Le Temps d'un Crépuscule
Partie 2 : Twilight Princess
"Ganondorf est de retour, répéta-t-il."
La princesse regarda Link, n'en croyant pas ses oreilles. Que venait-il de lui dire ? Comment était-ce possible, le tyran n'était plus. Zelda sembla vaciller sur ses jambes. Elle savait qu'il allait lui annoncer une mauvaise nouvelle, mais la réalité dépassait toutes ses prévisions.
Le jeune homme l'aida à s'asseoir sur une souche d'arbre située un peu à l'écart et s'installa à ses côtés. Iria avait rejoint les deux compagnons de Link, qui se tenaient à l'entrée de la clairière, le temps pour lui de mettre la princesse au courant.
"Raconte-moi toute l'histoire depuis le début, lui demanda-t-elle. Je veux tout savoir. Chaque détail peut avoir son importance."
Link fit ce qu'on lui demandait et relata son aventure à partir du moment où il avait tenté de remettre l'Épée de Légende à sa place. A la fin, la princesse réfléchit quelques instants.
"Il va falloir prendre des mesures pour empêcher Ganondorf d'agir. Nous devons rentrer immédiatement et réunir tous les ministres pour un Conseil de Guerre Extraordinaire.
Le cheval d'Iria a été volé par notre ennemi. Elle et moi pouvons monter sur Epona, mais il faut une monture pour nos deux compagnons."
Zelda donna des ordres pour qu'un cheval soit prêté à Sheik et au Héros du Temps. Le jeune homme prit son amie avec lui. Les soldats remontèrent en selle après avoir aidé la princesse à faire de même. Et le voyage de retour commença.
Link et Zelda chevauchaient côte à côte, cette dernière le questionnant sur son aventure dans le passé. Elle cherchait à en comprendre chaque détail afin de mieux appréhender la situation. Le jeune homme sentait Iria qui s'accrochait à lui, montrant sa peur de le voir disparaître à nouveau. Il posa sa main sur la sienne pour la réconforter, espérant pouvoir la protéger de leur ennemi.
Link savait que le temps leur était compté. Ganondorf avait des informations très importantes sur leur monde et, d'après ce qu'il avait compris, celui-ci avait prévu depuis longtemps son voyage dans le futur. Le tyran devait donc savoir quoi faire et qui aller trouver.
Ils arrivèrent dans la citadelle par la porte Est. La princesse fit une proposition à Link.
"Installez-vous en ville tous les quatre. Je vais me rendre au château et convoquer les chefs des principaux corps de l'armée pour une réunion en début de soirée. J'aurais besoin de toi pour leur exposer la situation. Prends le temps de te reposer et rejoins-moi au château. Je donnerai des ordres pour que tu sois introduit dès ton arrivée."
Link acquiesça et la regarda s'éloigner, toujours suivie de la Garde Rapprochée. Le cheval utilisé par Sheik et le Héros du Temps avait été rendu à son propriétaire. Le jeune homme descendit d'Epona avant d'aider Iria à faire de même. Ils entrèrent dans la ville en marchant et laissèrent la jument dans une écurie toute proche.
Les compagnons avancèrent lentement, car la cheville du jeune homme le faisait boiter légèrement. Ils se rendirent dans le sud de la citadelle en passant par la Grande Place puis empruntèrent une petite ruelle sombre au bout de laquelle se trouvait une taverne. Le groupe y entra.
Link connaissait les lieux et la propriétaire. C'était là que se réunissaient les membres de la Résistance contre Ganondorf et le Héros du Crépuscule y était souvent venu pour trouver une aide bienvenue. C'est pourquoi il avait tout naturellement proposé à ses amis de s'y arrêter. Iria avait approuvé l'idée, car elle-même avait eu l'occasion d'y venir et était devenue amie avec la patronne, Thelma.
Ils entrèrent dans une grande pièce où des tables étaient éparpillées. Sur la gauche s'élevait un grand bar derrière lequel se tenait une femme forte aux cheveux roux. Elle portait une longue jupe noire avec un chemisier blanc qui laissait voir son opulente poitrine. En ce début de soirée, contrairement à l'habitude du lieu, il n'y avait que très peu de clients dans la taverne. Peut-être était-ce dû à la fête qui devait avoir lieu le soir même. Ceux-ci ne firent pas attention aux nouveaux venus.
Les voyant entrer, la tenancière leur fit bon accueil. Elle prit Iria dans ses bras et fit de même avec Link.
"Que faites-vous là, tous les deux ? Ne devriez-vous pas être en train de vous préparer pour la fête de ce soir ?
- Je crains qu'elle ne soit annulée, répondit Link. Pourrais-tu nous loger quelques jours ? Nous sommes quatre.
- Tu sais bien que tu seras toujours le bienvenu ici, ainsi que tes amis. Pourquoi parles-tu d'annuler la réception ? Cela a-t-il un rapport avec ces marques de coups que tu caches ? Sans parler de ton pied...
- Je ne peux pas t'expliquer maintenant, dit-il en passant nerveusement la main dans ses cheveux. Pour l'instant, je dois me rendre au château. La princesse Zelda a besoin de moi. Je voudrais juste poser mes affaires avant d'aller la voir.
- D'accord ! Suivez-moi, je vais vous montrer vos chambres.
- Si tu pouvais nous installer à l'écart des autres clients, ce serait encore mieux.
- Pas de problème."
Elle sortit une clé de son tablier et les conduisit vers une porte juste à côté du bar. Celle-ci donnait sur une salle de réunion, meublée sommairement. Une table trônait en son milieu avec quelques chaises autour. Les murs d'une nuance crémeuse en faisaient une pièce claire et agréable. Au fond, il y avait une autre entrée qu'elle ouvrit.
"Personne ne vient jamais ici ! Vous serez tranquille. Il y a quatre chambres. Installez-vous comme vous voulez. Je vous laisse ! J'ai des clients. Vous pourrez utiliser cette pièce également. Elle n'a plus servi depuis la dissolution de la Résistance après ta victoire. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.
- Merci Thelma, lui répondit Link."
Le Héros du Temps s'avança vers le jeune homme.
"Tu devrais peut-être rester un peu ici avant d'aller au château. La princesse t'a recommandé de te reposer avant de la rejoindre.
- Je ne suis pas fatigué et le temps joue contre nous.
- Prends au moins un repas. Pourriez-vous nous préparer quelque chose, demanda-t-il, en se tournant vers la tenancière.
- Vous serez servi rapidement. Je reviens."
Elle sortit.
"Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée !
- Une réunion ne s'organise pas en dix minutes. La princesse mettra plusieurs heures avant de réunir tout le monde. Prends au moins le temps de te restaurer.
- D'accord, mais je pars pour le château juste après.
- Entendu ! En attendant que ce soit servi, va déposer tes affaires."
Link acquiesça et se dirigea vers la porte menant aux chambres. Celle qu'il avait choisie était éclairée par une petite fenêtre qui donnait sur une cour derrière la taverne. Le mobilier comprenait un lit, un petit bureau et une chaise. Le jeune homme déposa l'Épée de Légende et ses autres armes sur celui-ci, ne conservant que la lame qu'il avait reçue en cadeau et son bouclier. Après tout, participer à une réunion au château ne présentait pas de risque.
Le Héros du Crépuscule sortit de la pièce et regagna la salle de réunion qui lui rappela les moments où il était venu chercher de l'aide auprès des membres de la Résistance. Link y entra au moment où Thelma allait repartir après leur avoir déposé un repas. Elle s'approcha de lui.
"Au fait, le jeune homme habillé en vert, c'est ton frère ? C'est fou, ce qu'il te ressemble.
Non... hésita-t-il un instant, c'est juste un ami, un très bon ami."
Thelma l'observa, se doutant que Link ne lui disait pas tout. Cette situation, la tenancière l'avait déjà vécue lors de son long combat pour ramener la paix. Pourtant, elle ressentit comme une inquiétude. Le jeune homme semblait troublé. Cela ne présageait rien de bon.
Les quatre jeunes gens s'installèrent à table pour profiter du repas que Thelma leur avait préparé. Quand ils eurent terminé, Iria se retira dans sa chambre. Les derniers événements l'avaient épuisée. Link, quant à lui, se prépara pour se rendre au château.
"Tu veux qu'on t'accompagne, demanda le Héros du Temps.
- Non, il est préférable que j'y aille seul cette fois. Lorsque l'on aura expliqué la situation à tous les chefs de section, je pourrai vous faire venir. Restez ici, je rentre dès que je le peux.
- Nous t'attendrons ici, lui répondit Sheik. Reste prudent, nous ne savons pas où se cache notre ennemi.
Il n'osera pas pénétrer dans la citadelle et encore moins au château. Ne t'inquiète pas !"
Le jeune homme était prêt à s'en aller lorsqu'il se tourna vers le Héros du Temps.
"Je suis toujours inquiet concernant Iria. Peux-tu t'occuper de sa sécurité durant mon absence ?
- Compte sur moi ! Même si tu ne pars que quelques heures !"
Link le remercia et sortit. Une fois qu'il fut hors de la pièce, Sheik s'adressa à son compagnon :
"Reste ici et veille sur Iria. Moi, je vais le suivre discrètement, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un mauvais pressentiment."
Sheik s'éclipsa à son tour, laissant le Héros du Temps seul. Celui-ci alla jeter un oeil dans la chambre de la jeune fille qui dormait puis décida d'attendre le retour de ses deux compagnons. Il se demandait pourquoi Link lui avait confié son amie avant de partir juste après avoir affirmé que Ganondorf ne pouvait être entré dans la ville.
Le jeune homme marchait dans les rues en réfléchissant aux différentes mesures à prendre pour protéger le royaume. Il s'était peut-être passé trois ou quatre heures depuis qu'ils étaient revenus de la clairière. Link traversa le centre de la citadelle et prit la rue nord qui menait au palais.
Préoccupé par le récent retour de Ganondorf, le Héros du Crépuscule ne vit pas les regards apeurés que lui lançait la foule. Mais ceux-ci n'échappèrent pas à Sheik qui le suivait à distance raisonnable. L'attitude des Hyliens ne fit qu'accroître ce sentiment de malaise qu'il éprouvait depuis son arrivée en ville.
Arrivé près du grand portail qui menait dans les jardins du château, le jeune homme s'étonna de ne pas voir les habitants se rendre à la fête. Avait-elle été annulée comme il le pensait ? Link s'arrêta devant le garde afin de demander à être introduit auprès de Zelda. Celui-ci était en pleine conversation avec son collègue et ne l'avait pas vu arriver.
"Pourriez-vous prévenir la princesse que je suis arrivé et que je désire la voir, leur dit-il."
Les gardes se tournèrent alors vers lui et leurs yeux s'agrandirent de peur. Tous deux sortirent leur arme qu'ils pointèrent sur Link en appelant du renfort. Stupéfait, le jeune homme ne bougea pas et se retrouva rapidement encerclé par une vingtaine de soldats. Surpris par cet accueil, il demanda :
"Y a-t-il un problème ? Je pense que vous ne me reconnaissez pas. Veuillez avertir Son Altesse que le Héros du Crépuscule souhaite la voir."
Link n'aimait pas utiliser ce titre, mais il semblait nécessaire de leur rappeler son rang.
"Nous savons qui tu es et ce que tu as fait.
- Dans ce cas, laissez-moi passer ! Je suis attendu !"
Sheik avait assisté à la scène de loin et n'aimait pas ce qu'il voyait. Apparemment, son pressentiment était totalement justifié. Par la porte restée ouverte arriva un officier supérieur. Celui-ci avait les cheveux brun foncé et une barbe épaisse lui recouvrait le bas du visage. Son regard sombre montrait un caractère dur. Son uniforme d'un bleu foncé confirmait sa place importante dans la hiérarchie.
"Je suis le Commandant Vernarte, chef des unités de surveillance du château.
- Je dois voir la Princesse Zelda. Elle a dû laisser des instructions pour que je sois introduit dès mon arrivée.
- Nous avons effectivement reçu des ordres te concernant, mais il ne s'agit pas de te mener auprès de Son Altesse. Tu vas devoir nous suivre. Remets-moi ton épée et ton bouclier !"
Link commençait à perdre patience.
"Vous ne comprenez pas. Je vous répète que je suis attendu. Vous me faites perdre un temps précieux.
- C'est toi qui ne comprends pas. Suis-nous sans faire d'histoire et il ne te sera fait aucun mal !
- Aucun mal ? Quand la princesse sera avertie de votre comportement, vous risquez de regretter de m'avoir traité de la sorte !"
Le jeune homme avait du mal à comprendre ce qui était en train de se passer. À ce moment, il entendit une voix familière :
"Celui qui commet des crimes ne doit pas s'attendre à être bien accueilli !"
Link se tourna vers celui qui venait de parler. Il le reconnut sans aucune hésitation malgré les quelques changements que celui-ci avait apportés à son apparence. Ganondorf avait réussi à entrer dans le château et apparemment personne ne cherchait à l'en faire sortir. Que faisait la princesse ? Pourquoi acceptait-elle une chose pareille ?
Aussitôt, le jeune homme posa sa main sur son arme, prêt à en découdre avec son ennemi, oubliant momentanément toutes les épées pointées sur lui. Celles-ci s'étaient dressées, menaçantes, lorsqu'il avait esquissé son mouvement. Sa main resta en suspens sur la garde de son épée.
"Tu comptes faire quoi là, lui demanda le commandant. Tu penses pouvoir résister face à toute une troupe ? Je sais que tu es très habile, mais tout de même."
Le jeune homme lâcha son arme comprenant que les soldats ne lui laisseraient pas le temps de dégainer avant de le transpercer de toutes parts. Link plaça ses mains bien en évidence devant lui pour signifier aux gardes qu'il ne comptait pas résister.
"Voilà qui est mieux, dit le commandant en s'approchant. Donne-moi ça, tu n'en auras plus besoin là où tu vas !"
Il attrapa l'épée par la garde et la retira de son fourreau.
"Une arme de cette qualité, ça se mérite. Un individu de ton espèce ne peut posséder un tel objet. Retire le bouclier et le fourreau et pose-les sur le sol."
Désarmé et menacé de toutes parts, Link n'eut guère le choix et obtempéra.
"Maintenant, tu vas nous suivre gentiment.
- Où m'emmenez-vous ?
- Là où est ta place, en cellule !
- Et pour quel motif ?
- Comme si tu ne le savais pas. Pour y répondre de tes crimes.
- Lesquels ? J'ai des droits ! Vous êtes dans l'obligation de me tenir informé sur les accusations tenues contre moi.
- Tes droits ? Tu les as perdus par tes actions. Avance !
- Non, je ne bougerai pas d'ici tant que vous ne m'aurez pas dit ce que vous me reprochez. Il s'agit d'une arrestation arbitraire. Vous allez le regretter quand la princesse Zelda va l'apprendre."
Le commandant se contenta de rire. Puis il s'approcha du jeune homme et lui administra une gifle retentissante.
"Tu feras ce qu'on te dira !"
Link adressa un regard furieux à Vernarte. Comment osait-il lever la main sur lui ? La présence des gardes armés l'empêcha de rendre le coup reçu, mais le jeune homme se promit de venger cet affront. Le commandant s'adressa ensuite à l'un des soldats.
"Attache-lui les mains et fouille-le !"
Le garde fit ce que son supérieur lui avait demandé. Le commandant aperçut alors la médaille que Link avait de nouveau accrochée sur sa tunique. Il l'arracha avec violence, déchirant le vêtement et l'observa.
"La fameuse "Médaille du Courage". Tu ne la méritais pas !
- Rendez-la-moi. Elle m'appartient ! C'est un cadeau, tout comme l'épée.
- En tant que responsable de la sécurité, je suis chargé de ta vie. Je ne voudrais pas que tu te blesses avec, dit-il avec une pointe d'ironie."
Link était furieux. Pour qui se prenait cet officier ? Ce dernier fit signe aux soldats d'emmener leur prisonnier vers les sous-sols du château et les suivit. Le jeune homme jeta un dernier coup d'oeil en direction de son ennemi qui le regardait, un sourire cruel sur le visage. Le commandant remarqua que le captif boitait légèrement, ce qui le fit sourire.
Après avoir descendu une volée de marches, le petit groupe traversa la totalité des couloirs souterrains. Le jeune homme mit quelques minutes à s'habituer à l'obscurité présente dans ces galeries sombres et étroites. Ils passèrent devant plusieurs gardes éparpillées dans les couloirs et devant de nombreuses cellules vides.
Link s'interrogea. Où se trouvaient les complices de Ganondorf sensés être enfermés dans cette prison ? Avaient-ils été transférés ailleurs ? Il n'eut pas le temps de pousser plus loin sa réflexion, ils étaient presque arrivés au bout du couloir.
Soudain, les soldats prirent une impasse sur la droite que le jeune homme n'avait pas remarquée dans l'obscurité. Ils s'arrêtèrent devant une lourde porte en fer que le commandant déverrouilla. Il fallut deux soldats pour en actionner l'ouverture. Le chef de section entra en poussant le prisonnier devant lui.
"Tu as de la chance ! Tu bénéficies de la cellule de haute sécurité.
- C'est trop d'honneur que vous me faites, ironisa-t-il.
- N'espère pas t'échapper, c'est impossible."
La pièce était sombre. Dans un renfoncement se trouvait une cellule fermée par une grande grille restée ouverte. Le commandant détacha le jeune homme et le poussa à l'intérieur. Ensuite, il referma la grille et en conserva la clé.
"Sois le bienvenue chez toi ! J'espère que la décoration te plait. Tu risques de passer un certain temps ici.
- Cela m'étonnerait beaucoup. J'exige de voir la princesse.
- Tu n'es pas en mesure de réclamer quoi que ce soit.
- Cette erreur va vous coûter cher !"
Le commandant éclata de rire et sortit. Link entendit le bruit de la serrure que l'on verrouillait. Il était furieux, mais comprenait que sa colère ne l'aiderait pas à se sortir de cette situation. Le jeune homme ferma les yeux dans le but de retrouver son calme. L'attitude du commandant était étrange et la présence de Ganondorf lui suggérait que son arrestation n'était peut-être pas une erreur, mais un piège tendu par celui-ci.
Les doutes chassèrent la colère. Link s'approcha de la grille et en examina tous les barreaux. Ceux-ci semblaient solides. Ses chances de s'échapper étaient minces. Il observa son nouvel environnement. La seule lumière de la pièce provenait d'une minuscule ouverture située face à la cellule. Celle-ci était meublée d'une banquette en bois, d'une table et d'une chaise. Le Héros du Crépuscule s'assit et se mit à réfléchir.
Le jeune homme se rendait compte qu'ils avaient perdu beaucoup de temps depuis leur retour du passé et que Ganondorf avait déjà commencé à mettre son plan à exécution. Il ne comprenait pas comment son ennemi avait fait pour entrer dans le palais et y être accepté.
Le tyran avait beau avoir légèrement modifié son apparence, il était tout de même reconnaissable. Que s'était-il passé pendant qu'il était à la taverne ? Link ne comprenait pas comment son ennemi avait réussi à le faire voir comme un criminel. Où était la princesse Zelda ?
* * *
Au moment où le commandant enfermait Link dans sa cellule de haute sécurité, Sheik regagnait la taverne. Il ne comprenait pas la scène qui s'était déroulée devant lui. Lorsque le Héros du Temps le vit revenir, essoufflé, et le visage pâle, celui-ci comprit qu'un événement grave s'était produit.
"Où est Iria, demanda celui qui venait d'arriver.
- Elle est couchée. Pourquoi me demandes-tu ça ?
- Va vérifier qu'elle dort toujours. Il ne faut pas qu'elle entende ce que j'ai à te dire.
- Tu m'inquiètes ! Ne bouge pas !"
Le Héros du Temps s'exécuta et revint rapidement.
"C'est bon, tu peux parler. Que s'est-il passé ?
- Pendant que je le suivais dans les rues de la ville, je trouvais le comportement des habitants étrange. Ils regardaient Link avec un mélange de colère et de peur. Quand il est arrivé devant le palais, la situation ne s'est pas arrangée. Les soldats l'ont encerclé et emmené après avoir pris soin de lui retirer ses armes. Je crois notre ami vient d'être arrêter.
- Pour quel motif ?
- Je n'en sais rien. Je pense que lui non plus. Link leur a posé la question à plusieurs reprises, mais il n'a reçu aucune réponse. Les soldats l'ont conduit dans les sous-sols du château, je n'aurai pas pu aller plus loin sans me faire repérer. Alors, je suis revenu pour te prévenir. À cette heure, ils doivent l'avoir déjà enfermé dans une de leurs cellules."
Sheik et le Héros du Temps entendirent une voix derrière eux.
"Qui est dans une cellule ?"
C'était Thelma qui venait récupérer les restes de leur repas. Ils se retournèrent et elle put lire de l'inquiétude dans leurs regards.
"Ne me dites pas que vous parlez de Link !"
La tenancière comprit en voyant leurs visages qu'elle avait désigné la bonne personne. Thelma laissa tomber son plateau qui toucha le sol avec fracas et s'approcha d'eux.
"Qui a osé faire une chose pareille ?
- Le commandant chargé de la surveillance du château, un certain Vernarte, répondit Sheik.
- En plus, il a fallu que ce soit celui-là qui l'arrête !
- Vous le connaissez ?
- Très peu, mais j'ai beaucoup entendu parler de lui. Il n'est pas réputé pour être tendre. Beaucoup de mes clients sont sous ses ordres ! Je sais aussi que cet homme déteste Link !
- Pour quelle raison ?
- Je l'ignore. Il a dû prendre du plaisir à l'enfermer.
- Link est au courant de cette haine ?
- Je ne le pense pas. Il ne doit même pas le connaître. Que lui reproche-t-on ?
- Nous n'en savons rien. Par contre, cela risque de devenir dangereux pour vous de nous garder ici. Si vous le souhaitez, nous pouvons partir, proposa le Héros du Temps.
- Ne dites pas de bêtises. Link savait très bien ce qu'il faisait en vous amenant ici. Je lui ai déjà prêté main-forte. Je ne le laisserai pas tomber maintenant. Que se passe-t-il exactement ?"
Les deux compagnons se regardèrent, ne sachant ce qu'ils pouvaient révéler à Thelma.
"Je comprends que vous ne puissiez pas tout me divulguer maintenant. Après tout, vous ne me connaissez pas autant que lui. Pour l'instant, il reste notre priorité. Que comptez-vous faire ?
- Nous devons d'abord savoir pourquoi Link a été arrêté.
- Je m'en charge ! J'ai mes sources. Vous, vous ne bougez pas d'ici ! Iria est-elle au courant ?
- Non, et il serait préférable que son amie ne le sache pas.
- C'est mieux, en effet, mais vous ne pourrez le lui cacher très longtemps. Je retourne voir mes clients. Je vous tiens au courant si j'ai du nouveau."
Le Héros du Temps se demanda s'il pouvait lui faire confiance, tout en sachant qu'ils auraient besoin d'aide pour tirer Link de ce mauvais pas. Une fois qu'elle eut refermé la porte, Sheik se tourna vers son compagnon.
"Il y a une chose que je ne t'ai pas encore dite.
- Laquelle ?
- J'ai vu Ganondorf à l'intérieur du château. Et visiblement, ça ne choquait personne.
- Donc, la situation est plus grave que ce que l'on croyait. As-tu vu la princesse ?
- Non, Zelda serait intervenue si elle avait assisté à la scène !"
Quand Iria se réveilla quelques heures plus tard, elle alla rejoindre ses compagnons. Ils étaient installés à la table et semblaient en pleine conversation. La jeune fille s'assit à son tour et chercha autour d'elle.
"Où est Link ? Il dort ?
- Non, il n'est pas encore rentré du château !
- Il devrait déjà être là."
Elle les observa attentivement et comprit qu'il s'était produit un événement grave.
"Qu'y a-t-il ? Pourquoi faites-vous ces têtes ? Où est-il ?"
Ils ne répondirent pas.
"Quelque chose est arrivé ? Link est blessé ? Il est... demanda Iria dont le degré d'anxiété ne cessait d'augmenter.
- Ne t'inquiète pas ! Il a juste été arrêté, lui dit Sheik, pour la calmer.
- Juste arrêté ? Par qui ? Pourquoi ?
- Par les soldats, nous ne savons pas pourquoi !"
Comprenant qu'il ne pourrait faire autrement que de lui dire la vérité, le Héros du Temps lui raconta ce qu'il savait. A la fin de son récit, Iria avait les larmes aux yeux, mais fit de son mieux pour paraître forte.
"Que pouvons-nous faire pour l'aider ?
- Déjà, grâce à Sheik qui l'a suivi, nous savons qu'il est dans une situation délicate. Avant de faire quoi que ce soit, nous devons connaître la raison de son arrestation. Thelma nous a proposé de nous aider en interrogeant les gardes faisant partie de ses habitués. Toi qui la connais bien, peux-tu nous dire si nous pouvons avoir confiance en elle ?
- Vous pouvez ! Je ne connais pas tous les détails, mais je sais qu'elle a beaucoup aidé Link pendant son aventure. C'est ici que se réunissait la Résistance. Il en a fait partie.
- Dans ce cas..."
Ils entendirent la porte s'ouvrir et Thelma entra.
"Alors, vous acceptez mon aide ?
- Désolé pour cette méfiance mal placée, mais nous ne sommes pas d'ici. Nous aurions dû vous faire confiance !
- C'est oublié ! Maintenant que nous sommes tous impliqués dans cette affaire, je pense que vous pouvez me tutoyer."
Le Héros du Temps sourit et lui tendit la main qu'elle serra.
"Merci de votre... de ton aide !
- Ce n'est pas grand-chose. Je ne vous demande pas de me raconter l'histoire entière, je n'ai pas besoin de tout savoir. Déjà, à l'époque, Link me cachait des choses et c'est encore le cas maintenant. Parlez-moi juste de son arrestation."
Le lendemain matin, le Héros du Crépuscule en était toujours au même point. Il avait à peine dormi et commençait à perdre courage. Link se retrouvait de nouveau enfermé, comme lors de son séjour dans la forteresse des Gerudos. La seule différence résidait dans le fait que ses mains n'étaient pas entravées. Ce n'était pas dans les habitudes des Hyliens d'attacher leurs prisonniers.
Pourquoi avait-il été traité de la sorte ? Après avoir été accueilli en vainqueur, le jeune homme se retrouvait emprisonné comme un criminel. Comment un tel changement avait-il pu avoir lieu en si peu de temps ? Certes, son ennemi était capable de tout, mais comment avait-il réussi à se faire accepter au sein du palais ?
Il fut tiré de ses pensées par des bruits de pas dans le couloir. Le commandant Vernarte entra suivi de Ganondorf et d'un scribe. Ils s'avancèrent vers les barreaux de la cellule. Link, qui était couché sur la banquette, ne bougea pas. Des soldats apportèrent trois chaises sur lesquelles les hommes prirent place.
Le chef de section prit la parole :
"Nous sommes ici pour procéder à ton interrogatoire. Notre nouveau Premier Ministre, le seigneur Frodnonag, a tenu à y assister."
Link se leva et regarda en direction de son ennemi, sous le choc. Premier Ministre ? La princesse avait nommé cet homme Premier Ministre ? Comment était-ce possible ? Ganondorf l'observait avec, encore sur son visage, un sourire cruel.
"Commençons par le début, quel est ton nom ?"
L'attention du jeune homme se reporta sur le commandant qui venait de parler, mais il ne dit rien. Apparemment, celui-ci ignorait la véritable identité de Ganondorf. Cela signifiait que le tyran n'avait pas encore tous les pouvoirs. Dans le cas contraire, un interrogatoire aurait été inutile.
Link commençait à comprendre. Les accusations dont il était l'objet avaient sans doute été arrangées pour le discréditer aux yeux de tous. Une fois reconnu coupable, le jeune homme ne pourrait plus rien faire pour empêcher Ganondorf de mettre son plan à exécution.
"Greffier, veuillez noter que l'accusé refuse de coopérer. Continuons !
- Je ne répondrais à aucune de vos questions tant que vous ne m'aurez pas dit la raison de ma présence ici."
Mais le commandant ne tint aucun compte de son intervention. Il reporta son attention sur son dossier et continua à poser ses questions.
"Quelle est ta profession ?"
N'obtenant toujours aucune réponse, il fit un signe de tête au scribe qui transcrivait le déroulement de l'interrogatoire. Link s'approcha de la grille qui le séparait de ses accusateurs.
"J'exige de voir la princesse Zelda. Vous avez arrêté un soldat de sa Garde Rapprochée, elle doit être mise au courant.
- Tu n'es plus membre de cette unité d'élite !
- Son Altesse, seule, est habilitée à me relever de mes fonctions.
- C'est pourquoi elle l'a fait par ce document officiel, dit Ganondorf en sortant un parchemin de son dossier. Il s'agit de ton mandat d'arrêt ! Lis par toi-même si tu ne me crois pas."
Il tendit le document à Link qui le prit et le lut.
"Attendu que des plaintes ont été déposées contre le sieur Link, membre de la Garde Rapprochée Royale, et que de nombreux témoins l'ont vu sur la scène de crimes perpétrés ces derniers jours, il est suspendu de ces fonctions pour une durée indéterminée.
Pour ce motif, il sera procédé à son arrestation, en vertu des lois de ce pays, pour interrogatoire afin de déterminer sa culpabilité ou son innocence."
Le document était bien signé de la main de la princesse et paraissait tout à fait authentique. Link s'assit pour pouvoir encaisser le choc. Comment pouvait-elle lui faire ça, après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble ?
