Navi's Quest

Du gris. Partout. A l'infini. A droite, du gris. A gauche, du gris. En haut, en bas, du gris. Devant, un homme est couché. Il est blond, les cheveux mi-longs, en bataille sous son bonnet. Il est vêtu d'une tunique verte, il serre une épée dans son poing fermé. Un bouclier est fixé à son bras droit. Il est inconscient. Il est la seule touche de couleurs dans cet univers gris. Tellement gris.

Link para la lame qui fonçait vers son coeur et rompit le combat. Il essuya la sueur qui lui coulait sur le front et lui piquait les yeux. Maudit stallfos ! Il aurait pu aisément le tuer en temps normal, mais il avait affronté tant d'ennemis, enfoncé sa lame dans le corps de tant de monstres, reçu tant de blessures qu'il était épuisé. Son bras droit, blessé, ne lui servait plus à rien, et le bouclier qui y était accroché l'encombrait au lieu de le protéger. Il allait mourir. Le stallfos chargea, Link se jeta sur la droite. La lame qui visait sa tête lui déchira le bras gauche, le sang gicla et s'étala à terre. Link recula en pressant cette nouvelle blessure de sa main droite. Il n'avait pas envie de mourir. Pas maintenant, pas si près de la porte à la serrure d'or. Pas après tout ce qu'il avait enduré. Il avait la clé dans sa poche. Les cadavres de ses ennemis faisaient un chemin sanglant derrière lui, ne restait que ce stallfos. Il n'avait pas envie de mourir. Le stallfos chargea à nouveau, Link s'écarta, la lame passa devant lui, il enfonça son épée dans le torse sans chair du monstre et d'un revers du bras trancha la tête du squelette qui fut projeté dans le vide et le corps sans vie du colosse s'écroula aux pieds de Link qui tomba à genoux. "Enfin..." Il se releva et se dirigea en titubant vers la porte à la serrure d'or. Il y eut un sifflement dans l'air. Le bruit sourd d'une flèche s'enfonçant dans la chair. L'Epée de Légende heurta le sol dans un son clair qui déchira le silence. Le lourd silence.

Le jeune homme ouvre les yeux. Les referme. Les rouvre. "Où suis-je ?" est sa première pensée. Il se met à genoux et relève la tête. A-t-il quelque chose de cassé ? Non. A priori, non. Il se lève, n'apercevant aucun danger alentour il remet l'épée, qu'il tient à la main, dans son fourreau et raccroche son bouclier à son baudrier. Où est-il ? Que s'est-il passé ? Le corps du stallfos tombant à ses genoux, le sifflement, la hampe de la flèche dépassant de sa poitrine et enfin, le sol, se rapprochant de lui à une vitesse à la fois vertigineuse et désespérément lente. Où est-il ? Il regarde plus précisément autour de lui. Il n'y a que du gris. Pas de ciel, du gris. Même pas de sol, du gris. Et pourtant il tient debout sur quelque chose de solide et de palpable sous ses pieds. Mais il n'y a pas de sol, pas de ciel, pas d'eau, rien de vivant, pas d'horizon. Du gris. Mais où est-il ? "Suis-je mort ?"

Chapitre 1 : Il est mort !   

Navi fit demi-tour, elle en savait assez. Link lui avait demandé d'aller voir le boss du Temple de l'Ombre en avance afin de pouvoir se préparer à l'affronter. Et elle avait vu. Elle s'était glissée sous la porte à la serrure d'or et là, elle avait vu. Un immense tambour entouré d'acide dans lequel il ne faisait pas bon tremper les ailes, et deux mains gigantesques battant la mesure. Bongo-Bongo. Ce monstre portait bien son nom. Elle n'avait vu que les mains mais elle était persuadée qu'autre chose existait. Un corps. Un corps qui cachait le point faible. Avec le Monocle de vérité, Link n'aurait sûrement pas beaucoup de mal à le battre... Où était-il d'ailleurs ? Il aurait déjà dû arriver.
Navi partit à sa recherche. Cela lui rappelait un autre jour, il y avait sept ans. Sa première rencontre avec le Kokiri. Elle l'avait trouvé endormi et s'était alors demandé si le sort d'Hyrule devait reposer sur les épaules d'un garçon aussi paresseux. Cette pensée la fit sourire : quelle erreur ! C'est alors qu'elle le vit. Son ami couché, plus pâle que la mort.
"LINK !"
Il était là, inconscient. Avec horreur, elle détailla ses blessures. Qu'elles étaient nombreuses ! Son corps entier n'était qu'une plaie. Le Kokiri devait affreusement souffrir. Vite, il lui fallait agir !
Paniquée, elle se téléporta d'un coup d'aile au Bosquet Sacré, dans la Fontaine des Fées.
"Vite, mes soeurs, j'ai besoin de votre aide !
- Que se passe-t-il Navi ? Ton kokiri aurait-il besoin de nos services ? dit l'une des fées qui semblait être l'aînée de la Fontaine.
- Précisément, et son état est grave, je requiers l'assistance de deux d'entre vous.
- Nous n'avons aucune raison de ne pas aider le Héros du Temps, dit la fée, vous deux, vous accompagnerez Navi et soignerez son ami de votre mieux. Qu'il en soit ainsi.
- Je vous remercie, fée guérisseuse.
- Au revoir Navi."

