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La légende de Zelda : le château par-delà les montagnes

Ecrit par Miroir en 2006
Prologue : L'horreur dans un village insouciant
Chapitre 1 : Le retour de la paix
Chapitre 2 : La décision
Chapitre 3 : Réminiscences
Chapitre 4 : Les montagnes...
Chapitre 5 : A la recherche d'un autre royaume
Chapitre 6 : Où l'on en apprend un peu plus sur l'esprit et l'ombre
Chapitre 7 : Celles qui savent parler le vieil hylien
Chapitre 8 : Visite chez des frères de sang
Chapitre 9 : Le départ vers l'inconnu
Chapitre 10 : La grande ascension
Chapitre 11 : Le château des endormis
Chapitre 12 : La flamme de l'Indomptable s'éteint
Chapitre 13 : Un monde de désolation
Chapitre 14 : Le Gardien d'Orse
Chapitre 15 : Le Sheikah
Chapitre 16 : Esternal et Esternel
Chapitre 17 : La trahison du peuple de l'ombre
Chapitre 18 : Vers Hyrule
Chapitre 19 : L'héritier du Feu
Chapitre 20 : Avant qu'Hyrule n'existe...
Chapitre 21 : La colère des dieux
Chapitre 22 : L'ultime chance
Chapitre 23 : A l'aube du sixième jour
Epilogue : Dans l'éther, la paix

Avant-propos : Je me suis inspirée du décor de Ocarina of Time pour écrire cette fic. Pour situer chronologiquement l'aventure, elle se passe quelques mois après la victoire de Link sur Ganondorf; c'est donc la suite de OOT. Cela signifie que dans mon histoire Link n'est jamais retourné dans le passé après cet événement et que de plus, les Sages ne sont pas obligés de rester dans le Saint Royaume. Donc Majora's Mask n'a jamais eu lieu dans cette chronologie. Ma fiction n'est pas non plus un prélude à The Wind Waker.
Tous les personnages sont évidemment totalement fictifs.
Si vous êtes insomniaques et que vous n'aimez pas les récits bourrés de longues explications alors no problem, mon histoire est pour vous le somnifère parfait ! Bon ben, bonne lecture quand même !

décordécor

Prologue : L'horreur dans un village insouciant

Ce village est un magnifique lieu où règnent la paix et la nostalgie des temps passés. Mais à l'est de ce village se situe le cimetière. Les habitants n'y vont jamais. Ils ne veulent pas se rappeler les temps durs qu'ils ont vécus lorsque le Seigneur du Malin était au pouvoir. De plus, les fantômes - autrement appelés esprits et âmes - de ceux qui sont morts violemment errent entre les tombes, même en temps de paix, et même si les pouvoirs de l'Esprit et de l'Ombre sont entre les mains de deux Sages bienveillants.
Mais ce qu'il y a de plus inquiétant, ce n'est pas le cimetière, mais ce qui s'y trouve derrière...
Peu de villageois connaissent l'existence de cet endroit, et en parler est un tabou. C'est le temple maudit des vivants, la maison des morts, des ténèbres souterraines : le Temple des Ombres. La paix est revenue, mais dans les profondeurs de ce temple, en son centre, une énergie morbide, macabre et effrayante grandit. La paix risque de ne pas durer longtemps, et bientôt chaos et ténèbres seront de retour... L'énergie des morts...

Chapitre 1 : Le retour de la paix   up

Grâce aux deux fragments de la Triforce, celui de la Sagesse et celui du Courage (l'autre fragment, celui de la Force, ayant été emporté par Ganondorf dans sa prison au Saint Royaume), grâce aux pouvoirs des sept Sages également, le bourg et le château d'Hyrule avaient été entièrement reconstruits, et étaient identiques au bourg et au château d'Hyrule d'il y a sept ans.
Partout en Hyrule c'étaient fêtes, rires, kermesses, carnavals, défilés de toutes sortes, grandes bouffes réunissant tous les peuples d'Hyrule. Toutes les races se confondaient dans une masse immense dansant jusqu'au bout de la nuit sur la place du marché.
Le Héros du temps ainsi que les sept Sages étaient portés en triomphe à travers toute la province. Des statues à leurs effigies avaient même été érigées en leur honneur et tous les jours, des prières étaient faites à l'adresse des huit héros et à celle des Dieux. Des offrandes étaient également déposées au pied de ces statues, pour que les divinités fassent à jamais régner la paix sur ce monde qu'elles avaient créé. Les Hyruliens (c'est comme ça que l'on nomme les six peuples d'Hyrule réunis) n'avaient jamais été aussi pieux que maintenant, à croire qu'il avait fallu une grande période de pauvreté et de deuil pour qu'ils retrouvent de nouveau la foi.
Bref, l'allégresse risquait bien de durer encore des mois, car maintenant la paix était revenue, et ce, à jamais. En tout cas, c'est ce que tout le monde pensait...

Chapitre 2 : La décision   up

Link se leva de bonne heure ce matin-là. Il avait l'intention d'aller se reposer et méditer au Temple des Esprits. Il se prépara, prit une collation bourrative et sortit de sa cabane. Il avait décidé de rester dans la forêt Kokiri avec son amie de toujours, Saria, Sage de la Forêt, afin de protéger les bois et son peuple. Link avait révélé son identité aux enfants, qui avaient été ébahis de voir que leur ami d'enfance avait grandi, et qu'il était en réalité un Hylien et non un Kokiri.
"C'est pour cela que tu n'avais pas de fée !" avaient-ils finalement conclu tous en choeur.
Chaque soir autour d'un feu, Link racontait aux enfants tout ce qui lui était arrivé depuis qu'il avait quitté la forêt sept longues années auparavant. Il faut dire que les bambins ne se lassaient pas d'entendre ses aventures. Ils rêvaient eux aussi de devenir de grands guerriers un jour.
"Mais vous savez, n'avait cesse de répéter Saria, nous avons été créés sous le signe de la déesse du Courage, Farore, donc nous sommes tous très courageux !"
Ils admiraient également Saria car, bien qu'elle eut le même âge qu'eux, c'était une personne puissante chargée de protéger la terre d'Hyrule.
Link alla trouver son amie dans la cabane. La fillette était déjà réveillée car elle attendait le jeune homme. Lorsqu'elle le vit entrer, elle l'accueillit chaleureusement, comme elle avait toujours l'habitude de le faire :
"Bonjour, Link ! Comment qu'ça va aujourd'hui ? Bon, je vais m'occuper de nos amis de la forêt comme tu me l'as demandé. Seras-tu parti toute la journée ?"
Link se positionna sur un genou à la hauteur de la petite fille et posa les mains sur ses épaules. Il la regarda ensuite longuement, détourna et hocha la tête, l'observa de nouveau, sourit légèrement et réussit finalement, au bout de longues minutes, à aligner ces mots :
"Oui, je serai parti toute la journée. J'ai autre chose à te dire : ton pouvoir fait que Bojo, le bourgeon de l'arbre Mojo, pousse très vite. Il a en lui la puissance et le savoir de son père. Aussi quand il aura suffisamment grandi, je considérerai que toi et lui êtes assez pour protéger la forêt ainsi que les Kokiris; et alors, je partirai.
- Link, répondit Saria qui commençait déjà à verser des larmes, tu ne vas quand même pas repartir, pas encore ! Et où iras-tu ?
- Je ne le sais pas encore pour l'instant. Mais maintenant que je n'ai plus aucune obligation, je veux connaître le bonheur d'être indépendant, de faire ce que moi seul désire faire, et rien d'autre. Je resterai à Hyrule, mais je serai libre comme personne ne l'a jamais été... Et mon instinct me dit que je dois partir de cet endroit. Je le porterai toujours dans mon coeur, mais je ne peux rester ici, c'est plus fort que moi.
- Quoi ! Mais c'est impossible ! Link ! Non !
- Mais ne t'inquiète pas ! répondit le jeune homme d'un ton à la fois rassurant et sévère, je viendrai vous voir de temps à autre. Tout cela ne devrait se faire que dans un ou deux ans maximum; quand la pousse de l'arbre Mojo aura atteint sa maturité, pas avant. Je peux bien attendre deux ans !"
Saria pleurait à chaudes larmes. Link tenta de consoler la fillette, en vain. Finalement, la petite fille se ravisa et ravala ses larmes.
"Très bien, Link, reprit-elle, je m'y résous, et tous les Kokiris s'y résoudront eux aussi. Tu as fait suffisamment pour nous et pour tout le reste du royaume, maintenant, il est temps que tu connaisses la liberté et la joie de faire ce que tu veux ! Plus rien ne te retient ici désormais !
- Merci, mon amie, s'écria Link en l'embrassant sur les deux joues. Mais ne t'en fais pas, vous me reverrez ce soir. En attendant, ne dis rien aux autres à propos de mon futur départ. Il n'est pas encore temps."
Saria fit un petit "oui" de la tête et Link partit de la cabane sans dire un mot.
Une fois dehors, il huma l'air pur des bois et s'enfuit du territoire sylvestre, non sans un point au coeur. Il s'était fait violence pour avouer cette décision à son amie d'enfance, et cela serait encore pire lorsque le moment de l'avouer aux autres habitants de la forêt viendrait. Mais, au bout d'un long moment, il se résigna. Il sortit son ocarina de sa poche et joua l'air que lui avait appris Malon afin d'appeler sa jument Epona, que le bel homme avait confié à la jeune fermière car elle savait en prendre soin comme personne. Il voulait ainsi faire une belle balade à travers la verte étendue jusqu'à la vallée Gerudo et, arrivé à l'orée du désert, se téléporter grâce à son instrument jusqu'au Temple des Esprits, puisque la traversée du fleuve de sable était une tâche épuisante facilement contournable.

Chapitre 3 : Réminiscences   up

Cela faisait maintenant une dizaine de minutes que Link galopait en direction du territoire gerudo. Le vent lui fouettait délicatement le visage et il adorait la sensation que cela lui procurait. Une sensation de liberté, d'indépendance, comme si personne ne pouvait le forcer à faire quelque chose qu'il ne voulait pas, comme si personne ne pouvait lui donner des ordres.
Le vent divin caressait également la tête d'Epona, qui savourait chaque instant de cette chevauchée. L'air était pur et frais, le soleil était à son zénith, bien que ce fut le matin. La jument, ravie de cet air, accélérait de plus en plus pour se défouler. Link lâcha alors les rênes et leva les bras vers le ciel sans aucune peur. Puis il ferma les yeux et cria : "Je suis le roi du monde !". Il laissa sa bouche grande ouverte pour avaler l'air. Il était tellement heureux qu'il se remit à crier de plus belle. Des cris de joie que même ses pires souvenirs ne pouvaient gâcher.
Ils arrivaient maintenant à l'orée de la Vallée lorsqu'une pensée, ou plutôt un souvenir, vint germer dans la tête du cavalier. Ce souvenir fut si fulgurant qu'il empoigna net les rênes du cheval et tira dessus d'un coup si sec que l'étalon se dressa sur ses deux pattes postérieures, ce qui faillit faire chuter le héros en arrière. Mais l'animal se calma, et Link le rassura en lui caressant la crinière et en lui murmurant des excuses.
Link réfléchit un instant. Une image lui avait traversé l'esprit : c'était ce souvenir de lui, enfant, au château d'Hyrule pour la première fois. Et il regardait le bâtiment aux toits verts, ainsi que les montagnes alentour. Ce souvenir, cette image étaient flous mais cela ne lui était pas revenu en tête pour rien. Il changea alors de direction et fonça vers le bourg d'Hyrule.

Chapitre 4 : Les montagnes...   up

Arrivé en ville, Link sauta à terre et se mit à marcher en compagnie de son animal, rênes en main. La ville était bien agitée, mais il faut dire que les habitants étaient devenus matinaux depuis la victoire du Héros. Ils ne dormaient presque plus tant ils faisaient la fête en l'honneur des Dieux, des Sages, et bien entendu, en l'honneur de Link.
Celui-ci se fit d'ailleurs des frayeurs. S'il passait au milieu de la foule, tout le monde allait sans aucun doute le reconnaître et le poursuivre pour le toucher, lui faire des louanges, lui demander des autographes...
Lui qui avait connu tant d'aventures n'aspirait plus maintenant qu'à la tranquillité, malgré le fait que les habitants ne lui voulaient aucun mal. Mais de toute façon, il devait trouver une solution avant que quelqu'un ne le repère. Il réfléchit alors et finit par trouver : il ordonna à Epona de retourner au ranch, ce qu'elle fit sans rechigner, bien au contraire, car c'était un animal sauvage qui craignait la foule. Puis il sortit son ocarina afin de se téléporter au Temple du Temps.
L'entrée du temple était surveillée par deux gardes, et ses alentours étaient interdits d'accès. Link n'aurait qu'à raconter n'importe quoi aux soldats, et ensuite, il ne lui resterait plus qu'à escalader les grilles entourant le temple et son parc du côté nord pour se retrouver dans la cour du château d'Hyrule, lui aussi interdit d'accès à quiconque, sauf, bien sûr, aux membres de la famille royale, aux Sages et à Link.
Au loin, on pouvait entendre la fête battre son plein : les rires, les cris des Hyruliens et les cantiques chantés en vieil hylien (langue qui s'est éteinte il y a de cela cent cinquante ans pour devenir plus facile et se moderniser. Aujourd'hui, il ne reste plus de cette langue que des cantiques et des livres, ainsi que des inscriptions effacées par le temps dans les Temples d'Hyrule; la dernière personne parmi toutes celles qui n'aient jamais su faire des thèmes et des versions d'un idiome à l'autre est décédée depuis une quinzaine d'années déjà) devenaient de plus en plus forts à chaque minute. Dans son inconscient, Link aurait souhaité se mêler à la foule et s'amuser lui aussi. Car, malgré son apparence de jeune homme dur que lui avaient laissé les nombreux dangers qu'il avait dû affronter seul, il n'en demeurait pas moins une âme sensible et profondément philanthrope.

Le jeune Hylien venait d'arriver à l'endroit de ses souvenirs : il s'agissait de l'aile droite du château, là où il avait rencontré le propriétaire du ranch Lon Lon, Talon, pour la première fois. Le vent frais avait laissé place à une atmosphère lourde. Le château et son parc étaient eux aussi entourés par des grilles. Derrière le bâtiment se trouvaient les montagnes. C'était cela que Link cherchait. Il observa longuement ces amas de roches brutes sculptés par la déesse Din. Au bout de dix secondes d'observation intensive de ce beau paysage rocheux, sa mémoire se concentra en un seul et même souvenir qui fut, cette fois, bien clair dans son esprit :
C'était il y a sept ans. Link venait tout juste d'arriver au château, encore tout essoufflé de la longue distance qu'il avait eue à parcourir de la forêt jusqu'ici. Il regardait, émerveillé, le bâtiment aux toits verts; alors c'était donc ça, un château ? De toutes ses années insouciantes passées chez les Kokiris, il n'en avait jamais vu de sa vie, car pareilles constructions n'existaient pas là-bas. Si bien que, lorsque l'arbre Mojo lui avait ordonné de se rendre au château d'Hyrule afin de rencontrer la princesse de la Destinée, Zelda, il avait pris peur à l'idée de ne pas trouver ce "château" - mot qu'il n'avait jamais entendu avant que le vénérable Mojo ne le prononce en cet instant. Il avait alors tenté de questionner le maître des bois sur ce qu'était cette chose mais trop tard, le bel arbre millénaire ayant déjà rendu l'âme.
Après avoir fini de contempler cette merveilleuse architecture, son regard s'était détourné sur les montagnes, constituant, avec la végétation et l'eau des douves, le seul élément naturel de l'environnement. Bien des fois dans la forêt, il avait grimpé jusqu'à la cime des plus hauts arbres afin d'apercevoir quelques sommets de ces pierres entassées les unes sur les autres. Mais il ne les avait jamais vues aussi bien qu'à ce moment, et en les balayant du regard, il en avait remarqué une de particulière : elle avait la forme d'un château, si on la comparait bien à celui d'Hyrule. Il l'avait contemplée de longues minutes, en rêvant de mille aventures à travers les cols et les monts, puis, se rappelant qu'il avait une mission à remplir, il s'était attelé à trouver un moyen de pénétrer dans la demeure royale sans se faire voir des gardes qui veillaient, impassibles, implacables et immobiles, tels des statues.

Après la remémoration involontaire de cet épisode dérisoire de sa vie, Link décida donc de se mettre à la recherche de la montagne-château, et il la trouva sans peine, s'élevant majestueusement parmi toutes les autres. Effectivement, la ressemblance entre la montagne, création de la sainte Din, et le château, création de l'homme, lui-même conçu des mains de Farore, était frappante. Mais Link ne pouvait s'y résoudre : les formes qu'avaient les montagnes étaient diverses, de ce fait certaines pouvaient aisément être confondues avec des châteaux et des temples. Cependant, l'aventurier se posait quelques questions : comment une chose aussi peu importante, bien enterrée au fond de sa mémoire, lui était-elle revenue en tête ? À bien y réfléchir, il se disait que maintenant qu'il connaissait tous les moindres coins et recoins de sa province, il pouvait essayer de savoir ce qu'il y avait derrière Hyrule : peut-être d'autres terres se trouvaient-elles ailleurs, bien au-delà de l'entendement de chaque être vivant dans ce beau pays ? Et peut-être était-ce son envie de liberté qui était responsable de toutes ces réminiscences ? Toujours était-il qu'il devait savoir ce qu'était réellement cette montagne qui trônait, splendide, à côté de toutes ses autres soeurs jalouses de l'attention que lui avait portée Link. Mais cependant, il ne voulait pas partager ses rêves d'évasion avec son ego tourmenté; et il savait à qui il allait dévoiler son secret : il pensait en effet à une personne qui, comme lui, aimait l'aventure, le rêve et la liberté; une personne qui devait l'attendre depuis longtemps déjà au Temple des Esprits.
Link saisit son ocarina et joua le Requiem des esprits. Il fut aussitôt entouré de petites lueurs orange telles des lucioles qui le transportèrent au Colosse du désert.

Chapitre 5 : A la recherche d'un autre royaume   up

NabooruAlors qu'il pénétrait dans le temple, une femme lui sauta dessus en poussant un féroce cri de guerre. Elle plaqua le jeune homme au sol. Elle avait la peau matte, des cheveux rouges flamboyants, de magnifiques yeux jaunes et de plus, elle était élancée. En bref, sa beauté était de l'ordre divin.
Link ne parvenait pas à se débattre et à se défaire de cette étreinte redoutable. Il ne pouvait plus bouger, sauf ses mains qui ne lui étaient à cet instant d'aucune utilité. L'ayant assez bien maîtrisé, son assaillante prit possession d'un de ces deux cimeterres accrochés à sa taille, et en pointa l'extrémité à quelques centimètres du cou du jeune homme en disant :
"Toi, tu vas mourir pour être arrivé en retard !"
Elle se mit alors à rire malicieusement, rangea son arme, se releva puis aida le jeune homme à se relever à son tour.
"Bonjour gamin ! Ah non pardon, excuse-moi, tu n'es plus un gamin maintenant, tu as vieilli, alors je devrais plutôt t'appeler vieux !
- Bonjour Nabooru, répondit Link amusé. J'ai cru pendant un moment que tu avais vraiment perdu la raison et que tu allais m'égorger !"
La jeune femme rit de nouveau puis s'écria :
"Non, c'était juste pour me défouler un peu et pour voir comment tu allais réagir. Tu avais une de ces têtes quand je t'ai attaqué ! Tu t'es bien fait avoir. Au fait, t'en as mis du temps, je ne m'inquiétais pas mais j'ai cru que tu avais oublié. Qu'est-ce que tu faisais ?
- Eh bien, je suis allé au château, j'ai quelque chose à te montrer, viens, j'ai besoin d'un avis !
- C'est important au moins ? Tu sais que je n'aime pas perdre mon temps.
- Oui, ça l'est, pour moi en tout cas; et je suis sûr que ça aura aussi de l'importance pour toi quand tu auras vu ce dont je parle.
- Je ne veux pas prendre le risque de te suivre pour rien, alors laisse-moi lire dans tes pensées."
Mais elle n'en eut pas le temps car Link se jeta sur elle et lui arracha le médaillon qu'elle portait autour du cou.
"Tu ne liras pas dans mon esprit sans ça.
- Link, rends-le-moi tout de suite ! Bon d'accord, je vais t'accompagner, mais rends-moi mon pouvoir, nom d'un chien !
- Pas avant que tu ne m'aies accompagné là-bas !"