Le jeune homme leva la tête et aperçut le sourire cruel de Ganondorf. Bien sûr, il aurait dû y penser directement. Son ennemi avait déjà fait preuve de beaucoup d'imagination dans l'élaboration de ces plans. Link se leva, froissa le parchemin entre ses mains et s'adressa directement à lui.
"Comment as-tu fait ? Tu l'as menacée pour le lui faire signer ? Où as-tu utilisé tes talents pour l'hypnotiser comme tu l'as fait avec Nabooru ?"
Ganondorf ne répondit pas, se contentant d'observer le jeune homme dont les réactions l'amusaient.
"J'ai un autre exemplaire en sécurité. Tu peux garder celui-ci."
Link lança le parchemin froissé en direction de son ennemi puis retourna s'asseoir. Le Héros du Crépuscule ne répondit à aucune des questions posées. Voyant qu'il n'arriverait pas à faire parler le prisonnier, le commandant se retira, sans avoir obtenu la moindre information.
Une fois seul, le jeune homme se prit la tête dans les mains. Comment pouvait-il s'en tirer cette fois ? Même si Ganondorf avait obligé la princesse à le signer, le document n'en restait pas moins légal.
* * *
Pendant ce temps, à la taverne, le Héros du Temps et Sheik écoutaient Thelma leur donner les informations qu'elle avait pu obtenir.
"Je n'ai malheureusement pas appris grand-chose auprès de mes habitués. Son arrestation a été tenue secrète.
- Donc, nous en sommes au même point.
- Non, lorsque Link luttait pour ramener la paix, un petit groupe d'hommes venaient ici pour apporter leur aide dans ce combat. L'un d'entre eux, Corentin, est devenu garde et est sous les ordres du commandant Vernarte. C'est un habitué. Même s'il n'a jamais eu l'occasion de rencontrer notre ami, il connait tous ses exploits et lui porte une admiration sans borne.
- L'a-t-il vu ?
- Pas encore, mais il a entendu les ordres le concernant. Link est enfermé quelque part dans les donjons du château.
- Connait-il le chef d'inculpation ?
- Il y en aurait plusieurs, mais le plus important est haute trahison !
- Autrement dit, c'est mal parti pour lui !
- C'est une accusation très grave, plus encore pour lui qui appartient à la Garde Rapprochée Royale. Il est accusé d'avoir facilité la fuite de tous les complices de Ganondorf.
- Que risque-t-il ?
- S'il est reconnu coupable, la révocation... et la prison à vie, dans le meilleur des cas.
- Et si on envisage le pire ?
- La mort !"
Les derniers mots prononcés venaient de jeter un froid dans l'assemblée. Le silence s'installa entre eux. Il fut brisé par Thelma qui reprit.
"Nous ne devons pas nous laisser aller au désespoir. Pour l'instant, il est présumé innocent et le restera tant que sa culpabilité n'aura pas été prouvée. Seul un jury a les compétences pour le condamner lors d'une audience publique. Peut-être pourriez-vous témoigner en sa faveur ?"
Le Héros du Temps échangea un regard avec Sheik avant de répondre.
"Je crains que cette solution ne soit pas envisageable. Nous serions arrêtés à notre tour avant d'avoir pu prononcer une parole. Le responsable de sa détention serait plus que ravi de nous ajouter sur la liste des prévenus. Si son arrestation a été tenue secrète, ce n'est pas anodin. C'est un coup monté par Ganondorf pour le mettre hors d'état de nuire à ses projets.
- Je me doutais que tu me dirais ça ! Je suppose qu'il a peu de chances d'être innocenté dans ces conditions. Pourtant, je sais que Link n'est pas capable de commettre ce genre de délit.
- Effectivement, il n'est pas coupable, mais notre ennemi ne s'arrêtera pas à ça. La seule façon de lui venir en aide, c'est de l'aider à s'échapper. Est-ce possible ?
- Sa cellule est dans un quartier de haute sécurité. Pour y accéder, vous devrez traverser totalement les sous-sols du château et prendre une impasse à peine visible au bout de laquelle se situe la pièce où il est gardé. Une seule porte en fer permet d'y entrer. Pourtant, cela ne semble pas encore suffisant puisqu'à l'intérieur se trouve un renfoncement fermé par une grille. C'est là que vous le trouverez !
Ganondorf prend ses précautions. Il faut dire que Link lui a déjà faussé compagnie une fois."
Thelma posa un parchemin sur la table.
"Voici un plan des sous-sols du château. C'est Corentin qui me l'a donné. Il a marqué l'emplacement de la cellule de Link d'une croix. Les petits points représentent les postes de garde. Depuis son incarcération, ils en ont doublé le nombre. Cela ne sera pas facile de l'atteindre.
- Les gardes, je m'en occupe, affirma le Héros du Temps. Mais comment ferons-nous pour entrer dans le château ?
- Les égouts de la ville. Vous pourrez atteindre les sous-sols en passant par là."
Le Héros du Temps posa sur Thelma un regard intense.
"Tu avais déjà tout prévu ? Tu savais que nous ne pourrions pas le disculper lors de son procès.
- Je m'en doutais. J'espérais qu'il s'agissait d'une erreur, mais je n'y croyais pas vraiment. Quand vous êtes arrivé, j'ai tout de suite senti que quelque chose n'allait pas.
- Que veux-tu dire ?
- Ses marques de blessures, son teint pâle, sa mine soucieuse, je les connais.
- Cela t'a rappelé les heures sombres que tu as vécues.
- Exactement ! J'ai eu peur que cela recommence. J'ai essayé de le faire parler, mais il n'a rien voulu me dire. Je n'ai pas insisté, même si cela m'inquiétait."
Thelma s'était tue. Elle aimait beaucoup le jeune homme. Celui-ci ne méritait pas d'être traité de la sorte après ce qu'il avait fait pour le royaume et ses habitants.
"A-t-on encore du temps devant nous, demanda soudain Sheik, la sortant de ses pensées.
- Oui, tant qu'il n'est pas condamné, Link ne risque rien.
- Nous aurons besoin de plusieurs jours pour préparer l'expédition. Nous devrons connaître ce plan par coeur pour ne pas risquer de compromettre ton ami. D'ailleurs, remercie-le. Une dernière chose : a-t-on des chances de le croiser le jour où on lancera le sauvetage ?
- Non, le commandant refuse de le laisser faire de la surveillance. Son rôle est de nourrir les prisonniers. Il connait donc bien les sous-sols. J'imagine que vous interviendrez de nuit !
- Oui, ce sera plus facile et plus discret. S'occupe-t-il des repas de Link ? Peut-être pourrait-on lui faire passer un message par son intermédiaire ?
- C'est impossible ! Notre ami a droit à un traitement spécial. N'oubliez pas qu'il est détenu dans un quartier de haute surveillance. C'est le commandant Vernarte qui conserve les clés de sa cellule et celui-ci est présent à chaque fois que les repas sont apportés. De plus, les ordres sont formels, aucun garde n'a le droit de lui adresser la parole. Si vous n'arrivez pas à le faire évader, Link est perdu !
- Nous le sauverons !
- Je vous laisse vous préparer ! N'hésitez pas à faire appel à moi si vous avez besoin d'aide."
Thelma sortit laissant Sheik et le Héros du Temps organiser leur expédition. Ils n'auraient qu'une seule chance de le tirer de là. La survie de Link dépendait de la réussite de leur plan.
Quelques jours étaient passés. Dans sa cellule, Link était complètement seul. Deux fois par jour et toujours sous la surveillance du commandant, il recevait la visite d'un garde qui lui apportait ses repas : un pichet d'eau et un morceau de pain rassis.
C'était un jeune homme, d'une vingtaine d'années, dont le visage lui était familier. Celui-ci déposait le ravitaillement devant la grille et ressortait sans avoir prononcé une seule parole. Pourtant, à plusieurs reprises, le Héros avait constaté qu'il l'observait avec insistance.
Link savait que le soldat n'avait pas le droit de lui parler et que le commandant surveillait chacun de ses gestes. Il comprenait également que ce jeune homme tentait de lui faire passer un message. Ses amis étaient-ils en contact avec lui ? Où prenait-il la curiosité du garde pour de l'amitié parce que les contacts humains lui manquaient cruellement ?
En dehors de ces moments, Link restait seul, essayant de trouver un moyen de se sortir d'une situation qui lui semblait désespérée. Pour l'instant, aucune occasion ne s'était présentée. Depuis son arrestation, il n'était pas sorti de cette cellule. À la première opportunité, le jeune homme tenterait quelque chose. Après ces quelques jours d'immobilité, sa cheville avait eu largement le temps de se remettre. Plus rien ne l'empêchait de tenter sa chance.
Un matin, très tôt, Link vit la porte de sa prison s'ouvrir. Quatre soldats entrèrent avec le commandant Vernarte, sans prendre la peine de refermer la porte derrière eux. Le chef de section s'approcha de la grille et observa le prisonnier, assis sur la banquette.
"Tu viens avec nous, lui dit-il. Lève-toi !"
Vernarte ouvrit la grille et laissa entrer les gardes. Ils se dirigèrent vers le jeune homme qui n'avait pas bougé. C'était l'occasion que celui-ci attendait. Lorsqu'ils ne furent plus qu'à quelques mètres de lui, Link se leva d'un bond et les bouscula pour passer entre eux. Il passa la grille restée ouverte et fonça droit vers la sortie.
Le commandant le regarda faire, un sourire sur les lèvres. Le jeune homme passa la porte et se retrouva dans le couloir. Il tomba alors nez à nez avec une bonne dizaine de gardes qui le menaçaient de leurs armes et s'arrêta net. Le chemin était bloqué et le Héros du Crépuscule ne pouvait aller plus loin.
"Tu ne pensais tout de même pas que nous allions te laisser nous fausser compagnie, dit le commandant en l'attrapant par le bras et en l'attirant dans la pièce qu'il venait de quitter. Le Premier Ministre nous avait prévenus que tu risquais de faire une tentative de fuite, alors, comme tu le vois, nous avons pris nos précautions."
Link tenta de se dégager, mais les gardes qu'il avait bousculés venaient prêter main-forte à leur chef et l'immobilisèrent contre le mur. Le commandant lui envoya un coup de poing dans le visage pour le calmer. Un mince filet de sang apparut à la commissure de ses lèvres.
"Maintenant, tu vas te tenir tranquille, lui dit-il en l'agrippant par le cou. Nous t'emmenons voir tes juges."
Link cessa de se débattre. La pression de la main sur sa gorge rendait sa respiration difficile. Les soldats profitèrent de son immobilité pour lui entraver les poignets et les chevilles. Ses deux mains étaient retenues par une chaîne lui entourant la taille et ne lui permettant aucun mouvement. Celle-ci se terminait par deux anneaux que les gardes avaient utilisés pour relier ses deux pieds. Le jeune homme reconnaissait cet attirail. Il n'était utilisé que très rarement et sur des individus particulièrement dangereux.
Le commandant relâcha la pression. Le jeune homme aurait eu besoin de plusieurs minutes pour reprendre une respiration normale, mais les gardes ne lui laissèrent pas le temps de se remettre. Ils le prirent chacun par un bras et le conduisirent par les couloirs de la prison jusqu'à une porte sombre donnant sur une salle à peine éclairée. Link avait du mal à marcher, car la longueur de la chaîne reliant ses chevilles ne lui permettait de faire que de petits pas.
Ils l'installèrent devant une tribune où étaient assises plusieurs personnes. Au-dessus d'elles, se trouvait la seule source de lumière de la pièce qui était dirigée droit sur le jeune homme, l'empêchant de distinguer les choses.
Vernarte attacha un des maillons de la chaîne au crochet qui était fixé dans le sol. Puis il se prépara à sortir. Mais un des hommes se leva et lui demanda.
"Commandant, le prisonnier semble avoir pris un coup, dit-il en désignant le visage de Link. Que s'est-il passé ?"
Ce dernier se passa la langue sur les lèvres et reconnut le goût du sang. Ensuite, l'accusé posa son regard sur celui qui venait de parler. La lumière dans les yeux, le jeune homme ne parvenait à distinguer que des ombres, mais il reconnut aisément son ennemi par sa stature.
"Il a résisté et tenté de s'enfuir, Monsieur le Premier Ministre. J'ai été obligé de le frapper pour permettre à mes hommes de l'enchaîner ! Aurais-je commis une erreur ?
- Pas du tout. Nous allons pouvoir rajouter la rébellion aux nombreuses charges retenues contre lui. A-t-il blessé un de vos hommes ?
- Aucun. Nous l'avons maîtrisé rapidement. Il n'est pas allé très loin.
Excellent, vous pouvez disposer."
Le commandant salua et sortit laissant Link face à ses accusateurs. Appartenant à la Garde Rapprochée Royale, il avait assisté à de nombreuses audiences. Entre autres celles des complices de Ganondorf. Celles-ci avaient habituellement lieu dans la Grande Salle en présence de Zelda et le jeune homme ne l'imaginait pas descendre dans cette cave.
"Où est la princesse ? N'est-elle pas censée être présente pour un jugement ?
- Je n'ai pas à justifier son absence auprès de toi. Elle sera informée de chaque détail et approuvera la décision finale.
- Ne puis-je avoir un procès équitable ? Même le pire des assassins a droit à un défenseur.
- Tu es accusé d'avoir trahi ton royaume. Cet agissement est déjà impardonnable en soi, mais il l'est encore plus pour un Garde Royal.
Ne suis-je pas censé être innocent jusqu'à preuve du contraire ?"
Ganondorf ne tint pas compte de la dernière remarque de Link et se tourna vers les hommes assis à ses côtés.
"Nous sommes ici pour juger de la culpabilité ou de l'innocence de ce jeune homme concernant les faits qui lui sont reprochés. Nous allons commencer par déterminer les chefs d'accusations puis nous entendrons les différents témoignages.
Je n'ai commis aucun acte contraire aux lois de ce pays."
Ganondorf prit un parchemin posé devant lui et se mit à énumérer les crimes qui étaient imputés au prisonnier. Cela allait du simple vol à la violence physique vis-à-vis d'habitants du royaume. Le fait le plus grave et considéré comme de la haute trahison était l'aide qu'il aurait apportée pour l'évasion des complices du tyran.
"Nous pouvons d'ores et déjà ajouter une tentative de se soustraire à la justice !
- Pourquoi devrais-je accepter une justice qui ne respecte même pas mes droits les plus élémentaires ? Cette audience n'est qu'une mascarade. Tout jugement se doit d'être fait en public devant la princesse de ce royaume. Et surtout, je dois pouvoir être défendu.
- Lors de ton interrogatoire en présence du commandant Vernate et de moi-même, continua Ganondorf sans tenir compte des propos du prisonnier, tu as refusé de répondre à nos questions. Voyons voir si tu seras plus coopératif maintenant. Quel est ton nom ?
- Je m'appelle Link !
- D'où viens-tu ?
- J'ai été élevé dans le village de Toal, en Latouane, après la mort de mes parents. J'y étais berger avant d'entrer dans la Garde Rapprochée Royale.
- Qu'as-tu fait pour mériter un tel honneur ?
Tu es le mieux placé pour le savoir, Ganondorf ! Je t'ai vaincu !"
Link observa ses juges, guettant la moindre réaction concernant le nom de son ennemi. Il n'y en eut aucune. Peut-être étaient-ils dans le coup ?
"Te prendrais-tu pour un héros ?
- Je n'ai rien dit de tel, mais on m'a effectivement donné ce titre.
- À tort, au vu des tes récentes actions !
- Je vous le répète : je suis innocent.
- Donc, tu nies avoir commis les actes précités !
- Catégoriquement.
Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de poursuivre cet interrogatoire. Faites entrer les témoins !"
Les déposants se succédèrent, chacun racontant les actes que Link aurait perpétrés contre eux. Ces hommes et ces femmes avaient tous un point commun : une peur sans nom au fond de leurs yeux lorsqu'ils les posaient sur le prisonnier. À chaque fois qu'on leur demandait de désigner le coupable, leurs doigts craintifs se tendaient vers lui.
Les gardes qui avaient assisté à l'évasion des acolytes de Ganondorf, furent les derniers à venir témoigner. Ils racontèrent ce qui s'était passé, faisant une description détaillée du responsable. Link se reconnut immédiatement dans ce portrait. Il se demandait comment son ennemi s'était débrouillé pour obtenir ce résultat.
"Nous avons entendu tous les témoignages. Nous allons procéder au vote.
- Attendez ! Où sont les témoins à décharge ?
Aucun ne s'est présenté ! Soit tu n'as plus d'amis, soit ils ont quelque chose à se reprocher ! Finissons-en ! Messieurs, veuillez nous donner votre verdict !"
L'un après l'autre, les hommes se levèrent et déclamèrent haut et fort le mot "coupable". Ganondorf reprit :
"Tu as été reconnu coupable à la majorité des voix, pour le crime de haute trahison qui est passible de la peine de mort et pour tous les autres délits. Tu seras détenu dans les prisons du royaume jusqu'à ton exécution. Les détails te seront communiqués dans les plus brefs délais. As-tu quelque chose à ajouter, demanda-t-il à Link.
- Je suis innocent. Votre jugement n'a aucune valeur. Vous ne respectez pas les lois de ce pays. Tout accusé a le droit d'être défendu.
Les lois changent quand les circonstances l'exigent. Un décret a été approuvé hier par Son Altesse, la princesse Zelda. Il concerne la défense des prévenus. Ce procès est tout à fait légal."
Sur ces mots, les juges se levèrent et sortirent de la salle. Peu après, le commandant et ses hommes vinrent chercher Link pour le ramener dans sa cellule. Une fois qu'ils lui eurent enlevé les chaînes, il se coucha sur la banquette, leur tournant le dos.
Resté seul, Le Héros du Crépuscule évalua sa situation. Il était condamné à mort et n'avait que peu d'espoir de pouvoir s'échapper. Iria devait être très inquiète. Était-elle toujours à la taverne de Thelma. Étaient-ils au courant à l'extérieur de ce qui lui arrivait ?
L'après-midi de ce même jour, à la taverne, le Héros du Temps et Sheik préparaient toujours leur expédition. Thelma était allée en ville pour voir si elle pouvait en apprendre davantage sur le sort de Link.
En la voyant entrer dans la salle de réunion, ils comprirent que les nouvelles n'étaient pas bonnes. Elle était accompagnée d'un jeune homme blond aux yeux verts portant la traditionnelle tenue des gardes du château.
"Je vous présente Corentin. Il a des nouvelles de Link."
Ils l'invitèrent à s'asseoir.
"N'est-ce pas un peu risqué pour vous de venir jusqu'ici, lui demanda le Héros du Temps.
- Non, je fréquente cet établissement depuis que je suis entré en fonction. Ça ne surprendra personne. Mes collègues pensent que j'ai une aventure avec Thelma.
- Vous avez des nouvelles de notre ami ?
- Cela fait plusieurs jours maintenant que je suis chargé de lui apporter ses repas. J'ai donc pu le voir.
- Comment va-t-il ?
- Aussi bien que possible, au vu des circonstances. Avec le commandant, nous sommes les seules personnes qu'il voit. Malheureusement, je n'ai pas le droit de lui parler et mon chef me surveille étroitement lorsque je suis dans sa cellule, mais je l'observe.
- Que pouvez-vous nous dire de plus sur son état ?
- Il ne mange pas beaucoup, ce qui peut se comprendre quand on voit le pain rassis qui lui est destiné. Le découragement est en train de l'envahir !
- Ce n'est pas bon, ça !
- Ce matin, il a tenté de s'enfuir en profitant du fait que les soldats venaient le chercher pour l'emmener à son audience.
- Il a échoué, c'est ça ?
- Oui ! Comme je l'avais expliqué à Thelma, la disposition des lieux ne lui permettra pas de s'échapper. De plus, le commandant avait prévu sa tentative et pris ses précautions. Il a pu sortir de sa cellule, mais a été arrêté par les gardes dans le couloir. Ses chances étaient minces...
Ce qui veut dire que l'espoir ne l'a pas complètement quitté. De plus, il ne manque pas de bravoure."
En disant cela, le Héros du Temps jeta un coup d'oeil à sa main gauche où se trouvait le symbole de la Triforce du Courage, marque que Link possédait également. Puis il reprit :
"De quoi est-il accusé exactement ?
- D'avoir commis plusieurs délits à l'encontre des habitants : vol, coups et blessures. Le plus grave est cette histoire d'évasion. Les soldats qui gardaient les prisonniers affirment l'avoir vu en train de les faire sortir de leurs cellules.
- A quel moment cette fuite s'est-elle produite ?
- Le jour où devait avoir lieu la Fête du Triomphe, en fin d'après-midi, juste avant que la princesse ne rentre pour annuler la réception.
- Nous étions encore à la clairière à ce moment-là et il était avec nous.
- Je n'ai jamais douté de son innocence. J'imagine que quelqu'un a voulu le faire accuser, mais j'ignore dans quel but."
Le Héros du Temps se tut. Il cherchait à comprendre comment une personne avait pu se faire passer pour Link. Corentin reprit la parole.
"Tous les soldats croient qu'il a commis ces crimes et les habitants de la ville aussi. Ils ont tous témoigné contre lui pendant le jugement.
- Le verdict a-t-il été rendu ?
- Oui !
- J'imagine que ce n'est pas bon pour lui.
Non, il a été reconnu coupable à la majorité des voix et condamné à mort."
Le silence se fit dans la salle. Le héros du Temps et Sheik s'attendaient à cette sentence, mais Thelma était sous le choc. Elle avait gardé l'espoir qu'il s'agissait d'une erreur. Après leur avoir laissé le temps d'encaisser la nouvelle, Corentin reprit.
"Ils comptent rendre public le châtiment en fin d'après-midi ! Le Premier Ministre a organisé un communiqué pour l'annoncer officiellement au peuple en sa présence. Je crois qu'il veut le mettre face à la haine des Hyliens.
- Donc, ils vont le sortir de sa prison.
- Oui, mais ce n'est pas tout. J'ai entendu le Premier Ministre et le commandant Vernarte parler de ce qu'ils lui réservaient.
- Que vont-ils lui faire ?
- Sa condamnation à mort ne concerne que l'évasion. Pour tous les autres délits commis, il y aura d'autres châtiments et ils comptent commencer à les appliquer dès cet après-midi.
- Ont-ils donné une date pour l'exécution ?
- Non, je crois qu'ils veulent attendre d'avoir pris ses complices. Je ne pense pas me tromper en imaginant qu'il s'agit de vous !
- Effectivement, nous sommes bien concernés, mais comment ont-ils su que nous étions là ? Je ne pense pas que Link leur ait parlé de nous. Nous devrons désormais redoubler de prudence.
- Si vous désirez tenter quelque chose pour l'aider, je ne saurais que vous conseiller d'agir rapidement. Le châtiment qu'ils lui réservent risque de l'affaiblir, sans oublier qu'il ne se nourrit pas suffisamment.
- Nous agirons bientôt, mais pour ta propre sécurité, tu dois ignorer quand.
- Je comprends. De mon côté, je verrai ce que je peux faire pour lui.
- Une chose encore, vous travaillez sous les ordres du commandant Vernarte, n'est-ce pas ?
- En effet, pourquoi cette question ?
- Thelma nous a dit qu'il détestait Link. Etiez-vous au courant ?
- Non, je l'ignorais, mais cela peut expliquer pas mal de choses. Des bruits courent à son sujet parmi les soldats. Le commandant aurait été arrêté en tant que complice de Ganondorf, puis innocenté. Toujours d'après les rumeurs, il aurait obtenu ce poste en réparation du préjudice subi. C'est Link qui avait été chargé de la poursuite de ceux qui avaient aidé le tyran.
- Vous voulez dire qu'il le rendrait responsable de son incarcération ?
C'est une possibilité. Je n'en sais pas plus. Si vous voulez en apprendre davantage sur cette mission, vous devrez interroger Link quand vous l'aurez sauvé."
Il se leva. Le Héros du Temps en fit de même et lui serra la main.
"Merci beaucoup ! Vous prenez de gros risques pour nous.
J'ai beaucoup d'admiration pour lui. Je ne peux accepter qu'il soit victime d'une erreur judiciaire. Vous semblez avoir énormément de courage, vous aussi. Thelma m'avait parlé de votre ressemblance physique, mais elle était loin de la vérité. Vous avez également la même force morale. Bonne chance ! J'espère sincèrement que vous pourrez le sauver."
Il salua et sortit. La porte qui menait vers les chambres s'ouvrit et Iria entra dans la pièce. Son teint était pâle. Thelma s'inquiéta. Qu'avait-elle entendu exactement ? La tenancière s'approcha de la jeune fille et l'aida à venir s'asseoir.
"Depuis combien de temps es-tu derrière la porte ?
Un moment. Je vous ai entendu parler de Link. Je voulais avoir de ses nouvelles."
Le Héros du Temps échangea un regard avec Sheik. Ils n'avaient pas pensé à aller voir où elle se trouvait.
"Qu'as-tu appris, lui demanda-t-il avec douceur.
Je sais qu'il a été condamné à mort."
Le calme de la jeune fille était inquiétant. Thelma tenta de la faire parler.
"Comment te sens-tu ?
- Ça va ! Je voudrais en savoir plus. Que vous a-t-il dit ? Comment va Link ?
- Bien ! Enfin aussi bien qu'on peut aller quand on se trouve dans sa situation.
- Est-ce qu'ils lui ont fait du mal ?
- Non, il a juste été enfermé dans une des cellules de la prison du palais.
- Si j'ai bien compris, ils veulent le faire sortir cet après-midi. Je veux y aller.
- Ce n'est pas une bonne idée, affirma le Héros du Temps.
- Pourquoi, lui demanda-t-elle, pourquoi veux-tu m'empêcher d'aller le voir ?
Penses-tu réellement qu'ils te laisseront t'approcher de lui ? Comme tu as dû l'entendre, il s'agit de lui faire subir un châtiment, je ne crois pas que tu puisses supporter de voir ça. Pour lui, ce serait mieux que tu n'y assistes pas."
Les larmes commençaient à couler sur ses joues.
"Je veux le voir !
- Je comprends, murmura Thelma, c'est normal que tu en aies envie, mais c'est dangereux.
Laisse-nous nous occuper de te le ramener, ajouta Sheik."
La jeune fille se leva. Elle avait l'impression de faire un cauchemar. Son ami, qui avait risqué sa vie pour sauver le royaume, avait été condamné à la peine capitale pour un crime qu'il n'avait pas commis. Les larmes coulaient le long de ses joues. La jeune fille fit quelques pas en direction du couloir qui menait aux chambres et s'écroula inconsciente.
Thelma s'adressa au Héros du Temps.
"Peux-tu la porter sur son lit ?
- Je m'en occupe !
Rejoins-nous dès que possible. J'ai encore une chose importante à vous dire. J'irai m'occuper d'elle un peu plus tard."
Le Héros du Temps acquiesça, prit délicatement la jeune fille dans ses bras et disparut derrière la porte du couloir. Quand il revint, Thelma et Sheik étaient déjà en pleine conversation.
"Qu'avais-tu de si important à nous dire ?
- Iria est recherchée en tant que complice de Link. Une forte récompense a été promise à toute personne qui donnerait des renseignements permettant sa capture.
- C'était à prévoir !
- Pourquoi s'en prendre à elle ?
- Toute cette histoire est un coup monté, tu le sais. Ganondorf connait les sentiments de Link pour elle et s'en est déjà servi contre lui. Il veut probablement l'atteindre à travers son ami. C'est aussi pour ça qu'Iria ne doit pas se rendre au rassemblement !
- Que comptez-vous faire à présent ?
- Pour commencer, il faudrait que l'un d'entre nous se rende à cette présentation. Nous en apprendrons peut-être un peu plus sur les intentions de notre ennemi vis-à-vis de Link.
- Je peux y aller si tu veux, ajouta-t-elle.
Te sens-tu capable de le regarder être battu, lui demanda Sheik. Je sais que tu es très proche de lui et que tu veux l'aider, mais nous avons besoin de quelqu'un qui ne se laissera pas impressionner ! D'autant plus que si une occasion se présente à ce moment-là, il faudra la saisir !"
Elle ne répondit pas.
"Je vais y aller, reprit le Héros du Temps. J'ai besoin d'un vêtement sous lequel je pourrais me dissimuler.
J'ai ce qu'il te faut."
Elle se leva et alla chercher un long manteau muni d'une capuche. Elle le donna au Héros du Temps qui l'essaya. Il lui allait à la perfection.
"C'est celui de Link, dit-elle avec un sanglot dans la voix. Il l'avait oublié ici.
J'en prendrais soin et je le lui rendrais."
Thelma acquiesça. Soudain, un claquement de porte se fit entendre. Ils sursautèrent et se regardèrent.
"Iria, dirent-ils tous en même temps.
La porte qui est au fond du couloir des chambres, ajouta Thelma. Elle donne sur une petite cour."
Ils se levèrent et coururent en direction de la chambre de la jeune fille. Celle-ci était vide. Elle était partie.
"Où peut-elle être allée, demanda Thelma.
- Probablement sur le lieu de rassemblement. Il devrait avoir lieu dans quelques minutes.
- Si quelqu'un la reconnait, elle risque d'être arrêtée, ajouta Sheik.
Nous devons la retrouver avant qu'il ne soit trop tard ! J'y vais."
Le Héros du Temps enfila le manteau et s'apprêtait à sortir quand Sheik le retint.
"Fais attention à toi !
Ne t'inquiète pas ! J'ai promis à Link de veiller sur elle et c'est ce que je vais faire."
