• Legend of Zelda
  • Adventure of Link
  • A Link to the Past
  • Link's Awakening
  • Ocarina of Time
  • Majora's Mask
  • Oracle of Seasons
  • Oracle of Ages
  • The Wind Waker
  • The Minish Cap
  • Four Swords Adventures
  • Twilight Princess
  • Phantom Hourglass
  • Spirit Tracks
  • Skyward Sword
  • A Link Between Worlds
  • Tri Force Heroes
  • Breath of the Wild
  • Tears of the Kingdom
  • jeux The Legend of Zelda

The Legend of Zelda : La malédiction des héros

Ecrit par Elincya
Chapitres 1 à 10   •   Chapitres 11 à 21   •   Chapitres 22 à 31   •   Chapitre 32 à 40
Chapitre 32 : Le Capitaine de la garde royale

Dix-huit ans auparavant.

Au château d'Hyrule, Raven est agenouillé au sol, en face du trône royal du Roi et de la Reine : le Roi Daphnès Nohansen Hyrule et la Reine Emilia Eléonora Hyrule. Reconnaissable grâce à sa longue cape rouge soyeuse qui se démarque, il a la main posée contre son torse musclé, comprimé sous son armure argentée. Une allure digne d'un fier capitaine d'une armée de soldats. La tête baissée, il ne dit aucun mot. Assis, le Souverain a toujours sa longue barbe brune. Une couronne est posée sur ses cheveux frisés. La cape noire entourant pratiquement son grand doublet et son haut de chausse, oscillant entre la noirceur et le bleuté, il conserve son visage ferme.

À ses côtés, sur le deuxième siège, la Reine Emilia le regarde avec bienveillance, ses yeux d'un bleu profond. Cheveux blonds comme l'or, mi-longs, elle porte une longue robe violette majestueuse d'un décolleté assez plongeant. Radieuse comme elle est, l'enfant qu'elle porte dans son ventre peu arrondi héritera sa beauté. Aux côtés du couple souverain, le pouvoir royal partagé, se trouve un vieux chancelier avec un regard hautain. Chauve, portant uniquement qu'une robe de conseiller.

- Capitaine Raven, déclare le Roi d'une voix modulée. Sachez qu'avant de vous donner la nature de votre nouvelle mission, je place toute ma confiance en vous. Vous avez été l'un des rares soldats à marquer l'histoire dans notre armée. Votre loyauté et votre courage marquent les esprits de chacun d'entre nous. Mais pour y parvenir, vous avez tant sacrifié. Comme votre vie de famille. Instantanément, Raven repense à son épouse. Il est vrai que, malgré ses exploits prodigieux, Fenlyr lui manque tellement. Notamment l'être qu'il chérit le plus dans ce monde. Son devoir à la hauteur de ses sentiments humains, il lui déclare :
- Votre Majesté... Je n'ai aucun regret... Même si mon coeur est tourmenté par un vide, l'envie de protéger mon peuple est primordiale... Les monstres ne cessent de se reproduire et d'attaquer celles et ceux qui sont vulnérables. Je sais qu'à Fenlyr, le danger est écarté. Mon épouse, Célesta, ainsi que tous mes amis et proches sont en lieu sûr pour le moment. Je ne dois pas penser égoïstement à mes caprices. Donc, peu importe la mission que vous me confierez, je le ferai pour vous, mon bon Roi et ma bonne Reine. Ma force est entre vos mains. Je suis votre "épée".
- J'en suis conscient, mon brave. Sachez que le destin vous permettra de vous joindre à vos désirs les plus enfouis.
Raven lève la tête et dévisage longuement le Roi :
- Vous voulez dire que j'ai... une permission ?
- Pas exactement. Fenlyr sera avant tout votre point de mission : une mission capitale que vous seul, serez capable de réussir. L'avenir d'Hyrule dépendra de vous et de votre force.
De plus en plus intrigué, le chevalier se lève doucement.
- Qui vous a ordonné de vous lever ? Agenouillez-vous tout de suite ! rétorque le vieux chancelier avec un air hautain.
- Rodolf ! réprimande Emilia d'un ton sec. Aie du respect pour le Capitaine Raven !
- Votre... votre Altesse ! Ce gueux doit apprendre à nous obéir ! Peu importe son rang, il se doit d'appliquer les règles ! En tant que chancelier, j'ai le pouvoir sur les soldats et sur les misérables !
- Désolé d'avoir mal aux jambes, se moque Raven en esquissant un léger sourire amusé dans la direction du chancelier.
- Quelle prétention ! râle le vieux avare. Et vous voulez l'envoyer tuer la réincarnation diabolique de Ganon ?
Interloqué par ces propos, Raven écarquille les yeux avant de répéter :
- La réincarnation diabolique de... Ganon ? Qu'est-ce que cela signifie ?

Devant cette question délicate, le Roi inspire un bon coup avant de commencer à expliquer :
- Un habitant de cette contrée ainsi que quelques rares touristes ont conté une histoire concernant un jeune enfant assez étrange. Il partage son corps avec une ombre maléfique. Cet enfant est capable d'invoquer des créatures et prend un malin plaisir à dévorer des cadavres d'animaux... De nombreuses personnes m'ont rapporté ces faits monstrueux... D'après les plus grands savants, il agit exactement comme l'entité Ganon. Cette fois-ci, ce maudit être n'a plus choisi de se réincarner sous sa forme diabolique. Il a choisi de vivre dans le corps d'un enfant hylien.
- Serait-ce... Vadel ? s'étonne Raven avec un regard horrifié. Il est vrai que j'ai entendu de nombreuses rumeurs autour de lui et que son obsession pour la viande animale est féroce... Mais je ne l'ai jamais perçu comme un être diabolique... Ça a toujours été un enfant gentil malgré sa tristesse accablante. Mais, supposons que cela soit vrai, que voulez-vous que je fasse ?
- Le tuer sur-le-champ, répond directement le Roi en s'efforçant d'être impassible.
Choqué, Raven sent sa gorge se serrer. Lui, celui qui fait son possible pour instaurer la bonté dans son monde, devra se souiller les mains pour obéir à son Roi et à sa Reine. Incrédule, il demande :
- Vous... vous voulez m'envoyer à Fenlyr pour que je retire la vie de cet enfant... ? Au nom d'Hylia ! Mais pourquoi ?
- Nous ne pouvons plus prendre de risque. Ganon a suffisamment provoqué la douleur sur nos terres depuis tant de siècles..., lui explique la Reine Emilia avec mélancolie. Cette créature abominable est prête à tout pour conduire Hyrule à un destin néfaste... Même à se faire passer pour un enfant innocent. Il ne connaît aucune pitié.
- Si la réincarnation de Ganon éveille pour de bon ses pouvoirs, aucune arme, à l'exception de l'épée de légende et de la Triforce, ne pourra l'achever. L'élu d'Hyrule ne s'est pas encore éveillé dans ce monde. Tout comme la porteuse de la sagesse au sein de notre famille, poursuit le Roi en regardant avec discernement son épouse.
- Donc, je dois... le tuer..., se rend compte le capitaine sous le choc. Si c'était un monstre ou un être menaçant, le problème serait vite résolu... Mais un enfant qui n'a rien demandé... à part vivre avec ses parents...
- Si vous n'acceptez pas cette mission, capitaine Raven, vous condamnerez Hyrule à la mort ! Songez à votre charmante épouse ! lui rappelle sèchement le chancelier.

En regardant son alliance sur son annuaire gauche, Raven sent l'hésitation peser péniblement sur ses épaules. S'il doit tuer Vadel pour préserver la paix et la vie de ceux qu'il chérit, alors soit... Voilà la pensée qu'il s'efforce de conserver telle la flamme d'une bougie dans l'obscurité.
- Je crois que je n'ai pas tellement le choix..., constate-t-il en s'agenouillant par respect. J'accepte humblement cette... tâche...
- Capitaine Raven... Merci, dit le Roi avec gratitude. Pardonnez-moi de vous imposer un tel fardeau... Afin de récompenser votre bravoure, laissez-moi vous remettre le bouclier sacré : le bouclier d'Hylia.
N'en croyant pas ses oreilles, Raven fixe le roi, incrédule.
- Votre Majesté ! Ce bouclier est destiné au héros d'Hyrule ! Pas à un simple capitaine venu d'une campagne !
- Rodolf... Mesure tes paroles et va chercher le bouclier au lieu de discuter inutilement mes ordres ! insiste le Roi, lassé par les protestations de son conseiller.

Rodolf tique avant de s'exécuter, les mains croisées derrière son dos courbé. Une fois revenu, la mort dans l'âme, il s'agenouille devant Raven en lui tendant le bouclier sacré. Malgré l'hésitation, le jeune homme accepte ce présent. Honoré, il élève le bouclier au plafond. Le rayon chaleureux du soleil filtre la grande fenêtre et éclaire le symbole de la Triforce laqué sur la plaque. Confiant, le couple royal le fixe, priant ainsi la Déesse Hylia pour le salut du plus grand capitaine de l'armée royale.

* * *

Le lendemain matin, Raven et un autre capitaine quittent le château d'Hyrule. Après plusieurs heures de galop, au sommet d'une colline, le prodige à la cape rouge observe le Mont Hébra avec inquiétude. Même s'il ressent l'impatience de revoir la femme qu'il aime, il est tressailli par la douleur à cause de la mission.

- Dire que c'est dans ce pathétique endroit que vit Ganon sous l'apparence d'un gosse. Tss ! On aura tout vu ! lâche son allié d'un ton méprisant.
Les cheveux bruns très courts, le deuxième capitaine est loin d'être aussi bienveillant et charismatique que Raven. Cape blanche et vêtu d'une armure noire, il est réputé pour être un chevalier sans coeur, capable de tuer n'importe qui sur sa trajectoire. Malgré ses compétences, il passe la plupart de son temps libre à boire et à séduire les femmes qu'il croise dans les tavernes.
- S'il te plaît, Dagad : mesure tes paroles, renfrogne Raven avec froideur. Tu parles de mon village et d'un proche...
- Je n'ai pas d'ordres à recevoir de toi. N'oublie pas qu'à mes yeux, tu restes encore un bleu qui a eu seulement beaucoup de chance d'être arrivé au statut de capitaine en si peu de temps, râle Dagad en serrant les rênes de sa monture.

Au fond de lui, Raven a envie de lui donner un bon coup de poing à la figure. Mais en voulant suivre à la lettre les exemples d'un chevalier digne de son rang, il renonce à ce geste si immature et surtout, si inutile. Bien que ça le démange tellement. Il finit par l'ignorer en tiquant un bon coup. Sans tarder, les deux capitaines, malgré leur animosité réciproque, se rendent en direction de Fenlyr.

* * *

Ils arrivent finalement au coeur du Mont Hébra à la tombée de la nuit. La neige recouvre le village de Fenlyr. Toutes les maisons en bois entourent une grande place arrondie. Malgré les rumeurs, les villageois, bien protégés contre le froid, vivent comme si de rien n'était et les enfants s'amusent entre eux. Partagé entre la joie de retrouver son village et le malaise en repensant à sa mission, Raven voit Fenlyr au loin, suivi par Dagad qui nettoie la lame de son épée.

- Rassure-moi, Raven : dans ton patelin, ça existe une taverne où on peut picoler avec des jolies femmes ? lui demande-t-il soudainement.
- Tu t'es trompé d'adresse, mon pauvre. Nous ne sommes pas au village Cocorico où la taverne est occupée par cet homme qui ne pense qu'à l'alcool et aux femmes, soupire Raven avec un sourire moqueur.
- Et dire que tu as rencontré une donzelle bien fraîche là-bas. Mais ne t'en fais pas : si je la rencontre, je ne la séduirai pas.

Calmement, Raven ignore ces dernières paroles. Il n'a jamais supporté la façon dont Dagad parle des femmes comme des objets. Depuis qu'une fille l'a quitté pour un "paysan", il se montre rancunier et préfère se noyer dans l'alcool. Quel effroyable gâchis pour un capitaine aussi talentueux que lui malgré tout. Soudainement, une boule de neige cogne la tête du cheval ! Affolé, l'animal hennit, debout sur ses deux pattes arrières, provoquant la chute de son propriétaire. Alarmé, Raven descend de son cheval et se dirige hâtivement vers son allié.

- Argh ! gémit de douleur Dagad. Mais qu'est-ce que...
- Oh ! Je... je suis désolée, monsieur ! s'excuse une petite fille de six ans au loin.
Les longs cheveux bruns relâchés et les yeux verts presque brillants, elle s'approche des deux hommes. Elle porte une simple cape brune qui couvre sa robe rose et ses collants blancs. Soudain, une colombe blanche se pose sur son épaule.
- Oh ! Mais c'est vous ! Sire Raven ! reconnaît-elle avec stupéfaction.
- Cérès ? Oh ! Tu as tellement grandi ! se réjouit Raven en s'agenouillant devant elle. Comment vas-tu, dis-moi ? Tes parents vont bien ?
Malheureusement, Cérès le regarde à peine comme si elle porte un secret étouffant en elle.
- Je... je vais bien...
- Cérès ! l'interpelle un autre enfant au loin.
Les cheveux noirs et les yeux rouges, il arrive sur les lieux avec un air jovial. Il porte une cape noire ainsi qu'un pantalon marron.
- Alors ! Tu as eu tellement peur de la boule de neige que tu t'es cachée derrière un adul...

Sans finir sa phrase, le petit garçon s'arrête en lâchant sa nouvelle boule de neige. Raven devient pâle sentant son coeur s'affoler avec violence, tandis que les sourcils de Daggad se froncent un air dubitatif.
- Sire Raven ! reconnaît le jeune garçon en s'approchant de ce dernier. Vous... vous êtes revenu !
Mal à l'aise, Raven s'approche et pose la main sur la tête du petit garçon.
- Bonjour, Vadel... Oui, je suis revenu pour un temps...
- Ne vous en faites pas, Sire Raven. Pendant votre absence, nous avons été très sages. Nous ne sommes plus retournés dans la grotte après que vous nous avez sauvés, rassure Cérès avec un triste sourire.

Raven lâche un sourire mélancolique, fiers des deux enfants. Mais en regardant Vadel, il ressent l'envie de pleurer. Comment il allait faire pour le tuer ? De quelle façon il va procéder ? Toutes ses questions le hantent et l'étouffent grandement.
- J'en suis ravi... Allez, je vous laisse vous amuser. Je dois revoir Célesta.

Cependant, les deux enfants se sentent mal à l'aise. Ils n'osent pas le retenir... Raven tique et agite les rênes de son cheval pour le faire avancer en direction du coeur du village. Dagad dévisage avec froideur Vadel, de plus en plus perturbé par les pupilles rouges. Une fois que les capitaines se sont éloignés, Vadel fixe Raven de dos avec impuissance.
- Sire Raven... Il va... il va beaucoup pleurer..., s'imagine-t-il d'une voix triste.

Les larmes aux yeux, Cérès caresse la tête de la colombe qui roucoule. Ainsi, elle lève sa main au ciel pour inciter l'oiseau à s'envoler dans le ciel neigeux, ne laissant que ses plumes aussi angéliques que celles d'un ange. La mort dans l'âme, à ses côtés, Vadel les regarde tomber. Au même moment, Dagad interroge son compagnon de route.
- Ra... Raven ! Dis-moi, ce gosse avec ses yeux aussi rouges qu'un rat de la citadelle, c'est...
- Oui... c'est bien lui, affirme sinistrement Raven, les yeux baissés.
- Comment ? Mais alors pourquoi tu ne l'as pas tué comme convenu ? Personne ne nous aurait vus ! Et pour cette gamine, on aurait pu aussi la tu...
- Dagad ! interrompt sèchement le capitaine. Pour le moment, si tu le veux bien, cette nuit sera notre permission... Nous... nous penserons à notre mission demain... Pour le moment, je veux retrouver Célesta... Et quant à toi, tu peux aller picoler à l'auberge. Je suis sûr que le propriétaire pourra te faire une exception grâce à ton armure !
- Il y a intérêt à ce qu'il y ait du rhum. Autant de kilomètres pour voir du sang couler dans un patelin, tu parles d'une gloire.

Une fois de plus, Raven fait abstraction et ne trouve pas la force de le frapper. Mais en reconnaissant sa demeure en bois, située en face d'une fontaine d'eau, sa frustration et son anxiété s'envolent un peu, ne laissant place qu'à l'impatience. Aussitôt, il descend et accourt, sous les yeux méprisants de Dagad qui arrête sa monture à son tour. En claquant la porte contre le mur, Raven entre avec un sourire apaisé.

- Célesta ! s'exclame-t-il.
Cependant, seule la poussière vole dans le salon, morne et vide. Les chaises sont sur la table et aucune vie ne semble régner sur ces lieux. Seuls les rayons de la lune éclairent la salle tout en bois.
- Célesta ?
De plus en plus perturbé par ce silence, le jeune homme monte hâtivement à l'étage et ouvre la porte de la chambre. Mais elle est vide. Il n'y a même plus de drap et de couverture sur le lit double. Rapidement, il descend et sort de sa maison pour se diriger à celle d'à côté : la maison de Paya. Ses longs doigts grattant son menton mince, Dagad reste en retrait, de plus en plus curieux par cet agissement. Après avoir frappé à plusieurs reprises à la porte, une femme, aussi jeune qu'une adolescente, l'ouvre. Surprise de revoir le chevalier ici, ses yeux deviennent grands ouverts.

- Ra... Raven ! s'exclame-t-elle, n'en revenant pas. Tu es... tu es revenu...
- Bonsoir, Paya. Pardonne-moi pour le dérangement... Mais Célesta... est-elle chez toi ? lui demande-t-il avec un léger sourire. Elle n'est pas à la maison, donc peut-être qu'elle est restée avec toi !
Les larmes aux yeux, Paya baisse la tête en serrant les dents, la main empoignée sur la porte.
- Paya... ? l'appelle calmement Raven en sentant son coeur se serrer. Par pitié, ne me dis pas qu'un malheur s'est...
- Je suis désolée, Raven... Je suis sincèrement désolée... Cela fait depuis une semaine que... Célesta a été emporté par la fièvre. Quelques jours après avoir mis au monde ton fils..., révèle finalement Paya. Son corps repose dans le cimetière, à côté du grand chêne...

La tête baissée, elle n'ose plus regarder le capitaine droit dans les yeux par peur de fondre en larmes. Horrifié par une telle annonce qui réduit à tout jamais son désir de revoir celle qu'il aime tant, Raven est pétrifié, n'osant pas croire à ce qu'il vient d'entendre. Le coeur cognant avec violence contre sa
poitrine comme s'il la sent se déchirer, il recule en secouant la tête, le regard délirant.

- N... non... non ! C'est impossible ! Pas Célesta... Je... je voulais la revoir..., s'affole Raven en tremblant de plus en plus. Je voulais lui faire la surprise... Paya... Va chercher Célesta... Dis-lui que je suis là ! Elle doit être en train de lire dans sa chambre... S'il te plaît, ramène-la-moi... avant qu'elle...

Après avoir posé la main contre sa bouche, désormais incapable de parler, il s'effondre sur ses jambes. Les larmes coulant de plus en plus vite, il sanglote d'une façon incontrôlable, ne faisant plus attention au monde qui l'entoure : un monde devenu insignifiant... Ni Paya et encore moins Dagad ne sont capables de le soutenir dans sa souffrance.

* * *

La journée s'est passée si vite. La nuit commence à noircir à nouveau le triste ciel. Les yeux rougis après avoir autant sangloté, en plein deuil, Raven se trouve finalement devant la tombe de Célesta. Son prénom est gravé sur la pierre, peuplé de plusieurs Princesse de Sérénités qu'il a trouvées dans les alentours. Avec douleur, il baisse la tête en lisant encore une fois la lettre d'adieu qu'elle lui a laissée avant sa mort. Le contenu, écrit par Célesta elle-même, évoque tout son amour et son bonheur malgré la mort qui l'a affaiblie au fur et à mesure. Elle lui conjure de s'occuper de leur fils, prénommé Link en mémoire du héros qu'elle et lui avaient toujours admiré grâce aux contes légendaires. Réconforté par ces paroles qui touchent son coeur, transpercé par son chagrin, il esquisse un sourire attristé en repensant aux bons souvenirs, désormais incapable de pleurer. Il a tellement pleuré qu'il n'a plus de larmes... En traînant un peu des pieds, Dagad finit par le rejoindre. En grattant sa chevelure si courte, n'étant pas très bon pour choisir les mots justes, il lui déclare :

- Raven... Je... je suis quand même désolé pour ton épouse. Mais n'oublie pas qu'il reste la mission. Tu ne peux pas passer ton temps à pleurnicher comme une femmelette. Tu dois penser au bien d'Hyrule.
- Alors que j'ai perdu la personne qui m'est si chère ? Comment veux-tu que je... j'aie le coeur de commettre cette atrocité... ? Est-ce une punition que la Déesse a voulu m'infliger avant que je commette un tel acte ?
- N'oublie pas qu'avant ton départ il y a neuf mois, tu as profité suffisamment du corps de ton épouse au point de l'avoir mise enceinte.
Révolté par de telles paroles aussi écoeurantes, Raven trouve le courage de se retourner ! Avec colère, il empoigne violemment le cou de Dagad, prêt à l'étranger.
- Toi ! fulmine-t-il avec rage. Je t'interdis de parler d'elle comme d'un objet ! Cesse de parler des femmes comme des moins que rien ! Dis encore une chose aussi grotesque et ça sera toi que je vais finir par tuer dans ce village !
- D'a... d'accord ! panique Dagad, la voix à moitié étouffée par l'étreinte. C'était maladroit de ma part ! Ce que je voulais dire, c'est que tu as au moins une progéniture ! Tu as encore une raison de vivre au lieu de t'apitoyer sur ton sort.

Abasourdi par ces paroles, qui semblent résonner en lui, Raven le relâche brusquement avant de quitter les lieux. En remettant bien le col de sa cape marron, Dagad tique en regardant son partenaire partir. Au fond, il ne peut pas s'empêcher de lâcher un petit sourire, satisfait par le malheur qui s'est abattu sur Raven. Sa jalousie maladive ne fait qu'amplifier sa cruauté. Puis, il se dirige vers la forêt, désirant se promener pour tuer son ennui. La neige continue de tomber. C'est comme si la nuit pleure elle aussi. Mais, peu à peu, en errant entre les arbres fins aux branches mortes, Dagad remarque aussitôt des traces de sang frais au sol. Après plusieurs secondes de silence, il décide de les suivre, le coeur battant de plus en plus d'anxiété. Puis, arrivé sur les lieux où une flaque de sang est présente, son regard s'horrifie, rivé sur une carcasse en sang : un cerf à moitié dévoré... Apeuré, il s'empare de sa dague en argent, la main tremblante.

- Tss... Hors de question que ma vie de capitaine soit mise inutilement en danger à cause de ce dépressif... Enfant ou pas... Cette réincarnation doit mourir..., décide Dagad pour se donner du courage.

* * *

Ne parvenant pas à trouver le sommeil, Vadel est assis sur un tronc d'arbre au fond de son jardin rempli de cèdres, les branches blanchies par la neige. Après avoir nettoyé sa bouche qui était en sang, il fixe longuement le ciel avec inquiétude. Alors qu'il sent l'ombre planer autour de lui, il se crispe, les bras croisés.

- Lai... laisse-moi tranquille, Ganon ! Depuis que ton pouvoir a failli faire tomber Cérès dans la falaise, je n'ai plus envie de te parler ! Je ne veux plus jouer avec toi ! Je t'en veux pour toujours. Tu n'es plus mon ami !
En entendant un étrange bruit, Ganon se tait.
- Vadel ? Tu ne dors toujours pas, mon trésor ? lui demande une jeune femme aux longs cheveux noirs derrière lui.

Doucement, le jeune enfant se retourne vers cette dernière. Le regard bienveillant malgré l'inquiétude présente dans ses yeux noisette, elle s'approche. Elle porte une longue robe marron ainsi qu'une mini-veste noire à manches courtes.
- N... non maman... Il... il m'empêche de dormir. Si seulement, tu pouvais le gronder, lui répond tristement Vadel.
Attristée, la femme s'agenouille auprès de son fils en lui caressant les cheveux.
- Vadel... Je suis sûre qu'avec le temps, tu arriveras à gagner le respect de cet être...
- Mais en attendant, Cérès pleure souvent à cause de moi. Quand je joue avec elle, Ganon n'arrête pas de la pousser et de lui faire mal... Je ne supporte plus de la voir pleurer et triste. Je... je ne veux pas qu'elle me déteste elle aussi..., lui explique le petit garçon avant de respirer étrangement. Mais je... je commence à avoir de plus en plus... faim...
- Tu as déjà mangé un veau entier et la moitié d'une cocotte ce soir... Et ce cerf... Cela ne te suffit pas... ? s'étonne la mère en tentant de refluer ses plus grandes peurs.
- Non... Il me faut encore une viande plus rouge... Plus saignante... De meilleur goût surtout, décrit Vadel en écoutant ses envies comme s'il est assoiffé. S'il te plaît, maman...
- Va... Vadel..., murmure la jeune femme, de plus en plus troublée.
Ne sachant pas quoi dire, elle arrête de lui caresser ses cheveux avant de se lever.
- Ne rentre pas trop tard, s'il te plaît... Je vais te découper un morceau de boeuf alors. Il en reste...

Hâtivement, la femme se dirige vers sa maison, laissant son fils, seul, dans la cuisine, peu meublée et sinistre, la table encore tachée par le sang. En tentant de retenir ses larmes, elle coupe un morceau de boeuf cru à l'aide d'une grande hachette à viande. Même si elle aime son fils, elle a toujours eu peur de lui, notamment à cause de son appétit avide et des sombres paroles qu'il prononce. Soudainement, la porte claque contre le mur. Précipitamment, elle interrompt son geste et se rend à l'entrée, en tenant toujours la hachette marquée par le sang de la viande. Aussitôt, elle remarque la présence de Dagad, le visage caché sous une cape.
- Qui... qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?

Pensant qu'elle essaye de l'attaquer avec sa hachette, Dagad s'élance dans sa direction pour lui transpercer le ventre ! La lame transpercée en elle, la jeune femme hurle de douleur en laissant tomber son arme... Sous le regard de l'impitoyable Dagad, elle s'écroule au sol, le torse complètement en sang. Ses yeux se rivent dans la mort. Aussitôt après avoir pressenti le malheur, Vadel entre dans la maison par l'arrière.

- Maman ! appelle-t-il.
Mais une fois arrivé à l'entrée, il lâche un cri d'effroi en la voyant allongée dans une flaque de sang. Instantanément, il tombe sur ses genoux mal assurés et rampe vers cette dernière.
- Ma... maman... ! Maman ! Réveille-toi ! supplie le petit garçon en la secouant un peu pour la réveiller.
Hélas, c'est sans espoir...
- Un monstre comme toi peut ressentir de la tristesse ? se demande Dagad avec perplexité. En voilà une bien belle révélation à ajouter dans mon rapport au Roi.
Les larmes aux yeux, Vadel lève la tête avec affolement. Sans hésitation, le capitaine dirige son épée vers le jeune enfant. Rapidement, l'ombre de Ganon, sous sa forme monstrueuse, surgit et hurle afin de repousser Dagad contre le mur. Contraint de laisser sa mère au sol, Vadel s'enfuit finalement après avoir entendu l'ordre de Ganon de fuir ! Frustré, Dagad s'essuie le menton avant de le traquer comme un chasseur.

* * *

Loin de se douter des évènements, à la maison de Paya, Raven se trouve debout devant un berceau en bois. Un bébé, enveloppé dans une couverture verte en laine, dort profondément, le pouce dans sa bouche. Son visage endormi et innocent est à moitié éclairé par la lueur des grandes flammes dansantes dans la cheminée. Plus Raven le regarde, plus il sent ce vide disparaître. Bien que sa douleur ne s'est pas atténuée. Après tout, Link est une partie de Célesta... Dans un certain sens, elle vit en lui.

- Dame Célesta... Elle... elle a été courageuse, déclare soudainement Paya comme si elle a réussi à déceler les pensées tourmentées du capitaine.
Doucement, Raven se tourne vers elle avec un air abattu.
- Même si elle était tombée gravement malade, elle désirait à tout prix garder et mettre cet enfant au monde. Même avant sa mort, elle a tenu ce bébé contre elle... Elle était si heureuse. Lorsqu'elle s'est endormie pour l'éternité en pensant à vous, elle a esquissé un dernier doux sourire...
Les larmes aux yeux, Raven lui sourit avec une profonde tristesse. Il regarde à nouveau Link.
- C'est pour ça que dans sa dernière lettre, Célesta m'a caché la vérité sur sa santé pour pas que je m'inquiète... Si je l'avais su, je... je serai vite revenu à ses côtés pour la soutenir...
En inspirant un bon coup, la voix déchirée, il poursuit :
- Je ne sais pas si j'arriverai à être un bon père moi qui ai perdu très tôt mes parents... Mais, si je dois renoncer à ma place pour être auprès de lui, je le ferai... Je suis sûr qu'il sera aussi attentionné que Célesta... C'est ce que je désire.
- Je sais ce que ça fait d'avoir un enfant. Depuis que je me suis installée ici, loin de ma fille, je pense sans cesse à elle pendant qu'elle passe sa formation en tant que guerrière.

