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Un Noël hylien

Ecrit par Ganondwarf en 2010


Note : Ceci n'est pas une histoire unique, mais un recueil de deux nouvelles !

La mue

C'était un jour d'hiver, vers la fin de l'année. Le vingt-quatrième jour du douzième mois de l'année. Une jeune femme regardait, par la fenêtre de sa misérable maison, avec ses yeux pleins de mélancolie, les enfants qui s'amusaient dans la neige. Elle se souvenait de son fils, lorsqu'il avait leur âge ; son fils qui courait sur cet épais matelas blanc, se laissait tomber puis se relevait, se retournant ensuite vers sa mère pour lui crier : "Tu as regardé, Maman ?". Oh, certainement qu'elle l'avait regardé ; et qu'elle aimerait à nouveau pouvoir inspecter les moindres détails de son sourire, de son regard brillant d'innocence...
C'est alors qu'on frappa à sa porte. Son coeur sembla s'arrêter. Elle avait peur. D'un coup, elle se remémora son amie, Eugénie. De désespoir, celle-ci avait mis fin à ses jours. Le facteur lui avait apporté la mauvaise nouvelle. Celle qui fait s'écrouler devant vous toute votre vie. Celle qui rend amers les souvenirs les plus formidables. Celle qui vous fait trembler devant l'avenir.
On frappa une seconde fois. Elle se leva lentement de son fauteuil, s'avança à pas de corbillard vers la porte et l'ouvrit. Sa vision fit grandir ses morbides hypothèses : c'était lui. Le facteur.
- Bonjour, Marianne...
- B... Bonjour, bégaya-t-elle tout en essayant de garder son calme.
Sans plus en ajouter, l'homme à la casquette rouge tendit une lettre. Cela aurait pu être une lettre tout à fait ordinaire ; cela aurait même pu être des bonnes nouvelles venant d'un ami parti dans les pays chauds ; mais non, cela n'était pas une lettre ordinaire ou une bonne nouvelle, car la couleur de l'enveloppe ne mentait pas. Elle était bleue, comme le ciel en été. Elle était bleue, comme les yeux d'un mari et d'un fils dans lesquels vous vous plongez pour oublier votre pénible journée. Elle était bleue, comme un lac où une dame, assez corpulente, s'agiterait dans tous les sens, cherchant à nager, avant son inexorable chute dans les profondeurs de l'eau.
Elle fit un signe de main à l'autre signifiant qu'il pouvait partir. Celui-ci baissa la tête, jetant au passage un coup d'oeil au ventre de la femme. "Ma pauvre Marianne...", pensa-t-il. "Et ton p'tit gars, qu'est-ce qu'il va devenir ?". Il se retourna, enfourcha sa bicyclette et repartit sans adresser quelque autre parole à la destinatrice de ce maudit papier.
Cette dernière rentra chez elle et ferma la porte à clé, afin que personne ne vienne plus la déranger pour le moment. Personne, sauf le petit être qu'elle couvait dans ses entrailles qui, à cet instant, lui donna un petit coup. Cela lui rappela que c'était pour demain. Cette pensée lui arracha une larme, qu'elle s'empressa d'essuyer. Elle ne voulait pas que les petits joueurs, dehors, la voient pleurer. Elle alla donc fermer les volets, s'assit à nouveau sur son fauteuil, ouvrit l'enveloppe et se mit à lire ces caractères affreusement sombres :
"Le caporal Jacques Farale et le soldat Jean Farale-Pénélope sont morts pour l'exemple le douzième jour du onzième mois de l'année, pour avoir refusé de combattre durant la Guerre de Gerudo."
Marianne jeta la lettre par terre et se mit à pleurer. Elle revoyait les visages des deux hommes qui lui étaient chers, que désormais elle ne pourrait plus caresser affectueusement. Elle revoyait ces moments de rires, lorsque son mari faisait des grimaces ou racontait des histoires drôles. Elle revoyait de petites et de grandes choses se déroulant en famille, qui disparaissaient aujourd'hui, enfouies dans deux pierres tombales.
Il lui sembla entendre une voix murmurer :
- Maman, pourquoi tu pleures ?
Elle se retourna et vit son fils, à peine âgé de six ans.
- Ce n'est rien mon chéri, le rassura-t-elle avec un sourire en coin. Ce n'est rien...
Elle aperçut alors, aux côtés de Jean, son mari. Tous les deux s'avancèrent ensuite vers elle. À chaque pas, son petit garçon grandissait, jusqu'à devenir un beau grand jeune homme une fois que lui et son père furent en face de la femme qui les chérissait et qu'ils chérissaient également. Jacques tendit la main vers elle.
- Ma petite femme chérie...
Marianne le regarda d'un air à la fois énervé et triste, puis le poussa en criant :
- Va-t-en !
L'homme bascula en arrière, tout en prenant la main de son fils. Ils tombèrent tous deux par terre, se fracassant le crâne et répandant leur sang sur le sol ; les pieds de Marianne baignaient dedans. Elle regarda avec horreur les deux cadavres pendant quelques secondes. Elle se lamentait à voix basse : "C'est ma faute... C'est ma faute...". Puis, elle s'agenouilla et posa ses mains dans le liquide écarlate. Elle tenta d'y voir son reflet, mais se retrouva devant la Faucheuse, qui la regardait d'un air redevable. Elle hurla : "C'est ma faute !" ; enfin, elle s'écroula et s'évanouit.

