Hum... A vrai dire, je suis assez embêté. Et ce que parce que si ton duel peut donner lieu à des remarques intéressantes, il est, à l'accoutumée, très mal posé.
Mon exécration pour les comparaisons artificielles n'est plus vraiment inconnue. Cependant, le duel et ce qu'il peut représenter pose la question de savoir si la comparaison mérite réellement le qualificatif d' "artificielle". Et cette interrogation n'est pas conséquence, car d'elle dépend ma réponse. Je ne suis pas décidé. Je répondrai certainement selon le sentiment qui me prendra au cours de l'écriture de ce message ; il n'est, naturellement, pas exclu que je change mon vote en fonction de l'évolution de la discussion. Il ne s'agit pas d'une abstention.
A mon habitude, c'est évidemment par les inepties contenues dans la description du duel que je commencerai :
Le premier d'une longue série, ou le si injustement surnommé le vilain petit canard ?
La périphrase désignant LOZ est hors de propos, elle n'apporte rien dans ce duel et n'oriente aucunement le sens de celui-ci. Quant à AOL, dans le sillage d'Anarith, je refuserai le sobriquet dépréciatif de "vilain petit canard". Le problème essentiel de ce duel, c'est que rien ne justifie en apparence la mise en regard de LOZ par rapport à AOL. Serait-ce alors le fait qu'ils se partageassent la NES ? Auquel cas, pareille opposition n'aurait guère de sens. Je me suis borné au conditionnel, car une sortie, que je confesse trouver assez noble, me semble envisageable.
Pour rendre fécond ce duel, dont je présage que LOZ sortira vainqueur, il m'apparaît que ce sont plutôt les concepts générateurs de LOZ et AOL qu'il faudrait mettre en regard. Non pas les faire s'affronter dans ce qui s'appelle d'autant plus improprement un "duel", mais bien leur faire se serrer leurs mains rivales sur le pont d'une Elbe vidéoludique. Je remarque au passage qu'il s'agit du 3e duel (sur 5...) pour lequel je trouve l'appellation "duel" totalement inepte. On n'en a pas fini avec le fanatisme dialectique...
Soit. Je ne ferai aucun commentaire sur la difficulté de ces jeux. Je ne me spolierai pas dans des pétards mouillés.
AOL, c'est avant tout une preuve de courage. Du courage, car un tel revirement dans l'identité même d'un jeu, ça ne se ferait plus aujourd'hui, pour ne pas dire que ce serait un véritable suicide. LOZ et AOL illustrent à leur manière l'époque archaïque du jeu vidéo à travers un même nom. Oser, d'un opus à sa suite, virer de bord avec une telle brutalité n'est plus d'usage au jour où le marché est un pays colonisé et non plus la terre vierge où très naïvement les jeux d'antan plantaient leur drapeau. Le monde du jeu vidéo était à construire, un univers s'ouvrait devant les créateurs. Les expériences d'alchimistes et les errements à tâtons furent ce par quoi les codes gagnèrent, au fil des années, la consistance d'un corps de chêne. A l'heure d'aujourd'hui, les essais et les explorations sont devenus des dieux en déroute et se perdent dans le panaches de quelques météores. Et dès lors que les séries acquièrent leur essence propre, véritable étendard dans le vaste champ de bataille d'un marché en explosion, elles n'y renoncent plus. Et agrippées au fantôme de leurs illustres ancêtres, elles se confondent dans les affres d'un Skyward Sword ou d'un Metal Gear Solid 4, les yeux rivés sur leur passé.
AOL était une de ces expériences, l'un de ces paris au temps où le risque qu'une telle entreprise fût fatale menaçait peu. Et AOL est en cela l'un des jeux essentiels de la série, indissociable des deux jeux qui l'encadrent. Unique par ses prétentions, il les enverra à jamais au cimetière. C'était là un sacrifice certainement nécessaire pour que voit un jour A Link To The Past ; du doublet originel de LOZ et AOL et du coup de poignard que se porte le second, s'exhume l'essence de la série. Jamais plus on y touchera. Si par son ambiance, le couple maudit LA-M'sM part naviguer dans ses propres eaux, il y va armé d'une "zeldaité" née de la confrontation première.
AOL se distingue de son prédécesseur en deux points essentiels.
- le game-design en 2D horizontale et non plus en 2D verticale (c'est en fait une fausse 3D isométrique).
- son gameplay
Je vais faire peu de cas de la première différence majeure. Il est juste notable qu'en abandonnant la 2D horizontale, Miyamoto a scellé jusqu'à ST l'identité graphique des Zelda, non pas en 2D (PH et ST sont en 3D isométrique) mais sur console portable. A ce titre, il est assez amusant de voir que ALBW a ressuscité l'horizontalité et la 2D, tout en la fondant dans une 3D isométrique tout droit héritée de LOZ. LBTW, c'est en quelque sorte la réconciliation après plus de 25 ans de LOZ et d'AOL.
Concernant le gameplay, AOL a été sa propre guillotine. Si le jeu aurait pu se satisfaire à lui-même, il ne peut en être autrement dès lors qu'on l'insère dans la grande histoire des jeux Zelda. Car AOL marque le moment précis où, en termes de gameplay, Zelda est allé voir ailleurs pour ne plus jamais retenter l'aventure.