Il sortit pour essayer de rattraper Iria. Sheik le regarda sortir puis se tourna vers Thelma.
"Je vais le suivre en passant par les toits. Je n'aime pas les savoir tous les deux dehors."
Il disparut à son tour par la porte de derrière. Thelma resta seule, en proie à l'inquiétude. Et s'ils se faisaient prendre tous les trois ? Elle n'aurait jamais dû laisser Iria sans surveillance dans l'état où elle était. La tenancière avait commis une erreur.
Pendant que Corentin donnait des nouvelles de Link à ses amis, celui-ci se repassait le déroulement de son procès dans la tête. Tout avait été préparé à l'avance. Ce qu'il aurait pu dire ou faire n'aurait en rien modifié la situation.
Le jeune homme n'avait pas peur de disparaître. Depuis le début de ses combats, le Héros du Crépuscule avait appris à vivre avec l'idée de la mort. Son inquiétude allait plutôt vers les personnes qu'il laisserait derrière lui !
Des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. Le prisonnier leva la tête. Il vit entrer Ganondorf. Celui-ci l'observa, un sourire malveillant sur le visage.
"Je suppose que tu viens m'annoncer la date de mon exécution, lui demanda-t-il, en soutenant son regard.
- Pas encore. Es-tu pressé de mourir ?
- Non, mais je pensais que tu aurais hâte de te débarrasser de moi, maintenant que tu as ce que tu voulais !
- Sur ce point, tu as raison. Depuis le temps que je désire te voir périr, mais te prendre la vie ne sera pas suffisant pour payer tout ce que tu m'as fait. J'ai d'autres projets avant cela. Je veux te voir souffrir avant de rendre ton dernier soupir. J'attends juste le bon moment pour te faire subir ton châtiment. D'autant plus que tu ne peux aller nulle part. Ta petite tentative d'évasion de ce matin était pitoyable ! Le commandant m'a tout raconté dans les détails, j'en ris encore.
Je suis ravi de t'avoir amusé !"
Ganondorf le regarda des éclairs de colère dans les yeux.
"J'ai commis l'erreur de te sous-estimer, mais, crois-moi, je ne la ferais pas deux fois. Comme tu as pu le remarquer, peu de personnes entrent ici : le soldat qui t'apporte tes repas et le commandant, qui est aussi la seule personne à conserver la clé de ta cellule. Lui-même est bien trop content de te savoir là pour prendre le risque de te voir t'échapper. J'ignore pour quelle raison, mais il te déteste presque autant que moi !
- Je comprends mieux pourquoi j'ai droit à du pain rassis tous les jours !
- Pour t'enfuir, tu devras d'abord sortir de ta cellule, puis trouver un moyen de passer cette porte, fermée à clé et tellement lourde que deux hommes sont nécessaires pour la faire bouger. Il te faudra également traverser les sous-sols truffés de soldats... Tu n'as vraiment aucune chance.
- J'adore les défis ! J'attendrai qu'une occasion se présente !
- C'est gentil de me prévenir, mais tu risques d'attendre encore longtemps. Tu ne sortiras de cette cellule que pour subir ton châtiment et nous prendrons toutes les précautions nécessaires pour que tu ne puisses pas nous fausser compagnie. Nous tenons trop à ta présence ici et je te réserve une surprise pour le jour de ton exécution ! Tu ne voudrais pas la manquer ?
- Qu'est-ce que tu prépares ?
- Tu assisteras à la mort de ton amie. Tu seras aux premières loges pour voir la vie quitter son corps. Fais-moi confiance."
Link pâlit.
"Je t'interdis de la toucher, s'emporta-t-il.
- Je vois que tes sentiments à son égard n'ont pas changé. Pour l'instant, j'ignore où elle se cache, mais ça ne durera pas.
- Qu'est-ce qui te fait croire ça ? Tu ne penses tout de même pas que je vais te révéler l'endroit où elle est. Tu sais bien que tu ne me fais pas peur ! Tu ne parviendras pas à me faire parler !
- Je n'aurai pas besoin de ton aide. J'utilise la bonne volonté du peuple.
- Du peuple, demanda-t-il, étonné.
- Tu t'en es pris directement à eux. Ils ne l'ont pas oublié et seront ravis de m'aider à arrêter ta complice.
- Tu sais très bien que je n'ai rien fait !
- Moi, je le sais, mais eux sont persuadés que c'est bien toi qu'ils ont vu. Vois-tu, j'ai fait appel à un vieil ami qui m'a été très utile pour combattre le Héros du Temps. Certes, cela n'a pas été suffisant, mais il a tout de même réussi à le retarder. Sa particularité est de prendre l'apparence de ses adversaires et de reproduire leurs coups à l'identique."
Link se rappela que son ami avait mentionné un ennemi correspondant à ses critères. Pendant leur traversée du désert, ils s'étaient arrêtés dans une grotte pour passer la nuit. Le Héros du Temps qui s'était réveillé l'avait vu près du feu et l'avait pris pour cet adversaire. Il s'en était fallu de peu que ce dernier ne lui tranche la gorge.
"Je croyais qu'il l'avait vaincu.
- Pas tout à fait. Ton ami l'a effectivement battu, mais il a survécu et vit caché dans le cimetière du village Cocorico. Je suis allé le voir pour lui proposer de se venger de sa dernière défaite en s'en prenant au descendant direct de son adversaire. La perspective de participer à ta chute lui a tout de suite plu. Je lui ai donné une bonne description de toi. Tu devines la suite...
- C'est lui qui a commis tous ces méfaits avec mon apparence.
- Exactement ! Tous les témoins t'ont reconnu. Pour en revenir à ton amie, j'ai offert une belle récompense pour sa capture. Les habitants seront plus que ravis de me prêter main-forte.
- Tu ne la retrouveras jamais. Elle est protégée.
- À qui l'as-tu confiée ? À Sheik ? Au Héros du Temps ? Je sais qu'ils sont venus avec toi. N'oublie pas que la princesse Zelda est entre mes mains. Il a été très facile de la faire parler.
- Que lui as-tu fait ?
- Il a bien fallu la convaincre de me donner les pouvoirs. Mais ne t'inquiète pas, Zelda est en vie. J'ai encore besoin de sa participation. Elle espère que tu vas venir la sauver. Malheureusement, tu ne lui seras d'aucuns secours, pas plus qu'à petite copine.
- Tu ne peux rien contre elle.
- Vraiment ? J'ai déjà réussi l'exploit de te faire passer du statut de héros à celui de traître, en moins d'une journée. Tu es détesté par la plupart des habitants de la ville. Tôt ou tard, ton amie sera entre mes mains. Elle ne pourra rester cachée toute sa vie."
Link regarda son ennemi dans les yeux.
"Je te l'ai dit : quelqu'un veille sur elle !
- Oui, le Héros du temps ! Je l'avais bien compris, mais réfléchis. Lui et Sheik viennent d'arriver et ne connaissent pas la région, ni ses habitants. Je sais qu'ils se cachent quelque part en ville.
- La cité est grande...
- Effectivement, mais ils finiront par quitter leur abri !
- Pourquoi feraient-ils l'erreur de sortir ?
- Dès ce soir, ta condamnation à mort sera officielle et sera annoncée partout. Quelle sera leur réaction, selon toi ? Ils ont deux possibilités.
- Lesquelles ?
- Celle de quitter le pays en emmenant ta petite copine, mais dans ce cas, ils n'iront pas loin. Mes gardes les trouveront.
- Et la seconde ?
- Venir te libérer. Je pense que leur choix se portera sur cette option. Malheureusement pour toi, ils ne pourront jamais t'atteindre.
- Tu n'as aucune idée de leurs ressources !
- Toi-même, tu ignorais l'existence de cette cellule. Ils ne la trouveront jamais sans un plan ou un guide. Les soldats les retrouveront et ta petite copine perdra son protecteur."
Les paroles de Ganondorf pesaient lourd sur le coeur du jeune homme. Il sentait le désespoir s'insinuer en lui comme un poison dans ses veines. Link leva la tête en direction de son ennemi. Le sourire que celui-ci afficha sur son visage réveilla son courage.
Il fonça droit sur lui et avança les poings pour frapper son visiteur. Ce dernier attrapa les bras du prisonnier et tira de façon à ce que le corps du Héros du Crépuscule vienne percuter les barreaux de sa cellule.
"Tu es toujours aussi prévisible, lui dit-il avec mépris. Tu devrais garder tes forces pour le jour de ton exécution. Ce ne sera pas une partie de plaisir, je te le garantis."
Il le souleva et le projeta dans le fond de sa cellule. Link se releva et s'approcha de nouveau de la grille.
"Tu n'as pas encore gagné !
- Peut-être, mais toi, tu as déjà perdu !"
Ganondorf partit d'un éclat de rire et quitta la pièce. Link le regarda sortir. Resté seul, il se laissa tomber à genoux par terre. Le jeune homme commençait vraiment à avoir peur : son ennemi semblait avoir tout prévu dans les moindres détails
D'après ce dernier, ses chances de lui échapper étaient quasiment inexistantes et en voyant toutes les précautions que celui-ci avait prises, il commençait à désespérer. Sa dernière tentative de fuite s'était soldée par un échec. Le Héros du Crépuscule se sentait impuissant et doutait de ses capacités. Ses amis risquaient même d'être entraînés dans sa chute.
Sous le choc des paroles de Ganondorf, Link se releva et s'assit sur la banquette. Il ne devait pas se décourager. Tout n'était pas encore fini. Tant que ses amis étaient libres, tout espoir n'était pas perdu. Le jeune homme se rendait compte que son ennemi cherchait à le déstabiliser pour mieux pouvoir le manipuler. Sa seule chance était de réfléchir aux différentes possibilités qui s'offraient à lui au lieu de s'avouer vaincu.
Peu après, le commandant Vernarte entra, suivi de quatre gardes armés. Il s'approcha de la grille pendant que deux soldats refermaient la porte en fer derrière eux. Avec un sourire malveillant, le chef de section observa Link. Absorbé dans ses pensées, ce dernier n'avait pas remarqué leur entrée.
"Aurais-tu fini par comprendre que ta vie va se terminer ici", lui demanda-t-il en ricanant.
Le jeune homme leva la tête et dévisagea le commandant, mais il ne dit rien. Les quatre gardes attendaient devant la grille de la cellule. Link leur accorda un bref regard avant de reporter son attention sur Vernarte.
"Nous sommes venus te chercher ! Notre Premier Ministre a organisé un rassemblement spécial en ton honneur. Enlève ta tunique et ta cotte de mailles, tu ne vas plus en avoir besoin.
L'épée et la médaille ne te suffisent pas. Tu veux aussi mes vêtements. Prendre les affaires des autres, ça porte un nom : c'est du vol."
Le chef de section regarda le jeune homme en souriant.
"Venant d'un homme condamné à mort, cette remarque est tout à fait déplacée.
- Par contre, elle est tout à fait adaptée dans la bouche d'un innocent.
- Cesse de discuter et fais ce que je t'ai demandé !"
Link se leva et s'approcha de la grille.
"Que feras-tu si je refuse ?
- Je te déconseille de le faire. Tu pourrais avoir à le regretter amèrement.
- Ton maître a déjà essayé de me forcer la main. Tu ne possèdes pas les bons arguments. Tu ne me fais pas peur !
- C'est ce qu'on va voir !"
Le commandant se dirigea vers ses gardes pour leur ouvrir la cellule avec la clé qui ne le quittait jamais et referma derrière eux.
"Vous savez ce que vous avez à faire", leur dit-il.
Les soldats s'approchèrent de Link qui ne bougea pas. Il remarqua que ceux-ci ne portaient pas d'arme sur eux. Arrivés à son niveau, ils lui attrapèrent les bras dans le but de l'immobiliser. Le jeune homme se dégagea de leur étreinte.
Le Héros du Crépuscule désirait montrer à son ennemi qu'il ne se considérait pas comme ayant perdu la partie. Si ces soldats voulaient l'emmener quelque part, ils ne devaient pas compter sur sa collaboration.
"Décidément, tu cherches vraiment les problèmes. Si tu te laissais faire, tout se passerait beaucoup plus facilement et ce serait moins douloureux pour toi."
Le prisonnier envoya son poing vers le visage de l'un de ses adversaires. Le garde qui était visé réussit à esquiver le coup et attrapa le bras de Link qu'il tordit violemment, le forçant à s'agenouiller. Derrière la grille, le commandant souriait en observant le jeune homme qui s'efforçait de ne pas crier.
Les autres soldats aidèrent leur collègue. Ceux-ci allongèrent le Héros du Crépuscule sur le sol et l'un d'eux s'affaira à lui enlever sa tunique pendant que les autres lui maintenaient les poignets et les jambes. Ensuite, ils firent de même avec la cotte de mailles. Cette opération fut plus difficile compte tenu de la matière dans laquelle le vêtement avait été fabriqué.
Link avait tenté de se rebeller et de se remettre debout, mais la force de ses agresseurs était supérieure à la sienne. Avant de le relever avec brutalité, ils lui avaient attaché les mains derrière le dos. Le commandant Vernarte, qui n'avait rien perdu de la scène, entra dans la cellule à son tour et s'approcha de son captif.
"Tu vois ! Ta résistance était inutile. Tu ne fais pas le poids face à l'élite de mon armée. Ces hommes ont suivi un entraînement spécial. Ils n'ont pas besoin d'arme pour tuer."
Il attrapa le jeune homme par les cheveux et approcha son visage du sien.
"Notre Premier Ministre m'a averti que tu te préparais à renouveler ta tentative de fuite de ce matin. Alors, j'ai pris mes précautions."
Le commandant plaça une sangle autour du cou de Link et tira, bloquant ainsi sa respiration.
"Voilà ce qui arrivera si tu essayes de nous fausser compagnie. Comme tu peux le constater, tu n'iras pas loin. Suis-nous gentiment et tout se passera bien."
Vernarte relâcha la pression et Link sentit que la sangle se détendait. Il put reprendre une respiration normale, entrecoupée de fortes quintes de toux. Le commandant donna un coup sec sur la lanière pour le faire avancer, ne lui accordant que peu de temps pour se remettre. Ils sortirent de la cellule.
Deux des gardes s'occupèrent d'ouvrir la porte pour laisser passer le groupe escortant le prisonnier. Ils le conduisirent par les galeries et quittèrent les sous-sols pour se diriger vers les jardins du palais, situés juste entre celui-ci et la citadelle.
Link était inquiet. Où pouvaient-ils l'emmener ? Ganondorf lui avait pourtant bien fait comprendre qu'il ne serait pas exécuté tout de suite, puisque celui-ci voulait le voir assister au trépas d'Iria. Avait-elle été capturée malgré la vigilance du Héros du Temps ?
Le prisonnier se rendit compte que le commandant le menait vers la grande porte qui permettait d'accéder à la ville. Le jeune homme sentait l'accélération des battements de son coeur. Qu'allaient-ils faire de lui ? Pourquoi était-il emmené en dehors du palais ?
Link entendit des clameurs venant de la citadelle. Apparemment, de nombreuses personnes devaient attendre son apparition. Il comprenait à présent l'utilité de la sangle. Le commandant cherchait à l'humilier en l'exhibant comme un animal dangereux.
Ils passèrent la porte. Le jeune homme aperçut une grande foule rassemblée sur la place principale. Tous les visages étaient tournés vers lui, comme le jour pas si lointain où il avait été applaudi et récompensé pour sa victoire contre Ganondorf. Pourtant les deux évènements n'avaient rien à voir l'un avec l'autre.
Link ressentait une forte animosité des habitants à son égard et sentait peser sur ses épaules le poids de la haine éprouvée par ceux qui l'avaient porté en triomphe. Le Héros du Crépuscule s'arrêta et regarda autour de lui. Il cherchait parmi les spectateurs un quelconque réconfort dans cette épreuve, mais n'en trouva aucun.
Il ne remarqua pas l'étrange personnage dissimulé sous un long manteau qui l'observait avec compassion. Le commandant tira un coup sur la sangle pour lui intimer l'ordre d'avancer. Le prisonnier reprit la marche, évoluant entre les gardes qui retenaient la foule massée derrière eux.
Il percevait des rires moqueurs parmi le peuple. Le voir tenu en laisse amusait certains d'entre eux. Ce qui accentua le malaise du jeune homme. De plus, les spectateurs envoyaient des projectiles dans sa direction. L'un d'entre eux jeta une pierre qui le toucha au coin de l'oeil, causant ainsi une légère entaille d'où s'échappa un peu de sang.
La douleur l'arrêta dans sa marche. Link se tourna vers celui qui avait lancé le caillou. Ce dernier s'apprêtait à réitérer son exploit, mais il croisa le regard du jeune captif. Le désarroi présent dans celui-ci lui fit lâcher le projectile. Le condamné semblait réellement ne pas comprendre les réactions du peuple à son égard. Le citoyen se surprit à se questionner sur son éventuelle culpabilité.
L'homme au manteau avait suivi l'étrange cortège, essayant d'évaluer l'état du prisonnier. Bientôt, il reporta son attention sur le public, mais un bruit de chute attira son regard. Link venait de s'écrouler sur le sol. Ses mains attachées dans son dos l'empêchaient de se relever rapidement. Le commandant tirait sur la sangle pour le presser. L'étouffement provoqué par ce geste en augmentait considérablement la difficulté.
Link réussit néanmoins à se remettre debout et reprit sa marche. La honte qu'il éprouvait se lisait sur son visage. Sous son manteau de voyage, l'homme se promit de faire payer à Ganondorf l'humiliation subie par ce garçon courageux.
Perdu dans ses pensées, ce dernier n'avait pas remarqué le pied tendu d'un des spectateurs. Celui-ci s'était bien amusé de sa farce et s'était esquivé rapidement. Les rires qui avaient fusé suite à cet incident avaient touché le héros du Crépuscule droit au coeur. Il se sentait abandonné.
Link supportait mal ses marques de colère et de violence à son égard alors qu'il n'avait rien fait contre ceux qui le maltraitaient. Comment pouvaient-ils le croire capable de leur faire du mal ? Quelle était la raison des agissements des Hyliens ? Le jeune homme se demandait si les habitants du village de Toal donnaient du crédit à ces mensonges ou s'ils avaient été victimes de son homologue.
Vernarte le conduisit au centre de la place où une tribune avait été construite. Il le fit monter et le mit face à la foule menaçante. Un murmure de colère émanait des spectateurs. Ganondorf s'avança et se plaça à la droite de Link. Le commandant tenait toujours la lanière dans ses mains, prêt à resserrer son étreinte. Des gardes s'étaient installés en bas de l'escalier permettant d'accéder à l'estrade, bloquant le passage.
Link savait qu'il n'avait aucune chance de réussir une tentative d'évasion et avait pris le parti d'attendre que ce mauvais moment passe. Le prisonnier se sentait impuissant face à cet ennemi qui était parvenu à monter le peuple d'Hyrule contre lui, le Héros qui avait sauvé le royaume. Les murmures de la foule diminuèrent lorsque le Premier Ministre leva la main pour réclamer le silence.
"Mes très chers Hyliens, vous avez sans doute reconnu le condamné situé à ma gauche comme étant le responsable des différents délits commis dans la région et dont vous avez été victimes. Il a également été complice d'une évasion en masse.
Je n'ai commis aucun crime, s'écria Link, en tentant de se dégager de l'emprise du commandant. Vous me connaissez, je vous ai permis de vivre dans la paix. Pourquoi aurais-je aidé les hommes que j'ai fait arrêter ? Cela n'a aucun sens !"
Ganondorf se tourna vers le Héros du Crépuscule et lui administra une gifle pour le faire taire.
"Nous ne sommes pas ici pour juger de ta culpabilité. Cela a déjà été fait et bien fait. T'époumoner ne servira à rien."
Le commandant tira sur la lanière pour faire comprendre au prisonnier qu'il ne tolérerait pas ce genre de débordement. Le Premier Ministre reprit son discours sans tenir compte de cette interruption.
"Après avoir examiné les preuves et entendu les différents témoignages relatifs à cette affaire, il a été reconnu coupable des faits reprochés. Parmi ceux-ci, le fait d'avoir aidé des ennemis de la nation à échapper à leur peine a été qualifié de haute trahison. Ce crime seul nous permet de le condamner à mort. Seulement, en ce qui concerne les autres délits commis en profitant de la confiance que vous lui accordiez en tant que garde de la Famille Royale..."
Il se tut un instant, guettant les réactions de son prisonnier. Celui-ci n'avait pas bougé. Link observait son adversaire, bien décidé à ne pas se laisser surprendre par lui.
"Après plusieurs heures de délibération, les juges sont tombés d'accord sur sa sentence. Attendu que les habitants de cette ville ont eu à subir les mauvais traitements de cet individu, il leur sera permis de participer activement à son exécution. Chaque victime se verra offrir la possibilité de porter des coups à son agresseur. Quand tous les civils auront pu administrer leur vengeance, les gardes présents lors de la fuite des prisonniers pourront, à leur tour, lui infliger le trépas de la même façon.
Link n'en revenait pas. Il allait être battu à mort. Jamais une telle condamnation n'avait été rendue. La peine capitale était souvent prononcée dans le Royaume d'Hyrule, mais rarement appliquée, Ganondorf étant une des exceptions. En général, elle était transformée en prison à vie. Ce qui avait été le cas pour les complices du tyran. Les exécutions étaient donc très rares dans le pays, mais toujours accomplies avec le maximum d'humanité et de respect pour le condamné.
Link se tourna vers son ennemi.
"Mon statut de Héros me donne le droit de choisir la manière dont je quitterai ce monde. Votre châtiment est infamant et contraire aux lois de ce pays.
- Tu as été démis de tes fonctions à cause de tes nombreux actes inqualifiables. Tu n'es plus rien. Juste un criminel qui va subir ce qu'il a infligé à ses victimes.
- Tu peux me faire exécuter, mais tu ne parviendras pas à prendre le pouvoir. Il y aura toujours quelqu'un pour t'en empêcher !
- Si tu penses au Héros du Temps, lui dit-il à voix basse, tu te fais des illusions. Lui et les deux jeunes filles qui sont sous sa protection seront bientôt entre mes mains. Vos mises à mort serviront d'exemple à tous ceux qui voudraient se mettre en travers de ma route. Elles seront suffisamment horribles pour décourager les plus braves d'entre eux.
- Tu n'es qu'un monstre, Ganondorf ! Je te ferais ravaler tes menaces !"
La difficulté que Link éprouva à respirer juste après avoir dit ces mots lui confirma que le commandant Vernarte n'avait pas apprécié son intervention. L'homme au manteau commençait à ne plus supporter le traitement qui était infligé au captif. Il était sur le point d'intervenir pour lui venir en aide, lorsqu'une jeune fille qui se faufilait au milieu des spectateurs attira son attention.
Celle-ci essayait de se rapprocher de la tribune et plus particulièrement de l'endroit où se tenait le prisonnier. Celui qui se dissimulait se trouvait de l'autre côté de l'estrade et tentait de se frayer un chemin parmi le peuple, malgré les difficultés rencontrées pour la rejoindre. Il avait momentanément changé d'objectif pour se concentrer sur la raison de sa présence à ce rassemblement.
Les murmures avaient repris dans la foule. Chacun voulant donner son avis sur ce qu'il avait entendu. Le Premier Ministre, qui n'avait pas fini de parler, leva la main pour ramener le calme.
"Nous avons tenu à vous faire venir ce jour pour officialiser cette condamnation. La mise à mort devrait avoir lieu dans quelques jours. Nous recherchons toujours ses complices, qui devront subir le même châtiment. Nous ne tarderons pas à les attraper et nous vous offrirons une exécution commune. À partir de ce jour, il endurera le supplice prévu pour tous les autres délits commis. Une peine pour chacune de ses victimes. Le nombre de coups sera déterminé en fonction du degré de gravité de ses actes.
Link observa son ennemi. Ganondorf avait trouvé le moyen de lui infliger sa vengeance. Le jeune homme se rendit compte qu'il risquait de payer son opposition au prix fort. La peur s'insinuait en lui, mais le captif fit de son mieux pour la cacher. Sentant que les hostilités n'allaient pas tarder à commencer, le Héros du Crépuscule jeta des regards autour de lui, cherchant un éventuel secours.
C'est à ce moment-là qu'il la vit. Assise sur un fauteuil placé à quelques pas de lui se tenait la princesse. Pensant trouver une alliée, le prisonnier se précipita vers elle et s'agenouilla à ses pieds. Surpris par cette action soudaine, le commandant lâcha la sangle.
Link tenta d'attirer l'attention de Zelda.
"Votre Altesse, vous seule pouvez encore changer les choses. Tu me connais. Tu sais que je ne suis pas ..."
Vernarte qui avait compris le manège du jeune homme, ramassa la lanière puis tira dessus. L'objet se resserra autour de la gorge de ce dernier, l'empêchant d'en dire plus. Link s'écroula sur le sol, cherchant par tous les moyens à reprendre sa respiration. Lorsqu'il put de nouveau inhaler, son regard se posa sur Zelda qui avait tourné la tête vers lui.
Cette vision le cloua sur place. La princesse le regardait, les yeux vides de toute expression. C'est à ce moment-là qu'il aperçut la pierre qui pendait à son cou. C'était la même que celle qui ornait le front de Nabooru : rouge et scintillante. Link comprit qu'elle n'était plus consciente de ses actes.
Pourtant, il la sentait présente derrière cette absence, comme si elle était prisonnière dans sa propre tête. Zelda ne pouvait qu'assister, impuissante, à l'humiliation du héros. Ganondorf, qui suivait la scène avec attention, avait surpris le désespéré du captif quand celui-ci avait compris que la princesse ne pourrait pas l'aider. Un sourire apparut sur le visage du tyran.
Ne pouvant détacher ses yeux de la jeune femme, Link se rappela les paroles que son ennemi avait prononcées dans sa cellule : "Elle espère que tu vas venir la sauver." Zelda était en danger et lui, l'Elu, le Héros du Crépuscule, était incapable de la protéger. Il se sentait de nouveau impuissant.
Le prisonnier était si bouleversé par l'état de Zelda qu'il ne remarqua pas les deux soldats qui se dirigeaient vers lui. Link ne se rendit compte de leur présence qu'en se retrouvant empoigné et emmené au milieu de la tribune, où une sorte de banquette avait été installée.
Le commandant s'approcha de lui et retira la sangle avant que les gardes ne le soulèvent pour le coucher sur le bois. Le condamné tenta quelques mouvements pour essayer de se défaire de l'emprise des hommes, mais il fut rapidement maîtrisé. Un des gardes avait attrapé ses pieds pour les attacher à une des extrémités. Un autre s'était occupé de ses mains.
Il se retrouva couché sur le ventre, les chevilles et les poignets maintenus par des cordes. Le commandant Vernarte lui parla à voix basse.
"À ce stade, plus personne ne peut rien pour toi. Ta princesse n'a plus aucun pouvoir. Cette petite mise en scène avait deux objectifs : celui de te donner une idée des souffrances que tu vas endurer et de la mort lente et douloureuse qui t'attend, mais aussi de faire comprendre à Son Altesse que tu ne peux plus rien pour elle et que son intérêt est de nous obéir."
Link voulut protester, mais il lui mit une main sur la bouche pour l'en empêcher.
"Ce n'est pas la peine de faire de déclaration au peuple à ce sujet. Ils ne te croiront pas. Prononce une seule parole et je te bâillonne. As-tu bien compris ?"
Link acquiesça, sachant que son ennemi avait raison et que son intervention ne servirait à rien. Il était plus raisonnable de ne rien ajouter pour l'instant. Le commandant relâcha sa main et se tourna vers le peuple rassemblé. Un soldat lui apporta un parchemin sur lequel une liste avait été établie.
"J'ai ici un recensement des victimes de ce misérable qui ont été classées selon le préjudice subi. Je demande à la personne citée de monter sur l'estrade afin de procéder au châtiment du coupable. J'appelle Purlo."
Celui qui portait ce nom s'avança. Il s'agissait d'un homme élancé qui était vêtu d'un pantalon brun et une tunique verte à capuche, dissimulant une partie de la tête. C'était le propriétaire du chapiteau planté à l'est de la ville. Le commandant lui remit une cravache. Ensuite, le saltimbanque s'approcha de Link.
"Avant de commencer, rappelez-nous l'objet de votre plainte, demanda Vernarte.
- Cet individu a ruiné mon commerce. Il est venu relever le défi que j'avais lancé et l'a remporté plusieurs fois de façon malhonnête. Quand je me suis rendu compte de la supercherie, j'ai refusé de lui remettre les rubis gagnés. Alors, cette brute a menacé de me transpercer avec son épée. J'ai dû lui donner toute ma recette.
- Mensonge, s'écria Link. J'ai remporté ce défi de façon régulière. Je n'ai eu que le montant de mon gain."
Purlo s'approcha du prisonnier et murmura :
"Ne te fatigue pas ! Personne ne te croira. Quand j'ai entendu parler de ton arrestation, j'y ai vu le moyen de te faire payer ton arrogance. Je n'allais pas manquer l'occasion de me venger des humiliations publiques que tu m'as infligées. Je suis allé trouver le commandant pour porter plainte contre toi. Il a été ravi d'ajouter un délit à ta condamnation.
- Tu penses avoir été humilié, lui demanda Link. Comment qualifies-tu ton propre comportement vis-à-vis des habitants de la cité ? Tes jeux sont truqués. Tu es un escroc !"
Link vit la colère envahir les yeux de Purlo. Celui-ci leva le bras qui tenait la cravache et l'abattit en direction du visage du jeune homme qui eut juste le temps de tourner la tête. La tige ne réussit qu'à lui effleurer la joue y laissant une légère marque.