Lorsqu'elle se réveilla, tout avait disparu. Sa maison était redevenue sa maison. Elle se demanda si finalement la mauvaise nouvelle n'était qu'un cauchemar aussi. Malheureusement pour elle, la lettre était là, par terre, non loin d'elle. Elle allait recommencer à verser des larmes, mais se retint. Elle alla ouvrir les volets. Les enfants étaient toujours là, à jouer. Elle hésita à sourire ; finalement, elle ne put pas.
Marianne n'avait pas de travail. C'était son mari qui ramenait de l'argent en travaillant à la forge. Maintenant qu'il n'était plus de ce monde, qui nourrirait l'enfant qu'elle allait mettre au monde dès demain ? Les contractions se faisaient de plus en plus fortes, et elle ne pouvait cesser de penser à lui. Que deviendrait-il ? Elle n'était pas dupe. Elle savait très bien que les gens ne voudraient jamais lui donner du boulot ; pensez-vous, une femme dont le mari et le fils ont refusé de combattre, c'est forcément un signe de lâcheté ! Elle ferait honte à ses employeurs, sans aucun doute. Elle ne pouvait donc plus subvenir à ses besoins ni à ceux de son futur fils. Mais il lui fallait au moins sauver l'un d'eux.
Sa maison se trouvait non loin de la Forêt de Kokiri. Là-bas, des légendes parlaient d'un arbre très sage à la bonté extrême et à la générosité illimitée. Il veillait sur les Kokiris, un peuple d'enfants vivant dans leur propre village. Tous menaient une vie paisible et possédaient chacun une fée, qui jouait un peu le rôle de conscience et de guide. Ils organisaient des fêtes, se contaient des histoires, passaient des journées calmes et reposantes...
Elle savait ce qu'elle allait faire. Elle mit son manteau le plus chaud, ouvrit la porte de chez elle et partit en direction du sud. Au loin, le Soleil commençait à se coucher. Elle devait se dépêcher ; elle pressa le pas. Une petite fille la regarda. S'en apercevant, elle s'arrêta et fit de même. L'échange dura quelques instants. La fillette semblait demander : "Tu t'en vas vraiment ?". Et elle semblait lui répondre : "Oui, je crois. Mas ne t'inquiète pas, tu dois juste vivre.". La gamine haussa vivement un coin de ses lèvres, tout en gardant des yeux perdus, se demandant pourquoi il y avait tout ça, pourquoi ces douleurs, comme pour dire : "Bon, eh bien, au revoir.". Marianne lui adressa son plus beau sourire, et reprit sa marche.