Ne sachant pas quoi répondre, Raven regarde longuement sa progéniture en sentant son amour de père grandir en lui. Malgré la mort tragique de Célesta, il est tout ce qui lui reste d'elle dans ce monde. Tout à coup ! Une explosion retentit à l'extérieur !
- Mais qu'est-ce que... ? s'exclame Raven avec horreur en se tournant vers la fenêtre !
En regardant à l'extérieur, il constate avec effroi que le ciel est rouge et que les flammes s'élèvent comme une sorte de vague, prêtes à tout consumer sur leur passage. Des cris et des raffuts résonnent ! Paya pose la main contre son thorax, effrayée par cette horrible vision.
- Paya ! S'il te plaît : emmène Link loin d'ici. Fuis le plus loin possible du village ! ordonne Raven en redevenant ferme et réfléchi en tant que capitaine de la garde royale.
- Ra... Raven ! Mais toi ? Tu vas...
- Fais ce que je te dis, s'il te plaît : cette fois-ci, ce n'est pas une faveur mais un ordre. Protège Link jusqu'au bout !

Contrainte d'obéir, Paya hoche la tête sans protester. La jeune femme se précipite vers le berceau et enveloppe mieux Link dans la couverture. Réveillé dans les bras de Paya, le petit ouvre faiblement ses yeux déjà si bleus. En constatant que ce sont les mêmes que ceux de Célesta, Raven le regarde avec un sourire bienveillant.
- Ne sois pas triste, Link... J'essayerai de revenir... Je te le promets...

Le coeur encore secoué par la mélancolie, il quitte la pièce. En sortant de la maison, il dégaine son épée avec froideur. Mais avec horreur, au milieu des flammes meurtrières, il aperçoit de nombreux cadavres au sol. Tranchés et tués. Plus il s'engouffre dans la place en regardant les alentours, plus il se sent mal. Même les parents de Cérès sont en sang... Tous...

- Sei... Seigneur d'Hyrule... Non..., murmure Raven avec horreur.
Soudain, Dagad se dirige dans sa direction en laissant traîner sa longue épée au sol, éclairé par les flammes de la mort.
- Da... Dagad... ?
- O... où est cet enfant démoniaque ? Il s'est enfui avec cette sale fillette et je les ai perdus de vue... Où... où sont-ils, Raven ? hurle hystériquement Dagad. Je... je dois tuer ce gosse... Il est... il est si effrayant ! Si tu avais vu ce qu'il y avait dans la cave... J'ai même trouvé un animal à moitié dévoré dans la forêt ! Donne-moi encore une flèche explosive pour que je fasse tout brûler ! Tout doit brûler !
- Dagad... Est-ce toi qui as commis la destruction de... Fenlyr ? demande Raven d'une voix tremblante, épouvanté.
- Ils sont tous coupables ! Tous ont voulu protéger la réincarnation de Ganon ! Ce gosse dévore des animaux par dizaines et il a même commencé à entamer un cadavre déterré fraîchement d'une tombe ! Tu ne peux pas le défendre ! Il faut tous les tuer ou sinon, nous mourrons... Tout le monde mourra ! Haha ! Il faut tous les tuer ! Toi aussi ! Ton gosse aussi ! Ta chère et tendre t'attend au ciel pour t'accueillir !

Les larmes aux yeux en repensant à sa vie complètement brisée, Raven lève la tête au ciel rouge. En inspirant avec beaucoup de mal, les poumons encore étouffés par son mal, il fixe Dagad avec une grande rancune, en position médiane.
- Pauvre fou... C'est ton âme déchue qui ne doit plus exister... La folie te conduira à la monstruosité encore pire que celle de Ganon ! s'exclame-t-il en se précipitant vers lui avant d'enchaîner les coups.

Avec un regard délirant, Dagad pare ses coups. Les deux capitaines se battent en croisant le fer. Propulsé à cause du rapport de forces, Raven reprend son souffle et agite l'épée pour chauffer son bras gauche avant d'exécuter un bond ! Hélas, sous l'emprise de la folie, Dagad est bien plus dangereux et puissant. Le capitaine à l'âme déchue le pare et plaque violemment Raven contre le mur. D'une seule traite, son épée se plante soudainement dans le thorax de ce dernier. En lâchant un gémissement de douleur, le regard de Raven s'horrifie. Du sang coule de ses lèvres grandes ouvertes d'étonnement. Immobile, il ne bouge pas comme s'il essaye d'encaisser sa souffrance. Dagad éclate de rire devant les souffrances de son ancien partenaire.

- Au moins, si tu meurs, je pourrai cueillir toutes les fleurs à ta place lorsque je reviendrai en tant qu'héros d'Hyrule au royaume. Ça sera splendide, tu en penses quoi ?
En poussant l'épée encore plus dans le thorax de Raven comme s'il le torture, Dagad s'éclaffe toujours de rire.
- Allez... Viens rejoindre le cadavre de ta belle tout au fond ! déclare-t-il en lui empoignant le bras gauche. Sa tombe a été profanée ! Regarde son cadavre tout au fond.

L'épée toujours plantée en lui, Raven n'arrive plus à voir clair et commence à perdre le souffle. Sans hésitation, Dagad retire la lame au moment où le légendaire chevalier tombe dans le trou. Satisfait entre les flammes, le capitaine éclate de rire en agitant son épée. Ayant tout vu avec horreur, Vadel s'approche, la haine dans ses yeux.

- Va... Vadel... Non... Reste avec moi ! supplie Cérès en lui tendant la main, son visage mouillé par ses larmes.
Aussitôt, Dagad se retourne et voit Vadel le regarder avec une grande haine.
- Oh... quelle bonne surprise. Moi qui te cherchais justement. Allez, je vais te tuer avant que tu ne pourrisses la vie des êtres, espèce de sale monstre ! annonce-t-il en s'approchant lentement de l'enfant.
- Vous m'avez... Vous m'avez tout pris... L'effroyable monstre, c'est vous ! Ce n'est pas moi ! hurle froidement Vadel en tendant sa main. Ganon ! Torture-le et surtout, fais-le souffrir jusqu'à la fin !

Aussitôt, l'ombre de Ganon, émanée par une lueur oscillant entre le noir et le rouge, s'agrandit de plus en plus. Effrayé par la forme de la créature, Dagad recule, la bouche ouverte. Sans aucune pitié, l'être spirituel hurle et se dirige vers lui en entrant dans son corps ! Désormais possédé, Dagad hurle d'une voix complètement déchirée. De l'intérieur, Ganon contrôle ses membres. Il fait avancer l'épée avant de la planter dans la gorge de son pantin provisoire. Puis, il la retire pour la replanter ! Encore et encore... Le corps de Dagad est couvert de sang, les yeux ouverts. Vivant, il subit cette souffrance atroce. En pleurs, Cérès pose les mains sur ses yeux, ne supportant plus de voir ça ! Doucement, Vadel la prend dans ses bras en laissant Ganon torturer Dagad derrière lui.

- Cérès... Je te protégerai..., lui jure-t-il en reprenant son sang-froid. On... on va trouver un endroit où nous pourrons vivre ensemble... Où personne ne nous fera de mal : où il n'y aura plus jamais de chasseurs...
La petite fille sanglote dans ses bras pendant que les flammes continuent de tuer le village et brûler les cadavres.

* * *

Entre la vie et la mort, errant dans le souterrain, Raven avance maladroitement dans le long couloir. Plus il avance, plus il laisse des traces de son sang au sol et sur le mur à force de se plaquer pour se tenir. Le trou où il est tombé n'est pas la tombe de Célesta mais celle d'une autre personne à proximité, conduisant ainsi à un passage secret. Avec beaucoup de mal, le capitaine avance jusqu'à ce qu'il arrive dans une salle gardée en secret : là où l'héritage du village est présent. De l'or, de nombreux coffres et surtout des toiles cachées par de longs rideaux rouges. En s'asseyant sur une sorte de siège, il tremble, la main contre sa plaie. En suffoquant, il regarde l'alliance avant de fermer ses yeux. Mort, son corps s'affaisse à moitié, la tête penchée à l'avant. Depuis cette nuit, bien que le corps du chevalier soit devenu un Darknut lorsque la lune de sang est apparue, l'âme du légendaire capitaine se repose dans la salle secrète de Fenlyr, à l'abri du monde.

* * *

Dans cette même salle, le regard de Link s'horrifie après avoir vécu tous les souvenirs de ce village. Ce qu'il avait vu à travers les yeux de Raven était épouvantable. Sous le choc, il s'agenouille, le corps tremblant. Les larmes aux yeux, il étreint la cape rouge contre lui comme un enfant qui a besoin de l'affection.
- N... Non..., murmure Link d'une voix larmoyante. Mère... Pè... père...
Avec une immense tristesse, il pose ses yeux sur Raven. Pouvant enfin accepter la mort, l'esprit s'approche de son fils. Bien qu'il ne puisse pas le prendre dans ses bras, il pose la main sur la tête de Link pour la dernière fois avant de reculer. Avec un sourire attristé, son fantôme disparaît lentement. Ne pouvant plus parler, Link éclate en sanglots, la tête enfouie dans la cape rouge...

* * *

Au centre du village, Luna entre dans sa maison, le toit n'existe plus et les meubles sont cassés. Quant à Pawel et Paya, ils sont autour d'un feu de camp, inquiets pour Link. Chacun conserve son silence. Soudain, une lumière dorée émane au coeur du cimetière. Aussitôt, Pawel se lève avant d'accourir, suivi par Luna et Paya. Puis, il s'arrête net. La cape rouge flottant grâce à la brise hivernale et la main gauche brillante, Link les regarde avec sérieux malgré la tristesse dans ses yeux rouges après avoir été téléporté par la lumière. Sur son dos, il porte le bouclier d'Hylia. La neige accompagne la détermination de l'épéiste. En voyant Raven en lui, Luna serre les crocs avec mélancolie. Désormais, sous leurs yeux, Link a tout l'air d'un élu : un élu désormais capable de supporter le fardeau après avoir accepté la vérité et la force. Ainsi, l'âme de Paya, celle qui lui a tout appris éclate et s'envole dans les cieux...

Chapitre 33 : Les terres d'Ordinn   up

De retour à Ordiala, au coeur du village peuplé des cabanes en bois, l'odeur sucrée planant dans les airs, l'élu et les quatre prodiges se regroupent. Impa et Azul ont écouté attentivement les mésaventures de leurs trois alliés. Sur les conseils de Link et de Pawel, la louve a avoué la triste vérité sur ses origines et son lien avec Vadel. Il le fallait. Elle ne peut pas cacher éternellement son secret. Les paupières closes avec impuissance, Impa croise les bras, tandis qu'Azul est frappé de stupeur.

- Je commence à mieux comprendre certaines choses..., commence calmement la guerrière Sheikah. L'ennui, c'est que Vadel, bien que ce soit Ganon qui cause les troubles sur Hyrule en ce moment même, est devenu bien trop puissant. Si nous nous opposons à lui et qu'il nous force à prendre les armes, tu sais ce qui arrivera, Luna... ? J'imagine que tu t'es préparée à cette éventuelle conséquence. Si nous n'avons pas d'autres choix, nous serons obligés de mettre fin à sa vie. Et si par malheur, tu t'opposeras par amour, tu deviendras une ennemie à abattre.
Devant ces paroles très difficiles mais réalistes, Luna baisse les yeux en sentant son coeur saigner, déchirée entre ce cruel choix : Hyrule ou son époux ? Si les deux étaient faciles à accéder sans aucun sacrifice, tout aurait été si simple.
- S'il doit vraiment mourir, alors... Je... je veux mettre fin moi-même à ses souffrances..., déclare finalement Luna d'une voix résolue. Il le faut... Après tout, c'est mon époux... Je ne peux pas le laisser dans un tel état plus longtemps... Je préfère mourir que de le laisser détruire Hyrule...
Impa comprend tout à fait la tourmente de son alliée. Malgré tout, elle s'efforce de garder la tête froide comme à son habitude.
- Alors je ne t'empêcherai pas... Si ton coeur a parlé, je vais m'efforcer de croire à tes paroles.
- Mais Luna, est-ce que tu arriveras à supporter ce fardeau ? lui demande Azul en tentant de rester placide. Devoir tuer la personne que tu aimes est un acte triste et... très cruel...
- Si j'avais fait plus attention et que j'étais restée auprès de lui, rien de tout cela ne serait arrivé. Donc, je dois réparer mes erreurs... Vadel a tant souffert pour continuer de vivre ainsi..., essaye de se convaincre Luna en se forçant à sourire. Ne vous en faites pas... Je veux vous accompagner...
- Luna... Tu es très courageuse... Mais lorsque nous arriverons là-bas, tu devras lui avouer la vérité, suggère calmement Pawel. Après tout, je peux comprendre que sa douleur de t'avoir perdue ainsi l'ait rendu fou...

La louve serre les crocs, les oreilles baissées. Sans dire un mot, elle hoche la tête. Les mots manquent à Link. En tant qu'élu, celui qui doit guider les prodiges pour obtenir l'épée de légende et honorer son rôle, il ne sait plus quoi penser. Il est encore tourmenté par la confusion. Mais il ne rejette pas la faute sur Vadel qui n'a pas demandé à être né en tant que monstre : tout comme lui, il n'a pas demandé de venir au monde en tant qu'élu. L'élu qui doit restaurer la lumière sur Hyrule. Sa raison d'exister. Au fond de lui, il se trouve similaire à Vadel, bien que la voie de leur coeur les oppose en tant qu'ennemis destinés à se battre pour le sort du monde.

* * *

Ainsi, le groupe se repose, chacun de son côté. Seul, le dos plaqué contre un arbre, Link n'arrive pas à trouver le sommeil. Peu serein, il imagine la suite des évènements : l'épée de légende, l'infiltration au château et le combat contre Vadel. Et les retrouvailles avec la Princesse Zelda... Est-ce qu'elle sera encore en vie ? Souffrant de ne rien connaître de son sort, il empoigne violemment son bras droit tremblant pour tenter de se calmer, la tête levée au ciel. Ses yeux bleu azur sont humidifiés par les larmes. Peu à peu, une mélodie joviale et entraînante s'élève dans le ciel. Elle parvient jusqu'à ses oreilles pointues. La tristesse et la peur chassées pour un temps, Link se lève et se retourne d'un bloc. Au bord de la montagne, il distingue Asarim jouant toujours son accordéon. De plus en plus attiré par cette mélodie aussi semblable qu'un appât qui le captive, Link remonte le sentier. Arrivé, il s'arrête net en prenant le temps d'écouter et savourer chaque note. Puis, le musicien se retourne après avoir senti sa présence.

- Oh. C'est toi, remarque-t-il d'un ton bienveillant. Cela me touche beaucoup de savoir que mes compositions te plaisent. J'éprouve un grand bonheur de les entonner dans l'espoir de faire dissiper le malaise... Même si c'est très pénible... Je désire tant qu'Hyrule redevienne paisible...
Comprenant tout à fait les sentiments du chef Piaf, Link se joint à ses côtés, les yeux rivés sur l'horizon sur le lac et les montagnes d'Hylia situées au nord-est.
- Moi aussi..., lâche-t-il d'un ton à la fois rêveur et triste.
Asarim se tourne dans sa direction.
- Je distingue une tristesse épouvantable dans tes yeux... Penses-tu à un être aimé qui se repose dans les cieux ?
- Non... même si j'ai peur que toutes les personnes qui comptent pour moi rejoignent les cieux justement..., lui répond Link, désirant ouvrir peu à peu son coeur encore étouffé par son désarroi.
- Un sentiment fort mais bien naturel. Tes paroles me rappellent un conte, jadis hérité d'une riche famille sur Hyrule. Mon grand-père me la chantait souvent quand j'étais accablé par la tristesse... Ce conte évoque la fin du périple du héros et de la princesse. Veux-tu que je te la chante avec allégresse? propose Asarim en esquissant un sourire attentionné.
Link hoche la tête, la gorge de nouveau serrée pour répondre. Avec un air confiant, Asarim contemple le paysage et commence à chanter en suivant les notes harmonieuses de son instrument.

Au sommet de la montagne de la sérénité, une princesse aux allures d'une déesse, accompagné de son chevalier aimé des esprits, créa une promesse pour l'éternité. Celle de sauver Hyrule, envoûté par la mort cruelle. Lorsque son preux chevalier tomba pour embrasser la mort, la princesse fut dévastée par la tristesse et les remords. Par amour pour lui, elle décida de respecter leur promesse jusqu'à la fin. Elle se rendit dans les cieux afin de tenter de renvoyer Ganon dans les profondeurs de l'enfer, l'entité envahie par la faim. En respectant la promesse faite au défunt héros, la princesse offrit sa vie à l'esprit des libéraux. Torturée par le pacte, elle se rendit au château et endura épouvantablement la fin de sa souffrance, prête à confier son malheur à sa descendance. La descendance bercée par l'amour de la Princesse et de son héros. Peu importe la séparation, les souvenirs et les nouvelles envies, les deux élus sont destinés à se rencontrer et à se battre de nouveau tout au long de leur vie. Telle est la promesse éternelle depuis les temps immémoriaux.

Ainsi, Asarim termine sa chanson. Abasourdi par ce dernier chapitre, Link le dévisage, la bouche ouverte d'étonnement. En repensant à la promesse, il sent son coeur s'affoler et cogner contre sa poitrine. Il en souffre même. Finalement, une mystérieuse parole, surgissant tout au fond de son âme, lui brûle désagréablement les lèvres.

- Même dans la mort, je serai toujours là pour vous, Princesse Zelda... Ne pleurez pas pour moi et sauvez Hyrule... Lorsque je renaîtrai, je vous retrouverai. Encore et encore... Peu importe les obstacles et les époques, je vous retrouverai, cite inconsciemment Link, les yeux rivés au ciel rouge.

Stupéfait, Asarim le fixe, ayant eu l'impression de voir un autre homme. De plus en plus éberlué après avoir renouvelé sa promesse, Link sent une incroyable nostalgie l'envahir. Bien qu'il n'arrive pas à se remémorer ses souvenirs antérieurs, il est parvenu à se rappeler cette promesse qui a traversé le ciel, le temps, la mer, le crépuscule, les landes... Peu à peu, Asarim lui adresse un sourire bienveillant. Tout à coup, un tremblement retentit en direction du nord-ouest ! Sous le choc, Link et le musicien Piaf constatent avec effroi que la barrière dorée de la terre d'Ordinn faiblit de plus en plus. C'est comme si l'esprit ne parvient plus à la maintenir intacte.

- Par tous les dieux... L'esprit d'Ordinn ! s'écrie Asarim, perdant son sang-froid.
- Chef ! l'interpelle un Piaf noir, volant dans le ciel avec panique. Les serviteurs de Ganon ont réussi à pénétrer sur le territoire et s'apprêtent à attaquer le peuple des terres d'Ordinn !
- Non... alors ça veut dire que tous ceux et celles qui sont là-bas sont en danger..., s'inquiète subitement Link. Je dois m'y rendre !
- Alors, laissez-nous vous accompagner ! se propose Teba en les rejoignant.
Link se retourne.
- Teba ! Il en est hors de question, proteste-t-il. Vous êtes encore blessé !
- La douleur s'est dissipée. Je veux reprendre le commandement de mon unité et protéger le peuple des Gorons... Pour l'avenir de notre monde et de ma famille, lui répond Teba, résolu à participer au combat.

Hésitant, Link baisse les yeux, ne ressentant pas la force nécessaire de le faire changer d'avis. Le temps lui manque cruellement. Il doit agir et vite s'il veut empêcher un nouveau bain de sang.

* * *

Alors que la lune de sang est dissimulée derrière les nuages gris et lourds, d'effroyables créatures comme une armée de Bokoblins, Moblins et des effrois, avancent, prêts à faire couler le sang des innocents pour leur satisfaction sordide. Au village Cocorico, de nombreux habitants sont enfermés à l'intérieur de leur maison. Cependant, une bonne partie d'entre eux comme Telma et les soldats de l'armée d'Hyrule, toujours supervisés par le capitaine et sa maladresse légendaire, se préparent au combat à venir. Seul, Ingo tient une fourche, les jambes tremblantes comme un vieillard.

- Ils ne vont pas tarder à arriver..., constate Telma en se forçant à sourire malgré l'anxiété dans ses prunelles brunes. Tenez-vous prêts ! Il faut à tout prix protéger notre terre de ces êtres malfaisants !
- Da... Dame Telma... Vous pensez que nous allons continuer de vivre après ça... ? On dirait que l'esprit d'Ordinn nous abandonne..., fait remarquer le capitaine en tremblant comme une feuille. Et puis, je vous avoue qu'en tant que capitaine, en vingt ans de carrière, je ne m'étais jamais battu contre des monstres...
- Quoi ? C'est maintenant que vous me dites ça ? s'étonne la gérante en pointant son grand couteau à viande dans sa direction. Alors que je vous ai offert toutes les tournées ! Capitaine Bobby ! Ce n'est pas sérieux enfin ! Comment avez-vous fait pour être gradé en tant que capitaine ?
Le capitaine ouvre à moitié son heaume, dévoilant son visage efféminé : yeux verts, teint pâle, il fait plus innocent que son armure.
- Enfin ! Ne m'appelez plus ainsi ! Et puis, vous voyez bien que je n'ai pas une tête à tuer qui que ce soit...
D'un air moqueur, Telma sourit en haussant les épaules.
- Au moins, vous avez une belle tête de mignon ! Prouvez-moi que votre beauté peut au moins les tuer !
- Dame Telma... Vous me trouvez beau... ? s'étonne le capitaine Bobby avec un coeur battant fort.
- Félicitations, chef ! Nous sommes de tout coeur avec vous ! s'exclame joyeusement un premier soldat saoul après avoir bu en cachette.
- Dommage que ça sera plus un enterrement qu'un mariage..., marmonne le deuxième soldat, plus pessimiste.

Rouge de colère, le capitaine Bobby se retourne avant de les réprimander :
- Rah ! La ferme ! Pour cette dernière occasion, prouvez-moi que vous êtes de bons soldats ! L'avenir de l'alcool est... Hum ! L'avenir des villageois est entre vos mains ! Montrez-vous-en dignes. Tout comme l'a été notre bien-aimé capitaine Pawel !
Avec un regard ahuri, les deux soldats bombent le torse, le dos droit comme un pic et la tête levée au ciel.
- Oui capitaine ! répondent-ils en même temps.
- Wah mais quelle armée... Je me sens aussi rassuré que ma moustache, dit Ingo d'un ton exaspéré.

Mais les hurlements des créatures résonnent et brisent l'enthousiasme des soldats. Sans aucun scrupule, les Bokoblins cassent le portail grâce à leur batte et leur tranche. Une armée d'ennemis les suit. Telma se crispe, les dents serrées. Mais si elle doit y laisser sa vie pour défendre son village, elle n'hésitera pas une seule seconde. Les soldats reculent en hurlant de peur, tandis que le capitaine reste figé comme une statue d'argile en fermant le heaume. Soudain, une flèche transperce la tête d'un Bokoblin, tué sur le coup. Pantois, tous les villageois se retournent. Sur le toit, Teba, accompagné de son armée de Piafs armés, tend son aile droite à l'avant.

- Soldats, à l'attaque ! ordonne-t-il avec fermeté.
En exécutant les ordres, les soldats ailés s'envolent et attaquent les créatures en préparant leur arc et leurs flèches. De leur côté, Luna, cachée sous une cape noire, Azul et Impa accourent.
- Des... des renforts ! se réjouit le capitaine en faisant un petit bond de joie. Nous... nous sommes sauvés ! Nous pouvons aller boire un coup !
- Hey toi ! réprimande Telma en lui empoignant le bras gauche pour l'empêcher de partir. Ce n'est pas parce que les renforts sont là que nous devons nous reposer ! Nous aussi, on doit se battre ! Donc, à l'attaque !

Les soldats reprennent peu à peu leur assurance, encouragés par les paroles de Telma. Tous accourent vers les ennemis, résolus à s'engager dans le combat. Mort de trouille, le capitaine prie rapidement pour Hylia en regardant le ciel. Puis, il les rejoint en dégainant sa longue épée en fer. Impa tue avec facilité ses ennemis, étant très agile. Mais un Moblin s'apprête à l'attaquer par-derrière. Rapide, Azul la couvre et plante sa lance en plein dans le thorax de la grande créature fine. Luna esquive du mieux qu'elle peut la batte en feu du Moblin. Se rappelant péniblement son combat contre Kurna, elle trouve le courage de s'élancer pour planter sa dague dans la tête de ses ennemis. Mais soudain ! Un effroi squelettique à la peau décomposée hurle derrière elle. Sous le choc après avoir entendu cet épouvantable cri, son corps se pétrifie. Le regard anxieux, Luna arrive encore à grogner de frustration. Avec facilité, elle rassemble toutes ses forces pour hurler au ciel. Le hurlement terrifie l'effroi à son tour. La louve blanche se libère de son emprise et décapite bestialement la tête de l'odieuse créature.
Le grand combat fait rage. Chacun lutte contre les serviteurs du mal.

* * *

De leur côté, Link et Pawel courent sur le chemin de la montagne de la mort. Ils doivent rejoindre les Gorons avant que la situation empire. Malgré la chaleur volcanique, aussi étouffante que leur inquiétude, les deux Hyliens parviennent à rejoindre leur destination. Mais arrivés au village, ils constatent avec tracas que les Gorons se battent contre des Moblins, des chauves-souris géantes et des petits Gohma. Les villageois se battent avec des marteaux en fer, assommant instantanément leurs ennemis avec facilité. Malheureusement, la statue de Link le Goron a été brisée. Link et Pawel dégainent leur épée pour les aider. Mais rapidement, l'élu aperçoit le chef Goron en mauvaise posture, le dos plaqué contre le mur. Il paraît affaibli.

- Eh ! Vous allez bien ? s'inquiète Link en se laissant tomber à ses côtés, sa main empoigne l'épaule peu robuste du vieux Goron.
Affaibli, il ouvre les yeux, les paupières alourdies et la conscience encore à moitié assommée.
- Oh Link... tu es revenu nous sauver... Je t'en prie... arrête ma fille... Dounia... Si elle entre dans la montagne de la mort, elle va...
Mais le chef perd connaissance, la tête penchée vers l'avant.
- Non ! Réveillez-vous ! s'affole Link en le secouant un peu.

Mais un horrible coup cogne et parcourt le long de son dos ! Un Moblin avait profité de ce moment pour le frapper avec sa batte. En lâchant un léger gémissement de douleur, Link se retourne et agite son épée. N'ayant plus peur de sa force et de la souffrance qui résonne encore en lui, il accourt et plante son épée dans le cou de son ennemi. Puis, encerclé par les autres créatures, Link retire violemment sa lame et effectue une attaque circulaire. Beaucoup de sang gicle. Après avoir tué certains Bokoblins, Pawel le rejoint.

- Link ! Rends-toi à la montagne de la mort et sauve l'esprit d'Ordinn ! Je vais rester ici pour aider les Gorons ! décrète-t-il.
- Tu plaisantes ? Je ne peux...
- Je me débrouillerai ! S'il te plaît, fais seulement attention à toi !
Malgré son inquiétude, Link le fixe. Enfin, il quitte le coeur du village, en direction de la montagne de la mort.

* * *

Bien que la chaleur soit présente, elle est beaucoup moins insoutenable. En effet, les phénomènes de la lune de sang ont figé les lacs volcaniques. Tout est en pierre. Avec plus de facilité, Link parvient à entrer à l'intérieur de la montagne en passant par l'horrible arène des flammes, désormais inactive.
- Dounia ! appelle-t-il. Dounia ! Réponds-moi ! Je t'en prie !
Mais comme réponse, il entend le hurlement du dragon. Une fois arrivé sur les lieux après avoir dévalé la pente, Link s'arrête, le regard horrifié. L'écaille noire déchirée et squelettique, la moitié de son crâne est visible, le dragon est hideux et monstrueux en apparence. Le regard tueur, l'être abominable le fixe en hurlant, clouant de son poids le vrai dragon d'Ordinn au sol.

- Link..., appelle faiblement l'esprit, le corps en sang et l'écaille à moitié dévorée.
Mais le dragon noir s'approche de l'Hylien, les yeux rouges clairvoyants et les crocs ensanglantés.
- Qu'est... qu'est-ce que... ? s'étonne Link, sous le choc.
- Link... Héros d'Hyrule depuis la nuit des temps. Je m'attendais à mieux, se moque l'horrible entité d'une voix rauque.
Le jeune homme pointe son épée dans sa direction, bien qu'il soit effrayé par l'apparence hideuse de l'être qui ne le quitte plus du regard.
- Ton sang... Ton pouvoir est aussi appétissant que celui de l'autre élue..., enchaîne le mystérieux dragon.
- L'autre élue... Vous parlez de... Zelda ? lui demande Link, la voix tremblante.
- Son âme... est si délicieuse à dévorer petit à petit...

Cette phrase résonne péniblement dans la tête de Link, de moins en moins incrédule. En repensant aux souffrances qu'a endurées Zelda, rampant peu à peu vers la mort, il sent une rancune grandir en lui. En agitant son épée avec acerbité, ses dents se serrent comme si l'envie de mordre est tentante. Ses yeux sont envahis par une lueur de haine. Il n'arrivera plus à refouler sa colère.

- T... toi ! fulmine-t-il avec agressivité. C'est à cause de toi si elle souffre et qu'elle s'approche de la mort ! Esprit ou non, je ne te laisserai plus vivre pour longtemps ! Tu dois mourir !
Le dragon pousse un rugissement terrifiant.
- Que tu me tues ou non, ça ne change rien ! Elle mourra ! Mais si tu tiens tant à la garder en vie, ta précieuse élue, tu sais ce qu'il te reste à faire... Offre-moi ton âme et j'arrêterai de dévorer la sienne...
Pâle comme un mort, le regard de Link s'horrifie.
- Ma vie... contre la sienne... ? lui répète-t-il, la gorge nouée.
- Si tu conclus un pacte avec moi, je ne souillerai plus l'âme de cette fille mais uniquement la tienne. Ton sang et ta puissance sont bien plus appétissants que l'âme de cette élue... Bien sûr, tu ne mourras pas tout de suite. Je te laisserai vivre pour que tu puisses défaire Ganon et la voir une dernière fois. Alors ? Qu'en dis-tu ? lui demande le maudit dragon.
- Li... Link... Pas ça, supplie désespérément le dragon d'Ordinn.

