les cavalières regardaient les hommes de la troupe avec le plus grand intérêt.
"Serait-ce déjà la saison ?" se demanda le Sheikah, de plus en plus nerveux. Link lui demanda ce qui se passait. Il n'était pas vraiment informé sur la société Gerudo. Au moment de l'invasion du comté d'Hylia, il n'était encore qu'un petit garçon. A voix basse, le magicien tenta de lui expliquer la situation.
Car il fallait savoir que la société Gerudo avait de très curieuses coutumes. Leur système était profondément matriarcal. Par un étrange phénomène génétique, les femmes ne donnaient naissance qu'à des filles. Lorsqu'un homme naissait, et cela n'arrivait que trois ou quatre fois par siècle, il deviendrait le chef de toute la communauté, le seul homme sur lequel les femmes n'avaient aucune autorité. Bien sûr, il y avait des hommes dans le désert, mais en général, ils étaient des pièces rapportées, des "invités" que les femmes Gerudos sélectionnaient avec soin pour leurs talents. Ils devenaient donc les "époux" des guerrières et effectuaient les tâches de tous les jours : artisanat, ingénierie, médecine, agriculture ainsi que leur rôle naturel. Ils étaient plutôt bien traités, mais ne pouvaient bouger ou prendre la moindre décision sans l'accord de leur épouse. Pour diverses raisons, la plupart des "invités" ne supportaient pas le climat torride des cités de Gerudoya. La durée de vie moyenne d'un "invité" une fois là-bas n'excédait pas 8 ans.
Donc, comme la société Gerudo avait besoin de ces "invités", il fallait en recruter régulièrement. Une fois par an, vers la fin de l'hiver, les guerrières quittaient leur royaume pour aller à la pêche en Hyrule. Et depuis que leur royaume s'était étendu, la coutume de la pêche avait, elle-aussi, prit de l'ampleur.
Sheik avait complètement oublié ce détail. Et à présent, la petite troupe était encerclée par une quinzaine de séduisantes mais farouches guerrières qui ne les laisseraient pas partir, car tous les mâles de la troupe avaient l'air à leur goût.
La capitaine des Gerudos demanda à la gitane :
- Y a-t-il dans cette troupe des hommes qui t'appartiennent ?
Le coeur de Sheik battit encore plus vite. C'était effectivement la saison de la pêche. Devant le regard interrogateur de Link, il essaya de lui traduire la phrase. "Es-tu mariée à un des hommes de la troupe ? Nous ne toucherons pas aux maris".
Link eut un sourire nerveux. Au moins, les femmes du désert respectaient le mariage. Mais cela voulait dire qu'il ne serait pas épargné.
La chef des saltimbanques répondit :
- Je ne suis pas mariée, mais les deux jeunes blonds appartiennent à mes soeurs.
Les deux autres danseuses confirmèrent ses dires. Six guerrières Gerudos poussèrent des soupirs de déception. Sheik et Link, eux, n'en croyaient pas leurs oreilles.
- Sheik, depuis quand...
- Shhht !
Le garçon aux yeux rouges lui fit signe de se taire et de se laisser faire.
L'ambiance changea radicalement. Les Gerudos rangèrent leurs armes et se firent toutes souriantes. La capitaine prit une voix enjouée et sympathique.
- Auriez-vous des objections à ce que vos spectacles se déroulent au Bourg d'Hyrule ? Il va bientôt y avoir une fête pour les 6 ans d'unification de nos royaumes. Vous y serez tous plus que bienvenus.
- Nous avons des engagements auparavant. Mais je crois que certains de nos hommes se feront un plaisir de venir à l'avance pour préparer le terrain.
- A la bonne heure.
Et la troupe de guerrières partit en escortant la roulotte du lanceur de sabres et des deux colosses. Les cinq autres personnes se retrouvèrent seules au milieu de la plaine.
Link s'empressa de leur demander ce que tout cela voulait dire. Carmen lui répondit :
- Elles voulaient des hommes et si nous résistions, elles vous auraient embarqué de force, en nous tuant si nécessaire. De cette façon, personne n'est blessé.
- Mais vous leur avez donné vos compagnons en esclavage !
- Esclavage est un bien grand mot. Les deux premières années, les "époux" n'ont pas trop à se plaindre. Et je fais confiance à mes compagnons pour s'échapper une fois au bourg. Ils ont été de très bons soldats et je suis certaine qu'ils sauront s'occuper comme il faut de leur "épouse". Toi, en revanche, je ne sais pas si tu peux en faire autant. C'est pour ça que nous vous avons sauvés.
Le jeune homme serra son épée. Il venait d'être profondément blessé dans son amour propre. Sheik s'approcha de lui, sentant venir le danger.
- Link, la capitaine des Gerudos était Nabooru. Elle n'a que 22 ans, mais c'est le général des armées de Ganondorf. Comprends-tu ce que cela signifie ?
- Tu n'es pas encore prêt à affronter un tel adversaire, petit, continua Carmen. Tu n'aurais même pas été tué. Elle t'aurait juste suffisamment abîmé pour te donner comme page à son roi.
Une des autres danseuses ajouta :
- Et les rescapés de Gerudoya disent des choses pas très nettes sur Ganondorf. Si tu tiens à finir en sandwich pour le roi, attends au moins d'obtenir le poison pour le tuer.
Cette réflexion-ci eut le mérite de calmer Link. Oui, s'il devait un jour croiser la route de Ganondorf, ce serait le jour où il le tuerait. Il devait se préparer pour ce jour. S'il avait suivi Nabooru aujourd'hui, il n'aurait probablement pas réussi son entreprise.
Il s'excusa pour s'être emporté et la petite troupe reprit son chemin vers leur prochaine étape, le ranch Lon-Lon.
Deux jours après l'incident, les cinq voyageurs atteignirent une colline aux bords escarpés. On pouvait voir d'énormes murs de pierre au bord des falaises. Ce relief isolé au beau milieu de la plaine était un endroit stratégique, qui avait été une forteresse quelques siècles plutôt. Mais le temps passant, le lieu avait perdu sa fonction militaire. Les tours de guet s'étaient effondrées et les soldats avaient déserté la place. Une famille de fermiers avait repris l'édifice à l'invasion d'Hyrule et en avait fait un grand ranch. Les Gerudos les avaient laissés faire, car elles avaient besoin de chevaux. Ce lieu était donc une des rares agglomérations à ne pas craindre le passage des guerrières et de nombreuses personnes étaient venues y chercher refuge. C'était l'endroit idéal pour se produire en spectacle, mais cela ne semblait pas au programme de Carmen. Elle venait au ranch Lonlon pour régler quelques affaires et prendre des renseignements sur l'état du royaume. Dès que la roulotte arriva dans la cour, Carmen sauta à terre et partit à la recherche de la gérante. Ses deux soeurs se chargèrent de la roulotte. Link et Sheik se retrouvaient donc seuls et décidèrent d'explorer les lieux.
Link était déjà venu une fois au Ranch, lorsque c'était encore une forteresse. Le lieu avait beaucoup changé. Plusieurs bâtiments en pierre avaient été rasés pour faire de la place. Les murailles étaient plus basses et de nombreuses cabanes de bois y étaient accolées.
Et surtout, toute la colline sentait le cheval. Il y avait des écuries et des box dans tous les coins, plus deux espaces de manège.
Sheik annonça :
- Les propriétaires du ranch ont une fille de notre âge. Elle s'appelle Malon et elle est très gentille. Si on va la voir, je suis sûr qu'on pourra négocier des cours d'équitation gratuits.
Link sourit. Il avait bien appris à monter à cheval lorsqu'il vivait à Hylia, mais depuis son exil, il n'avait plus vu un seul canasson. L'idée de renouer avec ce sport lui plaisait. Il accepta. Les deux jeunes gens se mirent donc à la recherche de la fameuse Malon. On leur indiqua une étable proche de la seule tour de guet encore debout.
L'étable en question était plutôt remplie. Il y avait huit boxes aménagés, et trois palefreniers étaient occupés à les nettoyer. Il y avait également quatre filles en train de faire la toilette de deux superbes mustangs. Sheik s'arrêta. Link en conclut qu'il ne s'attendait pas à trouver autant de monde auprès de la dresseuse de chevaux. Il en déduisit aussi que le garçon aux yeux rouges devait apprécier les tête-à-tête avec la jeune fille et qu'ils devaient avoir un certain niveau d'intimité.
Une jeune fille rousse remarqua les deux nouveaux venus. Elle avait effectivement l'air d'avoir 17-18 ans et avait une magnifique chevelure rousse. Elle reconnut tout de suite Sheik. Elle abandonna ses affaires pour aller se jeter dans ses bras.
- Mon mystérieux magicien est enfin de retour. J'étais vraiment inquiète pour toi, tu sais ? Il paraît que les Gerudos sont en pleine période de chasse.
- Oui, c'est vrai.
- On devrait se marier, Sheik. Au moins, aucune Gerudo n'essayera de te kidnapper.
Link était définitivement convaincu que Sheik avait une liaison avec la demoiselle. Il jeta un coup d'oeil dans l'écurie. Les autres filles regardaient les tourtereaux d'un air amusé.
Il réalisa alors qu'une des filles le regardait avec insistance. Elle détourna le regard presque immédiatement, mais cela avait été suffisant pour que le jeune homme réalise qu'il l'avait déjà vue auparavant. Mais où ? Etait-elle une ancienne écuyère du château d'Hylia ?
L'intéressée partit au fond de l'écurie et disparut par une petite porte. Mu par la curiosité, Link la suivit. La jeune fille devait avoir une quinzaine d'années, de longs cheveux blonds coiffés en deux nattes et un visage fin. Lorsqu'il devait l'avoir vue pour la dernière fois, cela devait être encore une enfant.
Il la rattrapa dans la cour. La demoiselle était à présent paniquée. Link s'efforça de la rassurer.
- Excuse-moi d'être si brusque, mais j'ai l'impression que nous nous sommes déjà rencontrés. Il faut que j'en aie le coeur net.
L'adolescente fut tout de suite plus calme.
- Oui, je vous ai déjà vu plusieurs fois, mais la dernière ne compte pas, car c'était en rêve.
- En rêve ?
- Avant toute chose, je voudrais m'assurer d'une chose... Avez-vous déjà entendu parler d'une émeraude aussi grosse qu'une pomme ?
Le guerrier eut un mouvement de panique. Comment cette blondinette osait-elle faire allusion à l'émeraude Kokiri ? Etait-elle au courant des légendes sur les contes d'Hylia ? Voyait-elle en lui le fils de Philippe ?
Elle eut un grand sourire. Link comprit que ses yeux avaient donné la réponse qu'elle espérait.
- Dans un rêve prémonitoire, j'ai rêvé de vous. Vous étiez en possession de cette émeraude et vous rameniez la lumière partout où vous passiez.
- Tu es voyante ?
- Je suis...
Mais elle se tut. On lui avait donné des consignes très claires durant son séjour au ranch. Elle ne devait révéler son identité sous aucun prétexte, question de vie ou de mort. Les murs avaient des oreilles, ici. Mais s'il s'agissait bien DU Héros...
Elle le saisit par la main.
- J'ai beaucoup de choses à vous dire, mais pas ici. Suivez-moi sans poser de questions. Surtout, ayez l'air naturel.
Elle désigna deux seaux abandonnés contre un mur. Ils allaient faire semblant d'aller chercher de l'avoine.
Ils pénétrèrent dans le grand édifice de pierre et se dirigèrent vers l'entrepôt. Ils arrivèrent dans une grande salle remplie de sacs, de paille et de caisses. La blonde indiqua une caisse ouverte, remplie de grain. Elle lui dit de remplir les seaux à ras-bord. Cela n'était qu'une diversion. En réalité, la jeune fille attendait que la salle soit entièrement vide. Dès que cela fut le cas, elle ordonna au garçon de pousser la caisse. Un escalier apparut.
Link était de plus en plus perdu. Cette fille connaissait les passages secrets d'une des plus importantes forteresses du royaume. Il la suivit dans le couloir. Des torches étaient allumées et révélaient un couloir assez propre. Ces passages secrets étaient donc encore actifs. La blondinette s'arrêta devant une porte, qu'elle poussa. Ils étaient dans une petite pièce qui devait faire office de chambre.
- Voilà, plus personne ne nous dérangera.
- Qu'est-ce que c'est que tout ce cirque ? Qui es-tu ?
La jeune fille sortit une bague de sous son lit. Le sceau de la famille royale y était marqué.
- Je suis Zelda, la vraie reine d'Hyrule.
Tout devint clair dans l'esprit de Link. Les souvenirs revinrent en masse. Il l'avait effectivement vue très souvent au palais d'Hyrule, où il se rendait trois à quatre fois par an. Bien évidemment, c'était encore une petite fille, qu'il ne voyait qu'aux banquets. Leurs occupations à la cour étaient bien trop différentes. Alors qu'il jouait à la guerre avec les autres jeunes garçons, la petite princesse devait jouer à la dînette avec ses demoiselles de compagnie. Cependant, il avait souvent noté au cours de ces jeux une petite silhouette blonde qui les épiait depuis une porte.
Link reconnut la jeune fille sur-le-champ et fut très étonné de la retrouver déguisée en écuyère. Elle lui expliqua que c'était sa couverture du moment. Ses protecteurs avaient l'habitude de la changer de cachette toutes les deux semaines. "Une bonne ruse" pensa Link. Il ne nota pas l'étrange coïncidence qu'elle se trouve au ranch Lonlon en même temps que lui, ni que Sheik l'avait directement amené à elle.
Pendant que Link révélait sa propre identité à Zelda, un autre groupe se réunissait dans une pièce adjacente. Ils avaient écouté la discussion des jeunes gens avec le plus grand intérêt.
- Général Impa, votre mise en scène semble se dérouler à merveille. Nos deux héros prennent leur sainte mission très à coeur.
- Ne vous réjouissez pas trop vite, Rauru. Le plus dur est encore à venir. Maintenant, notre guerrier va devoir convaincre les différentes peuplades du royaume de reprendre les armes. Et là où il ira, il y aura des postes Gerudos. Cela va devenir très dangereux.
- Surtout... continua Sheik, qu'il risque fort de chercher la confrontation avec les Gerudos. Il est du genre orgueilleux. De plus, je ne peux pas m'arrêter de penser qu'il a gobé mes histoires un peu trop facilement...
- C'est pourquoi tu vas continuer de l'accompagner. Nous comptons sur toi pour le surveiller et le garder dans le droit chemin. Il ne faudrait pas qu'il subisse de mauvaises influences.
- Bien reçu, répondit le jeune homme.
Mais dans ça tête, il se demandait ce que la vieille Sheikah entendait par "mauvaises influences".
Lorsque Link et Zelda ressortirent dans la basse-cour, ils tombèrent immédiatement sur Sheik. Zelda n'était pas au courant que sa tutrice Impa avait envoyé son chaperon à la recherche du héros et par conséquent, ne savait pas que le Sheikah n'avait pas dit à Link qu'il avait escorté la princesse pendant deux ans. Si, par un échange malheureux de propos, Link comprenait qu'on lui avait menti sur ce point, il commencerait à se méfier. Sheik était soucieux de garder la confiance des deux jeunes gens, alors il décida de leur avouer la "vérité".
Il s'arrêta net devant eux.
- Ze... Votre altesse ?
- Vous vous connaissez ? s'étonna Link.
Sheik fit son air mystérieux.
- Je ne pense pas que ce soit l'endroit idéal pour parler. Trouvons un endroit désert.
Et en quelques minutes, ils étaient de retour dans la chambre de Zelda.
- Sheik, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
- Link, je ne t'ai pas dit la vérité lorsque nous nous sommes rencontrés.
Zelda regardait les deux hommes d'un air inquiet. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Comment se faisait-il que son vieil ami soit arrivé au Ranch avec le dernier des comtes d'Hylia ?
- Je n'ai jamais déserté mon poste. J'ai toujours été aux ordres du général Impa, chef des armées de l'Hyrule libre et accessoirement, je suis aussi un très vieil ami de Zelda.
Link le regarda d'un air étonné. Pas une seule seconde, il n'éprouva de la colère à l'idée d'avoir été trompé.
- Il y a deux mois, il y a eu d'étranges signes prophétiques. La princesse Zelda a eu un rêve prémonitoire et les oracles ont reçu un message des dieux. Voici ce que dit le message :
Le héros est prêt
A protéger notre patrie
Et chasser ses ennemis.
Il est désigné par l'esprit de la forêt,
Traverse tout le pays,
Sous le nez de ses ennemis.
La princesse héritière lui accordera sa confiance.
Les dieux lui donneront toute chance.
La province des cascades il rejoindra.
La province des montagnes il ralliera.
A tous il apporte l'espoir.
Le matin succède au soir.
Pièges et trahisons l'attendent.
Pour lui, long sera le temps.
Mais si la vie est cruelle,
La mort le rendra immortel.
A sa gloire, on assistera.
Dans l'histoire, il entrera.
Tout cela annonçait la venue d'un élu, quelqu'un qui bouleverserait le cours de la guerre. Le général m'a alors envoyé avec une troupe d'agents secrets à la recherche de ce héros. N'ayant aucune information à son sujet, nous avons erré pendant deux mois à sa recherche. Je devais faire un rapport aujourd'hui au général. Mais je n'ai toujours pas trouvé ce héros. Alors... si tu t'entends bien avec Zelda, je te la confie. Moi, je dois y retourner.
- Sheik... voulut dire Zelda.
- Je vous promets que je trouverai le garçon de votre rêve, princesse. Au revoir.
- Tu l'as trouvé, Sheik. Link est le héros de mon rêve.
Le garçon aux yeux rouges feignit la surprise.
- Moi non plus, je ne t'ai pas tout dit car je voulais voyager incognito. En vérité, je suis Link, comte d'Hylia, fils de Philippe et descendant de Linki. Je suis en possession de l'émeraude Kokiri que Zelda a vue dans son rêve. Et la nuit où ton fameux dragon mécanique m'a attaqué, le vénérable arbre Mojo, esprit protecteur de la forêt, m'a demandé de sauver le royaume d'Hyrule.
Sheik continua de faire semblant de ne pas les croire. Il laissa les deux autres trouver des arguments pour le convaincre. Il finit par accepter Link comme l'élu.
Il fut ensuite temps de passer à l'étape suivante.
- D'accord, tu peux sauver Hyrule, mais j'aimerais que tu m'expliques comment.
Link fut tout de suite moins enthousiaste.