"C'est plus facile de frapper sur un homme désarmé et ligoté que de l'attaquer à la loyale. Tu n'es qu'un lâche !
- Tas-toi, cria Purlo. Je vais te faire passer l'envie de m'insulter.
- Un instant, intervint le commandant, en arrêtant le geste de l'homme. Je vais le faire taire une bonne fois pour toutes."
Vernarte s'approcha de Link et le bâillonna. Ensuite, il releva sa chemise laissant apparaître la peau claire de son dos. Purlo, leva la cravache et se mit à flageller le jeune homme, dont le corps se crispait à chaque fois que l'objet le percutait. Après une longue série de coups, le Héros du Crépuscule se préparait à en subir une autre lorsque quelqu'un cria au milieu de la foule :
"Non ! Arrêtez ! Ne faites pas ça !"
Toutes les personnes qui assistaient à la scène se tournèrent dans la direction d'où provenait la voix. Les soldats, à qui on avait demandé d'intervenir au moindre problème, entouraient déjà celle qui avait parlé. Ils la firent monter sur l'estrade et l'amenèrent devant le commandant.
La jeune fille tremblait de peur. Link qui avait relevé la tête la reconnut aussitôt : Iria ! La panique s'empara de lui. Que faisait-elle là ? Où était le Héros du Temps chargé de la protéger ? Et Sheik ? Pourquoi avaient-ils pris le risque de la laisser sortir seule ? S'étaient-ils enfuis en l'abandonnant ?
Le commandant observa la jeune fille avant de s'adresser à elle.
"Qui ose se permettre d'interrompre ce châtiment, lui demanda-t-il avec une menace dans la voix. J'espère que vous avez une bonne raison.
Veuillez excuser ma petite soeur", intervint l'homme dissimulé sous la grande cape de voyage qui venait de monter sur la tribune pour la rejoindre.
Il s'avança et se plaça entre elle et Vernarte. Link contemplait la scène.
"Elle est tombée amoureuse de ce sale type et il en a profité pour lui briser le coeur", ajouta le nouveau venu.
Iria n'avait pas bougé, observant son ami, sous le choc. Elle ne le quittait pas des yeux, regardant avec horreur les marques des coups de cravache sur sa peau.
Le prisonnier adressa un regard à celui qui se prétendait son frère et reconnut le Héros du Temps. Ce dernier semblait lui dire de ne pas s'en faire, que la situation était sous contrôle. Finalement, elle n'était pas seule, mais pourquoi l'avait-il laissée venir ?
Le commandant était tellement ravi de pouvoir ajouter un nouveau délit à la longue liste établie, qu'il n'accorda que peu d'attention à l'individu qui dissimulait son visage. Vernarte prit la cravache des mains de Purlo et la tendit à Iria.
"Je vous offre la possibilité de vous venger", lui murmura-t-il.
La princesse n'avait pas bougé. Prisonnière à l'intérieur de sa tête, elle ne pouvait qu'assister au supplice du héros, sans pouvoir intervenir. À ses côtés, Ganondorf suivait la scène qui se passait sur la tribune d'un air perplexe. La silhouette de l'homme au manteau lui était familière. Il observa celle qui l'accompagnait.
Soudain, il appela un des gardes qui se trouvait à proximité. Après quelques minutes de discussion, le soldat se dirigea vers le commandant. Ce dernier avait mis la cravache dans la main de la jeune fille qui le regardait sans comprendre.
"Je ne pense pas qu'elle pourra le frapper, fit remarquer son "frère". Malgré tout ce qu'il lui a fait, ma soeur l'aime toujours.
En cas de refus, elle sera considérée comme étant sa complice. Nous serons alors obligés de l'arrêter et de lui faire subir le même sort que lui."
Link avait suivi la conversation avec attention. La dernière phrase de Vernarte causa un choc au prisonnier. Juste à ce moment, le soldat s'approcha du commandant et commença à lui parler à voix basse. Dans un murmure à peine audible, le Héros du Temps dit à la jeune fille :
"Vas-y ! Frappe-le ! Tu dois le faire pour lui. Il n'acceptera pas que tu te laisses emprisonner."
Iria regarda son ami sans bouger. Link, qui avait entendu, tenta de lui faire comprendre qu'elle devait lui porter un coup. C'était la seule solution pour éviter son arrestation. Le chef de section, qui en avait terminé avec le soldat, s'approcha de la jeune fille. Il arracha la cravache des mains de celle-ci et se mit à fouetter le dos du prisonnier avec une violence inouïe.
La douleur que Link ressentit lui donna une bonne indication du degré de haine que le commandant éprouvait à son égard. Il fit de son mieux pour ne pas laisser apparaître sa souffrance sur son visage.
"Les individus de son espèce ne méritent pas de pitié", dit-il en reprenant son souffle.
Voyant son ami se raidir sous les coups et du sang couler de certaines de ses blessures, la jeune fille ne put retenir un cri et défaillit. Le Héros du Temps la rattrapa juste avant qu'elle ne tombe. Iria s'accrocha à lui et éclata en sanglots. Le commandant s'approcha de l'homme au manteau et attrapa un pan du vêtement qu'il tira, dévoilant ainsi son identité à la foule.
"Ne seriez-vous pas les amis de cet ignoble individu, leur demanda-t-il. Je me vois dans l'obligation de vous mettre en état d'arrestation."
Link en eut le souffle coupé. Il releva la tête et regarda en direction de ses amis. Le Héros du Temps avait dégainé son épée, prêt à défendre sa liberté et celle d'Iria.
"Ce ne sera pas aussi facile que tu le crois, dit-il en la pointant sur Vernarte qui avait également sorti la sienne.
- Le quartier est plein de soldats, vous ne parviendrez jamais à vous enfuir. Vous feriez mieux de vous rendre si vous voulez éviter d'être blessés.
Ce n'est pas mon genre !"
Le combat s'engagea entre les deux adversaires. Le Héros du Temps s'efforçait de protéger Iria, sous le regard affolé de Link. Ce dernier oublia momentanément la douleur qui martelait son dos et tira de toutes ses forces sur les cordes qui lui maintenaient les bras. Il voulait se libérer pour aller aider ses amis.
Le jeune homme était sur le point de parvenir à dégager une de ses mains lorsqu'il sentit une présence à ses côtés. Le condamné leva la tête et vit Ganondorf en train d'abattre la garde de son épée dans sa direction. La violence du choc lui fit perdre connaissance.
Le Héros du Temps avait remarqué les efforts de Link pour se débarrasser de ses liens et avait l'espace d'un instant espéré pouvoir le ramener à la taverne avec Iria. L'intervention de son ennemi l'obligea à changer ses plans. Ce sauvetage-là devrait attendre encore un peu. Tout en continuant le combat, il se mit à chercher une ouverture qui lui permettrait d'emmener la jeune fille loin de tout danger. Celle-ci semblait en état de choc, après avoir vu son ami se faire assommer. Soudain une flèche siffla à ses côtés et vint atterrir aux pieds du commandant qui recula.
Apercevant Sheik sur le toit d'une des boutiques, le défenseur d'Iria comprit que son allié lui procurait un moyen de s'échapper. À l'aide de son épée, il se fraya un chemin entre les gardes qui avaient accouru pour aider leur chef. L'appui apporté par les projectiles permit au Héros du Temps d'emmener sa protégée dans les rues de la citadelle.
Le jeune homme réussit à désarmer facilement les quelques guerriers qui avaient tenté de les suivre. Ne connaissant pas la ville, il ne savait quelle direction prendre pour rejoindre la taverne de Thelma et chercha un endroit où se cacher pour attendre qu'Iria soit capable de le guider.
Trouver le lieu du rassemblement avait été facile, mais après avoir couru pour semer les soldats, il s'était perdu. Ils entrèrent dans une maison inhabitée. Le Héros voulait laisser le temps à Iria de retrouver ses esprits. Elle avait été mise à rude épreuve.
Après plusieurs minutes d'immobilité pendant lesquelles son protecteur observait les alentours par une des fenêtres, Iria commença à revenir à la réalité. Elle posa les yeux sur son compagnon.
"Où est Link, lui demanda-t-elle.
Toujours là-bas ! Je n'ai rien pu faire pour lui. Je devais d'abord te protéger."
Elle se leva et se dirigea vers la porte.
"Où vas-tu ?
Je vais le chercher. Je refuse de le laisser là-bas."
Il se précipita vers elle et l'attrapa par le bras pour l'empêcher de sortir.
"Ne sors pas d'ici, tu risques de te faire repérer !
- Laisse-moi, je dois aller le sauver.
Tu ne peux rien faire. Tu ne l'aides pas en te mettant en danger, bien au contraire. Si tu veux vraiment être utile à ton ami, laisse-nous nous occuper de lui porter secours."
Iria s'arrêta et se retourna vers lui. Elle avait les larmes aux yeux.
"Ils sont en train de le faire souffrir. Combien de temps pourra-t-il tenir dans ces conditions ? Je suis si inquiète pour lui.
- Je comprends, mais il est fort et résistera. Nous irons bientôt le chercher. Pour l'instant, nous devons rentrer à la taverne, mais je ne connais pas cette ville et je me suis perdu. Peux-tu me montrer le chemin ?
Tu n'as qu'à me suivre. Nous n'en sommes pas loin."
Les fugitifs sortirent de la maison en faisant bien attention qu'aucun garde ne soit posté dans le coin. La jeune fille le conduisit à travers les rues de la citadelle. Ils avançaient lentement, craignant que Ganondorf ait fait surveiller le quartier.
* * *
Link avait été reconduit dans sa cellule. Les gardes l'avaient laissé sur le sol, puis avaient quitté la pièce. Il se réveilla quelques minutes plus tard. Couché sur le dos, le jeune homme ne tarda pas à ressentir une forte douleur. Le prisonnier se plaça aussitôt en position assise, espérant calmer sa souffrance.
Il ne s'était pas aperçu de la présence de son ennemi qui le regardait, un sourire cruel sur le visage. Link se prit la tête dans les mains. Celle-ci s'était mise à bourdonner. Ganondorf lui avait asséné un violent coup d'épée au niveau de sa tempe droite.
L'image d'Iria et du Héros du Temps aux prises avec le commandant Vernarte s'imposa alors à son esprit. Le jeune homme se releva et se commença à chercher autour de lui. Que s'était-il passé après son évanouissement ? Ses amis avaient-ils réussi à s'échapper ?
"Tu cherches quelque chose ? Ou quelqu'un ?"
Link se retourna lentement. Il avait reconnu cette voix.
"Je suppose que tu aimerais savoir ce qui est arrivé à ta petite amie et à son protecteur. Ils sont entre mes mains. Je les ai fait arrêter, ainsi que la princesse qui se déguise.
- Non, tu mens, murmura-t-il sans grande conviction. Tu cherches à me faire peur, mais ça ne prend pas !
Vraiment, dit-il en s'approchant et en lui tendant un manteau. Reconnais-tu ce vêtement ?"
Le jeune homme le prit et se rappela que le Héros du Temps le portait avant de se le faire arracher par Vernarte. Il l'examina et y vit de nombreuses taches de sang. L'inquiétude s'empara de lui.
"Que leur as-tu fait, demanda-t-il.
- Nous avons dû désarmer ton ami qui refusait de se laisser faire et, pour cela, utiliser la force. Il s'est défendu courageusement, mais a été vaincu. Votre ressemblance est frappante. Vous avez le même caractère indomptable.
- Est-il blessé ?
Il est mal en point, mais survivra. Au moins, jusqu'au jour de son exécution..."
Link recula et se laissa tomber sur la banquette en fermant les yeux. Ce qu'il redoutait venait de se produire. Et tout était de sa faute ! Le jeune homme avait sous-estimé son ennemi, ne le croyant pas capable de s'introduire dans le palais.
Sheik lui avait pourtant recommandé de l'être. S'il l'avait écouté, la situation ne serait pas aussi grave. Ganondorf observa la réaction de son prisonnier, un sourire sur les lèvres.
"Plus personne ne pourra venir t'aider. Vous allez tous les quatre être mis à mort dans quelques jours. Profite bien de tes dernières heures. Je te l'avais dit : tu es fini !"
Link releva la tête vers son ennemi. Celui-ci remarqua que les yeux du jeune homme avaient perdu de leur éclat et s'étaient assombris, signe d'un profond découragement.
Ganondorf sortit de la pièce en éclatant de rire. Le garçon semblait bouleversé par ce que son adversaire venait de lui annoncer. Ce dernier avait réussi à lui porter un coup dont il aurait du mal à se remettre. Le Héros du Crépuscule risquait de passer une très mauvaise nuit.
Quand le Héros du Temps et Iria entrèrent dans la taverne, ils s'aperçurent que deux personnes les attendaient avec angoisse.
"Que vous est-il arrivé, demanda Thelma. Quand Sheik est rentré seul, je me suis inquiétée.
Je me suis perdu en essayant de semer un groupe de soldats, répondit le jeune homme. Iria était trop bouleversée pour me guider. Nous nous sommes cachés en attendant qu'elle puisse le faire."
Il se tourna vers Sheik.
"Que s'est-il passé après notre fuite ?
Les soldats ont emmené Link. Je pense qu'ils l'ont reconduit dans sa cellule. Il était toujours inconscient."
Lorsqu'elle entendit parler de son ami, Iria qui, jusque-là avait gardé son calme, s'effondra. Thelma s'approcha de la jeune fille et la prit dans ses bras.
"Ils lui ont fait du mal, sanglota-t-elle. Son dos...
- Que veux-tu dire ? Que lui ont-ils fait ?
- Il a reçu des coups de cravache, répondit le Héros du Temps. Certains lui ont été donnés par un officier, probablement le commandant Vernarte.
- Qu'est-ce qui te fait croire que c'est lui ?
La violence avec laquelle il frappait et la joie évidente que cela lui procurait. Seule la haine peut inciter à agir de la sorte. Si tu avais vu les marques qui sont apparues sur sa peau..."
Thelma avait pâli en entendant ces propos, mais elle se reprit.
"Qu'avez-vous appris ? Que comptent-ils faire de lui ?"
Le Héros du Temps lui rapporta le discours de Ganondorf ainsi que ses intentions vis-à-vis de Link et de ses "complices". Ensuite, il raconta les mauvais traitements infligés au prisonnier et l'intervention d'Iria. Quand il en vint au moment où l'officier avait mis la cravache entre les mains de la jeune fille, celle-ci s'écroula et fondit en larmes.
"Je suppose qu'elle a été incapable de le faire !
C'était au dessus de ses forces ! C'est pour ça que ce monstre a lui-même donné les coups. Ensuite, il m'a arraché mon manteau et j'ai dû le combattre. Si nous avons pu nous enfuir, c'est grâce à l'intervention de Sheik."
Thelma aida Iria à se relever.
"Je vais la conduire dans sa chambre. Asseyez-vous et reposez-vous un peu. Je reviens, attendez-moi. Il faut qu'on parle."
La tenancière comptait lui faire prendre un somnifère pour que la jeune fille puisse se reposer, après cette épreuve traumatisante. Une fois que celle-ci serait endormie, elle veillerait à fermer la porte à clé pour éviter un nouveau drame.
* * *
Après le départ de son visiteur, Link était resté seul, en proie à une grande inquiétude. Par sa faute, Ganondorf avait réapparu et s'était rendu maître du royaume. Il était tombé dans le piège que son ennemi lui avait tendu et avait entraîné ses amis dans sa chute. Son incompétence risquait de coûter cher au peuple d'Hyrule.
Le commandant Vernarte entra avec quelques gardes. Perdu dans ses pensées, le jeune homme n'avait pas remarqué cette intrusion. Un des soldats portait un plateau sur lequel reposaient différents flacons et du matériel de soin. Il pénétra dans la cellule dont la porte fut refermée après son passage.
Sous la surveillance très étroite de son chef de section, ce dernier s'approcha du prisonnier et posa son fardeau sur le sol. Link, qui venait de se rendre compte qu'il n'était plus seul, releva la tête et observa son visiteur.
"J'ai été chargé de soigner tes blessures", l'informa le garde.
Le jeune homme le regarda sans réagir. Pourquoi voulait-on se donner la peine de le soigner si c'était pour recommencer l'opération le lendemain ? La réponse lui sauta aux yeux : pour qu'il puisse être suffisamment résistant pour survivre jusqu'à son exécution.
Le soldat examina Link et remarqua une légère blessure juste à côté de son oeil. Il s'assit sur la banquette et prit une petite compresse humide sur le plateau. Il approcha celle-ci du prisonnier afin de nettoyer le sang qui avait coulé sur sa joue en lui parlant doucement.
"Ne bouge pas ! Je vais m'occuper de toi !"
Le jeune homme tourna son regard vers le garde. Lorsqu'il sentit des mains s'approcher de son visage, Link se leva d'un bond. Le prisonnier commençait à ne plus supporter qu'on le touche. Il réalisa un pas en arrière pour mettre le plus de distance possible entre eux.
Voyant cela, Vernarte fit entrer les autres gardes dans la cellule. Deux d'entre eux s'avancèrent en direction du captif qui reculait toujours. Ce dernier se retrouva rapidement bloqué par un des murs de la prison. Il n'avait plus de possibilité de fuite.
Les soldats l'attrapèrent par les bras, mais Link n'avait plus la force de résister. La journée avait été éprouvante autant physiquement que moralement et il se sentait vidé de toute son énergie. Les hommes l'allongèrent sur la banquette.
Pour être sûrs qu'il se laisse faire pendant les soins, les gardes prirent la précaution de l'attacher. L'un d'entre eux, celui qui n'était pas encore intervenu, avait installé des chaînes à chaque extrémité de la couchette. Le héros du Crépuscule se retrouva donc retenu par ces liens.
Leur travail terminé, les soldats quittèrent la cellule. Le captif ne pouvait désormais plus bouger et leur présence n'était plus nécessaire. Ils remirent la clé des entraves au commandant. Celui-ci sortit avec eux afin de leur donner quelques instructions sur leur prochaine mission.
Le garde s'était approché du prisonnier pour nettoyer les blessures qu'il avait à la tête, mais ce dernier gardait son visage contre le bois de la banquette. Le soldat s'accroupit à sa hauteur et lui parla avec douceur.
"Ne t'inquiète pas, je ne suis pas ici pour te faire du mal. Si tu ne te laisses pas faire, cela risque d'être encore plus difficile pour toi."
Le jeune homme releva la tête et regarda son interlocuteur dans les yeux. Ce qu'il y lut sembla le calmer. Il avait reconnu le soldat chargé de lui apporter ses repas. Il se positionna afin de se laisser soigner. Le garde retira les traces de sang et examina la plaie au niveau de son oeil. Celle-ci étant peu profonde, il se contenta d'appliquer de la pommade cicatrisante.
"Je vais maintenant m'occuper de ton dos. Ça risque de faire mal. Je vais faire de mon mieux pour t'éviter des douleurs inutiles."
Le soldat souleva la chemise du jeune homme et observa son dos. Les marques sur celui-ci étaient nombreuses et profondes. Il n'avait pas assisté à l'épreuve qu'avait subie le prisonnier, mais était conscient que cela n'avait pas dû être une partie de plaisir pour lui.
Le garde commença par purifier les plaies. Il vérifia que le commandant était toujours occupé à donner des ordres à ses subordonnés avant de parler à voix basse pour n'être entendu que du captif.
"Écoute-moi ! Je dois te parler, mais je ne dispose que de très peu de temps. Mon nom est Corentin. J'ai vu tes amis, ils organisent ton évasion. Je vais faire de mon mieux pour que tu sois capable de les suivre lorsqu'ils viendront te chercher. Tu dois t'y préparer dès à présent."
Link posa son regard sur son interlocuteur.
"Cela ne sert à rien ! Ils ne pourront pas me sauver. Ils ne le peuvent plus.
- Pourquoi dis-tu cela ?
Parce qu'ils ont déjà essayé et qu'ils ont échoué. Ils ont été arrêtés et l'un d'entre eux a été gravement blessé."
L'entrée Vernarte l'empêcha de pousser plus loin ses questions. Le jeune soldat continua les soins sous le regard inquisiteur de son chef, mais se promit de tirer cette histoire au clair. Il n'avait entendu parler d'aucune nouvelle arrestation.
Une fois le prisonnier soigné, le garde rangea son matériel et déposa à côté de la banquette une cruche d'eau et un morceau de pain. Ensuite, il ramassa son plateau et se dirigea vers la grille restée ouverte et s'approcha du commandant.
"Dois-je le faire manger, mon capitaine ? Je ne pense pas qu'il soit capable de le faire seul avec ses chaînes.
Contente-toi de les lui laisser et quitte cette pièce. Tu as d'autres prisonniers à nourrir."
Le soldat fut surpris par les paroles de son chef. En effet, aucune autre cellule de la prison n'était occupée. Il repensa à ce que lui avait dit le captif et comprit que ces paroles étaient destinées à celui-ci pour confirmer l'arrestation de ses amis.
Corentin obéit et sortit, non sans avoir jeté un dernier regard sur le jeune homme qui avait encore pâli après avoir entendu leur conversation. Il ne l'avait jamais vu comme cela : l'espoir semblait l'avoir quitté. Ses alliés devaient être avertis de son état.
Après le départ du garde, le commandant entra dans la cellule et s'approcha de Link. Il l'attrapa par les cheveux et l'obligea à le regarder.
"Notre petite séance d'aujourd'hui a dû être écourtée. La vaine tentative de tes amis a fait fuir le peuple, mais ils ne pourront pas intervenir demain. Les douleurs que tu ressens ne sont rien à côté de ce qui t'attend dans les prochains jours."
Le chef de section s'attendait à une réaction de la part du prisonnier, mais celui-ci n'en eut aucune. Ses yeux semblaient vides, comme si l'envie de se révolter l'avait quitté. Surpris par cette absence de réponse, Vernarte ajusta la chaîne qui entravait ses mains de façon à ce que le captif puisse atteindre les aliments qui lui avaient été laissés. Puis il sortit de la cellule.
Une fois seul, Link replongea dans ses idées noires. Au bout de plusieurs minutes, il sentit le sommeil le gagner. Le jeune homme tenta de résister, mais sombra très vite dans l'inconscience.
* * *
À la taverne, Thelma avait rejoint Sheik et le Héros du Temps dans la salle de réunion.
"Je ne parviens pas à calmer Iria. Elle te réclame, dit la tenancière en s'adressant à ce dernier. Elle refuse de prendre un calmant avant de t'avoir parlé.
J'ai compris. Je viens."
Il se leva et l'accompagna dans la chambre de la jeune fille. Celle-ci était couchée sur son lit. L'apercevant, elle l'appela :
"Fais quelque chose pour aider Link. Ne les laisse pas lui faire ça ! Tu es sa dernière chance ! Promets-moi de l'aider.
Je ferais ce que je pourrais. Maintenant, tu dois te reposer. Avale ce médicament, ajouta-t-il en lui tendant le verre préparé par Thelma."
Quand elle eut pris le liquide, elle recommença à parler.
"Link, c'est toi ? Tu as réussi à t'échapper ?
- Elle délire, remarqua le Héros du Temps.
- La fièvre est montée, c'est pour ça que je voulais qu'elle dorme.
Je vais rester un peu ici. Va rejoindre Sheik. Je vous retrouve dans la salle de réunion dès qu'elle se sera assoupie."
Thelma se leva et lui remit une clé avant de sortir.
"Verrouille la porte en sortant. Je ne veux prendre aucun risque.
Je ne pense pas qu'elle soit en état de tenter quelque chose, mais je fermerai."
La tenancière sortit et laissa le jeune homme avec Iria. Le fait que cette dernière le confonde avec son ami d'enfance devrait l'aider à se calmer. Il resta à ses côtés, lui permettant de prendre sa main dans la sienne. Le médicament mit plusieurs minutes avant de faire son effet. Quand il fut sûr qu'elle dormait profondément, le Héros du Temps se leva et quitta la chambre.
Quand il entra dans la salle de réunion, Sheik l'interrogea.
"Comment va-t-elle ?
- Elle dort. Elle m'a pris pour Link. Je pense que c'est la fièvre, mais au moins, elle s'est assoupie calmement.
- Comment va-t-elle réagir demain quand elle ne le verra pas, demanda Thelma.
- On va faire en sorte qu'elle puisse le voir. Je pense que nous devrions agir sans tarder et lancer l'opération dès ce soir. Avec un peu de chance, il sera là quand elle se réveillera.
- Êtes-vous suffisamment préparés ?
Non, mais il faudra qu'on fasse avec. Nous ne pouvons le laisser endurer ça plus longtemps."
À ce moment quelqu'un frappa à la porte qui donnait sur le bar. Thelma se leva pour aller ouvrir pendant que Sheik et le Héros du Temps se cachaient dans le couloir. La tavernière vint bientôt les rassurer.
"C'est Corentin. Il veut vous parler. C'est très important !"
Tous trois regagnèrent la salle de réunion.
"Je suis désolé de venir à l'improviste, mais j'apporte de mauvaises nouvelles. Ce soir, j'ai été chargé de soigner les blessures de Link.
Comment va-t-il ?"
Pour leur faire comprendre l'état dans lequel se trouvait leur ami, il entreprit de leur raconter les derniers événements ainsi que les réactions de celui-ci.
"Ses forces s'épuisent, mais ce n'est pas le plus grave. Il se décourage.
- D'après ce que vous nous dites, il semble effectivement avoir perdu la volonté de se battre. Qu'est-ce qui a bien pu provoquer ça ? Ce n'est pas l'impression qu'il donnait cet après-midi.
- Link est persuadé que vous avez été arrêtés. Il semble croire également que l'un d'entre vous est gravement blessé.
- Comment le savez-vous ?
- J'ai pu lui parler quelques minutes pendant que le commandant donnait ses ordres. C'est lui qui me l'a dit. Je n'ai pu en apprendre plus par manque de temps, mais juste avant que je sorte, mon chef a fait un commentaire qui a confirmé mes doutes. Il m'a demandé d'aller nourrir les autres prisonniers alors que les cellules sont vides depuis la grande évasion. Ils lui ont menti pour l'affaiblir. J'ignore comment ils ont réussi à le convaincre.
Je sais comment ils ont fait", ajouta Sheik.
Tous trois se tournèrent vers lui.
"Après votre fuite, dit-il en s'adressant au Héros du Temps, Ganondorf a ramassé le manteau que tu avais laissé et l'a utilisé pour nettoyer le sang sur le dos de Link. Il a dû lui faire croire qu'il s'agissait du tien pour rendre son mensonge plausible.
- Si c'est vrai, il doit croire qu'il est perdu et il va cesser de se battre.
- Êtes-vous toujours décidé à le faire évader ?
- Plus que jamais !
- Dans ce cas, n'attendez pas trop longtemps. J'ai fait de mon mieux pour le soulager et lui redonner des forces, mais il sera de nouveau battu demain. Plus vous attendrez et plus il sera faible.
- Nous sommes conscients de l'urgence de la situation.
- J'ai appliqué un antidouleur sur les plaies de son dos. Celui-ci devrait faire effet encore plusieurs heures, mais il se peut que le produit le fasse dormir. Vous serez peut-être amenés à le réveiller.
- Sera-t-il capable de nous suivre et de se défendre ?
- Physiquement, je le pense. Concernant son mental, je n'en suis pas convaincu. La nouvelle de votre arrestation lui a fait un choc. Il risque d'avoir besoin d'un peu de temps pour se remettre.
- Dès qu'il saura qu'on lui a menti, sa force reviendra.
- J'espère que vous avez raison. Il faut que je vous laisse. Je vais devoir reprendre mon service dans peu de temps.
- Vous avez pris d'énormes risques pour nous aider. Comment pourra-t-on vous remercier.
- Sauvez-le ! C'est tout ce que je demande. Une dernière chose : j'ai ajouté un peu de tonifiant à son pain de ce soir, mais je ne suis pas sûr qu'il l'ait mangé.
Nous nous occuperons de le lui faire avaler s'il ne l'a pas fait ! Soyez rassuré !"
Corentin acquiesça et sortit. Thelma le suivit. En revenant dans la salle, elle trouva le Héros du Temps et Sheik occupés à préparer le matériel dont ils avaient besoin pour leur expédition. La tenancière comprit directement leurs intentions, mais ne chercha pas à les en dissuader, consciente qu'attendre davantage présentait un trop gros danger pour la vie de Link. Pourtant, son inquiétude était grande. Ceux qu'elle commençait à apprécier, allaient prendre d'énormes risques.
"Avez-vous besoin de quelque chose ?
- Je pense que nous avons déjà réuni le nécessaire, commença Sheik, mais il y a un point que nous devons encore aborder. Si nous échouons...
Ne parle pas comme ça, coupa Thelma en se levant."
Le Héros du Temps se leva également et la retint.
"Désolé, mais il faut que ce soit dit ! Si nous échouons, et que nous ne revenons pas, Iria sera en danger. Il faudra la conduire très loin d'ici. Quitte à lui mentir pour qu'elle parte ! Tu dois nous le promettre."
La tenancière posa son regard dans les yeux bleus de celui qui ressemblait tant à son protégé. Elle y lut la même détermination et le désir de défendre ses amis.
"D'accord, répondit-elle en sentant les larmes monter dans sa gorge. Je vous le promets.
- Très bien ! Nous avons encore beaucoup à préparer.
- Je vais m'occuper d'Iria. Si vous avez besoin d'autre chose, venez me voir.
- Ne lui dis rien de notre expédition. Il vaut mieux qu'elle l'ignore jusqu'à ce que nous ayons réussi à le ramener."