Link ferme les yeux en se murant dans son silence. Si Zelda est guérie, elle pourra vivre comme elle l'entend. Une vie sans souffrance. Sans maladie. Le fait d'imaginer un tel avenir lui réchauffe le coeur. Même s'il doit renoncer à sa propre vie. Après tout, il a compris il y a peu : il est né pour accomplir le destin du héros. Rien de plus, rien de moins... La vie banale ne lui sera pas permise tant que le fragment du courage est en lui. Il restera un chevalier discret. Alors que pour Zelda, la situation est différente. En tant que dernière héritière de la lignée royale, elle doit survivre pour régner sur Hyrule, redonner la confiance à son peuple et par-dessus tout : tenter de vivre pour ce qu'elle est... Link ferme les paupières et suffoque à cause du choix. Son épée glisse de la main et tombe au sol.

- Alors ? Quelle est ta réponse ? insiste le dragon déchu en tournant autour de l'élu comme un serpent autour de sa nouvelle proie.
L'Hylien est incapable de prononcer un mot. Enfin, il ouvre les yeux, à la fois résolu et effrayé. Mais alors que le dragon le fixe toujours, il reçoit un gros rocher sur sa tête. Hurlant de douleur, le dragon lève instantanément la tête. Subitement, Link revient à la raison et lève la tête. En haut d'une plateforme rocheuse Dounia se tient debout, déjà présente depuis un bon moment.
- Link ! N'écoute pas ce maudit Argota ! Il vaut mieux le tuer que de te jeter dans sa gamelle ! s'exclame-t-elle haut et fort. N'oublie pas qu'il y aura toujours un autre moyen de sauver la princesse ! Tu ne dois pas perdre l'espoir comme ça !

De nouveau conscient, Link ramasse son épée et l'agite. Il a failli écouter sa faiblesse. Mais enfin, il se ravise grâce à Dounia. Le dragon Argota grogne avant de s'enfuir lâchement par le sommet du volcan. N'ayant rien pu faire pour le retenir, Link tente de se reprendre, la respiration haletante. Mais le dragon d'Ordinn gémit de douleur, les yeux à moitié fermés. Sous le choc, le jeune homme se laisse tomber auprès de sa tête. Après avoir roulé sur la paroi rocheuse, Dounia le rejoint.

- Grand sage ! s'inquiète-t-elle, les larmes aux yeux.
- Dou... Dounia... Link... Je dois être beau à voir, ironise le dragon, pris par une quinte de toux.
- Tenez-bon ! supplie Link, la voix larmoyante. Je... je suis désolé... J'ai failli... j'ai failli...
- Ne te reproche rien, Link. Je comprends que tu voulais essayer de sauver la princesse et que tu es prêt à te sacrifier pour elle... Mais n'oublie pas que la Triforce est le pouvoir qui pourra exaucer ce souhait, et non ce traître qui s'est allié avec Ganon il y a un siècle... Dire que c'est à cause de lui que la réincarnation de Ganon est...
Une fois de plus, il gémit de douleur, n'arrivant plus à terminer sa phrase.
- Link ! l'interpelle Dounia avec détermination. S'il te plaît : rends-toi au coeur du village Cocorico et entre dans la chapelle ! Une fontaine se trouve à l'intérieur. Grâce à ce symbole, tu pourras l'invoquer et lui demander de guérir les plaies de chacun !
- L'invoquer... Mais qui ? s'étonne Link avec un air dubitatif.
- La grande fée. Je resterai ici avec le dragon d'Ordinn et je vais tenter de le soigner. Fais vite ! Ne t'en fais pas : il ne m'arrivera rien.
Choisissant de lui faire confiance, Link se lève et s'empresse de partir. Sinistrement, Dounia baisse la tête en esquissant un sourire attristé.
- Ainsi... C'est comme ça que tout va se terminer pour moi...

* * *

Au village de Cocorico, peuplée de cadavres de monstres, la bataille continue de faire rage. Mais malgré tout, chacun s'entraide contre l'armée des monstres. Certains Gorons ont même rejoint les résistants afin de les aider. Malheureusement, de nombreuses maisons sont en feu et amplifient l'horreur de la guerre entre ceux qui croient à la Déesse et ceux qui désirent le chaos. Link arrive dans ce triste décor avec impuissance. Alors qu'il a réussi à descendre de la montagne grâce au paravoile, il se laisse tomber à l'entrée du village. Après qu'il s'est rattrapé presque comme un chat, il se lève et accourt en direction du centre. Tout à coup, une femme hurle de terreur. Il s'arrête et se tourne hâtivement à droite. La fameuse femme vêtue de sa longue robe rouge panique, le dos plaqué contre le mur : un grand squelette, à l'allure d'un épéiste, s'apprête à la tuer. Au dernier moment, Link se précipite à son secours. Tel un bouclier, il la couvre et agite son épée à l'avant en arrachant le crâne de la colonne. Instantanément, sa tête propulsée dans les airs, l'ennemi s'effondre au sol. Link se retourne. La femme est encore terrorisée.

- Tout va bien ? lui demande-t-il.
Tremblante, l'intéressée plaque la main contre sa bouche. Elle l'a rapidement reconnu.
- T... toi... tu es revenu...

Link lui sourit avec tristesse, n'éprouvant aucune rancune à son égard. Même s'il n'oubliera jamais qu'elle l'a accusé d'être la réincarnation de Ganon. Enfin, il s'enfuit, laissant la femme confuse et apeurée derrière lui. Après avoir couru pendant un bon moment dans les ruelles vides, il arrive enfin au centre du village, menacé par les flammes. En espérant qu'aucun proche ou innocent n'a été tué, il ouvre comme un coup de vent les portes de la chapelle sans tarder. Les vitraux brisés, murs et sols pierreux, seule une fontaine d'eau brille au fond du grand hall. En retenant son souffle, Link avance jusqu'à la dalle gravée par le symbole de Triforce. Instantanément, elle brille dans la salle. Une lumière dorée traverse une fontaine basique située à l'arrière de l'autel de prière marbrée en blanc. Une étrange voix féminine résonne... Aussitôt, une silhouette sort de l'eau en touchant presque le plafond. À la grande surprise de Link, une grande femme se montre à lui. Le corps nu, ses longs cheveux violets ondulés cachent ses atouts les plus féminins, elle le regarde avec un air à la fois bienveillant et intrigué. Ses yeux sont jaunes et ses lèvres sont aussi rouges qu'une cerise. Des petites fées volent autour d'elle, accentuant sa sensualité.

- Oh... Héros, tu as fait donc appel à moi ? Que désires-tu de moi ? lui demande la fée spirituelle en posant ses longs doigts sur son propre menton.
Surpris de voir un tel être, Link la fixe longuement avant de lui déclarer :
- Je désire que tu soignes les plaies du dragon d'Ordinn ainsi que tous ceux et celles qui sont en train de souffrir de leurs blessures ! Sauve-les, par pitié !
Compréhensive, la fée ferme les yeux en gardant son sourire éloquent.
- Le peuple pleure de douleur... Entendu. Je le ferai. Mais retourne-toi, sinon tu vas tout voir, petit coquin !
Les cheveux un peu flottants et le dos courbé, elle cache pudiquement sa poitrine. Peu gêné, Link s'exécute pendant que la fée s'étire sensuellement en concentrant toute sa puissance, représentée sous une grande lumière blanche. Ainsi, elle transperce le ciel et semblable à une pluie, de nombreuses gouttes brillantes tombent sur la région d'Ordinn, soignant celles et ceux qui ont été blessés. Les créatures, ne supportant pas une telle lumière, meurent instantanément, fondues.

* * *

Au même moment, Pawel aide toujours le peuple Goron à se défendre contre les derniers adversaires. Bien qu'il soit épuisé et essoufflé, il s'essuie la joue droite couverte de sang avant. Mais alors qu'il tue un Bokoblin de sang-froid, une incroyable lumière dorée captive son attention. Les créatures, aussitôt apeurées, reculent en gémissant, tandis que chaque habitant la fixe. Le chef Goron lève la tête au ciel. Horrifié, ses yeux noirs sont envahis par ses larmes.
- Dounia... Oh Dounia... Non..., murmure-t-il, abattu.

Emporté par la tristesse, le chef s'agenouille, n'arrivant plus à se tenir sur sa canne. Rapidement, Pawel accourt et essaye de l'aider à se lever, les yeux toujours levés en haut. Le dragon d'Ordinn continue de hurler en couvrant le ciel de lumière, sous les yeux de chacun. Hâtivement, Link sort de la chapelle et scrute les alentours. Il finit par repérer le dragon, qui lui semble plus grand et fort. Loin de se douter de la triste réalité, il esquisse un sourire soulagé. Mais alors qu'il contemple ce nouveau spectacle, le capitaine Bobby le repère au loin. Il le reconnaît directement. En le dardant du regard, il s'apprête à l'attaquer lâchement par-derrière. Mais soudain, Luna le contre pour défendre Link. La capuche de sa cape tombe suite à l'attaque. Directement, l'Hylien se retourne.

- Lu... Luna ! s'exclame-t-il.
- Dégage, sale bestiole du diable ! fulmine le capitaine avec un regard froid. En ayant l'impression de revoir le capitaine Dagad en lui, la louve blanche grogne avec mépris.
En lui donnant un coup de pied au ventre, elle le désarme. Le pitoyable capitaine tombe sur ses jambes en gémissant. Cependant, de nombreux soldats accourent à son secours et entourent Link et la louve.
- L'assassin... est revenu... avec cette bête sauvage... Tue... tuez-les ! leur ordonne le capitaine d'une voix étouffée par la douleur.
Avec sérieux, les soldats s'approchent pour exécuter cet ordre. Avec contrainte, Link dégaine son épée. Bien que ça lui fasse mal au coeur d'être obligé de se retourner contre les siens : contre ceux qu'il doit protéger.
- Arrêtez ! Ne faites pas ça ! supplie une voix féminine.

Rapidement, les soldats s'arrêtent et se retournent. La femme à la robe rouge, accompagnée d'Ingo, Telma et des autres villageois, pose les mains sur ses hanches.
- Il m'a protégée contre un monstre, leur révèle-t-elle. Donc, ne le tuez pas ! Ce n'est pas la réincarnation de Ganon !
- C'est bien le genre de Link ! Je vous ai toujours dit que c'est un brave garçon ! enchaîne Ingo avec un sourire plus confiant.
- Oh que oui. Un brave petit contrairement à un lâche comme vous, capitaine Bobby ! réprimande Telma avec colère en croisant ses bras. Alors qu'il s'est battu vaillamment et qu'il a réussi à invoquer la grande fée, vous, vous n'avez rien fait pour protéger votre peuple. Si ce n'est que de fuir sans cesse...
Le capitaine tique et baisse les yeux avec frustration.
- Vous oubliez que je suis à présent l'unique capitaine... Tous les autres sont morts ! Notamment le capitaine Pawel que ce gamin... a... a tué ! hurle-t-il en le désignant du doigt. Avez-vous oublié qu'il l'a tué de sang-froid ? Et avez-vous oublié cette sale bestiole effrayante qui a voulu chaparder notre nourriture ?

Mal à l'aise en se reconnaissant, Luna détourne le regard avant de déclarer :
- Je suis encore désolée pour ça ! Mais personne ne voulait me vendre sa nourriture, alors...
- C'est normal ! Quand on voit une sale gueule de monstre de diable, on ne lui donne pas de la nourriture ! Tu es aussi monstrueuse qu'un Bokoblin enragé ! insulte le capitaine avec hystérie en se tournant vers elle. Tu mérites de mourir avec ces bestioles !
Sous le coup de la colère, Link pointe son épée dans sa direction. D'une voix stridente, le lâche pousse un cri de surprise, l'arme frôlant presque son cou.
- Insultez encore une fois Luna et je vous jure que je vous jetterai dans un camp de Bokoblins, menace froidement Link.
Silencieuse, Luna le regarde de dos, les larmes aux yeux.
- Il suffit ! s'exclame une autre voix.

Le capitaine écarquille les yeux avec un air ahuri. Tous les villageois se retournent quasiment en même temps. Se tenant debout sous leurs yeux, bien qu'il soit essoufflé après avoir autant couru, Pawel darde du regard Bobby.
- Ca... Capitaine Pawel ! reconnaît immédiatement une villageoise, horrifiée.
- Non... non c'est impossible ! réplique le capitaine Bobby, effrayé. Il est mort ! C'est... c'est un monstre qui a pris son apparence ! Regardez bien quand je vais le tuer !
Malgré la panique, le faible capitaine s'élance pour tenter de le tuer ! Mais Pawel contre facilement sa charge et le repousse en le dévisageant avec rancune.
- Bobby... Tu es tellement lâche que tu n'arrives même plus à faire la différence entre la réalité et la peur... Tu es si pathétique... Au lieu de protéger notre village, tu l'as laissé à son triste sort... Contrairement à Link et Luna qui ont réussi à le défendre ! lui déclare-t-il avec colère.

Le capitaine Bobby ne se lève pas et se crispe, tremblant. Rassurée de le voir en vie, Telma soupire de soulagement, tandis que les villageois s'approchent de Pawel. Notamment les soldats.
- Capitaine Pawel... Nous avons été tellement tristes quand on vous a cru mort..., avoue un soldat d'une voix sincère.
- Je suis heureuse que vous soyez vivant ! annonce une autre femme.
Entouré par son peuple, Pawel sourit tristement avant de leur répondre :
- Mais si je suis vivant, c'est grâce à ces deux personnes... Et je crois que vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Tous se retournent vers Link et Luna, désignés du regard. Sans dire un mot, avec regret et compassion, les villageois s'agenouillent en souhaitant se faire pardonner. Au loin, Impa et Azul assistent à la scène, partageant la chaleur de tous ceux qui tentent de croire à l'espoir. Luna ferme les yeux. Tandis que Link est à la fois ému et attristé. À son tour, il s'incline en posant la main contre son coeur, acceptant ainsi le pardon de ceux qu'ils l'avaient accusé de monstre. Même si le mal restera ancré en lui.

* * *

Au même moment, Vadel se tient debout sur le balcon et fixe la lumière dorée qui plane sur les terres d'Ordinn.
- Le dragon d'Ordinn est... toujours en vie ? s'étonne-t-il, les yeux grands ouverts.
Au ciel, Ganon hurle avec frustration. En entrant dans la salle comme un coup de vent, Kurna s'incline en face du siège du trône.
- Mon Seigneur... J'ai aperçu Argota s'engouffrer à l'arrière du château. Il a réussi à revenir sur notre terre après avoir attaqué le dragon d'Ordinn comme convenu ! explique-t-elle malgré sa voix enrouée par une sorte de douleur. Mais le fait qu'il soit si près du château m'a... m'affaiblie...
- Je vois... mais il y a une chose que je ne comprends pas. Si Argota l'a attaqué, l'esprit d'Ordinn ne devrait pas être capable de déployer cette incroyable puissance... Hum... Sauf si un sage a pris sa place..., explique Vadel en ignorant ouvertement la souffrance de Kurna.
Frustrée, la femme tique et se lève.
- Mais cette princesse va mourir... N'oubliez pas que son âme et la mienne sont liées à ce quatrième esprit et...

Aussitôt, Ganon hurle, interrompant la conversation. Vadel grimace, la main posée contre son front.
- Diable ! La ferme, Ganon ! râle-t-il sous le coup de la douleur. Pour la Princesse, Argota arrivera à se retenir jusqu'à la réalisation du voeu... N'oublions pas qu'il a été toujours au service de Ganon...
- Et pour mon âme... ? Vous... vous ne vous en souciez pas... ? Moi aussi, j'ai fait le pacte avec le dragon pour obtenir plus de pouvoirs afin de vous satisfaire comme prendre l'apparence ou autres...
Vadel ne lui répond pas, indifférent aux propos de la jeune femme. Avec mélancolie, Kurna se lève avec beaucoup de mal et quitte la pièce. Le comte fixe toujours la lumière. Bien que son coeur soit malfaisant, il ne peut s'empêcher de la trouver chaleureuse.
- Que c'est regrettable qu'il n'ait pas... le pouvoir de ressusciter la vie comme la Triforce peut le faire... en échange d'un corps... Si ça avait été le cas, nous n'aurions pas été obligés de faire toutes ces choses..., lâche Vadel en esquissant un sourire attristé.

* * *

Revenu au village Goron, Link, accompagné de ses quatre alliés, s'empresse de rejoindre le vieux doyen. Les monstres ne sont plus présents et chacun tente de réparer les dégâts. Seul dans son coin, le chef est assis sur un rocher, fixant la montagne de la mort.
- Chef ! Nous avons réussi ! Le village de Cocorico et le dragon ! Tout le monde va bien ! annonce Link avec un sourire joyeux. La lumière protège de nouveau Ordinn.
Silencieusement, Pawel s'arrête avec un air maussade, comprenant la situation. Malheureusement, le chef ne partage pas l'enthousiasme de l'Hylien. Il lève la tête avant de dire :
- La lumière... Elle est aussi radieuse que le coeur de ma petite Dounia...
Link s'arrête. Peu à peu, son sourire se décompose comme s'il est pris par un affreux doute. Le chef Goron, tout en retenant ses larmes, poursuit :
- Même si... Dounia a sacrifié sa vie et son but de trouver l'amour, elle a enfin découvert son véritable sang et surtout, sa place... Même si j'avais tout fait pour lui faire écarter le chemin qu'avait emprunté son arrière-grand-père, je... Je suis si heureux qu'elle ne lâche pas de larmes mais qu'elle laisse illuminer sa joie de nous protéger...

N'osant pas y croire, Link recule et s'efforce de sourire nerveusement.
- N... non... C'est faux... c'est faux ! Vous mentez ! Ce dragon était bien le même ! C'était le dragon d'Ordinn ! C'est le même !
Le vieux Goron ne lui répond pas et se morfond dans son silence. Réalisant finalement la situation, Link plaque le dos contre le mur d'une maison en pierre pour mieux se tenir. Le choc est si grand que ses émotions les plus fortes ne se manifestent pas sur le coup.
- Mais... mais alors pourquoi ? Pourquoi m'a-t-elle demandé d'aller... voir la fée ? demande-t-il, la voix tremblante.
- Pour que tu puisses sauver le village de Cocorico... Et sûrement : pour pas que tu la voies se sacrifier..., lui répond Luna en s'approchant de Link.
L'élu baisse la tête, respirant à peine.
- Link... Ne te reproche pas le sacrifice de Dounia... Elle l'a fait pour nous protéger... Cette lumière chaleureuse qui entoure cette région est le reflet de sa gentillesse et de son courage, dit Impa avec un triste sourire. Tel est le destin d'un sage...

La mort dans l'âme, le vieux Goron fixe de nouveau la lueur dorée. Peu à peu, il esquisse un triste sourire, étant fier de son propre enfant.
- Oui... Dounia nous a tous sauvés... Donc, ne gâchez pas la chance de sauver Hyrule..., annonce-t-il. Non, ne la gâchez pas. Dounia ne voudrait pas que vous pleuriez sur son sort...
Avec beaucoup de mal, Link tente de se calmer malgré sa mélancolie. Même s'il se sent impuissant de n'avoir pas réussi à sauver Miphalia, Zelda et maintenant Dounia, il sait qu'il ne doit pas renoncer et gâcher cette chance. Il ne doit pas pleurer. Le temps ne lui permet pas. Malgré la tristesse dans ses yeux, il se tourne vers ses alliés.
- Alors, il est temps... d'aller à la rencontre de l'épée de la légende pour qu'elle ne fasse qu'un avec la lumière de chaque sage....
Après avoir prononcé ses paroles, Link lève la tête au ciel et fixe la barrière. Le sacrifice est finalement inévitable, peu importe ses actions... Mais une chose est sûre : il n'oubliera jamais la gentillesse de Miphalia et l'optimisme de Dounia. Jamais...

Chapitre 34 : L'épée légendaire   up

Les quatre prodiges et l'élu, désormais prêts, se téléportent au temple de la forêt de Firone, aux pieds de la statue d'Hylia. Derrière l'édifice sacré se trouvent les bois perdus, réputés pour leur mystère et leur légende. Quiconque s'aventure dans ces lieux se perd à tout jamais et perd à tout jamais sa pureté.
Mais ce n'est pas cette mise en garde qui arrêtera Link, résolu coûte que coûte à acquérir l'épée de légende, le pouvoir suprême étroitement lié à son âme.

Les arbres de la forêt Firone retrouvent peu à peu leur beauté. La brise berce tout doucement les branches couvertes de feuilles, de nombreux pétales blancs et bleus de fleurs se mélangent et dansent dans les airs. Aussi majestueusement qu'un bal royal. Euphorique, la nature règne en ces lieux, sans se préoccuper de la lune de sang. En attendant les premiers pas de Link dans les bois perdus, chaque prodige le fixe de dos. Avec appréhension, l'Hylien regarde attentivement les alentours. Il aime sentir la douce brise effleurer son visage ferme et le bruit parcourir jusqu'à ses oreilles pointues. Ses franges flottent légèrement en même temps que sa coiffe et sa cape rouge. La tristesse et la colère fermées quelque part dans son coeur, il ne pense qu'à son rôle et à ce qu'il doit accomplir. Après avoir fait quelques pas décidés, Link distingue rapidement quatre grands socles pierreux entourant une étrange porte en bois, couverte d'imposants lierres. Même la nature semble lui faire obstacle.
- C'est ici..., déclare sereinement Link. La grande porte en lierre et les quatre places.

Puis, il se tourne vers ses compagnons. En les regardant à tour de rôle, il hoche doucement la tête pour leur faire signe, les mots manquant. Consciente de son rôle, Impa est la première à avancer, sans aucune peur au ventre. Pendant sa démarche, elle pense à sa force, aux éprouvants combats qui l'attendent mais par-dessus tout, la princesse Zelda et Hyrule.
Princesse Zelda... Tenez bon... Je ne vous laisserai pas mourir avec Hyrule...
En esquissant un sourire mélancolique, ses pupilles rouges envahies par une lueur de détermination, elle s'agenouille sur le premier socle en pierre. Sa main droite contre sa poitrine et la tête baissée, laissant presque sa longue trace argentée toucher le bas, elle ferme ses paupières. Une imposante lumière blanche l'enveloppe, révélant ainsi la pureté de son âme : le premier prodige de l'élu a été accepté sans aucune difficulté.

Avec un sourire confiant, Azul avance à son tour en direction du deuxième socle. Le Roi, malgré ses erreurs de jugement, marche en pensant de toutes ses forces aux peuples d'Hyrule. Notamment Miphalia.
Ma douce Miphalia... Peu importe l'endroit où tu trouves et la forme de ton corps, où que tu sois, j'espère de toute mon âme que tu me regardes... Que tu sentes mon désir de sauver Hyrule au péril de ma vie. Tout comme notre mère et toi...
Agenouillé en tenant fermement la lance de sa soeur de la main gauche, Azul inspire un bon coup, les épaules un peu tremblantes. Avec soulagement, il sent la lumière blanche l'envelopper comme une aura. L'espoir rayonne dans ses yeux jaunes dorés. Rassuré en se sentant pardonné une bonne fois pour toutes, il baisse la tête en esquissant un sourire plus optimiste.

Au tour du troisième prodige. Pawel fixe longuement le socle qui lui est destiné. Le vent souffle un peu plus fort. C'est comme si un pouvoir étrange règne sur ces lieux et veut imposer sa force. Calme, le capitaine se tourne vers Link pour le rassurer. L'élu hoche la tête, ne doutant pas une seule seconde de la sincérité et la pureté de l'âme de celui qui lui a tant appris. Désormais prêt, Pawel avance vers le troisième socle, se jurant de sauver Hyrule, de ramener Link en vie et surtout, de revoir celle qu'il aime tant dans ce monde.
Leyna... Attends-moi encore un peu... Quand tout sera terminé, tu seras libérée de ton fardeau. Les Yigas ne te tourmenteront plus. Tout comme les serviteurs du mal ne tourmenteront plus Hyrule et Link...
Digne d'un preux chevalier, Pawel s'agenouille, l'épée plantée dans la crevasse du socle et la fusée de son arme au milieu de son visage. Instantanément, la lumière blanche se manifeste pour accorder sa présence sans aucune hésitation. Les trois prodiges désormais acceptés, il ne reste plus que Luna.

Mais la louve blanche se montre affolée. Les oreilles baissées avec crainte, elle balaye du regard l'endroit. Les arbres, la porte et le quatrième socle. Le moment qu'elle redoutait le plus est arrivé. C'est l'occasion de voir si elle possède réellement une âme pure, ou bien celle d'un démon pour avoir été avec Vadel et Ganon pendant toute sa vie. Peut-être même qu'à cause de son apparence, elle ne sera pas considérée comme un prodige mais comme un monstre avant tout. Rencontrant des difficultés à respirer comme si elle suffoque, elle baisse la tête en lâchant quelques couinements. Comprenant sa peur, Link s'approche d'elle et pose la main sur son épaule pour la soutenir.
- Tout ira bien, Luna. N'aie plus peur. J'ai confiance en toi. Tout comme pour Impa, Azul et Pawel.

Réconfortée par ces paroles et ce geste, Luna trouve le courage de plonger son regard dans celui de Link. Inconsciemment, elle a l'impression de revoir Raven en lui. Le capitaine qu'elle a toujours admiré durant son enfance. Elle se rappelle même que comme toutes les autres petites filles du village, elle rêvait de l'épouser quand elle serait plus grande. Ce qui a rendu Vadel un peu boudeur. Et le petit garçon n'a pas abandonné puisqu'il lui apportait sans cesse des fleurs et faisait tout son possible pour la faire rire, consoler quand ça allait mal : il faisait tout pour la rendre heureuse. En repensant à certains bons moments, elle esquisse finalement un sourire plus chaleureux malgré la peur encore présente dans ses prunelles vertes. Elle pose la patte sur la main de Link comme si elle veut le remercier de lui donner la force d'avancer. L'élu la lâche et recule. Le vent fait bercer de plus en plus fort sa cape rouge. Tout comme les feuilles vertes et les pétales blancs qui se laissent acheminer dans le ciel. Enfin, Luna avance à pas de loup. En se dirigeant droit devant, elle repense à tous ses souvenirs, notamment ceux qu'elle a partagés avec Vadel. L'envie de le sauver ainsi qu'Hyrule en aidant Link est plus fort que tout. Pendant sa marche, elle enlève son pendentif pour tenir l'alliance dans sa patte, le symbole de son lien d'amour avec l'être qu'elle aime tant.
Vadel... Peu importe ce qui se passera... Peu importe si la mort hante nos âmes, je ferai tout pour te délivrer de l'emprise de Ganon... Je réaliserai ton souhait de devenir un humain. Même si je dois en mourir, je te sauverai mon amour...
Arrivée en face du dernier socle, le plus décisif, les larmes aux yeux en tenant l'objet qu'elle convoite le plus au monde, elle lève la tête au ciel. Pour calmer ses émotions les plus fortes, elle lâche un soudain hurlement, poussé du profond de son âme. En retrait, Link la regarde avec une profonde mélancolie. Il ferme doucement ses paupières comme s'il veut savourer le magnifique chant de la louve. Luna s'agenouille progressivement. La tête baissée et la patte contre sa poitrine palpitant d'anxiété, l'alliance située au niveau de son coeur, elle retient son souffle. Pendant de nombreuses secondes, rien ne se passe. Le souffle retenu, Luna serre de plus en plus son anneau argenté.
Esprits d'Hyrule... Pitié... Accordez-moi votre confiance...
Comme réponse à sa prière, une lueur blanche émane et entoure la louve. Stupéfaite, Luna se calme et baisse la tête en contenant sa joie d'avoir été acceptée.

La grande porte en bois s'ouvre lentement, prête à laisser l'élu entrer au coeur de ses secrets. Incrédule au premier abord, Link prend le temps de contempler le paysage qui se trouve droit devant lui. Il a la sensation d'être devant une grande toile. De nombreux arbres allongeant trois sortes de chemins éclairés légèrement par la lumière du soleil. Un autre monde où la pureté règne, contrairement à celle d'Hyrule qui a été violée par la noirceur des pénombres et de la lune de sang. En sentant l'air pur purifier ses poumons, qui ont été tant serrés par l'angoisse, Link regarde les prodiges aussi immobiles qu'une statue, éblouis par la lueur blanche. Désirant réussir en portant le fardeau de chacun sur ses épaules, la cape flottant de plus en plus, l'élu se dirige droit devant. Sans flancher, il entre à présent dans les véritables bois perdus.

* * *

La vague impression d'avoir traversé une sorte de barrière de distorsion, de l'autre côté, Link scrute calmement les alentours. Il est à présent coupé du monde. Instantanément, droit devant lui, la statue de la déesse Hylia, faisant la taille du jeune homme, semble l'accueillir. Deux petites fontaines d'eau en pierre se tiennent à ses côtés. L'eau qui s'écoule brise le silence. Cependant, le vent n'existe pas. Mais la température reste agréable et non étouffante. Aux pieds de la statuette, une plaque est présente. Une description énigmatique est gravée dessus. Avec un air interrogateur, Link s'agenouille pour la lire :

"Lorsque les trois flammes des déesses seront ravivées au coeur de la forêt mélancolique, mon âme te guidera jusqu'à l'épée symbolique. Suis uniquement les chemins de la lumière."