- Je n'en ai pas la moindre idée. J'imagine qu'il faut que je tue le roi Ganondorf et que je chasse ses guerrières hors d'Hyrule.
- Tuer Ganondorf, c'est réaliste. La seule difficulté sera de l'approcher avec des armes. Mais rien ne nous dit que ses sbires quitteront le royaume. Tu te souviens de Nabooru, non ? Elle a certainement autant de pouvoir que son père. Gérudoya se rangera derrière elle. Et je suis prêt à parier que la première chose qu'elle fera en tant que reine sera de se venger de toi. Et je te rappelle que l'Hyrule libre n'a plus d'armée pour lutter contre Gérudoya.
- Hyrule est encore peuplé. J'irai dans chaque province, chaque ville pour former cette armée.
- Tu t'imagines vraiment que ce sera aussi facile ? Et si les Gerudos t'attrapent quand tu es sans défense ?
- J'improviserai, mais je réussirai.
- Ta naïveté me rend malade.
En effet, Sheik se sentait de plus en plus mal à l'aise. Il y avait ce jeune garçon naïf qui était persuadé que les dieux le protégeaient, maintenant qu'il avait entendu la "prophétie" qui, en réalité, était une pure invention du général Impa. Il y avait cette Nabooru et son père sur lesquels on lui avait raconté des choses effroyables. Et ensuite, il y avait la prophétie : qu'est-ce que le Général avait voulu dire par "Pièges et trahisons l'attendent" ?
Deux heures plus tard, Sheik présenta Link au général Impa et au régent Rauru. Cela ne dura pas longtemps, car il était évident, dès les premières secondes, que Link ne faisait pas confiance aux deux adultes. Contrairement à ce que les Sheikahs avaient espéré, le fils de Philippe n'avait pas oublié ce qui s'était passé 7 ans auparavant.
Link refusait d'appliquer la stratégie d'Impa, consistant à attaquer les patrouilles de Gerudos en embuscades et de diminuer leur nombre progressivement. Il préférait commencer par aller rendre visite aux dirigeants des différents clans afin de s'assurer de la situation et des dispositions de chacun. Impa lui répondit qu'il perdrait beaucoup de temps et qu'il ne ferait que provoquer ses ennemis, mais le jeune homme ne voulut rien entendre. Il finit par répondre à la vieille femme que ses conseils ne valaient pas grand-chose, vu les résultats désastreux accumulés au cours des années de guerre. Il sortit de la salle en signalant qu'il partirait seul faire un tour du royaume. La seule chose qu'il demandait des troupes rebelles serait de lui fournir l'équipement nécessaire.
Lorsqu'Impa et Rauru furent seuls, le vieux général brisa son verre de rage.
- Sale petit rat arrogant. Il est encore plus insupportable que son père. Philippe, au moins, faisait semblant de tenir compte de l'avis des autres.
- Il a marqué un point, la sermona Rauru. Nous ne sommes pas très bien placés pour lui parler de stratégies militaires gagnantes.
- Lui, il n'a jamais dirigé aucune troupe. Il n'est rien, il n'a rien !
- Il a quelque chose...
- Quoi donc ?
- Du charisme, et il apporte un souffle nouveau. Entre les vieux serviteurs du roi qui ont subi de cuisantes défaites et le fils de l'héroïque Philippe d'Hylia qui ne demande qu'à faire ses preuves, le peuple n'hésitera pas.
- Cela n'empêche pas que ce n'est qu'un incapable. Il va stupidement gâcher cet avantage.
- Ne vous inquiétez pas... Rien est perdu. Et s'il ne nous fait pas confiance, il l'accorde encore à Zelda et à Sheik.
Un sourire mauvais se forma sur le visage de la Sheikah.
- Oui, si nous voulons contrôler ce sale morveux, nous devons contrôler ses amis. Et ces deux-là sont tout à nous.
- Utilisons surtout Sheik. Il nous a montré de quoi il était capable. Il sera un outil très précieux.
Dans la cour du ranch Lonlon, Link préparait son cheval devant Zelda et Malon. La princesse d'Hyrule avait présenté la fille du propriétaire comme une des personnes les plus importantes de la résistance, car en s'occupant de son ranch, elle surveillait le plus grand foyer de la résistance, qui avait établi son quartier général dans les souterrains de l'ancienne forteresse. La jolie rousse s'occupait d'accueillir et de cacher les résistants, tout en gardant un oeil sur le passage des troupes Gerudos. Il allait de soi qu'elle prenait de grands risques à fréquenter ouvertement l'ennemi. Si par malheur son masque tombait, la place forte des rebelles tomberait avec elle.
Quels que soient les risques qui planaient au-dessus de la tête de la jeune fille, elle n'en faisait rien paraître. Elle offrit une belle jument mustang au jeune homme, avec tout l'équipement nécessaire à l'équitation.
- Epona est une des meilleures bêtes que nous avons jamais dressées. Elle est rapide, agile et a une incroyable endurance. Et de plus, son père appartenait aux écuries d'Hylia. Aucun cheval ne te conviendrait mieux.
- Qui était son père ?
- Papa dit qu'il s'appelait Eomer et qu'il avait été...
- Le meilleur compagnon de mon père. Je me souviens très bien de lui. Mon père ne partait pas combattre sans lui. Tu n'as pas besoin de m'en dire plus pour me convaincre.
Sheik arriva soudainement avec un cheval à la robe et crinière brune et était prêt au départ.
- Je sais que tu veux agir à ta manière, mais je te supplie de me laisser t'accompagner. Je suis sûr que je peux t'être utile.
Link accepta son offre avec plaisir, pour son bonheur et son malheur.
Link et Sheik quittèrent le ranch vers 6 heures du soir. Ils avaient, d'un commun accord, décidé qu'il était plus sûr de voyager de nuit. Link avait deux destinations en tête : la province des Cascades et la province des montagnes. C'était dans ces régions que vivaient les deux clans les plus puissants du royaume : Les Zoras et les Gorons. Les chefs de ces clans étaient de bons amis de ses parents. Il fallait absolument qu'il sache quelle était leur position dans l'Hyrule occupée. Ils pourraient s'avérer de précieux alliés. Mais le jeune comte était conscient que les femmes du désert devaient être passées par-là. Il se demandait quel sort elles avaient réservé aux fiers hommes de ces provinces, et le sort qu'elles réserveraient à deux jeunes hommes voyageant seuls.
Sheik en profita pour lui faire la leçon.
- On aurait pu partir avec la troupe de Carmen. Lorsqu'il y a des filles dans le groupe, les Gerudos nous embêtent moins.
Link resta pensif quelques secondes. Il fallait une "fille" dans le groupe.
- Sheik... est-ce que tu te débrouilles en déguisement ?
- Euh, oui, bien sûr... Eh, pourquoi tu me demandes ça ?
- Tu sais que tu as un physique très gracieux ?
- Qu'est-ce qui te ... AH NON !!!
- Tu as tout compris !
- On change les rôles... toi en fille !
- Je ne serais pas crédible, en fille. Toi, si.
- Hors de question !
- Tu ne disais pas que tu étais persuadé que tu pouvais m'être utile ?
- Va mourir ! Je préférerais encore épouser la Nabooru !
- Tu auras l'occasion de faire connaissance avec les Gerudos lorsqu'elles nous auront arrêtés.
Sheik fit la sourde oreille et partit au grand galop droit devant lui. Link n'essaya pas de le poursuivre. Il continuait tranquillement son chemin vers le fleuve Zora, qui prenait sa source dans la province des cascades. Vers 11 heures du soir, il atteignit les falaises. Le fleuve sortait d'une large grotte. Le jeune homme reconnut l'entrée de la province. Quelques centaines de mètres plus loin la grotte deviendrait une profonde gorge, puis une large vallée. Tout autour, c'était un désert de roches volcaniques rejetées il y a près de 2000 ans lors d'une violente éruption du mont du Péril. La province des Cascades s'était développée dans ce terrain accidenté. Les gorges avaient été aménagées en une série de terrasses et la vallée s'était petit à petit recouverte d'un limon très fertile tiré de l'érosion de la lave. L'eau se faufilait partout et il était très courant de la voir soudainement jaillir des falaises, se coincer dans des bassins puis rompre la roche et continuer ainsi sa course folle vers la rivière. C'était pour cette raison que cela s'appelait la province des Cascades. Le clan Zora s'y était installé un peu avant la fondation d'Hyrule et n'en avait plus bougé. Ils étaient passés maîtres dans l'art de dompter l'eau. Toutes leurs machines fonctionnaient grâce à la puissance des cours d'eau. Ils étaient également d'excellents nageurs et tout homme voyant pour la première fois ces gens plonger à la recherche des saumons pouvait croire qu'ils étaient eux-mêmes des poissons. Link contempla les merveilles de la gorge pendant vingt bonnes minutes. Le lieu n'avait pas changé depuis son dernier passage. Il eut un sourire. Il adorait cet endroit. Et dire que si la guerre n'avait pas eu lieu, il serait...
- Reste pas planté là ! Tu vas finir par attirer l'attention.
Link fut tiré de sa rêverie par une belle femme blonde aux yeux rouges.
- ... Sheik ?
- La ferme !
Car c'était effectivement le Sheikah, avec une autre tunique, une légère poitrine, du maquillage et des anneaux bleus comme boucles d'oreille.
- Le déguisement est remarquable. Tu es belle comme tout.
- Encore une remarque de ce genre et je te tue !
Link eut un sourire, puis remonta en selle.
- Est-ce que tu connais les traditions des Zoras, Sheik ?
- Quelle importance ? Les Gerudos leur ont certainement imposé les leurs.
- Ce n'est pas aux Gerudos que je veux faire bonne impression, c'est aux Zoras : Au roi Cascaïs, au prince Mikau et à la princesse Ruto, à mes anciens amis. Et je pense que je marquerais plus de points en faisant honneur à leurs traditions.
Sheik approuva de la tête.
- Mais donc, le protocole veut que les étrangers aillent se présenter au roi dès leur arrivée à leur cité. Là, selon qu'on plaise ou non au souverain, on reçoit des tuniques d'hôtes. L'accueil des Zoras se fera en fonction de notre habit.
- J'ignorais cela. On ne faisait rien de tel au château d'Hyrule.
- Pas tout à fait. Les gens te jugeaient tout de même en fonction de la richesse de ta tunique.
"Soie, fils d'or, broches damasquinées = riche aristocrate = satisfaites tous leurs caprices".
"Vêtements de laine, lin avec des fibules = bourgeois = possibles affaires, ménagez-les".
"Livrée grise et bleue = domestiques = évitez d'être vu en leur présence."
"Vêtements rapiécés = gueux = faites-les dégager par vos propres domestiques".
C'était mon parrain qui m'avait appris ces dictions. Il n'aimait pas beaucoup se rendre au château d'Hyrule.
- C'était qui, ton parrain ?
- Darunia, chef du clan des Gorons.
Sheik poussa un soupir impressionné. Le jeune homme connaissait donc personnellement des chefs de clan. Cela pouvait lui faciliter la tâche.
- Et à quoi ressemble la tunique que tu portes ici ?
- C'est la grande tunique de la famille Zora. Après tout, je suis le fiancé de Ruto.
- Quoi ???
- Lorsque nous avions sept ans, nos parents avaient décidé de nous fiancer, histoire de renforcer les liens entre les deux clans. Les trois premières années, nous n'étions pas d'accord. Poiscaille et moi avons passé notre temps à nous disputer et nous faire des niches. Enfin, vers dix ans, nous avons commencé à nous entendre, mais la guerre est arrivée. Je me demande ce que Ruto est devenue.
Sheik resta silencieux. Au détour d'un tournant, ils découvrirent la grande vallée des Cascades. Ils furent immobilisés quelques minutes par la splendeur du paysage.
- Ici, ça a un peu changé. Il y a de nouvelles habitations et de nouvelles terrasses. Enfin, c'est vrai que ça change tout le temps.
Ils remarquèrent un attroupement sur la berge. Les Zoras organisaient visiblement un concours d'équilibre sur l'eau. Les concurrents se tenaient en équilibre sur des troncs de bois et devaient y rester debout le plus longtemps possible. Au moment où ils s'approchèrent du lac, c'était deux superbes jeunes filles qui s'affrontaient. L'une était rousse et avait une peau bronzée, l'autre avait une peau très blanche et de longs cheveux noirs. Elles se débrouillaient très bien toutes les deux. Elles se trouvaient sur les troncs depuis près de huit minutes, battant ainsi l'ancien record. La lutte continuait, sous les acclamations des spectateurs. Link constata avec étonnement que des Gerudos étaient mélangées à la foule et s'amusaient comme les autres. Il n'avait donc pas intérêt à traîner dans le coin.
Soudain, la Gerudo perdit l'équilibre. Une voix se fit entendre :
"Et la manche se termine sur la victoire de la princesse Ruto. Bien joué, soeurette ! Et bravo au Capitaine Evora, vous fûtes un bien rude adversaire."
Link comprit immédiatement. L'arbitre était le prince héritier Mikau, la rousse était une Gerudo et la belle brune était Ruto, sa fiancée.
- Donc, chuchota Sheik, cette bombe brune est ta promise ? Sais-tu que tu as de la chance avec les filles, toi ?
- Reste silencieux et en retrait. Je vais essayer d'aborder discrètement Ruto.
Et il se faufila parmi les Zoras. Dans l'euphorie de la victoire de la princesse, personne ne sembla remarquer l'étranger. Bientôt, Mikau présenta les participants de la manche suivante, deux hommes. Les deux filles étaient chacune dans leur coin, occupées à se sécher. Les autres regardaient le lac et les nouveaux concurrents. Link en profita. Il s'approcha de la jeune fille et l'appela par le surnom qu'il lui avait donné des années auparavant. "Poiscaille ?"
Elle releva immédiatement la tête, regardant le nouveau venu avec la plus grande surprise. Elle eut vite un large sourire et lui sauta dans les bras.
- Farfadet... Je n'arrive pas à le croire. Tout le monde disait que tu avais été exécuté avec ton père.
- Non, j'ai fait un repli stratégique pour préparer mon grand retour.
- C'est merveilleux ! Il faut que je l'annonce à...
- Attends ! Pas devant les Gerudos !
- Tu n'as pas à t'inquiéter pour elles. Mais d'accord. Allons dans ma chambre.
- Attends, j'ai un complice qu'il faut amener avec nous.
Et il désigna Sheik qui regardait la joute maritime.
- C'est qui, cette blondasse ?
- Ce n'est pas une blondasse. C'est un ami qui accepté de se déguiser en fille au cas où on tomberait sur des Gerudos en pleine pêche.
Ruto éclata de rire.
- C'est pas vrai ! Il a vraiment accepté de faire ça ?
- Il a beaucoup protesté. Bon, on y va ?
La princesse acquiesça. Link fit signe à Sheik de les rejoindre. Ils partirent discrètement et traversèrent la vallée pour se rendre au palais royal. Là, la demoiselle s'empressa de se procurer les tuniques protocolaires. La tunique de la famille Zora attendait Link depuis 7 ans. Sheik eut droit à celle d'un ambassadeur masculin. Ruto lui chuchota sournoisement.
- Tu n'as pas besoin de ce déguisement ici. Les Gerudos de la vallée ont toutes trouvé chaussure à leur pied ici.
Le garçon aux yeux rouges fit un croche-pied au comte d'Hylia. "Je n'ai pas fini de te faire payer !". Ruto rigola et les emmena dans sa chambre. Là, Link raconta à sa fiancée toute son histoire. La jeune fille était ravie de voir qu'il allait bien, mais était un peu hésitante pour le coup de l'armée.
- Ecoute, je suis consciente que Ganondorf a été monstrueux envers Hylia, mais tu ne dois pas...
Elle fut interrompue par des coups à sa porte ! Son frère Mikau entra dans la pièce, suivi de la capitaine Evora. Il s'arrêta brusquement en apercevant le garçon dans la tunique royale.
- Ne me dites pas que...
- Si, c'est moi.
Mikau se jeta sur Link et lui frotta les cheveux affectueusement.
- Ça va, tu n'es pas un fantôme. Mais où étais-tu passé ? Tu t'es échappé d'un sombre cachot ?
- Mikau, comment peux-tu dire ça en la présence de...
Mikau comprit un peu trop tard le problème.
Mais Evora, qui ne devait pas avoir plus de 23 ans, annonça qu'à moins qu'il n'y ait une forte mise à prix pour sa tête, elle ne le vendrait pas. Link et Sheik restaient méfiants. Elle avait certainement compris qui ils étaient, et il était certain qu'elle tenterait de les arrêter dès qu'elle en aurait l'occasion.
Les deux princes zoras durent expliquer aux voyageurs que les Gerudos installées dans la vallée n'étaient pas leurs ennemies. Toutes ces jeunes femmes s'étaient mélangées à la population, apprenant leurs traditions et délaissant les leurs. Plusieurs d'entre elles avaient épousé des hommes de la tribu et en avaient déjà eu des enfants. Elles n'obéissaient que mollement aux ordres de leur souverain, surtout pour éviter d'être chassées de leur nouvelle patrie. Evora, elle-même, n'était pas contre un ou une nouvelle souveraine, car Ganondorf, son oncle, lui rendait la vie impossible.
Link se risqua donc à aborder le sujet sensible d'une rébellion contre ce souverain détesté. Evora lui annonça que beaucoup de Gerudos seraient contentes de changer de roi. Peu d'entre elles aimaient Ganondorf. Non seulement, il avait des moeurs méprisables, mais il avait bafoué de nombreuses traditions et avait été beaucoup trop loin dans ses désirs d'expansion du royaume.
Evora n'approuvait pas les bains de sang qu'il avait organisés en Hylia et au bourg d'Hyrule. Le roi gouvernait par la terreur et ne manquait pas une occasion d'organiser des exécutions massives, d'incendier des villages et de lever de lourds impôts. La jeune femme estimait que sa politique était injuste et indigne de sa tribu.
En revanche, elle voulait qu'elle et ses filles restent en Hyrule. Il était incontestable que ce royaume était beaucoup plus vivable que celui de Gérudoya. Ici, elles n'avaient pas à pleurer la mort de leurs époux, tout le monde mangeait à sa fin et les enfants naissaient plus forts. De plus, deux de ses filles avaient déjà donné naissance à des garçons. Sheik et Link eurent un mouvement de surprise. Ils étaient bien au courant de la rareté de ce genre d'événement et du destin des Gerudos mâles.