Elle marcha plusieurs heures à une allure qui lui paraissait vive, elle qui avait ce poids en avant qui la ralentissait. La nuit était déjà tombée. Elle ne regardait pas vraiment où elle marchait ; et ce fut dans cette inconscience qu'elle marcha malencontreusement sur la fleur sur laquelle, justement, il ne fallait pas marcher.
D'un coup, la plante sembla s'élever dans les airs. Un corps massif apparut alors ainsi que des lames tranchantes en bas de celui-ci, tourbillonnant à une vitesse relativement élevée. C'était un Peahat. Très vite, ses petits le rejoignirent. Marianne était terrifiée. Les monstres s'avancèrent vers elle. Elle se mit à courir aussi vite qu'elle put, mais fut rattrapée en très peu de temps. Les lames du géniteur de toute cette petite troupe frôlaient bientôt la jeune femme. Son coeur battait à une vitesse folle. Les contractions se faisaient de plus en plus fortes. Apercevant un buisson, elle se jeta dedans pour se cacher. Elle s'allongea sur le dos et attendit ; aussi, elle préféra fermer les yeux par peur de ce qui allait se produire.
D'horribles visions s'enchaînaient dans sa tête. Elle voyait son ventre être tranché par la bête, faisant voler une tête de bébé. Pourtant, ce n'était pas lui qui avait marché sur la fleur ! Ce n'était pas lui qui avait laissé partir son mari et son fils à la guerre ! Il est innocent ! C'est elle, que vous devez tuer !
Les douleurs à son ventre redoublaient, et pourtant elle s'empêchait de crier. Elle s'empêchait de crier de douleur, bien qu'elle fût atroce. Et elle s'empêchait de crier de frayeur. La frayeur que lui causait l'image de son futur enfant se débattant, s'égosillant à hurler des bruits incompréhensibles, mais qu'elle parvenait à traduire par : "Tuez-la, pas moi ! C'est elle, la coupable ! Tuez-la, tuez-la !". Ses yeux étaient presque démoniaques. Elle aurait voulu tout abandonner, comme pour le sanctionner, et le laisser mourir. Mais elle savait pertinemment qu'elle ne devait pas ; et surtout, elle n'en était pas capable.
Elle se tira de ses pensées et tendit l'oreille pour savoir si le vent était toujours brassé par les faux en mouvement. Mais non, plus rien. Le danger était passé. Dans un lourd effort, elle se releva. Elle souffrait atrocement. Courage ! Tout sera bientôt fini ! Tiens bon, bébé !

Marianne était enfin arrivée dans la Forêt Kokiri. Elle avait continué son voyage en boitant. Toujours à la même allure, elle traversa un petit village. Tous ses habitants dormaient. Une fois qu'elle en était arrivée au bout, elle bifurqua dans un petit chemin. Au bout de celui-ci, elle le voyait. Le grand arbre, toujours prêt à aider son prochain et veillant sur les terres alentours. L'Arbre Mojo.
Elle oublia sa précédente erreur et trébucha sur une racine qui obstruait une partie de l'allée sur laquelle elle marchait. Elle tomba sur le ventre. Elle tenta de contenir ses gémissements. Pourtant, il lui semblait qu'on lui avait donné un coup de poignard à l'intérieur d'elle-même, cherchant à découper tous ses organes. Les eaux, elle les avait perdues depuis un bon moment. Mais là, elle sentait que la porte menant de son corps à l'extérieur était presque totalement ouverte. Attends ! Le chemin était presque fini. Elle continua en rampant. Elle devait arriver à l'Arbre Mojo avant l'heure, coûte que coûte. Attends !
Couchée sur le sol, elle se trouva enfin devant lui. Ses vêtements étaient déchirés. Elle était pleine de terre, de branches et de feuilles. La mort l'agrippait, la main enfouie dans son vagin. Mais elle y était parvenue. La voix tonitruante de l'arbre résonna.
- J'avais pressenti que tu te présenterais devant moi.
Marianne était impressionnée. Elle n'osait rien dire.
- Je sais aussi pourquoi tu es là.
Elle n'en croyait pas ses oreilles. Quelle formidable personne ! Une question la tourmentait. Connaître l'avis de l'Arbre Mojo, si sage, la rassurerait sûrement.
- Pensez-vous que... que je suis une mauvaise mère ?
La gigantesque créature poussa un léger rire teinté de chagrin.
- Non, bien sûr que non, tu as été la meilleure mère qu'un enfant puisse avoir. Et tu as fait ce que tu as pu pour les êtres que tu aimais et qui sont partis à la guerre. Mais, évidemment, il y aura toujours des gens pour penser le contraire.
La femme baissa les yeux. Elle était rassurée.
- Acceptez-vous d'élever mon fils, ô grand dieu ?
Il esquissa un sourire.
- Bien sûr.
Elle sourit à son tour. Alors, elle se mit sur le dos, ferma les yeux et chuchota :
- Merci...