Une fois arrivés au fameux endroit, Link fit à son amie un cours résumé de tout ce qui s'était passé depuis son départ de la forêt Kokiri. Après quoi, il lui rendit le médaillon de l'Esprit, et la jeune femme, après avoir longuement scruté lesdites montagnes dans une profonde méditation, s'écria :
"Hum, c'est fort possible oui. A vrai dire, j'avais déjà parcouru le pays tout entier à l'âge de cinq ans. Alors quelques fois me venait l'envie de découvrir d'autres terres, de savoir ce qu'il y avait au-delà du Désert Hanté. Et si une construction humaine se trouve vraiment perchée tout là-haut, alors ce bâtiment n'appartient pas à quelconque Hyrulien, ou ça se saurait sinon.
- Donc tu veux dire qu'il y a peut-être d'autres terres civilisées que la nôtre ?
- Ben c'est fort probable, oui. Et apparemment, on a tous les deux une envie brûlante de le savoir aussi, qu'attendons-nous ?
- Juste d'avoir fait des recherches suffisantes pour nous permettre de mener à bien une expédition, s'écria Link, perplexe, en se frottant le menton avec son index et son pouce.
De toutes les légendes que je connais, il est dit que les déesses ont créé Hyrule et qu'elles y ont laissé leur pouvoir, matérialisé par la Triforce. A part ça, jamais il n'a été fait mention d'un autre territoire !
- De plus, repartit Nabooru, le défunt père de Zelda a unifié cette province il y a moins d'une vingtaine d'années, lorsque tu étais à peine né et que j'étais haute comme trois pommes. C'est le tout premier monarque du royaume à n'avoir jamais établi la paix entre les Hyruliens. Avant cela, les guerres de territoire à Hyrule étaient fréquentes, et les trêves peu nombreuses; je ne pense donc pas que les Hyruliens aient cherché à franchir cette barrière de roches, puisque les guerres se déroulaient à l'intérieur des montagnes, c'est-à-dire à Hyrule."
Malgré ses arguments solides, Nabooru demeurait pessimiste. Bien évidemment, Link l'était également, mais lui laissait exprimer son doute, au contraire de son amie qui le cachait derrière des arguments optimistes, et de ce fait cherchait à s'en convaincre.
"D'ailleurs, peut-être que personne n'a jamais cherché à savoir si Hyrule était la seule terre au monde, et puis si ça se trouve, il n'y a rien d'autre que ce beau pays habité par des Hyruliens, dont deux paumés qui se posent des questions et qui peut-être n'y trouveront jamais de réponse.
- Ne dis pas ça ! lui répliqua sèchement Nabooru, peut-être que les trois déesses - ou d'autres dieux qu'en sait-on ? - n'ont pas seulement créé notre monde ? Et après tout, si des êtres vivants existent ailleurs qu'à Hyrule, peut-être se posent-ils ou se sont-ils déjà posé les mêmes questions que nous ? On doit savoir, Link !
- Ouais, tu m'as définitivement convaincu ! J'irai questionner Bojo, quant à toi, tu te rendras dans le Royaume Sacré afin de soutirer de précieux renseignements à Rauru, si toutefois il peut te répondre.
- Non, hors de question ! Si on fait part de nos plans à d'autres personnes, il y a de grandes chances que la nouvelle se répande à la vitesse grand V à travers toute la province ! Et tout le monde saura tout de nos intentions, et alors, y'aura plus aucun suspense, plus aucune envie de partir à l'assaut de ces montagnes ! Tu ne crois pas, Link ? s'exclama Nabooru d'un air conspirateur en se frottant les mains.
- Oh que si Nab, t'as tout à fait raison, s'empressa de répondre Link d'un air rêveur et conspirateur à la fois. Ecoute, je vais aller faire un tour dans l'immense bibliothèque du château. Quant à toi, tu iras dans l'ancienne demeure d'Impa au village, il y a là-bas tout un tas de livres auxquels je n'ai jamais vraiment prêté attention, mais qui auraient pu m'être fort utiles durant ma quête contre le Malin. Je suis sûr que tu pourras y trouver consignés les récits des Sheikahs : ce sont les légendes et mythes parlant de la création d'Hyrule. Consulter les vieux livres est peut-être le meilleur moyen de ne parler de rien à personne.
- Minute papillon ! J'pense que c'est inutile : les légendes sheikahs ne mentionnent qu'Hyrule, ça sert à que dalle d'aller lire leurs livres.
- Certaines légendes sont vraies OK, mais n'oublie pas qu'elles ne s'appellent pas légendes pour des prunes, alors y'en a peut-être qui sont fausses.
- OK j'irai. Pourvu qu'ils ne soient pas en vieil hylien !
- Ouais, bah c'est bien le seul inconvénient qui puisse nous poser problème. Je vais prévenir Saria que je ne reviendrai pas de sitôt, elle comprendra, et les Kokiris peuvent très bien se débrouiller sans moi.
- Bon OK, on se retrouve ici dans une semaine à cette même heure. D'ici là, bonne chance et bon courage. Et n'oublie pas surtout, motus et bouche cousue !
- Oui, toi aussi, adieu !"

Chapitre 6 : Où l'on en apprend un peu plus sur l'esprit et l'ombre   up

Link faisait des recherches vaines depuis maintenant trois jours : il n'avait en effet trouvé qu'un dictionnaire de traduction vieil hylien-hylien moderne, et un pavé rédigé en ancien idiome, la reliure contenant pourtant le titre original et sa traduction en langue moderne : Légendes d'Hyrule et histoire des peuples depuis la Création. Jugeant ces livres fort intéressants, il avait décidé de les garder. La bibliothèque, aussi grande que l'antichambre du Temple du Temps, regorgeait de livres poussiéreux, des pavés d'environ mille pages pour la plupart, tous écrits en vieux langage. Link, bien que ses aventures ne lui aient enseigné la patience, s'était contenté de dénicher un dictionnaire de traduction et d'inspecter ensuite les étagères les plus basses des rayons, traduisant les reliures de chaque livre à la recherche d'un ou de plusieurs grimoires susceptibles de l'intéresser. Et le seul livre qu'il avait découvert pouvant traiter du sujet était Légendes... . Ensuite, l'énervement et la confusion avaient eu raison de lui, et il s'était assis pour se reposer. Mais à présent, il était éveillé et s'apprêtait à partir de la grande pièce afin de rejoindre Nabooru.
Alors qu'il marchait vers la porte, des bruits de pas se dirigeant en direction de la bibliothèque se firent entendre de l'autre côté. Link dissimula en vitesse les livres dans son bonnet, qu'il cacha ensuite derrière son dos. Au même moment, la porte de la salle s'ouvrit, et Link rougit à la vue de la personne qui se tenait dans l'encadrement. Car c'était la princesse Zelda qui se trouvait en face de lui. Toujours aussi gracieuse avec sa longue chevelure dorée dans laquelle était posé un diadème en or et en argent, ses yeux d'un bleu surnaturel, son sourire d'une immense bonté et enfin, sa robe de velours rouge sang, qui lui seyait bien mieux que l'ancienne. Lorsqu'elle aperçut le jeune homme, son visage s'illumina soudain et Link sentit le sang lui bouillir les joues comme jamais auparavant, et il songea un instant qu'elles risquaient peut-être d'exploser s'il ne se calmait pas tout de suite.
"Bonjour Héros du Temps. Ma dame de compagnie m'a dit qu'elle t'avait vu dans cette pièce il y a de cela quelques heures, alors comme cela fait longtemps que nous nous sommes vus, j'ai pensé venir te rendre une petite visite, mais si je te gêne, tu me le dis surtout, hein !
- Euh, bah euh, c'est-à-dire que euh..."
Telle fut la réponse corrosive du jeune homme.
Tentant de cacher son visage écarlate, il se résolut à sortir les livres de son bonnet et à les tendre à Zelda d'une main tremblante.
"Oh ! Si tu veux emprunter ces livres, vas-y, tu sais que je te voue une confiance aveugle et je sais que tu en prendras soin. Cependant, pourras-tu les ramener une fois que tu auras fini de les étudier ?
- Gueuh, euh, voui... voui... oui, réussit-il à articuler au terme d'un effort de prononciation pour le moins épique.
- Merci, Link ! Autrefois dans ma famille, apprendre l'ancienne langue des Hyliens était obligatoire, mais cet enseignement fut aboli par mon arrière-grand-père, Celse Nohansen Hyrule. Pour lui, cela était devenu totalement désuet et depuis, plus aucun membre de la famille n'est obligé d'apprendre cette langue. Ouf ! Mais toi, rien ne t'en empêche bien sûr !
- Mer-ci beau-coup Zel-Zel-Zel-da. Je dois m'en aller main-te-nant."
Il saisit alors son ocarina à l'aide de ses mains en guimauve et le porta à sa bouche hésitante. Puis il interpréta le Nocturne de l'Ombre devant le transporter jusqu'au cimetière de Cocorico. Inutile de dire que cela ne fonctionna qu'au bout de la troisième fois, car sa tremblote des doigts lui faisait rater tous les trous de l'instrument, et de ce fait il jouait faux. Lorsque cela fonctionna enfin, des lueurs violettes s'emparèrent de son corps et l'emportèrent alors que Zelda lui faisait tristement des petits signes d'adieu.

Nabooru s'entraînait au stand de tir à l'arc lorsque Link la rejoignit, non sans la réprimander sur le fait de l'avoir cherchée à travers tout le village, car il pensait en réalité la retrouver dans l'ancienne maison d'Impa. Il lui expliqua que ses recherches lui avaient pris trois jours et non pas une semaine, car tous ces manuscrits rédigés dans une langue maintenant étrangère et disparue l'avaient sérieusement énervé. Naturellement, il se garda bien de lui narrer sa "conversation" avec la jeune princesse. Nabooru déclara qu'elle comprenait très bien la réaction de son ami face à ce bourrage intellectuel, et elle lui raconta ensuite ce qu'elle avait fait de son côté :
"Anju, la fille qui habite maintenant à la place d'Impa, m'a dit que celle-ci avait fait enlever tous les livres de ses étagères pour les mettre ensuite dans la bibliothèque royale il y a de cela quelques jours, avant de retourner dans le Saint Royaume - et honnêtement, je ne vois pas pourquoi elle s'embête à y rester. Je n'ai pas dérangé Anju plus longtemps, et je suis partie en n'oubliant pas de botter l'arrière-train de l'imbécile qui habite avec elle. Un homme laid, très grossier et mal aimable qui apparemment n'aime pas qu'on le dérange, monsieur - non mais vraiment ces hommes ! Je me suis ensuite rendue jusqu'au cimetière afin d'apaiser les âmes qui s'y trouvaient, et j'ai été surprise de constater que la porte d'entrée du Temple des Ombres restait close, même en allumant les torches se trouvant dans l'antichambre. Je pense que c'est Impa qui a scellé ce temple, imagine si des villageois osent s'y aventurer ! Il y a là-bas plein de fantômes qui errent tourmentés, et qui n'ont rien à y faire : lorsqu'une personne meurt, c'est son corps qui meurt, l'esprit, lui, demeure immortel. Lorsqu'il est affublé d'une auréole, cela signifie qu'il peut monter aux cieux vers les dieux afin d'être en paix à tout jamais. Sinon, l'esprit reste sur cette terre de supplices à hanter les vivants, jaloux qu'ils aient toujours une enveloppe charnelle. Au fil des temps, le corps se décompose, et alors l'esprit devient invisible, mais il reste toujours dans ce monde. Les fantômes visibles sont les fantômes des personnes qui sont décédées il y a peu, ou il y a une dizaine d'années au minimum, temps que met un corps pour retourner totalement à l'état de poussière. La Déesse de Sable est un endroit reposant pour ces pauvres âmes en peine, ils peuvent là-bas trouver la paix, et s'ils prient les Dieux, se voir auréolés et ainsi monter pour connaître le repos éternel tout comme leur enveloppe matérielle. J'aurais aimé aider les revenants se trouvant dans cet endroit macabre, mais hélas, je n'ai pu pénétrer dans le temple. Tant pis. J'en toucherai deux mots à Impa une autre fois car pour l'instant, on a d'autres hommes - euh non, pardon Link -, je voulais dire pour l'instant on a d'autres chats à fouetter. Au fait, je suis désolée de ne pas être venue te secourir au milieu de cet enfer de bouquins, Link. De plus, ma présence aurait risqué de gâcher ce merveilleux moment que tu as passé avec Zelda."
Nabooru acheva son discours par cette phrase malignement glissée dans l'oreille de son compagnon. Elle sortit ensuite à l'extérieur sans dire un mot, laissant Link cogiter sur ce qu'il venait d'entendre. Il comprit au bout de quelques minutes que le Sage avait pénétré dans son esprit. Il jura ensuite de toujours dissimuler ses pensées au fond de lui-même lorsqu'il serait en compagnie de Nabooru, puis se fit une promesse de lui jouer un petit tour quand l'occasion se présenterait.
"Tu vas voir, petite peste, ce que c'est que se heurter au célèbre Héros du Temps, hé hé."

Chapitre 7 : Celles qui savent parler le vieil hylien   up

"Bon sang, mais il est nul ce dico ! On n'y arrivera jamais avec ça !"
La personne qui avait prononcé ces mots était Nabooru. Tout en s'énervant, elle avait projeté le livre contre un mur de la pièce où elle se trouvait avec Link. Depuis plusieurs jours, ils demeuraient au Temple des Esprits et s'attelaient en effet à traduire le pavé de neuf cents pages. Mais cela était une tâche ardue et bel et bien vaine. En effet, le volume du livre traducteur laissait à penser qu'il faisait montre d'une grande précision quant aux dix cas de déclinaisons, aux trois genres et trois nombres que comportait la langue morte, ce qui n'en était rien. Les explications étaient toutes implicites, et les exemples d'utilisation très peu nombreux. Link s'étonna donc de la reliure de Légendes... car, une fois le livre ouvert, tout était soudain devenu beaucoup plus compliqué.
Lui et Nabooru n'avaient réussi à transposer que quelques bouts de phrases se situant dans les cinq premières pages, jusqu'à ce que l'épuisement et l'énervement ne viennent à bout de leur patience respective et ne contraigne la voleuse à balancer le livre.
"Fais ce que tu veux, Link, mais moi, j'abandonne. De toute façon, ce fichu bouquin ne traite pas du sujet qui nous intéresse. Je pourrais peut-être essayer d'invoquer...
- De vieux esprits ayant vécu à Hyrule il y a un peu plus de cent cinquante ans afin qu'ils nous aident, coupa Link. Nabooru, tu n'arrêtes pas de le dire, et tu sais très bien ce que j'en pense ! Ne gaspille pas ton pouvoir inutilement, j'espère que tu as compris maintenant !
- Ouais bon, OK, j'arrête. Mais dans ce cas, monsieur aurait-il une solution de rechange, parce que sinon, je m'en vais méditer !"
Link réfléchit alors, puis l'expression renfrognée de son visage se changea soudain en traits réguliers exprimant la joie.
"Je sais, je sais ! s'exclama-t-il, joyeux. Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Une Grande Fée vit non loin du Colosse. Les fées sont immortelles si elles restent dans leurs fontaines, je suis sûre qu'elles savent parler l'ancienne langue hylienne !
- Eh ! Mais c'est que c'est une bonne idée ! Pourquoi t'as pas pensé à ça plus tôt ? Qu'est-ce qu'on attend pour y aller ? J'espère au moins qu'elle va pas aller révéler en moins de deux tous nos plans au monde entier !"
Ils partirent vite du Temple. Dehors, les ténèbres et le vent régnaient en maître sur toute l'étendue dorée, qui se déchaînait elle aussi sous forme de tourbillon de sable contrôlé par l'élément aérien. Link se souvint alors des paroles tenues par la gardienne de la Forteresse Gerudo juste après l'avoir battue dans un duel opposant l'homme et la femme, l'épée et les cimeterres :
"Prends garde en t'aventurant dans le désert, ô voyageur, car le jour, le vent qui y souffle y est implacable et brûlant; la nuit, il se déchaîne toujours avec la même violence, mais sa chaleur insupportable fait place à un froid inimaginable. Ce vent, qu'il soit chaud ou froid, est funeste pour chaque aventurier non expérimenté qui ose pénétrer dans le Désert Hanté afin de rejoindre notre déesse de sable."
Link redoutait toujours ses paroles, même bien longtemps après avoir parcouru pour la première et dernière fois cette mer jaune. Aussi ne préférait-il pas se remémorer cette longue et pénible traversée.
Ils venaient à présent d'arriver dans la fontaine, d'une beauté indescriptible. Link empoigna son ocarina et joua le chant de la famille Nohansen Hyrule. Presque aussitôt après, un rire aigu se fit entendre, puis une femme s'échappa de l'eau de la fontaine et vint léviter quelques mètres plus haut. Elle bougeait dans les airs à son gré d'une manière infiniment délicate et gracieuse. Mais il y avait pourtant quelque chose de gênant dans sa façon d'être : c'était son habillement très léger. Il semblait en effet constitué d'une plante semblable au lierre, à la différence près que ses plantes là étaient de couleur chair. Elle était presque dénudée, du fait que ces feuillages lui collaient et ne recouvraient que le strict minimum de son corps. Et le fait que ses "habits" étaient de la même couleur que sa peau tendait à faire croire qu'elle l'était totalement. Sa chevelure fuchsia était coiffée sous la forme de trois longues couettes attachées par la mystérieuse plante, et ses yeux avaient la même couleur que sa longue chevelure. Elle portait également de longues bottes noires. Toute cette provocante beauté était quelque peu gâchée par un maquillage soigné mais outrancier. Une personne croisant son regard pour la première fois et entendant son petit rire malicieux aurait pu penser qu'elle appartenait aux forces du Seigneur du Malin. Elle paraissait avoir le même âge que Nabooru, c'est-à-dire une vingtaine d'années, mais elle était en fait aussi âgée que cette bonne vieille Hyrule.
La belle fée fut secouée d'un rire enfantin à la vue des deux jeunes gens.
"Link, Héros du Temps et Nabooru l'Exaltée, Sage de l'Esprit, que me vaut l'honneur de votre visite ?
- Bonjour déjà, répondit Nabooru, un peu de politesse ne ferait pas de mal, vous ne croyez pas ? Et pis comment savez-vous qui je suis ?
- Je suis une fée divine, ne l'oubliez pas.
- Ah, je vois." rétorqua Nabooru d'un air incrédule, juste pour le plaisir de contrarier la fée car elle savait que celle-ci avait raison.
Link amorça ensuite le récit de leurs aventures, que l'être magique écouta avec beaucoup d'attention.
"Hum, aucun livre ne parle de ce qui vous intéresse. Oui, je sais parler l'ancienne langue des Hyliens, je connais même tous les dialectes des différents peuples de cette province. Mais je ne pense pas que cela puisse vous servir à traduire ce livre, puisqu'il ne traite pas de ce que vous pensez. A vrai dire, vous avez raison, les guerres qui se sont déroulées à travers les âges dans ce pays ont empêché de découvrir de nouveaux mondes; mais je pense que s'il n'y avait eu aucune bataille, aucun sang de versé et par conséquent la paix, les Hyruliens se seraient un peu lassés et auraient cherché d'autres terres, quoiqu'en disent les légendes sheikahs. Cependant, je trouve votre idée formidable, vous avez ma bénédiction !
- Et c'est tout ce que vous trouvez à nous dire ? Vous nous faites même pas don d'un sort magique ?
- Non, désolée, mais je ne peux rien faire pour vous à part garder le secret. Je vais cependant réfléchir si je peux faire d'autres choses, mais laissez-moi le temps !
- Ce n'est pas grave, affirma Link. Merci beaucoup pour les renseignements - aussi minces soient-ils - que vous nous avez apportés !
- Ravie de vous avoir aidés ! Oh, et au fait, Nabooru, je trouve que le bijou que vous portez au front est du plus mauvais goût !
- Non mais dis donc, vous ! Vous avez vu comment que vous êtes fringuée ? Alors revoyez vos jugements, sinon mon bijou, comme vous dites, risque fort d'atterrir en plein dans votre face. La conséquence en sera deux yeux au beurre noir, mais fort heureusement on ne verra pas la différence entre le coquard et la tonne de maquillage que vous aurez encore autour des yeux. Sur ce, à plus, ma chérie !
- Dis donc comment tu l'as cassée ! complimenta Link une fois qu'ils furent de nouveau à l'extérieur. La tête qu'elle faisait !
- Eh oui, c'est une autre facette de l'art subtil des Gerudos, hin hin. Bon, je crois que je viens d'avoir une grande idée : Darunia n'est pas au Saint Royaume mais quelque part sur le territoire des Gorons. Ce sont d'excellents guides montagnards, nous n'aurons qu'à aller quérir l'aide de Darunia, je suis sûre qu'il en sait plus que nous ne le pensons. Pour l'instant, je vais appeler l'esprit du désert afin qu'il nous fasse traverser le désert jusqu'à la Forteresse, où nous irons dîner et dormir. Demain, au lever du soleil, nous irons voir Darunia. Il me semble que cela fait des siècles que je ne l'ai vu, et tu sais très bien que c'est le seul mâle que j'estime avec toi et Rauru.
- Parfait ! Alors, appelle l'esprit du désert parce moi, j'ai sommeil."
Nabooru s'exécuta, et tandis qu'ils s'engouffraient dans le Désert Hanté avec leur guide spectral, elle demanda à Link d'un air ironique :
"Dis, les autres fées divines sont-elles toutes aussi tarées et vulgaires que celle dont nous avons été quérir la précieuse et divine aide qui ne nous a presque pas aidés ?
- Ben, je vais te rassurer, Nabooru, rétorqua Link en ironisant comme son amie, elles sont toutes pareilles, pas une pour rattraper l'autre. Mais je parle au niveau apparence, car elles m'ont quand même été d'un secours inespéré durant ma quête contre le Mal."

Chapitre 8 : Visite chez des frères de sang   up

Le lendemain, ils se levèrent à l'aube pour se rendre dans la contrée du peuple forgeron, les Gorons. Link voulait y aller rapidement, c'est-à-dire en se téléportant directement dans le Cratère du Péril, qui possédait un passage secret menant au village des Gorons. Nabooru avait acquiescé et, après que le jeune homme ait revêtu la tunique du peuple forgeron, permettant de résister aux chaleurs extrêmes du cratère, ils firent appel à la magie de l'ocarina afin d'atteindre le lieu voulu en un rien de temps.
Une fois dans le volcan, Link et Nabooru - qui certifiait que la chaleur qui y régnait "n'était pas si insupportable que ça" - marchèrent jusqu'au fameux passage et pénétrèrent dans l'antre de Darunia, chef de la tribu et Sage du Feu. Apparemment, celui-ci ne s'y trouvait pas. Les deux amis résolurent alors de le retrouver en le cherchant dans le village, qui était en ce moment même assailli par des ronflements : en effet, les Gorons dormaient tous roulés en boule, ce qui leur donnait l'apparence de pierres de tailles assez imposantes.
"Ma parole, ce sont de vraies pierres à pioncer, ces Gorons !
- Ha, ha, ha. Quel jeu de mots à la con, Link. Ben pourvu que Darunia ne soit pas en train de pioncer lui aussi, parce que si on le réveille, j'ose même pas imaginer ce qui va nous arriver, observa Nabooru.
- Ouais, c'est craignos, répondit Link. Bon, toi, tu cherches aux étages supérieurs, quant à moi, je cherche au rez-de-chaussée. Il ne faut surtout pas faire de bruit, afin de ne réveiller personne, parce qu'il n'y a pas que Darunia qui est dangereux dans ce cas-là."
Nabooru monta donc les escaliers conduisant aux étages supérieurs; quant à Link, il resta au rez-de-chaussée et commença les recherches. Il savait très bien que trouver un géant comme Darunia dans un village aussi petit que celui des Gorons ne serait pas chose bien difficile et que, s'il ne se trouvait pas ici, il devait sûrement être dans le Temple du Feu.
Nabooru slalomait difficilement entre les Gorons endormis sans toutefois parvenir à retrouver la trace de celui qu'elle cherchait. Alors qu'elle allait passer au dernier étage, un gémissement guttural se fit entendre juste derrière elle. Elle se retourna donc et vit un Goron de taille ordinaire qui la fixait d'un mauvais oeil.
"Toi, Gerudo, alliée de Ganondorf, tu vas devoir me passer sur le corps si tu veux tenter d'asservir mon village. Mais tu n'y arriveras jamais, car je me battrai jusqu'au bout, je ne laisserai plus jamais personne faire du mal aux Gorons !
- Eh toi ! Arrête donc de jouer au vaillant guerrier et dis-moi où se trouve Darunia, je dois lui parler, je suis une de ses amies, Nabooru, Sage de l'Esprit."
Elle montra alors du doigt le médaillon qu'elle avait accroché autour de son cou, et les magnifiques yeux violets du Goron s'illuminèrent à la vue de l'objet.
"Oh ! Je vous prie de me pardonner cette méprise, Sage de l'Esprit. Mais c'est que lorsque je vois ou que j'entends parler des Gerudos, ma paranoïa me reprend et j'ai tout de suite l'impression que ce sont des femmes mauvaises continuant dans l'ombre le dessein interrompu de Ganondorf. Je ne devrais pas mettre votre peuple et cette crevure dans le même sac, je sais. Alors je vous prie de m'excuser."
Nabooru se mit à rire de bon coeur en disant qu'elle acceptait les excuses du jeune Goron, et en précisant que "crevure" était un terme trop gentil pour désigner Ganondorf.
"Le mot 'enflure' conviendrait mieux, continua-t-elle d'un ton hautain. Au fait, comment vous appelez-vous ?
- Link, mademoiselle, je m'appelle Link, et je suis le fils de Darunia, enchanté de vous connaître ! Maintenant que j'y repense, mon pôpa m'a énormément parlé de vous, il m'a dit que vous étiez une grande guerrière !
- Non vraiment ? questionna Nabooru en riant de nouveau. Alors là, je suis flattée. Mais au fait, comment se fait-il que Darunia ne m'ait jamais parlé de toi ?
- C'est parce que je n'en ai jamais eu l'occaz."
La voix qui avait prononcé cette phrase venait de derrière la jeune femme. Celle-ci se retourna alors et vit Darunia l'Indomptable, se tenant debout, fier et souriant. Nabooru ne put cacher sa joie de voir son ami et se jeta dans ses bras. Le chef des Gorons était visiblement enchanté de ce geste.
"Nabooru, Soeur de sang, comme je suis heureux de te revoir !
- Pas autant que moi, Frère, lui retourna Nabooru. Merci pour toutes ces éloges à mon sujet, je ne savais pas que j'étais une grande guerrière ! Et je ne me considérerai jamais comme telle. La prochaine fois, arrête de me vanter, sinon mes chevilles risquent d'exploser !"
Cela les fit rire tous les trois puis, l'allégresse passée, Darunia demanda à Nabooru quel bon vent pouvait bien l'amener ici.
"Eh bien, figure-toi que je suis venue avec Link, nous avons quelque chose à te demander. Mais je sais pas où se trouve le blondinet, faut que je l'appelle : Link ! Beau gosse, t'es où ?
- J'arrive ! Je suis juste à côté de vous !" s'écria Link avec ferveur, au milieu des ronflements des autres Gorons, qui n'avaient cependant pas été tirés du sommeil profond dans lequel ils se trouvaient plongés, malgré le bruit causé par les trois.
"Frère Link ! s'exclama l'autre Link en le serrant dans ses bras. Comme je suis ravi de te revoir !
- Euh, vui, moua auchi ! Tu m'étousses ! Chil te plaît, lâche-moué. Gnouf !
- Ah, euh, je suis vraiment navré, les Gorons ignorent parfois leur force." conclut l'autre en libérant le pauvre jeune homme qui louchait les yeux écarquillés, et qui avait les joues gonflées par l'air.
La joie des retrouvailles passées entre Link et Link, ce fut au tour de Darunia de saluer son ami d'un simple signe de la main, puis il demanda de nouveau ce qui pouvait bien amener le duo en ces lieux.