Link réfléchit donc à un nouvel accord et songea à redéfinir les relations entre les deux pays. Il fallait que les Gerudos coopérant à la restauration du royaume d'Hyrule aient le droit de vivre ou bon leur semble. Gérudoya garderait un souverain, mais qui ne régnerait pas sur Hyrule. Puisqu'il y avait déjà des enfants mâles, la succession ne devrait pas poser de problème. La transition serait probablement assurée par une Gerudo influente.
Evora insista sur le fait que seule Nabooru pourrait assurer ce rôle. Elle expliqua qu'en tant que fille et bras droit de Ganondorf, elle avait déjà toute autorité sur son peuple et que les Gerudos l'aimaient, contrairement à son père. Link fut hésitant, se demandant si elle accepterait de chasser l'homme qui lui donnait tant de pouvoir.
- Ne t'inquiète pas. De toutes les Gerudos, c'est certainement elle qui hait le plus notre roi. Je suis sûre que je pourrais la convaincre si j'en ai l'occasion
- Comment ça ? Comment peut-elle le détester ?
- Bah, disons qu'il ne s'est jamais comporté comme un père avec elle. Il a été carrément répugnant.
La jeune femme refusa d'en dire plus.
On établit ensuite un nouveau plan de bataille. Puisqu'une solution diplomatique semblait possible, il fallait trouver des représentants de chaque peuple pour définir les accords. Mikau serait le représentant des Zoras, Link représenterait Hylia, Evora représenterait Gérudoya jusqu'à ce que Nabooru adhère au projet. Sheik estima que Zelda et le chancelier Rauru seraient les émissaires d'Hyrule et le général Impa serait celui des Sheikah. Il fallait encore trouver des représentants pour le peuple des bois et la tribu des Gorons. Link avait ses idées et espérait repartir le lendemain matin pour la province des montagnes.
Mais Evora rappela tout le monde à la réalité. Ces accords ne seraient pas une partie de plaisir, car il y aurait forcément des gens contre cette solution pacifique. Et leur plus grand problème serait Ganondorf lui-même.
- Mais si vous êtes contre lui.
- Imbécile, tu crois que tu pousseras nos filles à te laisser tranquille si tu leur promets de tuer leur roi ? Et de toute façon, le pouvoir de mon oncle ne réside pas dans ses troupes de guerrières.
- C'est quoi, alors ?
- Ce sont ses troupes de mercenaires barbares, qui sont deux fois plus nombreuses que celles des Gerudos, et sont beaucoup plus dangereuses. Nabooru n'a aucun pouvoir sur eux.
Evora passa un bon moment à expliquer que Ganondorf, sachant que les guerrières ne mettraient pas de coeur dans les massacres, avait enrôlé des milliers de barbares venant d'un pays lointain pour faire le sale boulot. Ces êtres (car Evora ne les trouvait pas humains) ne vivaient que pour détruire ce qu'ils avaient devant eux. Le roi sombre leur avait promis de nombreuses victimes et ils le suivaient avec une joie morbide. Plusieurs fois déjà, des Gerudos s'étaient plaintes à Nabooru que ces mercenaires s'en prenaient à elles, mais lorsque la jeune femme avait présenté les plaintes à son père, celui-ci avait simplement répondu que si ces mercenaires préféraient les femmes Gerudos, alors elles devraient leur céder en toutes choses. Le roi privilégiait donc ces monstres à ses propres sujets. Ce jour-là, le fossé s'était considérablement accru entre Nabooru et son père.
- Donc, il y aura des combats contre ces brutes, en conclut Link.
- Cela semble inévitable, ajouta Sheik. Durant nos négociations, ce seront nos plus grands ennemis.
Sur ce, les cinq jeunes gens partirent dormir. Ruto et Mikau se disputèrent un peu, car le prince s'opposait à l'idée de sa soeur qui voulait faire dormir Link dans sa chambre. Leur voix se firent entendre pendant un bon moment. Link et Sheik, n'ayant cure de leurs histoires, trouvèrent une chambre d'hôte et partirent dormir.
- Tu ne trouves pas que ça s'est trop bien passé aujourd'hui ? interrogea Sheik.
- Tu as raison. Ce serait merveilleux si on pouvait tout régler avec un conseil de sages, mais je me rends bien compte que cela ne sera pas aussi simple. Je sais qu'il y aura beaucoup de conflits d'intérêts. Et je réalise aussi...
Il se tut quelques secondes. Intrigué, Sheik lui demanda ce qu'il avait.
- Sheik... Rauru et le général accepteront-ils de négocier avec les Gerudos d'égal à égal ?
"Bien remarqué, Link. Tu n'es pas si naïf que ça, finalement."
- Ça...
- Ce serait bête que le projet échoue à cause d'un détail aussi stupide, mais j'ai l'impression que le général ne fera pas de concession à Gérudoya. Elle donne l'air de vouloir être le seul maître à bord.
- Si les mercenaires de Ganondorf sont si terribles qu'on le dit, elle ne pourra pas les chasser toute seule. Il faudra qu'elle négocie avec Evora et Nabooru.
- Oui, tant que nous aurons un ennemi commun, nous pouvons nous unir. Je me demande comment ça se passera après.
Les garçons se turent. Ils s'endormirent en quelques minutes.
Le lendemain matin, ils furent réveillés par Ruto qui avait déjà organisé leur départ pour la province des montagnes.
- Les rumeurs disent qu'une troupe de mercenaires campe entre Kokoriko et le mont du Péril, résidence principale de ton parrain. On dit que Darunia est prisonnier dans sa propre demeure. Je te suggère d'atteindre le mont du Péril par la "route secrète".
- Tu parles de "cette route secrète" ?
- Oui, cette route-là.
- Bah, si je ne voyage qu'avec Sheik, je crois que je n'ai pas le choix. Je ne pourrais pas affronter toute une troupe de barbares.
- Eh, de quelle route secrète parlez-vous ?
- La vallée des cascades est alimentée par un fleuve souterrain qui prend sa source au mont du Péril. On peut y accéder par un passage secret dans notre fontaine sacrée. Si vous remontez la grotte du fleuve, vous arriverez dans la résidence de Darunia. J'ai déjà fait préparer des sacs pour votre expédition. Il y a de la nourriture, des couvertures, un kit de pharmacie, de quoi faire du feu.
- Quelle attention, c'est bien digne d'une future épouse.
Ruto sourit.
- Link... quand est-ce que nous...
- Lorsque tout sera terminé, d'accord ? Nous nous marierons lorsqu'Hyrule et Gérudoya seront enfin en paix.
Sur cet échange de promesse, la princesse conduisit les deux garçons à la fontaine sacrée. Il s'agissait d'un gigantesque bassin dissimulé dans le relief accidenté du désert de cendre. La jeune fille guida ses amis sur les hauts-fonds du bassin.
- Le sol est particulièrement traître, ici. Il n'y a qu'un seul moyen d'atteindre le passage secret. Il faut suivre un chemin particulier et ne jamais en dévier. Si par malheur, vous glissiez dans le bassin, vous ne pourrez jamais regagner la terre ferme.
- Pourquoi ?
Une ombre dans les abysses répondit au Sheikah.
- Ce n'était pas une légende...
- Non... voici le fameux Jabu, le poisson millénaire. S'il voit une créature nager dans son bassin, il l'avale en une seule bouchée. Les seules personnes à jamais avoir échappé à sa gueule sont mes ancêtres.
- Et c'est ainsi que de génération en génération, ta famille assure sa souveraineté sur la Tribu Zora, compléta Link.
Sheik n'en croyait pas ses yeux. Jamais il n'aurait imaginé pouvoir apercevoir cette légende vivante durant cette mission.
Une minute plus tard, ils avaient atteint l'entrée de la grotte. Ruto salua son fiancé d'un petit baiser sur la joue et les laissa entrer dans le passage, puis elle referma l'entrée et retourna chez elle.
Les deux héros, eux, s'engagèrent dans la sombre grotte. Le voyage dura presque deux jours. Bien sûr, à vol d'oiseau, ils prenaient un sacré raccourci, mais le sol était tellement accidenté qu'ils avançaient très lentement. Les roches finirent par changer de nature. Les stalactites furent remplacées par des restes de coulées de lave, la chaleur augmenta brusquement et le sol se mit à trembler légèrement.
Link s'empressa de dire à Sheik que c'était parfaitement normal, car le mont du Péril était connu pour son activité permanente. Le garçon aux yeux rouges grommela qu'il était déjà au courant. Il commençait à être agacé de ne pas dominer le comte sur le plan intellectuel.
La chaleur finit par devenir infernale. Link annonça avec peine qu'ils touchaient au but. Apparemment, le passage devait donner sur un lac de lave, lequel ne pouvait être atteint que depuis les appartements privé de Darunia. Le spectacle fut bientôt encore plus impressionnant que celui des gorges de la province des Cascades. Effectivement, il y avait un gigantesque bassin de lave bouillonnant. Link fit signe à Sheik de se masquer le visage. Le plus dangereux, ici, n'était pas la chaleur, mais les gaz empoisonnés libérés par l'explosion des bulles. Ils suivirent un chemin escarpé qui faisait le tour du bassin et finirent par atteindre une sorte de balcon où se trouvait une grosse porte de pierre. Sheik poussa un soupir de soulagement. L'atmosphère du bassin commençait à lui faire tourner la tête.
Cependant, ce n'était pas encore la fin de leurs problèmes. Link fit remarquer que comme la porte était en pierre, elle ne s'ouvrirait pas par la simple force des mains. Il y avait un mécanisme spécial à activer. Sheik, commençant à s'impatienter, lui répondit d'arrêter de discuter, et de plutôt passer à l'action.
- C'est que... je ne le connais pas. C'est un secret Goron. Comme Ruto était la seule personne connaissant l'entrée chez les Zoras, seul Darunia doit savoir comment entrer dans le cratère. Et il passe la porte tous les matins, car il médite une demi-heure sur cette terrasse.
- Et tu peux me dire comment on va passer cette porte, alors ?
- Et bien... je n'en sais trop rien. Il faudrait essayer de communiquer avec l'intérieur, ou espérer que Darunia vienne faire sa petite séance de méditation ce soir. Je ne suis pas sûr que nous puissions tenir jusqu'à demain matin.
- Tu es complètement fêlé ! Tu nous as sciemment envoyé à la mort ! Nous sommes trop épuisés pour faire le chemin en sens inverse.
- Désolé, j'avais oublié...
- Mais je n'en ai rien à faire de tes excuses. On va mourir ici parce que tu ne t'étais pas souvenu d'un détail capital. Je ne peux pas croire que j'ai fait confiance à un pareil imbécile !
Mais alors qu'ils se disputaient, la porte se mit à trembler. Les garçons firent des yeux ronds. La porte s'ouvrait.
- Tu vois, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter. La fortune vient toujours secourir les héros des dieux.
- On a eu une chance incroyable, mais un hasard pareil ne se reproduira pas. Il ne faut jamais compter sur la chance, mais sur nos seules capacités, et au possible, anticiper les événements.
- Je te trouve vraiment nerveux Sheik.
- Tu tiens vraiment à ce que je t'étripe, ma parole.
- MAINS EN L'AIR, LES INTRUS !
Un colosse venait de sortir du passage, armé d'un gigantesque glaive.
- Vous allez m'expliquer comment vous vous êtes retrouvés sur ma terrasse privée.
- Seigneur Darunia, je suis ...
- Toi ! C'est impossible...
- Si, je suis Link d'Hylia et je suis bien vivant.
- Menteur ! Ganondorf l'a tué sous mes yeux.
- C'est faux, je ne me suis jamais retrouvé face à face avec Ganondorf. Croyez-moi, mon parrain. Ma mère et moi avons pu nous échapper à cheval alors qu'une troupe de serviteurs faisait diversion.
Le seigneur des Gorons baissa son arme. Il observa le garçon un long moment.
- Alors... le jeune garçon que Ganondorf a décapité sur la route du péril... Link, tu as ordonné à un innocent de mourir à ta place :
- Ce n'était pas mon idée ! C'était une mesure désespérée prise par mon père lorsqu'il a vu la fin venir. Sachez que je porte tous les morts d'Hylia dans mon coeur et que je compte bien les venger, tous autant qu'ils sont.
Darunia observa son filleul quelques instants, puis hocha la tête en souriant.
- Cette lueur dans les yeux... ton père serait rassuré de savoir que son fils a si bien grandi.
Il fit rentrer les deux garçons dans ses appartements et referma la porte. Les jeunes gens se sentirent tout de suite mieux dès qu'ils ne respirèrent plus les gaz du volcan. Le chef des Gorons les mena dans un salon souterrain, orné de tapisseries et de bas-reliefs et éclairé d'une vingtaine de lampes à huile. Le géant fit signe à ses invités de s'asseoir sur des coussins.
- Vous n'avez toujours pas répondu à ma première question, il me semble. Que faisiez-vous dans le cratère du Péril ?
- Nous venions de la province des Cascades. Les princes Zoras nous ont ouvert le chemin secret, car la voie normale est trop fréquentée par les hommes de Ganondorf.
- Pourquoi êtes-vous venus ici ?
- Nous devions vous voir. Nous devons parler de l'avenir d'Hyrule et de Gerudoya.
- Ton père est mort, il n'existe plus d'armée hylienne, les peuples sont divisés, dispersés. Pourquoi parles-tu d'avenir ?
- Beaucoup de gens croient à un avenir paisible. Ils sont de tous les peuples, même chez les Gerudos.
Et Link se mit à raconter tout ce qui lui était arrivé, depuis sa fuite d'Hylia au début de la guerre jusqu'à son entretien avec les princes zoras. Le chef des Gorons l'écouta d'une oreille très attentive. A la fin du récit, il sortit une grande bouteille de bière.
- Ton discours est très joli... mais je ne suis pas sûr de te croire. Tu es certain d'être capable de rallier les guerrières Gerudos à notre cause :
- Il faut que je voie Nabooru et que je l'amène à sa cousine Evora. Je suis certain qu'avec les bons mots, elle acceptera de se joindre à nous.
- Ecoute, fiston, je n'ai jamais douté une seule seconde de ton père. Si c'était lui qui m'avait présenté l'affaire, je l'aurais suivi sans poser de questions. Philippe était...
- Je vous jure que je serai son digne fils. Pour chasser Ganondorf, il nous faut des alliés au plus près de lui. Et c'est pour ça que nous devons avoir Nabooru dans notre camp.
- Je ne pense pas qu'elle acceptera, annonça une voix de femme.
Une femme rousse et à la peau basanée entra dans la pièce. Elle était enceinte et devait être assez proche de son terme. Elle était visiblement une Gerudo. Link regarda son parrain d'un air interrogateur. Il ne se serait jamais attendu à ce que le chef des Gorons puisse collaborer avec les envahisseurs. D'un ton embarrassé, Darunia présenta la nouvelle venue.
- Link, je te présente Sintra, ma femme.
- Pourquoi dis-tu ça d'un ton gêné ? Tu m'as demandé en mariage, assume !
- Parrain, je vous connaissais une autre femme. D'où elle sort, elle ?
- Méribelle est décédée il y a quatre ans de maladie. Le capitaine Sintra était chargée de surveiller la province des montagnes et passait ici très souvent. On a commencé par se disputer, mais au bout de quelques temps, on a compris qu'on se ressemblait beaucoup. Nous nous sommes mariés il y a dix mois et euh... nous attendons un heureux événement dans quelques semaines.
- C'est effectivement une surprise, mais pas tant que ça. Le prince Mikau sort aussi avec une capitaine Gerudo, mais c'est vrai qu'il est plus en âge de tomber amoureux.
Sheik toussa bruyamment pour arrêter la conversation qui partait en queue de poisson.
- Si cela ne vous dérange pas trop... moi, je me fiche de savoir qui sort avec qui. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi votre femme prétend que nous n'avons pas la moindre chance de convaincre Nabooru.
- Nabooru est ma nièce. Je l'ai connue lorsqu'elle était encore un nourrisson. Je vous ai entendu parler d'Evora, mais je doute que cette fille connaisse ma nièce comme je la connais.
- Bon, quel est le problème avec le général en chef des Gerudos, alors ?
- Son orgueil, tout simplement. Quelle que soit la haine qu'elle éprouve envers son père et le danger que court son peuple, elle considère le problème comme une affaire personnelle. Elle s'est jurée de le tuer de ses propres mains et compte y arriver toute seule. Elle n'acceptera l'aide de personne.
- Eh oh ! Ce n'est plus une simple affaire de famille ! Il y a plusieurs centaines de milliers de personnes impliquées dans cette histoire.
- Il faudra le dire à Nabooru. Et je maintiens mon opinion. Elle veut assumer en son entier le problème créé par son père. Si vous essayez de lui parler, elle vous enverra promener.
- Donc, il faut vraiment qu'on lui parle. Est-ce que vous savez où elle pourrait être pour le moment ?
- Elle a quitté le village Goron il y a vingt minutes.
- Quoi ? Mais elle était dans la région d'Hylia hier matin !
- Apparemment, vous aussi, cela ne vous a pas empêché d'atteindre la terrasse sacrée. Elle est arrivée hier soir afin de s'assurer de l'envoi du tribut qui a été demandé à la province des montagnes. Elle est censée faire tout un tour du royaume pour s'assurer que tout se passe convenablement pour l'anniversaire de "l'unification".
- Bon, alors, elle ne doit pas être très loin. Il faut combien de temps pour atteindre le village Cocorico ?
- Quarante minutes à pied.
- Et à cheval ?
- Personne ne se promène à cheval dans le défilé. Le sol est trop accidenté. Les filles et les porteurs se déplacent à pied et ils avancent lentement à cause de tout le matériel qu'ils transportent. Mais tu ne comptes tout de même pas les rattraper comme ça : Il y a au moins trente guerrières avec elle. Tu seras abattu avant d'avoir ouvert la bouche.
- Oh, il paraît que Sheik et moi sommes au goût de ses guerrières. Elles nous voudront vivants. Si tu es si inquiet, pourquoi ne pas venir avec nous :
On improvisa une petite troupe de 20 personnes pour tenter de rejoindre les Gerudos. Link, Sheik et Darunia furent du voyage.
Le groupe s'élança rapidement sur le sentier. Il fallait atteindre le groupe avant qu'ils n'atteignent Cocorico, s'ils voulaient mener les négociations comme ils le voulaient.
Au fur et à mesure qu'ils descendaient, des bruits de lutte se firent entendre.
