L'on n'avait pas prévenu l'opiniâtre et belliqueux chercheur de poux que je suis.
Et fidèle à moi-même, je ne vais pas suivre la voie de tous, et m'engouffrer dans l'idée folle qui est la mienne d'aller à rebours de ce sujet et de ses ignominieuses inepties. Loin en avant et en arrière à la fois de ces duels implacables auxquels je ne trouve parfois ni sens ni raison, j'ai parfois l'envi de me lancer dans une diatribe solitaire, celle d'un Salem partagé entre la rage qui lui motive la référence venimeuse à la lie de humanité et la tentation d'un lyrisme rédempteur.
J'ai donc raté le premier "duel", n'arrivant pas à temps pour faire claquer bien haut dans l'azur surplombant notre palais la bannière de mon jeu préféré : M'sM. Mais je me plie moi-même au vocable esclavagiste. Car de duel, il n'en est aucun en la présente, car faire s'affronter OOT et M'sM, revers d'une même médaille, ne relève que de l’artificialité la plus facile et la plus éhontée. Mais si le rouquin s'amuse à faire folâtrer les fans dans des combats de coqs, grand bien lui en fasse.
OOT l'épopée et M'sM l'intimiste ne sont que les deux faces du même diptyque mythique. Si les comparer est fécond, les opposer est stérile. Et même si je préfère le second, de par ma sensibilité personnelle et le passé qui est le mien, je ne me ferai pas l'outrage de plier l'échine devant ce poison occidental qu'est cette pensée dialectique qui veut faire triompher, au terme d'un duel eschatologique, un absolu sur un autre.
Bien, je vais m'imposer en revanche de faire court pour me lancer après ce geste désespéré dans le second duel.
OOT est l'histoire d'un héros, et je n'aime pas les héros. Ils n'ont, à l'instar d'Achille ou d'Hercule, d'intérêt que dans leur déclin. Et dans OOT, jamais ne décline le Héros du Temps, au grand jamais ! Il faudra attendre M'sM, jeu à taille humaine et loin des prétentions messianiques de son aîné pour se voir débattre dans le linceul des dieux les stances d'un jeune homme perdu dans ses tourments et dans ses doutes. Loin de sauver le monde, Link se retrouve ainsi plongé dans une quête infiniment plus personnelle.
Dans la même veine homérique, toute l'ambiance d'OOT gravite autour de son Messie, héros appelant de ses vœux ses glorieux épigones. L'ambiance de M'sM n'a cure des velléités de son protagonistes, et c'est en tant qu'horizon inatteignable que le monde devient le théâtre d'une absurdité que jamais Link ne comprendra et encore moins maîtrisera. Triomphe nietzschéen qui donne à son monde une âme propre. Car si OOT pose, à raison, les jalons d'une saga épique, M'sM joue la carte de l'outsider, promeneur solitaire perdu dans ses rêveries pour ressortir grandi et ainsi sublimer la saga dont il s'est ostracisé.
Enfin, pour clore dans la béate consternation, cette bien courte défense du jeu qui m'a vu monter au créneau à chaque fois qu'il se fût agi de porter ma plume à son service, il s'agit de dire un dernier mot. C'est que de l'onirisme qui donne à M'sM cette identité si particulière naît la poésie, seule échappatoire à la cruauté d'un monde absurde qui s'étiole au rythme d'une mélodie de trois jours ; et cette poésie s'envole dans la fuite sans hâte du temps pour faire pousser dans la transe d'un Majora et la solitude de ses héros la vermeille passerose de notre assentiment passionnel à ce jeu qui, finalement, nous prend au tripes.
***
Après cet ébat solitaire d'un rêveur sortant d'outre-tombe son jeu préféré, et sans la moindre transition, afin de respecter la brutalité qui sépare les duels, je me lance à corps perdu dans le second.
Et d'emblée, un certain sourire gêné vient rider les traits de mon visage fatigué. Car, ironiquement, ici, l'idée de duel peut faire sens alors même qu'il oppose les deux faces d'une même pièce, pour citer sans guillemets la princesse hylienne.