Une demi-heure plus tard, le quatuor était dans l'antre du maître. L'Hylien et la Gerudo racontèrent toute l'histoire aux deux Gorons, et une fois celle-ci terminée, Darunia, qui avait écouté attentivement, exprima son opinion :
"Mais c'est une idée géniale ! Tout ce que je sais, c'est qu'un de mes lointains ancêtres, Corodia je crois bien qu'il s'appelait, a déjà eu cette idée folle : pour cela, il est passé par le Cratère du Péril, mais hélas, il a buté sur une pierre, ce qui lui a fait perdre l'équilibre et chuter dans la lave qui l'a ensuite consumé tout entier. Ensuite, plus personne n'a parlé de ce projet. En tout cas, une chose est sûre : si certains en ont reparlé par la suite, plus jamais pareille chose n'a été tentée après. En fait moi aussi, j'ai toujours eu envie d'essayer. Les Gorons se débrouillent évidemment très bien dans les montagnes, mais enfin, ils sont meilleurs en descente qu'en montée, ha, ha, ha ! Et si vous acceptez que je sois du voyage, alors je serai le plus heureux des vieux grincheux de mon espèce !
- C'est vrai tu acceptes, dis, c'est vrai ? demanda Nabooru au comble de la joie. Mais c'est super ! Youpi !
- Oui, j'accepte avec plaisir, cependant, comme vous m'avez prévenu que personne ne doit rien savoir, je me dois de faire quelques recommandations à mon petit Link, qui a trop tendance à moucharder. Alors ouvre bien tes esgourdes, fiston : je vais faire croire aux autres Gorons à mon prochain départ pour le Royaume Sacré. Je t'ai appris tout ce qu'il faut pour être un bon chef de tribu, alors ce sera à toi de diriger la nôtre en mon absence, et tu ne devras sous aucun prétexte révéler la vérité aux autres, tu m'as bien compris ?
- Oui pôpa, j'ai bien compris, affirma Link en pleurant. Je ne dirai rien ! Oh, snif, tu vas me manquer ! ajouta-t-il en se jetant dans les bras de son père.
- Mais non, mais non fiston, le rassura celui-ci en lui tapotant le dos de ses grosses mains. Bon, c'est pas que je m'ennuie, mais j'aimerais bientôt partir. Alors, c'est pour quand le départ ?
- Ben, disons dans deux ou trois jours, durant la nuit. Juste le temps de faire les préparatifs nécessaires. Et sinon, comment va-t-on se dérober aux yeux des Hyruliens ?
- Ça, on improvisera sur l'instant, dit Nabooru en se levant d'un air résigné. Bon alors, disons dans trois jours, lors de la lune noire, car celle-ci nous sera favorable. Vers les trois heures du matin, quand l'ardeur des fêtes se déroulant place du marché se sera un peu atténuée. Tope là ! acheva-t-elle en tendant la paume de sa main.
- Tope là !" firent les trois autres en posant tour à tour leurs mains sur celle de la Gerudo.

Chapitre 9 : Le départ vers l'inconnu   up

Trois jours plus tard, tous vinrent se rejoindre au château d'Hyrule vers les trois heures du matin, les fêtes organisées sur la place du marché s'étant un peu calmées, comme l'avait si bien fait remarquer Nabooru. Durant ces trois jours, Link était retourné dans la forêt Kokiri afin de préparer ses affaires et de faire part de son départ à ses amis, sans toutefois leur révéler le lieu où il se rendait. Tous les enfants pleurèrent, y compris Link, et ils improvisèrent une petite fête d'adieu. Saria avait pressé Link de lui dire où il allait vivre, mais celui-ci, avec beaucoup de détermination, ne lui avait rien dévoilé. C'était dur de devoir cacher la vérité à son amie d'enfance, et encore plus quand c'est une personne dont la mission est de protéger tout un royaume. Au terme de ces trois mornes jours, il quitta la forêt en faisant mille excuses aux petits êtres qui la peuplaient et promit de revenir très bientôt, ce qui était peut-être bien un mensonge, car le voyage risquait bien de durer des mois voire peut-être des années.
La nuit était fraîche et étoilée. Chacun avait pris le strict minimum : des vivres, des potions régénérantes en vie et magie ainsi que quelques accessoires de toilettes pour Nabooru. Leurs besaces ne risquaient pas de les encombrer plus que ça, et Darunia avait même renoncé à emporter un sac gigantesque rempli de pierres de la Caverne Dodongo, la denrée favorite des Gorons. Il avait ainsi déclaré - non sans peine - qu'il pourrait "très bien se contenter des roches qu'offraient les montagnes", une fois qu'ils y seraient parvenus. Ils firent ensuite le bilan sur les pouvoirs du Feu et de l'Esprit.
"N'oubliez pas, s'écria Link, ne gaspillez pas l'énergie de vos médaillons inutilement, ils ne sont pas illimités comme lorsque vous vous trouvez dans le Saint Royaume.
- T'inquiète Frérot, répliqua l'imposant Darunia. Nous savons ce que nous avons à faire ! Bon et maintenant les gars, montrez-moi cette fameuse montagne."
Link et Nabooru lui indiquèrent donc du doigt, et il déclara ne pas arriver à se forger une opinion, et que le mieux était donc d'aller vérifier. Comme le château était entouré par des grilles, il fallait bien évidemment passer par-dessus afin de se retrouver au pied des mystérieux monts. Alors que Link commençait à passer la grille, des bruits de pas se firent entendre dans l'obscurité. Le jeune homme descendit de là où il était, puis il vint se poster à côté de ses amis, méfiants.
"Qui est là ? interrogea la Gerudo en s'emparant de ses cimeterres. Allez, montrez-vous !"
Mais personne ne répondit. Le bruit de pas grandissait à mesure que ceux-ci s'approchaient du trio. Au bout d'un moment, une silhouette apparut dans les ténèbres. Quand elle sortit enfin de l'ombre, les trois héros découvrirent de longues bottes noires, un habit léger constitué de plantes grimpantes et un visage aux yeux fuchsia brillant dans l'obscurité.
"Mais c'est une des six fées des Fontaines Royales ! s'exclama Darunia.
- Oui. Il y a six Grandes Fées dispersées à travers tout Hyrule. Trois des Enchantements, une de la Force, une autre de la Sagesse et la dernière est celle du Courage. Link, Nabooru, me reconnaissez-vous ?
- Oui, affirma Link, vous êtes celle que nous sommes venus voir dans le désert. Une des Enchantements, non ?
- Exact, répondit son interlocutrice sous l'air accablé de Nabooru. J'ai décidé de sortir de ma fontaine pour vous suivre; et rassurez-vous, je n'ai parlé de rien à personne ! J'espère que je vous serai utile, mais sachez que hors de ma fontaine, je suis moins puissante même si je garde toujours mes sorts destructeurs et protecteurs, mon immortalité ainsi que mes capacités de guérison et de vol. J'ai pris ce risque d'abandonner ma fontaine pendant tout le temps que durera ce voyage, mais je suis certaine que le jeu en vaut la chandelle.
- Ben oui, bien sûr, dit Nabooru. Bon, c'est bon maintenant, on peut partir ?
- Mais qu'est-ce que vous mijotez tous ?"
Une voix jusque-là absente de la conversation venait de prononcer ces quelques mots. Les quatre se retournèrent et découvrirent la princesse Zelda.
"Ben manquait plus que ça, soupira la Gerudo. Bon, qu'est-ce que vous voulez, princesse ?
- Juste savoir ce qui se passe. Je n'aime pas trop que l'on me cache des choses. Où allez-vous donc ? - Elle est parano ma parole !" murmura Nabooru à Link.
Ce dernier ne parut pas content de cette remarque faite à l'encontre de Zelda (allez savoir pourquoi), et lui et Darunia lui racontèrent alors tout depuis le début.
"Princesse, nous ferons ce voyage, que vous le vouliez ou non, déclara Darunia d'un ton sévère comme pour prévenir la princesse qu'un refus de sa part n'empêcherait rien. D'ailleurs, continua-t-il, nous nous demandions comment nous allions faire pour nous dérober aux yeux des Hyruliens, et nous ne voulons pas que Nabooru use de sa magie pour contrôler l'esprit du peuple et ainsi faire comme si de rien n'était. Aussi, vous allez rester ici et faire ce que je vous dis de faire."
Et il lui ordonna ainsi de réunir tout le peuple de la province place du marché afin de leur faire part de la nouvelle.
"Je suis très attristée par votre départ, mais si cela est une occasion de découvrir des terres lointaines jusque-là inconnues, alors je vous laisse accomplir cette mission, et je vais faire ce que m'ordonne Darunia. Seulement, il faudra attendre cinq jours minima, juste le temps de rédiger un discours et de faire publier l'ordre de réunion dans tout le royaume, et cela sera bon. Maintenant, partez, ô voyageurs, je vais prier les Dieux pour qu'il ne vous arrive rien.
- Cette nuit, nous ne craignons rien, princesse, répondit Nabooru, la lune noire veille sur nous. Merci d'avoir accepté. Maintenant, allons-y."
Ils s'approchèrent tous de la grille et la passèrent un à un. Le premier fut Darunia, car sa grande ossature le prédestinait à peiner dans cette entreprise, et ainsi les autres purent le pousser par-derrière. Une fois que tous sauf Zelda furent de l'autre côté, ils se retournèrent vers elle pour la saluer et l'encourager quant à la tâche qui lui incombait. La princesse fit de même, les larmes aux yeux. Ils montèrent sur une petite butte qui était presque accolée à la grille, puis la descendirent et disparurent derrière. La princesse rentra alors dans sa demeure en pleurant toutes les larmes de son corps, des larmes de nostalgie et d'angoisse auxquelles même sa profonde sagesse n'y pouvait rien.
Il s'assura qu'il n'y avait plus personne dehors et s'échappa alors des buissons dans lesquels il s'était tenu à l'écart durant toute la durée où les héros s'étaient trouvés sur l'aile droite du bâtiment royal. Il devait absolument les éliminer avant qu'ils n'atteignent le sommet de la montagne-château. Il savait que le moment tant attendu où il devrait à nouveau escalader les montagnes était arrivé. Cependant, il pensait être seul avec ses esclaves dans cette entreprise. Il ne pensait pas que ces héros se lanceraient eux aussi dans cette longue et pénible expédition. Et c'était bien là ce qui le tourmentait : comment s'étaient-ils rendus compte de la forme étrange de cette montagne ? Qu'est-ce qui les avait soudain poussés à partir à la recherche d'autres terres ? Risquaient-ils de contrecarrer ses plans ? Il n'avait pu lire dans leurs esprits de misérables mortels car ils se trouvaient trop loin pour le faire. Et puis il savait que Nabooru aurait pu deviner sa présence s'il s'était trouvé trop près. Il n'ignorait pas non plus que cette femme allait jouer un rôle important par la suite, et qu'il se devait de l'éliminer en priorité avant les autres. Il ordonna donc à ses esclaves immatériels de le faire passer par-dessus le grillage et de le suivre où bon il irait. Ses pauvres esclaves qui ne pouvaient s'échapper de son emprise, et bientôt de l'emprise de son maître, car c'était bien la raison pour laquelle il se devait de quitter Hyrule et de venir à bout de ces impitoyables montagnes, retrouver son maître, et ainsi contrôler le monde avec lui...

Chapitre 10 : La grande ascension   up

Après avoir descendu la butte, ils commencèrent à marcher en direction de la montagne. La fée se retourna vers le royaume glorieux qu'ils abandonnaient derrière eux et murmura : "Au revoir, Hyrule." tout en versant une petite larme.
"Bon la fée, tu te dépêches, oui ou non ? demanda Nabooru avec autorité. Tu peux encore rebrousser chemin si tu veux, rien ne t'oblige à accepter de nous accompagner, tu sais.
- Non, je viens avec vous, je suis décidée. Et je ne suis pas la fée, je suis Wanda d'abord !
- Ouf, on sera pas obligés de l'appeler la Fée-divine-des-Enchantements-de-la-Fontaine-royale-du-Désert pendant tout le long du chemin, elle a un prénom, on est sauvés !" railla la Gerudo.
La fée fronça les sourcils et Link ordonna à Nabooru de se calmer.
La pente était raide, ce qui les contraignit à s'arrêter plusieurs fois, mais Link, Darunia et Nabooru étant très endurants, leurs pauses ne duraient guère longtemps, et ils ne tenaient pas non plus à perdre du temps. Celle qui ne peinait pas était Wanda, à qui sa nature de fée permettait de voler.
Alors qu'ils marchaient depuis dix bonnes minutes déjà, des bruits de pas se firent entendre derrière eux, accompagnés de respirations et de grognements rauques. Ils se retournèrent et virent une meute d'une trentaine de loups, babines retroussées et crocs acérés. Les bêtes se dressèrent sur leurs deux pattes postérieures et donnèrent des coups de griffes dans le vide à l'aide de leurs deux membres supérieurs en poussant leurs hurlements caractéristiques, comme pour montrer qu'ils n'étaient pas destinés à se laisser faire, cet endroit étant leur territoire.
"Des loups, dans les montagnes ? s'étonna Link.
- Ben oui, ce sont les loups qu'on entend hurler quand la nuit tombe, déclara Darunia. Mais pas le temps de discuter, on fonce !"
Il se jeta alors sur la meute avec une rage folle, suivi de près par Nabooru et Link, qui ordonna à la fée de garder les besaces.
"Eh ! Mais c'est pas juste ! Moi aussi je sais me battre ! Non mais vraiment, hein !"
Darunia écrasait les animaux avec ses poings, tandis que Link les lacérait à coups d'épée, tout comme Nabooru avec ses cimeterres. Ils se battaient avec un certain plaisir, car ils n'avaient pu livrer de combats avec des monstres ou animaux sauvages depuis la chute du Seigneur du Malin. Une fois les bestioles réduites à néant, ils reprirent leur chemin. Mais devant eux, la terre remua, et de nouveaux loups en sortirent, plus hargneux que les précédents, et bien décidés à faire subir aux infortunés voyageurs le sort infligé aux leurs.
Darunia en appela alors à la force du feu et brûla d'un seul coup les quelques quarante loups qui leur barraient le chemin.
"Bon, ben j'espère que maintenant, c'est fini une bonne fois pour toutes, s'énerva-t-il en tapant du pied sur le sol dur de la montagne.
- En tout cas, je ne sens plus aucun esprit à part les nôtres, affirma Nab'. Je pense que l'on ferait mieux de trouver un coin pour se reposer, ces combats nous ont fatigués.
- Ils vous ont peut-être fatigués vous, déclara Wanda, mais pas moi, et je suis bien résignée à continuer !
- Ben évidemment, puisque tu n'as rien fait, Wanda, à part garder nos besaces, lui fit observer Link.
- Par ta faute, espèce d'imbécile heureux ! gronda Wanda. C'est toi qui m'as ordonné de le faire ! Alors si je suis venue avec vous pour servir de boniche, c'est même pas la peine !
- Là Link, je dois avouer qu'elle marque un point, avoua Nabooru. Comment oses-tu prendre une femme pour une bonne ? Je pensais que ce temps était révolu, et que quelqu'un d'aussi intelligent que toi...
- Ouais, ouais, ouais, bon bah, c'est bon hein ! Cherchons un coin pour dormir et puis c'est tout !" coupa Link avec mauvaise foi.
Ils se mirent donc en quête d'un coin tranquille où passer le reste de la nuit. Ils en trouvèrent finalement un, un peu plus haut. C'était un simple petit renfoncement dans la roche, mais qui était assez suffisant pour abriter quatre personnes sans risque d'encombrement. Comme le feu qu'il avait invoqué tout à l'heure pour éliminer les loups avait quelque peu épuisé son pouvoir, Darunia demanda à Wanda d'allumer un feu de Din. La fée obéit, et aussitôt après, un feu magique brûlait calmement sur le sol sans se répandre et s'éteindre, évitant ainsi de chercher pierres ou autres brindilles destinées à le maîtriser.
Comme il était maintenant quatre heures du matin et qu'ils avaient décidé de se reposer jusqu'à huit heures, il avait donc été conclu que chacun monterait la garde pendant une heure.
La première était Nabooru, ensuite suivie de Link. Alors que la jeune femme commençait son tour de garde, le jeune Hylien vint s'asseoir à côté d'elle, tandis que Darunia ronflait bruyamment et que Wanda dormait sans faire aucun bruit, mais visiblement gênée dans son sommeil par le Goron.
"Je sais ce que tu es venu me demander, déclara Nabooru avec beaucoup d'assurance. Alors ne me dis rien.
- Il faudra à l'avenir que tu arrêtes de lire dans les esprits des gens. J'aurais aimé te le dire sans que tu n'aies à le deviner, cela me concerne, ne l'oublie pas.
- Oh, mais tu me l'as dit, figure-toi. Seulement, tu as fait ça par la pensée, pas oralement, et puisque tu avais l'intention de m'en parler à l'instant même, ce que j'ai fait est par conséquent totalement légal.
- Oui, mais n'en parlons plus et venons-en au fait. Qu'en penses-tu ?
- Ce que j'en pense, c'est que tu as tout à fait raison. Ce que tu ressens est totalement humain, cependant, je ne sais si cela est vraiment possible.
- Que veux-tu dire par-là ?
- Que s'ils sont aux cieux, alors les faire revenir est totalement impossible, Link.
- Et comment le savoir alors, s'ils sont aux cieux ou pas ?
- Tout simplement en se rendant dans mon temple, Link. Je te promets que nous essaierons lorsque nous serons revenus sur notre bonne vieille terre natale. Mais ta mère est morte dans la forêt alors je ne sais pas ce que ses habitants ont ensuite fait du corps, et je ne sais pas non plus ce qu'il est advenu de son âme. Et ton père, sais-tu ce qu'il faisait ?
- Je n'en sais rien, non. Bojo ne m'a rien dit à propos de mon père. Mais il devait sûrement servir dans l'armée hylienne, et il a certainement dû mourir lors d'un combat.
- Je suis vraiment désolée, Link, répondit Nabooru en posant une main sur l'épaule de son ami, mais je suis sûre que de là où ils sont, ils ont vu tout ce que tu as accompli, et qu'ils sont très fiers de toi. En tout cas, ils ne sont pas autour de nous, car je ne sens que notre présence à nous quatre pour l'instant.
- J'espère seulement qu'ils sont toujours sur cette terre, afin que je puisse les sentir, même s'ils sont devenus invisibles, même s'ils hantent les vivants. C'est le rêve de tout parent que leur enfant devienne un jour quelqu'un de grand, et c'est aussi le rêve de tout orphelin de voir un jour ses parents, qu'ils soient vivants ou morts.
- Le Monocle de Vérité ne suffit même pas à voir les esprits devenus invisibles, mais sentir des fantômes veiller sur toi, quelle magnifique expérience, n'est-ce pas ? Maintenant, Link, va dormir un peu, car tu devras monter la garde dans un peu moins d'une heure. Bonne nuit, et fais de beaux rêves dans cette magnifique alcôve de pierre.
- Oui, toi aussi. Merci pour tout Nab'."