Sur ces mots, Navi se téléporta à l'entrée du Temple de l'Ombre, le mal qui y régnait aurait empêché les deux fées guérisseuses, moins puissantes, de se téléporter au sein même du Temple. En chemin, Navi demanda aux fées :
"Quels sont vos noms ?"
Les deux fées se regardèrent et répondirent :
"Nous n'avons pas de nom.
- Vraiment ?!
- Oui. Nous ne vivons pas assez longtemps et ne voyons pas assez le monde pour avoir besoin de nom. Nous sommes fées guérisseuses et cela suffit à nous reconnaître.
- Oh !" fit Navi avant de plonger dans un silence perplexe.
Sur ce, elles arrivèrent auprès de Link, toujours couché.
"Le voilà, soignez-le, vite !
- Mais Navi, nous ne pouvons plus rien pour lui, il est mort ! dirent les fées.
- Comment ? C'est impossible !
- Il n'y a aucun doute, nous sommes désolées.
- Mais que vais-je faire ? Que va devenir le monde sans le Héros du Temps ? s'écria Navi, au comble du désespoir.
- Nous l'ignorons... Tu devrais rejoindre ton maître, l'Arbre Mojo.
- Oui. Oui, c'est ce que je vais faire." répondit Navi, complètement abattue.
Elle partit. Les deux fées restèrent là.
"Et maintenant que faisons-nous ? demanda l'une d'elle.
- As-tu envie de retourner à la Fontaine ?
- Pas vraiment.
- Alors partons, nous ne pouvons de toute façon plus rien pour ce cadavre.
- Partons, certes, mais où ?
- Quelle importance ?"
La fée réfléchit.
"Aucune, allons-y !"
Elles s'en allèrent en voletant de-ci, de-là, profitant de cette toute nouvelle liberté.

Chapitre 2 : Un espoir   

Navi arriva dans la clairière de l'Arbre Mojo.
"Bonjour, Vénérable, dit-elle d'une voix plate.
- Bouzour Navi, où est Link ? Vous ne deviez pas vous séparer.
- Link est... il est mort. Vénérable Bourgeon... Que puis-je faire ? cria-t-elle.
- Oh ! mais c'est désastreux ! Mmmh... es-tu allée voir les Grandes Fées ?
- Les Grandes Fées, Vénérable ? dit Navi d'une voix teintée d'espoir. Non, je n'en ai pas eu l'idée, pensez-vous que... ?
- Oui, je le pense. Les Divines Fées sont les fées des déesses, comme tu es la fée de Link. Elles ont d'immenses pouvoirs, elles pourront peut-être faire quelque chose.
- Vous avez raison, j'y vole. Merci, Vénérable de m'avoir redonné espoir, dit Navi, sur le point de partir.
- Ne t'emballe pas trop, ta quête est désespérée, nul n'est jamais revenu du pays des morts.
- Il y a toujours l'exception qui confirme la règle." cria Navi en partant pour la Fontaine Zora où elle savait que la Fontaine Royale des Fées était encore accessible.