Car on se battait sur le chemin du péril. Les guerrières Gerudos et les émissaires du village Goron affrontaient des hommes gigantesques à la peau noire et vêtus de peaux de bêtes. Le groupe de Link s'arrêta un instant, se demandant pour quel camp il devait intervenir. Mais il fut vite décidé qu'il fallait protéger les quelques Gorons, ainsi que les Gerudos qui semblaient dans le même camp. La petite troupe s'organisa, de façon à avoir des archers aux endroits stratégiques, puis l'infanterie chargea.
La lutte fit rage pendant vingt minutes. Link se fraya tant bien que mal un chemin vers le général des Gerudos. La jeune femme ne semblait pas trop en difficulté. Elle arrivait à repousser les assauts de ses quatre adversaires, mais elle ne pouvait que se défendre. Link arriva derrière ses ennemis et planta sa lame dans le dos de l'un d'eux. Nabooru le regarda d'un air étonné, mais se reprit en deux secondes et trancha la tête d'un autre homme. Les deux jeunes gens se mirent dos à dos et éliminèrent sans difficulté toutes les brutes qui passaient à leur portée. Ces derniers ne mirent pas très longtemps à comprendre qu'ils n'avaient plus l'avantage et battirent en retraite.
Alors que certains Gorons poussaient des cris de victoire, Nabooru s'écria :
- Aucun d'entre eux ne doit survivre !
Les hommes la regardèrent bizarrement.
- Vous ne comprenez pas ! s'écria Link. S'ils disent à Ganondorf qu'il y a de la résistance au mont du Péril, ils reviendront vingt fois plus nombreux.
Les combattants comprirent alors la gravité de la situation et se lancèrent à la poursuite des fugitifs. Link se retourna pour parler au général des Gerudos, mais celle-ci n'était plus là. Elle parlait plus loin à une de ses guerrières blessées. Les filles du désert étaient assez mal en point. Une dizaine d'entre elles gisaient sur le sol, et huit autres étaient blessées.
Soudain, l'une d'entre elles s'écria en désignant Link et Sheik : "Eh, ce sont les deux mignons d'avant-hier !"
Une autre ajouta : "Elles ne sont plus là, vos épouses ?"
Sheik grogna : "Vous croyez vraiment que c'est le moment de parler de ça ?"
Une des seules Gerudos indemnes s'approcha de Link.
- Je crois que nous avons le droit de nous poser des questions. Nous ne vous avons pas vu au mont du Péril, mais vous...
- Ils sont arrivés il y a un peu plus d'une heure, alors que vous quittiez le village, annonça Darunia. Mais ils sont arrivés par un autre chemin. Bien, Nabooru, si vous le voulez bien, nous pouvons soigner les blessés au village.
La jeune femme ne répondit et ne bougea pas. La fille qu'elle tenait dans les bras ne bougeait pas non plus, elle ne bougerait plus jamais. Les guerrières, beaucoup mieux placées pour parler à leur chef, s'occupèrent d'elle.
Le rapatriement se fit tant bien que mal. Nabooru ne parlait à personne. Elle s'était enfermée dans un profond mutisme. Son bras droit, la fille qui voulait interroger les deux garçons, s'occupait de tout à sa place. Après une ou deux heures, elle vint donner son rapport au Capitaine Evora et son époux.
- Nous avons perdu huit filles et deux sont gravement blessées. Nous avons huit autres blessées, mais légèrement. Quand aux Gorons, il y a eu six morts et cinq blessés. En tout, seules quatorze personnes sont sorties indemnes de l'embuscade.
- C'était donc une embuscade, en déduisit Sintra.
- Nos agresseurs étaient des mercenaires de Ganondorf. C'était la troupe de Fenrir, la cinquième division de la première légion. Ils nous attendaient dans le défilé.
- Que s'est-il passé ? Que voulaient-ils ? Pourquoi se sont-ils attaqués à la troupe d'élite de la propre fille de leur patron :
La jeune fille fit une grimace, étouffant sa rage.
- Ils voulaient s'approprier le tribut des Gorons. Nabooru a refusé, car ils ne lui montraient pas d'ordre écrit de la main de son père. Le capitaine Fenrir a alors insulté le général. Il a été très grossier, très offensant, et a insinué que...
Des larmes coulaient sur ses joues. Elle était ivre de colère.
- Nabooru, en un seul geste, a décapité un homme à côté de lui. La lutte a éclaté. Ils étaient quatre-vingts et nous quarante-trois.
- Comment va Nabooru ? Elle a refusé de me parler, à moi, sa tante.
- Vous vous imaginez bien. Elle a perdu de précieuses amies car elle a voulu rétablir son honneur.
- Je comprends... mais je ne pense pas que ces mercenaires vous auraient laissé partir indemnes. Ce n'est pas sa faute.
- Elle est au comble du désespoir. Elle n'a plus aucun moyen de nous protéger, vous voyez ? Les mercenaires n'ont aucun respect pour nous et notre roi ne nous protège plus. Nous ne serons bientôt plus que des filles de joie.
Link, également présent dans la pièce, quitta la salle. Il avait saisi la situation, et savait que s'il voulait convaincre la fille de Ganondorf de se retourner contre son père, maintenant était la meilleure des occasions. Il se dirigea immédiatement vers la chambre où se reposait la demoiselle. Il fut intercepté par deux Gerudos qui montaient la garde. Il eut beaucoup de mal à leur faire comprendre qu'il voulait parler avec leur chef seul à seul, mais elles finirent par le laisser rentrer. Nabooru était assise sur son lit, les yeux perdus dans le vide. Link l'observa plus en détail. Elle avait son âge, une peau bronzée et de très longs cheveux roux attachés en queue de cheval. Elle était vêtue de vêtements de soie, renforcés par des pièces métalliques aux épaules, à la poitrine et au bassin. Elle avait une silhouette parfaite, aussi belle que celle de Ruto. Elle ne bougea pas quand il s'approcha, ni quand il commença à parler.
- Nabooru, je sais que cette journée a été éprouvante, et je suis désolé pour tes amies.
* Pas de mouvement*
- Tu n'as rien à te reprocher, ils voulaient vous chercher noises et vous auraient agressés quoi que tu fasses. Tu as choisi la voie de l'honneur et j'aurais fait la même chose à ta place.
* Toujours pas de mouvement*
- Mais maintenant, je crois que tu as compris la situation. Tu ne vas tout de même pas attendre que ton père...
La jeune fille bondit comme un tigre, une dague à la main.
- Tu vas la fermer, oui ? Un : je n'ai autorisé aucun homme dans ma chambre. Deux : je n'ai aucune raison d'écouter un paysan comme toi. Trois : si tu fais encore une fois allusion à ce lien de parenté, ta mort va être très douloureuse.
Link ne se laissa pas impressionner.
- Un, je n'ai aucune raison d'obéir à tes ordres. Deux, je ne suis pas un paysan, mais le dernier des comtes d'Hylia, et trois, ton père a tué le mien, ainsi que tout mon comté.
La Gerudo fit des yeux ronds. Link nota qu'ils étaient bleus, mais avec un reflet violet, et ils étaient magnifiques.
- Toi, le saltimbanque, tu es le fils...
- Je suis le fils de Philippe d'Hylia, et j'ai tout perdu il y a six ans. Tu n'es pas la plus à plaindre dans l'histoire, donc.
- Non, Ganondorf a tué le gamin sous mes yeux.
- C'était un malheureux innocent que mes protecteurs ont choisi pour faire diversion qui a été exécuté. Je n'ai jamais voulu que cela arrive, mais on ne m'a pas laissé le choix. La voix d'un enfant de douze ans ne faisait pas beaucoup de poids.
Nabooru baissa les yeux et lâcha sa dague.
- Quand les captifs ont été traînés au camp et que j'ai vu ce garçon, j'ai eu pitié de lui. Ganondorf ne savait pas trop quoi faire des comtes d'Hylia. Il voulait pousser le comte Philippe à se rallier à lui, mais en même temps, il voulait faire un exemple pour terrifier le peuple d'Hyrule. Alors, il a menacé Philippe de tuer son fils. Ce dernier a refusé. J'ai supplié mon père de ne pas tuer Link et de me le laisser comme époux, mais il ne m'a pas écoutée. Il est mort devant l'entrée de ce village, décapité.
- Mon parrain me l'a dit. Moi, on m'a emmené dans la forêt, et j'y ai vécu en exil pendant toutes ces années, sans savoir ce qui était arrivé à mon père et à ce garçon.
- Et que fais-tu ici, alors ?
- J'ai décidé de venger mon père et de tuer Ganondorf, alors je vais de tribu en tribu pour lever une armée.
- C'est moi qui le tuerai, et toute seule, pigé ?
- Tu prendrais beaucoup de risques, non ? Les mercenaires sont beaucoup plus nombreux que les Gerudos, à ce que j'ai cru comprendre. Ganon mort, ils seront incontrôlables.
- Et alors ?
- Je te propose une alliance. Levons une armée commune pour contrer les mercenaires. Le moment venu, celui qui aura l'occasion de tuer Ganondorf le fera.
La jeune fille se tut un moment.
- Evidemment, il faudra penser à l'après Ganon. J'ai déjà voyagé et constaté que ton peuple s'était bien intégré dans certaines provinces.
- Tu parles d'Evora, non ?
- Oui, bon... le prince Mikau, Darunia et moi pensons que nous devrions tenir un conseil secret avec les représentants de toutes les tribus et peuplades présentes dans cette alliance, afin de mettre toutes les choses au point.
- A quelles tribus penses-tu ?
- Je dois continuer mon tour. Les Zoras et les Gorons sont déjà d'accord. Je sais également où trouver le général Impa.
- La chef des Sheikahs ? Tu tiens vraiment à t'allier aux Sheikahs ?
- A part les Gerudos, ils sont les seuls à avoir ce qui ressemble à une armée. Et la princesse Zelda est sous leur protection. Ils sont donc incontournables.
- Ils ne voudront jamais travailler avec nous, et encore moins nous laisser vivre en Hyrule.
- Impa sera bien forcée d'accepter. Elle ne peut pas repousser les mercenaires toute seule.
- Tu ne connais pas les Sheikahs, toi. C'est toujours le chaos quand ils y sont impliqués. Pourquoi crois-tu que le comté d'Hylia a été aussi facilement envahi :
- JE SUIS AU COURANT ! Je sais que nous n'avons pas reçu les renforts hyliens souhaités. Mais c'est parce qu'il y avait trop de frontières en Hyrule à défendre.
- Ce n'est pas ça ! Impa a délibérément sacrifié ton comté. Elle a attendu que les troupes de Ganondorf se soient toutes engouffrées dans la vallée pour tenter de les y coincer. Elle s'est servie de vous pour piéger les envahisseurs. Vous n'étiez que des appâts, pour elle.
- Quoi ?
- Mais malheureusement pour Hyrule, elle avait sous-estimé le nombre d'ennemi. Et alors qu'elle contenait quinze mille hommes en Hylia, dix mille autres traversaient la frontière Gérudoya-Hyrule et les attaquèrent dans le dos.
Cette fois-ci, ce fut Link qui resta silencieux, sentant une vieille colère enfouie remonter à la surface, telle la lave d'un volcan. Il se rappela son père, résigné et prêt à combattre les ennemis avec ses seules troupes, disant qu'il comprenait la situation de ses alliés. Ainsi donc, la trahison avait été si loin.
Nabooru posa une main sur son épaule.
- Nous avons tous les deux été traités comme des imbéciles, nous sommes pareils... J'accepte de me joindre à toi et à ton alliance, mais pas à la vieille Sheikah.
Trois semaines s'étaient écoulées depuis les événements du mont du Péril. Les mercenaires barbares qui avaient attaqué ce jour-là avaient tous été rattrapés et tués. Link décida d'entamer la phase 2 de son plan, permettre la réunion des membres de l'alliance. Il devait donc s'arranger pour que le prince Mikau et sa soeur, le chef Darunia, Nabooru, Zelda et ses protecteurs ainsi que lui-même puissent se réunir sans éveiller les soupçons de Ganondorf.
Mais lorsque vint la réunion, il apparut vite que les Sheikahs et Gerudos n'étaient pas prêts à coopérer. Le général Impa refusait de comprendre que ce n'était pas Nabooru qui avait lancé son armée sur Hyrule. Tous les reproches qu'on pouvait faire à Ganondorf, elle les renvoyait à sa fille. Elle affirmait qu'on ne pouvait pas faire confiance aux Gerudos, que le capitaine des armées de Gérudoya attendait le bon moment pour les poignarder dans le dos. Excédée, la belle rousse faillit rompre son accord avec Link. Mais lorsque le prince Mikau lança à Impa que la reconquête d'Hyrule pouvait très bien se faire sans les Sheikahs, la protectrice de Zelda se calma. Les négociations reprirent, dans une ambiance tendue. A la fin de la réunion, tous se dispersèrent, retournant dans leurs provinces, comme convenu.
Le lendemain matin, Link et Sheik reprirent également leur route, car ils avaient prévu de demander de l'aide à la communauté des bois.
- Alors, Link, quelle est ton opinion.
- J'avais prévu qu'Impa ferait sa difficile, mais sa réaction dépasse tout ce que j'avais imaginé. Pourquoi s'est-elle comportée comme ça envers Nabooru ?
- Elle a protégé le royaume d'Hyrule pendant presque 20 ans, et elle a eu beaucoup de problèmes avec les Gerudos. Et elle ne peut pas supporter l'idée de ne pas avoir su repousser les troupes de Ganondorf.
- Quelle mauvaise perdante. Elle est nulle à la guerre et refuse de se l'avouer.
- Toi, tu détestes vraiment le général.
- Je ne la déteste pas, je la hais. Et je peux te dire qu'elle n'a pas fini de nous ennuyer. Je ne pense pas que nous aurons la coopération des Sheikahs avant qu'elle n'ait pu humilier ses anciens ennemis. Si seulement nous pouvions traiter directement avec Zelda.
- C'est beaucoup trop dangereux de déplacer la princesse, et tu le sais.
- Je croyais que tu la connaissais depuis longtemps. Ne te souviens-tu pas de la joie qu'elle éprouvait à l'idée de pouvoir aider son royaume ? Elle veut participer aux évènements mais sa tutrice la cloître dans une forteresse. Elle est réduite au rôle de simple bannière.
- Et à ton avis, que feront les mercenaires de Ganondorf lorsqu'ils auront mis la main sur elle ? Tu crois qu'ils vont la laisser partir, qu'ils la traiteront avec le respect qu'il lui est dû ? Je t'interdis de me dire que je ne cherche pas son bonheur. Je l'aime certainement plus que toi. Si ces mercenaires la torturent parce qu'on l'a laissée voyager sur la plaine, alors je me tuerais.
- Vraiment ?
- Bien sûr que non, je te tuerais d'abord.
Link resta silencieux quelques secondes, mais finit par répondre à son compagnon.
- Je ne t'avais jamais entendu parler aussi ouvertement. Tu ne m'avais jamais exposé tes sentiments auparavant.
- Je suis Sheikah, les Sheikahs vivent pour protéger Hyrule, pas pour leur personne.
- Je suis désolé... mais ce que tu dis est assez paradoxal, car je trouve qu'Impa mélange un peu trop son devoir et sa personne.
- Et toi, tu te laisses beaucoup trop guider par tes émotions. Dès qu'il s'agit du général, tu ne sais rien faire d'autre que la critiquer, et lorsqu'il s'agit de Zelda ou Nabooru, tu n'es qu'amour et compassion. Si tu n'apprends pas à regarder les choses de manière objective, tu vas vite être aveuglé.
- Pfff.
- Tu ne comprends pas ! Tout ce que je retiens de mon voyage avec toi, c'est que c'est un jeu d'enfant de te manipuler en te prenant par les sentiments.
- Vraiment ?
- Tu n'as pas idée.
Et il pensa : "Et le général le sait..."
- Et d'ailleurs, lorsque tout sera terminé, tu feras quoi ?
- A quel sujet ?
- A propos de toutes les jeunes filles à qui tu as fait des promesses enflammées...
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Tu prendras laquelle ; Ruto, ta fiancée officielle, Zelda, Nabooru, ou encore ta copine de la forêt ?
- Quoi, il faut que je...
- Ne me dis pas que tout ce que tu as dit à chacune d'entre elles était des paroles en l'air. Tu n'as pas vu comment elles te regardaient lorsque vous vous sépariez ? Elles sont toutes tombées amoureuses du beau et vaillant sauveur d'Hyrule qui leur a apporté l'espoir.
- Ah... et bien... j'ai un problème, alors.
- Imbécile ! C'est le matin, il faut te réveiller. Je te préviens, si tu brises le coeur de Zelda, je jure de te poursuivre jusqu'en enfer s'il le faut pour te le faire payer.
- C'est déjà la quatrième fois depuis qu'on se connait que tu me menaces de mort.
- T'es fatiguant. Il va falloir surveiller tes paroles lorsqu'on arrivera au village, tu pourrais donner de faux espoirs à ta Saria.
Mais tout se passa bien. Link n'eut pas de mal à convaincre la communauté des bois de se rejoindre à l'alliance. Saria fut élue représentante de la communauté dans l'alliance organisée par Link et s'engagea à accueillir les troupes rebelles, les soigner et les nourrir. Link leur transmit alors les projets du conseil. La reconquête d'Hyrule était sur le point de commencer. Le dernier comte d'Hylia était très optimiste, trop même, car le plan de bataille qu'il avait élaboré la veille au conseil avait une grande faiblesse. Personne n'avait pris en compte l'esprit diabolique de Ganondorf. Le rêve était beau, mais le réveil allait être très rude.
La première semaine de la révolte se déroula comme dans un rêve. Nabooru avait précisé que Ganondorf disposait de 3 légions constituées chacune de six divisions de 1000 hommes, elles-mêmes divisées en 10 troupes de 100 guerriers, soit 18 divisions, 180 troupes et 18000 hommes. La première phase du plan consistait à réduire le nombre d'ennemis, car les forces de l'alliance n'étaient que d'environ 8000 hommes. Nabooru devait transmettre, via des chefs de troupe de confiance, signaler les divisions de mercenaires s'approchant de zones favorables aux embuscades. Neuf troupes furent ainsi interceptées à proximité de la forêt, au pied des montagnes et dans les gorges de la province des cascades. Les Sheikahs intervinrent chaque nuit, dans des villages que les troupes de Ganondorf avaient envahis. Au petit matin, les mercenaires étaient morts.