Huit heures arrivèrent. Darunia, le dernier désigné pour la garde, sortit un petit cadran solaire de sa besace afin de s'en assurer. Le soleil du matin déversait ses rayons orangés sur les montagnes, les faisant alors resplendir de mille feux en leur donnant un agréable mélange d'ocre et de rouge. Le Sage réveilla ses compagnons en faisant trembler la terre de ses membres inférieurs et supérieurs. Ils se levèrent peu après non sans mal, ajustèrent leurs affaires et reprirent leur ascension après avoir contemplé une dernière fois leur terre d'origine, que l'on pouvait voir s'étendre lointainement en contrebas, semblant alors n'être qu'une simple maquette miniature de bois.
Il était maintenant presque midi, et ils grimpaient péniblement, écrasés par la chaleur et épuisés par la topographie du terrain. Cependant, Nabooru et Darunia étaient habitués à pire que cela, et Link avait revêtu la tunique des Gorons. Wanda ne ressentait pas non plus la chaleur. Ils peinèrent encore un peu et trouvèrent un coin à l'ombre en dessous d'une petite falaise où ils purent s'asseoir afin de se restaurer.
"Tout de même, s'écria Nab' en dévorant une cuisse de poulet, on va quand même pas continuer à grimper cette pente abrupte ? Regardez là-bas, la montagne juste à côté, elle paraît beaucoup plus praticable. En plus, au sommet, il y a un col menant à la montagne que nous voulons atteindre, nous n'avons qu'à passer par-là. Tiens, c'est bizarre, on ne peut plus distinguer la montagne-château d'ici, regardez, elle est tout entourée de brume !
- Oui, mais toujours est-il qu'elle est encore bien loin, nous serons vraiment fixés une fois que nous l'aurons atteinte. Et c'est hors de question de faire un détour aussi inutile Nab'. Mon pouvoir a eu le temps de se régénérer cette nuit. Alors, admirez tous mon talent, et regardez donc ce que je vais faire de cette fichue pente !"
Darunia empoigna le médaillon attaché autour de son poignet et le pointa sur ladite pente. Une lumière rouge et aveuglante s'échappa ensuite du bijou sacré et vint recouvrir tout le reste de la montagne. La lumière s'évapora et laissa place à de splendides escaliers sculptés dans la roche de la montagne. Darunia remit en place l'instrument de son pouvoir et prit un air satisfait et hautain.
"Ils sont beaux mes escaliers, hein ? s'écria-t-il en riant.
- Ils sont supers vous voulez dire ! renchérit Wanda. Bon, si tout le monde est prêt, alors en route ! Le chemin nous est tout tracé !"

Ils marchaient depuis la fin du déjeuner. Ils n'avaient fait que deux ou trois haltes seulement. Les escaliers de Darunia étaient vraiment efficaces. La montagne - ou bien le château - qu'ils désiraient atteindre ne paraissait plus très loin à présent. Cependant, la brume se faisait de plus en plus épaisse à mesure qu'ils approchaient de l'objet de leur désir, ce qui contraignit Wanda à allumer une flamme de Din dans ses mains et à leur servir de guide. Au bout d'un moment, la fée leur ordonna de rester où ils se trouvaient et partit en reconnaissance en fendant l'air. Ils attendirent dix bonnes minutes, lorsque soudain, les paroles criées de Wanda les prévint :
"Woouuaahh !!! Venez vite, c'est un chââtteeaauu !!!"
Ils suivirent alors la flamme de la fée, brillant au loin à travers le brouillard, pour finalement arriver à ses côtés, une merveille s'élevant juste devant eux.

Chapitre 11 : Le château des endormis   up

A présent, ils étaient immobiles devant ce château, l'admiration les empêchant de bouger. Comment diable les habitants de leur royaume avaient-ils pu faire impasse devant une telle chose ? Comment n'avaient-ils pu remarquer que les montagnes pouvaient certaines fois avoir des formes trompeuses ? Et les habitants de ce bâtiment, avaient-ils pu ou pouvaient-ils voir Hyrule de là où ils étaient ?
L'édifice était immense, bien plus immense que son homologue hylien. Ses murs étaient gris, tout comme ceux de la demeure des Nohansen Hyrule, ses toits étaient rouges, et il avait également la même forme de l'autre maison royale. Des vitraux multicolores, représentant des rosaces et autres formes géométriques, et des fenêtres à losanges transparents ou bien translucides, étaient creusés un peu partout dans les murs. Les toits marquaient définitivement la splendeur de ce château. Ces vitraux et ces fenêtres étaient tous d'architecture gothique.
Au bout d'un long moment, Wanda cassa le silence qui s'était installé :
"Par tous les dieux ! Bonté divine, mais c'est indescriptiblement beau ! Nous devons absolument pénétrer à l'intérieur de cette merveille afin de s'assurer que nous ne sommes pas les seuls sur cette terre ! En tout cas, de là où nous sommes, il est impossible de voir ce qu'il y a de l'autre côté de ce château, il est tout cerné par la brume..."
Ils firent le tour de la construction afin de trouver la porte. Ils n'eurent aucun mal. Elle se trouvait à l'opposé d'où ils étaient arrivés, là où la montagne embrumée descendait vers un monde inconnu. La porte d'entrée, d'architecture gothique elle aussi, était immense, faite de bois, et possédait deux battants. Au-dessus se trouvaient des bas-reliefs. Ils représentaient quatre personnages : deux hommes et deux femmes. Ils se tenaient droits, enveloppés de longues capes possédant des capuches qu'ils ne portaient pas. Leurs têtes et leurs bras étaient également levés vers le ciel, vers quatre grandes clés. Et puis, encore plus haut, une autre sculpture arrachée. Aucun des quatre ne sut donc ce qu'elle représentait exactement.
Ils s'émerveillèrent de ces sculptures, mais leurs regards furent bien vite détournés par deux inscriptions gravées dans le bois de la porte. L'une avait été soigneusement creusée dans la matière, et était écrite dans un code inconnu, dont la langue devait être aussi inconnue que l'étrange écriture. L'autre semblait avoir été creusée rapidement, et était écrite en vieil hylien.
"Non mais je rêve, s'écria Darunia, regardez, du vieil hylien ! Apparemment, nous ne sommes pas les seuls de notre royaume à être passés par ici.
- Hum, il me semble que l'inscription en vieil hylien est la transcription de l'autre gravure, constata Wanda. Si je lis dans l'ancienne langue d'Hyrule, il y a marqué 'Tan Orsan arten sè', autrement dit, qu'Orse soit bénie. Par tous les Dieux, mais qu'est-ce que cela signifie ?
- Qu'on va pas tarder à le savoir, déclara Nabooru. En tout cas, merci pour la traduction. Il faut qu'on entre dans ce truc afin d'en savoir un petit peu plus."
La porte était très lourde; ce fut donc Darunia qui l'ouvrit en poussant les deux battants. Ils entrèrent tous les quatre en même temps, sans se douter que quelqu'un les avait suivis...
Darunia referma la porte. Le hall du château était fantastique : de grandes colonnes partaient du sol pour aller soutenir un plafond en verre très haut, à travers duquel on pouvait voir une salle. Des lustres en verre et en or étaient accrochés à ce plafond et comportaient de multiples bougies éteintes. Les fenêtres à losanges et les vitraux laissaient voir la purée de pois impénétrable du dehors et bientôt, une pluie diluvienne vint frapper les carreaux, plongeant le château dans les ténèbres. Wanda alluma les bougies du plafond, et la pièce fut bientôt emplie d'une délicieuse lumière. Au fond du hall se trouvait un grand escalier construit avec les mêmes briques grises que les murs extérieurs et intérieurs du château. Il donnait sur une galerie qui leur faisait face. Au centre de celle-ci, un autre escalier partait vers une autre galerie identique à celle du bas, sauf qu'une paroi de verre était posée à la place d'une rampe, dont la précédente galerie était pourvue. Des portes de taille normale et espacées de trois mètres chacune se trouvaient de part et d'autre de ces escaliers. Un autre escalier menait vers une autre galerie identique aux précédentes, avec rampe cette fois. Au total, six galeries et six escaliers identiques se succédaient, alternant rampe/paroi de verre.
"Ben ça, c'est ce que j'appelle de l'architecture ! s'exclama Link. Bon, écoutez-moi tous, on va visiter ce château ensemble, sans se séparer, car il semble que l'on soit les seuls, et cela me paraît louche.
- Moi en tout cas, je te suis, grand chef, mais je ne sens rien d'autre que notre présence en ces lieux." finit Nabooru.
Ils visitèrent les différents couloirs un à un. Derrière les portes se trouvaient des pièces aussi diverses que chambres, salons, bureaux... Les salles étaient parfaitement bien meublées, mais rien ne se trouvait à l'intérieur des commodes ou autres armoires, au grand dam des héros qui cherchaient des indices. Bien entendu, ils savaient que cela était étrange. Ils arrivèrent enfin au sixième et dernier couloir, possédant lui aussi une vitre de verre. D'ailleurs, une porte de la même matière était découpée dans la vitre et donnait sur une pièce au sol de verre de la même dimension que le hall : c'était en effet la salle que l'on pouvait voir grâce au plafond de verre lorsqu'ils étaient entrés dans le château. Ils pénétrèrent dans la pièce dont les trois autres murs étaient faits de bois. Elle était totalement vide et semblait servir seulement à renforcer la splendeur infinie du château. A l'opposé du mur de verre, une porte de bois était ouverte sur une tour possédant un étroit escalier en colimaçon et deux fenêtres à losanges laissant passer la lumière du jour. Ils prirent cet escalier un à un. Darunia dut le franchir de côté, car l'étroitesse de la tour ne pouvait laisser passer quelqu'un de sa carrure. Ils parvinrent en haut, devant une porte identique à celle en bas des marches. Nabooru l'ouvrit. Ils déboulèrent dans une salle immense, vide de tout mobilier mais dont les murs étaient cependant ornés de tapisseries de velours rouge. Au bout de la salle, une grande porte en bois rectangulaire, possédant également deux battants, était légèrement entrouverte. Ils se précipitèrent sur la porte, que Darunia ouvrit de toutes ses forces. Ils entrèrent alors dans une autre grande salle aux murs de briques grises et au plafond orné de poutres en bois. A gauche de la porte, un autre escalier menait à une galerie dominant le reste de la salle. Au milieu de cette salle, un grand rideau de velours noir était déployé. Les héros avancèrent jusqu'à ce splendide rideau de style gothique et passèrent de l'autre côté. L'autre partie de la salle était donc la continuité de la partie précédente. Les murs étaient décorés de tapisseries représentant des hommes et des femmes aux toilettes de fêtes irréprochables. Toutes ces scènes semblaient être celles de la vie quotidienne dans cet édifice.
Mais les regards de la bande se détournèrent immédiatement pour aller se poser sur un spectacle moins gai : au centre de la pièce trônait une longue table rectangulaire avec chaises et bancs, sur lesquels une vingtaine d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges gisaient. Certains étaient adossés à des chaises, la tête levée, la bouche ouverte, les bras pendants; d'autres avaient la tête appuyée contre leurs bras posés sur la table. Et ils étaient tous pâles, pâles comme des morts. Les traits des quatre restaient figés dans une expression d'horreur intense, semblable à celle des morts qui gisaient devant eux. Ils contemplaient ce spectacle avec une fascination morbide; ils voulaient s'en détacher mais n'y parvenaient pas.
"Ils sont tous... morts ? parvint à dire Link d'une voix tremblante.
- Non, ils ne sont pas morts ! cria Nabooru pour chasser sa peur et celle de ses compagnons. Enfin du moins, pas vraiment.
- Que... que veux-tu dire, Nab' ? demanda Wanda avec effroi, espérant ne pas entendre la réponse de la Gerudo.
- Je ne distinguais aucun signe de vie à part les nôtres, et en voilà la raison : on leur a volé leur âme ! Ils étaient vivants quand cela s'est produit ! Ils sont morts, mais leurs corps ne pourriront jamais, car on leur a arraché leurs essences de leur vivant. Ces morts ne sont donc pas naturelles, comprenez-vous ? Lorsque l'on meurt, nos âmes s'échappent de nous tandis que là, on les a fait mourir en leur prenant leur âme de force ! De ce fait, on peut les réintroduire dans leur corps respectif et ils se mettront à revivre aussitôt sans s'être aperçu de rien. Pour eux, ça sera comme s'ils avaient toujours vécu, ils n'auront pas senti la mort, enfin... J'arrive pas à m'expliquer mieux, mais en gros, c'est ça.
- Mais c'est horrible ! cria Wanda. Mais qui a pu faire une chose pareille ? Es-tu sûre de ce que tu dis, Nabooru ?
- Oui, je le suis. Il n'y a que des êtres vivants doués d'une grande magie pour faire cela, mais je pensais que ce n'était que dans les contes destinés à faire peur aux enfants. Moi-même, je suis en mesure de commettre une chose aussi horrible, mon pouvoir me le permet, et il y a aussi la magie des Sheikahs qui peut le faire.
- Mais pourquoi ? questionna Link d'un ton apeuré, tremblant de tous ses membres.
- Pour atteindre l'immortalité je crois...
- Eh ! Venez vite, tous !" ordonna Darunia.

Chapitre 12 : La flamme de l'Indomptable s'éteint   up

La voix du Sage provenait de la galerie. Les trois autres firent ce qu'il avait ordonné, et, sans être remis de leurs émotions, ils se rendirent dans le couloir, où se trouvait une petite porte ouverte par laquelle ils entrèrent. Ils pénétrèrent alors dans un petit bureau, face à Darunia et à un vieil homme aux cheveux clairsemés et blancs qui portait un costume de velours bleu brodé de fils d'or. Le pauvre personnage était avachi sur son bureau, la tête dans ses bras, posés sur le petit meuble de bois.
"Je l'ai trouvé comme ça, dit Darunia. Les misérables gens, je ne sais pas quel est l'enfoiré qui a fait ça, mais en tout cas nous le trouverons et nous lui ferons subir le même sort. Il y avait cette feuille qui était sur le bureau à côté du vieux. Il y a deux écritures différentes, regardez ça, Wendy, s'il vous -plaît."
Il tendit le papier à Wanda qui lui demanda de ne plus l'appeler par le diminutif de Wendy, trop gamine selon elle. Après quoi, elle analysa la feuille de forme rectangulaire poussiéreuse et jaunie par le temps.
"Hum, c'est comme tout à l'heure, il y a l'écriture inconnue et le vieil hylien. Je vous lis ce qu'il y a marqué :
'Moi, Wilhelm, cinquième du nom et roi d'Orse, je vous ordonne, ultime Gardien d'Orse, de vous réfugier dans un endroit où Vlad ne vous trouvera jamais. Il a volé les âmes de tous les habitants du Royaume, ainsi que celles des autres Gardiens d'Orse. Vous quatre, vous étiez le seul espoir de notre monde mais les trois autres se sont courageusement battus et y ont malheureusement laissé leurs essences. Je vous en supplie, survivez à travers les âges, trouvez la force de vous battre, et ne laissez pas cet être impitoyable voler le dernier souffle de vie d'Orse. Et c'est vous, le dernier souffle de vie. Il a déjà détruit ma cour, ma famille. Tous se trouvent dans la pièce d'à côté, dans la grande salle. Il est venu il y a quelques jours et leur a fait subir le même sort qu'aux autres. Je m'étais caché, mais j'aurais tellement aimé être avec eux ! Quel lâche je fais ! Je n'ai pas eu le courage de les déplacer, et ils gisent depuis dans la salle où ils se sont fait tuer. Je sais que maintenant, il vient, il arrive, il vient pour moi. Mais si j'ai survécu, c'est aussi pour vous écrire cette lettre, que j'espère vous trouverez, et que lui ne trouvera pas. Mais si je la cache, il demandera à mon esprit - quand il l'aura eu - de lui révéler la cachette, et cela ne mènerait à rien. Tant pis, je la laisse ici, en espérant qu'il ne s'en débarrassera pas et que vous la lirez. Je sais, Gardien, que rien n'est plus cruel que de perdre les êtres que l'on aime, et croyez-moi, voir toute votre famille, frères, soeurs, enfants... devant vous et inconscients, morts et pourtant vivants, rien n'est plus cruel que cela. Alors, même si vous devenez le seul être au monde, sachez que nous serons toujours avec vous, sachez que nous vous sommons de résister.
Il arrive, maintenant, j'entends ses pas dans les escaliers.
Adieu, ô vous, Gardien, ultime Gardien de notre chère Orse, notre terre chérie, adieu.
J'espère tout simplement que vous trouverez la force dans les prières adressées aux Dieux. J'espère qu'ils vous entendront et qu'ils arrêteront cette hécatombe inutile.
Survivez malgré la solitude. Adieu, Wilhelm V.'

- Par tous les Dieux ! Mais c'est horrible ! s'exclama Link, horrifié. Mais que va-t-on faire ?
- Oui, c'est horrible, mais si on en croit ce pauvre homme, il y a toujours un survivant. Nous devons le trouver et ce, où qu'il soit ! Le roi a parlé de quatre Gardiens, et il y avait quatre personnes représentées sur les bas-reliefs. Et Orse, ce doit être le nom de ce royaume. Partons sans plus tarder à la recherche de ce...
- Ils sont là, mes mignons, hein, ils sont là, hin, hin, hin ! Venez, tout de suite !"
La voix sinistre et caverneuse qui avait prononcé ses mots provenait du hall du château. Elle avait résonné dans tout le bâtiment, empêchant Darunia de continuer. Etrangement, cette voix était familière à Link. Il jurait intérieurement l'avoir déjà entendue quelque part. Cependant, il ne parvenait à mettre ni nom, ni visage sur cette voix lui rappelant soudain son infernale escale dans le Temple des Ombres.
"Je sens des esprits, j'en sens beaucoup ! s'exclama Nabooru, semblant être entrée en transe. Ils sont en peine, ils demandent de l'aide ! Mais partons vite, ne restons pas ici ! Partons ! Je ne me sens pas capable de les aider...
- Non, Nabooru ! hurla Darunia. Moi, j'y vais ! N'y allez pas si vous ne voulez pas, mais moi, je vais lui faire voir de quel bois je me chauffe !
- Non, espèce de fou ! cria Nabooru encore plus fort que son ami. N'y va pas, c'est dangereux ! Idiot, reste là !"
Mais le sage du Feu ne l'écouta pas et jeta une flamme dans la pièce, destinée à aveugler ses compagnons. Le sort jeté produit l'effet voulu et, avant que ses victimes n'aient pu s'en remettre, Darunia avait quitté le bureau.
"Darunia ! hurla Nabooru en larmes. Tu vas te faire tuer ! Nooonn !"
Link la saisit par le bras et lui montra la seule fenêtre du bureau.
"Nabooru, je fais une entière confiance à Darunia. Et puis, si on le suit, on risque de tous y passer. Aussi, s'il doit mourir de la même manière que tous les autres - ce qui serait la chose la plus affreuse que j'aurai jamais vécue - sache que nous le sauverons, ainsi que les pauvres habitants d'Orse. Et n'oublie pas qu'Hyrule est peut-être en danger elle aussi."
Nabooru ne fut pas convaincue par les arguments de son ami - Link non plus d'ailleurs -, mais elle accepta. Wanda avait déjà ouvert la petite fenêtre rectangulaire et était dehors, suspendue dans les airs, les sonnant de se dépêcher. Nabooru se précipita vers elle et s'envola à son tour en se transformant en boule de lumière orange. Link s'empara de la lettre et courut jusqu'à la fenêtre où il se posta sur le bord. Il se rendit vite compte qu'ils se trouvaient très haut en altitude, et qu'il risquait de s'écraser en bas s'il sautait sans faire attention. Heureusement, il s'était chaussé des bottes ailées, qui lui permettaient de marcher et de courir dans les airs aussi longtemps qu'il le voulait.
Ils se tenaient tous trois dans les airs, glacés par la pluie qui n'avait cessé de tomber depuis qu'ils étaient arrivés à Orse. L'orage se déchaînait également, et le brouillard était encore plus épais qu'auparavant, déversant ses voiles flous sur toute la montagne et empêchant de voir autre chose alentour que la brume elle-même. Ils ne cessaient de regarder à l'intérieur du bureau dans le but de percevoir un bruit victorieux poussé par Darunia ou, mieux encore, de le voir revenir triomphant quand soudain, un cri effroyable vint les tirer de leurs vains espoirs. Ce cri d'agonie s'était échappé de la bouche du Sage. Tout se passa en un instant. Le cri se tut aussi vite qu'il ne s'était libéré, et ils devinèrent aussitôt que l'issue du fier Goron avait été fatale. Nabooru et Link poussèrent à leur tour un cri de désespoir. Wanda se contenta de baisser la tête et de pleurer en silence.
"Partons, maintenant, dit celle-ci au bout d'un long moment de silence infernal. L'ennemi doit être à notre recherche, et tout ce que nous pouvons faire c'est honorer la mémoire de Darunia en survivant et en combattant sauvagement et sans répit.
- Ou... oui, balbutia Link sous l'emprise du chagrin. Partons, et combattons comme jamais auparavant. Partons !"
Wanda vola et disparut alors dans le brouillard, suivie de Link, courant dans les airs, guidé par Nabooru qui éclairait le chemin grâce à la forme qu'elle avait prise : une lumière orange et intense, censée percer l'impénétrable purée de pois et rendre hommage à l'indomptable Goron qui avait perdu la vie en voulant sauver celle de tout un peuple.