L'idée première qui fut la mienne était de troller sans vergogne, invoquant le registre grivois et un humour des plus gras pour répondre sans le faire tout à fait à la question épineuse qui impose de faire un choix.
Soyons honnêtes : je n'ai jamais aimé Zelda. Et Link non plus, d'ailleurs. Je l'ai mentionné plus haut : Link (sauf dans LA et M'sM) est un héros, et je n'aime pas les héros. Quant à Zelda, ce personnage ne m'a jamais séduit. Sauf peut-être dans sa faiblesse avouée qui révèle paradoxalement toute sa force, dans sa reddition narrée dans TP. A vrai dire, je l'ai toujours plus vue comme une potiche qu'un personnage véritablement intéressant. Mais là, se pose la vraie question : QUELLE Zelda ? Car entre la sainte ni-touche d'ALTTP, la souveraine de TP, l'exilée d'OOT, le garçon manqué de TWW et l'ado survoltée de SS, on se retrouve à choisir entre les poireaux et les courgettes - je préfère les courgettes. J'ai une sympathie toute distante envers la Zelda TP, une certaine affection pour celle de SS, j'apprécie quelque peu Tetra, Sheik me plait bien, et j'ai toutes les autres en horreur. Je botte en touche.
Midona, inutile de le cacher, je l'aime beaucoup. Sans doute parce qu'elle est le seul vrai personnage humain du jeu avec Xanto. D'ailleurs, si Linkorange a l'idée d'opposer Xanto et Agahnim, je signe sur-le-champ pour le premier. Et sans doute vais-je surprendre, mais je la préfère sous sa forme maudite. Princesse du Crépuscule, peut-être, mais elle est un personnage qui faillit, et à plusieurs reprises ; l'anecdote n'étant pas banale, je tiens à la signaler : Midona est une meurtrière, elle tue Xanto, de rage, alors que ce dernier est épuisé et désarmé. Et sans doute est-ce là un point qui ne peut que me charmer. Éminemment égoïste, elle diffère moins de son usurpateur que Zelda de Ganondorf. Midona est un de ces personnages qui ne peuvent être inclus dans le vaste siphon de la série, elle est condamnée à rester enchaînée à son opus, qui lui est éponyme, car elle ne peut s'en départir et inversement. Zelda TP, c'est moins l'énième sauvegarde l'intégrité d'Hyrule face au mal que l'histoire des pérégrinations d'une princesse maudite avec un berger doué à l'épée.
M'sM, encore lui, m'offre par ailleurs le plaisir de ne pas voir Zelda. Certes, on ne peut échapper au flash-back, mais une fois celui-ci expédié, plus de Zelda. Et, au risque d'être sec, ça fait des vacances. Je fais un petite exception pour Sheik, Tétra et Zelda SS (quoique...), bien que le premier soit bâclé et que la seconde ne fasse que très peu profiter de sa présence ; fût-ce achever cette agaçante princesse, le traitement psychologique de Tétra la rend trop distincte de son alter-égo, lequel cantonne Zelda dans son rôle éternel : potiche. Quant à Sheik, s'il est intéressant, on ne s'y attache pas vraiment, et OOT ayant pris le parti de ne pas rendre son aventure trop intimiste, le suicide psychologique est achevé. Zelda SS est sympathique. Jusqu'à ce que Ghirahim intervienne : non seulement il vole le charisme à la totalité des personnages du jeu, mais en plus il la réexpédie aussitôt au rang de carotte pour hamster, le hamster étant, bien entendu, le héros. Et si l'exemplaire de TP présente une noblesse indéniable, elle pâtit de l'omniprésence de Midona. Mais pour le coup, elle, ce n'est pas une potiche.
Bon... Autant conclure rapidement. Midona, donc, autant par la sympathie que j'ai à l'égard de ce personnage tantôt insupportable tantôt adorable que par l'urticaire que me donne Zelda. Sauf quand elle se transforme en homme ou qu'elle essaie de se taper Link, mais là, c'est une autre histoire...
Edit :
Linkorange a écrit :Si je faisais un duel "Link VS Tingle", à part quelques trolls, tous les gens voteraient Link à coup sûr
J'aurais, en toute honnêteté, voté Tingle.