Elle acquiesça et sortit. Sheik et le Héros du Temps profitèrent du reste de la soirée pour faire leurs derniers préparatifs.
La nuit était tombée depuis longtemps, lorsque Link reprit conscience. Il ressentait des douleurs causées par son immobilité forcée. Les élancements dans son dos s'étant atténué, il essaya de se positionner de façon à soulager ses membres, pliant ses jambes et détendant ses bras.
Ses pensées se dirigèrent alors vers Iria et ses compagnons. Il ne pouvait s'empêcher de se rendre responsable de cette situation. S'ils avaient été arrêtés, c'était entièrement de sa faute.
Soudain, le prisonnier perçut de légers murmures venant du couloir et tendit l'oreille. Les chuchotements cessèrent et la porte s'entrebâilla doucement. Deux ombres se glissèrent par l'ouverture. Les prenant pour des soldats chargés de le surveiller, il ne fit pas attention à eux. Ils s'approchèrent de la grille, l'ouvrirent et s'avancèrent vers la banquette où était retenu le captif.
Quand Link s'en aperçut, il eut un mouvement de recul, mais ses chaînes ne lui permettaient de bouger. Les deux nouveaux venus s'immobilisèrent un moment, surpris par sa réaction. Ils échangèrent un regard, partageant la même pensée : Corentin n'avait pas exagéré l'état de leur ami.
Les voyant venir rapidement vers lui, le jeune homme éprouva une légère crainte. Que voulaient-ils de lui à cette heure tardive ? Jusque-là, l'obscurité l'avait empêché de reconnaître ses alliés. Quand le Héros du Temps s'accroupit à ses côtés, Link n'en crut pas ses yeux.
"Vous... vous êtes... échappés !"
Le jeune homme posa ses doigts sur le bras de son visiteur pour vérifier que son imagination n'était pas en train de lui jouer des tours. Puis il l'observa avec attention, cherchant la moindre trace de blessure.
"Je pense que celui qui est censé être gravement touché, c'est moi", dit celui-ci.
Il prit le visage de Link entre ses mains et le regarda droit dans les yeux.
"Je ne sais pas qui t'a prétendu que nous avions été pris, mais ce n'est pas vrai. Regarde-moi, je vais très bien. Iria et moi avons pu nous en sortir grâce à l'intervention de Sheik. Tu dois te ressaisir, nous sommes venus te chercher.
- Iria, articula-t-il difficilement.
- Elle est en sécurité ! Nous t'emmenons la rejoindre. Elle s'inquiète pour toi et nous aussi."
Le jeune homme parut soulagé. Ses traits se détendirent et les couleurs revinrent sur son visage. Sheik s'était approché et avait commencé à le détacher. Il ne lui fallut pas plus de quelques minutes pour crocheter ses chaînes. Link le regarda avec étonnement. L'habileté de son ami le déconcertait.
"Où as-tu appris à faire ça, demanda-t-il quand il fut de nouveau libre.
- J'ai des talents cachés, lui répondit-il, en lui adressant un clin d'oeil. J'ai été formé par une Sheikah, Impa. Je connais toutes leurs techniques.
- Nous ne devons pas rester trop longtemps ici, intervint le Héros du Temps. La relève de la garde devrait avoir lieu sous peu.
- Nous ne pouvons pas partir tout de suite : il n'est pas encore prêt."
En effet, Link s'était levé pour faire quelques pas, mais il semblait avoir du mal à retrouver son équilibre.
"Depuis combien de temps étais-tu attaché comme ça ?
- Plusieurs heures, j'ignore combien. Donnez-moi juste quelques minutes pour me stabiliser et nous pourrons y aller. Plus vite je serai sorti d'ici et mieux je me porterai."
Sheik regarda autour de lui et trouva le maigre repas auquel le jeune homme n'avait pas touché.
"Je vois que tu n'as rien mangé, reprocha-t-il en lui montrant la nourriture. Tu as besoin de force. Tu devrais avaler quelque chose avant de nous suivre. Pendant ce temps, je voudrais examiner ton dos.
- J'ai déjà été soigné. En plus, je ne sens presque rien.
- Laisse-moi regarder", insista Sheik.
Résigné, Link prit le morceau de pain que lui tendait son ami et se rassit le laissant observer ses plaies.
"Je vois que Corentin s'est bien occupé de toi ! Il t'a appliqué un antidouleur. Profitons-en pour partir pendant qu'il agit encore !
- Tu connais le garde qui m'a soigné ?
- Les explications devront attendre. Nous te dirons tout le moment venu. Pour l'instant, nous devons sortir d'ici. Tu devrais remettre ta cotte de mailles et ta tunique. Nous pourrions avoir à nous battre. Sais-tu où elles sont ?
- Les soldats me les ont retirées juste avant de m'emmener au rassemblement. J'ignore ce qu'ils en ont fait."
Le Héros du Temps fit le tour de la pièce et les découvrit roulées en boule dans un coin. Il les ramassa et aida le prisonnier à les enfiler. Ensuite, Sheik lui rendit l'épée que le jeune homme avait laissée dans sa chambre à la taverne.
Link installa le fourreau sur son dos, heureux de retrouver sa lame, se sentant de nouveau apte à se défendre. Quand il fut prêt, ils sortirent dans le couloir. Devant la porte, le fugitif remarqua deux gardes inconscients, couchés sur le sol.
"Nous avons assommé un certain nombre de soldats. Ils ne font qu'obéir aux ordres. Nous ne sommes pas des meurtriers.
- Vous avez bien fait. Par où devons-nous aller ?
- Suis-nous !"
Les trois amis sortirent de l'impasse en vérifiant que les gardes ne s'étaient pas réveillés. Ils commencèrent à traverser le couloir principal en croisant, de temps en temps, quelques soldats évanouis.
"Vous vous êtes bien débrouillés. Ils sont tous complètement assommés."
Les fugitifs avaient fait un bon bout de chemin lorsqu'un son de cor se fit entendre. Ils se retournèrent brusquement. Apparemment, la fuite de Link venait d'être découverte. Le trio s'apprêtait à courir vers l'entrée des égouts quand une silhouette leur barra la route.
"Où comptes-tu aller comme ça, demanda le commandant. Ganondorf sera déçu d'apprendre que tu refuses son hospitalité.
- Ainsi, tu n'ignores pas sa véritable identité !
- Surpris ?
- Non, pas vraiment ! Laisse-nous passer ! Nous sommes trois et tu es seul ! Tu n'as aucune chance.
- Crois-tu ?"
Derrière lui, venait d'arriver un petit groupe de soldats qui sortirent leurs armes.
"Le Premier Ministre te l'avait dit : tu ne pourras pas t'échapper et tes amis subiront le même sort que toi !"
Le commandant désigna Link de sa lame. Ce dernier la reconnut, il s'agissait de la sienne, le cadeau de la princesse.
"Je me charge de celui-là. Occupez-vous des deux autres."
Link dégaina son arme, l'Épée de Légende, qui au contact de sa main se mit à briller. Elle avait reconnu son maître. A ses côtés, le Héros du Temps et Sheik eurent le même réflexe.
Le commandant s'approcha de son adversaire pendant que les soldats essayaient de faire reculer ses compagnons, pour les éloigner de leur ami.
"Si tu savais depuis combien de temps j'attends de pouvoir me battre contre toi !
- Pour quelle raison ? Que t'ai-je fait ?
- Comme si tu ne le savais pas ! J'ai éprouvé un grand plaisir à te frapper cet après-midi, mais battre quelqu'un qui est incapable de se défendre est la caractéristique des lâches. Je préfère les vrais combats."
Le duel s'engagea dans l'étroit couloir, à peine éclairé. Le jeune homme avait cet avantage qu'il était habitué à l'obscurité. Ils se battirent pendant un long moment. Aucun des deux ne parvenait à prendre le dessus sur l'autre. Les épées s'entrechoquèrent avec violence. Malgré la rapidité de son opposant, le fugitif réussissait à parer ses attaques.
Inquiet à l'idée de voir ses craintes devenir réalité, Link regarda en direction de ses amis qui se défendaient vaillamment contre un groupe de gardes. Remarquant que ceux-ci s'en sortaient bien, il reporta son attention sur son propre adversaire. Celui-ci avait profité de ces quelques secondes d'inattention pour frapper. Link évita le coup de justesse grâce à un saut sur le côté.
Ce geste l'avait rapproché d'un poste de surveillance où deux soldats gisaient sur le sol. L'un d'eux s'était réveillé. S'apercevant que le jeune homme s'approchait de lui, ce dernier saisit l'occasion de se démarquer des autres. Au moment où le fugitif se retourna vers son opposant, le garde se releva d'un bond. Il plaça son bras droit sur la gorge du héros et attrapa la main qui tenait l'épée.
"Il faut toujours surveiller ses arrières", lui dit-il.
Link, dans l'incapacité de bouger, vit arriver sur lui le commandant.
"Ton sang n'est pas digne de cette arme, dit-il en la rangeant dans son fourreau. Tu ne la méritais pas. Elle est à moi, maintenant. Ce poignard, cadeau de Ganondorf, est bien suffisant pour toi."
Vernarte leva l'arme et l'abattit sur Link. Elle transperça la cotte de mailles qu'il portait sous sa tunique. Le jeune homme ne put s'empêcher de pousser un cri lorsque la lame s'enfonça dans son épaule gauche et lâcha son épée. La violence du coup était telle que le soldat fut projeté en arrière entraînant sa proie dans sa chute.
"Je croyais que tu voulais un combat loyal, réussit-il à articuler malgré la douleur. Tu te comportes comme un pleutre !
- Il fallait bien t'empêcher de prendre la fuite."
Souriant avec cruauté, le commandant s'avança vers Link. Il attrapa le manche du poignard qui était planté dans l'épaule du jeune homme et tira lentement, ce qui lui arracha un nouveau cri.
Tu aurais dû rester gentiment dans ta cellule en attendant de te faire exécuter. Nous t'avions prévenu que tu ne pourrais nous échapper. Maintenant, tu vas regagner ta prison avec une profonde blessure en plus. Nous veillerons à ce qu'elle ne te tue pas, mais tu souffriras...
Link posa sa main droite sur la plaie afin d'arrêter le sang qui en coulait. Vernarte s'approcha alors de l'Épée de Légende. Il se pencha pour la ramasser lorsqu'il reçut un coup à l'arrière de la tête. Le commandant sombra dans l'inconscience avant d'avoir pu comprendre ce qu'il s'était passé.
Son agresseur l'observa et remarqua un objet brillant sur sa poitrine qui lui semblait familier. Celui-ci l'arracha et reconnut la décoration que Link avait obtenue en récompense de ses actions, la médaille du Courage. Il la rangea dans sa poche.
Link releva les yeux et vit le Héros du Temps, la lame levée. Avec Sheik, ils avaient réussi à mettre hors d'état de nuire les soldats qui les avaient attaqués. Ce dernier tendit son bras à son ami pour l'aider à se remettre debout puis il prit l'arme de celui-ci. Le jeune homme préféra cacher à ses alliés la gravité de sa blessure. Ils devaient fuir avant que d'autres gardes ne passent par là ou que le commandant ne se réveille.
"Tu es blessé ? Tu vas pouvoir marcher ?
- Oui, c'est juste une égratignure. Hors de question que je reste ici une minute de plus.
- Dans ce cas, allons-y."
Ils reprirent leur progression dans les couloirs, Link s'efforçait de ne pas montrer la douleur que lui causait la blessure. Dans l'obscurité, ses compagnons ne remarquèrent pas la tache sombre qui s'agrandissait sur sa tunique. Heureusement pour eux, ils avaient traversé la plus grande partie des sous-sols et arrivèrent rapidement à l'entrée des égouts.
Ils continuèrent à avancer pour mettre le plus de distance possible entre eux et leurs ennemis. Au bout de quinze minutes de marche, une halte fut nécessaire, car Link semblait sur le point de perdre connaissance. Sheik voulut en profiter pour examiner la plaie. Se rendant compte de la gravité de celle-ci, il s'inquiéta.
"C'est ce que tu appelles une égratignure, lui reprocha-t-il. Tu aurais dû me laisser te soigner plus tôt.
- Nous ne pouvions pas rester là-bas. Le risque était trop grand.
- C'est vrai, mais nous aurions pu faire une halte bien avant. Retire tes vêtements, je dois stopper l'hémorragie."
Avec l'aide du Héros du Temps, Link retira la tunique et la cotte de mailles qui disparurent dans le sac de Sheik. Puis ce dernier commença à s'occuper de la blessure. Il fit un bandage serré pour stopper le saignement.
"Ta plaie est très grave ! Elle pourrait te tuer.
- Tu es capable de me soigner ! Tu l'as déjà fait.
- Non justement ! Je ne peux utiliser mes pouvoirs de guérison, ils sont inexistants ici. À chaque époque, un seul membre de la famille royale possède ce pouvoir. En général, le plus jeune. Il s'agit de la princesse. En traversant le temps, j'ai perdu ma capacité.
- Comment se présente cette blessure ?
- Elle est profonde et tu as perdu beaucoup de sang, dit-il en sortant un flacon de son sac. Bois ça ! C'est de la soupe. Elle est froide, mais elle te fera du bien. Il faut rentrer au plus vite. Tu as besoin de soins urgents. Cette plaie a besoin d'être suturée, mais je ne peux le faire ici."
Il rangea tout le matériel. Ensuite, le Héros du Temps et Sheik se placèrent de chaque côté de Link et l'aidèrent à se relever. Ils repartirent sans tarder et avancèrent aussi vite que les forces du blessé le leur permettaient. La soupe froide lui avait redonné du coeur au ventre, mais son teint devenait livide. Les fugitifs arrivèrent enfin près de la taverne.
Après avoir vérifié que la voie était libre, ils firent entrer Link par la porte de derrière. Dans la salle de réunion, Iria les attendait en compagnie de Thelma. Un sourire apparut sur leurs visages quand elles aperçurent le jeune homme, mais celui-ci disparut aussitôt, car, à bout de force, ce dernier venait de s'effondrer.
Instantanément, Thelma, qui avait vu le sang sur la tunique, prit les choses en main.
"Allez l'allonger sur son lit, je vous apporte de quoi le soigner."
Le Héros du Temps, le souleva délicatement et le transporta dans sa chambre. En attendant le retour de la tenancière, Iria et Sheik lui retirèrent sa chemise. Ce dernier avait réussi à contenir l'hémorragie grâce au bandage qu'il lui avait fait pendant leur halte dans les égouts.
Quelques minutes plus tard, Thelma était de retour. Avec du fil et une aiguille, Sheik commença à suturer la plaie après l'avoir désinfectée. Ensuite, il la nettoya de nouveau et la banda soigneusement. Link gémit doucement, mais resta inconscient.
"Il va falloir le surveiller pendant la nuit. À ce niveau, une infection pourrait lui être fatale.
- Je vais m'en occuper, dit Iria. Toi et le Héros du temps, vous devez vous reposer. Moi, j'ai déjà dormi.
- C'est entendu, je vais le laisser à ta garde, mais auparavant, il faut qu'il mange."
Il se tourna vers Thelma.
"Te reste-t-il de la soupe ?
- Oui, je vais en chercher. Elle est restée sur le feu. Elle doit être encore chaude. Je vous l'apporte tout de suite."
Sheik sortit une compresse et y versa un liquide à l'odeur forte. Lorsque Thelma revint, il le fit respirer à Link qui ouvrit péniblement les yeux.
"Désolé de t'infliger ça, mais tu dois manger."
Le jeune homme qui avait été couché sur le dos fit la grimace. Les douleurs causées par ses blessures se mêlaient à celles de son épaule. Sheik l'aida à s'asseoir, lui souleva la tête et lui fit avaler la soupe à laquelle il avait mélangé une potion contre l'infection.
Quand Thelma aperçut les marques laissées par la cravache, elle eut un choc. Comment avait-on pu lui infliger ça, après tout ce qu'il avait déjà vécu ? La tenancière lui fit une promesse silencieuse. Celle de faire tout ce qui était en son pouvoir pour éviter qu'il ne retombe entre leurs mains, même si cela devait lui coûter la vie.
Quand le bol fut vide, Sheik donna ses dernières instructions à Iria.
"Nettoie la plaie régulièrement avec ce produit. Ne t'inquiète pas si la fièvre monte, cela voudra dire que son corps se défend contre l'infection. En cas de problème, viens me réveiller. Ça ira ?"
Iria acquiesça. Elle installa une chaise à côté du lit et s'assit. Sheik quitta la pièce et rejoignit Thelma et le Héros du Temps dans le couloir. Ce dernier observait les vêtements du jeune homme.
"Comment va-t-il, demanda-t-il.
- Difficile à dire pour le moment. Il faut attendre demain matin. Il doit se reposer.
- Regarde sa cotte de mailles. La lame l'a traversée. Quel genre d'arme peut faire autant de dégâts ?
- Seuls les Gerudos connaissent l'art de les fabriquer. Ganondorf a dû l'amener avec lui.
- Que s'est-il passé, questionna Thelma.
- Nous avons été repérés avant d'avoir pu quitter les sous-sols. Apparemment, ils s'attendaient à notre visite. Link s'est battu avec un officier, probablement le fameux commandant Vernarte, pendant qu'un groupe de soldats s'en prenait à Sheik et à moi. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé exactement, mais nous l'avons entendu crier. Nous étions sur le point de lui venir en aide quand un second cri a retenti. Son adversaire me tournait le dos alors je l'ai frappé. Ensuite, nous sommes partis. Nous ne savions pas que sa blessure était si sérieuse.
- Nous sommes revenus le plus vite possible, mais nous avons dû faire une halte quand Link a failli faire un malaise, poursuivit Sheik. C'est là que nous nous sommes rendu compte qu'il était gravement touché. J'ai tenté de stopper l'hémorragie et nous sommes revenus."
Ils se turent un instant. Le Héros du Temps reprit la parole.
"Nous devrions aller nous reposer nous aussi. Nous ne pouvons plus rien pour lui. Il est en de bonnes mains. C'est à lui de se battre pour survivre."
Ils regagnèrent leurs chambres, le coeur rongé par l'inquiétude.
Le lendemain, la santé du Héros du Crépuscule ne s'était pas améliorée. La blessure s'était infectée et l'avait rendu fébrile. Sheik avait épuisé toutes ses connaissances médicales et était sur le point de demander à Thelma de faire venir le seul patricien de la ville, le docteur Borville. C'est Iria qui l'en empêcha.
"Si tu fais appel à ce charlatan, Link est perdu. Cet homme le déteste et risque de le dénoncer.
- Mes compétences ne sont pas suffisantes pour le sauver. Si nous ne faisons pas appel à un guérisseur, il mourra."
Thelma venait d'entrer dans la chambre. Elle avait tout entendu.
"Iria a raison. Le docteur Borville s'empressera de le dénoncer ou de l'achever. La seule personne capable de le sauver, vit à Cocorico. C'est un prêtre chaman. Nous pourrions lui demander conseil.
- Reynald, demanda la jeune fille.
- Oui, après tout, il t'a aidé à retrouver la mémoire. Ses connaissances en médecine sont grandes.
- Je vais aller lui parler, ajouta Iria avec conviction. Il pourra nous donner des remèdes et nous expliquer comment vaincre l'infection.
- Non, déclara le Héros du Temps, tu ne dois pas sortir d'ici.
- Il faut pourtant que quelqu'un y aille.
- Quelqu'un le doit, mais ce ne sera pas toi.
- Pourquoi ?
- Parce que tu es recherchée. En tant que complice de Link. Si tu sors, tu risques d'être arrêtée !
- Si je ne vais pas voir le prêtre Reynald, je devrais rester ici à regarder mourir celui que j'aime. Je préfère périr en essayant de le sauver plutôt que de lui survivre !"
Le Héros du Temps regarda Iria intensément. Le courage de cette jeune fille l'étonnerait toujours.
"Je comprends tes raisons. Tu iras à Cocorico, mais à une seule condition.
- Laquelle ?
- Laisse-moi t'accompagner ! Tu auras peut-être besoin d'une protection. Avant de partir pour le château, Link m'a demandé de veiller sur toi et je compte bien tenir la promesse que je lui ai faite ce jour-là. Je te défendrai tant qu'il ne pourra pas le faire lui-même.
- Je vais écrire une lettre au prêtre, intervint Sheik. Je vais lui exposer l'état de santé de notre ami afin qu'il puisse me donner les remèdes adaptés à son mal. Prenez la cotte de mailles avec vous pour la lui montrer. Cela lui donnera une idée de la lame qui a été utilisée.
- Va vite préparer ton message. Le temps presse.
- Passez par les égouts pour sortir de la ville, leur dit Thelma. Ils vous mèneront près de la porte ouest. À proximité se trouve une écurie. Je vais vous donner un mot pour le palefrenier, c'est un ami. Il vous aidera. Surtout, ne traînez pas en route !"
Iria et le Héros du Temps se préparèrent rapidement. Une heure plus tard, ils étaient en chemin, emportant avec eux la lettre de Sheik. La traversée des égouts se fit sans aucune difficulté. En arrivant à la sortie, la jeune fille et son protecteur se couvrirent le visage avec les manteaux qu'ils avaient enfilés juste avant de partir.
Ils s'approchèrent de la porte ouest à côté de laquelle se trouvait l'écurie dont la tavernière leur avait parlé. Venant d'apercevoir des gardes postés près de l'entrée de la ville, il stoppa Iria..
"Écoute-moi ! Je vais les attirer ailleurs. Pendant ce temps-là, va voir le palefrenier et prends un cheval. On se retrouve dans vingt minutes dans les bois."
Iria acquiesça et regarda son compagnon disparaître. Quelques instants plus tard, une pierre vola en direction des deux gardes et atterrit sur la tête de l'un d'entre eux. Furieux, ils se précipitèrent vers l'endroit d'où venait le projectile. Elle en profita pour foncer vers l'écurie.
Sur place, la demoiselle montra la lettre au palefrenier qui reconnut l'écriture de la tavernière. Après l'avoir lue avec attention, il prépara un cheval pour Iria. Celle-ci prit la bride et amena la monture vers le lieu de rendez-vous, avant que les soldats ne reprennent leur poste.
La jeune fille entra dans la forêt et attendit près d'un petit cours d'eau. Elle attacha l'animal à un arbre et s'installa sur une souche pour patienter. Au moment où l'inquiétude commençait à envahir son esprit, des bruits de pas se firent entendre dans son dos. Elle se retourna, prise de panique.
"N'aie pas peur, la rassura le Héros du Temps, c'est moi. Désolé d'avoir été si long. J'ai eu un peu plus de mal que prévu pour me débarrasser d'eux."
Iria remarqua qu'il tentait de cacher une légère tache de sang sur sa tunique.
"Que s'est-il passé ? Laisse-moi voir !
- Ce n'est pas la peine. Ce n'est pas grave. Nous devons continuer.
- Pas question ! Tu es comme Link. Vous ne prenez jamais le temps de vous soigner. Tu as envie d'être dans le même état que lui ? Non ? Dans ce cas, montre-moi ton bras.
- Calme-toi, ce n'est qu'une égratignure !
- Il me semble que c'est ce qu'il vous a dit après avoir reçu le coup qui risque de le tuer. S'il n'avait pas été affaibli par toutes les épreuves qu'il a subies, il ne serait pas dans cet état maintenant. Ce matin, Sheik n'a même pas réussi à le réveiller."
Vaincu par l'argument, il se laissa soigner. Iria examina la blessure qui était effectivement superficielle. Après avoir trempé un linge dans l'eau claire du ruisseau, elle la nettoya et utilisa un morceau de sa tunique pour faire un bandage.
"Merci, lui dit-il.
- Excuse-moi de m'être emportée.
- Ne t'en fais pas ! Tu as raison sur certains points.
- Je suis si inquiète, ajouta-t-elle les larmes aux yeux.
- Il est fort. Il se battra pour survivre. Maintenant, allons-y, nous ne devons pas traîner."
Iria et son protecteur montèrent sur le cheval et partirent au galop en direction du village de Cocorico. En début d'après-midi, ils laissèrent leur monture à l'écart des habitations et continuèrent à pied, pour ne pas attirer l'attention sur eux.
Les deux amis ignoraient si la nouvelle de l'arrestation et de la fuite de Link était parvenue jusque-là, mais ils ne voulaient prendre aucun risque. La survie du jeune homme dépendait de la réussite de leur mission.
Le village s'étendait tout en longueur. L'église du père Reynald se trouvait à proximité de la source, située au sud de la ville. Iria et le Héros du Temps arrivèrent par l'est et pénétrèrent directement dans le bâtiment qui n'était jamais fermé à clé.
Une fois à l'intérieur, ils y rencontrèrent une enfant, âgée d'une dizaine d'années. Ses cheveux noirs faisaient ressortir ses yeux bruns. C'était Louda, la fille de Reynald. Son visage s'éclaira lorsqu'elle reconnut celle qui venait d'entrer, mais se rembrunit rapidement.
"Iria ? Tu n'aurais pas dû venir ici. Il y a des soldats partout, ils vous cherchent Link et toi.
- Nous avons besoin de voir ton père rapidement.
- Il s'occupe de ceux qui vous cherchent. Depuis ce matin, ils fouillent le village."
Le Héros du Temps s'approcha également en ôtant la capuche qui le dissimulait.
"Peux-tu prévenir ton père que nous souhaitons lui parler ?
- Link, demanda-t-elle en s'approchant, c'est toi ?
- Non, je suis un de ses amis.
- Je vous reconnais, vous êtes aussi sur l'avis de recherche que les gardes nous ont montré. Vous êtes celui qui lui ressemble beaucoup.
- Quel avis de recherche ?"
Louda sortit un parchemin, du petit sac qu'elle portait à la taille et le montra à Iria et à son ami. Le Premier Ministre promettait une forte récompense à toute personne permettant la capture de leur groupe. Ils étaient présentés comme de dangereux criminels.
"Nous ne voulons vous causer aucun ennui, mais nous devons parler à ton père. C'est une question de vie ou de mort."
Des voix se firent entendre à l'entrée de l'église.
"Vous n'avez qu'à venir voir par vous-même, si vous ne me croyez pas. Je ne cache aucun fugitif dans mon église.
- Nous allons vérifier ! Si vous dites vrai, nous vous laisserons tranquille."
Louda courut à la fenêtre puis revint vers les nouveaux venus.
"Ils viennent par ici. Descendez dans la cave et ne faites aucun bruit."
Le Héros du Temps et Iria venaient juste de passer par l'échelle quand la porte s'ouvrit pour laisser entrer le père Reynald et deux soldats.
" Vous voyez bien qu'il n'y a personne, dit le chaman en parcourant la pièce des yeux. Que fais-tu ici, Louda ?
- J'étais venue mettre un peu d'ordre.
- Ces soldats pensent que nous cachons des fugitifs dans notre église. Ils veulent la fouiller.
- C'est une chance, ils vont pouvoir nous aider. Je suis descendue dans la cave tout à l'heure et j'y ai vu un énorme loup. Peut-être pourront-ils nous aider à le faire sortir ?
- C'est que... nous sommes attendus, répondit l'un d'eux. Nous n'avons pas le temps de rester plus longtemps. Merci pour votre coopération, mon père."
Les soldats sortirent. Quand ils eurent quitté la pièce, Reynald observa son enfant d'un air sévère.
"Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Tu sais que je n'aime pas te voir mentir.
- Ne la grondez pas, elle a fait cela pour nous protéger, mon ami et moi", intervint Iria qui venait de remonter à l'échelle.
Le prêtre se retourna et reconnut immédiatement la jeune fille qu'il serra dans ses bras.
"Je suis content de te voir, mais tu n'aurais pas dû venir. Des rumeurs courent sur ton compte et sur celui de Link. Nous avons entendu dire qu'il s'était mis à agresser les habitants du royaume et qu'il avait même fait évader les anciens complices de Ganondorf.
- Il n'a rien fait, mon père, déclara le Héros du Temps. Quelqu'un cherche à le discréditer pour tenter de s'emparer du pouvoir.
- Je connais bien ce garçon. Je sais qu'il n'est pas capable de tels actes. Je suppose que vous venez me demander de l'aider !
- Comment le savez-vous ?
- Les soldats viennent de m'apprendre son évasion. Ils prétendent qu'il a été blessé. Je devine sur vos visages que c'est la vérité.
- Il est gravement touché et risque de mourir si vous ne l'aidez pas.
- Qu'attendez-vous de moi exactement ?
- Un de nos amis, Sheik, s'est occupé de sa plaie. Il vous a écrit une lettre. Nous avons besoin de remèdes et de conseils. Link est inconscient depuis hier soir. Nous ne parvenons plus à le réveiller."
Reynald prit le parchemin et se mit à le lire. Ensuite, il leur demanda.
"Avez-vous la cotte de mailles dont il est fait mention dans cet écrit ?"
Le Héros du Temps la lui tendit. Le prêtre l'observa, puis relut la lettre.
"Cette blessure peut le tuer si vous ne la soignez pas correctement. J'ai déjà eu affaire à ce genre de plaies. Je vais répondre à votre ami et lui expliquer comment faire pour la nettoyer. C'est une opération délicate. En est-il capable ?
- Je pense que oui.
- Iria, je compte sur toi pour l'aider. Je vais également vous donner des remèdes suffisamment forts pour combattre ce type d'infection. Il faudra veiller à ce qu'il mange un peu plus. D'après ce qui est dit, il est affaibli par des privations et des mauvais traitements. Attendez-moi ici, je reviens."
Quand Reynald revint, il portait un grand sac qu'il remit au Héros du Temps.