Chapitre 13 : Un monde de désolation   up

A présent, ils ne pouvaient plus faire demi-tour. Ils ne pouvaient plus revenir à Hyrule, sous peine de rencontrer dans les montagnes l'être qui avait enlevé la vie à leur ami. Mais ils ne se doutaient même plus que leur terre était elle aussi en danger et que, tôt ou tard, ils devraient y retourner. Ils étaient maintenant perdus quelque part dans le voile ténébreux du brouillard, essayant d'en sortir coûte que coûte. La tempête se calmait pourtant au fur et à mesure. Ils survolaient les montagnes, jetant des coups d'oeil pénibles pour percevoir d'éventuelles terres après les monts rocheux, seul paysage qu'ils avaient connu tout au long de leur endurant voyage.
Après de longues minutes à percer la brume grâce au feu de Din, Wanda arrêta sa course aérienne et ordonna aux deux autres de faire de même. Ils s'exécutèrent et elle dirigea son index vers le sol.
"Regardez, ajouta-t-elle, ce ne sont plus les montagnes, nous en avons enfin terminé avec elles ! Posons-nous !"
Leurs pieds engourdis touchèrent alors le sol, et ils avancèrent, toujours droit devant eux. A leur grande surprise, la purée de pois de dissipa comme par magie, et ils purent distinguer, de leurs yeux injectés d'eau, un paysage à la fois triste et gai, figé comme s'il avait été un trompe-l'oeil. La pluie tombait lentement sur ce beau monde de mélancolie comme si elle n'avait jamais cessé de le faire depuis qu'il existait.
Ainsi, en contrebas, les héros endeuillés virent une gigantesque vallée composée de villages et de villes semblables à ceux d'Hyrule. Autour, de grandes forêts d'arbres semblaient s'étendre à l'infini. Ces étendues de feuillus auraient pu être bien plus luxuriantes que celles du territoire Kokiri lui-même si seulement les arbres n'avaient pas été tous morts, certains étant couchés à terre - sûrement à cause des caprices du vent. Celui-ci agitait d'ailleurs doucement la cime des arbres encore enracinés, et on entendait le bruissement des feuilles avec une langueur lugubre.
"Il doit nous suivre, nous devons absolument nous cacher. Mais il nous repérera vite si nous ne fermons pas nos esprits à toutes ses possibles tentatives de pénétrer dedans, dit Nabooru d'une voix pleine d'émotion, en laissant couler des larmes qu'elle n'avait jamais pleurées auparavant.
- Je crois que je sais où vous serez en sécurité, ô étrangers !"
Tous sursautèrent d'effroi, car la voix qui venait de leur parler était elle aussi caverneuse, surnaturelle. Ils entendirent que quelqu'un volait autour d'eux. Le bruit que faisait la personne en fendant l'air était un son familier à Link, et, bien qu'il ne connût pas la voix qui avait parlé, il savait que le ton et la manière dont les mots avaient été prononcés ne pouvaient venir que d'un... fantôme. Celui-ci surgit soudainement devant les trois avec la rapidité des êtres de son état. Il ne portait pas de lanterne comme les esprits d'Hyrule, car c'était là une tradition funéraire hylienne qui voulait qu'une lanterne fût remise aux morts afin que, s'ils ne montent pas aux cieux, leur esprit puisse se repérer dans les ténèbres souterraines.
L'ectoplasme avait les cheveux grisonnants ainsi que des traits réguliers exprimant la fatigue d'une personne qui avait dû lutter contre une grave maladie avant de trépasser; il portait aussi un costume de velours bleu, brodé de fils d'or.
"Ô étrangers, soyez bénis des Dieux ! Nous n'avons pas le temps de faire plus ample connaissance. Tout ce que je vous demande pour l'instant, c'est de me suivre, et ce sans perdre de temps !"
Il s'enfuit vers la vallée, et Link, Nabooru et Wanda le suivirent, sans se poser aucune question, sans exprimer aucune méfiance à l'égard de ce fantôme dont ils avaient vu le corps il y a quelques minutes auparavant.
Alors qu'ils pénétraient dans le premier village de la vallée, le même brouillard glacé infiniment épais et impénétrable les surprit de nouveau. De ce fait, ils ne purent voir les bâtiments qui se situaient autour d'eux, et ils craignirent de perdre leur guide de vue, mais Nabooru sentait sa présence grâce à son médaillon et servait elle-même de guide aux deux autres.
Ils ne surent combien de temps dura leur nouveau voyage lorsqu'ils s'arrêtèrent enfin. La brume les enveloppait et leur glaçait toujours les os, et c'est à peine s'ils purent apercevoir leurs trois visages.
L'esprit était toujours à leurs côtés, car ils percevaient le son caractéristique et inquiétant d'un spectre se déplaçant dans les airs. Celui-ci prononça d'ailleurs une sorte d'incantation dans sa langue natale, et le son d'outre-tombe fut bientôt étouffé par un bruit plus étonnant encore : il semblait que des flots se trouvaient à proximité. Link s'avança alors dans la direction d'où provenait ce son, et un cri de surprise s'échappa de sa bouche. Devant lui, se trouvait en effet un lac, de dimension et de profondeur à peu près égales à celles du lac Hylia. Les flots du lac étaient divisés en deux vagues gigantesques et, au milieu de celles-ci, un escalier partait de la rive pour aller s'enfoncer très profondément dans le fond du lac et bien au-delà sous terre, où plongeaient les ténèbres. L'esprit de Wilhelm V ordonna aux vivants de descendre l'escalier immédiatement, et ils s'exécutèrent, craignant cette fois-ci que tout ne fût qu'un guet-apens et que les eaux ne se referment sur eux.
Mais ils s'enfoncèrent peu à peu dans l'obscurité et, une fois qu'ils eurent descendu les escaliers, ceux-ci se refermèrent comme une trappe pour aller combler l'immense trou que leur formation avait laissé au fond du lac. Les trois se trouvèrent alors plongés dans les ténèbres, mais le fantôme ordonna à la fée d'allumer une flamme, ce qu'elle fit immédiatement et, dès qu'ils furent en mesure de voir, ils suivirent de nouveau l'âme damnée dans un long couloir régulier, étroit, ténébreux et humide, car des gouttes d'eau provenant du lac se situant au-dessus d'eux partaient du plafond pour aller s'écraser au sol.
Après cinq minutes de marche, ils aperçurent enfin de la lumière au bout du couloir. L'esprit s'enfuit rapidement vers la source dorée, et Link, Wanda et Nabooru l'imitèrent, courant à toute vitesse, se demandant encore ce qu'ils allaient rencontrer.

Chapitre 14 : Le Gardien d'Orse   up

Lorsqu'ils pénétrèrent dans la pièce éclairée, ils laissèrent éclater un "whouah !" d'admiration. La salle semblait être aussi glorieuse que le château d'Orse. Tout au fond de celle-ci se trouvait un trône en corail rose, décoré de pierres précieuses. Des coquillages ornaient les murs beiges et immaculés de la pièce, et un splendide tapis rouge était posé sur le sol. Des lustres identiques à ceux du château et dont les bougies éclairaient la salle pendaient du plafond.
Une fois qu'ils se furent assez émerveillés de la pièce sous-marine, ils s'aperçurent que le roi avait disparu. Mais leur attention fut bien vite détournée car des bruits de pas se firent entendre derrière le mur opposé de là où ils se situaient. Une porte s'ouvrit ensuite dans le mur - une porte qu'ils n'auraient pu soupçonner car elle était confondue avec le mur, ne possédait aucune poignée et était de plus très fine -, et une silhouette avec une cape et encapuchonnée apparut. Elle semblait être celle d'un homme. Elle s'avança vers les héros et se jeta ensuite à leurs genoux.
"Ô inconnus venus de l'autre royaume, ce sont les bons Dieux qui vous envoient !"
La voix était effectivement celle d'un homme. Il avait prononcé la phrase sur un ton de fausse joie, car le bonheur de voir des étrangers bien portants ne pouvait lui enlever sa peine sans doute liée à la solitude. L'homme avait également un accent témoignant de sa difficulté à parler l'Hylien.
Il joignit ses deux mains décharnées qui sortaient de sa longue cape noire et se mit à proférer ce qui sembla être des prières dans la langue d'Orse. Il se releva ensuite, et, sans enlever sa capuche, il scruta longuement les étrangers.
"Etrangers venus d'Hyrule, sachez que l'heure est grave. Comme je ne parle pas très bien votre langue, mon pauvre ami Wilhelm va tout vous raconter. Veuillez entendre ce qu'il a à vous dire. Je suis l'ultime Gardien d'Orse, mon nom est Tancrède."
Il termina son bref discours en respirant bruyamment, comme essoufflé par l'effort qu'il venait de fournir de parler dans une autre langue.
L'esprit passa alors à travers le trône et vint se poster à côté de son ami. Il regarda à son tour les trois jeunes gens, et amorça un long récit, avec un petit accent que les trois autres n'avaient pu remarquer lorsqu'il leur avait parlé pour la première fois :
"Sachez, ô étrangers, que ce que vous allez entendre, vous ne l'avez jamais entendu auparavant. C'est une histoire, l'histoire de tous les êtres existant sur notre terre, la vôtre comme la mienne. Vous ne pouviez soupçonner pareille histoire avant maintenant !
Le royaume d'Orse fut créé il y a de cela 2000 ans par trois déesses, Din, Nayru et Farore. Vous savez très bien que Din créa la terre, Nayru le ciel - barrière entre le monde des Dieux et celui qu'elles étaient en train de construire - et Farore, les êtres vivants. Elles instaurèrent la paix et la justice dans ce beau monde qui allait s'appeler Orse. Avant de repartir vers les cieux, elles laissèrent la Triforce, symbole de leur pouvoir. Les êtres que Farore avait conçus eurent aussitôt connaissance de la Triforce, et ils durent la vénérer comme il se devait et la protéger afin qu'elle ne tombe jamais entre de mauvaises mains. C'est pour cela que les premiers êtres que Farore créa furent les quatre Gardiens d'Orse, à qui elle conféra l'immortalité et le devoir de garder la Triforce dans un lieu sûr. Tancrède fit donc partie de ces Gardiens. Ensemble, ils construisirent une tour gigantesque au milieu de la mer - une étendue d'eau infiniment supérieure à celle d'un lac -, et ils y scellèrent la Force Trois, comme nous l'avons toujours appelée.
Farore créa quatre Gardiens, et quatre peuples, dont faisait partie chaque Gardien. Les Hommes, peuple de Tancrède, destinés à vivre moins de cent trente ans et semblables aux Gerudos; les Sirènes, mi-hommes mi-poissons, pouvant vivre jusqu'à 250 ans et semblables aux Zoras; les Fées, comme vous mademoiselle (ces paroles étaient adressées à Wanda), vivant jusqu'à 1000 ans et les Elfes, semblables aux Hyliens et aux Kokiris, pouvant vivre aussi longtemps qu'ils le voulaient, à condition qu'aucun obstacle fatal ne se mette en travers de leur chemin.
Bref, tout ce beau monde vécut en paix pendant des siècles, et même les petites guerres se déroulant ça et là dans le pays et faisant peu de victimes ne purent entacher la paix issue des déesses qui régnait sur le monde. Quand un jour, un Homme nommé Vlad vint trouver les quatre Gardiens. Il leur demanda d'aller chercher la Force Trois et de lui demander de modifier la longévité de son peuple afin qu'ils deviennent immortels comme les Elfes. Mais les Gardiens refusèrent, jugeant préférable de laisser le monde comme il avait été fait. Vlad partit alors, révolté. Plus personne ne le revit. Pourtant, des années plus tard, il réapparut et sema le désespoir et la mort. Il vola les âmes des Elfes - leur immortalité ne pouvant résister à une attaque aussi funeste que celle dont ils étaient victimes -, des Fées et des Sirènes - certains êtres de ce peuple étant sortis de l'eau pour arrêter l'ennemi. Après son altercation avec les Gardiens, il s'était en effet éclipsé par-delà la mer, et avait appris, avec son frère comme disciple, à contrôler les essences de chaque être vivant, c'est-à-dire les âmes. Il avait en effet l'intention de dérober les âmes des peuples que j'ai cités précédemment, afin de les distribuer aux Hommes pour les rendre immortels. Il avait aussi le secret dessein de se servir de son art funeste pour priver de la vie éternelle les Gardiens d'Orse et dérober leurs clés gardant la tour fermée afin d'ouvrir le bâtiment et de récupérer la Force Trois, pouvant lui faciliter la tâche. Les quatre Gardiens luttèrent vaillamment, mais trois d'entre eux y laissèrent leurs essences et leurs clés. Par chance, Tancrède réussit à en réchapper, et il se réfugia sous les eaux, avec les survivants du peuple des Sirènes, qui finirent par mourir de désespoir.
Mais Vlad commença même à envier les gens de son peuple, et il finit par abandonner le but qu'il s'était donné. Il garda donc les âmes pour lui, et déroba celle des autres Hommes. Mais il s'épuisa vite de cette lugubre besogne, et repartit de l'autre côté de la mer, là où se trouvaient les cimetières de chaque peuple, afin d'emprisonner cette fois-ci les âmes des morts et de se reposer afin de se régénérer.
Son frère, ayant seulement appris à lire dans les esprits des gens et à s'emparer des âmes des morts errantes, resta à son 'chevet'. Quand un jour, il vit les trois déesses redescendre sur terre, dans ce qui dut être pour lui un enfer de lumière et de couleurs vives. Elles restèrent longtemps et, quand elles s'en furent allées, il décida d'escalader les montagnes. Le chaos qui se trouvait jusqu'alors de l'autre côté s'était mû en une magnifique terre nommée Hyrule.
Vous l'avez bien compris, oui, Hyrule. Les Déesses, ne pouvant supporter l'issue fatale d'Orse, la laissèrent à l'abandon et créèrent un autre monde, semblable au nôtre, avec une autre Force Trois. Le frère de Vlad, Dagan, descendit alors sur Hyrule où il attendit dans l'ombre le réveil de son frère. Et aujourd'hui, celui-ci est sur le point de se réveiller.
La paix a duré environ 1000 ans sur Orse, et le royaume d'Hyrule existe depuis 1000 ans. 2000 ans en tout. Il y a une vingtaine d'années de cela, je réussis à me libérer de l'emprise de Vlad, et j'échouai à Hyrule, où j'appris votre langue, vos us et coutumes... Je savais que c'était ici que je trouverais de l'aide. Je suivis le périple du Héros du Temps, en espérant qu'il triompherait, ce qu'il fit avec grandeur. Le moment était alors venu. Il y a quelques jours, Link, alors que vous cavaliez à travers la plaine, je me suis introduis dans votre propre esprit afin de vous transmettre mes pensées : une montagne, peut-être un château, et alors, peut-être l'espoir d'un autre royaume... Je savais que, lorsque vous vous étiez rendu au château d'Hyrule pour la première fois, vous aviez regardé les montagnes, sans vous soucier une seule minute que l'une d'entre elles pouvait être un château. Je n'avais alors plus qu'à vous rappeler ce souvenir et à vous transmettre mes connaissances pour mettre le doute en vous et ainsi vous inciter à faire ce voyage épique que vous avez entrepris avec vos fidèles amis.
Je peux également vous certifier, après avoir parcouru Orse et Hyrule sous ma forme d'esprit, que ce sont là les deux seuls mondes qui existent - enfin je crois -, car, mis à part les fameuses montagnes communes aux deux royaumes, il y a un néant total par-delà les autres chaînes entourant le reste de ces terres. Quoiqu'il en soit, votre royaume est maintenant en danger. Et c'est aussi pour cela que je vous ai appelés. Nous devons absolument retourner à Hyrule avant que Vlad ne se réveille. Les Sages doivent réunir leurs pouvoirs comme ils l'ont fait avec Ganondorf afin d'empêcher que Vlad ne jette son dévolu sur Hyrule.
- Mais enfin, cria Nabooru en larmes, Darunia s'est fait tuer par ce Dagan - ça ne peut être que lui d'après vos dires - et il doit avoir récupéré son âme et son médaillon ! Comment va-t-on faire sans la puissance du Feu ? Et comment a-t-il fait pour le tuer s'il ne peut voler son âme d'un geste ?
- Ce Dagan doit sûrement avoir des esprits à son service. Il a dû leur ordonner de prendre Darunia par surprise et de le tuer ensuite... Pour le reste, je me servirai de la puissance de ma flé.
- De votre clé, Tancrède, répondit Wilhelm, de votre clé.
- Oui, je me servirai de ma clé. Elle ne peut pas remplacer le pouvoir du Feu, mais elle vous sera unile.
- Utile, Tancrède, utile. En réalité, deux alternatives s'offrent à nous : soit nous nous dépêchons de retourner à Hyrule pour rassembler ces pouvoirs et ainsi détruire Vlad et Dagan; soit nous traversons la mer afin d'aller détruire la chambre de Vlad mais dans ce cas, ce n'est pas sûr que nous y arrivions, car nous manquons cruellement de puissance.
- Très bien, dit Link. Nous allons aller à Hyrule, nous le devons absolument de toute façon. Je n'en reviens toujours pas de cette histoire.
- J'ai encore une chose à vous dire, et en particulier à vous, Link. Lors de votre quête en tant que Héros du Temps, vous avez aidé Dagan dans sa recherche des âmes sur la plaine d'Hyrule. L'homme qui habitait le poste de garde à l'entrée de la place du marché, c'était lui, Link.
- Non ! cria celui-ci. Je n'ai pas osé faire ça ? Non ! Si j'avais su, je l'aurais tué !
- Mais il savait qu'il pouvait compter sur vous. Lire dans vos pensées l'aidait. Il riait de votre naïveté. Vous ne pouviez pas savoir. Suffit. Remettez-vous tous de tout ce qui s'est produit jusque là. Nous devons partir sans plus tarder, à moins que vous ne vouliez vous restaurer et vous reposer."
Il fut convenu qu'ils resteraient une heure sous les eaux afin de dormir un peu - s'ils y arrivaient toutefois - et qu'ensuite, ils prendraient le chemin du retour. Un retour douloureux vers Hyrule.

Chapitre 15 : Le Sheikah   up

"Décidément, je ne comprends pas !
- Qu'est-ce que vous ne comprenez pas, Impa ?
- Oh, à vrai dire plusieurs choses, Rauru, plusieurs choses. Pourquoi sont-ils partis si loin d'Hyrule ? Nous savons tous très bien qu'Hyrule est la seule terre au monde ! Les Dieux soient loués que ma chère Zelda ne soit pas partie avec eux et qu'elle nous ait prévenus en priorité avant le reste du royaume.
- Oui, tout cela est bien étrange. Mais nous leur faisons confiance, c'est ça le plus important, Impa. Ils savaient ce qu'ils faisaient, croyez-moi. J'espère juste qu'ils vont bien.
- Moi aussi. Il y a aussi une autre chose dont j'aimerais vous parler, Rauru : mon temple, j'ai beau faire tout ce qui est en mon pouvoir, je ne peux plus pénétrer à l'intérieur, la porte reste fermée ! Impossible d'apprendre quoi que ce soit de la bouche des esprits. Ils se taisent, ils ne veulent rien me dire.
- Impa, vous savez bien que les morts ne parlent plus.
- Rauru, les esprits ne sont pas morts. Les esprits sont éternels, ne confondez pas tout.
- Soit. Mais n'y a-t-il pas ne serait-ce qu'un Sheikah pour vous aider ?
- Non, je suis la dernière, mon cher.
- La question que je me suis posée est comment ont-ils disparu ?
- Ça, j'avoue que ça reste un mystère, même pour moi. Beaucoup des miens vivaient à Cocorico du temps où ce n'était pas encore un village. Et puis un jour, certains se sont volatilisés sans laisser de traces. Ils ont tous disparu un par un, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que moi. Plus aucune trace d'eux depuis des années. Je suis la seule. Mais je dois bien avouer que Zelda m'a rappelé bien des souvenirs lorsqu'elle avait l'apparence de ce beau Sheikah efféminé, ha, ha, ha !"
Rauru rit avec elle de bon coeur, et ils restèrent seuls dans le Sanctuaire des Sages avec leurs questionnements quant au temple sheikah et au voyage de leurs amis.

Ni la beauté des constructions orsales ni la belle lune brillante qui marquait la nuit ne parvenait à leur enlever toutes les horribles pensées qu'ils avaient dans leur tête. Ils marchaient vers le château d'Orse avec d'incessantes et pénibles questions : comment allaient-ils faire pour sauver Hyrule ? Dagan était-il déjà aux côtés de son frère ? Quand celui-ci allait-il se réveiller ? Et l'esprit de Darunia avait-il réussi à échapper aux pouvoirs de Dagan ?
Link culpabilisait. Il avait été abusé par cet être qui signifiait la perte d'Orse, et peut-être celle d'Hyrule. La menace de Ganondorf n'était rien comparée à celle qui pesait sur leurs faibles corps. Il était aussi en colère contre les Créatrices de ces deux mondes, et se perdait dans des pensées déistes et donc forcément douloureuses. Le premier monde avait été perdu, elles en avaient construit un autre, où croulait toujours la menace du voleur d'âmes. Avaient-elles réfléchi à leurs actes ? Et si elles les voyaient en ce moment, riaient-elles de leur sort ou bien aimeraient-elles les aider, eux, leurs jouets ? Il marchait, tout en cherchant à se faire des raisons et à chasser ces horribles interrogations, bien qu'il jugeât cela inutile d'essayer. Nabooru sanglotait à ses côtés, tandis que Wanda volait au-dessus de leur tête, la tête levée vers le ciel dans une expression de dégoût et de colère, montrant toute l'aversion qu'elle portait à présent pour les dieux. Tancrède servait de guide et marchait devant eux de travers et craintif, déstabilisé par le monde extérieur dans lequel il n'avait pas évolué depuis 1000 ans environ. Wilhelm V fermait la marche.
Alors qu'ils arrivaient au pied des montagnes qu'ils avaient descendues durant le jour, un bruit aigu se fit entendre dans l'obscurité. Ils se retournèrent, affolés. Ce n'était qu'un réflexe car, en réalité, ils ne savaient d'où venait ce bruit.
"Ce n'est rien, assura Wilhelm en rassurant Tancrède amorçant une crise d'angoisse. Ce n'est rien, continuons.
- Non, ne continuons pas, prononça une voix efféminée semblant venir de nulle part.
- Montrez-vous, tout de suite, qui que vous soyez ! Sinon vous goûterez à la magie d'une fée ! menaça Wanda en faisant naître deux grandes flammes dans ses mains.
- Vous n'oseriez tout de même pas éliminer un Hyrulien ?"
Un flash bleu aveuglant immobilisa les héros pendant une seconde puis, quand ils recouvrèrent la vue, ils virent devant eux une paire d'yeux rouges qui les toisait.
"Nous vous attendions. Ensemble, nous pourrons sauver Hyrule ! Suivez-moi sans poser de questions.
- Attendez, fit Wanda, peut-on au moins savoir...
- Qui je suis n'a aucune importance, vous le saurez bien assez tôt."
La silhouette recula brusquement en lançant un objet à terre et disparut dans un nouveau rayon aveuglant.
"Mais c'était, c'était un Sheikah ! s'exclama Nabooru qui semblait soudain avoir retrouvé un peu de joie. Ce qui est bizarre, c'est que je n'ai pas pu lire dans ses pensées, comme s'il fermait son esprit à toute tentative de..."
Nab n'eut pas le temps de finir sa phrase, car un bruit étrange se fit entendre et, tournant la tête vers l'origine de ce bruit distinct, ils découvrirent, à leur gauche, une montagne droite qui ressemblait à une falaise mais qui n'en était pas une. Elle se situait à gauche de la montagne supportant le château d'Orse. Lorsqu'ils la virent, ils ne perdirent pas de temps et se précipitèrent vers elle, malgré les interdictions de Tancrède et Wilhelm V. Mais ces derniers finirent par suivre et se postèrent à côté de leurs camarades en attendant devant la paroi. Le Sheikah sortit alors de cette paroi, une torche éteinte à la main. De sa voix glaciale et efféminée, il ordonna à Wanda d'allumer la torche, ce qu'elle fit avec beaucoup d'angoisse, car jamais on ne lui avait ordonné telle chose d'une voix aussi inquiétante et sévère.
"Et maintenant, suivez-moi comme tout à l'heure, continua-t-il en se retournant vers la montagne. La paroi n'est qu'une illusion."
Ils pénétrèrent donc à l'intérieur. Le couloir glacé qu'ils traversèrent était semblable à celui menant au monde sous-marin. Seule la torche l'éclairait, et permettait aussi de voir quelques détails de l'apparence du Sheikah : de longs cheveux violets, des haillons noirs assez larges semblables à la cape de Tancrède, et des mains d'une blancheur de craie, qui laissait supposer un teint cadavérique.
Tancrède, qui se plaignait de ne rien voir, porta ses mains à sa capuche et la retira en arrière. Wanda, qui se trouvait juste à côté, amena une flamme près de son visage maintenant découvert et poussa un petit cri d'exclamation quand elle découvrit enfin la face du dernier des Gardiens : son visage semblait jeune mais avait les traits d'une personne âgée à qui on ne pouvait plus donner aucun âge tellement elle était vieille et ne semblait plus être un être vivant à part entière, mais un mort que la magie animait. Il avait des yeux marron dont les orbites étaient creusées très profondément, des fossettes épousant la forme de son crâne et de sales cheveux bruns en bataille. Enfin, son visage avait un teint de porcelaine.
"Nous arrivons." déclara le Sheikah.
Il disparut dans l'ombre après avoir prononcé ces quelques mots. Les autres continuèrent à marcher et tombèrent subitement dans un trou en poussant des cris de peur et de surprise.