Ses hurlements déchirèrent la nuit, terrifièrent les étoiles et attristèrent la Lune, qui versa ses larmes à côté d'Hyrule, comme pour ne pas que celles-ci ne troublent la terre sur laquelle tout était en train de se dérouler. Dans la citadelle, au clocher du Temple du Temps, les douze coups de minuit sonnaient.
Enfin, après tout cela, on put voir un petit corps, criant, sorti de la robe de la mère. Celle-ci prit son enfant dans ses bras et déposa un baiser sur sa tête, l'apaisant. Puis, elle l'allongea à côté d'elle.
- Que les déesses te bénissent, pria l'Arbre Mojo. Tu as échangé ta vie contre celle de ton enfant. Je sens que celui-ci fera de grandes choses. Mais... as-tu réfléchi à son nom ?
La femme regarda son fils, puis leva les yeux. Dans le ciel, il lui semblait voir une constellation représentant son fils, portant un bonnet, une tunique et des armes. Elle dit, avec joie :
- Link.
Enfin, ses paupières se fermèrent, et elle espéra de tout son coeur que son enfant ne connaisse jamais les souffrances de la guerre.


L'envol

"Alors, toutes les petites fées de l'Île Géminée commencent à danser autour de la Reine. C'est un merveilleux spectacle de lumières, auquel se mêlent les couleurs des fleurs et la blancheur de la neige. Petit Piaf les regarde avec émerveillement et tape des mains en même temps. "C'est vraiment merveilleux Noël !", s'écrie-t-il."

"C'est vraiment merveilleux Noël !"