Dans chaque opération, il était capital qu'aucun mercenaire ne puisse s'échapper et rapporter au sombre roi ce qui se passait. Ganondorf avait l'habitude de ne pas avoir de nouvelles de ses hommes pendant plusieurs semaines et ne remarquerait pas tout de suite leur disparition. Si tout se passait bien, on pourrait faire passer le nombre de mercenaires de 18000 à 15000 avant que l'ennemi ne commence à changer de stratégie.
Actuellement, tout se déroulait à merveille. L'alliance avait su se débarrasser en toute discrétion d'environ 1400 hommes et Link comptait en éliminer 100 autres ce matin dans le comté d'Hylia. Des paysans venaient de lui signaler une troupe occupée à piller leur village. Link compta ses effectifs : 80 hommes, hommes des bois et des plaines, qui s'étaient joints à lui lorsqu'il était passé dans leurs villages. Il entreprit d'organiser son assaut. Il commença par abattre les guetteurs, puis fit avancer ses hommes à plat ventre à travers les champs de blé. Ils y trouvèrent plusieurs mercenaires occupés à cuver de la bière ou à martyriser de malheureuses paysannes. Ils furent également éliminés. Ils arrivèrent à la bordure du village et préparèrent leurs armes empoisonnées. Saria avait fournit un poison mortel qui agissait en seulement une demi-heure. Du moment que les rebelles arrivaient à toucher leurs adversaires, ils étaient certains de les envoyer dans la tombe. Un corbeau fut lâché, signal que tous les hommes étaient en position. Link lâcha à son tour un corbeau, qui s'envola en poussant de grands bruits. C'était le signal de l'attaque.
La bataille fut rapide et efficace. Le bilan fut de 100 mercenaires abattus, pour zéro perte dans le camp des rebelles. Les mercenaires avaient blessé une vingtaine de villageois, mais il n'y avait eu aucun mort. C'était une victoire parfaite. Les paysans entourèrent le jeune homme. Certains d'entre eux avaient reconnu le fils de Philippe d'Hylia. Ils voulaient tous le toucher, le remercier, lui donner leur bénédiction. Beaucoup d'hommes et de femmes voulurent joindre la rébellion. Link donna donc ses instructions. Il voulait que des gens partent en éclairage pour repérer d'autres troupes de Ganondorf. Link comptait faire de ce village un camp temporaire, et avancer progressivement dans son comté.
Mais les réjouissances furent interrompues par l'arrivée d'un cavalier, un homme avec une livrée Zora. Il était épuisé, mais surtout, bouleversé. Il demanda à s'entretenir en privé avec Link. Ils se retirèrent donc dans les champs. Link avait un mauvais pressentiment. Le cavalier ne lui apportait visiblement pas une bonne nouvelle.
- Prince Link... (Parce qu'il était fiancé à la princesse Ruto, il était déjà considéré comme un prince par les Zoras), j'ai une horrible nouvelle à vous annoncer.
- Ta tête me l'avait déjà dit. Que se passe-t-il ?
- C'est horrible, terrible... le prince Mikau... a été...
- Il est arrivé quelque chose à Mikau ?
- Oui... lui et le capitaine Evora ont été assassinés.
- Quoi ?
- Nous les avons retrouvés tôt ce matin, dans la chambre du prince. Ils baignaient dans une mare de sang. Ils ont été "démembrés".
Le coeur de Link se serra. Mikau, ce garçon plein de vie et de courage était mort, et le capitaine Evora aussi. Cela serait un coup très dur pour les Zoras. Poursuivraient-ils la révolte dans ces conditions ?
- Mais ce n'est pas le pire.
- Quoi, que peut-il y avoir de pire que de perdre Mikau ?
- La princesse Ruto m'a envoyé à votre recherche quelques minutes après cette découverte. Je dois vous dire que vous êtes accusé de ce double meurtre.
- QUOI ?
- Un garde vous a vu dans la demeure royale hier soir. Et une Gerudo vous a vu quitter la vallée une heure plus tard.
- Mais c'est... c'est parfaitement impossible, je campais avec mes hommes à deux heures d'ici. Tous peuvent affirmer que je n'ai pas quitté le camp de la nuit.
- Oui, mais voilà, des témoins vous ont vu. Ils ont dit avoir vu un garçon blond, d'une vingtaine d'années et portant la livrée royale se promener dans le palais et s'enfuir comme un voleur. Mais Ruto n'y a pas cru une seule seconde et j'ai confiance dans ma princesse, alors j'ai galopé avec l'énergie du désespoir pour vous retrouver et vous prévenir.
- Je vois... C'est terrible...
- Ce n'est pas tout... on a retrouvé d'autres indices déroutants. Sous le lit du prince, on a retrouvé une dague marquée aux armoiries de Nabooru la maudite.
- Nabooru ? Mais tout ça n'a ni queue ni tête.
- Oui, et c'est pourquoi c'est la confusion totale chez les Zoras ET dans l'alliance.
- J'ai compris. Je rentre immédiatement.
Le cavalier s'effondra, épuisé. Link le traina jusqu'au village et donna rapidement de nouveaux ordres. Puis, il attrapa Epona, la sella et partit au triple galop.
"Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi a-t-on trouvé une arme de Nabooru dans la chambre du prince ? Qui est ce garçon aperçu sur les lieux du crime ? Pourquoi a-t-on tué Mikau ?"
Et des vieux souvenirs lui revinrent en mémoire. Il se rappela jouant avec le prince, s'acharnant à le battre à une course de natation, en vain. Il se rappela de nombreux entraînements à l'épée où il arrivait à prendre sa revanche sur les courses de natation, et il se rappelait, enfin, leurs nombreuses discussions lorsqu'ils avaient appris que Link était fiancé à Ruto. Mikau disait à cette époque qu'il détestait les filles et qu'il préférerait mourir plutôt que de se marier. Mikau était mort, et en plusieurs morceaux. Il était mort. Link n'aurait plus jamais l'occasion de prendre sa revanche à la natation. Il y avait tellement de choses qu'il aurait voulu faire avec le prince Zora, et lors de leurs brèves rencontres, il n'avait été question que de la révolte.
Mais après avoir pleuré son ami pendant une bonne heure, une autre pensée lui vint en tête. "Que s'est-il passé ?" Ce double meurtre était vraiment intriguant. Non seulement, on avait massacré les jeunes gens sans que personne ne s'en rende compte, mais les indices étaient déroutants. Un sosie de Link avait été aperçu, et une arme de Nabooru avait été trouvée dans la pièce. Cela n'avait aucun sens. Pourquoi la chef Gerudo aurait-elle tué son amie et son petit ami ? Et lui, il n'avait aucune raison de les tuer. Il serait innocenté très rapidement, mais ce n'était pas le problème. Qui avait commis ce crime et pourquoi ? S'agissait-il d'un coup monté par Ganondorf ? Oui, c'était très possible. Il n'y avait qu'à lui qu'une telle horreur pouvait profiter. Mais le garçon blond... tous les mercenaires étaient des hommes à la peau sombre et aux cheveux noirs. Et il avait la tunique royale des Zoras. Ganondorf pouvait-il disposer de ce matériel ? Comment l'aurait-il eu ? Link eut un frisson. Avait-il des espions ? Mais alors... il devait être au courant de beaucoup de choses à propos de la révolte. Link pressa encore Epona. Si Ganondorf était au courant, alors le royaume d'Hyrule courait un très grave danger.
Vers cinq heures de l'après-midi, il atteignit ce qui devait être un village en ruine, mais en réalité, le QG de l'alliance. Il fut immédiatement accueilli. On lui fit signe de laisser le cheval et d'aller à la salle du conseil, où une réunion extraordinaire venait de commencer.
Link se dirigea donc vers le vieux temple en ruine. Quelqu'un l'y attendait.
- Ah, Sheik, content de te voir, mon vieux. Je vais vraiment avoir besoin de ta sagesse, cette fois.
- C'est bien dommage, car je ne suis pas Sheik.
Le Comte sursauta. Le garçon aux yeux rouges avait la voix de Zelda. Et maintenant qu'il y faisait plus attention, il était plus petit que d'habitude, et son écharpe dissimulait une partie de son visage, facilitant la confusion.
- Zelda, qu'est-ce que tu fais ici ? Et dans cette tenue ?
- Je voulais absolument te voir, mais Impa ne me laissait plus quitter les souterrains du ranch Lonlon. J'ai supplié Sheik de m'aider à venir ici, et il m'a aidée à me déguiser.
- Ça me surprend de sa part. Il était partisan de la sécurité maximum à ton sujet. Il t'a conduite ici ?
- Non, Impa l'a envoyé en mission dans la province des cascades.
- Je vois.
- J'ai appris ce qui s'était passé il y a quelques heures, et j'ai un horrible pressentiment.
- Moi aussi. Si Ganondorf apprends ce qui s'est passé, il va profiter de la panique.
- Non, ce n'est pas ça. Tout le monde pense que c'est un coup du roi sombre. Impa a déjà organisé une mobilisation générale des troupes pour que nous soyons prêts à repousser l'assaut.
- Pour une fois qu'elle sert à quelque chose.
- Link... lorsque Sheik est parti, il emportait ta tunique royale Zora.
- Quoi ?
- Il est parti hier soir au crépuscule avec ta tenue spéciale. Après avoir entendu le rapport d'enquête, j'ai immédiatement fait le lien, mais je n'ai rien dit. Link, je pense que le principal suspect dans le meurtre de Mikau et Evora est Sheik.
Lorsque Link entra dans la salle du conseil, une voix annonça : "non, ce n'est pas lui que j'ai vu".
La Gerudo qui avait vu le suspect était dans la salle, et elle venait de reconnaître que ce n'était pas Link le suspect. Le comte d'Hylia n'en ressentit aucun soulagement, car il savait très bien qui elle avait vu. Mais pouvait-il dire ici sa théorie ? Que se passerait-il s'il accusait Impa d'avoir commandité le double meurtre ?
Darunia prit immédiatement la parole.
- Bien sûr, il était stupide de croire que Link serait le responsable de cet horrible crime. L'assassin est quelqu'un d'autrement plus monstrueux. Vous savez tous dans quel état les corps ont été trouvés. C'est de la sauvagerie pure. Je suis persuadé que ce sont des barbares de Ganondorf qui ont fait le coup.
- Mais pour des mercenaires de Ganondorf, ils ont été drôlement discrets, le coupa Shiro, le Zora qui avait été désigné pour représenter la tribu Zora en ce moment troublé. Depuis le début de notre offensive, la surveillance du domaine Zora a été hautement renforcée. Des témoins ont aperçu de loin, à seulement deux reprises, un garçon blond que nous avons cru, à tort, être Link. Mais s'il n'est pas passé par les postes de gardes et que personne ne l'a entendu commettre son crime, alors il est aussi doué qu'un...
Il n'osa pas en dire plus. Tout le monde savait que le pire qui pouvait arriver à la coalition dans un moment pareil, c'était de se diviser. Le roi Gerudo devait déjà savoir qu'on s'attaquait à lui. Il était impossible qu'il ne profite pas de la situation. Il ne devait pas dire le mot. Mais quelqu'un le dit pour lui.
- ... Un Sheikah ?
Link regretta immédiatement les mots qu'il venait de dire. Il comprit au regard choqué des gens présents dans la salle qu'il venait de faire ce qu'il ne fallait surtout pas faire ; pousser les gens à se méfier les uns des autres. Heureusement pour lui, son parrain rattrapa le coup.
- Link a malheureusement raison. Nous devons nous préparer à l'idée que Ganondorf possède des assassins aussi talentueux que les Sheikahs. Nos ennemis ne sont plus de simples barbares. Il y en a qui sont rusés et silencieux, et pourront s'introduire chez nous sans que nous nous en rendions compte.
Le comte d'Hylia comprit où son oncle voulait en venir et continua.
- Dans ce cas-là, nous avons besoin d'entendre l'avis d'une experte sur la question. Général Impa...
L'assemblée comprit dans les mots de Link qu'il invitait la chef des Sheikahs à donner des conseils pour lutter contre le genre de personne qu'elle avait l'habitude de diriger, mais Link avait posé cette question pour une autre raison. Il était déjà persuadé que Sheik avait agi sur l'ordre de cette incapable. Le garçon avait déjà fait comprendre à plusieurs reprises qu'il ferait passer ses ordres avant tout le reste. Pourquoi avait-elle commandité ce meurtre ? Il était persuadé que c'était pour éliminer un à un ceux qui l'empêcheraient de prendre le contrôle de la coalition. Le fils de Philippe brûlait d'entendre sa version des faits pour trouver des preuves. Oh, il ne l'accuserait pas tout de suite. Il savait qu'il avait besoin des Sheikahs pour lutter contre Ganondorf. Mais quand tout serait terminé, elle devrait lui rendre des comptes.
- ... pensez-vous qu'il serait possible que d'anciens Sheikahs aient pu rejoindre l'ennemi ?
Sans grande surprise pour le jeune homme, elle répondit "oui". Elle argumenta que dans le chaos qui avait suivi l'invasion, il aurait été surprenant qu'aucun Sheikah ne cherche pas son salut en rejoignant le camp des vainqueurs. Elle ajouta que certains de ses soldats avaient infiltré le camp l'ennemi et fournissaient régulièrement des informations. Il était très possible que certains d'entre eux aient fini par adhérer à la cause des Gerudos. Elle continua en proposant divers moyens de lutter contre ces traîtres et finit par suggérer de transformer quelques-uns de ses plus fidèles guerriers en gardes du corps. Les chefs de tribu acceptèrent, mais Link déclina.
- J'ai eu l'habitude de voyager avec Sheik. Il n'y a qu'à lui que je puisse faire confiance. Au fait, Général... je ne l'ai pas vu en arrivant, où est-il ?
Elle répondit sans hésitation :
- Je l'ai envoyé hier soir délivrer un message au roi des Zoras. D'ailleurs, je m'étonne qu'il ne soit...
Un silence régna à nouveau dans la salle. Impa prit un air de reproche.
- Link d'Hylia, oseriez-vous insinuer que ...
- Ne dites pas n'importe quoi. Je me demandais juste pourquoi mon ami n'était pas ici alors que le moment est si grave. Mais si cela se trouve, il a rencontré l'assassin et a eu un problème.
Le jeune homme savait que c'était une possibilité, mais il croyait tellement à sa théorie de "l'Impa-conspiratrice", qu'il n'y attachait aucune importance. En revanche, tout le monde dans la salle semblait avoir adhéré à l'idée que Sheik était une autre victime de Ganondorf.
A ce moment-là, un guetteur frappa à la porte, annonçant qu'une informatrice Gerudo venait d'arriver. On la fit entrer sans attendre. Elle avait de nombreuses blessures et paraissait épuisée.
- J'ai eu beaucoup de mal à m'enfuir. J'ai de très mauvaises nouvelles à vous annoncer. Le roi a fait arrêter Nabooru cette nuit.
Il y eut un mouvement de stupeur général. Il n'y avait plus de doute. Ganondorf passait à l'offensive et était le responsable de la mort du prince Mikau. Même Link en oublia de suspecter Impa.
- Les guerrières se sont éparpillées et ont déclaré la guérilla contre leur souverain, mais beaucoup ont déjà été éliminées par les mercenaires. C'est le désordre dans Gerudoya, mais en venant ici, je pense avoir vu l'équivalent d'une légion se former à la frontière.
La guerre était donc sur le point d'éclater. 6000 mercenaires à la frontière...
Link se leva.
- La situation est claire. Ils sont 6000 pour le moment. Nous n'aurons pas la supériorité numérique bien longtemps. Nous devons profiter du fait qu'ils soient divisés, et surtout, qu'ils ne se réunissent pas. Depuis une semaine, nous avons pu observer leurs tactiques militaires, et nous pouvons en conclure que les hommes, en petit nombre, n'ont aucun sens de la stratégie. Si nous pouvons les priver de leurs chefs, ils seront beaucoup moins dangereux.
- Mais cela implique de s'introduire dans une province anarchique. C'est plutôt dangereux.
- Le plus important est de sécuriser nos postes stratégiques. Leur couper l'accès aux frontières et se débarrasser de ceux qui se trouvent encore en Hyrule. Un petit commando va entrer en Gerudoya, retrouver Nabooru et éliminer les têtes pensantes des armées de Ganon.
Les divers membres de l'assemblée approuvèrent l'idée, mais il ne semblait pas y avoir beaucoup de volontaires pour le commando.
Quatre Gerudos de la province Zora se proposèrent, avides de venger Evora et Nabooru. Ruto insista également pour en faire partie. Darunia et quatre de ses hommes se joignirent au groupe, ainsi que Saria, en tant qu'infirmière. A la surprise de Link, Impa se proposa également, avec cinq guerriers à elle. Finalement, avec Link lui-même, ce fut un groupe de dix-huit personnes qui atteindraient Gerudoya par la province d'Hylia. Impa et Link trouvaient que c'était un bon nombre. Ils pouvaient se déplacer relativement vite et se dissimuleraient plus facilement. Les autres organiseraient la défense de la frontière et le nettoyage du royaume. S'il n'y avait que 6000 hommes à la frontière, ils pourraient les repousser.
A neuf heures du soir, Link re-sellait sa jument et y fixait son matériel de voyage. La fausse Sheik vint le rejoindre avec une jument blanche.
- Zelda, qu'est-ce que tu fais ?
- Je veux venir avec toi.
- C'est dix fois trop dangereux. Nous allons devoir nous battre contre des monstres, tuer des gens. C'est trop pour toi.
- Tu crois que je ne sais pas me battre ?
- Oui.
Deux secondes plus tard, sans qu'il ne puisse comprendre comment, il était plaqué au sol, les mains immobilisées dans le dos et une lame sur le cou.
- Tu crois toujours que je ne sais pas me battre ?
- Comment sais-tu faire ça ?
- Tu t'imagines que Sheik ne m'a appris que les bonnes manières ? Je maîtrise les arts Sheikahs aussi bien que lui.
- D'accord, tu sais te battre, lâche-moi !
La princesse lâcha sa prise. Link se releva, épousseta sa tunique, puis tenta une prise de judo sur la jeune fille. Mal lui en prit, il se retrouva à genoux, et son adversaire lui tordait les bras.
- Je me rends !!! Arrête.
- Tu me prends pour une idiote, ou quoi ? Tu viens de me prouver que je ne pouvais pas te faire confiance. Finalement, tu es comme Impa, tu ne comptes que sur toi-même et tu considères les autres comme des boulets que tu dois protéger.