L'Hylien se lève avant de remarquer trois grands flambeaux noirs vierges. Il distingue également trois chemins, longés par de nombreux arbres fins. Ils sont si grands que les branches sont cachées par une brume blanche. Un choix s'offre à Link : le nord, l'ouest ou l'est ? Bien que le soleil soit absent, un rayon parvient néanmoins à traverser l'épaisseur du brouillard pour éclairer le chemin de l'ouest. Préférant suivre sagement le conseil de la deuxième phrase, Link se dirige sereinement dans cette direction. Ses bottes balayent quelques feuilles vertes qui couvrent le sol. Plus il marche, plus le rayon solaire s'intensifie et chasse complètement la brume. Des chants d'oiseaux commencent même à s'élever dans le ciel. Malgré son visage ferme, Link savoure ces sons oniriques avec apaisement. Puis, il s'arrête.

Auprès d'un chêne au tronc large, une flamme rouge danse sur une stèle en pierre. Les yeux écarquillés, il accourt droit devant. Il s'empare d'une petite branche d'arbre pour que le bout prenne feu. Sans tarder, il fait demi-tour en prenant soin de conserver la flamme de la force. Mais un horrible frisson lui traverse la poitrine et le fait stopper net. Une étrange présence le hante. Sur ses gardes, Link fait volte-face. Mais rien à part un petit vent qui souffle et les feuilles volantes. Légèrement méfiant, il se dirige en direction de la statue d'Hylia. Ainsi, Link fait embraser la flamme qui consume instantanément le premier flambeau. Une lueur rouge s'illumine sur la plaque. Avec un sourire rassuré, il s'approche du point de repère.

Le chemin de droite, contrairement à celui de gauche, est légèrement plus éclairé. Sans l'ombre d'un doute, Link s'empresse d'avancer. Cependant, au coeur de l'allée de gauche, de grandes marionnettes en bois massif et au visage inquiétant, yeux rouges et sourire malsain, descendent pour laisser le rayon solaire éclairer la véritable voie pour la deuxième flamme. Les pantins bougent étrangement, la tête cognant à plusieurs reprises contre leurs épaules arrondies. Puis, lorsque le son d'une trompette surgit, ils remontent rapidement en hauteur, les longs bras et jambes inertes. De son côté, Link traverse la grande allée, sans se douter qu'il a été pris au piège. Mais peu à peu, il constate avec tracas que la brume ne s'est toujours pas dissipée et que les branches sont de plus en plus crochues. Elles ont la forme de mains prêtes à étrangler sans aucune pitié le premier inconscient. Perplexe, Link n'ose plus s'y aventurer. Il se retourne. Mais avec effroi, il remarque que le brouillard a enveloppé tout le chemin qu'il a parcouru.

- Malédiction... Que se passe-t-il... ?
Comme réponse, un rire strident résonne en écho. On dirait celui d'un enfant. Le sang glacé, Link sent une présence ainsi que des bruits de bois frotter derrière lui.
- Tu... tu veux jouer... avec moi ? Je me sens si... seul... Enfin... Un ami... Nous serons ensemble pour toujours et nous jouerons au pantin et à la poupée... Tu veux ? lui propose l'inquiétante voix, un peu étouffée.

En sentant sa gorge se serrer, alors qu'il entend des bruits de pas s'approcher de plus en plus, Link empoigne très fort la fusée de son épée. Il se retourne en effectuant une légère attaque tournoyante. Mais l'être étrange a esquivé de justesse en s'esclaffant de rire. Subitement, des affreuses marionnettes tombent en poussant un cri d'effroi. Le coeur saisi par la frayeur, Link ne fuit pas, bien au contraire. Il serre les dents avant de trancher facilement les pantins en décapitant leur tête. Une nouvelle fois, le son de la trompette retentit, venant de l'est, et de nouvelles marionnettes apparaissent. Link avance précipitamment dans l'espoir de se repérer et de retrouver le mystérieux musicien qui continue de lâcher son petit rire agaçant. Alors que les arbres deviennent de plus en plus infertiles et que la nature semble être mourante, il repère finalement une étrange silhouette qui s'enfuit.

- A... attends ! s'écrie-t-il en s'apprêtant à le poursuivre.

Tout à coup, de nombreuses branches d'arbre aux doigts crochus sortent du sol et empoignent les bras de Link. Le regard épouvanté, il se débat avec affolement, ne voulant pas se laisser emporter dans les profondeurs. La lumière du fragment de la Triforce s'illumine et chasse aussitôt l'atmosphère néfaste. Au sol, sur ses jambes, Link reprend son souffle après avoir senti son coeur cogner avec brutalité contre sa poitrine. Peu à peu, la nature reprend ses droits. Le brouillard a disparu et les arbres ont repris leur courage.
"Une illusion... ? Est-ce le réel pouvoir de ces lieux ? se demande Link en se levant.
Enfin, il repère une flamme bleue au loin : celle de la sagesse. En la fixant longuement, il s'y dirige sans tarder. Mais derrière un arbre, le mystérieux petit être tique dans l'ombre, les yeux brillants.

* * *

Après avoir rapporté la flamme bleue au deuxième flambeau, Link sent peu à peu le soulagement parcourir son corps. Désormais prêt, bien qu'il soit sur ses gardes, il se rend en direction du nord. Peu à peu, il sent un étrange parfum sucré envoûter ses narines. Il veut même en boire tellement que ça sent bon. Au pied d'un arbre, de nombreuses pommes se trouvent au sol, comme si elles attendent pour être croquées.

- Tu... peux en croquer une si le coeur t'en dit ? Je ne les ai pas empoisonnées ! Enfin... Je crois ! Hihi, lui annonce la mystérieuse voix.

Link s'empare discrètement de son grappin. Il entend des bruits de pas et des claquements de bois derrière lui. En retenant son souffle, il se retourne au moment où il tracte la chaîne droit devant. Rapidement, l'être disparaît en lâchant échapper un gémissement d'effroi. Cependant, l'Hylien a eu le temps de récupérer son grand chapeau de paille pointu et abîmé. Très dubitatif, il l'examine en le tenant dans ses mains.

- Mon... mon chapeau ! Voleur ! Rends-le-moi ou tu mourras ! hurle l'être d'une voix hystérique.
En soufflant un bon coup de trompette, de nombreuses marionnettes tombent autour de Link.
- Bon sang ! râle-t-il en se mettant en position de combat.

Il effectue un saut avant de planter son épée dans la tête d'un des pantins. Féroce, il démembre ses ennemis, un par un. Sous leur hideuse apparence, ils ne sont pas coriaces et encore moins menaçants. Aussitôt, la brume se répand et révèle la partie sombre de la forêt. Le ciel devient aussi noir que la nuit, les arbres meurent et la terre devient infertile. Les pommes, aussi rouges que le sang, prennent la forme des crânes d'animaux morts. Une fois qu'il a tué tous les pantins, légèrement essoufflé, Link voit au loin une silhouette. Cette fois-ci, il parvient à distinguer sa forme : tête ronde et noire, bec et yeux brillants, le petit inconnu porte des vêtements de paille rouge et violet foncés.

- Skull Kid... ? L'enfant maudit de la forêt..., s'étonne Link en se rappelant d'un conte.
Finalement, cette histoire a réellement existé.
- Rends-moi mon chapeau, voleur ! Assassin ! Diable ! hurle à plusieurs reprises Skull Kid.

En larmes, il souffle très fort dans sa trompette, les joues de plus en plus gonflées. Une grande marionnette répond à son appel et atterrit devant Link. Les cornes élevées en hauteur, le groin vulgaire et les yeux blancs, l'affreux pantin, tout noir, est très malsain à regarder. Le coeur affolé, Link revoit en lui le monstre de ses cauchemars, celui qui l'a tant angoissé. Mais en croyant de toutes ses forces au courage, il agite son épée et s'empare de son bouclier d'Hylia, déterminé à mener ce combat. Skull Kid hurle afin d'ordonner à la marionnette d'attaquer. Ses mains tiennent deux grands poignards à viande particulièrement tranchants. Link esquive en effectuant un salto arrière. Mais l'arme humanoïde de Skull Kid ne lui laisse aucun répit et s'apprête à le hacher. L'élu parvient à parer grâce au bouclier. Subitement, le deuxième poignard s'apprête à le planter dans la foulée du premier coup. Link esquive au dernier moment en effectuant un saut vers la droite. Pris au dépourvu, il sent un fil entourer son cou et remonter, comme si le pantin veut le pendre. Lâchant son bouclier, n'arrivant presque plus à respirer, Link s'empresse de lever l'épée au-dessus de lui pour couper la corde. Tombé au sol, la gorge serrée, il lâche un soupir très faible.

Alors que la marionnette fonce dans sa direction pour l'achever, Link lève la tête avec froideur en se remettant vite fait de son léger malaise. En effectuant un bond en avant, armé de son épée, il passe entre les deux poignards. Fructueusement, il tranche le fil qui contrôle l'odieuse marionnette. Figé, l'horrible pantin laisse tomber ses bras avant de s'écrouler, devenu à présent inerte. Fragile, il n'est plus qu'un tas de bois démembré. Sous le coup de la frustration, Skull Kid éclate en sanglots, les mains sur son visage. Remis de son combat, l'épéiste le fixe en récupérant son bouclier.

- Mon... mon jouet ! Tu as abîmé mon jouet ! Vilain héros du diable !
Sans aucune colère, Link lui tend le chapeau. Les yeux remplis de larmes, Skull Kid lève la tête. Tremblant, il arrache le couvre-chef des mains de Link avant de le poser sur sa tête chauve.
- Mais tu... Tu n'es pas méchant comme "elle"..., constate Skull Kid d'un ton très surpris.
- Elle... ? répète calmement Link.
- La fille aux cheveux dorés... Il y a des années, elle était venue pour poser une épée... Et lorsque j'ai voulu lui donner une pomme rouge bien mûre pour qu'elle devienne mon amie, elle... elle m'a rejeté et a éclaté en larmes..., lui explique Skull Kid, désormais remis de ses émotions.
- Comme dans le conte... Alors si c'est réellement vrai, c'était... l'ancienne Princesse Zelda ?
- Depuis, je me suis juré de faire souffrir les vilains bonhommes aux oreilles pointues... Mais tu as l'air d'être gentil. Même si la mort te suit, tu es bon.
Mal à l'aise par cette remarque, Link serre ses poings. Oui, peu importe les lieux ou ses gestes, la mort plane toujours autour de lui.
- La flamme verte... Regarde à ta droite, désigne Skull Kid en tendant son doigt squelettique.
Un peu méfiant, le jeune homme s'exécute tout de même et remarque à sa grande surprise la flamme verte : celle du courage. Il s'approche hâtivement pour la contempler de plus près. Ainsi, il s'empare de la branche.

* * *

Revenu à la grande place, suivi par Skull Kid se cachant dans l'ombre, Link dépose la flamme verte sur le dernier flambeau. Les trois lueurs éclatent pour au final se mélanger et n'en faire plus qu'une. Puis, un long rayon de lumière s'allonge vers le nord-ouest, révélant ainsi le véritable chemin jusqu'à l'épée de légende. Les cerisiers en fleur longent le bord et les pétales roses et blancs flottent dans le ciel. Terrifié par la lumière si pure, Skull Kid tremble. Bien que Link est sur le point de s'y rendre, il s'approche de ce dernier. Loin d'être rancunier, il lui tend sa main. Craintif, Skull Kid ferme les yeux, les poings fermés. En tapotant le chapeau, Link lui adresse un sourire mélancolique. Enfin, il se lève pour partir, prêt à retrouver son épée. Surpris par un tel geste attendrissant, Skull pose ses mains sur son chapeau. Il sent l'émotion l'envahir. Caché à nouveau derrière l'arbre, il regarde l'élu partir.

* * *

Link se hâte sur le chemin, éclairé par la lumière chaude du soleil. Les oiseaux chantent de plus en plus et une petite brise souffle. En écartant un grand buisson, il remarque un temple ancien en pierre sous la forme d'un rectangle, le toit abîmé. Les cerisiers en fleur l'entourent. La féerie et le mystère règnent en ces lieux. Envahi par la curiosité, il s'approche, les yeux ébahis. Sur la grande double-porte, une Triforce dorée est gravée. Le jeune homme essaye de la pousser. Hélas, elle ne bouge pas d'un millimètre. En pleine réflexion, Link ferme les yeux. Peu à peu, il sent la légère brise lui effleurer le visage. Elle est très douce. Inconsciemment, il croit entendre une voix chanter une mélodie apaisante. En ouvrant ses paupières, Link la reconnaît avec stupeur.
- Zel... Zelda...

La mélodie continue de résonner en lui. Elle chante même avec les battements de son coeur. Oui, il se souvient qu'elle jouait souvent sa berceuse. Elle l'aimait tant. Elle souriait. Pris par la nostalgie, Link sort la flûte. Malgré la mélancolie, il ferme les yeux avant de commencer à jouer la "berceuse de Zelda". La douce voix de la jeune femme continue de résonner dans sa tête, harmonieusement. Ainsi, la porte s'ouvre, prête à montrer à l'élu le coeur du temple. Link baisse la flûte et s'apprête à avancer. Subitement, il laisse échapper un sursaut en sentant une présence chaleureuse l'enlacer par-derrière. L'âme de Zelda l'étreint avec tendresse. Lentement, elle disparaît. Bouleversé, Link se retourne. Rien. Le vide se creuse à nouveau dans sa poitrine. Mais une chose est sûre : c'était bien Zelda. Sa peau, ses cheveux, son odeur. Les yeux baissés, un sourire mélancolique se dessine sur son visage. Il veut tant la revoir. La revoir sourire à ses côtés.

Désirant réaliser ce désir, il entre à l'intérieur du temple en récupérant sa détermination. Les murs en pierre et le sol comme un champ de pelouse, une ambiance onirique se dégage. Les Princesses de Sérénité sont présentes, bercées tendrement par le vent. Le rayon du soleil descend des cieux et éclaire de mille lueurs une merveille pour les yeux : une épée au pommeau violet, plantée au coeur d'un piédestal pierreux. Les yeux rivés sur la lame, Link s'approche à pas de loup, le coeur palpitant de plus en plus fort. Une fois devant, sans hésitation, il empoigne le pommeau de ses deux mains et s'apprête à tirer la lame de son repos éternel. Les yeux fermés, il concentre toute sa force afin de tenter de l'enlever décisivement. Le rythme de son coeur s'accélère et une douleur commence à accaparer son corps. Ses muscles deviennent tendineux et ses poumons ne bougent plus. Déterminé malgré ces souffrances qui le parcourent, Link les encaisse de toute son âme. Il continue de la tirer vers le ciel, encore et encore.

Tout à coup, l'épée se retire du piédestal et la lame est enveloppée par une lueur blanche. En ouvrant les yeux, le souffle court et le corps engourdi, Link la contemple avec émerveillement. Ses pupilles bleues brillent avec espoir. Il a du mal à croire qu'il est maintenant en possession de l'arme légendaire, prête à affronter n'importe quel danger qui pèse dans son monde. La puissance confiée, il agite l'épée et le fragment du courage se manifeste.
- Maître..., murmure une voix féminine désincarnée.

Lentement, Link lève la tête, le visage décomposé. Sous le rayon du soleil, en face du nouvel élu de la légende, une grande silhouette à l'allure d'une jeune fille est présente, planant sur place. La peau toute bleue, uniquement vêtue d'une robe violette et d'une cape de la même couleur se mélangeant avec le bleu, l'entité lui adresse un sourire bienveillant. Son cristal bleu, situé sur sa poitrine, ne passe pas inaperçu. Ses yeux bleus vides se rivent sur le porteur de l'épée de légende. De plus en plus surpris, Link s'approche nerveusement, ne la quittant plus des yeux.

- Ainsi, nous nous retrouvons à nouveau... Enchanté de vous rencontrer, Maître Link..., lui déclare l'esprit avec politesse.
- Fay..., murmure Link aux yeux vides.
Se rendant compte de ce qu'il a dit, son regard s'horrifie, se remémorant un souvenir lointain : la rencontre entre un Hylien et un esprit.
- L'âme du héros s'écoule toujours en vous... Je vous ai attendu depuis votre mort... Je n'ai pas pu vous protéger contre Ganon... Je n'ai pas pu empêcher Dame Zelda de courir dans la direction de la mort comme vous me l'avez fait promettre avant de perdre votre souffle... Pardonnez-moi Maître... Même moi, j'ai perdu le pouvoir nécessaire pour maintenir ma conscience plus longtemps. Seule ma puissance sera la vôtre...

Parvenant à ressentir la tristesse dans la voix douce de l'esprit, Link lui adresse un sourire chaleureux. Puis, il pose la main gauche contre sa poitrine en ressentant enfin l'espoir porté par toutes ses précédentes incarnations.
- Ciel... Temps... Lumière... Vent... Lande... Nous avons tant parcouru ensemble... Moi... Zelda... Ganon et... toi..., lui annonce Link en décrivant chaque battement de son coeur : les battements de l'âme qui a vécu tant de choses depuis la naissance de la Triforce.
Fay lui sourit chaleureux, apaisée par ces paroles.
- Bien que je ne puisse rester à vos côtés, je vous lègue ma puissance... Je prierai de toute mon âme pour l'accomplissement de votre... devoir...
Elle disparaît sous une lumière blanche avant de traverser l'épée, partageant ainsi l'éclat qui s'éteint paisiblement. Submergé par une soudaine et puissante nostalgie, Link lève instinctivement l'arme légendaire au ciel. Dorénavant, l'âme de l'élu ne fait qu'un avec l'épée après tant d'années de séparation.

* * *

Finalement, il quitte le temple, laissant le piédestal vide derrière lui. Une fois qu'il a traversé la grande porte, il constate avec étonnement la présence de ses fidèles alliés : Pawel, Luna, Azul et Impa le regardent avec fierté. Après avoir senti que Link a récupéré l'épée sacrée, les prodiges s'agenouillent avec dévotion et respect, la tête baissée et la main contre le coeur pour confirmer de nouveau leur allégeance. Illuminé par la lumière qui continue de l'éblouir de dos, Link les regarde avec reconnaissance, prêt à accomplir la nouvelle légende.

Chapitre 35 : Les dernières heures   up

De retour à la forêt des Korogus, Link entretient une discussion avec le bourgeon Mojo. Épona, désormais en forme, se tient à côté de lui en soufflant sur sa nuque. L'Hylien caresse sa tête, soulagé qu'elle aille mieux grâce aux Korogus qui ont pris soin d'elle pendant son absence.

- Tu as réussi à obtenir l'épée sacrée... Quel souzement... Hum... Soulagement ! déclare le bourgeon avec un léger sourire. Tu es vraiment le héros d'une nouvelle légende.
Avec sérieux, Link hoche la tête.
- Mais pourquoi les trois autres prodiges ne s'approchent pas ? Ils ont peur du vénérable bourgeon ? interroge Falgus à Link.
Link se retourne. Pawel, Luna et Azul sont ahuris.
- Le... le bourgeon parle... ! bredouille Pawel sous le choc.
- Oui... c'est du jamais vu ! Moi qui ai essayé de faire pousser des plantes, si j'avais su qu'elles parlaient, je n'aurais pas tenté..., ajoute Luna, tremblante.
- Dire que je suis allergique au pollen, finit Azul avec un sourire peu enjoué.

Amusé par leur réaction assez enfantine, Link finit par lâcher un léger rire avant de se retourner, tandis qu'Impa sourit, désormais confiante.

- Bien. Il est temps de quitter la forêt, déclare Link en reprenant peu à peu son sérieux.
- Faites attention à vous... Que la Déesse Hylia vous guide dans la lumière, souhaite le bourgeon Mojo.
- Elle nous guidera... J'en ai la conviction, répond l'Hylien d'une voix sûre, la main plaquée contre sa poitrine.
Puis, il se tourne vers ses alliés.
- Pawel, Luna, Azul et Impa... Sachez que c'est grâce à votre force que j'ai réussi à acquérir l'épée de la légende. Vous m'avez beaucoup aidé... Mais à présent, c'est à moi de vous laisser le choix et de vous poser une question : est-ce que vous êtes réellement prêts à prendre le risque de venir avec moi et de tenter de mettre fin à l'existence de Ganon ? leur demande calmement Link malgré l'anxiété dans ses yeux. Êtes-vous réellement prêts à affronter la mort alors qu'il vous reste des personnes chères ou des rêves à réaliser ? Si vous ne voulez plus vous battre à mes côtés, je comprendrais tout à fait.

Devant la question plus que réaliste de l'Hylien, chaque prodige se plonge dans une petite phase de réflexion, les yeux rivés dans le vide. Compréhensif, Link inspire un bon coup et continue :

- Je sais que nous n'avons pas le droit d'abandonner Hyrule à son sort : en tout cas moi, je n'abandonne plus. Maintenant que je ressens le courage résonner en moi après avoir découvert mon passé, je suis désormais prêt à mourir pour Hyrule. Ce n'est plus un simple devoir que je dois me forcer à entreprendre ou à connaître, mais bel et bien l'envie de me battre. Même si la peur restera toujours au fond de mon âme... Et je voudrais savoir si pour vous aussi, c'est exactement la même chose... Je sais que ça peut paraître pessimiste, mais n'excluons pas cette possibilité que l'un de nous... ne pourra peut-être plus jamais revenir du combat décisif qui nous attend... Je veux que vous preniez le temps de réfléchir afin de ne pas regretter vos choix.

En prononçant ses paroles, Link repense immédiatement à son propre père qui est mort avec regret et tristesse. Il l'a ressenti et il veut épargner cette souffrance à ses proches.
- Moi... c'est décidé depuis le début... Que je vive ou que je meure, peu importe... Si ma dague peut t'aider à sauver Hyrule et... Vadel, alors je le ferai sans hésitation, répond Luna avec résolution.
- Luna, tu te trompes... Il faut que tu continues de vivre. Tout n'est pas fini, rassure Link avec un triste sourire. Nous sommes là. Tu n'es pas toute seule.
Émue, la louve baisse la tête, ne sachant que répondre.
- Peu importe les dangers, tu sais bien que je ne recule pas, enchaîne Impa en faisant quelques pas. Tout ce que je veux, c'est sauver notre contrée ainsi que Zelda. Oui : hors de question pour moi de reculer. C'est la règle d'or des Sheikah : ne jamais abandonner. La mort ne me fait pas peur. C'est la mort des peuples, de vous tous et de son Altesse qui me terrifie le plus. Et je ferai tout pour que cela n'arrive pas.

Link acquiesce de la tête, rassuré par les propos de la Sheikah. Puis, il se tourne vers Azul et Pawel, qui laissent derrière eux la personne qu'ils aiment. Le Zora hausse les épaules et esquisse un sourire mélancolique.
- Si j'ai réussi à vivre après un combat contre un Lynel malgré mon effroyable échec, alors j'arriverai sûrement à survivre lorsque nous serons en face des serviteurs de Ganon. Pour Kairi, mon peuple, tous les peuples et Miphalia qui croit en moi, je ne ferai pas demi-tour à la nage pour fuir mais pour sauver mes prochains comme le peuple Piaf ou même les proches qui comptent pour moi. Tout comme toi Link, ce n'est pas en tant que Roi ou élu que je prononce ces paroles, mais en tant qu'être vivant. C'est ce que ton aïeul avait compris malgré ma rancoeur.
Link ferme ses paupières comme si un sentiment d'apaisement le submerge.
- Merci, Azul. Je crois en toi également.
Puis, il se tourne vers Pawel. Le capitaine ne dit aucun mot, les bras croisés et les yeux baissés.
- Pawel... N'oublie pas que Leyna a besoin de toi... Elle t'attend depuis si longtemps. Après tout, nous sommes près de Foracalia. Nous avons besoin de prendre une pause avant de nous préparer mentalement pour le combat.
Le regard mélancolique, Pawel inspire pour réprimer ses larmes.
- Je... je ne peux pas aller la voir... Si je la revois pour repartir, ça sera beaucoup plus douloureux. Nous ne pouvons plus retarder l'inévitable à cause de notre égoïsme et...
- Pawel, coupe Link avec compréhension. Je ne veux pas que tu connaisses le même regret que mon propre père si un malheur devra se produire. Inconsciemment, tu as marché sur la même route que lui... Et il est encore temps d'en choisir une autre.
Déchiré, Pawel fixe longuement son alliance.
- Elle a besoin de toi, encourage Luna avec un triste sourire. Va la voir. Et puis, c'est très impoli de faire attendre une dame.
Pawel sent son coeur palpiter. Finalement, il accepte.

* * *

Ainsi, chacun profite de sa dernière soirée. Pensées, souvenirs et proches. Luna retourne à sa maison après tant de jours d'absence. Il n'y a eu aucun désordre. Personne ne s'est introduit. En ouvrant la porte grinçante, elle ne peut s'empêcher d'esquisser un léger sourire avec nostalgie. En l'espace de ces quelques mois, elle a réussi à s'attacher à cet endroit. Dans le salon, en s'asseyant sur son fauteuil, Luna prend le petit loup en peluche. Un précieux objet qu'elle a tant conservé depuis un bon moment : le cadeau de Vadel peu de temps après leur mariage. Ayant le courage d'aller de l'avant, elle le prend dans ses bras et l'enlace pour écouter l'espoir qui résonne en elle.
- Vadel..., murmure tristement Luna. Peu importe ce qui se passera, même si je dois y laisser ma vie, je veux... je veux te sauver...
La tête baissée, elle se crispe, de nouveau terrorisée par ce qui l'attend.

* * *

Impa est restée à la forêt des Korogus. Assise contre un arbre en respirant l'air forestier, ses pensées sont aussitôt interrompues par l'arrivée massive des petits Korogus enjoués.
- Madame blanche ! Tu as une nouvelle histoire à nous conter ? demande Falgus en sautillant joyeusement.
- Oh oui ! Une hiztoire ! s'exclame le bourgeon Mojo. Ze veux en écouter une !
Impa lâche un sourire bref avant de croiser ses bras musclés.
- Une histoire ? Laissez-moi y réfléchir...
En fermant les paupières, elle pense très fort à Zelda pour trouver une inspiration.
- Je crois que j'ai trouvé. Êtes-vous prêts ?
- Oui ! répondent en choeur les Korogus.
Impa lève la tête au ciel noir avant de commencer :
- L'histoire parle d'une promesse : une promesse éternelle entre une déesse et un chevalier dans les cieux. Peu importe les époques, les âges, la joie et la souffrance, ils promettent de se retrouver pour sauver Hyrule. Peu importe leur forme et leur nouvelle vie. C'est pourquoi, la déesse abandonne sa divinité et se réincarne sans cesse en Hylienne pour demeurer aux côtés de son chevalier, partageant ainsi son fardeau. Jusqu'à aujourd'hui, les deux porteurs de la Triforce partagent le désir d'envoûter leur contrée tant aimée grâce à leur lumière. Même si la mort arrive à les séparer, ils se retrouvent à nouveau, tout en renouvelant leur promesse éternelle.
- Quel beau conte ! On dirait une promesse d'amour ! s'exclame Falgus avec un sourire timide.
- Oui ! J'espère que je rencontrerai un élu comme ça ! enchaîne une autre Korogu avec une voix féminine.
Alors que les petits savourent cette petite histoire, Impa sourit tristement.
- Si la Princesse était là, elle aurait été si heureuse d'écouter encore une fois cette histoire qui a bercé son enfance...

* * *

Au lac doré d'Hylia, après avoir été téléporté grâce à Link, Azul s'approche de la statue de l'ancienne reine en lui adressant un sourire.
- Mère... J'espère que là où vous êtes, vous allez bien... Miphalia a trouvé sa voie, et depuis peu, c'était à mon tour de l'avoir trouvé après tant d'années de tourmente... Reposez-vous bien..., déclare Azul avant de se retourner vers le domaine Zora, prêt à retrouver son peuple ainsi que Kairi.

* * *

À Foracalia, Leyna se trouve dans un immense champ de fleurs blanches à l'arrière de sa petite maison en bois. Au bord de l'épuisement, elle rassemble ses forces pour s'agenouiller et couper quelques pétales pour ses médicaments. Les cheveux argentés attachés en queue de cheval, elle sent la brise nocturne lui caresser le visage. Aussitôt, des bruits de pas attirent son attention. Sur ses gardes, elle se retourne. Statufiée, sa bouche est ouverte d'étonnement et ses yeux sont grands ouverts. À côté du grand chêne en fleur, Pawel la regarde avec tendresse, n'osant pas s'approcher. Son rythme cardiaque s'accélère par amour. Il commence à trembler d'émotion. Leyna se lève progressivement, les yeux envahis par ses larmes. Pawel s'approche assez timidement.
- Bonsoir, Leyna... Je... je suis rentré pour un moment..., annonce-t-il avec un sourire chaleureux.
Leyna le regarde longuement et s'approche petit à petit, la main posée contre son coeur. N'arrivant plus à taire ses sentiments, Pawel se précipite et l'enlace très fort contre lui, ne désirant plus la quitter. Bien que son bonheur soit immense, Leyna ne peut s'empêcher de pleurer avec un immense soulagement, la tête enfouie sur la nuque de son époux. Ce n'est pas une illusion. C'est bel et bien son odeur, sa peau si douce et sa voix. Pendant longtemps, ils restent proches ainsi, profitant de chaque seconde qui passe.