Arrivée dans le lieu glacé, elle pénétra dans la grotte et, n'ayant pas d'instruments, elle chanta la Berceuse de Zelda pour appeler la fée. La Divine Fée du Courage apparut.
- Bonjour, petite Navi, il est inhabituel de te voir sans Link.
- C'est justement la raison de ma venue, Divine Fée, Link est mort, et je suis venue vous voir pour rétablir cette erreur.
- Mort ? Mort, le Héros du Temps ? C'est impossible ! s'écria la Grande Fée, tu as eu raison de m'en avertir. Je n'ai malheureusement pas le pouvoir d'agir sur la vie ou sur la mort, je ne peux rien pour toi.
- Pitié, Grande Fée ! supplia Navi, vous êtes la créature ayant le plus de pouvoir sur cette terre, vous devez faire quelque chose !"
La Grande Fée réfléchit.
"Viens avec moi, nous allons voir mes soeurs.
- Comment ?
- Plonge avec moi dans la fontaine... maintenant !"
Navi plongea, immédiatement elle sentit un froid terrible lui glacer les ailes, et, avant même d'avoir eu le temps d'avoir peur, ce fut fini.
Elle se trouvait dans une grande salle circulaire, les murs étaient en vérité des cascades et le tout était baigné d'une apaisante lumière bleue qui semblait sortir de l'eau. Deux Grandes Fées les attendaient.
"Navi, tu connais déjà la Divine Fée de la Force, qui réside au Mont du Péril, commença la Divine Fée du Courage, et voici notre soeur, la Divine Fée de la Sagesse que tu rencontreras à nouveau bientôt si nous parvenons à ramener Link, ce qui est peu probable.
- Bonjour Navi, dirent les deux fées.
- Bonjour, fit l'intéressée.
- Ramener Link as-tu dit ma soeur ? demanda la Fée de la Sagesse. Que signifie ?
- Que le Héros du Temps est mort mes soeurs, et que Navi est venue nous demander de l'aide.
- Nous n'avons aucun pouvoir sur la mort, que pourrions-nous faire ? dit la Fée de la Force.
- C'est pour que nous trouvions une réponse à cette question que je nous ai réunies ici. A présent, il faut chercher une solution, cette jeune fée compte sur nous.
- ... Il y a peut-être un moyen, murmura la Divine Fée de la Sagesse.
- Vraiment ? Lequel ? cria Navi qui commençait à perdre espoir.
- Nous n'avons certes aucun pouvoir sur la mort, mais les déesses, elles, sans doute, dit la Fée de Nayru.
- Absurde, à part nous, personne ne peut atteindre les déesses, objecta la Fée de Din.
- Je pense, moi, que, avec quelques pouvoirs en plus, Navi a le courage et la volonté nécessaires pour y arriver, dit la Fée de Farore, pensivement.
- Vous voulez dire... aller voir les Déesses, en personne, moi ? demanda Navi qui n'osait y croire. Mais par quel chemin ?
- La Triforce d'or, au-dessus de la porte du Temps, possède une ouverture qui te permettra d'accéder à la demeure des Déesses, répondit la Fée de la Sagesse.
- Pourtant, ça ne sera pas aussi simple, tu auras de nombreuses épreuves à surmonter, dit la Divine Fée de la Force qui ajouta, après un instant de réflexion : Mais j'ai quand même envie de tenter le coup. Je t'offre le Feu de Din, qui te permettra de mettre à bas tes ennemis.
- Moi, dit la divine Fée de la Sagesse, je t'offre l'Amour de Nayru qui protégera ton corps et ton esprit.
- Moi, dit la Divine Fée du Courage, je t'offre le vent de Farore qui ne te permettra pas de te téléporter, c'est inutile, mais qui te guidera en cas d'hésitation."
Navi reçut les trois dons et se sentit de plus en plus forte à mesure que les pouvoirs la pénétraient et s'insinuaient dans chacun de ses vaisseaux sanguins, jusqu'à ne faire qu'un avec elle. Elle se sentait puissante, bien plus puissante qu'elle ne l'avait jamais été.
"Il te faudra du temps pour trouver les Déesses et peut-être plus pour ramener Link. Pendant ce temps, nous soignerons son corps et l'empêcherons de pourrir, va, courageuse petite fée, va."

Les deux fées guérisseuses se reposaient sous un arbre, elles avaient joué toute la journée, découvrant avec délice un concept jusqu'alors inconnu : la liberté. La liberté de faire ce qu'elles voulaient : dans les Bois Perdus, elles étaient même tombées sur un homme, maigre à faire peur, les cheveux verts coiffés en piques, qui paraissait très mal en point. Elles lui avaient tourné le dos, reniant ainsi leur nature de guérisseuses. Maintenant, elles se reposaient. Depuis peu, elles se sentaient toutes drôles, comme si quelque chose changeait.
L'une des deux fées s'éloigna, tandis que l'autre dormait, elle explora un peu les alentours et découvrit un gouffre. Qu'y avait-il au fond ? Elle se pencha au-dessus du vide.
"Ma soeur, viens vite !" La deuxième fée l'appelait.
Alertée, elle revint en vitesse vers l'arbre où se tenait sa compagne, complètement paniquée.
"Que se passe-t-il ?
- Je me transforme, je deviens plus foncée, je grandis, que m'arrive-t-il ?"