- Ce n'est pas vrai, je faisais confiance à Mikau et à Sh...
- Menteur, tu as tout de suite accepté l'idée qu'il soit l'assassin de Mikau. Si tu lui faisais confiance, tu l'aurais défendu.
- Tu penses la même chose que moi.
- Non... je sais ce que sont les faits, mais je crois surtout qu'il a été victime d'une grave méprise et que ce n'est pas parce qu'on l'a vu dans la vallée des cascades avec ta tunique qu'il est le meurtrier. Je suis sûre qu'il est tombé sur les véritables coupables et qu'à l'heure actuelle, il est soit mort, soit en train de les filer.
- Alors pourquoi tout à l'heure...
- Je voulais connaître ton degré de confiance en tes compagnons, et j'ai ma réponse. Il est bien faible, et c'est pour ça... que je crois que tu n'es pas un bon héros.
Il y eut un silence tendu. Link était surpris. Cette fille qui l'avait trouvé et appelé élu se permettait maintenant de le traiter d'incapable. C'était la première personne à le traiter de la sorte à part Impa. Est-ce que le général avait étendu sa toile si loin ?
- Je pense que le plus important dans la crise à venir est qu'on puisse se faire confiance les uns les autres. C'est pourquoi je vais vous accompagner pour m'assurer de votre unité. Je sais que tu détestes le général, et je le déplore. Je sais qu'elle est très imposante, mais elle a une âme. Tu n'as jamais essayé de comprendre qui elle était et comment sa défense d'Hyrule a pu échouer, non ?
- Je sais très bien ce qu'elle a fait. Elle s'est servie de mon comté comme appât, mais a été dépassée par le nombre de mercenaires. Elle aurait dû mieux réfléchir et mieux se renseigner sur son adversaire.
- Ce n'est pas ça du tout. Elle pensait être très bien renseignée, mais seulement, les deux informateurs en lesquels elle avait le plus confiance lui donnaient de fausses informations. Ils avaient été rachetés par Ganondorf et l'ont manipulée. Mais elle a fini par avoir un doute et a pu m'évacuer avant que les traitres ne viennent me tuer. Si elle se montre si méfiante à présent, c'est pour éviter la répétition de ce scénario.
Link ne lui répondit pas. Il se sentait profondément blessé dans son amour propre. Cette fille passait son temps à le rabaisser, à lui dire qu'il avait tort sur toute la ligne. Était-il vraiment un imbécile ? Est-ce qu'il était vraiment apte à mener la rébellion ? Est-ce qu'il méritait la confiance que ses compagnons plaçaient en lui ? Etait-ce de sa faute si Mikau était mort ? Est-ce qu'il pouvait protéger ses amis ?
Sans dire un mot, il laissa la princesse seule avec les deux chevaux. Il s'éloigna dans la plaine, ignorant ses cris. Il avait besoin de faire le vide dans sa tête. Il contourna les rochers dissimulant le camp et marcha vers la rivière. Il s'assit lourdement dans l'herbe, attrapa un caillou et le lança violement dans l'eau. Il se sentait de plus en plus furieux. Il avait suffi de quelques phrases à cette gamine pour ruiner toute sa confiance en lui. Etait-il vraiment incapable de gérer la rébellion ?
- C'est bien toi, le fils de Philippe d'Hylia ?
Le jeune homme se retourna. Cinq hommes avaient leur arc braqué sur lui. Ils étaient vêtus comme des Sheikahs, à la différence que les armes et armoiries étaient de manufacture Gerudo. C'étaient des hommes de Ganondorf. Link se maudit. Quel idiot il faisait. Il n'avait aucune arme sur lui, et il se promenait à découvert dans la plaine. Ah, le con !
- Ouais, il lui ressemble trop fort pour ne pas être de la famille, déclara un des hommes.
- Ganondorf le veut vivant, choppez-le !
Link réfléchit à toute vitesse. Le seul objet qu'il avait sur lui était le petit ocarina offert par Saria. Il avait déjà testé l'objet et savait qu'il émettait des sons stridents qui pouvaient s'entendre de très loin. S'il arrivait à souffler dedans, les gens du QG l'entendraient. Mais s'il appelait à l'aide, cela reviendrait à avouer la localisation de ce quartier général à ses ennemis, et il s'agissait probablement d'un piège. On attendait probablement de lui qu'il fasse ce genre de geste.
Ah, il réfléchissait trop. La frontière était encore bien gardée. Il n'était pas possible que des troupes de plus de dix individus puissent circuler sans que les vigiles de la rébellion ne les remarquent. Il n'y avait que ces cinq-là. Avec de la ruse, il pourrait se débarrasser des cinq.
- Ote tes mains de tes poches ! On veut les avoir à l'oeil.
Le comte obéit. Il fallait qu'il laisse ses ennemis s'approcher de lui. Mais comme ils s'approchaient, il eut une nouvelle idée. Ces hommes avaient bien dit que Ganondorf le voulait vivant ? Mais alors... c'était une occasion inespérée. Il allait être donc conduit aux prisons de Gérudoya, et peut-être même devant le roi. Sheik lui avait appris quelques tours pour se tirer de situations désastreuses, comme ouvrir des serrures, se défaire de liens, désarmer ses adversaires... Il avait une petite chance de tuer Ganondorf. Il fallait qu'il en profite. Il fallait qu'il se fasse embarquer sans prendre le risque d'être blessé. Se retrouver face à l'assassin de son père... Il en tremblait d'excitation.
- Ne fais pas de conneries. Au moindre geste suspect, on tire.
- Vous ne disiez pas que votre roi me voulait vivant ?
- Nos flèches sont empoisonnées. Même si on ne te cause que des éraflures, on sera certains que tu ne bougeras plus.
- Voyons, pour quelle raison opposerais-je de la résistance ?
- Tu te fiches de nous ? Judas, passe-lui les menottes.
Les mercenaires étaient particulièrement tendus. Savaient-ils qu'ils se trouvaient près du QG ? Cela voulait-il signifier qu'ils n'étaient vraiment que cinq ? Il allait vraiment se rendre à cinq trouillards ? S'il pouvait au contraire les faire capturer... Mais il ne pensa à plus rien d'autre car il reçut un violent coup sur la tête et sombra dans le noir.
Quand il reprit connaissance, il était ficelé comme un sac de marchandise sur le dos d'un cheval et sa tête lui faisait affreusement mal. Qu'est-ce qui lui était arrivé ? Où était-il ? Il mit du temps à remettre de l'ordre dans ses pensées. Les secousses liées au trot du cheval, plus le mal de tête, n'arrangeaient rien. Il avait mal à l'estomac et aurait volontiers craché ses entrailles s'il avait quelque chose dans le ventre. Il finit par sentir du liquide couler sur son visage. Cette odeur... du sang. Il était blessé à la tête.
- La frontière ! On l'a fait !
Les voix n'étaient pas très claires, elles bourdonnaient dans sa tête, mais il arrivait à comprendre ce qui se disait.
- Ne te réjouis pas, maintenant, il va falloir éviter les Gerudos enragées.
- Bah, elles sont trop occupées par les barbares. Ce n'est pas à nous qu'elles en veulent.
- Mais si le prisonnier est effectivement l'amant de Nabooru, elles vont nous tomber dessus. Tu peux en être certain.
- Ah, voilà...
Link avait trop mal pour se concentrer, il s'évanouit de nouveau pour être réveillé par de l'eau glacée répandue sur sa blessure. Il hurla de douleur et se redressa.
- Ça va, il n'est pas si amoché que ça, finalement.
Le jeune homme regarda autour de lui. Il faisait chaud et il se trouvait dans la grande gorge qui marquait l'entrée de Gérudoya. Il était allongé sur le sol, toujours ligoté. Une dizaine d'hommes faisaient cercle autour de lui. Il reconntu les hommes qui l'avaient capturé en Hyrule. Il y avait également trois hommes vêtus comme eux, plus deux autres au visage dissimulé sous des voiles rouges. Un des hommes masqués était occupé à lui tamponner le visage avec une serviette mouillée. Il avait encore trop mal pour pouvoir réagir, mais il pouvait entendre tout ce qu'ils disaient.
- Il est juste complètement sonné. Quelques heures de repos et il se portera comme un charme.
- Ouf.
- Vous êtes complètement inconscients. Pourquoi l'avoir frappé au crâne ? Vous auriez pu lui infliger des dommages irréversibles.
- Il a bien fallu le neutraliser. Il se défendait comme un diable. Il n'avait pas d'armes, mais il était terrible à mains nues. On ne pouvait pas l'avoir sans le blesser, patron.
- Vous avez de la chance qu'il soit encore capable de bouger. Il n'aurait plus aucune valeur s'il était réduit à l'état de légume. Je me demande pourquoi je vous garde encore à mon service... Bon, on va l'amener à la prison pour qu'il se remette. Vous pouvez disposer.
Link vit le deuxième homme masqué remettre une grosse bourse à ses ravisseurs, qui partirent sans dire un mot. Les deux hommes qui restaient, les masqués, le redressèrent et le hissèrent sur un cheval. L'un d'eux monta derrière lui et lui chuchota à l'oreille : "Pour l'amour du ciel, fais tout ce que je te dis ou tout est perdu pour Hyrule." Link avait encore trop mal à la tête, mais il eut un frisson. La voix étouffée par le tissu ressemblait à celle de Sheik. Mais ce n'était pas possible, Sheik n'était pas en Gérudoya... il était... Link perdit à nouveau connaissance.
Il finit par se réveiller dans une chambre confortable et bien meublée. On lui avait passé un pansement sur la tête ainsi qu'une pommade parfumée. Il se sentait beaucoup mieux. Il se redressa. Ses membres étaient ankylosés et il avait du mal à bouger.
- N'en fais pas trop. Tu es encore faible. Ta plaie s'était infectée et tu as dormi un jour entier.
La voix était douce et bienveillante mais, surtout, étrangement familière. Un homme apparut dans son champ de vision. C'était un homme d'une quarantaine d'années, recouvert de cicatrices et d'une longue cape brune. Sa chevelure était blonde et parsemée de cheveux blancs. Il avait des yeux bleus et une cicatrice sur le menton. Link aurait reconnu cette cicatrice entre mille.
- Père !
- Mon fils...
Le garçon oublia toutes ses blessures, sauta du lit et serra le comte Philippe d'Hylia dans ses bras.
- Ce n'est pas possible... je pensais que tu étais mort... Le suis-je aussi ? Sommes-nous tous les deux au paradis ?
- Hélas... tu n'es pas mort et tu te trouves dans un lieu bien pire que l'enfer.
- Mais...
- Ecoute-moi bien. J'ai peur de ne pas avoir beaucoup de temps. Tu es prisonnier de Ganondorf, tout comme moi, et je crains que dans très peu de temps, tu ne changes de prison. Un jeune homme t'a amené ici hier, alors que tu étais inconscient. Il m'a dit que tu dirigeais une gigantesque coalition contre Ganon.
- C'est...
- Ne dis absolument rien. Cette salle est surveillée.
Le comte eut une défaillance et chancela. Link voulut le soutenir, mais eut une étrange sensation en saisissant un de ses bras. Philippe eut un sourire triste. Il ôta sa cape et révéla un bras gauche mécanique.
- J'ai essayé de m'enfuir à plusieurs reprises. A la troisième tentative, Ganondorf a jugé nécessaire de me trancher mon bras et mon pied gauche. Ensuite, il s'est amusé à me fixer lui-même ces prothèses.
Link observa le corps mutilé de son père. Il avait donc vécu six ans en enfer. Sa haine envers le roi de Gérudoya croissait de seconde en seconde.
- Cet homme est horrible dans tous les sens du terme, continua Philippe. D'abord, il n'aime que les hommes. Il hait les femmes, pour une raison que je ne comprends toujours pas. J'ai eu l'occasion de voir avec quel désintérêt il traitait sa propre fille. Pauvre petite, elle a été si gentille avec moi. J'ai entendu dire qu'elle est torturée dans une autre salle du bâtiment.
Link ne dit rien. Il savait combien Nabooru avait souffert d'être de la même famille que Ganon.
- Et deuxièmement, continua le mutilé avec un ton sinistre, il éprouve une répugnante affection pour ceux qu'il a lui-même blessés. Je suis son prisonnier depuis six ans, et plus il me torture, plus il m'apprécie. Il n'a rien d'humain.
Link écoutait son père silencieusement. Il savait que le roi des Gerudos n'était pas net, alors ce que son père lui disait ne le surprenait pas trop. Mais où voulait-il en venir ?
- On ne va pas tarder à venir te chercher. Il veut t'interroger lui-même sur la coalition que tu as réussi à monter. Je ne pense pas qu'il veuille te tuer, mais plutôt te faire subir le même sort qu'à moi.
- Père, je...
- Je suis fier de toi, mon fils. La vie peut être très cruelle, mais résiste comme je l'ai fait. Beaucoup de choses se sont passées ces derniers jours, et j'ai senti que Ganondorf commence à s'inquiéter. Lorsque ce garçon t'a amené ici, j'ai eu une sensation d'espoir. Tiens bon, je sens que la fin du cauchemar est proche.
On frappa à la porte. Les deux hommes se turent. Un homme entra. Link reconnut la personne qui l'avait soignée lors de son enlèvement.
- Navré de perturber vos touchantes retrouvailles, mais comme stipulé dans notre accord, maintenant que votre fils est guéri...
Link se retourna vers son père.
- Je vais y aller, mais je vous promets que je vous sauverai.
Le comte eut un sourire triste. L'homme masqué s'approcha de Link en lui montrant d'imposantes menottes de fer.
- Dans votre intérêt et celui de votre père, "Comte", je vous suggère de les passer sans montrer de résistance.
Link eut à nouveau la sensation de reconnaître la voix de Sheik. Mais il savait que ce n'était pas possible. Son ami ne travaillerait pas pour Ganondorf. En revanche, il connaissait bien le matériel que l'homme masqué lui désignait. Lors de son voyage vers le Ranch Lonlon, Sheik lui avait appris quelques tours de passe-passe avec. Elles avaient l'air solide, mais en réalité, il y avait deux façons assez simples de s'en débarrasser. Il pourrait s'en défaire facilement.
- Je vous donne le droit de vous dire au revoir... il y a peu de chance pour que vous vous revoyez.
Link fut tenté de refuser ces fausses gentillesses, mais son père tint à le serrer dans ses bras.
"Ne parle pas et garde espoir, chuchota-t-il à son oreille. J'ai vraiment la certitude qu'une bonne chose va se produire."
Link finit par rejoindre l'homme masqué. Celui-ci le poussa sans douceur dans le couloir. Link nota que quatre hommes gardaient la chambre de son père et que le couloir était sombre et froid. Il avait l'impression d'être entraîné dans les entrailles de la terre. Vingt mètres plus loin, l'homme masqué lui chuchota à l'oreille : "Tu te souviens de ce que je t'ai appris à propos des menottes ?". Link s'arrêta. "SHEIK ?" L'homme masqué le tira en avant. "Continue d'avancer comme si tu étais mon prisonnier et fais attention à ce que tu dis. Les murs ont des oreilles par ici. J'ai pris la place d'une belle ordure pour m'infiltrer dans le cercle intime de Ganondorf, mais cela ne durera pas longtemps. Il faudra bien que j'enlève cette tenue un jour ou l'autre."
Depuis son enlèvement, Link avait complètement oublié l'assassinant de Mikau, sa suspicion envers Impa et l'implication de Sheik dans cette affaire sordide. Il ne s'attendait absolument pas à retrouver son ami dans cet endroit.
"L'homme qui a organisé ta capture s'appelle Ephialtès. Il fut autrefois très proche du général Impa, mais a été séduit par le pouvoir que lui proposait Ganondorf. Il y a deux jours, je l'ai aperçu au palais Zora, et je l'ai suivi. Depuis, je suis une ombre dans les rangs de Ganondorf".
- Où est cet enfoiré d'Ephi-quelque-chose ?
- Je l'ai tué et ai pris sa place une heure avant de voir ses hommes revenir avec toi. Maintenant, écoute-moi bien car je ne prendrais pas le risque de me répéter. Je vais cacher quatre lames empoisonnées dans ta ceinture. Je compte sur toi pour te libérer de tes chaines et profiter de ces armes pour tuer Ganondorf. Si tu échoues, toi, ton père et moi sommes morts. Surtout, reste patient et attends qu'il n'ait aucun moyen d'échapper à tes coups.
- Ça va aller.
- J'en doute très fort. Je crois que ton père t'a un peu expliqué les "penchants" de ce taré, non ?
- Il m'a dit ce qu'il lui était arrivé.
- Je n'ai aucun doute sur la façon dont il va te traiter. Il faudra que tu aies les mains libres lorsqu'il sera contre toi. Je sais que ça sera très dur, mais c'est la meilleure façon de le blesser.
- Et après ?
- Fais-moi confiance... AVANCE PLUS VITE, ESPECE DE CHIEN MALADE !
Sheik avait pris une attitude très hautaine et agressive. Il trainait son prisonnier sans ménagement. Link avait compris qu'il devait se prendre au jeu, mais il n'était pas encore parfaitement remis de ses blessures et avait du mal à bouger. Tout se passait un peu vite pour lui. Si seulement on lui laissait un peu de temps pour prendre des forces. Il avait déjà du mal à comprendre ce qui lui était arrivé à lui. Il se rappelait avoir été menacé près d'une rivière et d'un coup sur la tête. Il s'était fait avoir comme un bleu, alors que près de 150 membres de la coalition se trouvaient dans les parages.
... La coalition... Il se rappelait soudainement de la décision qui avait été prise peu de temps avant sa capture, celle d'un commando visant à éliminer les têtes pensantes de l'armée de Ganondorf. Est-ce que ce plan marchait toujours ? Est-ce que ses alliés s'étaient infiltrés dans Gérudoya ? Non, Impa avait certainement profité de l'accident pour prendre le contrôle de la coalition. Il était certain que sa disparition arrangeait le Général et qu'elle ne bougerait pas le petit doigt pour le sauver. Non, il était seul dans cette prison et son seul allié était Sheik. Il ne devait pas compter sur les autres.
Il sentit la main de Sheik se glisser contre sa ceinture. Il dissimulait les fameux outils.
"Deux dans la ceinture et plus une dans chacune de tes poches. Surtout, reste patient et n'agit pas dans la hâte. Maintenant, accroche-toi. Nous y sommes."