* * *

Alors que ses alliés savourent leur dernier moment, Link revient à Foracalia, seul. Derrière un arbre, ses yeux sont rivés sur la fenêtre du salon du ranch Lon Lon. En ce moment, Talon lit une histoire à Romani, qui est assise sur les jambes de Malon. Mais la petite fille éclate en sanglots. Tout doucement, Malon la berce contre elle, tandis que Talon baisse les yeux. Oui. Il y a un vide. Ce vide c'est Link. Sans lui, rien n'est plus pareil. Link veut tant y retourner pour les rassurer, consoler Romani, rire avec Talon et soutenir Malon. Son coeur crie et lui supplie même de le faire. Mais il ne bouge pas. Il sait bien que, en tant qu'élu, sa place n'est plus auprès de sa famille aimante mais sur un champ de bataille ensanglanté. En refoulant ses larmes, telle une ombre, Link ferme les paupières. Avec un profond chagrin, il finit par quitter les lieux avant de se diriger dans son coin préféré.

* * *

En contemplant la plaine, intacte et brillante grâce à la barrière de Firone, Link se remémore Zelda. Il s'en rappelle comme si c'était hier. Il lui avait fait la promesse de trouver un moyen de la sauver. En esquissant un sourire mélancolique, envahi par la nostalgie qui réchauffe son coeur, il plaque son dos contre le grand chêne. Mais la tristesse et la peur le rattrapent aussitôt. Il se laisse tomber sur ses hanches, désirant se couper du monde et oublier son rôle pendant quelques minutes. Il veut vivre dans une bulle euphorique et tout oublier.

- Li... Link..., murmure une voix étouffée.
Mais comme un enfant, Link commence déjà à s'endormir, sa conscience assommée par la fatigue.
- Link...
Cette fois-ci, la voix résonne plus fort dans sa tête. Link ouvre les paupières. Il cligne des yeux à plusieurs reprises pour découvrir si cette voix est bien réelle ou non.
- Link !
Son coeur a eu un raté. Link prend le courage de se lever et de se retourner. Il n'ose plus bouger, ses yeux rivés avec stupeur sur Zelda, vêtue d'une longue robe blanche simple. Seules ses épaules et ses pieds sont nus. Mais elle ne semble pas être réelle. Son corps est transparent et une aura blanche l'entoure. Malheureusement, ses pupilles sont injectées de sang.
- Zel... Zelda ! s'exclame Link, abasourdi. Est-ce... vraiment toi ?
La jeune femme lui répond par un sourire tendre. En plongeant son regard dans le sien, Link sent l'affolement le gagner.
- Non... Tes yeux ! Ils...
Subitement, il s'approche. Mais alors qu'il s'apprête à la toucher, sa main passe à travers. Attristé de ne pas pouvoir sentir sa peau douce, Link baisse la tête. Zelda pose sa main transparente sur la joue droite de l'élu. Elle trouve encore une fois la force de lui sourire.
- Link... Je peux enfin te voir... Je peux enfin te parler... Lorsque j'ai ressenti le fragment du courage et l'épée de la légende, j'ai enfin pu réussir à te retrouver. Même si le temps nous est compté...
Zelda ferme les yeux et croise ses mains.
- Pardonne-moi, Link... Par ma faute, tu as beaucoup souffert et...
Les larmes aux yeux, elle n'ose pas terminer sa phrase.
- Zelda, ne dis pas de telles choses, réplique Link avec mélancolie. Quand je vais me rendre au château, je te retrouverai ! En attendant, tiens bon, je t'en supplie...
Bien qu'elle paraisse affaiblie, Zelda le regarde droit dans les yeux.
- Link, tu as su écouter mon chant pour obtenir l'épée de la légende... Maintenant, écoute-moi bien à nouveau, c'est très important :
Devenue tout à coup sérieuse, elle refoule ses émotions les plus fortes.
- Lorsque tu verras la Triforce apparaître sous tes yeux après avoir défait la réincarnation de Ganon, je t'en conjure de le faire : au moment de prononcer ton unique voeu, prie pour le salut d'Hyrule en implorant la Triforce de condamner Ganon et ses serviteurs. Tu ne peux faire qu'un seul souhait. Ainsi, Hyrule et tous les êtres seront sauvés et connaîtront à nouveau la paix et la lumière.
Les yeux pleins d'effroi, Link sent son estomac se tordre. Zelda ou Hyrule. Un choix bien cruel qui l'étouffe grandement.
- Mais si je demande à la Triforce de te sauver, tu pourras continuer à vivre, Zelda ! Je... je ne peux pas passer à côté d'une telle opportunité pour essayer de te sauver... Je... Pour Ganon, j'arriverai à le battre et...
- Non... ça sera impossible, coupe Zelda, le visage ferme. Si tu ne fais pas cette prière, Link, tu vas te faire tuer comme dans tes cauchemars... comme ton prédécesseur. Et je ne veux pas connaître cela. Même si tu arrives à défaire Ganon, si tu pries pour ma santé et que tu meures par la suite, je ne trouverai plus la motivation de gouverner en tant que reine dans un monde où tu n'existes plus...
- Zelda..., murmure Link qui peine à retenir ses larmes. Tu ne peux pas être aussi cruelle... Si tu meurs, tu ne pourras plus jamais te réincarner grâce à ta descendance... Mon âme se réincarnera mais souffrira de ton absence. Tu m'infligeras cette douleur pour l'éternité... Alors que si je meurs, mon âme pourra se réincarner.
Zelda lui sourit avec tristesse et secoue douloureusement la tête.
- Link... Lorsque tu arriveras au château et que tu feras agenouiller Vadel à la défaite, la Triforce se complétera et là, tu pourras faire le voeu de sauver Hyrule... La malédiction prendra fin. Si je meurs, il n'y aura plus jamais de descendantes, c'est bien vrai. Mais Ganon quittera enfin ce monde et toi, tu pourras vivre enfin pour toi et non plus pour les autres...
Mais n'arrivant plus à faire taire ses réels sentiments qui se manifestent, Zelda lève les yeux au ciel pour se donner le courage nécessaire. Résolue, elle plonge son regard dans celui de Link.
- Mais avant de te quitter à tout jamais, je veux te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi. Merci de m'avoir rendu le sourire, de m'avoir donné l'espoir de tenir bon jusqu'à aujourd'hui... Merci pour tout, Link... J'emporterai tous mes souvenirs les plus heureux quand je regagnerai le ciel. Là où est ma véritable place et... là où je dois rester à tout jamais...
L'esprit de Zelda commence à disparaître.
- Zelda ! Non ! Attends ! supplie désespérément Link en essayant de la retenir.
Hélas, il passe à travers. Zelda n'ose pas se retourner, les poings serrés. Elle pince les lèvres pour ne pas sangloter. Link se retourne.
- Zelda ! Ne pars pas ! Reste avec moi, je t'en supplie ! Ne me laisse pas ! J'ai besoin de toi !
Mais alors qu'il tend sa main, la lumière blanche éclate et l'éblouit. Agressé par la lueur, Link se frotte les yeux et ouvre mieux ses paupières. Trop tard, la jeune princesse est déjà partie... Link baisse désespérément la tête, bouleversé par la dernière requête de Zelda. Tremblant, il plaque la main gauche contre son coeur battant avec une incroyable tristesse.
- Zelda..., murmure-t-il d'une voix fragile.

* * *

Au même moment, Vadel entre précipitamment dans la cellule au fin fond de la prison d'Hyrule. Sylves, en compagnie d'un autre gardien de ces lieux, recule pour le laisser passer. Le comte s'empresse d'ouvrir le cercueil en bois suspendu contre le mur. Endormie à l'intérieur, Zelda a les bras croisés comme une morte. Cependant, une larme de sang coule sur sa joue gauche. Perturbé, Vadel cherche la réponse dans les yeux rouges de Sylves.

- Une lumière a réellement jailli ?
- Oui, affirme calmement Sylves. Bien que la Princesse soit plongée dans un profond sommeil, elle a réussi à faire manifester un pouvoir. Mais lorsque la lumière nous a tous éblouis, une soudaine tristesse a envahi notre coeur... C'est comme si la princesse pleurait et nous faisait partager sa mélancolie...
Loin d'être indifférent, Vadel se tient contre le cercueil.
- Alors ça veut dire que l'élu du courage ne va pas tarder à arriver ici... Si elle a pu entrer en contact avec lui pour lui dire adieu, cela signifie que la fin de notre souffrance sera bientôt terminée, déclare-t-il avec tristesse.
- Seigneur Vadel...
Vadel regarde Zelda avec un pincement au coeur.
- Continuez de veiller sur elle.
- Mais Seigneur..., interpelle un autre garde assez costaud. Cela veut dire que je verrai ma fille revivre très bientôt ?
Peu sûr de lui, Vadel sent sa gorge se nouer avant de répondre :
- Oui. Bien que nous ayons commis d'horribles crimes, nous retrouverons les personnes que nous aimons... Nous avons le droit aussi...

Sur ses paroles, Vadel quitte la prison. La mort dans l'âme, il continue d'avancer dans le sombre couloir interminable. Subitement, pris par une quinte de toux incessante, il s'écroule sur ses jambes. En crachant du sang, n'arrivant pas à supporter l'horrible repas qu'il a dû dévorer il y a quelques heures, il pousse d'horribles gémissements de douleur. Ganon hurle dans le ciel. Faiblement, Vadel lève la tête au plafond avant de poser ses mains sur ses yeux, les lèvres en sang.

* * *

À Ordiala, la ville la plus proche du château d'Hyrule, Link et les quatre prodiges se réunissent enfin après avoir vécu leur dernier moment de répit. Au sommet de la montagne mythique du village Piaf, chacun fixe avec détermination le château envahi par l'ombre de Ganon. Malgré le coeur lourd après l'adieu déchirant de Zelda, Link regarde droit devant, sans avoir peur du paysage lugubre. Prêt à mener le terrible combat, il dégaine l'épée de la légende. Il la lève courageusement au ciel rougeâtre, priant de recevoir la force nécessaire de ses précédentes incarnations. Ainsi, les armées de chaque peuple, Piaf, Goron, Zora et Gerudo les rejoignent à l'arrière. Chacun va se battre pour Hyrule au péril de sa vie.

Chapitre 36 : Les ruines de la citadelle   up

Sur les terres infertiles, de nombreuses créatures vivent et continuent de piétiner sans vergogne les restes de la nature faible et mourante. De grands Lizafols, araignées et Bokoblins pourrissent le sol.
Mais alors que l'un d'entre eux s'apprête à dévorer les restes d'une carcasse, une flèche en feu atterrit sous son nez. Avec un regard ahuri, il se retourne d'un bloc avant de remarquer la présence de nombreux Piafs archers en haut d'une colline. Derrière eux, se trouve une armée composée de Gerudos, Zoras et Gorons. Les espèces les plus fortes d'Hyrule se joignent au combat. Les soldats, dangereusement armés, sont prêts à braver tous les risques. Teba, Melinda et Azul avancent à pas déterminés jusqu'au bord de la colline. Ils lèvent leur arme à la lame éclatante au ciel rouge.
- Attaquez ! ordonnent-ils à leurs unités en même temps.

L'armée fonce à toute allure en direction des créatures du mal. Link et les prodiges, chacun sur le dos d'un Piaf, arrivent sur les lieux à leur tour pendant que la bataille éclate en dessous d'eux. En atterrissant au sol, un Lizafol s'apprête à attaquer Link par l'arrière. En une fraction de seconde, Link se retourne et l'achève sans aucun scrupule, la lame traversant la tête.

- Link ! Va ! Nous te rejoindrons plus tard comme convenu ! poursuit Impa en dégainant son katana.
Malgré l'inquiétude pour l'armée, Link hoche la tête et accourt en direction du château d'Hyrule, accompagné de Luna et Pawel. Descendu de la colline, Azul regarde avec confiance ses alliés partir. Mais ses yeux jaunes s'écarquillent. Au loin, deux Lynels en argent galopent pour rejoindre l'armée de monstres. Anxieuse, Impa tique.
- Il ne manquait plus que le Lynel... Deux pour le prix d'un même, grommelle-t-elle.
Malgré la peur qui parcourt dans ses écailles bleues, Azul inspire un bon coup en se retournant vers son armée.
- Soldats ! Montrons que le peuple Zora a de quoi prouver sa force en l'honneur du défunt Roi et Miphalia ! s'exclame-t-il avec détermination en tournoyant vaillamment sa lance.
Ainsi, la bataille continue de faire rage. Bien que chaque peuple parvienne à faire barrage aux créatures et à mener le rude combat, le défi reste de taille.

* * *

De son côté, Link et ses deux alliés se hâtent en direction du château. Le décor se répète. Terre morne, arbres morts et desséchés. Mais le plus triste reste la citadelle devenue un tas de ruines. Les maisons détruites illuminées par les rayons de la lune de sang, l'endroit est lugubre et austère. La cloche est à terre, les statues d'Hylia ainsi que les croix ont été brisées sous la colère de Ganon. Certains os, humains et animaux, gisent au sol.

- C'est... c'est horrible... Dire que la citadelle était encore animée il y a quelques semaines... Toute trace de joie semble avoir disparu..., constate Pawel, désoeuvré. Même la cloche montée en l'honneur de la Reine Emilia n'a pas échappé à ce funeste destin...
- Il ne reste rien à part le sang et la vision de la mort..., poursuit tristement Luna. Exactement comme Fenlyr...

Sans voix, Link constate les dégâts plus que conséquents. Il voulait tant éviter un tel désastre. Mais la terre tremble sous ses pieds. Les toits de certaines maisons s'écroulent pour de bon sous le coup des secousses. Côte à côte, le groupe balaye le lieu du regard. Brutalement, une grande créature sort du sol avant de hurler épouvantablement au ciel. Les yeux aussi rouges que la lune qui l'éclaire et le corps squelettique en forme de dragon avec deux grandes cornes, le monstre est effrayant à voir. Son coeur est le seul organe qui bat à toute vitesse dans sa carcasse vide. Pétrifié d'horreur de voir une telle créature faisant plus de six mètres de haut, Link recule en posant sa main tremblante sur le pommeau de son épée.
- Nom de la Déesse Hylia... Cette créature serait-ce... Humbaba ? s'étonne Luna avec un regard horrifié.

En s'efforçant de conserver son sang-froid, Pawel le fixe, les dents serrées. Link se calme finalement et dégaine son épée, déterminé à défier la créature. Humbaba approche sa gueule et essaye de dévorer Luna, figée par la peur. Rapide, Pawel se jette sur elle pour la sauver. Link profite de ce moment pour grimper sur le crâne du monstre. Agité, Humbaba essaye de le faire tomber en se secouant dans tous les sens. En s'agrippant avec hargne à la corne de droite, Link essaye de fracasser le crâne de son ennemi en répétant ses coups à plusieurs reprises. Hélas, même l'épée de légende ne possède pas la force nécessaire pour le briser. Brutalement, Link se prend la patte en pleine face. Au dernier moment, il s'agrippe désespérément à la moelle épinière. Pawel et Luna, encore trop effrayés pour combattre, assistent à la scène avec impuissance. Avec affolement, le capitaine examine les mouvements de la créature. Tout à coup, il remarque que le bas de la colonne vertébrale de Humbaba paraît très sensible, à moitié brisée.

- Link ! interpelle Pawel en se levant. Brise le bas de sa colonne !
Link regarde vers le bas. En effet, il remarque que l'os est fracturé. Mais alors qu'il s'apprête à descendre, Humbaba se penche vers la droite et se frappe volontairement contre une grande maison en ruine pour l'écraser de tout son poids.
- Link ! s'écrie Pawel avec épouvante.

Sans hésitation, il sort son épée et fonce droit sur son ennemi. Humbaba se retourne et remarque subitement sa présence. Avide de le mordre entre ses crocs tranchants, il se remet debout et guette sa nouvelle proie. Malgré le coup qu'il s'est pris, Link se cramponne toujours. Constatant que Pawel attire l'attention du monstre des enfers, il profite pour descendre tout doucement le long de sa colonne vertébrale. Arrivé au niveau du bassin, Link s'empare de son épée et frappe le bout d'os endommagé avec le temps. Au dernier coup fatal, le buste de Humbaba se détache et tombe au sol. Plusieurs parties de son corps se brisent. Malgré cela, le haut du corps bouge toujours autant.

Pawel profite de l'étourdissement de son ennemi pour entrer à l'intérieur de sa carcasse. Une fois proche du coeur, il coupe chaque valve afin de mettre un terme à la vie de l'effroyable créature. En lâchant un ultime hurlement au ciel, les yeux de Humbaba se figent dans le vide. Son corps en morceaux est à présent inerte. Seule la poussière des ruines danse dans le ciel. Link s'extirpe des ossements du monstre, épuisé mais indemne. Avec soulagement, Pawel s'empresse de l'aider à se lever pour le soutenir. Tandis que Luna s'approche, encore effrayée par la créature. Les trois alliés, encore sous l'effet du combat éprouvant, fixent longuement la carcasse.

* * *

Au même moment, alors que les Gerudos se battent dans la partie est de la plaine, Azul et Teba affrontent toujours le Lynel en argent à l'opposé. Le deuxième s'est enfui pour une étrange raison.
Anxieux, bien que du sang coule de son bras gauche, le Zora le fixe. Le Lynel hurle et charge à toute allure pour le tuer en faisant danser sa lame argentée épaisse. Volant dans le ciel, Teba décoche de nombreuses flèches dans sa direction. Hélas, le centaure parvient à les esquiver.
- Oh non ! Votre majesté ! s'écrit le Piaf en tentant de s'interposer.

En essayant de calmer sa peur, alors que le Lynel s'apprête à donner le coup de grâce, Azul fait un bond au dernier moment. Dans les airs, il se propulse en plantant violemment sa lance dans le coeur de son ennemi. Hurlant de douleur, le Lynel s'agite dans tous les sens avant de tomber sur ses pattes.
Longuement, le roi Zora maintient son coup. Ainsi, l'impressionnante créature s'écroule au sol. Sa tête se noie dans sa propre flaque de sang. Victorieux sur le dos du Lynel, Azul se lève impressionné par sa propre victoire. Il tombe sur ses jambes, le souffle court.
- Votre Majesté... C'était... c'était incroyable ! complimente Teba en le rejoignant.
- Vous avez tué à vous seul le Lynel tout comme votre père ! ajoute un autre Zora, impressionné. Vous nous avez protégés...

Azul regarde fixement sa lance en sang. Désormais sûr de sa propre force, il ferme les yeux, la tête posée contre son arme. Mais hélas, un hurlement retentit. Une plus grande armée de créatures arrive, encore plus féroce et plus puissante. Malgré l'anxiété, Azul esquisse un sourire froid, déterminé à les battre. Teba s'approche en essayant de rester confiant, il prépare son arc.
- Je crois que nous sommes loin d'en avoir terminé, constate-t-il avec ironie.
- Oh que oui, mon brave..., répond Azul sur ses gardes. Très loin...

Ainsi, la plaine est animée par de nombreux raffuts. Seul Ganon hurle avec épouvante dans le ciel.

* * *

Au château d'Hyrule, à partir de sa salle de trône, Vadel écarquille les yeux après avoir entendu le hurlement.
- Déjà... ? s'étonne-t-il se levant. Alors ça y est !
- Mon Seigneur ! s'exclame Sylves en entrant comme un fou furieux dans le hall. L'armée du porteur du courage sera bientôt à notre porte ! Kurna est déjà sur les lieux. Mais si jamais son plan échoue, quel ordre devons-nous appliquer ?
- Tue ses compagnons et amène l'élu vivant ici, ordonne sans hésitation Vadel. Exécution !
Peu à l'aise, Sylves rétorque :
- Mais mon Seigneur, l'un de ses alliés est... Je...
Tout à coup, Ganon lâche un puissant rugissement dans le ciel comme s'il veut interrompre la discussion.
- Sylves, tu ferais mieux de te dépêcher ! presse Vadel en perdant peu à peu son sang-froid.
Malgré la contrainte, l'intéressé acquiesce et quitte hâtivement la salle. Vadel se lève et se dirige vers le balcon en attendant patiemment le dernier fragment arriver jusqu'à lui.

* * *

Devant l'entrée de cette même demeure imposante, Link monte les escaliers en compagnie de Pawel et Luna. Les yeux levés, le jeune homme s'arrête, impressionné par l'architecture gothique du château. De toute sa vie, c'est la première fois qu'il le voit d'aussi près. Jusqu'à aujourd'hui, l'entrée de cette demeure fastueuse lui était inconnue. Seules les statuettes représentant le Roi ainsi que la déesse Hylia ont été brisées. Les vitraux endommagés, le majestueux château d'antan a désormais l'allure d'un grand tas de ruines. Le ciel oscille entre le rouge sang de la lune et la brume violette, couleur de la mort. Une aura monstrueuse s'agite en haut des tours.

"Dire que c'est ici que la famille royale a résidé et que... Raven s'était présenté en tant que capitaine... Quelle ambiance maussade...", pense Link, à la fois ébahi et triste.

Luna scrute les alentours, tandis que Pawel s'efforce de rester impassible. Il réprime ses émotions intérieurement. Link serre le pommeau de son épée pour se donner du courage. Sans hésitation, il monte les dernières marches en sentant le rythme cardiaque s'accélérer contre sa poitrine. Une fois arrivé au sommet, le sceau se brise et la grande double porte grinçante s'ouvre. En retenant son souffle, Link et ses deux prodiges regardent droit devant eux, prêts à entrer dans le château enveloppé par la noirceur de la mort.

Chapitre 37 : Le château d'Hyrule   up

Dans le grand hall lugubre, éclairé légèrement par des cierges blancs accrochés sur les balustres des escaliers tapissés en rouge, les bruits de pas de Link, suivis par ses deux fidèles alliés, résonnent sur le carrelage noir. Surpris de constater que le calme règne dans l'antre de Ganon, aussi néfaste soit-elle, il prend le temps de regarder autour de lui. De grandes peintures aux paysages abstraits sont accrochées sur les murs gris abîmés.

Alors que la foudre éclate dans le ciel, elle trahit une présence discrète au coeur des escaliers, figurant dans le champ de vision du petit groupe. Sur ses gardes, Link retient son souffle. Pawel et Luna dégainent leurs armes, le regard rivé droit devant. Des bruits de pas claquent au sol. Dans l'ombre, la présence descend quelques marches.

- Pawel... Tu es enfin revenu à moi..., lâche une voix féminine qui lui est familière.
Abasourdi, le capitaine baisse son arme avant de remarquer Leyna, le visage ferme éclairé par la flamme du cierge. Le coeur de Link a un raté. Sa bouche s'ouvre d'étonnement.
- Leyna..., murmure Pawel. C'est impossible, tu ne devrais pas être...
Mais rapidement, il sent un étrange sentiment le submerger comme une soudaine attirance.
- Pawel ! Ressaisis-toi ! s'écrie Link avec perplexité. C'est un piège ! Leyna ne peut pas être ici ! Tu le sais aussi bien que moi !
Méfiante, Luna grogne dans sa direction.
- Pawel... Cette louve qui est à côté de toi... Elle... rlle a voulu me tuer pendant ton absence..., révèle Leyna en croisant ses mains tremblantes, les larmes aux yeux.
- C'est... c'est impossible ! rétorque Pawel en agitant son épée dans tous les sens pour se calmer. Tu n'es pas Leyna !
Apeurée, elle recule, la main sur son thorax comme si elle subit un malaise.
- Pawel... Tu vas me tuer... ? Tu as décidé de me tuer parce que j'étais une Yiga... ? Toi aussi, tu veux ma mort ?
Interloqué, Pawel la fixe avec un regard poignant.
- Pawel ! Ne l'écoute pas ! Je vais me débarrasser aussitôt de cette illusion ! annonce Luna en tournoyant sa dague.

Férocement, elle accourt. Terrifiée, Leyna hurle en cachant son visage. Aussitôt, Pawel accourt et couvre la jeune femme comme un bouclier humain. Il darde du regard Luna comme si elle était devenue une menace. Luna s'arrête et grogne toujours aussi, ses grands sourcils blancs froncés et les poils un peu hérissés.
- Diantre ! Pawel ! Dégage d'ici ! régente-t-elle d'un ton agressif.
Pawel pointe son arme dans sa direction, complètement manipulé par l'aura de Leyna.
- Si tu oses lever ta dague sur elle, je te tuerai ! réplique-t-il en lui jetant un regard envahi par une folie meurtrière.
En sentant son coeur tressaillir, Luna recule et serre les crocs. Hors de question pour elle de croiser le fer avec son allié.
- Pawel ! Tue-la ! ordonne Leyna en tendant sa main dans sa direction.

Bien que Pawel s'efforce de reprendre conscience en secouant sa tête comme un pantin, il succombe finalement à l'ordre comme un pantin contrôlé par des fils. Un sourire à glacer le sang monte à ses lèvres au fur et à mesure qu'il dévisage Luna.
- Bien..., murmure-t-il.
Pawel fonce dans sa direction afin de tenter de la tuer. Luna esquive et contre-attaque en modérant ses coups.
- Pawel ! Arrête ! hurle-t-elle avec affolement.
- Ignore ses protestations et tue-la ! encourage Leyna avec un sourire hystérique. Protège-moi !

Fou furieux, Pawel continue d'enchaîner ses coups d'une manière aussi répétée que ceux d'un automate. Désoeuvré, Link assiste à la scène en retrait. Les armes des deux prodiges s'entrechoquent à une vitesse folle et Luna pousse soudain un cri de surprise en laissant échapper sa dague de ses pattes. En voulant esquiver le coup de son allié, elle trébuche et tombe au sol, sur ses hanches. Complètement hagard, Pawel ricane et se dirige dans sa direction. Impuissante, Luna se crispe, tel un animal tremblant de peur devant un chasseur qui la traque sans aucune pitié. Au dernier moment, Link la couvre et pare le coup final de Pawel. En revivant l'horrible sensation de revivre le combat avec le Yiga qui avait imité son apparence à Cocorico, il n'ose pas regarder son ami droit dans les yeux, par peur de reproduire la même erreur : le tuer.

- Pawel ! Reviens-nous ! hurle Link en croisant le fer contre son ami. Je ne veux pas te causer de la souffrance ! Ne me fais pas subir ça...
Le regard poignant, il sait qu'il ne pourra pas tenir plus longtemps. C'est soit lui ou soit Pawel.
- Li... Link..., murmure Pawel, le visage tout à coup affaibli.
- Oui, Pawel ! Tue ce pathétique élu du courage ! ordonne Kurna en reprenant sa véritable apparence. Fais-le pour moi ! Pour notre avenir !
L'esprit déboussolé à cause de la torture psychologique, le capitaine ne sait plus qui croire. Il a envie de se taper la tête contre les murs pour se reprendre et écouter ce que son coeur lui dicte : épargner Link et tuer Kurna. Mais l'aura est beaucoup trop forte pour qu'il lutte.
- Mais qu'attends-tu, misérable ? Tue-le ! presse Kurna, de plus en plus impatiente.
- Kurna ! Ça suffit ! ordonne Sylves en entrant dans la salle par l'étage.

La jeune femme se retourne vers son allié et stoppe Pawel en claquant ses doigts. Tel un pantin, le capitaine reste figé, les yeux désormais vides d'expression. Luna n'ose pas se lever, ses yeux rivés avec horreur sur Sylves après l'avoir reconnu. Link s'agenouille auprès d'elle pour la soutenir contre lui. Surpris de revoir la louve blanche, Sylves lui adresse un triste sourire.
- Sylves ! fulmine Kurna en le dardant du regard. Pourquoi tu...
- As-tu oublié notre devoir ? Il faut que le héros reste en vie ! Je vois cependant que ton plan personnel a échoué ! réplique Sylves en se retournant vers cette dernière. Brise la manipulation de cet homme que tu contrôles !
- Tu ne comprends pas ? Il nous faut au moins un homme qui soit prêt à mourir bêtement ! Les autres imbéciles ne se battent même pas pour défendre le château !
- Ils ne veulent pas perdre la vie en attendant la résurrection de leur proche comme a promis notre Maître !
- Tss ! Cela m'est égal ! Si cet élu meurt, il restera toujours Argota malgré le prix à payer ! Comme ça, si un imbécile souhaite la résurrection, il payera le prix de sa vie. De toute façon, tu es de mon côté, non ?

Intrigué par ces paroles, Link la regarde fixement. Il repense aussitôt à la proposition de l'infâme esprit.
- Argota ne peut pas ressusciter les morts en chair et en os. C'est pour cela que la Triforce nous est nécessaire ! Je ne veux pas que les années noires que j'ai passées se soient révélées vaines à cause de ta maudite obsession : ça c'est ce que j'appelle un but bien orgueilleux.., se moque Sylves avec un triste sourire. Comme le mien l'a été il y a quelques années...
Contrariée par la vérité blessante, Kurna serre ses poings gourds de colère. Elle avance de quelques pas, enveloppée par une inquiétante aura enflammée.
- Misérable traître ! s'égosille-t-elle, les larmes aux yeux. Même toi, tu ne comprends pas mes sentiments ! Toi et les autres... Vous avez été toujours des obstacles !

Sylves pare les étincelles de flammes grâce à son bouclier de glace. Mais il fond instantanément sous l'insoutenable chaleur. En tiquant, il recule avant de foncer dans sa direction, armé de sa rapière. Kurna esquive ses coups et s'empare de sa dague enflammée. Agressivement, les sujets les plus fidèles de Pawel se battent entre eux sous les yeux de Link et de Luna qui ne peuvent pas intervenir. Sylves esquive les coups de dague de la sorcière en essayant de forcer une ouverture pour la poignarder. Mais hélas, en s'enflammant de plus en plus, Kurna parvient à érafler le bras droit de son ancien allié.