"Je vous ai mis les remèdes les plus efficaces que je connaisse. Ils sont faits à base de plantes qu'on ne trouve que dans cette région. Ils devraient suffire à le remettre sur pied. Voici la lettre avec mes instructions. Si votre ami les suit, Link pourra être sauvé. Par contre, il faut agir vite. Si vous n'arrivez plus à le réveiller, cela signifie qu'il est déjà en train de sombrer."
La jeune fille serra le prêtre dans ses bras.
"Merci beaucoup ! Nous n'allons pas rester plus longtemps. Nous ne voulons pas vous faire prendre le moindre risque.
- Soyez prudents ! Les soldats vous cherchent dans tout le royaume. Restez sur vos gardes !"
Les voyageurs prirent leurs affaires et se préparèrent à sortir de l'église. Reynald passa devant pour vérifier que la voie était libre. Ils quittèrent du village pour regagner l'endroit où l'animal les attendait.
Le jeune homme lança sa monture au galop. Il espérait pouvoir traverser rapidement la plaine d'Hyrule. Les deux amis savaient que la survie de Link dépendait de leur célérité. Au moment où la citadelle venait d'apparaître dans leur champ de vision, ils entendirent le son d'un cor et se retournèrent.
Ils virent foncer sur eux, un groupe de soldats, bien décidés à les empêcher d'atteindre leur but. Conscient qu'un combat pourrait leur être fatal, le Héros du Temps dirigea son cheval vers la forêt toute proche. Il souhaitait pouvoir profiter des arbres pour semer leurs poursuivants et trouver un coin où se cacher.
Pendant ce temps, à la taverne, l'état de santé de Link s'aggravait. La fièvre l'avait gagné et rendait son sommeil très agité. Sheik s'employait à essayer d'enrayer l'infection, mais celle-ci était ancrée en profondeur et le jeune homme n'avait pas suffisamment de forces pour la combattre. Si le prêtre de Cocorico ne trouvait pas un moyen de l'aider, il n'y survivrait pas.
Au fond de son inconscience, Link évoluait dans un monde d'obscurité. Il était dans un long couloir et avançait dans le noir absolu. Ses appels restaient sans réponses...
La nuit était déjà tombée lorsque Thelma entra dans la chambre. Elle apportait un bol de soupe pour le blessé. Sheik prit le récipient et la cuillère et tenta de le faire manger, mais l'agitation du malade ajoutait de la difficulté à sa tâche. Ils durent se mettre à deux pour qu'il en avale péniblement la moitié.
"Ce n'est pas comme ça qu'il va reprendre des forces, soupira-t-il. Nous devons trouver un autre moyen pour le nourrir. As-tu des nouvelles de nos amis ?
- Non, aucune et je commence à être très inquiète pour eux. Ils devraient être rentrés depuis plusieurs heures. J'espère qu'il ne leur est rien arrivé sur la route.
Juste à ce moment-là, la porte de la chambre de Link s'ouvrit. Le Héros du Temps entra suivi par Iria. Ils semblaient exténués.
"Que vous est-il arrivé ?
- Nous avons été repérés dans la plaine d'Hyrule. Nous avons réussi à les semer dans la forêt, mais nous avons dû attendre la tombée de la nuit pour rentrer. Nous ne voulions pas prendre le risque d'être suivis. Comment va-t-il ?
- Son état s'aggrave. J'espère que vous me ramenez de quoi le soigner."
Sheik saisit le paquet que lui tendait le Héros du Temps et regarda les différents remèdes s'y trouvant. Puis il prit la lettre du prêtre et se mit à la lire.
"D'après ce qu'il me dit, je vais devoir nettoyer la plaie en profondeur. Il décrit les différentes étapes. Je vais préparer le matériel nécessaire. Je vais aussi devoir vous demander de sortir pendant l'opération. Iria, peux-tu m'aider ?"
La jeune fille accepta et s'enferma avec Sheik dans la chambre de Link. Le Héros du Temps s'installa dans le couloir. Il était rongé par l'inquiétude. La porte resta fermée plusieurs heures durant. Lorsqu'enfin elle se rouvrit, Sheik semblait très fatigué.
"Alors ?
- Il faut attendre ! J'ai fait de mon mieux. La blessure a été nettoyée et suturée. Je lui ai donné les différents remèdes de Reynald. Maintenant, c'est à son tour de se battre. Nous allons instaurer surveillance constante. Je vais le garder cette nuit. Iria et toi devriez aller vous reposer. Tu prendras le relais demain matin."
Le Héros du Temps et Iria quittèrent la pièce pour regagner les leurs.
Quand il se réveilla le lendemain matin, le jeune homme alla tout droit dans la chambre de Link pour avoir des nouvelles du blessé. Sheik était occupé à essayer de lui faire prendre sa potion.
"Va-t-il mieux, demanda-t-il.
- Je n'ai observé aucun changement.
- Va te reposer, je vais prendre le relais.
- Merci. Je viens de lui donner la potion. Thelma ne va pas tarder avec la soupe. Tu pourras la lui faire avaler ?
- Elle m'aidera en cas de besoin."
Sheik se leva et regagna sa chambre. Peu après, Thelma fit son apparition dans la pièce. Elle apportait deux bols de potage chaud. Le Héros du Temps la regarda d'un air interrogateur.
"La seconde est pour toi. Tu n'as rien avalé depuis ton retour de Cocorico. Tu ne lui seras d'aucune utilité si tu tombes malade."
Le jeune homme sourit à Thelma. Elle ne pouvait s'empêcher d'être aux petits soins pour eux et avait probablement servi le même couplet à Iria. Il accepta le bol que lui tendait Thelma, avec reconnaissance.
"Les remèdes font-ils de l'effet ?
- Sheik n'a pas observé de mieux durant la nuit.
- As-tu besoin d'aide pour lui faire avaler sa soupe ?
- Je pense que je devrais y arriver.
- Dans ce cas, je te laisse."
Le Héros du Temps prit le bol et s'approcha du blessé. Avec une infinie patience et une grande douceur, il lui fit boire la totalité du liquide en repensant aux dernières paroles du prêtre :
"Link mène actuellement un combat moral, probablement, le plus difficile de sa vie. Il est perdu dans un monde de ténèbres et se bat contre la mort. Le seul moyen de l'aider est de le ramener à la lumière, de lui faire prendre le bon chemin."
Le Héros du Temps se mit alors à parler afin de guider son ami.
Seul dans l'obscurité, Link n'avait aucune idée de la direction à prendre. Le couloir qui s'étendait devant lui était semblable à ceux des sous-sols du château. Il croyait n'avoir jamais quitté sa prison et cherchait inlassablement la sortie, craignant de rencontrer des gardes qui le ramèneraient dans sa cellule.
Son chemin se divisait en deux routes : l'une le conduirait à la vie et l'autre à la mort. Le jeune homme tâtonnait pour trouver des indices lui indiquant laquelle emprunter, quand une voix familière, à peine perceptible, se fit entendre. Rassuré, il avança vers l'endroit d'où provenaient les paroles...
Le Héros du temps ne s'était pas arrêté de parler. Il avait observé une réaction sur le visage du blessé. Ses traits s'étaient détendus et son sommeil semblait déjà moins agité.
Lorsqu'Iria apparut, en début d'après-midi, il lui recommanda de continuer à le guider avec des mots pendant qu'il faisait part de sa découverte à ses amis. Ils se relayèrent toute la journée auprès de l'inconscient de façon à ce qu'il y ait toujours quelqu'un à ses côtés.
Cette nuit-là, ils dormirent à tour de rôle. Le jeune homme s'était couché aux petites heures du jour. En s'éveillant, il se rendit directement dans la chambre de Link. Iria s'était endormie sur la chaise à côté du lit.
Link s'était arrêté dans le couloir sombre, les murmures avaient cessé. L'obscurité s'était épaissie. Il n'entendait plus rien. La panique commençait de nouveau à le gagner.
Le nouveau venu la réveilla.
"Va te coucher !
- Je veux veiller sur lui !
- Je reste avec lui ! S'il y a le moindre changement, tu seras prévenue. Tu ne peux rien faire de plus et tu as besoin de repos !"
Vaincue par l'argument, la jeune fille fit ce que son ami lui conseillait. Ce dernier s'assit à côté du lit et recommença à parler au blessé, l'encourageant à se battre.
Une autre voix se faisait entendre, familière, rassurante. Cette fois, elle ne se contentait pas de murmures. Des mots arrivaient jusqu'à lui.
"Bats-toi... amis... Iria... courage"
Link se releva et continua d'avancer, tentant de rejoindre la personne qui lui parlait...
En début de soirée, Link n'avait toujours pas ouvert les yeux. Ses compagnons s'organisèrent pour la nuit. Il ne devait jamais rester seul. Iria refusait dorénavant de sortir de la chambre et Thelma lui avait installé un lit dans un coin de la pièce. Elle voulait être présente quand il s'éveillerait.
Le lendemain, il n'y avait aucun changement. Celui qui l'avait veillé cette nuit-là partit se coucher en fin de matinée. Iria et Sheik avaient pris le relais auprès du malade.
Link marchait droit devant lui, suivant la voix qui se fit plus nette, plus douce. Il crut apercevoir une lueur dans l'obscurité et se dirigea vers cet endroit. La lumière était chaude, rassurante...
Le jeune homme se sentit soulevé. Enveloppé d'une impression de bien-être et d'apaisement, il ferma les yeux et se laissa aller...
Lorsque le Héros du Temps rejoignit ses compagnons en début de soirée, Link était immobile. La pâleur très prononcée de son visage lui fit craindre le pire. Sheik s'était endormi sur le bord du lit. Pris de peur, il s'approcha et mit sa main sur le front du blessé.
Link était chaud, mais pas brûlant. Le Héros du Temps observa sa poitrine qui se soulevait de façon régulière. Rassuré, il retira le bandage et examina la blessure. L'infection semblait avoir perdu du terrain. Des bruits de pas se firent entendre derrière lui. Iria venait de s'approcher, en proie à la même peur.
Le jeune homme se tourna vers elle et lui sourit.
"La fièvre est tombée. Il respire normalement. Je pense que le danger est passé. Il ne reste plus qu'à attendre son réveil."
Iria continua de s'avancer vers le lit, souhaitant voir l'amélioration de ses propres yeux. La demoiselle posa son regard sur son ami, toujours d'une pâleur extrême. Puis elle poussa un cri qui réveilla Sheik en sursaut.
Tous tournèrent la tête vers Link qui venait d'ouvrir les yeux. Le premier visage qu'il aperçut fut celui d'Iria, gonflé par les larmes. Celle-ci était incapable de parler, tant son émotion était grande. Elle lui prit la main et la serra sur son coeur.
Le Héros du Temps pivota vers Sheik.
"Va dire à Thelma que notre ami s'est réveillé et qu'il a besoin de manger autre chose que de la soupe."
Link tourna la tête vers eux et leur sourit également. Sheik se leva et quitta la pièce. Le Héros du Temps s'avança vers le blessé.
"Comment te sens-tu", demanda-t-il.
Le jeune homme voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Iria alla chercher un verre d'eau et l'approcha de ses lèvres. Il but quelques gorgées.
"Merci, réussit-il à articuler d'une voix rauque. Je me sens excessivement fatigué et affamé.
- Thelma va t'apporter de quoi reprendre des forces. Tu peux te vanter de nous avoir fait peur."
Surpris par les paroles de son ami, Link s'apprêtait à l'interroger quand la porte s'ouvrit sur Thelma qui apportait un plateau. Elle le posa sur la table située au fond de la pièce et s'approcha du lit.
"Tu es enfin réveillé", dit-elle, les larmes aux yeux.
Le blessé regarda les autres avec un air interrogateur.
"Vous commencez à m'effrayer ! Je vous ai fait peur ? Je suis enfin réveillé ? Que s'est-il passé ? J'ai dormi combien de temps ?
- Calme-toi ! Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes ?
- Vous êtes venus me chercher dans ma cellule et nous avons essayé de sortir des sous-sols. Nous avons été repérés et j'ai été blessé pendant le combat. Ce qu'il s'est passé ensuite est un peu flou. Je me rappelle des égouts...
- Ta blessure était très profonde et a causé pas mal de dégâts. De plus, tu nous as caché la gravité de ton état.
- Que veux-tu dire ?
- Nous aurions dû arrêter l'hémorragie beaucoup plus tôt. Tu as perdu du sang en grande quantité. Nous avons réussi à te ramener ici, mais tu t'es évanoui en arrivant, il y a trois jours de cela.
- Trois jours ?
- Tu as de la chance d'être encore en vie.
- Assez parlé pour l'instant, déclara Thelma. Tu as besoin de manger pour reprendre des forces. Assieds-toi, je t'apporte le plateau."
Link voulut se relever, mais il sentit une douleur fulgurante à l'épaule qui lui arracha un gémissement.
"Attends, je vais t'aider", lui dit le Héros du Temps.
Thelma posa le plateau devant lui. Le jeune homme fit honneur au repas qu'elle lui avait apporté. Quand il eut terminé, ses amis s'aperçurent que la fatigue le gagnait de nouveau.
"Au fait, je voulais te rendre ceci, dit le Héros du Temps en lui tendant un petit objet brillant.
- La Médaille du Courage. Où l'as-tu trouvée ?
- Sur celui qui a failli te tuer. Je l'ai aperçue sur lui au moment où je l'assommais.
- Le commandant Vernarte me l'a prise le jour où il m'a arrêté. Merci de l'avoir récupérée.
- De rien ! Je savais que tu y tenais. Nous allons te laisser te reposer. Nous parlerons de ce qui s'est passé demain matin.
- Je vais rester avec lui", déclara Iria, en installant une chaise à côté du blessé.
Link posa la médaille sur le petit meuble situé à la tête du lit et se tourna vers elle. Il lui sourit et s'assoupit. La demoiselle glissa sa main au creux de celle du jeune homme et le regarda dormir. Les trois autres quittèrent la pièce en silence.
Quand il se réveilla le lendemain matin, il avait repris un peu de couleurs. Sheik était venu s'occuper de la blessure qui commençait à cicatriser.
"Les remèdes du père Reynald sont très efficaces. Tu as de la chance d'avoir un ami tel que lui.
- Reynald ?
- J'étais impuissant face à l'infection qui te rongeait. Iria et le Héros du Temps sont allés trouver cet homme dans le village de Cocorico pour lui demander son aide. Il nous a donné des remèdes et la méthode pour te soigner.
- Iria ? Mais ?
- Ne lui fais aucun reproche. C'est grâce à son courage si tu es toujours en vie, ne l'oublie pas ! De plus, elle avait un protecteur. Celui que tu lui avais choisi !"
Après quelques instants de silence, Sheik reprit.
"Il faudrait que nous fassions un point sur la situation. Penses-tu avoir la force de nous raconter ton histoire ?
- Je ne pourrais sans doute pas mener un combat tout de suite, mais je pense pouvoir soutenir une conversation, lui répondit-il en souriant.
- Dans ce cas, je vais chercher notre ami."
Sheik se leva et quitta la pièce. Il revint quelques minutes plus tard, accompagné du Héros du Temps.
"Avant d'aller plus loin, je voudrais vous remercier tous les deux. Si vous n'étiez pas venu me chercher, je pense que j'aurais eu du mal à m'en sortir cette fois.
- Nous n'étions pas seuls. Nous te raconterons. Pour commencer, l'officier qui t'a blessé, est-ce le commandant Vernarte ?
- Oui, c'était lui. Pourquoi cette question ?
- Thelma nous a appris qu'il t'en voulait personnellement. Sais-tu pourquoi ?
- Aucune idée, je ne l'avais jamais rencontré avant qu'il m'arrête devant les portes du palais. J'ai appris son animosité envers moi de la bouche de Ganondorf. Il me l'a confirmée par ses actes et ses paroles. Les coups qu'il m'a donnés ont prouvé sa haine envers moi.
- Je confirme, dit Sheik. Il a laissé des marques profondes.
- Que s'est-il passé exactement dans le couloir, reprit le Héros du Temps.
- J'ai eu un moment d'inattention pendant le combat. Je m'inquiétais pour vous. Nabooru avait raison quand elle me disait que je ne devais pas me laisser déconcentrer par mes émotions. Après avoir fait un saut de côté, j'ai senti quelqu'un arriver derrière moi. C'était un des gardes qui m'a attrapé par le cou et a immobilisé ma main gauche. Le commandant en a profité pour planter son poignard dans mon épaule. Le choc m'a fait tomber. Ensuite, il est revenu vers moi et a retiré la lame. J'ai lu dans ses yeux le plaisir que cet acte lui procurait. Je ne sais pas pour quelle raison Vernarte me déteste à ce point, mais ce sentiment est profond chez lui.
- D'après les informations que nous avons pu obtenir, il a fait partie des personnes qui ont été emprisonnées après la chute de Ganondorf. Après sa réhabilitation, un commandement lui a été offert en compensation des préjudices subis.
- Son nom ne me dit rien, mais je n'ai pas pris part à toutes les incarcérations. J'étais chargé de gérer les équipes. Si une erreur a effectivement été commise, c'est possible qu'il m'en tienne pour responsable. Tout a été fait sous mon autorité.
- Parle-nous de ta détention.
- Après mon arrestation, j'ai été emmené dans la cellule dans laquelle vous m'avez trouvé. J'ignorais encore pourquoi j'avais été enfermé. Ils n'ont rien voulu me dire. Le lendemain, j'ai été interrogé par le commandant et Ganondorf. Il a réussi à se faire nommer Premier Ministre.
- Premier Ministre ? Comment a-t-il fait ?
- Il a réussi à obtenir la coopération de la princesse, en utilisant la même méthode que pour Nabooru. J'ai vu la pierre autour de son cou et le mandat d'arrêt qu'elle a signé contre moi, sous l'influence de cet immonde personnage. Ils m'ont fait sortir de ma cellule pour que j'assiste à une parodie de jugement au bout duquel j'ai été condamné à mort.
- Qu'est-ce que tu entends par là ?
- Ganondorf a créé son jury avec des hommes qui lui sont soumis. J'étais déjà déclaré coupable avant de commencer. Ils se sont contentés d'énumérer les chefs d'accusation et d'écouter les témoins. Ensuite, chacun d'entre eux m'a déclaré coupable, sans avoir besoin de se concerter ou même de réfléchir.
- Tu as reconnu ces hommes ?
- Non, la seule source de lumière de la pièce placée juste au dessus d'eux, m'empêchait de distinguer quoi que ce soit. J'ai juste reconnu Ganondorf.
- Pourrait-il s'agir des complices évadés ?
- Je ne le pense pas. Il a dû les envoyer loin ou les supprimer pour ne pas risquer de compromettre son plan pour me faire exécuter. Par contre, il peut s'agir de ceux qui ont échappé aux recherches.
- Et les témoins ?"
Link regarda le Héros du Temps dans les yeux.
"Ce sont des habitants du royaume. Ils ont vu un homme de Ganondorf capable de prendre l'apparence d'un autre.
- Oui, nous avons su que les habitants pensaient t'avoir vu commettre ces délits. Quelqu'un qui s'est fait passé pour toi ?
- Pire que ça ! Te rappelles-tu de la nuit où tu as découvert ma véritable identité, tu m'avais pris pour un de tes ennemis ?
- Oui, je me souviens... Ne me dis pas qu'il a survécu...
- Malheureusement si, tu n'as réussi qu'à l'affaiblir. Ganondorf a fait appel à lui pour me discréditer aux yeux du peuple. Il a pris mon apparence pour agresser les habitants et pour faire évader tous les complices de son maître qui étaient emprisonnés au château.
- Et maintenant, tout le monde croit que c'est toi qui as commis ces actes, ajouta Sheik. Je comprends mieux pourquoi les gens te regardaient avec ce mélange de peur et de colère, le jour de ton arrestation.
- Comment ? Que dis-tu ?
- Je t'ai suivi ce jour-là. J'avais un mauvais pressentiment. Tu n'as peut-être pas remarqué mais les Hyliens n'avaient pas l'air content de te voir."
Link réfléchit un instant.
"Je ne me suis rendu compte de rien, mais j'ai vu de la peur dans les yeux des deux premiers gardes que j'ai rencontrés. Il a dû faire de terribles dégâts sous mon apparence. Donc, tu étais là ?
- Je n'ai malheureusement pas pu t'aider face aux soldats. Ils étaient trop nombreux. Je suis rentré et nous avons mis des mesures en place pour te faire évader. Ganondorf était à l'intérieur du château. J'ai compris que la situation était grave.
- Si nous avons pu te sauver, c'est parce que nous avons pu réagir très vite. Si Sheik ne t'avait pas pris en filature, nous n'aurions pas su où te chercher.
- J'en suis conscient. Je ne vous remercierai jamais assez.
- Grâce à Thelma, reprit le Héros du Temps, nous avons pu avoir de tes nouvelles et suivre le déroulement de ton accusation. Nous avons appris que tu avais été condamné à mort et avons préféré agir rapidement.
- Comment a-t-elle fait ?
- Grâce à un de ses amis qui s'est engagé dans l'armée d'Hyrule, Corentin. Nous avons obtenu un plan des prisons avec l'emplacement de ta cellule et des différents postes de garde. Sans ce document, nous n'aurions rien pu faire. Tu as vu le trajet que nous avons fait pour revenir ici. Nous avons emprunté le même dans le sens inverse en prenant soin d'assommer tous les gardes. Et nous sommes là.
- Corentin, ce nom m'est familier. Ce garçon est courageux. Il a pris des risques considérables.
- Tu n'imagines pas à quel point ? Il s'agit du jeune homme qui t'apportait tes repas.
- Son visage ne m'était pas inconnu. Je comprends mieux pourquoi. J'ai dû le croiser à plusieurs reprises. C'est lui qui s'est occupé de mes plaies. Il s'est présenté et m'a affirmé que vous alliez m'aider à fuir.
- Ce soir-là, il nous a dit que tu étais sur le point de cesser le combat et que tu n'avais rien mangé. Ce qui s'est révélé exact. Il t'a probablement sauvé la vie. Guérir d'une blessure pareille après s'être privé comme tu l'as fait, ça n'arrive pas souvent. Si je ne t'avais pas forcé la main, tu ne serais peut-être plus là !
- C'est vrai. Je lui dois beaucoup. Ainsi qu'à vous tous.
- As-tu appris d'autres choses que nous devrions connaître ?
- Oui, j'ai reçu la visite de Ganondorf qui est venu pour me faire comprendre que je ne pouvais pas lui échapper. Il était sûr de lui et avec raison. Sans votre intervention, j'y serais encore. Son but était de me faire peur. Malheureusement, c'est réussi.
- Qu'a-t-il dit ?
- Que j'assisterai à l'exécution d'Iria. Il savait que vous tenteriez quelque chose pour me sauver. Selon lui, vous n'aviez aucune chance d'y arriver.
- Il s'est trompé.
- Il semble bien plus fort et plus organisé que je ne le croyais. La princesse Zelda est toujours entre ses mains. Nous devons trouver un moyen de l'aider. Que pouvons-nous faire ?
Une voix derrière lui répondit.
Rien ! Pour l'instant, toi et tes amis, vous restez ici et vous nous laissez faire ! Tu as une sérieuse blessure. Tu ne seras utile à personne en morceaux !
Link se tourna vers la porte, venant de reconnaître la voix de son maître d'armes, Moï. Il voulut se lever pour aller l'accueillir, mais le Héros du Temps l'en empêcha.
"Reste couché, tu n'as pas assez de forces pour l'instant."
Le nouveau venu s'avança et vint serrer la main du jeune homme puis il prit une chaise et s'assit près du lit.
"Il a raison. Tu dois prendre soin de toi. D'après Thelma, tu as failli y rester. Je ne voudrais pas annoncer ta mort à ton plus grand fan.
- Colin ?
- Lui-même. Il est toujours en train de parler de toi. Il t'admire beaucoup, tu sais", ajouta Moï avec un sourire.
Le visage de Link se rembrunit.
"Pourtant, je ne suis pas un héros. J'ai passé les derniers jours à mettre beaucoup de monde en difficulté. Maintenant, je suis devenu inutile. Je suis même un poids pour mes amis.
- Ne dis pas de bêtises. Tu te remettras vite et tu pourras reprendre le combat. Donne-toi juste le temps de guérir. N'oublie pas que tu es l'Elu, ajouta-t-il en montrant la marque de la Triforce sur sa main gauche. Pour l'instant, reste caché.
- Pourquoi ?
- Ta fuite est encore trop récente, continua-t-il. Fais un pas dehors et tu auras une meute de soldats et d'habitants à tes trousses. La plupart te croient coupable et les autres veulent la récompense.
- Ganondorf a bien fait les choses !
- Ainsi, c'est donc bien lui qui est derrière tout ça. J'aurais dû m'en douter. Frodnonag. Il a juste inversé son nom. Depuis que la princesse est souffrante, c'est lui qui dirige le royaume.
- C'est l'excuse qu'il donne concernant son absence ?
- Oui, tu as d'autres informations !
- Je l'ai vue lors de l'annonce de ma condamnation. Quand j'ai compris ce qui allait se passer, j'ai cherché du secours auprès d'elle. Je me suis vite rendu compte que je ne devais rien attendre de sa part. Ganondorf la tient en son pouvoir.
- Mais n'avais-tu pas éliminé ce tyran ?
- Si, mais c'est une longue histoire.
- Raconte-moi, je serai mieux en mesure de t'aider si je connais les détails de ton aventure."
Link raconta à Moï, tout ce qui lui était arrivé. Il savait qu'il pouvait avoir confiance en cet homme.
"Je vois ! Donc, je te confirme ce que je te disais en arrivant. Tu ne bouges pas d'ici pour l'instant. Tes amis non plus.
- Nous ne pouvons pas rester sans rien faire !
- Votre heure viendra, sois patient ! Je vais rappeler les membres de la Résistance. Nous allons chercher des informations pour vous. Nous passerons plus facilement inaperçus. En plus, dans ton état, tu dois d'abord penser à te soigner et tes amis ne connaissent pas la région.
- Il semble que nous n'ayons pas trop le choix. Merci Moï et surtout sois prudent. Je ne voudrais pas annoncer de mauvaise nouvelle à ta femme et à tes deux enfants."
L'homme lui adressa un clin d'oeil.
"Mais au fait, comment as-tu su que nous étions ici ?
- Le soir de la Fête du Triomphe, nous étions là et nous avons appris ton arrestation. Tout le monde pensait qu'il s'agissait d'une erreur et que tu serais relâché rapidement. Personne dans le village ne croit à ces mensonges, nous te connaissons trop bien. Alors, je suis resté en ville pour en savoir davantage, mais je ne parvenais pas à obtenir de tes nouvelles.
- Nous avons également eu des difficultés pour obtenir des informations, intervint le Héros du Temps. Apparemment, Ganondorf ne voulait pas que cette nouvelle se répande. Comment avez-vous appris qu'il avait été emprisonné ?
- Par Corentin, dit-il en regardant le jeune homme. Je ne sais pas si tu te souviens de lui, mais il faisait partie de la Résistance. Il a assisté à ton incarcération et est venu me le dire.
- Nous le connaissons, ajouta Sheik. C'est grâce à lui si nous avons pu faire évader Link.
- C'est lui, le fameux garde qui vous a aidé ? Je n'avais pas fait le rapprochement ! Ça ne m'étonne pas !
- Tout ça ne nous dit pas comment tu nous as trouvés, reprit le blessé.
- N'obtenant aucune information du château, je suis retourné au village. Je ne suis revenu que ce matin. J'ai entendu des soldats parler d'une récompense pour ta capture. J'en ai conclu que tu t'étais enfui et je suis directement venu ici, pensant que Thelma saurait quelque chose. Apparemment, c'était le cas. Méfie-toi, ils savent que tu n'as pas pu aller bien loin avec ta blessure."
* * *
Les semaines passèrent. La vie s'était organisée autour du petit groupe de fugitifs. Après des jours de recherches, les habitants s'étaient peu à peu désintéressés de la récompense promise pour leur capture. Tous pensaient que les évadés avaient quitté le pays et qu'ils ne les reverraient probablement jamais.
Link avait de plus en plus de mal à demeurer caché. Sa guérison était en cours : les plaies de son dos s'étaient refermées, mais celle de son épaule restait encore fragile. Elle était susceptible de se rouvrir.
Le jeune homme pouvait maintenant sortir de sa chambre, mais ne supportait pas l'idée que d'autres risquent leurs existences alors que lui se terrait dans la taverne. Ses compagnons le sentaient prêt à commettre un acte stupide. La plus inquiète était Iria.
Pour calmer l'impatience du convalescent, le Héros du Temps organisait des séances d'entrainement pour qu'il apprenne à utiliser son épée de la main droite tant que sa blessure ne serait pas complètement guérie.
Ce soir-là, l'établissement était désert, c'était le jour de fermeture. Ils étaient tous installés dans la salle principale quand la porte s'ouvrit. C'était Lafrel, un des amis de Moï et ancien membre de la Résistance ! Il entra en titubant une flèche dans la poitrine. Tous se retournèrent vers lui.
Il était venu à la taverne plusieurs fois en compagnie du maître d'armes, pour donner les informations, bien minces, qu'ils avaient collectées.
"Fuyez ! Ils savent où vous êtes ! Ils arrivent."
Il s'écroula. Thelma et Link se précipitèrent vers lui.
"Laisse-moi m'occuper de lui ! Prends Iria avec toi et pars par les égouts avec tes amis. Faites vite !"
Le jeune homme voulut protester, mais elle l'en empêcha.