C'était vrai, de rose elle virait au violet. La première fée, qui assistait impuissante à la transformation de sa soeur, se tordit soudain de douleur, elle sentait ses os pousser, sa peau s'étirer, elle se vit devenir plus claire, elle poussa un intense cri mêlé d'horreur et de douleur.
Et soudain, tout fut fini. Elle se redressa, elle voyait mieux, elle se sentait forte. Elle se sentait unique. Elle avait un nom.
"Grande soeur, dit la fée violette en face d'elle, j'ai un nom et je suis un mâle, c'est étrange.
- Oui petit frère, il semblerait que la liberté nous ait rendu fées uniques. J'ai moi aussi un nom. Je suis Taya.
- Et moi je suis Taël."
Il y eut un moment de silence.
"OUAH !!! C'est génial ! J'ai une identité ! cria Taël.
- Nous sommes libres, nous sommes uniques !"
Elles dansèrent un moment, riant et pleurant, avant de s'effondrer, épuisées mais euphoriques.
"Nous ne pouvons pas rester ici, reprit Taya après avoir retrouvé son souffle.
- Pourquoi ?
- Parce que ce n'est pas normal, nous n'aurions pas dû nous transformer, nous pourrions être punies.
- Ah. Que faut-il faire alors ?
- J'ai vu un gouffre pas loin, je n'ai pas réussi à en voir le fond. Je me demande si ce n'est pas une porte.
- Une porte ? Vers un autre monde ?
- Oui, je pense, et puis, qu'avons-nous à perdre ?
- Rien, effectivement. On y va alors ?
- On y va."

C'est ainsi que Taya et Taël, les deux ex-fées guérisseuses pénétrèrent dans Termina. Elles y entrèrent, et nul ne sait pourquoi, caprice des dieux ou du destin, elles firent un bond, sans s'en rendre compte, de sept ans en arrière.

Chapitre 3 : Les épreuves   

Rien. Cela fait des heures qu'il marche et rien. Il n'y a aucun changement dans le décor. Tout est gris. Il n'est même pas certain de se déplacer. Il marche. Il met un pied devant l'autre. Cela, il en est sûr. Mais avance-t-il ? Aucune idée. Il n'y a rien. Que du gris.