Paralysé par la douleur, Sylves s'écroule sur ses jambes et lâche des gémissements. Alors qu'il est sur le point de se lever, la lame de la dague de Kurna transperce fructueusement son estomac. Avec horreur, Link détourne du regard, tandis que Luna, de plus en plus désemparée, sort les crocs. À toute allure, elle se lève et fonce vers Kurna comme une bête enragée en courant à quatre pattes. Au moment où la jeune femme se retourne, Luna fait appel à son instinct sauvage. Elle se jette sur elle et mord bestialement son cou. Kurna lâche la dague et pousse un incroyable hurlement de douleur.

- Pa... Pawel ! Sauve-moi !
Alors que Link tente de le retenir, Pawel fonce vers Luna. Au dernier moment, la louve esquive et se met sur ses gardes à quatre pattes, la gueule en sang et les yeux brillants de colère.
- Suis... suis-moi ! ordonne Kurna en empoignant le bras de Pawel avant de se téléporter.
- Pawel ! Non ! hurle désespérément Link en accourant.

Mais trop tard. Frustré et fou d'inquiétude à l'idée qu'il arrive quelque chose à son ami, il serre ses poings en fermant ses paupières. La conscience humaine de retour, Luna se lève en s'essuyant la gueule, le souffle court. Puis, elle entend des gémissements de douleur derrière elle. Allongé au sol sur le dos, dans sa propre flaque de sang, Sylves agonise. Son torse palpite très faiblement et ses jambes tremblent de froid.

- Sylves..., murmure Luna en s'agenouillant auprès de lui. Pourquoi as-tu fait ça... ?
Faiblement, Sylves lui sourit avant de lui déclarer :
- Cérès... C'est vraiment toi... C'est bon de te revoir... Tes yeux sont restés les mêmes : toujours aussi beaux... C'est un miracle que tu aies survécu...
Silencieusement, Link les regarde, constatant que les deux se connaissent bien.
- J'ai mis très longtemps à... vouloir essayer de me dresser contre Vadel, révèle Luna d'une voix fragile. J'imagine que s'il me voit à nouveau, il... il...
- Cérès... Tends-moi ta main, s'il te plaît, supplie désespérément Sylves.
Avec mélancolie, la louve s'exécute. Sans dire un mot, Sylves lui remet un flacon contenant un étrange liquide aussi rouge que le sang.
- Qu'est-ce... ?
- Le contrepoison pour que tu puisses retrouver ta véritable forme... Lorsque j'ai su que tu étais en vie, je l'ai concocté pour que tu puisses retrouver Vadel... Lorsqu'il a pensé que tu étais morte, il était fou de chagrin... Et c'est à partir de là qu'il a commencé à chercher un moyen pour te ramener à la vie... C'est pourquoi il est parti en quête de la Triforce en devenant notre chef... Moi aussi, je voulais que tu reviennes à la vie. Donc, c'est pourquoi, je l'ai rejoint dans sa cause, bien qu'il ait fallu obéir avant tout à Ganon qui te voyait comme un obstacle...
- Un obstacle... ? s'étonne Luna, de plus en plus bouleversée.
- Si... si tu étais encore vivante, Vadel aurait réussi à reprendre le dessus. Plus il arriverait à écouter ses sentiments, moins Ganon serait puissant... C'est pourquoi, dans nos cauchemars, à moi et Kurna, il nous a ordonné de te tuer... Donc, Kurna m'a forcé à créer du poison pour que tu tombes malade et que tu meurs. Mais en te voyant souffrir, je ne voulais pas me résoudre à te tuer, donc j'ai modifié au dernier moment le contenu du dernier flacon derrière le dos de Kurna et les autres... Mais tu as cessé de respirer... Sache Cérès que c'est moi qui t'ai enveloppée dans une couverture et j'ai poussé ton cercueil à la mer pour que tu puisses retrouver la paix... Loin de tout ça... Je voulais... que... que tu sois heureuse, Cérès... parce que je tiens beaucoup à toi... Plus que tu ne le penses...

Les larmes aux yeux, Luna couine et caresse le front de Sylves, à la fois touchée et triste.
- Sylves..., murmure-t-elle avec un profond chagrin.
Loin d'être indifférent, Link assiste à la scène avec mélancolie. Sylves se tourne dans sa direction et rassemble ses dernières forces pour lui parler.
- Link... S'il vous plaît, conduisez et protégez Cérès jusqu'à ce qu'elle retrouve Vadel... Ainsi, il renoncera à l'idée folle de sacrifier la Princesse Zelda devant la Triforce...
Les yeux écarquillés en sentant sa gorge se nouer, Link répète :
- Sacrifier... ?
- Oui... Pour qu'une âme revienne de la vie, elle doit se réincarner dans un corps... : Il désirait que Cérès se réincarne dans le corps de la Princesse Zelda.

Pantois par la révélation, Link reste figé, comprenant absolument tout : le mariage, l'enlèvement, sa présence. La Triforce était avant tout le dernier espoir de Vadel pour ressusciter celle qu'il aime en laissant Ganon régner sur Hyrule.
- Toutes ces souffrances pour... ça... ? se demande Luna, sous le choc. Pour moi... ?
Attristée en sentant la culpabilité l'envahir, la louve baisse la tête, la patte sur sa mâchoire.
- Cérès, ne te reproche rien... Surtout que c'est toi qui parviendras à sauver Vadel de sa... folie..., répond Sylves, de plus en plus faible.
- Sylves ! s'exclame Luna en voulant le retenir à la vie.
Peu à peu, Sylves ferme les yeux avant de rendre son dernier soupir. Inerte, son âme quitte Hyrule avec apaisement. Luna ne retient pas ses larmes et sourit avec mélancolie. Une dernière fois, elle regarde Sylves en posant sa patte sur sa joue droite ensanglantée. Ses beaux cheveux argentés sauvages, bien qu'ils soient teintés presque en rouge, sont à l'image de son âme pure et sauvage. Link s'approche et pose la main sur son épaule pour la soutenir en s'agenouillant derrière elle. Sans un mot, la louve fixe la fiole, résolue à le boire.

* * *

Au même moment, Kurna revient dans la salle du trône. Souffrante, elle traîne difficilement ses jambes. Comme un spectateur, Vadel observe le champ de bataille à partir du balcon.
- Seigneur Vadel... Je... je n'ai pas réussi à manipuler le porteur du courage... Je crains qu'il ne faille passer par la force pour le faire venir ici..., annonce Kurna entre deux halètements.
- Par la force..., murmure Vadel en se retournant lentement dans sa direction.
Kurna affirme d'un signe de la tête. Cependant, en constatant le manque d'émotion dans les yeux de celui qu'elle admire tant, elle s'approche avec un triste sourire.
- Seigneur Vadel... J'ai... je suis blessée... J'ai... mal...
- Et alors ? demande finalement Vadel, indifférent. Cela ne corrigera pas ton échec... Il ne faut surtout pas que le héros meure... Espérons que Sylves saura faire du bon boulot au moins.
Souffrante de cette réponse, Kurna baisse la tête, essoufflée.
- Seigneur Vadel... Sylves a péri... Ils l'ont tué..., ment-elle, le souffle coupé.

Avec un regard horrifié, Vadel recule, dévasté par la nouvelle. Le sujet en qui il a placé toute sa confiance est désormais mort.
- Malédiction... Sylves... mort... Non...
Choqué, il croise ses bras. La tristesse l'envahit et ses yeux rouges se rivent dans le vide.
- Vadel... Je... je suis là...
Aussitôt, il se retourne après avoir reconnu la voix qui lui est tant familière. Mais en voyant Cérès, le cou en sang, ses prunelles rubis s'élargissent avec effroi. Kurna se trémousse presque et lui sourit avec tendresse sous l'apparence de Cérès.
- Vadel... Regarde-moi... Pourquoi as-tu besoin de plus alors que je suis là... ? Je peux maintenir cette apparence pour toujours et...
- Fiche-moi le camp, Kurna ! Va au diable ! s'exclame-t-il avec froideur en se retournant. Tu peux aller mourir maintenant que tu ne me sers plus à rien.

Horrifiée par de telles paroles douloureuses, la jeune femme reprend son apparence d'origine. Elle éclate en sanglots, blessée. La douleur cogne sans cesse en elle. L'image insupportable en tête, Vadel ignore les pleurs de Kurna et pose la main sur ses yeux, tremblant. Avec frustration, il crée de nombreux portails sur la plaine d'Hyrule afin de ralentir les envahisseurs.

Chapitre 38 : L'éclat de la Triforce   up

Hâtivement, Link et Luna montent les grands escaliers. Les éclairs claquent et chassent l'obscurité du couloir. La lumière vive filtre sans cesse les grandes fenêtres et vitraux qui retracent le passé d'Hyrule. La naissance de Ganon, la citadelle, l'apparition du héros habillé tout en vert et une déesse aux cheveux dorés baignée dans une aura blanche. De nombreuses toiles représentant la famille royale sont accrochées aux murs. Plusieurs générations semblent avoir traversé le cours du temps.

Essoufflé en sentant un léger point de côté, Link s'arrête. Une peinture attire toute son attention. Une de ces incarnations précédentes. Imaginé par le peintre, le héros pointe l'épée de légende en hauteur. Sa tunique est aussi bleue que le ciel pur qui semble nourrir la lame légendaire d'espoirs tandis que ses cheveux châtain clair sont attachés en queue de cheval. Il se trouve au coeur d'une forêt vivante. Sur la plaque dorée située en dessous de l'oeuvre, il est gravé "Héros des landes".
- C'est une... ancienne incarnation..., constate Link, ne pouvant pas s'empêcher d'admirer la toile à moitié abîmée.
- Il y en a une autre là-bas, annonce Luna, le corps un peu tremblant.

Intrigué, Link s'approche et remarque aussitôt un héros qui est cette fois-ci son portrait craché. Le visage à la fois froid et anxieux, il pointe l'épée de légende sur sa droite comme s'il dirige une armée. La tunique verte et ses cheveux châtain foncé, la toile attribue au héros une beauté sans pareille. Sur la plaque dorée, il est gravé : "À notre bien-aimé héros de l'espoir, mort au combat".
- Alors c'est... lui... l'incarnation précédente..., relève Link avec intérêt en posant la main sur la toile.
Son coeur palpite. De toutes ses incarnations, c'est avec celle-ci qu'il se sent étroitement lié.
- Oui... d'après ce que ta mère m'a raconté jadis, ce héros était le capitaine de l'armée royale de la princesse Zelda... Il était assez prétentieux et même égoïste... Il détestait la princesse et par-dessus tout, le roi qui l'a enfermé dans une cellule pendant cinq ans.
Surpris par de telles révélations, Link se retourne vers Luna.
- Enfermé pendant cinq ans... Mais pourquoi ?

Luna inspire un bon coup avant de poursuivre :
- Son ombre a pris le contrôle de son corps et a commencé à s'en prendre à de nombreuses personnes. Elle devenait de plus en plus puissante. Le roi a eu tellement peur pour la vie de ses sujets qu'il a décidé de l'enfermer pendant toutes ces années. Il ne voulait pas le tuer car il fallait que l'élu de ce siècle vive. Et peu de temps après la mort du roi, celle qui l'a libéré et qui l'a aidé à accepter le fragment du courage n'était nul autre que la Princesse Zelda. Au fur et à mesure qu'il a voyagé avec elle, il a commencé à devenir de plus en plus humain. Mais durant sa confrontation contre Ganon, il a sacrifié sa vie pour protéger la princesse par amour pour elle...

Au fond, Link parvient à comprendre les émotions et les sentiments de son prédécesseur. Bien qu'il ressent le désir d'en savoir plus, il tourne les talons et continue de monter les marches des escaliers qui l'attendent. Le temps lui manque cruellement pour imaginer et découvrir les mystères qui entourent l'âme de son passé. Plus il monte, plus son coeur cogne contre sa poitrine. Il étouffe en sentant sa peau suer sous sa tunique verte et sale. Ses cheveux sont un peu trempés. Mais il tente d'ignorer les maux dérangeants de son corps. Plus rien ne compte pour lui à part retrouver la Princesse Zelda et faire taire à tout jamais l'obsession de Ganon dans le corps de Vadel. Arrivé à la dernière marche, Link s'arrête devant une grande double porte en bois massif. En respirant un bon coup, il l'ouvre de toutes ses forces sous les yeux de Luna. Essoufflée sous les effets de l'antidote qui parcoure lentement ses veines et ses organes, la louve s'efforce de marcher du mieux qu'elle peut.

Une grande salle les accueille. Le sol carrelé en blanc et les murs noirs, cette pièce est assez maussade. De grands rideaux rouges cachent les vitraux. De nombreuses statues d'armures sont positionnées contre le mur. En effet, cette aile est dédiée aux plus grands chevaliers de l'armée d'Hyrule. Seul Raven n'y figure pas, mort sous le cimeterre de Fenlyr. Peu à peu, des bruits de pas résonnent et attirent l'attention de Link et de Luna. Sous leurs yeux, un chevalier en armure noire s'approche. Son heaume couvre l'intégralité de son visage. Il dégaine son épée d'une main experte avant de la pointer droit devant eux. Maladroitement, Luna s'empare de sa dague mais Link la stoppe d'un geste à la main. Comprenant que le chevalier lui lance un défi, il avance et dégaine l'épée légendaire de son fourreau. Il dévisage son ennemi sans dire un mot. D'une seule traite, il accourt dans sa direction. Le chevalier pare sans aucune difficulté et pendant de nombreuses secondes, les deux épéistes croisent le fer. Avec un regard poignant, Link serre les dents. Le corps tremblant, il tente de supporter le rapport de forces. Le fragment s'illuminant et l'épée brillante, il n'hésite pas à utiliser sa puissance pour le repousser avec brutalité. Peu secoué, le chevalier se relève, résolu à poursuivre le combat jusqu'à la mort. Link reprend son souffle et pointe son épée dans sa direction.

- Pawel... Laisse-moi passer.
Le chevalier proteste en agitant sa lame avec agressivité. En tentant de conserver son calme, Link lève désespérément les yeux au plafond. L'angoisse trouble à présent sa respiration et fragilise ses muscles.
- Ne m'oblige pas... à commettre une telle chose..., déclare-t-il avec difficulté. Je ne veux pas te tuer... Je préfère même mourir que de te faire ça...
Mais le chevalier ne l'écoute pas et fonce à toute allure pour le combattre. Piégé dans ce combat sans fin, l'élu se défend uniquement, n'osant pas l'attaquer.
- Pawel... Par pitié, arrête ! implore Luna, le regard désespéré. Tu ne reconnais pas Link ?
Le chevalier s'arrête et recule en secouant sa tête comme un robot défectueux. Pendant plusieurs secondes, il pose ses mains contre son heaume et lâche des gémissements de douleur rauques. En réprimant difficilement ses larmes, Link s'approche doucement.
- Pawel... ? murmure-t-il.
Le chevalier baisse la tête et respire de plus en plus vite. Sans crier gare, il fonce dans la direction de Link. Avec une incroyable puissance, il parvient à le désarmer avant de s'accoler à lui. Le visage médusé, Link sent une soudaine douleur au ventre. Tremblant, il s'appuie contre le torse de son ami avec un triste sourire avant de s'évanouir de douleur.
- Link ! Non ! hurle Luna en s'apprêtant à le joindre.

Subitement, Pawel pointe son épée dans sa direction pour la dissuader d'avancer. En le dardant du regard avec une soudaine hostilité, elle sort sa dague, prête à se battre contre lui. Cette fois-ci, la peau est écrasée par la colère. Mais un rire féminin résonne dans la pièce. Luna se retourne d'un bloc vers l'entrée et remarque enfin Kurna. Le cou en sang et le regard à moitié affaibli et délirant, elle avance. Sa tunique est lacérée, elle applaudit des mains.
- Quel magnifique spectacle ! Je savais que Pawel serait une arme redoutable.
- Kurna..., grogne Luna avec une profonde haine.
- Pas la peine de montrer tes crocs. Au moins, lorsque tu seras morte, je prendrai pour l'éternité ta place et ta fourrure fera une bonne couverture ! crie hystériquement Kurna en s'éclaffant de rire.
Pawel s'approche de Kurna avant de s'agenouiller avec respect. Attendrie, la sorcière Yiga se calme et masse son cou pour calmer légèrement sa douleur.
- Que c'est adorable... Un pantin possède toujours un coeur... Si Maître Vadel n'existait pas, j'aurais jeté mon dévolu sur lui.

Avec un sourire éloquent, Kurna s'approche de Pawel et se met à sa hauteur pour se coller contre son armure.
- Brave chevalier... Je t'ordonne de tuer cette louve ! ordonne la jeune femme avec froideur. Après ça, mets fin à ta propre vie.
Le chevalier ne dit aucun mot. Sûre d'elle, Kurna s'apprête à se lever. Subitement, elle lâche un cri de douleur après avoir senti une épée transpercer son estomac par l'avant. L'épée de Pawel. La sorcière le fixe avec épouvante sous les yeux interloqués de Luna. Sans aucun scrupule, Pawel retire l'arme en sang et effectue un bond en arrière.
- Argh ! gémit Kurna. Non ! Toi ! Tu t'es payé ma tête !
Pawel retire son casque et le jette au sol sans aucune émotion.
- Tu croyais que tes séductions pouvaient vraiment continuer à jouer sur moi ? Ne te moque pas de moi ! déclare-t-il avec amertume. Je n'ai aucune envie de te laisser pervertir mon âme.
Faiblement, Link se lève, sa main gauche contre son ventre. Luna s'agenouille auprès de lui et l'aide à se tenir debout.
- Il... il vit ! C'est impossible ! s'écrie Kurna incrédule. Je... je ne peux pas mourir en étant si près du but... Non, je ne peux pas ! Vadel... Seigneur Vadel ! Sauvez-moi ! Sauvez-moi, je vous en supplie ! Envoyez-moi l'aura de Ganon !

Tremblante, Kurna sanglote et agonise au sol dans l'espoir que Vadel la guérisse. Sa flaque de sang s'élargit, sa peau de miel perd sa couleur et ses prunelles rouges sont élargies par la folie. Mais Vadel ignore ses supplications. Aucune réponse, aucune réaction et aucun acte. En succombant au désespoir et à ses blessures, elle s'évanouit.
- Quelle horreur..., s'exprime Pawel en détournant du regard, ne prenant aucune satisfaction personnelle de voir le corps de Kurna en sang.
- Oui, Ganon ne connaît aucune pitié, explique Luna en croisant ses bras. Mais quelque part, c'est une parfaite fin pour celle qui a osé tout me prendre... Moi non plus, je ne ressens aucune pitié... Seulement de la haine.
Link s'approche de Pawel.
- Pawel, je suis rassuré que tu aies réussi à reprendre conscience à temps. J'ai eu peur de...
Son mentor lui frotte la tête comme un père, inconsciemment de la même façon que Raven.
- Désolé de t'avoir fait du mal, Link. Elle m'a sous-estimé... Mais, le plus triste sera d'expliquer à Leyna... Mais nous n'avons pas eu le choix..., dit-il avant de se tourner. Luna... Je suis désolé d'avoir failli te tuer...
Luna lui rend un sourire compréhensif, loin d'être rancunière.
- Non... Je vous empêcherai d'aller le voir ! hurle la voix de Kurna.
Chacun se retourne avec horreur avant de remarquer l'âme de Kurna, entourée par des petites flammes vertes.
- Non... elle n'est pas encore morte ? s'étonne Link avec effroi.
- Mon âme, vendue à un être aussi abominable que vous, vous hantera et vous plongera dans la mort ! Je ne vous laisserai pas revoir Vadel !

Grâce au pacte passé avec Argota au moment de sa mort, le corps de Kurna flotte dans les airs et commence à muter, enveloppé par une inquiétante aura noire et rouge. Les flammes brûlent sa chair et une écoeurante odeur en s'échappe. Les ailes en feu et la tête affreuse, une grande gargouille à la peau nue vole en poussant un monstrueux hurlement. Ses yeux injectés de sang sont ivres de vengeance, tandis que ses crocs ressortent de sa mâchoire, prêts à déchiqueter une peau fragile. Impressionnés et apeurés par la grande taille de la créature, les trois alliés reculent. Comme une furie, elle fonce dans leur direction. Au dernier moment, ils esquivent. Mais Luna sent une étincelle de flamme lui brûler l'épaule gauche. En couinant de douleur, elle constate qu'un morceau de sa fourrure a brûlé et que quelques gouttes de sang coulent.
- Luna ! s'inquiète aussitôt Link à ses côtés. Est-ce que ça va ?
- Oui... C'est seulement une brûlure...
Avec brutalité, la gargouille crache une ligne de feu, séparant ainsi Link et Luna de Pawel qui reste coincé au milieu de la pièce. La barrière enflammée ne se dissipe pas et consume les rideaux rouges.
- Il ne manquait plus que ça... Link ! Fuis avec Luna ! ordonne Pawel, en garde.
- Tu plaisantes ou quoi ? Il est hors de question de te laisser seul ici ! rétorque Link en s'approchant de la barrière.
- Ne discute pas et pars ! Tu dois à tout prix sauver la Princesse Zelda et arrêter Vadel ! J'arriverai à la battre exactement tout comme j'ai réussi à reprendre ma conscience grâce à toi... Je survivrai !
Malgré l'horrible poids sur ses épaules, Link sait qu'il n'a pas d'autre choix que d'accepter. Le temps lui est compté et il ne peut rien faire pour sortir Pawel de cette situation. Absolument rien du tout.
- Pawel, je te supplie de faire attention...
Dépité par son impuissance, Link s'enfuit de la salle, suivi par Luna. Désormais seul, Pawel fixe avec anxiété l'effroyable gargouille. En retenant son souffle, il tente de conserver son sang-froid, peu importe s'il embrasse la vie ou la mort dans cet affront.

* * *

Link et Luna montent à toute hâte les derniers escaliers avant d'atteindre finalement le sommet. Cette fois-ci, les fenêtres brisées donnent vue sur un immense jardin infertile ainsi qu'un grand arbre mort. L'aura malsaine de Ganon entoure les fenêtres et amplifie l'atmosphère très pesante. Soudainement, Luna s'arrête et se plaque contre le mur, essoufflée à cause de sa brûlure et des effets de l'antidote. Link se retourne et la rejoint de quelques marches.
- Luna ! Tout va bien... ? s'inquiète-t-il.
- Oui... c'est juste que c'est un peu douloureux... Haha... Cette potion en met du temps pour faire son effet, ironise Luna avec un triste sourire. Mais Link, comment ça se fait que tu as su que Pawel avait retrouvé ses esprits... ?
- Lorsqu'il s'est accolé à moi, il m'a murmuré "fais-moi confiance". Donc, au moment où il m'a cogné le ventre avec le pommeau de son arme, j'ai fait semblant de tomber... Bien que la douleur a été vraiment réelle sur le coup... Après tout, je savais que Kurna nous regardait car j'ai senti son parfum...
- Pawel s'en sortira. C'est sûr... Il ne peut pas mourir aussi bêtement. Mais Link, tu ferais mieux de continuer. Je te rejoindrai quand ça ira mieux... Et puis, je ne veux pas que tu me regardes devenir peu à peu une humaine... Ça sera peut-être gênant... Donc... va, s'il te plaît ! Il faut que tu sauves la princesse Zelda ! Elle t'attend.

Même si l'idée de laisser Luna derrière lui ne lui plaît pas, Link n'a pas d'autres choix que d'accepter. Hâtivement, il monte les dernières marches des escaliers qui l'acheminent directement à la porte de la salle du trône. Le rideau rouge de la Triforce arraché sur le mur, Link ouvre finalement le dernier obstacle avec un coeur troublé. En premier lieu, il voit le siège du trône. La foudre et l'aura violette sont les seules lumières de cette pièce si lugubre. Sur le balcon, Vadel sent la présence de Link derrière lui et Ganon hurle avec colère. Son cri résonne. L'élu sent son coeur palpiter et recule de quelques pas. Mais son désir de sauver Hyrule et Zelda est à la hauteur de sa peur, il s'arrête et fusille du regard celui qui fait agoniser son monde depuis plusieurs jours.

- Qu'est-ce que tu peux être naïf, héros de l'espoir... Rentrer comme ça dans ma salle de trône ? Tout seul alors que je sens encore le souffle de tes compagnons. Es-tu réellement stupide ? demande calmement Vadel. Au moins, tu as réussi à retrouver le courage.
- Vadel... Je sais tout sur toi... Fenlyr, toi, Cérès et mes parents... Tout, révèle Link avec acerbité.
La réincarnation de Ganon lève la tête au ciel et esquisse un sourire mélancolique.
- Tu étais vraiment ce nouveau-né, donc... Je me rappelle de ta naissance. Ma propre mère a aidé Paya pour l'accouchement. Dire que tu n'étais qu'un bébé... Le monde t'admirait déjà pour tes yeux et pour le symbole ressemblant à la Triforce sur ta main... Sauf Ganon qui te méprisait déjà. Chose que je n'avais pas comprise à l'époque. Lorsque ta mère a fini par dépérir aussi lamentable qu'une fleur, affaiblie à cause de l'accouchement et de sa maladie, Ganon riait. Il me disait : "Ce petit a tué sa propre mère".
Blessé par ces paroles, Link tremble de rage.
- Silence ! Je... je ne veux pas en entendre davantage !
- Au moins, Link, nous avons quelques points communs. Tu as tué ta mère, mon sang a été avant tout la cause de la mort de notre village natal. Tu veux sauver cette chère Princesse Zelda, moi je veux faire revenir une personne qui m'est chère.
- Et c'est pour cela que tu as osé faire souffrir Hyrule ? C'est pour cette raison que tu veux provoquer le chaos ?
- Ce pathétique monde m'a rejeté. Être jugé par sa différence est un acte cruel de la part de ces êtres vivants. Ils méritent de mourir... tous. Ils ne méritent pas de savourer leur bonheur alors que moi qui n'ai rien demandé, il m'était impossible d'en profiter...C'est l'oeuvre de mon péché. Un péché d'avoir vécu, un péché d'essayer de vivre normalement, un péché d'avoir enfanté par amour celle que j'aime... Oui... mais pourtant, je n'ai rien demandé... Rien..., explique Vadel avec mélancolie. Je n'ai pas demandé à être un monstre. Mais...
Il se tourne dans la direction de Link en lui adressant un sourire plus humain.
- Il m'est impossible de vivre comme un Hylien ordinaire... Donc, autant mener mon existence de monstre égoïste jusqu'au bout.
Les mots manquent à Link, troublé par l'étrange sourire de Vadel. En repensant à son statut d'élu, le privant désormais d'une vie totalement ordinaire, il regarde l'épée légendaire.
- Entre subir un péché ou en commettre un, il y a une grande différence, Vadel... Ce que tu as fait, c'est impardonnable. Il faut que Ganon meure pour de bon ! Surtout que ton but est vain puisque Cérès est...

Une incroyable aura violette le repousse avec une force surhumaine pour l'empêcher de poursuivre sa phrase. Atterri contre le mur pierreux, Link s'écroule au sol, pris d'une quinte de toux. Mais alors qu'il s'apprête à se lever, deux Yigas se téléportent juste en face de lui. Avec violence, ils le plaquent contre le mur et l'électrocutent grâce aux anneaux. En sentant ses organes trembler, notamment la décharge qui trouble les battements de son coeur, Link gémit de douleur. Il ressent l'envie de mourir pour ne plus connaître une telle souffrance. Les deux Yigas le maintiennent avec facilité comme si c'était une carcasse à viande. Confiant, Vadel s'approche dans sa direction et lui empoigne le cou. Agonisant, la respiration de Link est haletante et ses yeux affolés ont du mal à rester ouverts.

- Ne t'en fais pas. Tu ne souffriras pas longtemps. Il faut tout de même que tu assistes à la mort de ta chère Zelda. Je veux te récompenser pour tes efforts avant que tu ne puisses la rejoindre dans les cieux. Là où tes parents t'attendent.
- Non... Vadel... Lib... libère Zelda..., supplie-t-il, ayant beaucoup de mal à parler.
Vadel lâche sa poigne et se retourne.
- Toutes mes excuses, mais j'aurai besoin de son cadavre. Regarde bien, ne loupe aucune seconde, annonce-t-il en claquent des doigts.
Un Yiga se téléporte dans la salle en faisant entrer Zelda. Vêtue d'une longue robe blanche, la jeune fille a l'air d'être affaiblie et a du mal à bien se tenir debout. Affaibli, Link la regarde.
- Zelda..., murmure-t-il avec douleur.
Les yeux rouges vides comme un pantin, Zelda bouge à peine. Elle semble être hypnotisée. Sûr de lui, Vadel se retourne vers l'aura de Ganon, toujours sous la forme d'un brouillard rouge. En levant sa main gauche dans sa direction, son fragment de la force commence à jaillir.
- Vadel ! Arrête ! hurle haut et fort une voix à l'entrée.