"Lafrel ne peut vous suivre et il faut quelqu'un pour le soigner. Les soldats m'apprécient. Je leur ferais croire que j'ignorais qui vous étiez. File !"
Link ne pouvait se résigner à partir, ne supportant pas l'idée de laisser ses compagnons se faire attraper à sa place. Sans l'intervention de Sheik qui l'obligea à les suivre, il aurait certainement été repris par les gardes qui entrèrent juste après leur départ.
Ayant déjà emprunté ce passage, Iria et le Héros du Temps purent guider les autres dans les sombres couloirs. Ils arrivèrent sans encombre jusqu'à la sortie. Une fois dehors, les fugitifs se retrouvèrent face à une troupe armée qui les attendait.
Le combat s'engagea. Les ennemis étaient nombreux. Link essayait de protéger son amie, mais malgré l'entraînement qu'il s'était imposé pendant ces longues semaines, sa main droite ne maniait pas sa lame avec la dextérité nécessaire. S'efforçant de maintenir Iria à l'écart des soldats avec son bras blessé, le jeune homme n'utilisait pas le bouclier qui était devenu un handicap supplémentaire.
Soudain, des bruits de galop se firent entendre. Ils tournèrent la tête et virent Moï, galoper vers eux. Il montait un cheval et en tenait deux autres par la bride derrière lesquels Epona trottait en liberté. Avec l'aide de leurs épées, les compagnons tentèrent de se frayer un passage jusqu'à lui. Les rangs des ennemis s'étaient déjà quelque peu clairsemés. Beaucoup d'entre eux étaient évanouis sur le sol.
Les fugitifs se mirent alors à courir en direction de Moï et des montures. Le Héros du Temps fut le premier à grimper sur sa selle, suivi de Sheik. Link était un peu plus lent, car il tirait Iria derrière lui, en proie à la panique.
Ils étaient presque arrivés jusqu'à Epona, lorsque l'impensable se produisit. Link sentit soudain un poids le traîner en arrière et se retourna. Deux soldats les avaient rattrapés. L'un d'eux avait empoigné Iria et essayait de l'entraîner. Il dégaina son arme pour la défendre, mais l'autre garde commença à le frapper pour aider son compagnon.
La main de son amie lui échapper petit à petit. Il dut faire face aux attaques du second garde pendant que le premier tentait de l'éloigner d'elle. Lorsque leurs doigts se séparèrent, le jeune homme redoubla d'efforts pour vaincre son adversaire.
Il réussit à le faire tomber et s'apprêtait à rebrousser chemin pour aller secourir Iria quand le Héros du Temps, qui était descendu de son cheval, lui asséna un coup de poing pour l'assommer.
"Tu dois rester libre pour pouvoir la sauver, lui dit-il juste avant de le frapper. Pardonne-moi !"
Link s'écroula avant d'avoir pu comprendre. Puis il fut soulevé par son ami qui le déposa sur son destrier et monta derrière. Ils partirent au galop, car les ennemis toujours aussi nombreux arrivaient de nouveau sur eux. Epona suivit le groupe docilement. Après avoir réussi à distancer leurs adversaires, ils cherchèrent un endroit pour se cacher. Moï connaissait une grotte non loin de là. Les fugitifs s'y installèrent et couchèrent l'inconscient à côté du feu qu'ils avaient allumé.
Le Héros du Temps pensait que Link risquait de lui reprocher de ne pas l'avoir laissé aider Iria, mais il savait également qu'il avait pris la bonne décision. Il finirait par le comprendre.
Tous attendaient son réveil avec crainte. Comment allait-il réagir face à la nouvelle de la capture d'Iria ? Ses nerfs avaient déjà été mis à rudes épreuves et son immobilité forcée des semaines précédentes n'avait pas amélioré son humeur.
Sheik en profita pour examiner l'épaule du jeune homme, car une tache de sang était de nouveau apparue sur la tunique, mais il eut à peine la possibilité de constater les dégâts avant que Link n'ouvre les yeux. Ce dernier se leva d'un bond en appelant son amie par son prénom et regarda autour de lui.
"Que s'est-il passé ? Où sommes-nous ? Où est Iria ?
- Reste tranquille, lui dit Sheik, ta blessure s'est rouverte. Je dois te soigner."
Mais il se dégagea.
"Pas avant que tu n'aies répondu à mes questions !
- Elle a été emmenée, intervint le Héros du Temps. Et j'ai été obligé de te frapper !"
Link était prêt à se battre avec celui qui par deux fois lui avait sauvé la vie. La tache de sang s'agrandissait sur sa tunique, mais il ne la sentait pas. Sa colère l'empêchait de percevoir les choses correctement.
"Pourquoi as-tu fait ça ?
- Pour t'empêcher de commettre l'irréparable. Tu pensais venir à bout d'une armée à toi tout seul ? Tu lui seras beaucoup plus utile libre que prisonnier. Je t'ai évité de te faire reprendre.
- Ganondorf va se venger de moi à travers elle, hurla Link. Tu viens de la condamner à mort. Je t'ai dit qu'il voulait la tuer.
- Devant toi ! La supprimer maintenant ne lui sera d'aucune utilité. Elle constitue un otage idéal, il ne lui fera rien tant que tu ne seras pas également entre ses mains. Si je t'avais laissé faire, tu serais en train de la regarder mourir. Tu devrais me remercier au lieu de me hurler dessus."
Link lui tourna le dos. Il savait que son compagnon avait raison, mais la colère le rongeait. Bien sûr celle-ci était plus dirigée contre lui-même que contre son ami. Après tout, c'est lui qui l'avait lâchée. Il se mit à courir en direction de la forêt. Le Héros du Temps et Sheik voulurent le suivre, mais Moï les arrêta.
"Non ! Laissez-le se calmer. Link a besoin d'être seul et doit comprendre par lui-même la raison de ton geste. Ne vous inquiétez pas, il n'ira pas bien loin."
En effet, le jeune homme s'était arrêté quelques mètres plus loin, s'effondrant sur le sol. Pour la première fois depuis longtemps, Link se mit à pleurer, laissant les larmes inonder ses yeux et ses joues. Cette fois, il avait atteint la limite du supportable.
Pourquoi n'avait-il pas pu empêcher ses ennemis de s'emparer de celle qui faisait battre son coeur ? Son hésitation à la taverne était-elle responsable de la situation actuelle ? Où était Iria en ce moment ? Pensait-elle qu'il l'avait abandonnée ?
Toutes ces questions lui torturaient l'esprit. Il devait absolument se ressaisir pour pouvoir l'aider. Link resta un bon moment seul, attendant de retrouver son calme. Le jeune homme se culpabilisait d'avoir traité celui qui l'avait sauvé de cette manière. Présenter ses excuses serait la première chose à faire à son retour.
La nuit s'achevait et le Héros du Temps commençait à s'inquiéter. Cela faisait un bon moment que Link était parti et il craignait que ce dernier n'ait eu l'idée folle de voler au secours d'Iria, seul. Quelques minutes plus tard, le jeune homme reparut et s'approcha de son ami.
"Je te dois des excuses. Je n'aurais pas dû m'énerver contre toi. Tu as fait ce que tu as pu pour m'aider. Tu m'as sauvé la vie à deux reprises et je te remercie en te hurlant dessus. Je suis désolé.
- Je te comprends. C'est ton amie et tu es inquiet pour elle. Nous irons la délivrer. Je t'en fais la promesse. Avant tout, tu devrais aller faire soigner ton épaule. Je vois que ta blessure saigne encore.
- Tu as raison, j'y vais."
Sheik qui avait tout entendu s'approcha du jeune homme et l'emmena s'asseoir sur une souche d'arbre pour pouvoir examiner la plaie. Plusieurs points avaient sauté. Il proposa à Link de prendre une potion pour l'étourdir un peu, mais celui-ci refusa.
"Pas besoin. Je veux garder les idées claires. Nous devons rapidement préparer un plan pour sauver Iria."
Sheik refit la suture, nettoya la blessure et lui remit un bandage serré. Ensuite, Link le remercia et s'approcha de Moï qui était resté près du feu.
"Tu es arrivé au bon moment. Sans toi, nous n'aurions pu fuir.
- Nous n'avons pas été assez rapides.
- Que veux-tu dire ?
- Lafrel et moi avions découvert que Ganondorf savait où vous étiez. D'après nos informations, l'attaque ne devait avoir lieu que ce matin. Alors, nous avons préféré attendre que la nuit soit tombée pour vous prévenir, imaginant qu'il ferait garder la taverne.
- Vous avez eu raison. S'ils vous avaient vu entrer, cela n'aurait fait que confirmer notre présence.
- Lorsque nous sommes arrivés, nous avons effectivement vu des gardes, mais ceux-ci n'étaient pas là pour vous surveiller. Ils se préparaient à donner l'assaut. J'ai envoyé Lafrel vous prévenir et je suis venu vous attendre à la sortie des égouts. Avec Thelma, nous avions convenu qu'elle vous ferait partir par là, en cas de problème.
- Il est bien venu nous avertir, mais ils l'ont blessé ! Lorsque nous nous sommes échappés, nous n'avons pu l'emmener avec nous. Nous ignorons tout de son sort.
- Ne te reproche rien, ses intentions n'étaient pas de vous suivre. Il voulait couvrir votre fuite.
- Comment Ganondorf a-t-il su où nous nous cachions ?
- Il a vite compris que quelqu'un avait donné un plan de la prison à tes amis. Ils t'ont trouvé trop facilement. La cellule où tu étais enfermé est inaccessible sans connaître les lieux.
- Moi-même, j'en ignorais l'existence.
- Il a découvert que vous étiez passés par les égouts. Cela fait des jours que ses soldats les explorent. Malheureusement, vous avez laissé des traces de votre passage.
- Le sang, intervint le Héros du Temps qui s'était joint à la conversation. Tu en as perdu beaucoup, même si Sheik a réussi à limiter les dégâts.
- Oui, ils n'ont eu qu'à suivre la piste que vous aviez laissée pour retrouver la sortie près de la taverne. Il ne restait plus qu'à faire surveiller le quartier. Tu devines la suite.
- Comment as-tu appris tout ça ?
- Par Corentin ! Il a pris le risque de venir nous informer du danger qui vous menaçait.
- Pourquoi n'est-il pas venu nous prévenir directement ?
- Son supérieur ne devait pas apprendre qu'il était en contact avec tes amis. C'est lui qui nous a dit qu'ils n'attaqueraient que demain !
- Si les gardes ont donné l'assaut avec de l'avance, ça veut dire que son implication a été découverte.
- Probablement ! Un garçon si courageux.
- Nous le sauverons en même temps qu'Iria. Je lui dois bien ça ! Sans lui, je serais probablement toujours enfermé. Que fait-on maintenant ?"
Un silence s'installa entre eux. Link réfléchissait aux différentes possibilités qui s'offraient à eux. Après quelques instants d'hésitation, Moï reprit la parole.
"Je vais retourner en ville. Je suis celui qui passera le plus facilement inaperçu. J'irai prendre des nouvelles de Lafrel à la taverne et j'essayerai de voir si je peux en apprendre un peu plus sur Iria et sur Corentin.
- Pas question, répondit le jeune homme. C'est trop dangereux !
- On n'a pas le choix. Il faut que quelqu'un le fasse. Je suis le mieux placé. Ganondorf ne me connait pas.
- Les soldats t'ont vu. Il a certainement une bonne description de toi. Ta tête doit avoir été mise à prix.
- Link a raison, intervint le Héros du Temps. Il vaut mieux être deux pour qu'en cas de pépin, quelqu'un puisse prévenir les autres. Je viens avec toi.
- C'est à moi d'y aller, s'emporta le jeune homme.
- Tu es trop concerné et tu ne pourras pas te contrôler, si tu la vois. De plus, avec ton épaule, tu ne peux pas te battre. Laisse-moi y aller !
- Il a raison, fit remarquer Sheik. Tu as encore besoin de repos. Dans ton état, tu ne seras utile à personne."
Le jeune homme regarda ses amis. Il devait bien admettre qu'ils avaient raison : sa blessure le faisait souffrir et ne lui permettrait sans doute pas de monter à cheval. Pourtant, son seul désir était d'agir pour sauver Iria.
"D'accord, mais ne restez pas partis trop longtemps. Si le lendemain de votre départ, vous n'êtes pas rentrés, je vous rejoins.
C'est entendu."
Le lendemain matin, le Héros du Temps et Moï prirent le chemin de la citadelle, leurs visages dissimulés sous de grandes capes de voyage. Link passa la journée à tourner en rond, ne sachant que faire pour calmer son impatience. Il espérait que ses amis ne resteraient pas partis trop longtemps, mais les heures s'écoulèrent et ils ne revenaient pas.
Link repensait à Iria, se rappelant du jour de la Fête de Triomphe. C'est à ce moment-là qu'il avait prévu d'avouer ses sentiments à la jeune fille, mais les événements en avaient décidé autrement. Et depuis, l'occasion ne s'était pas présentée.
La nuit tomba et avec elle, les inquiétudes. Il était plus de minuit quand ils rentrèrent enfin. À voir leurs têtes, Link et Sheik comprirent que les nouvelles n'étaient pas bonnes. S'inquiétant pour son amie, il demanda
"Iria, elle ...
- Elle est vivante, lui dit le Héros du Temps. Ganondorf ne lui fera aucun mal. Il a besoin d'elle comme monnaie d'échange.
- Que veux-tu dire ?
- Nous sommes entrés dans la citadelle séparément. Moï devait se rendre à la taverne pour prendre des nouvelles de Thelma et de Lafrel. Je le suivais pour être sûr qu'il ne lui arrive rien.
- Deux soldats me sont tombés dessus dès que j'ai passé la porte, ajouta Moï. Ils m'ont immobilisé et m'ont amené à Ganondorf qui était présent. Apparemment, il se doutait qu'on viendrait chercher des nouvelles de nos amis. Thelma a été arrêtée, mais Lafrel est mort. J'ai vu son corps, laissé en plein milieu de la taverne.
- Je l'attendais dehors, reprit le héros du Temps, guettant le moindre bruit qui me paraîtrait suspect, mais je n'ai rien entendu. Je m'étais caché pour ne pas être reconnu par les habitants. Je ne le voyais pas revenir et je commençais à m'inquiéter. Il est ressorti de la taverne au bout de plusieurs heures, mais est passé devant moi sans s'arrêter. J'ai compris qu'il y avait un problème.
- Si l'un de nous rencontrait des complications, nous devions nous retrouver à l'extérieur de la citadelle.
- Je me suis donc rendu à l'endroit convenu. Moï m'a raconté son entrevue avec le tyran."
Link se tourna vers Moï.
"Que voulait-il ?
- Ganondorf voulait que je te porte un message.
- Lequel ?
- Il est prêt à faire un échange : Iria, Thelma, et Corentin contre toi, Sheik et le Héros du Temps. Tu as le choix du jour et du lieu.
- Et comment dois-je lui donner ma réponse ?
- C'est à moi de la rapporter ! Si je le fais, il me rendra ma femme et mes enfants."
Link s'assit. La situation ne faisait que s'aggraver. Ganondorf avait maintenant plusieurs otages. Il ne pouvait supporter l'idée que quelqu'un meurt à sa place.
"Que doit-on faire ?
- C'est un piège. Il ne relâchera personne, dit Sheik. Ce n'est pas dans ses habitudes.
- Je le sais, mais n'y a-t-il pas quelque chose à tenter ?"
Le Héros du Temps s'avança.
"J'ai une idée.
- Nous t'écoutons.
- Nous ferons l'échange dans l'Ancien Sanctuaire. Là-bas, il te suffira de planter l'épée dans le socle pour nous ramener dans le passé. Le voyage devrait l'étourdir un peu. Cela nous laissera le temps de mettre les otages en sécurité. Nous pourrons ainsi l'affronter.
- Acceptera-t-il d'entrer, sachant que la Porte du Temps s'y trouve ?
- En cas de refus, l'arrangement sera nul et nous repartirons chacun de notre côté."
Link regarda son ami dans les yeux et comprit que celui-ci lui demandait d'accepter les termes de ce plan tels quels et qu'il aurait les explications plus tard.
"On peut toujours tenter le coup. Nous verrons bien s'il viendra. Moï, es-tu prêt à y retourner pour donner notre réponse ?
- Je crois que je n'ai pas le choix. Si je ne reviens pas, il tuera les miens. Quel est le message ?
- Dis-lui que nous sommes d'accord pour l'échange. Nous lui donnons rendez-vous demain en fin d'après-midi dans l'Ancien Sanctuaire.
- Je partirai au lever du jour.
- Très bien, nous ferions mieux de profiter du reste de la nuit pour nous reposer. La journée risque d'être longue."
Le Héros du Temps fit mine d'aller se coucher. En passant près de Link, il lui dit :
"Merci de m'avoir suivi. Je t'explique tout demain."
Au lever du jour, Moï repartit seul pour la ville. Lorsqu'il fut sûr que celui-ci était bien parti, le Héros du Temps appela ses compagnons.
"Ne vous affolez pas, mais notre ami risque de dévoiler nos plans à notre ennemi.
- Qu'est-ce qui te fait croire ça, demanda Link.
- Comme l'a fait remarquer Sheik, Ganondorf n'a pas l'habitude de relâcher ses prisonniers. Je ne pense pas qu'il ait renoncé à tuer Iria devant toi. Moï sera interrogé et parlera. Tu connais ses méthodes d'interrogatoire aussi bien que moi. J'ai donc fait exprès de l'induire en erreur, pour lui donner une chance d'être crédible et de s'en sortir en vie.
- Que fait-on alors ? Si nos intentions sont dévoilées, il n'entrera jamais dans la clairière.
- Justement ! Il viendra, mais après s'être assuré que tu seras dans l'incapacité d'atteindre le piédestal. J'ai une autre idée, mais nous n'avons que très peu de temps pour tout préparer, car notre ennemi se rendra sur les lieux bien avant l'heure prévue. Je vous propose de nous rendre dès à présent à la clairière. Vous aurez les explications en chemin !"
Ils reprirent leurs affaires et se rendirent sur le lieu du rendez-vous.
La matinée touchait à sa fin quand Ganondorf et son armée arrivèrent sur le lieu du rendez-vous. Celui-ci s'approcha de l'entrée de l'Ancien Sanctuaire et s'arrêta. Il venait d'apercevoir Link, qui se trouvait de l'autre côté de la clairière, lui tournant le dos.
"Tu es en avance !
- Toi aussi, répondit le Héros du Crépuscule en se retournant."
Ce dernier posa sa main sur le manche de la lame qu'il portait sur son dos, mais ne la dégaina pas. Sur un signe de leur chef, les soldats se déployèrent et formèrent un cercle à la périphérie de la clairière, rendant toute tentative de fuite impossible. D'autres se placèrent tout autour du piédestal afin d'empêcher Link d'y replanter l'Épée de Légende. Ce n'est qu'à ce moment que Ganondorf entra lui-même dans l'Ancien Sanctuaire. Ensuite, trois autres hommes firent leur apparition, en poussant devant eux les otages. Ils étaient bâillonnés et avaient les poignets attachés.
"Tu as réussi à t'évader malgré les précautions que j'avais prises pour l'empêcher, mais, cette fois, tu ne m'auras pas. Tu voulais me ramener dans le passé, tu risques d'avoir des difficultés. Ton ami m'a révélé ton plan ! Tu ne pourras pas le mener à son terme. C'est étonnant ce qu'on arrive à obtenir d'un homme quand on lui fait croire qu'on détient sa famille."
Il fit un signe et le commandant Vernarte apparut traînant un Moï qui avait du mal à le suivre. Le maître d'armes était également attaché. Celui-ci regarda son ancien élève dans les yeux et murmura :
"Pardonne-moi !
- Comme tu as tenté de me tromper, les conditions ont changé. Rends-toi sans faire d'histoire ! De toute façon, je connais tes intentions et tu ne pourras pas agir à ta guise. Où sont le Héros du Temps et la princesse qui se déguise en homme ?
- Tu les verras bien assez tôt. Qu'est-ce qui te fait croire que mon plan ne fonctionnera pas ?"
Ganondorf s'imaginait que Link cherchait juste à gagner du temps et se mit à rire. Il fit un signe aux soldats qui préparèrent leurs arcs et pointèrent leurs flèches dans sa direction.
"Tu penses parvenir à planter l'épée que tu portes sur ton dos dans le piédestal alors que mes hommes le gardent et sont prêts à te cribler de flèches au moindre mouvement ?
- Cette épée, répondit Link en la lâchant. Ce n'est pas la mienne !
- À qui est-elle, alors ?
- À lui, disant ses mots, il désigna un mur sur lequel était installé le Héros du Temps."
Celui-ci était accroupi et tenait entre ses mains un arc. Il envoya une flèche qui partit au-dessus de sa tête, puis sauta dans la clairière en criant :
"Oui, c'est la mienne !"
Ganondorf et ses hommes suivirent la flèche des yeux. Celle-ci alla couper une corde qui pendait à un arbre dont le feuillage couvrait la clairière. Un éclat de lumière apparut lorsque l'Épée de Légende tomba en direction du piédestal et s'y enfonça au moment même où le Héros du Temps touchait le sol.
Elle avait été attachée aux branches et venait d'être libérée par le projectile. Les soldats qui se trouvaient autour prirent peur en voyant l'arme arriver droit sur eux et se dispersèrent parmi les autres.
Tous ceux qui étaient présents sur le site sentirent le mécanisme se mettre en route. Une vive douleur traversa chacun d'eux. Link faisait de son mieux pour lutter contre les sensations de mouvements afin de demeurer conscient. La paix du royaume dépendait de sa capacité et de celle de son allié à résister au phénomène.
Quand la souffrance disparut, le jeune homme se redressa. Ils étaient maintenant dans le Sanctuaire. Presque tous les gardes étaient tombés dans l'inconscience ainsi que les otages. Ganondorf avait fait une chute, mais était bien éveillé. Il se releva face au Héros du Temps qui le regardait.
"Tu ne pensais tout de même pas que nous allions révéler notre plan à un homme qui venait te voir, dit-il en reculant pour rejoindre Link qui lui rendit sa lame. Nous savons ce que tu es capable de faire pour avoir des informations."
Ganondorf sortit son épée et s'approcha des otages, évanouis sur le sol.
"Vos amis vont payer pour vous.
- Sheik, maintenant", hurla Link.
Celui-ci apparut derrière leur ennemi. Il venait d'entrer par la porte du temple.
"J'en appelle aux six sages du Conseil Constitutionnel : Rauru, Saria, Darunia, Ruto, Impa et Nabooru. Nous vous demandons de protéger Iria, Thelma et Corentin ainsi que Moï de la colère de Ganondorf. Empêchez également les soldats de porter secours à leur maître."
Des étoiles scintillantes se mirent à descendre du plafond et tombèrent sur les otages. Ils furent enveloppés et disparurent en une gerbe d'étincelles. Des murs s'élevèrent devant les rangs des soldats qui se trouvèrent séparés de leur chef.
"Notre plan a parfaitement fonctionné. Nous avons envoyé Sheik dans le passé et il s'est entretenu avec les sages pour préparer notre arrivée. Nous n'avions plus qu'à te laisser entrer dans la clairière pour te ramener ici. Qu'en penses-tu ?
- Tu t'obstines à vouloir contrecarrer mes plans. Ce sera la dernière fois que tu essayeras. Je vais vous écraser comme j'aurais dû le faire depuis le début.
- C'est ce qu'on va voir, répondit Link, en ramassant une autre arme qu'il avait cachée à proximité.
- J'aurais dû te faire exécuter dès le premier jour."
Les deux héros dégainèrent. Soudain, une voix se fit entendre.
"Vous n'allez pas commencer les festivités sans moi !"
Link se tourna vers celui qui avait parlé. Il avait reconnu le commandant Vernarte. Celui-ci pivota vers Ganondorf.
"Laissez-moi m'occuper du Héros du Crépuscule pendant que vous réglez son compte à l'autre. Je vous promets de vous le garder en vie pour que vous puissiez le tuer de vos propres mains.
- Tu veux prendre ta revanche ? Vas-y ! Défoule-toi ! Mais contente-toi de le blesser !"
Le Héros du Temps jeta un coup d'oeil à son compagnon. Était-il prêt à affronter à nouveau celui qui avait déjà failli le tuer ? Link qui avait deviné l'inquiétude de son ami lui adressa un sourire rassurant. Il était préparé !
Après un dernier regard d'encouragement mutuel, Link s'approcha de Vernarte. Ce dernier fit de même, l'épée qu'il lui avait volée à la main. Le commandant arriva près du jeune homme en le fixant avec mépris.
"Comment va ton épaule ? Je vois que tu es incapable de te servir de ton bras gauche. Quel dommage pour toi !
- Je suis capable de me défendre aussi bien avec le droit.
- Dans ce cas, montre-moi ! Depuis le temps que j'attends ce moment. Je vais te vaincre avec ta propre épée. Tu mourras de ma main sous ta lame.
- Ne viens-tu pas de promettre à ton patron que tu lui laisserais le plaisir de me tuer ?
- J'ai menti. Je suis passé maître dans cet art. Tu dois payer pour tout ce que tu m'as fait.
- Quels sont mes torts exactement, demanda Link, cela a-t-il un rapport avec les arrestations qui ont suivi la défaite de Ganondorf ?
- Exactement, tu as détruit ma vie !"
Le commandant attaqua le premier. Il abaissa son arme sur Link qui bloqua avec la sienne.
"Avant que tu ne viennes tout gâcher, j'étais un soldat respecté, mais il a fallu que tu commences ta fameuse traque des complices. J'ai été accusé par ta faute.
- Je n'ai fait que suivre les instructions de la princesse Zelda. Si tu as été accusé, c'est qu'il y avait des preuves."
Pendant le temps de cet échange, le commandant n'avait pas relâché la pression sur son épée. Link parvint enfin à la faire dévier et à se redresser.
"Il y en avait effectivement, dit Vernarte en chargeant de nouveau. La seule raison pour laquelle j'ai suivi ses ordres, c'était pour que ce monstre ne massacre pas ma famille."
Link réussit de nouveau à bloquer le coup et se retrouva coincé entre l'épée et le mur situé derrière lui. Il sentit son bras droit faiblir sous la force de son adversaire et dut prendre son arme à deux mains pour pouvoir faire dévier la lame. Le jeune homme lança une offensive. Les fers s'entrechoquèrent.
"Je ne te comprends pas. Tu as été blanchi. Tu es devenu commandant.
- Peut-être, mais tout le monde ne l'a pas accepté. J'ai réussi à gagner la confiance de mes hommes, mais pas celles des habitants de la ville. Ils me méprisent. Et ça, c'est de ta faute.
- Et ta famille ?
- Ils m'ont abandonné ! Eux aussi me voyaient comme un traître !"
De colère, il releva son épée et l'abaissa en direction de son adversaire. Link eut juste le temps de se baisser, mais son geste ne fut pas assez rapide. La lame du capitaine lui effleura l'épaule, déchirant sa tunique. Les mailles de la cotte protégèrent son corps d'une nouvelle blessure, mais le coup réveilla la douleur et le fit chuter.
Le commandant Vernarte s'approcha de lui tout en continuant à parler :
"J'ai donc décidé de te le faire payer. Je savais que Ganondorf avait pour plan de revenir par la porte du temps. Je l'avais entendu en parler, sans qu'il le sache. Je t'ai suivi quand tu es venu replanter l'épée et j'ai attendu son retour. C'est moi, qui l'ai fait entrer dans le château sous un nom d'emprunt."
Link essaya de se relever, mais son adversaire mit le pied sur son épée et plaça sa lame sur sa gorge.
"Puisque, selon toi, je suis le seul responsable, pourquoi ne t'es-tu pas contenté de me tuer ? Tu as dû en avoir l'occasion.
- Parce qu'ils te traitaient comme un héros alors que moi, ils me considéraient comme un traître. Je voulais que les rôles changent. J'ai pris un énorme plaisir à te faire passer pour un criminel et je suis devenu celui qui t'avait arrêté.
- Et maintenant, que comptes-tu faire ?
- Prendre ta vie..."
Disant cela, Vernarte souleva son épée et tenta de l'abattre sur la poitrine de son opposant. Plus vif que l'éclair, celui-ci lâcha la sienne et roula sur le côté. La lame gémit quand elle alla se coincer entre deux pierres.
Link en profita pour se relever et désarçonna son adversaire qui tomba sur le sol, libérant l'arme qu'il maintenait sous son pied. Le jeune homme la ramassa et se remit en garde.
"Ce ne sera pas aussi facile que tu le crois !"
Vernarte revint à la charge. Les chocs se multiplièrent. Link se défendait de son mieux, mais il commençait à fatiguer et la douleur dans son épaule augmentait. Le jeune homme vit la rage de son ennemi s'épaissir également.
Le commandant remarqua que son adversaire faiblissait et accentua ses attaques. Link recula pour mieux pouvoir contrer les coups, mais il perdit l'équilibre et sa tête vint heurter le mur de briques derrière lui. Celui-ci s'écroula un peu sonné.
Le Héros du Crépuscule lutta pour reprendre ses esprits et aperçut Vernarte qui courait dans sa direction l'épée levée. Il eut le réflexe de placer la sienne juste devant lui en utilisant ses deux mains et la brandit en avant. Cette action eut raison de ses forces. Sentant son corps pencher d'un côté, Link s'effondra et ferma les yeux, s'attendant à vivre ses derniers instants.
Link attendit les yeux fermés, mais rien ne se passa. Il les rouvrit. Sa lame était enfoncée dans le corps de son ennemi qui le regardait, muet de surprise. Ce dernier était venu s'empaler sur son épée juste avant que le Héros du Crépuscule ne s'écroule. L'arme de son adversaire était plantée dans le mur à quelques centimètres au-dessus de son épaule.