Navi hésitait. Elle était allée au Temple du Temps, avait trouvé l'entrée dans la Triforce et maintenant, elle hésitait. Elle était dans une salle immense, un hall gigantesque, avec une mosaïque de la Triforce au sol, au centre et trois portes au fond, une verte avec une réplique de l'Emeraude Kokiri gravée dessus, une rouge avec le Rubis Goron et une Bleue avec le Saphir Zora. Là était justement le problème. Laquelle choisir ? Navi hésitait. Elle ne voulait pas se tromper car quelque chose lui disait qu'elle n'aurait pas de deuxième chance. De plus, elle savait qu'il valait mieux ne pas froisser les Déesses dès le départ, or choisir une des portes, ce serait choisir une Déesse, et elle voulait avoir les trois de son côté pour ramener Link. Comment faire ? Navi réfléchit. Si au moins elle avait un indice, une indication...
Mais bien sûr ! Comment avait-elle pu ne pas y penser ? Navi invoqua le Vent de Farore. Aussitôt, une douce brise se mit à la pousser en direction... d'un des coins du hall, le plus petit, le plus dans l'ombre. En s'approchant, Navi distingua une porte en bois vermoulu, qui partait en miettes. Quoi, ça ? C'était cela l'entrée du Saint Royaume ? Heureusement qu'elle avait eu le Vent de Farore, sinon elle n'aurait même pas vu la porte. Navi entra. Elle se retrouva alors dans un vieux couloir rempli de toiles de skulltulas, des skullwatulas y étaient accrochées. Pas pour longtemps. Navi invoqua le feu de Din et les détruisit toutes. Son feu eut également pour effet de brûler les toiles, découvrant ainsi une porte que Navi passa. Elle pénétra dans une sorte de cratère de volcan. De la lave coulait en dessous d'elle et une porte se trouvait de l'autre côté du vide, assez loin. Navi s'en approcha en volant. Elle inspirait un air lourd et sulfureux. Elle s'arrêta, elle avait de plus en plus de mal à respirer. Elle tombait, tombait...
Je tombe, devant moi défilent des images, des maisons brûlent, la Forêt est en feu, le Bourgeon de l'Arbre Mojo est mort. Ils sont tous morts. Et moi, je tombe. Je tombe loin dans l'abîme. Au fond du gouffre. Je suis au fond du gouffre. Je tombe encore. Devant moi passent des images, des images mortes. Qu'était-ce ? Je l'ai oublié. Ça n'a aucune importance. Je tombe. Passe une image. Un jeune homme tombant, une flèche dans le coeur. STOP ! Cette image c'était Link. Je ne tombe plus. Je n'ai pas le droit de tomber. C'était pourtant si simple. Mais je n'en ai pas le droit. Je ne tombe plus.
Navi reprit conscience. Elle tombait et s'approchait dangereusement de la lave. Elle battit des ailes, mais les volutes de fumée l'abrutissaient trop. Dans un dernier effort elle invoqua l'Amour de Nayru. Aussitôt, elle respira mieux, elle se sentit libérée. Elle se savait entourée d'une aura protectrice et bienveillante. Elle battit à nouveau des ailes et cette fois, réussit à s'élever. Elle se dirigea vers la porte de sortie et la passa avec un soupir de soulagement. Ce n'était pas passé loin.
Elle se trouvait à présent dans une salle pleine de branches formant un enchevêtrement de bois et de feuilles. Avec prudence, Navi avança. Elle écartait les branches l'une après l'autre, doucement. Elle ne savait pas ce qui pouvait se cacher derrière ces feuilles, elle restait sur ses gardes. Soudain elle s'arrêta. Un bruissement. Elle était sûre d'avoir entendu les feuilles bouger. Il n'y avait pas de vent. Et pourtant... Navi se retourna d'un coup. Deux yeux rouges la fixaient, accompagnés d'une paire d'incisives gigantesques. Surprise, elle partit en vitesse se réfugier derrière une branche. Un rat ! Un rat énorme, sa tête était presque aussi grande que Navi. L'animal surgit soudain devant elle en feulant, paniquée elle partit à l'autre bout de la pièce. Il n'y avait pas de portes autre que celle menant au cratère. Si Navi voulait passer, elle allait devoir se battre. Le rat, à nouveau, apparut à ses côtés et tenta de la mordre, Navi sentit son haleine puante mais parvint à échapper aux crocs meurtriers. Elle partit à nouveau à l'opposé de la salle. Elle ne pouvait pas continuer à fuir. Elle devait faire quelque chose. Elle sortit de sa cachette pour l'affronter et il bondit derrière elle. Se retournant, elle lui envoya une boule de feu qui lui brûla le pelage, le rat secoua la tête et rugit. Navi, terrifiée, s'enfuit, comment pourrait-elle vaincre si sa seule attaque n'avait aucun effet sur la bête ? Elle se retrouva soudain à l'air libre.
Sans s'en rendre compte, elle était descendue et se trouvait à présent au-dessus d'un gouffre sans fond, elle était sortie des branches. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Un plan se formait dans sa tête. Elle leva les yeux. Aucune trace du rat. Il devait savoir qu'une chute dans ce gouffre lui serait fatale, et il évitait soigneusement de trop descendre. Elle allait devoir l'attirer ici. Déterminée, elle retourna dans le feuillage. Elle montait. Le rat apparut soudain devant elle, elle fit un écart et se planta devant lui. Il était vraiment répugnant. Elle se mit à sauter devant lui, à le charger, à le frôler avant de partir au loin. Cela énerva le rat, tant et si bien qu'il lui fonça à nouveau dessus. Elle refit un écart et recommença son manège. Plusieurs fois, elle manqua de se faire arracher les ailes, mais elle parvint, sans blessures, à mener le rat sur une branche qu'elle avait repérée au préalable, une branche assez fragile, la dernière branche avant le vide. A présent, elle attendait.
Le rat hésitait. Cette sale petite chose volante l'avait attiré jusqu'au Grand Noir et maintenant elle l'attendait avec, semblait-il, force moqueries. S'il s'écoutait, il retournerait illico en haut, à l'abri dans le feuillage, mais il avait tellement envie de sentir le sang de cette bestiole couler le long de ses babines, tellement envie de laver l'affront... qu'il posa une patte sur la fragile branche.
Ça y était presque, le rat s'était engagé sur la branche et il ne pouvait plus faire demi-tour. Navi lui fonça dessus et lui frôla le museau, le rat claqua des dents, mais Navi était déjà hors d'atteinte, à l'autre bout de la branche. Le rat s'engagea franchement sur la branche et avança prudemment. Ça n'allait pas, il fallait qu'il aille plus vite. Navi fit un soubresaut dans sa direction avant de reculer prestement. Elle fit cela deux ou trois fois et le rat montra les dents. Navi fit mine de lui tourner le dos et de s'éloigner, et la bête, folle de rage, bondit dans sa direction. MAINTENANT ! Navi glissa sous la branche et passa derrière l'animal, elle projeta une énorme boule de feu sur la branche qui s'effondra, le rat tenta de fuir, mais il était trop gros pour faire demi-tour sur cette petite branche et il tomba dans le vide.
Navi exultait. Elle avait gagné ! Elle vit un passage se former à l'opposé de la porte menant au cratère, elle s'y précipita...et se figea d'étonnement. Elle se trouvait dans le hall d'entrée, dans la première salle. Derrière elle, la porte verte venait de se refermer. Abasourdie, elle regarda autour d'elle, et aperçut alors un cercle de lumière, un cercle de téléportation, sur la Triforce de mosaïque. Avec hâte, elle y pénétra et se sentit soulevée.