Les yeux horrifiés, Vadel interrompt son geste et fait volte-face. Chacun se retourne. Sous l'allure de l'apparence d'une belle jeune femme aux longs cheveux bruns, Luna entre, le regard oscillant entre la peur et la froideur. Sa tenue n'est pas abîmée, bien que sa chemise soit désormais trop grande pour elle.
En revanche, son épaule est toujours couverte de sang à cause de la brûlure et quelques gouttes ont teinté son cou mince.
- Lu... Luna, murmure faiblement Link, surpris de la voir ainsi.
Bouleversé, Vadel la dévisage avec stupeur. Il en est même effrayé. À la fois émue et attristée de revoir celui qu'elle aime après tout ce temps, Luna sent son coeur cogner contre sa poitrine. Les yeux emplis par l'émotion, elle avance un peu.
- Vadel... C'est moi, Cérès ! Je suis vivante ! Donc, je t'en conjure d'arrêter tout ça ! Arrête cette folie par pitié ! Oublie tout ça !
Ganon hurle, frustré de la sentir. Son aura s'agite autour de son hôte. En sentant ses mots se perdre dans sa gorge, Vadel la regarde avec horreur. Elle lui paraît si réelle, si belle et si humaine. Près de lui, Luna lui empoigne la chemise blanche en se blottissant contre lui.
- Vadel... N'écoute plus Ganon ! s'exclame-t-elle afin de lui faire entendre raison. C'est bien moi ! Je suis en vie ! Je n'ai jamais succombé à la maladie qui a été provoquée par Kurna ! Je t'en prie ! Crois-moi !

Elle lève la tête avec un sourire mélancolique pour mieux le regarder. Ganon continue toujours de hurler, comme s'il veut raisonner Vadel. Les yeux à moitiés ouverts, Link assiste à la scène.
- Après des années de séparation, je te retrouve enfin..., poursuit Luna, n'arrivant plus à retenir ses larmes. Abandonne cette idée et vivons tous les deux dans notre maison qui nous attend sur le mont Hébra... Comme autrefois, loin des Yigas... Je veux rester avec toi. Tant pis si nous devons encore souffrir, je veux que tu restes avec moi et que tu renonces à cette folie ! Il n'est pas trop tard Vadel. Si tu pries pour la Triforce, tu pourras réparer toutes tes erreurs... Prier la guérison d'Hyrule et des peuples.
Sans dire un mot, Vadel la contemple longuement. Cependant, il ne partage pas la même émotion que son épouse. La main tremblante, il effleure la joue gauche de Luna avec une certaine tendresse. Violemment, il empoigne son cou avant de la plaquer au sol avec une incroyable force. Horrifiée par une réaction aussi hostile, Luna tremble et essaye de se débattre. Affolé, Link tente de se défaire pour l'aider. Mais les Yigas l'électrocutent à nouveau pour le maintenir. La décharge lui arrache un cri d'effroi. Mais malgré l'horrible douleur, il essaye encore de se débattre. Faiblement, Luna ouvre les yeux et remarque une profonde haine dans les yeux de Vadel.
- Va... Vadel... Je t'en prie, arrête..., supplie-t-elle, la voix étouffée. C'est moi...

Hésitant, Vadel suffoque et la regarde droit dans les yeux en essayant de croire à la vérité. Mais hélas, en voyant le cou de la jeune femme couvert de sang, il lève les yeux au plafond. En une fraction de sang, il plante son épée dans la poitrine de Luna. Du sang éclabousse le visage de Vadel. En lâchant un cri de douleur, sous les yeux horrifiés de Link, Luna tremble et essaye de retirer l'épée.
- Va au diable, Kurna... Cette comédie a suffisamment duré..., lui déclare froidement Vadel. Moi qui pensais m'être débarrassé de toi, il fallait que je m'en occupe moi-même... Après tout, c'était l'ordre de Ganon...
Souffrante, Luna lève sa main et empoigne faiblement celle de Vadel.
- Va... Vadel... N... non..., supplie-t-elle, la respiration haletante. Je... je ne peux pas mourir alors que je t'ai enfin retrouvé... Je... je t'ai toujours ai... aimé... Vadel... Crois-moi... Par pitié, arrête... tout ça...
En fermant les yeux avec agonie, le souffle brusquement perdu, la main de Luna tombe dans sa flaque de sang. Silencieux, Vadel se lève, mal à l'aise en voyant le corps de Cérès en sang. N'arrivant plus à bien respirer comme s'il suffoque, Link tremble et ne lâche que des gémissements d'effroi.
- Non... Luna ! crie-t-il d'une voix déchirée.
Aussitôt, après avoir entendu le prénom "Luna", Vadel se tourne vers Link avec un horrible doute.
- Lu... Luna... ? répète-t-il. Mais ce prénom, c'était... Mais... Comment peux-tu... le savoir... ? Tu n'étais pas là !
- Luna est Cérès... ! Elle était vivante ! réplique Link haut et fort. Et toi tu l'as... tu l'as...

N'arrivant plus à prononcer un mot à cause de sa douleur et de sa tristesse, Link éclate en sanglots. Avec épouvante, Vadel regarde longtemps Luna. Les cheveux étalés et les joues couvertes de sang et de larmes, même dans la mort, elle reste resplendissante. Il finit par remarquer le petit nounours en forme de loup tombé à côté d'elle, un objet que Kurna n'avait jamais possédé avant sa transformation.
- Luna..., murmure-t-il en fixant la peluche.
Comprenant qu'il s'est fait avoir par sa méfiance et par Ganon, Vadel tremble de plus en plus en réalisant son erreur fatale. Il tombe sur ses jambes. Au-dessus de Luna, il la secoue un peu pour la réveiller.
- Cé... Cérès..., appelle-t-il d'une voix déchirée. Cérès...
Mais hélas, la tête de Cérès se penche vers la droite, inerte. En constatant avec horreur qu'il a tué de ses propres mains la personne qu'il a aimée plus que tout au monde, Vadel retire avec affolement l'épée et la jette au loin avant de la soulever dans ses bras. La tête de Luna se penche vers l'arrière et le froid a déjà gagné son corps. Elle est morte depuis plusieurs secondes.
- Non... Qu'ai-je... qu'ai-je fait... ? Cérès... Cérès ! Ouvre les yeux ! Cérès !

Les larmes aux yeux, Vadel la fixe avec horreur. Avec impuissance, chacun assiste au choc du souverain, de plus en plus humain. Ganon hurle derrière lui, perdant de plus en plus patience. Link ne bouge plus, comme s'il abandonne tout. La douleur d'avoir perdu son alliée d'une façon aussi atroce le fait terriblement souffrir. Il n'a rien pu faire pour la sauver. Rien. Mais Vadel éclate de rire, possédé par une folie encore plus malsaine que celle de Ganon.
- Mais... mais oui... Tout... tout n'est pas perdu... Après tout... ce n'est pas moi qui l'ai tuée... C'est la trahison elle-même qui m'a trahi... C'est de sa faute... Moi... moi je n'y suis pour rien ! Haha..., s'exclame-t-il avec un regard délirant. Si Cérès est morte pour de bon, je pourrai toujours la ressusciter ! Finalement, ça change peu ! Mon rêve reste toujours le même !
Vadel pose le cadavre de sa bien-aimée au sol et se tourne vers Ganon en marchant très étrangement. Ainsi, il lui tend sa main gauche en sang.
- Ganon ! Invoquons ensemble la Triforce ! hurle-t-il avec un sourire hystérique malgré la présence de ses larmes. Il est l'heure !
- Non ! crie Link en se débattant. Vadel ! Laisse Zelda en dehors de ça !

Mais les Yigas le torturent encore une fois pour le faire taire. Vadel ignore ses protestations et conserve toujours la lumière dorée. Aussitôt, le fragment du courage et celui de la sagesse quittent la main des deux porteurs pour rejoindre l'éclatante lueur à la main de Vadel. Les trois morceaux se tournent entre eux comme s'ils effectuent une danse rituelle avant de s'assembler. L'aura monstrueuse de Ganon recule, effrayé par cette lumière. Finalement, un symbole triangulaire illumine toute la salle de trône, laissant les Yigas ébahis. La Triforce légendaire. Link et Zelda, peu conscients, fixent le symbole qui a tant brillé et bercé leur destin. En la contemplant après tant d'années, Vadel s'approche et pose la main sur le pouvoir béni des dieux. Un Yiga approche Zelda du pouvoir.
- Oh Dieux ! Écoutez ma requête ! Que la Princesse Zelda Emilia Hyrule, réincarnation de la Déesse perde son âme pour récolter celle de Cérès Dragmir ! Que le sacrifice s'accomplisse ! prononce haut et fort Vadel.
La Triforce brille de plus en plus fort, prête à exaucer son souhait.

Chapitre 39 : Ganon, l'entité de la mort   up

La Triforce continue de briller de mille éclats. Elle aveugle tous les êtres qui la contemplent avec ébahissement. Mais peu à peu, la lumière dorée s'affaiblit pour finalement disparaître, bien que le symbole sacré flotte toujours au coeur de la salle du trône. Zelda s'agenouille en posant les mains sur ses yeux, prise d'un soudain malaise, tandis que les Yigas reculent avec peur. Vadel s'agenouille et tient la princesse contre lui.
- Cérès... Est-ce que tu m'entends... ? demande-t-il d'une voix plus attentionnée.

Silencieuse, Zelda ouvre les yeux, ses prunelles toujours aussi rouges. Instantanément, le visage de Vadel se décompose. Finalement, la princesse le repousse et recule bien qu'elle soit affaiblie. Le soulagement à la hauteur de sa peur, Link perd presque connaissance, complètement affaissé.
- Non... Pourquoi ça n'a pas marché ? s'indigne Vadel avec un regard fou furieux en se retournant vers la Triforce. Pourquoi ?
- La Triforce n'accorde pas la résurrection aux meurtriers..., déclare une voix monstrueuse et désincarnée.
Link se réveille un peu après avoir entendu ces étranges paroles prononcées par l'entité dans l'ombre de Vadel.
- Ganon... Qu'est-ce que cela signifie à la fin ? Réponds-moi ! insiste Vadel d'une voix déchirée.
Ganon lâche un rire cynique avant de poursuivre :
- Mon pauvre Vadel... Tu as tué cette fille de tes propres mains avec haine. Ton pathétique souhait est désormais impossible à se réaliser.
- Non ! s'exclame Vadel avec horreur en avançant vers la Triforce. C'est impossible ! Ganon ! Accorde-moi mon souhait, tout de suite !
- Tu n'as pas compris... Je ne suis pas à tes ordres. C'est toi le pantin et c'est toi qui es devenu mon corps depuis cette nuit où la lune de sang a brillé dans le ciel. Mais, à cause de ces deux personnes qui t'ont réellement considéré comme leur fils et la sensiblerie de cette... fille, tu as su acquérir une personnalité bien humaine. Ta conscience devenait trop grande au fur et à mesure... Très dangereuse pour ma propre existence. Heureusement que grâce à mes conseils, tu as été intelligent pour avoir manipulé ces Yigas en jurant une promesse dans le néant alors que tu désirais les sacrifier.

Sous le choc, Vadel fixe le cadavre de Luna à ses côtés. Il s'effondre sur ses jambes en succombant à son désespoir.
- Alors tout ce que j'ai fait ou vécu n'a... n'a servi à rien... Non... Oh bon dieu ! Non ! craque-t-il, les mains posées contre son visage tremblant.
- Seigneur Vadel... Est-ce vrai... ? s'étonne un Yiga, la voix féminine, ne voulant pas y croire. Vous nous avez menti... ? En plus, vous avez réellement prévu de nous sacrifier ?
Vadel ne répond pas, toujours désemparé.
- Vous nous avez trahis ! hurle un autre Yiga avec amertume. J'avais confiance en vous ! Vous m'aviez promis de sauver ma fille !
- Allez tous au diable..., répond Vadel en se levant avec un regard hystérique.

Révoltés, les Yigas lâchent Link et accourent dans sa direction. Vadel invoque une aura violette de sa main, paralysant ainsi tous ses sous-fifres qui souhaitent se venger. En tournoyant son épée, il les tue de sang-froid. Seuls en face du comte emporté par la folie, Link et Zelda sont impuissants. Mais en se tournant vers le cadavre de Luna, l'élu sent les larmes lui monter aux yeux, anéanti par la mort de son amie. Faiblement, il rampe vers elle avant de lui tenir la main froide et inerte.
- Luna..., murmure-t-il. Non... Pas toi... Tu ne peux pas être... morte...
Zelda s'agenouille pour le soutenir, comprenant la tristesse accablante de son ami.
- Comme cela, nous nous retrouvons à nouveau... porteurs du courage et de la sagesse... Tel est notre destin, déclare Vadel d'une voix monstrueuse.

Link et Zelda le dévisagent avec épouvante. Vadel se dirige vers eux, les yeux rouges clairvoyants. Sa peau prend un teint cadavérique et ses veines ressortent. Son corps n'est devenu qu'une marionnette qui a du mal à se déplacer. Déplacé par l'âme de Ganon.
- Notre destin est de se confronter, encore et encore... La malédiction nous poursuivra à tout jamais tant qu'Hyrule restera intact...
En conservant son sang-froid, Zelda se lève en serrant ses poings.
- Cette fois-ci, tu as réussi un coup de maître, Ganon... Cependant, je ne te laisserai plus propager la souffrance encore plus longtemps, que ce soit au peuple d'Hyrule ou même au comte Vadel y compris..., déclare-t-elle d'une triste voix malgré la rancune.
- Princesse... Il y a un siècle, vous avez eu la brillante idée d'avoir vendu votre âme à Argota... Mais à présent, seule la mort peut vous libérer de votre tourmente insensée. Laissez-moi apaiser votre souffrance avant que vous embrassiez la mort ! hurle Vadel possédé en accourant dans sa direction pour l'achever.

Au dernier moment, Link pare l'épée avec froideur en surmontant ses douleurs. Son regard plongé dans celui du pantin, il retient son souffle.
- Toujours là pour se dresser sur mon chemin. N'éprouve plus la peur de vivre, tu ressentiras la même souffrance que celui que j'ai tué à mon plus grand bonheur il y a un siècle !

Link recule et lève l'épée au ciel. La lame scintille. Avec une incroyable puissance, il abaisse son arme en direction de Vadel. Le pantin contre-attaque et enlève sa cape noire pour plus d'aisance. Mais étourdi à cause du corps engourdi de Vadel, Ganon tombe sur ses jambes avec maladresse. Alors qu'il s'apprête à se lever, il reçoit un canon de lumière blanche qui le paralyse. Link se retourne avant de constater que la source vient directement de Zelda, les deux mains tendues en avant.
- Tue-le, Link ! Si Vadel meurt, Ganon ne sera plus qu'une aura ! hurle la Princesse en ignorant le sang en train de couler de sa bouche.

Malgré son inquiétude, Link se retourne avec tristesse en direction de Vadel. En s'approchant vers lui, l'élu s'agenouille devant le comte tant tourmenté. Ayant eu l'emprise sur la conscience de Ganon, Vadel le regarde avec un air poignant, laissant transparaître sa dernière part humaine. Ses yeux sont cette fois-ci gris. La couleur de sa véritable nature. Tremblant, il lui sourit tristement avant de lui supplier :

- Link... Tue-moi pour que je puisse... revoir Cérès... Empêche Ganon... de... de tout détruire... Dépêche-toi... Je n'arriverai plus à... le retenir...
En s'efforçant de rester impassible, Link lève la tête en inspirant un bon coup pour retrouver le courage d'accepter cette triste faveur.
- Luna... Pardonne-moi..., murmure-t-il.

Les yeux fermés, il poignarde Vadel en plein coeur. Avec un sourire mélancolique, le comte reste insensible à la douleur et s'écroule au sol, à présent inerte. Link retire l'épée et évite de regarder le corps en sang de Vadel. Loin d'être insensible, à genoux, Zelda lâche une larme de sang. Mais elle tremble de plus en plus. Son pouvoir l'a affaibli. Mais aussitôt, une aura repousse Link avec hargne. Contre toute attente, le corps de Vadel devient aussi noir qu'une ombre. L'aura maléfique pose sa main sur la Triforce, toujours maintenue. Zelda lâche un cri d'effroi, les mains plaquées sur sa bouche en sang.

- N... non ! hurle Link en accourant dans sa direction pour tenter de l'arrêter.
Mais ne pouvant pas avancer à cause d'une barrière invincible qui le repousse, il tente désespérément de la briser. Subitement, le corps de Vadel déploie le pouvoir du fragment de la force.
- Cet être abject est... mort... Bien..., déclare-t-il avant de se tourner vers la Triforce.
Avec beaucoup de mal, il prononce :
- Oh grand Dieu ! Exauce ma requête. Que ma puissance d'antan revienne pour gouverner la noirceur d'Hyrule à tout jamais !

La Triforce, contrainte de réaliser le souhait le plus néfaste, brille et l'aura de Ganon se transforme en une horrible créature. Le château tremble et de nombreux murs et tableaux se fissurent. Les décorations appartenant à l'histoire se brisent. Sous le choc, Link regarde autour de lui avec affolement. Rapidement, Zelda lui tient le bras. Elle s'empare de la flûte et entonne à contrecoeur la mélodie de la téléportation pour s'envoler dans le ciel avec lui. La Triforce se sépare pour de bon au moment où le plafond tombe sur le siège du trône. Ainsi, sous les yeux de chaque peuple, notamment Impa, Azul, Teba et Melinda, le château royal s'effondre, mettant fin à la légende des héros et à la royauté.
- Oh mon dieu... Non..., murmure Impa en tombant sur ses jambes, envahie par le désespoir.

Azul plante sa lance pour se tenir comme une personne âgée, terrifié par la présence de Ganon qui se manifeste en chair et en os. Plus de vingt mètres de haut, l'entité maléfique est à la fois impressionnante et effrayante à regarder. Les deux cornes pointues, la crinière rouge chatoyante et la fourrure noire comme un fauve, Ganon hurle au ciel. À quatre pattes, il casse tout dans les alentours. Il détruit pour de bon les restes du château.
- Pourquoi nous nous sommes battus... ? La Déesse Hylia nous... a abandonnés ? se demande Melinda au bord des larmes.
Pris d'un malaise, Teba plaque son dos contre l'arbre. Tous les peuples assistent avec effroi à la résurrection inévitable de Ganon.

* * *

De leur côté, projetés dans la forêt morte dans les alentours du château, Link et Zelda assistent à la scène au loin à partir d'une colline. Link avance au bord de la falaise, terrifié par l'apparence hideuse de Ganon. Le cauchemar devenant réalité, il pose la main sur ses yeux, abattu.

- J'ai... j'ai échoué à mon devoir..., déclare-t-il en se tenant debout avec difficulté. Tout est perdu... Je... je n'ai pas réussi comme "eux"... Et puis, Luna... Pa... Pawel...
Les larmes aux yeux, Zelda l'enlace avec tendresse par l'arrière pour le soutenir.
- Link... Tu as fait tout ce que tu as pu... Nous... nous avons échoué tous les deux cette fois-ci... Le sang de la Déesse nous a abandonnés, nos fragments sont plus faibles...

Link a envie de sangloter ou même de hurler. En sortant la peluche de Luna qu'il a pu récupérer à temps, il repense à sa propre impuissance. Désespéré, il l'empoigne.
- Si Ganon revient encore et toujours, c'est bien parce que Hyrule est destinée à mourir tôt ou tard... Nos prédécesseurs ont seulement retardé l'inévitable..., constate désespérément Link.

Sur ses paroles, il dégaine l'épée de légende et la fixe comme si une sombre idée le hante. Résigné à son échec, il la dirige aussitôt vers son cou, prêt à se trancher la gorge.
- Link ! Ne fais pas ça ! supplie Zelda avec une terrible peur en retenant son bras droit.
Link ne répond pas et esquisse un sourire attristé en la regardant.
- Pourquoi, au final ? Je n'ai pas été l'élu idéal pour rendre la lumière à Hyrule... Si c'était une autre incarnation, elle aurait réussi à sauver Hyrule... Mais moi qui ai renoncé au fragment du courage et qui ai écouté la peur à plusieurs reprises, j'ai échoué... J'ai déshonoré cette épée et mon fragment du courage... Mais...

Au dernier moment, il l'abaisse avec résolution. La détermination dans son regard à la fois froid et anxieux, il fixe la créature de la mort.
- Peu importe si je vis ou si je meurs, je vais... tenter d'anéantir Ganon... Autant accomplir mon unique rôle jusqu'au bout...
Longuement, Zelda le dévisage en sentant peu à peu l'espoir surgir en elle. Finalement, elle déclare :
- Alors il nous reste encore une dernière chance..., annonce-t-elle en posant la main contre son coeur palpitant. Si mon ancêtre a réussi à le faire, alors je pourrais le faire aussi...

Comprenant où elle veut en venir, Link ne répond pas instantanément. Au contraire, il la dévisage avec un affreux doute. La princesse le regarde avec mélancolie, sans oser poursuivre.
- Zelda..., murmure Link avec inquiétude. Tu vas...
- L'incroyable pouvoir de mon ancêtre qui a défait Ganon résonne en moi... Si je l'utilise, tu pourras le tuer et invoquer la Triforce pour que la souffrance d'Hyrule se dissipe. Si je suis encore en vie, c'est justement pour l'utiliser... Je sens cette chaleur au fond de moi. Elle brûle même atrocement dans mon corps. Je ne peux pas gâcher cette chance que m'a laissée mon ancêtre... Hyrule sera sauvée. Peu importe si je vis ou si je meurs. C'est bien toi qui viens de prononcer ces phrases...

Bouleversé en comprenant ce que cela implique, Link tremble. Oui, il sait bien que le sacrifice est malheureusement nécessaire. Mais il ne peut s'empêcher de ressentir la terrible peur de perdre encore une personne qui lui est chère.
- Tu es en train de me demander d'accepter un suicide, encore une fois... C'est à moi de mourir, pas toi...
- Quoi qu'on fasse, je ne vais jamais guérir... Alors je t'en prie, Link... Je... je t'ordonne de respecter ma dernière volonté et d'accepter de sauver Hyrule. Voici mon dernier ordre en tant que nouvelle reine de ce monde mais aussi... en tant qu'être vivant, ordonne Zelda avec un triste sourire.

Avec un regard poignant, Link peine à retenir ses larmes. Contraint d'accepter, il esquisse un sourire attristé en s'agenouillant respectueusement. Un geste digne d'un preux chevalier devant sa princesse.
- À vos ordres, votre Altesse..., répond-il d'une voix modulée. Que je vive ou que je meure, je resterai avec vous. À mes yeux, sachez que vous êtes la lueur la plus magnifique qui brille sur Hyrule. Bien plus que le pouvoir et la Triforce...

Touchée par cette déclaration presque amoureuse qui lui pince le coeur, Zelda lui sourit avec une immense tristesse, les cheveux et la robe bercés par le vent froid de la mort qui lui glace le coeur.

Chapitre 40 : La fin d'une légende   up

Sous le ciel rouge, Ganon se dirige en direction de Cocorico, déterminé à briser la barrière dans sa rage folle. Une fois de plus, il hurle en priant intérieurement de semer la mort sur son passage. De nombreuses créatures sont invoquées à partir d'un portail et accourent pour défier bestialement l'armée des sauveurs d'Hyrule. Ganon grogne et crache des flammes pour brûler une forêt de l'autre côté de la barrière. Finalement, elle se brise avec facilité sous sa force prodigieuse. Ainsi, les flammes consument sans vergogne la végétation fragile et vulnérable.

Au loin, le bruit de galop d'un cheval résonne sur la terre infertile. Sur le dos d'une Epona plus rapide qu'autrefois, Link et Zelda s'y cramponnent, le vent froid fouettant leur visage. Les deux élus continuent de s'approcher de Ganon. Finalement, la jument s'arrête. Link et Zelda descendent. La lueur colérique submergeant leurs yeux rougis par la peur et la tristesse, ils dévisagent le monstrueux porteur de la force. Ganon sent leur présence et se retourne en grognant comme un animal enragé. Ses crocs ressortent et n'attendent qu'une chose : déchirer la chair et broyer les os des deux élus.

L'orage se joint à sa colère et claque au ciel pour imposer ses violentes foudres. Mais les nuages noirs n'arrivent pas à pleurer, privés de leurs larmes par la lune de sang qui continue de briller dans le ciel. Zelda tente de garder son sang-froid. En inspirant un bon coup, elle tend en avant sa main droite dans la direction de Ganon. Concentrée, son fragment de la sagesse brille et un rayon de lumière intense transperce son ennemi qui hurle avec rage. De nombreux cercles dorés, précisément cinq, sont à présent visibles sur sa peau si noire. À la grande surprise de Link, un étrange objet scintillant descend lentement du ciel. Un arc doré aux flèches de lumière. Stupéfait, Link la prend dans ses mains.

- Link... C'est l'arc sacré de la Déesse. Décoche ses flèches sur les marques de Ganon. Ça me laissera suffisamment le temps de préparer une attaque qui le détruira une bonne fois pour toutes... Mais je t'en prie, fais attention à toi...

Le signe de Zelda continue de briller avec intensité, donnant à la jeune femme une apparence divine. Fasciné de la voir aussi merveilleuse mais inquiet pour son bien-être, Link plonge ses yeux dans ceux de la princesse comme s'il veut profiter de la regarder une dernière fois, tout en rassemblant son courage. Enfin prêt, Link monte sur le dos d'Epona qui hennit avant de se ruer comme une folle furieuse en direction de Ganon. Quant à Zelda, elle croise ses mains, plongée dans une prière pour maintenir les points les plus fragiles de la destruction bestiale. Avec un regard froid, Link ne flanche pas et continue de s'approcher de son cauchemar matérialisé. Alors que Ganon crache des flammes, il arrête Epona à temps et sort son nouvel arc pour décocher une flèche de lumière.

Atteignant le torse presque en plein coeur, la créature hurle en provoquant un tremblement de terre. Link agite les rênes pour se rendre à l'arrière de Ganon après avoir remarqué une autre source de lumière sur son dos. Au dernier moment, il se met debout sur Epona avant de tracter son grappin à la queue du monstre pour s'y agripper. Ainsi, il remonte à toute hâte au moment où Ganon se secoue avec frustration. La créature lève sa tête afin de cracher du feu. Les étincelles des flammes tombant du ciel, Link sort son bouclier d'Hylia pour se protéger, bien qu'il ressente une soudaine brûlure au bras droit.
Grimaçant un peu de douleur, il remonte sur le bas du dos en se protégeant toujours. Arrivé enfin à la deuxième source de lumière, il décoche la flèche dorée.

Instantanément, Ganon hurle de douleur et commence à courir avec lourdeur comme un taureau souffrant. Finalement, Link perd l'équilibre et s'agrippe à sa fourrure noire. Pour ne pas tomber, il plante l'épée de légende dans la peau de l'entité. Ganon tourne sa tête, les yeux rouges rivés sur lui, et finit par lui cracher du feu pour le brûler vif. Mais aussitôt, un bouclier doré protège Link et repousse l'attaque. Ganon se prend les flammes dans ses yeux en claquant sa tête au sol. Zelda s'est interposée après avoir senti le danger. De plus en plus faible, elle reprend sa prière, n'arrivant presque plus à se tenir debout.

Aussitôt, Link effectue un sifflement surpuissant pour appeler Epona. Il se laisse tomber pour se rattraper sur sa jument avant de passer sous le ventre de l'affreuse créature. L'arc en l'air, il décoche une nouvelle flèche à la troisième source de lumière. De plus en plus affaibli, Ganon donne un coup de patte à Epona sur le côté. Link tombe brusquement au sol. Secouée mais intacte, la jument se lève, terrifiée. Elle s'enfuit.

Étourdi par cette chute brutale, Link se lève avec beaucoup de mal. Mais tout à coup, il reçoit la patte de Ganon, qui le propulse en arrière, droit sur un rocher épineux. Mais il atterrit sur une stalagmite en pierre qui transperce sa côte gauche tout entière. En laissant échapper un gémissement de douleur, le regard de Link s'horrifie sous la gravité de sa nouvelle blessure. Avec effroi, il se dégage du rocher avec un cri et essaie de rester lucide tant bien que mal. Alors que Ganon est sur le point de lâcher un rayon surpuissant sur lui, Link remarque une petite tornade en hauteur.

Malgré la douleur et son sang qui coule, il tente d'ignorer sa souffrance et accourt en déployant sa cape rouge comme un paravoile. Ainsi, il se laisse emporter dans les airs avant de planer dans le ciel. En remarquant la quatrième source de lumière sur l'épaule droite de son cauchemar, il lâche la cape et s'empare de l'arc doré. Le cours du temps ralentit, alors qu'un éclair tombe juste derrière lui, il décoche une nouvelle flèche de lumière sur la marque. Finalement, la toute dernière marque s'illumine sur la tête de Ganon entre ses deux cornes. Link, tombé à quatre pattes au sol, se lève, le souffle court. La cape rouge atterrit derrière lui.

Alors qu'il s'apprête à trouver un moyen pour l'atteindre, une charge de lumière transperce à nouveau Ganon et fait plaquer violemment sa misérable tête au sol. Zelda le retient avec beaucoup de mal, les dents serrées et les cheveux flottants. Tout son corps baigne toujours dans la lumière mythique de ses pouvoirs divins. Sans tarder, Link décoche la flèche qui transperce la cinquième marque. Ganon agonise, n'arrivant plus du tout à bouger. La force dans ses pattes musclées l'abandonne et ses marques se transforment en sang. Froidement, Link s'approche en dégainant l'épée de légende. Instinctivement, plein d'espoir, il la lève au ciel. Son fragment du courage brille sur sa main.

Ainsi, une magnifique lumière blanche transperce le ciel, chassant les nuages néfastes, et nourrit l'éclat de l'épée en lui donnant le pouvoir ultime. Puis, de nombreuses lueurs, sous la forme d'un Hylien d'une taille différente, entourent Link. Héros du ciel, temps, lumière, vent, lande, tous semblent bénir Link et tendent leur épée sur la lame légendaire afin de l'aider. Le pouvoir sacré réveillé, les esprits disparaissent. Au dernier moment, Link abaisse l'arme en poussant un hurlement. Avec une incroyable force, le rayon de lumière tranche la tête de Ganon en deux. Du sang éclabousse le ciel. Encore vivant, il tente de se lever en suffoquant. Rancunier, Link ne lui laisse aucune chance de se ressaisir et entaille avec violence la poitrine de l'entité de la mort. L'épée de légende plantée frénétiquement dans le coeur malfaisant de Ganon, l'élu du courage la maintient en souhaitant de tout coeur que la mort l'emporte enfin. Figé, Ganon ne bouge plus, telle une malheureuse statue.