Chapitre 16 : Esternal et Esternel   up

Link, Nabooru et Wanda parvinrent facilement à contrôler leurs chutes. Tancrède tomba lourdement à terre. La douleur au dos que cela entraîna fut vite apaisée par Wanda. Quant à Wilhelm V, sa condition de fantôme l'avait empêché de chuter, et, durant quelques minutes, il avait tenté de trouver le gouffre dans lequel ses camarades avaient chu, jusqu'à ce que Nabooru l'attire jusqu'à eux avec son pouvoir.
"Ça y est, vous vous êtes remis de votre chute ? dit le mystérieux personnage en réapparaissant derrière dès que tous se furent rétablis. Je vous avais bien dit de me suivre, continua-t-il, secoué d'un rire sarcastique. Nous sommes bientôt arrivés à destination, suivez-moi de nouveau.
- C'est un tic de langage ce 'suivez-moi' ou quoi ? osa Nabooru, que le personnage amusait visiblement.
- Suivez-moi et ne posez pas de questions, en tout cas jusqu'à ce que nous soyons arrivés.
- Ben, visiblement, c'est un tic de langage, ha, ha, ha ! On vous suit, mais vous auriez pu nous prévenir tout à l'heure qu'on allait tomber dans un trou. On n'a pas les yeux des Sheikahs. Comparés à vous, nous, on voit que dalle dans le noir. Eh, vous m'entendez ou pas, quand je vous parle ?"
Cette fois-ci, le Sheikah ne répondit pas. Tancrède, amusé du courage de Nabooru, essaya de sourire. Mais sur son visage s'afficha un rictus qui ne fit qu'accentuer les horribles traits de vieillesse sans âge. Il reprit finalement son expression normale, celle du désespoir et de la mélancolie, et, admirant la hardiesse de la Gerudo, il se risqua lui aussi à plaisanter, chose qu'il n'avait pas faite depuis des siècles :
"Qu'est-ce que vous voulez, Nabooru, on peut pas tout avoir : il a déjà des yeux de lapin, il peut pas en plus avoir les mêmes oreilles qu'eux !
- Ha, ha, ha, ha, ha ! Elle est géniale celle-là, bravo ! Eh, le Sheikah, t'as entendu le monsieur ? Ah ben non, tu peux pas, t'as pas les oreilles d'un lapin. Hi hi."
Tancrède fut secoué d'un petit rire qui ne paraissait pas naturel. En réalité, son rire était bel et bien sincère, mais cette impression résultait du fait qu'il n'avait pas ri depuis 1000 ans.
"Nous arrivons, déclara le Sheikah sur un ton de colère dû aux quolibets de Nab. C'est ici."
Il poussa une petite porte en pierre par lequel il entra, suivi des autres Hyruliens et des deux Orsiens.
La pièce dans laquelle ils arrivèrent possédait un grand mobilier de bois : des tables et des chaises soigneusement vernies, ainsi que des lits à baldaquins se trouvant dans des alcôves sculptées à même la roche; un mobilier luxueux qui devait résulter du pillage de la province. Il y avait également des armoires en bois volées elles aussi, où étaient disposés des pots, assiettes, verres et couverts en or et en argent. Le reste était assez primitif en somme : des escaliers sculptés dans la roche de la montagne ainsi que des portes, le tout devant mener bien entendu dans d'autres pièces. Quelques stalactites et stalagmites sortaient du plafond et du sol, et des broches étaient disposées sur certaines de ces stalagmites. En dessous, des brindilles calcinées et encore fumantes indiquaient qu'un feu avait été allumé récemment, sûrement destiné à cuire de la viande. Des torches allumées étaient également disposées un peu partout sur les murs, éclairant intensément la pièce.
"Installez-vous tout de suite, aboya le Sheikah.
- Tout de suite, mon lapereau, répondit Nabooru d'un air goguenard, tout de suite.
- Je vais aller chercher les maîtresses des lieux, poursuivit le Sheikah en jetant un regard meurtrier à la Gerudo, je ne pense pas que nous nous revoyions d'ici là et honnêtement, c'est tout ce que je souhaite.
- Non ! Tu n'as plus de famille, mon lapereau, laisse-moi t'adopter voyons ! Je te donnerai des carottes à volonté !"
Sur ce, Nabooru fouilla dans son sac de vivres désormais presque vide et en sortit une carotte qu'elle lança au Sheikah.
"Tiens, mon lapereau, pour te remercier de nous avoir si bien guidés dans ce, dans ce terrier. C'est un orphelinat pour lapins, ici ?"
Le Sheikah, qui avait réussi à attraper le légume, jeta un dernier mauvais regard au Sage de l'Esprit et lança la carotte à terre qui projeta un rayon bleu identique à ceux produits par les noix Mojo. Lorsque le rayon se fut dissipé, le Sheikah avait disparu.
"Quoi ? Ils réussissent à faire ça même avec des carottes ? Ben alors ça !
- Nabooru, mais qu'est-ce qui t'a pris ? maugréa Link.
- Sa tête me revenait pas. Et puis son air supérieur. Oh, pis si on peut plus s'amuser ! Avec la menace qui pèse sur nous, on peut bien sortir une ou deux vannes !
- Silence ! coupa une voix. Il a été assez gentil pour vous conduire jusqu'ici alors rendez-le-lui !"
La voix provenait des escaliers. En haut des marches, se trouvait en effet une jeune femme Sheikah. Elle avait de longs cheveux rouges, un teint cadavérique comme le guide, et une longue robe violette. Ses yeux écarlates aussi brillaient à la lueur des torches. Elle était très élégante, très jolie, bien qu'elle ressemblât à une morte.
Elle observait les étrangers comme si elle n'avait jamais vu d'Hyruliens de toute sa vie à part son peuple - ce qui était tout à fait probable dans le fond -, et son regard était teinté de mépris, comme s'ils n'étaient pas dignes d'elle. Link, Wanda et Tancrède avaient même baissé les yeux lorsque la froide jeune femme les avait dévisagés. Mais Nabooru, elle, refusant d'être considérée comme inférieure par une femme - car elle considérait qu'aucune femme ne devait en mépriser une autre, pour quelque raison que ce fût, même en tant que chef du peuple Gerudo ou bien d'un autre peuple -, la dévisageait d'un regard disant qu'elle n'avait aucun droit de les sous-estimer comme cela, et qu'elle serait prête à se battre pour lui faire comprendre. Ses échanges durèrent quelques minutes et furent interrompus par des bruits de pas se dirigeant vers la Sheikah. A côté d'elle, une autre femme apparut, qui semblait être sa jumelle. Elle avait également de longs et fins cheveux, mais blonds cette fois, une peau aussi pâle que sa soeur, et la même expression de supériorité. Elle portait la même robe que l'autre Sheikah, à la différence près qu'elle était de couleur noire.
"Ainsi donc, Hyruliens, vous êtes arrivés jusqu'à Orse, dit-elle soudain en descendant lentement et gracieusement les escaliers. Soyez les bienvenus dans notre humble demeure; celle de Sheikahs habitant ici, à Orse, depuis bien des lunes. Je suis la maîtresse des lieux avec ma soeur jumelle. Je m'appelle Esternel, et ma soeur Esternal. Il y a des siècles que les nôtres demeurent ici. Nous avons été les premiers, nous autres Sheikahs, à vouloir découvrir d'autres terres, car nous nous sommes vite lassés d'Hyrule, et la perspective de devoir servir la Famille Royale ne nous enchantait guère. Seulement, en arrivant à Orse, nous n'avons trouvé que chaos et désespoir. En voyant les corps de ces pauvres gens morts et pourtant vivants étendus dans leurs maisons, nous avons compris ce qui leur était arrivé. Nous les avons alors emmenés avec nous et, suivant les traditions sheikahs, nous les avons disposés dans une pièce où ils dorment jusqu'à leur réveil. Aujourd'hui, Vlad est sur le point de se réveiller, et c'est dans l'ombre que nous préparons la résistance, comme nous l'avons toujours fait. Mais vous allez vous restaurer et vous reposer. Ma soeur va vous montrer vos chambres et va vous y amener de la nourriture. Ce sera un repas bien mince, car tout ce que nous pouvons nous procurer est de l'eau coulant dans les montagnes et des plantes sucrées y poussant. Nous chassons également les loups, mais que très rarement, car un jour il n'y en aura plus, et par conséquent, nous ne pourrons plus nous nourrir (elle désigna du doigt l'endroit où se trouvaient la broche et les brindilles encore fumantes). J'espère que nous gagnerons cet ultime combat contre le mal. Vous voir ici, ô Hyruliens, me rappelle de tendres souvenirs bien que je ne sois jamais vraiment allée à Hyrule. N'est-ce pas, Esternal ?
- Oui. Bon, suivez-moi, c'est par-là, et ne traînez pas, allez !" aboya-t-elle.
Elle leur fit monter les escaliers et, tout en passant devant Esternel, Nabooru put distinguer sur le visage de la jeune femme une expression de sympathie profonde envers elle et ses amis, bien que son visage n'eût également exprimé que supériorité et mépris quelques instants auparavant.
Après deux minutes de marche à travers les sombres galeries des montagnes, ils arrivèrent enfin devant une porte de pierre qu'Esternal poussa. Dans la pièce qui suivait, étaient disposés six lits en bois avec d'épais matelas et de simples couvertures de tissus. Six torches étaient accrochées aux murs, au-dessus de chaque lit. Au fond de la pièce, des statues d'oiseaux, deuxième symbole des Sheikahs après l'oeil, veillaient sur les couches comme s'il s'agissait de tombes. Cette pièce rappela à Link, autant par sa dimension que par la disposition des lits et des statues, la terrible salle du puits où il avait eu à affronter des Gibdos pour la première fois.
"Voici votre chambre, dit froidement la Sheikah, de la nourriture se trouve derrière les statues. Ce sont des bols de bouillie composée de plantes souterraines se trouvant dans ces galeries mélangées à de la viande de loup. Et la meilleure partie même : la panse de la bête. Il y a aussi des pots remplis d'eau. Ah, j'oubliais. Ce fantôme ne peut rester avec vous. Il va donc devoir venir avec moi, il a des choses importantes à me révéler, j'en suis sûre. Venez, l'ectoplasme, et sans broncher. Sur ce, bon appétit et bonne nuit."
Wilhelm V lui obéit à contrecoeur et vint la rejoindre. Une fois fait, elle claqua violemment la porte comme dérangée par ses invités et ses pas s'éloignèrent peu à peu.
"Wilhelm ! Non ! Bon, soit. Moi en tout cas, je sais pas pour vous, mais je trouve cela vraiment bizarre, dit Link en se laissant tomber sur un des lits. J'ai l'impression que tout ce qu'elles nous ont raconté n'était pas vraiment vrai.
- Alors toi aussi tu penses comme moi ? ajouta Wanda.
- Chut ! coupa Nabooru, l'index posé sur sa bouche. Oui, ils sont étranges ces gens, mais ce sont des Sheikahs. Et dans ce cas, il vaudrait mieux parler moins fort ! On ne sait jamais à quoi s'attendre avec eux; je suis certaine qu'il y en a de cachés dans cette pièce ou derrière la porte. A partir de maintenant, nous allons communiquer par télépathie. Concentrez-vous, ça n'est pas très dur grâce à mes capacités."
Ils se concentrèrent alors tous et, au bout d'un moment, ils réussirent à se parler par télépathie.
"Mais, ce sont des Hyruliens ! reprit Link. Et d'après ce que je sais, ils ont juré protection à la famille Nohansen Hyrule ! Alors pourquoi nous voudraient-ils du mal ?
- Impa m'a avoué ne pas savoir comment les gens de son peuple ont disparu, ajouta Nabooru, et nous savons maintenant que c'est parce qu'ils sont partis pour Orse. En tout cas, ces gens ont toujours été mystérieux aux yeux des autres Hyruliens, et je ne pense pas qu'on puisse leur faire confiance comme cela. On dit qu'ils sont les ombres des Hyliens. Link, Wanda, ils ont peut-être pris possession des vôtres !
- Hum, je pense que ça mérite le bénéfice du doute, s'écria de nouveau Link. D'après ce que j'ai pu apprendre sur ce peuple, ce sont des érudits dans tous les domaines. Ils servaient d'espions à la famille royale lors des guerres opposant les différents peuples de notre royaume. Ils ont très bien pu développer une magie permettant de prendre l'ombre des Hyliens. A moins que tout cela ne soit qu'une expression imagée. Ou bien les deux.
- Je crois qu'il vaut mieux se taire sur ce sujet et se restaurer, continua Tancrède. Ne parlons plus de rien et essayons de relativiser la situation. Même si... même si ce n'est pas facile. Désolé, mais je ne peux pas me retenir."
Il se mit à pleurer de désespoir et de rage - ce qui fit larmoyer tous les autres. Finalement, ils mangèrent en silence la bouillie, qui était infecte, et finirent par s'endormir sur les lits confortables, épuisés par l'énergie du désespoir.

Chapitre 17 : La trahison du peuple de l'ombre   up

Les jours qui suivirent, ils furent nourris, logés et blanchis par les Sheikahs qui restaient mystérieux quant à leur vie passée à Hyrule. Le seul sujet de conversation autorisé était celui sur la situation actuelle. Le réveil imminent de Vlad, l'arrivée de Dagan à Orse et la disparition du Sage du Feu ainsi que la résistance, occupaient tous les esprits. Tous les Sheikahs étaient cependant très froids avec leurs alliés, les coupant net lorsqu'ils demandaient quels rôles ils auraient à remplir dans la résistance, quand Hyrule tout entier serait prévenu, s'ils avaient des renseignements sur leurs ennemis... Apparemment, c'était bien là la seule chose dont il était permis de parler dans la caverne, mais seuls les Sheikahs avaient le droit d'en débattre. De plus, ils restaient bien mystérieux sur le sujet, et ils ne divulguaient que ce qu'ils avaient envie de divulguer. Il était de toute façon bien évident qu'ils leur cachaient des choses.
Un soir, alors qu'Esternel les reconduisait jusqu'à leur chambre (car elle venait toujours les chercher pour les emmener dans une quelconque pièce et les raccompagnait toujours jusqu'à leur chambre, comme si elle ne voulait pas qu'ils découvrent des choses), ils crurent entendre que quelqu'un marchait dans les murs des galeries. Se rendant compte de leurs perceptions, Esternel pénétra avec eux dans la chambre et en ferma la porte. Elle resta plaquée contre elle en silence alors que les autres la dévisageaient du regard puis, sentant qu'ils s'impatientaient et sachant qu'elle n'était pas là par hasard, elle prit enfin la parole :
"Ecoutez, je sais que vous nous trouvez étranges mais nous ne pouvons rien vous dire. Pourtant, j'aimerais pouvoir vous révéler la vérité. Mais je ne peux pas, sinon ma soeur, ma soeur...
- Quoi, votre soeur ? interrogea Link.
- Oh non, je crois que j'en ai trop dit, termina-t-elle en s'apprêtant à ouvrir la porte pour partir.
- Je crois plutôt que vous n'en avez pas dit assez." dit Nabooru en pointant son médaillon sur la fille.
Celle-ci s'effondra alors à terre dans un soupir, et Nabooru la porta jusque sur un lit.
"Ce qu'il y a d'embêtant avec eux, c'est qu'ils ferment leur esprit à toute tentative de pénétration. C'est une chose très difficile à faire naturellement, aussi c'est pour cela que nous ne pouvons rien apprendre d'eux de cette manière. Alors, je propose que nous passions au plan 940-1-B que j'ai mis au point la nuit dernière. Hi hi, ils vont bien voir !"
Elle se mit à communiquer par télépathie avec la fée puis celle-ci, après avoir acquiescé d'un signe de tête, changea immédiatement d'apparence pour prendre celle d'une fée normale. Elle passa par toutes les couleurs possibles, jusqu'à prendre la couleur noire afin de se fondre dans le décor obscur de la caverne.
"C'est une super idée, Nab', dit-elle ensuite, je peux garder cette apparence aussi longtemps que possible.
- Prudence, Wendy, dit Nabooru, ils se méfient aussi de toi, ils savent de quoi tu es capable.
- Je serai aussi prudente que ma nature de fée me le permet, assura Wanda. Mais de toute façon, ils ne pourront pas me voir sous cet aspect. Et juste une chose : arrête de m'appeler comme ça !"
Elle s'enfuit de la pièce. Elle traversa ensuite les galeries jusqu'à déboucher dans la salle principale où Esternal semblait plongée dans une grande discussion avec le lapereau.
"Il est bien évident qu'ils se doutent de quelque chose, Esternal. Je l'ai remarqué dans leurs paroles et dans leurs yeux. Et votre soeur risque de leur révéler nos secrets.
- D'ailleurs, elle n'est toujours pas revenue. Allez voir ce qu'elle fait, et tout de suite ! Essayez aussi de confisquer son médaillon à la Gerudo, elle est très puissante avec ce truc. Allez !
- Oui, j'y vais de ce pas, Esternal", répondit humblement le Sheikah.
Par chance, il ne se téléporta pas jusqu'à la chambre, mais prit les escaliers. Wanda le suivit et, quand il arriva dans la pièce, sans frapper, elle se faufila à sa suite et se dépêcha d'alerter Nabooru sur ce qui venait de se passer. Celle-ci fit alors subir au lapereau le même sort qu'elle avait fait subir à Esternel et, quand il fut allongé sur le dernier lit inoccupé, elle assura à ses compagnons qu'elle protégerait son pouvoir.
"Ce que je leur ai infligé est une décharge mentale assez puissante provoquant des migraines à long terme. Avec un peu de concentration et dans leur léthargie, je pourrais contrôler leur cerveau et ainsi les forcer à parler ou bien effacer leur mémoire. Mais pour cela, il me faut plus de puissance. Repars maintenant, Wanda."
La fée s'exécuta de nouveau et retourna dans la salle principale. Esternal s'y trouvait toujours, dînant seule à la table de bois. Elle semblait manger quelque chose qui n'était ni des plantes, ni du loup, ni de la bouillie. Wanda y regarda d'un peu plus près et, finalement, elle reconnut que c'était... du poulet. Consternée et en même temps surprise par cette découverte, elle se risqua à prendre l'apparence d'Esternel. Une fois fait, elle s'approcha de sa soeur.
"Alors, tu en as mis du temps. Où est Helmut ?
- Oh, il est resté avec nos invités.
- Hum, je vois. Je lui ai donné pour ordre d'aller voir ce que tu mijotais. Il a aussi pour mission de voler le pouvoir de la femme gerudo.
- Alors, si je comprends bien, tu te méfies de moi, c'est ça ?
- Tu sais très bien ce que je pense de toi ! hurla Esternal en se levant, pointant sa soeur du doigt. Tu n'es pas digne de confiance ! Ecoute, à partir de maintenant, ils sont nos prisonniers, compris ? Nous n'avons pas le choix ! Soit nous obéissons à Dagan, soit nous y laissons notre peau ! Nous devons les aider à rassembler les esprits des morts d'Hyrule et ça, tu le sais très bien ! Dagan connaît nos connaissances sur la mort, il nous a promis que si nous lui obéissions, nous aurions la vie sauve ! Je ne veux pas être comme ces pauvres âmes ! Etre prisonnière de ce monde, être prisonnière de ce Vlad, non ! Si je dois être prisonnière de cette terre et de cet homme, alors autant que je le sois vivante, autant que je le sois tout en étant immortelle ! Ecoute, les Sheikahs n'ont pas le choix ! Il en va de l'avenir de ce peuple ! Les Hyruliens ont toujours pensé que nous étions presque tous morts, hors, nous sommes toujours vivants. Ce n'est pas pour disparaître maintenant !
- Mais ils se servent de nous, tous les deux ! Une fois que nous aurons fait ce qu'ils demandent, ils nous infligeront le même sort qu'aux autres ! Tu es vraiment égoïste !
- Tu crois que je suis naïve, donc ? Tu crois pas que moi aussi, je connais les risques ? C'en est un à prendre et d'ailleurs, nous l'avons déjà pris. Plus moyen de revenir en arrière.
- Mais si ! Je suis sûre que nous avons une autre alternative ! Allons détruire la chambre régénérante de Vlad !
- Non, il est trop tard ! Le temps d'atteindre sa chambre, et il se sera déjà réveillé. Et puis cette chambre est immense, comment voudrais-tu qu'on arrive à la détruire, hein ? Il ne reste plus beaucoup de temps, tu le sais bien. Les autres Sheikahs ont bientôt fini de faire venir les fantômes du Temple des Ombres jusqu'ici. Un Sheikah est venu m'apporter le corps du Sage ainsi que son médaillon. Dagan n'a gardé que son esprit lorsqu'il l'a tué.
- Et on ne peut pas prévenir les autorités d'Hyrule ? Ils mettront tout en oeuvre pour...
- Aucun Sage ne sera prévenu, OK ? De toute façon, l'un d'eux y a laissé sa peau et sans lui, son médaillon est inutile. Il n'y a plus aucun moyen de nous sauver.
- Et pour le roi d'Orse ?
- Je n'ai rien appris de lui en fait, à part que le dernier Gardien est ici et que... Eh, mais attends ! Pourquoi n'y avons-nous pas pensé plus tôt ? Un des Gardiens d'Orse est toujours en vie et il détient la dernière clé pour ouvrir la tour et ainsi atteindre la Triforce. Vlad détient les trois autres. Il est impossible de les récupérer mais si... mais si ce Tancrède détruit sa clé, Vlad n'aura plus aucune chance de mettre la main sur la Triforce d'Orse ! Va chercher les prisonniers immédiatement ! D'ailleurs, à partir de maintenant, ils ne sont plus des prisonniers. Dépêche-toi, l'heure est grave !"
Wanda, forte de ces révélations, se hâta de retourner à la chambre. Une fois arrivée, elle reprit son apparence et raconta en bref, par la pensée, tout ce qu'elle avait pu apprendre. Ensuite Nabooru, qui avait récupéré un peu d'énergie, "lava" les cerveaux d'Esternel et de Helmut et fit comme s'ils avaient été dépêchés par Esternal de les mener devant elle. Ils partirent tous de la cellule et se rendirent sans plus tarder vers Esternal.
"Esternel, Helmut, venez par ici, dit-elle d'un ton adouci. Quant à vous, il faut que je vous parle...
- Pas la peine, on est au courant, intervint Wanda, Esternel nous a tout dit.
- Très bien alors. Tancrède, seriez-vous capable de détruire votre clé ?
- A vrai dire, répondit Tancrède, j'y avais déjà pensé mais, je gardais toujours l'espoir de voler les trois autres clés à Vlad, et ainsi récupérer la Force Trois pour anéantir ce monstre.
- Nous n'avons plus aucun moyen de reprendre les clés, misérable ! aboya Esternal. Alors, soit vous la détruisez, soit c'est moi qui m'en charge !
- D'accord. Je vais perdre mon 'immortalité' mais de toute façon, éternel ou pas, je risque quand même de me faire voler mon âme..."
Il saisit donc la clé accrochée autour de son cou et ordonna à toute l'assemblée de reculer. Il se concentra ensuite en fermant les yeux et une lumière dorée s'échappa de l'objet avec le bruit d'un rayonnement intense. La clé, jusque là de taille normale, se mit à grandir jusqu'à devenir aussi grande qu'un sceptre. Le Gardien la lança ensuite en l'air et la maintint dans cet état. Il prit la même position que les personnes le représentant lui et les trois autres sur les bas-reliefs, et la clé laissa à nouveau échapper de la lumière, qui se diffusa cette fois dans toute la pièce avec le même bruit, aveuglant et assourdissant les spectateurs. Dès que la lumière se fut dissipée, en même temps que le bruit, Tancrède s'effondra à terre avec un soupir. La clé avait disparu.