Chapitre 4 : Les déesses   

Elle se trouvait désormais dans une prairie verdoyante, à l'image de la plaine d'Hyrule, mais l'herbe était plus verte, l'eau plus claire, la terre plus fertile. Il émanait de cet endroit une sensation de divine tranquillité. En face de Navi se trouvaient trois jeunes femmes magnifiques. La première, que Navi reconnut comme étant Nayru, avait de longs cheveux bleus qui lui descendaient jusqu'à la taille. Elle était vêtue d'une robe de soie fine, la ceinture était bleue et la robe avait des reflets de cristal. Son front était ceint d'un fin bandeau d'or auquel était fixée une petite réplique du Saphir Zora.
A sa gauche se tenait Din, ses cheveux rouges coupés courts encadraient un visage dur à la peau mate. Elle portait un pantalon bouffant aux reflets de bronze, un peu comme celui d'une Gerudo, et un haut noir à manches courtes. Ses poignets étaient ornés de bracelets de force d'or et son front était ceint du même diadème que Nayru avec cette fois, le Rubis Goron comme bijou.
En dernier, à gauche de Din, se tenait Farore, ses cheveux verts étaient coiffés en tresse reposant sur ses épaules, de chaque côté de son visage. Elle était drapée dans une robe verte moulante à manches courtes, aux reflets argentés et portait l'Emeraude Kokiri sur son front. Sur ses épaules, se tenait également, au milieu des tresses, le rat que Navi avait affronté tantôt. De loin et aussi sage, il était presque mignon. La déesse sourit et s'adressa à Navi :
"Et bien, jeune Navi, il semblerait que tu aies réussi à nous rejoindre, c'est assez exceptionnel, tu as même failli tuer mon rat.
- C'est que, Ma Dame, ma requête est d'importance...
- Oui, nous savons, l'interrompit Din.
- Comment ? Vous savez que Link est...
- Oui, Navi, nous sommes au courant, dit Nayru.
- Mais ? Vous...vous n'avez rien fait pour...
- C'est que, même si Link est le Héros du Temps et que nous avons à charge de le protéger, au moins jusqu'à la fin de sa quête, expliqua Farore, au moment où la flèche frappa Link, nous étions toutes trois occupées ailleurs, dans d'autres mondes...
- Et une fois mort, il échappait à notre protection... reprit Nayru.
- Tout ça pour dire que nous n'avons aucun contrôle sur les morts, finit Din.
- ... Mais alors... il n'y a plus aucun espoir ? ... Tout ça pour ri...
- Allons, un peu de courage, dit Farore, nous n'avons rien dit de tel !
- Mais ! Si vous ne...
- Laisse-nous donc finir, au lieu de nous interrompre sans cesse." la coupa Din.
Navi haussa un sourcil.
"Au lieu de quoi ?
- Il y a effectivement peut-être une solution, continua Farore.
- Ce serait que toi, tu ramènes Link, reprit Nayru.
- Moi ? Mais comment ?"
Din fronça les sourcils, ce qui fit reculer Navi, et ajouta :
"Il nous suffirait de t'envoyer dans la mort et de garder la porte ouverte, le temps que tu trouves le Héros.
- Tu es discrète, ça ne devrait pas poser de problème si la mort ne te voit pas.
- Allons, suis-nous" acheva Din.
Les déesses emmenèrent Navi de l'autre côté de la plaine, dans un endroit qui ressemblait assez au Lac Hylia, hormis le fait qu'un arbre gigantesque jaillissait de l'eau cristalline, et que le feuillage de l'arbre en question, qui était bien plus grand que l'Arbre Mojo, était enflammé. Les trois Déesses s'approchèrent de l'arbre en marchant sur l'eau et posèrent leurs mains sur le tronc, de façon à former un triangle, qui s'illumina d'une aveuglante lumière.
L'écorce se fendit, la fente s'élargit jusqu'à devenir assez grande pour laisser passer un Hylien. Il n'y avait rien dans l'ouverture. Que du gris.
Navi entra.