La suite est un peu plus dure à manier, surtout pour moi, car elle fait intervenir des choses qui ont bien changé depuis 20 ans. Est-il, en effet, évident de prétendre que Zelda (tous jeux confondus) est un RPG ? Certainement pas, car aujourd'hui le genre du (MMO)RPG est devenu synonyme de personnalisation de l'avatar au rythme d'une progression par expérience. Or, initialement, le RPG ne désigne rien de plus qu'un jeu où l'on joue un rôle, celui d'un personnage qui évolue. Et si Zelda entre dans cette catégorie de jeux vidéo, au même titre que Mario ou Prince of Persia voire GTA, il est quasiment un cas d'école. Zelda est une série à part entière car elle a fondé son propre concept, qui oscille entre le RPG au sens actuel et le "jeu d'aventure", genre dans lequel Prince of Persia s'est retrouvé relégué. L'esthétique de Zelda est celle d'un RPG, mais son gameplay est celui d'un jeu d'aventure en ceci que la progression du personnage ne fait à aucun moment intervenir une quelconque personnalisation mais se fait par l'obtention d'objets qui permettent d'avancer dans l'aventure. J'oserai même prétendre que Zelda est un genre où, à part ses copies et Okami*, il est quasiment seul.
*Okami fait intervenir un ersatz de personnalisation mais elle est extrêmement limitée, et surtout la progression se fait exactement sur le même mode que dans Zelda.
AOL fait exception. Et, quitte à me répéter, c'est la seule. AOL est le seul Zelda qui soit réellement un RPG, et en cela, rétrospectivement, il n'est pas vraiment un Zelda. Paradoxalement, ce jugement ne peut être fait que parce que, précisément, AOL a permis de manière négative de définir ce qu'était un Zelda. C'est ce que j'entends par "AOL a été sa propre guillotine". Et en cela, opposer, au sein d'un duel sur Zelda, LOZ et AOL n'a aucun sens. Vous ne pouvez pas préférer le gameplay dont AOL a été le seul représentant sans vous désolidariser de l'identité de Zelda que la négation même du gameplay d'AOL a permise ; de part ce fait, vous ne pouvez que lui "préférer" LOZ. Sinon, vous ne joueriez pas à Zelda mais à The Elder Scrolls.
Il ne s'agit évidemment pas de dire qu'il faille absolument choisir entre une école et une autre. Ceux qui me connaissent savent que je joue avec un même entrain à des RPG radicalement différents que Skyrim, The Witcher, Xenoblade Chronicles ou The Last Story (ces 4 jeux représentant déjà chacun une manière différente d'appréhender le genre du RPG offline). Par ailleurs, ce que je suis en train de faire en ce moment précis, à savoir répondre dans un sujet sur Zelda, témoigne de mon allégeance à cette série. Mais le fait est là, il faut garder une certaine honnêteté intellectuelle : AOL a été la dérive, au sens positif, de Zelda vers d'autres rivages. L'histoire l'a ramené dans la définition que s'était inventée LOZ au sein même du genre RPG. Aujourd'hui, en 2013, d'autres définitions du RPG ont triomphé, et ont repoussé Zelda dans ce genre à part qui est le sien. Un genre qui refuse l'expérience et la personnalisation ancrée dans le gameplay afin que, silencieusement, l'on s'identifie au héros sans le dessiner à notre dessein.
LOZ et AOL ont joué tous les deux leur rôle dans cette petite histoire qui n'a pas manqué de rejoindre la grande. Zelda a sans doute perduré à travers deux décennies grâce à la force de singularité insufflée par ces deux jeux dans leur successeur direct : ALTTP. ALTTP allait bientôt céder le pas à l'épopée d'OOT et de ses glorieux successeurs tandis que OOA/S, TMC, FS, PH, ST et maintenant ALBW reprirent le flambeau d'une certaine naïveté originelle ; dans le paysage héroïque de la série se dessine la modestie de LA-M'sM sans que pour autant ce couple se départisse de sa zeldaéité.
Sans doute serait-ce un geste de gratitude que de tendre une main à AOL pour le réintégrer dans l'histoire aux côtés de laquelle il s'est condamné à errer. L'héroïsme de LOZ et AOL réside dans ce mouvement d'éternelle opposition. L'éclatement de l'un d'entre-eux aura consacré l'autre, assurant le triomphe pour plus de 20 ans d'une saga aux accents légendaires. Je vais céder à mon goût prononcé pour les métaphores florales et ainsi affirmer que la germination permise par la décomposition d'AOL dans le terreau de Zelda a donné naissance à une fleur magnifique.
Je n'ai pas spécialement aimé AOL. Pour des raisons évoquées précédemment et qui n'affectent que ma sensibilité personnelle, j'ai pris un plus grand plaisir à jouer à LOZ. Mais je ne voterai pas pour ce dernier. Je me l'interdis.
Fût-ce un geste chevaleresque, fût-ce seulement un humble remerciement, tirant sur ma bouffarde terminienne, je vote
AOL.