Chapitre 18 : Vers Hyrule   up

"Il va s'en remettre, déclara Wanda en touchant le Gardien de ses mains. Maintenant, dites-nous ce que vous avez l'intention de faire.
- La Force Trois est scellée, déclara Esternal. Mais il nous reste la Triforce : en nous servant de sa puissance, nous pourrons détruire Vlad et sa chambre, et ainsi ramener Orse à son état originel.
- Si je comprends bien, nous devons nous dépêcher de retourner à Hyrule afin de nous servir des deux fragments restants...
- C'est là le seul problème. Je suis même presque sûre que Vlad serait capable de s'emparer de l'esprit de Ganondorf pour récupérer le fragment de la Force...
- Les deux que nous avons nous seront suffisants j'espère. Repartons à Hyrule sans plus tarder. Nabooru, peux-tu...
- Mais réfléchis, si j'avais pu prévenir les autres Sages du danger par télépathie, je l'aurais fait depuis belle lurette ! Seulement, je n'ai pas pu, il y a trop de distance et puis les montagnes, ça brouille tout. La télépathie est une magie complexe, même pour nous autres Sages. Cependant, je pense qu'il y a une autre solution. Je ne dis pas qu'elle va marcher mais bon... Si nous autres Sages unissons nos pouvoirs, alors nous pourrons essayer de faire revenir Tancrède et Wilhelm V 1000 ans en arrière, juste avant que Vlad ne vienne demander aux Gardiens d'utiliser le pouvoir de la Force Trois. Ainsi, Tancrède et Wilhelm auront en eux la connaissance du passé, du présent et du futur, et ils se serviront de cette connaissance pour changer, je l'espère, le cours du temps. Cependant, il y a un inconvénient : cela risque en effet d'échouer, car revenir dans un passé où Hyrule n'existe pas, c'est en quelque sorte recommencer l'histoire du monde, et les dieux ne ressentent pas le fait que nous changions d'époque comme cela. Je pense que cela va bloquer notre pouvoir, mais la Triforce a déjà perdu beaucoup trop d'énergie, nous autres Sages en avons regagné, alors essayons notre pouvoir, et si vraiment ça ne marche pas, nous épuiserons le reste d'énergie de la Triforce.
- C'est une chance, alors il ne faut pas la laisser passer, reprit Esternal. Dans ce cas, il nous faut partir tout de suite. Vous vous demandez sûrement ce que font ces restes de poulet ici, ajouta-t-elle en désignant la table du doigt, alors que nous n'avons que du loup à manger, enfin, en apparence. Eh bien, vous allez tout découvrir dans un instant. Helmut, allez chercher les Sheikahs restés dans la caverne. Dites-leur d'amener le corps du Goron et le fantôme du roi, avec le médaillon s'il vous plaît. Il y a une chose que doivent faire la fée et la voleuse."
Helmut s'inclina et disparut sans tarder avec la célèbre méthode. Il sortit ensuite de nulle part avec cinq Sheikahs, traînant péniblement le lourd Goron derrière eux. Wilhelm était à leurs côtés.
"Wanda, Nabooru, s'écria Esternal, il faut que vous fassiez ce que je vous demande. On ne peut pas laisser le Goron ici. Wilhelm, approchez-vous du corps. Il est en bon état, grâce à nos méthodes de conser... bon, suffit. Wanda, je crois savoir que les fées peuvent ressusciter les morts tant que l'esprit est encore dans le corps. Nabooru, vous allez introduire l'esprit du roi dans le corps du Goron. Wanda fera le reste.
- Quoi ? s'écria la voix caverneuse du spectre. Je refuse !
- Wilhelm, hurla Nabooru, on n'a pas le choix, pour l'amour du ciel, faites-le !"
Le roi s'exécuta et Nabooru le fit entrer dans le corps de Darunia. Wanda se chargea du reste. Peu de temps après, le Goron ouvrit les yeux et se releva.
"Bon sang ! Ça fait 1000 ans que je ne suis qu'un pauvre ectoplasme et là, c'est comme si j'avais retrouvé mon corps ! Même si c'est le corps d'un monstre géant !
- Alors, vous voyez, ça n'était pas si terrible finalement, déclara Esternal. Maintenant, Sheikahs, vous allez tous venir avec nous. Nous retournons à Hyrule. Moi et Esternel, nous ouvrirons la marche. Quant à vous, Sheikahs, vous la fermerez."
Esternal et Esternel se dirigèrent alors vers un mur et le traversèrent comme des fantômes. Les autres suivirent.
"Ainsi donc, il y a des murs factices ! s'exclama Link.
- Et des murs invisibles. Tout comme certains sols. C'est pour cela que je vous servais de guide à chaque fois que vous alliez quelque part dans la caverne. Nous ne voulions pas prendre le risque que vous découvriez tout cela. Maintenant, il est temps de vous dire la vérité : Dagan se rendait souvent dans le Temple des Ombres où certains d'entre nous résidaient. Mais c'était il y a bien des lunes, peut-être 200 ans au moins. Un jour, nos ancêtres l'ont capturé et il a tout révélé : Orse, les esprits du temple qu'il cherchait à capturer... Il a alors mené nos ancêtres vers Orse, et il les a forcés à lui obéir : s'ils l'aidaient à réunir les âmes des morts au moment où Vlad s'éveillerait, alors ils resteraient en vie et seraient immortels eux aussi. Sinon, ils subiraient le même sort que les habitants d'Orse. Les Sheikahs acceptèrent le marché, tout en sachant qu'il était encore temps de reculer, mais l'offre de l'immortalité était trop alléchante. Malgré tout, ils savaient qu'ils seraient peut-être trahis. Ainsi, dans l'ombre de la majorité des gens de notre peuple, qui combattaient alors au service de la famille royale sur la plaine d'Hyrule, nos ancêtres construisirent un tunnel atteignant Orse partant du temple et passant par les montagnes. Ils s'établirent ainsi dans ce royaume, et, au fil des deux siècles qui s'écoulèrent par la suite, certains Sheikahs d'Hyrule découvrirent la vérité et acceptèrent eux aussi l'accord. Ils apprirent la langue d'Orse, et les traductions que vous avez sûrement dû lire sur la porte du château et sur la lettre du roi ont été faites par nos ancêtres. C'est comme cela que les autres Hyruliens - dont certains Sheikahs bien sûr -, crurent que le peuple de l'ombre avait péri pendant les guerres. Il faut dire que le tunnel est bien caché dans le temple, et qu'il passe par le Mont du Péril, mais bien loin de la demeure des Gorons. La descendance de notre peuple était nombreuse, et les aïeuls apprirent aux jeunes leur mission. Ils nous ont formaté le cerveau, mais nous avons tout accepté.
- Et moi qui pensais que les Sheikahs étaient un peuple digne de ce nom ! s'indigna Nabooru. J'admirais Impa et ce qu'elle représentait. Des corrompus, vous n'êtes que des corrompus ! Des êtres pourris jusqu'à la moelle ! Comment Impa peut-elle faire partie d'un peuple aussi vil ?! Je ne sais pas ce qui me retient de vous tuer !"
Les deux soeurs marchaient en silence la tête baissée. Elles semblaient sangloter et avoir honte de tout ce qu'elles avaient fait.
"Ecoutez, compléta Esternal en pleurant, oui, nous ne sommes que des êtres corrompus mais nous ne méritons pas tout cela. Je suppose que vous n'accepterez jamais nos excuses, même si nous gagnons contre l'ennemi. En tout cas, sachez que nous sommes maintenant de votre côté."
Aucune réponse ne fut apportée et le voyage continua sans que personne ne parle. On entendait juste les bruits de leurs pas et des gouttes d'eaux qui s'écrasaient au sol. Celui-ci était d'ailleurs irrégulier : des creux, des bosses, des pentes... Quelques fois, ils passaient sur des sols invisibles ou à travers des faux murs. Link se cogna même contre un mur invisible avant de s'apercevoir que ce n'était pas le bon chemin et que les autres avaient fait un détour. Finalement, au bout de trois heures qui avaient paru être une éternité, ils arrivèrent enfin dans une salle du Temple des Ombres. Link la reconnut aussitôt : c'était la gigantesque caverne aux guillotines. L'endroit d'où ils venaient se trouvait en hauteur. Le tunnel donnait en fait sur le plafond de la sinistre caverne.
"Je sens une aura maléfique, déclara Nab.
- C'est normal, les esprits se réunissent au centre du temple. Les autres Sheikahs les emmènent jusque dans la caverne où nous étions tout à l'heure. Ces esprits étaient destinés à Vlad. Ils lui auraient procuré un peu plus de puissance. Et c'est d'ailleurs pour qu'Impa ne se rende compte de rien que nous avons bloqué l'accès du temple; même elle était incapable de l'ouvrir. Nicolaï, ajouta-t-elle à l'adresse d'un Sheikah, ramenez immédiatement ceux qui s'occupent des esprits. Dites-leur de nous rejoindre au village des forgerons, et libérez les fantômes.
- J'y vais de ce pas, Esternal, s'écria le Sheikah.
- Très bien, continua la jeune femme en se retournant vers le quatuor, nous devons trouver un autre Sage du Feu. Avez-vous une idée de quel Goron il pourrait s'agir ?
- Du fils de Darunia, affirma Link. Il doit se trouver dans son village. Allons-y.
- La fée, pouvez-vous utiliser le Vent de Farore ?
- Oui. J'espère que ça marchera. Je n'arrive pas vraiment à me souvenir du village. Bon tant pis. Direction : le village Goron. Accrochez-vous !"
Un fort vent de couleur verte enveloppa alors les deux Hyliens, la Gerudo, le Goron et les Sheikahs et les emporta vers la destination désirée.

Chapitre 19 : L'héritier du Feu   up

Le petit Link était en train de pleurer dans l'antre de son père. Au même moment, le vent se mit à souffler dans la petite pièce et laissa apparaître les voyageurs. Wanda avait réussi son tour. Lorsqu'il les vit, il poussa un petit grognement qui exprimait en fait la joie.
"Pôpa ! cria-t-il en se jetant dans les bras de son père. Pôpa, comme je suis heureux de te revoir, et vous tous aussi ! J'ai cru que vous ne reviendriez jamais ! Oh, pôpa, comment que tu vas ?
- Euh, ben, ça va, ça va, merci.
- Wilhelm, il s'appelle Link, mais appelez-le fiston. Faites comme si de rien n'était. Darunia adorait son fils. Faites comme si vous étiez la personne la plus heureuse du monde, lui dicta Nabooru.
- Pas de panique. J'avais des enfants, et je sais ce qu'il faut faire, mademoiselle.
- Pôpa, continua le petit Goron, alors, est-ce qu'il y a d'autres terres que nous ne connaissons pas ? T'as cassé du monstre ? Raconte-moi tout ! Raconte-moi tout !"
Nabooru toucha du front le jeune Link et lui transmit toutes ses pensées depuis le début de leurs aventures jusqu'à l'instant présent, en prenant bien soin de ne pas révéler au Goron que son père était mort et que l'esprit d'une autre personne était dans son corps. Tout de suite après cette transmission de pensée, le fils du Sage prit conscience de la mission qu'il avait à accomplir.
"Oh, pôpa, c'est vrai, tu me remets ton pouvoir, dis, c'est vrai ?
- Oui, fiston, c'est vrai. Je suis fatigué, alors je veux que tu prennes ma place. Esternal, s'il vous plaît. Donnez-lui mon pouvoir. Enfin, le sien maintenant.
- Mais, papa, et si nous échouons, alors on va mourir ? Mais pourquoi ?
- C'est comme ça petit, répondit Esternal en tendant le médaillon à Link qui le prit à contrecoeur. Ton père ne se sent pas capable d'accomplir cette nouvelle mission. Alors fais-le, s'il te plaît."
Tandis qu'elle prononçait ces phrases, une dizaine de Sheikahs étaient arrivés dans l'antre.
"Maintenant, poursuivit Esternel, nous devons aller prévenir les autres Sages du royaume.
- Il n'y a plus d'interférences, je pense pouvoir les contacter par télépathie, laissez-moi juste quelques minutes." fit Nabooru.
Elle se mit en tailleur et entra en lévitation. Elle porta ensuite ses doigts à ses tempes, et tout devint silencieux dans la pièce.
"Rauru, Impa, Saria, Ruto, Zelda, m'entendez-vous ?
- Je vous entends, Nabooru, répondit Rauru.
- Et moi aussi, ajouta Impa.
- Je t'entends parfaitement bien, dit Saria.
- Je t'entends aussi, renchérit la princesse Ruto.
- Je vous reçois aussi, Nabooru, termina la princesse Zelda.
- Je n'ai pas le temps de vous expliquer tout en détail. Darunia est mort, c'est son fils qui va dorénavant reprendre le flambeau. Nous devons nous réunir dans le Saint Royaume. Un voleur d'âmes s'apprête à se réveiller. Nous devons tenter de défier la loi des Dieux et de remonter le temps 1000 ans en arrière pour modifier la situation actuelle. On ne peut recourir à la Triforce, elle est trop faible, et de plus il lui manque un fragment...
- Sincèrement, j'opte pour la première alternative. Mais il faut que vous nous transmettiez toute l'histoire par la pensée.
- Attendez Rauru, je me concentre."
Elle réunit alors toutes ses pensées comme elle l'avait fait pour le petit Link, et, lorsque tout fut bien rassemblé et bien clair dans son esprit, elle les envoya aux autres Sages.
"C'est une histoire absolument horrible, murmura Rauru, mais à priori, nous pouvons remonter dans le passé jusqu'au moment où ce Vlad est venu demander de l'aide aux Gardiens d'Orse. Mais attention, seuls Tancrède et Wilhelm V pourront intervenir. Ils devront se souvenir du présent et s'en servir pour changer le passé, le futur et, bien entendu, le présent. Demandez à Link de tous vous emmener au Temple du Temps. L'heure est grave. Bon courage."
- Link, s'écria Nab en sortant de son état de transe, emmène-nous tous au Temple du Temps ! On va tenter le tout pour le tout.
- D'accord. Que tout le monde se rassemble autour de moi.
Ils s'exécutèrent et dès que tout le monde se fut rassemblé, Link interpréta le Prélude de la Lumière.

Chapitre 20 : Avant qu'Hyrule n'existe...   up

Lorsqu'ils furent arrivés à destination, Nabooru les conduisit dans la salle de l'Epée de Légende. Celle-ci n'était pas sur son socle et pour cause, cela les ferait revenir sept ans en arrière et risquerait de fermer les portes du temps à jamais. La voleuse demanda au petit Link de se poser sur le symbole du feu avec le médaillon, puis elle ordonna au reste de l'assemblée de bien se tenir à l'écart du cercle. Une fois fait, elle se posta sur le symbole de l'esprit. Au moment où elle allait saisir le bijou magique, une boule de lumière verte, une de lumière bleue et une de lumière rose entrèrent dans le temple. Il s'agissait de Saria, de Ruto, Sage de l'Eau, et de Zelda, Sage du Temps. Les lumières verte et bleue vinrent se positionner au-dessus de deux symboles gravés autour du socle et prirent forme humaine : une fillette aux cheveux verts et une femme poisson. Quant à la boule de lumière rose, elle vint flotter au-dessus du socle. Elle prit ensuite la forme de la princesse Zelda.
- Ce qui arrive est terrible. Songez bien que remonter aussi loin dans le passé est un acte difficile pour nous autres Sages. Seuls le roi Wilhelm V et le Gardien d'Orse Tancrède pourront retourner dans le passé et tout faire pour le modifier et également influer sur le présent et le futur. Nous allons vous ramener au jour où le voleur est venu quérir l'aide des Gardiens. Si nous réussissons, vous ne disposerez malheureusement que de cinq jours pour réussir. Après quoi, la magie du temps sera révolue et vous reviendrez ici. Link, es-tu prêt à remplir ton devoir de Sage ?
- Oui ! Et je veux que pôpa soit fier de moi !
- Très bien, termina Zelda.
Elle leva ses bras et sa tête vers le haut, accompagnée des autres Sages. En une fraction de secondes, les cinq furent projetés dans le Saint Royaume. Rauru et Impa s'y trouvaient déjà.
"Gardiens d'Hyrule, nous allons une dernière fois réunir nos puissances, déclara le Sage de la Lumière. Que les esprits des deux Orsiens soient projetés 1000 ans en arrière ! Bien avant que le voleur d'âmes n'accomplisse sa sombre besogne, bien avant qu'Hyrule n'existe !"
Alors ils unirent leurs pouvoirs et, du Sanctuaire où ils se trouvaient, le tube d'énergie bleu produit lorsque l'on change le cours du temps vint entourer le socle de granit. Tous restèrent conscients pendant vingt secondes puis ensuite, plus rien...

"Tancrède, êtes-vous là ?
- Oui, je suis là, Wilhelm.
- Ça a marché ! Et j'ai retrouvé mon corps !
- Oui, je vois ça. Et si nous arrivons à changer la situation, alors vous le garderez. C'est une chance qu'en revenant dans le passé, nous connaissions déjà le futur. La jeune femme blonde nous a dit que nous n'avions que cinq jours. Normalement, aujourd'hui est le jour où Vlad est venu nous demander de changer la longévité des Hommes. Si nous acceptons, peut-être laissera-t-il le monde en paix.
- Oui, ça me parait être juste. Essayons de demander aux Sages d'Hyrule.
- Wilhelm ! N'oubliez pas qu'ils ne sont pas censés exister !
- Oui, vous avez raison. Bon, que fait-on ?
- Hum, attendez que je réfléchisse. Je me trouvais avec les autres Gardiens dans le Temple du Nord lorsqu'il est arrivé. Je dois y retourner.
- Et moi, j'étais dans mon château. Je propose de venir avec vous.
- Oui, allons-y !"