Chapitre 5 : Dans le Gris. Et Epilogue   

La fée avance, elle cherche. Elle n'ose pas appeler, il faut être discrète. Elle n'ose pas invoquer le Vent, il faut être discrète. Elle se contente de chercher, de scruter le gris qui l'entoure. Il y a tellement de gris. Elle cherche. Elle sait qu'elle finira par le trouver. Ils sont unis. Elle finira par le trouver, malgré l'immensité du gris qui l'entoure. Il y a tellement de gris. Elle a le temps. Ce temps qui lui faisait défaut dans Hyrule, ici n'existe pas. Elle a l'éternité pour trouver. Alors elle cherche.

Le jeune homme s'est remis à marcher. Il s'était arrêté. Lassé de mettre un pied devant l'autre en vain. Depuis combien d'heures, de jours marche-t-il, attend-il ? Il n'en a aucune idée. Il a perdu toute notion du temps, si tant est que le temps existât dans ce lieu, et il ne ressent ni la faim, ni la soif. Pourtant, un événement a brisé la monotonie du monde gris. Oh, presque rien, une sensation, une intuition, tout juste l'entrechoquement de deux molécules d'air. Mais dans le vide du milieu ambiant, le jeune homme l'a senti, et il s'est remis à marcher. Il cherche ce qui a pu causer cet infime bouleversement. Il cherche le papillon qui a peut-être provoqué la tempête.

"LINK", la fée accélère en direction de son Kokiri. Enfin elle le trouve.
"NAVI", le jeune homme court vers sa fée. Ainsi c'était elle.