Cette phrase résonna dans la tête de Link. Cette phrase, écrite dans ce livre, "Petit Piaf et les fées", qu'on lui avait offert au Noël de ses six ans. Celui-ci contenait de nombreuses images, toutes plus magnifiques les unes que les autres. Celle qui se trouvait à côté de cette phrase montrait la Reine des fées et ses sujets valsant sous les yeux de Petit Piaf, assis au milieu des fleurs. Ces dernières, ainsi que le sol, étaient recouvertes d'une chose éclatante et à la couleur d'ivoire.
C'était cela, la neige.
Le vieil Adhoc le lui avait expliqué, il y avait maintenant un peu plus d'une heure, lorsque Link avait retrouvé ce livre. Il avait dit : "Souvent, l'hiver, il neige sur les îles au climat tempéré ou plus froid encore. Mais ici, sur l'Île de l'Aurore, nous avons un climat tropical, et ainsi, nous avons la chance d'avoir du soleil tout le long de l'année.". Il avait parlé de "chance" pour eux...
Pourquoi serait-ce une chance ? Cela tourmentait Link. Lui, il rêvait de voir la neige depuis qu'il avait lu cela. Cela lui avait toujours semblé quelque chose de merveilleux. Alors non, non et non, ça n'était pas une chance ! Selon lui, c'était même tout sauf ça. Il en avait assez de ce soleil rayonnant, chaque jour. Certes, il pleuvait de temps en temps, mais ce n'était pas assez pour rompre la monotonie météorologique dont il souffrait.
- A table !
L'appel de Mémé sortit Link de ses pensées, et lui rappela que ce soir, comme pour Petit Piaf sur les feuilles de papier colorées, c'était Noël. Un Noël, encore une fois, pas assez blanc ; toujours pas assez brillant... Si seulement son cadeau, ce soir, pouvait être un peu de cette poudre magique que l'hiver éparpillait en de nombreux endroits, mais pas chez eux. Après tout, si on commémorait la naissance du Héros du Temps, aujourd'hui, on la fêtait également ; une fête, ça se devait d'être reluisant de beauté, à son avis.
Il alla jusqu'à la table du dîner. Mémé et sa petite soeur, Arielle, étaient déjà assises, prêtes à manger ; Link les rejoignit. Devant lui se trouvait un bol de soupe tout chaud qu'avait pour habitude de cuisiner sa grand-mère.
- Pour commencer, dit Mémé, je vous ai préparé la soupe que vous aimez tant. Mais ne vous inquiétez pas, après, il y aura des tas de petites et de grandes choses à manger !
- Ouais ! s'enthousiasma Arielle. Génial !
- Allez, bon appétit les enfants ! s'exclama Mémé.
- Bon appétit ! répéta Arielle.
Et le repas commença. Arielle engloutissait à grande vitesse le délicieux breuvage, tandis que Mémé, sereine, l'assimilait à petites cuillerées et répétait à sa petite-fille : "Ne bois pas trop vite, tu vas avoir mal au ventre".
Link, lui, restait à regarder la surface de la soupe refléter son visage ; il réfléchissait. Sa mamie le vit, et s'inquiéta de l'inactivité de son petit-fils. Elle essaya de chercher une raison à son immobilité dans ses yeux, et lui demanda :
- Eh bien, Link, tu ne manges pas ?
Il ne répondit pas tout de suite. Il voyait dans cette soupe un symbole de l'habitude, de la répétitivité et de l'ennui, ces maux qui rongeaient sa vie. Il retint une larme qui s'apprêtait à tomber.
- Si, déclara-t-il sur un ton morose.
Mémé le regarda quelques secondes. Elle se demandait ce qu'il pouvait bien avoir. Maintenant aussi un peu chagrinée, elle soupira et continua d'avaler ce qu'elle avait préparé.
Depuis toujours, à table et même en dehors, Link était très silencieux et renfermé. Il n'était pas du genre à lancer une conversation, mais ne faisait bien souvent que répondre aux questions qu'on lui posait. Il n'exprimait jamais ses désirs directement, mais les formulait par des questions d'une extrême politesse. Pourtant, il tentait de toujours garder ce sourire qui faisait chaud au coeur à tout son entourage ; et on ne pouvait qu'aimer ce jeune garçon avec toutes ses qualités.
Mais là, déjà que cela paraissait bizarre qu'il affiche une mine abattue, cela étonna encore plus lorsqu'il s'exclama de manière imprévisible :
- Je veux voir la neige.
Mémé et Arielle levèrent la tête de leur plat et regardèrent Link comme s'il s'agissait d'un être encore inconnu qu'elles venaient de découvrir. La doyenne de leur foyer entrouvrit la bouche, mais ne parvint pas à en sortir de mots, d'habitude emprunts de sa grande sagesse. La jeune fille se tourna vers elle et demanda : "C'est quoi la neige ?" ; mais elle ne répondit pas. Elle fut ôtée de son silence au bout d'environ une minute, et interrogea le garçon, sur un ton à la fois rieur et terrifié :
- Enfin, Link, qu'est-ce qu'il te prend ?
- Rien, je veux juste qu'on parte d'ici et qu'on s'installe là où il y a de neige ! dit Link en haussant le ton.
La pauvre dame âgée, un peu faible, semblait trembler.
- Calme-toi, voyons...
- Quoi, tu ne veux pas ? redoubla-t-il de force dans sa voix. C'est ça, hein, tu ne veux pas ?
On aurait dit qu'elle allait se mettre à pleurer. Elle n'osait pas répondre.
- Réponds-moi ! hurla-t-il.
Elle ferma les yeux ; elle essayait de cacher sa douleur. Puis, elle les rouvrit et tenta de se mettre en colère :
- Link, reste au moins respectueux et écoute-moi ! Nous avons beaucoup d'amis ici ; voudrais-tu les quitter ? Et le soleil, hein, le soleil, c'est merveilleux, n'est-ce pas ? Et sûrement plus que ta neige !
Link s'énerva encore plus.
- VOUS avez des amis ! Moi, je vois juste des gens sympathiques ; mais pour moi, un ami, c'est proche de moi, donc ça a au moins mon âge ! Ici, je ne vois que des enfants et des adultes ! Aucun adolescent à l'horizon ! Je m'ennuie ici, dehors comme à la maison ; je me lasse de ces mêmes "amis" et de ce même "merveilleux soleil" tout le temps ! Moi, je veux voir le monde, rencontrer des créatures merveilleuses et courir dans la neige ! Oh, oui, un peu de neige, si ça pouvait être au moins en ce soir de Noël ! Avec la neige et toute la beauté qu'elle déclenche, je ne m'ennuierai pas, c'est sûr !
Mémé était sous le charme de son petit-fils. Un charme teinté d'effroi, bien entendu. Ses paroles avaient été tellement puissantes. Elle gémit :
- Mon chéri, je... Enfin, nous... Tu vois bien que nous n'avons pas les moyens de partir d'ici... Ce serait une trop folle décision, et puis notre vie est ici...
Link lui jeta un regard de colère. Il se mit à faire quelques pas vers l'arrière, tout en soutenant ses yeux dans ceux de son aînée. Puis, subitement, il se retourna et se précipita vers la porte. Il l'ouvrit à toute vitesse et commença à courir dehors.
- Mémé ! s'étonna Arielle. Où il va Link ?! Il faut le rattraper !
La vieille femme partit prendre sa petite-fille adorée dans ses bras et lui murmura :
- Ça n'est rien, mon chaton... Ton frère fait une grosse colère... Il va revenir quand il sera calmé...