Il reporta son attention sur celui qui agonisait, lui murmurant :
"Je suis désolé du tort que je t'ai causé... Je ne m'en suis pas rendu compte. Pardonne-moi."
Link demeura aux côtés de son adversaire jusqu'à ce que celui-ci ait rendu son dernier soupir, puis lui ferma les yeux. Il resta immobile un moment, incapable de bouger, avant de se rappeler qu'un autre combat était en train de se dérouler à deux pas de là.
Le jeune homme se redressa et vit son ami en pleine mêlée. Les attaques fusaient de toutes parts. Le Héros du Temps parvenait à les contrer avec l'Épée de Légende. Effectuer une roulade lui permit d'éviter un coup plus violent de son ennemi. L'arme de celui-ci alla s'écraser au sol. Il en profita pour tenter de planter sa lame au niveau des côtes de son opposant qui esquiva.
"Tu te débrouilles bien avec une épée, ricana Ganondorf, mais es-tu capable de résister à ça ?"
Le roi des Gerudos leva sa lame qui se chargea d'électricité et l'abaissa sur son opposant. Celui-ci se protégea avec son bouclier, mais le courant traversa l'objet et lui parcourut le corps. Il s'écroula. Ganondorf tenta alors de mettre fin aux jours de celui-ci d'un seul geste.
Le jeune homme évita l'assaut en roulant sur le côté et parvint à se remettre debout. L'arme de Ganondorf alla s'enfoncer dans la pierre, privant momentanément son propriétaire de défense. Le Héros du Temps en profita pour attaquer, mais la douleur qui avait suivi la décharge l'empêcha de viser correctement et il ne réussit qu'à effleurer le flanc de son ennemi.
Le tyran se retourna vers son adversaire et donna un coup que l'Épée de Légende bloqua, mais la violence du choc désarçonna ce dernier qui tomba en arrière, sa tête heurtant le mur situé derrière lui.
Link se précipita, attirant l'attention de son opposant pour permettre à son allié de retrouver ses esprits. Le roi des Gerudos se tourna vers le nouveau venu et leva sa lame pour la charger d'électricité. Il s'apprêta à l'abaisser sur le jeune homme.
Soudain, un cri terrifiant retentit. Ganondorf lâcha son arme et s'effondra sur le sol, Excalibur enfoncée dans le dos. Derrière lui se tenait le Héros du Temps, encore un peu sonné. Il rejoignit Link.
"Merci, dit-il en souriant. Cette fois, c'est toi qui m'as sauvé.
- Chacun son tour", répondit son ami en lui rendant son sourire.
Ils perçurent un grognement juste derrière eux. Ils se retournèrent. Ganondorf s'était relevé et avait changé de forme. Ce dernier ressemblait à présent à un dragon avec des cornes et une longue queue. Ses pouvoirs s'étaient emballés, le transformant en un monstre. Il arracha la lame de son corps et la lança contre un arbre à l'opposé des deux Sauveurs d'Hyrule.
Une voix se fit alors entendre :
"Link, je suis Rauru, le Sage de la Lumière. Reprends l'Épée de Légende du piédestal, la malédiction est levée. Utilise-la en la combinant avec celle du Héros du temps. En mettant vos forces en commun, vous pourrez vaincre !"
Link suivit les conseils, prit l'arme et fonça sur Ganon au moment où son ami récupérait sa propre lame. Pendant que le jeune homme esquivait les attaques de leur ennemi, son compagnon s'approcha et lui asséna un coup sur son appendice caudal. Le cri qui s'échappa de la gorge du tyran révéla l'emplacement de son point faible.
Ganon pivota vers celui qui venait de le frapper, prêt à se venger sur cet insolent.
"Frappe sa queue", cria-t-il à son allié.
Link ne perdit pas une seconde pour l'attaquer à cet endroit. Ganon poussa un hurlement terrifiant. Quand il se tourna vers le responsable de sa douleur, ses yeux étaient remplis de rage et de la fumée sortait de ses narines. Le voyant se retourner, le Héros du Temps en profita pour charger de nouveau.
Cette fois, aucun son ne franchit les lèvres de la créature. Son immense corps chancela et il s'effondra sur le sol en gémissant. Link fut rejoint par son ami. Ils mirent leurs armes côte à côte. Une forte lumière rassembla les deux épées qui fusionnèrent en une seule et unique lame.
D'un même effort, ils la levèrent et l'abattirent sur leur ennemi. Le choc brisa la pierre précieuse orange qu'il portait sur son front. Le monstre parut se dégonfler et Ganondorf retrouva sa forme première.
Derrière eux, une voix résonna.
"Sages, maintenant !"
Les mêmes cristaux qui avaient enveloppé les otages du tyran se posèrent sur lui et l'emprisonnèrent dans une forme de losange. Puis tout disparut. Il était vaincu.
L'épée des héros se scinda en deux lames identiques. Ils se retournèrent. Aux côtés de la princesse Zelda qui avait retrouvé son apparence féminine se trouvaient six personnes, les Sages.
"Merci aux deux héros, dit Rauru. Vous vous êtes bien battus.
- Qu'avez-vous fait de Ganondorf ?
- Nous l'avons envoyé dans une dimension parallèle. Là où est sa place.
- Mais il va s'en échapper !
- Oui, il s'en échappera. Mais tu seras là pour l'arrêter."
Link se tut et se rappela son combat aux côtés de la princesse. Puis il pensa à son amie.
"Où sont Iria, Thelma et les autres ?
- En sécurité. Tu les reverras bientôt. Mais avant, j'ai à vous parler, à tous les deux."
"Vous connaissez la Triforce. Selon la légende, la posséder permet d'exaucer son plus cher désir. Si cela arrivait, le monde deviendrait à l'image de celui qui l'utilise : prospère et pacifique avec une personne au coeur pur, mais un individu rongé par le mal ne provoquerait que malheur et chaos. Ganondorf fait partie de la deuxième catégorie. Il a essayé à plusieurs reprises de la posséder sans jamais y parvenir.
Un jour, il a réussi à toucher la Triforce, mais celle-ci n'a pas supporté la noirceur de son âme et s'est brisée en trois morceaux : la force, le courage et la sagesse. En souhaitant aider la princesse, un jeune garçon a ouvert le sanctuaire et Ganondorf en a profité pour y entrer. Cet enfant devait devenir le Héros du Temps. Mais celui-ci était trop jeune pour cette périlleuse mission, son esprit a donc été endormi pendant sept longues années.
A son réveil, il est parti accomplir sa tâche et a vaincu le détenteur du morceau de force. Lui-même possédait celui du courage. La sagesse avait été confiée à la princesse du Royaume. Une fois vaincu, Ganondorf fut envoyé par nos soins dans un monde parallèle.
Mais, grâce à sa perfidie, ce dernier réussit à tromper un habitant du monde dans lequel il avait atterri et à revenir au Royaume d'Hyrule. Son désir de posséder la Triforce n'avait jamais cessé d'augmenter.
Une fois encore, le roi des Gerudos s'est retrouvé face à un héros qui tentait de l'arrêter. Sa ressemblance avec celui qui avait réussi à le battre était frappante. La marque de la Triforce était également apposée sur le dos de sa main gauche. Comprenant que sa défaite était proche, il fit en sorte de se prévenir lui-même d'un danger et de se donner les moyens de revenir.
Son but était de faire un bond dans le temps pour recommencer une troisième fois sa conquête du Royaume. Il prépara son retour avec les hommes qui lui étaient fidèles, leur promettant gloire et fortune. Nombreux furent ceux qui se laissèrent piéger.
Ganondorf utilisa la seule personne qui était capable de le battre pour mettre son plan à exécution : le Héros qui était en train de sauver son royaume. C'est par lui qu'il reviendrait. C'est par lui qu'il est revenu.
Lorsque le roi des Gerudos a atterri dans le futur, il a trouvé une aide en la personne du commandant Vernarte, ignorant le véritable but de ce dernier qui était de se venger du Héros.
En effet, Vernarte avait été contraint par le tyran à trahir son royaume pour sauver sa famille. Après la chute de ce dernier, il avait été traqué comme les autres complices. Son innocence a pu être prouvée, mais le mal avait déjà été fait.
Le commandant rendait le sauveur d'Hyrule responsable de sa chute. Il savait beaucoup de choses sur le possible retour de son maître et en profita pour préparer sa vengeance.
Vernarte suivit le Héros du Crépuscule lorsque celui-ci alla replanter l'Épée de Légende et attendit l'arrivée de Ganondorf. Il l'aida à pénétrer dans le château, le faisant passer pour un de ses parents, et lui permit d'accéder aux appartements de la princesse Zelda. C'est ainsi qu'il put prendre le contrôle et se faire nommer Premier Ministre.
Le tyran et son complice tendirent un piège machiavélique au Héros. Celui-ci faillit même coûter la vie à ce dernier, mais le tyran a négligé une chose : le pouvoir de l'amitié. Il ne s'imaginait pas que son adversaire se ferait des amis dans le passé et que ceux-ci viendraient lui prêter main-forte.
C'est grâce à ses amis que le Héros a vaincu. Sans eux, rien n'aurait été possible."
Ces paroles furent suivies d'un long silence.
"Donc, si j'ai bien compris, nous possédons tous les deux la Triforce du courage, questionna le Héros du Temps.
- C'est bien cela ! Tu l'as obtenue pour la protéger. Chez ton ami, elle symbolise le fait qu'il est l'Elu, celui par qui le monde sera sauvé.
- Et maintenant, il se passe quoi ?
- Vous devrez tous les deux retourner dans votre temps.
- Tous les deux, s'étonna le Héros du Temps.
- Oui, tu as perdu sept ans de ta vie. Tu as le droit de les vivre, de grandir...
- Non, je n'ai pas... Je..."
Le Héros du Temps se tourna vers Zelda, celle-ci le regardait des larmes dans les yeux. Il comprit qu'insister était inutile et mit un genou à terre en disant :
"Peu importe les lieux et peu importe le temps, je vous resterai fidèle et serai prêt à me battre pour vous et pour le royaume d'Hyrule."
Rauru reprit :
"Quant à toi, Link, tu retourneras au moment exact où tu as replanté l'épée, la première fois. Tu garderas les souvenirs et les marques de ta victoire. Ils t'aideront à convaincre la princesse de la vérité. Maintenant que tu connais toute l'histoire, tu dois réparer tes erreurs !
- Je ferai ce qu'il faudra ! Et Iria, se souviendra-t-elle de tout ?
- Je ne saurai le dire. Je ne vois pas dans son esprit. Comme elle a fait le voyage initial avec toi, il est possible que tous ses souvenirs soient intacts..."
Puis, s'adressant à Zelda :
"Princesse, dit Rauru. Vous seule, en tant que septième Sage, êtes capable de les renvoyer dans leur temps."
La princesse sortit un ocarina sur lequel était gravé le symbole de la Triforce et commença à jouer un petit air. Link se sentit soulevé du sol. La musique le berçait. Le jeune homme ferma les yeux se laissant porter par le vent. Petit à petit, il perdit conscience.
À son réveil, Link se trouvait dans la clairière, juste à côté de l'Épée, posée sur son socle. Le soleil était haut dans le ciel. L'après-midi devait être bien avancé. Il tenta de se lever, mais une violente douleur le força à arrêter son mouvement. Sa blessure avait encore une fois souffert des derniers combats menés.
Le jeune homme recommença son geste sans utiliser son bras gauche et parvint à se mettre debout. Il se servit de la lanière qui maintenait le fourreau de son arme en place pour immobiliser son épaule.
Le Héros du Crépuscule regarda autour de lui et vit Iria, allongée sur le sol, inconsciente. Il se précipita vers son amie, en proie à la peur. Rassuré de distinguer sa respiration, Link s'assit à ses côtés et commença à lui caresser la joue. Elle ouvrit les yeux et aperçut l'être aimé, penché sur le sien. Un sourire illumina son visage.
Puis, la demoiselle sembla se rappeler d'un danger et se leva d'un bond. Elle jetait des coups d'oeil affolés aux alentours.
"Tout est fini, dit-il en lui prenant la main. Ganondorf est vaincu !
- Thelma, Moï,...
- Ils vont bien ! Aucun d'eux ne se souviendra de cette aventure, mais tous sont en excellente santé.
- Et toi ?
- Moi, je suis heureux de te savoir saine et sauve. J'ai cru t'avoir perdue...
- Comment te sens-tu, dit-elle en observant la tache au niveau de son épaule. Ton bras ?
- Ça ira ! Quand tu seras prête, nous devrons rentrer. Je dois parler à la princesse Zelda avant la fête de ce soir !"
Iria devina que le jeune homme ne voulait pas l'inquiéter. Il semblait épuisé.
"Laisse-moi au moins t'apporter quelques soins avant que nous partions d'ici."
Fatigué et sentant la douleur l'envahir à nouveau, il était prêt à la laisser faire lorsqu'une voix se fit entendre :
"Où est Ganondorf ?"
Link se retourna, il se trouvait nez à nez avec le commandant Vernarte.
"Il a été vaincu. Ton maître n'est plus.
- Tu mens, lui dit-il le menaçant de sa lame.
- Je dis la vérité."
Le Héros du Crépuscule faisait face à son adversaire armé, mais n'avait pas fait un seul mouvement en direction de son épée. Il s'adressa à son amie sans le lâcher des yeux.
"Iria, retourne auprès d'Epona, je te rejoins."
Elle hésita un instant puis partit vers la forêt. Le commandant se mit à tourner autour de Link, l'épée prête à frapper. Ce dernier se contentait de suivre le mouvement, sans faire un seul geste de défense.
"Toujours aussi sûr de toi ! Je ne comprends pas comment tu as pu vaincre Ganondorf. Il t'est bien supérieur. Tu ne mérites pas de faire partie de la Garde Rapprochée.
- Je n'ai jamais demandé à y entrer.
- Ça ne change rien, tu as gâché ma vie. J'espérais te le faire payer grâce au retour de mon maître, mais ça aussi, tu as réussi à l'empêcher.
- Je suis désolé du mal que j'ai pu te causer.
- Tu dis ça parce que tu as peur !
- Non, je ne te veux aucun mal. Je n'ai pas envie de me battre contre toi, mais je n'ai pas peur ! Je veux réparer mes erreurs.
- Il est bien trop tard pour ça !"
Sur ces mots, il attaqua. Link se défendit avec son bouclier, mais n'avait toujours pas sorti son arme. Il ne voulait pas prendre le risque de blesser son adversaire et cherchait un moyen d'éviter le combat. Le jeune homme estimait que ce dernier avait déjà suffisamment souffert.
Soudain, le Héros du Crépuscule entendit des bruits de sabots et se retourna. Iria était montée sur son cheval et galopait vers lui, suivie par Epona. Il courut vers elle. Link grimpa sur la selle et rejoignit la demoiselle qui l'attendait un peu plus loin. Tous deux partirent au galop en direction de la citadelle d'Hyrule.
"On se reverra, lâche", cria le commandant derrière lui.
Pendant la chevauchée, Iria observa son ami qui semblait supporter difficilement le traitement que le galop infligeait à son épaule. L'inquiétude était de nouveau apparue sur son visage.
Ils laissèrent leurs montures à l'écurie près de l'entrée de la ville. Au palais, la fête était sur le point de commencer. S'approchant d'un garde en tenant Iria par la main, Link demanda à être introduit auprès de la princesse.
Le soldat appela un page qui emmena les jeunes gens auprès de celle à qui il voulait parler. Quand ils entrèrent, elle leur tournait le dos.
"Vous avez failli être en retard", leur dit Zelda en se retournant.
En voyant Link, le teint pâle et la tunique ensanglantée, elle s'inquiéta.
"Que t'est-il arrivé ?
- C'est une longue histoire...
- Raconte !
- Et la fête ?
- Elle attendra."
Le jeune homme lui retraça toute l'histoire. La princesse l'écouta jusqu'au bout sans faire un seul commentaire. Quand il eut fini, elle dit :
"Encore une fois, tu as sauvé le royaume. Montre-moi ton épaule !"
Il retira sa tunique et sa cotte de mailles. La chemise était déchirée et laissait apparaître une large blessure. Elle l'observa.
"Cette blessure ne date pas d'aujourd'hui. Et tu ne l'avais pas ce matin ! Tu as besoin de voir un médecin.
- Pas la peine, j'ai déjà été soigné.
- Cette plaie n'est pas anodine et tu as dit toi-même que tu avais failli en mourir. J'insiste, je vais faire venir mon médecin personnel. Je tiens à ce qu'il t'examine. Ensuite, tu mettras les vêtements que je te ferai apporter et tu me rejoindras pour faire acte de présence à la fête.
- J'ai encore une mission à remplir. J'ai commis une erreur que je dois réparer.
- De quoi parles-tu ?
- Du commandant Vernarte ! Celui qui a failli me tuer à deux reprises. Il a été récemment arrêté pour trahison, puis reconnu innocent.
- Oui, nous lui avons offert un poste important.
- Il me rend responsable de son arrestation.
- Il me semble pourtant que tu ne t'es pas occupé de cette affaire, commença la princesse.
- J'étais le chef de cette unité d'intervention. Cette erreur a été faite sous mon commandement. Cette faute doit donc m'être imputée. J'ai dû avoir son dossier entre les mains et je ne me souvenais même pas de son nom.
- Vu le nombre de cas que tu as traités, ce n'est pas très étonnant. Tu es trop dur envers toi-même.
- Je voulais enfermer tous ceux qui avaient aidé Ganondorf. Mon obsession m'a empêché de voir les raisons de son geste. Il n'aurait jamais dû être arrêté. Ce que j'ai traversé m'a permis de comprendre une chose : nous sommes capables de commettre des actes abominables pour sauver un être cher. Je l'ai fait. Pour celle que j'aime. Je dois réparer cette erreur.
- Comment comptes-tu t'y prendre ?
- Je ne le sais pas. Il était à la clairière et a voulu me combattre. Je suis parti.
- Link ne se défendait pas, intervint Iria. J'ai pris mon cheval et je lui ai envoyé Epona pour qu'il puisse quitter les lieux.
- Tu as bien fait. Nous trouverons un moyen pour l'aider.
- Il ne veut qu'une chose : ma mort. Et je le comprends ! Princesse, je ne suis pas digne d'appartenir à la Garde Rapprochée. Je vous demande humblement de me retirer de cette unité d'élite. Je ne veux pas non plus de ce titre honorifique. Un véritable Héros ne commettrait pas ce genre d'erreur.
- Tu te trompes ! Un Héros, ce n'est pas celui qui ne commet aucune erreur, mais celui qui fait tout pour les réparer. Nous le verrons demain toi et moi. Ensuite, ce sera à lui de décider ce qu'il fera de sa vie... Mais pour l'instant, fais-toi soigner, ensuite, tu feras une apparition à la fête."
Le médecin vint s'occuper de l'épaule du blessé. Ce dernier refit les points de suture et lui posa une attelle pour immobiliser son bras, lui interdisant d'utiliser celui-ci.
Des vêtements de cérémonie furent apportés aux deux jeunes gens. Link portait une tunique bleu nuit, faisant ressortir la couleur de ses yeux et Iria une longue robe de satin vert pastel. Tous deux se dirigèrent vers le balcon royal où la princesse devait les présenter à la foule. Leur apparition déclencha un tonnerre d'applaudissements. Ils ne restèrent que quelques heures à la fête, le Héros du Crépuscule ayant besoin de se reposer.
* * *
Le lendemain, la princesse convoqua le commandant Vernarte. Lorsque celui-ci fut introduit auprès d'elle, il aperçut Link à ses côtés. Ce dernier était visiblement blessé et portait une attelle. Sa présence lui causa un vif désagrément.
"Son Altesse m'a fait demander.
- Oui, commandant, j'aimerais que vous écoutiez ce que le Héros du Crépuscule et moi avons à vous dire. Nous savons que vous avez vécu des moments difficiles. Par notre faute, vous avez été accusé à tort.
- Cette erreur a déjà été rattrapée, Votre Altesse ! Vous avez fait de moi un officier et je vous en remercie.
- Il est vrai. Mais vous semblez être encore en proie à la colère. Nous le comprenons."
Link s'avança.
"J'ai commis des erreurs. J'ai compris récemment qu'un homme pouvait exécuter des actes contraires à ses opinions pour sauver un être cher. Notre dernière rencontre a débouché sur un combat que je ne voulais pas mener. Encore aujourd'hui, je me refuse à vous attaquer. Si vous désirez toujours ma vie, prenez-la, je ne me défendrai pas, mais cela ne vous permettra pas de vous sentir mieux."
Le commandant observa Link un moment, puis il répondit :
"Après votre départ, j'ai réfléchi. Je ne comprenais pas votre fuite. Vous n'êtes pas un lâche, vous l'avez suffisamment prouvé. Vous auriez pu me tuer d'un seul coup d'épée. Pourtant, vous ne l'avez même pas sortie. Pourquoi ?
- Je vous ai fait assez de mal comme cela. Je ne voulais pas en rajouter.
- Je comprends. Moi aussi, j'ai commis des erreurs. J'ai cru que Ganondorf pourrait m'offrir la richesse et la gloire, comme beaucoup d'autres. Cependant, j'ai vite compris que nous étions des pions pour lui. Lorsque j'ai voulu me retirer, il s'en est pris à ma famille.
- Vous êtes donc resté à ses côtés.
- Oui, lorsque la paix est revenue, j'avais changé. J'étais devenu amer. Ma femme ne m'a pas quitté à cause de votre accusation, mais parce qu'elle ne supportait pas l'homme que j'étais devenu. Je ne veux qu'une chose : m'excuser et lui prouver que je suis redevenu l'homme qu'elle a aimé.
- Nous savons où se trouve votre conjointe, intervint la princesse Zelda. Si vous le souhaitez, une escorte vous attend pour vous conduire à elle. D'après les informations que j'ai pu réunir, votre retour est désiré. Nous avions entamé ces recherches, juste après votre réhabilitation."
Le commandant leva la tête vers elle. Il accepta sa proposition, la remercia et sortit. Link se tourna vers la princesse.
"Merci pour ton aide.
- Tu n'es pas le seul responsable. Moi aussi, j'ai commis des erreurs et, comme toi, je m'efforce de les réparer.
- Notre action sera-t-elle suffisante ?
- Nous avons fait ce que nous devions. Maintenant, c'est à lui de faire le reste. Ta mission est terminée.
- Et maintenant, que fait-on ?
- Toi, tu repars pour Toal !
- Comment ?
- Je t'accorde le temps dont tu auras besoin pour te remettre de tes blessures. Iria t'attend pour te ramener. Je lui ai fait promettre de bien s'occuper de toi. Quand tu iras mieux, tu reviendras et nous reparlerons de tes fonctions au sein de la Garde Rapprochée. Si tu tiens toujours à ce que je te libère de ton serment, je le ferai.
- Merci."
Link salua et sortit. Dehors, il retrouva Iria qui avait préparé une petite carriole pour leur retour afin d'éviter à son ami l'inconfort d'une chevauchée. Elle avait récupéré toutes ses affaires. Ce dernier la rejoignit à bord et ils partirent aussitôt en direction de leur village.
La voiture traversa la citadelle. Le jeune homme gardait le silence en observant la vie sur la place principale. Il repensa à l'accueil qui lui avait été réservé lors de l'annonce officielle de sa condamnation à mort. Un frisson lui parcourut le corps.
"Quelque chose ne va pas ?, demanda Iria qui avait remarqué la réaction de son ami.
Non, ça va, répondit-il en souriant, pour ne pas l'inquiéter. Juste de mauvais souvenirs qui remontent."
Link avait du mal à oublier que les citoyens l'avaient rapidement condamné sans lui laisser une chance de s'expliquer. Il sentait qu'un gouffre s'était créé entre eux et lui, même si pour eux, rien n'était arrivé.
Ils sortirent de la ville par la porte ouest et empruntèrent la route du sud pour rejoindre leur village. Link restait silencieux, écoutant Iria lui parler des habitants. Elle lui disait que ceux-ci seraient tous très contents de le revoir.
Ils s'offrirent un arrêt en milieu de journée pour prendre un repas. Iria avait emmené tout ce qu'il fallait pour un joyeux pique-nique. La demoiselle faisait de son mieux pour tenter de dérider le jeune homme, mais celui-ci paraissait préoccupé.
"Link, tu m'écoutes ?
- Quoi, répondit-il, surpris.
- Je te disais que nous devrions repartir si nous voulons arriver avant la nuit.
- D'accord !"
Il se leva et commença à ranger les restes de leur repas. Iria le regardait faire, s'interrogeant sur la raison de ses préoccupations. N'était-il pas censé être en repos ?
"Qu'est-ce qui te tracasse ? Je vois bien que quelque chose te perturbe."
Link se retourna et observa son amie. Il lut dans son regard qu'elle n'accepterait pas une nouvelle réponse évasive.
"Tu as vu le groupe de gardes devant le palais, quand nous sommes partis ?
- Oui, ils attendaient quelqu'un !
- Exactement. Le commandant Vernarte devait partir avec eux pour aller retrouver sa famille, mais il a pris congé de la princesse avant moi. Je me demande juste ce qui a pu le retenir ! Je n'y ai pas fait attention sur le moment, mais c'est étrange !
- Il y a certainement une explication ! Ne t'en occupe pas ! Tu dois penser à toi maintenant !"
Le jeune homme la regarda et lui sourit. Elle avait raison. Le comportement de ce soldat ne le concernait plus désormais. Il essaya de se rappeler de la dernière fois où ils s'étaient retrouvés seuls, sans avoir d'autres soucis que de devoir rentrer avant la nuit. Les événements récents lui avaient fait comprendre à quel point il tenait à elle. Peut-être était-ce le moment de lui dévoiler ses sentiments...
Iria avait terminé de tout ranger et l'appela. Ils reprirent la route. Link passa le reste du voyage à chercher la meilleure façon de lui déclarer son amour. À plusieurs reprises, il ouvrit la bouche pour parler, sans y parvenir. Le Héros du Crépuscule était capable de vaincre des adversaires bien plus grands que lui, mais pas d'avouer sa flamme.
L'obscurité venait de tomber lorsqu'ils arrivèrent devant la maison du jeune homme. Ce dernier voulut descendre directement au village pour aller saluer les habitants, mais Iria le retint.
"Il est tard et tu dois d'abord te reposer. Je vais te préparer quelque chose à manger et tu iras te coucher. Le médecin t'a recommandé de ne pas trop en faire et tu es fatigué. J'annoncerai ton retour à tout le monde et tu les verras demain.
- Oui, docteur", répondit-il en lui souriant.
Ils grimpèrent à l'échelle et Iria chercha dans les étagères situées dans le coin-cuisine de quoi préparer un repas, mais celles-ci étaient vides. Elle décide de repasser chez elle pour prendre les ingrédients nécessaires.
"Attends-moi, je reviens."
Link emprunta l'échelle qui lui permettait d'accéder à son lit, en repensant à Iria. Celle-ci prenait la tâche que lui avait confiée la princesse très au sérieux. Cherchant toujours un moyen de lui parler, il retira sa tunique et remit ses anciens vêtements.
Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit et des bruits de pas se firent entendre. Pensant qu'il s'agissait de son amie, le Héros du Crépuscule sentit que c'était le moment de laisser libre cours à son coeur. Elle était actuellement dans son dos et il espérait pouvoir trouver le courage de lui avouer ses sentiments.
"Iria, commença-t-il sans se retourner, j'ai quelque chose à te dire, mais laisse-moi parler jusqu'au bout. On se connait depuis toujours toi et moi. Nous avons grandi ensemble. Les épreuves que nous avons traversées nous ont rendus plus forts et plus adultes. Peut-être est-il temps pour nous de faire évoluer notre relation."
Link pivota vers elle, car il se sentait le courage de lui parler en face.
"Iria, je..."
Mais il ne put terminer sa phrase. La personne qui se tenait devant la porte n'était pas son amie.
"Je ne voulais pas t'interrompre, lui dit l'homme. Un discours si beau, si poétique. C'est touchant !
- Toi ! Que fais-tu là ? Qu'est-ce que tu veux ?
- Je ne désire qu'une seule chose : toi !"
L'homme leva la main dans laquelle se trouvait une sarbacane et souffla. Ressentant une légère douleur dans son cou, Link y posa les doigts. Une fléchette s'y était accrochée. Il l'arracha et l'observa.
"Qu'est-ce..."
Sa question resta en suspens. Link éprouvait une étrange sensation, comme si son corps fonctionnait au ralenti. Se sentant tomber, il voulut s'asseoir sur son lit, mais ses jambes cédèrent sous lui. Le jeune homme s'effondra sur le sol, son épaule blessée venant frapper le bord de la couchette.
Le Héros du Crépuscule vit son mystérieux visiteur s'approcher de lui, mais il était incapable de bouger. La douleur s'était de nouveau réveillée. Un peu de sang s'échappa de la plaie et s'écrasa sur le plancher.
Un quart d'heure plus tard, Iria revenait les bras chargés de victuailles. La maison était silencieuse. Après avoir déposé son chargement sur la table, elle chercha son ami des yeux. Pensant qu'il était allé se reposer, la demoiselle monta à l'échelle pour le rejoindre, mais ne trouva personne.
C'est en se retournant pour redescendre qu'elle aperçut la tache sur la plateforme. Du sang ! L'inquiétude la gagna directement. Elle sortit et courut avertir les habitants du village.
FIN
Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Cristal". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.