Ils arrivèrent dans un espace beaucoup plus dégagé, une vaste salle d'armes où une vingtaine d'hommes entretenaient leurs épées et leurs flèches. Un homme avança vers eux.
- Patron, on vient d'intercepter un type suspect. On a essayé de vous le garder au frais, mais sir Aghanim l'a embarqué pour l'interroger avec le roi.
- Ça veut dire que le roi est enfin arrivé ?
- Ils sont dans la grande salle.
- Bon, alors... toi, toi et toi, dit le faux Ephialtès en désignant trois autres sbires, vous allez conduire notre "invité" dans la grande salle. Et surveillez-le bien, il se montre trop coopératif pour ne pas préparer quelque chose.
On lui répondit avec un ricanement.
- Monsieur le Comte ne réalise pas encore ce qui l'attend, mais tenez le bien.
Link ne broncha pas, mais son coeur battait de plus en plus vite. Son ennemi juré était donc dans une pièce voisine, l'homme qu'il avait juré de tuer... Il allait enfin voir son visage. On le poussa vers un escalier, puis devant une porte massive de bronze. Un garde entra pour annoncer l'arrivée d'Ephialtès et de "l'invité d'honneur". Une voix grave leur répondit de les faire entrer.
La salle était vaste et plutôt vide. Cinq fenêtres étroites éclairaient la pièce avec une dizaine de lampes à huile. Un mur était recouvert de panneaux de bois sur lesquels était accroché tout un assortiment d'outils de torture. Il y avait également une table d'interrogatoire au milieu de la pièce ainsi qu'un trône sur une estrade. Il y avait deux hommes dans la salle. L'un d'eux était vêtu comme Sheik, enveloppé dans des draps rouges. L'autre était un géant de plus de deux mètres de haut, musclé, doté d'une crinière rousse de lion et d'une peau olivâtre. Il était vêtu d'une armure noire ornée d'or et de pierres précieuses. Link comprit que c'était lui, le roi Ganondorf. Et ce roi le regardait intensément. Le garçon se sentit immédiatement mal à l'aise. On avait beau l'avoir prévenu, il fut pris d'une profonde répulsion pour cet homme au regard si dérangeant, mais en même temps... il était fasciné par son apparence imposante. Un seigneur du mal... c'était un roi maléfique comme on les décrivait dans les contes de son enfance.
- Le voilà donc, ce fameux Link d'Hylia, s'exclama le roi du mal en voyant son prisonnier. Je me souviens d'un jeune garçon très remuant, que j'ai décapité au mont du Péril. Ce gamin ne me suscitait aucune sympathie. J'étais loin de m'imaginer que le fils de Philippe était en train de grandir et de se préparer ailleurs. Quand j'ai appris qu'il était vivant et qu'il menait une énorme rébellion, je n'arrivais pas à y croire.
Link détourna son regard. Il ne pouvait pas regarder cet homme qui lui inspirait à la fois haine, horreur et fascination.
Le roi se rapprocha de lui.
- Le digne fils de son père. J'ai bien connu ton père lorsqu'il avait ton âge. C'est fou comme vous vous ressemblez, aussi bien physiquement que psychologiquement, deux têtes brûlées blondes, débordantes de vitalité.
Il fit signe au faux Ephialtès de se retirer. Ce dernier obéit sans un mot. Ganondorf retourna vers son trône où il s'assit, sans cesser d'observer le jeune captif.
- On m'a dit que tu es resté inconscient pendant une journée. Peut-être que tu te demandes ce qui s'est passé depuis ta capture ?
Link ne répondit pas. Oui, il était très curieux de savoir comment les rebelles s'étaient organisés, mais il essayait de se concentrer sur sa mission, d'arriver à se libérer et à prendre les lames empoisonnées sans que son ennemi ne s'en rende compte.
- Le général Impa raconte à qui veut l'entendre que tu as été capturé après une lutte héroïque et qu'elle vengera ta mort.
Link fut étonné. A quoi jouait la vieille folle ?
- Je crois que tu commences à comprendre ce qu'elle attendait vraiment de toi, non ? Elle cherchait un petit héros martyr pour remotiver les troupes hyliennes. Ton rôle est terminé. Tout ce qui te reste à faire, c'est mourir en héros.
"C'était donc ça", pensa Link. Il se sentait de plus en plus nerveux. Ganondorf disait certainement tout ça pour le perturber. Il savait qu'il ne devait pas y prêter attention, mais il commençait à s'inquiéter pour la coalition.
- Donc, je serais vraiment stupide de te tuer, vu que c'est exactement ce que tes anciens amis attendent. Je ne leur donnerai pas le souvenir immortel du jeune comte d'Hylia envoyé par l'esprit de forêt pour leur montrer la voie de la liberté.
Le coeur de Link se mit à battre de plus en plus fort. Comment cet enfoiré était-il au courant pour l'esprit de la forêt ?
- Aghanim, montre ton visage à notre cher invité.
L'homme en rouge obéit. Link reconnut avec stupeur le lanceur de couteaux qui était venu dans la forêt avec Sheik.
- Cet homme fut autrefois un des meilleurs espions Sheikahs qu'Hyrule ait connu, mais il n'était pas reconnu à sa juste valeur. Lorsqu'il était Sheikah, il était cantonné dans l'ombre et était plié aux caprices du général Impa. Lorsque je lui ai proposé de travailler pour moi et d'enfin mener les missions qui lui plaisaient pour une récompense qui lui convienne, il a sauté sur l'occasion.
Aghanim continua l'explication.
- Il y a quelques mois, j'ai constaté qu'un jeune Sheikah parcourrait Hyrule à la recherche d'un fantôme, le fils soi-disant décédé du Comte d'Hylia. Il constituait une petite troupe de cirque pour aller le chercher dans la grande forêt. Il comptait faire toute une mise en scène pour faire du garçon un élu, un envoyé des dieux. Il avait fabriqué un automate dragon qui puisse faire semblant de l'attaquer, et avait tout un matériel pour provoquer des ambiances "surnaturelles". Il avait également une jolie prophétie écrite de la main d'Impa, qu'il devait chanter aux quatre vents.
- Tu comprends, maintenant ? La vieille te prend pour un idiot depuis le début. Ton arbre Mojo qui t'a envoyé au combat était en réalité le jeune Sheikah qui jouait avec des bombes fumigènes et des effets sonores. Et si ma mémoire est bonne, cette prophétie se termine par
"Pièges et trahisons l'attendent,
Pour lui, long sera le temps,
Mais si la vie est cruelle,
La mort le rendra immortel."
Tu vois, ils avaient prévu de te sacrifier dès le début.
Le jeune homme commença à trembler. Toutes les paroles de Sheik prenaient un nouveau sens. Son ami l'avait toujours manipulé. Il se sentait trahi au plus profond de sa chair. Et maintenant, qu'est-ce qu'il faisait vraiment dans les quartiers Gerudos ? Est-ce qu'il était chargé de s'assurer de la belle sortie du descendant de Linki ?
Ganondorf eut un sourire sadique.
- On dirait que tu as compris... tu peux sortir, dit-il au lanceur de couteaux.
Les deux ennemis se retrouvèrent seuls.
- Ne fais pas cette triste tête. Tu sais bien que je ne vais pas te faire de mal.
- LA FERME !
Link ne voulait plus entendre quoique ce soit. Il ne croirait plus jamais rien. Le roi des Gerudos se leva de son trône et se rapprocha de son prisonnier.
- Tu n'es pas obligé de souffrir pour ces traîtres. Je ne te considère pas comme un ennemi. Tu n'as pas d'avenir avec les Hyliens, pourquoi ne pas essayer avec moi ?
Link eut un frisson. La façon dont Ganondorf avait dit "avec moi" était vraiment désagréable.
- Je te rendrai ton Comté d'Hylia et ton père, si tu acceptes de devenir mon bras droit et de diriger mes armées. Je sais que tu as du talent. Tu m'as privé de plus d'un millier d'hommes en une semaine. Tu es un bon tacticien, et je manque de cerveaux à mes côtés.
Cette proposition surprenait le prisonnier. S'il s'était attendu à ce que le roi sombre lui propose de travailler pour lui. Mais c'était inutile. Même s'il devait faire le jeu d'Impa et de Sheik, il vengerait les souffrances de son père et toutes les victimes de Ganondorf.
- Où se trouve Nabooru ? s'écria Link, se rappelant tout ce que ce monstre avait fait à sa propre fille.
Le roi devint agressif.
- Quoi encore avec cette petite garce ? Elle t'a vraiment séduit ? Elle t'a fait un numéro de charme pour que tu acceptes de l'aider ?
Il lui donna un violent coup de poing dans le ventre, le forçant à s'agenouiller.
- Toi aussi, tu préfères ces femelles empoisonneuses qui jouent avec leurs poitrines et leurs yeux pour monopoliser toute l'attention ? Tu me déçois beaucoup. Tu ressembles vraiment trop à ton père. Lui aussi, il était distrait par toutes ces garces. Il ne passait jamais ses soirées avec moi, mais en galante compagnie. Je pensais avoir trouvé l'homme qui pourrait partager ma vie, mais cette sale pétasse de Magdalène a réussi à l'envoûter et à le garder pour elle seule.
Link gardait le visage contre le sol. Il avait profité du coup pour se recroqueviller, dissimuler ses mains et enlever discrètement ses menottes. Il n'en croyait pas ses oreilles. Le seigneur du mal était quasiment en train de lui avouer être de l'autre bord et de crier sa frustration que son père ne lui rende pas son affection. Vraiment, cet homme le dégoutait. D'ici peu, il allait peut-être avouer avoir déclaré la guerre à Hyrule pour récupérer l'homme qui l'avait repoussé.
- Mais comment une de ces garces pourrait-elle rendre un homme heureux ? Ces misérables créatures fragiles ne comprennent pas comment nous fonctionnons. Elles ne peuvent comprendre le plaisir du combat, l'importance de la force. Comment pourraient-elles savoir ce dont le corps d'un homme a besoin ? Mais un homme... il peut contenir ta puissance, il connait ton intimité...
- CA SUFFIT, C'EST DEGOUTANT ! hurla Link.
Ganondorf le saisit par les cheveux.
- Je vois que tu ne comprends toujours pas. Tu es à moi, tu m'appartiens à présent. Personne ne viendra t'aider. Tu es à ma merci et je ferai de toi ce qu'il me plaira. Soit tu te montres sage et obéissant, et je me montrerai gentil, soit tu t'entêtes et je... jouerai avec toi comme je l'ai fait avec Philippe.
Il projeta son prisonnier au sol et alla ouvrir un coffre-fort. Link en profita pour se débarrasser des menottes et saisir les deux lames empoisonnées de sa ceinture. Son ennemi revint avec une épée dans son fourreau. Le garçon eut un nouveau choc. La garde de l'épée était sertie d'améthystes dans un cloisonnement d'or. C'était l'épée de Linki, l'arme légendaire de sa famille. Cette ordure tenait entre ses sales mains le deuxième trésor de la famille d'Hylia.
- Partage le pouvoir avec moi. Je ferai de toi le maître du monde.
Oui, cet homme était vraiment horrible. Les avertissements de son père et de Sheik étaient des euphémismes. Il comprenait à présent ce qu'il devait faire pour arriver à le blesser, car seul son visage n'était pas protégé par son armure. Cela allait effectivement être dur, mais il n'avait plus le choix. Le garçon se releva et répondit "j'accepte à la seule condition que vous ne touchiez plus jamais à mon père".
- Et bien voilà, nous finissons par nous entendre. Tu as ma parole que dès que nous aurons mâté la rébellion, je te laisserai emmener ton père où bon te semblera. Mais bien évidement, il va me falloir une garantie de ta loyauté.
- Je dois tuer quelqu'un ?
- Quel dommage, je n'ai pas de victimes sous la main. Non, je veux autre chose.
Le géant s'approcha du garçon, avec un regard chargé de désirs pervers. Link frémit un instant, mais savait qu'il n'avait pas d'autre choix. Dans quelques instants, cette erreur de la nature serait punie par ses propres vices. C'était le prix à payer.
Ganondorf saisit le menton de son nouvel associé et rapprocha son visage du sien.
- Je veux que tu me donnes ce que ton père ne m'a jamais donné...
Et sans aucune autre manière, il pressa ses lèvres contre celles du garçon. Link se retint de réagir. C'était absolument répugnant, mais à présent, Ganondorf ne faisait plus attention à rien. Le géant enlaça sa victime de ses puissants bras. Le garçon fit lentement de même, en remontant les bras vers le cou de son adversaire.
- Bon garçon, tu comprends vite...
Le pervers redoubla son étreinte et ses baisers. Que c'était répugnant. Link se dit en son for intérieur que le fait de faire ce genre de choses avec un autre homme aurait déjà été plus supportable. Il cala les deux lames entre ses doigts. Ça y était presque. Ganon plaqua alors le garçon sur le sol.
- Viens en moi, petit, souffla-t-il.
- Tes désirs sont des ordres.
Link planta les deux lames dans son cou. Ganon poussa un cri de douleur. Le garçon en profita pour se libérer de son étreinte. Il courut vers l'épée de Linki. C'était avec cette lame qu'il devait donner le coup de grâce, pour venger l'honneur de sa famille. Mais à peine avait-il saisi le fourreau qu'il fut attrapé par la taille et traîné en arrière.
- Tu es un petit rusé, toi. Depuis le début, tu espérais profiter de cette intimité pour me blesser avec des lames empoisonnées ? C'était bien essayé. Dommage que je sois complètement immunisé contre ce genre de crasses. J'imagine que cela signifie que tu refuses ma proposition ?
Link se débattait, mais c'était peine perdue. Le roi des Gerudos était une force de la nature. Il était encore plus fort que le chef des Gorons.
- C'est ça, débats-toi, mon mignon. Te voir débordant d'énergie m'excite encore plus. Il y a tant de choses que j'ai envie de te faire à présent...
Les bras du roi serraient leur prise au point de l'étouffer. Link sentait ses forces lui échapper. Mais à ce moment-là, la porte s'ouvrit avec fracas. Le garçon vit apparaître deux Sheik, un en habits rouges, et l'autre en tenue de Sheikah. Ils étaient tous les deux armés.
- Ote tes sales pattes de mon homme ! vociféra le Sheik Sheikah.
- Personne n'a le droit de toucher Link à part moi ! cria celui en rouge.
Le comte d'Hylia reconnut Zelda, toujours dans son déguisement de garçon. Qu'est-ce qu'elle faisait là ?
Ganondorf fut un instant étonné, mais ne relâcha pas son étreinte.
- Si vous le voulez, venez le chercher. A LA GARDE !
- Inutile ! On s'est occupé de tout le monde dans la salle. Tu es seul, et à l'instant où tu tueras ton prisonnier, on s'occupera également de toi, s'exclama le vrai Sheik.
Link, reprenant ses esprits, plongea ses mains dans ses poches pour récupérer les deux autres lames. Il devait trouver une faille dans l'armure. Le vrai Sheik avait compris son manège et décida de capter l'attention du roi.
- A présent, la prison du colosse des sables regorge de personnes brûlant de vous faire la peau. La présence de l'otage est la seule raison pour laquelle vous n'êtes pas encore mort.
Ganondorf desserra son étreinte. Il réfléchissait à toute vitesse, et, sans s'en rendre compte, s'affaiblissait. Le poison commençait à faire effet. Est-ce que son prisonnier avait une quelconque valeur en tant qu'otage ? Pourrait-il s'en servir pour s'enfuir ? Il fallait gagner du temps.
- Ne chercherais-tu pas plutôt à t'assurer qu'il meure bien ici ? Je crois que je vois qui tu es. Tu es le larbin d'Impa qui a été chargé de faire du Comte d'Hylia la mascotte de la révolte. Pourquoi ne dis-tu pas à ton ami ce qui s'est vraiment passé dans la grande forêt ? Tu lui dois bien ça, non ?
- Sheik... demanda Link.
- Le général ne pouvait pas combattre seule. Elle n'avait pas les moyens de lever une armée suffisamment puissante. Mais lorsqu'elle a appris que tu étais vivant, elle a tout de suite compris que toi, tu pouvais faire des miracles. Elle m'a donné l'ordre de te trouver et de te préparer à ton rôle. Tu étais loin d'être celui dont nous avions besoin lorsqu'on t'a ramassé chez les hommes des bois. Le coup du dragon, et l'arbre qui parle, c'était moi, je l'avoue. Mais je te promets que je n'ai jamais fait quoi que ce soit qui puisse te nuire.
- Qu'est-ce que tu faisais chez les Zoras avec ma tunique ?
- Impa n'aimait pas l'idée que tu sois fiancé à la princesse Ruto. Elle voulait te voir avec Zelda. Elle m'avait envoyé dissoudre les fiançailles. Moi, tout ce que je voulais, c'est qu'à la mort de Ganondorf, tu sois libre de choisir la personne qui te plaise. Mais quand je suis tombé sur Ephialtès, j'ai abandonné tout le reste pour le suivre.
- Ah, les femmes, ironisa Ganon. Je te l'avais dit, mon mignon, que c'étaient toutes des empoisonneuses.
Link remarqua que Zelda faisait d'étranges mouvements avec son couteau. Elle faisait pointer sa lame sur une zone de sa tunique. Le garçon comprit. Elle lui indiquait le point faible de l'armure de Ganondorf.
- Qu'est-ce qu'Impa a dit lorsqu'ils ont découvert ma disparition ? Qu'a fait la coalition ?
- Le groupe est parti comme prévu, annonça Zelda. Nous étions persuadés que tu ferais quelque chose contre l'ennemi et qu'on devait en profiter. Impa était également certaine que tu ne ferais rien qui ne compromette la mission.
- A vrai dire, personne n'aurait imaginé que tu passes une journée entière dans le coma.
Link sentit l'étreinte de son geôlier se relâcher de plus en plus. Son souffle devenait également irrégulier. Il s'affaiblissait de plus en plus. Guidé par les gestes de Zelda, il repéra la faille dans l'armure. Sheik annonça qu'il entendait la voix de Nabooru. Link profita de l'accès de rage du roi pour enfoncer sa lame dans le flanc de son ennemi, puis glissa loin de lui. Sheik et Zelda se jetèrent sur le roi, mais il les repoussa d'un simple coup de poing, et saisit Sheik à la gorge.
- Comment pouvez-vous penser une seule seconde que du poison peut avoir raison de moi ? Je vais vous briser un à un, bande de petits rats.