"C'est vraiment merveilleux !"

Link frappa trois fois de suite à la porte. Il attendit quelques instants avant qu'on vienne lui ouvrir.
- Link ! s'écria Orco. Que viens-tu faire chez moi à une heure pareille ? Un soir de Noël, en plus !
Voyant que le jeune garçon ne répondait pas, l'homme reprit :
- Bon, entre, tu vas tout m'expliquer à l'intérieur.
Pendant que son invité alla s'installer sur une chaise, le guerrier ferma la porte et se dirigea vers un petit assemblage de friandises.
- Ça donne envie d'y goûter, continua-t-il, n'est-ce pas ? Je l'ai préparé moi-même ; je vais passer la soirée chez mon frère, juste en haut, alors je voulais faire un petit quelque chose. Je l'ai fini peu de temps avant que tu n'arrives là. D'ailleurs, il sera aussi bientôt temps que je m'en aille chez lui.
Il comprit que son convive était tourmenté en s'apercevant qu'il ne s'excusait pas de s'introduire ainsi sans explication et ne le complimentait pas non plus sur le dessert qu'il avait cuisiné. Il se plongea alors dans le silence, et les deux attendirent que l'autre reparle.
C'est finalement Link qui rompit le silence :
- Viens avec moi ! Partons à la nage vers les pays enneigés ! Affrontons les océans puis le froid ensemble, comme de vrais guerriers !
Orco le regarda avec de grands yeux.
- Qu'est-ce que tu racontes ?! C'est donc pour ça que tu t'en vas de chez toi ! pour fuguer ! Mais c'est une décision absolument grotesque ! Et puis, tu t'échoueras avant même d'avoir nagé dix minutes !
Le garçon semblait horriblement déçu. Il hurla, les yeux pleins de larme :
- Vous les vieux, décidément ! Vous ne comprenez rien à rien !
Il se remit à courir et claqua la porte. Orco tenta de le poursuivre en alertant les alentours :
- Link ! Link ! Reviens !
Le garçon, arrivé au bord de la plage, sauta dans l'eau et s'éloigna vers l'horizon.
Il nagea, nagea, nagea ; il nagea tant qu'il put, à toute vitesse, de toutes ses forces ; il nagea sans regarder derrière lui, sans dire adieu à son passé ; il nagea ainsi plusieurs minutes, qui lui semblèrent tantôt très rapides, tantôt infiniment longues.
Petit à petit, il s'épuisait et ses paupières se baissaient. Au moment où il allait fermer ses yeux, il releva la tête et poursuivit de plus belle ; s'il s'endormait, se répétait-il, alors les imbéciles qu'il abandonnait auraient raison et il n'atteindrait pas son but. Il ne devait pas s'endormir ; ne pas s'endormir, ne pas s'endormir, ne pas s'endormir...
L'univers sembla tourner sur lui-même et les océans partirent remplir le ciel. Peu à peu, ils l'attiraient et l'amenaient à s'échouer, il ne savait pas trop comment nommer cela, dans les profondeurs ou les hauteurs.

"C'est merveilleux !"