"Suis-moi, Link, nous devons sortir d'ici, je connais un passage.
- Attends, Navi, explique-moi. Où sommes-nous ?
- Non, Link, je te le dirai une fois dehors. Promis.
- Bon. Je te suis."
La fée fait demi-tour et repart. L'homme la suit en courant. Ils avancent ainsi, côte à côte. L'un courant, l'autre volant, vers un point blanc qui prend la forme d'une porte irradiant de lumière, qui grandit. Qui aveugle. Qui approche. Qui grandit encore. Ça y est, ils ne sont plus qu'à un pas, le Kokiri avance le pied... Une main squelettique s'abat sur son épaule et le tire en arrière.
"Halte là, jeune héros ! fait une voix désincarnée, tu ne peux sortir d'ici."
L'interpellé se dégage et se retourne. En face de lui, une grande silhouette entièrement vêtue d'une cape sombre qui ne laisse voir aucune partie de son corps. A part une main. Desséchée. Qui tient une faux. La Mort.
"Tu m'appartiens. Tu es mort. Et tu ne peux sortir.
- Non ! Sa destinée n'est pas accomplie en Hyrule. Il doit revenir."
3 belles femmes, la Sagesse, le Courage et la Force sont apparues par la lumière, la fée à leurs côtés.
"Peu m'importe. Il est mort, il est sur mon domaine à présent. Il m'appartient et vous n'avez aucune emprise sur lui. Vous le savez.
- Il était sous ma protection, dit le Courage, il ne devait pas mourir.
- Piètre protection, car il est bel et bien mort." ironise la Grande Faucheuse.
Le Courage recule puis tente de revenir à la charge mais le Kokiri prend la parole.
"Vous dites n'importe quoi. Je n'appartiens à personne, surtout pas à la Mort, et je ne crois pas au destin, je ne suis gouverné par personne. Si je cherche les Sages, c'est uniquement pour contrer Ganondorf et sauver Hyrule, de mon propre gré ! Toi ! La Mort ! Je te défie ! Combattons. Si je gagne, je sors, si je perds, je m'engage à rester ici sans chercher à sortir. D'accord ?
- Imbécile ! Comment oses-tu me défier ? Serais-tu fou ?
- Fou ? Non. Mais je veux sortir d'ici ! Aurais-tu peur de la défaite ? la provoqua Link.
- Défaite ? Pauvre arrogant ! Viens donc, puisque tu veux te battre ! En garde."
Link sort son épée, prend son bouclier et attend. Les trois déesses reculent. La Mort arme sa faux. Les deux adversaires s'observent. Ils se tournent autour. Soudain, le Kokiri attaque, un coup horizontal. La Mort le bloque aisément avec le manche de sa faux. Tournant sur lui-même, Link donne cette fois un coup vertical, qu'il transforme en coup en avant pour surprendre son adversaire. Les deux coups sont bloqués. Cette fois, la Mort attaque, un grand coup de haut en bas, que Link évite d'un bond sur le côté, avant de bloquer la lame qui l'a suivie de son bouclier. Les deux adversaires rompent le combat. Ils se sont jaugés et savent désormais avoir affaire à un bretteur de valeur... Ils se jettent alors l'un sur l'autre, disparaissant dans un nuage d'étincelles, de poussière. Leurs mouvements sont trop rapides pour être vus à l'oeil nu. Les coups pleuvent, mais aucun des deux n'est blessé ni ne semble vouloir céder de terrain. Le combat dure. La fée cherche désespérément une ouverture pour intervenir mais tout va trop vite pour elle. Link évite la faux qui lui coupe malgré tout une mèche de ses cheveux blonds et donne un grand coup, d'une puissance rare. Et, contre toute attente, le manche de la faux casse ! La Mort recule, l'air complètement abasourdi. Le Héros, vite remis de sa propre surprise, attaque. La Faucheuse se défend. Désormais Link a l'avantage. La Mort est déstabilisée par la perte de sa faux. Il donne un coup à droite. Paré. Un coup à gauche. Esquivé. La Mort recule. Le Kokiri la traque. Ne lui laisse pas un instant de repos.
La fée, enfin, peut intervenir. Elle envoie une boule de feu sur la Faucheuse qui se retourne. Elle ne s'attendait pas à cette attaque. Link profite de son inattention et lui enfonce l'Epée de Légende dans le corps. La Mort regarde Link, la lame fichée dans son manteau et baisse les bras.
"Bravo, Héros. Tu as gagné. Reprends ton épée."
Link récupère son épée et la met dans son fourreau. Il est essoufflé. Le combat a été rude. Le Courage s'approche. Un grand sourire sur les lèvres.
"A présent, tu peux partir. Retourne dans le Temple de l'Ombre.
- Un instant. J'ai perdu, c'est vrai. Mais j'exige une compensation."
La Mort s'interpose entre Link et la sortie.
"Que veux-tu encore ?
- Ta mémoire.
- Ma mémoire ?"
La Mort acquiesce.
"Nul homme n'a jamais pu se vanter d'avoir vaincu la Mort. Nul homme n'a jamais pu ressusciter. Il faut que cela soit et reste. Je te laisse partir. Mais je veux que ni toi, ni ta fée, vous ne vous souveniez de cette aventure.
- C'est inacceptable ! dit la Force en s'avançant, le Héros du Temps t'a battue, il a droit à sa victoire.
- Non. Je comprends, dit Link. Il faut que la mort reste définitive dans l'esprit des gens. Pour qu'ils gardent l'envie d'avancer. De faire des choses avant leur décès. J'accepte.
- Nous en profiterons pour retirer à Navi ses pouvoirs, qui font d'elle une fée au dessus de sa condition."
C'est la Sagesse qui a parlé. Navi acquiesce. La Mort avance ses mains vers la tête du Héros.
Y appose ses paumes...

***

Link se releva et se dirigea vers la porte à la serrure d'or. Il y eut un sifflement dans l'air. Le Héros dégaina son épée, et la flèche vint se briser sur la lame. Link se précipita vers la colonne d'où était venue la flèche et occit l'archer. Navi arriva. Il la salua d'un signe de tête. Ensemble, ils passèrent la porte. Sous les pieds du Héros, vibrait un tam-tam.

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Lobalùz". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.