Chapitre 21 : La colère des dieux   up

"Ça ne peut plus durer comme cela !
- Je comprends, mon cher ami, je comprends mais...
- Mais quoi ? Je vous en prie, taisez-vous, Lucretia, taisez-vous. Je sais ce que vous allez dire : vous allez me demander comment cela se fait-il que nous ayons fermé les yeux pendant ses 2000 ans. Comment cela se fait-il que nous n'ayons pas réagi à temps. Mais vous savez quel est mon dicton favori.
- Il n'est jamais trop tard. C'est celui-là, votre dicton favori ?
- Oui, c'est celui-là même. Alors, nous devons ab-so-lu-ment - et notez bien à quel point j'insiste sur ce mot - réunir le Conseil ! Est-ce bien clair, ma chère Lucretia ?
- Oui, Xandar, c'est bien clair. Et, qu'allons-nous faire ? Juger les trois petites effrontées qui sont la cause de tous nos tourments ?
- Nous nous occuperons de les juger plus tard, pour l'instant, nous avons d'autres mesures à prendre. Hanegar !
- Oui, Seigneur Xandar. Vous m'avez appelé ?
- Ordonnez aux autres Dieux de se rassembler dans la salle du Grand Conseil immé-dia-te-ment - et notez bien à quel point j'insiste sur ce mot !
- Oui, Seigneur. J'y vais de ce pas.
- De ce galop, vous voulez dire. Allez, plus vite que ça ! Lucretia, j'ai une mission pour vous. Trouvez ces jeunes filles et demandez-leur d'assister au Conseil également.
- Oui, Xandar, j'y vais... de ce galop."
La déesse s'inclina et observa une dernière fois du coin de l'oeil son cousin, dont les yeux verts perçants montraient qu'une colère sans faille l'agitait. Elle sortit de la pièce et en ferma la gigantesque porte en or grâce à sa force surnaturelle. Elle traversa ensuite le long couloir de marbre qui s'en suivait et tomba nez à nez avec l'une des trois déesses qu'elle cherchait justement.
"Ah, te voilà, toi !
- Tante Lucretia, que se passe-t-il ? Pourquoi père semble-t-il si préoccupé ses derniers temps ?
- Tu ne vas pas tarder à le savoir, ma petite Farore. Où sont tes soeurs ?
- Elles me suivent. Elles arrivent. Nous avions justement l'intention d'aller voir père pour lui demander ce qui n'allait pas.
- Tante Lucretia !
- Ah, Nayru, Din, approchez. Votre père exige que vous vous rendiez toutes dans la salle du Grand Conseil.
- Si je comprends bien, quelque chose de grave est en train de se passer ? demanda Din, l'aînée des trois soeurs.
- Oui, et ne posez pas de questions. Vous saurez bien assez tôt le motif de cette convocation. Maintenant, rendez-vous dans la salle du Conseil. Je vous suis."
Les trois déesses volèrent jusqu'à la salle du Conseil, qui se situait dans un couloir perpendiculaire à celui où elles avaient rencontré leur tante. La porte était ouverte. Elles entrèrent dans une sorte d'amphithéâtre d'une taille démesurée où certains des membres de leur famille avaient déjà pris place sur les bancs en cercle. Oncles, tantes, cousins, cousines... Les membres de la famille des Dieux ne se comptaient plus. Un brouhaha insupportable résonnait dans tout l'amphi.
En face de l'entrée de la salle, se trouvaient les sièges des parents des trois déesses, ainsi que les leurs. Elles vinrent s'y installer.
"Mais que se passe-t-il ? demanda Nayru à sa soeur aînée, de trois ans plus âgée.
- Tante Lucretia a dit qu'on le saurait lors du Conseil, rétorqua Din.
- Et quand a eu lieu le dernier Conseil, Din ? Il y a quelques mois, n'est-ce pas ?
- Oui, Farore. Je ne veux même pas m'en souvenir de toute façon. Ils étaient tous très en colère après nous. Tout ça parce que Ganondorf risquait de prendre le pouvoir. On dirait que le Grand Conseil se réunit à chaque fois qu'il se passe un problème dans le monde d'en bas. Et la dernière fois, c'était à cause de nous. J'espère que cette fois-ci, ça ne sera pas le cas.
- Chut les filles ! murmura Nayru. Père et mère arrivent !"
En effet, le père des trois déesses, Xandar, entra, suivi de Xéléna, sa femme. Les derniers membres leur emboîtaient le pas. Ils montèrent dans les gradins et s'installèrent sur les derniers bancs de libre. Xéléna vint s'installer sur le siège prévu à cet effet, à côté de ses filles. Elle les observa longuement avec colère puis leur glissa :
"Bonne chance, mes filles adorées. Vous en aurez besoin."
Xandar, lui, resta au centre de la salle, où se trouvait une estrade petite en longueur et en largeur, mais grande en hauteur. Il jeta un regard circulaire sur toute l'assemblée qui se tut aussitôt.
"Ô, ma noble famille. C'est la cinquième fois que nous sommes réunis en ce lieu. La quatrième fois remonte à il y a quelques temps. Quant aux trois autres fois, eh bien... je ne m'en souviens plus très bien (quelques rires dans l'assemblée). Mais je sais que c'était bien avant que mes filles ne fassent la bêtise de créer un monde nommé Orse. Car c'est bien à cause de vous, mes filles, que nous sommes ici aujourd'hui. La dernière fois, c'était parce que le misérable être nommé Ganondorf risquait d'asservir le monde d'Hyrule si l'élu de la race que vous avez créée et qui s'est elle-même nommée hylienne ne l'avait pas anéanti. Et maintenant, c'est parce que celui qui a anéanti Orse est sur le point de s'éveiller !
- Père, supplia Din en se levant de son siège, ne nous blâme pas ! Nous n'y sommes pour rien !
- Oh que si ! hurla Xandar. Nous autres, nous avons erré pendant des millénaires dans le chaos, jusqu'à ce que nous trouvions le moyen de créer un monde matériel où y vivre en paix. Et vous, vous avez créé un autre monde matériel régi par des êtres qui nous sont inférieurs ! Vous y avez installé vos lois. Nous vous faisions confiance, mes enfants, nous trouvions tous que cela était une bonne initiative. Seulement, un être a percé les mystères de la mort et du néant, et il a voulu dérober votre pouvoir pour contrôler les créations. Il a pour cela arraché la vie à tous les êtres d'Orse ! A l'époque, nous avons fermé les yeux, nous avons laissé ce monde tel qu'il était car nous pensions que cet être ne pourrait rien faire de grave avec la Triforce. Et vous en avez alors profité pour créer Hyrule, avec une autre Triforce. Seulement, ce Vlad est sur le point de sortir de son long sommeil, et les Hyruliens ont remonté le passé jusqu'au moment où ce voleur est allé trouver les Gardiens d'Orse pour leur demander d'utiliser la Force Trois à de bonnes fins. Ils ont l'intention d'exaucer son souhait, ou même de le tuer, je pense, pour que son oeuvre macabre n'aboutisse jamais ! Nous sommes passés à deux doigts qu'il dérobe la Force Six et qu'il s'en serve pour contrôler le néant. Enfin, imaginez-vous ?
- Mais, père ! s'écria Nayru tandis que les deux autres pleuraient. Nous l'ignorions !
- Parce que vous avez fondé deux mondes qui étaient pour vous de simples jeux ! Et les êtres vivants n'étaient que des pions ! Ainsi, pour vous, tout cela n'était qu'un amusement ! Vous vous êtes lassées de ce jeu, et voilà le résultat. Les jeux et leurs pions doivent toujours restés inanimés. Sinon, les conséquences peuvent en être très graves.
- Père ! hurla Nayru en larmes. Nous pouvons nous racheter, nous pouvons faire quelque chose ! Nous avons le pouvoir d'éliminer cet homme !
- Hélas, non. Il est temps pour vous de payer. Malheureusement, ces pauvres êtres devront payer eux aussi. Si les deux Orsiens arrivent, dans les cinq jours qui vont suivre, à arranger les choses, alors les deux mondes cohabiteront en paix et, à chaque fois qu'une once de mal viendra entacher celle-ci, nous l'anéantirons. Mais s'ils n'arrivent pas à mener à bien l'ultime mission qui leur a été confiée, si jamais ils échouent et que Vlad et Dagan l'emportent, alors ça en sera fini de votre petit jeu...
- Non ! cria Farore en venant se jeter aux pieds de son père, bientôt imitée par ses deux soeurs. Père, laisse-nous arranger les choses ! Ne décide pas à notre place. Après tout, c'est nous qui avons construit Hyrule et Orse alors, laisse-nous être responsables ! Ils ont remonté le temps bien avant que nous ne créions Hyrule, ils ont en partie percé nos défenses, mais nous pouvons arranger les choses ! Nous sommes responsables, maintenant !
- Vous ne l'avez jamais été, et ce n'est pas maintenant que vous le serez ! Le temps est venu pour vous d'assumer les conséquences de vos actes. Espérez simplement que les Orsiens réussissent."
Tandis qu'elles pleuraient aux pieds de leur père, la rumeur reprit de nouveau. Cette fois-ci, on entendait nettement les cris de colère de chaque membre de la famille des Dieux. Apparemment, personne ne semblait prêt à pardonner aux trois créatrices d'Hyrule et d'Orse.

Chapitre 22 : L'ultime chance   up

Wilhelm V et Tancrède atteignaient maintenant le bord de la mer, là où se dressaient les quatre habitations des Gardiens : le Temple du Nord, celui de l'Ouest, celui de l'Est et celui du Sud. Le Temple de Tancrède était celui de l'Est. Ces bâtiments étaient également des lieux de cultes pour chaque peuple d'Orse. Bien évidemment, le Temple de l'Est était le lieu de culte où se rendaient les Hommes. Celui du Nord était le temple érigé pour les Fées, celui de l'Ouest avait été construit pour les Sirènes. Le dernier, celui du Sud, appartenait aux Elfes.
Pour arriver jusqu'aux temples, le roi et le Gardien avaient dû traverser les villes et les villages. Ceux-ci étaient emplis de vie. Les enfants riaient et couraient sur les places, les adultes discutaient du beau temps...
"Regardez, Tancrède, cela fait bien longtemps que nous n'avions vu cela, avait constaté le roi.
- Oui, profitons-en, car peut-être échouerons-nous...
- Dire que ces pauvres gens ne se doutent de rien. Nous sommes bientôt arrivés au bord de la mer."

"Sire, Tancrède !"
Une très jolie femme noire pourvue d'ailes se tenait devant l'entrée de son temple. Il s'agissait de la Gardienne Fée.
"Ludovika ! s'écria Tancrède en se jetant dans ses bras. Oh ! Comme je suis content de vous revoir !
- Mais enfin, Tancrède, on s'est vus il y a deux jours de cela !
- Euh, oui, enfin, désolé.
- Bah c'est rien voyons ! Mais au fait, qu'avez-vous, tous les deux, on dirait que vous venez d'un autre monde ! Il n'y a qu'à voir vos têtes ! Ha, ha, ha, ha ! Bon, enfin, entrons. J'étais en train de parler avec Neptune et Ceselha des affaires du Royaume.
- Un homme n'est pas venu, par hasard ?
- Non, pourquoi ?
- Comme ça.
- Mais qu'avez-vous, Tancrède ?
- Rien, Ludovika, rien."
Et ils pénétrèrent dans le Temple. Le hall d'entrée était aussi démesuré et aussi luxueux que ceux du château et du monde sous-marin. En passant devant un miroir, Tancrède put apercevoir sa tête : il avait récupéré son joli visage de l'époque : ses yeux marron n'étaient plus affreusement creusés, et ses joues étaient renflouées. Sa peau était de nouveau rose. Comme cela, il était très mignon.
Ludovika les conduisit jusqu'à une petite pièce où se tenaient deux autres personnes : un homme sirène se trouvait dans un petit bassin prévu à cet effet. Une femme rousse assez jolie, de taille moyenne et possédant des oreilles semblables aux Hyliens, était assise sur un petit siège de velours rouge. Ludovika montra aux deux visiteurs deux autres sièges identiques et les invita à s'asseoir.
"Ouvrez grand vos oreilles, prévint Tancrède. Car un homme va venir ici nous demander de... de l'aide.
- Un homme ? Du peuple des Hommes, je suppose ? questionna Neptune.
- Bien sûr. Il va nous demander de faire un voeu grâce à la Force Trois : changer la longévité des Hommes, et leur donner l'immortalité dont jouissent les Elfes. Nous allons refuser. Il va s'éclipser et revenir dans quelques mois. Il va arracher les âmes des vivants. Je serai le seul survivant. Alors, les déesses vont créer un autre monde et 1000 ans vont s'écouler. Moi et l'esprit du roi allons rencontrer des gens de ce nouveau monde, et ils vont nous faire remonter dans le passé jusqu'à maintenant pour arrêter Vlad et son frère, Dagan. Tout cela s'est passé, c'est bel et bien vrai. Et nous ne disposons que de cinq jours pour inverser les probabilités.
- Mais, enfin, Tancrède, c'est invraisemblable !
- Hélas, Ceselha, tout est vrai, répondit Wilhelm.
- J'ai confiance en vos créances, messieurs, intervint Neptune. Aussi, s'il doit venir ici même en ce jour, alors nous l'attendrons et nous l'éliminerons !
- Merci." s'écria Wilhem avec un peu d'émotion dans sa voix.

"Hin, hin, hin, hin. Qu'ils sont naïfs. Ils pensent donc que je vais venir me livrer à eux ! Les cinq jours vont s'écouler et ils auront perdu. De toute façon, ils avaient déjà perdu d'avance !
- A nous le pouvoir, mon cher frère !
- Dagan, mais que crois-tu ? Tu ne pensais tout de même pas que j'allais partager le pouvoir avec toi ?
- Si, et avec les Sheikahs !
- Toi et les Sheikahs... me servaient simplement à gagner en puissance. Sauf qu'eux se méfiaient. Pas toi. De toute façon, il faut que je t'élimine. J'ai besoin de ton essence, du souffle de vie qui brûle en toi comme en ces simples petits humains.
- Vlad, mon frère, tu ne vas quand même pas... ?
- T'éliminer, si. Mais si un jour je veux que tu revives, je n'aurais qu'à réintroduire ton âme dans ton corps. N'aies pas peur, toi séparé de ton âme, ça ne sera peut-être pas à jamais !
- Vlad, non ! Pitié, je t'ai aidé, je suis ton frère, tu ne peux pas... Nooooonnnnnnnn !!!"

Quatre jours avaient passé et Vlad ne s'était toujours pas présenté devant les Gardiens. Tancrède et Wilhelm V étaient en proie à une vive angoisse.
"Plus qu'une journée et nous allons ensuite retourner dans le futur. Nous sommes condamnés ! Il est temps de vous dire adieu à nouveau, mes chers amis !
- Tancrède, Tancrède, calmez-vous, voyons ! Et vous aussi, sire, stop, voyons ! Mais qu'avez-vous, bon sang ! Ce type n'est pas venu et il ne viendra pas. A moins que vous ne vous soyez trompé de jour.
- Non, Neptune ! hurla Tancrède en larmes. Nous ne sommes pas fous, pas plus que nous nous trompons de jour. Adieu, adieu !
- Oh ! Faites que les Dieux puissent entendre nos prières ! implora Wilhelm V à genoux, les bras et la tête levés vers le ciel.
- Mais ma parole, ils ont perdu la raison ! dit tout bas Neptune à Ceselha et Ludovika.
- Moi en tout cas, je n'ai jamais douté d'eux, Neptune, affirma Ludovika.
- Mais on ne peut pas les laisser comme ça, constata Ceselha. Les Elfes fabriquent un médicament ultra puissant, permettant de faire dormir quelqu'un pendant deux, trois ou dix jours maximum. Tout dépend de l'appartenance de la personne. Pour les hommes, ça ne marche que durant deux jours. On doit leur en administrer, tout de suite !"
Neptune et Ludovika réussirent, au terme de grands efforts, à maîtriser les deux Hommes. Ceselha introduisit alors un liquide dans leur bouche respective et ils tombèrent aussitôt après dans un profond sommeil, alors que le crépuscule répandait déjà ses voiles ténébreux et merveilleux sur le regretté monde d'Orse...

Chapitre 23 : A l'aube du sixième jour   up

Le cinquième jour se terminait. Les deux malheureux étaient toujours plongés dans un sommeil sans rêves ni cauchemars, sous les yeux à la fois bienveillants et inquiets des trois autres Gardiens.
"Nous allons bientôt savoir s'ils disaient vrai. Mais je ne me souviens pas d'un homme venant nous demander la Triforce pour aider son peuple.
- Moi non, plus, Ludovika, renchérit Ceselha.
- Oh, mais, que se passe-t-il ?" s'affola Neptune.
Un tube d'énergie bleue était en effet apparu, entourant les deux voyageurs du temps. Bientôt, il se répandit dans toute la pièce jusqu'à s'étendre sur tout le royaume d'Orse. Celui-ci disparut aussitôt dans ce chaos d'énergie temporelle.
Lorsque les Orsiens se réveillèrent, un groupe de 25 personnes au moins les regardaient, leur tête baissée vers eux.
"Nous avons échoué, pleura Wilhelm. Il n'est pas venu.
- Non ! crièrent ensemble les deux soeurs en s'effondrant.
- Essayons d'utiliser les deux fragments de la Triforce ! proposa Rauru en feignant d'être optimiste.
- Mais dépêchez-vous alors ! gronda Esternal.
- Ça ne sera pas nécessaire !"
Un homme flottait au-dessus du téléporteur du temple. Le bruit des esprits se faisait entendre, et des voiles de brume qui étaient en fait toutes les âmes qu'ils avaient faites prisonnières l'entouraient, empêchant de distinguer parfaitement son visage. La masse des âmes autour de lui ressemblait bel et bien au brouillard d'Orse, à la différence près que l'on pouvait quelques fois apercevoir des têtes difformes et immatérielles se former pour ensuite se fondre à nouveau dans la masse.
"V...Vlad ? se risqua Esternel.
- Lui-même, répondit l'être inhumain. Ces deux imbéciles ont échoué, continua-t-il en désignant le Gardien et le roi de son index crochu. Et je vais vous en dire la raison : nous appartenons tous trois au même monde, à la même époque. S'ils devaient retourner dans le passé avec la connaissance des événements futurs, alors moi et mon frère aussi. Je savais ce qui risquait de m'arriver si je me livrais à eux. Alors, durant ces cinq jours, je suis resté chez moi au-delà de la mer avec mon frère, tout en savourant mon écrasante victoire, et en riant de votre naïveté. Quant à mon frère, il ne me servait plus à rien alors je lui ai fait subir le même sort qu'aux autres. Et maintenant, à vous !
- Non ! s'exclama Nabooru en s'envolant grâce à son esprit.
- Nabooru, la Triforce, viens, vite !" cria Impa, mais Nabooru ne l'entendait pas.
Bravement, elle se jeta la première dans la bataille avec son bijou. Elle tenta de libérer les âmes mais elle avait perdu trop de puissance, et sa capacité à contrôler les esprits était moindre comparée à celle de Vlad. L'ennemi l'immobilisa alors devant lui en étendant sa main sur sa poitrine. La jeune femme était figée dans les airs, ses yeux étaient écarquillés, sa bouche béante. Son expression était horrible à voir. Tous poussèrent un cri d'effroi. Un voile brumeux sortit de la voleuse et prit son apparence, tout en conservant son immatérialité. Vlad ouvrit grand la bouche et l'esprit y entra. La Gerudo tomba ensuite lourdement à terre en gardant la même affreuse expression sur son visage.
"Tu n'iras pas plus loin, enfoiré ! cria Helmut dans un accès de rage intense. On va se battre, allez, tous avec moi !"
Tous les Sheikahs se précipitèrent vers lui, tandis que Ruto essayait de le congeler et Rauru de l'aveugler. Mais il n'y avait rien à faire, il évitait toutes les attaques. Il éliminait les Sheikahs deux par deux à l'aide de ses mains et, quand il n'y eut plus aucun représentant du peuple de l'ombre à part Impa, il avala toutes les âmes flottant autour de lui et se posa à terre. Alors les survivants, Ruto, Rauru, Impa, Saria, Zelda, Wanda, les deux Link, Tancrède et Wilhelm purent voir son visage. Un visage très jeune mais ni très beau, ni très laid. Il avait une très belle et très longue chevelure blanche, une peau lisse et blanche, des yeux bleus malfaisants. Un affreux rictus marquait son visage. Les condamnés tremblaient de peur : leurs pouvoirs ne faisaient rien. Ils savaient que maintenant, la fin était arrivée.
"J'ai simplement eu le temps de voler les âmes de vos amis que vous voyez étendus là-bas. Et puis, je me suis aussi chargé de ces pauvres gens habitant dans le village où se trouve le temple des Sheikahs. En passant, j'ai éliminé les gens de cette ville. Oh, comme ils ne souffrent plus maintenant ! Bientôt, tous les autres habitants de ce royaume seront en ma possession.
- Au début, vos intentions étaient d'aider les Hommes ! Souvenez-vous ! Vous ne pouvez pas avoir changé comme cela !
- Sire, je me demande comment j'ai pu vouloir aider les miens. C'est tellement mieux de parcourir le monde entouré de plein de fantômes que l'on sait impuissants. On a l'impression que l'on est le seul créateur, que l'on peut faire tout ce que l'on veut... arrrrgghh !"
Une chose étrange venait de se produire : le médaillon de l'esprit que Vlad tenait dans sa main s'envola dans les airs, et le fantôme de Nabooru ne tarda pas à apparaître à côté du pendentif.
"Esprits, âmes, fantômes, spectres, libérez-vous ! dit-elle en direction de Vlad.
- Non, non, c'est impossible ! cria celui-ci.
- Mais si c'est possible, mon coeur ! T'es pas le seul à contrôler les puissances spirituelles !"
Le médaillon s'illumina et les entités s'échappèrent toutes en même temps du corps de Vlad, qui poussait des cris d'agonie. Elles se dirigèrent ensuite dans le pendentif. Vlad tomba à terre.
"Et maintenant, tu vas mourir !
- Mon immortalité ! Mon oeuvre ! Non !"
Le Sage se saisit de ses deux cimeterres et, au moment où elle allait lui porter le coup de grâce, la lumière du soleil baignant tout le Temple du Temps en passant par ses vitraux devint ténèbres. Le toit du temple explosa et ses débris se disloquèrent aussitôt pour ne devenir que petites particules blanches au milieu de tant d'autres. Le ciel était noir et hormis les particules blanches, des particules de couleurs vives brillaient également. Des volutes de brouillard épais vinrent bientôt s'ajouter à la composition étrange du firmament. Bientôt, le sol du temple se disloqua à son tour, et ses occupants se mirent à flotter dans ce qui n'était pas le ciel.
"Mais, qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Ruto, affolée comme les autres.
- On dirait... on dirait le néant ! s'exclama Rauru. Avant que nous n'existions, voici ce qu'il y avait, le néant ! Le chaos !
- Mais, qu'est-ce que cela signifie ? continua Zelda.
- Je n'en sais ri..."
Mais Rauru ne put finir sa phrase, car il fut lui aussi disloqué, en même temps que tous les autres. Ainsi donc, le chaos était revenu. Plus aucune forme de vie n'existait, plus rien ne vivait. Ni les plantes, ni les animaux, ni les humains, ni les monstres, ni les esprits des morts, même ceux qui se trouvaient dans le monde divin. Orse et Hyrule, les deux seuls mondes qui n'avaient jamais été créés par les mains de divinités, à part le monde des dieux lui-même, n'existaient plus.

Epilogue : Dans l'éther, la paix   up

Les dieux n'avaient pas quitté la salle du Grand Conseil depuis qu'ils y étaient entrés cinq jours auparavant. Xandar avait en effet "ouvert" le sol de la salle, et la famille avait pu voir du haut le déroulement de ces cinq jours tout en restant dans les gradins en forme de cercle. Ils venaient tout juste d'assister à la fin d'Orse et d'Hyrule avec des yeux ébahis.
"Xandar, fit un de ses oncles, ce que vous avez fait était la meilleure des choses, bravo.
- Mais père, objecta Farore en pleurant, ils étaient sur le point de gagner ! Et vous avez dit que s'ils gagnaient, vous les aideriez à l'avenir.
- Il fallait bien que je vous donne une leçon, n'est-ce pas ?
- Mais nous les aimions ! Regardez nos larmes ! Regardez les larmes que nous versons à cause de ce que vous avez fait !
- Si vous les aimiez tant que cela, vous ne les auriez pas laissés se contrôler eux-mêmes. Vous auriez empêché les guerres, vous auriez fait attention à quels voeux dangereux Ganondorf se vouait en touchant la Triforce, et vous l'auriez alors empêché de faire une telle chose. Et bien sûr avant cela, vous auriez fait la même chose avec Vlad et Dagan. Et comme tout cela était votre oeuvre, nous ne pouvions rien faire. Maintenant, il me semble que vous avez compris. Mais vous serez quand même jugées pour vos actes inconséquents et inhumains. Je crois que de toute façon, un jour ou l'autre, nous aurions détruit ces terres, car nous aurions jugé bon de le faire. Dans vos chambres, maintenant. Je déciderai de la date du jugement ultérieurement. Mais il ne vous arrivera rien de grave, rassurez-vous. Nous ne sommes pas aussi cruels que vous ne l'avez été envers ces humains.
Je déclare le débat clos ! Merci d'y avoir assisté, adieu à tous !"

Les trois pauvres filles sanglotaient depuis trois jours sur le toit du Palais. Au-dessus d'elles s'étendait le ciel, le ciel des êtres éthérés. En dessous, bien en dessous du palais, s'étendait le néant infini. Elles étaient seules, seules et inconsolables depuis trois jours, le doux vent divin étant leur unique compagnon.
"Je sais que finalement, vous faisiez attention à ces mondes.
- Grand-père ! s'écria Din en se retournant, imitée par les deux autres.
- Din, tu as en toi la force pour affronter cette douleur. Nayru, tu as la sagesse de le faire, quant à toi, Farore, tu en as le courage.
- Merci grand-père, dit Nayru.
- Vos parents sont sévères mais aimants. Ils ne veulent pas que vous fassiez d'erreurs, comprenez-vous ?
- Oui. Aussi je pense que nous méritons amplement ce jugement, quelle qu'en soit la sentence.
- C'est bien, ma petite Nayru, je reconnais bien là ta sagesse et ta résignation. Mais, dites-moi les filles, si vous ne deviez regretter qu'une chose de ces mondes, laquelle serait-ce ?"
En entendant ces mots, Din, Nayru et Farore répondirent en même temps mélancoliquement :
"Que Link n'ait jamais vu ses parents."

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Miroir". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 20.04.24