Lorsqu'il se réveilla, il était allongé sur le sol ; mais pas un sol recouvert de sable ; pas un sol recouvert de plantes exotiques ; et encore moins un sol chaud sur lequel vous vous allongez pour vous sécher après une bonne baignade.
C'était un sol recouvert de neige.
Il souleva son corps pour se mettre peu à peu débout. Autour de lui, des flocons tombaient ; la neige était partout. Et sous la neige, des fleurs ; au-dessus, des fées.
C'était l'Île Géminée ! Il y était arrivé ! Ces adultes moralisateurs avaient tort ! Maintenant il était libre ! et le froid semblait même ne pas l'atteindre !
De joie, il se mit à sautiller partout. Il prenait la neige à pleine poignée et la lançait en l'air ; il se roulait dedans ; il dessinait dedans ; eût-il osé la manger, qui sait !
Il aperçut alors la Reine des Fées. Il était émerveillé par sa beauté. Ils s'approchèrent l'un de l'autre et se regardèrent longuement dans les yeux. Ils sentaient chacun monter une sorte d'hésitation et de passion.
Puis, ils se collèrent l'un à l'autre et commencèrent à danser une sorte de tango. Link sentait le souffle chaud de la Reine lui toucher le cou ; leurs visages en sueur s'effleuraient, et leurs mains moites semblaient ne plus vouloir décoller les deux partenaires.
Au fil de leur désir mouvementé, ils s'élevaient dans le ciel. Lorsqu'ils culminèrent à quelques mètres au-dessus du sol, Link pensa : "Mais je vole ! C'est incroyable ! Maintenant, je domine le monde !". Il eut subitement un fou rire qu'il ne pouvait plus arrêter ; et pendant qu'il s'égosillait, il sentait la créature le couvrir de baisers sur tout le corps, comme s'il était dévoré de l'extérieur et de l'intérieur par une chaleur intense.
Tout ce temps, il n'avait pas remarqué, trop emporté par l'ivresse du bonheur, que l'île, totalement entourée par des falaises, n'avait aucun accès à la mer ; et au moment où il s'en rendit compte, il se stoppa net. Comment aurait-il pu échouer sur cette île, s'il n'y avait aucune plage, aucun bord de mer, aucun littoral ?
En s'en rendant compte, il sentit ses pieds se geler ; le froid le parcourut. Il fut pris de fièvres atroces, le faisant tituber, au point qu'il finit par retomber sur le sol, à nouveau couché. Il ne parvenait plus à faire le moindre geste. La Reine des Fées se dirigea vers lui et commença à l'étrangler. Il se mit à tousser ; il avait l'impression qu'il ne pouvait plus s'arrêter de tousser. Il toussait, toussait, toussait...

"Merveilleux !"

Link s'extirpa de son sommeil en sursaut. Il était dans son lit, chez lui, sur l'Île de l'Aurore. Il transpirait de partout ; ses yeux et son front étaient brûlants, alors que d'autres de ses membres semblaient glacés ; il se sentait affreusement faible. Il vit sa grand-mère penchée au-dessus de lui.
- Oh, mon trésor ! se réjouit-elle. Tu es réveillé ! Je me suis tellement inquiétée.
- Mémé... chuchota Link. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Tu t'étais élancé dans l'eau, et tu avais nagé jusqu'à commencer à couler. Heureusement, Orco s'est lancé à ta poursuite et t'a sauvé. Tu étais très malade, et il t'a ramené ici. Je suis en train de te réchauffer de la soupe, en espérant que ça te fasse du bien.
Link baissa les yeux de honte.
- Je suis désolé de vous avoir causé du souci à toi et à Arielle... Et à Orco... C'était une décision inconsciente que j'ai prise. Je suis désolé. J'aurais dû vous écouter.
Mémé sourit.
- Mon grand, ta volonté était d'une telle beauté... Je comprends que tu souffres et que tu aies des rêves ; mais il faut que tu apprennes à contrôler tes désirs et à ne pas trop en demander, d'accord ?
La vieille dame embrassa son petit-fils en lui murmurant doucement à l'oreille : "Je t'aime, mon petit Link". Alors, ce dernier se dit que c'était là un magnifique cadeau de Noël, qui valait bien tous les plus beaux paysages de ce monde.

FIN

Ce texte a été proposé au "Palais de Zelda" par son auteur, "Ganondwarf". Les droits d'auteur (copyright) lui appartiennent.

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Mis à jour le 14.04.24