Zelda finit d'invoquer enfin sa prière. Les trois fragments quittent leur propriétaire et se tournent entre eux avant de se réunir une nouvelle fois en Triforce à la lumière éclatante.
La réincarnation de la Déesse, en pensant à la souffrance de son peuple, tend sa main sur le symbole légendaire qui illumine la plaine d'Hyrule aux yeux de tous les êtres qui le contemplent au loin des quatre coins du monde. De l'autre côté, l'épéiste s'approche faiblement de la Triforce. Mais, il sent son coeur cogner avec douleur contre sa poitrine palpitante de souffrance et de tristesse. Un horrible poids l'étouffe en regardant Zelda, briller à travers le symbole. Le corps tremblant, il ferme les paupières. En posant nerveusement sa main sur la Triforce, il hurle :

- Oh grande déesse, nourrice et protectrice d'Hyrule, accepte ma requête : condamne Ganon à une douloureuse mort éternelle ! Que la lumière d'Hyrule d'antan enveloppe notre monde !

Ainsi, un incroyable tremblement de terre résonne dans le monde entier. La Triforce brille à de nombreuses reprises avant d'éblouir instantanément Hyrule. La chair de Ganon brûle péniblement sous la chaleur du pouvoir et se décompose pour ne devenir qu'un malheureux tas de cendres. Son squelette, bien qu'il hurle encore, se brise sous la lune de sang qui montre enfin son odieux visage caché derrière la couleur rouge : grands yeux rouges aux allures meurtrières avec de grandes dents, elle fixe avec hargne chaque être d'Hyrule avant de se briser en plusieurs morceaux. Un deuxième échec après celle de l'ère de Termina. La grande lumière dorée continue de s'élargir et d'envelopper toute la contrée, touchant même la barrière de chaque terre protégée par les esprits. Ainsi, la noirceur de la mort, pendant plusieurs secondes intenses, disparaît grâce au merveilleux spectacle qu'offre le pouvoir sacré de la Triforce, marqué par un dernier hurlement monstrueux de l'aura de Ganon. Ainsi, le pouvoir ultime se décompose, ne laissant que la neige dorée tomber sur la terre aux quatre coins du monde.

Peu à peu, le souffle de la vie apparaît et le ciel, toujours aussi illuminé, se laisse envahir par de sombres nuages. C'est comme si Hyrule veut à présent pleurer sur ses cicatrices ouvertes. Peu importe la mort de Ganon, les conséquences du mal ne disparaîtront jamais. La tristesse continuera de résonner et les morts ne reviendront jamais à la vie. Malgré tout, ils connaissent enfin un repos éternel sous terre ou même dans les profondeurs des rives. Allongé au sol après avoir senti son pouvoir se dissiper, Link se lève faiblement. Bien que sa blessure continue à le faire souffrir, il résiste à l'appel de la mort. Bouleversé par tout ce qui vient de se passer, il regarde autour de lui. Ganon n'est plus, la nature a enveloppé le monde d'un ciel pluvieux. La pauvre terre infertile ne se fissure plus et reste à présent inerte, prête à reprendre le cours de la vie tout doucement. L'épée de légende brille faiblement avant de se taire pour de bon. Link la regarde longuement et la range dans son fourreau. En se retournant, il distingue au loin Zelda, allongée au sol.

Très inquiet de ne pas la voir bouger, Link marche hâtivement avant de finalement courir dans sa direction. Ses bruits de pas résonnent dans la plaine vide. Une fois près d'elle, il se laisse tomber sur ses jambes. Allongée sur le côté, les cheveux étalés, Zelda ne respire plus, les paupières fermées. Sa peau habituelle douce et chaleureuse commence peu à peu à prendre le teint cadavérique.
- Zelda..., appelle Link en douceur.
Délicatement, il la soulève dans ses bras. Sa tête se penche finalement à l'arrière et sa main tombe au sol. Dans les bras de Link, la dernière princesse royale est morte. La libération de son pouvoir l'a immédiatement précipitée à la mort. Horrifié, il a le souffle coupé. Peu à peu, il esquisse un sourire attristé en retenant avec beaucoup de mal ses larmes, à la porte de la mort aussi.
- C'est ainsi que... que j'ai obéi à votre dernier ordre. Le ciel est redevenu clair, le souffle de la vie envahit Hyrule... Votre Altesse, nous avons réussi... Oui... nous avons réussi à retrouver notre Hyrule bien-aimée...
Finalement, une larme coule sur la joue de Link qui conserve son sourire à la fois triomphant et triste.
- Si... si tu m'entendais te vouvoyer, je sais que ça te mettrait en colère... Après tout, tu es si têtue... surtout si... si têtue de m'infliger une douleur épouvantable... Tu n'avais pas le droit... de partir comme ça... Je... je... Zel... da.
Désespérément, il la serre contre lui en succombant finalement à l'hémorragie qui l'affaiblit ainsi qu'à la tristesse. Son coeur cesse de battre, tué par le chagrin et sa blessure. Les deux élus, allongés l'un contre l'autre, sont à présent endormis dans la mort après avoir accompli la fin de leur légende.

* * *

Fous d'inquiétude pour leurs compagnons, Impa et Azul partent à leur recherche en direction du château en ruine. Les statues de la déesse détruites et les vitraux brisés, le royaume mort reçoit les larmes du ciel d'Hyrule. Avec un regard poignant, la guerrière Sheikah avance jusqu'au milieu des ruines, ne reconnaissant plus le lieu qu'elle a tant affectionné jadis. Attentivement, Azul scrute les alentours en serrant les dents, le regard poignant. Sa main empoigne sa lance en tremblant.
- Il ne reste... plus rien, constate-t-il sinistrement.
- Oui..., confirme Impa, les larmes aux yeux. Plus rien du tout...

Deux objets en or scintillent au sol et attirent l'attention d'Azul. Intrigué, il s'agenouille avant de remarquer deux alliances, collées. Puis, il remarque une aile abîmée dépassant d'un mur, le corps complètement écrasé. Un animal ? Une créature ? Le Roi Zora ne préfère pas aller vérifier. Soudainement, des bruits de pas se font entendre au loin. Azul se lève et se retourne avec méfiance. Impa s'exécute à son tour. Rapidement, leurs yeux s'écarquillent. Au loin, Pawel se dirige vers eux, le bras gauche brûlé. Même si son armure est encore en bon état, il est triste à voir avec ses joues en sang. Aussitôt, les deux prodiges accourent vers ce dernier qui s'effondre sur ses jambes.

- Pawel ! Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? s'inquiète Azul en s'agenouillant à ses côtés.
En essayant de reprendre son souffle, Pawel regarde le château en ruine avec désespoir. Il déclare :
- Au moment de l'effondrement du château, alors que je perdais tout espoir de vivre après avoir réussi à tuer Kurna, Luna m'a sauvé la vie... Elle a chanté une magnifique mélodie pour appeler un grand hibou... Il m'a porté pour m'éloigner le plus loin possible du château avant la destruction...
- Luna ? Mais où est-elle ? interroge Impa, ayant du mal à garder son sang-froid, tout en soutenant Pawel presque contre elle.
Avec mélancolie, Pawel baisse la tête, les larmes aux yeux.
- Lorsque je l'ai vue, elle... était... hylienne et surtout, elle... elle n'était qu'une âme..., finit-il par avouer. Mais c'était elle... Je l'ai bien reconnue grâce à ses yeux verts... Avant que le hibou me porte, elle m'a demandé de transmettre un dernier message à Link...

Dévastés par une telle annonce, Impa se lève avec effroi, tandis qu'Azul baisse la tête. Les trois prodiges restent sonnés par la perte brutale de leur alliée. Aucun des trois ne veut croire à la triste réalité.
- Non... elle... ne peut pas être... Voyons ! Le toutou... ne peut pas être mort... Elle va revenir ! Oui... je...
Au bord des larmes après avoir tenté de sourire, Azul se retourne en plantant sa lance au sol pour mieux se tenir.
- Et Link et la Princesse Zelda... ? demande Impa, la voix tremblante. Ne me dis pas qu'ils étaient à l'intérieur du château et que...
- Non. J'ai vu une lumière dorée se diriger vers le nord-est, répond aussitôt Pawel. Nous... nous ferions mieux d'aller les chercher...

* * *

La pluie continue de tomber à verse. Au-dessus des nuages gris, une étrange silhouette vole malgré sa présence qui provoque la colère de l'orage. Argota. Comme un animal qui cherche sa nourriture, il descend du ciel et fixe longuement le corps sans vie de Link et Zelda. Il laisse sa longue langue sortir de sa mâchoire hideuse. Sa peau est toujours lacérée et ses yeux injectés de sang s'agrandissent hystériquement. Alors qu'il s'apprête à aspirer le corps de Link avec un air satisfait, il reçoit de plein fouet une boule de feu à sa tête. En hurlant de douleur, il se retourne frénétiquement avant de remarquer le dragon d'Ordinn, dans les cieux, au-dessus de la barrière transpercée. Un deuxième hurlement plus aigu résonne dans la direction opposée. Le dragon de Firone vole en laissant son corps à écailles bleues flotter gracieusement, donnant l'impression de nager dans le ciel. Celui de Lanelle, doté de l'esprit de Miphalia, sort du temple du lac Hylia pour rejoindre à son tour le ciel morne.

Frustré, Argota s'apprête à s'enfuir lâchement en suffoquant comme une bête enragée. Tremblant, il regarde avec colère à tour de rôle les trois esprits protecteurs. Mais les trois dragons foncent à toute allure, confiants de leur puissance divine. Finalement, Firone, Ordinn et Lanelle laissent échapper un puissant rayon de lumière de leur gueule ouverte pour tuer Argota. Le dragon déchu gémit de douleur. Mais trop tard. Son corps n'encaisse pas la puissante attaque de ses ennemis. Il lève la tête au ciel en lâchant un épouvantable cri. Il finit par se dissoudre. Son squelette fond en cendres, marquant ainsi la mort du quatrième esprit déchu. Une double paix qui ne suffit malheureusement pas pour les trois dragons légendaires qui fixent avec mélancolie les deux élus morts. Le dragon d'Ordinn, doté des souvenirs de Dounia, lâche une chaude larme. Tandis que l'esprit de Miphalia rugit tristement. Calmement, la protectrice de Firone lève la tête au ciel. Longuement, les trois dragons se regardent tout en partageant leur tristesse commune. Puis, ils tournent entre eux dans le ciel comme s'ils effectuent une danse rituelle. Leur dernier présent pour Link et Zelda.

* * *

Au même moment, Pawel, sur le dos d'Epona après l'avoir retrouvée, continue de les chercher. Mais une soudaine lumière blanche l'aveugle et lui arrache une grimace. En ouvrant ses yeux avec beaucoup de mal, les paupières papillonnantes, il assiste avec stupeur à la danse de trois grandes silhouettes qui disparaissent comme des fantômes. Ne comprenant pas ce qui se passe, Pawel sent sa gorge se serrer. Tout à coup, il aperçoit une étrange lueur bleue sous la forme d'une grande fée : Fay. Surpris de se confronter à une présence enchanteresse et inoffensive, Pawel ne sait pas quoi penser. Il n'ose pas prononcer un mot, En tant qu'être spirituel, Fay recule comme si elle veut le guider. Pour une étrange raison, le capitaine choisit de la suivre.

* * *

Sur les lieux, alors que les rayons du soleil transpercent légèrement les nuages noirs, la main de Link bouge tout doucement. Le fragment du courage s'illumine tout doucement. Faiblement, il se réveille. Les yeux vides encore marqués par la mort, il voit le visage inerte de Zelda. Tout doucement, il s'agenouille. Il récupère pour de bon ses sens comme la sensation de respirer ou même de sentir l'air pur au contact de sa peau. La blessure guérie, l'élu regarde ses mains avec un air incrédule.
- Je suis... vivant... ? s'interroge-t-il.
Encore engourdi, il pose la main sur l'épaule de Zelda.
- Zelda... Zelda... ? l'appelle-t-il, comme s'il espère la voir se réveiller et lui sourire.
Mais la princesse ne bouge toujours pas.

Tremblant, Link se crispe et baisse la tête. N'ayant plus la force de pleurer, il pose la main contre son thorax. Il aurait tant voulu que Zelda goutte à ce miracle. Revivre. Soudainement, il sent une main lui toucher la joue gauche. Les yeux écarquillés, il retient son souffle. Zelda le regarde avec un faible sourire. Le bleu a enveloppé de nouveau ses yeux ouverts. Sa malédiction a embrassé toute seule la mort. Argota mort, le pacte a été brisé à tout jamais. Sans dire un mot, les deux élus survivants se regardent. Puis, ils s'enlacent avec un immense soulagement. Malgré le poids de la tristesse et du choc après avoir réussi à échapper à la mort, ils restent longtemps l'un contre l'autre.

Au loin, Pawel finit par arriver sur les lieux et rejoint Link et Zelda, suivi par Impa et Azul qui arrivent quelques secondes plus tard. Rassurés de les voir en vie, la princesse et le chevalier se lèvent et se tournent vers eux. Les larmes aux yeux, Impa enlace Zelda, tandis que Pawel et Azul aident Link à mieux se tenir. Rassuré de les voir en vie, il leur sourit. Mais malgré la victoire, l'élu du courage baisse les yeux remplis de larmes en repensant à la mort de Luna. Elle ne reviendra plus jamais. Tous la regrettent pendant que le lever du soleil enveloppe Hyrule grâce à sa merveilleuse lumière orangée appelée l'espoir.

Sous son allure fantomatique, entouré par des lueurs vertes, Vadel assiste aux retrouvailles du groupe. Ganon est mort et ne trouble plus Hyrule. La culpabilité très forte après tout ce qu'il a commis par égoïsme et tristesse, il ne parvient pas à quitter ce monde en paix. Avec un triste sourire, il repense sans cesse à Cérès et à ses erreurs. Dans sa folie, il a tué celle qu'il aime et c'est pour lui l'acte le plus impardonnable. Mélancolique en regardant ses mains, Vadel baisse la tête comme si l'envie de pleurer ressurgit en lui. Mais peu à peu, il sent une présence à ses côtés. Doucement, il se retourne avant de reconnaître avec stupéfaction Cérès, devenue un esprit tout comme lui. Après avoir sauvé Pawel, elle l'a cherché désespérément. Sans aucune rancune, elle lui sourit chaleureusement, radieuse comme toujours. Elle lui tend la main, prête à lui pardonner par amour. Apeuré, Vadel la regarde longuement et la lui tend.

Tout à coup, de nombreux souvenirs ressurgissent en lui. Notamment les souvenirs de Cérès sous la fourrure de Luna. Son enfance, son amour, son voyage avec Link, ses combats et sa mort. Choqué d'avoir découvert tout ce que Cérès a enduré, Vadel baisse la tête au bord des larmes. Cérès se jette dans ses bras. Heureux de la retrouver après tant de souffrances, Vadel la serre contre lui et lui caresse les cheveux en fermant les yeux. Ils restent longtemps jusqu'à ce qu'ils disparaissent sous le soleil qui rayonne avec espoir sur Hyrule. Tout comme celui des deux élus, le lien de Vadel et Cérès restera intact et éternel. Peu importe la réincarnation.

Epilogue   up

Depuis ce jour, Hyrule est à nouveau bercé par la prospérité tant promise par le conte qui rassemble les légendaires. Chaque terre revit et laisse manifester la végétation, nourrie par le soleil.

Sur les terres d'Ordinn

Le village de Cocorico, désormais remis de l'attaque des créatures, reprend le cours de sa vie. Les maisons et la taverne réparées, Telma sourit à nouveau et sert toujours de bons repas aux clients. Au comptoir, Ingo boit d'un coup sec un verre de rhum avec un sourire plus qu'heureux, sa moustache toujours aussi bien brossée. Jovialement, le capitaine Bobby, pardonné par le peuple, et les deux soldats trinquent entre eux. Ils restent toujours inséparables.

Pawel est assis au coin de la pièce après avoir fait son dernier rapport en tant que capitaine. Il porte une simple chemise beige ainsi qu'un pantalon marron comme un simple civil. À partir d'aujourd'hui, il devient le livreur du Ranch Lon Lon. Leyna libérée de son fardeau en tant que Yiga, il n'a plus aucune raison de rester dans l'armée. Il veut rester auprès d'elle et protéger Foracalia. Avec un sourire plus apaisé, il boit une tasse de thé bien fumant pour se revigorer. La femme à la robe rouge, toujours aussi séductrice, s'approche et tente de le charmer. Elle le dévisage avec un regard éloquent en se penchant exprès. Elle espère que sa silhouette généreuse attire Pawel. Indifférent, ce dernier finit de boire sa tasse et se lève en ignorant ouvertement son interlocutrice. Aussi rouge de colère que sa robe, elle grimace en croisant ses bras. Alors que Pawel quitte la taverne après un signe d'au revoir de la main à Telma, il voit de nombreux habitants circuler librement.

Notamment une cocotte qui sautille doucement avec ses petites ailes blanches. Elle glousse. Avec beaucoup de mal, Anju lui court après en compagnie d'un homme aux longs cheveux violets et aux yeux noirs. Son époux Kafei. Enfin, elle rattrape la cocotte et la tient contre elle avec soulagement. Mais rapidement, elle sanglote en repensant à la cocotte manquante que Link a utilisée. Elle tombe sur ses jambes, inconsolable. Kafei la soutient, triste de la voir malheureuse. Soudainement, une certaine cocotte marche sur le toit de la taverne avant de se laisser tomber sur la tête de ce dernier. Anju lève la tête, stupéfaite. En effet, la cocotte dans ses bras voulait la guider pour la retrouver. Ainsi, la jeune éleveuse esquisse un grand sourire en la reconnaissant. Elle rit sous le regard frustré de Kafei.

Un peu plus haut, au village Goron, le peuple continue de vivre avec tranquillité. Seul le chef, se tenant toujours sur sa canne en bois, fixe le volcan d'Ordinn en pensant très fort à Dounia. Depuis ce jour, il n'a plus revu le dragon d'Ordinn. Malgré la tristesse, il se force à sourire en restant fier de sa fille, bien qu'il ne partage pas son sang avec elle. Mais alors qu'il s'apprête à partir, un étrange rocher bouge au sol. Intrigué, le chef Goron avance précipitamment avant de remarquer, à sa grande surprise, un bébé Goron. Grosses joues et yeux fermés, il est presque en boule. Il s'agenouille pour le prendre dans ses bras. Le même visage que Dounia quand elle était petite, le bébé lui sourit en gazouillant. Comprenant que le dragon d'Ordinn a produit le miracle de faire réincarner Dounia, le chef lève la tête vers le volcan avec un sourire heureux. Malgré son âge avancé, il est prêt à recommencer à devenir le père de la future chef des Gorons.

Sur les terres de Lanelle

À la forteresse des Gerudos, la Reine Fumya se trouve au couvent et prie sans cesse le salut de la Déesse Hylia dans l'espoir de se faire pardonner. Melinda, portant la couronne sur ses cheveux, devient la reine légitime de la civilisation grâce à sa bravoure. Émue, Kelia applaudit, tandis que Jehd assiste à la scène derrière un mur, travesti en une séduisante femme Gerudo. Il ne veut pas renoncer à son amour pour Melinda. Mais hélas, alors qu'il grelotte de froid, un melon glagla glisse de son haut et tombe finalement au sol avant de se briser, attirant l'attention de deux gardes. En le dardant du regard, les deux femmes soldats foncent dans sa direction comme des folles furieuses en pointant leurs lances à la douille tranchante. Paniqué, le chercheur s'enfuit lâchement.

Au loin, Melinda le remarque et soupire d'exaspération avant de sourire avec fierté à son peuple, déterminée à faire perdurer la paix malgré la souffrance. Quant à Vicky, désormais sujet de la nouvelle reine, elle porte une tenue Gerudo et essaye de racheter ses fautes en tentant d'oublier son passé de Yiga. Au village d'Ordiala, Asarim continue de jouer de l'accordéon avec passion. Chaque Piaf l'écoute avec la plus grande attention, savourant chaque note. Cette fois-ci, le Piaf musicien chante la nouvelle et dernière légende. Avec apaisement, Teba l'écoute, le dos plaqué contre le mur et les ailes croisées. Puis, Lana, accompagnée de sa mère de la même couleur, s'approche du Piaf blanc. Tendrement, Teba regarde sa compagne avant de prendre dans ses ailes sa précieuse fille.

Avenir également prometteur au domaine Zora. Couronnés en tant que roi et reine, Azul et Kairi sont au bord du lac Hylia. La Zora porte un oeuf bleu et le tient contre sa poitrine. Un petit Zora ne va pas tarder à naître. Heureux d'être père, Azul la regarde affectueusement avant de se tourner vers la statue de sa défunte mère. Dans le ciel, éclairé par un rayon de soleil comme une divinité, l'esprit de Miphalia, entouré par quelques lueurs vertes, les observe avec un sourire chaleureux. Ayant senti sa présence, Azul lève aussitôt la tête. Hélas, la Zora a disparu. Doucement, le roi esquisse un sourire tendre dans cette direction. Il sait que quoi qu'il arrive, elle sera toujours là à veiller sur lui et sa famille.

Sur les terres de Firone

Dans la forêt des Korogus, le bourgeon continue de sourire avec un air enfantin et son peuple l'aide à mieux articuler. Bien qu'il zozote encore légèrement, il raconte sans cesse l'histoire de Link, de la princesse Zelda et des prodiges. Falgus écoute attentivement en tenant une petite feuille comme si c'est une peluche, tandis que Mina se rend au temple de la forêt, devenu plus sûr. Dévouée, elle prie au pied de la statue d'Hylia. Mais alors qu'elle s'apprête à partir, elle se fige aussitôt.

Un autre Korogu, de la même taille qu'elle, la regarde avec un sourire gêné : son époux. Heureuse de le revoir, elle accourt vers lui et essaye de le prendre dans ses bras. Mais il n'est qu'un esprit. Elle passe à travers. Attristée, Mina laisse couler ses larmes en baissant la tête avec déception. Elle éclate en sanglots en tombant sur ses petites jambes en bois. Pourtant, l'esprit s'approche. Bien qu'il ne puisse pas la toucher, il pose la main sur la feuille de sa bien-aimée en montrant une fierté envers elle et son fils. Puis, il disparaît, regagnant le repos éternel, laissant Mina seule dans la pièce. La Korogu croise ses mains contre son torse en tronc, ne pouvant être qu'heureuse d'avoir revu une dernière fois de son vivant celui qu'elle aime tant.

Au village de Foracalia, Malon crie haut et fort le prix du lait au marché. Les affaires marchent plutôt bien pour la fermière. Malgré sa petite force, Romani tire le chariot. Mais alors qu'elle est sur le point de tomber, Talon la rattrape. Il lui adresse un sourire et prend la relève pour le chariot. Amusée, Romani le suit et lui réclame une histoire. En cherchant désespérément et rapidement une inspiration, Talon se gratte la moustache. Alors qu'il remarque une cocotte, il se met à conter la même histoire. Romani éclate de rire au plus grand soulagement de son père. Puis, Leyna vient les rejoindre. Romani court dans sa direction pour être dans ses bras, tandis que Talon entame une discussion avec elle.

Soudainement, le hennissement d'un cheval blanc attire l'attention de chacun. Ses beaux cheveux argentés dans le vent, Leyna se retourne et distingue avec joie Pawel à l'entrée. L'ex-capitaine descend et la regarde au loin. La jeune femme accourt et se jette dans ses bras. Heureux de la revoir, Pawel la contemple avec une immense tendresse. Timidement, Leyna baisse les yeux. Elle devient nerveuse. Inquiet, son époux l'écoute et lui demande ce qui se passe. Finalement, la jeune femme prend sa main et la pose sur son ventre. Comprenant aussitôt que Leyna est tombée enceinte, Pawel écarquille les yeux, puis, il s'exclame de joie et la prend dans ses bras avant de la soulever. Leyna éclate de rire sous les applaudissements de Talon et de Romani. Malon les regarde avec apaisement avant de se tourner vers la statue d'Hylia à la fontaine.

Une fois de plus, Link a quitté le village. Mais cette fois-ci avec apaisement. Bien que rien ne soit plus comme avant, aucun d'eux ne l'oubliera. Aucun. Le souffle de la vie traverse le village forestier jusqu'au coin préféré de Link donnant vue sur la plaine d'Hyrule. Ce souffle continue de parcourir jusqu'à la forêt de Firone. Finalement, il arrive au temple ancien, là où l'épée de légende repose à nouveau. Fay regarde le ciel avec un sourire bienveillant. En fermant les yeux, elle revient dans l'épée, prête à plonger pour un long sommeil jusqu'à la prochaine nouvelle légende.

* * *

Sur les terres du château d'Hyrule, la reconstruction de la citadelle avance bien. Les charpentiers, venant de chaque peuple, aident les Hyliens à construire des maisons et des boutiques. Soudain, Impa, devenue conseillère royale, lâche un sifflement surpuissant afin de prévenir tous les constructeurs. Hâtivement, chacun accourt vers le château, dont les toits atteignent et semblent toucher de nouveau le ciel. Bien que la demeure soit légèrement plus petite et qu'elle a été reconstruite en un rien de temps, un grand rideau rouge représentant la Triforce tombe sur le balcon. Tous se regroupent en face du château et lèvent leur tête au ciel.

Éclairée par la lumière du soleil, la nouvelle reine d'Hyrule avance vers la rambarde en pierre. Vêtue d'une longue robe bleue foncé, le col chemisier blanc, Zelda porte une petite couronne en or sur son front. Ses deux longues mèches sont encore plus écartées et tombent toujours sur sa poitrine. Majestueuse et magnifique, elle pose sa main gantée contre son coeur et s'incline respectueusement sous un tonnerre d'applaudissements. Heureuse pour le couronnement de sa reine, Impa la contemple au loin avec fierté. Zelda lève la tête et conserve toujours son sourire chaleureux. En inspirant un bon coup, elle se lance dans un discours pour rassurer son peuple, telle une reine avec assurance, désormais résolue à gouverner le royaume d'Hyrule jusqu'à la fin de ses jours.

* * *

Un peu plus tard, alors que le soleil s'est déjà couché et que le ciel étoilé berce le monde, Zelda sort dans le jardin. Seuls la pelouse et les arbres ont fleuri. Elle savoure l'air pur et le vent qui caressent son visage. Les yeux rivés sur une fontaine d'eau, nommée "Vadel" et la sculpture d'un loup assis semblable à Luna, la tête levée au ciel, elle esquisse un triste sourire. Les deux alliances sont accrochées au cou de l'animal. En repensant à Vadel et Luna, ainsi qu'à son propre père, elle sent une tristesse s'accaparer d'elle. Mais notamment un vide. Un immense vide depuis qu'elle ne revoit plus Link, parti pour un temps. Depuis que la prospérité nourrit Hyrule, Link a disparu sans dire un mot. Elle veut tant le revoir sourire. Et surtout, elle le désire à ses côtés.

Alors qu'elle se conforte dans ses rêves, elle entend des bruits de pas derrière elle. Elle se retourne.
Au milieu des pétales des lys blancs dansants, Link arrive dans sa direction, la cape rouge volante, toujours vêtu de sa tunique légendaire de nouveau présentable. Jovialement, Epona secoue la tête. Surprise de le revoir de sitôt, Zelda pose ses mains sur sa bouche, n'osant pas faire le premier pas. Avec un regard rempli de tendresse, Link lui tend une merveilleuse Princesse de la Sérénité. En effet, après avoir déposé l'épée de légende à l'ancien temple, il en a profité pour cueillir cette fleur. Touchée par ce geste qui la rend si heureuse, Zelda sent les larmes humidifier ses yeux et accourt dans sa direction. Ainsi, une fois de proche lui, elle l'accepte et sent la fleur de son enfance sous le regard attentionné de Link. La nouvelle reine d'Hyrule lève la tête, le regard plongé dans celui de son chevalier tant aimé qui restera à jamais à ses côtés.

Puis, un étrange hurlement surgit dans les alentours. La tête levée au ciel, Link se retourne avec stupéfaction. Silencieuse, Zelda écarquille des yeux en écoutant attentivement le chant. Elle a même l'impression d'entendre deux loups. Aussitôt, une colombe blanche vole en direction de la plaine d'Hyrule, attirée par l'appel. La tristesse dans ses yeux en tenant à nouveau la petite peluche de Luna dans sa main gauche, Link ne dit aucun mot. Il se souvient du dernier message de Luna, transmis par Pawel : "continuer de vivre sans aucune culpabilité". Finalement, l'élu du courage finit par esquisser un léger sourire comme si une incroyable nostalgie apaise son coeur. Le doux hurlement d'une jeune louve blanche, aux côtés d'un autre au pelage noir, marque ainsi l'épilogue de la légende.

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Elincya". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

Le Palais de Zelda :: Webmaster: Ariane
Design créé par Sylvain
www.palaiszelda.com :: Copyright © 1999-2024
Note légale : Ce site est protégé par les lois internationales sur le droit d'auteur et la protection de la propriété intellectuelle. Il est strictement interdit de le reproduire, dans sa forme ou son contenu, sans un accord écrit préalable du "Palais de Zelda".
retour au haut de la page
Mis à jour le 20.04.24