Link saisit l'épée de Linki. Il n'y avait qu'avec ce genre d'arme qu'il se sentait à vraiment à l'aide. Puis, il revint vers ses amis.
- Tu perds ton temps, Ganondorf. Tu ne sortiras jamais d'ici. Maintenant, lâche-le. Je veux qu'on en finisse pas un vrai duel.
Bien sûr, le roi des Gerudos aurait dû garder son emprise sur Sheik, car ni Link ni Zelda n'aurait tenté quoi que ce soit tant qu'ils risquaient de blesser leur ami, mais la provocation du jeune Comte avait trop bien marché. Il lâcha sa proie et sortit un énorme sabre de sa cape.
- Ta révolte s'arrêtera dans cette salle, gamin. Je vous tuerai tous et dans les siècles à venir, mes sujets se souviendront de la bande de fous qui pensait pouvoir détruire le diable.
Bien qu'il soit empoisonné, Ganondorf se battait encore avec beaucoup de force et d'agilité. Le combat fut loin d'être aisé, mais lorsque Link se mit à manier l'épée légendaire, tous les souvenirs de ses cours d'escrime avec son père lui revenaient en mémoire. Il exécutait sans aucune difficulté les plus célèbres bottes et feintes de son père. Il parvenait à contrer la terrible puissance du roi des Gerudos.
Il y eut du bruit près de la porte. Lors d'un bref coup d'oeil, il réalisa que Ruto, Saria et Darunia avaient rejoint Sheik et Zelda. Ganondorf en profita pour lui porter un coup manquant de le désarmer. Les jeunes filles poussèrent des cris de terreur. Link commença à se dire que ces spectatrices étaient agaçantes. Elles ne faisaient que le déconcentrer... Une minute, et s'il arrivait à déconcentrer Ganondorf ? Il avait repéré un espace faible dans l'armure au niveau du cou. S'il pouvait gagner une ou deux secondes pour viser, il pouvait mettre fin au combat.
- Je sors avec le beau blond en rouge !
- QWWWWAAAA ?!?
Toute la salle avait résonné des cris de surprise des spectateurs. La ruse avait marché. Ganondorf lui-même avait baissé sa garde à cette annonce stupide. Link empoigna son épée à deux mains et transperça la gorge du seigneur des ténèbres. Ganondorf, avec un air étonné, fit quelques pas vers le garçon. Il tendit sa main, comme pour tenter de caresser son visage une dernière fois. D'un coup sec, Link retira son épée, puis, sous l'effet du dégoût qu'il éprouvait pour son adversaire, le décapita d'un seul geste.
La tête roula vers les spectateurs. Les filles poussèrent des cris d'horreur. Darunia, lui, applaudissait. Sheik, radieux, se précipita sur le héro.
- C'était brillant, ma grande.
- Ecrase, apporte-moi une cruche d'eau, tu veux ? Il y a un sale goût dont je tiens absolument à me débarrasser.
Le garçon aux yeux rouges lui tendit une gourde.
- J'ai eu l'intuition que tu me demanderais ce genre de chose.
- Parlons sérieusement. Ce que tu as dis pour baratiner ce... ce type, c'était vrai ?
- Oui. Impa voulait vraiment te tailler un rôle sur mesure.
- Oui, mais non, je voulais parler de la raison pour laquelle tu étais allé au domaine Zora.
- Attendez une minute, vous deux.
Ruto et Zelda les rejoignaient.
- Link, qu'est-ce que c'est que cette mascarade ! Dis-moi pourquoi tu as dit une chose aussi...
- Stupide ?
- Ridicule, oui ! Quel héro irait crier à son ennemi qu'il est amoureux d'un autre homme ? Tu as cassé une bataille épique et tu m'as couverte de honte, moi, ta fiancée.
- Le but n'était pas de faire une bataille épique, mais de nous débarrasser de cette pourriture, la corrigea Sheik.
- Pourquoi tu le défends ? Il t'a quand même traité de...
Un doute parcourut l'assemblée.
- Heu... les garçons... dites-nous que...
- C'est une blague ! s'écria Sheik. N'allez pas vous imaginer une seule seconde que je suis de ce bord-là !
- Qui sait, répondit Link en souriant. Je ne me suis jamais senti aussi soulagé de toute ma vie. Je vais dire encore beaucoup de choses sans ni queue ni tête avant la fin de la journée.
Ruto lui sauta au cou.
- Ne dis plus rien, repose-toi contre moi et promets-moi qu'on se mariera dès demain.
- Non, Link, c'est moi que tu dois épouser, s'écria Zelda. Je sais que tu m'es promis. Je t'ai vraiment vu en rêve. Les dieux nous ont destiné l'un à l'autre.
Le garçon poussa un soupir. Il souffrait encore de sa blessure au crâne, il venait de mener un combat éprouvant et sa tête tournait. Ces filles qui s'agitaient devant lui le fatiguaient plus qu'autre chose. D'autres personnes apparurent à la porte, des Gerudos qui soutenaient une Nabooru couverte de blessures. La vue du garçon commença à se troubler. Il vit arriver son père soutenu par Impa. Sa tête lui faisait trop mal, il s'évanouit.
Le ciel bleu était absolument magnifique. La journée promettait d'être parfaite, avec un temps pareil. Darunia, son épouse et leur fils, confortablement installés dans leur litière, se réjouissaient d'avance.
- Il va faire chaud, prédit Sintra. J'espère que nous pourrons nous baigner dans le lac.
- Philippe a certainement tout prévu à ce sujet. Il aime tellement partager la beauté de son grand lac Hylia. J'ai vraiment hâte de le revoir. J'ai hâte de revoir tous ces gens ayant participé à la délivrance d'Hyrule et de ton royaume.
- Mon royaume, c'est le tien, mon grand guerrier, lui répondit la tante de la reine des Gerudos.
- Je me demande ce qu'ils vont organiser. Si les cérémonies s'étaient passées au bourg d'Hyrule, tout aurait été tellement prévisible. Mais en Hylia...
- D'un autre côté, ça ne pouvait pas se passer ailleurs que sur les ruines du château d'Hylia.
La litière contourna la butte du ranch Lonlon.
- Je me demande ce qu'ils vont faire de cet endroit, s'interrogea Sintra. Est-ce qu'Impa contrôle encore les armées d'Hyrule ?
- Il parait que la princesse Zelda en a fait cadeau à la famille de Talon et Malon, pour tous leurs services rendus. Cela va vraiment devenir un ranch. On va démonter toutes les fortifications pour gagner de la place et agrandir les enclos.
- Hyrule va changer de visage... Je me demande ce que ma nièce va faire de Gérudoya. Notre patrie a été mise à feu et à cendre par les mercenaires, mais nos filles ont une telle volonté. Même si le climat y est éprouvant, elles ont bien l'intention d'en faire un paradis.
- Tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant. Les hommes ne naissent pas dans ton royaume. Il n'en nait qu'en Hyrule.
- Mais suite aux accords avec les princesses Zelda et Ruto, nous pouvons circuler librement, épouser qui nous voulons et mettre au monde nos enfants où nous le souhaitons. Une quinzaine de petits garçons sont nés depuis le "brassage" de nos communautés. Je crois que tout ira de mieux en mieux pour Gérudoya.
- Ton fils est le premier de la série, fit remarquer Darunia. Selon vos lois, il a le droit de revendiquer le trône de ton royaume.
- On a supprimé cette stupide loi qui ne nous a rien apporté de bon. L'héritier ou l'héritière de Nabooru sera la personne que ma nièce choisira.
Ils se turent, ils approchèrent de la frontière. Ils y aperçurent une délégation de la Tribu Zora. Ils reconnurent la litière de la princesse Ruto, parée de fleurs. Ils la saluèrent courtoisement.
- Bonjour Ruto, nous sommes vraiment heureux de constater que tu aies pu venir à cette cérémonie. Nous craignions vraiment que les malheurs qui ont frappé votre famille vous retiennent chez vous.
- Oh, mais je devais venir pour mon fiancé, répondit-elle d'un ton mélancolique.
Il y eut un petit silence gêné. Sintra tenta de détendre l'atmosphère en faisant des compliments sur la tenue de la princesse.
- Votre robe est magnifique. Ces rappels de vert sur ce bleu...
- Si cela n'avait tenu qu'à moi, je porterais toujours le noir. J'ai tant de deuils à faire. Mais la famille d'Hylia organise une fête pour célébrer la fin de la guerre, et je ne peux m'y rendre dans des vêtements si tristes. Je tâcherai de sourire.
Le chef des Gorons approuva la décision de la princesse Zora. Elle remarqua alors le petit nourrisson d'âgé d'un mois à peine.
- C'est votre enfant ? Quel est son nom ?
- C'est notre fils, et je crois que le nom que nous lui avons donné coulait de source. Nous l'avons appelé Link.
Une larme coula sur la joue de la princesse Zora.
- Oui, il sera aussi vaillant que lui, j'en suis certaine.
Les deux troupes arrivaient maintenant dans la grande vallée d'Hylia, où une mer de tentes avait été dressée autour d'un majestueux lac. On aurait dit que tous les peuples de la rébellion s'étaient rendus en Hylia pour l'occasion.
- Au fait, s'interrogea Ruto, est-ce que vous vous y attendiez ?
- S'attendre à quoi ? A ce que nous allons fêter aujourd'hui ?
- Oui, au mariage du Compte Philippe avec le général Impa. Moi, je n'aurais jamais imaginé que cette femme au caractère glacial soit en fait complètement folle du Comte depuis plus de trente ans.
- Oh, moi, je savais qu'elle avait un faible pour lui, répondit Darunia, mais Philippe n'aimait que Magdalène. Ça ne me surprend pas tellement que dans cette atmosphère euphorique, il veuille reconstruire son bonheur avec une nouvelle épouse, même si...
Il se tut un instant, il ne savait pas comment agir devant la jeune Ruto. Il savait qu'elle faisait des efforts monstrueux pour dissimuler sa tristesse. Les amis mirent pied à terre dans la plaine où devait se dérouler la cérémonie. Un bel autel avait été aménagé sur les ruines de l'ancienne chapelle du palais, complètement rasée par Ganondorf. Pas loin de l'autel se trouvaient quelques mausolées. L'un d'entre eux était flambant neuf. Il avait été érigé un mois auparavant. Les différents invités s'étaient déjà réunis à cette occasion.
- N'est-ce pas un peu déplacé, de faire une cérémonie de mariage si près de...
- Et en plus, celui de son père avec une femme qu'il n'avait jamais porté dans son coeur. Le pauvre, il doit se retourner dans son mausolée, gémit la princesse Ruto.
Darunia la gronda. Ce genre de commentaire était encore plus déplacé que le lieu de la cérémonie. La jeune fille sentit les larmes couler. Elle avait cru qu'elle pourrait être forte pour la mémoire du seul garçon qu'elle ait aimé, mais à la vue de la tombe, elle craqua.
- Pourquoi, pourquoi... C'est tellement injuste. Il avait réussi.
- Il avait une grave blessure à la tête et on lui a demandé de mener un combat épuisant dès son réveil dans une région connue pour son climat éprouvant. Il était évident que son corps ne le supporterait pas. Sa prouesse face à Ganondorf tenait déjà du miracle.
- Princesse Ruto, vous avez fait tout ce qui était possible, tenta de la consoler Sintra. Nous avons tout essayé pour le soigner. Mais lorsqu'une personne sombre dans le coma, on ne peut rien faire d'autre que prier pour qu'il revienne. Hélas, son coeur s'est arrêté de battre au bout de deux semaines.
- Si seulement... si seulement j'avais pu faire quelque chose... Link ne serait pas mort.
- Tu réagis comme son ami Sheik. Ce n'est pas de votre faute. Cette ordure de Ganondorf voulait capturer Link et rien n'aurait pu l'en empêcher. Estimons-nous heureux que Link aie quitté cette terre l'esprit aussi tranquille.
- Mais...
Elle s'effondra en larmes, de la même façon qu'elle l'avait fait lors de la cérémonie funèbre du héros sauveur d'Hyrule.
C'était hélas la vérité. Alors qu'il venait de tuer le terrible roi Gerudo, Link s'était évanoui pour ne plus jamais se réveiller. Sheik, qui le veillait jour et nuit, avait annoncé un matin que son coeur avait cessé de battre. Plusieurs personnes vinrent examiner le corps, tant ils avaient du mal à y croire. On avait transporté le corps en Hylia et quatre jours plus tard, il était inhumé dans un superbe mausolée conçu par des artistes venus de tout le pays.
La disparition des principaux cerveaux de l'occupation avait semé le désordre chez les mercenaires et en trois semaines, on pouvait dire que tous les envahisseurs avaient disparu d'Hyrule, Gérudoya et les provinces. La victoire de Link avait assuré celle de la coalition. On avait fait le deuil du héros pendant une semaine, et tout le monde chantait les exploits du descendant de Linki qui avait chassé les ténèbres et entrainé le démon dans la mort. Oui, l'envoyé de l'arbre Mojo avait eu une fin glorieuse, digne des héros de légende. Il n'avait connu aucune défaite. Il était partit jeune, beau et fort. L'image qu'il laissait était glorieuse et impérissable. La mort l'avait rendu immortel. La prophétie inventée par Impa s'était, ironiquement, révélée tellement juste.
Ruto, Zelda, Nabooru et la bucheronne Saria avaient été inconsolables. Sheik avait disparu du jour au lendemain. Le comte Philippe avait lui aussi pleuré son fils, mais avait agi avec un incroyable sang froid et une efficacité exemplaire à sa libération. Il avait pris le commandement de toutes les armées de la coalition et s'était débarrassé des mercenaires de Ganondorf en deux semaines. Ensuite, il avait organisé les magnifiques funérailles de son fils, servi de médiateur entre les différentes provinces et avait entrepris de reconstruire son comté. Au bout d'un mois, il annonçait ses fiançailles avec une très vieille amie ; Impa. Il avait craint les réactions de personnes comme Ruto. Mais tout le monde semblait accepter l'idée qu'il souhaite reconstruire une famille. Impa s'était, pendant des décennies, montrée glaciale pour masquer sa colère de ne pas avoir été l'heureuse élue du coeur de Philippe. A présent, elle était heureuse d'avoir son beau comte pour elle seule.
La cérémonie se déroula parfaitement, mais trois personnes ne partageaient pas l'allégresse générale : les princesses Zelda, Ruto et la reine Nabooru. Toutes trois désapprouvaient de telles réjouissances alors que l'homme de leur vie venait à peine d'être inhumé. Elles s'étaient réunies toutes les trois sur une petite île du lac, à l'abri de la foule et loin des nouveaux mariés. Les évènements les avaient rendues amères. Cette victoire sur Ganondorf n'était pas une vraie victoire, puisqu'elles avaient perdu ce qu'elles avaient de plus cher. Le seul point positif de l'histoire était qu'elles ne s'entretueraient pas pour savoir qui serait l'élue du coeur du héro.
Elles furent bientôt rejointes par une jeune femme blonde.
- Les filles, arrêtez de faire ces têtes d'enterrement. Tout le monde meurt un jour, mais pour les autres, la vie continue.
- Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'une...
Mais Ruto s'arrêta en apercevant ses yeux rouges rubis.
- SHEIK !
- Ah, enfin.
- Qu'est-ce que tu fais dans cette tenue ?
Le travesti détourna le regard.
- La guerre est finie, je n'ai plus de raisons de rester au service d'Hyrule. En fait, je n'ai même plus envie de rester dans ce royaume. Alors je laisse tomber Sheik et je redeviens celle que j'étais lorsque j'étais enfant ; Marine.
- Qu'est-ce que... mais tu es un homme, le corrigea Zelda.
- Tu t'imagines vraiment que le général allait te coller un garçon comme garde du corps ? Non, j'ai toujours été une femme, mais la règle chez les Sheikahs d'élite est de renoncer à toute individualité, et donc, à mon genre. Durant toutes les années de ma formation, je n'étais ni fille ni garçon, seulement Sheikah, une ombre au service du royaume.
- Je comprends... j'avais raison de me méfier le jour où tu étais arrivée en fille à la province des cascades. Tu étais la plus dangereuse de mes rivales, puisque Link ne pouvait pas se passer de toi.
- Link n'a jamais su non plus ma véritable nature, et je n'avais pas l'intention de le lui dire. Mais maintenant que le général s'est marié, je crois que cela n'a plus de sens que je reste un androgyne.
- Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Je vais quitter Hyrule, partir à l'aventure. Prenez soin de vous. Et si je trouve d'autres beaux héros lors de mes voyages, je vous les enverrai.
Les princesses saluèrent leur amie et se séparèrent. Cette rencontre inattendue avait chassé leurs tristes pensées.
- Sheik, une fille... si je m'y attendais, répétait sans cesse Zelda.
Quinze minutes plus tard, Marine rejoignait une personne encapuchonnée dans la plaine avec un sac de provisions "prélevé" à la fête.
- Comment ils allaient, l'interrogea la personne encapuchonnée ?
- Ton père et ta belle mère ont l'air heureux, Darunia est fier comme un coq de pouvoir présenter son petit Link à tous ceux qu'il croise. Les filles étaient toujours désespérées par ta perte, mais j'ai été leur parler, et ça a l'air d'aller un peu mieux. Tu sais que tu es affreusement cruel ?
- Je n'avais absolument pas envie de ce rôle de héros. J'ai horreur d'être traité comme une vedette. Et j'avais encore moins envie d'avoir à choisir entre toutes ces filles. Je n'avais pas envie de passer ma vie avec l'une d'entre elles. Moi, je veux voyager, et tant que tu es avec moi, je n'aurais besoin de rien d'autre. Marine, je te jure que c'est mieux comme ça.
- Je sais... ta vie de célébrité aurait été un enfer.
- Merci beaucoup pour ton aide. Tu m'as soigné. Tu m'as réveillé en me racontant ton secret. Tu m'as donné les drogues pour me faire passer pour mort, m'as retiré du mausolée, récupéré Epona, aidé à quitter Hyrule...
- Ne t'inquiète pas pour ça. Je fais ça pour moi. Maintenant, je t'ai pour moi toute seule et je vais découvrir le vaste monde avec toi. Alors, par où commence-t-on ?
- On va à la grande forêt. Il y a un chemin qui nous mène dans une région appelée Termina.
Le couple fit signe à leurs montures de partir au galop.
C'est ainsi que se termine la véritable histoire du héros du temps.
FIN
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "El Wap". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.